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2 [
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation]
6 Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il vous plaît, citer l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs, Madame le Juge.
8 Il s'agit de l'affaire IT-95-13/1-A, l'Accusation contre Mile Mrksic et
9 Veselin Sljivancanin.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
11 J'aimerais demander à MM. Mrksic et Sljivancanin s'ils m'entendent et s'ils
12 me comprennent dans leur langue.
13 L'ACCUSÉ MRKSIC : [interprétation] Oui, je peux suivre.
14 L'ACCUSÉ SLJIVANCANIN : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les
15 Juges. Oui, en effet, je peux suivre.
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez vous
17 asseoir.
18 Puis-je avoir les présentations, s'il vous plaît, pour l'Accusation.
19 Mme BRADY : [interprétation] Bonjour. Je suis Helen Brady pour
20 l'Accusation. Avec moi, mon co-conseil, M. Paul Rogers, M. Marwan Dalal,
21 Mme Najwa Navti et notre commis aux affaires, Mme Alma Imamovic.
22 Je vous remercie.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Brady.
24 Pouvons-nous avoir les présentations maintenant pour M. Mrksic.
25 M. VASIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Bonjour à
26 tous dans le prétoire. Pour la Défense de M. Mile Mrksic, aujourd'hui, nous
27 avons M. Vasic et Me Domazet.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien. Qu'en est-il pour M.
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1 Sljivancanin.
2 M. BOURGON : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Pour M.
3 Sljivancanin aujourd'hui, Novak Lukic qui est le conseil principal; Maja
4 Dokmanovic, notre juriste; Mme Marie-Claude Fournier, assistante et moi-
5 même, Me Bourgon.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien.
7 Vous savez que nous allons reprendre maintenant cette audience en appel en
8 l'affaire de l'Accusation contre Mile Mrksic et Veselin Sljivancanin. Je
9 tiens à remercier les parties qui vont répondre à certains points bien
10 précis qui avaient été soulevés dans l'addendum, l'ordre portant calendrier
11 du 12 décembre 2008. Nous invitons donc maintenant les parties à répondre
12 aux questions qui n'ont pas encore été couvertes dans les plaidoiries de
13 mercredi dernier.
14 Donc aujourd'hui cette audience va se dérouler selon l'ordre du jour
15 modifié qui a été diffusé au prétoire mercredi. Nous allons commencer
16 d'abord par la réplique de l'appelant Sljivancanin, 30 minutes.
17 Le conseil de M. Sljivancanin a donc 30 minutes pour sa réponse.
18 M. BOURGON : [interprétation] Merci. J'ai l'honneur de commencer
19 aujourd'hui au nom de M. Sljivancanin. Mais avant de faire cela, il y a un
20 point sur lequel on a attiré mon attention.
21 Mercredi, ma collègue, Mme Marie-Claude Fournier était avec moi, nous
22 l'avons présentée, certes, mais on m'a dit qu'il y avait peut-être quelques
23 difficultés. En effet, elle n'a pas été officiellement nommée sur
24 l'affaire. Elle travaille avec moi et donc j'aimerais avoir l'autorisation
25 qu'elle reste en prétoire, même s'il y a des parties de l'audience qui
26 seront à huis clos. Sachez qu'elle travaille toujours avec moi.
27 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien.
28 [La Chambre d'appel se concerte]
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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'imagine que Mme Brady ne voit aucune
2 objection à cela.
3 Mme BRADY : [interprétation] Pas d'objection.
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien.
5 Vous avez le droit de rester en prétoire, Madame.
6 M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Je remercie aussi
7 mes confrères de l'Accusation.
8 Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Bonjour à tous dans la salle.
9 Tout d'abord, j'aimerais parler de la réplique de Sljivancanin à la réponse
10 de l'Accusation, porte sur le troisième moyen d'appel, c'est-à-dire cette
11 notion d'obligation. J'ai le transcript, j'ai compris de ce que ma consoeur
12 avait cité mercredi, pages 174 et suite, ainsi que vos propres observations
13 aux pages 151 à 153. Et je tiens à vous assurer ce matin que je ne voudrais
14 pas que cette Chambre d'appel ait une mauvaise impression en ce qui
15 concerne les exigences. Il faut absolument évidemment qu'il y ait une
16 exigence de traiter correctement les prisonniers à tout moment, c'est
17 évident. Mais cela dit, j'aimerais maintenant clarifier notre position sur
18 ce point, et voici notre position :
19 En application de l'article 13 de la convention de Genève 3, les
20 prisonniers de guerre doivent être traités de façon humaine en tout temps,
21 à tout moment. Ce qui signifie, bien sûr, qu'ils doivent être protégés
22 particulièrement contre tout acte de violence envers eux. En application de
23 l'article 12 de la convention de Genève 3 et du commentaire de cette
24 convention, la responsabilité du traitement et de la protection des
25 prisonniers de guerre est une responsabilité qui est double. Une
26 responsabilité qui repose, bien sûr, sur l'état détenteur de ces
27 prisonniers de guerre ainsi que sur les agents de cet état.
28 Tous membres des forces armées, des militaires, donc d'un Etat, sont des
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1 agents de cet état. Et de fait, on peut dire que tous membres des forces
2 armées d'un Etat ont l'obligation de traiter les prisonniers de guerre de
3 façon humaine. Et d'ailleurs dans certaines circonstances, ils ont
4 l'obligation de les protéger. Donc pour l'Etat, cette obligation est
5 enclenchée dès que les prisonniers de guerre sont sous sa garde, la garde
6 de cet Etat. Pour les membres des forces armées, cette obligation de
7 protéger peut être enclenchée de deux façons : tout d'abord, si un membre
8 des forces armées capture un prisonnier de guerre, donc un prisonnier de
9 guerre sous sa propre garde, il a tout de suite l'obligation de protéger ce
10 prisonnier de guerre.
11 Deuxièmement, les membres des forces armées peuvent recevoir de la part de
12 leur commandant, le commandant qui est la personne de jure qui a la
13 responsabilité des prisonniers de guerre, mais cette responsabilité peut
14 être déléguée aux membres des forces armées qui se trouvent dans son unité.
15 Le meilleur exemple de cela, ce sont les soldats qui sont affectés pour
16 monter la garde auprès d'un centre de détention, des prisonniers de guerre.
17 Alors comment peut-on donner cette responsabilité à un soldat ou comment
18 peut-on donner cette responsabilité à un membre des forces armées ? De deux
19 façons. Tout d'abord les membres des forces armées peuvent avoir
20 l'obligation de protéger uniquement de par de leur position au sein de
21 l'unité ou ils peuvent aussi avoir l'obligation du protégé en application à
22 des missions qui leur ont été données et des ordres qui leur ont été donnés
23 par leur commandant.
24 Et nous avançons que la responsabilité qui découle de cette obligation de
25 protéger qui aurait pu être donnée à un membre des forces armées est
26 limitée à l'une chose ou l'autre; soit le fait que c'est la position même
27 du poste même de ce membre qui lui donne cette obligation ou les ordres qui
28 ont été donnés de façon très limitée par son commandant.
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1 Et ici, en l'espèce, les prisonniers de guerre étaient sous la garde du
2 Groupe opérationnel sud, ce qui implique que c'était le commandant de cette
3 unité de par sa position même, qui avait la responsabilité de jure de les
4 protéger.
5 Pour ce qui est de M. Sljivancanin, il était organe de sécurité du Groupe
6 opérationnel sud, et nous avançons donc que par ce poste, il n'avait aucune
7 obligation précise de protéger les prisonniers de guerre. Et d'ailleurs,
8 l'Accusation est tout à fait d'accord avec cette affirmation, nous l'avons
9 entendue mercredi.
10 De fait, si M. Sljivancanin avait bel et bien l'obligation de protéger des
11 prisonniers de guerre le 20 novembre 1991 s'il avait eu ou s'il aurait eu.
12 De toute manière, elle aurait été limitée, comme nous l'avons entendu
13 mercredi, à la responsabilité qui lui avait été déléguée par son
14 commandant, Mile Mrksic. De fait, nous considérons qu'au mieux M.
15 Sljivancanin se devait de protéger les prisonniers de guerre dans l'hôpital
16 de Vukovar et lors de l'opération de triage dans ce même hôpital.
17 Au paragraphe 391 du jugement, contrairement à notre troisième moyen
18 d'appel, premier sous-moyen, la Chambre de première instance a fait la
19 constatation suivante : elle a dit que la responsabilité de M. Sljivancanin
20 était allée jusqu'à s'assurer que les suspects de crimes de guerre allaient
21 être transportés à la prison de Sremska Mitrovica alors que les civils,
22 eux, devaient aller à Sid en Serbie ou devaient être envoyés sur la
23 frontière croate. Dans les deux cas, suite aux conclusions de la Chambre de
24 première instance, M. Sljivancanin devait les transporter à destination.
25 Et nous considérons, Monsieur le Président, que si la Chambre d'appel
26 confirme cette constatation de la Chambre de première instance,
27 contrairement d'ailleurs à notre moyen d'appel, une fois que les
28 prisonniers de guerre se sont retrouvés à la caserne de la JNA et qu'on a
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1 modifié le plan puisqu'il a été décidé que plutôt que de les envoyer à
2 Sremska Mitrovica - et d'ailleurs c'est Mile Mrksic qui a décidé - que
3 plutôt que de les envoyer à Sremska Mitrovica, il allait les envoyer à
4 Ovcara. Et à ce moment-là, M. Sljivancanin n'avait plus d'obligation
5 spécifique et précise envers ces prisonniers de guerre, obligation de les
6 protéger. A partir de ce moment-là, M. Sljivancanin était complètement hors
7 de circuit. Et c'est son commandant qui lui, était responsable, comme
8 d'ailleurs la Chambre de première instance a trouvé au paragraphe 300,
9 c'est lui qui était responsable du transport des prisonniers de guerre, de
10 leur sécurité et de leur destination finale.
11 Le commandant du Groupe opérationnel sud donnait des ordres à d'autres
12 officiers, recevait des informations par rapport à ce qui se passait et ce
13 qui arrivait à ces prisonniers de guerre par le biais d'autres officiers.
14 Donc à ce moment-là, M. Sljivancanin n'avait plus aucune responsabilité qui
15 lui aurait été déléguée en ce qui concerne ces prisonniers de guerre.
16 J'aimerais maintenant --
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Bourgon, est-ce que vous
18 pensez que ça a du bon sens, ce que vous êtes en train de dire, on a une
19 unité, l'unité avec son officier supérieur doit s'occuper des prisonniers
20 de guerre, on lui donne cette tâche, cette mission. Sa première destination
21 est A, ensuite c'est modifié pour aller à B. Alors, il est censé dire, Bien
22 non, je m'en vais, j'ai plus de responsabilités, je peux laisser ces
23 personnes, comme ça, à la merci de n'importe qui. Alors qu'il y a des
24 paramilitaires qui rodent dans les environs, des paramilitaires qui hurlent
25 à la mort, qui veulent se venger. On est en guerre. En guerre il faut quand
26 même être un peu souple au niveau de l'interprétation aux termes des plans.
27 On sait bien que les plans sont extrêmement mouvants pendant les périodes
28 de guerre.
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1 Alors on peut juste s'en tenir au texte et dire, Non, ça y est, j'en ai
2 terminé, je m'en lave les mains, je m'en vais, je vais me reposer ? Il faut
3 quand même appliquer du bon sens. Et il y a certains instruments qui sont
4 bien profondément ancrés dans les conventions de Genève et il y a cette
5 obligation de soins qui est absolument essentielle. Il faut, en fait, que
6 cette obligation soit remplie jusqu'à ce qu'on puisse la transmettre à
7 quelqu'un d'autre qui la remplira de façon parfaitement honnête et
8 correcte.
9 M. BOURGON : [interprétation] Je suis ravi de vos observations, je suis
10 content que vous ayez parlé de ces deux points. D'abord, le fait qu'en
11 guerre, il faut être souple, c'est vrai. Et il est vrai qu'une fois qu'une
12 personne n'a plus une obligation, cette personne n'a plus d'obligation.
13 Et en l'espèce, c'est exactement ce qui s'est passé quand
14 même : M. Sljivancanin avait une mission, il avait une responsabilité bien
15 précise à un moment en ce qui concerne le triage à l'hôpital de Vukovar et
16 après les autocars sont partis, il savait où partaient les autocars. Les
17 faits établissent d'ailleurs que c'est son adjoint qui était assis dans le
18 bus même. Donc à partir de ce moment-là, pas de problème. Mais une fois
19 qu'on a fait cessé cette obligation, parce qu'on a transmis l'obligation à
20 quelqu'un d'autre et le devoir à quelqu'un d'autre pour une autre raison,
21 c'est ça qui est établi ici. C'est qu'à partir du moment où une décision a
22 été prise que ces personnes n'iraient pas finalement à Sremska Mitrovica
23 mais qu'ils seraient remis aux membres de la TO et aux membres des
24 paramilitaires, et ce, à Ovcara. Donc à partir de ce moment-là, Monsieur le
25 Président, quand cette décision a été prise, M. Sljivancanin n'avait plus
26 aucune responsabilité. Ce n'est pas qu'il ait négligé sa responsabilité. Il
27 était à l'hôpital, on l'a bien vu, les faits l'ont montré. Il s'occupait
28 des civils qui étaient sur place. Il agissait selon les responsabilités
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1 qu'on lui avait déléguées, qu'on lui avait données en s'occupant d'ailleurs
2 de ces civils, et il l'a fait jusqu'à 14 heures 30. Mais à ce moment-là, il
3 avait plus de responsabilité puisqu'elle a été donnée à quelqu'un d'autre,
4 elle a été passée à quelqu'un d'autre. Je vous remercie.
5 Maintenant, j'aimerais répondre aux arguments de l'Accusation en ce qui
6 concerne le moyen 2 de notre appel. Donc il s'agit là de savoir si la
7 complicité par omission, forme spécifique reconnue par la Chambre de
8 première instance est reconnue dans notre Statut aussi.
9 A la page 163, l'Accusation sait la chose suivante. A notre avis, il sait
10 ce que la Chambre de première instance a fait. Elle confond complètement la
11 responsabilité par omission de l'auteur principal en tant qu'omission
12 coupable et l'aide et l'encouragement en fournissant encouragement et
13 soutien moral aux auteurs du crime, donc en étant présent sur la scène du
14 crime. Nous considérons que c'est ce problème qu'il faut que vous résolviez
15 en tant que Chambre d'appel.
16 A notre avis, l'omission en tant qu'auteur principal demande trois choses :
17 tout d'abord, que l'accusé ait l'obligation d'agir en application à une
18 règle du droit pénal; qu'il a délibérément échoué à agir, et que de ce
19 fait, il connaissait qu'elles étaient les conséquences de ces manquements -
20 - remplir son devoir; il acceptait parfaitement ses conséquences.
21 Donc même si la Chambre d'appel confirmait que M. Sljivancanin avait bel et
22 bien une obligation de protéger les prisonniers de guerre à Ovcara, il n'y
23 a aucun élément de preuve qui montre qu'il avait l'intention de ces
24 conséquences et même qu'il savait que ces conséquences allaient arriver et
25 qu'il les avait pleinement acceptées en toute connaissance de cause. De ce
26 fait, la Chambre de première instance n'aurait jamais dû le déclarer
27 coupable, ne pouvait pas le déclarer coupable pour une omission en tant
28 qu'auteur principal. Et nous considérons aussi que la Chambre d'appel, sur
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1 la base des faits et des moyens de preuve présentés, ne peut pas modifier
2 le verdict de la Chambre de première instance qui était complicité par
3 omission à omission coupable.
4 Cela dit, il y a aussi commission par omission, où là l'accusé encourage et
5 donne le soutien moral à l'auteur. Mais il faut que l'accusé soit présent
6 ou très proche de la scène du crime. Il faut aussi que la présence de
7 l'accusé à la scène du crime ou près de la scène du crime encourage de fait
8 les auteurs de crimes ou leur donne un soutien moral, c'est-à-dire qu'il
9 faut que cela contribue de façon substantielle à la commission de ce crime;
10 et enfin, il faut que l'accusé sache qu'en sa présence même à la scène ou
11 dans la scène du crime ou près de la scène du crime va aider les auteurs à
12 commettre leur crime.
13 Donc en ce qui concerne la commission par omission, il faut remarquer qu'il
14 n'est pas nécessaire, à notre avis, que l'accusé ait l'obligation positive
15 d'agir. Je l'ai expliqué pourtant mercredi, cela peut parfois devenir
16 pertinent.
17 Mais ici, en l'espèce, la Chambre de première instance parfaitement et
18 justement a trouvé que M. Sljivancanin n'avait fourni aucun encouragement,
19 aucun soutien moral aux auteurs des sévices infligés aux prisonniers de
20 guerre à Ovcara. De ce fait, la Chambre de première instance n'a pas pu le
21 déclarer coupable de commission par omission. Et très respectueusement,
22 nous déclarons que la Chambre d'appel, en se basant sur les faits, en se
23 basant sur le dossier, ne peut absolument pas modifier le verdict de cette
24 Chambre de première instance pour le transformer en commission par
25 omission.
26 Et pour étayer tout ceci, nous vous référons aux pages 162 et 163, quand ma
27 consoeur de l'Accusation a parlé de l'affaire Blaskic, disant que sa
28 situation était absolument similaire à notre affaire. Or, ce n'est
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1 absolument pas le cas. En effet, la Chambre de première instance en
2 l'espèce a bien précisé que les faits devaient être parfaitement distingués
3 de ce qui s'était passé dans Blaskic. Vous verrez au paragraphe du
4 jugement, 667, ainsi que dans les paragraphes 553 et 554 du jugement.
5 Ensuite - et d'ailleurs c'est encore plus important, lorsque Blaskic a
6 complètement négligé de prendre toute action en ce qui concerne les civils
7 qui étaient utilisés comme boucliers humains, les personnes qui ont commis
8 les délits, le crime, étaient ses subordonnés directs. Les civils qui
9 étaient détenus devant son QG étaient sous sa propre garde immédiate. Son
10 manquement d'agir portait sur lui uniquement et était lié à lui-même et à
11 ses subordonnés. La seule chose qu'il devait faire, c'était de donner un
12 seul ordre à ses subordonnés ou annuler son propre ordre et renvoyer les
13 civils dans leur village. Il n'y avait pas d'aspect d'action à prendre par
14 rapport à un parti tiers qui aurait été en train d'essayer d'infliger des
15 sévices à ces civils. C'est pour cela que le fait qu'il n'ait pas agi a été
16 considéré par la Chambre d'appel comme étant une omission délibérée et
17 intentionnelle, puisque lorsque Blaskic a quitté son QG ce jour-là, il a
18 bien dû voir les civils qui étaient détenus par ses subordonnés devant son
19 QG. Il savait qu'on utilisait ces civils comme boucliers humains. C'était
20 en cours, et la seule chose qu'il avait à faire pour protéger ces civils
21 c'était de donner un ordre. Il avait le droit de le faire. Il a décidé de
22 ne pas faire. Il est parti sans rien faire.
23 Donc Blaskic a été déclaré coupable de complicité et, de notre avis,
24 en se basant sur l'acte d'accusation, ce n'est pas très clair, mais c'est
25 parce qu'il a enfin fourni un soutien moral et un encouragement à ses
26 subordonnés qui gardaient les civils qui étaient sous leur garde. Les
27 subordonnés savaient bien qu'il était présent, et il a accepté ce qu'ils
28 faisaient. Mais ces deux scénarii n'ont absolument rien à voir avec celle
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1 qui nous intéresse, celle de M. Sljivancanin.
2 En ce qui concerne maintenant pour l'encouragement, par omission ma
3 collègue de l'Accusation a fait référence à l'affaire Essen lynching, soi-
4 disant extrêmement proche de notre affaire. Page 165. Or, ici il s'agit
5 d'une omission coupable dans l'affaire Essen lynching, et celui d'une
6 incitation de ce lynchage d'Essen.
7 Ensuite --
8 [Le conseil de la Défense se concerte]
9 M. BOURGON : [interprétation] Je manque de temps, donc je vais m'arrêter.
10 Maintenant, c'est mon confrère qui va prendre le relais.
11 Je vous remercie.
12 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Madame, Messieurs les Juges.
13 Bonjour à tous. Bonjour.
14 Pour répondre au premier moyen d'appel considérant l'erreur de la
15 Chambre de première instance lorsqu'elle a établi que Sljivancanin était à
16 Ovcara, sachez que le bureau du Procureur n'a pas pu présenter quoi que ce
17 soit. Le bureau du Procureur ne fait que répéter ce que la Chambre de
18 première instance a dit dans le jugement, sans faire référence à ce qui a
19 été dit dans l'appel, dans les moyens d'appel.
20 De plus, ce bureau du Procureur donne sa propre interprétation des moyens
21 de preuve. Par exemple, il compare le témoignage de Dodaj et de P-009 en
22 disant qu'ils étaient dans de différents endroits et qu'ils n'ont pas
23 aperçu les événements de la même façon, et que c'était quelque chose que
24 l'Accusation ne devrait pas faire.
25 En ce qui concerne le témoignage de P-009, il n'est pas fiable. On ne peut
26 pas faire de comparaison entre le témoignage de ces deux témoins. C'est une
27 erreur ici qui concerne la fiabilité de ce témoignage.
28 Nous savons que la Chambre de première instance n'est pas là pour s'occuper
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1 de chaque moyen de preuve, mais il faut voir ce qui est en Kvocka,
2 paragraphe 23, que nous avons évoqué d'ailleurs au paragraphe 76. Cela
3 confirme -- donc on intime d'un témoin qu'il a en même temps été un témoin
4 qui est celui qui n'a pas vu Sljivancanin.
5 Pour ce qui est de la conclusion de l'arrêt Nata-Kira-Timana, on voit
6 l'importance de ce qui est établi en l'espèce mais pas ici.
7 Maintenant, pour le transcript de mercredi, à la page 190,
8 l'Accusation déclare que la Chambre de première instance a bien pris en
9 compte tous ces points de vue différents, mais ça ne se retrouve pas dans
10 le jugement, alors comment est-ce que le bureau du Procureur est arrivé à
11 cette conclusion ?
12 La pièce 238 et la pièce 282 confirment uniquement que la thèse de la
13 Défense sur la manque de fiabilité de P-009. On voit bien que son
14 témoignage n'est pas fiable. Il déclare de façon très stricte qu'il n'y
15 avait aucun officier à ce moment-là ni de groupe de prisonniers, y compris
16 Dodaj. C'est ce qu'il a dit. On le voit à la page 6 283 du compte rendu
17 d'audience.
18 L'Accusation fait référence au témoignage de Berghofer, témoignage aussi
19 d'autres personnes à propos de la présence de M. Sljivancanin. Soi-disant,
20 c'est un visage qu'on ne peut pas oublier. C'est ce qu'a dit Berghofer.
21 Alors ce type de visage tout d'un coup n'est plus reconnaissable du tout
22 quand on se trouve là où se trouve Dodaj ? Pourtant, Dodaj y est resté une
23 heure. Il a observé des sévices, des passages à tabac, il a aussi dit que
24 les colonels qui étaient avec lui lui ont montré les champs devant le
25 hangar. Ça c'est la page 5 537. Il explique aussi qu'il a vu le bulldozer,
26 qu'il a vu démarrer le bulldozer, l'arrivée des officiers dans la jeep à
27 la page 5 539. Il a dit voir partir les autocars à la page 5 540. Il
28 confirme il n'a jamais vu le moindre trou être creusé devant le hangar de
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1 l'autre côté de la route. Donc il a quand même réussi à observer énormément
2 de choses, et il en a parlé d'ailleurs dans sa déposition quand il a
3 répondu aux questions de l'Accusation.
4 L'Accusation déclare que le témoignage de P-009 est parfaitement cohérent
5 avec la chronologie des événements de l'époque, ce qui devrait confirmer
6 d'ailleurs sa crédibilité. Mais nous ne disons pas que P-009 n'était pas
7 présent sur place, mais nous avançons qu'il ne pouvait pas voir
8 Sljivancanin sur place. Pourquoi ? Tout simplement parce que Sljivancanin
9 ne pouvait pas être là à ce moment-là. Un témoin, un témoin oculaire, a
10 témoigné dans ce sens. Et on voit bien que là, ça tombe bien dans le
11 déroulement des événements et de la chronologie, mais ce n'est pas pour
12 cela qu'on peut dire qu'il est crédible. Ça n'étaye pas suffisamment sa
13 crédibilité.
14 Regardez le témoignage du P-022, qui lui aussi est aux points
15 différents et qui aurait vu des exécutions. Mais lui n'a pas été
16 suffisamment fiable pour établir la responsabilité du capitaine Radic.
17 P-009 était présent et était actif sur place lorsque ces crimes ont été
18 commis. Nous ne sommes pas en train de dire qu'il a participé à la
19 commission de ces crimes, mais il dit qu'il n'a pas vu les passages à tabac
20 dans le hangar, par exemple, au compte rendu, 6 284. Il avait quand même un
21 intérêt fort à ne pas dire la vérité alors que Dodaj, lui, il n'en avait
22 pas.
23 Pour ce qui est maintenant de toutes les autres erreurs commises par
24 la Chambre de première instance et auxquelles la Défense a fait référence
25 dans son premier moyen d'appel, dans son argument oral en réponse,
26 l'Accusation n'a fait que répéter ce qui avait déjà été dit par la Chambre
27 de première instance. Elle n'a donné aucune réponse précise à quoi que ce
28 soit. Ils ont préféré, en fait, citer les paragraphes du jugement qui sont
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1 contestés. Cela se voit aux paragraphes [comme interprété] 186 et 187.
2 Je vous remercie. Nous avons terminé avec nos plaidoiries. J'aimerais que
3 M. Bourgon maintenant nous parle d'un autre sujet uniquement cinq minutes,
4 si vous pouvez nous autoriser à ce la.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous vous accordons cinq minutes, mais
6 pas plus, s'il vous plaît.
7 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je me bornerai
8 d'évoquer le moyen 5, qui a fait l'objet d'un commentaire en réponse de
9 l'Accusation.
10 Nous avons fait valoir dans nos motifs d'appel qu'il était raisonnable de
11 déduire de l'ensemble des éléments de preuve du dossier de première
12 instance, que si M. Sljivancanin était bien à Ovcara le 20 novembre 1991 et
13 est parti sans rien faire auparavant, c'est bien ce qu'il a fait et il ne
14 savais pas que, ce faisant, il aidait à la commission d'un crime.
15 Je vous en ai donné la première raison, les actions déjà entreprises à
16 Ovcara qu'il a dû voir, actions prises par le chef de l'état-major du GO
17 Sud et par le commandant de la 80e Brigade motorisée, qui étaient présents
18 tous les deux. Mais à notre avis, la Chambre de première instance aurait dû
19 aussi tenir compte de ceci : ce qu'il savait ce jour-là, à ce moment-là,
20 Sljivancanin, la connaissance qu'il avait, c'était que tant que les
21 prisonniers de guerre étaient gardés sur l'autorité de la JNA, toute
22 tentative que pourrait faire des membres de la TO de commettre des crimes
23 pouvait être enrayée et la situation pouvait être maîtrisée. Ça s'était
24 passé ce jour-là, le matin, à la caserne, même si nous affirmons que
25 Sljivancanin n'était pas à la caserne de la JNA. Mais il y avait eu
26 auparavant un autre incident. Gardé par la JNA, un groupe de prisonniers
27 avait été conduit à Ovcara avant d'aller sans problème à Sremska Mitrovica.
28 De plus, au paragraphe 672, la Chambre constate quelque chose de très
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1 important. Si les prisonniers de guerre étaient restés sous la sécurité et
2 la tutelle de la JNA à Ovcara, il était raisonnable, vu les circonstances,
3 que Sljivancanin pense que les membres de la Défense territoriale et
4 paramilitaires n'allaient sans doute pas se livrer à des crimes. Il n'avait
5 pas vu, c'est ce que nous disons, les sévices, il était raisonnable qu'une
6 fois dès lors que la situation était maîtrisée.
7 Merci, Monsieur le Président. Ceci met fin à nos plaidoiries en ce qui
8 concerne la réponse de l'Accusation.
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Bourgon.
10 Est-ce que mes confrères et ma consoeur ont des questions ? Ce n'est
11 pas le cas. Je donne dès lors la parole à l'Accusation.
12 Vous avez à votre disposition une heure, Madame Brady.
13 Mme BRADY : [interprétation] Merci.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous êtes prête, Madame Brady ?
15 Mme BRADY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
16 Est-ce que je peux esquisser les grandes lignes de nos réquisitions en
17 appel ce matin.
18 Vous le savez, nous avons présenté quatre motifs d'appel; le premier porte
19 sur l'application de l'article 5, crimes contre l'humanité aux faits du
20 dossier; motif 2, l'acquittement pour meurtre accordé à Sljivancanin;
21 troisième et quatrième motif, à notre avis, les insuffisances manifestes eu
22 égard aux peines de 5 ans et de 20 ans, respectivement, imposées à MM.
23 Sljivancanin et Mrksic.
24 J'ai peu de temps, une heure, et nous voulons faire la meilleure
25 utilisation de ce temps. Nous n'allons pas revenir sur les motifs 3 et 4
26 pour la peine infligée à M. Sljivancanin. Pour cela, nous vous présentons
27 nos arguments écrits. Ce matin, nous allons nous concentrer sur
28 l'acquittement pour meurtre, c'est le deuxième motif. Et le motif 5 - je
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1 pense que l'essentiel de cette première heure - va être consacré à
2 l'acquittement qui a été déclaré pour meurtre. Le deuxième motif, c'est moi
3 qui vous présenterai ces arguments. Mais je vais aussi, ce faisant,
4 répondre aux deux questions posées par vous, Madame et Messieurs les Juges,
5 dans l'addendum à ce motif d'appel. Il y a d'abord la question de savoir si
6 c'était un devoir permanent que le sien; deuxième question, est-ce qu'il
7 avait été informé de l'ordre de retrait donné par Mrksic, retrait des
8 effectifs de la JNA. Puis, M. Dalal, mon co-conseil, répondra brièvement à
9 la question que vous avez posée sur l'application de l'article 5 du Statut,
10 l'application de cet article de ces disponibles aux faits de l'espèce.
11 Commençons, si vous le voulez bien, si vous me le permettez, par l'examen
12 du motif que M. Sljivancanin a été acquitté des inculpations de complicité
13 de meurtre.
14 Il était condamné pour avoir aidé et encouragé à des faits de torture de
15 quelque 200 prisonniers de guerre détenus à Ovcara le 20 novembre 1991. Le
16 premier jour de l'audience, nous avons fait la preuve de la raison pour
17 laquelle cette condamnation pour crimes de complicité de meurtres doit être
18 maintenue. Mais à notre avis, sa responsabilité pénale ne devait pas être
19 considérée comme terminée là. Il aurait dû être condamné non seulement pour
20 la torture subie par les prisonniers ce tragique jour dans l'après-midi,
21 mais aussi pour les meurtres commis dans la nuit; 194 personnes ont ainsi
22 été assassinées alors qu'il avait le devoir de protéger ces 194 personnes.
23 Il disposait de pouvoirs considérables, d'une autorité considérable. En
24 dépit de cela, il n'a rien fait pour empêcher ces événements et c'est là
25 l'objet de notre appel.
26 Nous soutenons que la seule conclusion ou les seules conclusions
27 raisonnables sont les suivantes : tout d'abord, que Sljivancanin savait dès
28 le moment où il se trouvait à Ovcara que s'il ne faisait rien pour protéger
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1 les prisonniers, les violences qu'il avait vu commettre sur les prisonniers
2 par la Défense territoriale et par les paramilitaires allaient subir une
3 escalade et finir par des meurtres.
4 Deuxièmement, il est entré ce soir-là au poste de commandement de
5 Negoslavci, et il a de plus en plus su qu'il allait y avoir des meurtres,
6 parce qu'il a reçu des messages de la sécurité et il a appris que les
7 derniers hommes de la JNA devaient être retirés de l'endroit. Je vais m'y
8 consacrer à ce point, surtout en raison de la troisième question que vous
9 avez posée.
10 Troisièmement, la seule autre conclusion raisonnable, c'est que
11 Sljivancanin avait l'obligation de protéger les prisonniers, et ce devoir,
12 il l'avait pendant toute la journée, pendant la nuit aussi. Et là, je parle
13 d'après 21 heures, quand on a commencé à assassiner ces personnes. A cet
14 égard, je vais aborder par le détail cet argument pour répondre à la
15 deuxième question que vous avez posée.
16 Enfin, parce qu'il a manqué à l'obligation de prendre des mesures de
17 protection pour éviter qu'on nuise aux prisonniers cet après-midi et ce
18 soir-là. Ce faisant, par cette omission, il a contribué de façon
19 substantielle aux sévices, de tortures qu'ils ont subies, mais aussi aux
20 assassinats dont ils furent victimes.
21 La Chambre a acquitté Sljivancanin de meurtre pour des raisons qui nous
22 semblent déraisonnables. Je le dis en quelques mots d'abord, parce que la
23 Chambre n'a pas conclu qu'il savait lorsqu'il se trouvait à Ovcara que des
24 meurtres allaient être commis, parce que dans leur raisonnement, les
25 prisonniers étaient sous la garde de la JNA. C'est ce qu'on trouve pour ce
26 qui est de l'élément moral au paragraphe 673. Et là, il y a eu une erreur
27 de fait commise par la Chambre. Et en raison de cette erreur de fait, la
28 Chambre n'a pas tenu compte de la totalité de ses omissions coupables dans
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1 l'après-midi, en début de soirée aussi, donc avant le retrait de la JNA et
2 la Chambre n'a pas considéré que cette omission coupable était une
3 contribution substantielle au meurtre.
4 Autre erreur factuelle, puisque ces meurtres ont été commis après le
5 retrait de la JNA. La Chambre a considéré que du coup, il n'avait plus
6 cette autorité que lui avait déléguée Mrksic, la Chambre a dit qu'il
7 n'était pas possible de dire qu'il avait manqué à l'obligation de quelque
8 devoir légal qu'il avait envers les prisonniers. C'est l'erreur en ce qui
9 concerne l'élément matériel, paragraphe 673, et là c'est une erreur de
10 droit que commet ainsi la Chambre de première instance.
11 Enfin, la Chambre n'a pas tiré de conclusions en ce qui concerne l'état de
12 la connaissance qu'il avait à partir de 20 heures, lorsqu'il est rentré à
13 Negoslavci. Quels sont les endroits où on aurait dû trouver ces conclusions
14 dans le jugement, c'est au paragraphe 339 [comme interprété], mais il n'y a
15 pas de conclusion montrant qu'il savait qu'on avait donné à la JNA l'ordre
16 de se retirer, et c'est important ce point-là pour voir que la Chambre
17 s'est fourvoyée pour ce qui est de son obligation d'agir. En effet, la
18 Chambre a commis une erreur de droit en pensant que son obligation à lui
19 avait cessé. Puisqu'elle avait tiré cette conclusion, et la Chambre a dû
20 conclure que ce devoir demeurait, elle aurait dû appliquer les critères
21 juridiques d'examen et les normes pertinentes, ce qu'elle n'a pas fait,
22 parce qu'il savait, il savait qu'à partir de 20 heures, à partir de 20
23 heures, il savait que les prisonniers allaient être assassinés. Et je vous
24 le montrerai, c'était la seule conclusion raisonnable à tirer.
25 Voyons l'erreur commise pour ce qui est de l'élément moral sous son volet,
26 le volet que nous appelons "l'erreur de connaissance." Imaginons
27 Sljivancanin, la Chambre a conclu qu'il a dû voir les prisonniers dans
28 l'après-midi, parce qu'on a fait descendre des autobus en groupes les
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1 personnes qui étaient malades, qui étaient blessées. Ils ont été dépouillés
2 de leurs objets de valeur, de leurs pièces d'identité, après quoi ils ont
3 dû franchir une double haie de membres de la Défense territoriale, de
4 paramilitaires. Il y avait entre 10 et 50 [comme interprété] personnes de
5 chaque côté, alors qu'ils étaient roués de coups, de coups de bâton, de
6 fusil, de chaînes en métal et d'autres moyens. Déjà ceci, pris de façon
7 isolée pour un observateur qui se trouve sur les lieux, il doit en être
8 alarmé, mais d'abord ce n'était pas un événement isolé et il n'était pas là
9 par hasard, comme un passant ordinaire.
10 Voyons ce qui s'est passé. Il était commandant dans ce qu'on appelait à
11 l'époque où on considérait l'unité d'élite la plus élevée d'une armée qui
12 était déjà très disciplinée, qui avait une bonne réputation. Il avait été
13 chargé par Mrksic ce jour-là de transférer, d'évacuer les prisonniers de
14 l'hôpital. Il devait aussi assurer leur sécurité, leur sûreté, il avait été
15 autorisé à utiliser tous les hommes dont il pensait avoir besoin pour cette
16 mission.
17 Nous voyons ce qu'il savait déjà lorsqu'il fut témoin de ces scènes
18 brutales à Ovcara alors qu'elles se produisaient. La Chambre l'a constaté,
19 il était au courant, il avait connaissance des propensions criminelles de
20 la TO, mais la Chambre a aussi conclu raisonnablement qu'ils n'étaient pas,
21 qu'ils ne couraient pas le risque d'être tués parce qu'ils étaient sous la
22 garde de la JNA. Ça ce sont les conclusions qu'on trouve au paragraphe 672.
23 Mais il était tout à fait déraisonnable de penser ce que la Chambre, c'est-
24 à-dire qu'au cours des mois précédents, il savait que la TO serbe, de plus
25 en plus s'était montrée hostile par rapport aux défenseurs croates. Il dit
26 qu'il avait lu un rapport qui faisait état de meurtres sadiques. La veille,
27 pendant la nuit, il savait ce qui s'était passé à Velepromet, alors qu'il y
28 avait là des membres de la JNA régulière, c'étaient des gardes de la police
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1 militaire, de la Brigade motorisée qui surveillaient les prisonniers. En
2 dépit de cela, la TO serbe et des paramilitaires avaient non seulement
3 infligé des sévices mais avaient tué des gens.
4 Qu'est-ce qu'il savait aussi alors qu'il voyait ce qui se passait sous ses
5 yeux ? Ce jour-là, quelques heures plus tôt à peine, il savait qu'il y
6 avait des effectifs réguliers de la JNA qui s'étaient trouvés à la caserne
7 de la JNA, c'était la police militaire de la Brigade motorisée. Pourtant la
8 TO, les paramilitaires harcèlent, brutalisent ces prisonniers qui se
9 trouvent, pour le moment, à la caserne avant d'être emmenés à Ovcara. Ce
10 qui est encore plus important, ce qu'il a vu lui-même, il a vu une fois de
11 plus que les paramilitaires, la TO est présente à Ovcara. Et en dépit de la
12 présence de soldats -- une défense régulière de la JNA, la TO, les
13 paramilitaires parviennent à brutaliser sauvagement les prisonniers alors
14 qu'ils descendent des bus, paragraphe 235, et on dit qu'il y a peut-être
15 des membres de forces régulières de la JNA qui s'y sont mis aussi.
16 Il y a des conclusions qui montrent que la police militaire de la JNA, elle
17 est restée dans les bus alors que ces sévices brutaux étaient commis, et 15
18 à 20 soldats de la JNA qui étaient censés sécuriser le périmètre de cette
19 même 80e n'ont pas essayé d'empêcher ces brutalités.
20 Nous l'avons reconnu, comme l'a dit la Défense, parfois la JNA régulière
21 avait réussi à maintenir un certain ordre, une certaine sécurité dans une
22 certaine mesure; un exemple, finalement à Velepromet, la veille, lorsque la
23 JNA avait fait monter les prisonniers dans des bus. Pareil, à la caserne de
24 la JNA et aussi pendant une brève période de temps à Ovcara. Mais, au
25 mieux, la sécurité, comment la décrire et comment Sljivancanin a dû la
26 voir, comme étant tout à fait précaire, tout à fait fragile, en dépit de
27 brèves accalmies dans ces scènes de brutalité. La totalité des éléments de
28 preuve le prouve dans son ensemble, la police militaire de la JNA ainsi que
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1 d'autres unités régulières de la JNA avaient été tout à fait inefficaces
2 face à la détermination, à la résolution de la TO et des paramilitaires qui
3 étaient de se venger, de trouver les moyens de se venger et ça,
4 Sljivancanin, il le savait.
5 Quand il était à Ovcara, il savait non seulement que la TO, les
6 paramilitaires étaient tout à fait capables de tuer - c'est ce que la
7 Chambre constate au paragraphe 672 - mais ce qui est tout à fait important
8 - et là, c'est là que nous sommes en porte-à-faux avec les conclusions de
9 la Chambre - il savait que la seule présence d'un groupe assez petit de
10 soldats de la JNA, qui n'a pas reçu d'instructions précises, qui n'est pas
11 bien dirigé, ce n'était qu'un semblant, un semblant de protection pour les
12 prisonniers, et que si on ne faisait rien, si on restait impassible, la
13 situation ne serait pas maîtrisée, les sévices allaient se poursuivre, mais
14 la probabilité était réelle qu'il y ait une escalade de la violence comme
15 ça avait été le cas la veille à Velepromet et que les paramilitaires, la TO
16 parviendraient à leurs fins, à se venger des prisonniers, qu'il y ait sur
17 place des soldats de la JNA ou pas.
18 Jusqu'à présent, je vous ai parlé de l'état de connaissance qu'avait dans
19 l'après-midi Sljivancanin, c'est important de le dire parce que ceci dresse
20 le décor de ce que je vais dire, de ce qu'il savait à propos de ce soir-là.
21 Que savait-il lorsqu'il est rentré dans la soirée à
22 Negoslavci ? C'est ainsi que je veux répondre à la troisième question que
23 vous avez posée : A quel moment a-t-il appris que Mrksic avait donné
24 l'ordre à la JNA de se retirer d'Ovcara ? La seule déduction raisonnable
25 possible, vu tous les éléments de preuve, c'était lorsque Sljivancanin est
26 rentré au poste de commandement de Negoslavci ce soir-là. Il a dû prendre
27 connaissance de l'ordre donné par Mrksic de retirer tous les hommes qui
28 restaient à Ovcara, d'Ovcara ? Il est tout à fait et simplement
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1 inimaginable, vu la mission qui lui avait été confiée, vu la doctrine
2 militaire de la JNA, vu les discussions précises, concrètes, qu'il avait
3 eues à propos des prisonniers, avec ses deux subordonnés, Vukasinovic et
4 Vukosavljevic et avec son supérieur Mrksic, à son retour, il est
5 inconcevable de penser qu'il n'aurait pas été informé.
6 Parcourons ces éléments de preuve. Commençons, si vous le voulez bien, par
7 ce que dit Sljivancanin lui-même lorsqu'il dépose à propos des
8 conversations qu'il a eues à son retour à Negoslavci. Je vais d'abord
9 commencer par Vukasinovic, la discussion qu'il a eue avec Vukasinovic, page
10 du compte rendu 13 663. D'après Sljivancanin, Vukasinovic lui a dit que les
11 prisonniers avaient été emmenés ce jour-là à Ovcara et que lui,
12 Vukasinovic, avait été témoin de comportement brutal de la TO et des
13 paramilitaires à l'égard des prisonniers. Il avait réussi à rétablir
14 l'ordre et les prisonniers avaient été emmenés dans le hangar sous la
15 sécurité de la police militaire de la 80e, et Sljivancanin a dit qu'à ce
16 point il avait été surpris d'apprendre que ces hommes avaient été emmenés à
17 Ovcara.
18 Nous savons que la Chambre n'a pas cru sa surprise quand au changement
19 d'itinéraire, parce que la Chambre a conclu qu'il s'était trouvé à Ovcara
20 l'après-midi, et qu'il avait été impliqué dans la transmission de l'ordre
21 ordonnant que les prisonniers soient emmenés à Ovcara.
22 Maintenant, nous avons une deuxième conversation de Sljivancanin avec
23 maintenant son subordonné à Negoslavci Borisavljevic, et celui-ci lui
24 aurait dit qu'il y avait une réunion de ce qu'on appelait le gouvernement
25 de la SAO. Lors de cette réunion - et là je cite ce qu'a dit Sljivancanin
26 pendant sa déposition, page du compte rendu 13 664, je cite :
27 "Une décision avait été prise concernant les prisonniers emmenés de
28 l'hôpital. Ils devaient être remis au gouvernement pour que ces prisonniers
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1 puissent être échangés contre des Serbes qui avaient été capturés."
2 Donc il a deux conversations. Après avoir eu ces deux conversations,
3 qu'est-ce qu'il fait ? Il dit qu'il est allé faire rapport à Mrksic. On lui
4 a demandé pourquoi il avait été rendre compte de cela à Mrksic, et il
5 répond ceci, page du compte rendu d'audience 13 986. Je cite :
6 "Vous m'avez demandé pourquoi j'ai été voir Mrksic pour faire rapport.
7 C'est précisément ce que j'essaie d'expliquer. C'est en raison de ce que
8 lui," Vukasinovic, "m'avait dit. Quand Vukasinovic m'a parlé de ces gens
9 qui avaient été emmenés non pas à Mitrovica [comme interprété] mais à
10 Ovcara, mais ça aussi en raison de ce que Vujic avait dit à Borisavljevic,
11 c'est que quelqu'un plus haut dans la hiérarchie avait donné l'ordre que
12 ces gens soient livrés ou donnés au gouvernement, et j'ai été voir le
13 commandant pour voir si c'était vrai."
14 Reprenons la chronologie des événements. Alors d'après Sljivancanin, que
15 lui a dit Mrksic ? Rappelons-nous les conclusions de la Chambre à ce stade.
16 Mrksic, d'après les conclusions de la Chambre, Mrksic avait déjà donné
17 l'ordre de retrait des restes des hommes de la JNA, à savoir la police
18 militaire de la 80e, retrait d'Ovcara. La Chambre a conclu que cet ordre a
19 été transmis via Karanfilov, qui est le propre adjoint de Sljivancanin.
20 Gardons ceci a l'esprit pour savoir ce que Mrksic, d'après Sljivancanin,
21 lui a dit. Je cite de nouveau la déposition de Sljivancanin, page du compte
22 rendu d'audience 13 665. Voilà la réponse de Sljivancanin à propos de ce
23 que Mrksic lui a dit :
24 "Nous avions terminé notre mission. La Brigade de la Garde se retire
25 pour se reposer. Tous les engagements dans cette région avaient été repris.
26 Donc toutes les missions avaient été reprises par la 80e. Maintenant, il y
27 a une réunion qui a eu lieu du gouvernement à Velepromet. Ils vont
28 commencer à établir une autorité civile. Ils vont se charger d'un groupe de
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1 suspects de l'hôpital qui ont été emmenés à la caserne pour après être
2 échangés contre des Serbes capturés."
3 Donc il a reçu toutes ces informations. Qu'est-ce qu'il fait ? Qu'est-ce
4 qu'il pense, Sljivancanin ? Une question lui est posée à ce propos au
5 contre-interrogatoire. Il a conclu --
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Excusez-moi.
7 [La Chambre d'appel se concerte]
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez poursuivre.
9 Mme BRADY : [interprétation] Je vous remercie.
10 Il a reçu toutes ces informations. Qu'est-ce qu'il fait ? Qu'est-ce
11 qu'il pense, Sljivancanin ? Il a conclu, je cite : "Que maintenant, la
12 sécurité, elle va être assurée par une nouvelle unité fraîche, que cette
13 unité aura la responsabilité de la zone, et qu'il n'y aura pas d'autres
14 émeutes."
15 Alors que fait Sljivancanin à ce stade ? Il ne s'est plus occupé de la
16 question des prisonniers. Il n'en a plus parlé avec Mrksic. Il n'a pas posé
17 de questions de suivi à Mrksic à propos de leurs destins et de leurs
18 destinations. Non, au contraire, il est allé pour appeler le général
19 Vasiljevic, qui est son chef au SSNO, à propos d'une question tout à fait
20 différente, à propos de documents, après quoi, il est allé regarder la
21 télévision ce soir-là, parce qu'il avait appris qu'on allait voir des
22 images de Vukovar ce jour-là, et qu'il allait peut-être se voir lui, à la
23 télévision ce soir-là.
24 Imaginons cette situation : il est allé voir Mrksic pour dire qu'il
25 était inquiet du fait qu'on avait emmené ces prisonniers à Ovcara. Il a
26 fait rapport de brutalités. Il voulait voir si c'était bien vrai que ces
27 personnes allaient être remises au gouvernement, à ce soi-disant
28 gouvernement, gouvernement que lui avait du mal à considérer comme
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1 légitime. Mrksic a effectivement confirmé que cette passation allait bien
2 ou s'était bien passée. Dans l'esprit de Sljivancanin, ceci ne pouvait
3 avoir qu'une signification. C'était que la situation des prisonniers ne
4 devenait que plus précaire. Or, il ne pose aucune question, et il le dit
5 lui-même, il conclut que : "Les gens étaient en sécurité." Page de compte
6 rendu d'audience 13 982. Apparemment, parce qu'on lui aurait dit que la 80e
7 Brigade motorisée était sur les lieux.
8 Il témoigne et il dit qu'il croyait que la police militaire de la 80e
9 s'occupait de la situation. Or, dire cela, c'est un mensonge patent. C'est
10 aussi mentir quand il dit qu'il n'est pas allé à Ovcara ce jour-là. C'est
11 un nouvel exemple de mensonge qu'il a proféré dans ce procès pour prendre
12 cette distance, pour minimiser l'importance de sa participation aux
13 événements de ce jour-là. Il est inconcevable que Mrksic, qui parle
14 précisément à Sljivancanin des prisonniers, qu'il confirme que les
15 prisonniers dont il avait la garde se trouvent maintenant sous la garde du
16 gouvernement. Il est inconcevable que Mrksic oublie de communiquer cet
17 élément important à Sljivancanin, à savoir qu'il a donné l'ordre à la JNA
18 de se retirer. Il est inconcevable de penser que délibérément, il va
19 essayer d'induire en erreur Sljivancanin pour qu'il croie que la JNA, la
20 80e, va rester à Ovcara alors que Mrksic a déjà donné l'ordre de retrait de
21 la 80e. Alors que Mrksic, à ce stade - c'est ce que conclut la Chambre - il
22 avait déjà posé des questions à Vojnovic ce soir-là et ont dit pourquoi les
23 unités de la 80e étaient encore sur place. Il est tout aussi inconcevable
24 que Sljivancanin, à qui on avait spécialement confié la responsabilité,
25 c'était Mrksic qui lui avait confiée pour le transfert et la sécurité de ce
26 groupe de prisonniers - ça c'est la conclusion de la Chambre de première
27 instance - et même alors qu'il savait que la Défense territoriale passait à
28 tabac, torturait les prisonniers ce jour-là - autre conclusion de la
Page 223
1 Chambre de première instance - et même alors qu'il était au courant de
2 l'existence d'un ordre donné par la 1ère Région militaire, le 19 novembre
3 1991 interdisant qu'il y ait échange de prisonniers - ceci c'est la pièce
4 442 - il n'a pas suivi et donné des comptes rendus à Mrksic concernant les
5 prisonniers alors que ceci faisait partie de ses obligations ce jour-là.
6 Le compte rendu de Sljivancanin va tout simplement à l'encontre de toute
7 doctrine militaire. Il était en train de commander l'évacuation. En tant
8 que tel, il aurait dû être au courant à tout moment de ce que faisaient ces
9 unités alors qu'elles effectuaient l'évacuation, y compris la police
10 militaire.
11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, supposons que nous
12 fassions une séparation de la question pour laquelle Sljivancanin avait
13 raison de croire que les prisonniers seraient tués avant qu'il apprenne
14 qu'il y avait eu l'ordre de retrait, vous plaidez maintenant en ce qui
15 concerne ce que vous aviez répondu, vous aviez, en fait, posé la question
16 et répondu à la question pour qui était de savoir quand Sljivancanin avait
17 appris l'existence de l'ordre de Mrksic de se retirer. Est-ce que vous
18 pourriez, s'il vous plaît, préciser pour nous ce que cette conclusion fait
19 ou ce que ferait cette conclusion, de cet argument que vous avez fait en ce
20 qui concerne le moment où Sljivancanin a appris qu'il y avait cet ordre de
21 retrait concernant l'élément de l'intention coupable de mens rea pour ce
22 qui est d'aider et d'encourager en ce qui concerne donc le mens rea.
23 Et deuxièmement, en ce qui concerne l'argument précis concernant le fait
24 que Sljivancanin, en ce qui concernait ses obligations qui persistaient en
25 dépit de l'ordre de Mrksic de retirer les forces de la JNA.
26 Mme BRADY : [interprétation] Oui, je vais traiter des deux questions. Je
27 répondrai directement notamment à la question connexe sur la base du fait
28 qu'il avait connaissance de cet ordre et comment ceci correspond à son
Page 224
1 intention coupable. Et je vous assure que je traiterai de la question de
2 façon détaillée en ce qui concerne le fait que ses obligations se
3 poursuivaient, continuaient. Je le ferai dans cet ordre et je vais
4 simplement suivre notre plan ce matin.
5 Notre argument est très simple. Dès qu'il a appris que la JNA avait reçu
6 l'ordre de se retirer, il a dû savoir à ce moment-là que les meurtres de
7 prisonniers allaient être une certitude, ceci, parce qu'il savait à ce
8 moment-là que leur dernier espoir, leur dernier vestige de protection déjà
9 insuffisant tel qu'il était, ce dernier élément de protection allait être
10 ôté laissant les prisonniers complètement exposés à la violence sans limite
11 de leurs ennemis qui voulaient se venger. C'est comme ça que le mens rea
12 est constaté à partir du moment où il a eu connaissance de cet ordre. Il a
13 été dit dans l'après-midi qu'il était au courant de la probabilité qu'il y
14 aurait des meurtres. Mais à partir du moment où il a appris qu'il y avait
15 l'ordre de retrait, à ce moment-là, il devait avoir une vraie certitude à
16 ce stade.
17 Donc ceci sont nos arguments sur les raisons pour lesquelles, la
18 conclusion de la Chambre concernant la [imperceptible] coupable n'était pas
19 raisonnable et devrait être écarté. Je voudrais maintenant passer à la
20 deuxième partie de l'équation qui était de savoir pourquoi la Chambre de
21 première instance l'a acquitté. C'est parce qu'ils ont constaté que son
22 devoir de protéger les prisonniers avait pris fin au moment où il a été
23 tué, de sorte qu'il ne pouvait pas être pénalement responsable de ne pas
24 avoir fait le nécessaire pour empêcher leur mort.
25 Alors, nous avons souligné, nous avons développé cet argument de façon très
26 complète dans nos mémoires et dans nos plaidoiries, et qu'il y a deux
27 aspects concernant l'actus reus et la conclusion à ce sujet, et les raisons
28 pour lesquelles elles sont incorrectes et pourquoi la Chambre de première
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1 instance s'est fourvoyée à cette question. Premièrement, cette conclusion
2 ne tient aucun compte du fait que Sljivancanin n'avait pas pris de mesure
3 précédemment, ce qu'il n'avait pas fait précédemment dans la journée, dans
4 l'après-midi et dans la soirée. Et ici, je pense du moment où la JNA s'est
5 retirée. Celle-ci n'a pas pris en considération ceux qui avaient contribué
6 de façon substantielle aux meurtres et que nous avons expliqué dans notre
7 mémoire pour être bien clair - j'espère que c'est clair - l'erreur de
8 contribution.
9 La deuxième erreur que vous-même, Monsieur le Président Meron, avez exprimé
10 avec des inquiétudes concernant la procédure, concernant le devoir qui
11 était le sien, à notre avis, il avait une autorité déléguée particulière de
12 Mrksic qui avait pris fin à partir du moment où la JNA s'était retirée, ce
13 que la Chambre de première instance dit - ça s'est passé vers 9 heures du
14 soir - son obligation à l'égard des prisonniers n'avait pas pris fin. Cette
15 obligation continuait même après que la JNA se soit retirée. Et après avoir
16 appris qu'il y avait eu l'ordre de retrait, voulant dire que maintenant les
17 prisonniers se trouvaient gardés uniquement par la Défense territoriale, il
18 n'a fait rien pour les protéger, et le fait de ne pas s'acquitter de son
19 devoir juridique, a contribué de façon substantielle à leurs meurtres.
20 Là encore, je pense qu'il serait plus facile de suivre la séquence des
21 événements de façon chronologique. Et je voudrais reprendre le deuxième
22 point concernant cette obligation qui était la sienne dans un instant, donc
23 je vais d'abord répondre à la question numéro 2 du Juge Meron, telle que
24 vous l'avez posée aux parties. Je voudrais dire que sur l'erreur de
25 contribution, comme nous avons appelée, parce que c'est apparent lorsque
26 vous regardez le paragraphe 673 que la Chambre de première instance est
27 effectivement parvenue à cette conclusion et que ceci a contribué aux
28 meurtres, à un moment donné, à partir du moment où les meurtres ont eu
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1 lieu, notre dernier argument, c'est que cette approche était en fait
2 artificielle et erronée. Parce que sa contribution aux meurtres a commencé
3 - je parle de ses omissions coupables - a commencé à partir du moment où il
4 était à Ovcara et ceci a continué jusqu'au moment où les prisonniers ont
5 été tués après 9 heures du soir. La Chambre de première instance n'a pas
6 tenu compte du fait que c'était le fait qu'il n'a pas agi, il n'a pas
7 rempli ses obligations juridiques à l'égard des prisonniers tout au long de
8 l'après-midi et au début de la soirée, c'est-à-dire des omissions avant que
9 la JNA ne se soit retirée, qui a contribué de façon substantielle aux
10 meurtres qui ont eu lieu par la suite. Voici la raison pour laquelle son
11 inaction complète depuis environ 14 heures 30 ou 15 heures, d'après ce qu'a
12 constaté la Chambre, pendant les cinq ou six heures qui ont suivi, non
13 seulement voulait dire que les passages à tabac et les tortures se sont
14 poursuivis sans arrêt, mais ce qui est plus important, c'est ce qui voulait
15 dire qu'un environnement de criminalité et d'impunité s'est installé et
16 s'est développé à Ovcara. En fait, ceci préparait les choses pour que la
17 Défense territoriale et les paramilitaires puissent déchaîner leur
18 brutalité et aller jusqu'au bout.
19 Vous vous rappelez que tout au long de cet après-midi, Sljivancanin
20 avait tous les pouvoirs et l'autorité donnés par Mrksic. Il aurait pu faire
21 plusieurs choses pour empêcher la situation et pour qu'il n'y ait pas moyen
22 de la contrôler. Je ne les répéterai pas, c'est dans notre mémoire. Je ne
23 répéterai pas de façon détaillée. Voilà toutes les choses qu'il aurait pu
24 faire. Il aurait pu amener les prisonniers à un endroit où ils auraient été
25 en sûreté. Il aurait donné des ordres à la police militaire qui était
26 présente. Il aurait pu augmenter le nombre de policiers militaires sur
27 place et il aurait pu faire partir les paramilitaires et la Défense
28 territoriale. Mais à aucun moment il n'est intervenu. Il n'a pris aucune de
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1 ces mesures fondamentales. Son inaction veut dire qu'au cours de l'après-
2 midi, Ovcara est devenue en quelque sorte le prélude à un champ
3 d'extermination.
4 Nous savons que la Chambre de première instance n'a pas trouvé d'éléments
5 de preuve selon lesquels les auteurs aient perçu la présence de
6 Sljivancanin comme étant une approbation tacite de son encouragement, mais
7 notre argument est différent; le fait qu'il ait de façon abjecte pas rempli
8 ses devoirs à l'égard des prisonniers de guerre dans cet après-midi,
9 voulait dit qu'Ovcara est devenue de plus en plus un endroit où la violence
10 pouvait se déchaîner. N'oublions pas que c'était pendant l'après-midi que
11 les passages à tabac et les tortures se sont poursuivis et que la fosse
12 commune a été creusée. Le nombre est allé de 30 à 300. C'est juste avant
13 que cette violence se déchaîne complètement, sans pouvoir être contrôlée,
14 que c'est exactement ce qui s'est passé. Donc ça c'est la première erreur
15 de l'actus reus, la conclusion au paragraphe 673, le fait de ne pas avoir
16 pris en considération son inaction au cours de l'après-midi.
17 La Chambre de première instance a commis une deuxième erreur au paragraphe
18 673; c'est tout simplement que son obligation à l'égard des prisonniers
19 avait pris fin lorsque la JNA s'est retirée vers 9 heures et qu'il n'avait
20 plus d'obligation à leur égard à partir de cette heure lorsqu'ils ont été
21 tués. Et à cet égard, dans cette conclusion, la Chambre de première
22 instance s'est trompée sur le plan juridique.
23 Et enfin, je voudrais répondre à votre question numéro 2 dans l'additif.
24 Vous avez demandé si la Chambre d'appel devait constater que Sljivancanin
25 avait l'obligation de protéger les prisonniers de guerre, est-ce que cette
26 obligation s'est poursuivie du point de vue du droit international
27 humanitaire ?
28 A notre avis, en tant que personne qui avait reçu cette mission de Mrksic
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1 de garder et de contrôler les prisonniers pour assurer leur sécurité,
2 Sljivancanin est obligé, d'après les droits et coutumes de la guerre de
3 protéger les prisonniers de tout mal, et ce devoir de protéger les
4 prisonniers s'est poursuivi même après que Mrksic ait donné l'ordre de
5 retirer les membres de la JNA. Ça c'est notre proposition de base que je
6 vais développer.
7 Me Bourgon, ce matin, a parlé d'une des conclusions de la Chambre de
8 première instance - paragraphe 391, si je ne me trompe pas - à savoir que
9 le devoir qui lui était confié n'allait que jusqu'à Sremska Mitrovica. Mais
10 ceci est une interprétation beaucoup trop étroite de la conclusion de la
11 Chambre de première instance, et je vous réfère au paragraphe 467 [comme
12 interprété]. Il est clair d'après ces conclusions que la responsabilité qui
13 lui était confiée n'était pas et n'a pas été interprétée de façon aussi
14 étroite par la Chambre de première instance, à savoir qu'il devait être
15 responsable en fait du transport, y compris de la sécurité des prisonniers
16 jusqu'à leur destination. C'est ce que dit le paragraphe 400, et c'est la
17 conclusion de la Chambre de première instance.
18 Et je pense que votre question, Monsieur le Président Meron, concernant la
19 souplesse et une interprétation de bon sens, doit ici être appliquée. Les
20 choses ne pouvaient pas être cristallisées ou fixées de façon si simple en
21 disant qu'une fois la destination A, si la destination a changé et est
22 devenue une destination B, ceci ne pouvait pas également comprendre la
23 destination B, c'est-à-dire clairement la conclusion de la Chambre de
24 première instance, à savoir cette destination B, Ovcara, était englobée par
25 l'autorité qui lui avait été confiée.
26 Donc il ne peut pas être vraiment question de cela, à savoir que
27 Sljivancanin avait le devoir de protéger les prisonniers de guerre. La
28 Défense ne conteste pas la proposition fondamentale, à savoir qu'il y a un
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1 devoir de protéger les prisonniers qui sont sous votre garde et sous votre
2 direction. Ceci a été dit plus clairement encore ce matin.
3 Au cours de la première journée d'audience, nous n'avons pas dit que
4 Sljivancanin n'avait pas de devoir. En fait, notre position sait qu'il
5 avait une obligation. Avec la connaissance du fait que ça n'entrait peut-
6 être pas dans les fonctions normales d'un organe de sécurité d'être
7 dépositaire et d'être la personne qui avait la garde et le contrôle des
8 prisonniers. Toutefois, de cette manière en l'espèce, Mrksic lui a confié
9 précisément cette tâche, en l'occurrence. Il avait cette tâche qui lui
10 était spécialement confiée.
11 Et pour clarifier les choses, d'où est issu ce devoir ? Ce devoir, comme
12 nous en avons discuté ici, vient de l'article 13 de la convention de Genève
13 numéro 3, le devoir de traiter les prisonniers de guerre de façon humaine à
14 tout moment et de les protéger de toute violence ou intimidation, et de
15 l'article 12 de la convention de Genève numéro 3, le devoir de ne pas
16 transférer des prisonniers de guerre dans une partie hostile, violente dans
17 des situations de non- droit. Ces obligations étaient reflétées dans les
18 règlements de la JNA, en particulier les règles 202 et 210, ainsi que
19 d'autres directives de la JNA, en particulier la pièce 856, paragraphes 255
20 à 261, et la pièce 581.
21 L'arrêt d'appel de l'affaire Blaskic au paragraphe 663, ainsi que le
22 paragraphe 304 de première instance, reconnaît que le fait de ne pas
23 remplir une telle obligation peut faire encourir une responsabilité pénale
24 en vertu de l'article 7(1), et ceci correspond bien aux procès de la
25 Deuxième Guerre mondiale tels qu'ils ont été évoqués, où des accusés ont
26 été considérés comme coupables pour ne pas avoir protégé des prisonniers
27 qui se trouvaient sous leur garde et sous leur contrôle, y compris le fait
28 de permettre que des prisonniers tombent entre les mains d'autres personnes
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1 qui leur ont fait du mal, qui leur ont infligé des sévices.
2 Le vrai problème ici c'est de savoir qu'est devenu ce devoir ou cette
3 obligation à partir du moment où il y avait spécialement une délégation de
4 surveiller et de protéger les prisonniers et que ce contrôle a pris fin
5 lorsque les unités de la JNA se sont retirées d'Ovcara. D'après nous, cette
6 obligation a persisté, toujours basée sur la source d'origine de cette
7 obligation, en d'autres termes, comme une obligation résiduelle en vertu
8 des articles 12 et 13 de la convention de Genève numéro 3, je note à ce
9 sujet que la Défense concède, dans sa réponse au paragraphe 254, que
10 l'article 12 de la troisième convention de Genève concernant le transfert
11 des prisonniers peut être pertinent par analogie pour le transfert de
12 prisonniers de guerre entre les autorités militaires au sein des mêmes
13 forces armées. Donc je ne vais pas développer ce point en particulier
14 maintenant. Et si des questions sont posées par les Juges de la Chambre
15 d'appel, bien entendu, je tâcherai d'y répondre.
16 Mais notre proposition, notre argument fondamental c'est qu'un militaire à
17 la garde de qui des prisonniers de guerre ont été confiés doit s'assurer
18 qu'il y ait une transition en toute sécurité de ces prisonniers de guerre
19 et qu'ils soient remis à une garde qui soit sûre, même s'il n'est pas
20 matériellement responsable de ce transfert. Lorsqu'il apprend que leurs
21 vies seront en danger, il demeure à ce moment-là sous l'obligation de
22 prendre des mesures raisonnables qui dépendent de lui pour corriger la
23 situation. Et permettez-moi, si vous le permettez, de développer ceci un
24 peu plus pour ce qui est des faits actuels.
25 Premièrement, il est nécessaire de considérer la nature et la portée de ces
26 obligations en vertu des articles 12 et 13. Comme je l'ai dit, au cours de
27 l'après-midi, lorsque Sljivancanin agissait en fonction de son autorité
28 déléguée sur les prisonniers, il avait l'obligation au titre de l'article
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1 13, de les traiter de façon humaine, ces prisonniers de guerre et de
2 s'assurer qu'ils étaient protégés contre toute violence. Garantie
3 fondamentale prévue par les conventions de Genève.
4 En outre, l'article 12 exigeait qu'il se soit assuré de la possibilité et
5 du fait que toute partie qui ferait un transfert applique les conventions
6 de Genève à ses prisonniers, et sur la base de ce qu'il avait vu et de ce
7 qu'il savait concernant la Défense territoriale, une personne se trouvant
8 dans la position de Sljivancanin n'aurait peut-être pas pu en être assurée.
9 Là encore, je parle de l'après-midi, au début de l'après-midi.
10 Alors, ceci se liant au fait qu'après que les prisonniers aient été
11 transférés, c'est-à-dire qu'après que la JNA se soit retirée vers 9 heures
12 du soir, les laissant donc ainsi à la seule garde de la Défense
13 territoriale, ces obligations qui étaient les siennes en vertu des articles
14 12 et 13, n'ont pas pris fin automatiquement. Comme étant la personne qui
15 avait la garde et la direction de ces prisonniers, il continuait à avoir
16 une obligation résiduelle à leur égard. Le point de départ fondamental est
17 celui-ci : c'est une règle fondamentale du droit international que des
18 prisonniers de guerre doivent à tout moment être traités de façon humaine
19 et protégés contre les meurtres ou autres formes de violence. C'est un
20 axiome et j'ai à peine besoin de citer des références, mais si vous
21 regardez les règles 87, 89 et 90 du CICR, en matière du droit international
22 coutumier.
23 Il est tout aussi clair, d'après les conventions de Genève et leur
24 interprétation, par le commentaire du CICR à ces conventions de Genève,
25 qu'il ne peut pas y avoir de solution de continuité dans cette protection
26 des prisonniers de guerre et d'autres personnes protégées. Comme le
27 commentaire à l'article 45 de la convention de Genève numéro 4 le dit
28 clairement, lorsqu'elle traite d'une disposition tout à fait analogue pour
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1 les personnes protégées, quatrième convention de Genève qui s'applique à
2 des civils, on le sait, mais c'est dans des termes presque analogues à
3 l'article 12 de la convention de Genève numéro 3, je cite le commentaire à
4 la page 268 :
5 "La puissance par laquelle les personnes protégées ont été transférées ne
6 pourra toutefois se désintéresser de leur sort. Bien qu'elles ne se
7 trouvent plus 'en son pouvoir,' la responsabilité à leur égard reste
8 engagée dans la mesure où la puissance d'accueil à ses obligations sur tout
9 point important de la convention, à condition que ce manquement fasse
10 l'objet d'une notification de la puissance protectrice."
11 En d'autres termes, notre argument c'est qu'en vertu du devoir énoncé à
12 l'article 12, celui qui transfert à une responsabilité connexe pour les
13 prisonniers de guerre qui est mise en œuvre à partir du moment où il
14 apprend que celui qui doit transférer ne remplit pas ses obligations à un
15 point de vue -- que la partie transférante est au courant de cela, par
16 rapport à la partie d'accueil. A partir du moment où la partie transférante
17 a cet avis, elle est obligée de prendre des mesures efficaces pour corriger
18 la situation, ou si ces mesures se révèlent inefficaces, il doit demander à
19 ce moment-là de reprendre les prisonniers. Ceci est dans le commentaire à
20 la page 138 à 139 de la convention de Genève.
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Si je vous comprends bien, Madame
22 Brady, vous êtes en train de plaider que ceci est une situation dans
23 laquelle il y a conflit entre l'obligation résultant de la troisième
24 convention de Genève et l'ordre de Mrksic de retrait. Donc quelle est la
25 situation pour ce qui est de la portée des obligations de Sljivancanin ?
26 Mme BRADY : [interprétation] Je vais vous répondre, Monsieur le Président,
27 immédiatement.
28 Selon nous, un membre des forces militaires chargé de protéger des
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1 prisonniers de guerre demeure obligé de les protéger à partir du moment où
2 il sait que sans ça, ils ne vont plus avoir de protection. En revenant au
3 cas d'espèce, il est clair que cette situation s'est bien produite.
4 Sljivancanin savait que les prisonniers ne seraient pas traités de façon
5 humaine conformément à l'article 13. Effectivement, il savait que les
6 prisonniers avaient été déjà passés à tabac et torturés par la Défense
7 territoriale et les paramilitaires serbes dans l'après-midi. Il savait
8 maintenant que leurs vies étaient en grave danger s'ils partaient avec son
9 groupe.
10 A 8 heures du soir, il a appris, en outre, que la JNA partait, et comme
11 vous l'avez dit, il y a ce conflit maintenant entre les obligations et la
12 troisième convention de Genève et cet ordre que Mrksic avait donné de
13 partir d'Ovcara. Quand il a appris cela, il a dû savoir que ceci condamnait
14 presque certainement à une mort presque certaines ces prisonniers. Ceci
15 suffit pour nous dire que ceci engageait sa responsabilité, la nécessité
16 qu'il prenne des mesures efficaces. Même Sljivancanin, même s'il avait dit
17 qu'il savait qu'il y avait ce danger pour les prisonniers, il pouvait et
18 devait agir pour les protéger. Pages 13 751 et 13 759.
19 Pour répondre à la deuxième partie de votre question, ceci, en fait, est de
20 savoir quelle mesure efficace il aurait dû prendre. Nous reconnaissons que
21 quels qu'aient pu être les mesures ou les pouvoirs qui étaient les siens,
22 ceci avait pu être changé, vu qu'il n'agissait plus à ce moment-là -- au
23 moment où l'ordre a été donné, il n'agissait plus sous l'autorité déléguée
24 de Mrksic avec des pouvoirs complémentaires qui lui avaient été donnés.
25 Toutefois, tout au moins, aurait-il dû rendre compte par la voie
26 hiérarchique. N'oublions pas qu'il a une structure parallèle pour rendre
27 compte. Il aurait dû rendre compte de la véritable probabilité que des
28 meurtres aient lieu si la JNA se retirait et si les prisonniers étaient
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1 laissés uniquement à la garde de ce groupe qui voulait se venger. Or, il
2 n'a pris aucune mesure. A ce moment critique, avant que les exécutions ne
3 commencent, ensuite tout au long de la nuit, il aurait pu faire un certain
4 nombre de choses pour protéger leur sort. J'ai déjà dit qu'il aurait pu
5 rendre compte au général Vasiljevic dans la procédure parallèle, et
6 n'oublions pas que le fait de détecter et de rendre compte des crimes
7 faisait partie inhérente de ses devoirs en tant qu'organe de sécurité. Donc
8 page 13 742 et pièce 107. Mais il n'a même pas mentionné Vasiljevic. Il
9 aurait pu convaincre Mrksic de ne pas retirer la JNA, et là encore, je vous
10 indique le paragraphe 21 des règlements de la JNA, qui imposent une
11 responsabilité personnelle à un officier qui violerait les lois de la
12 guerre s'il savait ou aurait pu savoir, non seulement que des unités qui
13 lui étaient subordonnées commettaient des crimes et ne les empêchaient pas,
14 mais que d'autres unités ou individus étaient en train de planifier de
15 commettre de telles violations à un moment où il était encore possible
16 d'empêcher qu'ils soient commis.
17 Or, qu'a-t-il fait ? Reprenant le cas que vous avez évoqué, est-il permis
18 de lire le New York Times, de s'en aller. Ce n'est pas très différent ici.
19 Il est allé regarder la télévision.
20 En suivant ce qu'a dit la Chambre de première instance --
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je voulais simplement vous rappeler
22 qu'il vous reste dix minutes.
23 Mme BRADY : [interprétation] Merci. Je vous remercie beaucoup.
24 Donc suivant l'approche limitative et rigide de la Chambre de première
25 instance, ceci laissait à une solution de continuité importante pour ce qui
26 est de la protection des prisonniers de guerre, et le fait que c'était
27 incompatible avec l'intention même des articles 10 [comme interprété] et 13
28 de la troisième convention de Genève en matière de protection. Ceci irait à
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1 l'encontre de l'objet même du droit international humanitaire si ce retrait
2 d'autorité agissait en quelque sorte comme un couperet pour interrompre
3 l'obligation de Sljivancanin à l'égard des prisonniers. A cet égard,
4 l'injustice commise par l'approche limitative de la Chambre de première
5 instance est évidente. L'acte même qui a condamné les prisonniers à leur
6 sort final a été le retrait de la JNA, aurait été aussi l'acte qui pouvait
7 l'absoudre de la responsabilité criminelle. La garantie de traitement
8 humain pour des prisonniers de guerre serait à ce moment-là lettre morte si
9 cette conclusion devait être maintenue.
10 Pour conclure, Monsieur le Président, la seule conclusion raisonnable est
11 que Sljivancanin avait une obligation qui continuait à l'égard des
12 prisonniers tout au long de cette journée et de cette nuit. Il aurait pu
13 prendre un certain nombre de mesures dans l'après-midi avant que la JNA ne
14 se retourne, mais il ne l'a pas fait. Ensuite, dans la soirée, après avoir
15 appris qu'elle s'était retirée, il aurait pu faire un certain nombre de
16 choses, et il ne l'a pas fait. Il a donc totalement abdiqué ses obligations
17 tout au long de cette journée. Ceci a contribué de façon substantielle aux
18 meurtres, et il en était pleinement conscient.
19 Nous vous demandons d'écarter la conclusion de la Chambre de première
20 instance et de reconnaître Sljivancanin coupable d'avoir aidé et encouragé
21 les meurtres de 194 prisonniers à Ovcara. Nous soutenons que la gravité de
22 ce crime exige qu'une peine de pas moins de 30 ans lui soit imposée.
23 Ceci complète mes conclusions. Si vous avez d'autres questions à poser,
24 Monsieur le Président, je suis à votre disposition.
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vois qu'il n'y a pas de questions.
26 Mme BRADY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
27 J'ai pris connaissance de l'heure qu'il est. Je crois qu'il nous reste
28 encore cinq minutes. M. Marwan Dalal va maintenant brièvement exposer la
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1 position de l'Accusation en ce qui concerne l'article 5 et répondra à la
2 question que vous avez posée à cet égard.
3 Je vous remercie.
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez la parole, Monsieur Dalal.
5 M. DALAL : [interprétation] Bonjour. Comme Mme Brady vient de le dire, je
6 vais vous parler de la position de l'Accusation en ce qui concerne notre
7 premier moyen d'appel pour ce qui est de la déclaration de culpabilité pour
8 crimes contre l'humanité.
9 Deux points, tout à d'abord. Le statut de la victime individuelle au titre
10 de l'article 5. La Chambre de première instance n'a pas déclaré coupable
11 l'accusé de crimes contre l'humanité, parce qu'elle a considéré que les
12 victimes ne pouvaient pas être assimilées à des civils, et ce, aux
13 paragraphes 463 et 481 du jugement.
14 L'Accusation fait valoir que ce point a déjà été résolu par l'arrêt Martic.
15 La Chambre d'appel a d'ailleurs donné un raisonnement juridique,
16 extrêmement détaillé, et a conclu que la personne hors de combat peut être
17 assimilée à des victimes de crimes contre l'humanité du moment que les
18 autres conditions de l'article 5 sont satisfaites, et c'est aux paragraphes
19 303 à 314 de l'arrêt Martic.
20 Ensuite, en ce qui concerne les questions que vous avez posées, vous
21 avez demandé aux parties d'aborder les éléments de preuve du dossier
22 portant sur tout d'abord les critères qui; (a), une attaque de grande
23 envergure et systématique contre la population civile, et particulièrement
24 en ce qui concerne ce qui s'est passé à Vukovar et ensuite, (b), le lien
25 entre les actes de l'accusé et cette attaque.
26 En ce qui concerne une attaque de grande envergure et systématique contre
27 la population, nous vous référons aux paragraphes 465 à 472 du jugement. Au
28 paragraphe 472, la Chambre a conclu que :
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1 "La période pertinente à l'acte d'accusation, il y avait une attaque
2 systématique et de grande envergure, de la JNA et d'autres forces serbes,
3 dirigée contre les Croates et les autres civils non- Serbes à Vukovar et
4 dans ses environnements."
5 Nous vous référons aussi aux paragraphes 17 à 59 du jugement.
6 En ce qui concerne maintenant le critère de lien entre les actes de
7 l'accusé et cette attaque systématique, nous considérons que ce lien est
8 satisfait. Les accusés savaient bien que l'attaque était en cours
9 puisqu'ils y ont participé depuis octobre 1991. Vous avez cela au
10 paragraphe 465 du jugement.
11 De façon objective, les crimes ont fait partie de l'attaque. Les mêmes
12 crimes ont été commis contre des civils pour le même groupe d'auteurs
13 faisant partie de la TO et des paramilitaires serbes; et par exemple, vous
14 pouvez vous référer au paragraphe 47 et aux pièces 312 et 636. L'élément de
15 punition est comme à la fois aux crimes qui ont été perpétrés et à
16 l'attaque systématique; paragraphes 471, 532, 535 et 510.
17 De plus, Sljivancanin et Mrksic étaient parfaitement au courant de la
18 conduite violente et désordonnée, des volontaires de la TO et des
19 paramilitaires, dirigée contre les civils et les prisonniers de guerre au
20 cours de l'attaque contre Vukovar et ses environnements. Cette conduite
21 comprenait le meurtre et le traitement très brutal de civils et de
22 prisonniers de guerre, ainsi que le pillage et d'autres actes et conduites
23 désordonnés. Pour ce qui est de la connaissance que Sljivancanin avait de
24 cela, il suffit de se référer au paragraphe 664. Pour ce qui est de la
25 connaissance de Mrksic, il faut se référer au paragraphe 621 et aux
26 rapports qu'il a reçus en tant que commandant du 1er District militaire,
27 c'est-à-dire les pièces 718, 823, 636, 819, 415 et 847.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Dalal, y a-t-il eu des crimes
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1 contre des civils, je parle de "civils," commis à Ovcara ?
2 M. DALAL : [interprétation] Dans Vukovar ?
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Non, je parle d'Ovcara
4 uniquement.
5 M. DALAL : [interprétation] A Vukovar ?
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Y a-t-il eu des crimes perpétrés contre
7 des civils à Ovcara ?
8 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
9 M. DALAL : [interprétation] Pour répondre à votre question, je tiens à dire
10 qu'un groupe de victimes - d'ailleurs la Chambre de première instance a
11 laissé cela tout à fait ouvert, auraient très bien pu être des civils
12 puisqu'il n'avaient pas participé aux combats au sein des forces croates
13 lorsque les combats ont eu lieu à Vukovar. Donc, en effet, on peut dire
14 qu'il y a eu des crimes contre les civils commis à Ovcara.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais la Chambre de première instance
16 n'a pas été très claire à ce propos, je vous repose la question. Y a-t-il
17 eu des crimes commis à Ovcara contre des civils ? Avez-vous des exemples,
18 des éléments qui étayeraient cela que vous pourriez retrouver dans le
19 jugement ?
20 M. DALAL : [interprétation] Non, pas nécessairement, mais nous considérons
21 qu'il n'est pas nécessaire d'établir que ces crimes faisaient partie d'une
22 attaque systématique et de grande envergure contre la population civile.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, ça si vous parlez de Vukovar. Vous
24 parlez de Vukovar là. Mais je pense qu'il n'a pas vraiment été prouvé, en
25 fait, il y a proximité géographique certes entre Ovcara et Vukovar, mais
26 c'est tout. A Ovcara on ne sait pas si des crimes ont été commis contres
27 des civils. En fait, les preuves semblent indiquer que c'était
28 pratiquement, uniquement des prisonniers de guerre qui ont été exécutés.
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1 M. DALAL : [interprétation] Ovcara est très près de Vukovar.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je sais bien.
3 M. DALAL : [interprétation] Le droit ne demande pas si l'attaque et les
4 crimes aient lieu au même endroit du moment que l'on peut établir qu'il y a
5 un lien, or il y a un lien, puisque ce sont les mêmes auteurs, c'est le
6 même thème d'attaque, c'est le même endroit. Donc même si on prend
7 l'hypothèse qu'à Ovcara, il n'y a pas eu d'attaque contre les civils, cela
8 ne signifie pas que les crimes d'Ovcara ne faisaient pas partie de
9 l'attaque systématique et de grande envergure dirigée contre les civils de
10 Vukovar. Je pense que la jurisprudence du Tribunal l'établit bien.
11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc vous parlez uniquement de
12 proximité géographique, c'est ça votre lien ?
13 M. DALAL : [interprétation] Oui, à la proximité, mais il y a aussi le fait
14 que c'est les mêmes auteurs, ce sont les TO et les volontaires.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous avons une attaque sur Vukovar,
16 attaque qui est dirigée contre la population civile. On a un groupe de
17 prisonniers de guerre, et les prisonniers de guerre, eux, sont transportés
18 à Ovcara. Des crimes additionnels ont eu lieu ensuite à Ovcara. J'aimerais
19 bien entendre une démonstration me prouvant qu'il s'agit de la même
20 attaque, l'attaque contre la population civile.
21 M. DALAL : [interprétation] Je n'ai pas beaucoup de temps, mais je peux
22 vous montrer qu'il y a quand même un schéma qui est toujours identique,
23 c'est toujours les mêmes auteurs pendant l'attaque qui s'attaquent à la
24 fois aux civils et aux personnes qui sont sous la garde la JNA. Je pourrais
25 vous lire tout cela, je pourrais me référer à toutes les pièces
26 nécessaires.
27 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, très bien.
28 Avez-vous fini avec votre présentation ?
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1 M. DALAL : [interprétation] Oui, tout à fait.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.
3 Maintenant nous allons faire une pause de 15 minutes, nous reprendrons à 11
4 heures moins 05.
5 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.
6 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.
7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien.
8 Nous allons maintenant entendre la réponse du conseil de M. Mrksic. Vous
9 avez une heure et 30 minutes.
10 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
11 Je pense que nous n'aurons pas besoin de cette heure 30, nous serons peut-
12 être très rapides.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'est une bonne nouvelle.
14 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie.
15 Donc je vais répondre à la question numéro 1 sur la responsabilité au titre
16 de l'article 5 du Statut, et mon collègue, mon confrère, Me Domazet,
17 parlera, lui, d'autres points et des certaines circonstances qui seront
18 importantes dans le cadre de la peine.
19 Pour ce qui est des critères nécessaires pour qu'il y ait crime contre
20 l'humanité, nous faisons valoir que les cinq éléments nécessaires n'ont pas
21 été remplis en l'espèce tels qu'ils sont prévus au titre du droit coutumier
22 international. Nous devons donc en conclure que la Chambre de première
23 instance devait établir au-delà de tout doute raisonnable que toute attaque
24 qui aurait pu avoir lieu était une attaque qui aurait été dirigée tout
25 d'abord et en priorité contre la population civile; ensuite, il fallait
26 qu'elle établisse au-delà de tout doute raisonnable qu'il y avait un lien
27 entre les agissements de l'accusé et l'attaque contre la population civile
28 pour que les conséquences de son action constituent une partie objective de
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1 cette attaque et que l'accusé savait, en fait, qu'il y avait l'attaque en
2 cours et que ses actions en faisaient partie.
3 Après le 18 novembre 1991, sur le territoire de Vukovar, il n'y avait plus
4 de combats en cours ni aucune autre activité que l'on aurait pu libeller
5 attaque. Ça peut être conclu d'ailleurs directement des paragraphes 55 et
6 465 du jugement qui traitent des mois d'août -- du 18 août à novembre 1991.
7 Au paragraphe 472 du jugement, la Chambre de première instance ne prend en
8 compte qu'une période assez limitée, et de l'avis de la Défense, il
9 s'ensuit qu'après le 18 novembre 1991, il n'y avait plus d'attaques en
10 cours dans cette région, et certainement pas des attaques dirigées contre
11 la population civile.
12 Donc la Défense avance tout ceci et ceci est étayé par certaines pièces, le
13 rapport de la mission d'observation de la Communauté européenne. Pièces
14 314, 316, 320, 321 et 322; rapports de la commission supervisant les
15 cessez-le-feu, c'est-à-dire les pièces 331, 332, 333, 334 et 865; les
16 rapports du commandement du Groupe opérationnel sud, pièces 416, 417 et
17 autres, 418 et 421; et les pièces émanant du commandement du 1er District
18 militaire.
19 Il y n'avait plus d'attaques en cours et ceci est prouvé par la présence
20 sur le sol de la Mission des observateurs de l'Union européenne, le fait
21 que le secrétaire général avait envoyé son envoyé spécial, M. Cyrus Vance,
22 il était sur place, et il y avait les négociations en cours portant sur
23 l'arrivée des forces de maintien de la paix dans la zone. S'il y avait eu
24 des attaques en cours à l'époque, aucune de ces activités n'aurait eu lieu,
25 bien sûr.
26 Certes, tout ce qui s'est passé précédemment à Vukovar, principalement à
27 Vukovar d'ailleurs, doit être étudié au vu de la situation très spéciale
28 qui y régnait, il faut prendre en compte, bien sûr, la tactique des forces
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1 armées croates. Car la pièce 844 est l'ordre du président Tudjman qui
2 exigeait que les civils, les femmes, les enfants et les vieillards restent
3 à Vukovar. Donc de ce fait, pendant toutes les activités de combat, il y
4 avait les civils à Vukovar, mais ça c'était sur ordre de Tudjman, et
5 d'ailleurs parmi ces civils il y avait beaucoup de Serbes. Donc ces
6 opérations auraient pu être conduites différemment et c'est d'ailleurs
7 montré par le fait qu'au cours de la nuit entre le 6 et le 7 [comme
8 interprété] novembre, les membres du commandement de la défense du Vukovar
9 ont pu quitter la ville sans encombres.
10 A la fin des activités de combat, il n'y a donc plus eu d'activités de
11 combat dans la région, mais les civils ont été séparés des personnes qui
12 avaient fait partie des combats et qui étaient soupçonnées de crimes de
13 guerre. La plupart des personnes tombant dans cette catégorie s'étaient
14 d'ailleurs réfugiées dans l'hôpital de Vukovar. Comme la Chambre de
15 première instance l'a établi dans son jugement, ils essayaient de se cacher
16 et essayaient de quitter Vukovar parmi le convoi de civils et de blessés,
17 et même Vesna Bosanac a témoigné à cet égard et il y a de nombreux autres
18 témoins qui ont témoigné de la sorte.
19 L'ordre donné par le commandement du Groupe opérationnel sud, pièce 419,
20 établit clairement quel était le traitement à réserver aux civils, aux
21 blessés et aux malades. D'ailleurs dans le paragraphe 474 du jugement,
22 c'est mentionné par la Chambre de première instance. La colonne a été
23 dirigée par le colonel Pavkovic et est arrivée à sa destination.
24 Il y a un autre groupe de personnes qui a été séparé par l'organe de
25 sécurité pour être ensuite interrogées et soit poursuivies pour crimes,
26 soit échangées contre d'autres prisonniers. Il s'agissait de personnes
27 soupçonnées d'avoir commis des crimes de guerre, alors eux ils ont emprunté
28 un chemin différent. Au paragraphe 476 du jugement, on peut lire la
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1 conclusion portant sur ce triage. Les personnes qui ont été triées, les
2 personnes éventuellement soupçonnées de crimes de guerre, ont été séparées
3 des civils et des blessés, donc les personnes qui ont procédé au triage
4 étaient persuadées qu'ils étaient en train de trier d'un côté les civils et
5 les blessés et d'un autre côté les personnes qui avaient fait partie des
6 membres des forces armées croates et qui avaient éventuellement pu
7 commettre des crimes de guerre. Ceci est d'ailleurs dans le paragraphe 480
8 du jugement en l'espèce. Donc les personnes qui ont trié ces personnes
9 étaient persuadées qu'ils agissaient contre des membres des forces croates
10 armées. Aux paragraphes 480 et 82 [comme interprété], la Chambre de
11 première instance en conclut qu'aucun juge raisonnable n'aurait pu conclure
12 que les auteurs savaient que leurs actions étaient dirigées contre la
13 population civile de Vukovar.
14 La Défense de M. Mrksic considère donc que la Chambre de première instance
15 a eu tout à fait raison en concluant que les auteurs ne savaient absolument
16 pas qu'il y avait une attaque de grande envergure et systématique dirigée
17 contre la population civile, parce qu'il ne pouvait pas être établi que les
18 accusés auraient su que leurs actions faisaient partie d'une attaque de ce
19 type ou que leurs actions risquaient de faire partie de ce type d'attaque.
20 Selon les conclusions de la Chambre de première instance --
21 Donc selon les conclusions de la Chambre de première instance appliquant la
22 règle 51(A), étant donné qu'il y avait plusieurs structures des forces de
23 défense de Vukovar qui étaient incluses dans le groupe - et ceci est basé
24 sur les documents qui ont été présentés ici par les forces croates citées
25 par l'une des parties au procès. Il s'agit des pièces 345 et 346, mon
26 éminent confrère, M. Stéphane Bourgon, d'ailleurs y reviendra en détail.
27 Mais du fait de tout ceci, nous considérons qu'aucun juge raisonnable
28 n'aurait pu trouver qu'il y avait lien entre les agissements de l'accusé
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1 Mrksic et l'attaque ou une attaque qui aurait eu lieu contre une population
2 civile ni que ce qui s'est passé à Ovcara ait fait partie de cette dite
3 attaque ni que l'accusé aurait eu raison de savoir qu'une telle attaque
4 était en cours et qu'il aurait pu avoir un lien entre leurs actions et
5 cette attaque, donc ces activités mentionnées dans la Chambre de première
6 instance au paragraphe 472 du jugement.
7 Nous considérons donc qu'il n'y a rien qui puisse établir la responsabilité
8 de l'accusé Mrksic au titre de crimes commis en application de l'article 5
9 du Statut.
10 Si vous n'avez pas de questions, j'en ai terminé avec ma présentation.
11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc c'était votre réponse; c'est cela
12 ?
13 M. VASIC : [interprétation] Oui, tout à fait. J'en ai terminé avec ma
14 partie de la réponse qui portait sur l'article 5 du Statut. Et maintenant -
15 -
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Me Domazet en a pour combien de temps ?
17 M. VASIC : [interprétation] Dix à 15 minutes, pas plus.
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Dans ce cas-là, Maître Domazet, vous
19 pouvez commencer.
20 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie.
21 M. DOMAZET : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je vais
22 maintenant analyser la partie de l'appel ayant trait à la peine, et je vais
23 vous parler maintenant de quelques points factuels.
24 Puisque l'appel du bureau du Procureur conteste la décision sur la peine de
25 Mile Mrksic, ils considèrent que sa peine n'est pas assez lourde, pas
26 uniquement parce que l'Accusation considère que l'accusé aurait dû être
27 déclaré coupable en cumulant aussi les actes commis au titre de l'article 5
28 du Statut, mais ils considèrent aussi que même en l'espèce la peine était
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1 trop faible.
2 La Défense Mrksic a répondu à cet appel dans ses écritures du 18 juin 2008,
3 et aux paragraphes 56 à 87 de sa réponse et, bien sûr, nous ne souhaitons
4 pas répéter ce qui est écrit dans notre réponse. Mais nous allons aborder
5 certains des arguments soulevés par la Chambre de première instance et qui
6 font l'objet de l'appel de l'Accusation. Même ici, on parle des arguments
7 présents.
8 Lorsqu'on parle maintenant de la peine, et selon les lois qui
9 tiennent compte de l'ex-Yougoslavie - paragraphe 59 du jugement - nous
10 tenons à dire que tout d'abord la peine la plus longue qui puisse être
11 infligée pour ce type de crime dans l'ex-Yougoslavie n'était que de 15 ans,
12 mis à part dans le cas de l'existence d'une peine de mort qui existait à un
13 moment et qui pouvait être substituée par 20 ans de prison. Mais ce qui est
14 important c'est que les complices, ceux qui ont aidé, encouragé aux crimes,
15 reçoivent toujours des peines qui sont bien moins lourdes que les
16 véritables auteurs des crimes, donc les articles. Bien sûr, ici, nous avons
17 dans notre Tribunal les articles portant sur l'entreprise criminelle
18 commune. Mais la Chambre de première instance n'a pas fait de différence
19 ici entre le punissement [phon] infligé aux co-auteurs et aux participants
20 d'une entreprise criminelle commune qui, de toute façon, n'a pas été établi
21 dans le cas de Mrksic, en ce qui concerne la peine infligée pour complicité
22 où, en revanche, l'accusé Mrksic a été déclaré coupable.
23 Maintenant, vous savez qu'il y a en ce moment le Tribunal spécial de
24 Belgrade qui juge un grand nombre de personnes qui sont les auteurs directs
25 des crimes commis à Ovcara. Eux, ils ont reçu une peine de plus de 200 ans
26 de prison en tout, mais aucun auteur individuel n'a reçu une peine
27 supérieure à 15 ans de prison, parce que le Tribunal a considéré qu'il
28 s'agissait de la peine maximum que l'on pouvait infliger au titre des lois
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1 en vigueur à l'époque. La peine a été annulée pour une raison quelconque.
2 Il y a un nouveau procès en cours et il va y avoir un nouveau jugement.
3 Nous l'attendons dans un avenir proche. Les peines peut-être risquent
4 d'être un peu plus lourdes, parce que dans l'intervalle certains auteurs
5 ont été arrêtés et sont maintenant jugés avec les auteurs qui avaient été
6 jugés la première fois.
7 Quand on parle d'une peine de 20 ans prononcée, une peine de 20 ans
8 contre Mrksic - la Défense ne va pas répéter ces arguments, elle les a déjà
9 présentés dans ses écritures - elle considère que cette peine est beaucoup
10 trop lourde et beaucoup trop longue. Même pour les actes plus graves pour
11 lesquels Mrksic a été trouvé coupable, ce serait une peine trop lourde.
12 Même s'il y avait eu l'intention qui avait été prouvé, et cetera, 20 ans
13 c'est trop lourd. Même si ce qu'avance l'Accusation en ce qui concerne le
14 cumul des peines est accepté, s'il y avait pris motif l'article 5 du
15 Statut, cette peine serait de toute façon beaucoup plus longue. La peine
16 qu'a reçue mon client, cette peine de 20 ans de prison ne peut en aucun cas
17 être considérée comme trop légère; elle est, au contraire, beaucoup trop
18 lourde.
19 D'abord, Mile Mrksic a été déclaré coupable de complicité, et d'après les
20 conclusions de la Chambre de première instance, du fait de l'assistance
21 pratique apportée aux membres de la TO et aux paramilitaires, mais
22 simultanément, la Chambre de première instance a aussi conclu qu'elle ne
23 pouvait établir que Mile Mrksic était coupable d'avoir ordonné ces crimes.
24 La Chambre de première instance n'a jamais établi non plus qu'il ait
25 participé à une entreprise criminelle commune dont le but aurait été de
26 commettre ces crimes. Cette partie-ci de la décision de la Chambre n'a pas
27 été reprise par l'Accusation dans son appel. En dépit de cela, l'Accusation
28 requiert une peine plus lourde. Nous pensons qu'une telle requête, qu'une
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1 telle réquisition est sans fondement, n'a pas lieu d'être, car si on fait
2 un examen réel et réaliste de tous les faits présentés à la Chambre, il
3 serait impossible d'imposer une telle peine. La Chambre elle-même l'a
4 établi. Elle a dit qu'une peine ne serait être arbitraire ni excessive.
5 Paragraphe 683 du jugement de première instance.
6 S'agissant de la gravité des infractions, la Chambre de première instance a
7 dit qu'une peine doit traduire la gravité inhérente ou la totalité du
8 comportement répréhensible reprochées à l'accusé, en tenant dûment compte
9 des circonstances de l'espèce et de la forme comme du degré de
10 participation de l'accusé. Je mentionne là le paragraphe 684 du jugement de
11 première instance.
12 Pour bien appliquer ces principes, étant donné que Mrksic a appris qu'il y
13 avait mis en danger et harcèlement des prisonniers après le fait, et qu'il
14 a ordonné un renforcement nécessaire de la police militaire mis à part ce
15 fait, après ça, rien n'est venu prouver qu'il y aurait brutalité à
16 l'encontre des prisonniers, en tout cas pas jusqu'à la période qui a suivi
17 22 heures 35, moment où les membres de la TO et les paramilitaires qui
18 étaient présents sur les lieux ont commencé à tuer ces personnes.
19 Si le fait d'avoir connaissance de ces violences à l'entrée du hangar, une
20 fois entré dans le hangar, s'il avait eu connaissance des mauvais
21 traitements infligés aux prisonniers, si c'est pour ça qu'on va le
22 condamner pour le fait d'aider et d'encourager, il faudrait une peine bien
23 plus légère que celle qui lui a été imposée. La Chambre de première
24 instance a établi que dans la matinée il avait omis d'empêcher que de
25 nouveaux crimes de traitements cruels et de tortures soient commis à
26 Ovcara, crimes dont il avait été informé. La Chambre a déclaré sa
27 culpabilité eu égard à deux chefs de l'acte d'accusation. La Chambre a
28 conclu que le lieutenant-colonel Panic et le commandant Vukasinovic
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1 l'avaient informé des faits. D'après le jugement, il le savait à partir ou
2 avant 17 heures. C'est ce que Vukasinovic lui avait dit. Mais s'il n'avait
3 pas reçu ces informations quant à la torture, quant au comportement cruel à
4 l'égard des prisonniers, s'il avait seulement appris que les civils et la
5 TO faisaient courir des risques aux prisonniers, ce qui se serait passé
6 plus tard, du côté de 17 heures, il a néanmoins pris des mesures pour
7 empêcher que ceci ne se poursuive. Vezmarovic, ce témoin, l'a dit à la
8 Chambre, et la Chambre a prêté foi aux dires de ce témoin. Ce témoin dit
9 qu'à partir du moment où il a pris le contrôle avec ses hommes de la police
10 militaire, et jusqu'à la fin, jusqu'au moment où il a quitté le hangar, il
11 n'y a pas eu de mauvais traitements, il n'y a pas de tortures des
12 prisonniers, il n'y a pas eu de contact entre les prisonniers et la TO et
13 les paramilitaires, parce que ces derniers avaient été sortis du hangar.
14 Page de compte rendu d'audience 8 428, de la ligne 8; jusqu'à la page 8
15 480; page 8 498, ligne 10; page 8 501; et page 8 504. Si à partir de ce
16 moment-là, d'après le compte rendu il devait être alors 17 heures 30
17 lorsque Vezmarovic a pris le contrôle complet de ces prisonniers, qu'il n'y
18 a pas eu de mauvais traitements des prisonniers jusqu'à la fin, à ce
19 moment-là il n'y a pas eu non plus de meurtre. C'est ce que ce témoin a dit
20 de façon tout à fait catégorique.
21 Par conséquent, la Défense est très claire là-dessus, la Chambre a infligé
22 cette peine, car elle fut d'avis que Mrksic avait donné l'ordre au retrait
23 de la police militaire d'Ovcara, et que ce faisant, il s'était rendu
24 coupable de complicité de meurtre. Mais il n'a pas commis un tel ordre car
25 jamais Mrksic n'a émis cet ordre. Il n'a même pas donné ce genre d'ordre au
26 capitaine Karanfilov, qui n'a pas du tout vu ce jour-là. Aucun élément de
27 preuve n'a été apporté pour prouver qu'il y aurait eu entre ces deux hommes
28 le moindre contact ce jour-là. Mais la Chambre a conclu que Mrksic avait
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1 donné directement un ordre à Karanfilov.
2 Lorsque quelqu'un a finalement pris cette décision, lorsqu'on a ainsi rendu
3 possible ce qui s'est passé, hélas les assassinats d'Ovcara, Mrksic n'était
4 plus à Negoslavci. C'est pour ça qu'on ne peut pas lui reprocher la moindre
5 responsabilité de complicité. Sa responsabilité aurait pu être engagée à
6 cause de ce qu'il a découvert à propos des mauvais traitements infligés à
7 Ovcara, c'est-à-dire à l'arrivée des prisonniers, à leur entrée dans le
8 hangar aussitôt après, parce que ça, de cela il en avait été informé post
9 factum et pas dans la mesure qui correspondait à la réalité des faits,
10 parce qu'on lui a dit que c'était les soldats qui constituaient un danger,
11 qu'on avait besoin de renforts. On ne lui a pas dit complètement quel était
12 le vécu des prisonniers lorsqu'ils sont arrivés au hangar et aussitôt
13 après. La Chambre de première instance, par conséquent, de l'avis de la
14 Défense, n'a pas bien soupesé toutes les circonstances atténuantes. Elle
15 n'a pas bien évalué. Elle n'a pas donné la valeur probante qui s'imposait
16 au comportement impeccable de Mrksic dans sa carrière. La Chambre n'a pas
17 tenu compte de sa situation familiale, n'a pas tenu compte non plus du fait
18 qu'il s'était livré volontairement au Tribunal dès que la Serbie avait
19 décidé de coopérer avec ce Tribunal.
20 La Chambre n'a pas non plus du tout tenu compte de son état de santé. Vous
21 savez qu'il a été opéré à cœur ouvert, intervention qu'il a dû subir alors
22 qu'il se trouvait en détention au quartier pénitentiaire.
23 Si la Chambre d'appel n'accueille pas l'appel que nous avons interjeté, si
24 la Chambre d'appel n'acquitte pas Mrksic de tous les chefs retenus à l'acte
25 d'accusation, si elle conclut à sa responsabilité pour complicité, que ce
26 soit en application de tous les chefs de l'acte d'accusation pour lesquels
27 il a été reconnu coupable, pour tous ou pour uniquement certains d'entre
28 eux, à notre avis, la peine que la Chambre d'appel peut lui imposer devrait
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1 être bien plus réduite.
2 M. VASIC : [interprétation] C'est ainsi que nous terminons notre réponse à
3 l'appel interjeté par l'Accusation.
4 Je vous remercie. Je ne sais pas si vous avez des questions
5 supplémentaires.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci beaucoup. Vous n'avez pas utilisé
7 tout le temps qui vous avait été imparti. Je vous en remercie. Ceci nous
8 permettra sans plus tarder d'entendre la réponse des conseils de M.
9 Sljivancanin. Une heure et 45 minutes pour ce faire. Peut-être pourrez-vous
10 utiliser 45 minutes maintenant, et une heure après la pause déjeuner.
11 Je rappelle également aux parties, comme au greffe, que nous allons sans
12 doute terminer plus tôt que prévu par l'ordonnance portant calendrier. La
13 Conférence de mise en état se tiendra plus tôt que prévu par cette
14 ordonnance. Nous aurons après la fin de l'audience une petite pause de dix
15 ou 15 minutes, mais nous n'allons pas attendre l'heure qui avait été prévue
16 au départ.
17 Maître Bourgon, vous avez la parole.
18 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Je vais vous présenter le premier volet de notre réponse, et mes arguments,
20 mes plaidoiries portent sur crimes contre l'humanité, premier motif
21 d'appel. Je voudrais aussi répondre aux questions que vous avez proposées.
22 Cet après-midi, mon confrère donnera ses réponses au deuxième motif, et si
23 le temps nous le permet, nous allons terminer par quelques remarques
24 concernant la peine, ce qui constitue le troisième motif interjeté par
25 l'Accusation.
26 Sans plus tarder, je vais aborder le premier motif d'appel : crimes contre
27 l'humanité.
28 Il y a eu un arrêt de la Chambre d'appel dans l'affaire Martic.
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1 Normalement, l'Accusation avait deux branches à ce motif. Elle en a retiré
2 la deuxième qui avait trait à la définition de la notion de "civil" à
3 l'article 50 du protocole additionnel numéro I, et en ce qui concerne la
4 possibilité d'appliquer cette définition à des crimes contre l'humanité
5 visés à l'article 5 du Statut.
6 De ce fait, ce matin l'Accusation n'a présenté sa réquisition que sur un
7 point, celui de savoir si l'article 5 du Statut nécessite que des victimes
8 individuelles soient des civils, et l'Accusation s'est contentée pour dire
9 que l'arrêt Martic résout la question.
10 Voici la structure de mes arguments : d'abord, je vais revenir sur l'arrêt
11 Martic, qui aborde la même problématique que celle présentée par
12 l'Accusation dans son premier motif d'appel. Ainsi, je pourrai vous
13 esquisser notre position sur ce point. Après quoi, l'essentiel de mon
14 intervention ce matin se concentrera sur la question posée par la Chambre
15 d'appel à propos des éléments du dossier évoquant la nécessité qu'il y ait
16 une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population
17 civile, et comme le dit la Chambre d'appel, surtout en ce qui concerne les
18 événements survenus à Vukovar et, bien sûr, la connexité entre les actes et
19 comportements de l'accusé et une telle attaque.
20 Je viens tout de suite à l'arrêt Martic, paragraphe 302 de cet arrêt, la
21 Chambre conclut que la définition de "civil," trouvée à l'article 50 du
22 protocole additionnel numéro I, traduit bien la définition de "civil" qu'il
23 faut utiliser pour appliquer l'article 5 du Statut. La Chambre conclut
24 également que le terme de "civil" dans le contexte de l'article 5 du
25 Statut, n'inclut pas des personnes hors de combat. Ceci correspond à un de
26 nos principaux arguments contenus dans notre mémoire de réponse, et nous
27 sommes tout à fait d'accord, bien entendu, avec ces conclusions de la
28 Chambre d'appel qui, à notre avis, sont essentielles pour régler la
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1 question qui se pose ici en appel.
2 Ceci dit, la Chambre d'appel poursuit, au paragraphe 303 de l'arrêt Martic,
3 elle se demande si le chapeau de l'article 5 du Statut, à savoir que
4 l'attaque doit être dirigée contre une population civile, et on se demande
5 si ce chapeau veut dire aussi que toutes les victimes de chaque crime
6 individuel visé à l'article 5 du Statut doit avoir un statut de civil. La
7 Chambre d'appel conclut à cet égard au paragraphe 307 qu'il n'y a rien dans
8 le texte de l'article 5 du Statut ou dans d'autres sources mentionnées par
9 la Chambre d'appel qui nécessite que des victimes du crime contre
10 l'humanité soient des civils. La Chambre poursuit au paragraphe 313 [comme
11 interprété], elle dit qu'une personne hors de combat peut être victime d'un
12 acte qui équivaut à un crime contre l'humanité pour autant, bien entendu,
13 que toutes les autres conditions soient également réunies; notamment, que
14 l'acte en question, le crime en question, fasse partie d'une attaque
15 généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle
16 qu'elle soit.
17 Monsieur le Président, pour les raisons énoncées dans l'arrêt et comme nous
18 l'avons dit de façon plus étoffée dans notre mémoire en réplique, nous nous
19 permettons de marquer notre désaccord avec cette conclusion de la Chambre
20 d'appel. Comme le disent le paragraphe 102 et le paragraphe 120 de notre
21 réponse, nous disons qu'aux fins d'analyse l'article 5 du Statut, les
22 victimes de crime à la base de l'acte d'accusation doivent être des civils
23 comme le définit l'article 51 du protocole additionnel numéro I, lequel
24 exclut spécifiquement, nous le savons, des soldats, des membres de groupes
25 de résistance, d'anciens combattants qui ont déposé les armes ou des
26 combattants qui sont désormais hors de combat. Par conséquent, Monsieur le
27 Président, nous nous permettons de demander à la Chambre d'appel de revoir
28 la conclusion qu'elle a tirée dans l'arrêt Martic vu les arguments
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1 supplémentaires que nous présentons dans notre mémoire en réplique.
2 Mais pour nous intéresser de façon plus précise aux questions posées par la
3 Chambre d'appel, nous n'allons pas nous attarder sur cette question, nous
4 allons l'aborder directement.
5 Voici la question posée : la prémisse de cette question, c'est que l'arrêt
6 Martic sera maintenu; à savoir qu'une personne hors de combat peut être
7 victime d'un crime contre l'humanité pour autant que toutes les autres
8 conditions signées qu'on donne soient réunies, en particulier que l'acte
9 d'accusation en question intervienne en tant que partie d'une attaque
10 généralisée et systématique dirigée contre toute population civile. Pour
11 répondre à la question de la Chambre, je vais d'abord vous présenter notre
12 position, vous dire si nous estimons qu'ici en l'espèce les conditions
13 requises par le chapeau de l'article 5 sont réunies. Puis je vous donnerai
14 les principes de droit à la base qu'il faut prendre en compte, et enfin, je
15 vais voir quels sont les éléments de preuve du dossier qui sont à l'appui
16 de notre position.
17 Quelle est cette position ? La voici en quelques mots : tout d'abord, le 20
18 novembre 1991, alors que des crimes se commettaient à Ovcara, étaient
19 commis par des membres de la TO et des paramilitaires, il n'y avait pas
20 d'attaque généralisée ou systématique dirigée contre la population civile
21 ce jour-là. Par conséquent, à notre avis, ceci suffit pour que les
22 conditions du chapeau générique ne soient pas réunies et pour aboutir à un
23 verdict d'acquittement, ce qu'a fait la Chambre de première instance pour
24 les chefs 1, 2, 3, et 5 ainsi que le chef 6.
25 Si la Chambre d'appel estime, au vu des éléments du dossier de première
26 instance qu'il y avait attaque généralisée et systématique dirigée contre
27 la population civile le 20 novembre 1991, nous disons alors que les actes
28 commis par les auteurs ne s'inscrivaient pas dans une attaque généralisée
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1 et systématique dirigée contre la population civile ce jour-là. Bien
2 entendu, il n'y avait pas non plus de lien de connexité entre les actes des
3 auteurs et l'attaque. Par conséquent, les conditions chapeau générique de
4 l'article 5 ne sont pas réunies. Une fois de plus, ceci justifie le
5 maintien de l'acquittement déclaré par la Chambre de première instance pour
6 les chefs 1, 2, 3, 5 et 6.
7 Enfin, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, si la Chambre
8 d'appel, au vu des éléments du dossier de première instance, si la Chambre
9 estime qu'il y avait attaque systématique et généralisée dirigée contre la
10 population civile, si elle pense qu'il y avait le lien de connexité requis
11 entre les actes des auteurs et l'attaque, à ce moment-là, nous faisons
12 valoir que les auteurs soit ne savaient pas que leurs actes s'inscrivaient
13 dans le cadre d'une attaque systématique et généralisée dirigée contre une
14 population civile, pas plus qu'ils ne savaient que ces actes constituaient
15 une attaque généralisée. Par conséquent, l'élément mental requis par
16 l'article 5 n'est pas réuni. Une fois de plus, il faut maintenir
17 l'acquittement décidé par la Chambre de première instance.
18 A cet égard, nous estimons que l'élément moral doit être évalué ici dans
19 l'optique de M. Sljivancanin, mais aussi du point de vue des auteurs.
20 Quels sont les principes de droit à la base de notre position.
21 Tout d'abord, le premier est l'élément de droit qui compte, à notre avis,
22 c'est la nécessité de comprendre la différence qu'il y a entre les concepts
23 suivants : conflits armé; attaque en vertu de l'article 5 du Statut;
24 attaque en application de l'article 49(1) du protocole additionnel numéro
25 I; et attaque illicite contre une population civile en application des
26 articles 51(2) et 85(3)(A) du protocole additionnel numéro I.
27 C'est connu, conformément à l'article 5 du Statut, il y a une condition
28 qu'il faut remplir à titre exceptionnel, à savoir qu'un crime contre
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1 l'humanité doit être commis en situation de conflit armé, qu'il soit
2 international ou pas. De plus, en application de la jurisprudence établie
3 par le TPY, nous savons qu'il y a conflit armé chaque fois qu'on recourt à
4 des forces armées, que des Etats le font ou qu'il y a poursuite de violence
5 armée entre des autorités gouvernementales et des groupes armés organisés
6 ou entre ces groupes à l'intérieur d'un Etat. Arrêt Tadic, paragraphe 407,
7 décision portant sur la compétence du 2 octobre 1995, paragraphe 70.
8 Prenons l'article 5 du Statut, l'attaque y est définie comme un
9 comportement qui comporte des actes de violence et qui ne se limite pas au
10 recours aux forces armées, qui peut englober aussi tout mauvais traitement
11 de la population civile. Arrêt Kunarac, paragraphe 86. A cet égard, il
12 s'ensuit que le concept du conflit armé, le concept de l'attaque tel que
13 l'entend l'article 5 du Statut, ce ne sont pas les mêmes concepts; arrêt
14 Tadic, paragraphe 251. Ce sont des concepts forcément distincts même si,
15 comme le dit l'article 5 du Statut, l'attaque contre toute population
16 civile peut faire partie d'un conflit armé; arrêt Kunarac, paragraphe 86.
17 Je passe rapidement à la définition de l'attaque pour le droit
18 international humanitaire. Article 49(1), il définit "l'attaque" comme
19 étant un acte de violence dirigé contre un adversaire, que ce soit à titre
20 d'attaque ou de défense. Pour le dire autrement, une "attaque," d'après le
21 protocole additionnel I, fait référence à l'utilisation d'une partie contre
22 une autre qui est forcément une partie hostile, adversaire.
23 Dernier concept qu'il nous faut étudier c'est celui d'une attaque illégale
24 ou illicite contre une population contre une population civile d'après les
25 lois et coutumes de la guerre comme le définit la référence à l'article
26 51(2) et 85(3) du protocole additionnel I. Une attaque illicite contre une
27 population civile c'est une attaque, comme le dit l'article 49(1) du
28 protocole, qui est illicite parce que c'est dirigé contre une population
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1 civile tel que défini à l'article 51(2) et, bien entendu, ce qui a pour
2 résultat d'entraîner des morts de civils. Ceci a été confirmé par l'arrêt
3 de la Chambre de Kordic, paragraphe 67.
4 Ces définitions nous permettent de tirer la conclusion
5 suivante : tout d'abord, c'est qu'en vertu de l'article 5 du Statut, une
6 attaque ne va pas forcément entraîner ou comprendre une attaque comme le
7 comprend l'article 49(1) du protocole additionnel I. Une attaque peut se
8 produire pendant un conflit armé, et une attaque de l'article 5 peut se
9 produire en temps de conflit armé, mais peut durer plus longtemps que
10 celui-ci. Deuxièmement, le terme de "conflit armé" peut, mais ne va pas
11 nécessairement comprendre une attaque visée à l'article 5 du Statut.
12 Troisièmement, un conflit armé, c'est plus que probable, va signifier aussi
13 une attaque, comme le disent les lois et coutumes de la guerre, article
14 49(1) du protocole additionnel I, mais d'après l'article 49(1), la présence
15 de l'attaque peut se faire sans qu'il y ait une attaque comme l'entend
16 l'article 5 du Statut.
17 Il sera important de rassembler ces concepts lorsque nous examinons,
18 faisons une analyse des faits de l'espèce, les éléments de preuve.
19 Deuxième élément de droit important à nos yeux, c'est le sens qu'il faut
20 donner à l'idée de "diriger contre," comme le dit l'article 5 du Statut. La
21 Chambre d'appel a apporté des précisions, elle a dit que ce terme, "diriger
22 contre," c'est une expression qui dit que quand il y a un crime contre
23 l'humanité, la population civile c'est l'objet primaire de l'attaque.
24 Qu'est-ce qui est important ici, ce sont les critères énoncés par la
25 Chambre d'appel. Si nous les examinons, nous pourrons déterminer s'il y a
26 eu effectivement une attaque dirigée contre une population civile. Quels
27 sont ces
28 éléments ? Les moyens et les méthodes utilisés pendant l'attaque; le statut
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1 des victimes - c'est très important; le nombre de victimes; le caractère
2 discriminatoire de l'attaque; la nature des crimes commis pendant
3 l'attaque; la résistance contre les assaillants; la mesure dans laquelle on
4 peut dire que les forces assaillantes ont respecté ou ont tenté de
5 respecter les règles de précision infligées par les lois et coutumes de la
6 guerre; et enfin, dans la mesure où il y aurait eu des crimes contre
7 l'humanité commis pendant un conflit armé, les lois et coutumes de la
8 guerre énoncent les critères à respecter pour déterminer s'il y a eu
9 légalité ou pas des actes commis. Ce sera important aussi lorsque nous
10 allons soupeser et étudier les éléments du dossier.
11 Troisième concept de droit important ici, c'est le sens à donner au
12 caractère "généralisé et systématique." Mais nous pensons que la
13 jurisprudence du TPI et du TPIR a très bien énoncé ceci, inutile de
14 s'attarder.
15 Dernier élément de droit important à étudier, à notre avis, c'est le
16 sens à donner à l'article 5 du Statut lorsqu'on dit que les actes de
17 l'auteur doivent constituer une partie de l'attaque, cette condition-là.
18 Dans Kunarac, la Chambre d'appel a confirmé que ceci porte sur le lien, la
19 connexité qu'il faut qu'il y ait entre les actes des accusés et les
20 attaques. La Chambre a ajouté que ce lien requis se compose de deux
21 éléments; tout d'abord, les actes commis qui, en raison de leur nature et
22 de leurs conséquences, font objectivement partie de l'attaque;
23 deuxièmement, il faut que l'accusé sache qu'il y a une attaque dirigée
24 contre une population civile et que les actes qui sont les siens font
25 partie de l'attaque.
26 Pour ce qui est du troisième [comme interprété] élément, faire partie
27 d'eux, à savoir que le fait de commettre un acte, puis en raison de sa
28 nature et de ses conséquences le rendent objectivement partie de l'attaque,
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1 la Chambre d'appel a dit qu'il ne faut pas nécessairement que l'acte se
2 commette en plein milieu de l'attaque, mais qu'il y ait un lien suffisant
3 pour que cet acte soit considéré comme faisant partie de l'attaque. La
4 Chambre d'appel a ajouté qu'il ne faut pas non plus que ce soit une
5 infraction isolée.
6 Par conséquent, à notre avis, pour déterminer si le crime fait partie
7 de l'attaque, il faut étudier la nature du crime, ses conséquences, le
8 contexte et les circonstances du crime, et le lien entre le crime et
9 l'attaque.
10 Pour ce qui est du deuxième élément, "faire partie de," il faut que
11 deux conditions soient remplies. L'accusé doit savoir qu'il y a une attaque
12 dirigée contre une population civile, il faut aussi qu'il sache que ses
13 actes à lui s'inscrivent ou font partie de cette attaque dirigée contre la
14 population civile. Cette connaissance fait partie des conditions requises
15 pour établir l'élément moral du crime contre l'humanité. Même s'il n'est
16 pas nécessaire que l'accusé ait eu connaissance des détails de l'attaque
17 proprement dite, l'attaque a été dirigée contre la population civile, à
18 l'évidence, l'accusé doit avoir su quelle était la nature et les
19 conséquences de l'attaque dirigée contre la population civile. Plus
20 particulièrement ce qui est d'une importance essentielle c'est que
21 l'objectif, le but victime comprenait des civils tel que défini à l'article
22 51 du protocole additionnel I. Pourquoi est-ce que c'est si important ?
23 Tout simplement parce que lorsque le moment vient de déterminer si l'accusé
24 savait que son crime faisait partie de l'attaque contre une population
25 civile, il sera nécessaire de comparer la connaissance qu'il avait lui-même
26 du fait que ce groupe était pris pour cible par ce crime et ce qu'il savait
27 du groupe qui faisait l'objet d'une attaque contre la population civile. Il
28 sera également nécessaire de comparer la connaissance que l'accusé avait
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1 des conséquences de ses actes, en l'occurrence ses crimes, avec la
2 connaissance qu'il avait des conséquences de l'attaque contre la population
3 civile.
4 Ayant examiné les considérations de droits qui ont de l'importance
5 pour apprécier notre argumentation, nous pouvons passer maintenant aux
6 questions précises qui nous ont été posées par les membres de la Chambre
7 d'appel.
8 Premièrement, la question était : y avait-il un conflit armé le 20
9 novembre 1991 ? La Chambre de première instance estimait - et c'est au
10 paragraphe 300 -- 432 [comme interprété] - qu'un conflit armé existait dans
11 la zone élargie de la municipalité de Vukovar et ailleurs en Croatie, qui a
12 commencé par la fin du mois d'août 1991 et s'est poursuivi jusqu'à après
13 les événements qui font l'objet de l'acte d'accusation. Par conséquent, il
14 n'est pas contesté dans cet appel qu'il y avait bien un conflit armé le 20
15 novembre 1991, mais la question plus importante encore est de savoir si le
16 20 novembre 1991 il y avait une attaque généralisée ou systématique visant
17 la population civile de Vukovar. Pour répondre à cette question, nous avons
18 tout d'abord examiné quels étaient les événements jusqu'au 18 novembre 1991
19 sur la base des conclusions auxquelles est parvenue la Chambre de première
20 instance.
21 La Chambre de première instance est parvenue à la conclusion au paragraphe
22 465 du 23 août 1991 jusqu'au 18 novembre 1991. La ville de Vukovar et ses
23 alentours faisaient de plus en plus l'objet de tirs d'artillerie, de
24 pilonnages et d'autres tirs, et que les dommages en ville étaient
25 dévastateurs. Le siège de Vukovar a commencé le 25 août 1991, ceci au
26 paragraphe 37. Et au paragraphe 465, pour l'essentiel, la ville de Vukovar
27 a été encerclée et en état de siège jusqu'à ce que les forces croates aient
28 capitulé le 18 novembre.
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1 Je voudrais également me référer aux conclusions de la Chambre de
2 première instance au paragraphe 468, selon lesquelles la bataille de
3 Vukovar a entraîné un très grand nombre de victimes, à la fois des morts et
4 des blessés, à la fois des combattants et des civils, et la Chambre a
5 estimé qu'on pouvait se fier à un nombre de 60 à 75 % de victimes civiles.
6 Au paragraphe 466, que les bâtiments avaient été pris pour cibles, y
7 compris des écoles et les jardins d'enfants, et qu'il y avait également des
8 puits qui avaient été pris pour cibles. Au paragraphe 470, que l'attaque
9 avait consciemment et délibérément été dirigée contre la ville de Vukovar
10 elle-même, et sa population civile sans défense, encerclée comme elle
11 l'était par le blocus militaire de Vukovar. Le paragraphe 472 montre que
12 les dommages très développés aux biens civils et à l'infrastructure, et le
13 nombre de civils tués ou blessés au cours de l'opération militaire et le
14 nombre élevé de civils déplacés ou forcés de s'enfuir indique clairement
15 que l'attaque a été effectuée sans discrimination, contrairement au droit
16 international.
17 En conséquence, la Chambre de première instance a constaté qu'au
18 moment correspondant à l'acte d'accusation, il y avait non seulement une
19 opération militaire en cours contre les forces croates à Vukovar et autour
20 de Vukovar, mais aussi une attaque généralisée et systématique de la JNA et
21 d'autres forces serbes contre les Croates et autres membres de la
22 population civile non-Serbes dans le secteur de Vukovar, au paragraphe 472.
23 Sur la base de ces éléments de preuve, les conclusions suivantes
24 peuvent être tirées : premièrement, que dès la fin d'août 1991 jusqu'au 18
25 novembre 1991, il y a eu une attaque illicite contre la population civile,
26 comme le dit l'article 51(2) et 51(1) [comme interprété] du protocole
27 additionnel I et le droit de la guerre. Deuxièmement, parallèle à cette
28 attaque pendant la même période, il y a eu une attaque généralisée et
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1 étendue dirigée contre la population civile au sens de l'article 5 du
2 Statut. Troisièmement, d'après la Chambre de première instance, que les
3 actes de violence et actes illicites qui ont constitué l'attaque illicite
4 contre la population civile et les objectifs civils, conformant au droit de
5 la guerre ou au protocole additionnel numéro I, sont les mêmes actes de
6 violence et d'actes illicites qu'elle qualifie d'attaque généralisée ou
7 systématique visant la population civile de Vukovar.
8 Ceci étant dit, nous passons à la période de ce qui s'est passé entre le 18
9 novembre et le 20 novembre. Là encore, un processus en deux étapes est
10 nécessaire. Premièrement, nous avons besoin de voir les conclusions de la
11 Chambre de première instance qui a constaté que les forces croates à
12 Vukovar et autour de Vukovar ont capitulé le 18 novembre 1991, que le 18
13 novembre, 4 000 civils -- ont cherché à quitter Vukovar et que l'évacuation
14 a été aidée par la JNA, au paragraphe 157. Aux paragraphes 130 à 144,
15 l'accord de Zagreb avait été conclu le 18 novembre 1991. Un accord a été
16 fait concernant un convoi humanitaire pour évacuer les blessés et les
17 malades de l'hôpital de Vukovar, ainsi qu'un cessez-le-feu dans le secteur
18 de l'hôpital de Vukovar, et selon l'itinéraire d'évacuation convenu. Les
19 préparatifs d'évacuation de l'hôpital ont été effectués entre le 18
20 novembre 1991 - paragraphes 180 à 189 - et dans la matinée, à 7 heures, il
21 y a eu le début de l'évacuation de l'hôpital, le paragraphe 199.
22 Il faut également examiner les éléments de preuve suivants au dossier. Nous
23 référons la Chambre aux pièces suivantes : 368, 417, 418, 419, 421, 425,
24 734 et 735. Ces pièces sont des rapports de combat présentés par le Groupe
25 opérationnel sud et envoyés au commandement de la 1ère Région militaire, au
26 commandement de la 1ère Région militaire, ainsi que du commandement de la
27 1ère Région militaire, adressés au centre d'Opérations de la République
28 fédérative de Yougoslavie, ceci donc du 18 au 22 novembre 1991.
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1 Nous voudrions également prier les membres de la Chambre de prendre en
2 considération les pièces 314, 315, 316, 320, 321, 322, 323, 333, 334, 339,
3 340, 341 et 344. Ce sont des rapports qui ont été préparés par la mission
4 militaire -- la Mission de surveillance européenne pendant la période
5 allant du 16 au 27 novembre 1991. Bien entendu, nous prions la Chambre
6 également de se référer à la pièce 40, qui est l'accord de Zagreb, document
7 qui énonce l'accord entre la République de Croatie et l'armée de la
8 République fédérale de Yougoslavie, le comité international de la Croix-
9 Rouge, Médecins sans frontières, et la Croix-Rouge maltaise. Ceci concerne
10 un convoi pour évacuer les blessés et les malades de l'hôpital de Vukovar.
11 Ce document a trait à l'évacuation du 20 novembre et comprend notamment
12 l'engagement à la fois par les deux parties, la Croatie et l'armée de la
13 République fédérale de Yougoslavie de garantir un cessez-le-feu dans le
14 secteur de l'hôpital de Vukovar et le long des itinéraires d'évacuation.
15 Monsieur le Président, notre thèse est que ces documents établissent
16 notamment les efforts continus et l'intention continue de l'armée populaire
17 de la Yougoslavie au cours de cette période d'organiser l'évacuation des
18 civils, d'évacuer les blessés et les malades et de veiller à la population
19 civile. Ces documents établissent également qu'il n'y a plus de tirs
20 d'artillerie ni d'opérations offensives, bien qu'il y ait eu, selon les
21 rapports, quelques escarmouches où les forces croates ont refusé de se
22 rendre.
23 En conséquence, notre thèse, et sur la base de ces éléments de preuve, y
24 compris les pièces évoquées et les conclusions de la Chambre de première
25 instance, et en gardant, bien sûr, à l'esprit les critères mentionnés plus
26 tôt qui doivent être pris en considération pour déterminer s'il y a eu une
27 attaque généralisée et systématique visant la population civile ou dirigée
28 contre la population civile, selon nous c'est l'attaque illicite contre la
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1 population civile. D'après ce livre, le protocole additionnel 1 a pris fin
2 le 18 novembre 1991 avec la reddition des forces croates, aussi que
3 l'attaque généralisée et systématique visant la population civile aux
4 termes de l'article 5, a également pris fin le 18 novembre 1991, comme le
5 prouve le fait qu'il n'y avait plus, quels que soient les comportements, la
6 commission d'actes de violence visant la population civile, ou dirigée
7 contre elle. Et, bien sûr, il n'y avait plus non plus de comportements
8 résultant de la maltraitance de la population civile.
9 En d'autres termes, au cours de la période du 18 au 20 novembre, il y
10 a eu une modification complète de la situation qui a évolué depuis des
11 combats où la force armée était utilisée entre l'armée populaire de
12 Yougoslavie et les forces croates pour aboutir à une situation dans
13 laquelle les deux parties, et c'est ce qui est plus important, l'armée
14 populaire yougoslave avait manifesté la volonté de protéger la population
15 civile et de ne causer aucun dommage ou mauvais traitement à la population
16 civile, en aucune manière. Nous parlons, bien entendu, des efforts
17 humanitaires déployés. Sur cette base, nous faisons valoir respectueusement
18 que le 20 novembre 1991, il n'y avait pas d'attaque généralisée ou
19 systématique dirigée contre la population civile dans le secteur de
20 Vukovar, et pour cette raison, les exigences aux conditions posées au
21 chapeau de l'article 5 ne sont pas réunies.
22 Ce qui est important ici, Monsieur le Président, c'est que le parallèle qui
23 a été établi par la Chambre de première instance entre l'attaque illicite,
24 d'après le droit de la guerre, et l'attaque généralisée contre la
25 population civile, selon l'article 5 du Statut, les éléments de preuve
26 montrent clairement que les deux ont pris fin le 18 novembre 1991.
27 La troisième question qui doit être examinée est la suivante : est-ce que
28 les actes illicites commis à Ovcara le 20 novembre 1991 faisaient-ils
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1 partie d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre la
2 population civile et qui aurait pris fin le 18 novembre 1991 ? Sur la base
3 d'éléments de preuve et du dossier, la réponse à cette question est
4 assurément non. D'après l'Accusation, un lien suffisant existe entre les
5 événements d'Ovcara, parce qu'ils ont eu lieu deux jours après la fin de la
6 reddition des forces croates dans le même secteur géographique, et ont été
7 commis par des personnes qui étaient impliquées dans les combats, les mêmes
8 personnes, il s'agit des mêmes personnes impliquées dans les combats, des
9 personnes qui avaient des sentiments d'animosité ou d'hostilité à l'égard
10 des forces croates ennemies. Notre argument, Monsieur le Président, est que
11 ceci n'est tout simplement pas suffisant pour établir le lien nécessaire.
12 Comme nous l'avons vu précédemment, ce lien comporte deux éléments :
13 premièrement, que les actes commis à Ovcara aient dû, objectivement, faire
14 partie de l'attaque, visés l'article 5, de par leur nature et leurs
15 conséquences. Et deuxièmement, que l'accusé ait su qu'il y avait une
16 attaque, que ces crimes faisaient partie d'une attaque visant la population
17 civile.
18 En appréciant le premier de ces éléments sur la base des éléments de preuve
19 et du dossier, nous constatons ceci : premièrement, la nature du crime,
20 torture des prisonniers de guerre à Ovcara, est quelque chose de tout à
21 fait différent. Au cours des combats, précédant le 18 novembre, l'emploi de
22 la force armée visait sans discrimination la population civile et une
23 infrastructure civile. Vukovar était assiégée et les combats contre les
24 forces croates à ce moment-là étaient légitimes.
25 Si on examine les conséquences du crime, elles sont complètement
26 différentes. Les victimes à Ovcara étaient exclusivement des prisonniers de
27 guerre tandis que les victimes de l'attaque généralisée et systématique
28 contre une population civile avant le 18 novembre étaient au premier chef
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1 essentiellement des civils et les conséquences étaient la dévastation
2 d'infrastructure civile. Examinant le contexte et les circonstances dans
3 lesquelles les crimes d'Ovcara ont été commis, ils n'ont aucun lien avec
4 l'attaque illicite contre la population civile à un moment où Vukovar était
5 assiégée, où des combats avaient activement lieu entre les parties au
6 conflit et où les forces croates ne s'étaient pas encore rendues. Tandis
7 qu'à Ovcara, les prisonniers de guerre ont été détenus et maltraités, il
8 n'y avait plus de combats et l'armée populaire yougoslave portait tous ses
9 efforts sur l'évacuation et les soins apportés aux civils. En l'occurrence,
10 une distinction très claire peut être établie entre les actes illicites des
11 paramilitaires et de la Défense territoriale et les actes et l'intention
12 des forces de la JNA au même moment. Par conséquent, les crimes de la
13 Défense territoriale et des paramilitaires à Ovcara, de façon exclusive
14 contre les prisonniers de guerre, ne visaient pas la population civile de
15 Vukovar.
16 Appréciant le deuxième élément sur la base des éléments de preuve, nous
17 constatons ceci : premièrement, on peut dire que sur la base d'éléments de
18 preuve et du dossier, que les auteurs des mauvais traitements à Ovcara
19 savaient et avaient connaissance de l'attaque généralisée systématique
20 dirigée contre une population civile jusqu'au 18 novembre 1991. Mais ceci
21 étant dit, ils savaient qu'à la fois l'attaque illicite contre la
22 population civile, au sens du droit de la guerre, le pilonnage, et ainsi de
23 suite, ainsi que l'attaque généralisée et systématique visant la population
24 civile au sens de l'article 5, toutes deux avaient pris fin le 18 novembre
25 1991, et que les auteurs savaient que l'objectif essentiel de la JNA après
26 cette date était l'évacuation et le fait de veiller à la sécurité à la fois
27 des civils, des malades et des blessés. La question véritable est donc de
28 savoir s'ils savaient si leurs crimes, les crimes qu'ils ont commis à
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1 Ovcara, faisaient ou non partie de l'attaque au sens de l'article 5.
2 Les constatations suivantes de la Chambre de première instance sont les
3 suivantes : Ces personnes qui ont été déplacées par les forces de la JNA
4 depuis l'hôpital de Vukovar le 20 novembre 1991 et emmenées à Ovcara par
5 des forces serbes avaient été identifiées de façon précise, puisqu'on
6 savait ou on croyait qu'ils avaient eu une activité dans les forces
7 croates; paragraphe 480. Ils ont été identifiés et emmenés en détention par
8 la JNA en tant que prisonniers de guerre; paragraphe 480. Les auteurs des
9 infractions contre les prisonniers à Ovcara les 20 et 21 novembre 1991 ont
10 agi en comprenant que leurs actes étaient dirigés contre des membres des
11 forces croates et pas contre la population civile. Les membres des forces
12 serbes qui assuraient la garde des victimes du 20 novembre 1991 et ceux qui
13 ont été exécutés dans cette soirée, cette nuit à Ovcara, ont agi en
14 connaissance du fait ou en croyance du fait que les victimes étaient des
15 prisonniers de guerre et non pas des civils, ainsi que comprenant que leurs
16 actes étaient dirigés contre des membres des forces croates; paragraphes
17 480 et 481.
18 Sur la base de ces conclusions, voilà ce que nous devons examiner : deux
19 éléments. Premièrement, la connaissance qu'avaient les membres de la
20 Défense territoriale et les paramilitaires concernant l'attaque généralisée
21 ou systématique dirigée contre la population civile avant le 18 novembre;
22 puis, la connaissance et la compréhension que les membres de la Défense
23 territoriale et des paramilitaires concernant leurs propres crimes commis
24 le 20 novembre. Cette comparaison doit être effectuée sur la base des
25 conséquences, le contexte, les circonstances, et les liens, s'il en existe
26 un, entre les crimes dans les deux cas. Par conséquent, sur ces bases, sur
27 la base de l'ensemble des éléments de preuve au dossier, il n'y a qu'une
28 conclusion qui soit possible, c'est que les membres de la Défense
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1 territoriale et des paramilitaires qui ont commis des crimes à Ovcara le 20
2 novembre, n'étaient pas au courant du fait que ces crimes s'adaptaient ou
3 faisaient partie de l'attaque généralisée et systématique dirigée contre la
4 population civile de Vukovar, qui a pris fin le 18 novembre 1991.
5 Enfin, il est nécessaire d'examiner ces événements du point de vue de M.
6 Sljivancanin. Est-il raisonnable de penser que Sljivancanin savait que les
7 mauvais traitements des prisonniers de guerre à Ovcara, considérant la
8 nature, les conséquences ainsi que le contexte et les circonstances dans
9 lesquelles ces crimes ont été commis, est-il raisonnable de penser qu'il
10 savait que ceci faisait partie de l'attaque généralisée systématique visant
11 la population civile qui avait pris fin le 18 novembre 1991 ? Bien sûr que
12 non, Monsieur le Président. D'après la Chambre de première instance, M.
13 Sljivancanin s'était vu confier par son commandant l'organisation,
14 l'évacuation de civils de l'hôpital de Vukovar, y compris la direction de
15 l'opération de tri, pour s'assurer que les membres des forces croates
16 seraient traités conformément au droit. Avec l'aide d'autres personnes, il
17 a personnellement sélectionné et s'est assuré, pour autant qu'il le
18 pouvait, qu'aucun membre des forces croates n'échapperait à leurs
19 responsabilités en tant que criminel de guerre potentiel en étant évacué
20 avec des civils dont il avait la charge et aucun civil n'aurait à faire
21 face à des poursuites avec les membres des forces croates qui n'étaient pas
22 des prisonniers de guerre.
23 A un moment donné, lorsque 12 à 15 personnes ont été renvoyées depuis la
24 caserne de la JNA à l'hôpital de Vukovar, il n'a pas hésité à réexaminer
25 ses décisions antérieures pour s'assurer, savoir s'il s'agissait de civils
26 évacués. D'autres ont été renvoyés à la caserne de la JNA où ils se sont
27 retrouvés avec des prisonniers de guerre.
28 Bien que nous soutenions qu'il n'a jamais été à Ovcara, si la Chambre
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1 d'appel estime qu'il est allé là-bas et qu'il a vu des mauvais traitements,
2 il n'y avait certainement aucun doute dans son esprit que les prisonniers
3 de guerre étaient maltraités et pas des civils, par les membres de la
4 Défense territoriale et les paramilitaires qui, à ce moment-là, n'étaient
5 pas d'accord ou n'agissaient pas conformément aux efforts humanitaires de
6 l'armée populaire yougoslave, mais que ceci était sans lien avec l'attaque
7 généralisée systématique dirigée contre la population civile de Vukovar qui
8 a pris fin le 18 novembre 1991.
9 Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, respectueusement nous vous
10 demandons que la Chambre d'appel rejette le premier moyen d'appel de
11 l'Accusation et confirme le verdict d'acquittement de la Chambre de
12 première instance pour les chefs d'accusation 1, 2, 3, 5 et 6.
13 Merci, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Bourgon.
15 Nous allons maintenant suspendre la séance pendant une heure et 15 minutes,
16 donc ceci nous amènera à 13 heures 30. Nous allons nous retrouver à 13
17 heures 30. A ce moment-là, votre équipe disposera encore d'une heure pour
18 plaider. J'espère que vous n'aurez pas besoin de tout ce temps, on vous
19 donne une heure. Je ne sais pas si nous aurons besoin d'une suspension
20 d'audience dans l'après-midi. Je vérifierai, pour ce qui est des
21 enregistrements. Ensuite, l'Accusation disposera de 45 minutes pour
22 répondre. Après quoi, nous aurons des déclarations personnelles si les
23 appelants souhaitent faire de brèves déclarations personnelles. Après cela,
24 nous aurons une suspension de séance de quelques minutes, après quoi nous
25 aurons une Conférence de mise en état.
26 Pour le moment, je lève la séance jusqu'à 13 heures 30.
27 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 13.
28 --- L'audience est reprise à 13 heures 28.
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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Si je ne me trompe pas, c'est le
2 conseil de M. Sljivancanin qui a 60 minutes maintenant pour nous présenter
3 ses arguments.
4 M. LUKIC : [interprétation] En effet. Je vous remercie, Monsieur le
5 Président.
6 Je vais maintenant vous présenter notre argument qui porte sur le deuxième
7 moyen d'appel de l'Accusation. L'essence se trouve dans la soi-disant
8 erreur qu'aurait faite la Chambre de première instance au paragraphe 672.
9 D'après l'Accusation, aucun juge raisonnable n'aurait pu conclure ce qu'a
10 conclu la Chambre de première instance, c'est-à-dire que Sljivancanin avait
11 raison de croire que des membres de la Défense territoriale et des
12 paramilitaires n'allaient pas essayer de se livrer aux meurtres, en effet,
13 parce que la JNA assurait la sécurité des prisonniers. Il s'agit du
14 paragraphe 99 de l'appel. Cette argumentation se base sur le fait que
15 Sljivancanin avait connaissance préalable des actions des paramilitaires et
16 de la TO, et qu'il savait aussi que la JNA n'avait pas empêché ces
17 personnes de commettre des crimes au préalable. En tout cas, c'est ce
18 qu'affirme le bureau du Procureur.
19 Le bureau du Procureur qui n'a aucun argument en ce qui concerne cette
20 erreur alléguée qu'aurait fait la Chambre de première instance, ne fait que
21 répéter les conclusions, les constatations de la Chambre de première
22 instance montrant que Sljivancanin connaissait le comportement des membres
23 de la TO, il savait que c'étaient des personnes parfaitement capables de
24 meurtre.
25 Toutes les affirmations faites par l'Accusation à propos de la soi-disant
26 connaissance que Sljivancanin aurait eu à avoir du comportement criminel
27 précédent des paramilitaires et de la TO, sont un élément que la Chambre de
28 première instance a pris en compte qu'ils ont conclu au paragraphe 672 et
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1 d'ailleurs ils ont dit : Il est vrai que Sljivancanin se devait d'être au
2 courant, sur la base de sa connaissance de ce qui s'était passé à
3 Velepromet le 19 novembre 1991, qu'au moins certains membres de la TO et
4 des paramilitaires étaient capables de meurtre.
5 Mais cela dit, ce que la Chambre de première instance a établi comme étant
6 un élément essentiel dans ses conclusions expliquant pourquoi Sljivancanin
7 aurait pu se dire qu'il n'y aurait pas eu de meurtre c'est parce qu'il y
8 avait la présence de la JNA sur place. L'Accusation n'a pas montré que la
9 Chambre de première instance a fait une erreur en ce qui concerne cette
10 conclusion.
11 L'Accusation n'a pas, en fait, remis en cause les éléments-clés
12 conclus par la Chambre de première instance qui ont une conséquence directe
13 sur ce dont on parle au paragraphe 672. Donc aux paragraphes 620 et 621 du
14 jugement, la Chambre de première instance a conclu que le danger en ce qui
15 concerne la vie des prisonniers n'est arrivé qu'après le retrait des forces
16 de sécurité de la JNA, ces prisonniers qui étaient dans le hangar.
17 L'Accusation n'a pas remis en cause ces éléments de preuve auxquels fait
18 référence la Chambre de première instance. Et d'ailleurs les éléments de
19 preuve montrent bien que les meurtres ont été commis après le retrait des
20 forces de sécurité; paragraphes 252 et 294.
21 Il est clair que les éléments de la JNA qui sont les éléments de la 4e
22 Brigade motorisée se trouvaient entre les auteurs et les victimes. La
23 Chambre de première instance n'a pas établi que les meurtres ont eu lieu
24 dans la période où la JNA assurait la sécurité à Ovcara; paragraphes 494 et
25 508. Ceci n'a pas été mis en cause par l'Accusation dans leur appel.
26 Si la Chambre de première instance avait conclu sur la base des preuves
27 présentées qu'en effet, même en présence de la JNA, la vie des prisonniers
28 était en danger et que ces prisonniers risquaient leurs vies, il y aurait
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1 pu avoir un lien entre la connaissance préalable qu'avait Sljivancanin du
2 comportement meurtrier de la TO et le fait qu'il serait sans doute
3 impossible d'assurer la sécurité de ces prisonniers.
4 Mais contrairement à ce qu'affirme l'Accusation, la Chambre de première
5 instance a bel et bien démontré que les meurtres avaient commencé après 21
6 heures, après le retrait de la JNA. La police militaire de la 80e Brigade
7 était en fait un tampon, a fait le tampon, et en présence de ces membres de
8 la 80e Brigade, les membres de la TO ne pouvaient pas menacer la vie des
9 prisonniers cette après-midi-là.
10 L'Accusation au paragraphe 186 déclare d'ailleurs que c'est parce que la
11 JNA s'est retirée d'Ovcara que les prisonniers se sont retrouvés entre les
12 mains de la TO et des paramilitaires qui se sont livrés à des meurtres
13 ensuite. Le paragraphe 199 de leur appel, le bureau du Procureur déclare
14 qu'après l'ordre que la sécurité se retire à 21 heures, les prisonniers
15 sont restés entre les mains des paramilitaires et de la police et qu'en ce
16 moment-là, ils sont livrés à leur désir de vengeance et ce, sans aucune
17 restriction.
18 Vous pouvez trouver référence au paragraphe 620. Dans ce paragraphe, voici
19 ce qui est dit en ce qui concerne le retrait déjà des gardes de la JNA. Le
20 retrait des gardes de la JNA a enlevé, en fait, cette dernière contrainte
21 qui restait. Ce qui s'en est suivi a montré de façon tragique que jusqu'à
22 présent la sécurité assurée par la JNA avait été efficace et que
23 l'intensité de la haine et du désir de revanche a ensuite pu se déchaîner
24 sans aucune restriction.
25 Donc le bureau du Procureur ne remet en cause cette conclusion de la
26 Chambre de première instance, et d'ailleurs ils l'étayent puisque dans leur
27 propre appel, dans leur troisième moyen, ils y font référence. Il y a deux
28 jours, l'Accusation a suivi exactement la même thèse lorsque M. Rogers a
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1 dit pour ce qui est de M. Mrksic :
2 "Quand il a ordonné le retrait de la 80e Brigade motorisée, la seule force
3 qui était la seule force protectrice permettant d'empêcher les tueurs de se
4 livrer à leurs crimes."
5 Ensuite, à la page 87, ligne 11, il a dit :
6 "Quand il a agi, la seule chose qu'il a faite, c'était pour retirer la
7 seule sécurité qui leur restait, ce qui du fait, les a livré à leur sort
8 tragique."
9 Dans le jugement, la Chambre de première instance a conclu que
10 Sljivancanin, sur la base de la connaissance qu'il avait précédemment de ce
11 qui s'était passé à Ovcara, ne pouvait que savoir que certains de ces TO
12 allaient se livrer à des crimes, y compris des assassinats.
13 La Défense, dans sa réponse aux paragraphes 188 à 198, ainsi que dans notre
14 mémoire d'appel, paragraphes 441 à 467 inclus, a abordé en détail cette
15 argumentation où nous contestons en fait les conclusions de la Chambre en
16 ce qui concerne le mens rea de Sljivancanin.
17 Dans son appel, l'Accusation, pour étayer les conclusions de la Chambre,
18 fournit certains éléments de preuve qui corroborent tout cela. Il base le
19 fait que Sljivancanin avait connaissance préalable de tout cela par le
20 biais de rapports écrits, qui ont été écrits avant le 18 novembre 1991, le
21 fait aussi de ce qu'il avait appris du colonel Vujic deux jours avant, donc
22 ce qui s'est passé à Velepromet, il savait aussi ce qui s'était passé dans
23 la caserne et à Ovcara lorsque soi-disant il y était et il était aussi soi-
24 disant au courant du retrait de l'ordre qui avait été donné de retirer les
25 forces de sécurité.
26 Mais en ce qui concerne ces points, nous tenons à vous dire que la Défense
27 de Sljivancanin affirme que tout d'abord Sljivancanin n'était pas présent,
28 n'était pas à la caserne non plus, n'a pas été informé par Vujic sur ce qui
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1 s'était passé à Velepromet, qu'il ne savait absolument pas que les forces
2 de sécurité allaient être retirées d'Ovcara. Nous avons présenté nos
3 arguments en détail là-dessus d'ailleurs dans notre réplique et ce, à
4 plusieurs paragraphes.
5 Cela dit, si la Chambre d'appel accepte l'une ou l'autre de ces assertions
6 faites par la Défense, alors la thèse selon laquelle il avait une
7 connaissance préalable du comportement des membres de la TO devient
8 parfaitement inacceptable. Même si vous acceptiez les arguments de la
9 Chambre de première instance et les constatations surtout de la Chambre de
10 première instance en ce qui concerne ceci, cela ne devrait en aucun cas
11 modifier les conclusions de la Chambre de première instance telles qu'elles
12 sont au paragraphe 672 du jugement, c'est-à-dire qu'il n'aurait pu
13 raisonnablement croire qu'au vu des circonstances les membres de la TO et
14 les paramilitaires allaient se livrer à des meurtres.
15 Ici il y a une erreur dans le transcript, puisque ce n'est pas en fait la
16 "déclaration," mais "paragraphe 672 du jugement" et non de la
17 "déclaration."
18 Nous tenons à faire remarquer aussi que l'Accusation dit que
19 Sljivancanin avait peur qu'il y ait un conflit entre les membres de la JNA
20 et le premier groupe de prisonniers le 18 novembre. Ils se sont basés là-
21 dessus, puis il y avait Karanfilov, et cetera. Donc si Sljivancanin avait
22 bel et bien raison de s'inquiéter, s'il voulait empêcher tout conflit, il
23 faudrait que l'on sache exactement ce qui s'est passé, parce que cela
24 contribue aussi à ce que connaissait Sljivancanin au préalable et cela fait
25 aussi partie de ce qu'il savait à propos du fonctionnement de la JNA.
26 Parce que jusqu'au 18 novembre, tout a fonctionné de façon parfaite.
27 Le lendemain, les prisonniers ont été transférés d'Ovcara à la prison de
28 Mitrovica et aucun incident n'a eu lieu à ce moment-là. Nous tenons à faire
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1 remarquer que c'était exactement les mêmes forces de sécurité, même
2 endroit, même groupe de prisonniers, que ceux qui sont intervenus deux
3 jours plus tard lorsque le crime en l'espèce est intervenu.
4 Donc après ce qui s'est passé le 18 novembre, la seule chose que
5 Sljivancanin pouvait se dire c'est que tout allait se passer très bien et
6 qu'il n'y avait aucun danger puisque les membres de la police militaire de
7 la 80e Brigade étaient parfaitement capables d'assurer la sécurité dans ce
8 hangar pour un aussi grand nombre de prisonniers.
9 De plus, selon le jugement, les membres de la JNA ont empêché l'entrée des
10 membres de la TO et des paramilitaires aux alentours de l'hôpital le 19
11 novembre. Ça se trouve au paragraphe 184 du jugement.
12 Ensuite la Chambre de première instance a établi que les crimes avaient eu
13 lieu à Velepromet, si on ne les voit pas en tant qu'incident isolé, mais si
14 on s'en sert comme élément permettant de dire que Sljivancanin aurait pu
15 croire que des crimes auraient lieu à Ovcara, dans ce cas-là quand même on
16 en arrive à une conclusion parfaitement différente que les conclusions
17 qu'en tire l'Accusation. Les membres de la JNA à Velepromet ont empêché que
18 ces crimes se passent justement. L'installation à Velepromet était sous le
19 contrôle de la Défense territoriale quand un grand nombre de civils sont
20 arrivés le 19 novembre 1991; là il y a eu un peu de chaos et certes
21 certains crimes ont eu lieu. Tout comme lorsque les prisonniers sont
22 arrivés au départ à la caserne ou à Ovcara, les choses ne se sont pas
23 passées correctement. Mais ça ne voulait absolument pas dire que la JNA est
24 restée parfaitement passive par rapport à des meurtres éventuels.
25 On voit bien par les conclusions de la Chambre de première instance que
26 toute activité de la JNA a toujours permis de maîtriser la TO et les
27 paramilitaires, les empêcher de se livrer à quoi que ce soit. Et cela se
28 trouve d'ailleurs dans plusieurs paragraphes du jugement pour ce qui
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1 concerne, par exemple, Velepromet. A un moment un officier de la JNA est
2 arrivé, c'est le paragraphe 163, il n'y a plus eu de sévice. A un autre
3 paragraphe, on voit qu'un autre officier de la JNA est arrivé, et a fait
4 partir les membres de la TO afin qu'ils n'attaquent plus, qu'ils ne
5 s'attaquent plus au témoin Vujic. Vous trouverez cela au paragraphe 171.
6 Cela signifie donc en fait qu'après l'intervention de la JNA, le bus est
7 parti sans encombre.
8 Ensuite dans la soirée, certains prisonniers ont été transférés à la prison
9 de Sremska Mitrovica sous la garde de la JNA; paragraphe 168. Même chose
10 aussi pour ce qui s'est passé à la caserne. Donc le soi-disant -- on ne
11 peut pas dire que -- on ne doit pas prendre ces éléments de façon isolée.
12 Et d'ailleurs c'est énoncé au paragraphe 216 du jugement qui n'est
13 d'ailleurs pas contesté par le bureau du Procureur. Il est écrit que 30
14 minutes après que le bus soit arrivé à la caserne, l'ordre était rétabli
15 lorsque les membres de la police militaire de la JNA ont réussi à chasser
16 la TO et les forces paramilitaires de l'enceinte de la caserne.
17 Les témoins de l'Accusation, les prisonniers qui étaient à bord des bus,
18 ont témoigné et on dit que les soldats de la JNA n'avaient permis à
19 personne de rentrer dans les autocars. Et d'ailleurs le Témoin P-O12 en a
20 parlé page 3 732; Dodaj en a parlé à la page 5 598; le Témoin Karlovic
21 aussi, le témoin P-030, page 9 741. Karlovic a confirmé qu'à ce moment-là,
22 alors qu'il était à bord du bus, qu'il se sentait en sécurité puisqu'il y
23 avait présence de la JNA, il y a des gardes de la JNA. Vous trouverez ça à
24 la page 6 335. Le témoin Berghofer a dit qu'il n'a pas été maltraité à la
25 caserne, et vous avez aussi -- et d'ailleurs la conclusion atteinte par les
26 Juges de la Chambre, au paragraphe 216, étaye parfaitement ce qu'ont dit
27 ces témoins.
28 Donc il est évident que la JNA a réussi efficacement à rétablir l'ordre en
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1 chassant les membres de la TO et de la paramilitaire des bus et de la
2 caserne. C'est une information que Sljivancanin avait obtenue de
3 Vukasinovic qui était son adjoint et auquel fait référence la Chambre de
4 première instance au paragraphe 374 du jugement. On doit tirer exactement
5 les mêmes conclusions à propos de ce qui s'est passé à Ovcara au cours de
6 l'après-midi. Au départ, certes, les forces de sécurité n'ont pas réagi
7 correctement, mais quand on voit le déroulement des événements par la suite
8 et les conclusions de la Chambre de première instance, on voit que la
9 sécurité a été assurée de façon parfaitement efficace en ce qui concerne la
10 vie des prisonniers. Je tiens à le dire.
11 Lorsqu'à un moment, lorsque le capitaine Vezmarovic est arrivé, capitaine
12 de la police militaire, la sécurité est encore assurée. La Chambre de
13 première instance au paragraphe 265 déclare d'ailleurs : "Qu'ensuite il n'y
14 a plus que les membres de la police militaire dans le hangar. Le témoin
15 Vezmarovic en a parlé, et mon collègue Me Domazet en a aussi parlé. C'est
16 important, parce qu'au travers de ses ordres, il a rétabli l'ordre dans le
17 hangar - vous le retrouverez d'ailleurs aux pages 8 421, ligne 19 - et il a
18 bien dit que c'est à ce moment-là que la sécurité a recommencé à
19 fonctionner correctement; et vous le trouverez aussi aux pages 8 568, ligne
20 15.
21 Les conclusions de la Chambre de première instance que nous avons déjà
22 mentionnées n'ont aucune ambiguïté. Ce paragraphe, le paragraphe 620,
23 déclare, et je cite : "La JNA était une force disciplinée, bien disciplinée
24 et bien dirigée." Ensuite, il est écrit que la présence des gardes de la
25 JNA à Ovcara ce jour-là avait permis de maîtriser de façon efficace les
26 membres de la TO et les forces paramilitaires.
27 Et enfin, ce qui est absolument essentiel en l'espèce, c'est que c'est le
28 retrait d'Ovcara des seuls soldats de la JNA qui gardaient les prisonniers
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1 de guerre qui a eu un effet direct et immédiat sur la commission des
2 meurtres qui se sont suivis. Et cette thèse présentée dans le jugement est
3 tout à fait soutenue par l'Accusation parce qu'elle le mentionne, elle
4 mentionne cette thèse, nous l'avons dit dès le début dans son propre appel.
5 L'Accusation ne saurait accepter certaines conclusions du jugement en ce
6 qui concerne un accusé, et les rejeter et trouver mauvaises pour l'autre
7 accusé. L'Accusation n'a pas attaqué les conclusions de la Chambre eu égard
8 à ce paragraphe, le paragraphe 628 [comme interprété]. Que dit la Chambre,
9 au maximum, il aurait pu savoir que des crimes pourraient être commis et
10 les TO et les paramilitaires étaient autorisés à s'approcher des
11 prisonniers de guerre sans qu'il y ait la sécurité nécessaire, et c'est ce
12 passage-là que je souligne, "sans qu'il y ait la sécurité voulue." Le
13 bureau du Procureur n'attaque pas du tout non plus ces constatations-là.
14 Permettez-moi de terminer la présentation de ce volet en disant ceci.
15 Dans aucun argument l'Accusation ne prouve que la Chambre se serait
16 trompée en disant au paragraphe 672 du jugement que Sljivancanin aurait pu
17 objectivement penser que vu la situation, les paramilitaires et la TO
18 n'allaient pas se livrer à des meurtres. Au contraire, l'Accusation, à
19 partir du paragraphe 620, montre l'exactitude, même la justesse des
20 conclusions de la Chambre.
21 Je vais maintenant vous faire part de notre position en réponse à votre
22 troisième question. La Chambre d'appel avait demandé ceci : Que pensions-
23 nous du moment où Sljivancanin a découvert que Mrksic avait donné l'ordre
24 des retraits ? Notre réponse sera simple. Jamais, à aucun moment des faits
25 relevant de l'acte d'accusation, Sljivancanin n'a appris que Mrksic avait
26 donné l'ordre de retirer les éléments de sécurité. La Chambre de première
27 instance, dans son jugement, accueille cette position de la Défense. Au
28 paragraphe 661, elle fournit tous les arguments opposés à la thèse de
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1 l'Accusation. Car la Chambre de première instance dit ceci :
2 "Rien n'indique dans les éléments de preuve que Sljivancanin se trouvait à
3 Negoslavci au moment où Mile Mrksic donne cet ordre."
4 Il aurait pu avoir été informé par d'autres moyens, mais ceci relève de la
5 conjecture, uniquement.
6 L'Accusation, dans son appel, n'attaque pas le paragraphe 661. Tout ce
7 paragraphe relate les conclusions de la Chambre, qui fait une évaluation
8 tout à fait différente des éléments de preuve, différente de ce que
9 l'Accusation essaie de faire. Maintenant dans sa réponse, l'Accusation ne
10 cesse de répéter qu'il est inacceptable de faire quelque chose en procédure
11 d'appel, et que l'Accusation fait sa propre évaluation des éléments, une
12 évaluation contraire à celle de la Chambre. Tout ça s'agissant de ce que
13 savait Sljivancanin du retrait des éléments chargés de la sécurité, que
14 ceci, ce serait la déduction d'un élément déjà apprécié par la Chambre.
15 L'Accusation essaie de s'appuyer dans ses réquisitions sur le fait qu'en
16 fait elle se sert d'éléments de preuve indirects, de conclusions de la
17 Chambre qui, elles, pourtant, parlent de choses tout à fait différentes.
18 Alors l'Accusation affirme qu'il devait savoir qu'il y avait un ordre de
19 retrait de la police militaire. Or, on ne trouve rien à l'appui de tout
20 ceci dans les conclusions tirées par la Chambre de première instance.
21 La Défense, quant à elle, affirme que la connaissance qu'il doit avoir se
22 base sur les devoirs qu'il a envers les prisonniers et pas sur le moment où
23 on a retiré les éléments chargés de la sécurité. C'est la raison pour
24 laquelle la Chambre a estimé que sa responsabilité s'arrête au moment où
25 les forces chargées de la sécurité sont retirées du terrain. De notre avis,
26 les conclusions de la Chambre ne soutiennent pas les affirmations de
27 l'Accusation. Par conséquent, la Chambre a établi à quel moment il n'avait
28 plus d'obligation envers les prisonniers et elle n'a pas parlé du moment où
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1 il avait connaissance du retrait des effectifs.
2 L'Accusation dit que Sljivancanin a appris qu'on avait retiré les éléments
3 chargés de la sécurité à Negoslavci dans la soirée parce qu'il y est
4 rentré. Mais Vukasinovic a déposé, Borisavljevic aussi, et aucun de ces
5 deux témoins n'a dit que lorsqu'ils ont été en contact avec Vukasinovic et
6 Sljivancanin, ils n'ont jamais dit qu'on savait déjà que les effectifs
7 chargés de la sécurité se retiraient.
8 [Le conseil de la Défense se concerte]
9 M. LUKIC : [interprétation] Ce qui veut dire, pour être plus précis, qu'on
10 n'a jamais eu de conversations relatant le fait qu'il y aurait retrait des
11 effectifs chargés de la sécurité. Rien n'indique l'un ou l'autre de ces
12 hommes - là je parle de Vukasinovic et de Sljivancanin - qu'ils savaient
13 qu'il allait y avoir retrait de ces forces. Ils ont dit pendant qu'ils
14 déposaient qu'ils savaient uniquement ce qui se passait à Ovcara pendant
15 qu'ils y étaient, ce qu'a confirmé Mrksic.
16 La Chambre de première instance a dit que ce serait formulé de
17 véritables hypothèses que de dire que Sljivancanin avait eu connaissance de
18 cette décision de retrait à un autre moment que quand cette décision a été
19 prise, et je suis sûr que la Chambre pensait à cet élément-là aussi
20 lorsqu'elle a tiré ses conclusions, mais l'Accusation se livre à une
21 tentative d'interprétation différente. L'Accusation dit que Sljivancanin a
22 reconnu qu'il avait discuté de l'issue de la réunion du gouvernement de la
23 SAO, qui portait sur le transfert des prisonniers de guerre et de leur
24 garde.
25 L'Accusation a cité aujourd'hui ce que Mrksic a dit à Sljivancanin. Il le
26 dit dans sa propre déposition. On a cité les pages du compte rendu y
27 afférentes. Mais il n'y a aucun doute quant à ce qu'il a dit dans sa
28 déposition. Vous ne trouverez aucune référence qui dirait qu'il savait que
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1 Mrksic ou quelqu'un d'autre aurait ordonné le retrait d'Ovcara. On a les
2 paragraphes 213 et 214 de notre réponse. Vous y verrez que Sljivancanin
3 n'est pas concerné parce que lui, il avait reçu des informations disant que
4 la police était sur place ainsi que le commandant de l'unité. C'est ce
5 qu'il a dit, littéralement.
6 Alors que l'Accusation, en contre-interrogatoire, essayait de savoir le fin
7 mot de l'histoire, à savoir de quoi elle avait parlé avec Mrksic,
8 l'Accusation n'a pas recherché un complément d'information. Il n'y a pas eu
9 de contestation sur cette partie-là de sa déposition; pages 13 983 jusqu'à
10 13 990.
11 Regardons le montage qu'essaie de faire l'Accusation. L'Accusation dit
12 qu'il avait une situation de commandant supérieur. Il n'avait aucune raison
13 de penser que le commandant lui dissimulait quoi que ce soit. Il l'a dit
14 plusieurs fois dans sa déposition, la Chambre de première instance était
15 parfaitement informée et a pris des décisions en raison de cela.
16 Paragraphe 389, mentionné en note de bas de page par l'Accusation
17 dans son appel à titre de référence, mais ici, ça ne dit pas du tout qu'il
18 avait connaissance du retrait des éléments chargés de la sécurité.
19 D'après ce qu'a dit M. Sljivancanin, les mots mêmes qu'il a employés pour
20 le dire, si vous l'examinez vous ne trouverez aucun autre sens que ce que
21 véhiculent les mots. Or, l'Accusation essaie précisément de trouver une
22 autre interprétation à ces éléments de preuve, essaie de trouver sa propre
23 interprétation des conclusions de la Chambre.
24 Nous devons souligner ici que Sljivancanin était prêt à subir un
25 contre-interrogatoire de quatre jours par l'Accusation, quatre jours au
26 cours desquels l'Accusation aurait pu demander des explications à la suite
27 de ce qu'il avait dit en interrogatoire principal, notamment à propos de sa
28 conversation avec Mrksic. L'Accusation l'a longuement interrogé sur cette
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1 conversation, mais aucune question ne fut posée pour avoir une réponse de
2 Sljivancanin. L'Accusation essaie plutôt maintenant de substituer sa propre
3 interprétation. La Chambre ne pouvait pas fonder sa décision sur des
4 suppositions. On peut tirer plusieurs conclusions d'une déposition de celle
5 de Sljivancanin aussi, mais toute Chambre doit maintenir ou appliquer le
6 principe in dubio pro reo. C'est mentionné au paragraphe 11. L'Accusation
7 dit qu'il savait qu'il y avait retrait des éléments, mais ceci n'a jamais
8 été étayé par les éléments de preuve ni par les conclusions de la Chambre.
9 J'aimerais aussi exciper de certains des aspects évoqués par Me Bourgon ce
10 matin, certains faits qui touchent à une autre question aussi. Je voudrais
11 aussi réagir à ceux de l'Accusation.
12 L'Accusation établit un lien entre l'obligation qu'a Sljivancanin
13 d'agir dans le respect du droit international l'après-midi, le soir et
14 pendant la nuit du 20 au 21 novembre, y compris après la décision de
15 retirer les éléments chargés de la sécurité. L'Accusation pense qu'il était
16 informé de cette décision de retrait et que c'était Mrksic qui lui avait
17 dit. Paragraphe 113 du mémoire en appel de l'Accusation.
18 Nous avons répondu à la question 3, et nos arguments contestent la thèse de
19 l'Accusation, car la Chambre de première instance n'a pas conclu que
20 Sljivancanin avait connaissance de cette décision à quelque moment que ce
21 soit au cours de la journée du 20 novembre 1991. Par conséquent,
22 l'obligation d'agir qu'il a en vertu du droit international humanitaire
23 après le retrait de la sécurité ne saurait découler d'une information qu'il
24 aurait obtenue sur le retrait de ces éléments chargés de la sécurité. Son
25 obligation d'agir conformément au droit international humanitaire peut
26 venir de la mission qui lui confie Mrksic, celle de transférer les
27 prisonniers de guerre à une prison à Mitrovica. Une fois le plan modifié,
28 Sljivancanin n'avait plus de mission par rapport à ce convoi.
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1 Nous soutenons qu'il n'a pas du tout participé à la décision de
2 transfert de prisonniers à Ovcara. Même si la Chambre a conclu qu'il n'y
3 aucun élément de sa responsabilité pénale engagée par ces activités,
4 paragraphe 660, les constatations que nous trouvons au paragraphe 659 ne
5 sauraient être maintenues. C'est la raison pour laquelle nous avons
6 présenté des arguments à l'appui de notre thèse aux paragraphes 324 [comme
7 interprété] à 365 de notre mémoire en appel. Nous y disons que la mission
8 que lui confie Mrksic, lui est retirée lui tard. Nous allons reprendre à
9 notre compte l'argument présenté par l'Accusation il y a deux jours, et que
10 vous retrouvez dans notre mémoire en clôture.
11 La Chambre conclut clairement que tous les ordres, les rapports
12 donnés à l'issue ou après la réunion du gouvernement de la SAO pour ce qui
13 est de l'itinéraire, de l'endroit où doivent se trouver les prisonniers de
14 guerre, ceci a été fait en contournant Sljivancanin. Mrksic a retiré cette
15 décision de transfert à Mitrovica. Je cite les conclusions de la Chambre au
16 paragraphe 607. Le colonel Mrksic rend alors une décision disant qu'il faut
17 amener les prisonniers à Ovcara, décision exécutée en passant par le chef
18 d'état-major du GO à Negoslavci; paragraphe 305. Je vous rappelle qu'à
19 l'époque Sljivancanin était à l'hôpital.
20 Le colonel Mrksic donne l'ordre au capitaine Susic d'assurer la
21 sécurité des bus lorsqu'ils se trouvent à la caserne; paragraphe 298. Le
22 lieutenant-colonel Panic va à Ovcara pour donner à Mrksic des informations
23 sur ce qu'il a vu; paragraphe 307. Le lieutenant-colonel Vojnovic informe
24 le lieutenant-colonel Panic des mesures qu'il a prises à Ovcara; paragraphe
25 309. Le commandant de la 80e informe le chef d'état-major du GO sud sur
26 place. Voilà les conclusions de la Chambre de première instance. Le
27 commandant Vukasinovic informe le colonel Mrksic de ce qui s'est passé à
28 Ovcara; paragraphe 311 du jugement. Enfin, au paragraphe 661, la Chambre
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1 dit ceci : Rien ne prouve la participation de Sljivancanin au retrait des
2 éléments chargés de la sécurité à Ovcara. En conséquence, le devoir qu'a
3 Sljivancanin à l'égard des prisonniers de guerre, ce devoir, il cesse
4 lorsque la mission initiale qui lui a été confiée par Mrksic est modifiée.
5 Enfin, pour répondre à ce qu'affirmait l'Accusation aujourd'hui, si la
6 Chambre d'appel conclut que Sljivancanin se trouvait à Ovcara, comme l'a
7 dit la Chambre de première instance, nous allons demander ce qu'il aurait
8 bien pu y voir à Ovcara en ce qui concerne d'éventuels meurtres, parce que
9 c'est de cela que parle l'Accusation. Qu'est-ce qu'il aurait pu voir ? Il a
10 peut-être vu ses officiers supérieurs sur place qui prenaient des mesures
11 en matière de sécurité; les lieutenants-colonels Panic et Vojnovic en
12 l'occurrence. Parce que le hangar c'était leur zone de responsabilité. A ce
13 moment-là, personne ne pouvait prévoir qu'il allait y avoir des meurtres.
14 Ses actions, c'est ce que semble dire l'Accusation, sa présence devant le
15 hangar n'aurait pu avoir aucun effet sur les meurtres qui allaient être
16 commis plus tard.
17 L'Accusation a parlé des mesures qu'il aurait pu prendre. Ce danger de voir
18 les prisonniers de guerre assassinés, ce danger est apparu, comme le dit la
19 Chambre de première instance, après le retrait des éléments de sécurité.
20 L'Accusation accepte cet argument, nous l'avons vu. Alors la question se
21 pose. Les mesures suggérées par l'Accusation, comment auraient-elles pu
22 empêcher les meurtres. Comme l'a dit Mme Brady, comment aurait-il pu
23 transférer les prisonniers à un autre endroit, en quoi est-ce que ceci
24 aurait empêché les meurtres si après, dans cet ailleurs, dans cet autre
25 endroit, on avait ordonné d'enlever les éléments de sécurité-là ? Elle dit,
26 il aurait pu demander un renforcement de la sécurité en faisant venir plus
27 de policiers, et que les meurtres se sont peut-être commis au moment où les
28 éléments chargés de la sécurité se sont retirés. Mais qu'est-ce qu'il y a
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1 comme lien entre la venue de fort renfort de polices ou d'autres effectifs
2 pour protéger les prisonniers si quelqu'un a pris une décision plus tard
3 pour dire qu'il fallait renvoyer tous ces hommes, ou s'il a pris des
4 mesures pour chasser tous les membres de la Défense territoriale, des
5 paramilitaires, et si, à ce moment-là, quelqu'un d'autre décide de retirer
6 les éléments chargés de la sécurité ?
7 La Chambre comme le bureau du Procureur pensent que parce qu'on a retiré
8 les éléments chargés de la sécurité, les membres de la Défense territoriale
9 et les paramilitaires ont eu libre accès aux prisonniers, ce qui entraînait
10 plus tard les meurtres. Ce devoir d'empêcher de tels meurtres, si on avait
11 compris qu'il y avait danger véritable après le retrait, ceci ne peut se
12 voir qu'en rapport avec la décision, l'ordre de retrait de ces hommes
13 chargés de la sécurité. Nous l'avons vu, la Chambre n'a pas conclu que
14 Sljivancanin eut aucunement connaissance de cette décision.
15 C'est ainsi que se termine la présentation de nos plaidoiries. Nous
16 n'allons pas parler de la peine. Tout ceci est déjà présenté par écrit, et
17 vous avez reçu nos arguments par écrit en guise de réponse au mémoire de
18 l'Accusation sur la peine. Si vous avez des questions, je suis tout à fait
19 prêt à y répondre.
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci beaucoup.
21 Les Juges n'ont pas de questions. Merci d'avoir présenté vos
22 arguments et de les avoir présentés dans les temps prévus.
23 M. LUKIC : [interprétation] Ce sera la dernière fois que je peux m'adresser
24 à vous, et permettez-moi de saisir de cette occasion pour vous remercier au
25 nom de l'équipe de la Défense, merci de nous avoir donné la possibilité de
26 vous soumettre nos arguments. Je tiens aussi à remercier tous ceux qui ont
27 participé à cette procédure, et je voudrais exprimer la gratitude qui est
28 la mienne pour les interprètes qui ont eu un dur labeur aujourd'hui.
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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci de ces aimables paroles. Nous
2 allons maintenant entendre Mme Brady, qui dispose de 45 minutes, et
3 j'espère qu'elle va suivre le bon exemple de l'utilisation du temps qui lui
4 a été donné par les autres parties à cette procédure.
5 Mme BRADY : [interprétation] Merci. Nous allons essayer de respecter ce que
6 vous demandez.
7 Je serai brève pour répondre à certains des arguments présentés cet après-
8 midi par Me Lukic lorsqu'il réagissait au deuxième motif de l'Accusation
9 pour complicité de meurtre.
10 Je vais présenter ces arguments sous forme télégraphique, et je pense que
11 c'est surtout M. Dalal qui répondra surtout aux arguments présentés par Me
12 Bourgon sur la question de l'article 5 du Statut.
13 La connaissance qu'avait Sljivancanin au cours de l'après-midi, premier
14 sujet, nous comprenons parfaitement que c'est une question qui ne revient
15 pas, à savoir s'il savait que les membres de la Défense territoriale
16 étaient capables de commettre des meurtres. Ça, nous le savons déjà en
17 lisant les conclusions de la Chambre. Ce que nous disons, c'est qu'il
18 devait être clair que la JNA, dans une grande mesure, était incapable ou
19 impuissante, sans efficacité lorsqu'il s'agissait de mettre terme aux
20 violences.
21 Il a dit que nous n'avions pas contesté, par exemple, les paragraphes 620
22 et 621. Nous savons, ici, c'est un point tout en nuance. Je l'ai dit ce
23 matin, nous reconnaissons que la JNA était capable à un certain moment
24 d'avoir une certaine maîtrise de la situation, un certain contrôle sur la
25 TO et les paramilitaires, par exemple, à la caserne de la JNA pendant un
26 certain temps, pendant un certain temps aussi à Velepromet. Mais je pense
27 que la meilleure synthèse qu'on peut faire de la difficulté de cette
28 situation c'est Ovcara. Pour la dire en deux mots, on va trouver ces mots
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1 au paragraphe 625 du jugement. Bien sûr, cette partie concerne Mrksic, mais
2 le paragraphe est long, très long. Je n'ai pas le temps de vous en donner
3 lecture complète, mais ce paragraphe est une très bonne description de la
4 situation. Vous avez la TO et de l'autre côté la JNA. C'était une situation
5 vraiment très chargée. Il y avait des moments où la JNA prenait le dessus
6 sur la TO, mais très souvent, la plupart du temps, elle était inefficace.
7 On a parlé de zones tampon ou d'éléments tampon - ce sont les termes mêmes
8 de Me Lukic - mais est-ce que c'était vraiment la JNA, cet élément tampon ?
9 Ce que nous lisons aujourd'hui n'est pas du tout en contradiction avec ce
10 que nous disons s'agissant de l'appel interpellé par Mrksic, ce
11 qu'affirmait pourtant Me Lukic disant qu'on disait à un moment une chose et
12 à un autre, pour l'autre accusé, l'autre. Pas du tout.
13 C'est bien Mrksic qui a donné l'ordre de maintenir ces derniers éléments,
14 ces dernières bribes de protection. Oui, il y avait quelques effectifs de
15 la JNA. Mais c'est la question de savoir qui a ordonné que ces hommes
16 soient enlevés. Mais ceci est insuffisant. C'est Mrksic qui donne l'ordre à
17 ceux qui restent de cet organe manifestement insuffisant, la Police
18 militaire de la 80e, qui va permettre à la TO serbe et aux paramilitaires
19 de nuire aux prisonniers croates.
20 Deuxième point de Me Lukic : il nous a dit que la JNA était là pour
21 empêcher que des crimes soient commis. Par conséquent, on ne peut pas
22 s'appuyer sur le fait qu'il avait connaissance que des gens avaient été
23 tués pour dire que la JNA n'était pas efficace. Velepromet était, en fait,
24 surveillée par la JNA à l'époque, même s'il y avait des membres de la TO
25 qui administraient Velepromet. Velepromet, c'était un centre
26 d'interrogatoire servant à détecter d'éventuels membres du MUP qui ont été
27 déguisés, des gens de la ZNG. Ils étaient dirigés par Borisavljevic. A cet
28 égard, Sljivancanin en personne l'a dit au cours de sa déposition, son
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1 subordonné, Borisavljevic, un membre de la 80e, avait été, je cite :
2 "chargé de veiller à ce qu'il règne suffisamment d'ordre et de discipline."
3 C'est une mission qu'il lui a donnée en personne. Là, je cite les pages du
4 compte rendu d'audience.
5 A la page 4 502, effectivement, on dit que la JNA était à Velepromet
6 lorsque ces crimes sont commis dans la nuit du 19. Les meurtres ont été
7 commis cette nuit-là à Velepromet, et les événements vous montrent où était
8 la JNA à l'époque.
9 Troisième point que j'aimerais mentionner, c'est la connaissance
10 qu'il avait à 20 heures. Nous disons, bien sûr, que c'est la seule
11 conclusion raisonnable : Il est inconcevable que Mrksic ait omis ou ait
12 délibérément induit en erreur Sljivancanin en lui disant que la JNA, la 80e
13 en l'occurrence, était encore à Ovcara. Voyez le paragraphe 661 du
14 jugement. Regardons ce paragraphe de plus près. Il fait deux pages, il est
15 très long, mais lorsque vous pourrez examiner ce paragraphe de façon
16 complète, vous verrez que c'est là que la Chambre dit s'il a participé à la
17 transmission de cet ordre de retrait. Là, la Chambre tire une conclusion
18 favorable à Sljivancanin. Elle ne conclut pas au-delà de tout doute
19 raisonnable qu'il était partie prenante à la transmission de cet ordre qui
20 est passé par son adjoint, Karanfilov.
21 Comme l'a dit Me Lukic, la Chambre dit que :
22 "Il aurait pu être informé par d'autres moyens, mais là c'est de la pure
23 conjecture."
24 Et c'est précisément à cet endroit que nous vous demandons à vous, Madame
25 et Messieurs les Juges, de tirer la seule conclusion possible au vu des
26 éléments. Ce n'est pas ici de la conjecture, à l'égard des éléments de
27 preuve, tirer des conclusions, des déductions, la seule possible. Elle vous
28 convaincra, et la Chambre de première instance ne tire jamais cette
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1 conclusion. Si vous regardez le paragraphe 389, c'est l'autre paragraphe
2 qui établit un lien avec le paragraphe 661, la Chambre de première
3 instance, au 389, ne dit pas s'il est informé de l'ordre de retrait. C'est
4 là que nous vous demandons de conclure que la Chambre a commis une erreur
5 en droit quant au moment où cesse une obligation, et vous, vous serez
6 intimement convaincus qu'il devait avoir connaissance de l'existence de cet
7 ordre.
8 Il y a peut-être une erreur d'interprétation ou peut-être mon
9 collègue s'est-il trompé, mais il a parlé de la déposition de Borisavljevic
10 à propos de ce qu'il aurait dit à Sljivancanin. Borisavljezic n'a pas
11 témoigné. Les seuls à témoigner à propos de cette conversation sont
12 Sljivancanin, et nous avons une toute petite partie de Vukasinovic. Je vois
13 que M. Lukic opine du chef. Il est donc d'accord avec moi.
14 Dernier point; l'erreur en matière d'obligation. Notre argumentation
15 découle de la prémisse, du postulat selon lequel il avait eu connaissance
16 de l'ordre de retrait, ainsi que du fait que Mrksic lui avait confié une
17 mission qui ne se limitait pas à séparer, à identifier les gens soupçonnés
18 de crimes de guerre à l'hôpital. Il avait aussi été chargé du transport et
19 de la sécurité. Maintenant, la Défense essaie de couper l'herbe sous les
20 pieds de cette constatation. Mais nous, nous avons le droit de nous appuyer
21 sur cette constatation, à savoir que cette autorité lui avait été déléguée,
22 pas seulement là mais au paragraphe 660 aussi. Il a participé à l'ordre de
23 transmission d'envoi des prisonniers à Ovcara. Il y a donc deux conclusions
24 de la Chambre qui sont favorables à l'Accusation.
25 C'était ma réponse, Madame et Messieurs les Juges. M. Dalal,
26 maintenant, va vous présenter notre réponse sur les autres points.
27 Je vous remercie.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Nous allons donner la
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1 parole à M. Dalal.
2 M. DALAL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et
3 Monsieur les Juges.
4 Je vais maintenant traiter des arguments de répondre à l'Accusation
5 dans le contexte de notre appel au titre du moyen numéro 1. Avant d'évoquer
6 ces arguments, j'ai des commentaires à faire concernant la question des
7 heures de l'attaque, les horaires qui étaient évoqués par mon confrère.
8 Le premier point, c'est le fait que l'attaque militaire a pris fin le 18
9 novembre selon la conclusion de la Chambre de première instance, ne veut
10 pas dire que l'attaque au sens de l'article 5 ait également pris fin. Je ne
11 pense pas qu'il y ait contestation entre les parties sur ce point.
12 Effectivement, le fait est que la population civile était prise pour
13 victime a continué après le 18 novembre. Par exemple, à Velepromet il y a
14 eu des centaines de civils non-Serbes qui ont été emmenés de l'hôpital de
15 Vukovar à Velepromet. Un grand nombre ont fait l'objet de graves sévices,
16 et certains d'entre eux ont même été tués, et ceci est au paragraphe 167 du
17 jugement de première instance. Vous pouvez voir également les paragraphes
18 130, 161, 163, 164 et 177, où les civils ont été victimes, comme je l'ai
19 dit, au-delà du 18 novembre.
20 Deuxièmement, dire qu'après la dévastation de Vukovar et de ses alentours
21 l'évacuation de civils ait été volontaire et basée sur un accord n'est pas
22 rendre justice à la vérité. Il y avait un vainqueur à Vukovar et dans ses
23 alentours qui contrôlait tout le terrain, la géographie et la population
24 civile locale, la population civile non-serbe. Cette population a été
25 forcée, en fait, d'évacuer à la suite d'un incessant bombardement de leurs
26 domiciles. Ils faisaient toujours l'objet d'une attaque au sens de
27 l'article 5.
28 Le troisième et dernier point sur cet aspect, c'est le fait que si nous
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1 devions accepter aux fins de débat que ces attaques au sens de l'article 5
2 avaient vraiment pris fin le 18 novembre, il ne reste que les conditions
3 posées à l'article 5, à savoir le lien qui est exigé demeure basé sur la
4 jurisprudence du Tribunal, et, effectivement, les reconnaissances de
5 culpabilité pour les crimes contre l'humanité devraient être retenues
6 contre l'accusé, comme nous l'avons exposé dans notre mémoire en appel.
7 Je voudrais maintenant passer à l'argument qui a trait directement à la
8 question que vous avez posée.
9 L'attaque par la JNA et d'autres forces serbes à Vukovar et les
10 alentours a eu des conséquences absolument épouvantables. La JNA a attaqué
11 avec des avions, des pièces d'artillerie, des chars et des roquettes, au
12 paragraphe 52, et de 60 à 75 % des victimes au cours du conflit étaient des
13 civils. L'hôpital de Vukovar, les écoles, des bâtiments publics, des
14 bureaux, des puits, l'eau et la fourniture de l'électricité et les routes
15 ont été gravement endommagés. Des jardins d'enfants ont été pris pour
16 cibles. Je cite les paragraphes.
17 Comme résultat direct de l'attaque de la JNA, il y a eu des
18 destructions dans de nombreuses villes et villages du secteur de Vukovar,
19 pas seulement la ville de Vukovar; par exemple, les villes et les villages
20 tels que Luzac, Opatovac, Stompajvci, Tolonik, Trpinja, Brsadin, Petrovci,
21 Negoslavci, Borovo Naselje.
22 L'ambassadeur Herbert Okun, qui a visité Vukovar le 19 novembre 1991,
23 a observé que la ville était complètement démolie et l'a comparée à
24 Stalingrad. L'ambassadeur Kypr de la Mission militaire de l'Union
25 européenne, en novembre 1991 a noté que chacune des maisons avait subi des
26 dommages; paragraphe 56 et pièce 320. L'ambassadeur Kypr de la Mission de
27 l'Union européenne a décrit le type d'attaque contre la population non-
28 serbe à Vukovar et ses alentours; paragraphe 43, pièce 312, datés du 8
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1 novembre 1991.
2 Il y a eu quatre étapes dans la description faite par l'ambassadeur :
3 la tension, confusion et crainte a intensifié par une présence militaire
4 autour d'un village ou une plus grande communauté et un comportement de
5 provocation; deuxièmement, il y a eu des tirs d'artillerie ou de mortiers
6 pendant plusieurs jours, visant essentiellement les parties croates du
7 village. A ce stade, des églises ont souvent été touchées et détruites;
8 troisièmement, dans tous les cas, les ultimatums de la JNA avaient été émis
9 à l'égard de la population du village en exigeant que soient réunies et
10 livrées toutes les armes à la JNA. Les délégations des villages sont
11 formées, pas leurs consultations avec les militaires de la JNA, et n'ont
12 pas conduit, à l'exception --
13 Je vais ralentir.
14 -- à l'exception d'Ilok, n'ont pas conduit à des arrangements
15 pacifiques, qu'il s'agisse d'attendre les résultats des ultimatums, qu'on
16 les attend oui ou non, une attaque militaire a eu lieu.
17 En même temps, ou peu de temps après l'attaque, des paramilitaires
18 serbes sont entrés dans le village. Ensuite, il s'en est suivi des
19 meurtres, des tueries, des incendies et du pillage.
20 La pièce 317 est une vidéo de la vue aérienne de Vukovar. Cette pièce
21 a été présentée par le truchement de l'ambassadeur Kypr, et montre les
22 dommages résultant de l'attaque généralisée et systématique contre Vukovar
23 et ses alentours.
24 M. DALAL : [interprétation] Une autre pièce, la pièce 136, est un rapport
25 de la chaîne Sky qui illustre certains des résultats de l'attaque. Nous
26 pouvons y voir les effets sur la population civile de Vukovar, y compris
27 les dommages à l'hôpital de Vukovar. Nous allons vous en présenter les
28 premières quatre minutes et 40 secondes, au total, avec ça qui fait au
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1 total six minutes 20 secondes.
2 Les deux pièces incidemment ont été acceptées par la Chambre de
3 première instance.
4 Je demande qu'on présente la pièce 136.
5 [Diffusion de la cassette vidéo]
6 M. DALAL : [interprétation] Il devrait également y avoir un commentaire. Il
7 devrait y avoir un commentaire avec cette pièce.
8 [La Chambre d'appel et le Greffier se concertent]
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Peut-être que dans l'intervalle, vous
10 pourriez poursuivre avec vos arguments et quand le système fonctionnera, on
11 y reviendra, n'est-ce pas.
12 M. DALAL : [interprétation] Nous y reviendrons.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc poursuivez votre plaidoirie.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il semble que ça fonctionne maintenant.
15 [Diffusion de la cassette vidéo]
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Qu'est-ce qui manque, c'est le
17 commentaire ?
18 M. DALAL : [interprétation] Il semble que ça fonctionne maintenant.
19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 L'INTERPRÈTE : La cabine française ne dispose pas de la transcription du
22 commentaire.
23 [Diffusion de la cassette vidéo]
24 M. DALAL : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
25 Juges, à l'époque, le général Zivota Panic était le commandant de la 1ère
26 Région militaire et le commandant de l'ensemble des membres de la JNA qui
27 participaient aux combats qui ont eu lieu à Vukovar. Le 1er avril 1998, dans
28 un magazine de Belgrade est publiée une interview avec lui. On lui a posé
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1 la question suivante, je cite :
2 "Vous êtes le vainqueur de Vukovar. Est-ce qu'au sens militaire, du
3 point de vue militaire, cette question aurait pu être résolue autrement,
4 sans tant de destructions ?"
5 Le général Panic a répondu de façon très claire et a dit notamment ceci, je
6 cite :
7 "Si vous voulez prendre une ville, il vaut mieux la démolir avec
8 aussi peu de victimes que possible, qu'il y ait des gens tués et perdre la
9 ville."
10 Il s'agit de la pièce 696, aux pages 5 et 6.
11 En conclusion de cette partie de mes arguments, l'attaque contre Vukovar a
12 été à la fois généralisée et systématique. Ce n'était pas purement une
13 opération militaire. Les civils ont eu à faire face avec les choix les
14 pires : la mort, les blessures ou être déplacés. Les dommages couvraient
15 l'ensemble de Vukovar et des villes avoisinantes. La force qui attaquait
16 voulait punir la population et la prendre pour victime. Pour toutes ces
17 raisons, l'attaque, la condition prévue de l'article 5 a été réunie.
18 Je passe maintenant à la question du lien entre les actes de l'accusé et
19 l'attaque généralisée systématique. Du point de vue juridique, les actes de
20 l'accusé doivent faire partie de l'attaque généralisée et systématique.
21 Deux éléments doivent être établis de façon à pouvoir conclure que les
22 actes de l'accusé faisaient partie de cette attaque. Premièrement,
23 objectivement, il faut que ces actes soient suffisamment liés à l'attaque
24 et ne soient pas un acte isolé. Il n'est pas nécessaire qu'ils aient eu
25 lieu au milieu de l'attaque. Ils peuvent précéder ou suivre l'attaque;
26 Kunarac arrêt d'appel, paragraphe 99 à 100; Tanic arrêt d'appel, paragraphe
27 251.
28 Dans Martic au paragraphe 318, la Chambre conclut que l'horaire
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1 proche entre l'attaque et le crime étant donné que les mêmes auteurs ont
2 exécuté à la fois l'attaque et les crimes, la seule déduction raisonnable
3 devrait être que les crimes ont été commis comme faisant partie de
4 l'attaque.
5 Je me réfère aussi au jugement de première instance Krstic
6 paragraphes 61 à 67 et au mémoire en appel de l'Accusation, paragraphes 29
7 et 30.
8 Dans la présente affaire, la conduite de l'accusé fait objectivement partie
9 de l'attaque. Premièrement, la Chambre de première instance a estimé qu'au
10 moment pertinent, au moment correspondant à l'acte d'accusation, il y avait
11 eu une attaque généralisée, systématique qui avait eu lieu contre Vukovar
12 et ses alentours. Deuxièmement, le contexte de la conduite de l'accusé, y
13 compris l'endroit où il se trouvait, était lié de façon inhérente à
14 l'attaque contre Vukovar. Les crimes avaient été commis dans le secteur de
15 Vukovar par les volontaires et les membres de Défense territoriale qui ont
16 joué un rôle significatif dans l'attaque contre Vukovar. Troisièmement, les
17 séries ininterrompues de crimes sont de caractère analogue pour les membres
18 de la Défense territoriale et les crimes des volontaires commis au cours de
19 l'attaque contre les civils et les prisonniers de guerre. Voir le
20 paragraphe 47 au jugement de première instance se fondant sur la déposition
21 de l'ambassadeur Kypr selon laquelle le 10 octobre 1991, des volontaires
22 serbes à Lavoc [phon] avaient attaqué les maisons précises et tué 22
23 Croates et un Serbe. Voir également paragraphe 83 [comme interprété] et la
24 pièce 312 du rapport Kypr que j'ai mentionné et également la pièce 636 à la
25 page 2.
26 Le deuxième élément qui a trait à la question du lien entre les actes de
27 l'accusé et l'attaque est la connaissance ou la mens rea. L'accusé devait
28 savoir qu'il y avait une attaque contre la population civile et que ses
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1 actes feraient partie de ces attaques ou tout au moins, il devait prendre
2 le risque que ses actes faisaient de cette attaque; Kunarac arrêt d'appel,
3 paragraphe 102.
4 Dans la présente affaire, Sljivancanin et Mrksic savaient que l'attaque
5 avait lieu puisqu'ils se trouvaient à Vukovar dès le début d'octobre 1991;
6 paragraphes 465, 664 et le transcript 13460 à 13461 pour Sljivancanin.
7 Sljivancanin et Mrksic savaient tous deux, ils étaient au courant de la
8 conduite illicite des membres de la Défense territoriale et des volontaires
9 visant la population civile et des prisonniers de guerre au cours de
10 l'attaque contre Vukovar et ses alentours. Cette conduite comprenait le
11 fait de tuer et de traiter avec brutalité des civils et des prisonniers de
12 guerre ainsi que de se livrer aux pillages et autres actes violents et
13 conduites illicites.
14 Je voudrais également maintenant me référer à certain nombre de pièces qui
15 démontrent la connaissance qu'avait l'accusé de la conduite violente de la
16 Défense territoriale et des paramilitaires, les auteurs des crimes.
17 Premièrement, la pièce 718. Dans cette pièce, Sljivancanin a admis qu'il
18 l'avait lue, et c'est la conclusion de la Chambre de première instance, au
19 paragraphe 664. Et il y a également le rapport de la 1ère Région militaire
20 qui a également atteint l'organe de sécurité qui était l'unité de
21 Sljivancanin. Dans ce document, la première page, il est dit que les
22 paramilitaires, les hommes d'Arkan étaient en train de commettre des
23 meurtres illicites de membres ZNG qui avaient été arrêtés, de Croates qui
24 étaient arrêtés et commettaient certains actes contre eux; ceci étant daté
25 du 18 octobre 1991.
26 La deuxième pièce, la 636, qui est adressée à la 1ère Région militaire,
27 celle du Groupe opérationnel sud et mentionne à la page 2 explicitement
28 d'une conduite meurtrière et violente visant pas seulement la zone de
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1 Mrksic et Sljivancanin, mais qu'ils devraient être conscients du fait que
2 ceci avait lieu, de cette conduite, et nous ajoutons également d'autres
3 rapports. A ceci, il dit dans un libellé très clair :
4 "Dans la zone d'activité de combat de la 1ère Région militaire, le
5 motif principal de la présence de plusieurs groupes de formation
6 paramilitaire de Serbie, des Chetniks, de détachement de Dusan Silni et des
7 divers types de volontaires autonomes, ce n'était pas de combattre
8 l'ennemi, mais de piller et d'infliger des sévices sadiques à des civils de
9 nationalité croate."
10 La pièce 415 est un ordre qui a été diffusé provenant du commandement à la
11 fois de Mrksic et de Sljivancanin, Panic, le commandant de la 1ère Région
12 militaire où il mentionne la conduite illicite de la Défense territoriale
13 et des paramilitaires et demande que des mesures soient prises. A la page 4
14 de cette pièce, au paragraphe 8, et je cite :
15 "Chacune des unités doit pleinement contrôler la situation sur le
16 territoire de son secteur de responsabilité. Les commandants à tous les
17 niveaux seront responsables de ceci. Les lois de la guerre ne sont pas
18 entrées en vigueur et, par conséquent, comme toujours, personne n'a le
19 droit à une rétribution ou d'autres types de vengeance que certains types
20 de membres de la Défense territoriale et la Défense ont effectué."
21 Ceci est du 18 novembre 1991.
22 Les deux derniers rapports ont été rédigés par Sljivancanin même. Le
23 premier est du 23 octobre 1991, pièce 823, où il parle de la Défense
24 territoriale et des volontaires et de leur conduite illicite dans le
25 contexte de ce pillage. Il mentionne cela à la première
26 page :
27 "Ils cherchent à trouver des effets personnels découverts en grande
28 quantité qui ont été pillés ainsi que des objets de valeur qui montrent
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1 quel était leur but essentiel."
2 Et probablement ce qui est encore plus important, un rapport de
3 Sljivancanin qui, incidemment, ces rapports sont adressés à Mrksic, son
4 supérieur, et qui parviennent à Mrksic. Il y a un rapport qui est la pièce
5 843 du 10 décembre 1991 de Sljivancanin où il parle du fait qu'il est
6 conscient de ce qui se passe pendant les combats, au cours de l'attaque au
7 sens de l'article 5, il écrit à la 2 de son texte :
8 "En plus de la Brigade des Gardes, un grand nombre de volontaires a
9 également participé au combat. Ces volontaires sont venus en groupe ou
10 individuellement et sans aucune organisation. Notre unité a eu les plus
11 grandes difficultés à recevoir, vérifier et les équiper et à les employer
12 au combat. Un grand nombre de volontaires est arrivé avec des insignes de
13 parti qui auraient pu avoir des effets importants sur l'ordre et la
14 discipline des unités effectuant des tâches de combat."
15 Ces rapports, Monsieur le Président, selon nous, démontrent qu'il y avait
16 connaissance de la conduite, du comportement criminel violent de la Défense
17 territoriale qui était constante au cours de l'attaque de Vukovar et les
18 accusés, tous les deux, étaient au courant de cette conduite, de ce
19 comportement.
20 Il y a un thème commun de la criminalité de la Défense territoriale et de
21 la JNA, c'est le thème de la punition. Les auteurs - et ça c'est la
22 conclusion de la Chambre de première instance - c'est que leur motivation
23 était effectivement de punir les victimes pour des raisons culturelles,
24 probablement, mais ce thème donc de punition était très clair, et je prie
25 la Chambre d'appel de se reporter au paragraphe 671 pour ce qui est du
26 thème de la punition pour l'attaque, au paragraphe 47 532 [inaudible] pour
27 le thème de la punition pour les crimes eux-mêmes qui ont été perpétrés.
28 En conclusion, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, les
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1 conditions posées à l'article 5, à savoir que l'attaque soit généralisée et
2 systématique, ainsi que celles du lien entre les attaques et l'accusé selon
3 nous sont remplies, et nous prions votre Chambre de bien vouloir prononcer
4 la culpabilité des crimes contre l'humanité en ce qui concerne les deux
5 accusés, comme ceci a été exposé dans le mémoire d'appel de l'Accusation en
6 son moyen numéro 1.
7 Si vous avez des questions à poser, sinon j'ai terminé la présentation de
8 mes conclusions, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
10 M. DALAL : [interprétation] Nous avons encore une présentation en ce qui
11 concerne la peine de Mrksic et Sljivancanin. Ai-je encore le temps ?
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez encore six à sept minutes.
13 M. DALAL : [interprétation] Je vous remercie.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Dalal.
15 M. ROGERS : [interprétation] Je vais essayer, Madame, Messieurs les Juges,
16 d'être aussi rapide que vous me l'avez demandé. Donc en cinq à six minutes,
17 essayer d'être au moins aussi bref et éloquent que M. Lukic.
18 Donc pour ce qui est de la présentation de nos arguments en ce qui concerne
19 la peine de M. Mrksic, nous tenons à dire la chose suivante : dans notre
20 appel, nous avons fait valoir certains moyens. Tout d'abord, le fait que la
21 Chambre de première instance n'a pas correctement pris en compte la
22 position de responsabilité de Mile Mrksic, ce qui aurait dû être, en fait,
23 une circonstance aggravante pour évaluer la gravité de ses crimes. Lorsque
24 vous verrez le jugement, vous verrez qu'il y a très peu de références qui
25 sont faites à cette position de responsabilité. On considère que c'est
26 uniquement matériel, on n'en dit pas plus. Le jugement ne l'aborde pas, ne
27 prend pas en compte lorsqu'il évalue la gravité du crime. Et de notre avis,
28 pour donner leur opinion motivée, ils auraient dû le faire. Et, à noter
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1 avis, c'est quand même l'une de ses caractéristiques principales.
2 De plus, ils n'ont pas pris en compte, mis à part dire au passage qu'il y
3 avait eu des déclarations de culpabilité, ils n'ont pas du tout pris en
4 compte la torture et le traitement cruel infligé aux prisonniers au cours
5 de l'après-midi. Certes, il y a eu une condamnation, c'est arrivé. Mais
6 cela ne semble pas avoir été pris en compte dans la détermination de la
7 peine. Il n'y a aucune référence faite à la façon dont ils ont pris cela en
8 compte et l'effet que cela aurait pu avoir sur la peine imposée.
9 Et enfin, il n'y a aucune indication selon laquelle la Chambre de première
10 instance aurait pris en compte le fait que son inaction aurait encouragé la
11 commission de crimes de torture, de sévice. Et donc, ceci n'a absolument
12 pas été pris en compte en tant que circonstance aggravante. Il y a une
13 référence rapide faite au passage mais rien de plus. Or, si la Chambre de
14 première instance l'avait pris correctement en compte, nous considérons que
15 la peine aurait dû être beaucoup plus lourde.
16 Et enfin, nous considérons qu'ils sont partis, en fait, d'un point de
17 départ qui était erroné. La Chambre de première instance a dit qu'elle ne
18 pouvait pas trouver d'affaire comparable qui pourrait l'aider. Mais nous
19 tenons à attirer votre attention sur l'arrêt Vasiljevic, sur la peine. A
20 notre avis, c'est une indication extrêmement claire du point de référence
21 correct que l'on doit prendre pour déterminer une peine en ce qui concerne
22 la complicité de meurtre et de traitements inhumains. Ici, le juge Guney et
23 Meron s'en souviendront sans doute, vous avez imposé 15 ans de prison. Et
24 c'était quand même sur un auteur subalterne qui avait commis cinq meurtres
25 et deux chefs de traitements inhumains. En fait, l'élément moral pour
26 l'accusé était au niveau le plus bas, c'étaient des meurtres qui ont eu
27 lieu une seule fois sur les berges de la Drina. Et vous avez quand même
28 considéré qu'il n'y avait pas l'intention de commettre le crime et c'est
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1 pour ça qu'il n'a été condamné que pour complicité, d'ailleurs. Mais il
2 semble en fait qu'il a changé d'avis au dernier moment -- enfin, les
3 auteurs des cinq meurtres ont, en fait, changé d'avis au dernier moment.
4 L'intention de meurtre, en fait, est intervenue au tout dernier moment. Et
5 Vasiljevic était complice dans le fait qu'il a escorté les victimes de la
6 voiture jusqu'à la rivière, qu'il les a empêchées de s'enfuir. Ensuite, ces
7 personnes ont été assassinées. Il ne leur a pas tiré dessus, il ne leur a
8 rien fait mais il a été quand même condamné comme complice.
9 Bien sûr, nous reconnaissons qu'on ne peut pas tout comparer, mais
10 vous avez dit aussi dans l'arrêt Celebici qu'il y a quand même des affaires
11 qui sont similaires tant dans les faits que dans la juridique. Ici, c'est
12 la même chose en ce qui concerne, par exemple, les grades. Bien sûr, les
13 grades et la responsabilité des accusés sont différents. Celebici, c'est un
14 subalterne alors que pour Mrksic, c'est un supérieur. Mais il y a quand
15 même des comparaisons qui doivent être faites et qui devraient absolument
16 être faites. Comme le Juge Meron l'a remarqué dans son opinion en Galic
17 quand on compare des cas qui sont comparables, quand on étudie les cas
18 comparables, on peut savoir si une peine est clairement hors de proportion
19 à une autre. Et, de notre avis, quand on prend Vasiljevic d'un côté et
20 Mrksic de l'autre, on voit que la peine est complètement hors de
21 proportion.
22 Donc nous comprenons, certes, que Mrksic n'a pas commis les actes lui-même.
23 Mais comme l'a dit le Juge Shahabuddeen dans son opinion séparée dans Galic
24 au paragraphe 41, après avoir cité le tribunal du district d'Eichmann,
25 l'appelant, en fait, avait une responsabilité supérieure, parce que le
26 degré des responsabilité a tendance à augmenter plus on s'éloigne de la
27 personne qui tire et qui a le revolver en main et que l'on arrive au niveau
28 de commandement le plus supérieur. Et nous considérons que cela peut être
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1 appliqué dans les cas de complicité comme dans tout autre cas.
2 Or, Mile Mrksic était commandant du Groupe opérationnel sud. Il connaissait
3 les intentions des meurtriers, même s'il ne partageait pas, bien sûr, cette
4 intention. La Chambre de première instance a conclu qu'il avait anticipé
5 que "la menace se manifesterait en violence qui pouvait menacer la ville et
6 qui risquait d'arriver à des meurtres." Que la probabilité de blessures
7 sérieuses ou de meurtres est absolument évidente pour Mile Mrksic; et ça,
8 c'est au paragraphe 621.
9 Son mens rea moral, certes, n'était pas aussi élevé que l'auteur principal,
10 mais à notre avis, c'est juste une marche en dessous, si je puis dire. Et
11 il avait un élément moral bien plus élevé en tout cas que Vasiljevic. De
12 plus, il faut regarder le nombre de meurtres, ici. Il y en a beaucoup plus
13 que dans Vasiljevic, 194 personnes, quand même, et de plus, 194 victimes
14 qui ont d'abord été torturées, qui ont été détenues dans des conditions
15 épouvantables avec une atmosphère de terreur, qui ont été battues pendant
16 tout l'après-midi, pendant toute la soirée avant, et ce, du 20 novembre
17 1991. Et Mile Mrksic a d'ailleurs été condamné pour cela.
18 Donc il y a un risque ici en l'espèce. Il est vrai que 20 ans cela semble
19 être une peine assez lourde, mais comme le Juge Shahabuddeen l'avait déjà
20 reconnu dans son opinion séparée dans Galic, la question à se poser est la
21 suivante :
22 "…Ce n'est pas la peine en tant que tel, en termes absolus, ce n'est
23 pas ce qui est important puisque de ce fait là, bien sûr, 20 ans de prison,
24 cela peut paraître comme étant extrêmement lourd. Mais la question c'est la
25 façon dont la sentence, dont la peine imposée est vue par rapport à la
26 peine qui serait raisonnable au vu de la gravité des crimes de l'appelant."
27 Or ici, la gravité des crimes de l'appelant, lorsqu'on les compare à ce qui
28 s'est passé dans Vasiljevic, cela montre bien que 20 ans, c'est absolument
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1 inadéquat, cela ne permet absolument pas de refléter la gravité de sa
2 responsabilité criminelle. Cinq ans de plus pour 194 meurtres
3 supplémentaires et 189 meurtres et tortures et traitements cruels, pour le
4 fait qu'il n'a rien fait. Il a encouragé à ces meurtres, parce qu'il avait
5 une position extrêmement élevée aussi, parce qu'il avait un élément moral
6 élevé aussi en l'espèce. Cela est une peine absolument inadéquate, et elle
7 a choqué d'ailleurs la conscience de la communauté internationale. Nous
8 vous demandons donc d'augmenter la peine de façon à être très prudent, bien
9 sûr, dans votre appréciation de la peine, mais nous vous demandons, avec
10 tout le respect que nous vous devons, d'aggraver sa peine.
11 J'en ai terminé.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que ceci
13 termine vos présentations et les présentations de l'Accusation.
14 M. ROGERS : [interprétation] Tout à fait.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Où sommes-nous de la bande audio,
16 Monsieur le Greffier, s'il vous plaît ?
17 Je pense que nous avons encore du temps. Dans ce cas-là, j'aimerais
18 demander aux appelants, M. Mrksic et M. Sljivancanin, j'aimerais leur
19 demander s'ils ont quelque chose à dire.
20 [La Chambre d'appel et le Greffier se concertent]
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Mrksic, avez-vous quelque
22 chose à dire ?
23 L'ACCUSÉ MRKSIC : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien, mais soyez bref, s'il
25 vous plaît. Dix minutes, pas plus.
26 L'ACCUSÉ MRKSIC : [interprétation] Je serai bref.
27 J'aimerais saisir cette occasion pour déclarer une fois de plus que
28 je regrette ce qui s'est passé à Vukovar. Je tiens à exprimer toutes mes
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1 condoléances aux familles des soldats qui ont trouvé la mort, les jeunes
2 soldats, les combattants, les officiers, et tous les citoyens de Vukovar,
3 tous ceux qui ont trouvé la mort, même les combattants aussi qui ont trouvé
4 la mort en défendant Vukovar, et aussi ceux qui ont trouvé à mort à Ovcara.
5 Cela n'aurait jamais dû arriver.
6 Je tiens à dire que je n'ai jamais ordonné à la police militaire de
7 se retirer. Je suis allé à Belgrade. Je me suis rendu à Belgrade en pensant
8 que la mission allait être exécutée comme toutes les autres missions, rien
9 de plus. Je vous remercie.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que vous en
11 avez terminé. Vous pouvez vous asseoir.
12 L'ACCUSÉ MRKSIC : [interprétation] Oui.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie de votre déclaration.
14 Monsieur Sljivancanin, avez-vous quelque chose à dire ? Vous avez la
15 parole.
16 L'ACCUSÉ SLJIVANCANIN : [interprétation] Oui.
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez la parole.
18 L'ACCUSÉ SLJIVANCANIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je
19 tiens tout d'abord à vous remercier de me donner la parole à la fin de
20 cette audience. Je tiens aussi à saisir cette occasion pour exprimer toute
21 ma gratitude envers vous tout d'abord pour m'avoir libéré provisoirement.
22 Je respecte absolument toutes vos décisions, et je tiens à dire que je
23 continuerai à le faire à l'avenir.
24 Je tiens aussi à dire que j'ai extrêmement confiance qu'en l'espèce,
25 vous serez uniquement guidés par la recherche de la vérité et de la
26 justice. La loi ne peut pas être juge si elle s'oppose à la vérité.
27 J'ai parlé à la Chambre de première instance au début de mon procès
28 et à la fin aussi du procès, et j'ai ainsi pu déclarer ce que j'attendais
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1 justement de ce procès. Je respecte tout ce que j'ai dit d'ailleurs à cette
2 occasion. Je sais que vous êtes au courant de ce que j'ai dit précédemment,
3 et je ne vais pas me répéter.
4 Mais sachez que j'ai aussi déposé pendant plus d'une semaine à propos
5 de tout ce qui m'est reproché dans l'acte d'accusation. J'ai absolument
6 voulu déposer. C'était une condition préalable que j'avais exigée de la
7 part de mon conseil de la Défense, et je répète à nouveau que j'ai dit tout
8 ce que je savais sur ce qui m'est reproché.
9 La deuxième condition que j'avais imposée à mon conseil de la Défense
10 était que je ne voulais avoir pour témoin à ma Défense que ceux qui
11 viendraient délibérément de leur propre volonté pour témoigner. Je ne
12 voulais pas avoir des témoins demandant des mesures de protection. Si une
13 personne de ce type était venue déposer, j'aurais décidé de ne pas
14 l'appeler. En effet, je ne voulais pas que la Chambre entende des témoins
15 qui auraient eu peur de quoi que ce soit. D'ailleurs il n'y a eu aucun
16 témoin de ce type qui sont venus à ma défense. En effet, il n'y a que les
17 dépositions publiques et transparentes qui peuvent laver l'honneur des
18 membres de la JNA qui ont été tués, qui sont tombés à Vukovar dans le cadre
19 de leur mission et de leur métier. Il n'y a que la vérité qui peut apporter
20 la paix aux familles des victimes.
21 Je tiens à répéter à nouveau que je regrette qu'il y ait eu tant de
22 victimes dans le cadre de cette guerre. J'ai entendu un grand nombre de
23 dépositions extrêmement émouvantes dans le prétoire. Les familles des
24 victimes ont, bien sûr, le droit de savoir ce qui s'est véritablement
25 passé. Grâce à ma déposition et ma Défense, j'ai essayé de contribuer aussi
26 à la manifestation de la vérité.
27 Mais malheureusement, malgré tout cela, même après le procès, il
28 semble que la vérité n'est pas encore totalement éclatée.
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1 J'ai passé la plus grande partie de ma vie dans l'armée. L'armée m'a
2 façonné, a façonné mes valeurs, m'a appris à être brave. Les braves n'ont
3 jamais peur du public. Les braves n'ont jamais peur de la vérité non plus.
4 J'espère donc qu'aujourd'hui, en tant que femmes et hommes honnêtes,
5 puisque c'est ce que sont les Juges, ne permettront pas à l'injustice de
6 prévaloir plutôt que la justice.
7 Mais Madame et Messieurs les Juges, j'ai fait tout en public. Tout ce
8 que j'ai fait à Vukovar, je l'ai fait en public. On m'a dit que j'étais un
9 communiste avec une étoile à cinq branches, une étoile dont j'étais très
10 fier d'ailleurs. D'autres personnes m'ont considéré comme étant un
11 agresseur. Ils m'ont perçu comme un agresseur. Mais moi, je voulais faire
12 mon métier professionnellement, mon métier pour lequel j'avais été
13 entraîné, pour lequel j'avais fait serment. Certains ont pensé qu'il
14 s'agissait d'un péché, mais moi, j'en suis fier. Si c'est un péché de
15 croire en son pays - je croyais en un pays dans lequel peu de personnes
16 croyaient à l'époque visiblement. Et si j'ai fait ce que mon devoir me
17 demandait, j'ai peut-être eu erreur de croire à tout cela. Mais je n'ai
18 jamais perdu ma foi. Je suis certain que vous allez conclure que je ne suis
19 absolument pas coupable.
20 Il semble que je suis le dernier à vous parler, mais je tiens donc à
21 répéter les mots que j'ai dit au début de mon procès, et j'espère que tous
22 dans le prétoire les accepteront. Ils ont été écrits par Ivo Andric, notre
23 écrivain, qui a reçu un prix Nobel et je cite :
24 "Il n'y a pas beaucoup de justice dans le monde, mais le peu de justice
25 qu'il y a, c'est une justice de grande valeur. C'est une justice lente,
26 certes, et c'est une justice qui arrive souvent un peu en retard, mais
27 c'est une justice qui arrive toujours à se manifester." C'est pour cela que
28 je n'ai pas peur et que j'ai confiance en la justice.
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1 Je vous remercie.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Sljivancanin. Merci
3 pour cette déclaration. Vous pouvez vous asseoir.
4 L'ACCUSÉ SLJIVANCANIN : [interprétation] Merci.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous en avons maintenant terminé. Cette
6 audience en appel est terminée. Avant de quitter le prétoire, je tiens à
7 remercier les parties pour leur présentation, les appelants, les juristes,
8 les conseils et, bien sûr, nos équipes de soutien, les greffes et surtout
9 les interprètes dont le travail était très difficile et qui ont fait un
10 travail excellent. Donc je tiens vraiment à vous remercier pour l'excellent
11 niveau de votre interprétation, niveau excellent qui est comme
12 malheureusement essentiel pour que l'audience en l'espèce soit utile.
13 Nous allons reprendre à quatre heures moins quart pour la Conférence de
14 mise en état. Je pense qu'il faut environ 30 minutes au greffe pour changer
15 les bandes.
16 --- L'audience est levée à 15 heures 11, suivie par la Conférence de mise
17 en état.
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