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1 (Affaire Vukovar IT-95-13-R61 du 26/03/1996.)
2 (Audience publique.)
3 (L’audience est ouverte à 10 heures.)
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 M. le Président: Alors, d’abord, je voudrais m’assurer que la cabine
6 d’interprétation est au point sous toutes ses dimensions.
7 Alors, d’abord, Monsieur le Greffier, est-ce qu’on y a pourvu? Est-ce que
8 vous m’entendez? Est-ce que le Procureur m’entend? Est-ce que les
9 assistants entendent? Est-ce que la personne qui assure la transcription
10 par Sténotypie m’entend? Est-ce que mes collègues m’entendent? Bien.
11 Monsieur le Greffier, voulez-vous appeler l’affaire inscrite au rôle, s’il
12 vous plaît.
13 M. le Greffier: Merci, Monsieur le Président. Dossier IT-95-13-R61, Le
14 Procureur du Tribunal c. Mrksic, Radic et Sljivancanin.
15 M. le Président: Merci.
16 Aujourd’hui, nous continuons la poursuite de l’audition des témoins.
17 Monsieur le Procureur, vous avez la parole pour l’introduction du premier
18 témoin, et faire les déclarations que vous souhaitez faire au Tribunal.
19 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
20 M. Williamson(interprétation): Monsieur le Président, Clint Williamson. Je
21 suis appuyé par madame Sutherland.
22 J’aimerais maintenant que… le Procureur souhaiterait une suspension brève
23 jusqu’à 14 h. Mon coéquipier, monsieur Niemann, malheureusement; est
24 souffrant et nous ne pensons pas que ce soit grave, mais il a dû se rendre
25 chez le médecin et il devrait être de retour et être en mesure, donc, de
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1 reprendre cet après-midi. Nous demanderons, donc, l’indulgence du
2 Tribunal, et nous aimerions une suspension brève.
3 M. le Président: Merci, Monsieur le ProcureuR. Je vais me consulter avec
4 mes collègues.
5 Monsieur le Procureur, d’abord, le Tribunal s’associe au vœu de prompt
6 rétablissement qu’il adresse, donc, à Monsieur Niemann. Le Tribunal
7 accorde la suspension, nous allons suspendre, mais le Tribunal tient à
8 suspendre uniquement jusqu’à 14 h Il y a quand même… ils "sont" annoncés
9 l’audition de plusieurs témoins, un certain nombre de témoins – de onze
10 témoins – et, donc, nous avions prévu de les auditionner sur le 26, 27 et
11 28 mars.
12 Donc, tout à fait d’accord. Le Tribunal vous accorde la suspension, mais à
13 14 heures nous… le Tribunal souhaite reprendre l’audience et, cette fois-
14 ci, sans interruption.
15 (L’audience, suspendue, est reprise à 14 heures.)
16 M. le Président: D’abord, est-ce que tout le monde m’entend dans toutes
17 les composantes? Monsieur le Greffier, vous m’entendez? Monsieur le
18 Procureur, vous m’entendez? Madame qui s’occupe de la transcription
19 m’entend? Non. Alors ici on n’entend pas. Monsieur le Procureur, vous ne
20 m’entendez pas? Monsieur Williamson, vous m’entendez? Madame, vous
21 entendez? Eh bien, c’est capital. Vous m’entendez? Les assistants
22 m’entendent? Bien. Tout le monde est prêt.
23 Monsieur le Greffier, voulez-vous nous rappeler l’affaire inscrite au rôle
24 de notre audience, s’il vous plaît?
25 M. le Greffier: Il s’agit du dossier IT-95-13-R61, Le Procureur du
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1 Tribunal c. Mrksic, Radic et Sljivancanin.
2 M. le Président: Merci, Monsieur le Greffier.
3 Je rappelle, donc, que nous sommes dans le cadre de l’article 61 de
4 l’audience concernant les charges qui pèsent sur les trois accusés dont
5 vous venez de rappeler les noms, le Procureur ayant décidé de citer des
6 témoins.
7 L’audience a été suspendue ce matin. Nous sommes d’abord heureux de
8 constater la présence de monsieur Niemann à son banc, et nous lui cédons,
9 tout de suite, la parole. Monsieur le Procureur, vous avez la parole, et
10 vous nous dites surtout s’il s’agit de témoins qui ont fait l’objet d’une
11 mesure de protection Monsieur le Procureur.
12 M. Niemann(interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je vous remercie
13 de votre patience de ce matin.
14 Mesdames et Messieurs, l’organisation des témoins, eh bien, nous en sommes
15 revenus à ce qui était prévu au départ et les mesures de protection
16 s’appliqueront, à l’exception du Docteur Striber, donc. Et je demanderais,
17 tout d’abord, la "production" du premier témoin, Madame Vesna Bosanac.
18 M. Le Président: (Micro fermé) que vous entendez que les mesures de
19 protection que la Chambre a prises soient étendues à d’autres témoins. Je
20 vous rappelle que nous avons pris une décision concernant un témoin A, un
21 témoin B, et puis un témoin dont… qui ne souhaite pas que son identité
22 soit protégée, mais qui souhaitait que sa voix et son image soient
23 protégées.
24 Monsieur le Greffier, c’est bien cela? C’était bien "l'ordonnant"? Est-ce
25 que le Procureur… Est-ce que le Bureau du Procureur avait l’intention de
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1 demander d’autres types de protection pour d’autres témoins? Si tel est le
2 cas, le président que je suis ne dis pas "non", mais il faut d’abord qu’il
3 ait l’accord de ses collègues Juges, et je voudrais simplement que le
4 Bureau du Procureur nous précise sa position s’agissant du premier témoin.
5 Monsieur le ProcureuR.
6 M. Niemann (interprétation): Oui. En ce qui concerne le premier témoin,
7 Madame Bosanac, il n’y a pas de protection demandée. Mon collègue,
8 monsieur Williamson, a parlé avec d’autres témoins, et je crois que nous
9 avons conclu… une fois que nous en "avons" conclu du Docteur Bosanac, je
10 demanderai à Monsieur Clint Williamson d’informer… de vous informer, donc,
11 de la protection demandée par d’autres témoins… par les autres témoins. Si
12 vous n’avez pas d’objection en la matière, c’est la manière dont
13 j’aimerais procédeR. Le Docteur Bosanac n’a pas demandé de protection.
14 M. Le Président: Je vous demande une seconde. Monsieur le Procureur, le
15 Tribunal, donc, a décidé de faire droit à votre demande. Si vous voulez
16 bien -et je demande à monsieur le Greffier d’y tenir la main- chaque fois
17 que se présentera un témoin que vous avez cité, nous vous demanderons,
18 avant même de l’introduire, quel est le type de protection que vous
19 souhaitez, et nous demanderons à Monsieur le greffier de préparer une
20 ordonnance à la signature du Président de ce Tribunal, c’est-à-dire de
21 moi-même, qui en accord avec ses collègues, accordera le type de
22 protection que vous souhaitez.
23 Voilà, les choses étant claires, vous pouvez, maintenant, introduire le
24 premier témoin qui, donc, lui ne fait l’objet d’aucune mesure de
25 protection, ni altération d’image, ni occultation d’identité. Donc, ce
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1 témoin peut entrer dans la salle d’audience, les rideaux étant ouverts à
2 l’égard du public, et ce témoin est invité, donc, à faire sa déclaration
3 solennelle de serment. Si l’huissier veut bien l’introduire.
4 Madame… Bien, d’abord, Madame, est-ce que vous m’entendez? Entendez-vous
5 le Tribunal qui s’exprime vers vous? Est-ce que vous m’entendez, Madame?
6 Madame, peut-être, n’a pas été bien réglée? Il faudrait peut-être que
7 l’huissier se préoccupe, chaque fois, de bien… de bien mettre le canal.
8 Voilà. Est-ce que vous m’entendez, Madame?
9 Mme Bosanac: (sans interprétation).
10 M. Le Président: Vous m’entendez, Madame? (Inaudible).
11 Est-ce que vous pouvez vous lever, Madame? Vous allez nous dire quel est
12 votre nom, votre prénom et votre fonction, mais vous y… vous répondrez
13 aussi au Procureur quand il vous le demandera, et vous allez ensuite lire
14 la déclaration qui vous a été soumise –vous allez la lire avant de vous
15 rasseoir– et de procéder à votre témoignage. Alors, Madame, qui êtes-vous
16 et, ensuite, vous procédez à votre déclaration.
17 Mme Bosanac (interprétation): Je suis Vesna Bosanac. Je suis médecin de
18 Vukovar, j’habite à l’heure actuelle à Zagreb et j’ai été directrice de
19 l’hôpital et je le reste, d’ailleurs, à Vukovar, en exil.
20 M. le Président: Pouvez-vous lire la déclaration qui vous a été soumise?
21 Mme Bosanac (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
22 vérité, rien que la vérité et toute la vérité.
23 M. le Président: Merci, Madame, vous pouvez vous asseoir.
24 Puisqu’il s’agit du premier témoin, peut-être, Monsieur le Greffier,
25 pourrons-nous demander désormais –Asseyez-vous, Madame– à l’huissier de
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1 rester auprès de… au tout début pour lui tendre la déclaration, et
2 s’assurer de son confort pour le bien de sa déposition et la bonne
3 audition de tout le monde. Si on peut essayer d’y pourvoir.
4 Madame, le Tribunal vous demande de parler avec beaucoup de sérénité comme
5 vous le demandera le Procureur dans toutes les questions qui vous seront
6 posées. Il s’agit ici d’un tribunal pénal international indépendant, vous
7 pouvez, donc, vous exprimer avec toute la sérénité voulue.
8 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
9 (Interrogatoire principal du témoin, Mme Bosanac par M. Niemann)
10 M. Niemann (interprétation): Docteur Bosanac, êtes-vous née à Subotica en
11 Vjovodine, en Serbie?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Êtes-vous médecin?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Est-ce que vous avez obtenu votre diplôme à l’université de
16 Zagreb?
17 Réponse:Oui.
18 Question: Est-ce que vous avez travaillé à l’hôpital Sveti Duh(?) , et
19 ensuite vous êtes passée au centre médical de Vukovar?
20 Réponse: Oui.
21 Question: C’était en février 1974?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Est-ce que votre spécialisation était la pédiatrie?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Est-ce que vous y avez travaillé de 1978 à 1979 à l’hôpital de
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1 Osijek?
2 Réponse: Oui, absolument.
3 Question: Et vous y avez passé deux ans de 1979 à 1981, donc à l’hôpital
4 de Zagreb?
5 Réponse: Oui, effectivement.
6 Question: Êtes-vous à l’heure actuelle pédiatre à la clinique pédiatrique
7 Kliepka(?) de Zagreb?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Et, parallèlement, êtes-vous également la directrice ad instar
10 de l’hôpital général de Vukovar?
11 Répnse: En exil.
12 Question: Êtes-vous également conseillère auprès du ministre de la Santé
13 en Croatie?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Vous avez été nommée directrice de l’hôpital de Vukovar le 25
16 juillet 1991?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Au moment du conflit à Vukovar, au moment de son début, étiez-
19 vous la directrice de l’hôpital?
20 Réponse: Oui. La guerre à Vukovar a commencé avant cette date ; elle a
21 commencé le 2 mai 1991.
22 Question: Lorsque le pilonnage a commencé dans la ville de Vukovar elle-
23 même était-ce en juillet 1991?
24 Réponse:.Oui.
25 Question: Et maintenant… Donc, le 25 juillet, vous êtes devenue
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1 effectivement la directrice de l’hôpital?
2 Réponse: Oui, le 25 juillet, effectivement.
3 Question: Pourriez-vous nous dire lorsque le pilonnage a commencé, c’est-
4 à-dire au centre de la ville, en quel mois cela s’est-il situé?
5 Réponse: C’était au début du mois d’août, vers le 5 août.
6 Question: Est-ce que vous vous souvenez de la première instance où
7 l’hôpital a été touché par le pilonnage?
8 Réponse: L’hôpital a été touché, c’est-à-dire le bâtiment administratif de
9 l’hôpital a été touché le…je crois vers le 7 août, et cela a détruit,
10 donc, le service des archives, mais personne n’a été blessé, à l’époque.
11 Question: Lorsque cet obus a touché, donc, les bâtiments administratifs,
12 avez-vous contacté qui que ce soit quant à cet événement, à l’époque?
13 Réponse: Oui. J’en ai informé le commissaire public, donc, de la
14 municipalité de Vukovar, le ministre de la Santé, et j’ai également parlé
15 au commandant de la caserne de l’armée populaire yougoslave à Vukovar, le
16 capitaine Ristic.
17 Question: Et en particulier, lorsque l’on parle de ce dernier –du
18 capitaine Ristic– vous a-t-il dit quoi que ce soit quant au pilonnage?
19 Vous a-t-il apporté son aide lorsque vous lui avez parlé?
20 Réponse: Non. Je lui ai simplement demandé de m’expliquer la chose mais il
21 n’a rien répondu de façon particulière, car l’administration de l’hôpital…
22 ce bâtiment était extrêmement proche du bâtiment où vivait la JNA, et un
23 obus… un obus a touché également leur garage. Et si… Après cela, après
24 cette date, tous les officiers ont été évacués du centre-ville, et ils se
25 sont retirés vers la partie… donc au sud de la ville, la caserne.
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1 Question: Vous parlez donc de la caserne de la JNA, de la partie sud de la
2 ville?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Est-ce que vous vous souvenez de la direction d’où venaient les
5 obus lorsque le bâtiment administratif a été touché, c’est-à-dire d’où les
6 tirs provenaient?
7 Réponse: Nous pensions qu’il s’agissait de la direction… que cela venait
8 de la direction de Borovo Selo, mais je ne puis pas le dire avec
9 certitude, que ce soit la direction de Borovo Selo ou de l’autre rive du
10 Danube.
11 Question: Le 24 août 1991, certains soldats serbes ont été blessés près de
12 Borovo Selo?
13 Réponse: Oui, effectivement. En fait, c’étaient les soldats de l’armée
14 populaire yougoslave qui passaient par la ville, qui traversaient la ville
15 dans des transports blindés de personnel…
16 M. le Président: Le transcript sur les moniteurs… Excusez-moi. Excusez-
17 moi, Madame.
18 Bien. Nous pouvons, Monsieur le Procureur… nous pouvons, nous pouvons
19 reprendre. Est-ce que… Je ne sais pas qu’est-ce qu’on fera pour le
20 transcript, ou alors on verra en fonction des questions. Monsieur le
21 Greffier? Il est bon Il est revenu. Bien.
22 Monsieur le Procureur.
23 M. Niemann (interprétation): Docteur Bosanac, vous nous avez dit avant
24 cette interruption… vous nous avez parlé du fait qu’il y avait des soldats
25 de la JNA qui ont été blessés, donc, le 24 août 91. Pourriez-vous nous
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1 dire ce qui s’est passé quant à ces soldats lorsqu’ils ont été blessés?
2 Réponse: Dans toutes les mesures où j’en suis informée, ces soldats se
3 trouvaient, donc, dans un transport de troupes blindé et ils se rendaient
4 de Borovo Selo vers Vukovar, et ils ont… ils sont passés sur une mine.
5 Alors, les "défendeurs" croates ont… nous ont amené ces 4 soldats blessés
6 à l’hôpital.
7 Question: Et une fois qu’ils ont été amenés à l’hôpital que s’est-il passé
8 à partir de là?
9 Réponse: L’un d’entre eux étaient gravement blessé en raison de
10 l’explosion, les autres étaient légèrement blessés. On leur a apporté les
11 soins médicaux nécessaires, nous leur avons donné des médicaments, une
12 infusion… une transfusion, et ensuite ils ont été placés sous traitement
13 médical. Et ensuite, on m’a contactée, par téléphone, par le capitaine
14 Ristic – encore une fois de la caserne de la JNA – qui a exigé que les
15 soldats soient evacués à la caserne. Je lui ai dit que nous ne pouvions
16 procéder ainsi, car ils venaient d’être blessés et qu’il leur fallait du
17 repos, et qu’ils reçoivent des soins médicaux et qu’ils doivent rester à
18 l’hôpital.
19 Question: Et que… Qu’est-ce que le capitaine Ristic vous a répondu lorsque
20 vous lui avez dit que l’on ne pouvait les faire sortir de l’hôpital?
21 Réponse: À ce moment-là, il n’a rien répondu, mais il a, sans doute,
22 téléphoné au chef de la police et au commissaire, donc, de l’état, car il
23 m’a rappelée, c’est d’ailleurs le chef de la police… m’a rappelée qui m’a
24 dit que le capitaine Ristic avait insisté pour que nous préparions ses
25 soldats à l’évacuation vers la caserne. Il souhaitait les emmener à
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1 Belgrade, par la suite.
2 Question: Et pour le dossier, qui était le chef de la police à l’époque?
3 Vous souvenez-vous de son nom?
4 Réponse: Oui, Stipa Pole.
5 Question: Après qu’il vous ait contacté et qu’il vous ait dit qu’il
6 conviendrait de les faire sortir de l’hôpital que s’est-il passé ensuite?
7 Réponse: Eh bien, nous les avons préparés… En fait, j’ai dit que nous
8 pourrions lui fournir une ambulance et qu’il conviendrait qu’on nous
9 envoie une "estavette", une estafette ou un autre véhicule pour les
10 blessés légers. Par la suite, une heure plus tard, un transport de
11 personnel est arrivé dans le complexe de l’hôpital que l’on a fermé, et le
12 gardien, l’appariteur m’a appelée, je suis sortie, j’ai vu effectivement
13 qu’il y avait un transport de personnel dans la cour de l’hôpital, et un
14 officier est sorti, mais il n’est pas sorti du véhicule, il a passé la
15 tête par la portière et je lui ai demandé pourquoi il était venu à
16 l’hôpital dans un véhicule militaire, et il m’a répondu qu’il était venu
17 pour… en qualité d’escorte de ces blessés.
18 Il avait une caméra vidéo, un Caméscope, il en a fait une vidéo, donc, de
19 la cour de l’hôpital. Je lui ai dit qu’il n’avait pas à venir ici avec un
20 véhicule militaire. Nous avions informé… nous avions été informés que les
21 blessés devaient être évacués, si c’était, bien sûr, absolument
22 nécessaire, mais que ce n’était pas une bonne chose pour ces blessés. Le
23 transport de personnel militaire, donc, a quitté l’hôpital, une estafette
24 militaire est arrivée avec chauffeuR.
25 Question: À l’époque, y avait-il des installations militaires de quelque
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1 sorte que ce soit dans l’hôpital ou autour de l’hôpital, en tout cas sur
2 le terrain de l’hôpital?
3 Réponse: Non.
4 Question: Est-ce que quelqu’un a accompagné ces blessés, ces soldats
5 blessés dans l’ambulance, donc… quelqu’un de l’hôpital?
6 Réponse: Oui. L’ambulance a été conduite par notre chauffeur, notre
7 ambulancier et une infirmière les a accompagnés à Anto Janko.
8 Question: Et lorsque l’infirmière est revenue de l’endroit où on les avait
9 amenés, vous a-t-elle dit ce qui s’était passé quant à ces soldats?
10 Réponse: Oui. Elle est revenue et elle m’a dit qu’un hélicoptère se
11 trouvait sur le terrain des casernes, que la télévision de Belgrade s’y
12 trouvait et une foule qui attendait les blessés, donc, à l’intérieur de la
13 caserne, et qu’on les a transférés de notre ambulance à l’hélicoptère, et
14 l’on a, donc, permis à l’infirmière de retourner à l’hôpital.
15 Question: Madame, y a-t-il…, y avait-il d’autres soldats de la JNA qui
16 étaient patients, malades dans votre hôpital, à l’époque, en dehors de ces
17 hommes qui avaient été blessés et qui avaient été amenés par le transport
18 de personnel?
19 Réponse: Non, pas ce jour-là, mais avant des soldats étaient venus au
20 service d’urgence, s’ils étaient souffrants, et c’était la première fois
21 que des blessés avaient été transportés à l’hôpital… des soldats blessés
22 de la JNA. Et ensuite, très souvent, des " défendeurs" croates amenaient
23 des prisonniers blessés, des soldats de la JNA, à l’hôpital. Ainsi, à la
24 fin du conflit, il y avait environ 9 malades qui étaient sous traitement
25 dans notre hôpital.
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1 Question: En dehors des dégâts qui avaient été, donc, faits au bâtiment
2 administratif jusqu’à ce moment-là, jusqu’au mois d’août 91, y avait-il eu
3 d’autres attaques qui avaient été lancées contre l’hôpital?
4 Réponse: Oui. Il y a eu des attaques à proximité de l’hôpital, plusieurs
5 obus avaient touché les environs de l’hôpital, mais ce n’est qu’après
6 cette date que le bâtiment de l’hôpital a été touché, presque tous les
7 jours, par des obus et qu’il subissait des bombardements aériens.
8 Question: Est-il vrai que dès le 25 août 1991, c’est-à-dire le lendemain
9 de l’évacuation de ces soldats, que l’hôpital lui-même a été pilonné?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Y avait-il des indications sur l’hôpital, autour de l’hôpital,
12 afin d’indiquer qu’il s’agissait d’un hôpital si, par exemple, on
13 regardait l’hôpital à vol d’oiseau?
14 Réponse: Oui. Sur l’un des bâtiments de l’hôpital – puisque nous avions
15 plusieurs bâtiments dans un seul complexe hospitalier – l’un des bâtiments
16 portait une croix rouge sur le toit, et entre le nouveau bâtiment et les
17 anciens bâtiments, au-dessus de l’abri atomique, nous avions placé un drap
18 en coton, très grand d’ailleurs, très visible, avec la Croix Rouge sur un
19 fond blanc.
20 Question: En dépit de l’existence, donc, de ces signaux hospitaliers, est-
21 ce que l’hôpital, ce nonobstant, a continué a être attaqué après le 25
22 août 1991?
23 Réponse: Oui. Attaqué presque quotidiennement jusqu’en octobre, en
24 novembre, l’hôpital lui-même a été touché entre 150 ou 200 fois par des
25 obus, bombardé également plusieurs fois à partir d’aéronefs, et deux
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1 bombes de 250 kilos ont touché l’hôpital directement et l’on endommagé
2 très profondément.
3 Question: Est-ce que vous vous êtes plainte à qui que ce soit du fait que
4 l’hôpital faisait l’objet d’attaques?
5 Réponse: Oui. J’ai déposé des plaintes tous les jours, j’ai lancé des
6 appels par téléphone, par fax, par radio, dans mes rapports. J’en ai
7 appelé au ministère de la Santé, au bureau croate, à l’hôtel Inn à Zagreb,
8 à la Croix Rouge à Genève également, et toutes sortes de moyens: la
9 télévision slovène, les médias croates également, et j’ai demandé au
10 centre des informations de Zabreg d’être reliée, par téléphone, à l’état-
11 major de la JNA à Belgrade. J’ai donc déposé des plaintes tous les jours.
12 (Interruption de l’enregistrement.)
13 Réponse: On évacuait des patients tous les jours pour les emmener à
14 Vinkovci et à Osijek, mais à partir du 1er octobre cela n’a plus été
15 possible, car les risques étaient trop importants étant donné que les
16 soldats de la JNA ou des Serbes armés tiraient sur les véhicules qui
17 sortaient de l’hôpital et dans lesquels se trouvaient des blessés. À
18 partir de ce moment-là, nous avons tenté de ménager des espaces
19 supplémentaires dans l’hôpital en envoyant tous les patients de chirurgie
20 à Borovo, en particulier, où il y avait un certain nombre d’abris
21 antiatomiques de bonne qualité. Nous les avons également envoyés dans des
22 abris antiatomiques efficaces qui se trouvaient dans des immeubles
23 d’habitations.
24 Donc les patients qui étaient déjà en cours de récupération ou les
25 patients plus légers, nous les envoyions dans ces abris antiatomiques.
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1 Cela étant, tous les jours, soixante blessés, en moyenne, arrivaient à
2 l’hôpital. Le nombre inférieur de patients reçus un jour a été de 12 et le
3 nombre maximum de 92. Le plus grand nombre de ces blessés étaient des
4 civils qui sortaient de chez eux le matin à la recherche de nourriture et
5 d’eau, alors que les obus tombaient sur Vukovar comme de la grêle, comme
6 de la pluie; tous les jours, les obus s’abattaient sur la ville. Nous, à
7 l’hôpital, nous voyions que 7 à 9 000 obus tombaient environ, chaque jour,
8 sur la ville, et chaque jour il y avait également quelques bombardements
9 aériens.
10 Question: Docteur Bosanac, je crois que vous avez dit précédemment qu’un
11 jour – le 4 octobre 1991, si je me souviens bien –deux bombes ont frappé
12 l’hôpital dont l’une a explosé et l’autre a traversé le bâtiment du toit
13 jusqu’au sous-sol, c’est exact?
14 Réponse: Oui. Les deux bombes ont touché… sont tombées sur le toit de
15 l’hôpital, mais l’une d’entre elles a donc touché le toit, a traversé le
16 toit et a explosé sous le toit en détruisant 3 chambres de l’hôpital au
17 département de chirurgie. Tout l’hôpital a été secoué, il y a eu pas mal
18 de poussière qui est tombée sur les blessés présents dans l’hôpital, il y
19 avait aussi pas mal de fumée due à l’explosion. Nous "nous sommes"
20 accourus pour voir s’il y avait un risque d’incendie parce que nous nous
21 sommes bien rendu compte qu’il y avait eu une explosion mais, à ce moment-
22 là, quelqu’un a dit que la bombe était tombée dans l’abri. Alors, à ce
23 moment-là, nous nous sommes rendus dans cet abri –vous pouvez très bien
24 voir cet événement sur la vidéo qui existe– cette bombe a traversé le
25 toit, elle a traversé la partie qui se trouve sous le toit –trois plaques
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1 de béton– et elle est tombée à l’entrée de l’abri, directement sur un lit
2 dans lequel était couché un patient.
3 Je me souviens très bien que la bombe est tombée tout près de ses jambes,
4 cette bombe a cassé le lit, si bien qu’on avait l’impression qu’en fait le
5 patient était à cheval sur la bombe. Le patient était choqué et il ne
6 pouvait plus parler, l’infirmière qui se trouvait près de lui était
7 terriblement choquée également, tout cela ça été l’affaire de quelques
8 secondes, un choc terrible. Tout le monde se demandait ce qui avait bien
9 pu tomber et, en fait, il s’agissait d’une bombe de très grande taille –
10 presque aussi grande que cette table– et elle pesait 250 kilos; elle n’a
11 pas explosé.
12 À ce moment-là, j’ai appelé un inspecteur de police pour qu’il nous
13 confirme s’il y avait un risque d’explosion potentiel pour cette bombe, il
14 nous a répondu que la bombe ne pouvait plus exploser et, à ce moment-là,
15 on a commencé à mettre les patients sur des civières pour les transférer
16 ailleurs, et ensuite on a sorti également la bombe dans la couR.
17 Question: Docteur Bosanac, à part les bombes larguées par avion, est-ce
18 que vous pouvez nous décrire du mieux que vous pouvez quels étaient les
19 autres types de bombes dont vous vous souvenez… les avoir vu toucher
20 l’hôpital?
21 Réponse: Il y avait toutes sortes… de très nombreuses bombes. Nous ce que
22 nous pouvions voir, c’était les restes des bombes qui n’avaient pas
23 explosées. En effet, certaines de ces bombes tombaient au sol sans
24 exploseR. Nous avions un inspecteur de police dont la tâche consistait à
25 venir chaque fois à l’hôpital pour vérifier les risques d’explosion
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1 potentiels. Il y avait des projectiles divers qui tombaient sur l’hôpital,
2 des choses qui ressemblaient un petit peu à des petits parachutes faits de
3 métal et qui, à l’intérieur, contenaient une espèce de poudre, si bien que
4 lorsque ces petits parachutes tombaient au sol ils larguaient, ils
5 libéraient une espèce de poudre qui sentait le DDT. Les gens avaient très
6 peur, ils pensaient que c’était du poison et, en fait, plus tard, il s’est
7 avéré qu’il s’agissait, sans doute, d’un poison plus léger qui était censé
8 avoir des effets psychologiques sur les gens.
9 Il y avait aussi des obus au phosphore qui tombaient et dès qu’ils
10 touchaient une cible il se produisait un incendie. Il en est tombé pas mal
11 sur l’hôpital, "une" en particulier qui a atteint le toit et qui était
12 particulièrement "dangereuse" parce qu’il a fallu qu’on prenne les
13 escaliers très vite pour monter jusqu’au toit, et éteindre l’incendie;
14 sans que personne ne s’en rendre compte, pour ne pas créer de panique.
15 Question: Est-ce que quelqu’un a subi des blessures du fait de ces bombes
16 au phosphore d’après vos souvenirs de l’époque?
17 Réponse: Oui. Je me souviens qu’un jour ils ont emmené une jeune fille qui
18 présentait des brûlures très importantes. On l’a immédiatement
19 déshabillée, on lui a enlevé ses bottes, et encore une demi-heure après
20 ses bottes produisaient de la fumée et dégageaient une odeur que je
21 qualifierais d’acide. Elle avait de très importantes brûlures, on l’a
22 nettoyé au sérum physiologique, on lui a donné une perfusion, moi je
23 pensais personnellement qu’elle n’allait pas survivre. Et nous avons gardé
24 ses vêtements de façon à pouvoir confirmer, ultérieurement, quel était le
25 type de bombe qui l’avait blessée, mais tout cela est resté à l’hôpital
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1 puisque, nous, on nous a transférés.
2 Heureusement, cette jeune fille a tout de même survécue, elle va bien
3 aujourd’hui, mais deux jours plus tard encore la chambre dans laquelle
4 elle était couchée dégageait une odeur très forte et très désagréable. Je
5 me souviens bien de cela.
6 Question: Docteur, vous nous avez déclaré que vous protestiez incessamment
7 auprès d’un certain nombre d’instances, en particulier l’OCMM qui avait
8 son siège à Zagreb, et que contactiez également un certain nombre
9 d’autorités croates et également que vous aviez adressé des protestions à
10 des représentants de la JNA. Est-ce que vous avez parlé à des gens à
11 Belgrade au sujet de la situation de l’hôpital?
12 Réponse: Oui. J’ai demandé à parler à Ante Markovic, le chef du
13 gouvernement de l’époque, mais je n’ai pas réussi à l’avoir au téléphone.
14 Alors, j’ai demandé à parler au chef d’état-major, c’était Zivota Panic
15 qui était le dirigeant de l’armée yougoslave à l’époque, j’ai demandé à
16 parler avec lui, mais ce sont ses adjoints qui sont venus au téléphone et
17 je n’ai pas parlé avec eux. Ce qu’on m’a dit, c’est que je comprenais sans
18 doute mal les choses, qu’il était absolument impossible que leurs avions
19 bombardent l’hôpital, et rien n’a changé.
20 Un jour, je parlais avec le général Raseta qui représentait l’armée
21 yougoslave à Zagreb, et chez nous il y avait un soldat de l’armée
22 yougoslave qui était blessé -Sasa Jovic- et je lui ai demandé s’il voulait
23 parler avec lui, il m’a répondu que non, et ce soldat a essayé de le
24 convaincre qu’effectivement des bombardements affectaient l’hôpital. Et
25 après, je ne sais pas exactement ce qu’ils se sont dit, mais le général a
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1 demandé qui était à l’hôpital, est-ce qu’il y avait des membres de l’armée
2 croate, le soldat a répondu qu’il n’y avait pas de militaires croates,
3 qu’il n’y avait que des blessés civils, mais les pilonnages n’ont pas
4 cessé pour autant.
5 Question: Docteur, dans la population de Vukovar, lorsqu’il y avait des
6 tués au moment des attaques que subissait la ville, est-ce que ces tués
7 étaient amenés à l’hôpital ensuite?
8 Réponse: Au début, au moment où la guerre n’était pas encore très
9 intensive, les services d’urgence sortaient de l’hôpital et ramenaient les
10 blessés. Mais au bout de quelque temps, deux ambulances ont été détruites
11 et les soldats croates et des civils amenaient aussi bien les blessés que
12 les morts, à l’hôpital, parce qu’après tout ils ne savaient pas exactement
13 si la personne était morte, et ils espéraient toujours qu’il y avait un
14 espoiR. Donc, quelques fois, ils amenaient également des morts à
15 l’hôpital. À ce moment-là, nos médecins constataient le décès, en cas de
16 décès, et le lendemain ces cadavres étaient emmenés hors de l’hôpital
17 après qu’une constatation du décès ait également été faite par
18 l’inspecteur de police qui était chargé d’effectuer l’identification
19 policière du corps.
20 Donc, oui, effectivement des morts arrivaient également à l’hôpital, mais
21 ce n’était pas… mais tous les morts n’arrivaient pas à l’hôpital, parce
22 que, parfois, les civils nous disaient: "Nous nous sommes rendu compte que
23 telle et telle personne était morte, et on l’a enterrée sur place; on n’a
24 pas vu l’utilité de l’emmener à l’hôpital."
25 Question: Docteur, ces gens qui arrivaient à l’hôpital une fois mort où
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1 est-ce qu’ils étaient enterrés?
2 Réponse: Au mois d’août lorsque la guerre ne battait pas encore son plein,
3 on emmenait les corps au cimetière dit "cimetière bulgare", c’est le
4 cimetière officiel de la ville qui se trouve un peu à l’extérieur de la
5 ville dans les faubourgs. Mais au mois d’août, lorsque les pilonnages se
6 sont intensifiés, le cimetière subissait également ces pilonnages, donc il
7 n’était plus possible de s’y rendre. À partir de ce moment-là, nous
8 transférions les corps dans l’ancien cimetière orthodoxe qui se trouve
9 près d’une… près de la caserne de la JNA, sur le terrain de la foire.
10 Mais, au cours du mois d’octobre, un camion qui transportait des corps et
11 qui se dirigeait vers ce cimetière a été la cible directe de tirs
12 provenant de cette caserne de la JNA. Donc, les chauffeurs ont dû
13 s’enfuir, ils ont laissé sur place les camions remplis de corps et, donc,
14 nous avons cessé d’enterrer les corps dans ce cimetière également.
15 À partir de ce moment-là, nous avons creusé une fosse importante dans
16 l’ancien cimetière juif qui se trouve près de l’hôpital et c’est là que
17 nous avons commencé à enterrer les corps des blessés qui avaient
18 succombés, et les cercueils étaient faits à partir de planches que nous
19 prenions sur des pièces de mobiliers de l’usine Borovo. Nous les
20 enterrions en trois rangées… sur trois rangées en les identifiant avec des
21 plaques d’identification, c’est là que tous étaient enterrés, qu’ils
22 soient soldats croates ou civils.
23 Mais une fois que cette fosse a été pleine, nous avons essayé de creuser
24 une nouvelle fosse pas loin du stade, mais cela se trouvait sur un espace
25 ouvert et les tanks, les chars de l’armée de la JNA tiraient directement
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1 sur cet espace à partir de l’autre rive de la rivière Vuka. Donc, nous
2 n’avons pas réussi à utiliser cet espace, et nous avons commencé à
3 transporter les corps dans un bâtiment que l’on appelait "la
4 capitainerie", qui était un bâtiment désaffecté.
5 Donc, les deux dernières semaines, les employés municipaux ont commencé à
6 creuser des fosses. Les corps étaient entourés… étaient enveloppés dans du
7 plastique, et ils comportaient une plaque d’identification avec un numéro.
8 Je me souviens que les deux dernières semaines 120 corps ont été
9 rassemblés en ce lieu, mais les employés municipaux ont dit qu’ils
10 n’avaient réussi à en enterrer que quelques uns mais qu’il en était resté,
11 malheureusement, pas mal qui n’étaient pas enterrés parce qu’il y avait
12 trop de pilonnage en provenance de l’autre rive du Danube.
13 Question: Docteur, le 10 novembre 1991, des négociations… est-ce que des
14 négociations ont commencé au sujet d’une évacuation à l’hôpital?
15 Réponse: Oui. À cette époque, des négociations, des pourparlers ont
16 commencé avec la Mission européenne et la Croix Rouge internationale, et
17 une évacuation a commencé à se prépareR. Ce sont les médecins Sans
18 Frontières qui étaient censés organiser cette évacuation.
19 Question: Quel était l’objectif de ces négociations? Qu’est-ce que ces
20 négociations cherchaient à changer?
21 Réponse: En fait ce qu’on cherchait à obtenir, c’était la création d’un
22 corridor humanitaire de façon à ce que les médicaments de base et un
23 certain nombre d’équipements d’hygiène et de poches de sang, en
24 particulier, puissent être apportés à l’hôpital de VukovaR. En effet, nous
25 commencions a en manquer… à manquer de ces produits. Les derniers mois,
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1 nous ne pouvions plus rien obtenir et nous avions déjà dépensé toutes nos
2 réserves. Il y avait de moins en moins de médicaments disponibles, de
3 moins en moins de sang, de moins en moins de tous les produits
4 indispensables pour soigner les blessés, les malades et les handicapés. Il
5 y avait beaucoup de gens qui restaient à Vukovar, des femmes, des enfants.
6 Nous avons eu seize naissances dans l’hôpital, en particulier trois
7 prématurés qui sont nés dans l’abri sous-terrain, et nous n’avions pas de
8 médicaments.
9 Grâce à ce corridor humanitaire, les Médecins Sans Frontières avaient
10 l’intention d’apporter des médicaments dans l’hôpital, et de procéder à
11 l’évacuation de femmes et d’enfants malades ou blessés.
12 Question: Quand est-ce qu’a cessé le pilonnage de l’hôpital et de ses
13 environs? À quelle date? Est-ce que vous vous souvenez?
14 Réponse: Le 17 novembre, un dimanche. À partir de ce jour, l’hôpital a
15 cessé d’être pilonné.
16 Question: Après la fin des pilonnages sur l’hôpital, qu’est-ce qui s’est
17 passé?
18 Réponse: Eh bien, nous nous attendions à voir arriver les représentants de
19 la Croix Rouge internationale et de la Mission de contrôle de la
20 communauté européenne. À Zagreb, au siège de l’OCMM des négociations
21 avaient eu lieu dont j’ai été informée par le ministère de la Santé, par
22 téléphone, et le matin à 8 h, le 18 novembre, l’évacuation de l’hôpital
23 devait commenceR. Et après l’évacuation de l’hôpital, des civils… les
24 civils devaient être également évacués.
25 À cette date, l’hôpital ne subissait plus de pilonnage. Nous avons préparé
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1 l’évacuation, mais un grand nombre de civils ont commencé à courir vers
2 l’hôpital en provenance des abris avoisinants parce que les gens ont
3 entendu dire qu’une évacuation se préparait, par la radio ou par d’autres
4 moyens. Ils ont commencé à entendre parler de l’évacuation de la ville par
5 les soldats croates, donc ils avaient très peuR. Ils ont entendu dire que
6 l’hôpital serait évacué, que des représentants de la Croix Rouge
7 internationale et de la Mission de contrôle de la communauté européenne
8 allaient venir à l’hôpital, que l’hôpital serait zone neutre et, donc, ils
9 ont commencé à affluer vers l’hôpital en nombre de plus en plus grand.
10 Question: Est-ce que le 18 novembre les membres de votre famille étaient
11 avec vous?
12 Réponse: Non. Mon mari se trouvait à Borovo Naselje. Il était chargé de la
13 logistique, de la maintenance des installations électriques. En effet, il
14 est ingénieur, donc il était responsable de cela à Borovo Naselje. Ma
15 mère, ma belle-mère et mon beau-père étaient dans la cave de notre maison
16 -qui n’est pas loin de l’hôpital- et tard le soir, après le travail,
17 j’allais tous les jours à la maison, et je revenais à l’hôpital le matin.
18 Mais je pensais qu’au moment où l’évacuation serait organisée, nous
19 réussirions à nous réunir d’une manière ou d’une autre, et que nous
20 réussirions à organiser l’évacuation avec l’aide des membres de la Croix
21 Rouge internationale et avec l’aide aussi d’un hôpital de réserve qui ne
22 se trouvait pas loin où il y avait 9 médecins,14 infirmières et 250
23 blessés et malades que nous avions transférés de notre hôpital dans cet
24 abri médical parce que cet abri était relativement bien organisé; il y
25 avait l’électricité, il y avait de l’eau et il y avait de la nourriture.
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1 Question: (Question non enregistrée).
2 Réponse: La date prévue a été le 18 novembre, le matin à 8 h. Les
3 moniteurs du CICR et de l’Union européenne devaient se présenter à ce
4 jour-là,…auraient dû.
5 Question: Alors, qu’est-ce que vous avez fait pour… avant afin de préparer
6 cette évacuation, vous et votre personnel?
7 Réponse: Dimanche, le 17 novembre, nous avons préparé les blessés, les
8 patients pour l’évacuation, tous ceux qui devaient avoir des soins plus
9 importants devaient être préparés pour ce transport. Nous avons préparé
10 les listes, la documentation médicale de tous les blessés, ainsi que
11 chacun portait un sac en plastique avec l’anamnèse, avec les détails sur
12 son cas, alors que toute autre documentation de ceux qui n’étaient pas
13 encore à l’hôpital à été réunie. Nos livres, notre administration, les
14 listes des opérations, les protocoles des opérations, tout ceci a été
15 réuni et préparé pour le transport, ainsi que les notes personnelles.
16 Tout ceci a été préparé dans l’esprit, dans l’idée que ceci pourra être
17 transporté lors de l’évacuation; nous étions occupés à le faire dimanche.
18 J’ai également contacté les responsables, médecins de certains
19 départements. Nous avons… nous leur avons posé la question où ils
20 voulaient se diriger parce que nous avions beaucoup de blessés, de civils
21 et des personnes militaires, des blessés qui voulaient continuer ou être
22 traités à Novi Sad ou à Belgrade. Donc, nous avons posé la question sur la
23 destination, tout ceci le soir du… donc de dimanche.
24 Question: La journée de l’évacuation planifiée, qu’est-ce qui s’est
25 passé exactement?
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1 Réponse: Rien ne s’est passé. Le matin, personne n’a paru… tout était
2 silencieux, il n’y a pas eu de tirs. Nous avons entendu quelques tirs
3 d’obus, mais très éloignés. Mais autour de notre ville et de notre
4 hôpital, il n’y a pas eu d’obus. J’ai contacté, par téléphone, Zagreb,
5 j’ai relancé la question quand est-ce qu’on aura les représentants du
6 CICR. Le ministre Hebrang m’a dit que pour… à l’heure actuelle, on ne sait
7 pas exactement. On sait que ces représentants étaient partis, mais qu’ils
8 ne sont pas encore arrivés, et qu’ils devaient venir de la direction de
9 Ilok et traverser la Danube… le Danube par le bateau. Les moniteurs
10 européens auraient dû venir, mais cela n’a pas été le cas.
11 À 11 h dans la matinée, j’ai été contactée par les moniteurs et ils m’ont
12 confirmé qu’ils étaient en route, qu’ils étaient près d’un village, mais
13 qu’ils n’étaient pas en mesure de continuer la route parce que la JNA leur
14 dit que la situation est incertaine, qu’il y a encore des batailles et que
15 c’est "risquant". Je leur ai dit que tout était silencieux, qu’il n’y
16 avait pas de problèmes, et qu’on aimerait les avoir auprès de chez nous,
17 le plus tôt possible.
18 À cette époque, la situation était très critique, nous n’avions pas de
19 médicaments, pas de nourriture et pas d’eau.
20 Question: Alors, qu’est-ce que vous avez fait? Ils n’ont pas arrivé… ils
21 ne sont pas arrivés, alors qu’est-ce que vous avez fait vous-même?
22 Réponse: De nouveau, j’ai fait les… j’ai fait des protestations, j’ai
23 rédigé un appel, le 18, et j’ai relancé mon appel qu’ils viennent, au plus
24 tôt possible. Le ministre Hebrang m’a dit qu’il avait entendu que le CICR
25 était occupé par la… le transfert des civils et des soldats au sud de la
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1 ville, et que c’était prévu qu’ils viennent à l’hôpital, le 19. Alors,
2 nous avons attendu le 19. J’ai de nouveau appelé, même le général Raseta à
3 Zagreb, qui était représentant de l’armée yougoslave – la JNA – pour
4 trouver où étaient ces représentants tellement attendus. On savait qu’ils
5 étaient là quelque part, pas loin, dans le sud de la ville. C’est lui qui
6 m’a conseillé de contacter le colonel Mrksic parce que c’était lui le
7 responsable pour le… la ville de VukovaR. Je lui ai demandé comment parce
8 que je ne savais pas comment le contacter, où se trouvait le général
9 Mrksic.
10 Question: Et qu’est-ce qui s’est passé après?
11 Réponse: J’ai de nouveau appelé, j’ai réussi à le contacter, il m’a
12 assurée que je n’avais pas à avoir des soucis, que Vukovar était une ville
13 libérée et que nous n’avions rien à craindre. J’ai protesté, j’ai dit que
14 la situation était très difficile, les blessés étaient en train de se
15 mourir à cause des conditions impossibles. J’ai de nouveau appelé le
16 général Raseta qui avait les renseignements que les représentants du CICR
17 étaient déjà près d’un pont –c’était le 19, dans la matinée. Monsieur
18 Marin, qui était le… qui était là, le représentant de la mairie et une
19 interprète, nous sommes allés ensemble jusqu’au pont, c’était au fait un
20 passage autoroutier, un pont autoroutier, et c’est là que nous avons vu
21 beaucoup de camions militaires, des soldats serbes, des paramilitaires
22 serbes.
23 Question: Et ce pont, qu’est-ce que… comment est-ce que c’était ce pont?
24 Est-ce que vous pouvez-vous le décrire un peu plus en détail?
25 Réponse: C’est un pont qui se trouve… c’est un passage au-dessus de la
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1 route et de chemin ferrovier(sic), pas loin de l’hôpital, environ 300
2 mètres, et c’est que là… et c’est là que nous avons vu, pour la première
3 fois, cette… ou constater cette présence militaire massive des militaires
4 de la JNA, des paramilitaires, et cetera, de la Serbie.
5 Question: Lorsque vous avez vu ces soldats et ces camions, est-ce qu’ils
6 vous ont dit quelque chose? Est-ce qu’on vous a remarqué?
7 Réponse: Tout à fait. Ils nous ont tout de suite remarqué parce que nous
8 sommes venus d’une partie de la route qui était normalement vide. J’ai
9 expliqué que nous étions venus de l’hôpital, j’ai demandé à voir leur
10 supérieur, un officier s’est, en effet, présenté, je lui ai demandé où
11 étaient les représentants du CICR, que j’avais les instructions du général
12 Raseta de les contacter
13 J’étais… j’avais peur par l’absence… à cause de l’absence des
14 représentants du CICR, mais cet officier m’a dit qu’il n’en savait rien,
15 qu’ils sont chargés de la région de Novi Sad, que c’est une unité de Novi
16 Sad, et eux ils n’avaient qu’à se déployer sur le pont et les alentours,
17 mais ils ne savaient rien du…de… au sujet des représentants.
18 Nous étions de nouveau là à attendre et le lendemain… non, dans deux
19 heures, il y a eu une autre voiture, vers midi, et je suis sortie de
20 nouveau, j’ai de nouveau posé la question sur les représentants, personne
21 n’en était au courant, personne ne savait rien. Et c’est… J’ai eu alors
22 l’information qu’on avait vu certaines voitures blanches des représentants
23 de l’Union européenne, mais on ne savait rien de plus.
24 Question: Est-ce que vous l’avez…lui avez posé la question que faire?
25 Réponse: En effet, j’ai… je lui ai…je l’ai… je lui ai demandé de m’emmener
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1 à Negoslavci pour trouver personnellement les représentants du CICR, mais
2 il m’a dit que ce n’était pas possible. Alors, je lui ai demandé s’il peut
3 garantir que personne n’entrera dans les locaux de l’hôpital avant que
4 n’arrivent ces représentants. Alors, je lui ai… je lui ai dit de quoi il
5 s’agissait… de l’hôpital, quels étaient les bâtiments, où était la cour:
6 Il m’a dit que oui; il pouvait le garantir: Il a demandé que les gardes
7 soient déployés autour et que personne n’entre dans l’hôpital pendant
8 notre absence.
9 Question: Qu’est-ce qui s’est passé après?
10 Réponse: Alors, j’ai… j’ai été de retour pour informer les collègues, je
11 leur ai dit que je partais pour Negoslavci pour trouver des représentants
12 du CICR Certains essayaient de me convaincre de rester, de ne pas y aller,
13 que c’était trop risqué, et de dire que c’était, de toute façon, une
14 question floue si ces représentants allaient venir ou non.
15 Question: Et qu’est-ce qui s’est passé après lorsque vous êtes partis?
16 Réponse: Nous avons traversé toute la ville, c’était terrible… des scènes
17 terribles; c’était détruit… Excusez-moi. Quand nous sommes arrivés à
18 Negoslavci, il y avait des soldats partout, des camions… des camions de
19 transport, des blindés, ils m’ont emmenée dans une maison qui se… qui
20 était une maison privée, et c’est là que c’était écrit "l’état-major".
21 J’étais accompagnée d’un jeune homme qui parlait l’anglais, qui devait
22 servir d’interprète au cas où on aurait rencontré les représentants du
23 CICR
24 C’est dans la maison… on m’a fait monter dans… à l’étage, dans une chambre
25 où était assis un officier qui m’a dit que son nom était colonel Mrksic.
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1 Je lui ai dit que j’étais docteur Bosanac de l’hôpital, et que le général
2 Raseta m’a instruit d’entrer en contact avec lui à propos des
3 représentants du CICR, que la situation à l’hôpital était très critique,
4 beaucoup… que beaucoup de blessés se meurt déjà à cause "du" gangrène. Il
5 était surpris, et j’ai dit qu’il y avait aussi des soldats de la JNA. Il
6 était très surpris, il pensait que ces soldats étaient déjà morts. Alors
7 j’ai pu voir qu’il se réjouissait de la nouvelle qu’ils étaient en vie,
8 et… mais il m’a dit que l’évacuation n’était pas possible, la situation
9 sur le terrain est différente, qu’il était en mesure d’organiser
10 l’évacuation , mais seulement par le biais de la Serbie en traversant Sid.
11 Alors, j’ai dit que ce n’était pas possible parce que nous… attendions
12 partir par une autre route, qu’il y avait un accord entre les parties
13 serbes-croates en présence du CICR, et que la route devait aller par
14 d’autres villages: Bogdanovci, etc.
15 Question: Est-ce qu’il vous a expliqué pourquoi il fallait partir par la
16 Serbie pour évacuer?
17 Réponse: Non. Il ne m’a pas dit pourquoi, il m’a dit seulement qu’il y a
18 eu des mines, là, dans la route, qui avaient été proposées à l’origine; et
19 qu’il faudrait, tout d’abord, procéder à déminer le terrain avant
20 l’évacuation.
21 Question: Alors, qu’est-ce que vous lui avez répondu?
22 Réponse: Je lui ai dit que je n’en savais rien, que ce n’était pas mon
23 domaine, mais qu’on m’a assurée que le contrat avait été signé, et qu’on
24 devait être évacués par Marinci, Bogdanovci et Vinkovci parce que c’était
25 le territoire croate, le territoire libre. Et je ne pouvais pas m’imaginer
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1 une évacuation par la Serbie: tout d’abord, on nous a détruits, on nous a
2 décimés, blessés, et après on veut nous évacuer par la Serbie. Alors, j’ai
3 insisté sur la route d’évacuation convenue à la Mission européenne, à
4 Zagreb.
5 Question: Est-ce que vous avez également dit que vous vouliez faire
6 l’évacuation en présence des représentants du CICR et de la Mission
7 européenne?
8 Réponse: Oui, bien sûr, je lui ai dit… je lui ai dit qu’aussi je savais
9 qu’ils étaient là, quelque part, pas loin, et lui aussi il m’a dit: "Oui,
10 ils sont toujours là, ils sont en train de signer des contrats, mais on ne
11 peut pas vraiment compter sur eux, on… il vaut mieux compter sur nos
12 accords entre nos deux partis." Alors, il m’a assurée que dès qu’ils
13 seront trouvés, il les dirigera vers l’hôpital, et qu’il va aussi
14 approvisionner l’hôpital avec de l’eau et de la nourriture.
15 Question: Qu’est-ce que vous avez alors répliqué?
16 Réponse: Alors, quand j’ai quitté la maison, j’ai vu au fond de la rue une
17 voiture blanche, c’était la voiture des représentants, des observateurs
18 européens, alors j’ai dit: "Pourquoi ne pas demander la personne?" Mais il
19 m’a dit: "Non, non" Et il ne voulait pas que je contacte. Alors, on m’a
20 dit: "On va m’emmener à l’hôpital, et c’est là que vous devez attendre les
21 représentants internationaux. Quand ils seront prêts, ils viendront là."
22 Question: Lorsque vous étiez de retour à l’hôpital, qu’est-ce que vous
23 avez trouvé comme situation?
24 Réponse: En rentrant à l’hôpital, j’ai vu des civils qui allaient à pied,
25 j’ai même vu parmi eux ma mère, alors j’ai prié le chauffeur de s’arrêter,
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1 elle nous a rejoints, elle nous a dit qu’ils sont tous chassés, on leur a…
2 on a dirigé les civils vers un hangar, vers Velepromet -une entreprise- et
3 elle m’a aussi dit que mon beau-père et ma belle-mère avaient déjà…
4 étaient déjà partis, comme lui –mon beau père– ne pouvait pas aller à
5 pied, et il a été transporté par un véhicule à l’hôpital. Quand nous
6 étions prêts de l’hôpital, j’ai vu un de nos employés… comment… et j’ai
7 appris après qu’il a rejoint les troupes chetniks; nous avions tous peur,
8 j’ai vu que tous avaient peur.
9 M. le Président: (Micro fermé) le témoin s’exprime. Donc, je voudrais
10 savoir si le témoin préfère que nous fassions une pause ou si le… si nous
11 pouvons continuer. Je me tourne également vers Monsieur le Procureur pour
12 savoir où il en est. Parce qu’il doit y avoir une question quand même de
13 tension nerveuse, et il faudrait que nous y prenions garde.
14 Madame, comment vous sentez-vous?
15 Mme Bosanac (interprétation): Je ne suis pas fatiguée, mais je suis très
16 émue. Je ne m’attendais pas à ce qu’il me serait tellement difficile à
17 m’exprimer.
18 M. le Président: (Micro fermé) que nous… nous interrompions pendant peut-
19 être un quart d’heure, et puis nous pourrions reprendre dans quinze
20 minutes la continuation de l’audition du témoin. L’audience est suspendue.
21 (L’audience, suspendue à ?, est reprise à ?)
22 M. le Président: Procédez à l'introduction du témoin, demandez à
23 l'huissier qu'on introduise le témoin. Merci.
24 M. le Procureur (interprétation): Le Tribunal a décidé que pour essayer de
25 rattraper le retard que nous avons pris nous allons entendre le ou les
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1 témoins jusqu'à 5 heures moins le quart, c'est-à-dire pendant une heure.
2 Puis nous ferons une pause d'un quart d'heure, et si vous vous voulez bien
3 et je remercie les interprètes de la cabine de bien vouloir nous donner
4 aussi leur accord, nous reprendrions jusqu'à 6 heures et quart.
5 M. le Président: Il va de soi Monsieur le Procureur que si à un moment
6 donné vous préférez poser vos questions assis, le Tribunal vous en donne
7 tout à fait l'autorisation.
8 M. Niemann (interprétation): Docteur Bosanac pourriez-vous nous dire
9 comment vous vous êtes retournée à l'hôpital après avoir vu le colonel M.
10 Mrksic et lorsque vous y êtes arrivée, il y avait des soldats de la JNA et
11 également du personnel paramilitaire qui encerclait l'hôpital. Et vous
12 avez dit qu'il y avait une certaine tension dans l'hôpital à ce moment-là,
13 aussi bien parmi les malades que parmi le personnel, n'est-ce pas?
14 Mme.Bosanac (interprétation): Oui.
15 Question: Que s'est-il passé lorsque vous êtes revenue?
16 Réponse: Eh bien, je suis retournée à l'hôpital, je suis revenue à mon
17 bureau et j'ai tenté de calmer les personnes qui se trouvaient autour de
18 moi. Je leur ai dit que nous attendions la Croix Rouge internationale pour
19 pouvoir convenir de l'évacuation de l'hôpital.
20 Question: Et qu'est-ce que les soldats de la JNA faisaient par rapport aux
21 malades et aux patients de l'hôpital lorsque vous êtes arrivée?
22 Réponse: Certains des soldats de la JNA sont restés à l'entrée de
23 l'hôpital. Afin d'en assurer la sécurité et d'autres ont pénétré dans
24 l'hôpital, notre ancien appariteur qui travaillait auparavant à l'hôpital
25 est venu également avec eux pour voir qui s'y trouvait. Il les a
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1 accueillis et il a donc serré la main à ceux qui travaillaient avec lui
2 avant la guerre.
3 Question: Est-ce que vous avez dit quoique ce soit aux officiers de la JNA
4 et aux autres qui étaient donc en uniforme?
5 Réponse. Oui. Lorsque par exemple, un soldat souhaitait pénétrer dans
6 l'hôpital avec ses armes et mon bureau était tout près de l'entrée.
7 J'allais le voir sortant de mon bureau pour lui dire qu'il était interdit
8 d'entrer dans l'hôpital avec des armes. Il y a eu d'ailleurs un groupe de
9 soldats qui était avec des casques et avec des aigles blancs d'ailleurs
10 sur leur casque. Ils étaient extrêmement agressifs à mon égard et ils
11 m'ont demandée qui j'étais, que je n'avais rien à leur dire et un médecin,
12 un Serbe qui travaillait avec nous Ivankovic est sorti de l'hôpital et
13 leur a dit qu'ils ne devraient pas être agressis, qu'il conviendrait
14 qu'ils se calment et il m'a dit de ne pas les provoquer, de me taire, car
15 sinon ce ne serait pas une bonne chose pour nous. Et j'étais directrice de
16 l'hôpital, je l'étais depuis trop longtemps c'est ce qu'il m'a dit. Il m'a
17 dit: Vous avez suffisamment donné d'ordres maintenant il vous faut vous
18 taire, c'est ce qu'il m'a dit. Mais ces soldats avec des casques sont
19 partis, d'ailleurs leur fils était parmi eux. Il était venu voir son père
20 et sont partis ensemble. Il y avait nombre de personnes dans l'hôpital car
21 les deux jours précédents de nombreux civils étaient arrivés à l'hôpital.
22 Zeljka Zgonjanin qui était le représentant de la Croix Rouge
23 internationale est arrivé dans mon bureau et Marin Vidic se trouvait
24 également dans mon bureau et elle m'a dit qu'il y avait panique que ceux
25 qui étaient au rez-de-chaussée étaient paniqués, des civils surtout, il
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1 n'y avait plus de tir, donc ce n'était plus dangereux de se trouver au
2 rez-de-chaussée. Et elle est venue me voir et m'a dit que les soldats
3 avaient commencé à faire la séparation entre les hommes et les femmes et
4 qu'ils commençaient à emmener des civils.
5 Question: Est-ce que vous avez parlé aux officiers supérieurs de la JNA à
6 moment-là ou quelque temps après?
7 Réponse: Eh bien lorsqu'elle me la dit, je suis sortie pour voir ce qui se
8 passait et j'ai vu qu'à l'autre entrée de l'hôpital, l'entrée dont nous ne
9 nous servions pas. L'entrée qui avait été condamnée pour protection, j'ai
10 vu que l'on faisait sortir des civils par cette porte là. Je leur ai
11 demandé ce qui se passait et c'est à ce moment-là que j'ai vu le major
12 Sljivancanin à ce moment-là. Le commandant Sljivancanin à ce moment-là. Je
13 me suis approchée, je lui ai demandé où ils emmenaient les civils et on
14 m'a répondu qu'on les emmenait pour établir une liste à l'abri de
15 Velepromet et ceux avec leur famille. Je ne l'avais jamais vu au
16 auparavant, mais il est extrêmement arrogant à mon égard et il ne se
17 préoccupait absolument pas de ce que je disais. Je lui ai demandé quand la
18 Croix Rouge internationale arriverait et l'on m'a dit qu'ils arriveraient
19 aussi rapidement que possible et je sais qu'ils y étaient déjà depuis deux
20 jours et il m'a répondue: Ils finiront bien par arriver. Tout ceci c'était
21 aux environs de 17 heures, il faisait encore clair et le soir tombait. Ce
22 représentant de la Croix Rouge internationale Nicolas Borsinger est arrivé
23 et un autre médecin qui a dit qu'il était médecin tout simplement pour la
24 Croix Rouge internationale et c'est Sljivancanin qui les a amenés.
25 Question: Où, où les a-t-on emmenés?
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1 Réponse: A l'hôpital.
2 Question: Que s'est-il passé lorsqu'ils sont venus jusqu'à vous? Qu'est-ce
3 que vous leur avez dit?
4 Réponse: J'étais dans mon bureau, et ils sont arrivés jusqu'à mon bureau
5 et se Sljivancanin a dit: "Les voici, vous avez demandé depuis si
6 longtemps qu'ils viennent, je vous les emmène." et Nicolas est venu et m'a
7 dit qu'ils étaient venus avec un camion chargé de médicaments pour nous.
8 Et j'étais déjà extrêmement déçue à ce moment-là et je lui ai dit que nous
9 les attendions la veille pour l'évacuation et que les blessés étaient en
10 très mauvais état de santé, et que je ne savais pas quoi faire de ces
11 médicaments qu'ils nous avaient apportés et que nous étions censés partir
12 aux fins d'évacuation. Il a dit ensuite que je devrais de toute façon m'en
13 servir, qu'ils ne pouvaient arriver auparavant, qu'il faudrait que je me
14 serve de ce médicament si possible. J'ai donc envoyé l'infirmière en chef
15 et la pharmacienne au camion pour voir s'il y avait des éléments dont nous
16 pouvions nous servir pour l'évacuation. Donc nous avons traversé l'hôpital
17 pour leur montrer combien la situation était difficile, qu'il y avait
18 nombre de blessés qui attendaient depuis longtemps cette évacuation.
19 Qu'ils étaient très fatigués, malades et qu'ils n'avaient pas de
20 médicament, de pommade, ni de traitement adéquate, ni vivre, ni eau et ce
21 depuis longtemps. Et il a déclaré qu'ils reviendraient le lendemain matin
22 et qu'il nous faudrait commencer à organiser l'évacuation. Je lui ai donc
23 dit que je prévoyais qu'ils resteraient à l'hôpital et que nous étions
24 terrorisés, il a donc demandé si nous avions une liste de malades, ce à
25 quoi j'ai répondu oui.
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1 Question: Qui était "il" qui est "il" pour la liste des patients?
2 Réponse: Ils étaient ensemble, en groupe, le major le commandant
3 Sljivancanin, Nicolas Borsinger et un autre médecin dont je ne me souviens
4 plus du nom mais qui travaillait pour la Croix Rouge internationale et il
5 y avait également une interprète avec eux.
6 Question: C'est le major Sljivancanin qui vous a demandé la question de la
7 liste?
8 Réponse: Le major Sljivancanin.
9 Question: Nicolas auquel vous référez, vous souhaitiez qu'il reste à
10 l'hôpital et non pas qu'il revienne le lendemain?
11 Réponse: Je n'ai pas compris votre question.
12 Question: Vous avez dit que l'un d'entre eux a dit et je me demandais si
13 c'était M. Nicolas qu'ils partiraient et qu'ils reviendraient le lendemain
14 matin afin de procéder à l'évacuation des patients.
15 Réponse: Oui, c'est cela. Car je prévoyais qu'ils resteraient à l'hôpital
16 puisqu'ils y étaient arrivés mais il a dit: "non". Il a dit qu'ils
17 quitteraient l'hôpital et qu'ils reviendraient le lendemain matin et il a
18 également dit d'ailleurs et j'étais très surprise par sa question, si
19 j'estimais qu'il était absolument nécessaire qu'ils viennent. Et je lui ai
20 répondu: "bien sûr, je prévoyais que vous resteriez"
21 Question: Est-ce que qu'on vous a donné une copie de la liste à M.Nicolas
22 ou au commandant Sljivancanin?
23 Réponse: Oui. J'avais sur mon bureau quatre copies, quatre exemplaires de
24 la liste des blessés qui avaient été accueillis à l'hôpital et qui étaient
25 prêts à être évacués.
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1 Question: Est-ce que l'on vous a dit quoique ce soit quant aux personnes
2 qui étaient sur la liste, leur état de santé?
3 Réponse: En fait, je voulais donner à M. Nicolas l'un des exemplaires de
4 la liste et garder les trois autres car je voulais les emporter pour
5 l'évacuation accompagnée donc des blessés mais le commandant Sljivancanin
6 voulait que je donne toutes les listes, tous les exemplaires de la liste,
7 j'ai demandé pourquoi puisque les exemplaires étaient tous les mêmes et il
8 a dit qu'il voulait les vérifieR. Il m'a également demandé si les listes
9 comportaient également les noms du personnel hospitalieR. Je lui ai
10 répondu:"non" et je lui ai répondu que ce n'était sans doute pas
11 nécessaire d'établir une liste du personnel hospitalier et qu'il ne nous
12 fallait qu'une liste des blessés qui étaient traités à l'hôpital. Il a
13 donc dit qu'il conviendrait que j'établisse une liste du personnel
14 hospitalier, j'ai donc dit à l'infirmière et à l'un des employés
15 administratifs d'établir la liste du personnel hospitalier et des blessés
16 légers qui étaient venus à l'hôpital accompagné des civils et qui étaient
17 au premier étage. Ils ont dressé une liste, le soir mardi mais je crois
18 que ces listes n'ont jamais été remise à qui que ce soit. Je ne sais pas
19 puisque je n'y étais plus à l'hôpital.
20 Réponse: Que s'est-il passé à la suite de cela après avoirs remis ces
21 listes au commandant Sljivancanin et à M. Nicolas? Quel a été l'événement
22 qui s'est ensuite déroulé?
23 Réponse: Ils sont partis, ils ont quitté l'hôpital, cela s'est déroulé le
24 soir du 19 novembre, un mardi. Nous sommes restés là, nous avons attendu,
25 le soir est tombé, un jeune officier ou un jeune soldat de la JNA est
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1 arrivé et m'a dit: Qu'il avait l'ordre de m'emmener à Negoslavci. Je lui
2 ai dit "bien" j'ai pris mon sac à main, mon manteau et je pensais que M.
3 Mrksic souhaitait me rencontrer de nouveau pour organiser l'évacuation. Je
4 me suis rendue au véhicule accompagnée du soldat qui m'a donc conduit à
5 Negoslavci ce soir-là.
6 Question: Et une fois à Negoslavci que s'est-il passé?
7 Réponse: Nous sommes revenus dans la même maison à laquelle j'avais été
8 emmenée pendant la journée avec l'inscription "état-major" on m'a emmenée
9 dans la même salle en haut, la seule chose qui était différente, c'est que
10 M. Mrksic ne s'y trouvait plus mais le commandant Sljivancanin accompagné
11 d'un autre officier, un capitaine dont j'ignore le nom. Ils m'ont dit de
12 m'asseoir, je leur ai demandé où se trouvait le colonel M. Mrksic et
13 Sljivancanin m'a demandé pourquoi je lui posais cette question. J'ai
14 répondu que je m'attendais à voir le colonel M. Mrksic puisque je lui
15 avais parlé plus tôt et on m'a répondu qu'il avait déjà une autre mission
16 et on m'a dit de m'asseoir et de parleR. Nous avons parlé quelques
17 instants et il m'a demandé si je savais ou se trouvait Jastreb étant le
18 surnom du commandant de la défense de la ville et je lui ai dit que je ne
19 savais pas, que je ne l'avais pas vu depuis la semaine précédente et il
20 m'a demandée d'autres questions sur d'autres personnes et je lui ai
21 également dit que je ne les avait pas vus ceux que je connaissais pour la
22 bonne raison qu'ils étaient déjà partis. Il était très en colère il m'a
23 dit: "s'il n'y a pas de soldats Croates ici qui avaient tué ses jeunes
24 soldats à lui, jeunes soldats qui venaient d'entrer dans l'armée." Je lui
25 ai dit: "Je ne sais pas." que je n'étais qu'un médecin et que je n'avais
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1 aucune information militaire quelles qu'elles soient et que je tentais
2 d'aider les autres lorsque possible et que je ne comprenais pas pourquoi
3 l'on était venu, pourquoi on avait détruit la ville. Et le capitaine qui
4 était également très arrogant m'a menacée et il m'a dit qu'il me
5 connaissait et qu'il avait écouté toutes mes conversations avec Zagreb et
6 qu'il savait que j'avais appelé le Président Tudjam, le gouvernement etc..
7 Et je lui ai dit que c'était absolument exact, que j'avais appelé tout le
8 monde et que j'avais demandé de l'aide à tous et que je ne voulais pas que
9 l'hôpital soit pilonné et que j'avais demandé d'être approvisionnée pour
10 la bonne raison que nous avions épuisé toutes nos provisions.
11 Question: Qu'est-ce qu'il vous a répondu lorsque vous lui avez répondu de
12 la sorte?
13 Réponse: Le commandant Sljivancanin?
14 Réponse: Eh bien, il a dit qu'il avait enregistré toutes mais
15 conversations, qu'il avait d'autres moyens et qu'il pouvait facilement
16 prouver ma culpabilité. Et le commandant Sljivancanin m'a demandée si je
17 savais combien d'argent le Président Tudjam était prêt à offrir à mon
18 échange et j'ai répondu qu'il ne paierait rien puisque je n'étais qu'un
19 médecin et comme tous les autres et qu'il n'y avait aucune raison pour
20 qu'il paye ma personne contre ma personne. Il m'a dit: "En tant que
21 médecin, est-ce que vous pourriez travailler dans notre hôpital avec des
22 serbes?" Et j'ai répondu: "Je ne sais pas, sans doute oui" mais j'étais
23 terrorisée.
24 Question: Donc est-ce que vous avez compris la question en ce qui concerne
25 la rançon du Président Tudjman
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Après cette conversation, qu'est-ce qu'il vous ont dit, qu'est-
3 ce que le capitaine vous a dit?
4 Réponse: Il a dit: "Bien, on verra bien demain et ce soir il va falloir
5 rester ici". Je lui ai demandé, je l'ai supplié de me remmener à l'hôpital
6 et il m'a dit que c'était impossible, que cela restait dangereux et qu'il
7 y avait encore des tirs et des coups de feu. J'ai dit que ce n'était pas
8 dangereux et que si j'avais été en mesure de survivre jusqu'à présent et
9 bien je pouvais tout aussi bien retourner à l'hôpital. Il m'a dit ensuite
10 qu'ils m'emmènerait à leur hôpital qui se trouvait dans une école
11 élémentaire pour y passer la nuit. Et un soldat m'y a emmené, donc à
12 l'école primaire de Negoslavci, dans une salle en haut, il y avait quatre
13 lits. Et c'est là que j'ai passé la nuit, là assise sur le lit. Le
14 lendemain matin à 6 heures, le même soldat est venu me chercher, il m'a
15 fait sortir, monter dans une Jeep et Marin Vidic s'y trouvait déjà et j'ai
16 compris qu'il avait été interrogé sans doute et on nous a ramenés à
17 l'hôpital ensemble.
18 Question: Votre hôpital, c'est l'hôpital de Vukovar dont vous parlez?
19 Réponse: Oui, oui de VukovaR.
20 Question: Le lendemain matin était donc le 20 novembre 1991?
21 Réponse: Oui mercredi.
22 Question: Vous êtes retournée à l'hôpital, lorsque vous êtes arrivée à
23 l'hôpital que s'était-il passé à l'hôpital?
24 Réponse: Je suis revenue à l'hôpital le matin avant 7 heures, je suis
25 retournée à mon bureau. Et un jeune officier est venu dans mon bureau, il
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1 avait une arme et il est resté assis à côté de moi pendant tout le temps
2 et il m'a dit qu'il fallait que je reste dans mon bureau jusqu'à un autre
3 avis et que je ne pouvais passer aucun coup de fil, que je ne pouvais
4 contacter qui que ce soit. Le téléphone sonnait mais il ne m'a pas permis
5 de répondre au téléphone et c'est lui qui a répondu au téléphone à chaque
6 sonnerie. Nous sommes restés ainsi et certains de mes collègues sont venus
7 dans mon bureau qui voulaient savoir ce qui se passait, tout le monde
8 était terrorisé et je lui ai dit que nous attendions la Croix Rouge et
9 j'attendais en fait M.Nicolas et je pensais que nous procèderions alors à
10 l'évacuation. Mais à ce moment-là, Sljivancanin est arrivé et il m'a dit
11 qu'il conviendrait que je demande à tous les médecins, les convoquer à une
12 réunion, dans une salle, j'ai donc appelé l'infirmier en chef et je lui ai
13 dit de dire à tous les chefs de service de venir dans la salle de plâtrage
14 qui était la salle de déjeuner et qui était également une salle
15 d'opérations montée de toutes pièces.
16 La salle de plâtrages se trouvait pas très loin de mon bureau près de la
17 chirurgie, près de l'entrée.
18 Question: A quel étage de l'hôpital se trouvait cette salle?
19 Réponse: C'était à l'entresol, quand vous entrez dans l'hôpital, vous
20 traversez la salle des urgences, vous tournez à gauche et c'est là où nous
21 avions la chirurgie et la salle de plâtrage. Deux tiers de cette salle se
22 trouve en entresol mais il y a également un petit soupirail qui se trouve
23 donc au-dessus du niveau du sol. Question: A quelle heure cela était?
24 Quelle heure était-il?
25 Réponse: 7 heures 30.
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1 Question: Est-ce que vous avez convoqué ou assisté à cette réunion dans la
2 salle de plâtrage avec votre personnel?
3 Réponse: Oui. Nous nous y trouvions donc nous nous trouvions dans la salle
4 de plâtrage et le commandant Sljivancanin est venu pour s'exprimer il a
5 dit que l'armée yougoslave avez libéré Vukovar, qu'il avait la maîtrise de
6 l'hôpital, qu'il avait pris le contrôle de l'hôpital, que je n'étais plus
7 la directrice de l'hôpital et que l'évacuation serait entre les mains du
8 personnel médical de l'Académie médicale. Il a montré plusieurs médecins,
9 médecins en uniforme de l'armée yougoslave qu'il a désigné. Je ne les
10 connaissais pas mais il a dit que si quelqu'un souhaitait rester à
11 l'hôpital et continué à travailler que c'était possible mais qu'il ne
12 fallait pas moi rester et que je pouvais repartir. Donc je suis retournée
13 effectivement à mon bureau et en espérant pouvoir y attendre l'arrivée de
14 la Croix Rouge. Toutefois un jeune officier est venu, celui qui m'avait
15 emmenée à Negoslavci la veille au soir et m'a dit qu'on lui avait ordonné
16 d'emmener le commissaire de la municipalité et moi-même, de nous emmener à
17 l'endroit où les négociations se tiendraient. Donc nous sommes partis,
18 nous avons quitté l'hôpital, j'ai vu plusieurs de nos employés
19 hospitaliers qui étaient prêts à l'évacuation et qui étaient vêtus de leur
20 blouse blanche et nous sommes passés donc entre eux et une infirmière m'a
21 demandée: "Où est-ce que l'on vous emmène Madame." et j'ai dit: "Eh bien,
22 à des négociations avec la Croix Rouge internationale pour pouvoir
23 organiser l'évacuation" et j'ai répondu que je reviendrai bientôt. De fait
24 j'étais convaincue qu'on nous emmenait à une réunion avec la Croix Rouge
25 internationale mais en fait on nous emmenait à la caserne. Question: Quand
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1 vous dites la caserne, vous parlez de la caserne de la JNA dont vous avez
2 parlé tout à l'heure?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Le personnel hospitalier que vous avez vu dans l'hôpital est-ce
5 qu'ils étaient ensemble, ils étaient organisés, divisés en différents
6 groupes?
7 Réponse: Ils étaient en groupe. Regroupés autour de l'entrée, il n'y avait
8 pas d'organisation en l'affaire, ils étaient simplement là à attendre
9 l'évacuation, il n'y avait pas d'ordre en la matière mais il y avait
10 beaucoup de gens qui s'y trouvait. J'ai vu beaucoup d'infirmières, j'ai vu
11 des chauffeurs, tous vêtus de leur blouse blanche, ensuite les
12 laborantins, les médecins qui étaient tous regroupés autour de l'entrée.
13 Je ne peux pas vous donner des noms.
14 Question: Que se passait-il en ce qui concerne les malades de l'hôpital.
15 Etaient-ils là où est-ce qu'il étaient..?
16 Réponse: Non les malades étaient encore à l'intérieur de l'hôpital pour
17 autant que je le sache, je n'ai pas vu de patients qui se trouvaient dans
18 la cour.
19 J'entends le français dans les écouteurs dit le témoin. Maintenant cela va
20 j'entends dans ma langue. J'entends maintenant.
21 M. Niemann(interprétation): Docteur Bosanac est-ce que vous avez entendu
22 ma question ou est-ce que vous voulez que je la répète?
23 Mme Bosanac (interprétation): Je vous prierai de la répéter s'il vous
24 plaît. Question: Ce que je vous ai demandé Docteur Bosanac ce qu'ils en
25 était des gens de la population de la ville qui s'était rassemblés dans
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1 l'hôpital au moment de l'évacuation. Est-ce que vous les avez vus
2 lorsqu'on vous a emmenée?
3 Réponse: Je crois qu'un grand nombre de ces gens ont déjà été emmenés la
4 veille le mardi, quand je suis sortie de l'hôpital j'ai vu un petit groupe
5 de gens qui se trouvait à côté du service d'urgence mais je n'ai pas vu de
6 gens dans la couR. Moi, je me dirigeais vers la porte principale et je
7 n'ai pas vu de gens à cet endroit-là.
8 Question: Dites-nous alors ce qui s'est passé lorsque vous êtes arrivée à
9 la caserne de la JNA dans le sud de la ville?
10 Réponse: Lorsqu'on est arrivé à la caserne, on est rentré dans la caserne,
11 moi je n'étais jamais rentrée dans cette caserne avant, on est monté à
12 l'étage, on est entré dans une pièce dans laquelle se trouvait un jeune
13 soldat qui portait un revolver dans un étui blanc. Je pense que c'était
14 sans doute un officier de police. Le soldat qui nous avait emmenés dans
15 cette pièce nous a demandé de rester ici et nous a dit que l'on viendrait
16 nous chercher une demi-heure plus tard. Et il a dit à ce jeune officier,
17 reste dans cette pièce, ne sort pas et fait bien attention à ce que
18 personne ne rentre où ne sorte de cette pièce. Il a dit cela et il est
19 sorti. Question: Est-ce qu'au bout d'une demi-heure ils sont revenus comme
20 on vous l'avez promis?
21 Réponse: Non. A 6 heures du soir le même accompagnateur qui nous avait
22 accompagnés avant est revenu dans la pièce.
23 Question: Donc vous avez passé pratiquement tous la journée dans cette
24 pièce? Et quand il est revenu à 18 heures qu'est-ce qui s'est passé?
25 Réponse: Je lui ai demandé ,eh bien alors vous avez dit une demi-heure,
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1 qu'est-ce qu'il s'est passé? Il m'a dit que le plan avait changé, que
2 l'évacuation avait eu lieu, j'ai demandé: Mais où sont les représentants
3 de la Croix Rouge internationale? Il m'a dit: "Ils sont tous là-bas, tout
4 est fini, le plan a changé et vous vous devez rester ici, passer la nuit
5 ici mais dans une autre pièce." A ce moment-là il nous a emmenés dans une
6 pièce beaucoup plus grande où il y avait un certain nombre de lits vides
7 et il a dit à quelqu'un également à moment-là de rester avec nous dans la
8 pièce et que personne ne devait ni rentrer ni sortir de cette pièce. Alors
9 nous nous sommes assis chacun sur un lit et puis plus rien ne s'est passé,
10 nous avions la certitude absolue d'être arrêtés à ce moment-là. Donc nous
11 sommes restés assis sur les lits.
12 Question: Et qu'est-ce qui s'est passé à ce moment-là par la suite?
13 Réponse: Un peu plus tard dans la soirée aux alentours de 22 heures, il
14 est revenu ce soldat, ce même soldat et ma ordonnée de sortir de la pièce.
15 Marin s'est levé aussi mais il lui a dit: "Non, non toi tu restes ici, la
16 doctoresse sort toute seule. " Alors je l'ai suivi et il m'a emmenée en
17 bas, au rez-de-chaussée dans une pièce où se trouvait un certain nombre
18 d'officiers et une femme en uniforme de camouflage. Ils ont commencé à me
19 parler en me disant que je devrais faire une déclaration à l'intention de
20 l'armée yougoslave. J'ai dit à quel sujet? et ils m'ont dit au sujet de la
21 situation de ce qui s'est passé à Vukovar, de ce qui a été fait à Vukovar
22 pour qu'une décision soit prise. Et ils m'ont demandé si je souhaitais
23 faire cette déclaration.
24 Question: Qu'est-ce que vous avez dit?
25 Réponse: J'ai dit que je pouvais faire une déclaration, ils m'ont demandé
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1 s'ils pouvaient me filmer à la caméra. J'ai dit "Oui je n'ai rien contre."
2 Et j'ai donc pris la parole, j'ai dit que j'étais la directrice de
3 l'hôpital, j'ai raconté tout ce qui s'était passé, autrement dit à peu
4 près les mêmes termes que je viens d'employer ici. Mais cela n'a pas duré
5 aussi longtemps qu'ici. J'ai sans doute parlé 10 à 15 minutes. J'ai dit
6 que la situation à l'hôpital était impossible, que le plus important
7 c'était d'aider les gens, des choses de ce genre. Et la femme à ce moment-
8 là m'a dit que selon leurs informations, j'en avais fait plus que ce que
9 je disais. A ce moment-là ils m'ont emmenée à l'extérieur de la caserne où
10 se trouvait un véhicule de la police de couleur noire, la porte arrière
11 s'est ouverte pour que je pénètre à l'intérieur du véhicule, ce que j'ai
12 fait, à l'intérieur de la voiture il y avait déjà le docteur Juraj Njavro,
13 un collègue à moi et à côté de lui était assis un technicien qui était
14 venu comme volontaire de Zagreb à Vukovar, il s'appelait Anto Aric, à ce
15 moment-là je suis rentrée dans le véhicule, la porte a été fermée derrière
16 moi et donc nous étions à nouveau tous les trois arrêtés.
17 Question:Où est-ce que l'on vous a emmenés à ce moment-là?
18 Réponse: A ce moment-là avec cette voiture, on voyait pas très bien ce qui
19 se passait à l'extérieuR. Il n'y avait que des petites fenêtres devant
20 mais on a quand même constaté qu'on nous emmenait de Vukovar vers Sid, et
21 ensuite vers Belgrade. Donc nous sommes allés jusqu'à Belgrade dans cette
22 voiture et aux abords de Belgrade, dans un lieu qui s'appelait Trnpinja où
23 il y a des installations de l'armée yougoslave, nous nous sommes dits
24 qu'on nous emmenait sans doute subir un interrogatoire. Et contrairement à
25 ce que nous avions pensé, on nous a laissé pas mal de temps dans la
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1 voiture arrêtée. Moi, j'avais envie d'aller aux toilettes, j'ai frappé et
2 personne n'a accepté d'ouvrir la porte et après une certaine attente ils
3 sont revenus dans la voiture qui a rebroussé chemin et je crois qu'à ce
4 moment-là nous avons voyagé de Belgrade vers Mitrovica. J'ai vu que nous
5 nous sommes arrêtés près du commissariat de police où ils ont posé
6 quelques questions, je pense qu'ils ne savaient plus très bien quelle
7 direction ils devaient prendre, ils ont donc posé des questions à ces
8 policiers et ils nous ont emmenés finalement à la prison de Sremska
9 Mitrovica. Question: Sremska Mitrovica c'est en Serbie, n'est-ce pas?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Et qu'en est-il du reste de votre famille, que leur est-il
12 arrivé, est-ce que vous êtes au courant?
13 Réponse: Non. J'ai simplement su que mes deux fils se trouvaient à Zagreb.
14 Question: Qu'est ce qu'il s'est passé ensuite, combien de temps vous a-t-
15 on détenus à Sremska Mitrovica?
16 Réponse: Dix huit jours.
17 Question: Est-ce que quelque chose vous est arrivé pendant votre séjour à
18 Sremska Mitrovica?
19 Réponse: A Sremska Mitrovica, nous sommes arrivés le jeudi matin vers 3
20 heures, dès que nous avons passé la porte, des policiers habillés en noir
21 ont commencé à frapper très durement Anto Aric, le technicien. Ils ont
22 commencé à le frapper avec les poings un peu partout y compris sur les
23 jambes, il est tombé par terre, pour moi c'était vraiment difficile de
24 regarder cela. J'ai commencé à protester, mais ils ont fait preuve d'une
25 grande arrogance à mon égard, ils m'ont dit de faire face au mur et de me
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1 taire. Et puis au bout de 3 minutes de coups très durs ils ont arrêté de
2 le frappeR. Et à ce moment-là une femme est entrée qui portait également
3 un uniforme de policiers et qui m'a demandée de l'accompagner dans une
4 pièce voisine, elle m'a dit de vider mon sac et de me déshabiller
5 complètement comme tous les prisonniers. Pour moi c'était vraiment très
6 duR. J'ai demandé si j'étais accusée, elle se taisait, j'ai reposé la même
7 question: "suis-je accusée?" elle m'a dit: "demande à l'armée." J'ai dit à
8 ce moment-là, appelez le soldat ou l'officier de permanence pour que je
9 lui pose la question. J'étais dans la plus grande confusion, à ce moment-
10 là elle est sortie et au bout de 5 à 10 minutes un officier a pénétré dans
11 la pièce, plus tard j'ai entendu qu'il était lieutenant colonel mais je ne
12 connais pas son nom. Simplement plus tard j'ai entendu dire qu'il était le
13 chef du camp Stajicevo. Quand il est arrivé, je me suis rendue compte
14 qu'il était un peu endormi, qu'il ne savait absolument pas de quoi il
15 s'agissait, il avait un uniforme de camouflage et un béret rouge. Aux
16 alentours de 55 ans quelque chose comme ça. Ce n'était pas un soldat très
17 jeune. Enfin il est arrivé, je lui ai demandé si j'étais arrêtée, il m'a
18 demandé qui êtes-vous? Je lui ai dit: "Je suis le Bocteur Bosanac de
19 l'hôpital et il m'a demandé de m'asseoir à ce moment-là, et il m'a dit
20 tranquillisez vous, allumez une cigarette, fumez votre cigarette, mon
21 collègue et le technicien Anto étaient dans le couloir, ils avaient la
22 tête penchée sur la poitrine, ils étaient le long du mur. Et à ce moment-
23 là je me suis assise et j'ai dit que je ne voyais vraiment pas pourquoi on
24 avait été emmené ici parce qu'on était du personnel médical, à quoi ça
25 ressemblait de nous traiter comme ça. Anto avait été battu et mon collègue
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1 le docteur de toute façon était un homme âgé qui était malade, il avait un
2 problème d'estomac en dépit de ces saignements d'estomac il n'avait pas
3 arrêté de travailler, encore la veille il travaillait, il avait travaillé
4 toute la journée. Alors il m'a répondu qu'il ne savait pas pourquoi on
5 nous avait emmenés ici, que le lendemain matin les choses allaient
6 s'éclaircir et il a appelé des gardes pour leur demander où on allait nous
7 emmener, à ce moment-là la femme est revenue me chercher elle m'a fait
8 traverser une cour, elle m'a fait pénétrer dans une cave et je me suis
9 trouvée dans une cellule en sous-sol sans fenêtre, là j'étais enfermée
10 deux portes me séparaient de l'extérieur. Et c'est la que j'ai passé la
11 nuit enfermée.
12 Question: Je crois que vous avez dit un peu plutôt que vous êtes restée
13 dans cet endroit 18 jours?
14 Réponse: Oui. Le lendemain matin une femme est arrivée qui m'a apporté un
15 œuf dur et un morceau de pain et je lui ai demandée de faire appeler
16 l'officier de garde. Et une heure ou deux plus tard, moi vraiment cette
17 nuit a été terrible, j'ai entendu beaucoup de cris, de gémissements. Et je
18 ne savais absolument pas ce qui se passait, qui d'autres étaient là, je
19 n'ai vu personne d'autre que nous trois. Et un officier le capitaine Zoric
20 est arrivé et puis un autre qui m'interrogeait avec Sljivancanin mais je
21 ne connais pas son nom. Il était deux, donc ils sont venus et mon dit:
22 "Nous avons entendu dire que vous vouliez discuter avec nous.". J'ai
23 répondu que j'avais fait appeler l'officier de garde pour savoir de quoi
24 j'étais accusée il m'ont dit: "Mais vous seriez d'accord pour discuter?"
25 J'ai répondu "oui évidemment parce que je ne sais pas de quoi il s'agit du
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1 tout, je ne sais pas pourquoi je suis là." Ils m'ont dit: "Mais vous vous
2 n'êtes pas encore accusée." J'ai répondu "Alors pourquoi, je suis dans une
3 cellule, dans cet état c'est vraiment une cellule atroce. Pourquoi est-ce
4 que je m'y trouve si je ne suis pas accusée?". Ils m'ont répondue: "Ah
5 nous allons simplement confirmer les choses, est-ce que vous voulez aller
6 dans la pièce avec les femmes?" J'ai dit "Mais quelles femmes? Et ils me
7 disent: "Pourquoi vous demandez avec quelles femmes?" J'ai répondu: "Parce
8 que je ne veux pas me retrouver avec des femmes qui ont assassiné ou qui
9 sont toxicomanes. Ils m'ont répondu: "Non, non, non, toutes ces femmes
10 sont de Vukovar j'ai dit: "Bien dans ce cas-là, évidemment je suis de
11 d'accord." Alors ils m'ont emmené à un interrogatoire avec un lieutenant
12 colonel qui a dit s'appeler Branko et il n'a jamais donné son nom de
13 famille, il avait un certain âge et lui portait un uniforme blanc pas un
14 uniforme de camouflage. A ce moment-là, les uniformes étaient en train de
15 changer. Et ce Branko a commencé à m'interroger, qui je suis, d'où je
16 viens? Quel est mon métier? Est-ce que je suis mariée où est-ce que j'ai
17 habité? Et des questions de ce genre et il m'a expliqué que je devais
18 écrire une déclaration situation de Vukovar. A ce moment-là, après
19 l'interrogatoire on m'a fait retourner dans la pièce, il y avait encore
20 dans cette pièce 52 autres femmes de Vukovar. Dès que je suis rentrée dans
21 la pièce, elles m'ont toutes reconnue, moi j'en connaissais quelques unes.
22 La majeure partie de ces femmes était demi Mitnica. Au moment de
23 l'évacuation de Mitnica les hommes ont été arrêtés et mis en prison et ces
24 femmes étaient restées sur place avec leur mari et leur fils et c'est
25 comme ça qu'elles se sont trouvées là. Il y avait aussi des enfants, il y
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1 avait des femmes âgées. Ce qui s'est passé, c'est sans doute que
2 lorsqu'ils prenaient une partie, un quartier de la ville, ils emmenaient
3 les hommes d'un côté, les femmes de l'autre. Et voilà je me suis trouvé
4 avec ces femmes et à moment-là je me sentais un peu mieux. J'ai pu me
5 changer, j'ai pu dormir tranquille.
6 Question: Docteur Bosanac, je voudrais vous montrer quelques images de la
7 vidéo, une partie de la pièce à conviction N°23 si vous me le permettez.
8 C'est une partie de la pièce à conviction que je vais vous montrer. Quand
9 je vous la montrerai, j'aimerais que vous me disiez si vous voyez des
10 éléments que vous reconnaissez au sujet desquels vous aimeriez dire
11 quelque chose, à ce moment-là nous arrêterons la vidéo et vous pourrez
12 parler. Donc nous vous montrerons la vidéo et au fur et à mesure nous
13 aimerions que vous nous disiez au vu des images ce qu'elles vous
14 rappellent. Je crois que voudriez voir les images sur votre moniteur. Donc
15 je demande que l'on montre au témoin une partie de la pièce à conviction
16 n°23?
17 (Diffusion de la cassette vidéo.)
18 Réponse: Ce que vous voyez là, ce qu'on a vu avant est-ce que l'on peut
19 revenir en arrière pour voir le trou.
20 Question: On pourrait peut-être arrêter la vidéo?
21 Réponse: Est-ce que vous pourriez la faire revenir en arrière, un peu plus
22 en arrière encore. Là voilà c'est ça, ce trou que vous voyez là, le trou
23 qui a été provoqué par la chute de la bombe larguée d'un avion qui n'a pas
24 explosé. Elle a fait ce trou dans le toit puis dans la partie inférieure
25 du toit et puis dans tous les étages et ce jusqu'à la cave, jusqu'à l'abri
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1 où elle est tombée sur le lit d'un patient. Un technicien à ce moment-là a
2 filmé le trou et a essayé de filmer le ciel à travers le trou. Comme on
3 peut le voir ici.
4 Question: Merci. Est-ce que on peut faire avancer un peu le film?
5 Réponse: Là vous voyez des patients couchés, alités dans le hall d'entrée.
6 Ce sont des membres de notre équipe, un médecin de Zagreb, un anesthésiste
7 qui sont dans une petite pièce à côté de la salle de le plâtrage où nous
8 avions l'habitude de passer quelques temps à discuter, à dîner, pendant
9 les poses, quand il n'y avait pas de travail, quelquefois on chantait
10 même.
11 Question: Il est évident que la femme au première plan, c'est vous vous-
12 même, n'est-ce pas?
13 Réponse: Oui c'est moi. Est-ce qu'on peut aller plus loin. C'est le
14 docteur Stanko anesthésiste de Zagreb que vous venez de voir. Ici vous
15 voyez nos salles de consultation abîmées par les obus, la bombe dont j'ai
16 parlé. Si on peut revenir un peu en arrière on voit que la bombe est sur
17 le lit, le patient lui a été enlevé et lorsque l'inspecteur de la police
18 le 5 octobre 1991 est donc venu inspecter les choses, il a déterminé que
19 la bombe n'allait pas explosée. A ce moment-là on a accroché la bombe avec
20 ce fil que vous voyez là et on l'a transportée, elle était très lourde. Et
21 c'est ainsi qu'elle a été transportée hors de l'hôpital. Et tout ce qui
22 cassé en dessous, ce sont les restes du lit de l'hôpital sur lequel elle
23 est tombée. Le patient heureusement est resté vivant. Là on voit le lit,
24 n'est-ce pas. Le patient Peravu Kacni, c'est un Serbe d'un certain âge qui
25 a été blessé et qui était donc alité chez nous. J'ai entendu dire plus
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1 tard qu'il est resté à Vukovar, il est toujours à Vukovar aujourd'hui.
2 Question: Est-ce qu'on peut continuer le passage du film?
3 Réponse: Toujours le trou et les débris, là vous voyez le couloir qui
4 permet d'accéder à l'abri et dans le couloir il y avait en également des
5 patients alités. Là vous voyez les alentours de l'hôpital, la préparation
6 de l'évacuation. Ca c'est déjà après mon départ, pendant que j'étais à
7 l'hôpital les gens étaient à l'intérieur de l'hôpital avec les
8 infirmières. Là vous voyez Jurja, une infirmière et l'autre infirmière
9 également, deux infirmières de pédiatrie. Et à ce moment-là au moment de
10 ces images je n'étais plus là. Tout le monde sort, mais là il n'y a plus
11 de technicien, il n'y a plus de chauffeur, on ne voit que des femmes et
12 des enfants. Ils sortent tous de l'hôpital par la sortie que nous avions
13 utilisé également y compris moi au moment de mon départ. Et ils se
14 dirigent vers le portail d'entrée sans doute. Là vous voyez des véhicules
15 endommagés, là nous ne sommes plus à l'hôpital. Ca c'est une autre
16 évacuation. Le dernier bâtiment que nous avons vu, c'est une autre
17 évacuation.
18 Question: Merci. Et finalement Docteur Bosanac après ces 18 jours vous
19 avez été échangée, n'est-ce pas?
20 Réponse: Après 18 jours à Sremska Mitrovica, j'ai passé encore 3 jours
21 dans une prison militaire à Belgrade et c'est à ce moment-là qu'on m'a
22 échangée. A Belgrade on m'a encore interrogée, là j'étais vraiment dans
23 une vraie prison. Donc j'ai passé trois jours dans cette prison et j'y
24 étais avec tout le groupe parce qu'après ces dix-huit jours ils ont
25 rassemblé des médecins, des membres du personnel médical, des civils dans
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1 ce groupe, il y avait mon mari, ils ont donc rassemblé ce groupe pour un
2 échange. Et c'est à ce moment-là que dans l'autobus qui nous conduisait de
3 Sremska Mitrovica à Belgrade j'ai vu mon mari pour la première fois, j'ai
4 vu qu'il était vivant. J'avais déjà entendu dire qu'il était vivant. Et je
5 savais qu'il avait été amené lui aussi à Mitrovica, il est parti de Borovo
6 Naselje, c'est la qu'on l'a arrêté et là encore c'est une autre histoire.
7 Cet hôpital de réserve que nous utilisions était protégé par un drapeau de
8 très grande taille avec une Croix Rouge et là aussi ils ont amené des
9 chars et ils ont détruit ce bâtiment avec leurs chars, ils ont même jeté
10 de l'essence sur ce bâtiment. Il y avait pas mal de blessés mon mari,
11 était là-bas aussi, il a été emmené Kamanica en prison, puis dans un camp
12 et ensuite de la bouche d'une femme j'ai entendu dire qu'il avait et avait
13 été en amener à Sremska Mitrovica et je crois qu'il est arrivé à Sremska
14 Mitrovica huit jours après mon arrivée à moi. Nous avons entendu dire que
15 des blessés avait été amenés à Sremska Mitrovica et à la radio nous avons
16 entendu que 184 blessés étaient arrivés. Donc nous avons espéré que
17 certains de ces blessés étaient à l'hôpital à Mitrovica. Mais en fait
18 lorsque nous sommes arrivés à Belgrade nous nous sommes rendus compte
19 qu'il s'agissait de blessés différents que dans ce groupe de 184 il n'y
20 avait qu'une minorité de l'hôpital de Vukovar, que la majorité venait de
21 l'endroit où se trouvait mon mari et que parmi les blessés il y avait
22 aussi du personnel militaire, des civils et donc mon mari entre autres.
23 J'ai été interrogé trois jours à Belgrade à la prison militaire là-bas il
24 y avait le Procureur et il y avait un Juge. On m'a demandé si je
25 souhaitais être insistée d'un avocat commis d'office ou si je voulais le
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1 choisir. J'ai dit que je ne pouvais pas prendre cette décision. Que je
2 devais poser la question au ministère de la santé de Zagreb parce que je
3 suis médecin et je ne connais rien aux questions juridiques que je ne sais
4 pas pourquoi et de quoi je suis accusée. J'ai posé la question, on m'a dit
5 que les choses risquaient de durer longtemps et que s'ils décidaient de ne
6 pas m'accuser, à ce moment-là je serais sans doute échangée plus
7 rapidement. A moment-là, j'ai dit bon je n'ai pas besoin d'avocat je vais
8 me défendre moi-même, ils ont tout de même insisté et ils ont appelé un
9 jeune soldat qui est arrivé d'un institut de droit de Belgrade et à qu'il
10 a été dit tu es désormais l'avocat de cette doctoresse. J'ai vu qu'il ne
11 savait absolument pas de quoi il retournait qu'il ne savait pas qui
12 j'étais et jusqu'à aujourd'hui je ne sais pas pourquoi ils ont monté toute
13 cette opération. En tout cas, j'ai refait une nouvelle déclaration même si
14 à Sremska Mitrovica de ma main j'avais déjà écrit une déclaration de 118
15 pages en racontant absolument tout ce qui s'était passé à Vukovar depuis
16 le début de ma prise de fonction. Mais à Belgrade on m'à réintérrogée, on
17 m'a dit qu'il y avait des présomptions sérieuses qui pesaient sur moi,
18 qu'ils avaient des possibilités de m'accuser. Qu'il fallait qu'ils y
19 réfléchissent parce que grâce au téléphone et au fax j'avais accusé
20 l'armée yougoslave d'être l'agresseur. En public, j'ai dit que j'avouais
21 avoir agi de la sorte, que j'avais effectivement écrit une lettre dans ce
22 sens je l'ai toujours cette lettre d'ailleurs mais j'ai dit que c'était la
23 vérité parce qu'ils nous avaient effectivement agressés. La personne qui
24 se présentait comme Procureur m'a dit qu'il disposait d'un certain nombre
25 d'arguments montrant que je faisais partie des médecins de là-bas qui ..,à
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1 ce moment-là j'ai dit: "Qu'est-ce que vous avez comme documents? "Et ils
2 m'ont montrée un document. J'avais effectivement envoyé au docteur Emedi
3 depuis l'hôpital cette lettre qu'ils avaient entre les mains.
4 Question: Et est-ce que vous avez été accusée par la suite?
5 Réponse: Non. Et alors ils m'ont dit de rentrer dans la pièce et que dans
6 la soirée ils viendraient m'annoncer si j'étais accusée ou pas. Et dans la
7 soirée ils sont donc revenus me chercher pour faire une déclaration à la
8 télévision B, une soit disant télévision indépendante et ils m'ont à ce
9 moment-là annoncée que je n'étais pas accusée, inculpé. Et le matin ils
10 nous ont tous libéré finalement.
11 M. Niemann (interprétation): Je n'ai pas d'autres questions. Merci.
12 M. le Président (interprétation): Merci Monsieur le Procureur, je me
13 tourne vers mes collègues, Madame voulez-vous posé une question.
14 (Questions à Mme Bosanac par le Juge Mme Odio-Benito)
15 Mme Odio-Benito (interprétation): Merci Monsieur. Pouvez-vous nous dire si
16 quelqu'un a organisé pendant la guerre, s'il a eu des actions militaires à
17 partir de l'hôpital contre l'armée yougoslave la JNA, de l'hôpital?
18 Mme Bosanac (interprétation): Non. ça n'a pas été le cas. Du temps des
19 conflits l'armée croate n'a pas été très organisée, il y a eu un état-
20 major où je me rendais parfois parce que là il y a eu un appareil télé fax
21 dont je pouvais me servir mais personnes de notre hôpital n'a pas pris par
22 au conflit, vis-à-vis d'un autre hôpital il y a eu un bâtiment où il y a
23 eu des unités de milice et de police. Maintenant pas de notre hôpital,
24 c'était éloigné, souvent nous étions sur le toit de l'hôpital pour voir
25 s'il y avait de l'aide qui arrivait. Nous avons pu entendre d'où venait
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1 les tirs d'où venait l'assistance, mais il n'y a pas eu de soldats, ils ne
2 voulaient pas venir à l'hôpital pour ne pas mettre en danger l'hôpital. Il
3 n'y avait que des blessés.
4 Question: Alors il n'y a pas eu d'armes à l'hôpital d'après ce que vous
5 dites?
6 Réponse: Non. Un inspecteur de police Lukinda Branko a été chargé que
7 chaque blessé soit déshabillé, qu'il enlève l'uniforme et les armes. Peut-
8 être il y a eu parfois des armes légères à l'hôpital qui était très très
9 grand, peut-être quelqu'un a pu retenir ces armes et parfois nous avons
10 fait des contrôles, nous avons essayé de leur faire comprendre que même
11 quand ils avaient des visites, des visiteurs, ils devaient venir sans
12 pistolet, sans couteau mais je ne peux pas garantir à 100%.
13 Question: Après votre libération est-ce que quelqu'un vous a dit ce qui
14 s'était passé avec les patients, les blessés de l'hôpital durant les deux
15 jours, le 18 et le 19 novembre. Quel était le sort de ces personnes?
16 Réponse: Lorsque je suis sortie de la prison, j'ai rejoint la faculté et
17 le ministère de la Santé où il y a une unité pour les recherches, les
18 recherches portant sur les disparus les médecins, les infirmières, on m'a
19 offert d'y participer. J'ai essayé de reconstruire toute la situation, de
20 voir qui était présent, qui était porté disparu parce que il était
21 évident, que certaines personnes de l'hôpital n'étaient pas là, mais ma
22 belle-mère, mes fils ont tout de suite remarqué que nous n'étions pas là
23 ni moi, ni mon mari, alors ils ont lancé une enquête. Il y a eu des
24 infirmières, le chauffeur, tout le monde a essayé de voir où sont les
25 disparus. Nous n'avons pas pu établir tout de suite jusqu'en mai 1992. A
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1 cette époque je me déplaçais beaucoup j'étais à Bruxelles. J'ai parlé avec
2 avec M. Kouchner en France qui était ministre chargé des affaires
3 humanitaires. Il a essayé d'organiser une aide pour Vukovar, j'ai été
4 également à Londres, je me suis également entretenue avec lord Carrington.
5 Et durant toute cette période j'ai essayé de voir, de trouver les
6 personnes disparues. J'ai réitéré mes informations qu'il y a eu des camps
7 à Stajicevo, M.Carrington était énervé, il a dit qu'il allait rencontrer
8 M.Milosevic mais qu'il n'était pas sûr de pouvoir faire quelque chose
9 parce que l'autre partie, M.Milosevic nie tout ça. Je l'ai supplié de voir
10 Stajicevo et de vérifier s'il y avait un camp là parce que mon mari y
11 était et de ce camp là il a été transféré à Mitrovica et libéré par la
12 suite. Mais j'ai appris après que les personnes de ce camp on été
13 transférées vers Nis et Mitrovica c'était le vrai camp de concentration et
14 M.Carrington à été au courant de ça. J'étais aussi chez M. Vance. Plus
15 tard en janvier, j'ai donné mes listes mais tous ces appels, toutes ces
16 listes n'ont pas reçu de réponse. En mai 1992, c'était la première fois
17 qu'il y a eu des échanges d'informations et l'échange de prisonniers. Et
18 c'est à ce moment-là que nous avons les premiers témoins. Par exemple, M.
19 Guncevic qui avait travaillé à l'hôpital, il était économiste, il était
20 venu à l'hôpital pour l'évacuation et M. Zakovic, un employé de la Croix
21 Rouge. C'est eux, qui nous ont informés la première fois à propos de
22 Ovcara, ils nous ont parlés des bus, des casernes, de la caserne, les bus
23 on été tout d'abord dans la caserne de l'armée yougoslave et par la suite
24 se sont rendus dans le hangar d'Ovcara. Ils nous ont racontés tout ça, ils
25 ont reconnu certaines personnes qui avaient travaillé à l'hôpital, c'est
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1 lui qui m'a confirmée que c'était la dernière fois qu'il avait vu mon
2 beau-père à la ferme de Ovcara. Donc ces deux témoins et certains autres
3 que vous allez entendre certainement ont confirmé ces nouvelles parce
4 qu'ils ont été sauvés par certains Serbes, amis et connaissances et c'est
5 eux qui ont été par la suite transférées dans d'autres camps mais qui se
6 sont libérées, mais la plupart des personnes qui était là le matin du 20
7 novembre sont toujours portés disparus. Il y a beaucoup de femmes en
8 Croatie qui sont restées seules sans leurs fils, sans leur mari, il y a
9 une organisation n'ont gouvernementale qui s'appelle "Les mères de
10 Vukovar" qui est chargée de les chercher, il y a 1280 personnes qui sont
11 portées disparues de Vukovar et des alentours et le groupe le plus grand
12 est celui de l'hôpital. Dans ce groupe il y a quatre jeunes hommes qui
13 avaient 16 ans à l'époque. Parmi eux aussi le fils d'une femme qui faisait
14 le ménage chez moi, son mari souffrait du cancer et beaucoup de familles
15 se sont trouvées démembrées et dispersées. Il y a des techniciens médicaux
16 qui sont portés disparus, dix-huit dans le nombre, c'est une grande
17 tragédie, il y a une pression énorme du personnel médical et de ces
18 familles sur moi, parce que c'était moi la responsable de l'hôpital. Ils
19 pensent tous que moi je pourrais faire quelque chose où je sais quelque
20 chose.
21 Question: Est-ce que je peux vous demander ce qui s'est passé avec votre
22 mère?
23 Réponse: Ma mère avec ma belle-mère, mon beau-père était également là. Lui
24 il n'est plus en vie mais ma mère et ma belle-mère sont restées à
25 l'hôpital. Lorsque les femmes et les enfants sont montés sur le bus, elles
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1 y sont restées parce que qu'elles attendaient tout le temps le moment de
2 mon retour et à la fin le docteur Ivankovic, le Serbe, il la connaissait,
3 il savait que c'était ma mère et il a dit: "Ecoutez, je ne sais pas si
4 votre fille sera de retour ou non, alors si vous avez l'intention d'aller
5 à Zagreb allez y maintenant." et il les a fait monter dans un transport de
6 blessés, c'était peut-être l'avant-dernier transport de blessés et elles
7 sont parties pour Mitrovica.
8 Elles ont passé la nuit dans un hall de sport et le lendemain elles ont
9 continué la route dans ce convoi en passant par la Bosnie vers les parties
10 libérées de Croatie.
11 Mme Odio-Benito (interprétation): Merci.
12 (Questions à Mme Bosanac de M. le Juge Riad.)
13 M. Riad (interprétation): Docteur Bosanac, permettez-moi, de continuer à
14 vous poser des questions pour cinq minutes. Nous savons que vous êtes très
15 fatiguée et nous vous remercions de ce témoignage très difficile pour
16 vous. Tout d'abord, je voudrais voir et éclaircir quelques problèmes. La
17 ville de Vukovar a été bombardée par…, l'hôpital faisait partie de Vukovar
18 et vous avez mentionné que le bombardement était surtout le bombardement
19 de la ville? L'hôpital, j'ajoute, vous avez dit: On a utilisé les bombes
20 en forme de parachute, des bombes à gaz etc. Et l'hôpital a fait l'objet
21 de…, a été bombardé de deux bombes de 250 kilos, alors l'hôpital a été
22 bombardé de manière la plus importante. Quoiqu'il était clairement marqué,
23 il était clairement marqué qu'il s'agissait de l'hôpital et toute personne
24 qui larguait les bombes pouvait savoir qu'il s'agissait de l'hôpital.
25 Pourquoi est-ce que ces personnes avaient des raisons?
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1 Mme Bosanac (interprétation): Non.
2 Question: Vous avez mentionné à la Juge Odio-Benito qu'il n'y a pas eu
3 d'armes dans l'hôpital, mais est-ce qu'il y a eu une opposition de force
4 armée?
5 Réponse: Non, nous avons eu juste les blessés, les blessés et les
6 inspecteurs de police qui étaient chargés de les enregistrer. Nous
7 n'avions pas de personne armée à l'hôpital.
8 Question: Y avait-il des objectifs militaires dans la proximité immédiate
9 de l'hôpital? Des cibles militaires de la proximité?
10 Réponse: Non.
11 Question: Donc y a-t-il eu des antichars, des armes antichars?
12 Réponse: Non pas du tout j'ai souvent traversé la ville, je me suis
13 souvent rendue à l'état-major pour envoyer des fax. J'ai passé par le
14 cimetière en dépit des obus mais je n'ai jamais vu de chars ou d'armes.
15 Les défenseurs de Vukovar de toute façon à cette époque là avait peu
16 d'armes, ils étaient vraiment peu armés, peut-être dans la ligne de front
17 à Dubrava à Borovo Naselje mais ça c'était très loin de l'hôpital.
18 Question: Vous avez mentionné que vous avez eu la possibilité à Negoslavic
19 de voir le colonel M. Mrksic. Vous vous y êtes rendue pour parler de
20 l'évacuation?
21 Réponse: En effet, je voulais entrer en contact avec les représentants du
22 CICR et des moniteurs de la Communauté européenne parce qu'un jour
23 auparavant j'ai parlé avec eux et ils ont dit qu'ils étaient à Negoslavci.
24 Qu'ils parlaient.
25 Question: Vous avez mentionné lorsque vous avez contacté M. Mrksic que
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1 c'était lui le responsable pour la région, que c'était lui qui pouvait
2 faire quelque chose qui était chargé de donner des ordres?
3 Réponse: C'est ça, j'ai eu cette information de général Andrija Raseta qui
4 était le chef de la section 5 de l'armée yougoslave à Zagreb. Et au nom de
5 l'armée yougoslave c'était lui qui a signé le contrat, l'accord sur
6 l'évacuation de l'hôpital en présence des moniteurs de la CEE et des
7 représentants du CICR. Ce document existe, ce document à été valable et
8 c'est lui-même par téléphone qui m'a dit que Milan Mrksic était
9 responsable de la région de Vukovar.
10 Question: Lorsque vous étiez à l'hôpital, vous avez rencontré
11 Sljivancanin, que vous avez mentionné, il vous a demandé les listes des
12 patients c'est bien cela?
13 Réponse: Tout à fait. Il était accompagné de Nicolas, représentant du
14 CICR.
15 Question: Vous a-t-il donné une impression forte que c'était lui
16 directement chargé responsable des opérations ou y avait-il quelqu'un
17 d'autre?
18 Réponse: Mon impression a été que c'était lui en charge sur le terrain de
19 toute façon parce que c'était lui qui était présent constamment à
20 l'hôpital. Alors que le colonel Mrksic était dans l'état-major peut-être à
21 7 à 8 kilomètres de l'hôpital. Alors que le major Sljivancanin était là
22 l'après-midi et il revenait, repartait, c'était lui qui était chargé de
23 l'évacuation. C'est lui qui a accompagné les représentants du CICR, donc
24 j'avais l'impression que c'était lui qui dirige qui est responsable.
25 Question: Vous avez rencontré Radic?
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1 Réponse: Non. Peut-être mais je ne vois pas qui pourrait l'être.
2 Question: Lorsque Sljivancanin a fait ces listes, y a-t-il des critères
3 pour distinguer les groupes ou les distinguer sauf celles que vous avez
4 déjà mentionnées que le personnel médical, les médecins ont été sur une
5 liste, est-ce qu'on a choisi des jeunes, des vieux?
6 Réponse: Non je ne pense pas qu'ils ont fait des listes. Ils ont pris les
7 nôtres où il y a eu le nom, le prénom, le diagnostic et où cette personne
8 aimerait partir dans quelle direction. La personne chargée de
9 l'administration et l'infirmière ont rajouté quelques informations plus
10 tard mais je n'ai jamais entendu l'information ou l'impression que c'est
11 eux qui établissaient des listes. Ils se sont servis de ma liste des
12 blessés. Plus tard j'ai appris, j'ai entendu des témoins que lorsqu'ils
13 sont arrivés à Ovcara et quand on leur a pris des documents, ils ont fait
14 des listes. Et plus tard j'ai appris d'une employée de l'hôpital qui est
15 restée à l'hôpital pendant quelques mois aprés et c'est seulement par la
16 suite qu'elle est venue en Croatie, elle s'appelle Slavica Baraz, et se
17 trouve actuellement à Donje Violca(?) dans la partie libre de la Croatie.
18 Elle est venue me contacter et me dire lorsque nous étions tous partis les
19 docteurs serbes l'on appelée de revenir à l'hôpital parce qu'elle
20 connaissait le travail et là elle a vu une boîte où il y avait des
21 documents et des documents différents et elle a vu parmi ces documents la
22 carte d'idendité de mon beau-père Bosanac Drago. Et elle a demandé ce que
23 c'était ces documents ils ont dit: " ne t'inquiète pas ça va partir pour
24 Belgrade ". Elle savait qui était donc dans quels groupes mais il n'y a
25 pas eu de liste séparée avant. J'ai aussi appris de l'infirmière
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1 principale que le matin ils sont venus avec une liste de 18 personnes
2 blessées et ils ont appelé ces personnes parmi les premiers et certaines
3 de ces personnes sont portées disparu. Il s'agissait de blessés graves et
4 nous n'avons jamais entendu ou appris la nouvelle que ces malades graves
5 se trouvaient à Ovcara. Où sont-ils allés? Qu'est-ce qu'on a fait d'eux?
6 Je ne sais pas.
7 Question: Vous avez mentionné qu'il y avait 2800 personnes qui sont
8 portées disparues. Est-ce que c'est bien cela?
9 Réponse: Il y a 2800 de toute la Croatie, mais de Vukovar il y a 1280 de
10 Vukovar, Ilok, Borovo Selo. Donc 1280 personnes de Vukovar. La ville il y
11 a 300 de l'hôpital environ, 100 de Borovo Naselje, 50 à Velepromet. Donc
12 sur chaque point de l'évacuation il y a un certain nombre qui a disparu.
13 Nous n'avons pas encore établi l'effet ou à quel moment ces personnes ont
14 disparu. Nous avons seulement certains renseignements sur des fosses
15 communes. Docteur Snow a fait des recherches dans ce sens et d'après nos
16 témoins il a trouvé une fosse commune.
17 Question: Donc ce qui vous considérez que 1280 personnes sont portées
18 disparues de Vukovar et au total 2800 de Croatie ça veut dire que Vukovar
19 a perdu au moins environ un tiers de personnes portées disparues de
20 Vukovar ce qui veut dire il a vraiment subi, il a été vraiment secoué par
21 les conflits?
22 Réponse: C'est ça. Vous pouvez voir du livre que j'ai apporté et qui
23 montre la situation complète de Croatie dans les années 1991-1992. C'est
24 difficile de citer ici les chiffres parce que je suis assez fatiguée, mais
25 de tous les blessés en Croatie il y a un tiers de Vukovar, des personnes
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1 décédées il y a 7000 le chiffre pour toute la Croatie, dont la part à
2 Vukovar incombe. Donc Ceux qui sont décédés lorsque nous étions encore là.
3 C'est 1100 personnes et disparu 1280, ça fait ensemble 2400, tiers de
4 toute la Croatie. Alors que Vukovar n'est qu'une ville, une région qui
5 avait 164.000 mètres carrés et environ 84.000 habitants. C'est donc la
6 région qui a souffert le plus. Sarajevo est aussi une ville qui a souffert
7 en Bosnie mais ce n'était pas tellement concentré. Chez nous c'était 10
8 kilomètres sur 3 kilomètres. 9000 projectiles, obus sont tombés sur la
9 ville quotidiennement, la population environ 15.000 personnes devaient
10 passer des mois sous la terre, 30% des Serbes parmi eux, parce que Vukovar
11 était une ville multi ethnique et même les Serbes qui étaient là par
12 exemple Marin Vivic était surpris. Est-ce que c'est possible que les gens
13 ont pu survivre dans des conditions pareilles, c'est une tragédie ce qui
14 s'est passé avec cette ville.
15 Question: Est-ce que c'était un centre militaire par exemple?
16 Réponse: Non. Ca n'a pas été un centre militaire à cette époque-là, dans
17 l'ex-Yougoslavie, Vukovar était une petite ville sur le rivage du Danube
18 et par exemple ça dépendait des villes. A Ilok il y avait 90% de Croates
19 et le reste était les Serbes. Et Vukovar par exemple était environ 50
20 kilomètres de 35 kilomètres à l'ouest, mais pendant des siècles
21 traditionnellement cette région a été toujours une culture mixte, c'était
22 un lieu qui avait été habité très tôt par le passé dans les cultures
23 différentes. C'était toujours un point de passage des cultures
24 différentes, un point de rencontre de culture différente. Même dans l'ex-
25 Yougoslavie c'était beaucoup de mariages mixtes 30% de personnes étaient
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1 des mariages mixtes, 43% étaient des Croates, 35% des Serbes, 1,5% de
2 hongrois et ceux qui se sont déclarés comme yougoslaves et 7%. La ville
3 même était plutôt Croate avant la guerre il y avait 45.000 habitants.
4 C'était une ville industrielle et vers Osijek ces villages étaient plutôt
5 serbes. Par exemple, Borovo Selo, Bobota, Trpinja Brsadin. Alors que vers
6 l'est vers Ilok il y a eu des villages croates. Et lorsque le conflit des
7 combats ont commencé au mois d'octobre, l'on a commencé à tirer sur
8 Tovanic et Ilok, les gens ont été terrorisés et l'on a vu qu'il y a n'y
9 avait aucune chance de survie dans ces villes. Et l'on a commencé à
10 négocier avec les observateurs européens et ils ont quitté Ilok sous leur
11 protection. Tous les Croates ont dû quitter Ilok. C'est le premier exemple
12 de purification ethnique en octobre 1991. C'est ce que nous avons entendu
13 à la télévision et nous étions très défaits en ce qui concerne Ilok mais
14 nous ne voulions pas partir de Vukovar que nous estimions ne pouvoir
15 quitter, c'est notre ville personne n'a ni le droit, ni de motif de nous
16 expulser. Donc les Serbes sont restées, pas tous, certains sont peut-être
17 partis, mais plus tard d'autres Serbes sont venues avec l'armée yougoslave
18 mais la plupart des Serbes locaux y sont restés. Et lorsque vous voyez la
19 liste de ceux qui ont été tués par grenades il y a nombre de Serbes qui
20 ont été victimes. L'on a commencé à tirer au mois d'août à la grenade et
21 ce toutes les semaines et ils ont voulu rentrer pour s'y conduire comme à
22 Ilok et ils ont envahi et annexer la ville. Et nous avons survécu à tout
23 cela. Et nous savions qu'il s'agissait d'un conflit armé et qu'il nous
24 fallait tenir. Ce qui s'est passé par la suite, ce qu'on a subi plus tard
25 les femmes, les civils qui ont perdu des membres de leur famille et ce
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1 qu'elles ont dû traverser par la suite par l'occupation de Vukovar c'était
2 horrible car l'on a trouvé par exemple soixante dix personnes… plusieurs
3 centaines de personnes qui vivaient dans des abris serbes, croates
4 ensemble et tous ont attendu afin de pouvoir vivre en paix de nouveau.
5 Mais lorsque l'armée de yougoslavie est arrivée, les Chetniks ont dit:
6 "Les Serbes d'un côté, les Croates de l'autre." Et ils ont emmené un
7 groupe dans une direction et l'autre dans l'autre et c'est là où les
8 conséquences de la guerre se sont fait ressentir.
9 M.Riad (interprétation): Merci.
10 (Questions de M. le Président à Mme Bosanac)
11 M. le Président: Vous devez être très fatiguée donc nous n'allons pas
12 prolonger cette audience, j'aurais peut-être une simple impression que je
13 vais de vous demander de votre part. Avez-vous eu le sentiment en revenant
14 sur l'épisode de l'hôpital qu'il s'agissait d'un plan concerté, d'un plan
15 organisé, d'un plan prémédité? En vue de la disparition de ces personnes
16 sous votre autorité, sous votre responsabilité?
17 Mme Bosanac (interprétation): Je ne sais pas. Il m'est très difficile de
18 vous le dire je ne vois aucun motif, aucune logique quant à la division ou
19 la séparation de ces groupes. Il y avait des enfants, il y avait des
20 soldats blessés croates, il y avait des personnes âgées, des personnes
21 faibles affaiblies des civils. Je ne vois donc aucun critère, la seule
22 chose étant qu'on a dit que tous les hommes devaient être emmenés ou
23 partir ainsi que la mère de mon mari me l'a dit, on a emmené les hommes,
24 certains ont été ramenés, certaines infirmières ont compris, ont vu que
25 leur mari était porté manquant, donc ils sont allés voir le commandant
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1 Sljivancanin afin qu'on les fasse revenir. Et d'aucun qui avait des
2 documents d'identité sur eux, qui était chauffeur par exemple du centre
3 médical, quinze ont été ramenés de la caserne par autocar, mais d'autres
4 ont été emmenés ailleurs et je crois que ceux qui étaient à Ovcara et je
5 suis sûr que vos témoins pourront vous en parler, mais encore une fois je
6 n'ai vu aucun critère quant à la manière dont on a séparé ces différents
7 groupes et dans quelles catégories on les a mis. Et ceux qui sont
8 manquants de Vukovar qui sont de Borovo un grand nombre sont des civils et
9 de jeunes femmes, des filles, des enfants, des personnes de troisième âge.
10 Il n'y a pas de critère viable pour dire par exemple que l'un était
11 combattant et a été traité de façon différente. Je crois qu'il y a eu sans
12 doute des critères choisis, ceux qu'ils étaient eh bien je ne peux pas
13 vous le dire. Il y avait des Croates, des non Serbes et depuis des
14 générations ça été comme ça, c'était les mêmes familles qui faisaient
15 l'objet d'attaque et qui ont souffert. En 1945, par exemple, les deux
16 frères de mon beau-père ont été emmenés et ont disparu. Là mon beau-père a
17 été emmené et son neveu. Son fils a été emmené en 1945, il y a d'autres
18 événements familiaux qui ont relié, qui étaient reliés à ceux qui étaient
19 en 1945 et ce qui se passera de nouveau lors de la prochaine guerre dans
20 les 50 ans à venir. A moins qu'il n'y ait une solution. Je suis né en
21 1949. Nous avons vécu en ex-Yougoslavie c'est là où j'ai grandi et je sais
22 ce qu'est la guerre, plutôt je ne savais pas ce qu'était la guerre et je
23 n'ai aucune expérience de la seconde guerre mondiale, il a fallu que j'en
24 fasse l'expérience maintenant bien que je ne m'y attendais absolument pas.
25 M. le Président: Le Tribunal vous remercie. Je voulais simplement… vous
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1 avez eu l'impression de pouvoir dire tout ce que vous avez aviez envie de
2 dire au Tribunal, vous avez répondu aux questions du Procureur, nous avons
3 posé ici même, le Tribunal a posé quelques questions complémentaires. Est-
4 ce que vous avez l'impression de vous être exprimée à peu prés totalement
5 sur ce que vous aviez l'intention de dire ou avez vous l'impression que
6 vous auriez envie de conclure par autre chose? Vous nous le dites avant
7 que vous puissiez retourner dans votre pays?
8 M. Bosanac (interprétation): Il m'est difficile d'ajouter quoique ce soit.
9 Lorsque je parle de Vukovar, j'en parle beaucoup et j'estime que j'en ai
10 jamais dit suffisamment. Voyez-vous dans notre région, notre région a été
11 touchée très durement pendant ces quelques mois. Et après cinq ans, c'est-
12 à-dire cinq ans plus tard je ne puis dire qu'une chose que c'est vraiment
13 dommage que la communauté internationale n'ait pas réagi plutôt. Car peut-
14 être l'IFOR, l'UNTAES ou d'autres forces des observateurs européens
15 auraient pu être efficaces, ils étaient arrivés en août 1991 à Vukovar
16 avec une pression politique exercée suffisante contre Milosevic et l'armée
17 et bien peut-être cela aurait eu une incidence. Ce qui aurait pu empêcher
18 la destruction, les victimes et sans doute la guerre en Bosnie également.
19 Donc c'est mon message si je puis m'exprimer ainsi, qu'il convient d'être
20 mieux informé.
21 Que le convoi de Médecins Sans Frontières pourrait nous apporter des
22 médicaments, des fournitures et qu'ils pourraient emmener des blessés.
23 C'était ça l'accord et c'est ce qui nous avait été promis. Mais l'armée
24 yougoslave ne les a pas laissés passer, n'ont pas permis de laisser passer
25 par exemple une aspirine, une perfusion, ils ont emmené des blessés,
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1 l'agresseur est toujours celui auquel on obéi sans doute. Et ceux que l'on
2 doit aider ne sont pas aidés. Je suis désolée de ce message fort émotif et
3 il me faudrait beaucoup de temps pour vous expliquer tout. Il y a des
4 livres mêmes en anglais et peut-être qu'il vous serait utile si vous aviez
5 le temps de les lire.
6 M. le Président: Le Tribunal vous remercie, il a été très sensible à votre
7 venue. Il vous souhaite un retour le plus calme possible et que vous vous
8 essayez de retrouver la sérénité si cela en tout cas est possible. Voilà,
9 est-ce qu'on peut raccompagner le témoin. Nous allons d'abord raccompagner
10 le témoin et ensuite une fois que le témoin sera accompagné, nous allons
11 suspendre 10 minutes avant de reprendre l'audience. Merci, Madame.
12 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
13 (L'audience, suspendue à 17 heures 17, est reprise à 17 heures 33.)
14 (Audience publique avec mesures de protection.)
15 M. le Président: Monsieur le Procureur, nous allons introduire le témoin
16 suivant. Avez-vous fait ou faites-vous une demande de protection
17 particulière. Je vois que le Greffe est prêt. Monsieur le Procureur. Vous
18 pouvez vous présenter, Monsieur le Procureur?
19 M. Williamson (interprétation): Oui effectivement, Monsieur le Président,
20 nous allons demander à Mme Neda Striber de se présenter en tant que témoin
21 et effectivement nous demandons une protection, des mesures de protection
22 pour ce témoin. La seule mesure que nous requérons est que l'image soit
23 altérée et que le public ne puisse la voir alors qu'elle entre dans la
24 salle d'audience.
25 M. le Président: Bien alors Monsieur le Greffier d'abord, est-ce que vous
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1 pourrez consigner dans les minutes de notre audience, selon une procédure
2 que nous connaissons bien. Une modification du processus d'audition du
3 témoin suivant qui ne désire pas que soit occultée son identité, mais qui
4 a la demande du Procureur et par le biais de la demande du Procureur
5 souhaiterait que l'image qui peut être diffusée à travers les médias soit
6 complètement occultée. Alors avant de faire entrer le témoin il convient
7 de baisser les rideaux pour ne pas que le public aperçoive le visage du Dr
8 Striber et ensuite nous pourrons les relever, relever les rideaux.
9 Vous êtes sûr qu'il n'y a pas de possibilité, il n'y a aucun problème.
10 Bien alors peut-être que M. Usher vous pouvez donner les instructions à
11 l'huissier de faire introduire le témoin qui va se présenter.
12 (Le témoin, Mme Neda Striber, est introduit dans le prétoire.)
13 (Interrogatoire principal de Mme Striber par M. Williamson.)
14 Bien, Madame, d'abord m'entendez-vous dans votre langue? Vous m'entendez?
15 Est-ce que c'est le bon canal? Vous m'entendez dans votre langue. Alors
16 vous allez vous présenter et ensuite procéder à la déclaration solennelle
17 que l'huissier vous a présentée. Présentez le nom, le prénom, l'âge que
18 vous avez, votre profession.
19 Mme Striber (interprétation): Je me présente Neda Striber, née en 1960,
20 médecin spécialiste en ophtalmologie. Je jure solennellement de dire la
21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
22 M. le Président: Est-ce que vous êtes bien pour procéder à votre
23 témoignage? Vous vous sentez bien? Vous êtes devant une instance
24 internationale et donc à la demande du Procureur prêt à vous écouter. Vous
25 sentez-vous sereine et calme.
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1 Monsieur le Procureur vous avez la parole pour vos questions à poser au
2 témoin.
3 M.Williamson (interprétation): Docteur Striber, vous avez indiqué que vous
4 êtes ophtalmologue, n'est-ce pas?
5 Mme Striber (interprétation): Oui, c'est cela.
6 Question: Depuis combien de temps travaillez-vous dans cette profession?
7 Réponse: Quatre ans. J'aimerais vous présenter mes excuses, j'ai passé mes
8 examens de spécialisation en 1994, désolée je ne vous ai pas donné la
9 bonne réponse.
10 Question: Depuis combien de temps êtes-vous médecin?
11 Réponse: Depuis 1985.
12 Question: En 1991 où travailliez-vous?
13 Réponse: Je travaillais, j'ai commencé à travailler dans le département de
14 l'ophtalmologie de l'hôpital de Vukovar.
15 Question: Et quelles étaient donc vos responsabilités à l'hôpital de
16 Vukovar?
17 Réponse: Au départ, j'ai travaillé dans tout le service d'ophtalmologie en
18 1990, lorsque la situation a changé donc dès mai 1991 j'étais le seul
19 médecin ophtalmologue de l'hôpital de Vukovar.
20 Question: Vous avez indiqué que la situation a changé fin mai 1991,
21 qu'est-ce qui s'est passé au début du mois de mai qui a donc intensifié
22 les tensions dans la région?
23 Réponse: Eh bien, à ce moment-là les tensions ont commencé à surgir tout
24 particulièrement après l'incident de Borovo Selo.
25 Question: Est-ce que ces tensions ont explosé en conflit entre les Croates
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1 et l'armée yougoslave?
2 Réponse: Le premier incident important du conflit armé s'est tenu en
3 juillet et août 1991.
4 Question: Et comment ceci avait eu une incidence sur les opérations de
5 l'hôpital, le fonctionnement de l'hôpital?
6 Réponse: Bien sûr l'hôpital de Vukovar à dû en quelque sorte s'adapter à
7 ces nouvelles circonstances tout particulièrement parce que la situation à
8 Vukovar a changé du tout au tout. Il y a eu également des changements à
9 l'intérieur de l'hôpital car le personnel a commencé à nous quitteR. Les
10 gens ont commencé à quitter la ville alors que les combats se sont
11 intensifiés. Certains sont restés, d'autres ont décidé de partir avec leur
12 famille et cela dépendait bien sûr de la décision de chacun de rester ou
13 de partir.
14 Question: Vous avez indiqué que certains du personnel ont quitté l'hôpital
15 donc il y a eu une diminution du nombre des effectifs de l'hôpital?
16 Réponse: Oui. Une grande diminution environ dans notre service par exemple
17 jusqu'au début de la guerre il y avait environ vingt personnes qui
18 travaillaient dans notre service, 18 ou 19 en fait je ne peux pas vous
19 donner une réponse précise. Au début de l'agression nous n'étions plus que
20 quatre, moi-même inclus.
21 Question: Parallèlement à cette diminution des effectifs, il y a eu une
22 augmentation du nombre de patients qui venaient à l'hôpital?
23 Réponse: Oui, le nombre de patients a augmenté et ce tous les jours. Ce
24 qui était évident plus particulièrement au mois d'août 1991 à ce moment-là
25 nous avons reçu davantage de patients, de blessés et les conditions de
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1 travail ont également changé au sein de l'hôpital. En raison des premiers
2 pilonnages qui ont touché une partie de l'hôpital, il nous a fallu donc
3 nous adapter à cette nouvelle situation. Nous avons donc tenté d'évacuer
4 les étages supérieurs de l'hôpital pour des raisons de sécurité. Nous
5 avons tenté de faire l'évacuation aussi bien du personnel que des patients
6 alors que le conflit s'était intensifié. Nous avons été obligés de nous
7 réfugier aux étages inférieurs de l'hôpital. Donc en septembre 1991, nous
8 avons déménagé nous sommes passés dans les caves de l'hôpital aussi bien
9 les bâtiments neufs et anciens et également dans les abris où nous avons
10 mis les patients. Question: Vous avez indiqué que l'hôpital avait été
11 touché par des tirs d'obus à plusieurs occasions?
12 Réponse: Au départ le pilonnage était moins intensif et nous ne pensions
13 pas qu'il se poursuivrait, mais au cours des combats l'hôpital a été
14 constamment exposé au pilonnage. Tous les jours nous étions touchés donc
15 il y avait certaines journées où l'on ne pouvait même pas sortir du
16 complexe hospitalier ni même compter, je dirai, les coups de mortiers qui
17 étaient tirés contre l'hôpital.
18 Question: Et pendant les trois mois des combats à Vukovar, quels ont été
19 les résultats en termes de dégâts pour l'hôpital?
20 Réponse: Nous avons été touchés directement. Le bâtiment a été touché donc
21 le nouveau bâtiment de l'hôpital a été totalement détruit. On peut le voir
22 sur des photographies que ont été prises à la suite de la chute de la
23 ville. Le vieil hôpital a été également touché ce qui fait tout l'hôpital
24 a été, en fait, détruit. Il n'y avait plus de fenêtre dans ces
25 installations, ces installations ne pouvaient plus être utilisées.
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1 Question: Pendant que les combats se poursuivaient, est-ce que vous avez
2 été en mesure de vous déplacer librement dans la ville?
3 Réponse: C'était toujours un risque dès que l'on sortait il y avait
4 toujours 50% de risque de ne pas revenir, d'être tué. C'étaient les
5 propres risques, les risques que vous preniez vous-même.
6 Question: Est-ce que vous pouviez sortir de chez vous pendant cette
7 période?
8 Réponse: Au début oui, je sortais de chez moi. J'attendais jusqu'à ce
9 qu'il y ait une diminution du pilonnage, mais au début de septembre fin
10 août 1991 tout le personnel hospitalier a en fait déménagé à l'hôpital
11 donc nous avons non seulement travaillé, mais nous avons vécu, habité à
12 l'hôpital. Le personnel a également, a emmené ses enfants, sa famille, ses
13 familles puisqu'il ne pouvait tout simplement pas rentrer chez eux. Et il
14 ne pouvait plus rentrer chez eux.
15 Question: Que s'est-il passé en ce qui concerne votre famille?
16 Réponse: J'ai emmené mes enfants de la ville vers la mi-septembre donc mes
17 enfants n'étaient plus avec moi ni mon mari.
18 Question: Mais vous vous êtes restée à Vukovar, vous avez continué à
19 travailler à l'hôpital?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Alors que les combats ont continué, est-ce que la situation de
22 l'hôpital s'est détériorée?
23 Réponse: Oui, la situation s'est dégradée. Nous avons eu de plus en plus
24 de blessés qui sont arrivés à l'hôpital et parallèlement nous n'avions ni
25 eau ni électricité ce qui était des conditions extrêmement difficiles de
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1 travail. Ce n'était plus des conditions normales.
2 Question: Vers la mi-novembre, quelle était la situation à l'intérieur de
3 l'hôpital?
4 Réponse: Mi-novembre 1991, l'hôpital était plein à craqueR. Chaque mètre
5 était occupé, il y avait énormément de patients, de malades, de blessés,
6 de civils, le personnel hospitalier avec les enfants. Cette situation par
7 moment était absolument critique car il y avait tout simplement trop de
8 gens à l'intérieur de l'hôpital.
9 Question: Alors que la ville allait tomber entre les mains de la JNA, est-
10 ce que vous avez vu d'autres habitants de Vukovar arrivaient à l'hôpital?
11 Réponse: Au dernier jour de ces combats, de plus en plus de civils sont
12 arrivés à l'hôpital, je ne me souviens pas exactement des dates. Je crois
13 qu'il s'agissait de l'après-midi lorsque les civils ou tout du moins
14 j'avais eu ce sentiment que les civils sont arrivés de tous les quartiers
15 de la ville. Et pour la première fois, d'ailleurs, nous avons réalisé
16 combien de civils il y avait encore dans la ville. Il y avait réellement
17 comme une mer de civils qui arrivait, un raz de marée de civils qui
18 arrivait dans l'hôpital et ils se sont réfugiés et c'étaient des mères
19 avec des petits-enfants qui voulaient tout simplement se réfugiés à
20 l'hôpital. Il est très difficile de dire combien de personnes sont venues
21 à l'hôpital à ce moment-là car ils ne demandaient rien, ils nous
22 suppliaient tout simplement de les abriter pour se réfugier à l'hôpital.
23 Il est très difficile de dire et même de décrire la situation. Encore une
24 fois chaque centimètre carré était occupé et il y a eu ce raz de marée de
25 civils qui est arrivé à l'hôpital. Nous n'avions pas de nourritures, de
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1 vivres, d'eau, je n'avais rien à leur donneR. Je me souviens qu'une grand-
2 mère m'a dit: "voyez-vous nous ne venons pas vous demander quoi que ce
3 soit, nous venons tout simplement nous abriteR."
4 Question: Selon vous, combien de personnes s'étaient réunies à l'hôpital
5 au 19 novembre?
6 Réponse: Au 19 novembre, il y avait plus de 1000 personnes à l'hôpital. Je
7 ne peux pas vous donner un chiffre exact, mais à l'évidence le chiffre
8 surpassait 1000 personnes.
9 Question: Se trouvaient-elles à l'intérieur de l'hôpital, à l'extérieur de
10 l'hôpital?
11 Réponse: La plupart d'entre eux était dans l'hôpital. L'hôpital était
12 tellement plein qu'on ne pouvait plus rentrer dans l'hôpital. J'ai eu
13 l'impression qu'il y a eu de nombreuses personnes qui sont venues sur le
14 terrain de l'hôpital si vous le voulez, mais pas dans l'hôpital.
15 Question: Et pendant la même période tout particulièrement vers la fin des
16 combats, est-ce que vous avez vu des soldats croates en uniforme à
17 l'hôpital?
18 Réponse: Vers la fin des combats, les soldats croates venaient voir
19 certains de leurs amis à l'hôpital, venaient leur rendre visite. Donc il y
20 avait toujours un va-et-vient. Je ne puis vous dire si c'était à cette
21 date-là.
22 Question: Est-ce que vous avez vu des gens entrés en norme à l'hôpital?
23 Réponse: Excusez-moi, est-ce que vous pourriez me poser la question d'une
24 façon un peu plus claire, s'il vous plaît?
25 Question: Est-ce que vous avez vu des soldats portant des armes ou une
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1 autre personne portant des armes entrés dans l'hôpital?
2 Réponse: Est-ce que vous pensez au dernier jour des combats ou est-ce que
3 vous pensez à l'hôpital en général pendant toute la durée du siège?
4 Question: Je vous poserai d'abord la question sur la période globale du
5 combat et ensuite je vous reposerai la même question au sujet de la fin
6 des combats avant la chute de la ville?
7 Réponse: Tous les patients y compris les combattants devaient laisser
8 leurs armes avant d'entrer à l'hôpital. Au moment de l'accueil, il y avait
9 une personne qui était chargée de recueillir les armes, je ne sais pas
10 exactement où ces armes étaient ensuite déposées, ça je ne pourrais pas le
11 dire avec certitude mais en tant que patient en tout cas il ne portait pas
12 d'armes. Je ne peux pas cependant affirmer que d'autres personnes dans
13 l'hôpital ne portaient pas d'arme. Mais en tant que patient il n'était pas
14 autorisé à conserver leurs armes. C'était la règle. Les soldats qui
15 rendaient visite à des patients par contre portaient leurs armes, ils
16 entraient à l'hôpital avec leurs armes, ils sortaient de l'hôpital avec
17 les mêmes armes. Les derniers jours, aucune des personnes présentes ne
18 portait des armes, ça c'est certain.
19 Question: Est-ce qu'il est arrivé à un moment où les soldats de la JNA
20 sont arrivés à l'hôpital?
21 Réponse: Les soldats de la JNA pour autant que j'ai été capable de les
22 reconnaître, moi la première fois que je les ai vus c'était le 19 dans
23 l'après-midi.
24 Question: Y a-t-il eu une résistance de la part de qui que ce soit dans
25 l'hôpital à l'entrée de ces soldats de la JNA?
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1 Réponse: Très certainement aucune résistance.
2 Question: Et comment se sont comportés ces premiers soldats de la JNA qui
3 ont pénétré dans l'hôpital?
4 Réponse: Je ne pourrais pas dire qu'ils aient ennuyé qui que ce soit parmi
5 les patients ou le personnel. Leur seul contact direct était un contact
6 avec nos responsables de crise. Le 19 dans l'après-midi ou dans la soirée,
7 je crois que c'était déjà le début de la soirée mais je ne puis pas
8 définir l'heure exacte car le temps n'existait plus pour nous, tout
9 c'était arrêté. Les soldats de la JNA, un certain nombre d'entre eux se
10 sont promenés dans l'hôpital, ils ont observé la situation dans l'hôpital
11 et vu le grand nombre de personnes présentes. Et je me souviens de leur
12 commentaire, leur commentaire était: "mais c'est absolument incroyable
13 qu'ils aient pu continuer à travailler dans ces conditions, c'est vraiment
14 impossible de travailler dans ces conditions."
15 Question: Comment est-ce que vous passiez la nuit du 19 novembre jusqu'au
16 matin du 20 novembre?
17 Réponse: C'était une nuit d'incertitude complète, personne n'était en
18 mesure de nous dire ce qui allait se passer le lendemain. Nous nous
19 attendions à une évacuation des blessés, c'était quelque chose qu'on nous
20 annonçait en permanence. Nous attendions en fait de décider comment nous
21 allions préparer nos blessés car nous étions devenus accoutumés à ces
22 négociations incessantes au sujet de l'évacuation. Les gens avaient peur
23 de cette incertitude, c'était vraiment un état très particulier dans
24 lequel chacun d'entre nous tentait de faire quelque chose pour les
25 blessés, mais nous étions dans une crise personnelle très grave. Nous ne
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1 savions pas ce qui allait se passer le lendemain. Les infirmières
2 essayaient de mener à bien leur tâche régulière, de panser les blessés, de
3 les préparer pour l'évacuation prévue le lendemain.
4 Question: Où est-ce que vous avez passé la nuit?
5 R. J'ai passé cette nuit dans ma de consultation, c'était la salle dans
6 laquelle nous vivions tous. Une salle de 12 ou peut-être au maximum 15
7 mètres carrés qui se trouvait dans la partie ancienne de l'hôpital. Et
8 nous étions neuf à vivre dans cette salle de consultation. C'est la pièce
9 dans laquelle nous avons passé toute la période de la guerre. Un espace
10 très restreint, un sol en béton sur lequel nous avions mis des matelas
11 pour essayer de dormiR. Il y avait une petite ouverture qui n'avait même
12 plus de vitre, mais qui était fermée à l'aide de planches. Nous avions mis
13 des planches pour essayer de nous protéger des obus dans la mesure du
14 possible.
15 Question: Tôt le matin du 20 novembre, est-ce que vous avez rencontré pour
16 une raison quelconque l'infirmière en chef?
17 Réponse: Le 20, vous me dites?
18 Question: Oui, le matin du 20?
19 Réponse: Le matin du 20 novembre, peu avant 7 heures du matin l'infirmière
20 chef est venue dans notre salle de consultation ou plutôt la pièce où nous
21 habitions en fait et elle avait à la main une liste. Elle était
22 accompagnée d'un soldat. Et elle a demandé à voir un patient dont elle a
23 donné le nom et le prénom, patient qui à ce moment-là était dans notre
24 hôpital. Ce patient a été prié de sortir dans le couloir par un homme en
25 uniforme dont je suppose qu'il était médecin puisqu'il m'a appelée
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1 "collègue" et il m'a dit: "pouvez-vous me dire de quelles blessures il
2 s'agit chez ce patient." Il m'a demandé de lui dire s'il s'agissait de
3 blessures graves ou de blessures plus légères.
4 Question: Quel est le nom de cet homme à qui on a demandé de sortir?
5 Réponse: Monsieur Josip Bradaric.
6 Question: Est-ce que vous avez vu ce qui lui est arrivé?
7 Réponse:. Non, je ne l'ai pas vu. Je sais simplement qu'il a été isolé des
8 autres et qu'il a été emmené à l'extérieur du bâtiment.
9 Question: Après ce contact avec l'infirmière en chef où est-ce que vous
10 êtes allés?
11 Réponse: Elle nous a dit que nous avions reçu l'ordre de rassembler tout
12 le personnel médical au niveau des soins d'urgence en chirurgie parce
13 qu'une réunion était organisée.
14 Question: Et quand est-ce que cette réunion a eu lieu?
15 Réponse: La réunion a eu lieu dans une salle d'opération un peu
16 improvisée, en fait l'endroit où l'on faisait les plâtres d'urgence. Là se
17 trouvaient les médecins, des infirmières et quelques insistants donc du
18 personnel de l'hôpital et c'est le Major Sljivancanin qui nous a demandé
19 de participer à cette réunion, c'est à ce moment-là qu'il s'est présenté.
20 Question: Est-ce qu'il était la personne responsable de la réunion?
21 Réponse: Oui, il dirigeait la réunion.
22 Question: Qu'est-ce qu'il vous a dit à vous tous?
23 Réponse: Je ne pourrais pas vous redire ce qu'il nous a dit mot à mot,
24 mais en gros c'était quelque chose du genre le "Dr Bosanac n'est plus la
25 directrice de l'hôpital. Nous prenons le contrôle de l'hôpital, nous
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1 sommes venus ici pour aider la population en ville et à l'hôpital." On
2 nous a dit également qu'il fallait que nous comprenions, qu'il comprenait
3 qu'en tant que personnel médical nous avions le devoir de mener à bien nos
4 missions médicales en quelque endroit que ce soit, mais que si l'un
5 quelconque d'entre nous avait tiré contre un soldat de la JNA il en serait
6 responsable spécifiquement.
7 Question: Combien de temps a duré cette réunion?
8 Réponse: Il est difficile de le dire avec précision, mais je crois tout de
9 même que la réunion a duré au moins une heure.
10 Question: Et pendant que se déroulait cette réunion, est-ce que vous avez
11 remarqué de quelque chose inhabituelle dans l'hôpital?
12 Réponse: A un certain moment, je me suis éloigné du groupe de médecins et
13 d'infirmières qui participaient à cette réunion et je suis sortie de la
14 pièce. A ce moment-là j'ai remarqué que nos patients les moins gravement
15 atteints se dirigeaient vers l'entrée du service d'urgence chirurgicale
16 accompagnés d'un soldat.
17 Question: Quand finalement vous avez équité cette réunion, qu'est-ce que
18 vous avez observé dans l'hôpital?
19 Réponse: Dans l'hôpital il n'y avait pratiquement plus aucun patient,
20 pratiquement plus personne. Je parle bien des patients. Il n'en restait
21 qu'un nombre très limité. Dans la première partie de la salle où l'on
22 soignait les patients les plus graves.
23 Question: Et parmi ces patients qui étaient encore là, est-ce qu'il y
24 avait des hommes?
25 Réponse: Très peu d'hommes.
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1 Question: Et qu'est-il arrivé aux patients dont vous étiez vous-même
2 responsable?
3 Réponse: Lorsque je suis revenue après la réunion, je n'ai plus vu aucun
4 de mes patients. J'ai visité tous les endroits où il y avait des lits pour
5 vérifier si les dernières opérations de l'évacuation avaient été bien
6 menées à bien, je pensais toujours qu'il s'agissait d'une évacuation.
7 Question: Combien aviez-vous de patients sous votre responsabilité à ce
8 moment-là?
9 Réponse: 24.
10 Question: Y a-t-il eu un moment où vous avez rédigé une liste de ces
11 patients?
12 Réponse: Le 19 dans la soirée, lorsque j'ai rendu visite pour la dernière
13 fois à mes patients pour leur distribuer les médicaments qui leur seraient
14 nécessaires le lendemain pendant l'évacuation et pour les informer du fait
15 que nous resterions en permanence avec eux, qu'il n'y avait pas de raison
16 de s'inquiéteR. Autrement dit lors de mon dernier contact avec eux avant
17 l'évacuation, j'ai dressé la liste exacte des patients en indiquant leur
18 nom, leur prénom, les blessures dont ils étaient atteints et je leur
19 demandais également s'ils souhaitaient poursuivre leur traitement. Parce
20 qu'il y avait beaucoup de patients qui après leur passage dans notre
21 hôpital poursuivaient leur traitement ailleurs à Zagreb par exemple.
22 Question: J'aimerais maintenant vous montrer la pièce à conviction n°27.
23 Est-ce que vous êtes en mesure d'identifié ce document?
24 Réponse: Oui, je vois que c'est mon écriture et je puis dire que c'est
25 bien la liste que j'ai dressée moi-même celle dont je viens de parleR.
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1 Question: Est-ce que c'est un document original?
2 Réponse: Ce que j'ai entre les mains est une photocopie de ce document.
3 Question: Et est-ce qu'à votre avis c'est une photocopie fidèle de
4 l'original?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Combien de noms figurent sur cette liste?
7 Réponse:24.
8 Question: Pourriez-vous nous dire brièvement les renseignements qui
9 figurent à côté de chacun des noms de la liste?
10 Réponse: Donc il y a d'abord le nom et le prénom, la blessure dont le
11 patient est atteint, l'adresse du patient et le lieu où il souhaiterait
12 poursuivre son traitement. Tous ces patients avaient besoin d'un
13 traitement un peu particulier dans des centres anticancéreux en
14 particulier.
15 Question: Combien de patients sur cette liste étaient des hommes?
16 Réponse: Je crois qu'il y a le n°8 qui est une dame, Mme Zahora, Mme Ostro
17 Kata, et Mme Potkorski Janka, trois femmes sur la liste.
18 Question: Est-ce que ces patients étaient dans leur lit lorsque vous êtes
19 revenue de la réunion?
20 Réponse: Les hommes n'y étaient plus.
21 Question: Mes les trois femmes étaient encore là, encore dans leur lit?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Est-ce que toutes les personnes dont le nom figure sur la liste
24 étaient vraiment blessées?
25 Réponse: Je vous parlerai de deux patients. L'un d'entre eux a séjourné
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1 dans notre hôpital en août et septembre 1991 et il avait des troubles des
2 deux canaux auditifs. Au moment de l'évacuation, ce patient qui était le
3 mari de l'infirmière chef a été évacué. Elle m'a donc demandé de le faire
4 évacuer. Et puis il y a un autre monsieur le mari de Mme la Dr Zego, ma
5 collègue qui était également d'une certaine façon membre de l'équipe
6 médicale dont le nom figure sur la liste. Donc il y avait deux personnes
7 qui étaient des conjoints de membre de l'équipe médicale.
8 Question: Pourquoi est-ce que ces personnes ont demandé que leur nom
9 figure parmi les blessés?
10 R. Il est normal pour quiconque de s'occuper des membres de sa famille.
11 Moi dans une certaine mesure, je suis peut-être la cause de l'inclusion de
12 ces noms sur la liste des blessés. Cela vient peut-être de la peur de
13 l'inconnu ou du désir de protéger particulièrement ses proches, cela vient
14 sans doute aussi du fait qu'un patient en tant qu'être humain doit
15 toujours être protégé selon toutes les conventions du droit humanitaire.
16 Question: Est-ce qu'ils craignaient pour leur sécurité s'ils n'étaient pas
17 inclus au nombre des blessés?
18 Réponse: Nous avions tous peur.
19 Question: Est-ce que vous savez ce qui est arrivé à tous ces hommes qui
20 ont été emmenés de l'hôpital après avoir été sortis de leur lit. Je parle
21 de ces blessés?
22 Réponse: J'ai entendu parler du sort de certains qui ont atteint Zagreb et
23 ont poursuivi leur traitement. Mais un grand nombre d'entre eux figurent
24 sur la liste des personnes disparues. Je ne sais pas quel critère a été
25 utilisé pour qu'une partie de ces patients arrivent à Zagreb alors qu'une
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1 autre partie entre eux a en fait disparu.
2 Question: Est-ce que vous avez revu l'un quelconque de ces hommes au cours
3 de cette journée?
4 Réponse: Non.
5 Question: Quand on les a emmenés hors de l'hôpital où est-ce qu'ils ont
6 été emmenés?
7 Réponse: Moi, je n'ai pas quitté l'enceinte de l'hôpital, j'ai simplement
8 vu ces hommes aussi longtemps qu'on les a emmenés dans la cours. Après je
9 ne peux pas vous dire où on les a emmenés après.
10 Question: Par quelle porte du bâtiment ont-ils été sortis de l'hôpital?
11 Réponse: D'après ce que nous supposons et je ne peux pas affirmer que cela
12 a été exact, ils ne sont pas sortis par l'entrée principale de l'hôpital,
13 mais par l'entrée secondaire, l'entrée de service.
14 Question: Est-ce qu'au cours de la matinée vous avez rencontré des
15 observateurs internationaux de l'ECMM ou de la Croix Rouge internationale?
16 Réponse: Au cours de cette matinée pendant qu'a duré la réunion et que les
17 patients ont été emmenés hors de l'hôpital. Je suis sûre qu'il n'y avait
18 pas d'observateurs internationaux.
19 Question: Est-ce que vous avez rencontré des observateurs internationaux
20 plus tard?
21 Réponse: Je pense que c'est déjà pas mal de temps plus tard, lorsqu'après
22 des négociations, une décision avait été déjà prise au sujet de la
23 destination de chacun. Lorsque nous nous sommes réunis dans une partie de
24 l'hôpital après avoir exprimé le désir d'aller à Zagreb, je crois que
25 c'était plusieurs heures après.
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1 Question: Et à cette heure-là, cela faisait déjà pas mal de temps que tous
2 les hommes avaient été emmenés, n'est-ce pas?
3 Réponse: Oui, longtemps après.
4 Question: Dans le cours de la matinée du 20 alors que les gens étaient
5 évacués de l'hôpital. Est-ce que vous avez entendu des coups de feu ou des
6 explosions dans la zone?
7 Réponse: Le 20 nous n'avons plus entendu aucune explosion.
8 Question: Y a-t-il eu des coups de feu ou une indication quelconque
9 faisant penser à une poursuite des combats dans la zone de l'hôpital?
10 Réponse: Certainement, non.
11 Question: A quel moment à peu près, avez-vous quitté l'hôpital ce jour-là?
12 Réponse: Je pense que c'était autour de midi, mais je ne peux pas préciser
13 l'heure exacte.
14 Question: De quelle façon avez-vous été emmenés hors de l'hôpital?
15 Réponse: Après avoir donc décidé d'aller à Zagreb et en avoir reçu
16 l'autorisation, nous sommes restés une heure ou deux je dirais debout
17 devant le service d'urgence. C'est-à-dire à l'intérieur du bâtiment de
18 l'hôpital, à l'intérieur de l'enceinte de l'hôpital mais à l'air libre. Et
19 au bout d'une heure ou deux on nous a dit que des autocars nous
20 attendaient, nous sommes donc sortis de l'enceinte de l'hôpital et nous
21 sommes arrivés à l'endroit où se trouvait l'ancien palais de justice.
22 C'est là que se trouvaient les autocars et nous avons pénétré à
23 l'intérieur de ces autocars.
24 Question: Lorsque vous quittiez la ville de Vukovar, est-ce que vous avez
25 la possibilité d'observer ce qui s'était passé depuis trois mois dans la
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1 ville?
2 Réponse: La ville était méconnaissable. Un silence de mort régnait sur la
3 ville, on n'entendait plus rien même pas le chant d'un oiseau. C'était
4 vraiment une vision terrible, il ne restait plus que des ruines, des
5 murets qui ne ressemblaient plus du tout aux maisons à l'emplacement
6 desquels ils se trouvaient. Donc un très grand nombre de maisons
7 détruites, des troncs d'arbres qui jonchaient la route, beaucoup de
8 matériaux incendiés et dans le centre de la ville là où se trouvait
9 anciennement un grand magasin et nous l'avons vu à travers les fenêtres de
10 l'autocar, nous avons pu voir des corps humains allongés au bord de la
11 route.
12 Question: Ces gens vous donnaient l'impression d'être morts?
13 Réponse: Oui, d'après la position du corps il était évident qu'ils étaient
14 morts.
15 Question: Est-ce que vous avez pu les voir suffisamment bien pour
16 déterminer s'ils avaient été tués récemment ou s'ils étaient allongés là
17 depuis longtemps?
18 Réponse: Oui, on les voyait suffisamment bien et je dirai avec certitude
19 que c'étaient des cadavres qui n'avaient pas passé longtemps dans cette
20 position et dans cet endroit. J'ai eu l'impression bien que ce soit peut-
21 être difficile à dire que c'étaient des gens qui étaient morts depuis
22 quelques heures. Je ne pourrais peut-être pas dire exactement depuis
23 combien d'heure, mais en tout cas cela ne faisait pas très longtemps.
24 M. Williamson (interprétation): Madame et Messieurs les Juges, je voudrais
25 rendre la pièce à conviction 27 au Tribunal et je n'ai plus de questions à
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1 adresser au témoin.
2 M. le Président: Je me tourne d'abord à mes collègues. Madame la Juge,
3 avez-vous des questions. Madame la Juge?
4 Mme Odio Benito (interprétation): Docteur, savez-vous pourquoi le Major
5 Sljivancanin a parlé de libération de la ville et de l'hôpital. Libération
6 de qui? Quelle était la situation en vigueur? Ce terme sonne bizarrement
7 le terme de libération dans une telle situation. Est-ce que vous savez
8 pourquoi il l'a utilisé?
9 Mme Stiber (interprétation): Ca c'est la façon dont eux voyaient les
10 choses. Dans les médias pour autant que nous pouvions en avoir
11 connaissance parce que les conditions étaient difficiles. La JNA ne
12 s'essaie de parler de libération de la ville or nous ne demandions aucune
13 libération puisque nous étions chez nous dans notre ville. Nous n'avions
14 pas besoin que quiconque vienne nous libérer. Nous souhaitions simplement
15 vivre normalement. Normalement d'après nos critères c'est-à-dire avec nos
16 proches, avec nos voisins. Nous n'avions pas besoin d'être libérés de quoi
17 que ce soit.
18 Mme Odio Benito (interprétation): Merci.
19 M. Riad (interprétation): Docteur Striber, vous nous avez dit que des
20 foules importantes essayaient de trouver refuge dans l'enceinte de
21 l'hôpital car elles avaient peurs et pensaient que l'hôpital garantirait
22 leur sécurité. Est-ce que certaines de ces personnes ou une majorité
23 d'entre elles étaient des résistants ou s'agissait-il simplement d'une
24 foule d'habitants de Vukovar? Et est-ce qu'il y avait des combattants, des
25 résistants parmi ces personnes qui ont cherché refuge à l'intérieur de
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1 l'hôpital?
2 Mme Striber (interprétation): Croyez-moi au moment où j'ai vu les gens qui
3 essayaient de rentrer dans l'hôpital je peux vous affirmer que c'étaient
4 des gens du commun, des habitants de la ville, des personnes âgées, des
5 enfants qui essayaient de rentrer dans l'hôpital. Donc des civils qui
6 cherchaient à sauver leur vie. Mais je vous demanderais, s'il vous plaît,
7 de répéter la dernière partie de votre question?
8 Question: J'ai compris votre réponse. Est-ce que certains de vos patients
9 comptaient au nombre des résistants ou avaient été combattants avant
10 d'être admis à l'hôpital. Vous nous avez dit que lorsque vous étiez
11 revenue dans les salles de l'hôpital vous ne voyez plus d'hommes dans les
12 lits. Est-ce qu'il s'agissait de patients normaux, simples ou de
13 combattants qui avaient reçu des soins à l'hôpital?
14 Réponse: Au moment de l'accueil d'un patient à l'hôpital je considère
15 chacun comme un patient. Je ne les distingue pas en différente catégorie
16 pour moi il s'agit en tout état de cause d'un patient indépendamment des
17 activités que je ne connais pas et que je ne veux pas connaître. Des
18 activités antérieures à leur entrée à l'hôpital.
19 Question: Est-ce que vous avez eu le moindre contact avec Sljivancanin? Et
20 comment est-ce que vous jugez son attitude dans l'hôpital et sa fonction.
21 Est-ce qu'il était la personne responsable de l'hôpital où est-ce qu'il y
22 avait un directeur de l'hôpital avec Sljivancanin qui assisté ce
23 directeur?
24 Réponse: Je n'ai pas eu de contact personnel direct avec lui hormis
25 lorsque j'ai participé à cette réunion. Mais de toute évidence, il se
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1 présentait à nous comme la personne qui reprenait le contrôle de
2 l'hôpital. C'est comme ça qu'il s'est présenté, il nous a dit qu'il était
3 désormais la personne qui s'occuperait de tout ce qui se passerait à
4 l'intérieur de l'hôpital et de toutes les personnes qui travaillaient ou
5 résidaient dans cet hôpital. C'est l'impression que j'ai eu en tout cas.
6 Question: Donc après votre évaluation vous estimez que tout ce qui se
7 passait dans l'hôpital était placé sous l'autorité de Sljivancanin?
8 Réponse: C'est très possible.
9 M. Riad (interprétation): Merci beaucoup.
10 M. le Président: Docteur, les malades au moment de l'évacuation ont-ils
11 été brutalisés?
12 Mme Striber (interprétation): Je ne puis pas répondre à votre question
13 pour ce qui concerne la période de l'évacuation. Pendant cette évacuation,
14 je ne pourrais pas dire que qui que ce soit a été brutalisé. En tout cas
15 je n'ai pas vu qui que ce soit se faire brutaliser.
16 Question: (Hors micro.)
17 Réponse: D'après ce que je sais sur la base des éléments de preuve dont
18 nous disposons, je citerai le chiffre de 1200, 1300 mais je ne peux pas
19 l'affirmer avec certitude. Donc 1200, 1300 personnes disparues pendant les
20 combats. Et je crois que dans ce nombre ne figure que les personnes
21 considérées comme disparues à l'exception des personnes tombées au combat.
22 Mais moi, je n'ai de preuve que pour que pour les gens qui sont passés par
23 l'hôpital. Autrement dit pour les gens qui sont morts à l'hôpital. Mais je
24 sais avec certitude qu'après un tel pilonnage de la ville, le nombre de
25 morts dans la ville a dû être très important. Beaucoup de civils sont
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1 restés dans des abris, dans les sous-sols de leur ville ou dans les sous-
2 sols de leur maison ou dans les sous-sols des ruines de leur maison.
3 Question: Et vous avez l'air de dire que le nombre de disparus dans
4 l'hôpital seraient autour de 1200. Vous dites je ne connais que le chiffre
5 de 1200. Ce chiffre, c'est quoi? Il est composé comment? Excusez-moi de
6 cette comptabilité qui paraît dramatique, mais pour le Tribunal c'est
7 important.
8 Réponse: Peut-être que je me suis pas fait bien comprendre. Dans l'hôpital
9 nous avons essayé de compter les personnes qui ont disparu et nous dirions
10 que ce nombre et de 300. Mais lorsque j'ai parlé de 1200 ou de 1300 je
11 parle du nombre total de disparus de Vukovar, peut-être n'ai-je pas été
12 assez précise dans ma réponse.
13 Question: (Hors micro.)
14 Réponse: Je ne crois pas être en mesure de vous répondre car j'ai quitté
15 Vukovar avec un convoi et cela fait 5 ans que je n'y suis plus. J'ai vu
16 bien sûr des photographies, des documents officiels transmis à la
17 télévision et dans les médias. C'était une ville qui était très belle et
18 cette ville n'existe plus.
19 M. le Président: Le Tribunal vous remercie et vous souhaite le retour le
20 plus calme et le plus serein possible après ces événements que vous avez
21 vécus. Et le Tribunal vous remercie une fois encore. Je demande à Monsieur
22 le Greffier de prendre toute les dispositions pour que la protection du
23 témoin soit assurée, d'abord visuellement.
24 Mme Striber (interprétation): Merci à vous également et je vous remercie
25 des voeux que vous venez de formuler. Nous avons tous envie de rentrer
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1 dans notre ville, nous avons encore envie de rentrer dans cette ville pour
2 y vivre en paix en dépit du grand nombre de morts et des souffrances très
3 importantes que nous avons subies. Nous espérons que cela ne se reproduira
4 jamais et ce que nous pouvons souhaiter de mieux c'est que règne la paix.
5 M. le Président: Merci Madame. Monsieur l'huissier vous pouvez
6 raccompagner le témoin.
7 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
8 Monsieur le Procureur, nous reprendrons les audiences demain matin à 9
9 heures, pour la suite des auditions des témoins dont vous avez demandé le
10 passage et l'audition au Tribunal. Donc l'audience est suspendue, elle
11 reprendra demain matin à 9 heures. L'audience est levée.
12 (L'audience est levée.)
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