LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE

Composée comme suit : Mme le Juge Gabrielle Kirk McDonald, Président

M. le Juge Ninian Stephen

M. le Juge Lal C. Vohrah

Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le : 31 octobre 1996

 

LE PROCUREUR

C/

ZEJNIL DELALIC
ZDRAVKO MUCIC alias "PAVO"
HAZIM DELIC
ESAD LANDZO alias "ZENGA"

_____________________________________________________________

DECISION RELATIVE A LA REQUETE DE L'ACCUSATION
AUX FINS DE LA PRODUCTION DES NOTES ECHANGEES
ENTRE ZEJNIL DELALIC ET ZDRAVKO MUCIC

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Le Bureau du Procureur :

M. Eric Ostberg
Mme Teresa McHenry

Le Conseil de la Défense :

Mme Edina Residovic, représentant Zejnil Delalic
M. Bradislav Tapuskovic, for Zdravko Mucic

 

I. INTRODUCTION

Une requête relative à la production des notes échangées entre les détenus Delalic et Mucic déposée par le Bureau du Procureur ("l'Accusation") le 26 août 1996 ("Requête") est en instance devant la présente Chambre de première instance du Tribunal pénal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 ("Tribunal international"). Quatre mémorandums échangés entre l'Accusation et le Greffe concernant la confiscation des notes et datés respectivement du 15 mai 1996, du 5 juillet 1996, du 17 juillet 1996 et du 16 août 1996 sont joints à la Requête.

Le 4 septembre 1996, le Conseil de la Défense représentant Zejnil Delalic a déposé une duplique à la Requête ("Duplique"), et le 23 septembre 1996, le Conseil de la Défense représentant Zdravko Mucic a indiqué qu'il n'avait pas l'intention de répondre à la Requête.

Le 23 septembre 1996, la Chambre de première instance a invité le Greffier du Tribunal international à répondre à la Requête; cette réponse a été déposée le 25 septembre 1996 ("Mémoire").

LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE, AYANT EXAMINE les conclusions écrites, ainsi que les documents joints,

REND LA PRESENTE DECISION.

 

 

II. EXAMEN

A. Contexte

1. Le 8 mai 1996, l'accusé Zejnil Delalic a été transféré au quartier pénitentiaire de l'Organisation des Nations Unies situé à La Haye ("Quartier pénitentiaire"). Celui-ci est placé sous l'autorité du Greffier du Tribunal international, qui est chargé, par l'intermédiaire du Commandant, de son administration et de son personnel.

2. Lors du transfert de Zejnil Delalic, l'Accusation a demandé verbalement au Greffier qu'il n'y ait aucun contact entre Zejnil Delalic et Zdravko Mucic, l'un des coaccusés déjà incarcéré dans ce quartier pénitentiaire. Requête figurant au registre du Greffe sous la cote ("RG") D1129. Conformément à la Requête, le Greffier a fait savoir au Procureur "que la séparation des détenus était une procédure normale". Requête, RG D1128.

3. Le 14 mai 1996 ou vers cette date, un membre du personnel du Greffe travaillant au quartier pénitentiaire a constaté que les détenus essayaient de communiquer entre eux au moyen de notes laissées dans une partie commune du quartier pénitentiaire. Ces notes n'avaient ni été transmises par la voie réglementaire ni soumises au Greffier aux fins d'inspection. Le fonctionnaire du Greffe, sans y être autorisé par le Greffier, a informé verbalement l'Accusation de cette tentative.

4. Le lendemain du jour où elle a eu connaissance de cette information, l'Accusation a remis au Greffier un mémorandum lui demandant d'enquêter sur la question et de donner un caractère officiel à la demande formulée oralement lors de l'arrivée de Zjenil Delalic au quartier pénitentiaire, selon laquelle "il ne devait y avoir aucun contact entre" les deux détenus, (Annexe A à la Requête, Mémorandum du 15 mai 1996 RG D1120). L'Accusation a par la suite demandé au Greffier de lui communiquer une copie des documents confisqués. Le Greffier a refusé d'accéder à cette demande.

 

B. Les arguments

5. Dans la Requête, l'Accusation fait valoir qu'elle a droit à obtenir une copie de la correspondance confisquée au titre du devoir général et de la responsabilité du Procureur d'enquêter sur les infractions relevant de la compétence du Tribunal international, en application de l'article 16 du Statut du Tribunal international ("Statut") et de l'article 39 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international ("Règlement").

6. L'Accusation soutient également qu'elle a droit à recevoir une copie des documents confisqués dans la mesure où ils pourraient constituer un outrage, en vertu du paragraphe C) de l'article 77 du Règlement qui dispose que : "Toute personne cherchant à intervenir auprès d'un témoin ou à l'intimider peut être déclarée coupable d'outrage et condamnée en application du paragraphe A)".

7. Enfin, l'Accusation fonde son argumentation sur le fait que l'échange de correspondance a eu lieu en violation de la demande qu'elle a adressée en application de l'article 66 du Règlement portant régime de détention des personnes en attente de jugement ou d'appel devant le Tribunal ou détenues sur l'ordre du Tribunal ("Règlement sur la détention préventive"), et qu'elle "a le droit d'enquêter sur la violation de la restriction qu'elle avait demandée au début et de décider si d'autres mesures doivent être prises". Requête, RG 1122.

8. Dans la Duplique, le Conseil de la Défense, représentant Zejnil Delalic, soutient que le droit de l'Accusation d'enquêter sur les infractions relevant de la compétence du Tribunal international est restreint par les responsabilités qui incombent à d'autres organes du Tribunal international, tels que les Chambres, le Greffe et la Défense. En particulier, la Défense se réfère au Règlement sur la détention préventive qui établit qu'il incombe au Greffier de déterminer les règles applicables à l'inspection de la correspondance et de les appliquer.

9. La Défense fait valoir en outre que l'article 66 du Règlement sur la détention préventive n'est pas applicable dans la mesure où il n'avait pas été communiqué aux détenus et que la correspondance ne pouvait pas être considérée comme contrevenant à une décision dont ils n'avaient pas été informés. De plus, le conseil affirme que le fait que l'Accusation ait eu connaissance de l'interception de la correspondance est illicite et contraire aux dispositions du Règlement sur la détention préventive. Selon lui, le fait que l'information ait été transmise directement à l'Accusation par un fonctionnaire du Greffe travaillant au quartier pénitentiaire, sans y avoir été autorisé par le Greffier, rend nul et non avenu tout droit sur ces documents que pourrait faire valoir l'Accusation. La Défense soutient que si la Chambre de première instance "approuvait" l'utilisation de "telles méthodes pour obtenir des informations", cela porterait atteinte aux droits des détenus en encourageant l'instauration de contacts directs entre l'Accusation et les membres du personnel du quartier pénitentiaire aux fins d'avoir accès à des informations qui, sinon, ne seraient pas communiquées à l'Accusation.

10. En ce qui concerne le droit du Procureur de prendre connaissance de la correspondance saisie, la Défense soutient qu'il incombe au Greffier de décider dans quels cas l'Accusation doit être informée de la saisie de la correspondance, même si le Procureur est peut-être mieux placé pour interpréter le contenu de cette correspondance.

11. Enfin, la Défense fait valoir que la thèse soutenue par l'Accusation, selon laquelle les notes échangées pourraient constituer un élément de preuve d'une tentative d'intervenir auprès des témoins, est sans fondement, étant donné que les détenus avaient reçu l'intégralité de leurs dépositions réciproques dans le cadre de la procédure de communication des pièces et, qu’en toute hypothèse, les deux accusés n'ont pas le statut de témoin.

12. Le Greffier soutient que le Règlement sur la détention préventive et les règlements qui en découlent établissent le pouvoir de supervision générale du Greffier sur le quartier pénitentiaire. Il déclare qu'en l'absence de dispositions spécifiques applicables aux communications écrites échangées au sein du quartier pénitentiaire, il a agi en se fondant sur les dispositions du Règlement sur la détention préventive et le Règlement interne définissant les modalités des visites et des communications avec les détenus ("Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus") concernant la correspondance, et que "ces objets ont été confisqués parce qu'ils étaient considérés comme de la correspondance illégale dans la mesure où les détenus n'avaient pas soumis ces notes au Greffier pour inspection, conformément à la procédure prévue dans le Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus". Mémoire, RG D1407. La confiscation est donc la conséquence du manquement à l'obligation de soumettre toute la correspondance au Greffier aux fins d'inspection et elle n'est pas liée à la nature de la correspondance même.

13. Selon les termes du Mémoire, le Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus, l'inspection de la correspondance des détenus incombe au seul Greffier et cette inspection n'a pas pour objet "de réunir des éléments de preuve potentiels pour le Bureau du Procureur, mais de garantir le déroulement harmonieux de la procédure et de satisfaire aux exigences de sécurité". Mémoire, RG D1406.

14. En outre, le Greffier relève que le Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus met l'accent sur le pouvoir d'appréciation qui lui est laissé d'aviser le Procureur de la violation dudit Règlement et qu'il n'est pas tenu de transmettre la correspondance au Procureur, qu'elle constitue ou non la preuve d'un outrage au Tribunal. Selon le mémoire, la seule obligation imposée au Greffier est d'informer au préalable le Conseil de la Défense lorsque des pièces sont transmises au Procureur comme éléments de preuve d'un outrage au Tribunal.

15. Le Greffier fait donc valoir que les notes ne doivent pas être communiquées au Procureur car cela limiterait le pouvoir de décision du Greffier en vertu du Règlement sur la détention préventive et remettrait en cause l'indépendance et l'impartialité des fonctions qu'il exerce dans l'administration du quartier pénitentiaire.

C. Analyse

16. Le droit pour les détenus de communiquer librement entre eux et avec d'autres, qui est garanti par l'article 60 du Règlement sur la détention préventive et admis à l'article premier du Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus, ne peut être restreint que sur décision spécifique du Greffier, conformément aux dispositions de l'article 66 du Règlement sur la détention préventive, à la demande expresse du Procureur. L'article 66 du Règlement sur la détention préventive dispose que :

"Le Procureur peut demander au Greffier ou, en cas d'urgence au Commandant, d'interdire tout contact entre un détenu et toute autre personne, s'il a des raisons de penser qu'un tel contact a pour but d'organiser l'évasion du détenu, pourrait compromettre ou affecter de quelque manière l'issue des poursuites engagées contre l'intéressé ou celle de toute autre enquête ou pourrait nuire au détenu ou à toute autre personne. Si la demande est adressée au Commandant en cas d'urgence, le Procureur en informe immédiatement le Greffier, en indiquant les raisons de la demande. Le détenu est immédiatement informé d'une telle demande; il peut à tout moment demander au Président du Tribunal de rejeter ou d'annuler toute demande tendant à lui interdire un tel contact."

Si le Greffier rend une décision en application de l'article 66, le détenu doit en être informé immédiatement et il a automatiquement le droit d'interjeter appel auprès du Président du Tribunal international aux fins de rejeter ou d'annuler cette restriction. La restriction au droit de communiquer librement ne peut pas résulter d'une "procédure normale" mais elle doit être mise en oeuvre en veillant à ce que les garanties en matière de procédure prescrites par le Règlement sur la détention préventive soient respectées.

17. Il ressort des documents joints à la Requête que le Greffier n'avait rendu aucune décision en application de l'article 66 lorsque, vers le 14 mai 1996, les détenus auraient essayé d'échanger une correspondance. Le simple fait que les détenus communiquent entre eux ne constitue pas en soi une violation des dispositions du Règlement sur la détention préventive ni du Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus, laquelle justifierait la saisie et la confiscation des notes par le Greffier. Cependant, la méthode utilisée lors de la tentative de communication enfreint le Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus : si, comme l'a laissé entendre le Greffier, il faut considérer les pièces échangées comme de la "correspondance", alors il s'agirait d'une correspondance envoyée en violation des dispositions de l'article 6 du Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus, aux termes desquelles toute cette correspondance doit être soumise au Greffier pour examen.

18. De toute évidence, et ce droit n'est pas contesté par les parties, le Greffier a le pouvoir, en vertu du Règlement sur la détention préventive et du Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus, de saisir et de conserver une copie des notes trouvées dans une partie commune du quartier pénitentiaire et qui n'ont pas été soumises à examen selon les voies appropriées, que ces notes constituent ou non une violation d'une décision en application de l'article 66.

19. Il va sans dire que le recueil d'éléments de preuve par le Procureur ne constitue pas une raison légitime pour inspecter la correspondance et d'autres communications, ce qui justifie d'avoir dévolu la tâche d'inspection de la correspondance au Greffier, même si, dans certaines circonstances, le Procureur est peut être mieux à même de déterminer s'il existe une menace d'intervenir auprès de certains témoins à charge ou de les intimider, ou visant "l'administration de la justice". Le fait que le Procureur soit exclu de ce processus par le Règlement sur la détention préventive et ne soit avisé de l'existence d'une violation que si le Greffier en décide ainsi, est la conséquence du caractère accusatoire de la fonction qu'occupe le Procureur vis-à-vis des détenus qui sont traduits devant le Tribunal international.

20. La correspondance envoyée en violation du Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus est soumise à des dispositions spécifiques en application de l'article 9 dudit Règlement. Cet article dispose que :

"Si le Greffier estime qu'il y a eu violation du présent règlement ou d'une ordonnance du Tribunal, le courrier litigieux envoyé par le détenu est restitué à celui-ci accompagné d'une note exposant les motifs du refus de poster le courrier, rédigée par le Greffier dans une langue que le détenu comprend. La possibilité est alors donnée au détenu de réécrire la lettre en omettant la partie litigieuse. Le Greffier a tout pouvoir pour décider si un courrier litigieux reçu par le détenu doit être renvoyé à l'expéditeur ou s'il doit le conserver et le détenu en est informé en conséquence. Le Greffier conserve une copie de tous les courriers litigieux et toute annexe litigieuse peut être confisquée. Le Greffier peut également informer le Procureur, le Commandant et, s'il l'estime nécessaire, les autorités néerlandaises de l'existence de la violation et de la nature du courrier litigieux."

21. Une fois les notes confisquées, il appartient alors au Greffier de restituer les originaux à leurs auteurs respectifs, de conserver une copie du courrier litigieux et de décider à son gré d'informer ou non le Procureur de l'existence et de la nature de la violation du Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus.

22. La Chambre de première instance considère donc que le Greffier a agi dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés en ne remettant pas à l'Accusation les objets confisqués. En vertu du régime de détention préventive établi par le Tribunal international, le Procureur n'est habilité à obtenir des informations relatives à la correspondance des détenus que si le Greffier le juge utile. Il ressort clairement de
l'article 9 que le Greffier a tout pouvoir pour décider de communiquer ces informations : le fait que l'échange de correspondance ait contrevenu aux dispositions du Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus n'implique aucunement que le Procureur ait le droit absolu d'être informé par le Greffier de l'existence, de la nature ou de la teneur de cette correspondance.

23. La Chambre de première instance doit maintenant examiner l'argumentation développée par l'Accusation sollicitant la saisie des notes en possession du Greffier conformément à l'alinéa iv) de l'article 39 ou à l'article 54 du Règlement de procédure et de preuve. L'article 54 autorise la Chambre de première instance à "délivrer des ordonnances, citations à comparaître, assignations, mandats et ordres de transfert nécessaires aux fins de l'enquête, de la préparation ou de la conduite du procès".

24. Le fait que la procédure ait atteint la phase préalable au procès n'interdit pas au Procureur de poursuivre ses enquêtes dans l'intérêt de la justice. La confirmation d'un acte d'accusation ne met pas nécessairement un terme aux enquêtes menées par la Procureur et il a le droit de requérir l'aide de la Chambre de première instance chaque fois qu'il l'estime nécessaire conformément à l'alinéa iv) de l'article 39 du Règlement de procédure et de preuve.

25. Même s'il est exact que le Procureur a le droit de mener son enquête, il est également vrai que le droit d'accès aux documents n'est pas illimité : compte tenu de leur nature, certains documents ne sont pas soumis à inspection, tels que les communications entre les détenus et leur Conseil; d'autres documents ne sont tout simplement pas communiqués au Procureur en raison des circonstances, comme la correspondance entre les détenus et des personnes autres que leur Conseil que le Greffier a décidé de ne pas lui communiquer.

26. Même si, dans la présente instance, c'est la violation de ses obligations par un membre du personnel du Greffe travaillant au quartier pénitentiaire qui a permis au Procureur d'obtenir l'information, il n'a pas été avancé que ce fonctionnaire avait agi en qualité d'agent du Procureur pour se procurer cette information ni que le Procureur lui avait demandé de l'obtenir. L'indiscrétion de l'employé du Greffe ne va pas à l'encontre du fait que le Procureur ait connaissance de l'existence des pièces.

27. Inversement, le simple fait de connaître l'existence du document n'autorise pas le Procureur à demander au Greffier de le lui remettre, étant donné qu'il appartient à ce dernier d'informer le Procureur de l'existence des objets confisqués ou de leur nature lorsqu'il l'estime utile.

28. Dans la présente instance, le Procureur a sollicité une ordonnance de communication des pièces à l'encontre d'un autre organe du Tribunal international, le Greffe, qui, à juste titre, ne communique pas les documents.

29. Dans certaines circonstances, les décisions prises par le Greffier sont susceptibles d'être examinées par le Président du Tribunal international. L'article 33 stipule que le Greffier exerce ses fonctions "sous l'autorité du Président". L'examen par le Président du Tribunal international est également prévu par le Règlement sur la détention préventive et le Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus : l'article 85 du Règlement sur la détention préventive permet aux détenus de formuler une plainte par écrit au Président du Tribunal international, tandis que l'article 10 du Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus prévoit expressément qu'un détenu peut "à tout moment demander au Président d'annuler" toute décision prise par le Greffier en application de l'article 9 de ce même Règlement. L'article 13 du Règlement relatif aux visites et aux communications avec les détenus permet à un détenu dont la correspondance a été interceptée ou confisquée d'introduire une plainte officielle conformément à la procédure prévue à cet effet. L'article 7 du Règlement fixant les modalités de dépôt d'une plainte par un détenu prévoit de référer les plaintes qui concernent "une violation présumée des droits du détenu" au Président du Tribunal international, aux fins d'examen.

30. Les deux détenus, Zejnil Delalic et Zdravko Mucic n'ont pas demandé au Président d'intervenir. Cependant, il est évident qu'ils en auraient le droit s'ils le voulaient.

31. En l'occurrence, la Chambre de première instance estime que le même droit d'examiner la décision du Greffier devrait s'appliquer à l'Accusation. Il semble illogique qu'une partie à un différend de cette nature puisse demander à une autorité, en l'espèce la Chambre de première instance, de le résoudre, alors que l'autre partie peut recourir à une autre autorité, à savoir le Président du Tribunal.

32. En conséquence, la Chambre de première instance renvoie la question au Président du Tribunal international aux fins de décision.

 

 

III. DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS,

LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE,

CONCLUT que le Greffier a agi dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu du Règlement sur la détention préventive en ne remettant pas au Procureur les objets confisqués.

ORDONNE au Greffier de restituer à leurs auteurs respectifs les pièces confisquées, dès qu'une copie de toutes les pièces aura été faite, accompagnées d'une note exposant les motifs de la saisie et d'un exemplaire de la présente Décision.

ORDONNE au Greffier de remettre une copie certifiée conforme des pièces confisquées au Président du Tribunal international afin qu'il décide si les pièces justifient leur communication partielle ou totale au Procureur.

 

Fait en anglais et français, l'anglais faisant foi.

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Gabrielle Kirk McDonald

Président de la Chambre de première instance

Fait, le trente-et-un octobre 1996

LA HAYE

PAYS-BAS

[Sceau du Tribunal]