Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Affaire Vukovar IT-95-13-R61 - 96/04/03.)

2 Décision on Prosecutor Motions.

3 (Audience publique.)

4 M. le Président: Est-ce que tout le monde m'entend? Oui.

5 La Chambre de première instance composée de M. le Juge Claude Jorda,

6 Président, de Mme le Juge Elisabeth Odio-Benito, de M. le Juge Fuad Riad,

7 assisté de M. Didier Triscos et de M. Roland Bos pour le Greffe, rend ce

8 jour, 3 avril 1996, la décision que je vais lire concernant l'Acte

9 d'accusation et l'examen de l'Acte d'accusation dans le cadre de l'Article

10 61 du Règlement de procédure et de preuve.

11 La procédure de l'Article 61.

12 Par une décision en date du 7 novembre 1995, le Juge Fuad Riad a confirmé

13 l'Acte d'accusation établi par le Procureur à l'encontre de Mile Mrksic,

14 Miroslav Radic et Veselin Sljivancanin, et il a, ce même jour, émis un

15 mandat d'arrêt à l'encontre de chacun des accusés.

16 Ces mandats ont été adressés à la République fédérative de Yougoslavie,

17 Serbie et Monténégro, et n’ont pas encore reçu d'exécution.

18 C'est la raison pour laquelle le Juge de la confirmation estimant, par une

19 décision du 6 mars 1996, qu'un délai raisonnable s'était écoulé depuis

20 l'émission des mandats d'arrêt, a invité le Procureur à rendre compte des

21 mesures qu'il a prises pour signifier l'accusation.

22 Satisfait de la diligence du Procureur, le Juge a ordonné dans cette même

23 décision que celui-ci saisit cette Chambre de première instance pour un

24 examen collégial de l'Acte d'accusation conformément à l'Article 61 du

25 Règlement de procédure et de preuve: le Règlement.

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1 Lors de cet examen, la Chambre doit apprécier s'il existe des raisons

2 suffisantes de croire que les accusés ont commis une ou toutes les

3 infractions mises à leur charge dans l'Acte d'accusation.

4 A cet effet, elle a disposé des éléments de preuve soumis au Juge de la

5 confirmation. Elle a également entendu les témoins cités par le Procureur

6 lors des deux audiences tenues les 20, 26, 27 et 28 mars 1996. La Chambre

7 doit vérifier, en outre, que sa compétence est, à ce stade, établie.

8 L'utilisation de l'Article 61 permet au Tribunal, qui ne dispose pas de

9 forces de police propres, de réagir à l'inexécution des mandats d'arrêt

10 émis à l'encontre des personnes accusées. Si la Chambre saisie de l'examen

11 de l'Acte d'accusation le confirme de nouveau, elle doit délivrer un

12 mandat d'arrêt à diffusion internationale.

13 Elle peut également constater que l'inexécution des mandats d'arrêts

14 initiaux est imputable au refus de coopération d'Etats auxquels ils ont

15 été transmis, et informer par l'intermédiaire du Président du Tribunal le

16 Conseil de sécurité de ce manquement.

17 Enfin, la procédure de l'Article 61 permet d'exposer publiquement les

18 éléments soutenant l’accusation. Lorsqu'elles sont citées à comparaître

19 par le Procureur, les victimes peuvent dans ce cadre faire entendre leur

20 voix et les faire passer à l'Histoire.

21 La Chambre examine d'abord les faits incriminés et la situation des

22 accusés.

23 La ville de Vukovar a subi, à partir du 25 août 1991, une offensive

24 violente menée par l'armée populaire yougoslave, JNA, déployant un arsenal

25 militaire très étendu. La JNA comptait dans ses rangs des appelés, des

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1 volontaires nationalistes serbes, et coordonnait apparemment les activités

2 de divers groupes paramilitaires tels que les Tigres d’Arkan, tant locaux

3 que provenant de la République serbe.

4 Une résistance s'est organisée dans la ville afin de répondre à cette

5 offensive et comptait un nombre réduit de combattants et disposait d'un

6 armement très limité.

7 Le témoin expert a estimé que les effectifs de la résistance comparés à

8 ceux de la JNA déployés à Vukovar étaient dans un rapport défavorable de 1

9 à 15.

10 Pour ce qui concerne l'armement, le rapport était de 1 à 100.

11 A partir du 17 novembre 1991, alors que le mouvement de résistance

12 commençait à céder, un grand nombre de civils qui avaient survécu à

13 l'offensive dans les caves des bâtiments se sont dirigés, terrorisés, vers

14 l'hôpital après avoir entendu dire qu'une évacuation y serait organisée.

15 Un certain nombre de résistants se sont aussi rendus à l'hôpital après

16 avoir déposé leurs armes.

17 L'hôpital de Vukovar, qui avait été l'objet de bombardements constants, se

18 trouvait à ce moment surchargé de blessés. Le 19 novembre 1991, la JNA a

19 encerclé l'hôpital et en a pris le contrôle sous l'autorité du major

20 Sljivancanin.

21 Examinons d'abord les coups et blessures, toujours dans les faits

22 incriminés.

23 Il résulte des éléments du dossier, ainsi que des dépositions entendues à

24 l'audience, que le 20 novembre 1991, au matin, la population de l'hôpital

25 fut évacuée brutalement par la JNA, alors que le personnel médical était

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1 retenu par le major Sljivancanin.

2 Il en résulte aussi qu'un groupe d'à peu près 300 hommes, principalement

3 non serbes, constitué de patients et d'autres civils de tous âges, et

4 parfois très jeunes, fut sélectionné et rassemblé dans l'arrière-cour de

5 l'hôpital.

6 Ces personnes furent transportées en bus à la caserne de la JNA de Saj

7 Mjste (?) par des soldats de cette armée placée sous les ordres du major

8 Sljivancanin.

9 Lors de leur arrivée à la caserne, certaines de ces personnes furent

10 contraintes d'attendre dans les bus où elles furent l'objet de menaces

11 verbales de la part de soldats et de membres de groupes paramilitaires.

12 D'autres furent sélectionnées par le capitaine Radic et contraintes de

13 changer de bus. A leur descente, nombre de personnes furent frappées et

14 battues avec des bâtons et des barres de métal.

15 Quelques heures plus tard, la grande majorité d'entre elles furent

16 transportées à Ovcara, une ancienne ferme collective située aux alentours

17 de Vukovar.

18 D'après de nombreux témoignages, en descendant des bus, ces personnes

19 furent obligées de passer entre deux rangées de soldats et de membres de

20 groupes paramilitaires qui les frappèrent violemment à l'aide de matraques

21 et de toutes sortes d'instruments contondants: crosses de fusil, chaînes.

22 Les personnes qui marchaient avec des béquilles furent frappées avec leurs

23 propres béquilles. Ils les fouillèrent et confisquèrent leurs biens. Ces

24 traitements inhumains se poursuivirent dans un hangar où tous furent

25 enfermés jusqu'à la tombée de la nuit.

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1 Un témoin rapporte la scène suivante: "Les Chetniks étaient divisés en

2 deux groupes. Un groupe était chargé des passages à tabac et l'autre se

3 contentait d'assister à la scène. Un officier de la JNA se trouvait à

4 l'intérieur et avait un sifflet. Lorsqu'il voyait qu'un groupe était

5 fatigué, il sifflait pour indiquer à l'autre groupe de commencer à

6 frapper. Nous avons entendu crier les prisonniers et c'était horrible."

7 Fin de citation.

8 Les homicides: sur le site de la ferme d'Ovcara, un niveau supérieur de

9 violence sera atteint, caractérisé à la fois par des actes isolés

10 d'homicides commis dans le hangar de la ferme et par des assassinats en

11 masse commis alentours.

12 L'Acte d'accusation soumis à la Chambre comprend une liste de 261 hommes

13 disparus depuis le 20 novembre 1991 dont il convient de retirer un nom,

14 conformément à la demande du Procureur. Il apparaît que cette liste

15 établie par la commission croate sur les personnes détenues et disparues

16 emporte identification de la plupart des hommes exécutés le 20 novembre

17 1991.

18 Homicides dans le hangar de la ferme: le hangar de la ferme d'Ovcara a été

19 le théâtre de deux meurtres. Ceman Saiti est ainsi mort à la suite de

20 sévices ininterrompus; violents coups de matraque et de pied sur le visage

21 et la tête ayant provoqué des saignements de nez, des oreilles et de la

22 bouche.

23 Un rescapé en fait la relation suivante, je cite: "A un certain moment,

24 les Chetniks ont demandé s'il y avait un Albanais et un homme, nommé Ceman

25 Saiti, a déclaré être Albanais. Une personne a commencé à donner des coups

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1 de matraque réellement violents à Ceman et lorsque celui-ci s'est écroulé

2 sur le dos, l'homme lui a donné des coups de pied dans le visage et sur la

3 tête et a piétiné son corps. Après un certain temps, Ceman a eu l'air

4 mort. Il saignait du nez, des oreilles et de la bouche, mais l'homme a

5 continué à lui donner des coups pendant une demi-heure environ." Fin de

6 citation.

7 Un homme du nom de Damdzan Samaldzi a subi des sévices et un sort

8 comparable. Des soldats lui donnant des coups de botte et de batte de

9 base-ball, sautant sur son estomac et sur son dos, provoquant ainsi des

10 saignements de son nez et de sa bouche pendant qu'un milicien serbe

11 maintenait sa tête contre le sol en béton jusqu'à ce que mort s'ensuive.

12 Assassinats en masse: à la suite de ces sévices, des exécutions en série

13 auraient eu lieu ce 20 novembre 1991, en début de soirée.

14 Vers 18 heures, les soldats de la JNA ont séparé les prisonniers en groupe

15 de vingt. Toutes les 15 à 20 minutes un camion emportait un groupe et

16 revenait vide, un autre groupe prenait alors place dans le camion.

17 D'après les déclarations des témoins et notamment du témoin B qui a réussi

18 à s'enfuir lors d'une scène de ces transports, le camion quittait le

19 bâtiment et tournait sur une route pavée allant à Grabovo, un village se

20 trouvant à trois kilomètres environ au sud-est d'Ovcara. Quelques instants

21 plus tard, le camion tournait à gauche sur une route en terre battue.

22 Cette route passait entre un champ de tournesols à gauche, et une aire

23 boisée à droite.

24 Etant donné les estimations de temps et de distance entre la ferme et le

25 site, ainsi que la description des routes empruntées, un seul endroit

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1 correspond aux descriptions. C'est l'emplacement où le Dr Clyde Snow

2 anthropologue et médecin légiste agissant en qualité d'expert pour le

3 compte de la Commission Mazeljev découvrira, grâce aux indications du

4 témoin B, un charnier en octobre 1992.

5 A l'issue de fouilles préliminaires réalisées sur ce même site en décembre

6 1992, une équipe légiste internationale réunie par "Physicians for human

7 rights" confirmera l'existence de ce charnier dans une région isolée au

8 sud-est du village d'agriculteurs d'Ovcara près de Vukovar.

9 Dans ses conclusions, confirmées à l'audience par le Dr Snow qui la

10 dirigeait, l'équipe affirme qu'une exécution de masse s'est tenue sur ce

11 lieu. Un bulldozer a servi à débroussailler et à creuser une fosse dans

12 une décharge existante.

13 Citation: "La fosse semble être dans le droit fil des déclarations de

14 témoins indiquant que le site est l'endroit de l'exécution et de

15 l'inhumation des malades et du personnel médical disparu lors de

16 l'évacuation de l'hôpital de Vukovar, le 20 novembre 1991. Le fait que

17 deux corps portaient des chaînes, avaient des croix catholiques; l'une

18 avec une petite plaque portant l'inscription "Borhi hrvatske" "Dieu et les

19 Croates", indiquerait que le charnier contient sans doute les dépouilles

20 mortelles de Croates." Fin de citation.

21 L'équipe légiste internationale présente deux types d'indices de scellés

22 pendant le relevé indiquant le déroulement d'une exécution sur le site.

23 Premièrement, une importante concentration de douilles de cartouches de

24 7,62 millimètres du type servant pour les pistolets mitrailleurs

25 Kalachnikov a été trouvée dans les broussailles au nord-est du charnier.

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1 Le second type d'indice connexe se compose de traces de balles sur les

2 arbres au sud-est du site.

3 Sur la question du Procureur concernant la contenance du charnier, le Dr

4 Snow a été amené à préciser, sur la base de la tranchée test creusée, les

5 squelettes retrouvés et d'autres indicateurs scientifiques reconnus comme

6 la dimension du charnier -le volume du corps humain notamment-, que la

7 fosse aurait pu contenir environ 350 corps.

8 Des informations fournies par les anciens soldats de la JNA ayant pris

9 part, ou assisté en tout ou partie, aux opérations incriminées confortent

10 les allégations d'assassinats en masse. Faisant le 20 novembre 1991 au

11 soir la relation des événements d'Ovcara, des soldats de l'unité placés

12 sous le commandement de Miroslav Radic affirmaient en sa présence que, je

13 cite: "Tous ceux qui avaient été fait prisonniers là avaient été tués. Ils

14 en riaient et fêtaient ce qui s'était passé." Fin de citation.

15 En présence et sur les ordres du major Veselin Sljivancanin, je cite: "Les

16 hommes étaient abattus, jetés dans des fosses recouvertes de poudre, une

17 poudre destinée à accélérer la décomposition, et des rondins étaient

18 placés sur chaque couche." Fin de citation.

19 De fait, il apparaît que les exécutions ont été programmées, planifiées et

20 l'environnement dans lequel elles devaient avoir lieu, aménagé en

21 conséquence.

22 Quelques jours avant la chute de Vukovar, une unité du Génie de la JNA

23 équipée de bulldozers et d'autres machines était en action sur le site

24 d'Ovcara. Les bruits engendrés par l'activité de ces engins seront

25 entendus une fois de plus le 20 novembre 1991 à partir du hangar de la

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1 ferme. Ces bulldozers aménageaient des fosses communes où les victimes

2 allaient ultérieurement être ensevelies, selon les propos d'un soldat

3 serbe présent sur les lieux rapportés par l'un des témoins.

4 Nous examinons à présent, toujours dans les faits incriminés, la position

5 des accusés et le type de responsabilité encourue. L'Acte d'accusation et

6 les pièces du dossier sur lesquelles il repose mettent en évidence le fait

7 que la responsabilité des accusés pour les faits incriminés pourrait être

8 engagée non seulement du fait de leur position d'autorité, mais aussi de

9 leur participation directe à leur commission.

10 Il est en effet établi que les actions incriminées ont été menées par la

11 Brigade de la Garde placée sous le commandement ou le contrôle des accusés

12 agissant à différents titres, mais de manière concertée.

13 Le colonel Mile Mrksic commandait ainsi la Brigade de la Garde dont la

14 compétence territoriale couvrait toute la zone de Vukovar au sein du 1er

15 District militaire dépendant de Belgrade. Bien que l'offensive générale

16 sur Vukovar ne relève pas de sa seule responsabilité, sa position à la

17 tête de la Brigade de la Garde permet de lui attribuer une responsabilité

18 de premier plan.

19 Le capitaine Miroslav Radic était à la tête d'une unité spéciale

20 d'infanterie relevant de la Brigade de la Garde. Résumant à l'intention de

21 ses troupes leur mission à la mi-novembre 1991, il précisera qu'il leur

22 revenait de prendre le contrôle de la zone allant de Petrova Gora,

23 banlieue de Vukovar, à la rivière Vuka.

24 Le colonel Mile Mrksic avait sous ses ordres le major Veselin

25 Sljivancanin, chargé du commandement opérationnel direct des forces de la

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1 JNA dans les environs immédiats de la ville de Vukovar. Responsable de la

2 sécurité pour la Brigade de la Garde, le major Sljivancanin commandait

3 également un bataillon de la police militaire faisant partie de cette

4 brigade.

5 Pendant toute la conduite des opérations, les accusés travaillaient en

6 étroite collaboration et concertation. Durant la journée, le capitaine

7 Radic et le major Sljivancanin étaient le plus souvent ensemble. En

8 soirée, le major Sljivancanin retournait au quartier général du colonel

9 Mrksic à Nigoslavski.

10 La présence du capitaine Radic et du major Sljivancanin à l'hôpital de

11 Vukovar, le 20 novembre 1991, est abondamment attestée tant par les

12 dépositions des témoins que par les images vidéos projetées. En compagnie

13 du capitaine Radic et du major Sljivancanin, le colonel Mrksic se serait

14 entretenu avec les représentants du CICR le 19 novembre 1991, à l'hôpital,

15 des modalités de son évacuation. C'est en particulier sous la supervision

16 générale du major Sljivancanin que les personnes présentes à l'hôpital ont

17 été sélectionnées suivant des critères divers, puis transférées par bus à

18 Ovcara.

19 Un témoin déclare à ce propos, je cite: "En arrivant à l'hôpital, je me

20 suis rendu compte qu'il y avait trois groupes; un groupe de Serbes, un

21 groupe de femmes et d'enfants non serbes et un troisième groupe uniquement

22 composé d'hommes." Fin de citation.

23 C'est Sljivancanin qui donnait toutes les instructions sur le nombre de

24 rangées à former, les catégories de personnes devant s'y insérer et le

25 moment de monter dans le bus. Tous les témoignages concordent.

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1 Sljivancanin, je cite, "était responsable de tout ce qui s'est passé à

2 l'hôpital de Vukovar, il se comportait comme un commandant et prenait les

3 décisions". Fin de citation.

4 En outre, en ce qui concerne les exécutions à proximité d'Ovcara, suivant

5 les propos de soldats ayant pris part au massacre rapporté par le témoin

6 A, je cite: "Le major Sljivancanin était présent lorsque les meurtres ont

7 été commis et c'est lui qui donnait les ordres." Fin de citation.

8 Déjà, dans la matinée du 20 novembre 1991, à l'hôpital, le major

9 Sljivancanin faisait clairement état du sort qu'attendaient les personnes

10 transférées. En réponse à l'interrogation d'un des témoins sur la

11 destination des bus, il a affirmé, je cite: "Ces gens qui sont là, ils

12 seront avalés par l'obscurité en plein jour." Fin de citation. Expression

13 qui signifie "personne ne les reverra, elles disparaîtront toutes".

14 D'autres éléments d'information soumis à la Chambre font état de la

15 présence du colonel Mile Mrksic dans le hangar de la ferme d'Ovcara

16 organisant la perpétration, par les milices serbes présentes, des sévices

17 sur les prisonniers.

18 Après avoir examiné les faits incriminés et la position des accusés, le

19 Tribunal s'est penché sur la compétence du Tribunal en vertu des Articles

20 2, 3 et 5 du Statut qui sont le fondement de l'Acte d'accusation.

21 Lors de l'examen de l'Acte d'accusation dans le cadre des audiences

22 publiques de l'Article 61, la Chambre de première instance se doit de

23 vérifier que sa compétence est établie à ce stade. Le Procureur affirme

24 que les faits incriminés relèvent de la compétence du Tribunal en vertu

25 des Articles 2, 3 et 5 du Statut.

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1 D'abord les Articles 2 et 3.

2 L'Article 3 du Statut présente une énumération non exhaustive des

3 violations des lois ou coutumes de la guerre pour lesquelles le Tribunal

4 est habilité d'engager des poursuites. La Chambre d'appel, dans son arrêt

5 du 2 octobre 1995, a précisé que l'Article 3 du Statut fait référence à un

6 large éventail d'infractions et a défini quatre conditions à remplir pour

7 qu'une violation relève du domaine de l'Article 3.

8 La violation doit porter atteinte à une règle de droit international

9 humanitaire. Cette règle doit être une règle coutumière ou, si elles

10 relèvent du droit conventionnel, certaines conditions doivent être

11 remplies. Par ailleurs, la violation doit être grave; c'est-à-dire qu'elle

12 doit contrevenir à une règle protégeant des valeurs importantes et doit

13 avoir de graves conséquences pour la victime. Enfin, la violation de la

14 règle doit engager la responsabilité pénale de l'auteur de la violation.

15 Le Procureur a, dans l'Acte d'accusation soumis à cette Chambre, qualifié

16 les coups et blessures incriminés de traitements cruels. Le Procureur a,

17 en outre, qualifié de meurtres, l'exécution présumée des 260 hommes.

18 Les faits ainsi qualifiés constituent des violations de l'Article 3 commun

19 aux Conventions de Genève, elles-mêmes violations des lois ou coutumes de

20 la guerre couvertes par l'Article 3 du Statut, paragraphe 89 de l'arrêt de

21 la Chambre d'appel précité.

22 L'Article 3 du Statut peut être considéré comme couvrant toutes les

23 violations du droit international du droit humanitaire autres que les

24 infractions graves aux Conventions de Genève relevant de l'Article 2 du

25 Statut. L'Article 3 s'applique que le conflit soit de caractère

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1 international ou interne.

2 L'Article 2 du Statut dispose que le Tribunal, je cite: "Est habilité à

3 poursuivre les personnes qui commettent ou donnent l'ordre de commettre

4 des infractions graves aux Convention de Genève du 12 août 1949. Les actes

5 énumérés dans cet Article sont dirigés contre des personnes ou des biens

6 protégés aux termes des dispositions de la convention pertinente.

7 L'arrêt de la Chambre précité précise également, je cite, "que les crimes

8 énumérés à l'Article 2 ne peuvent faire l'objet de poursuites que

9 lorsqu'ils sont perpétrés contre des personnes ou des biens considérés

10 comme protégés par les Conventions de Genève dans le cadre des conditions

11 rigoureuses fixées par les conventions proprement dites", et conclut que

12 l'Article 2 du Statut, je cite, "ne s'applique qu'aux crimes commis dans

13 le contexte de conflits armés internationaux", paragraphes 81 à 84 de

14 l'arrêt de la Chambre d'appel.

15 Dans cet Article, la référence faite à la notion de personnes ou biens

16 protégés couvre les personnes et les biens visés aux Articles 13, 19, 24-

17 26 et 33-35 de la Convention de Genève I; l'Article 13, 22, 24, 25, 27, 36

18 et 37 de la Convention de Genève II; l'Article 4 de la Convention de

19 Genève III et Articles 4, 18-22, 33, 53 et 57 de la Convention de Genève

20 IV.

21 Le Procureur a précisé, dans l'Acte d'accusation, que les coups et

22 blessures infligés aux 260 hommes après leur transport depuis l'hôpital de

23 Vukovar constituent une infraction grave définie comme le fait de causer

24 intentionnellement de grandes souffrances, Article 2 c) du Statut, et le

25 Procureur considère que l'exécution présumée des 260 hommes en un lieu

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1 situé entre Ovcara et Grabovo, ainsi que les deux meurtres perpétrés dans

2 le hangar, constituent une infraction grave d'homicide intentionnel,

3 Article 2 a) du Statut.

4 En ce qui concerne les conditions générales d'application de l'Article 3

5 du Statut, tous les témoignages indiquent aux époques visées dans l'Acte

6 d'accusation: la région de Vukovar était le théâtre d'un conflit armé. A

7 la même époque, les victimes présumées des coups et blessures et des

8 exécutions étaient des personnes qui n'avaient pas activement pris part

9 aux hostilités, tels des civils blessés ou indemnes ainsi que des membres

10 de la défense croate, blessés ou indemnes, qui avaient déposé les armes.

11 Les conditions générales d'application de l'Article 2 du Statut sont

12 l'existence d'un conflit armé de caractère international, et la qualité de

13 "personnes protégées" des victimes au sens de la Convention de Genève

14 pertinente. Les faits incriminés dans l'Acte d'accusation ont eu lieu

15 après que la déclaration d'indépendance de la Croatie a pris effet le 8

16 octobre 1991, alors que la ville de Vukovar était l'objet d'une attaque de

17 la JNA.

18 Il résulte des déclarations à l'audience du témoin expert, le Dr Gow, que

19 cette armée avait commencé d'agir dans l'intérêt de la République serbe au

20 moins à partir de la fin du mois d'août 1991.

21 La Chambre note de surcroît que, selon le Dr Gow, je cite: "La Fédération

22 yougoslave a cessé d'exister le 15 mai 1991, date à laquelle le système de

23 nomination d'un chef de la présidence collective de la République

24 fédérative socialiste de Yougoslavie a éclaté." Fin de citation.

25 Les 260 hommes emmenés de l'hôpital de Vukovar étaient dès lors des

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1 civils, du personnel médical, des blessés, et d'autres personnes

2 appartenant à la catégorie des personnes protégées telles que définies par

3 les quatre conventions de Genève de 1949.

4 En ce qui concerne l'incrimination des mauvais traitements relevant des

5 Articles 2 et 3, la majorité des témoins font état de coups infligés lors

6 du passage à travers une double rangée de soldats ou de membres de groupes

7 paramilitaires serbes pour entrer dans le hangar d'Ovcara. Les personnes

8 arrêtées étaient également battues à l'intérieur du hangar. Sur la base de

9 l'ensemble des témoignages qui lui ont été soumis, tels que décrits au

10 paragraphe 6 de cette décision, la Chambre de première instance considère

11 que les quelque 260 personnes transférées de l'hôpital de Vukovar se sont

12 vu infliger intentionnellement de grandes souffrances.

13 En ce qui concerne l'incrimination de meurtre relevant des Articles 2 et 3

14 du Statut, il résulte des éléments de preuve soumis à la Chambre -et

15 notamment des déclarations des témoins lors de l'enquête et au cours de

16 l'audience-, analysés au paragraphe 8 à 14 ci-dessus que, d'une part, deux

17 personnes ont été tuées dans le hangar et que, d'autre part, la grande

18 majorité des personnes retenues à Ovcara ont été transportées en groupe

19 vers un site proche et ayant été vraisemblablement exécutées.

20 La Chambre examine à l'heure actuelle, à présent, la compétence au regard

21 de l'Article 5.

22 Le Procureur invoque également comme fondement de la compétence du

23 Tribunal, l'Article 5 relatif aux crimes contre l'humanité. En vertu de

24 cet Article, le Tribunal international est habilité à juger des personnes

25 présumées responsables des crimes suivants, lorsqu'ils ont été commis lors

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1 d'un conflit armé de caractère international ou interne, et dirigés contre

2 une population civile quelle qu'elle soit: a) assassinats, b)

3 extermination, c) réduction en esclavage, d) expulsion, e) emprisonnement,

4 f) tortures, g) viols, h) persécution pour des raisons politiques,

5 raciales et religieuses, i) autres actes inhumains.

6 Dans sa décision du 20 octobre 1995, affaire Nikolic, cette Chambre a

7 précisé le contexte dans lequel doivent s'inscrire les actes criminels

8 énumérés par l'Article 5 pour être qualifiés de crimes contre l'humanité.

9 Ainsi, les actes criminels doivent-ils avoir pour objet une population

10 civile quelle qu'elle soit. Dans le rapport qui proposait le Statut du

11 Tribunal et qui fut approuvé par la Résolution 827 du Conseil de sécurité,

12 le secrétaire général affirmait, je cite: "Les crimes contre l'humanité

13 désignent des actes inhumains d'une extrême gravité, tels que l'homicide

14 intentionnel, la torture ou le viol commis dans le cadre d'une attaque

15 généralisée ou systématique contre une population civile quelle qu'elle

16 soit pour des raisons nationales, politiques raciales ou religieuses." Fin

17 de citation.

18 Si les combattants, au sens classique du terme, ne peuvent, aux termes de

19 l'Article 5 de ce Tribunal, être victimes d'un crime contre l'humanité, il

20 n'en est pas de même des individus qui ont pu se livrer à un moment donné

21 à des actes de résistance.

22 Comme le note la commission d'experts établie conformément à la Résolution

23 780 du Conseil de sécurité dans son rapport final, je cite: "Il est

24 évident que l'Article 5 s'applique tout d'abord aux civils, c'est-à-dire

25 aux personnes qui ne sont pas des combattants. Toutefois, ceci ne doit pas

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1 conduire à de trop rapides conclusions en ce qui concerne les personnes

2 qui, à un moment donné, ont porté les armes. Il est nécessaire à cet égard

3 de recueillir des informations quant au contexte général afin

4 d'interpréter la disposition dans un sens qui soit conforme à son esprit."

5 Fin de citation.

6 Cette conclusion est confortée par une certaine jurisprudence. Dans

7 l'affaire Barbie la Cour de cassation française a considéré, je cite: "Que

8 les actes inhumains et les persécutions qui, au nom d'un Etat pratiquant

9 une politique d'hégémonie idéologique, ont été commis de façon

10 systématique ou collective non seulement contre les personnes en raison de

11 leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse, mais aussi

12 contre les adversaires de cette politique quelle que soit la forme de

13 cette opposition" -fin de citation-, devaient être considérés comme

14 relevant du crime contre l'humanité (cassation criminelle du 20 décembre

15 1985 et 26 novembre 1986).

16 Les crimes contre l'humanité doivent être distingués des crimes de guerre

17 commis contre des personnes. Ils doivent notamment être généralisés ou

18 présenter un caractère systématique. Cependant, dans la mesure où ils

19 présentent un lien avec l'attaque généralisée ou systématique contre une

20 population civile, un acte unique pourrait remplir les conditions d'un

21 crime contre l'humanité.

22 De ce fait, un individu qui commet un crime contre une seule victime, ou

23 un nombre limité de victimes, peut être reconnu coupable d'un crime contre

24 l'humanité si ses actes font partie du contexte spécifique identifié ci-

25 dessus.

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1 La Chambre considère que l'Acte d'accusation qui lui est soumis révèle

2 avant tout la commission d'un crime contre l'humanité. Ainsi, les coups et

3 blessures et les exécutions imputés aux trois accusés paraissent bien

4 avoir été perpétrés dans des circonstances caractéristiques du crime

5 contre l'humanité.

6 Les victimes de ces actes étaient des hommes principalement non serbes,

7 patients de l'hôpital, civils ou résistants ayant déposé les armes. Ces

8 événements semblent s'inscrire dans le cadre d'une attaque généralisée et

9 systématique contre la population civile de la ville de Vukovar.

10 Ainsi, les éléments présentés à l'audience ont-ils fait apparaître que la

11 ville de Vukovar avait été l'objet, à partir de l'été 1991, d'une

12 offensive massive des forces de la JNA par voie terrestre, navale et

13 aérienne. La ville a été bombardée intensément à partir de la fin du mois

14 d'août, et ce, pendant près de trois mois. A l'issue de cette attaque qui

15 a causé la mort d'un grand nombre de civils et de résistants, les

16 populations civiles qui s'étaient réfugiées dans les caves des bâtiments

17 pendant les bombardements ont été déportées massivement pour ce qui

18 concerne les femmes et les enfants, tandis que les hommes ont été arrêtés.

19 Plus d'un millier de personnes sont toujours portées disparues.

20 Selon le Dr Gow, témoin expert, l'attaque menée par la JNA visait, je

21 cite: "à occuper Vukovar" et, je cite à nouveau: "à en expulser les non

22 Serbes, les populations non loyales". Fin de citation.

23 Elles constituaient un exemple de, je cite, "de ce que l'on appelle la

24 purification ethnique, à savoir l'expulsion des populations civiles afin

25 de pouvoir saisir la région et former les frontières des territoires

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1 devant faire partie de la République serbe". Fin de citation.

2 L'attaque de Vukovar s'intégrait dans une campagne menée en plusieurs

3 points du territoire croate.

4 La Chambre relève les propos du Procureur selon lesquels, je cite: "Les

5 événements qui se sont produits à Vukovar depuis le début peuvent être

6 qualifiés sans aucun doute de nettoyage ethnique planifié qui a semé les

7 germes du génocide dans le conflit de l'ex-Yougoslavie." Fin de citation.

8 Elle constate à cet égard que les actes faisant l'objet de l'accusation

9 qui lui est soumise ne constituent que l'un des aspects d'une opération

10 plus large comprenant notamment, le bombardement, le siège, la prise de la

11 ville de Vukovar, ainsi que les décès et disparitions de personnes et

12 l'expulsion massive de la population civile qui en ont résulté.

13 Des éléments produits à l'audience, notamment les images télévisées qui

14 ont été projetées, ont fait apparaître que les responsabilités militaires

15 et politiques de cette opération pourraient être recherchées à un niveau

16 hiérarchique très élevé. Ainsi, le secrétaire de la défense des autorités

17 serbes et chef de la JNA -le général Dzero Karidzevic-, a-t-il lui-même

18 félicité les principaux participants aux opérations de Vukovar parmi

19 lesquels se trouvait le colonel Mrksic. Selon le témoin expert, l'attitude

20 de cette armée ne peut-être expliquée sans l'existence d'un certain

21 commandement politique.

22 La Chambre a également pris note du fait que le Procureur a affirmé à

23 l'audience poursuivre ces enquêtes sur l'ensemble de cette opération

24 criminelle menée dans la région de Vukovar, à partir de l'été 1991.

25 Au regard de tout ce qui précède, la Chambre considère qu'il existe des

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1 raisons suffisantes de croire que Mile Mrksic, Miroslav Radic et Veselin

2 Sljivancanin ont commis les infractions mises à leur charge dans l'Acte

3 d'accusation, infractions qui relèvent de la compétence du Tribunal en

4 vertu des Articles 2, 3 et 5 de son Statut.

5 Il y a lieu de confirmer de nouveau, conformément aux dispositions de

6 l'Article 61 du Règlement, en tous ces chefs, l'Acte d'accusation établi à

7 leur rencontre et de délivrer mandat d'arrêt international adressé à tous

8 les Etats.

9 De surcroît, la Chambre estime nécessaire de transmettre ce mandat d'arrêt

10 à la force militaire multinationale de mise en œuvre (IFOR) déployée sur

11 le territoire de la Bosnie-Herzégovine, en vertu des accords de Dayton

12 signés à Paris le 14 décembre 1995.

13 La Chambre à présent examine le point spécial du manquement de la

14 République fédérative de Yougoslavie, Serbie et Monténégro à son devoir de

15 coopération avec le Tribunal. Après avoir initialement confirmé l'Acte

16 d'accusation soumis à cette Chambre, le Juge Riad a délivré le 7 novembre

17 1995 trois mandats d'arrêt à l'encontre de Mile Mrksic, Miroslav Radic et

18 Veselin Sljivancanin, adressés au gouvernement de la République fédérative

19 de Yougoslavie. Ils ont été transmis, ces mandats, par le greffier de ce

20 Tribunal aux représentants diplomatiques de cet Etat aux Pays-Bas, le 8

21 novembre 1995.

22 En outre, à la requête du Procureur, le greffier a demandé le 23 janvier

23 1996 à ces mêmes représentants de veiller à la publication de l'Acte

24 d'accusation dans les journaux à grand tirage de la République fédérative

25 de Yougoslavie conformément aux dispositions de l'Article 60 du Règlement.

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1 A ce jour, les mandats d'arrêt subdivisés n'ont pas été exécutés par la

2 République fédérative de Yougoslavie. Cet Etat n'a pas informé le greffier

3 du Tribunal des raisons pour lesquelles il n'a pas assuré cette exécution.

4 Il a ainsi manqué à l'obligation de coopération posé par l'Article 59 A)

5 du Règlement de ce Tribunal.

6 En outre, comme cela a déjà été relevé plus haut, paragraphe 35, à la

7 suite des événements de Vukovar le colonel Mrksic a reçu les félicitations

8 du général Kadizevic, secrétaire de la défense, chef de la JNA. Le

9 Procureur a affirmé que le colonel Mrskic a bénéficié d'une promotion au

10 sein de cette armée et est devenu le commandant de la République serbe de

11 Krajina. Il se trouverait aujourd'hui à Belgrade.

12 Le major Sljivancanin aurait, lui aussi, bénéficié d'une promotion et

13 serait actuellement en service auprès de l'Académie militaire de Belgrade.

14 Quant au capitaine Radic, il continuerait de servir dans l'armée de la

15 République fédérative de Yougoslavie et résiderait à Belgrade.

16 Le Procureur a affirmé à l'audience que les accusés, je cite: "se cachent,

17 protégés par un gouvernement qui les a envoyés accomplir ces actes et qui

18 cherche encore à les protéger". Fin de citation.

19 Selon lui, je cite: "Lorsqu'un gouvernement appuie et abrite des gens qui

20 sont des criminels aux yeux du monde, ce gouvernement devient criminel et

21 c'est exactement ce que le gouvernement de Belgrade a fait dans ce cas."

22 Fin de citation.

23 Au regard de l'ensemble de ces éléments, la Chambre considère que le

24 défaut d'exécution des mandats d'arrêt émis à l'encontre de Mile Mrksic,

25 de Miroslav Radic et Veselin Sljivancanin est imputable au refus de la

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1 République fédérative de Yougoslavie de coopérer avec le Tribunal. Elle en

2 dresse en conséquence constat aux fins d'information du Conseil de

3 Sécurité.

4 Dispositif.

5 Vu les Articles 59 bis et 61 du Règlement de procédure et de preuve, vu la

6 confirmation en date du 7 novembre 1995 de l'Acte d'accusation par le Juge

7 Riad, vu le mandat d'arrêt délivré à la même date, vu la décision en date

8 du 6 mars 1996 par laquelle le Juge Riad a ordonné au Procureur de saisir

9 la Chambre de première instance, entendu le Procureur en ses observations,

10 les témoins en leurs déclarations au cours des audiences tenues les 20,

11 26, 27 et 28 mars 1996 au siège de ce Tribunal, la Chambre de première

12 instance, statuant à l'unanimité:

13 - Retire de la liste des victimes présumées le nom de Goran Edelinski,

14 - Dit qu'il existe des raisons suffisantes de croire que Mile Mrskic,

15 Miroslav Radic et Veselin Sljivancanin ont commis des infractions mises à

16 leur charge dans l'Acte d'accusation établi le 26 octobre 1995;

17 - Confirme en conséquence en ces six chefs ledit Acte d'accusation;

18 - Délivre mandat d'arrêt international au compte de Mile Mrskic, Miroslav

19 Radic et Veselin Sljivancanin;

20 - Dit que ce mandat sera transmis à tous les Etats et, en tant que de

21 besoin, à la force de mise en œuvre IFOR,

22 - Constate que le défaut de signification de l'Acte d'accusation est

23 imputable au refus de coopération de la République fédérative de la

24 Yougoslavie, Serbie et Monténégro avec le Tribunal, laissant le soin au

25 Président du Tribunal, selon les modalités de l'Article 61 E) d'en

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1 informer le Conseil de Sécurité, fusse en français et en anglais, la

2 version française faisant foi, ce jour, à La Haye, le 3 avril 1996.

3 Je tiens, au moment où se termine cette audience, à remercier tous les

4 interprètes qui nous ont assisté au cours de ces longues journées

5 d'audition. Je tiens également à remercier notre Division de protection

6 des victimes et des témoins qui assure dans des conditions difficiles,

7 notamment la protection de l'anonymat des témoins qui veulent bien venir

8 témoigner devant le Tribunal pénal international.

9 L'audience est levée.

10 (L'audience est levée.)

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