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1 Mercredi 12 mars 1997
2 L'audience est ouverte à 10 heures 02.
3 M. le Président (interprétation). - Bonjour, mesdames et
4 messieurs. Nous revoici dans le prétoire ce matin et, comme je l'ai déjà
5 dit hier avant de suspendre l'audience, Mme Residovic va maintenant
6 pouvoir procéder au contre-interrogatoire du témoin.
7 Mais avant cela, j'aimerais que l'on présente les personnes qui
8 comparaissent ce matin.
9 M. Ostberg (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.
10 Je m'appelle Eric Ostberg et, comme hier, M. Giuliano Turone, Mme Theresa
11 McHenry et notre assistante, Mlle Alison von Dusschoten à mes côtés.
12 M. le Président (interprétation). - Pourrait-on me présenter
13 maintenant les conseils de la défense dans l'ordre des accusés ?
14 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le
15 Président. Je m'appelle Edina Residovic, je suis le conseil de M. Zejnil
16 Delalic. Je suis accompagnée de M. O'Sullivan, professeur et de Me Ekrem
17 Galijatovic, avocat.
18 M. le Président (interprétation). - Pourrait-on entendre le nom
19 des conseils du deuxième accusé ?
20 M. Tapuskovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le
21 Président. Je m'appelle Branislav Tapuskovic, je suis le défenseur de
22 M. Pavo Mucic et je suis accompagné de Me Mira Tapuskovic, avocat.
23 M. le Président (interprétation). - Les conseils du troisième
24 accusé, je vous prie.
25 M. Karabdic (interprétation). - Je m'appelle Salih Karabdic. Je
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1 suis avocat et suis accompagné de Tom Moran de Huston, également avocat.
2 M. le Président (interprétation). - Les conseils du quatrième
3 accusé, je vous prie.
4 M. Brackovic (interprétation). - Je m'appelle Mustafa Brackovic,
5 je suis avocat à Sarajevo et suis accompagné de Cynthia McMurrey, avocat
6 de Huston au Texas, qui défend, avec moi, M. Landzo.
7 M. le Président (interprétation). - Je voudrais vous donner
8 encore une fois quelques explications. Dans tout interrogatoire et dans
9 tout contre-interrogatoire, l'ordre que nous venons de suivre devrait être
10 respecté. Si les conseils décident de choisir un représentant unique pour
11 un contre-interrogatoire, la même personne devra s'exprimer lors des
12 contre-interrogatoires suivants. Dans une équipe donc, un seul avocat
13 prend la parole au moment d'un
14 interrogatoire ou d'un contre-interrogatoire, sinon cela signifierait
15 qu'une personne peut "mordre" deux fois, si je puis m'exprimer ainsi.
16 Je donne la parole à Me Residovic. C'est la première fois que je
17 fais cette concession et ce sera la seule fois.
18 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le président, avant
19 de prendre la parole en contre-interrogatoire, je voudrais, si vous me le
20 permettez, dire simplement quelques mots au sujet de la décision que vous
21 venez de prendre. Me le permettez-vous ? Je crois que, par ces mots, nous
22 pourrions faciliter notre travail, mais également celui du Tribunal.
23 Le 22 juillet et le 20 août, lorsque nous discutions dans le
24 cadre de la conférence de mise en état pour défendre l'idée d'une
25 disjonction d'instances pour M. Delalic, M. Vora* et Mme McDonald nous ont
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1 dit qu'il était intéressant de suivre les débats avec le plus grand soin,
2 notamment au niveau préliminaire, car c'était dans le cadre de ces
3 instances qu'il était question des différents chefs d'accusation pour
4 lesquels tel ou tel accusé est incriminé.
5 C'est la raison pour laquelle, à l'audience d'aujourd'hui, je
6 proposerais que le contre-interrogatoire concerne les accusés les plus
7 directement liés à l'acte incriminé, ce qui, bien sûr, est une condition
8 préalable pour déterminer une quelconque responsabilité de l'accusé en
9 question.
10 Donc, Monsieur le Président, je vous prierais de nous autoriser
11 à procéder au contre-interrogatoire dans ce cadre, étant bien entendu que
12 nous vous informerons tous les jours de l'ordre de prise de parole des
13 différents conseils de la défense.
14 Donc si vous pouviez, je vous prie, modifier votre position
15 initiale, les quatre équipes de conseils de la défense vous le demandent
16 aujourd'hui.
17 M. le Président (interprétation). - La procédure que je viens
18 d'indiquer est très simple : si vous n'avez pas de questions à poser dans
19 le cadre du contre-interrogatoire, vous ne posez aucune question. Seuls
20 les conseils qui ont des questions à poser dans le cadre du contre-
21 interrogatoire prennent la parole.
22 Si vous me dites simplement que vous n'avez rien à demander dans
23 le cadre du contre-interrogatoire, c'est suffisant.
24 Mme Residovic (interprétation). - Oui, mais pouvons-nous le
25 faire dans un ordre différent de celui que vous venez d'indiquer, c'est-à-
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1 dire que l'on commence par entendre les avocats de la défense des accusés
2 qui éventuellement sont les plus concernés par le chef d'accusation ou
3 l'acte criminel incriminé ? C'est la seule chose que nous vous demandons,
4 de modifier l'ordre
5 M. le Président (interprétation). - Je vous prierais de tenter
6 de vous conformer à ce que je viens de dire.
7 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
8 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président,
9 pourrais-je ajouter quelques mots, je vous prie ? Nous avons déjà demandé
10 que le Tribunal nous informe des procédures qui seraient suivies et le
11 Tribunal a laissé au soin des conseils de la défense...
12 M. le Président (interprétation). - Ce que je viens de dire au
13 sujet du contre-interrogatoire suffit, Maître.
14 Mme McMurrey (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
15 (Monsieur Beelen est introduit dans la salle d'audience.)
16 Mme Residovic (interprétation). - Doit-il prêter serment ?
17 M. le Président (interprétation). - Je crois qu'il convient de
18 lui rappeler qu'il est toujours sous serment.
19 M. l'Huissier (interprétation). - Nous vous rappelons donc que
20 vous êtes toujours sous serment.
21 M. Beelen (interprétation). - Oui, monsieur.
22 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je
23 voudrais au préalable vous informer que notre système informatique ne
24 fonctionne pas.
25 (Intervention des techniciens).
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1 Monsieur Beelen, je m'appelle Edina Residovic et je suis l'un
2 des membres de la défense. J'aimerais vous poser quelques questions.
3 Vous avez visité le camp de Celebici. Ce lieu existait-il avant
4 le début de la guerre ?
5 M. Beelen (interprétation). - On m'a dit qu'avant la guerre,
6 c'était déjà un camp militaire. Donc il existait avant la guerre.
7 Mme Residovic (interprétation). - Autrement dit, c'était donc un
8 centre militaire, une caserne ?
9 M. Beelen (interprétation). - C'était un camp militaire, oui.
10 Mme Residovic (interprétation). - Lorsque vous vous êtes rendus
11 sur les lieux, est-ce que c'était une caserne de l'armée de Bosnie-
12 Herzégovine consacrée à la logistique ?
13 M. Beelen (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés, nous
14 y avons trouvé des soldats et c'étaient des Bosniaques.
15 Mme Residovic (interprétation). - Donc ce n'était pas un camp au
16 moment de votre visite, lorsque vous vous êtes rendus à Celebici ?
17 M. Beelen (interprétation). - Avant la guerre, ce n'était pas un
18 camp de détention pour prisonniers, d'après ce qu'on m'a dit, mais
19 simplement un camp militaire destiné au stockage de combustibles.
20 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne parlez pas du moment
21 où vous vous êtes rendus vous-mêmes sur les lieux ?
22 M. Beelen (interprétation). - Non.
23 Mme Residovic (interprétation). - Donc les mots "camp" et "camp
24 de concentration" sont des mots que vous avez utilisés sur vos croquis
25 parce que quelqu'un vous a dit qu'entre-temps, cet endroit a été un camp,
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1 n'est-ce pas ? Ces mots ne sont pas les mots que vous utilisez à partir de
2 votre expérience et de vos connaissances personnelles ?
3 M. Beelen (interprétation). - En Hollande, on appelle cela une
4 base militaire, un camp militaire. C'est simplement une dénomination. Cela
5 n'a rien à voir avec le fait qu'il y ait des prisonniers ou non. C'est
6 simplement un camp, pour nous.
7 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez effectué des mesures
8 et vous avez confirmé que la superficie de ces lieux est d'environ 50 000
9 m². Serait-il possible que cette superficie soit plutôt de 55 000 m² ?
10 M. Beelen (interprétation). - Environ 50 000 m².
11 Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous vu le cadastre pour
12 arriver à cette conclusion ?
13 M. Beelen (interprétation). - Je n'ai pas bien compris.
14 Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous vu les documents
15 officiels et le plan cadastral concernant Celebici ?
16 M. Beelen (interprétation). - Non.
17 Mme Residovic (interprétation). - Si, dans ces documents
18 officiels, les renseignements concernant la superficie sont différents,
19 accepteriez-vous une correction de ce que vous avez-vous même conclu ?
20 M. Beelen (interprétation). - Oui, c'est possible. Nous avons
21 utilisé quatre points de mesure et c'est à partir de là que nous avons
22 effectué nos mesures. Il est donc possible que la superficie totale de la
23 base militaire soit un peu supérieure ou inférieure.
24 Mme Residovic (interprétation). - Nous avons vu sur le film
25 vidéo le chemin que vous avez parcouru. Est-ce bien le chemin que vous
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1 avez parcouru pendant le tournage de cette vidéo que vous nous avez
2 montré ?
3 M. Beelen (interprétation). - Oui.
4 Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous dessiné ce chemin
5 sur votre croquis ?
6 M. Beelen (interprétation). - Oui.
7 Mme Residovic (interprétation). - Sur quel croquis ? Le croquis
8 n° 1 ?
9 M. Beelen (interprétation). - Le croquis n° 1, page 3, si je ne
10 m'abuse.
11 Mme Residovic (interprétation). - Dans la légende, le chemin
12 n'est pas indiqué. Pourriez-vous nous montrer, sur ce croquis, quel est le
13 chemin que vous avez suivi ?
14 M. Beelen (interprétation). - Il y a un petit chemin le long de
15 la voie ferrée à l'extérieur du camp. On passe donc par là, en bas, après
16 quoi on remonte pour arriver au village.
17 Mme Residovic (interprétation). - Mais dans l'enceinte de ces
18 lieux, il y a un chemin asphalté ; nous l'avons vu sur le film vidéo. Donc
19 sur votre croquis, pourriez-vous nous montrer où figure ce chemin et
20 comment il est désigné, par quel signe ?
21 M. Beelen (interprétation). - La route asphaltée va du point 2
22 au point 3 et elle revient du point 4 au point 1.
23 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce qu'elle est dessinée
24 concrètement sur le croquis comme le sont les rails de chemin-de-fer ?
25 M. Beelen (interprétation). - Oui. Nous avons mesuré tous les
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1 virages de cette route et nous les avons fait figurer sur le croquis.
2 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Lorsque vous avez
3 filmé, vous êtes passés devant le hangar ?
4 M. Beelen (interprétation). - Pouvez-vous répéter votre
5 question ?
6 Mme Residovic (interprétation). - Au moment où vous avez filmé
7 la vidéo, avez-vous marché jusque devant le hangar numéro 6 ?
8 M. Beelen (interprétation). - Oui. Nous avons marché. Nous avons
9 emprunté la route asphaltée.
10 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que c'est le seul sens
11 par lequel on peut arriver jusqu'à ce hangar ? Est-ce la seule direction
12 pour arriver au hangar ?
13 M. Beelen (interprétation). - C'est la manière habituelle de s'y
14 rendre, mais on peut aussi passer par la colline et traverser les voies de
15 chemin-de-fer, mais ce n'est pas ce que nous avons fait.
16 Mme Residovic (interprétation). - Pourriez-vous m'indiquer le
17 chemin par lequel vous êtes arrivés, lorsque vous avez filmé votre vidéo ?
18 M. Beelen (interprétation). - Nous avons marché dans le sens des
19 aiguilles d'une montre, c'est-à-dire que nous sommes partis du bâtiment
20 d'accueil et que nous sommes passés du bâtiment B au bâtiment D. Puis nous
21 sommes allés jusqu'à la fin du camp, en retournant sur nos pas pour
22 revenir au portail. Pendant que nous marchions ainsi, nous avons fait le
23 tour de chacun des bâtiments, nous avons pris des photographies et nous
24 avons fait un tournage vidéo devant chaque bâtiment avant de continuer
25 notre route pour arriver aux bâtiments suivants.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce qu'on ne peut pas aller
2 du portail au bâtiment L de l'autre côté ?
3 M. Beelen (interprétation). - Si. C'est possible.
4 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce un chemin plus court
5 pour arriver au bâtiment L ?
6 M. Beelen (interprétation). - Je ne crois pas. Je pense que
7 c'est à peu près à la même distance. Simplement, la pente est un peu plus
8 forte.
9 Mme Residovic (interprétation). - Si l'on passe par là pour
10 aller au bâtiment L, on passe devant le bâtiment 6 ?
11 M. Beelen (interprétation). - Vous parlez du bâtiment 6 de ce
12 côté ci ?
13 Mme Residovic (interprétation). - Je parle du bâtiment sur
14 lequel l'enquêteur de l'accusation a attiré votre attention.
15 M. Beelen (interprétation). - Non. Ce n'est pas celui dont nous
16 a parlé l'accusation. On ne peut le voir que d'en haut et on n'en voit
17 donc que le toit.
18 Il s'agit du bâtiment E.
19 Mme Residovic (interprétation). - Bien. Le bâtiment 22, que vous
20 avez appelé le dispensaire, le voit-on ? Est-ce-que du dispensaire, on
21 voit le tunnel n° 9 ?
22 M. Beelen (interprétation). - De l'extérieur ? D'un côté du
23 bâtiment, on voit le tunnel, mais si on est du côté du bâtiment D, à ce
24 moment-là ce n'est pas possible.
25 Mme Residovic (interprétation). - Et si vous êtes dans le
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1 bâtiment, voyez-vous le tunnel ?
2 M. Beelen (interprétation). - Je ne peux pas vous dire.
3 Mme Residovic (interprétation). - De la réception, du bâtiment
4 d'accueil, voyez-vous le tunnel n° 9 ?
5 M. Beelen (interprétation). - Dans la salle des techniciens,
6 donc du côté du tunnel, effectivement on le voit.
7 Mme Residovic (interprétation). - En êtes-vous absolument sûr ?
8 M. Beelen (interprétation). - Absolument, oui.
9 Mme Residovic (interprétation). - Vous l'avez confirmé avec un
10 film ou une mesure, ou est-ce votre expérience personnelle ?
11 M. Beelen (interprétation). - Nous l'avons vérifié par mon
12 expérience personnelle, mais pas sur une photographie.
13 Mme Residovic (interprétation). - J'ai encore deux questions à
14 vous poser. Vous avez déclaré que Mme McHenry, la représentante de
15 l'accusation, se trouvait avec vous le premier jour de votre visite et
16 vous a donné des instructions. Madame McHenry était-elle avec vous le
17 deuxième jour de votre visite ?
18 M. Beelen (interprétation). - Non, nous n'étions que deux,
19 M. Post et moi-même.
20 Mme Residovic (interprétation). - Le lendemain, avez-vous reçu
21 des instructions différentes ou contradictoires par rapport à celles qui
22 vous avaient été fournies par les enquêteurs de l'accusation ?
23 M. Beelen (interprétation). - Non. Nous avons été amenés sur les
24 lieux par un interprète qui nous a demandé ce que nous souhaitions faire.
25 Après quoi, il est parti du camp et nous sommes restés seuls.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous vous-même,
2 personnellement, changé quelque chose de significatif dans les
3 instructions fournies par le procureur ?
4 M. Beelen (interprétation). - Non.
5 Mme Residovic (interprétation). - Si la surface est de
6 84 500 m², d'après les documents officiels du cadastre, cela signifie-t-il
7 que la superficie indiquée par le procureur ne constitue que 3 ou 4 % de
8 la totalité ?
9 M. Beelen (interprétation). - Nous n'avons pris les mesures que
10 dans un sens.
11 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur, je vous en prie, je
12 vous pose la question. Dans les documents officiels, il est question d'une
13 superficie de 84 500 m², donc la superficie sûr laquelle le procureur a
14 attiré votre attention, y compris le bâtiment de l'accueil et le bâtiment
15 administratif, cela signifie n'est-ce pas que cette superficie ne
16 constitue que 3 à 4 % de la totalité ?
17 M. Beelen (interprétation). - Non, non. L'ensemble des bâtiments
18 que nous avons vus se trouvent sur cette maquette.
19 Mme Residovic (interprétation). - Et quel est le pourcentage que
20 ces bâtiments représentent par rapport à la superficie totale ?
21 M. Beelen (interprétation). - Les mesures que nous avons prises
22 dans la base, lorsque nous nous y sommes trouvés, sont indiquées sur les
23 croquis. C'est sur ces lieux que nous avons fait nos mesures et nous avons
24 inscrit toutes les mesures correspondant à chacun des bâtiments.
25 Mme Residovic (interprétation). - En réponse aux questions
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1 d'hier par mon imminent collègue, vous avez dit que si la surface était de
2 55 000 m², cela correspond à environ 6 %. Si selon les plans cadastraux,
3 cette superficie est de 84 500, il est exact de dire que le pourcentage de
4 la superficie de ces bâtiments est donc de 3 à 4 % ? Merci. Je n'ai pas
5 d'autres questions.
6 Merci, monsieur le président.
7 M. le Président (interprétation). - Je crois que cela conclut
8 le contre-interrogatoire de ce témoin.
9 Mme McMurey (interprétation). - Monsieur le président, nous
10 avons un nouveau contre-interrogatoire.
11 M. le Président (interprétation). - L'accusation, avez-vous
12 présenté la pièce à conviction ?
13 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le président, j'aimerais
14 maintenant présenter les témoignages. Je vais je crois le faire en
15 présence du témoin.
16 M. le Président (interprétation). - Si vous avez d'autres
17 questions.
18 M. le Président (interprétation). - Selon les photos, les
19 bandes vidéo, les croquis que vous avez vus, vous pouvez vous faire une
20 idée de l'exactitude de la maquette.
21 M. Ostberg (interprétation). - J'ai écouté le contre-
22 interrogatoire. Je trouve difficile de comprendre pourquoi le témoin
23 n'aurait pas dû suivre les instructions qui lui avait été données. Nous
24 avons souligné les bâtiments les plus importants, et tous les éléments
25 clés figurent sur la maquette.
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1 Maintenant, j'aimerais ajouter ceci. Cette maquette vise
2 deux objectifs : premièrement, vous présentez, monsieur le président, ce
3 à quoi les locaux ressemblaient et également faire gagner du temps quand
4 nous présenterons nos témoins et, deuxièmement, faciliter les choses pour
5 tout le monde de façon qu'ils puissent indiquer où ils ont été détenus
6 dans le camp de Celebici.
7 J'aimerais maintenant présenter le recueil de photographies
8 comme pièce à conviction n° 1, avec les notes d'introduction en traduction
9 qui sont numérotées 1A et la traduction des mesures est numérotée 2B.
10 Puis, je présenterai la maquette comme étant la pièce à conviction n° 2. A
11 ce propos, j'aimerais présenter également certaines des maisons.
12 J'ai demandé aux témoins s'ils pouvaient les identifier, mais je
13 peux simplement dire que ce sont des annexes qui ont été demandées par le
14 bureau du procureur pour faciliter les choses pour voir l'intérieur de ce
15 bâtiment. Il s'agit d'une maquette agrandie du plan de masse et non pas
16 simplement d'une photographie.
17 M. le Président (interprétation). - Monsieur Ostberg, qui
18 présente ces pièces ?
19 M. Ostberg (interprétation). - J'aimerais les présenter
20 simplement comme un complément de la maquette.
21 M. le Président (interprétation). - Vous êtes l'accusation.
22 M. Ostberg (interprétation). - Si on y fait objection, je retire
23 cette suggestion immédiatement. Ensuite, nous pourrons revenir à la
24 question et faire entrer la personne qui a composé la maquette. Je retire
25 la suggestion de présenter la maquette agrandie.
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1 En tant que pièce à conviction n° 3, j'aimerais présenter la
2 bande vidéo du camp de Celebici que nous avons vu pendant l'interrogatoire
3 du témoin.
4 Mme McMurey (interprétation). - Monsieur le président, est-ce
5 que nous répondons dans un certain ordre ?
6 M. le Président (interprétation). - J'ai dit très clairement
7 que quelle que soit la manière dont vous allez procéder, j'entends le
8 conseil du premier accusé s'il a quelque chose à dire.
9 M. Braskovic (interprétation). - Excusez-moi, mais je n'entends
10 pas l'interprétation.
11 M. Tapuskovic (interprétation). - Monsieur le président, puis-je
12 prendre la parole ?
13 M. le Président (interprétation). - J'aimerais maintenant
14 entendre Mme Residovic sur la position de l'accusation dans la
15 présentation de ces pièces à conviction. Si vous n'avez rien à dire,
16 passons au deuxième conseil.
17 Mme Residovic (interprétation). - Je n'ai pas de commentaires à
18 faire.
19 M. le Président (interprétation). - Monsieur Tapuskovic, avez-
20 vous quelque chose à ajouter ?
21 M. Tapuskovic (interprétation). - Merci, monsieur le président,
22 de me permettre de prendre la parole pendant que le témoin est encore là.
23 Si j'ai bien compris, j'ai aussi le droit de contre-interroger le témoin
24 selon l'ordre que vous nous avez indiqué.
25 M. le Président (interprétation). - Le témoin a déjà été
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1 contre-interrogé. Vous l'avez contre-interrogé hier.
2 M. Tapuskovic (interprétation). - Nous nous trouvons vraiment
3 dans une situation tout à fait floue.
4 M. le Président (interprétation). - Vous avez procédé à son
5 contre- interrogatoire hier, n'est-ce pas ?
6 M. Tapuskovic (interprétation). - Oui, mais je n'ai qu'une
7 question.
8 M. le Président (interprétation). - Non il y a une limite au
9 droit que vous pouvez invoquer. Vous ne pouvez pas l'interroger
10 indéfiniment. Vous avez déjà procédé à son contre-interrogatoire.
11 M. Tapuskovic (interprétation). - Y a-t-il une limite à ma
12 défense ?
13 M. le Président (interprétation). - Il y a eu un nouvel
14 interrogatoire et vous n'avez pas à le contre-interroger à nouveau.
15 M. Tapuskovic (interprétation). - Mais monsieur le président,
16 les conseils de la défense des autres accusés ont terminé leur contre-
17 interrogatoire hier aussi et on nous a tous dit que nous aurions la
18 possibilité de poser d'autres questions aujourd'hui. Je n'ai qu'une
19 question.
20 M. le Président (interprétation). - S'il vous plaît, monsieur
21 Tapuskovic, vous avez déjà procédé au contre-interrogatoire hier, vous
22 avez exercé votre droit de contre-interroger le témoin. Je crois que c'est
23 tout. S'il s'agissait de votre propre témoin, vous auriez procédé à un
24 nouvel interrogatoire. C'est la seule circonstance où vous pouvez poser
25 des questions. Mais dès lors que ce n'est pas votre témoin, vous ne pouvez
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1 pas le contre-interroger à nouveau.
2 M. Tapuskovic (interprétation). - Même si ce n'est pas une
3 question très importante, j'ai essayé d'obtenir ce que je voulais, mais je
4 respecterai votre décision.
5 M. Harmon (interprétation). - Nous faisons objection aux pièces
6 à conviction n° 1 et n° 2, parce qu'elles ne décrivent pas de manière
7 exacte ce qu'elles sont censées décrire. Il s'agit du camp, en particulier
8 le plan du camp qui fait partie je crois de la page 3 de la pièce à
9 conviction n° 1 de l'accusation. Ce plan diffère au moins sur un point
10 important, à savoir qu'il y a une différence entre la maquette proprement
11 dite et le témoignage de M. Beelen hier.
12 Il y a plusieurs zones de cette maquette qui ne sont pas
13 représentées de manière exacte. La pièce à conviction n° 2 de l'accusation
14 ne décrit pas de manière exacte le camp. La pièce à conviction n° 1 ou
15 n° 2 de l'accusation ne représente pas de manière exacte la disposition du
16 camp.
17 M. le Président (interprétation). - Maintenant passons-nous au
18 n° 4 ?
19 Mme McMurey (interprétation). - Oui. J'aimerais répondre. Bien
20 sûr nous sommes d'accord avec M. Ostberg pour dire que la maquette va
21 rendre service à tout ce qui va se passer dans cette enceinte. Ce qui
22 s'est passé, c'est que cette maquette n'est pas exacte et qu'elle trahit
23 le point de vue de l'accusation. Par exemple, si nous pouvons parler de
24 l'élévation qui n'est pas suffisante, nous en avons parlé hier, il y a des
25 différences entre la réalité et la maquette.
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1 Entre aujourd'hui et lundi, nous voulons savoir s'il est
2 possible que nous puissions utiliser cette maquette avec nos propres
3 témoins ou pas et voir si vraiment il y a des inexactitudes. Si cette
4 maquette est exacte, nous n'avons qu'une objection à l'utiliser.
5 Simplement, il y a très peu de changements à la maquette qu'il
6 faudrait apporter pour qu'elle reflète la réalité et si nous pouvions
7 collaborer et en venir à une entente sur certaines des élévations
8 représentées sur cette maquette entre maintenant et lundi, je crois que
9 nous serions tous d'accord pour utiliser cette maquette.
10 C'est donc un atout pour la défense et pour l'accusation. Je
11 crois donc que nous pourrions certainement collaborer et aboutir à une
12 entente pour cette maquette parce qu'elle est certainement très utile pour
13 les deux parties. Nous n'avons aucune objection quant aux bandes vidéos
14 qui ont été présentées comme preuves.
15 Quant aux photos, nous ne faisons objection qu'à l'omission des
16 autres photographies du camp qui auraient dû faire partie d'une enquête
17 impartiale. Nous ne faisons pas non plus objection à la maquette, à
18 condition que l'on y apporte les changements nécessaires pour qu'elle
19 reflète exactement la réalité.
20 J'aimerais également aborder maintenant la question du contre
21 interrogatoire. J'aimerais faire une déclaration à ce sujet.
22 M. le Président (interprétation). - Franchement, je trouve que
23 les avocats de la défense devrait faire preuve de courtoisie. Si vous
24 faites quelque commentaire que ce soit sur un point particulier, tenez-
25 vous en à ce point jusqu'à ce qu'une autre situation survienne dans le
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1 cadre de laquelle vous pouvez ajouter d'autres commentaires. Je n'aime pas
2 vous interrompre à mauvais escient, mais vous avez déjà formulé vos
3 commentaires sur la présentation des pièces à conviction et je crois avoir
4 écouté tout ce que vous aviez à dire.
5 Mme McMurey (interprétation). - J'aimerais ajouter quelque
6 chose.
7 M. le Président (interprétation). - Ecoutez, je crois que ce
8 sont tous les commentaires que vous avez faits à propos de la présentation
9 des pièces à conviction et c'est ce que la Chambre de première instance
10 vous a demandé de faire.
11 Mme McMurey (interprétation). - Nous faisons objections quant à
12 la possibilité d'admettre ces preuves parce qu'il n'y a pas eu de
13 notification de quelque sorte que ce soit. Ceci a été retiré. Nous faisons
14 objection à la maquette à moins que nous ne puissions y apporter les
15 modifications appropriées, mais nous sommes d'accord quant aux bandes
16 vidéos et les photographies.
17 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Nous avons
18 entendu les objection de la défense. L'accusation ne prétend pas que
19 quelqu'un d'autre a bel et bien fabriqué cette maquette. C'est sa
20 maquette. L'accusation la présente comme pièce à conviction comme étant sa
21 propre maquette.
22 Si vous avez d'autres raisons pendant la présentation des
23 preuves de vous opposer à ceci, vous êtes tout à fait libres de le faire.
24 Mais ceci me paraît vraiment tout à fait admissible comme preuve, donc je
25 l'ai acceptée.
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1 Nous sommes donc à la fin du témoignage de ce témoin.
2 M. Ostberg (interprétation). - Oui.
3 M. le Président (interprétation). - Je suis prêt à libérer ce
4 témoin. Vous pouvez-vous lever et prendre congé de nous.
5 M. Beelen (interprétation). - Merci, monsieur le président.
6 (Le témoin est escorté hors de la salle d'audience.)
7 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres témoins ?
8 M. Ostberg (interprétation). - Oui, monsieur le président.
9 Je vais maintenant changer de place avec M. Turone.
10 M. Turone (interprétation). - Monsieur le président,
11 l'accusation convoque maintenant M. Mirko Babic comme témoin.
12 (Le témoin, M. Mirko Babic, est introduit dans la salle
13 d'audience.)
14 M. le Président (interprétation). - Je crois qu'il serait
15 opportun d'enlever la maquette de ces bâtiments, parce qu'elle ne joue
16 plus aucun rôle pour le moment.
17 M. Babic (interprétation). - Je déclare solennellement que je
18 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
19 M.Turone (interprétation). - Puis-je continuer
20 M. le Président (interprétation). - Oui.
21 M. Turone (interprétation). - Merci beaucoup. Je vous prie,
22 Monsieur, de bien vouloir décliner votre identité.
23 M. Babic (interprétation). - Je m'appelle Mirko Babic.
24 M. Turone (interprétation). - Quelle est votre date de
25 naissance ?
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1 M. Babic (interprétation). - Je suis né le 21 mai 1933.
2 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quel
3 groupe ethnique vous appartenez ?
4 M. Babic (interprétation). - Je suis Serbe.
5 M. Turone (interprétation). - Et où êtes-vous né ?
6 M. Babic (interprétation). - Je suis né dans le village de
7 Bijelovcina, à quelques kilomètres de Konjic.
8 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, quelles études
9 avez-vous faites ? Quelle école avez-vous fréquenté ?
10 M. Babic (interprétation). - J'ai fait des études en foresterie.
11 M. Turone (interprétation). - Avez-vous fréquenté une école de
12 gardes forestiers ?
13 M. Babic (interprétation). - Oui.
14 M. Turone (interprétation). - Combien d'années vos études ont-
15 elles duré ?
16 M. Babic (interprétation). - Deux ans.
17 M. Turone (interprétation). - Vous voulez dire deux ans après
18 l'école primaire ?
19 M. Babic (interprétation). - Oui.
20 M. Turone (interprétation). - Merci. Monsieur Babic, où
21 habitiez-vous au début de mai 1992 ?
22 M. Babic (interprétation). - J'habitais dans le village de
23 Bijelovcina, qui est mon village.
24 M. Turone (interprétation). - Donc en mai 1992, vous viviez à
25 Bijelovcina et vous y étiez garde forestier ?
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1 M. Babic (interprétation). - Oui.
2 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, est-ce que
3 Bijelovcina était un village à forte majorité serbe ?
4 M. Babic (interprétation). - Oui.
5 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit que ce village
6 faisait partie de la municipalité de Konjic et qu'il est à environ 15
7 kilomètres de Konjic.
8 Mme McMurrey (interprétation). - J'ai une objection à faire
9 quant à la manière orientée dont sont posées les questions. Il s'agit d'un
10 interrogatoire direct.
11 M. Turone (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le
12 Président, mais le témoin l'a déjà dit. Je ne faisais que résumer ce qu'il
13 a dit tout à l'heure.
14 M. le Président (interprétation). - Essayez de laisser le témoin
15 résumer ce qu'il a à dire.
16 M. Turone (interprétation). - Très bien. Pouvez-vous nous dire
17 environ combien de familles serbes habitaient dans le village de
18 Bijelovcina à ce moment-là ?
19 M. Babic (interprétation). - Dans mon village de Bijelovcina où
20 je vivais, il y avait 48 maisons serbes, 5 maisons croates et 4 maisons
21 musulmanes.
22 M. Turone (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu un moment où
23 Bijelovcina a été touché par le conflit, par des mouvements militaires
24 concrets en 1992 ?
25 M. Babic (interprétation). - Le 21 mai 1992, vers 9 heures du
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1 soir, mon village de Bijelovcina a été attaqué par les Musulmans.
2 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, je vais vous
3 demander de nous raconter brièvement ce qui s'est passé en détail ce jour-
4 là et les jours suivants, bien sûr, mais auparavant, pourriez-vous
5 indiquer à la Cour si vous avez été arrêté à cette occasion ? Avez-vous
6 été détenu dans le camp militaire pendant une période assez longue ou
7 non ?
8 Mme McMurrey (interprétation). - Je vais encore faire objection
9 à la manière orientée dont les questions sont posées au témoin. Il est en
10 train de mettre les mots dans la bouche du témoin.
11 M. Turone (interprétation). - Est-ce que je dois changer ma
12 manière de poser mes questions au témoin, Monsieur le Président ?
13 M. le Président (interprétation). - Oui. Posez vos questions de
14 façon plus appropriée.
15 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, pouvez-vous nous
16 dire si vous avez été arrêté à cette occasion ?
17 M. Babic (interprétation). - Oui. J'ai été arrêté, et je vais
18 vous raconter l'histoire.
19 M. Turone (interprétation). - Donc pourriez-vous, s'il vous
20 plaît nous raconter votre histoire à partir du moment où le conflit a
21 éclaté à Bijelovcina ?
22 M. Babic (interprétation). - D'accord. Le 21 mai 1992, vers 9
23 heures du soir, les Musulmans ont attaqué mon village de Bijelovcina. Il y
24 avait des coups de feu qui partaient de toutes les directions. Moi-même et
25 Boro Ivkovic, mon voisin, étions devant chez moi. Nous avons vu que
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1 quelque chose n'allait pas.
2 Je suis allé dans ma chambre et j'ai pris mon revolver pour
3 lequel j'avais tous les papiers qu'il fallait : comme j'étais garde
4 forestier, j'avais tous les papiers officiels qu'il fallait pour cette
5 arme. J'ai donc pris mon revolver et nous avons commencé à courir en
6 direction du bois. Quand nous y sommes arrivés, j'ai mis mon revolver sous
7 une pierre, et dans le bois, à environ 40 mètres, nous nous sommes
8 arrêtés. Les tirs continuaient partout. Nous sommes restés dans ce bois et
9 nous n'en avons pas bougé. Au bout d'une demi-heure, nous avons entendu
10 qu'il y avait du bruit, des portes qui claquaient, et que l'on cassait des
11 fenêtres.
12 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous ralentir, s'il vous
13 plaît, pour faciliter le travail des interprètes ?
14 M. Babic (interprétation). - Ensuite, les bruits se sont
15 arrêtés. Nous avons donc attendu dans ce bois. Puis il y eu des coups de
16 feu partout et cela a duré un certain temps. Nous avons passé la nuit dans
17 le bois, mais nous nous demandions ce qu'il fallait faire ensuite. Nous ne
18 savions pas ce qui se passait. Nous voyions la maison de Boro et ma maison
19 était de l'autre côté du pont, mais nous ne pouvions pas la voir.
20 Nous avons donc passé la nuit du 21 au 22 mai dans le bois et au
21 lever du jour, nous sommes allés au bord de la forêt et nous avons vu des
22 gens sur le pont. Il y avait quelques personnes. Nous avons commencé à
23 courir et nous sommes allés dans la maison de Boro, à une quinzaine de
24 mètres, à peu près.
25 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, s'il vous plaît,
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1 pouvez-vous ralentir votre débit ?
2 Mme McMurrey (interprétation). - Je fais objection à la forme
3 narrative des questions. Il faudrait que ce soit sous forme de questions
4 et réponses.
5 M. le Président (interprétation). - Ecoutez, laissez-les faire
6 comme ils le font pour le moment.
7 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous continuer, Monsieur
8 Babic ?
9 M. Babic (interprétation). - Il y avait toujours des coups de
10 feu qui étaient tirés partout, mais pas au même rythme que le 21 mai. Nous
11 nous sommes arrêtés dans cette forêt et ceux qui dirigeaient la foule sont
12 arrivés, après quoi ils nous ont ordonné de lever les mains et nous ont
13 dit d'enlever notre manteau. J'avais un chapeau à la main ; j'ai jeté le
14 manteau et le chapeau. Boro n'avait pas de chapeau, mais il avait un
15 manteau ; il a enlevé son manteau et il l'a posé. Ils nous ont répété de
16 lever les mains, ils nous ont injurié et ensuite...
17 M. Turone (interprétation). - S'il vous plaît, Monsieur Babic
18 pouvez-vous ralentir un peu ?
19 M. Babic (interprétation). - J'ai reçu un premier coup dans la
20 bouche et ensuite, ils ont commencé à nous battre sur la poitrine et dans
21 le dos. Nous avons reçu beaucoup de coups. Puis ils nous ont dit de les
22 suivre jusqu'au sommet de la colline.
23 Quand nous y sommes arrivés, ils voulaient voir s'il y avait
24 quelque chose là, mais il n'y avait rien. Ensuite, il y avait une route
25 qui descendait à gauche et qui menait à ma maison. Nous avons descendu la
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1 colline le long de la route et j'ai revu un jeune homme en uniforme vert.
2 Nous avons continué. J'allais de l'avant et Boro me suivait. Je me
3 souviens qu'il y avait Mirsad Pirkic et je me souviens aussi de Sejo Didik
4 qui marchait derrière nous. Il y avait d'autres personnes qui marchaient
5 derrière nous aussi.
6 A environ 700 mètres en direction de ma maison, environ à mi-
7 chemin, le capitaine Mirsad m'a dit d'arrêter et je me suis arrêté. Il a
8 sorti une espèce de carnet de sa poche et il m'a dit de m'avancer vers
9 lui. C'est ce que j'ai fait. Il m'a dit alors : voici la photo de ton
10 frère. J'ai dit alors : "non, ce n'est pas mon frère". Il m'a dit : "Si.
11 Sais-tu qui il est ?" Il s'agissait de Kuljanin, qui était le président de
12 la municipalité, et c'était sa carte de membre. Je ne sais pas où ils
13 l'ont trouvée.
14 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, je vous interromps
15 quelques instants pour vous demander de répondre à des questions qui vont
16 clarifier les choses. Pouvez-vous dire combien de soldats il y avait ?
17 M. Babic (interprétation). - Il est impossible de le dire.
18 M. Turone (interprétation). - Je veux dire approximativement.
19 M. Babic (interprétation). - Ce que je peux dire, c'est qu'il y
20 en avait plusieurs, mais il est impossible d'en préciser le nombre.
21 M. Turone (interprétation). - Quel type d'uniforme portaient ces
22 hommes ?
23 M. Babic (interprétation). - Des uniformes de camouflage vert.
24 M. Turone (interprétation). - Est-ce que l'un quelconque de ces
25 soldats portait un insigne sur l'uniforme ?
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1 M. Babic (interprétation). - Il y avait un badge avec "T.O." sur
2 le bras gauche d'un soldat, mais c'est tout ce que j'ai vu.
3 M. Turone (interprétation). - Connaissiez-vous le ou les
4 commandants de ces hommes ?
5 M. Babic (interprétation). - En route, j'ai appris que Mirsad
6 Pirkic était appelé "commandant" ou "capitaine". C'était donc le chef de
7 ces hommes.
8 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous dire
9 approximativement à quel moment ces soldats vous ont trouvé ? Ils vous ont
10 arrêtés dans les bois. Cela s'est-il passé pendant la nuit ou est-ce que
11 le jour était déjà levé ?
12 M. Babic (interprétation). - Le 22 mai, vers 7 heures du matin.
13 C'est à ce moment-là que cela s'est passé.
14 M. Turone (interprétation). - Merci, Monsieur Babic. Poursuivez
15 votre relation des faits à partir de ce moment-là. Que vous est-il
16 arrivé ?
17 M. Babic (interprétation). - A ce moment-là, lorsqu'ils m'ont
18 montré ce carnet ou cette carte qui appartenait à Kuljanin, Mirsad Pirkic
19 m'a ordonné de manger ce carnet. J'ai mangé un morceau, mais j'ai dû
20 vomir. J'ai alors vu Sejo Didik, qui était de la municipalité de Konjic.
21 Il m'a frappé dans le dos. J'ai donc mangé le reste du livret, après quoi
22 nous sommes arrivés à la maison. Dans la maison, il y avait d'abord la
23 première pièce, où se trouvait mon frère et de l'autre côté, ma propre
24 chambre. C'est là que je me reposais. Je précise que j'étais célibataire,
25 que je n'étais pas marié. Mais quand j'ai regardé dans la chambre de mon
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1 frère, j'ai vu qu'il y avait des femmes ; je les ai reconnues. J'ai vu
2 Novo Ivkovic et Slabo Babic. C'étaient mes voisins, des personnes qui
3 étaient couvertes de sang.
4 J'ai été emmené dans ma chambre et là, j'ai vu sur la table
5 qu'on était en train de faire du café. Il y avait peut-être cinq ou six
6 personnes dans la chambre, toutes habillées d'uniformes de camouflage
7 vert. Il y avait aussi deux ou trois femmes. Nous sommes entrés dans la
8 pièce et l'ordre a été donné à mon voisin de me frapper. Nous avons dû
9 nous frapper l'un l'autre sur la tête, notamment, et si je ne l'avais pas
10 frappé suffisamment fort, c'étaient les soldats qui me frappaient, et
11 vice-versa. C'est ainsi que Boro et moi-même, nous nous sommes frappés
12 très fort et puis ils sont partis.
13 Quelqu'un d'autre est arrivé à la porte, je crois que c'était un
14 de leurs soldats, qui a apporté un bâton, et on nous a battus avec ce
15 bâton. Puis ils ont emmené Boro et m'ont laissé dans la pièce. Ils m'ont
16 fait m'allonger par terre. Pirkic avait une grenade à la main, je me
17 souviens de la partie supérieure qui ressemblait à un oeuf. Ils me
18 frappaient sur la plante des pieds, aux pieds, en riant, en disant que je
19 résistais. Et puis ils se sont arrêtés.
20 Autour de ma table, il y avait de nombreux soldats, de nombreux
21 soldats autour de moi également. Puis, tout d'un coup, on m'a forcé à
22 boire quelque chose d'une tasse. Je me suis rendu compte que c'était de
23 l'urine. C'était amer. Ils ont, à ce moment-là, amené le pot avec du café
24 qu'ils ont versé sur moi.
25 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, pourriez-vous
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1 parler plus lentement ? Qui vous a donné l'urine à boire?
2 M. Babic (interprétation). - Lorsque je m'en suis rendu compte,
3 j'ai vu une personne en uniforme de camouflage et je crois que c'était
4 Zeljko Mlikota, de la municipalité de Konjic. Il y avait aussi Milio
5 Mlati**. Ce sont ces personnes qui m'ont forcé à boire l'urine.
6 M. Turone (interprétation). - Très bien. Veuillez poursuivre,
7 Monsieur, mais avec lenteur s'il vous plaît.
8 M. Babic (interprétation). - J'ai donc dû boire l'urine. Et puis
9 ces deux femmes, je ne me souviens pas très bien d'elles, je me souviens
10 tout au plus d'une de ces deux femmes. C'était peut-être une femme qui
11 s'appelait Alaguic*.
12 M. Jan (interprétation). - Est-ce que ceci concerne le camp de
13 Celebici ? Est-ce que tout ceci a trait au camp de Celebici ?
14 M. Babic (interprétation). - J'y arrive à Celebici.
15 M. Turone (interprétation). - Nous parlons ici du chemin qui
16 nous amène à Celebici et ceci est pertinent parce qu'ils se sont souvenus
17 des incidents auparavant.
18 M. Jan (interprétation). - A quel chef d'accusation faites-vous
19 référence avec cette déposition ?
20 M. Turone (interprétation). - Ceci portera au moins sur une des
21 morts, un des meurtres qui se sont produits au camp par la suite. Mais
22 ceci va apparaître au fil du récit. La narration ne sera pas très longue
23 pour ce qui se passe en dehors du camp.
24 Ai-je l'autorisation de poursuivre?
25 M. Jan (interprétation). - Oui.
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1 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, veuillez
2 poursuivre.
3 M. Babic (interprétation). - Ces deux femmes étaient, elles
4 aussi, en uniforme de camouflage vert. Elles ont continué à me frapper à
5 la tête. L'une d'entre elles tenait une fourchette devant mes yeux et me
6 menaçait de m'enlever les yeux avec cette fourchette. Il y avait aussi une
7 baïonnette. On cassait des verres et des éclats de verre étaient présentés
8 devant moi, et on me disait : "Regarde comment tu es ensanglanté". Et
9 puis, ils ont continué à me frapper pendant un certain temps, et puis ils
10 ont arrêté.
11 Et puis deux personnes m'ont forcé à lécher de leurs bottes, des
12 bottes qui étaient couvertes de terre, mais ceci n'a pas duré très
13 longtemps. Finalement, Mirsad Pirkic, le capitaine, m'a demandé où se
14 trouvait mon revolver. Je lui ai dit que j'avais laissé ce revolver dans
15 les bois, sous une pierre au-dessus de la maison de Boro. J'avais un
16 permis de port d'arme, je l'avais reçu en 1967 du commissariat de police
17 de Konjic en tant que garde forestier.
18 Mirsad Pirkic m'a accompagné pour trouver le revolver et le
19 permis. Lorsque je suis arrivé à cet endroit, je lui ai montré le
20 revolver. Mirsad l'a pris, ainsi que le permis, permis qu'il a déchiré.
21 Mais il a gardé le revolver.
22 Nous sommes alors retournés dans la pièce où tout le monde se
23 trouvait encore.
24 Mirsad m'a dit : "Fort bien. Allons-y" Tout le monde est parti,
25 à part Mirsad et moi-même. Je suis parti avec lui plus tard. Et Ivkovic,
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1 Boro Ivkovic qui était avec moi, avec qui j'avais dû me battre, tout le
2 monde est parti.
3 M. Turone (interprétation). - Excusez-moi. Avez-vous, d'une
4 quelconque façon, participé à la défense du village de Bijelovcina ?
5 M. Babic (interprétation). - Non. J'avais 60 ans. Je ne
6 m'intéressais pas à la défense, j'allais simplement vaquer à mes
7 occupations.
8 M. Turone (interprétation). - A quel moment avez-vous quitté
9 votre maison ce jour-là ?
10 M. Babic (interprétation). - Vers 11 heures.
11 M. Turone (interprétation). - Par la suite, que s'est-il passé ?
12 Avez-vous été emmené dans un endroit particulier ?
13 M. Babic (interprétation). - C'est précisément ce que je voulais
14 dire. Les gens qui se trouvaient dans ma chambre, il y avait plusieurs
15 personnes, Boro, Ivkovic Danica, toutes ces personnes sont sorties. Nous
16 sommes donc sortis et nous avons vu trois boîtes vertes. J'ai été forcé
17 d'en porter une, Boro une autre, tandis que Slavko* finalement a pris la
18 mienne. Je ne sais pas si quelqu'un lui a dit qu'il ne devait pas le
19 faire, mais enfin il l'a fait.
20 Nous sommes allés alors à la maison de Slavko* Tomic, à
21 Bijelovcina, dans la même rue, et là nous nous sommes arrêtés. Il nous a
22 été ordonné d'arrêter, de nous tourner vers l'Est et de fermer les yeux.
23 Une femme a commencé à éclater en sanglot parce qu'elle pensait que
24 c'était le moment de l'exécution. A ce moment-là, quelqu'un a crié quelque
25 chose depuis un champ, a enjoint la personne d'arrêter. Nous nous sommes
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1 arrêtés à la maison suivante. On apportait du Brandy de cette maison. Nous
2 sommes restés là un moment et nous avons poursuivi notre chemin.
3 On nous a dit que nous allions vers la maison de Uro Cosic*.
4 J'ai commencé à recevoir des coups dans le dos de cette personne qui m'a
5 roué de coups partout. J'ai commencé à pleurer, à l'implorer de ne pas le
6 faire, mais cela ne servait à rien.
7 Arrivé à la maison, il y avait en fait un peu de bois devant la
8 maison et j'ai été forcé de transporter ce bois d'un côté à l'autre, et
9 chaque fois que je me baisser, cette personne me frappait vraiment très
10 sévèrement.
11 M. Turone (interprétation). - Y avait-il d'autres prisonniers à
12 ce moment-là avec vous ?
13 M. Babic (interprétation). - Non, j'étais le seul, tous les
14 autres se trouvaient à la maison de Djoco* Tomic*. Puis il a pris une
15 baïonnette qu'il a pointée sur mon estomac en me menaçant. Il y avait cinq
16 ou six hommes et deux femmes. Nous avons poursuivi notre chemin.
17 Quelqu'un a dit : "vous allez être le guide aujourd'hui". Et
18 puis, j'allais prendre un chemin facile pour aller au village de Vinice*,
19 mais il n'était pas d'accord avec cet itinéraire.
20 De l'autre côté, il y avait des rochers. Lorsqu'ils voulurent
21 descendre, je leur ai dit de ne pas le faire : "ne descendez pas, où
22 allez-vous ? Nous allons tous mourir si nous empruntons ce chemin" Puis
23 nous avons arrêté.
24 Il y avait une rivière à droite et puis un bois et à gauche, il
25 n'y avait aucune végétation. Arrivés au niveau des rochers, près d'un
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1 bois, on a entendu des coups de feu. Heureusement, les coups de feu
2 n'étaient pas dirigés vers nous, ils ne venaient pas dans notre direction.
3 Puis, on m'a ordonné d'emprunter le petit sentier, 20 ou 30 mètres plus
4 loin. J'ai dû arrêter. Nouvel arrêt et, 500 mètres plus loin, nous sommes
5 arrivés dans une clairière où nous nous sommes assis. A ce moment-là, j'ai
6 vu deux femmes.
7 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, nous allons avoir
8 une suspension d'audience pendant 15 minutes, et nous reprendrons le
9 témoignage par la suite.
10 L'audience, suspendue à 11 heures 12, est reprise à 11 heures 40.
11 M. le Président (interprétation). - Peut-on appeler le témoin ?
12 (Le témoin, M. Babic, est introduit dans la salle d'audience.)
13 M. le Président (interprétation). - Veuillez rappeler au témoin
14 qu'il est toujours sous serment.
15 M. Turone (interprétation). - Je vous rappelle que vous êtes
16 toujours sous serment, monsieur.
17 M. Babic (interprétation). - Oui.
18 M. Turone (interprétation). - Puis-je poursuive ?
19 M. Babic (interprétation). - Je poursuis ce voyage. Je disais
20 qu'on était arrivé au bois. Nous nous sommes assis et puis ces deux
21 femmes ont pris Slobo Babic et lui ont donné des choses à porter. Puis,
22 nous nous sommes assis. A ce moment-là, ils m'ont appelé, m'ont frappé à
23 la tête et ils ont fait de même pour Slobo.
24 A quelque distance de là, ils ont pris une corde. Je ne sais pas
25 ce qu'ils faisaient avec cette corde ou ce qu'ils voulaient faire.
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1 M. Turone (interprétation) - Babic est-il la même personne dont
2 vous parliez auparavant ou s'agit-il d'une autre personne dénommée Babic ?
3 M. Babic (interprétation). - C'est le même Babic, Slobodan
4 Babic. Je n'ai pas vu de Slobodan Babic avant que nous soyons arrivés au
5 bois.
6 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, veuillez parler
7 lentement. Pourriez-vous nous dire qui est ce Slobodan Babic ?
8 M. Babic (interprétation). - Slobodan. Babic est un parent, un
9 membre de ma famille. Nous sommes voisins. Mon père et son grand-père
10 étaient frères. Nous étions donc cousins.
11 M. Turone (interprétation). - Slobodan Babic s'est-il joint à
12 vous à un moment donné, après que vous ayez quitté votre maison?
13 M. Babic (interprétation). - Oui, c'est exact.
14 M. Turone (interprétation). - A ce moment précis de votre récit,
15 y avait-il d'autres prisonniers avec vous ou n'y avait-il que vous même et
16 Slobodan Babic ?
17 M. Babic (interprétation). - Il n'y avait que moi et Slobodan
18 Babic.
19 M. Turone (interprétation). - D'autres personnes vous
20 entouraient-elles?
21 M. Babic (interprétation). - Il y avait des personnes avec nous
22 qui nous forçaient à poursuivre le chemin. Il y avait BIRKIT*, les deux
23 femmes, et d'autres personnes. Puis-je poursuive?
24 M. Turone (interprétation). - Oui.
25 M. Babic (interprétation). - Nous avons poursuivi le chemin, et
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1 c'est SEJODICDIC* m'a traité de Chetnik . Il l'a répété plusieurs fois.
2 J'ai gardé le silence et, la fois suivante, j'ai dit que je n'étais pas un
3 Chetnik. Il m'a dit que si je ne répondais pas à son appel, il allait me
4 tuer.
5 Nous sommes descendus. Je voulais les guider, mais ils ont
6 choisi un autre chemin qui traversait les bois. Ils m'ont appelé de
7 nouveau Chetnik plusieurs fois, j'ai dû répondre, et ils ont ricané.
8 Nous avons traversé les bois, nous sommes arrivés à une rivière,
9 et là nous nous sommes arrêtés. J'ai demandé si je pouvais prendre un peu
10 d'eau à la rivière, ils m'en ont empêché.
11 Il a fallu aller à droite pour arriver au village de Vinjiste.
12 J'étais devant. A chaque fois que nous franchissions 20 ou 30
13 pas, ils me forçaient à arrêter et c'est de cette façon que nous sommes
14 arrivés au village de Vinjiste et nous sommes arrivés à la maison de
15 Nicola*. Là ils m'ont obligé à pénétrer dans la maison, et d'abord à
16 frapper pour voir qui se trouvait à l'intérieur. J'ai frappé à la porte,
17 Nicola*, Juja* sa femme, son fils ou son beau-fils Milan Tinovic, Milan
18 Savic, sont sortis de la maison. Ces personnes sont donc sorties de la
19 maison.
20 Devant la maison de Nicola*, il y avait un robinet. J'ai demandé
21 à boire, ce que les personnes m'ont permis de faire. J'ai bu un peu d'eau
22 et Slobodan fit de même. On nous a permis de boire un peu d'eau.
23 Et nous avons franchi 30 mètres. A cette distance, on m'a mis
24 d'un côté et Slobodan d'un autre.
25 M. Turone (interprétation). - Qui vous a séparés ?
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1 M. Babic (interprétation). - C'est le capitaine Mirsad Pirkic
2 qui nous a séparés.
3 Ils étaient à quelque 30 mètres de nous. Ils étaient en
4 conciliabule et indiquaient plusieurs directions ... je ne sais pas ce
5 qu'ils indiquaient. Et puis le capitaine Pirkic s'est approché de moi,
6 s'est assis et m'a dit : "cher garde forestier, vous vous êtes bien
7 comporté, vous avez servi de guide et vous avez bien fait votre travail ;
8 pour moi, vous êtes une véritable légende et nous allons vous laisser
9 ici". Et il m'a menacé d'exécution, de pendaison ; il a menacé de
10 m'écarteler, mais m'a dit que la meilleure solution serait finalement la
11 mort. "L'un d'entre nous va te mettre une bombe dans la bouche", m'a-t-il
12 été dit, et puis cette personne m'a dit que c'était la meilleure mort
13 possible pour moi.
14 J'ai conjuré le capitaine de m'aider, je lui ai dit : "Ne me
15 tuez pas". Je l'en ai vraiment imploré. Il m'a répliqué qu'il ne pouvait
16 rien faire. Il est retourné rejoindre son groupe. Il a parlé avec les
17 membres de ce groupe et il est revenu s'asseoir près de moi. Il m'a dit :
18 "Lorsque nous irons vers le village d'Homolje, vous serez devant moi et je
19 ne pourrai pas vous protéger. Je doute que vous restiez en vie, je pense
20 qu'on va vous tuer".
21 Nous sommes repartis ; j'étais à droite, Slobodan à gauche. Mes
22 jambes étaient gonflées du fait des coups que j'avais reçus. Je sentais
23 que mes côtes étaient cassées. Il m'était pratiquement impossible de
24 bouger, de faire quelque mouvement que ce soit. J'ai pensé leur demander
25 de tirer pour qu'ils me tuent, mais je ne l'ai pas fait.
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1 Nous avons poursuivi notre marche pendant une heure et nous
2 sommes arrivés au village musulman de Homolje. Là nous nous sommes assis.
3 Slobodan Babic et moi nous sommes appuyés contre un mur.
4 M. Turone (interprétation). - A quel moment approximativement
5 êtes-vous arrivé au village d'Homolje ?
6 M. Babic (interprétation). - Peut-être une heure avant la tombée
7 de la nuit.
8 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous dire à peu près
9 quelle est la distance que vous avez couverte entre Bijelovcina et
10 Homolje ?
11 M. Babic (interprétation). - Je dirais 8 à 10 km ; il est
12 impossible d'être plus précis. Puis-je poursuive?
13 M. Turone (interprétation). - Vous êtes donc arrivé à Homolje,
14 et vous étiez avec Slobodan à ce moment-là. Etiez-vous seul avec lui ou y
15 avait-il d'autres prisonniers qui s'étaient joints à vous dans
16 l'intervalle?
17 M. Babic (interprétation). - Il n'y avait que Slobodan Babic et
18 moi-même.
19 M. Turone (interprétation). - Dans quel état se trouvait
20 Slobodan Babic ?
21 M. Babic (interprétation). - Il était couvert de sang, tout
22 comme moi. Nous nous contentions de garder le silence, c'est tout ce qu'on
23 pouvait faire. Nous étions séparés de 5 ou 6 mètres, lui et moi.
24 Là, nous nous sommes assis pendant une heure, et puis la nuit
25 est tombée, il pleuvait. Un camion est arrivé et nous sommes montés
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1 dedans.. Certains se sont installés dans l'habitacle, nous étions à
2 l'arrière et le capitaine Mirsad Pirkic était à nos côtés. Il chantait
3 certaines chansons un peu bêtes. Cela n'a pas duré longtemps. Et nous
4 sommes arrivés à la salle des sports à Konjic. Slobodan et moi avons été
5 placés dans la salle n° 10. Dans cette salle, j'y ai retrouvé mes voisins.
6 C'est là que nous avons passé la nuit.
7 Vers minuit, Slobodan Babic a été appelé. Ils l'ont gardé à
8 l'extérieur de la pièce pendant longtemps. Il est revenu dans cette pièce
9 et c'est moi qui ai été appelé. Je suis sorti dans le corridor, et j'ai vu
10 quelques enquêteurs. J'en ai reconnu un et lui m'a reconnu aussi : Paic
11 Njersad* de la municipalité de Konjic. Ils m'ont demandé ce qui m'était
12 arrivée, et je n'ai pas osé leur raconter ce qui s'était passé. J'étais
13 couvert de sang et j'ai simplement dit que j'étais tombé et que je m'étais
14 blessé.
15 Il m'a été ordonné de m'asseoir dans le couloir. Ils m'ont posé
16 quelques questions sans beaucoup de sens : est-ce que j'avais voté pour le
17 SDS par exemple. Ils n'étaient pas très dangereux.
18 Et puis je suis revenu dans la salle n° 10. C'est là que
19 Slobodan et moi avons passé la nuit jusqu'à l'aube, le 23 mai 1992. Et
20 puis, à la tombée de la nuit, Slobodan et moi avons été appelés à sortir ;
21 il y avait un camion, nous y sommes montés. Nous avons parcouru environ 1
22 km depuis Musala et nous sommes allés dans une localité appelée Radava.
23 C'était en fait un hôtel. Je ne sais pas si c'était l'hôtel Radava ou
24 Neretva.
25 Nous sommes descendus du camion, nous sommes entrés dans l'hôtel
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1 et, dès que nous sommes arrivés à la porte, ils ont commencé à nous battre
2 et à nous insulter ainsi que notre mère. Une femme nous a aidés
3 grandement, elle me connaissait bien, et elle leur a interdit de frapper
4 "ce garde forestier". Apparemment, elle travaillait dans cet hôtel ; elle
5 devait être cuisinière car elle nous a apporté quelques oeufs durs. Nous
6 lui avons demandé un peu d'eau parce que nous étions vraiment assoiffés.
7 Elle nous a apporté un peu d'eau. Nous avions perdu beaucoup de sang et je
8 dois vraiment une grande reconnaissance à cette femme.
9 Nous nous sommes assis pendant une demi-heure et on nous a
10 obligé à nous lever. J'avais perdu toute notion de ce qui m'entourait, je
11 ne savais pas où j'étais, comment cela se passait, j'avais vraiment perdu
12 toute notion de ce qui m'entourait. Nous sommes descendus, nous sommes
13 remontés dans un camion. Je ne sais pas ce qu'il est arrivé à Slobodan :
14 est-il monté lui aussi dans le camion? Je ne sais pas. Je ne sais pas s'il
15 y avait quelqu'un ou pas. Je ne le sais vraiment pas.
16 Le camion s'est mis en marche. Je suis arrivé à Celebici le 23
17 mai et j'ai été placé dans le bâtiment 22. Là j'ai vu beaucoup de
18 prisonniers. Ils étaient vraiment très nombreux car il n'était possible
19 que d'être debout. J'ai retrouvé d'autres voisins là aussi.
20 J'étais grièvement blessé.
21 J'ai vu une pompe, une machine, je ne sais pas quel genre
22 d'équipement c'était.
23 M. Turone (interprétation). - Un instant, Monsieur Babic,
24 lorsque vous êtes arrivé à Celebici, c'était par camion?
25 M. Babic (interprétation). - Oui, nous sommes arrivés la nuit du
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1 23.
2 M. Turone (interprétation). - Vous souvenez-vous de l'heure?
3 M. Babic (interprétation). - C'était dans la soirée.
4 M. Turone (interprétation). - Y avait-il d'autres prisonniers
5 qui se trouvaient dans ce camion qui vous a amené à Celebici?
6 M. Babic (interprétation). - Impossible de me rappeler quoique
7 ce soit. J'étais vraiment perdu. Je sais que j'y étais, mais je ne sais
8 pas s'il y avait d'autres personnes dans ce camion, c'est vraiment
9 impossible de le savoir. Je ne peux pas le dire parce que j'étais vraiment
10 très malade.
11 J'ai donc passé la nuit là. Pour autant que je m'en souvienne,
12 quelques deux jours plus tard, j'ai vu Predrag Babic, qui était le fils de
13 Slobodan Babic, dans ce même bâtiment 22. J'ai vu aussi Slobodan Babic
14 gisant sur le sol ; il ne voyait plus rien, il n'entendait plus rien. Je
15 crois qu'il était en train de mourir. Je crois qu'il a passé huit jours
16 là. Son fils avait disparu, Spaso, Drago aussi, mais beaucoup d'entre nous
17 sont restés là. Slobodan, lui, a été emmené. Je ne sais pas exactement
18 comment, mais j'ai appris plus tard qu'il était mort le 3 mars.
19 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous donner plus de
20 précisions sur l'état physique dans lequel se trouvait Slobodan Babic au
21 moment où vous l'avez vu au bâtiment 22 de Celebici?
22 M. Babic (interprétation). - Il était vraiment en très mauvais
23 état. Ses lèvres étaient en mauvais état aussi, et quelque chose était
24 cassé dans sa bouche.
25 Une bouteille d'eau est apparue, je ne sais d'où, et les
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1 personnes qui étaient proches de lui ont laissé tomber l'eau goutte-à-
2 goutte dans sa bouche, mais il était incapable d'avaler parce qu'il était
3 vraiment blessé de partout. Tout était cassé chez lui. (expurgé)
4 (expurgé) et le docteur Petko Grubac seront mieux en mesure de vous en dire
5 davantage parce que c'est là qu'il est mort et ces deux médecins étaient
6 présents lors de sa mort.
7 M. Turone (interprétation). - Vous avez parlé du docteur Grubac
8 et du (expurgé). Pourriez-vous expliquer qui ils sont?
9 M. Babic (interprétation). - Voulez-vous connaître leur
10 nationalité? (expurgé) est de Bradina, et le docteur Petko Grubac
11 vient du Montenegro.
12 Ils travaillaient dans un centre de santé. Je les connaissais
13 bien, ces deux personnes.
14 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous donner davantage de
15 détails sur l'état dans lequel se trouvait Slobodan et, si possible, les
16 raisons de cet état ?
17 M. Babic (interprétation). - Slobodan Babic est mort le 3 mars,
18 en présence de (expurgé) et Grubac.
19 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous donner davantage de
20 détails sur ce bâtiment 22 dans lequel vous vous trouviez ?
21 M. Babic (interprétation). - Difficile de le faire. Tout ce que
22 je sais, c'est que ce bâtiment était de forme rectangulaire. C'est tout ce
23 que je peux dire. Je sais qu'il y avait vraiment beaucoup de monde à
24 l'intérieur et il était impossible de s'asseoir.
25 M. Turone (interprétation). - Combien, approximativement, y
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1 avait-il de personnes à l'intérieur ?
2 M. Babic (interprétation). - Je ne pourrais pas vous dire le
3 nombre exact, je ne sais pas.
4 M. Turone (interprétation). - Quelles conditions de vie régnait-
5 il à l'intérieur de ce bâtiment ?
6 M. Babic (interprétation). - C'était des conditions horribles, à
7 peine d'eau, à peine de nourriture. Quant à l'hygiène, elle était très
8 mauvaise. Je ne sais pas.
9 M. Turone (interprétation). - Y avait-il des sanitaires ?
10 M. Babic (interprétation). - J'ai vu certaines personnes qui
11 sortaient, il y avait des toilettes à l'extérieur. Je l'ai vu. Pendant
12 vingt jours, je n'ai pas utilisé les toilettes. Je ne sais pas pourquoi
13 d'ailleurs. Du 21 mai jusqu'au 23 mai, et puis j'ai passé environ vingt
14 jours dans ce bâtiment et je n'en suis jamais sorti pendant cette durée.
15 Je ne sais pas comment cela peut se faire, mais c'est comme cela.
16 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, si vous voyiez une
17 carte ou une maquette du camp de Celebici, seriez-vous en mesure
18 d'indiquer où se trouve le bâtiment 22 ?
19 M. Babic (interprétation). - Je ne pourrais pas le faire. Rien,
20 je ne pourrais rien vous dire. Je n'avais jamais été dans ce camp
21 auparavant. J'y suis arrivé la nuit. J'étais très mal, et je ne pourrais
22 pas vous aider si je voyais une carte.
23 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous dire plus ou moins
24 combien de temps Slobodan Babic a passé dans ce bâtiment 22 ?
25 M. Babic (interprétation). - Une huitaine de jours, je pense.
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1 M. Turone (interprétation). - Comment avez-vous appris ce qui
2 lui était arrivé par la suite ?
3 M. Babic (interprétation). - Quand j'ai quitté le camp, j'ai
4 rencontré certaines personnes notamment (expurgé), et c'est lui
5 qui me l'a dit.
6 M. Turone (interprétation). - Vous nous avez dit être resté dans
7 la pièce 22 un certain nombre de jours. Combien de jours avez-vous dit ?
8 M. Babic (interprétation). - J'ai l'impression que j'y suis
9 resté une vingtaine de jours.
10 M. Turone (interprétation). - Et après cela, que vous est-il
11 arrivé ?
12 M. Babic (interprétation). - Je peux continuer, n'est-ce pas ?
13 Eh bien, j'y ai passé une vingtaine de jours, personne ne m'a touché. On
14 nous a transférés dans le camp n° 6, et quand je suis arrivé là-bas, au
15 camp n° 6, j'ai vu quatre rangées. La première rangée allait de la porte
16 jusqu'à autour de la porte, et il y avait deux rangs au milieu. Là, on
17 comptait environ 250 détenus. Hazim Delic m'a mis dans la troisième rangée
18 dans ce bâtiment n° 6, pas loin de la porte. C'est dans ce rang que je me
19 trouvais.
20 Et jusqu'au 15 juin, je ne sais pas, peut-être jusqu'au 15 juin,
21 vers le 15 juin, des journalistes sont arrivés, des gens sont arrivés à la
22 porte. Ils étaient noirs. Delic était là-bas. Il y en avait qui parlaient
23 avec lui, ou cela je n'en sais rien. Les journalistes sont ressortis et,
24 derrière, le journaliste Esad Landzo est arrivé, il a pris Branko Gotovac,
25 il l'a fait sortir à l'extérieur et là, je ne sais pas trop ce qu'il lui a
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1 fait, il l'a frappé, je ne sais pas trop, mais quand Branko Gotovac est
2 rentré à l'intérieur, il est tombé au sol, il ne pouvait plus respirer.
3 Je me souviens, il y avait deux infirmiers là, un certain Branko
4 Glogorovic s'est approché de Branko Gotovac, il lui a tiré quelque chose
5 de la bouche et Branko souffrait beaucoup. Il a recommencé néanmoins à
6 respirer. Mais il était vraiment très mal.
7 Un jour, Hazim Delic est arrivé et a dit à Danilo, le fils de
8 Branko Gotovac : "Danilo, est-ce que tu sais que ton père est mort ?"
9 Danilo a dit : "Eh bien, tant pis". Mais Branko n'était pas mort, Branko
10 est arrivé, il était même en meilleur état un peu. Et voilà.
11 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous décrire ce
12 hangar n° 6 ?
13 M. Babic (interprétation). - Je peux vous donner quelques
14 renseignements. Il me semble qu'il était plus long que large. Je ne peux
15 pas. Je sais que c'était une construction avec un toit métallique, je
16 pense, mais je ne peux rien dire de plus.
17 M. Turone (interprétation). - Et la taille de ce bâtiment n° 6 ?
18 Ses dimensions ? Approximativement, savez-vous combien de personnes
19 pouvaient rentrer dans ce bâtiment ?
20 M. Babic (interprétation). - Oui, oh... Je ne sais pas, pas mal
21 de gens. C'était assez large. Je pense que pas mal de gens pouvaient y
22 rentrer. Il me semble. Trois fois peut-être.
23 M. Turone (interprétation). - Et les conditions de vie encore
24 une fois : la nourriture, les toilettes dans ce bâtiment ?
25 M. Babic (interprétation). - Les conditions étaient très, très
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1 mauvaises. On s'asseyait à même le béton. Cet endroit était sale. Il n'y
2 avait aucunes conditions d'hygiène. Nous faisions nos besoins personnels
3 la nuit, dans un seau, près de la porte. On nous apportait très peu à
4 manger. 250 personnes mangeaient avec cinq cuillers. On nous donnait une
5 espèce de nourriture cuite de très mauvaise qualité. Cela durait deux
6 heures. Il y en avait qui mangeaient plus que d'autres, il y en avait qui
7 ne mangeaient pratiquement pas. Il n'y avait pas de pain, on avait faim.
8 Je me souviens qu'en juillet, une fois, on a passé 56 heures sans rien
9 manger.
10 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous donner le nom
11 de quelques-uns des autres prisonniers qui se trouvaient avec vous dans le
12 bâtiment n° 6 ?
13 M. Babic (interprétation). - Je peux m'en rappeler quelques-
14 uns : Vulo Mrkajic, Risto Vukala, Dnle Bendjo, et puis pas mal de mes
15 voisins que je peux me rappeler.
16 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, avez-vous été
17 personnellement la victime de mauvais traitements, de sévices corporels
18 pendant votre séjour à Celebici ?
19 M. Babic (interprétation). - Je peux vous dire, moi, on ne m'a
20 pas touché. C'est seulement pendant mon transfert du bâtiment 22 au
21 bâtiment 6, pendant trois jours environ, on m'appelait pour que je sorte
22 du bâtiment le soir. Je ne sais pas qui m'appelait, c'était la nuit. Mais
23 il y avait des gens qui me frappaient avec des pelles, cinq, six coups, et
24 puis ils me faisaient rentrer dans le bâtiment où je me rasseyais à ma
25 place. Ça c'est une chose dont je me souviens.
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1 Et un jour, un peu après le 20 juillet 1992, un matin, Hazim
2 Delic est arrivé. Il a fait la tournée des gens qui étaient là. Il m'a
3 accroché sous le bras gauche, et m'a frappé. Ensuite, il est passé plus
4 loin. Le lendemain, vers 9 heures également, il est arrivé à l'intérieur
5 du bâtiment et encore une fois il m'a donné un coup de pied. Le troisième
6 jour, toujours à peu près à la même heure, vers 10 heures, il est arrivé
7 et il m'a frappé une troisième fois avant de ressortir. Il faisait la
8 tournée des différentes rangées, puis il finissait par ressortir.
9 Au bout d'une heure environ, il revient à la porte et il
10 m'appelle : "Mirko Babic, sors d'ici". Je sors et là, je vois Esad Landzo
11 et un troisième homme que je ne connaissais pas. Ils m'ont fait m'écarter
12 d'une quinzaine de mètres de la porte, à l'extérieur, et Esad Landzo m'a
13 recouvert les yeux et a commencé à me frapper à coups de pied.
14 M. Turone (interprétation). - Parlez très lentement,
15 Monsieur Babic, je vous prie.
16 M. Babic (interprétation). - Ils m'ont tiré dans tous les sens,
17 je ne savais plus on j'étais. Les trois hommes m'ont frappé. Je ne savais
18 vraiment plus ce qui se passait, mais quand on m'a enlevé le masque qu'on
19 m'avait mis sur le visage, j'ai vu qu'il y avait Esad Landzo, Delic et ce
20 troisième homme.
21 Je connais Hazim Delic parce qu'il travaillait avec moi dans mon
22 entreprise. C'était un brave homme. C'était un brave homme, son père
23 aussi, Ibro, et je connais Hazim Delic parce qu'il travaillait dans mon
24 entreprise.
25 Alors j'ai supplié Hazim, je lui ai dit : "Hazim, je t'en prie,
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1 arrête de faire ce que tu es en train de faire !" Il m'a dit : "J'encule
2 ta mère, tu n'auras pas de problème". Cela étant, il a essayé d'empêcher
3 les deux autres de me frapper.
4 Mais Esad Landzo ne voulait pas s'arrêter, il n'arrêtait pas de
5 me donner des coups de pied. Delic essayait d'empêcher Esad, et moi j'ai
6 dit : "Je vais essayer de rentrer vers la porte le plus vite possible, je
7 n'en peux plus".
8 Et puis, je ne sais pas ce qui s'est passé exactement, mais à un
9 moment, la porte s'est ouverte, elle a été ouverte avec une barre, une
10 barre de je ne sais quelle longueur. Esad donc a ouvert la porte, il m'a
11 frappé parce que j'étais près de la porte, je suis tombé près de la porte
12 et je ne sais plus ce qui s'est passé, j'étais dans le coma. Plus personne
13 n'osait me toucher. Simplement, je me suis rendu compte que j'avais une
14 espèce de fièvre qui me gagnait.
15 M. Turone (interprétation). - Parlez lentement, Monsieur Babic,
16 je vous en prie.
17 M. Babic (interprétation). - Donc j e me suis rendu compte
18 qu'une espèce de fièvre me saisissait et que j'avais quelque chose de
19 froid sur la tête. Quelqu'un avait de l'eau et on m'a versé cette eau sur
20 la tête et j'ai repris conscience. J'étais vraiment, vraiment en très,
21 très mauvais état. Je ne savais plus rien.
22 Deux jours plus tard, Esad Landzo est arrivé et ma donné un
23 petit coup de pied. Il m'a dit : "Lève-toi". Je me suis levé, je l'ai
24 suivi, il m'a fait sortir et, derrière la porte, il m'a ramené au même
25 endroit où j'avais déjà été frappé. Il m'a dit : "Couche-toi". Il y avait
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1 du soleil.
2 M. Turone (interprétation). - Excusez-moi de vous interrompre,
3 Monsieur Babic, à quel endroit du camp ces événements se sont-ils
4 déroulés ?
5 M. Babic (interprétation). - - A 15 mètres au-delà de la porte
6 dans le camp.
7 M. Turone (interprétation). - Mais la porte de quoi ?
8 M. Babic (interprétation). - La porte du camp.
9 M. Turone (interprétation). - De quel bâtiment ?
10 M. Babic (interprétation). - Du bâtiment 6.
11 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous dire
12 approximativement à quel moment ces événements se sont produits ? Très
13 approximativement, à quel moment environ ?
14 M. Babic (interprétation). - Aux alentours de 12 heures.
15 M. Turone (interprétation). - Je ne parle pas de l'heure en
16 fait, mais de la date, de la période, de la semaine, le mois au moins.
17 M. Babic (interprétation). - Cela s'est passé un peu plus tard
18 que le 20 juillet 1992, aux alentours du 20 juillet 1992.
19 M. Turone (interprétation). - Très bien, merci.
20 M. Babic (interprétation). - Je peux continuer ?
21 M. Turone (interprétation). - Vous pouvez continuer, oui. Très
22 lentement, je vous prie.
23 M. Babic (interprétation). - Bien. Esad Landzo m'a donné l'ordre
24 de me coucher. Je me suis couché. Il me dit d'étendre la jambe. Je dégage
25 la jambe droite. Il me dit de dégager la jambe gauche, et je dégage
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1 l'autre. Il tenait quelque chose à la main et il me dit : "Est-ce que tu
2 sais ce que j'ai à la main ?" Il avait un couteau. Moi je dis : "Je ne
3 sais pas ce que c'est". Je lui dis : "Ecoute, ne fais pas ça" et il me dit
4 "Tu vas voir". Et il ouvre une petite bouteille et verse ce liquide sur ma
5 jambe droite. Je sens que c'est de l'essence et à ce moment-là, je ne
6 savais pas s'il allait allumer ma jambe avec un briquet ou une allumette,
7 mais il l'a fait. Je regarde ma jambe, je vois qu'elle brûle. Cela me
8 faisait vraiment très mal. Je commençais à perdre conscience. Il a ensuite
9 mis quelque chose sur ma jambe. Ça n'a pas duré longtemps. Ça a duré très
10 peu de temps. Il a donc recouvert ma jambe et il a dit : "Relève-toi". Je
11 me suis relevé, il m'a donné un ou deux coups de pied et je suis parti
12 vers la porte. J'ai ouvert la porte et je me suis remis dans ma rangée.
13 Et qu'est-ce qui s'est passé avec ma jambe plus tard ? Il y
14 avait des brûlures, des taches jaunes, des cloques jaunes qui ont crevé et
15 une sorte de liquide sortait de ces cloques. A la fin, je ne savais plus
16 si j'avais mal au bras gauche, aux jambes, à la tête, aux brûlures que
17 j'avais sur le corps. J'étais vraiment très, très mal. Je ne pouvais plus
18 me tenir de bout.
19 Hazim Delic savait très bien ce qui se passait. Il arrivait
20 l'après-midi, aux alentours de 3 heures de l'après-midi. Il choisissait
21 une cinquantaine de personnes et les emmenait vers la porte du camp. Il y
22 avait une espèce de canal avec de l'eau où il emmenait ces cinquante
23 personnes qui pouvaient se mouiller un peu dans l'eau du canal.
24 Moi, je ne pouvais pas sortir tout seul. Donc Dragan Tomic
25 m'aidait à me relever, il me tenait sous les bras et c'est comme cela que
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1 j'allais jusqu'au canal. Voilà, c'est comme cela que plusieurs jours se
2 sont passés. J'étais vraiment totalement inapte à quoi que ce soit. Je ne
3 pouvais même pas tenir debout. Si on me lâchait, je tombais.
4 Je me rappelle encore une autre chose. Aux alentours du
5 1er août, la Croix-Rouge Internationale est arrivée dans le bâtiment 6
6 pour nous enregistrer.
7 M. Turone (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur Babic, nous
8 verrons cela plus tard. Avant cela, je vous demanderai de décrire les
9 conséquences physiques des mauvais traitements que vous avez subis à
10 Celebici. Pouvez-vous nous décrire les séquelles que vous subissez
11 actuellement en raison votre séjour à Celebici ?
12 M. Babic (interprétation). - Oui. Il me manque trois dents. J'ai
13 eu des côtes cassées et j'ai des séquelles de cet épisode où Esad Landzo
14 m'a versé de l'essence sur les jambes.
15 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, accepteriez-vous
16 de montrer au Tribunal la cicatrice de votre jambe ? Est-elle toujours
17 visible ?
18 M. Babic (interprétation). - Oui, elle est visible, je peux la
19 montrer.
20 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous, je vous prie,
21 montrer cette cicatrice que l'on voit sur votre jambe ? Quelqu'un pourrait
22 peut-être vous aider pour que les juges voient cette cicatrice.
23 Je ne sais pas si la caméra peut filmer la jambe de M. Babic. Il
24 faudrait que M. Babic parle dans le micro. Vous pouvez retourner au
25 micro ?
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1 Mme McMurrey (interprétation). - Les conseils de la défense
2 peuvent-ils s'approcher du témoin pour voir cette blessure ?
3 M. le Président (interprétation). - Les conseils de la défense
4 souhaitent voir la blessure.
5 (Les conseils de la défense se déplacent pour regarder la
6 cicatrice.)
7 M. Turone (interprétation). - Puis-je continuer, Monsieur le
8 Président ?
9 M. le Président (interprétation). - Oui, je vous en prie.
10 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, connaissiez-vous
11 M. Delic avant la guerre ?
12 M. Babic (interprétation). - Oui, oui, je le connaissais très
13 bien.
14 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous donner des
15 explications complémentaires quant aux raisons qui font que vous le
16 connaissiez avant la guerre, nous dire depuis combien de temps vous le
17 connaissiez ?
18 M. Babic (interprétation). - Cela faisait longtemps que je le
19 connaissais. Il travaillait dans la même entreprise que moi, simplement
20 dans un autre département, dans une autre organisation élémentaire de
21 travail associé comme nous l'appelions. Je ne sais pas exactement ce qu'il
22 faisait, mais il travaillait avec les camions. Je le connaissais depuis
23 longtemps. Je sais que e le saluais en ville, il me saluait comme ça. Je
24 n'ai jamais ressenti d'arrière-pensée chez lui. Je n'en avais pas non
25 plus. Nous n'avions pas de contacts plus étroits que cela, mais nous nous
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1 parlions. Par contre, j'étais très ami de son père, Ibro.
2 M. Turone (interprétation). - Et où se trouvait cette entreprise
3 dans laquelle vous travailliez tous les deux ?
4 M. Babic (interprétation). - C'était une entreprise de
5 transport. Je ne sais pas exactement quel était son nom, mais c'était une
6 entreprise de transport. Je ne sais pas exactement quel était son nom,
7 mais c'était une entreprise de foresterie. Il y avait des camions qui
8 circulaient et lui, il travaillait là. Je ne me souviens plus de rien, je
9 ne sais plus quel était le nom.
10 M. Turone (interprétation). - Où se trouvait cette entreprise ?
11 M. Babic (interprétation). - A cent mètres environ de la gare,
12 vers Ovcari, là-haut.
13 Excusez-moi, c'est Tiro** qui conduisait. Cétait l'ancien
14 bâtiment. Et quand cela s'est arrêté, quand le chauffeur a changé, le
15 bâtiment a été désaffecté, mais Hazim Delic travaillait là.
16 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire de quelle
17 année vous parlez, ou de quelles années ?
18 M. Babic (interprétation). - Jusqu'à la guerre, il travaillait
19 là-haut, mais cela faisait bien cinq ou six ans qu'il y travaillait, je ne
20 sais pas exactement. En tout cas, jusqu'à la guerre il travaillait dans
21 cette entreprise.
22 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, pouvez-vous nous
23 dire quelles étaient les fonctions de M. Delic à l'intérieur du camp ?
24 M. Babic (interprétation). - Nous l'appelions "monsieur le
25 commandant" quand il venait.
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1 M. Moran (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.
2 Ce n'est pas une connaissance personnelle du témoin, donc nous faisons
3 objection car le titre qu'il donne à M. Delic ne vient pas de sa
4 connaissance personnelle.
5 M. Turone (interprétation). - Je n'ai pas entendu l'objection.
6 M. Moran (interprétation). - L'objection est la suivante : à
7 moins que le témoin puisse prouver qu'il a une connaissance personnelle
8 des fonctions de M. Delic à l'intérieur du camp, nous élevons une
9 objection. Il ne connaît pas personnellement ses fonctions, il ne peut
10 donc pas en parler dans sa déposition.
11 M. Turone (interprétation). - Je vais donc reformuler ma
12 question au témoin. Avez-vous la moindre connaissance des fonctions
13 qu'occupait M. Delic à l'intérieur du camp ?
14 M. Babic (interprétation) - Eh bien, je sais qu'il était une
15 sorte de commandant, puisque nous, nous l'appelions "commandant", monsieur
16 le commandant. Maintenant, je ne sais pas qu'elle était exactement la
17 fonction qu'il remplissait, mais nous, nous l'appelions "monsieur le
18 commandant". Je pense qu'il était peut-être l'assistant de Pavo Mucic ou
19 quelque chose comme cela, je ne sais pas exactement, mais il était
20 toujours là, il entrait dans le camp tous les jours. J'ai vu Dula
21 Mrkajia*, Merkajic aussi et d'autres. Mais quand il apparaissait à la
22 porte, c'était vraiment la terreur. Notre coeur explosait dans nos
23 poitrines.
24 Je peux dire que jusqu'au 20 juillet, il ne m'a pas touché.
25 Jusqu'au 20 juillet 1992, il ne m'a pas touché. Et si Dieu n'avait pas
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1 donné que personne ne me touche, qu'il ne me touche pas du petit doigt
2 pendant ce temps-là, je ne me trouverais pas ici aujourd'hui.
3 M. Turone (interprétation). - Connaissiez-vous M. Landzo avant
4 la guerre ?
5 M. Babic (interprétation). - Non, pas du tout. Je le connaissais
6 simplement de vue. Plus tard, je l'ai bien connu, parce qu'Esad Landzo ne
7 sortait jamais du camp. Il avait une espèce de petit abri, à quinze mètres
8 du camp, et c'est là qu'il passait son temps. A chaque fois que l'idée lui
9 en venait, il entrait dans le camp et commettait des actes atroces sur les
10 prisonniers, des crimes vraiment terribles. Je peux le dire.
11 M. Turone (interprétation). - Avez-vous entendu parler d'Esad
12 Landzo avant la guerre ? Connaissiez-vous son nom ?
13 M. Babic (interprétation). - Cela, je peux vous le dire. Je
14 connaissais son père parce qu'il travaillait dans la même entreprise que
15 moi. Nous buvions de l'eau de vie ensemble. Nous étions assez bons amis.
16 Nous ne nous séparions pas l'un de l'autre. Mais quand il est né, lui, je
17 ne sais pas ce qui s'est passé. Je ne sais pas qui lui a donné cette
18 envie, mais il aime faire du mal. Cela m'étonne toujours de voir que dans
19 des familles de ce genre, un homme comme celui-ci peut apparaître.
20 M. Turone (interprétation). - Quels rapports aviez-vous avec son
21 père et son oncle ?
22 M. Babic (interprétation). - Avec son père, nous avions de très
23 bons rapports. Nous nous connaissions. Avec son oncle, nos rapports
24 étaient aussi très bons.
25 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous saviez que cet
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1 homme avait un fils qui s'appelait Esad ?
2 M. Babic (interprétation). - Non. Je ne le savais pas. C'est
3 seulement à ma sortie du camp que j'ai rencontré des voisins qui étaient
4 allés à l'école avec Esad Landzo, des jeunes.
5 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, est-ce que vous
6 avez vu des sévices corporels infligés à d'autres prisonniers à
7 l'intérieur du camp de Celebici ?
8 M. Babic (interprétation). - Je peux dire qu'aux environs du
9 mois...
10 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, nous
11 élevons une objection. Est-ce que c'est le témoin qui doit déposer au
12 sujet de tierces personnes ? Notre objection porte sur le fait qu'il
13 dépose sur la situation de tierces personnes dans le camp, à moins qu'il
14 puisse apporter la preuve qu'il a eu une connaissance personnelle de leur
15 état.
16 M. Turone (interprétation). - Est-ce que je peux formuler ma
17 question différemment ?
18 M. le Président (interprétation). - Peut-être devriez-vous
19 effectivement formuler la question différemment, afin de lui demander ce
20 qu'il peut nous dire de ce qu'il a vu.
21 M. Turone (interprétation). - Ma question est donc la suivante :
22 est-ce que vous avez une connaissance personnelle, de première main, quant
23 à des sévices corporels subis par d'autres personnes ?
24 M. Babic (interprétation). - Oui, je peux le dire. Est-ce que je
25 peux continuer ?
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1 M. Turone (interprétation). - Oui, bien entendu.
2 M. Babic (interprétation). - Peu de temps avant le 15 juin 1992,
3 Esad Landzo est arrivé dans le bâtiment 6 et il a demandé : "qui est Bosko
4 Samoukovic ?" Bosko a alors répondu : "c'est moi". Il avait quelque chose
5 dans la main et il s'est approché de Bosko. Il lui a dit : "Bosko, lève-
6 toi". Bosko s'est levé. Il a dit : "mets les mains sur la nuque". Bosko a
7 donc mis les mains sur la nuque et à ce moment-là, il a commencé à le
8 frapper je ne sais combien de fois. Bosko est tombé sur le béton, il l'a
9 forcé à se relever, il l'a fait sortir du bâtiment et là, je ne sais plus
10 ce qui s'est passé. Simplement, nous avons appris que Bosko Samoukovic est
11 mort très peu de temps après. C'est le premier incident.
12 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, j'élève
13 une objection, parce qu'il parle de ce qu'il a entendu. Il n'a pas de
14 connaissance personnelle de ce qu'il a entendu.
15 M. Babic (interprétation). - Je l'ai vu.
16 Mme McMurrey (interprétation). - S'il a vu quelque chose,
17 d'accord, mais je ne peux pas admettre une connaissance personnelle
18 lorsqu'il parle de quelqu'un qui était à l'extérieur du hangar et qu'il
19 n'a fait qu'entendre.
20 M. Babic (interprétation). - J'ai entendu dire qu'il était mort
21 à l'infirmerie, en bas, mais je ne sais pas où se trouvait cette
22 infirmerie. Est-ce que je peux continuer, Monsieur le Président ?
23 M. le Président (interprétation). - Oui.
24 M. Turone (interprétation). - Vous pouvez poursuivre, Monsieur
25 Babic.
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1 M. Babic (interprétation). - La deuxième victime est morte après
2 le 15 juin. Hazim Delic, Adem Cosic et Esad Landzo sont arrivés et ils ont
3 fait sortir quelqu'un du bâtiment aux alentours de midi. C'était Scepo.
4 Ils avaient apporté une chaise et ils ont fait asseoir Scepo sur cette
5 chaise à l'extérieur, je ne sais pas combien de temps, environ 1 heure.
6 Hazim Delic est arrivé près de la porte et il y avait Adem Cosic
7 qui était debout près de la porte avec Esad Landzo. Hazim Delic a dit à
8 Scepo : "lève-toi". Scepo s'est levé. Il a dit alors : "Scepo, tu es fini.
9 Tu as tué deux Musulmans il y a quelque temps sur la montagne et nous
10 allons te faire la même chose".
11 Scepo a alors dit : "Pas du tout. Je n'ai jamais tué qui que ce
12 soit ; je n'ai pas tué de Musulman". Il lui a alors répondu : "j'encule ta
13 mère", il l'a frappé au ventre puis sur la poitrine...
14 M. Turone (interprétation). - Un peu plus lentement, s'il vous
15 plaît.
16 M. Babic (interprétation). - ...et Scepo Gotovac a fini par
17 tomber sur le béton. Les trois hommes l'ont ramassé, l'ont emmené à
18 l'extérieur et j'ai entendu des plaintes. Scepo disait : "ce n'est pas
19 moi, maman !..." Les plaintes ont continué assez longtemps et j'ai
20 commencé à compter les coups, mais j'ai ensuite arrêté de les compter.
21 Finalement, ils l'ont rejeté à l'intérieur du bâtiment. Scepo Gotovac
22 était encore vivant. Il était couché, là, sur le béton et il est resté là
23 une heure ou deux, je ne sais exactement combien de temps.
24 Hazim Delic est alors revenu à la porte, avec Adem et Esad, et
25 il lui a redit la même chose que la première fois. Adem Cosic avait un
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1 couteau à la main. L'un l'a pris par les pieds, l'autre par les bras,
2 Hazim lui a mis le couteau sur les bras, ils l'ont refait sortir à
3 l'extérieur et j'ai de nouveau entendu des hurlements et des
4 gémissements : "arrêtez ! ce n'est pas de ma faute ! je n'ai rien
5 fait !..."
6 Cela a duré un certain temps et ils l'ont rejeté à l'intérieur.
7 M. Turone (interprétation). - Plus lentement, je vous en prie,
8 Monsieur Babic.
9 M. Babic (interprétation). - Ils l'ont donc rejeté à
10 l'intérieur. Il avait quelque chose sur le front. J'avais l'impression que
11 c'était un clou (je ne sais pas exactement) ou un insigne. Il avait donc
12 quelque chose sur le front et Scepo Gotovac a fini par mourir. Il est
13 resté toute la nuit dans la pièce avec nous et le matin, ils l'ont sorti.
14 Ensuite, je n'ai plus entendu parler de Scepo Gotovac. C'était la deuxième
15 victime.
16 J'en arrive à la troisième victime. Aux alentours de la fin du
17 mois de juillet ou au début du mois d'août 1992, le matin, vers 7 heures
18 -je ne sais pas exactement quelle heure il était-, un certain Dragoljub
19 Kujundzic, qu'on appelait "Drago", a été appelé par un gardien pour
20 sortir. Cela a duré une dizaine de minutes et ils ont appelé ensuite
21 Klimenta Zeljko, qu'on appelait "Keljo". Ils lui ont donné l'ordre de
22 sortir pour boire le café et une dizaine de minutes après, on a entendu un
23 coup de feu. Dragoljub Kujundzic est revenu à l'intérieur et il pleurait.
24 Il a dit : "Keljo est mort".
25 Je me souviens donc de ces trois victimes.
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1 Il y a eu une quatrième victime. Je ne me souviens plus
2 exactement quel jour c'était, mais Cedo Avramovic a été appelé à sortir du
3 bâtiment un soir. On n'entendait plus rien après qu'il soit sorti ; puis
4 il est revenu. Il a passé la porte, il est revenu à sa place et le
5 lendemain, on l'a retrouvé mort sur le béton. Je ne sais pas ce qui s'est
6 passé.
7 Je me souviens d'autres cas encore. Pero Mrkajic, Simo Jovanic
8 et d'autres. Je sais qu'Esad Landzo a passé trois jours à frapper Simo
9 Jovanic. Ces gens ont disparu. Je ne sais pas où ils ont fini, mais ils
10 ont disparu.
11 Mme McMurrey (interprétation). - Excusez-moi. Nous objectons à
12 cette déposition concernant trois hommes dont il dit qu'ils ont été
13 frappés parce qu'il n'a pas de connaissance personnelle de ces faits.
14 L'accusation ne les a pas qualifiés comme étant une connaissance
15 personnelle.
16 M. le Président (interprétation). - Est-ce que vous avez
17 entendu ce qu'il a dit ? Ecoutez d'abord ce qu'il dit et soulevez ensuite
18 une objection, si vous le souhaitez. Je crois que c'est une meilleure
19 façon de procéder. Ecoutez d'abord et si vous découvrez qu'il ne dépose
20 pas sur la base de sa connaissance personnelle ou de ce qu'il a vu et
21 entendu, vous pouvez soulever une objection. Laissons-le préciser ce qu'il
22 a à dire. Allez-y, Monsieur Babic. Vous pouvez continuer.
23 M. Babic (interprétation). - J'ai parlé des victimes que j'ai pu
24 voir, mais je connais aussi des gens qui ont disparu et dont je me
25 souviens. Je ne voyais pas toujours très bien pendant que j'étais malade.
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1 Il y en a d'autres qui voyaient mieux que moi. D'après ce dont je me
2 souviens, il y avait neuf victimes au n° 6. En tout cas, ce que j'ai vu,
3 je l'ai vraiment vu et je peux le prouver.
4 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, pouvez-vous nous
5 dire qui était le commandant du camp à cette époque ?
6 M. Babic (interprétation). - Je ne savais pas qui c'était.
7 Lorsque j'ai quitté le camp, j'ai entendu dire que le commandant du camp
8 était Zejnil Delalic, mais je ne sais pas grand-chose d'autre à son sujet.
9 M. Turone (interprétation). - Est-ce qu'il est arrivé que vous
10 rencontriez M. Mucic dans le camp ?
11 M. Babic (interprétation). - Oui. J'ai eu plusieurs occasions de
12 le rencontrer, mais je ne le connaissais pas vraiment. Il venait à des
13 moments irréguliers. Il est venu une fois, en fait. Il y avait un homme
14 qu'on appelait "Tarzan", mais je ne le connaissais pas. Je l'ai vu deux
15 fois. Il venait et quelqu'un disait que c'était le commandant.
16 M. Turone (interprétation). - Que voulez-vous dire quand vous
17 dites qu'il venait ? Où venait-il ?
18 M. Babic (interprétation). - Au camp, jusqu'à la porte. Il
19 entrait, il faisait deux pas et il parlait à Tarzan.
20 M. Turone (interprétation). - Et ensuite, il s'en allait ?
21 M. Babic (interprétation). - Oui. C'est alors que je l'ai vu
22 rentrer.
23 M. Turone (interprétation). - Vous voulez parler de la porte qui
24 menait où ?
25 M. Babic (interprétation). - Je parle de la porte n° 6 du camp.
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1 C'était la porte par laquelle il entrait. Il se tenait à la porte et à
2 droite de cette porte, il y avait cet homme plus âgé qui s'appelait
3 Tarzan. Il lui parlait un peu et ensuite, il s'en allait. C'est ce que
4 j'ai vu.
5 M. Turone (interprétation). - Est-ce que M. Mucic portait un
6 uniforme ?
7 M. Babic (interprétation). - Oui. Il portait un uniforme vert de
8 camouflage.
9 M. Turone (interprétation). - Connaissiez-vous M. Mucic avant la
10 guerre ?
11 M. Babic (interprétation). - Non.
12 M. Turone (interprétation). - Saviez-vous qui étaient les
13 supérieurs de M. Mucic ?
14 M. Babic (interprétation). - D'après d'autres personnes, il
15 était le commandant du camp à Konjic.
16 M. Turone (interprétation). - Je n'ai pas entendu votre réponse,
17 Monsieur Babic. Ma question était la suivante...
18 M. O'Sullivan (interprétation). - Je fais objection à cette
19 question. Le témoin n'a pas de connaissance personnelle suffisante.
20 M. le Président (interprétation). - Que voulez vous dire par
21 connaissance personnelle, s'il savait qu'il était commandant du camp. Il
22 était prisonnier dans le camp n'est-ce pas ?
23 M. O'Sullivan (interprétation).- Oui, et alors ?
24 M. le Président (interprétation). - On lui demande qui est le
25 supérieur, peut-être s'il connaissait l'endroit dont il était membre. Il
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1 est probable qu'il aurait pu le savoir, mais peut-être qu'il se trompe
2 aussi.
3 M. le Président (interprétation). - Allez-y, poursuivez avec
4 votre question.
5 M. Turone (interprétation). - Est-ce que je peux continuer ?
6 M. le Président (interprétation). - Oui, vous pouvez continuer
7 à propos de Pavo Mucic.
8 M. Turone (interprétation). - Ma question est la suivante. Est-
9 ce que vous saviez qui était le supérieur de M. Mucic ?
10 M. Babic (interprétation). - C'était Hazim Delic.
11 M. Turone (interprétation). - Vous voulez dire qu'Hazim Delic
12 était le supérieur de Pavo Mucic ?
13 M. Babic (interprétation). - Je ne sais pas qui était le
14 supérieur, qui était le plus âgé. Je ne le sais pas.
15 M. Turone (interprétation). - Quand je dis "supérieur", je ne
16 veux pas dire plus âgé. "Supérieur", il s'agit du grade.
17 M. le Président (interprétation). - Il a répondu à votre
18 question en disant qu'il ne savait pas qui était le supérieur. Il n'y a
19 rien à ajouter.
20 M. Turone (interprétation). - C'est parfait. Très bien.
21 Est-ce que vous avez été interrogé par les enquêteurs militaires
22 pendant votre séjour à Celebici ?
23 M. Babic (interprétation). - Oui.
24 M. Turone (interprétation). - Quand et où dans le camp ?
25 M. Babic (interprétation). - Au n° 22. On m'a emmené un jour et
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1 on m'a demandé ce que j'avais comme arme. Je leur ai dit que j'avais un
2 revolver avec un permis de port d'arme depuis 1967 et que ce papier
3 m'avait été délivré par le ministère de l'Intérieur à Konjic. Ensuite, ils
4 ne m'ont pas posé beaucoup d'autres questions. Ils m'ont placé dans le
5 bâtiment n° 22 et ensuite on ne m'a plus rappelé.
6 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez
7 combien de personnes vous ont interrogé ?
8 M. Babic (interprétation). - Je crois qu'ils étaient trois assis
9 derrière une table. Pas plus de trois.
10 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez de
11 leur nom ou du nom de l'un ou l'autre d'entre eux ?
12 M. Babic (interprétation). - Je connais le nom de l'un d'entre
13 eux.
14 M. Turone (interprétation). - Miro Stenek, de Konjic.
15 M. Turone (interprétation). - Est-ce qu'il portait un uniforme ?
16 M. Babic (interprétation). - Non, je ne m'en souviens pas parce
17 que c'était le soir lorsqu'ils m'ont emmené et je ne voyais pas bien.
18 M. Turone (interprétation). - Très bien. Monsieur Babic, est-ce
19 que vous avez été accusé de choses particulières par ces trois
20 enquêteurs ?
21 M. Babic (interprétation). - Non, je n'ai pas été accusés de
22 quoi que ce soit.
23 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous avez signé quelque
24 document que ce soit après cet interrogatoire, à leur demande ?
25 M. Babic (interprétation). - Non, je n'ai rien signé.
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1 M. Turone (interprétation). - Est-ce que cet interrogatoire a
2 duré longtemps ? Combien de temps a-t-il duré ?
3 M. Babic (interprétation). - Non, cela a été très bref, peut-
4 être 5 ou 6 minutes.
5 M. Turone (interprétation). - Y a-t-il eu quelques poursuites
6 qui ont été intentées contre vous, par la suite ?
7 M. Babic (interprétation). - Non. Rien. Pas de poursuite.
8 M. Turone (interprétation). - Est-ce que la Croix-Rouge est
9 jamais venue au camp ?
10 M. Babic (interprétation). - Oui.
11 M. Turone (interprétation). - Combien de fois ?
12 M. Babic (interprétation). - Vers le 1er août, j'ai vu pour la
13 première fois les gens de la Croix-Rouge qui sont venus au n° 6. Ils sont
14 entrés seuls. Il n'y avait qu'eux. Ils ont fermé la porte derrière eux et
15 ils nous ont interrogé durant environ 2 heures sur la situation. Ils
16 voulait savoir si nous avions été battus, si nous avions à manger, à quel
17 type de discipline nous étions soumis, s'il y avait des crimes qui se
18 produisaient. Certains d'entre nous ont répondu. Ils ont montré leurs
19 brûlures. Esad Landzo avait fait un petit feu à quelques mètres et il les
20 brûlait avec barre de métal.
21 Mme McMurey (interprétation). - Monsieur le président, nous
22 faisons objection. Ce qu'il dit maintenant, c'est qu'il n'est pas prouvé
23 qu'il avait quelque connaissance personnelle que ce soit à propos du feu
24 qui avait été allumé par quelqu'un tel que Esad Landzo. Pour le moment, il
25 ne parle que d'ouï-dire et non pas de connaissance personnelle.
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1 M. le Président (interprétation). - J'aimerais que nous
2 entendions à nouveau votre question.
3 M. Turone (interprétation). - Monsieur Babic, à ma question qui
4 était la suivante "est-ce que la Croix-Rouge est jamais venue au camp ?"
5 vous avez répondu "oui", et "combien de fois et qu'est-ce qui s'est passé
6 à ce moment-là ?". Telle était ma question.
7 M. Babic (interprétation). - Oui, je vais poursuivre. Donc la
8 Croix-Rouge internationale nous a demandé individuellement qui avait subi
9 des blessures et des brûlures et ils nous ont demandé de montrer nos
10 blessures. Il y en a certains qui y sont allés, mais je n'ai pas osé y
11 aller. Cela a duré environ 2 heures et quand ils sont partis, ils ont dit
12 qu'ils reviendraient environ dix jours plus tard.
13 Environ une demi-heure plus tard, Delic est venu et il était
14 accompagné de quelques personnes, il avait une espèce de batte en bois et
15 il nous a injuriés. Il a dit : "de quoi parliez-vous", et il nous a tous
16 passés à tabac.
17 Dix jours plus tard, la Croix-Rouge internationale est revenue,
18 c'était le 12 août 1992. Ils sont venus au bâtiment n° 6, de la même
19 manière que la fois précédente.
20 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous ralentir, s'il vous
21 plaît.
22 M. Babic (interprétation). - Nous avons dit à la Croix-Rouge
23 internationale : "ne venez plus, parce que nous nous faisons battre à
24 cause de vous". Ils nous ont dit : "n'ayez pas peur, lever la main tout
25 simplement et ils ne vous battront plus". Ils nous ont reparlé pendant
Page 276
1 deux heures. Ils nous ont demandé où nous avions été détenus. Ils ont noté
2 des dates et ils ont inscrit nos noms.
3 Ensuite, ils m'ont demandé de montrer ma cheville droite, ils
4 l'ont regardée. Ils ont inscrit, ils ont pris des notes.
5 Après le 12 août, les choses se sont améliorées. On ne se
6 faisait plus battre. On a commencé à recevoir des visites de chez nous. Il
7 y avait de la nourriture qui venait de chez nous. Les conditions étaient
8 meilleures, etc.
9 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quand vous
10 avez quitté le camp de Celebici, monsieur Babic ?
11 M. Babic (interprétation). - Oui, le 1er septembre 1992, vers
12 midi, Pavo Mucic est arrivé à la porte. Il est entré. Il était suivi
13 d'Hazim Delic. Et à la porte, aux premières personnes qui étaient là, ils
14 leur ont demandé quel genre d'arme ils avaient sur eux.
15 Nous avons tous été appelés par Delic et ensuite, ils sont
16 partis. Ensuite mon tour est venu. Il m'a demandé quel genre d'arme
17 j'avais. J'ai dit un revolver avec permis de port d'arme. Il m'a dit :
18 "vous êtes le garde forestier ?" Il m'a dit : "vous pouvez sortir". La
19 Croix-Rouge était là, à environ 15 mètres. Je me suis dirigé vers eux. Il
20 y avait une camionnette, j'y suis entré. Nous étions nombreux et nous
21 sommes allés au gymnase de Musala* à Konjic.
22 Puis on m'a ramené à la salle n° 10 et là...
23 M. Turone (interprétation). - Très bien, monsieur Babic. Un
24 instant, s'il vous plaît. Quand vous avez quitté le camp de Celebici, vous
25 avez dit le 1er septembre, est-ce que M. Esad Landzo était toujours là à
Page 277
1 titre de gardien ?.
2 M. Babic (interprétation). - Pendant cinq ou six jours, il n'est
3 pas venu au camp. S'il est revenu, je ne le sais pas.
4 M. Turone (interprétation). - Quand vous avez quitté le camp,
5 M. Landzo n'était plus là ?
6 M. Babic (interprétation). - Non. Non, il n'était plus là.
7 M. Turone (interprétation). - Est-ce qu'il avait déjà quitté le
8 camp auparavant ?
9 M. Babic (interprétation). - Je ne sais pas. Peut-être cinq ou
10 six jours avant que je ne parte. Je suis parti le 1er septembre. Il a
11 soudain disparu et je ne l'ai jamais revu. Mais avant cela, il venait tous
12 les jours.
13 M. Turone (interprétation). - Brièvement, combien de temps vous
14 a-t-on gardé à Musala*, après quitté Celebici ?
15 M. Babic (interprétation). - J'y suis arrivé le
16 1er septembre 1992 et j'en suis parti... J'ai quitté le gymnase de Konjic
17 le 24 septembre pour aller au camp de Trnovo, près de Kalovnik. Je n'ai
18 passé que 24 jours à Konjic, au camp.
19 M. Turone (interprétation). - Vous voulez dire à Trnovo ?
20 M. Babic (interprétation). - Non, à Musala.
21 M. Turone (interprétation). - Bien. Et Trnovo, combien de temps
22 êtes-vous resté à Trnovo ?
23 M. Babic (interprétation). - Je suis allé à Trnovo et j'y suis
24 resté du 24 septembre au 12 octobre 1992. Quand j'étais à Trnovo, j'ai
25 subi le même genre de traitement qu'au n° 6, si ce n'est qu'ils ne nous
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1 battaient pas. Ils venaient à trois pendant le jour, ils étaient armés,
2 ils étaient en uniforme de camouflage. Je suis resté là du 24 septembre
3 1992 jusqu'au 12 octobre 1992. Donc vous voyez combien de jours.
4 Ce qui s'est passé, c'est qu'un jour, le 12 dans l'après-midi,
5 trois hommes armés sont arrivés à la porte et ils m'ont montré du doigt et
6 m'ont demandé de sortir. Je suis sorti et il y avait Radan Bendjo que l'on
7 avait aussi emmené dehors. Il y avait des haillons blancs et ils m'ont
8 attaché, ils m'ont mis un bandeau sur les yeux et j'ai dû monter dans le
9 camion. Et ce Bendjo, il avait également les yeux cachés par un bandeau.
10 Pendant trois kilomètres, ce camion a roulé. Quelqu'un m'a alors
11 pris par le bras et plus tard, j'ai appris de qui il s'agissait. Ils m'ont
12 demandé si je voyais et j'ai dit que non. Nous avons descendu la pente et
13 ils ont commencé à nous lancer des jurons, à jurer contre nos mères
14 d'origine serbe. Ensuite je suis tombé sur quelque chose de dur.
15 M. Turone (interprétation). - Etes-vous demeuré prisonnier après
16 le 12 octobre ?
17 M. Babic (interprétation). - Non. J'aimerais simplement vous
18 dire que non. Ils m'ont emmené dehors, je suis tombé sur quelque chose de
19 dur. Ils m'ont enlevé le bandeau que j'avais sur les yeux. J'ai vu une
20 route et une forêt. Ensuite, j'ai appris que cet homme s'appelait Zulic.
21 Il était adjoint de police à Trnovo. Il m'a dit : "il vous reste
22 5 kilomètres à faire, il n'y a personne là, c'est une zone tampon, faites
23 attention. Tout est minuté. Si vous vous faites tuer, vous vous ferez
24 tuer."
25 Quand il a enlevé le bandeau, j'ai vu Korandan* aussi. Ensuite,
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1 nous sommes partis ensemble et nous avons marché environ 5 kilomètres. Cet
2 endroit s'appelle Dobropwe*. Il y avait trois personnes qui étaient là et
3 qui portaient un uniforme de camouflage dans notre direction.
4 Je ne savais pas quoi faire parce que je savais qu'il y avait
5 des gens en uniforme de camouflage qui nous avait déjà battus. Quand nous
6 sommes rapprochés, ils nous ont dit "nous sommes Serbes". C'était l'armée
7 serbe et nous étions à environ 200 mètres de la caserne. Ils nous ont
8 amenés à l'intérieur. Un camion est venu nous chercher et c'était à
9 20 kilomètres par la route de Dobropowe* et nous sommes allés jusqu'à
10 Kolovnkik*. Là, nous sommes allés à la police du ministère de l'Intérieur.
11 Ils m'ont pesé. Je pesais 39 kilos.
12 C'est ce que j'ai à dire du 22 mai 1992 jusqu'au 12 octobre
13 1992. Je n'ai rien d'autre à dire. Il y a cinq ans qui se sont écoulés
14 depuis, je ne me souviens pas de tout. On oublie, mais les cicatrices
15 demeurent et les blessures, je ne les oublierai pas non plus.
16 M. Turone (interprétation). - Merci beaucoup. Monsieur le
17 Président, j'ai fini mon interrogatoire.
18 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.
19 M. Babic (interprétation). - Est-ce que je peux m'en aller ?
20 M. Turone (interprétation). - Attendez un instant, s'il vous
21 plaît, monsieur Babic.
22 M. le Président (interprétation). - Nous aurions voulu
23 continuer, mais il est presque 1 heure. Il ne nous sera pas possible de
24 poursuivre avec le contre-interrogatoire, parce qu'il faut que nous
25 allions déjeuner. Après le déjeuner, une autre Chambre de première
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1 instance va siéger et occuper ce prétoire, car c'est la seule salle
2 d'audience que nous ayons.
3 Par conséquent, nous allons devoir ajourner jusqu'à lundi et
4 nous pourrons alors procéder au contre-interrogatoire.
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6 L'audience est levée à 12 heures 56
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