LA CHAMBRE DAPPEL
Composée comme suit :
M. le Juge David Hunt, Président
M. le Juge Fouad Riad
M. le Juge Rafael Nieto-Navia
M. le Juge Mohamed Bennouna
M. le Juge Fausto Pocar
Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier
Ordonnance rendue le :
9 mai 2000
LE PROCUREUR
C/
Zejnil DELALIC, Zdravko MUCIC ( alias «PAVO»), Hazim DELIC
et Esad LANDO ( alias «ZENGA»)
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ORDONNANCE RELATIVE À LA REQUÊTE AUX FINS DOBTENIR
LAUTORISATION DE PERMETTRE À UN TÉMOIN EXPERT DE VISIONNER DES SÉQUENCES
DENREGISTREMENTS
VIDÉO ET DE VERSER AU DOSSIER SON AVIS
RELATIF À LA QUESTION DES
TROUBLES DU SOMMEIL
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Le Bureau du Procureur :
M. Upawansa Yapa
M. Christopher Staker
M. Norman Farrell
M. Roeland Bos
Les Conseils de la Défense :
M. John Ackerman pour Zejnil Delalic
MM. Tomislav Kuzmanovic et Howard Morrison pour Zdravko Mucic
MM. Salih Karabdic et Tom Moran pour Hazim Delic
M. Peter Murphy pour Esad Lando
LA CHAMBRE DAPPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis 1991 («le Tribunal international»),
VU lActe dappel déposé le 1er décembre 1998 par le défendeur Esad Lando et le Mémoire déposé le 2 juillet 1998 aux fins dinterjeter appel du jugement et de la peine prononcés à son encontre, dans lequel il présente ses motifs dappel qui comprennent, entre autres, le fait que son droit à un procès équitable et rapide garanti par les articles 20 et 21 du Statut du Tribunal international « a été violé en ce sens que le jugement et la peine ont été prononcés par une Chambre de première instance dont le Président a été autorisé à dormir pendant une bonne partie du procès » (« Quatrième motif dappel »),
VU la Requête aux fins dobtenir lautorisation de permettre à un témoin expert de visionner des séquences denregistrements vidéo et de verser au dossier son avis relatif à la question des troubles du sommeil (Quatrième motif dappel) (« la Requête »), déposée le 27 avril 2000 par le Conseil de la Défense dEsad Lando (« lAppelant »),
VU la Réponse de lAccusation à la Requête déposée par Esad Lando aux fins dobtenir lautorisation de permettre à un témoin expert de visionner des séquences denregistrement vidéo et de verser au dossier son avis relatif à la question des troubles du sommeil et la Requête de lAccusation aux fins déclaircissement, toutes deux déposées par le Bureau du Procureur (« lAccusation ») le 3 mai 2000 (« la Réponse de lAccusation »),
VU lOrdonnance du 15 juin 1999 relative à la deuxième Requête aux fins de protection et de communication déléments de preuve (« lOrdonnance du 15 juin »), dans laquelle la Chambre dappel ordonnait, entre autres, que le conseil ou le coconseil de lAppelant soit autorisé à visionner les cassettes vidéo des débats, telles quenregistrées par la caméra no 3 dans la salle daudience I et la caméra no 3 dans la salle daudience III (« les Cassettes du procès ») lors du procès de lAppelant, sous réserve de certaines conditions, notamment le fait que seul le conseil ou le coconseil de lAppelant sera autorisé à visionner les enregistrements des audiences à huis clos et quaucune copie audio ou vidéo des Cassettes du procès ne sera fournie au conseil ou au coconseil de lAppelant ou à tout autre conseil,
ATTENDU que les séquences denregistrements vidéo qui ont été compilées contiennent les extraits des Cassettes du procès sur lesquels se fondent les deux parties sagissant du Quatrième motif dappel,
ATTENDU que lesdites séquences représentent une compilation des enregistrements vidéo des débats publics et à huis clos qui ont eu lieu tout au long du procès et quelles ont été réalisées en vue de permettre à la Chambre dappel de visionner facilement les éléments de preuve en rapport avec le Quatrième motif dappel,
ATTENDU que la Requête demande que soit accordée au Dr. Merrill M. Mitler, présenté comme lun des grands spécialistes des troubles du sommeil, lautorisation de visionner, dans les locaux du Tribunal et en présence du Conseil, lesdites séquences vidéo enregistrées en audiences publiques afin que ce dernier puisse juger de la vigilance ou de létat de conscience du Président de la Chambre de première instance durant le procès et émette, le cas échéant, un avis sur la question,
VU les articles 94 bis et 107 du Règlement de procédure et de preuve (« les Articles »), qui disposent, entre autres, que « le rapport de tout témoin expert » doit être intégralement communiqué à la partie adverse dès que possible,
ATTENDU que la Requête stipule que si le Dr. Mitler peut émettre un avis, ce dernier sera déposé et communiqué à lAccusation avant la conférence de mise en état fixée au 12 mai 2000,
VU lOrdonnance portant calendrier rendue par la Chambre dappel le 6 avril 2000, qui ordonnait que lexposé des arguments en appel de lespèce (« lExposé ») débute le 5 juin 2000, à 10 heures,
ATTENDU que la Réponse de lAccusation demande que la Chambre dappel exerce son pouvoir discrétionnaire pour rejeter la Requête sur les bases suivantes :
i) La Requête est inopportune dans la mesure où lallégation selon laquelle le Président de la Chambre dinstance dormait pendant une partie du procès se trouve au cur des débats en appel depuis un certain temps déjà,
ii) Sil est fait droit à la Requête, lExposé sen trouvera inévitablement retardé. Il semble en effet peu probable que le Dr. Mitler soit en mesure démettre un avis dans les délais impartis. De plus, quand bien même serait-il en mesure de le faire, léquité exigerait que lAccusation ait la possibilité de requérir un autre avis dexpert afin de déterminer si elle accepte ou non lavis du Dr. Mitler, si elle souhaite procéder à un contre-interrogatoire de ce dernier et si, enfin, elle envisage de faire valoir son propre rapport dexpert en réponse. Le processus lui-même prendrait un certain temps et ne pourrait, de façon réaliste, être achevé avant la date prévue pour le commencement de lExposé.
iii) La valeur du témoignage du Dr. Mitler est discutable. Il semblerait en effet que ce témoignage porte sur la vigilance ou létat de conscience du Président de la Chambre de première instance. Or, le Quatrième motif dappel est lié au fait que ce dernier « a été autorisé à dormir pendant une bonne partie du procès » et que, de toute façon, le Dr. Mitler n'aura pas autoriser laccès au dossier médical du Président.
ATTENDU que le Quatrième motif dappel a été soulevé dans lActe dappel de lAppelant déposé le 1er décembre 1998 et quune ordonnance autorisant laccès aux enregistrements vidéo du procès a été rendue le 15 juin 1999,
ATTENDU que, eu égard au fait que les questions de fond et celles liées aux éléments de preuve qui ont été soulevées par le Quatrième motif dappel, y compris celles liées à la valeur et à la validité éventuelles de lavis médical dun expert, auraient dû paraître évidentes de nombreux mois avant le dépôt de la Requête, cette dernière est donc inopportune,
ATTENDU TOUTEFOIS que le fait quelle soit inopportune ne constitue pas en soi un motif suffisant pour rejeter une requête dont lobjectif serait de faciliter la production
déléments de preuve, dans la mesure où lesdits éléments seraient pertinents et probants et que leur versement au dossier ne porterait pas atteinte aux autres parties au procès en appel,
ATTENDU que si le Dr. Mitler est en mesure démettre un avis donnant lieu à un rapport intégralement communiqué à la partie adverse en conformité avec larticle 94 bis du Règlement (« le Rapport du témoin expert »), lAccusation peut déterminer si elle envisage daccepter le Rapport du témoin expert ou de procéder à un contre-interrogatoire de ce dernier en requérant par ailleurs lavis dun autre expert, lequel donnera lieu, si elle le souhaite, à un rapport,
ATTENDU que, en supposant que le Dr. Mitler puisse fournir son Rapport avant la conférence de mise en état fixée au 12 mai, le fait daccorder à lAccusation un délai raisonnable pour répondre de manière appropriée nécessiterait sans aucun doute de remettre à plus tard lExposé prévu et retarderait donc la résolution du présent appel,
ATTENDU que le fait daccorder à lAccusation un délai insuffisant pour répondre, dans le seul but de maintenir la date prévue pour le commencement de lExposé, porterait préjudice à lAccusation dans le cadre du rôle quelle exerce pour le compte de la communauté internationale,
VU la période déjà longue de mise en état dans lappel de lespèce, lequel a été initié par les actes dappel déposés le 1er décembre 1998,
VU larticle 20 1) du Statut du Tribunal qui enjoint à la Chambre de première instance, entre autres, de veiller à ce que le procès de tout accusé devant le Tribunal international soit équitable et rapide,
ATTENDU que le droit à un procès équitable et rapide sétend nécessairement aux procédures en appel et que les droits des autres appelants seraient lésés si lExposé dans le présent appel devait être davantage retardé,
ATTENDU par ailleurs que le fait de retarder davantage lExposé dans le présent appel afin daccorder à lAccusation le temps nécessaire pour répondre serait contraire à lintérêt de la justice,
ATTENDU en outre que lAppelant, qui aurait pu déployer plus tôt les efforts nécessaires pour sadresser à la Chambre dappel en vue de faciliter la rédaction dun rapport de témoin expert, ne peut à présent se plaindre de traitement inéquitable,
ATTENDU que le Dr. Mitler, expert des troubles du sommeil, nest pas autorisé à consulter le dossier médical du Président de la Chambre de première instance et na pas eu la possibilité de procéder à un examen médical sur la personne de ce dernier à lépoque mentionnée dans le Quatrième motif dappel,
ATTENDU que la valeur pouvant être accordée à un rapport qui serait établi sur la base des séquences denregistrements vidéo et en labsence des autres informations à caractère médical susmentionnées nest pas de nature à justifier le préjudice porté à lAccusation et aux autres appelants en cas de retard apporté à lExposé dans le présent appel,
PAR CES MOTIFS,
REJETTE la Requête.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
/signé/
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Juge David Hunt
Président de la Chambre dappel
Fait le 9 mai 2000
La Haye (Pays-Bas)
[Sceau du Tribunal]