Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Audience du 28 mars 1996.)

2 (Audience publique.)

3 (Questions relatives à la procédure.)

4 M. le Président: L'audience est ouverte. D'abord sur le plan de

5 l'interprétation et sur le plan des écoutes mutuelles et respectives, est-

6 ce que tout va?

7 Monsieur le Procureur, m'entendez vous? Monsieur le greffier m'entendez-

8 vous? Les cabines s'entendent entre elles? Les collègues entendent? Les

9 assistants entendent?

10 Bien, l'audience peu commencer peu débuter. Monsieur le Procureur vous

11 avez la parole.

12 M.Williamson (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Avant que

13 d'appeler le premier témoin, il y a une question préliminaire brève.

14 J'aimerais maintenant présenter la pièce 15 à 22 qui sont les cartes

15 informatiques que nous avons vues le premier jour. Nous en avons

16 maintenant des copies imprimées et je vais maintenant les verser au

17 dossier.

18 Maintenant nous sommes prêts à produire le premier témoin, le docteur M.

19 Schou.

20 M. le Président: Quel est son nom?

21 M. Williamson (interprétation): Monsieur Jan Schou.

22 (Le témoin, M. Jan Schou, est introduit dans le prétoire.)

23 (Interrogatoire principal de M. Jan Schou par M. Williamson.)

24 M. le Président: Vous pouvez rester une seconde. Non, vous pouvez vous

25 lever Docteur Schou. Monsieur L'huissier, vous pouvez faire lever d'abord

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1 le témoin, s'il vous plaît?

2 Docteur, pouvez-vous vous lever, s'il vous plaît? Docteur, si vous pouvez

3 d'abord vous lever d'accord, vous présenter au Tribunal: votre nom, votre

4 prénom.

5 M. Schou (interprétation): Monsieur Schou.

6 M. Le Président: Merci et vous avez lire la déclaration que va vous tendre

7 l'huissier. Asseyez-vous, je n'ai pas reçu la traduction. Mais je...

8 M.Schou (interprétation): Je déclare solennellement…

9 M.le Président: Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

10 M. Williamson (interprétation): Docteur Schou, vous avez indiqué que vous

11 êtes médecin, c'est cela?

12 M. Schou (interprétation): Médecin, oui.

13 Question: Depuis combien de temps?

14 Réponse: 10 ans.

15 Question: Est-ce que vous avez une spécialisation?

16 Réponse: Oui. Je suis chirurgien et gynécologue. Question: Est-ce que vous

17 avez passé quelques temps dans l'armée danoise?

18 Réponse: Oui, j'ai une formation de réserviste. Question: Et combien de

19 temps avez-vous été au service actif?

20 Réponse: Depuis 1974.

21 Question: Au début de 1991, où vous trouviez-vous?

22 Réponse: Je travaillais dans un hôpital, à Jutland.

23 Question: C'est à dire au Danemark?

24 Réponse: Oui.

25 Question: En 1991, est-ce que vous avez pris part à une mission

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1 d'observation de l'ECMM?

2 Réponse: Oui, on m'a demandé à l'hôpital. Les militaires danois m'ont

3 demandé de me rendre en Yougoslavie.

4 Question: Et quand est-ce que s'est intervenu? Est-ce que vous vous en

5 souvenez?

6 Réponse: Eh bien, c'était…un instant. Le 10 octobre 1991, c'était un

7 mardi.

8 Question: Et quelles étaient les circonstances dans lesquelles vous vous

9 êtes rendu pour travailler pour l'ECMM?

10 Qu'est-ce que les militaires danois vous ont demandé de faire?

11 Réponse: Il fallait une personne militairedonc qui soit également un

12 médecin, pas un médecin militaire mais un militaire qui était également

13 médecin.

14 Question: Est-ce que vous vous êtes rendu en ex Yougoslavie?

15 Réponse: Oui, effectivement je m'y suis rendu le 15.

16 Question: Et où avez-vous été?

17 Réponse: Je me suis rendu à Zagreb.

18 Question: Et lorsque vous êtes arrivé à Zagreb, est-ce qu'on vous a donné

19 une mission particulière, l'ECMM vous a affecté une mission particulière?

20 Réponse: Je ne comprends pas la question.

21 Question: Qu'est-ce que l'ECMM vous a demandé de faire lorsque vous êtes

22 arrivé à Zagreb?

23 Réponse: Ils m'ont demandé d'être le médecin de l'ECMM et d'être le

24 médecin en ce qui concerne les Droits de l'homme, des blessés etc.

25 Question: Est-ce que vous avez participé à un convoi de secours qui se

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1 rendait à Vukovar? Réponse: Oui.

2 Question: Et quand est-ce que ce convoi est parti de Zagreb?

3 Réponse: Eh bien, je crois que c'était le vendredi, le 18 je crois.

4 Question: Combien de temps vous a-t-il fallu pour arriver à Vukovar?

5 Réponse: Un jour. Pour arriver devant Vukovar un jour jusqu'à la

6 frontière. Nous sommes restés là et le lendemain matin à 06 heures, nous

7 avons commencé l'évacuation pour traverser la frontière avec Médecins Sans

8 Frontières.

9 Question: Est-ce que les combats se poursuivaient à l'époque à Vukovar?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Donc ce n'était pas la chute de la ville mais c'était un mois

12 avant la chute de la ville, n'est-ce pas?

13 Réponse: Oui, oui un mois.

14 Question: Et qu'est-ce que vous avez vu quand vous êtes arrivé à Vukovar?

15 Réponse: J'ai vu une ville détruite avec pilonnage intense de la ville et

16 la plupart des bâtiments étaient endommagés. Mais nous ne sommes allés

17 qu'à l'hôpital. Nous ne sommes pas restés dans la ville, nous nous sommes

18 dirigés directement vers l'hôpital.

19 Question: Lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital, quelle était la situation

20 à l'époque?

21 Réponse: L'hôpital était l'un des bâtiments les plus endommagés. Ce

22 n'était que la cave qu'on pouvait utiliser, tout le reste avait été

23 complètement détruit.

24 Question: Et en tout, combien de temps êtes-vous resté à l'hôpital ce

25 jour-là?

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1 Réponse: Eh bien, je crois que nous sommes arrivés à 10 heures et nous

2 sommes partis avec les blessés vers 15 heures.

3 Question: Combien de malades selon vous, se trouvaient à l'hôpital à

4 l'époque?

5 Réponse: Si on ne parle que de malades, je crois qu'il y avait environ 200

6 malades.

7 Question: Et combien de malades avez-vous été en mesure de faire sortir

8 dans le convoi?

9 Réponse: 107, 104 peut-être. Des blessés les plus lourds.

10 Question: Est-ce que vous avez été en mesure de voir les conditions de

11 travail pour les médecins à l'époque, et du personnel hospitalier?

12 Réponse: Oui, effectivement. Ils faisaient un excellent travail avec les

13 quelques moyens dont ils disposaient.

14 Question: Est-ce qu'ils avaient suffisamment de médicaments, de

15 pansements?

16 Réponse: Non, ils n'avaient rien, il leur fallait utiliser encore une fois

17 les mêmes fournitures, laver les bandages etc, et les réutiliser.

18 Question: Après que vous ayez été en mesure de faire sortir donc les

19 malades pour retourner à Zagreb dans le convoi, est-ce que vous avez suivi

20 le même itinéraire que celui que vous avez suivi en entrant à Vukovar?

21 Réponse: Pour arriver à Vukovar, nous avions changé d'itinéraire en raison

22 des Croates qui nous avaient dit que c'était un meilleur itinéraire. Nous

23 sommes arrivés à l'hôpital, mais en partant nous avons essayé de reprendre

24 le même itinéraire, le même trajet mais il a dû y avoir quelque chose pour

25 la bonne raison qu'il y avait un fil sur la route, un fil de fer et nous

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1 n'avons pas été attaqués par la suite mais la JNA nous a arrêtés.

2 Question: Et de fait un char de la JNA vous a arrêté?

3 Réponse: Oui, effectivement. J'étais dans la voiture qui dirigeait le

4 convoi.

5 Question: Et d'ailleurs le canon était dirigé sur votre voiture?

6 Réponse: Oui, effectivement, nous avons sauté de la voiture.

7 Question: Quel était l'officier de la JNA qui était le commandant de ce

8 blocus en quelque sorte?

9 Réponse: Nous pensons qu'il s'agissait d'un colonel, je crois qu'il était

10 colonel à l'époque. J'ai entendu dire que son nom était Sljivancanin.

11 Question: Et qu'est-ce qu'il vous a dit de faire? Réponse: Il avait

12 organisé une conférence de presse en haut de la colline où nous nous

13 sommes arrêtés, il y avait la télévision qui était là de Belgrade, ITV, et

14 je crois qu'il y avait trois ou quatre chaînes de télévision différentes

15 qui étaient représentées par les équipes, ici en haut de la colline. Et il

16 a tenu une conférence de presse où il a déclaré que nous ne suivions pas

17 l'accord, que nous ne le respections pas, que non seulement nous avions

18 emmené des blessés mais également des soldats, que nous emenions avec nous

19 des soldats.

20 Question: Est-ce que qu'il vous a donné des instructions quant à ce que

21 vous deviez faire à partir de là?

22 Réponse: Oui, il a déclaré que nous devrions suivre l'itinéraire et

23 l'accord de départ pour nous rendre à la ville suivante et que nous

24 n'avions pas suivi en arrivant parce que les Croates nous avaient dit

25 qu'il y avait des mines? Question: Est-ce que vous lui aviez dit que vous

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1 vous inquiétiez de ce fait, que la route pourrait être minée?

2 Réponse: Oui, effectivement, nous avons déclaré qu'on nous avait dit qu'il

3 y avait des mines sur la route, et que nous ne voulions pas passer sur la

4 même route, mais il a dit que nous ne pourrions pas prendre un autre

5 trajet.

6 Question: De fait, est-ce que vous avez bien pris la route que le major

7 Sljivancanin vous a indiquée?

8 Réponse: Oui, effectivement.

9 Question: Et quel en a été le résultat?

10 Réponse: Le résultat en a été que la quatrième voiture a sauté sur une

11 mine sur la route. Et l'explosion, deux infirmières, deux suisses ont été

12 éjectées de la voiture au sol. Moi-même et les autres collaborateurs de

13 Médecins Sans Frontières, nous avons dû les soigner et à ce moment-là nous

14 avons également été aidés par la JNA, avec des hélicoptères, afin de

15 pouvoir donc évacuer les deux infirmières à Belgrade.

16 Question: Est-ce que ces deux infirmières ont survécu à l'explosion?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Est-ce qu'elles ont été gravement blessées?

19 Réponse: A ce moment-là, nous n'avons pas vu s'il s'agissait de blessures

20 graves. Nous avons vu qu'il y avait une jambe cassée, il y avait

21 saignement des oreilles également. Mais par la suite, on m'a dit qu'elles

22 avaient perdu leur capacité d'audition, donc l'ouïe.

23 Question: Et ceci s'est passé sur la route que Sljivancanin vous avait

24 indiquée. Avez-vous revu le commandant Sljivancanin après l'explosion?

25 Réponse: Non.

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1 Question: En novembre, on vous a demandé de retourner à Vukovar de

2 nouveau?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Quelle était la raison de ce voyage-là? Réponse: La raison était

5 que j'étais à Zagreb à l'époque, et nous avons négocié avec le général

6 Raseta en ce qui concerne l'évacuation de Vukovar une fois de plus. Nous

7 avons également entendu dire que Vukovar était presque tombée. Je me suis

8 rendu à Belgrade avec le chef de mission et à partir de Belgrade, nous

9 avons tenté d'agencer avec la Croix Rouge l'évacuation des blessés. Mais

10 nous n'avons pas pu réussir pour la bonne raison que la ville était

11 presque tombée, donc il était impossible d'y arriver.

12 Question: Mais est-ce que vous vous êtes rendu en fin de compte à Vukovar?

13 Réponse: Oui, effectivement.

14 Question: Et avec qui vous y êtes vous rendu? Réponse: J'y suis allé avec

15 deux équipes de la CE et moi-même donc, sous le commandement, pour le

16 commandement de cette évacuation ou de cette observation si vous voulez,

17 et nous avions deux officiers des secours du siège militaire de Belgrade.

18 Question: Et à quelle date êtes-vous arrivés dans la région de Vukovar?

19 Réponse: Nous sommes arrivés le 19 novembre, le matin. Au matin nous

20 sommes arrivés dans la région de Vukovar, mais on ne nous a pas permis de

21 nous rendre à Vukovar. Nous étions près d'une ville dénommée Sid et nous y

22 sommes restés pendant 4 ou 5 heures. Nous avons attendu d'avoir

23 l'autorisation de nous rendre dans la zone en question et nous nous y

24 sommes rendus le soir. Question: Est-ce que vous avez été à Negoslavici?

25 Réponse: Oui, nous nous sommes rendus à Negoslavici, à l'état-major

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1 militaire de la région.

2 Question: Et qui avez-vous rencontré à Negoslavici?

3 Question: Nous avons rencontré Sljivancanin de nouveau mais à ce moment-là

4 il était déjà major, donc commandant, alors que quand je l'avais rencontré

5 plus tôt, il était colonel.

6 Question: Est-ce que vous lui avez dit, vous lui avez fait remarquer la

7 chose?

8 Réponse: Non, il a dit non, j'ai toujours été commandant.

9 Question: Quelle était votre impression de M. Sljivancanin quant à ses

10 actions, quant à ses actions militaires?

11 Réponse: Je crois que c'est un officier politique. Pourquoi le penser?

12 Pour la bonne raison que j'ai fait du renseignement dans l'armée danoise

13 et il portait un uniforme neuf, flambant neuf et tous les autres, y

14 compris les généraux et autres, avaient des vêtements que l'on voyait

15 avaient déjà été portés. On voyait des signes d'exposition au soleil,

16 salis. Mais lui, il avait un uniforme flambant neuf, et même s'il

17 s'adressait à des officiers supérieurs, je ressentais, je sentais que

18 c'était lui qui avait la maîtrise des événements, même s'il n'était qu'un

19 commandant. Question: Est-ce que le colonel Mrksic était également

20 présent?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Est-ce que vous-même et vos collègues de l'ECMM avez essayé de

23 rejoindre l'hôpital de Vukovar ce jour-là, le 19?

24 Réponse: Le 19, nous avons essayé de nous rendre à Vukovar parce que nous

25 avions entendu parler de la prise de l'hôpital, ou en tout cas de la prise

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1 prochaine de l'hôpital. Donc nous voulions nous y rendre.

2 Nous avons à ce moment-là tenté de parler au Docteur Bosanac par téléphone

3 à Vukovar, nous l'avons eue au téléphone et elle était pratiquement en

4 larmes. Elle nous disait: "Venez le plus vite possible, parce qu'il se

5 passe des choses horribles dans l'hôpital!".

6 Question: Est-ce que vous avez réussi à rejoindre l'hôpital le 19?

7 Réponse: Non. Le major Sljivancanin nous a dit que nous n'avions pas le

8 droit de nous rendre à l'hôpital pour notre sécurité. Mais en même temps

9 la Croix Rouge nous a dit qu'elle était arrivée à l'hôpital sans problème

10 et qu'elle avait été repoussée par des soldats à l'entrée de l'hôpital. Le

11 major Sljivancanin me semble-t-il est allé lui même à l'hôpital pour

12 empêcher l'entrée des gens de la Croix Rouge parce que ce soir-là il a dit

13 qu'il ne pouvait avoir confiance dans les gens de la Croix Rouge puisque

14 qu'ils ne respectaient aucun accord.

15 Question: Donc les gens de la Croix Rouge sont arrivés en toute sécurité à

16 l'hôpital le 19 mais ont été repoussés par le major Sljivancanin? Réponse:

17 Oui. Et nous avons également entendu le major Sljivancanin dire, le même

18 soir, qu'ils avaient repris le contrôle de l'hôpital dont ils avaient fait

19 sortir le Docteur Bosanac et quelques autres "Ustashi".

20 Question: Au cours de la soirée du 19, est-ce que des dispositions ont été

21 prises pour vous permettre de rentrer le lendemain dans l'hôpital?

22 Réponse: Oui, il a été décidé que j'aurais l'autorisation d'entrer dans

23 l'hôpital le lendemain matin avec mon interprète Peter Kypr mais nous

24 serions les deux seuls à pouvoir rentrer.

25 Question: Alors le lendemain matin, le 20 novembre, est-ce que votre

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1 équipe a tenté de se rendre à l'hôpital?

2 Réponse: Oui. Nous avons été accompagnés par des agents de police

3 militaire. Nous avons traversé la rivière Vuka. A ce moment-là, on nous a

4 arrêtés et nous avons été arrêtés pendant deux ou trois heures.

5 Question: Qui est-ce qui vous a arrêtés après la traversée, avant la

6 traversée du pont sur la rivière?

7 Réponse: Physiquement, c'était un char…non, pas un char, comment est-ce

8 que vous appelez cela? Un transport de troupes, un transport de troupes,

9 un blindé qui se trouvait sur le pont et le major Sljivancanin y était

10 également.

11 Question: A peu près à quelle heure du matin est-ce que vous êtes arrivés

12 à ce pont, si vous vous souvenez bien?

13 Réponse: Je crois qu'il devait être 9 heures du matin.

14 Question: Donc relativement tôt le matin du 20 novembre?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Qu'est-ce que le major Sljivancanin vous a dit à ce moment-là?

17 Réponse: Il nous a dit que pour des raisons de sécurité nous ne devrions

18 pas aller à l'hôpital. Il fallait qu'il nettoie la route avant de nous

19 permettre de l'utiliser.

20 Question: Est-ce qu'il vous a indiqué quelle était la nature du danger?

21 Réponse: Le danger résidait dans le fait qu'il y avait encore des combats

22 et qu'il risquait d'y avoir des snipers.

23 Question: Est-ce que vous pouviez voir ce qui se passait dans la direction

24 de l'hôpital à partir de l'endroit où vous vous trouviez sur le pont?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Est-ce que vous avez vu des combats? Réponse: Non.

2 Question: Est-ce que vous avez vu des gens marcher dans la rue?

3 Réponse: Oui, des soldats serbes.

4 Question: Est-ce que l'un quelconque d'entre eux avait l'air de prendre

5 des mesures de défense ou de s'abriter par inquiétude en raison de la

6 présence de snipers?

7 Réponse: Non.

8 Question: Est-ce que vous avez entendu des coups de feu?

9 Réponse: Quelques coups de feu. Et puis il faut dire qu'il y avait des

10 soldats qui tiraient en l'air simplement pour s'amuser. Et la plupart de

11 ces soldats, je les appellerai des Chetnik, ils étaient ivres. Ils

12 fêtaient en fait la prise de la ville.

13 Question: Donc les seuls coups de feu que vous avez entendus, semblaient

14 avoir pour but de fêter l'événement?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Et il y avait…La distance était relativement courte entre le

17 pont et l'hôpital, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui, 1,5 kilomètre, 2 kilomètres, quelque chose comme cela.

19 Question: Est-ce que vous étiez présent lorsque le représentant de la

20 Croix Rouge a essayé de passer le contrôle du major Sljivancanin?

21 Réponse: Oui, j'y étais à ce moment-là.

22 Question: Qu'est-ce que qu'il s'est passé? Réponse: Le membre de la Croix

23 Rouge, le représentant de la Croix Rouge a commencé à crier. Il s'est

24 fâché contre le major Sljivancanin, ils ont crié tous les deux.

25 Question: Mais le major Sljivancanin a refusé de le laisser passer.

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1 Réponse: Oui, il a refusé. Il a dit également au représentant de la Croix

2 Rouge que j'étais, moi, le responsable de l'évacuation et que la Croix

3 Rouge était sous mon commandement.

4 Question: Est-ce que finalement vous avez réussi à passer et est-ce que

5 vous avez pu rejoindre l'hôpital?

6 Réponse: Oui, au bout de deux heures environ, oui.

7 Question: Eh bien, à ce stade je voudrais montrer au témoin un passage

8 d'une vidéo qui est tirée de la pièce à conviction déjà enregistrée sous

9 le numéro 23.

10 (Diffusion d'une cassette vidéo.)

11 Est-ce que vous reconnaissez cet endroit? Vous voyez l'image?

12 Réponse: Non, je n'ai pas d'image.

13 Question: Bien, alors on arrête la transmission et on revient en arrière.

14 Réponse: Je ne vois rien sur mon écran.

15 Question: Vous pouvez démarrer la vidéo maintenant?

16 Réponse: Oui, maintenant je vois quelque chose sur l'écran. Je vois

17 effectivement le pont.

18 Question: Il s'agit bien du pont sur la rivière Vuka où vous avez été

19 arrêté?

20 Réponse: Oui, ça c'est l'arrivée du représentant de la Croix Rouge, du

21 chef de la Croix Rouge et bien sûr le major Sljivancanin.

22 Question: C'est le nouvel uniforme dont vous parliez qui est différent de

23 celui que portent les hommes autour de lui?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Qu'est-ce qu'il se passe juste maintenant à l'écran?

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1 Réponse: Ils sont en train de discuter ou plutôt de se disputer. Le

2 représentant de la Croix Rouge dit: "Pourquoi est-ce qu'on ne nous laisse

3 pas passer, on peut aller partout sauf ici!"

4 Question: Et il proteste contre le fait qu'on l'empêche de passer alors

5 que les gens circulent librement et qu'apparemment il n'y a pas de

6 problème dans la rue?

7 Réponse: Oui, c'est cela.

8 Question: Et pourtant le major Sljivancanin refuse toujours le passage?

9 Réponse: Oui. Et comme vous le voyez toujours à l'écran, il n'y a pas de

10 combat. Vous voyez que tout le monde circule tranquillement dans le coin

11 et qu'il n'y a pas de snipers.

12 Question: Si vous étiez dans une situation de combat -je fais appel à

13 votre expérience militaire- s'il y avait des snipers, des combattants,

14 est-ce que vous circuleriez tête nue ou avec un casque?

15 Réponse: Je pense que je porterais des vêtements…peut-être pas un casque

16 parce que le casque à mon avis n'est d'aucune aide mais une veste

17 particulière, une veste de combat. Je crois que c'est à ce moment-là que

18 le major Sljivancanin dit qu'il commande. En fait nous nous n'avions qu'un

19 seul droit, celui de regarder.

20 Question: Oui, où est-ce que vous vous trouviez à cet instant?

21 Réponse: Nous nous trouvions à gauche de la voiture de la Croix Rouge.

22 Question: Est-ce là votre véhicule?

23 Réponse: Non, ce n'est pas mon véhicule. Je ne suis pas sûr.

24 Question: Est-ce que c'est vous là?

25 Réponse: Oui, et Peter.

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1 Question: Et ça, c'est quand vous entrez à l'hôpital, n'est-ce pas?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Et là, c'est vous à gauche?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Qu'est-ce qu'il se passe à ce moment-là?

6 Réponse: C'est le moment où il déclare que je suis le seul à pouvoir

7 prendre des décisions, ou il dit qu'il est le seul à pouvoir prendre les

8 décisions et que l'évacuation se mènera sous son commandement que nous

9 n'avons que le droit de regarder et de suivre les ordres.

10 Question: Je voudrais simplement qu'il identifie simplement un autre

11 élément très brièvement.

12 M. le Président: (Pas d'enregistrement de l'intervention du Président.)

13 M. Williamson (interprétation): Merci Monsieur le Président. Est-ce que

14 vous reconnaissez ce lieu montré à la vidéo?

15 M. Schou (interprétation): Oui c'est le quartier général à Negoslavici.

16 Question: Qui est l'homme en uniforme militaire à côté de Cyrus Vance?

17 Réponse: C'est le colonel, le chef des opérations dans la région.

18 Question: S'agit-il du colonel Mrksic?

19 Réponse: Oui, vous m'avez dit son nom, mais moi je le reconnais.

20 Question: Voilà. C'est tout ce qu'on avait besoin de voir à la vidéo. Je

21 vous remercie.

22 Lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital, qu'est-ce que vous y avez vu?

23 Réponse: J'ai vu qu'il y avait des Chetniks, qu'ils circulaient dans

24 l'hôpital. Il y avait aussi des blessés. Certains des Chetniks frappaient

25 les blessés avec leur fusil et à coup de botte. Il n'y avait que des…les

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1 seuls hommes qui s'y trouvaient étaient des hommes grièvement blessés,

2 promis sans doute à une mort prochaine. Et puis il y avait aussi des

3 hommes âgés, des enfants et bien sûr des femmes.

4 Question: Est-ce que vous avez vu des hommes en âge de combattre ou

5 légèrement blessés dans l'hôpital?

6 Réponse: Il y avait des hommes en âge de combattre, mais grièvement

7 blessés.

8 Question: Mais il n'y en avait pas de légèrement blessés?

9 Réponse: Non. La Croix Rouge a dressé une liste pour demander aux gens

10 s'ils voulaient aller en Croatie ou en Serbie après l'évacuation. Certains

11 ont exprimé le désir d'aller en Serbie et c'étaient des hommes que je

12 dirai d'âge moyen.

13 Question: Est-ce que vous avez vu des hommes semblant avoir été blessés

14 récemment?

15 Réponse: Récemment?

16 Question: Blessés depuis deux ou trois jours, disons?

17 Réponse: Non, tous les blessés de l'hôpital avaient été blessés au moins

18 une semaine avant.

19 Question: Est-ce que vous avez pensé que c'était inhabituel étant donné

20 les combats, les combats qui avaient ravagé la ville? Selon le major

21 Sljivancanin, les combats duraient encore une heure avant?

22 Réponse: Oui, s'il y avait eu des combats aussi récents, il aurait dû y

23 avoir des blessés datant d'un jour ou deux, effectivement.

24 Question: Pendant la journée, est-ce que vous-même ou Peter Kypr avez reçu

25 des informations sur le sort qu'avaient subi les patients, les hommes

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1 blessés?

2 Réponse: Nous avons simplement entendu que le Docteur Bosanac et des

3 Oustachis avaient dû sortir de l'hôpital la nuit précédente.

4 Question: Est-ce que vous savez ce qui est arrivé aux autres patients

5 hommes?

6 Réponse: Non.

7 Question: Est-ce que finalement vous avez réussi à évacuer certains des

8 patients de l'hôpital? Réponse: Oui, une unité médicale de la JNA a

9 procédé à l'évacuation de certains des blessés. Le 20 et le 21.

10 Question: Où ont été dirigés ces blessés?

11 Réponse: Ils ont été dirigés sur une infirmerie militaire, dans une ville

12 dont je ne me souviens pas du nom.

13 Question: Une ville en Serbie?

14 Réponse: Oui, une ville en Serbie près de la frontière bosniaque.

15 Question: Sremska Mitrovica?

16 Réponse: Oui, c'est cela.

17 Question: Et à partir de là, où est-ce qu'ont été emmenés les patients?

18 Réponse: A partir de là, le lendemain, les patients ont été emmenés à

19 Bronk si je ne m'abuse, en Bosnie, juste de l'autre côté de la frontière.

20 A partir de cet endroit, il était prévu d'emmener, de transférer les

21 patients d'un véhicule serbe à un véhicule croate. En cet endroit, nous

22 avons dû affronter une violence importante de la part de la population

23 locale et donc nous avons changé nos plans.

24 Question: Et la violence provenait des serbes locaux, n'est-ce pas?

25 Réponse: Oui, des serbes locaux dans ce village bosniaque. Ils ont attaqué

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1 y compris les gens de la communauté européenne.

2 Question: Est-ce que des membres de la police ou de l'armée étaient

3 présents à ce moment-là? Réponse: Non.

4 Question: Est-ce que le convoi a finalement réussi à arriver à Zagreb sans

5 encombre?

6 Réponse: Non, pas à Zagreb. Le convoi a traversé la Bosnie vers Vinkovci

7 ou quelque chose comme ça, à un endroit où il était prévu que nous devions

8 aller. Et à ce moment-là les blessés ont été repris par d'autres et nous

9 sommes rentrés à Zagreb.

10 M. Williamson (interprétation): Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur

11 le Président.

12 M. le Président: Merci, Monsieur le Procureur. Madame le Juge, avez-vous

13 des questions.

14 (Questions de Madame le Juge Odio-Benito au témoin, M. Jan Schou.)

15 Mme Odio-Benito (interprétation): Juste une question brève. Docteur, est-

16 ce que vous pouvez me redire la date exacte de votre première arrivée à

17 Vukovar?

18 M. Schou (interprétation): Le premier jour où je suis allé à Vukovar,

19 c'était en octobre.

20 Question: En octobre 1991?

21 Réponse: Le 19 ou le 20 octobre, c'est le moment où je suis allé pour la

22 première fois à Vukovar avec Médecins Sans Frontières.

23 Mme Odio Benito (interprétation): Merci.

24 (Questions du Président M. Jorda au témoin, M. Jan Schou.)

25 M. le Président: Je voudrais, Docteur, que vous nous précisiez un propos

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1 que vous avez apporté au Tribunal, vous avez dit qu'à l'hôpital les

2 Chetniks frappaient les blessés. Pouvez-vous nous donner un certain nombre

3 de détails sur cette attitude qui mériterait quelques explications? Et

4 notamment vous avez parlé des malades qui étaient les plus en difficulté.

5 M. Schou (interprétation): Oui. Les blessés étaient couchés sur le sol

6 dans le sous-sol et les soldats serbes, les Chetniks, circulaient par

7 groupe de deux ou trois et puis ils se dirigeaient vers les blessés et ils

8 les frappaient à coup de pied, tout à fait, oui, oui.

9 Question: Je suppose que cette scène devait être insoutenable, et que

10 faisaient les représentants de la Croix Rouge et quelles étaient les

11 dispositions? Essayait-on de s'interposer? Est-ce que le commandant

12 Sljivancanin était là? Est-ce que le responsable de la Croix Rouge a

13 essayé de faire quelque chose? Est-ce qu'il y avait un responsable de

14 l'hôpital bien que le docteur Bosanac ne soit plus là? Parce qu'il paraît

15 assez inconcevable que devant des représentants de la Croix Rouge on

16 puisse frapper des gens qui sont sur un lit d'hôpital.

17 Quelle est l'impression que vous avez retirée de l'ensemble de cette

18 scène?

19 Réponse: Je peux dire qu'à l'époque c'est un médecin militaire serbe qui

20 dirigeait l'hôpital, ou plutôt il y en avait quatre ou cinq. Ils étaient

21 en uniforme et ils étaient vraiment ivres à ce moment-là. Et bien sûr les

22 représentants de la Croix Rouge et de la communauté européenne, nous avons

23 tous protesté contre le traitement de ces patients. Mais ils nous

24 répondaient toujours que c'était simplement des Oustachis.

25 J'ai parlé à ce moment-là au représentant de la police militaire de la

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1 vraie armée de la JNA pour leur demander d'instaurer la sécurité. Ils ont

2 fait évacuer les Chetniks et à ce moment-là nous avons pu commencer

3 l'évacuation des malades.

4 M. le Président: Merci Docteur. Le Tribunal vous remercie de votre

5 témoignage. Nous n'avons pas d'autre question.

6 Monsieur le Procureur, on peut donc arrêter cette déposition et faire

7 regagner dans la salle qui lui est destinée, le témoin.

8 Monsieur l'huissier…Merci.

9 (Le témoin, M. Jan Schou, est reconduit hors du prétoire.)

10 M. Niemann (interprétation): Monsieur le Président, j'appelle maintenant

11 le docteur M. Snow.

12 M. le Président: Monsieur le Procureur, le chemin, l'itinéraire pour venir

13 jusqu'à la salle d'audience est-il si complexe pour nous rejoindre ou est-

14 ce que le témoin n'est pas prêt? A ce compte-là, nous suspendrions?

15 Mais comme en même temps le Tribunal devrait suspendre, vers 11 heures, 11

16 heures 15...Monsieur le greffier…

17 M. Niemann (interprétation): Monsieur le Président, la situation des

18 témoins est quelque chose dont je n'ai pas connaissance car c'est une

19 autre organisation du Tribunal qui s'en occupe et je ne suis pas vraiment

20 au courant.

21 M. le Président: Monsieur le Procureur, il n'y avait dans mes propos

22 aucune nuance de reproche. Je m'étonnais simplement comme certainement

23 vous-même, qu'on mette autant de temps et à ce moment là, il vaut mieux,

24 si le témoin n'est pas sur place, qu'on le dise au Tribunal, et le

25 Tribunal à ce moment-là suspendra.

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1 M. Niemann (interprétation): Madame, Messieurs les Juges, si vous voulez

2 que nous suspendions maintenant, je n'ai rien contre.

3 (Le témoin, M. Clyde Snow, est introduit dans le prétoire.)

4 (Interrogatoire principal du témoin, M. Clyde Snow, par M. Niemann.)

5 M. le Président: Docteur, vous prenez les écouteurs. Monsieur l'huissier,

6 pouvez-vous… vous connaissez maintenant la procédure! Vous tendez tout de

7 suite. Non, vous demandez au témoin de rester debout devant le Tribunal.

8 Monsieur l'huissier, vous connaissez quand même la procédure maintenant.

9 Le témoin va rester debout très peu de temps, je le lui indique. Je crois

10 qu'il faudrait qu'il prenne les écouteurs d'abord. C'est la première chose

11 que le médecin doit faire.

12 Voilà. A partir de là, nous pouvons nous entendre. Est-ce que vous

13 m'entendez, Docteur?

14 M. Snow (interprétation): Oui, Monsieur.

15 M. le Président: Vous pouvez vous présentez par votre nom et votre prénom.

16 M. Snow (interprétation): Je m'appelle que Clyde Snow.

17 M. le Président: Vous allez lire la déclaration que va vous tendre

18 l'huissier et vous allez la lire.

19 M. Snow (interprétation): Je déclare solennellement que je m'engage à dire

20 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 M. le Président: Installez-vous bien Docteur. Vous avez été cité à

22 comparaître par le Procureur. C'est donc le Procureur qui va vous poser

23 les questions qu'il juge utiles de vous poser. Eventuellement le Tribunal

24 posera les questions qu'il juge utiles pour le complément de sa propre

25 information.

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1 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

2 M. Niemann (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

3 Docteur Snow, vous êtes né à Fort Worth aux Etats-Unis?

4 M. Snow (interprétation): Oui.

5 Question: Vous avez un diplôme de l'institut militaire du Nouveau Mexique.

6 Vous êtes diplômé de lettres de université du Nouveau Mexique. Vous avez

7 une maîtrise de sciences de l'université du Texas, vous avez un doctorat

8 de philosophie de l'université d'Arizona et d'une autre ville aux Etats-

9 Unis?

10 Réponse: Oui, Monsieur.

11 Question: Vous avez travaillé dans l'aviation fédérale des Etats-Unis

12 d'Amérique?

13 Réponse: Oui, Monsieur.

14 Question: Puis au cours de votre carrière vous avez été consultant pour

15 3000 affaires impliquant la détermination des causes de la mort de

16 victimes dont on a retrouvé que des squelettes?

17 Réponse: Oui, Monsieur.

18 Question: Au nombre de ces affaires il y avait un DC10 qui s'est écrasé en

19 1979 et qui a causé la mort de 273 personnes?

20 Réponse: Oui, Monsieur.

21 Question: En 1985, à la demande de l'institut Simon Wiesenthal, vous avez

22 dirigé une équipe de scientifiques français qui se sont rendus aux Brésil

23 pour effectuer l'identification d'un médecin nazi?

24 Réponse: Oui, Monsieur.

25 Question: Vous avez ensuite travaillé dans le cadre de l'organisation pour

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1 l'avancement de la science. Vous vous êtes rendu en Argentine où vous avez

2 travaillé dans le cadre de la commission d'enquête sur les disparus en vue

3 de déterminer quel avait été le sort réservé à des milliers d'argentins

4 qui avaient été enlevés et torturés depuis 1963?

5 Réponse: Oui, Monsieur.

6 Question: En 1992, vous avez travaillé à Genève en tant que délégué de la

7 commission des Droits de l'Homme des Nations Unies à Genève. Vous avez

8 également effectué un certain nombre de missions sous les hospices des

9 Nations Unies, sur le territoire de l'ex-Yougoslavie pour recueillir des

10 éléments de preuve à l'intention de ce Tribunal?

11 Réponse: Oui, Monsieur.

12 Question: Docteur, est-ce que vous avez eu environ six postes

13 universitaires au cours de votre carrière?

14 Réponse: Oui, Monsieur.

15 Question: Est-ce que vous avez travaillé environ 12 fois en qualité de

16 consultant?

17 Réponse: Oui, Monsieur.

18 Question: Est-ce que vous avez travaillé pour environ une dizaine

19 d'organisations professionnelles?

20 Réponse: Oui, Monsieur.

21 Question: Est-ce que vous avez été récompensé et honoré en au moins 24

22 circonstances pour votre travail?

23 Réponse: Oui, Monsieur.

24 Question: Est-ce que vous avez organisé, participé et dirigé des enquêtes

25 légales pour l'identification de squelettes?

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1 Réponse: Oui, Monsieur.

2 Question: Est-ce que vous avez contribué à plus de 90 publications,

3 articles, livres, etc?

4 Réponse: Oui, Monsieur.

5 Question: Docteur Snow, où est-ce que vous vous trouviez…Est-ce qu'on vous

6 a demandé dans le courant de l'année 1992 de participer à l'exhumation de

7 ce qu'on suspectait être un charnier dans la région de Vukovar?

8 Réponse: Je faisais partie de la mission Mazowiecki qui s'est rendue en

9 Yougoslavie dans un élément tout du moins de la chose qui de notre mission

10 consistait à enquêter des accusations lancées d'atrocité et de charnier en

11 ex-Yougoslavie. Et l'une de ces affaires s'est trouvée être la disparition

12 d'environ 250 personnes de l'hôpital de Vukovar, de malades de l'hôpital,

13 de personnels hospitaliers également au mois de novembre 1991.

14 Question: Est-ce que vous pourriez relater au Tribunal ce que vous avez

15 fait particulièrement en ce qui concerne ce site de ce charnier?

16 Réponse: Oui, Monsieur le Procureur. J'aimerais prendre mes notes, le

17 puis-je?

18 M. Le Président: Certes.

19 M. Snow (interprétation): Si bien sûr Monsieur le Président me le permet.

20 Si Monsieur le Procureur vous le souhaitez, je puis vous décrire mes

21 activités en ce qui concerne la commission Mazowiecki et plus tard de

22 façon chronologique, nos études.

23 Question: Je crois qu'au cours des explications que vous allez fournir en

24 ce qui concerne ce que vous avez vu, et ce que vous avez fait à Vukovar

25 pendant votre témoignage, je présume que vous allez demander un certain

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1 nombre de planches, n'est-ce pas?

2 Réponse: Oui, effectivement.

3 Question: Et ces planches auxquelles vous allez vous reporter vont en fait

4 suivre un ordre chronologique qui suivra en fait votre exposé. Et vous

5 avez également une carte, je crois, à laquelle vous allez vous référer

6 dans cet aspect. Au cours de votre déposition nous aimerions que vous nous

7 indiquiez les différents éléments auxquels vous allez vous référer pour

8 décrire la chose.

9 Réponse: Eh bien, je crois…Si vous pouviez rapprocher le projecteur. La

10 commission Mazowiecki est arrivée à Zagreb le 12 octobre 1992, le 14

11 octobre j'ai participé à une conférence avec le docteur Ivica Kostovic qui

12 était doyen de la faculté de médecine et également chef d'une commission

13 conjointe qui avait été établie pour retrouver les personnes disparues et

14 rapatrier les cadavres de ceux qui avaient été tués pendant les

15 hostilités. Je l'ai rencontré à la faculté de médecine ce matin-là et nous

16 avons passé en revue plusieurs dossiers. Mais l'un des dossiers qu'il m'a

17 décrit et qui m'a semblé être plus particulièrement intéressant et qu'il

18 conviendrait peut-être de rechercher, c'était l'incident concernant la

19 disparition des malades et du personnel hospitalier, du personnel médical

20 de l'hôpital de Vukovar. Il s'agissait du 20 novembre 1991.

21 Au cours de notre conversation, il m'a fourni tout d'abord une carte, une

22 carte de la région dont je parlerai un peu plus tard. Il m'a également

23 mentionné un témoin, je crois que c'est le témoin B, au cours de votre

24 affaire. Et il m'a dit que le témoin B avait des informations, des

25 renseignements détaillés concernant les disparitions à Vukovar. J'ai

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1 demandé si je pouvais rencontrer le témoin et par intermédiaire il a été

2 en mesure de prendre contact avec le témoin B, et nous avons pris des

3 dispositions pour que je puisse m'entretenir avec ce dernier. Le témoin B

4 est arrivé dans ma chambre 1405, à 18 heures environ, le 15 octobre.

5 J'étais donc dans ma chambre, se trouvaient également là le docteur Jack

6 Geiger, Madame Lindsay Cook, tous les deux membres également de la

7 commission Mazowiecki et un traducteur qui a pris des notes, a traduit et

8 transcrit mon entretien.

9 Monsieur Thomas Osorio au préalable m'avait remis une déclaration du

10 témoin B, remise au docteur Kostovic au mois d'août 1992. Et je l'avais

11 lue.

12 Donc au cours de mon entretien, je souhaitais lui faire relater son

13 expérience, et ce, de façon aussi détaillée que possible pour voir si son

14 récit restait uniforme par rapport à ce qu'il avait déjà déclaré. Une fois

15 que nous nous sommes présentés, que nous nous sommes mis à l'aise, je lui

16 ai demandé tout simplement de débuter et de décrire toute cette

17 expérience. Plus tard, je suis revenu sur son récit et je lui ai posé des

18 questions plus précises. C'est ce qu'il a fait, il a décrit son arrivée à

19 l'hôpital: le matin, le fait qu'on les ait fait monter dans l'autocar,

20 qu'on les ait emmenés tout d'abord à la caserne de la JNA à proximité de

21 Vukovar. Je ne vous donnerais pas les détails parce que je crois qu'il a

22 déjà fait une déposition devant vous.

23 Et par la suite, dans un hangar qui se trouvait près d'Ovcara où ils ont

24 passé plusieurs heures, ils ont été brutalisés par, semble-t-il, des

25 effectifs serbes militaires et paramilitaires qui les avaient emmenés donc

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1 à ce hangar. Et vers 18 heures, en tout cas après la tombée de la nuit, il

2 ne se souvenait plus exactement de l'heure, ils ont commencé à séparer les

3 hommes par 20 et les faire monter dans le camion par 20. Et ce camion

4 disparaissait et revenait et m'a-t-il dit environ 10 minutes après, ou 10

5 à 20 minutes après, vide et il emmenait de nouveau 20 groupes. Et il a

6 remarqué que c'était toujours le même camion donc il a tout de suite

7 compris que la destination finale était relativement à proximité puisque

8 cela ne prenait que 10 à 20 minutes pour emmener ces 20 prisonniers. Donc

9 cela ne pouvait pas être très loin de la ferme d'Ovcara. Lorsque son tour

10 est venu, dans le groupe où il se trouvait, si je me souviens bien, il ne

11 se souvenait pas s'il faisait partie du second ou du troisième chargement

12 du camion, donc il est monté dans le camion qui s'est rendu, qui a pris la

13 route d'Ovcara vers un autre village où une autre ferme qui s'appelait

14 Grabovo. Et après quelques instants, il a quitté la route pavée à gauche

15 et est arrivé sur un chemin de campagne. Donc une piste battue, qui était

16 longée d'un côté, il voyait des arbres, donc des bois et à droite alors

17 que le camion avançait et à gauche des champs. Il a été saisi d'une

18 appréhension et il a réussi, il a décidé de s'enfuir et il a sauté du

19 camion alors qu'il continuait à rouler, alors qu'il était déjà sur cette

20 piste de campagne à 200 ou 300. Lorsqu'il a sauté du camion il faisait

21 nuit, bien que la lune brillait, il faisait sec, il a commencé à courir.

22 Il pensait s'enfuir dans les bois à droite mais il a décidé de traverser

23 les champs et de se diriger vers Vukovar.

24 Alors qu'il s'enfuyait, il a entendu le camion poursuivre sa route pendant

25 un bref instant et ensuite il a entendu, si je me souviens bien, il a

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1 entendu le camion s'arrêter et il a entendu les coups de feu. Il a

2 poursuivi sa course vers Vukovar où il a été saisi et fait prisonnier par

3 des forces de la JNA et rapatrié après quelques mois en prison.

4 Donc, c'était cela son expérience. J'ai essayé de soupeser le témoin. Je

5 ne suis pas, bien sûr, enquêteur professionnel. J'ai essayé de jauger sa

6 fiabilité. Tout d'abord il m'a frappé comme étant tout à fait direct et

7 honnête dans son récit. Et j'ai été frappé par le fait que dans d'autres

8 dossiers où j'ai eu à interroger des témoins que parfois, soit par

9 exagération ou par oubli, les choses sont rendues pires qu'elles ne le

10 sont.

11 Par exemple, dans certains détails, lorsqu'il a quitté le camion alors

12 qu'il a sauté du camion et qu'il a entendu les coups de feu, je lui ai

13 demandé: "Est-ce que vous avez entendu suffisamment de coups de feu pour

14 représenter l'exécution d'un chargement entier?" Eh bien, il a dit: "Non.

15 Il n'y a eu que cinq ou six coups de feu" et sa théorie était peut-être

16 qu'un autre passager avait tenté de s'enfuir du camion après qu'il l'ait

17 fait lui, et ils l'ont remarqué et ils essayaient donc de tuer cette

18 personne-là. Mais j'aurais été soupçonneux si j'avais dit qu'il avait

19 entendu nombre de coups de feu de cris de hurlements.

20 "Non, non", a-t-il dit. Non, il a continué à courir et c'est tout ce qu'il

21 avait entendu, et son récit s'arrêtait là.

22 Question: Je vais si vous me le permettez. Pourriez-vous vous reporter à

23 un document?

24 Réponse: Oui, Monsieur. J'ai la carte, la carte originale qui m'a été

25 remise par le docteur Kostovic.

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1 Question: Nous en avons fait une copie donc imprimée. Nous allons nous en

2 servir de cette copie. Et c'est donc la pièce 28.

3 Réponse: J'espère que vous ne m'en voudrez pas que je me détourne quelque

4 peu.

5 Question: Si vous voulez bien nous décrire ce qui se trouve sur la carte?

6 Réponse: Bien, cette carte...Parfait, voici la ferme d'Ovcara. Cette carte

7 est datée de 1973, c'est un relevé topographique qui a été effectué par

8 les autorités yougoslaves. Je ne suis pas sûr qu'on y voie le bâtiment qui

9 peut-être n'était pas encore construit en 1973, où se trouvaient les

10 hommes, où on les emmenait tout d'abord. Mais ce serait sur cette route,

11 donc à côté de cette route-là, où se trouve mon doigt.

12 La route sur laquelle B déclare être parti, et qui va vers Grabovo, là

13 voici. Nous avons tous deux regardé cette carte dans ma chambre à Zagreb.

14 Il était dans le génie des forces Croates et auparavant dans la réserve de

15 la JNA et il connaît bien les relevés topographiques, les durées et les

16 distances qu'il a décrit. Le seul endroit où cela correspondrait

17 physiquement à sa description, c'est-à-dire une courte distance de Ovcara

18 tournait à gauche dans les champs, longeait à droite dans le bois et à

19 gauche, ce serait ici dans ce ravin qui traverse cette route presque à un

20 kilomètre d'Ovcara. Et est-ce que vous voyez le ravin ici, en vert. Il est

21 indiqué ici en vert, ici.

22 Question: Et les bois? Oui les bois se trouvent également le long de cette

23 route?

24 Réponse: Oui, le ravin lui-même est boisé. Et la route est parallèle à ce

25 ravin. Pas dans le bois mais donc à l'orée du bois et sur la limite donc à

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1 la limite de ce bois. Et il a estimé qu'il avait sauté du camion ici, à

2 200 mètres ou 300 mètres. Nous avons regardé la carte tous deux et cette

3 route est sans issue, elle se termine là. Il n'y a pas d'autre

4 installation, il n'y a pas d'autres bâtiments sur ces champs, donc c'est

5 un champ qui est vide.

6 En me fondant sur mon expérience, puisque j'ai été élevé au Texas et en

7 Oklahoma, aussi bien des exploitants agricoles que des éleveurs, quand

8 vous avez un ravin dans votre champ vous vous dites que...

9 Question: Si vous voulez bien le montrer sur l'écran?

10 Réponse: Donc le début du ravin c'est en fait une zone qui ne peut servir

11 à rien donc j'ai parlé au témoin B et nous avons convenu du fait que s'il

12 y avait un charnier ou une fosse commune on ne l'a mettrait sans doute pas

13 dans les champs qui serviraient ordinairement à la vraie culture, à

14 l'exploitation agricole, mais sans doute près de la tête du ravin, qui,

15 comme je viens de le dire ou tout du moins dans mon pays d'origine, serait

16 considéré comme des terrains à l'abandon. Et d'ailleurs très souvent les

17 exploitants et les éleveurs s'en servent parce que ce ravin, ce type de

18 ravin est à même de provoquer l'érosion des sols et donc c'est là où l'on

19 jette les détritus pour en quelque sorte maîtriser l'érosion.

20 Quoi qu'il en soit, j'ai dit au témoin B, et j'étais d'accord avec lui,

21 que s'il y avait une fosse commune et une exécution dans cette zone, ce

22 serait sans doute tout à fait à la naissance du ravin. J'y ai mis un point

23 et j'ai tracé un cercle de plus grand diamètre pour indiquer que ce serait

24 sans doute dans cette région.

25 Question: Vous l'avez fait avant de vous rendre sur place? Vous avez donc

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1 mis le point et tracé le cercle avant de vous rendre sur le site, et cela

2 au cours de votre conversation avec le témoin B?

3 Réponse: Oui. Au soir du 15 octobre.

4 Question: Et à cette époque, vous ne vous étiez pas encore rendu sur

5 place?

6 Réponse: Non.

7 Question: Le cercle que vous voyez ici c'est le cercle que vous avez vous-

8 même tracé au départ, au cours de cette conversation?

9 Réponse: Oui, Monsieur.

10 Question: Merci, veuillez poursuivre.

11 Réponse: Donc armé de cette carte et à la demande du chef de la commission

12 Mazowiecki, je me suis rendu à Vukovar, j'y suis arrivé par Belgradee.

13 Donc j'ai pris un avion jusqu'à Belgrade, à partir de là nous avons pris

14 la route jusqu'à Vukovar et nous y sommes arrivés le soir ou l'après-midi

15 du 17 octobre où j'ai rencontré un sergent de la police montée canadienne.

16 Il faisait partie de l'unité CIVPOL, sergent Larry Moore et je lui ai

17 montré cette carte. Il connaissait assez bien cette région. A l'époque, il

18 était à Vukovar depuis plusieurs mois, il y était basé. Le lendemain matin

19 nous nous sommes rendus dans cette zone et en raison de l'état des routes,

20 nous avons garé notre véhicule ici au carrefour, près du pont où ce ravin

21 arrive près d'Ovcara sur la route Grabovo. Nous étions accompagnés par le

22 sergent Peters du Bataillon belge, du secteur Est et Vlandina Nega qui

23 était chargée des affaires civiles des Nations Unies, et l'un des

24 officiers ou membres d'état-major du colonel Peters.

25 Nous avons laissé nos traducteurs dans la voiture et nous nous sommes

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1 dirigés vers le ravin en suivant la route plus ou moins que vous voyez

2 ici, à gauche du ravin. Le sergent Larry Moore était devant nous. Il

3 marchait plus vite que nous, je lui ai dit que ce qu'il conviendrait de

4 chercher dans le cadre d'un charnier, ce serait un cumulus et peut-être

5 des perturbations de la végétation, ou peut-être une nouvelle végétation,

6 de nouvelles pousses, dans un espace à ciel ouvert. Donc c'est cela qu'il

7 fallait rechercher. Et puisque qu'il marchait plus vite, il était à

8 quelques centaines de mètres devant nous de Mme Vlandina Nega et de moi-

9 même et une fois qu'il est arrivé jusqu'ici je l'ai vu faire des gestes et

10 nous appeler. Il venait de trouver quelque chose de tout à fait suspect.

11 Nous nous sommes…nous avons pressé le pas.

12 Question: J'aimerais maintenant vous montrer un autre document.

13 Réponse: J'aimerais que la carte reste à proximité parce que je vais sans

14 doute m'en servir.

15 Question: Est-ce que vous pourriez faire le point sur l'image? Est-ce

16 qu'on pourrait baisser le rhéostat?

17 Réponse: Lorsque j'ai rattrapé le sergent Larry Moore il se trouvait à la

18 lisière de cette ouverture qu'on voyait donc à la naissance du ravin, et

19 vous le voyez il est entouré par des mauvaises herbes qui n'avaient qu'un

20 an environ de pousses par rapport aux autres arbustes, aux buissons et

21 autres plants qui se trouvent au-delà de cette zone. Et le centre

22 d'ailleurs de cette zone, de cette aire portait très peu de végétation.

23 C'est ce que l'on voit ici. C'est le sergent Larry Moore qui se trouve sur

24 cette photographie.

25 Voici une photographie qui est sans doute meilleure, qui vous indique ce

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1 que l'on voit. Vous voyez ici donc des mauvaises herbes relativement

2 jeunes puisque c'est à hauteur de taille, des plantes, ici, mais surtout

3 en fait une zone ouverte. C'est ce qu'un archéologue appellerait un aspect

4 non fonctionnel du paysage. C'est-à-dire quelque chose qui n'est pas

5 naturel, qui ne devrait pas se trouver là. Donc c'est le genre de chose

6 qui soulève les suspicions quand on voit ce type de phénomène.

7 Le sergent Larry Moore et le colonel Peters et Vlandina Nega et moi-même

8 nous sommes arrivés de cette aire. Le sergent Larry Moore a insisté pour

9 prendre la tête car il se préoccupait des mines, c'est lui qui a traversé

10 tout d'abord cette aire, et nous l'avons suivi. Au cours de cette première

11 inspection, très près de la surface, l'on a trouvé un crâne humain à l'une

12 des extrémités de cette zone qui était ouverte que j'appellerai tout à

13 l'heure squelette n°1. Il était partiellement enterré, voici un gros plan.

14 Vous voyez ici les orbites, ici la voûte crânienne, la mâchoire et une

15 partie des dents.

16 Donc c'est une photographie du crâne exposé plus ou moins dans la boue. Et

17 j'ai été en mesure, en me fondant sur ce premier examen je savais qu'il

18 s'agissait d'un homme sans doute étant donné les sourcils, les arcades

19 sourcilières, un homme relativement jeune. Et surtout ce qui est le plus

20 intéressant ici à gauche, la tempe gauche il y a un défaut ou un orifice

21 qui est donc fait de telle manière qu'il s'agit d'un projectile qui sort,

22 d'une blessure de sortie de ce côté-ci.

23 Question: Est-ce que cela ressemblait à une balle? Réponse: Oui, tout à

24 fait typique. Plus tard, alors que nous avons traversé cette aire et que

25 nous avons dépassé le site tombal, j'ai été en mesure de trouver un autre

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1 squelette à 17 mètres de l'extrémité de la tombe.

2 Comme vous le voyez il y avait des ossements un peu partout, on aurait dit

3 qu'ils avaient été effectivement décolorés par le soleil avec des marques

4 apparemment d'animaux qui les avaient endommagés. Il y a également des

5 vêtements. Il s'agissait encore une fois du squelette d'un jeune homme.

6 Question: Est-ce que vous en avez une photographie?

7 Réponse: D'un jeune homme adulte. Je vous montrerai la photographie un peu

8 plus tard. Vous en verrez des éléments plus détaillés. Et puis il y avait

9 aussi des vêtements dans cette zone. Mon impression c'est que cette

10 personne avait sans doute été exécutée aux environs du charnier ou peut-

11 être qu'il était tout simplement blessé, qu'il avait essayé de se sauver

12 en rampant pour s'éloigner de cette zone. Mais en tout cas il s'agissait

13 bien d'un deuxième squelette que nous avons trouvé sur le site. Alors

14 cette fois-ci, lorsque nous avons commencé à remonter le ravin pour nous

15 rendre sur le site, nous avons vu un homme avec un véhicule, un tracteur

16 ou quelque chose comme ça, je me souviens. Ce véhicule était garé dans la

17 zone. Nous entendions des voix et en fait des gens qui chantaient. Sans

18 doute des hommes qui coupaient des arbres. Alors j'ai discuté brièvement

19 avec le colonel et le sergent et nous avons décidé à ce moment-là que si

20 nous manifestions la moindre tension indue autour de ce site, puisqu'il y

21 avait des hommes dans les environs qui sans doute étaient des Serbes

22 provenant de la ferme d'Ovcara et bien on parlerait très rapidement de

23 l'existence de ce charnier.

24 Nous avons donc décidé de ne pas rester très longtemps sur le site pas

25 plus de 15 minutes en fait. Et nous sommes repartis assez rapidement vers

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1 nos véhicules. Ce qui nous inquiétait un petit peu c'est que si le site

2 n'était pas protégé de toutes incursions extérieures il serait très facile

3 à quelqu'un qui souhaiterait masquer l'existence de ce charnier de venir

4 le soir-même par exemple pour retirer les corps et les transférer ailleurs

5 ou même les jeter dans le danube qui n'était pas loin. Je crois qu'il se

6 trouvait à peine à un kilomètre et demi du site. Il y a encore une chose

7 que je devrais dire, c'est que sur le site même, j'avais de telles

8 inquiétudes au sujet de la sécurité du charnier que j'ai creusé un petit

9 peu autour du premier squelette et j'ai mis à jour un certain nombre

10 deossements, en particulier l'os capillaire, L'omoplate, derrière l'os de

11 l'épaule. En espagnol c'est l'omoplate. Donc nous avons emporté cette

12 omoplate. Je l'ai donné au sergent Larry Moore, je lui ai demandé de

13 conserver cette omoplate façon à ce que si ultérieurement nous revenions

14 sur le site et que nous ne trouvions plus rien, nous aurions au moins un

15 élément de preuve de l'existence de restes humains en ce lieu. Le sergent

16 Larry Moore a pris cette omoplate et l'a conservée jusqu'à mon retour sur

17 le site au mois de décembre.

18 Enfin, lors de cette première visite nous sommes retournés dans les

19 bâtiments de la Forpronu, la zone était sous la responsabilité d'un

20 bataillon russe. Nous avons discuté avec le commandant russe, nous avons

21 beaucoup insisté auprès de lui pour que le site que nous avions découvert

22 soit gardé, protégé que cela soit fait le plus rapidement possible. Nous

23 lui avons dit que nous maintenions la suspicion d'homicides de masse

24 puisque nous avions vu un certain nombre d'ossements et que nous avions vu

25 des crânes qui visiblement avaient subi des coups de feu. Donc que ces

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1 hommes avaient été tués par armes à feu. Le commandant russe a donc pris à

2 ce moment-là des dispositions pour que des membres des forces placées sous

3 sa responsabilité se rendent sur le site du charnier suspecté.

4 Et des membres de la police civile sous la responsabilité du sergent Larry

5 Moore se sont rendus également sur le site pour participer à sa

6 protection. Tout cela était fait le 18.

7 Après il y a eu un petit peu de confusion dans la réalisation des

8 opérations si bien que les hommes chargés de la protection du site n'y

9 sont arrivés qu'aux environs de 11 heures du soir, heure à laquelle, je

10 crois avoir compris, les membres de la police civile se sont retirés et

11 que ce sont les russes qui sont restés sur les lieux.

12 Et puis un autre problème, c'est que le lendemain matin lorsque nous

13 sommes retournés sur le site aux alentours de 10 heures, les russes

14 étaient partis. Nous avons découvert qu'ils étaient restés sur les lieux

15 toute la nuit mais eux avaient compris que c'était un travail d'une nuit

16 et donc ils ont été retirés du site le lendemain matin. Il nous a donc

17 fallu retourner les voir pour leur expliquer que le périmètre de sécurité

18 devait être gardé, et ce, en permanence à partir de ce moment-là. Après

19 quoi ils y sont retournés et je crois savoir que le périmètre de sécurité

20 a bien été maintenu et défendu par un détachement de ces forces russes.

21 A ce moment-là, nous sommes donc le 20 octobre, je retourne à Zagreb. Le

22 22 octobre la commission Mazowiecki se réunit à nouveau, nous participons

23 à une brève conférence de presse à Zagreb dans laquelle nous annonçons que

24 nous avons trouvé des éléments de preuve laissant soupçonné l'existence

25 d'un charnier aux abords d'Ovcara. Un peu plus tard le 27 octobre, le

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1 rapport de la commission Mazowiecki est publlié à Genève accompagné d'une

2 déclaration qui est référencée sous la dénomination "Annexe 2" de ce

3 rapport.

4 Ultérieurement, avec certains collègues, Eric Stover de l'organisation

5 Médecin pour les Droits de l'Homme, accompagné également du docteur

6 Rebecca Sanders, archéologue travaillant dans l'état de Louisiane

7 actuellement, accompagné également du docteur Morris Tidball-Binz qui

8 travaille actuellement pour Amnesty International, nous sommes retournés

9 sur les lieux. Ce que nous voulions faire c'est ce que nous appelions une

10 reconnaissance du site. C'est-à-dire pas d'exhumation complète mais

11 simplement une exploration destinée à déterminer les paramètres généraux

12 du site qui ensuite nous permettrait de dessiner les plans susceptibles de

13 nous permettre de procéder à une enquête plus approfondie plus tard.

14 Donc, le premier objectif était de cartographier le site, d'examiner les

15 caractéristiques des lieux, par exemple de compter les douilles ou autres

16 éléments du même genre qui pourraient faire soupçonner une exécution de

17 masse sur les lieux. Et puis nous voulions aussi creuser une tranchée

18 d'exploration autour du site, car bien entendu nous avions trouvé deux

19 corps à la surface du sol mais nous pouvions penser qu'il y avait peut-

20 être d'autres corps enfoncés plus profondément dans le sol.

21 Un autre objectif, et c'est pourquoi nous étions accompagnés d'une

22 archéologue, était d'étudier toutes perturbations suspectes du sol. Les

23 archéologues savent lire le terrain, donc s'il existait la moindre preuve

24 de perturbation dans le sol, à partir du moment où le charnier avait été

25 creusé cela aurait indiqué que quelqu'un avait essayé devenir pour cacher

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1 ou masquer ou quelque chose. Et bien entendu nous voulions également

2 étudier de plus près les endroits où se trouvaient les deux squelettes,

3 les restes des deux hommes.

4 Au cours de cette mission, j'ai été transporté en hélicoptère de Vukovar à

5 l'endroit qui figurait, qui était entouré d'un cercle sur la carte. Et ici

6 vous voyez l'endroit où a été réalisé notre exploration. C'était

7 exactement ici. C'est un peu flou peut-être, mais vous voyez qu'il y a des

8 fils de fer barbelés qui constituent un paramètre de sécurité tout au tour

9 du site. Cette barrière de barbelés a été installée pour empêcher les gens

10 de pénétrer sur le site.

11 Là vous voyez le stationnement des troupes russes. Il y avait également

12 des sentinelles qui étaient postées à peu près ici, c’est-à-dire à

13 quelques centaines de mètres plus loin sur la route et également plus bas

14 vers la droite dans la zone du ravin. Apparemment la sécurité du site

15 était donc assurée, dûment assurée par les russes.

16 Question: Avant que vous ne poursuiviez, les arbres que l'on voit à droite

17 de l'image est-ce que c'est le début de cette zone boisée?

18 Réponse: Oui tout à fait. A partir de là et vers le bas, c'est-à-dire vers

19 la droite, nous sommes dans la zone boisée. Et plus on descend le long du

20 ravin plus les arbres sont importants, grands, et ce, jusqu'à la route

21 principale.

22 Ici, vous voyez le docteur Sanders, le docteur Morris Tidball-Binz et moi

23 même.

24 Question: Est-ce que vous pourriez nous montrer qui est qui sur la

25 photographie, s'il vous plaît?

Page 414

1 Réponse: Vous savez moi je viens de l'Oklaoma, on est un peu sous-

2 développé, on n'est pas très habitué à toute cette technologie

3 sophistiquée. Alors, bon je vais essayer d'utiliser le pointeur. Ici vous

4 voyez le docteur Sanders, le docteur Morris Tidball-Binz et moi même, la

5 un membre de la police militaire. Larry avait été renvoyé chez lui à cette

6 époque et c'est le sergent qui l'a remplacé. Malheureusement je ne me

7 rappelle pas son nom. Si vous y tenez je peux le retrouver. Enfin, vous

8 voyez donc l'allure qu'avait ce site au moment de notre arrivée.

9 Une autre photographie des installations russes, véhicules et petits

10 bâtiments de préfabriqué, véhicules qu'ils utilisaient pour se transporter

11 bien sûr.

12 Alors ici la photographie a donc été prise en décembre, il avait plu pas

13 mal et ce que vous voyez ici ressemble beaucoup à ce que vous avez vu sur

14 les photographies du mois d'octobre à part l'accumulation d'eau. Nous

15 avons eu d'ailleurs quelques petites problèmes d'ingéniérie, il nous a

16 fallu creuser un fossé de drainage pour retirer toute cette eau et

17 assécher un peu le terrain avant de commencer à creuser.

18 Moi, j'ai commencé par faire un petit tour sur le site pour voir s'il y

19 avait eu des..., s'il y avait des éléments laissant à penser que des

20 incursions avaient pu être réalisées sur le site depuis le mois d'octobre

21 ou que le terrain avait été travaillé. Je n'ai rien trouvé. Je n'ai trouvé

22 aucun élément de ce genre sauf que le premier crâne découvert semblait

23 avoir été un petit peu déplacé, ce qui m'a surpris. J'ai trouvé un

24 officier de..., un médecin officier de Vukovar qui apparemment avait

25 entendu parler de notre découverte le 18 dans l'après-midi et qui avait

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1 pris sur lui d'aller examiner ces restes humains.

2 Apparemment, il avait pris le crâne dans ses mains et donc l'avait déposé

3 à un endroit un petit peu différent. A l'exception de cela je n'ai trouvé

4 aucun signe d'intrusion ou de perturbation. J'ai bien trouvé une bouteille

5 de vodka qui avait sans doute été jetée par-dessus la barrière par les

6 russes, mais c'est tout.

7 (Changement de face de cassette: pas d'enregistrement soit environ deux

8 phrases.)

9 Ici,vous voyez le docteur Morris Tidball-Binz qui effectue ce travail.

10 Nous avons donc déterminé la zone qui, d'après nous, devait...où devait se

11 trouver d'après nous le charnier.

12 Question: Un moment, s'il vous plaît. Oui, comment est-ce que vous

13 déterminez cela?

14 Réponse: D'abord vous voyez que là le terrain est très nu. D'ailleurs, je

15 dirai que nous avons commencé par arracher les mauvaises herbes qui se

16 trouvaient sur le sol pour nous ménager un espace de travail. Nous avons

17 donc nettoyé le sol, arraché toutes les plates qui s'y trouvaient et puis

18 il y a quelque chose sur quoi je reviendrai plus tard. Il y a environ sept

19 mètres de la gauche à la droite sur la photographie et dix mètres du fond

20 vers le premier plan.

21 Le premier squelette se trouvait ici exactement. Le premier squelette

22 découvert à la surface et le squelette n°2 se trouvait plus loin à droite

23 dans la région boisée, à 17 mètres environ de ce coin du charnier.

24 Alors comment est-ce que nous déterminons la largeur approximative d'un

25 charnier? Eh bien, par exemple lorsque qu'on trouve un terrain vague de ce

Page 416

1 genre on commence par retirer la surface du sol. Il est clair que lorsque

2 qu'un sol a été creusé et qu'on y met des corps, des cadavres, avant de

3 reboucher le trou, la terre utilisée pour boucher le trou n'a pas la même

4 consistance que le sol environnant. Au bout d'un moment d'ailleurs, cette

5 terre qui a servi à reboucher le trou s'accumule et s'enfonce et se tasse.

6 Et cela donne un terrain très différent entre la zone qui n'a subi aucune

7 perturbation et la zone qui a subi creusements et rebouchage.C'est donc

8 sur cette base que nous avons déterminé approximativement et relativement

9 exactement dans notre estimation la largeur et la longueur du charnier.

10 J'ai dit qu'il y avait environ dix mètres depuis le fond de la

11 photographie jusqu'au premier plan, donc dans le sens vertical, et en fait

12 cette longueur est sans doute un petit moins précise que ne l'était la

13 détermination de la largeur, parce qu'au premier plan le sol était

14 vraiment très mélangé donc nous avons même pensé que le charnier était

15 peut-être plus long vers l'avant ou peut-être plus long également vers

16 l'arrière. Mais en tout cas sept mètres sur dix c'était une estimation

17 relativement précise, fidèle.

18 Dans cette direction, vers la gauche on voit à peine mais vous voyez un

19 homme ici, c'est un garde russe. Vous voyez le paramètre de sécurité et

20 puis ici la tranchée test que nous avons décidé de creuser, qui avait un

21 mètre de largeur.

22 Ce monsieur ici c'est un soldat luxembourgeois de la Forpronu qui teste le

23 terrain pour..., c'est un démineur qui utilise les instruments dont il se

24 sert d'habitude pour chercher les mines mais ici il est à la recherche

25 d'éléments métalliques, comme par exemple des douilles qui laisseraient à

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1 penser que des coups de feu ont pu être tirés sur ce site. Donc ce travail

2 d'investigation se faisait d'abord sur la tranchée test d'un mètre de

3 large.

4 Etape suivante, début d'exploration de la tranchée: vous voyez des

5 sentinelles russes, qui certaines d'entre elles s'étaient portées

6 volontaires pour creuser le sol. Vraiment ces sentinelles ont fait un très

7 bon travail. Elles avaient très envie de travailler avec nous peut-être

8 qu'elles commençaient à s'ennuyer ferme et travailler en archéologie

9 c'était quelque chose de nouveau pour elles. En tout cas ces sentinelles

10 nous ont aidés avec beaucoup d'enthousiasme. Nous leur avons demandé

11 d'enlever les premiers 10 à 15 centimètres de terre depuis la surface, et

12 arrivés à cette profondeur de 10 à 15 centimètres nous avons ralenti le

13 travail parce que nous avions le cet sentiment que nous pourrions trouver

14 des restes humains. Et c'est exactement ce qui s'est passé.

15 Vous voyez ici en haut une des limites de la tranchée, l'autre celle du

16 bas ne figure pas sur la photographie et là au milieu un bras humain, vous

17 voyez une manche et en bas une main. Le bras est donc dans la tranchée.

18 Nous pensions si nous étions ici en train de découvrir un charnier que

19 nous trouverions un certain nombre de corps qu'il conviendrait de mettre à

20 jour. Mais là nous n'avons pas voulu continuer à creuser parce que nous

21 n'avions pas les outils délicats nécessaires pour poursuivre l'exhumation

22 sans risque de destruction des corps. C'est ainsi que nous avons décidé

23 que si nous trouvions le signe de la présence d'un corps nous procèderions

24 à l'exhumation de la partie la plus superficielle qui servirait donc de

25 preuve et que nous nous arrêterions là.

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1 Dans la tranchée, il y avait en fait des corps qui étaient superposés les

2 uns sur le autres et entrecroisés les uns sur les autres. Là ce que vous

3 voyez, ce bras, c'est la couche la plus superficielle de corps humains

4 entassés dans ce charnier. Nous avons estimé que c'était là un élément de

5 preuve suffisant pour laisser soupçonner l'existence du charnier qui ne se

6 limitait pas bien sûr à l'existence des deux squelettes trouvés à la

7 surface.

8 Sur cette photographie, vous comprendrez sans doute plus clairement les

9 choses. Vous voyez la tranchée test et vous constatez qu'il y a plusieurs

10 niveaux parce que les corps placés en haut étaient en fait très près de la

11 surface. Nous avons donc continué à creuser à la verticale et il a fallu

12 creuser encore quelques centimètres avant de trouver d'autres corps. Cette

13 tranchée test avait sept mètres de longueur, un mètre de largeur et nous

14 avons pu déterminer la présence de neuf corps environ.

15 Question: Est-ce que ces corps étaient tous des corps d'hommes?

16 Réponse: A partir des vêtements et de leurs bottes..., il faut que vous

17 sachiez qu'à moment-là nous n'avions pas procédé encore à un examen

18 détaillé de ces corps mais à partir des vêtements et des bottes nous

19 pouvions penser qu'il s'agissait d'hommes. Nous n'avons pas trouvé de

20 vêtements de femmes, nous n'avons pas trouvé non plus de vêtements

21 d'enfants.

22 Ici vous avez un schéma grossier de la zone, en haut dans la zone entourée

23 d'un cercle se trouve ce que j'appelle le squelette n°1 Quant au squelette

24 n°2, il ne figure pas sur cette photographie car il est plus loin vers la

25 droite en haut à droite, dans la zone boisée.

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1 Ici, nous avons déterminé les limites probables du charnier, un petit peu

2 comme si un bulldozer avait été utilisé pour creuser ce charnier après

3 quoi il a également servi à recouvrir, à reboucher le trou. A gauche vous

4 avez des lignes factuelles, comme je les appelle, qui étaient donc les

5 limites de notre estimation de la largeur du charnier. Devant, au bas de

6 la photographie vous avez la tranchée test que que nous avons utilisée,

7 dans laquelle nous avons creusé d'abord.

8 Je souhaiterais ajouter que l'archéologue en regardant le sol ici près du

9 squelette n°1 et des perturbations pédologiques, eh bien, à son sens à

10 l'origine il se trouvait peut-être dans la fosse près de la surface, ce

11 qui fait que lorsque qu'on a repoussé la terre dans cette fosse, son corps

12 a été soulevé par la pelleteuse, repoussé donc ici dans ce terreau. Et

13 qu'il était couvert suffisamment sans doute lorsque que l'on a bouché la

14 fosse et personne n'a donc remarqué que ce cadavre se trouvait très près

15 de la surface du sol. Par la suite les conditions météorologiques et

16 climatiques ont exposé à l'air le cadavre et il était apparu au mois

17 d'octobre.

18 M.Niemann (interprétation): Peut-être que nous pourrions faire une pause

19 maintenant et reprendre plus tard puisque, comme nous le voyons, cette

20 déposition sera légèrement plus longue.

21 M.le Président: Oui, avec l'accord de mes collègues. Nous sommes tout à

22 fait d'accord. Nous pourrions reprendre dans un quart d'heure, vingt

23 minutes. Je ne souhaitais pas interrompre au moment de son exposé le

24 docteur Snow. Mais puisque vous le demandez, vous qui connaissait la

25 longueur et le nombre de vos questions, donc le Tribunal agrée tout à

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1 fait. Cela permettra aussi au docteur de se reposer un petit peu.

2 Donc l'audience est levée pour un quart-d'heure ou vingt minutes.

3 (L'audience, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 12 heures 14.)

4 M.le Président: Monsieur le Procureur, je voudrais dire au nom de mes

5 collègues et moi-même que nous avons eu un contretemps qui nous a donc

6 perturbé dans notre emploi du temps. Donc le Tribunal vous le dis, et en

7 est désolé. L'audience peut donc reprendre avec la continuation de

8 l'audition du docteur M.Snow.

9 M.Niemann (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

10 Docteur Snow, Je vous prierai de poursuivre votre déposition concernant

11 l'exhumation partielle à laquelle vous avez procédé sur ce site.

12 M.Snow (interprétation): Oui, je crois me souvenir qu'au moment de la

13 pause je parlais de la tranchée. J'ai déjà dit que l'un des objectifs que

14 nous nous étions fixés consistait à explorer les éléments de surface de

15 façon à déterminer s'il existait des éléments permettant de penser à

16 l'existence d'une exécution ou en tout cas à l'existence de coups de feu

17 ayant été tirés sur le site. En fait, nous avons trouvé des preuves

18 abondantes de cela près des bords de la fosse. En particulier, nous avons

19 trouvé des douilles, de nombreuses douilles et même des balles qui

20 apparemment n'avaient pas été tirées.

21 Ici, vous voyez la zone, vous voyez la fosse que nous avons délimitée.

22 Vous voyez la tranchée qui se trouvait environ là, mais autour des bords

23 de la fosse vous voyez ces petits fanions rouges et autour de chacun de

24 ces fanions nous avons trouvé près de 75 douilles. Nous n'avons pas creusé

25 à cet endroit mais je pense que si nous l'avions fait nous en aurions

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1 trouvé beaucoup d'autres de ces douilles. Celles que nous avons trouvées

2 étaient les plus évidente. C'est la raison pour laquelle nous avons planté

3 ces petits fanions rouges pour marquer ces emplacements. Nous avons acquis

4 le sentiment, sur la base de l'examen de ces douilles, que les hommes qui

5 tiraient, qui avaient tiré se trouvaient sans doute dans cette zone à

6 gauche. Le calibre était de 760, provenant d'un AK47 je pense et la

7 direction du tir -comme nous avons pu le déterminer sur la base d'autres

8 éléments, en particulier lors de nos enquêtes menées au Salvador et au

9 Nicaragua- la direction du tir allait de la gauche vers la droite et

10 couvrait une distance de 40 pieds. C'est la raison pour laquelle nous

11 avons acquis le sentiment que les tireurs se trouvaient sans doute à

12 gauche de la photographie, au bord de la fosse, et avec la trajectoire du

13 tir allant de la gauche vers la droite et vers l'avant.

14 Nous avons trouvé d'autres éléments susceptibles de prouver la même chose

15 lorsque nous avons examiné les buissons et les arbres qui se trouvaient à

16 l'extrémité de la fosse. Au coin opposé, vous voyez ici un homme qui jauge

17 un trou pratiqué dans le tronc dans cet arbre, nous avons même trouvé des

18 balles qui étaient encore fichées dans l'écorce de cet arbre. Et puis il y

19 avait pas mal de morceaux de métal rouillé derrière l'arbre et également

20 des balles.

21 Nous avons donc acquis le sentiment que des coups de feux nombreux avaient

22 effectivement été tirés dans cette zone et que ces coups de feu visaient

23 l'autre extrémité de la fosse. J'ai dit également que ce que je souhaitais

24 c'était examiner d'aussi près que possible les conditions du terrain, mais

25 tout part du fait que deux squelettes ont donc été trouvés en évidence à

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1 la surface du sol.

2 D'abord, le squelette n°1, c'est le premier squelette que nous avons

3 trouvé lors de la découverte de ce site, celui dont j'ai dit tout à

4 l'heure que je pensais que peut-être lors des combats son corps avait été

5 transporté jusqu'à la fosse. Comme je l'ai dit précédemment lors du

6 premier examen que j'avais réalisé au mois d'octobre, il était possible de

7 déterminer que cette personne était un homme, un homme adulte, dont l'âge,

8 d'après moi, se situait entre 22 et peut-être 28, 29 ans.

9 Ici, nous avons trouvé la preuve d'un coup de feu tiré dans la zone

10 temporale et de l'autre côté il y avait également le signe d'un coup de

11 feu qui avait traversé le crâne de part en part.

12 Question: Docteur, est-ce que vous avez été en mesure d'évaluer l'âge, la

13 date de la mort de ces corps sur la base de l'état de décomposition.

14 Réponse: Bien sûr, il est toujours possible d'estimer ce genre de chose

15 sur la base de l'état de décomposition. Nous avons trouvé ces corps dans

16 la tranchée et je dirai que le temps écoulé depuis la mort et nous avons

17 pris en compte un certain nombre de d'éléments écologiques, nous avons

18 tenu comPrésidente du climat, des pluies qui étaient tombées etc. Donc je

19 dirai que la mort devait remonter à 6 mois au moins et 18 mois au plus.

20 Alors, j'ai poursuivi mon examen du mieux que j'ai pu, étant donné les

21 conditions du terrain. J'ai procédé à la mesure des os et à d'autres

22 mesures sur ce squelette n°1. Mon objectif consistant à tenter d'évaluer

23 la taille et le temps écoulé depuis la mort avec le plus de précision

24 possible.

25 Ensuite, nous avons également examiné les dents et nous avons examiné les

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1 vêtements qui ont été trouvés près du corps. Ici, comme vous le voyez, une

2 chaîne entourait le cou de cette personne avant qu'elle ne devienne un

3 squelette, chaîne qui portait une médaille. Vous voyez ici un gros plan de

4 ce que nous avons trouvé, un crucifix, ceci est apparemment une médaille

5 porte-bonheur et à droite un médaillon comportant une inscription qui,

6 après traduction nous l'avons appris, signifiait Dieu et les Croates.

7 Et on nous a dit ultérieurement que le port de ce type de médaillon était

8 très courant parmi les forces militaires et paramilitaires croates.

9 La croix à gauche est une croix catholique romaine, j'ai donc eu le

10 sentiment que ces éléments de preuve suffisaient au moins de façon

11 minimale à déterminer que cet homme était croate.

12 Nous nous sommes ensuite dirigés vers le deuxième squelette, celui que

13 nous avons trouvé à une certaine distance du site et nous avons trouvé

14 plusieurs vêtements. Malgré les dégâts dus à des animaux j'ai réussi à

15 estimer sa taille, ainsi qu'un certain nombre d'autres caractéristiques de

16 cette personne. J'ai également réussi à déterminer l'état de sa dentition

17 avec une précision relativement satisfaisante malgré les perturbations

18 causées au terrain par l'environnement et le climat.

19 Par exemple, voici les ossements, le sacrum que vous voyez ici, que j'ai

20 été en mesure..., ils étaient bien sûr désarticulés mais j'ai pu les

21 reconstitués. Et la configuration, comme vous le voyez ici, est totalement

22 masculine de ces ossements. Il y a également des caractéristiques, ici au

23 pubis, morphologiques, ici à partir de la hanche qui nous ont donné

24 effectivement des indications d'âge relativement précises. Il semblerait

25 20 ans environ .

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1 Egalement, ces vêtements: voici un vêtement comme vous le voyez qui dit

2 "Canadian et en dessous, je ne me souviens plus de ce que c'est. Il y a eu

3 au moins un autre vêtement qui semblait indiquer que ce vêtement était

4 canadien. Par la suite, on m'a dit qu'au cours du siège de Vukovar, une

5 organisation de secours canadienne, peut-être de Croates canadien, avait

6 donc pris des vêtements, demandé des vêtements et les avaient emportés à

7 Vukovar. Ces vêtements étaient principalement distribués à des patients,

8 aux patients de l'hôpital. Nous nous avons estimé que ces mêmes vêtements

9 auraient pu suggérer la relation avec le Canada, tout du moins indiquaient

10 que peut-être nous avions affaire avec une personne qui avait obtenu des

11 vêtements qui venaient d'une organisation caritative, qui s'était rendue à

12 Vukovar.

13 Enfin, dans une poche de l'un de ces vêtements nous avons trouvé ce petit

14 médaillon. Soit Saint joseph, c'est ce que je crois et encore une fois,

15 médaille catholique romaine, ou d'un ordre religieux indiquant également

16 que la victime était catholique plutôt que Serbe.

17 Enfin, le troisième jour de nos travaux nous avons emporté les deux

18 squelettes qui affleuraient et après les avoir examinés nous les avons

19 conditionnés individuellement, nous avons fermé la tranchée à l'extrémité

20 Nous avons porté, comme vous le voyez un étiquetage, si cette tombe

21 faisait l'objet d'excavation intégrale, nous serions en mesure de revenir

22 et d'identifier ces deux squelettes et ils seraient donc, les deux

23 squelettes dans un sac à l'extrémité de la tranchée. Nous avons refermé

24 cette tranchée et nous avons laissé le site en l'état comme vous le voyez.

25 Question: Docteur Snow, si vous le savez, y a-t-il eu d'autres travaux

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1 d'excavation qui ont été exécutés pendant votre présence sur place?

2 Réponse: Non, pas à ce moment-là. Plus tard, au mois de mars 1993 j'y suis

3 revenu avec M. Stover et le commandant Febrick qui à l'époque faisait

4 partie de la commission d'experts. Nous nous sommes rendus sur le site et

5 nous l'avons regardé de son périmètre. Nous ne sommes pas allés jusqu'aux

6 tombes. D'ailleurs, cela m'a donné une certaine confiance que les Russes,

7 que les gardes russes faisaient bien leur travail parce qu'ils ne nous ont

8 pas permis ni à moi-même ni au commandant Fenrick qui faisait partie de

9 notre groupe d'aller au-delà de la corde. Donc, j'ai pu signaler les

10 différentes caractéristiques au commandant Fenrick et à son adjoint. Puis

11 ainsi que vous le savez sans doute, un peu plus tard au mois de novembre

12 de l'année, nous avons constitué une expédition, ce que j'appellerai une

13 expédition, y compris plusieurs archéologues des Etats-Unis, mon collègue

14 le docteur Bill Hagland et plusieurs équipes internationales, des

15 collègues, des anciens collègues qui avaient été formés en Argentine, au

16 Guatemala et au Chili, qui sont venus nous rejoindre. Nous souhaitions

17 effectivement procéder et exécuter une exhumation intégrale du site.

18 D'ailleurs, l'équipe a été déployée, prête à entamer les travaux alors que

19 les autorités serbes, locales nous ont indiqué qu'elles ne nous

20 permettraient aucune enquête complémentaire sur le site d'Ovcara.

21 Question: Saviez-vous de quelle administration s'agissait-il qui vous a

22 interdit de procéder à vos travaux?

23 Réponse: J'ai eu l'impression, j'étais resté à Pakrac, nous y examinions

24 une autre tombe. Si je ne m'abuse, je crois qu'il s'agissait du conseil

25 municipal de Vukovar, tout du moins des personnalités locales de la région

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1 de Vukovar, l'administration publique. J'avais, je pense compris que ceux

2 de Knin, c'est-à-dire le siège même de l'administration, nous avaient

3 habilités à procéder à cette exhumation. Mais ce sont les autorités

4 locales qui ont donc fait objection à cette habilitation et il nous a

5 fallu nous redéployer sur un autre site.

6 Je ne crois pas qu'il y ait eu d'autres perturbations, ni d'autres

7 enquêtes à Vukovar. L'endroit devrait être exactement tel que nous l'avons

8 quitté le 19 novembre à 11 heures, ainsi que je vous l'indiquais dans ma

9 dernière planche.

10 Question: Docteur, vous l'avez sans doute déjà dit, mais pour quelques

11 éclaircissements, lorsque vous êtes arrivé sur le site, que ce soit la

12 première fois en octobre 1992 ou par la suite en décembre 1992, est-ce que

13 vous avez évalué si oui ou non à votre sens la fosse avait été perturbée

14 depuis l'événement, c'est-à-dire depuis l'exécution.

15 Réponse: Non, aucune preuve, aucun élément de preuve à cet égard. Lors de

16 notre second déplacement, l'archéologue, le docteur Rebecca Sanders a

17 examiné l'endroit justement à partir de cette observation s'il y avait eu

18 éventuellement des perturbations secondaires, si quelqu'un était venu

19 quelques mois plus tard, quelques semaines plus tard et avait effectué des

20 travaux ou avait perturbé le site, et il n'y avait rien, aucune indication

21 en la matière. A notre sens lorsque cette fosse a été réalisée, à partir

22 de là, à partir de la végétation que nous avons vue, c'est-à-dire un an

23 avant la découverte de ce site, il n'y avait pas eu de perturbations

24 importante, ni d'intrusion.

25 Question: Docteur, en vous fondant sur votre expérience antérieure en la

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1 matière quant aux dimensions de la fosse que vous avez pu relever alors

2 que vous vous trouviez sur le site, êtes-vous en mesure de nous faire une

3 estimation quant à la profondeur, ou combien de cadavres pouvait-elle

4 accueillir?

5 Réponse: Selon les indices bruts, le volume des corps, d'un corps humain,

6 de l'espace qu'il occupe même en tenant compte des vêtements et des

7 chausseurs il est relativement facile de faire en sorte d'enterrer cinq

8 corps dans un mètre cube d'espace. Cela semble toujours remarquable qu'on

9 puisse arriver à cette conclusion mais il y aurait même un peu de place

10 qui resterait. En nous fondant sur ces dimensions, sur les dimensions de

11 cette fosse, l'on parle en fait, je dis bien de quelques sept à dix mètres

12 ce n'est pas beaucoup. Ce n'est peut-être pas aussi long qu'une étable et

13 profond qu'un puits mais c'est suffisant: donc cet espace de sept mètres

14 sur dix, si nous avons une profondeur disons d'un mètre au moins, c'est

15 une question de calcul, 7 fois 10cela fait 70, si on le multiplie par 5

16 c'est-à-dire la dimension verticale nous pourrions donc mettre 350 corps

17 dans cette fosse au moins.

18 Toutefois, ce que nous pouvons dire c'est que nous avons vu des éléments

19 de preuve de neuf cadavres, onze pardon, deux en effleurements et neuf

20 exposés lors de notre effort pour creuser la tranchée.

21 Question: J'aimerais maintenant que nous reprenions la carte à laquelle

22 vous vous êtes référé. Il s'agit de la pièce 28 que nous allons verser au

23 dossier. Si j'ai bien compris les diapositives que vous nous avez

24 projetées sont... Y a-t-il d'autres exemplaires de ces diapositives? Eh

25 bien, nous savons que vous nous les avez remises pour en faire des copies

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1 et ensuite on pourra les conserver en tant que pièces.

2 Réponse: Oui, Monsieur le Procureur.

3 M.Niemann (interprétation): Je n'ai pas d'autres questions.

4 (Questions du Président M. Jorda.)

5 M. le Président: Docteur, je voudrais vous poser une question

6 complémentaire. Comment expliquez-vous, d'ailleurs le Procureur pourra

7 d'ailleurs compléter ma question, comment expliquez-vous cette relative

8 négligence des autorités locales par rapport à ce site? Pendant un an, un

9 an et demi personne ne s'est occupé de ce site, et est-ce que votre

10 expérience en ex-Yougoslavies vous permet de constater que cette

11 négligence a été également répétée dans d'autres endroits?

12 M.Snow (interprétation): Eh bien, je le dirais effectivement puisque

13 d'après ce que je comprends, je ne suis pas retourné aux autres tombes qui

14 ont été localisées en Bosnie. Mais selon les rapports que j'ai lus, très

15 souvent dans ces fosses les dépouilles sont visibles, affleurent à la

16 surface. Mais avec ce type de négligence dirait-on, ce n'est pas

17 spécifique à la Yougoslavie car c'est ce que j'ai vu dans d'autres pays où

18 l'on a pas soigneusement recouvert les fosses clandestines. Peut-être, je

19 ne sais pas, ils estiment: eh bien, on n'a pu à s'en préoccuper pour la

20 bonne raison que nous allons être au pouvoir ad vitam aeternam et personne

21 ne reviendra ici pour aller voir de près. Mais, parfois ils sont quelque

22 peu oublieux de certaines technologies quant à l'enterrement.

23 M. Le Président: Je voudrais m'adresser à M. le Procureur, est-ce que dans

24 le cadre de la présente mise en accusation, est-ce que vos enquêteurs ont

25 eu l'occasion d'aller physiquement sur le terrain de ce charnier?

Page 429

1 M.Niemann (interprétation): Oui, certains représentants de notre Bureau se

2 sont rendus sur le site de la tombe qui n'est pas facile d'accès, à

3 l'heure actuelle sous le contrôle de l'UNTAES, une organisation des

4 Nations Unies. Mais encore une fois l'accès n'est pas exactement facil.

5 C'est pour cela que cette exhumation n'a pas pu être complétée.

6 M.le Président: Nous n'avons pas d'autres questions. Docteur, le Tribunal

7 est très sensible à votre témoignage et il a apprécié la rigueur et le

8 calme aussi et la sérénité avec laquelle, certainement dus à votre grande

9 expérience, vous avez apporté ce témoignage au Tribunal. Comme l'a demandé

10 le Procureur, il convient certainement de garder le maximum des éléments

11 que vous avez pu recueillir personnellement à la disposition du Procureur,

12 mais le Procureur en a déjà parlé.

13 Le Tribunal vous remercie, vous souhaite un bon retour à vos occupations.

14 Je crois que l'on peut raccompagner le témoin.

15 M.Snow (interprétation): Merci Monsieur le Président.

16 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

17 M.le Président: Prenez votre temps, docteur, aidez-le peut-être. Que

18 l'huissier aide le docteur, prenez votre temps docteur. Oui prenez le

19 temps de reprendre de vos affaires, et peut-être que l'huissier pourrait

20 l'aider parce que je sais que vous avez tous les documents dans votre...

21 Monsieur le Procureur, vous avez la parole. M.Niemann (interprétation):

22 Merci, Madame et Messeiurs les Juges, c'est la conclusion des auditions de

23 témoin auquelles nous souhaitions procéder. A ce stade, si vous le

24 permettez, à moins que ce ne soit ultérieurement, mon collègue M.

25 Williamson souhaiterait prendre la parole.

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1 M.le Président: Monsieur le Procureur Williamson?

2 (Réquisitoire de M. Williamson.)

3 M.Williamson (interprétation): Madame et Messieurs Les Juges, l'Acte

4 d'accusation qui est entre vos mains inculpe trois personnes de violations

5 graves des Conventions de Genève de 1949, des violations des lois et

6 coutumes de la guerre et de crimes contre l'humanité. A ce stade, je

7 voudrais réaffirmer la position prise par M. Niemann prise au début de

8 cette audience, selon laquelle le Procureur maintient que toutes ces

9 charges sont cumulatives mais également que la question ne doit pas être

10 adressée dans le courant d'une audition de cette nature. Il conviendrait

11 plutôt d'en traiter au moment du procès et comme M. Niemann l'a suggéré,

12 peut-être seulement au moment du prononcé des sentaences.

13 S'agissant du fond des charges alléguées dans cet Acte d'accusation vous

14 avez entendu au cours de la semaine le témoignage de onze témoins. Vous

15 avez vu un film vidéo qui a été filmé par des caméras serbes pour

16 l'essentiel et diffusé à la télévision de Belgrade. Vous avez vu la ville

17 de Vukovar avant la guerre, une ville agréable, plaisante qui depuis des

18 siècles se trouvait située sur les bords du Danube ; une ville qui

19 existait depuis des siècles mais qui a été presque totalement détruite en

20 trois mois de guerre par une armée qui prétendait la libérer. Cette armée

21 a employé toutes sortes d'armes, l'artillerie, les obus, les bombardements

22 aériens et y compris les canonnières, et bien sûr plus de 30 000 hommes

23 pour vaincre une armée croate faiblement armée d'à peine 1 800 hommes.

24 Mais la victoire militaire et la destruction de la ville n'ont pas suffi

25 car c'est lorsque la victoire a été obtenue que l'horreur a véritablement

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1 commencé.

2 Le 19 novembre 1991 la JNA a écrasé la résistance croate dans la majeure

3 partie de la ville de Vukovar. Les combats se sont poursuivis en

4 particulier dans le quartier de Mitnica au sud-est de la ville alors qu'au

5 centre les combats s'étaient terminés. La JNA et ses alliés paramilitaires

6 ont donc occupé la ville et les civils ont commencé à se retirer dans les

7 caves pour si abriter, à sortir des caves où ils s'abritaient depuis trois

8 mois. Le 19 novembre lorsque les premiers soldats de la JNA sont arrivés à

9 l'hôpital, il y avait plus d'un millier de civils rassemblés à l'intérieur

10 du bâtiment et autour de ce bâtiment. La plupart des soldats qui avaient

11 défendu Vukovar s'y trouvaient également.

12 Il n'y avait que peu de soldats professionnels, la majeure partie d'entre

13 eux était des hommes, des habitants de Vukovar qui avaient pris les armes

14 pour défendre leur foyer au début des combats. Certains étaient venus à

15 l'hôpital pendant la bataille parce qu'ils avaient été blessés, d'autres

16 s'y étaient rendus dans les derniers jours de la bataille ayant entendu

17 dire que l'hôpital serait évacué en présence d'observateurs

18 internationaux.

19 Ces hommes avaient rendu les armes et n'offraient plus aucune résistance à

20 la JNA lors de son entrée dans l'hôpital. Le docteur Bosanac et les

21 membres de son équipe qui avaient continué à travailler dans des

22 conditions absolument terribles pendant trois mois, ont commencé à

23 s'inquiéter du fait que les observateurs internationaux n'étaient pas

24 arrivés. En fait, ils étaient arrivés, une équipe de l'ECMM au nombre de

25 laquelle se trouvait le docteur Jan Schou, se trouvait à Negoslavci à

Page 432

1 peine à trois kilomètres de Vukovar. Ils avaient atteint le quartier-

2 général de la JNA et étaient tout à fait prêts à se rendre à l'hôpital

3 mais ont été bloqués par le colonel Mrksic et le major Sljivancanin qui ne

4 leur ont pas permis de passer.

5 Enfin, un accord a pu être atteint avec l'ECMM et la Croix Rouge qui les

6 autorisait à se rendre à l'hôpital le ledemain matin, le 20 novembre. Ce

7 jour là, les observateurs ont pris le chemin de l'hôpital assez tôt le

8 matin aux alentours de 8 ou 9 heures. Mais avant d'y arriver, les

9 événements avaient déjà démarré. Le major Sljivancanin avait réuni

10 l'ensemble du personnel de l'hôpital à 7 heures du matin environ.

11 Pendant qu'il prononçait son prêche aux médecins et aux infirmières, quand

12 la façon dont il avait libéré Vukovar ces soldats rassemblaient rapidement

13 tous les hommes en âge de combattre ce qui, d'après eux, incluait des

14 jeunes gens d'à peine 16 ans et allait jusqu'à des hommes âgés de 76 ans.

15 Ils les ont forcés à se diriger vers la porte de sortie arrière de

16 l'hôpital pour se rendre dans la cour. Tous ces hommes étaient sans arme,

17 beaucoup étaient blessés et venaient à peine d'être tirés de leur lit

18 d'hôpital. Et au fur et à mesure que se déroulait cette opération le

19 docteur Schou et son équipe de l'ECMM ainsi que le représentant de la

20 Croix Rouge internationale approchaient de l'hôpital.

21 Avant de pouvoir y arriver, le major Sljivancanin est de nouveau présent

22 dans notre récit mais cette fois il se trouve sur le pont qui survole la

23 rivière Vuka, à peine à quelques pâtés de maisons de l'hôpital. Prétendant

24 qu'il n'était pas sûr de laisser passer les représentants internationaux,

25 lui-même et ses soldats ont retenu les représentants de l'ECMM et de la

Page 433

1 Croix Rouge pendant près de deux heures. La télévision de Belgrade filmait

2 les événements et l'on voit Sljivancanin qui crie à l'adresse du

3 représentant de la Croix Rouge internationale car celui-ci insiste pour

4 poursuivre son chemin.

5 Dans cette période de deux heures, le sort de 260 hommes de l'hôpital

6 était scellé. Ils ont été sortis de force de l'hôpital et embarqués à bord

7 d'autocars parqués dans la rue Gunduliceva près de l'hôpital et emmenés

8 vers la caserne. A leur entrée dans la caserne ils ont trouvé un certain

9 nombre de soldats militaires et paramilitaires mais ce n'est pas là que

10 leur sort devait arriver à son terme. Ils ont été emmenés à Ovcara où on

11 les a fait descendre des autocars pour finalement les transférer d'un

12 véhicule dans un autre et les ramener, prétendument les ramener à

13 l'hôpital. Après près de deux heures, les autocars ont repris le chemin du

14 sud, dans la direction de Negoslavici et à quelques kilomètres de Vukovar

15 les autocars ont tourné à gauche pour se rendre vers le complexe agricole

16 d'Ovcara. Arrivés là, les autocars ont pris la direction d'un bâtiment qui

17 a été décrit sous le nom de hangar. Les hommes ont été reçu l'ordre

18 descendre des autocars, ils sont passés à travers deux rangées d'hommes

19 qui les ont battus et frappés avec tout ce qu'ils avaient sous la main,

20 toute sorte d'instruments et d'outils, à coup de poing, à coup de crosse

21 de fusil et autres outils. On leur a également pris leur document

22 d'identité, leur montre et leurs bijoux.

23 Après avoir survécu à ces premières humiliations, les hommes ont été

24 rassemblés à l'intérieur du hangar où les coups ont continué. Ce sont des

25 gens qu'on appelle Chetniks ainsi que des soldats de la JNA les ont frappé

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1 à coup-de-pied et de toutes sortes d'autres façons pendant les quelques

2 heures suivantes. Au moins deux hommes sont morts dans le hangar en

3 conséquence de ces coups.

4 Alors que ces événements se déroulaient, près de sept hommes ont été

5 retirés du hangar par les Serbes qui les connaissaient sans doute ou

6 voulaient pour d'autres raisons les épargner.

7 Quant aux autres 260 hommes présents dans le hangar aucun des soldats de

8 la JNA ou des membres des forces paramilitaires n'a rien fait pour les

9 sauver. Ils étaient condamnés à mort. Après que les sept hommes les plus

10 chanceux aient été emmenés vers Vukovar, les autres hommes, les hommes qui

11 sont restés dans le hangar ont été enregistrés par la JNA et peut-être

12 après ils ont été divisés en petits groupes de 10 à 15 hommes. Un camion

13 est venu les chercher qui a poursuivi son chemin pendant une quinzaine de

14 minutes. A un certain moment pendant le voyage, l'autocar est arrivé à un

15 ravin où le témoin B a sauté hors du camion et a donc pu sauver sa vie.

16 Pas loin de l'endroit où le témoin B s'est évadé la petite route se

17 termine donc et c'est là que commence le ravin. Comme le docteur Snow

18 vous l'a dit, de nombreuse douilles ont été trouvées au sol et apparemment

19 des coups de feux nombreux ont été tirés puisqu'il reste même des traces

20 sur l'écorce des arbres. Ces corps, les corps des hommes ainsi tués ont

21 ensuite été entassés dans une fosse creusée par un bulldozer et vous en

22 avez entendu parler par le témoin Witness K.

23 M. Snow a dit qu'ayant découvert le site un an plus tard, il existait sur

24 un crâne trouvé à cet endroit, des traces de coup de feu.

25 Madame, Messeiurs les Juges, tout cela n'est pas arrivé par hasard, il

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1 s'agit de quelque chose qui a été orchestrée et très bien organisée. Dans

2 le chaos qui caractérisait la situation de Vukovar le 20 novembre 1991, la

3 JNA s'est assurée d'une chose à savoir que cette exécution de masse se

4 déroule bien comme prévu. Les deux officiers de plus haut rang de la JNA à

5 Vukovar le colonel Mrksic et le major Sljivancanin ont consacré tous leurs

6 efforts pour garantir que cela soit fait et le subordonné fidèle de

7 Sljivancanin, le capitaine Radic, les a aidé dans cette tâche.

8 Je dirai que des preuves existent, des preuves fondées existent contre ces

9 trois personnes. Le colonel Mrksic commandait les brigades de la garde,

10 unité de la JNA responsable de l'occupation de la ville. Comme le témoin A

11 vous l'a dit, rien ne se passait à Vukovar sans que le colonel Mrksic en

12 soit informé et l'ait approuvé.

13 Lorsque le docteur Bosanac s'est inquiété du fait que les observateurs

14 internationaux n'arrivaient pas à l'hôpital elle a contacté le

15 gouvernement croate et les membres du gouvernement, le général Raseta

16 ainsi que le négociateur officiel de la JNA lui ont dit que le colonel

17 Mrksic était responsable de l'évacuation de l'hôpital. Lorsque docteur

18 Bosanac a parlé à parler directement avec Mrksic il lui a indiqué qu'il

19 était au courant d'un accord portant sur l'évacuation de l'hôpital en

20 présence d'observateurs internationaux mais que leur présence n'était plus

21 possible. Il a déclaré que malgré le fait que les représentants l'ECMM et

22 de la Croix Rouge internationale se trouvaient déjà au quartier-général,

23 il a dit malgré le fait que ceux-ci se trouvaient déjà au quartier-général

24 de l'armée qu'ils avaient demandé à se rendre à l'hôpital.

25 Lle capitaine Radic, commandant de la compagnie d'infanterie spéciale de

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1 la Brigade de la garde était un associé très proche de Sljivancanin. Il a

2 travaillé à ses côtés pendant toute la durée de la bataille, et était avec

3 lui le 20 novembre à l'hôpital. C'est lui que Sljivancanin charge de

4 fouiller les hommes qui ont été emmenés hors de l'hôpital et c'est Radic

5 encore une fois que Sljivancanin envoit à la caserne de la JNA pour

6 récupérer les hommes qui n'étaient pas censés finir leurs jours à Ovcara.

7 La nuit des meurtres il est de retour au quartier-général au moment où les

8 soldats de sa compagnie rient et se vantent des meurtres mais il ne fait

9 rien pour empêcher ces manifestations de joie. Son ami, le major

10 Sljivancanin est l'homme par qui tout arrive, il est de toute évidence

11 l'officier responsable de l'hôpital, il occupe le personnel lors de la

12 réunion à laquelle il convie ce personnel, pendant que ses soldats forcent

13 les patients hommes à quitter l'hôpital.

14 Mais personne n'avait pensé que parmi ces soldats il y en aurait quelques-

15 uns dans lesquels demeureraient quelques restes de décence et d'humanité.

16 C'est apparemment..., ce sont apparemment ces quelques hommes qui ont

17 permis à sept habitants de sauver leur vie.

18 En ce qui concerne les charges figurant dans l'Acte d'accusation, les

19 accusés sont accusés de violations graves des Conventions de Genève en

20 vertu de l'Article 2 de notre Statut, de violations des lois et coutumes

21 de la guerre, en vertu de l'Article 3 et de crimes contre l'humanité en

22 vertu de l'Article 5.

23 Afin que ces charges puissent être appliquées, il faut qu'il existe un

24 état de conflits armés. La preuve manifeste existe que c'était le cas à

25 Vukovar le 20 novembre 1991.

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1 S'agissant de l'Article 2, le conflit doit être prouvé comme ayant un

2 caractère international et il faut également prouver que les victimes

3 étaient également des personnes protégées par les Conventions de Genève.

4 Comme le docteur Gow l'a indiqué dans son témoignage, la Croatie avait

5 déclaré son indépendance en juin 1991 et bien que cette indépendance est

6 été suspendue à la demande de la communauté internationale, elle est

7 devenue effective en octobre 1991, bien avant les événements dont il est

8 question dans cette affaire.

9 Il s'agissait donc d'une guerre menée par le gouvernement de Yougoslavies

10 de Belgrade contre un état indépendant la Croatie et donc d'une guerre

11 entre-deux Etats souverains, c'est-à-dire d'un conflit international.

12 Quant aux charges relevant de l'Article 3, le Procureur doit prouver que

13 l'acte ou l'omission faisant l'objet de l'accusation constitue une

14 violation des lois ou coutumes de la guerre. Dans l'affaire qui nous

15 occupe les accusés sont accusés de traitements cruels et de meurtres qui

16 sont tous deux des violations des règles minimales applicables à tous les

17 conflits armés puisque qu'il est évident..., et cela est rendu évident par

18 la description des actes fournis dans l'Article 3 commun des Conventions

19 de Genève.

20 S'agissant de l'Article 5, les actes dont les accusés sont accusés doivent

21 avoir été commis avec pleine participation. Ils doivent être au courant de

22 ces actes et ces actes doivent faire partie d'une action de grande

23 envergure et systématique contre la population civile. Cela a été établi

24 ici à plusieurs reprises. D'abord, le témoignage du docteur Gow a montré à

25 la Chambre de première instance qu'il s'agissait d'une attaque de grande

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1 envergure menée par la JNA sur plusieurs fronts en Croatie. Deuxièmement,

2 vous avez entendu le témoignage de plusieurs personnes qui ont décrit les

3 forces déployées contre la ville de Vukovar et la façon dont les forces

4 ont été utilisées pour détruire totalement la ville et tuer plus d'un

5 millier de civil.

6 Et enfin vous avez entendu le témoignage concernant l'incident qui a

7 montré que 200 hommes avaient été assassinés dont certains étaient des

8 jeunes gens et d'autres des personnes âgées ou handicapées.

9 Le Procureur demande donc que vous décidiez qu'il existe des fondements

10 suffisants pour justifier toutes les charges figurant dans l'acte

11 d'accusation et que vous décidiez de lancer un mandat d'arrêt

12 international à l'encontre des trois accusés.

13 Madame et Messeiurs les Juges, mon collègue Niemann vous a dit dans sa

14 déclaration liminaire que les graines du génocide avaient été semées à

15 Vukovar et c'est bien le cas. Sur la video vous avez entendu le major

16 Sljivancanin dire à Cyrus Vance qu'il s'agissait d'une guerre sale mais

17 c'est lui qui a choisi de faire de cette guerre une guerre aussi sale.

18 C'est lui et les officiers qui travaillaient à ses côtés qui ont choisi

19 d'utiliser le meurtre comme arme de l'armée yougoslave.

20 Le 20 novembre 1991 c'est lui qui a créé le précédent selon lequel un

21 meurtre de masse a été répété à de nombreuses... a été utilisé comme arme

22 dans cette guerre, et ce, à plusieurs reprises comme les événements des

23 quatres dernières années en Croatie et en Bosnie l'ont prouvé.

24 Il est fascinant et horrifiant de regarder le film que ces hommes ont fait

25 des événements en cours. Ils sont fiers, arrogants comme plusieurs témoins

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1 l'ont dit. Il est difficile d'imaginer de quoi ils sont fiers, ils ne sont

2 pas en train de se battre vaillamment sur un champ de bataille. Ils ne

3 sont pas en train de défaire une force armée et nombreuse.

4 Au lieu de cela, ils sont en train d'arrêter des hommes sans arme dont la

5 plupart sont blessés et de les chasser hors de leur lit d'hôpital. Ils

6 sont en train de les battre sans merci pendant des heures et des heures

7 avant de les massacrer de sang-froid. Il ne s'agit pas d'actes accomplis

8 par de braves combattants, il s'agit d'actes accomplis par des lâches, des

9 lâches qui ont choisi des victimes vulnérables et sans défense.

10 Il s'agit d'actes commis par des criminels. Et voilà de quoi ces hommes

11 sont fiers. Aujourd'hui ils se cachent, ils se cachent à l'abri d'un

12 gouvernement qui les a envoyé accomplir ces actes et qui cherche à les

13 protéger. Ce gouvernement, le gouvernement de la République Fédérale de

14 Yougoslavies à Belgrade a été informé de l'existence de l'Acte

15 d'accusation.

16 Les archives officielles du Tribunal ont documenté cet Acte d'accusation

17 et c'est le Juge Riad, le 7 novembre 1995 qui l'a transmis. Le jour

18 suivant, le lendemain, des mandats d'arrêt ont été dressés contre le

19 gouvernement de la République Fédérale de Yougoslavies à Belgrade et ont

20 été délivrés manuellement à l'ambassade de Yougoslavies à La Haye.

21 Pourtant le gouvernement n'a rien fait. Le gouvernement peut arrêter ces

22 hommes à quelque moment que ce soit, il n'a pas agi. Dans cette affaire

23 les accusés sont tous citoyens de la République Fédérale de Yougoslavies.

24 On sait qu'ils se trouvent sur le territoire de cette république, soit en

25 Serbie, soit au Monténégro.

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1 Après Vukovar, le gouvernement les a félicités et promus. Dans l'affaire,

2 dans le cas de l'un des accusés au moins, le major Sljivancanin nous

3 savons qu'il sert toujours dans l'armée yougoslave et qu'il obéit donc

4 toujours aux ordres du gouvernement. Le gouvernement peut le contraindre à

5 se rendre là où le gouvernement souhaite qu'il se rende. Des informations

6 récentes venues de Belgrade indique même qu'il est aujourd'hui affecté à

7 l'académie militaire yougoslave située à Belgrade où se trouve le siège du

8 gouvernement. Il a donc été promu, appuyé et continue à être payé tout en

9 enseignant même à de jeunes cadets.

10 Est-ce que l'on peut voir une preuve plus flagrante d'irrespect et même de

11 mépris pour les obligations d'un Etat membre des Nations Unies,

12 obligations qui ont été récemment réaffirmer au moment de la signature des

13 accords de Dayton. Dans ce cas, il est tout à fait clair que le fait de ne

14 pas signifier à l'accusé son accusation et de ne pas l'arrêter pour le

15 transférer à La Haye, est dû uniquement au refus de la République Fédérale

16 yougoslave de coopérer avec le Tribunal comme elle est censée le faire.

17 Lorsque qu'un gouvernement abrite et appuie des criminels, aux yeux du

18 monde ce gouvernement devient criminel et c'est exactement ce que le

19 gouvernement de Belgrade à fait dans ce cas.

20 Le Procureur demande donc outre la délivrance de trois mandats d'arrêt

21 internationaux que cette Chambre certifie au Président du Tribunal que la

22 République Fédérale yougoslave n'a pas respecté ses obligations en vertu

23 de l'Article 29 du Statut et qu'elle recommande au Président de notifier

24 au conseil de sécurité le refus de coopérer de la République Fédérale

25 yougoslave.

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1 M.le Président: Merci. La traduction reprenait vos propos. A présent

2 l'audience est terminée.

3 Monsieur le Procureur, la Chambre rendra sa décision le mercredi 3 avril à

4 9 heures 30.

5 (L'audience est levée.)

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