Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Mercredi 26 mars 1997

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3 L'audience est ouverte à 10 heures.

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5 M. le Président (interprétation). - Mesdames et Messieurs,

6 bonjour. Je pense que ce matin nous aimerions commencer par la suggestion

7 des conseils de la défense. Il y a une exception qui portait sur la

8 présentation des moyens de preuve. Je pense que, du côté de l'accusation,

9 on demande une interprétation de l'article 85 qui concerne le contre-

10 interrogatoire et les droits qu'a la défense.

11 Je pense que nous allons innover cela et poursuivre, sans

12 toutefois régler la question. Les questions sont difficiles parce que des

13 indications sérieuses ont été exprimées dans la requête par les conseils,

14 selon lesquels nous avons un comportement et une conduite différents de ce

15 qui avait été le cas dans la Chambre de première instance numéro 1, et que

16 cela lèse défense.

17 Je voulais revenir sur cet aspect car il y a eu une erreur

18 manifeste dans le fait de savoir quelle est la Chambre de première

19 instance qui siège, la première Chambre de première instance avait pris

20 une décision, mais nous sommes la Chambre numéro 2 et je crois qu'il faut

21 apporter cette correction, tout de suite.

22 Je ne sais pas si l'accusation est prête à réagir à cette

23 requête.

24 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, je

25 crois qu'hier nous avons reçu un document, préparé une réponse que l'on

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1 est en train de dactylographier. Je peux vous en faire rapidement la

2 synthèse, ou nous pourrions vous soumettre notre réponse au cours de la

3 journée.

4 M. le Président (interprétation). - Je l'ai dit, il est

5 préférable de régler cela avant qu'une autre question de ce genre ne

6 surgisse, parce que cela compliquerait les choses si nous constatons que

7 nous sommes dans l'erreur.

8 Mme McHenry (interprétation). - Dans ce cas, je n'ai pas un

9 exemplaire du projet de réponse que nous avions formulé ou de la requête

10 des accusés actuellement. Pour le moment, nous avons pour position de dire

11 qu'il n'y a pas de conflit entre les chambres de première instance. Rien

12 dans le règlement.

13 M. le Président (interprétation). - Nous allons entendre

14 votre réponse et puis vous pourrez peut-être formuler votre réponse par

15 écrit et puis vous la soumettrez. Mais donnez vos arguments oralement

16 maintenant.

17 Mme McHenry (interprétation). - Notre réponse, rapidement,

18 c'est qu'il n'y a pas de conflit entre les chambres de première instance,

19 que rien dans le règlement n'exige qu'il y ait un nouveau contre-

20 interrogatoire. Le règlement semble envisager qu'il n'y en ait pas,

21 plutôt. Mais dans l'ensemble, tout cela est à décider par la Chambre de

22 première instance, en fonction des circonstances qui se présentent.

23 Etant donné la procédure de l'affaire Tadic, ou la façon dont

24 les contre-interrogatoires ont été menés, il se peut que, pour cette

25 Chambre de première instance, ce ne serait pas un problème que d'admettre

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1 qu'il y ait un nouveau contre-interrogatoire, mais limité et en fonction

2 des circonstances. Si, par exemple, de nouveaux faits sont présentés de

3 façon inattendue, il se pourrait que la Chambre de première instance

4 puisse permettre un autre contre-interrogatoire. En règle générale, cela

5 devrait constituer une situation tout à fait rare et exceptionnelle.

6 Jusqu'à présent, dans le cadre de cette Chambre, la situation

7 ne s'est pas présentée. Il n'y a pas eu nécessité d'avoir un nouveau

8 contre-interrogatoire. Il n'y a pas eu de nouveaux interrogatoires

9 supplémentaires. S'il y a eu un interrogatoire supplémentaire, ce fut

10 chaque fois de façon limitée. La Chambre, l'accusation ont l'obligation de

11 veiller à ce que la procédure soit menée de façon équitable et rapide.

12 Cette chambre a fait preuve de largesse en permettant des contre-

13 interrogatoires de la défense. Je pense que, dans ce cas, la Chambre a

14 aussi bien fait de ne pas permettre un nouveau contre-interrogatoire. Il

15 se peut que des situations rares se présentent où vous en déciderez

16 autrement.

17 J'aimerais indiquer que, par exemple, Landzo, l'accusé qui

18 présente cette argumentation, avait, auparavant, présenté une série

19 d'exceptions, s'agissant d'un des premiers témoins experts qui parlait de

20 la maquette. Cette requête avait été avancée par la défense.

21 Je pense que, si l'on voit toutes ces questions, il apparaît

22 clairement qu'elles étaient tout à fait inappropriées, qu'il ne s'agissait

23 pas de les poser en contre-interrogatoire ou deuxième contre-

24 interrogatoire. Si les questions étaient importantes, il fallait les poser

25 lors du premier interrogatoire. Rien dans notre interrogatoire

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1 supplémentaire n'aurait permis de susciter un nouveau contre-

2 interrogatoire de la part de la défense.

3 Il n'y a pas de conflit entre les chambres de première

4 instance. Il incombe à la Chambre de première instance de décider elle-

5 même, en fonction du pouvoir discrétionnaire qu'elle a. Jusqu'à présent

6 cela a été bien utilisé par cette Chambre de façon que nous ayons un

7 procès rapide et équitable.

8 M. le Président (interprétation) - Merci. J'aimerais

9 entendre Mme McMurrey.

10 Mme McMurrey (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

11 Permettez-moi de réagir. Ma requête est assez claire, me semble-t-il.

12 L'accusation affirme qu'il n'y a pas de conflit entre les deux chambres de

13 première instance.

14 Je n'ai pas consacré des journées entières à examiner le

15 procès-verbal du procès Tadic, j'ai examiné des documents, et je crois

16 qu'il y a des preuves qui viennent de cette affaire Tadic pour montrer

17 qu'il y a conflit lorsqu'il y a interrogatoire principal, contre-

18 interrogatoire. A de nombreuses reprises, un nouvel interrogatoire et

19 contre-interrogatoire ont été permis dans l'affaire Tadic. Plusieurs fois,

20 on m'a refusé d'avoir un nouveau contre-interrogatoire.

21 C'était le cas des autres conseils de la défense.

22 Monsieur le Président, il me semble que vous n'avez pas encore compris

23 votre erreur initiale. La Chambre qui a jugé l'affaire Tadic n'est pas

24 différente de celle-ci. Vous n'avez toujours pas compris. Nous ne sommes

25 pas ici la Chambre de première instance numéro 1.

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1 Mme McMurrey (interprétation). - Alors, je ne sais pas

2 comment interpréter ou qualifier les décisions prises par les juges dans

3 chaque procès.

4 M. le Président (interprétation). - Je tenais à corriger

5 cette première erreur.

6 Mme McMurrey (interprétation). - J'espère que vous me

7 corrigerez au fil de mon discours si j'utilise les mauvais termes.

8 M. le Président (interprétation). - Poursuivez votre

9 argumentation.

10 Mme McMurrey (interprétation). - Les décisions pour le premier

11 procès, s'agissant de la présentation des moyens de preuve, sont tout à

12 fait différentes des décisions prises pour le deuxième procès. Au titre du

13 85 B, il est dit, de façon exacte, que l'interrogatoire principal est

14 permis ainsi que le contre-interrogatoire.

15 Un nouvel interrogatoire peut être prévu dans chaque instance.

16 J'interprète ceci pour dire que, dans chaque instance, que ce soit le

17 dossier de l'accusation et le dossier de la défense, ce qui voudrait dire

18 pour moi, selon mon interprétation de cet article, que si l'accusation

19 désire avoir un interrogatoire supplémentaire, nous avons le droit de

20 procéder à un nouveau contre-interrogatoire et vice-versa.

21 Si nous pressentons, lorsque nous allons présenter nos

22 témoins, un interrogatoire supplémentaire l'accusation devrait avoir le

23 droit de procéder à un nouveau contre-interrogatoire, ceci sous réserve

24 d'interprétation.

25 Les juges ont bien sûr le droit de décider de leurs propres

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1 règles. Mais maintenant il y a disparité. Si on permet un nouveau contre-

2 interrogatoire pour un procès et pas pour un autre, cela lèse les

3 personnes qui interviennent dans l'autre Chambre de première instance et

4 cela concerne aussi les juges de cette autre Chambre de première instance.

5 Je crois qu'il faut prendre une décision pour qu'il y ait

6 vraiment cohérence entre les procès qu'il peut y avoir. Je ne veux pas

7 dire par là que la Chambre de première instance n° 1 avait raison et que

8 celle-ci a tort. Nous savions que ces règles avaient été pratiquées pour

9 le premier procès. Nous pensions donc qu'elles allaient s'appliquer pour

10 le second.

11 S'il n'y a pas de possibilité, je vais présenter une requête

12 pour chaque témoin. Ceci pourra aller en appel. Je suis d'accord avec

13 Mme McHenry pour dire qu'un nouveau contre-interrogatoire doit être limité

14 dans sa portée et conditionné par l'interrogatoire supplémentaire. Bien

15 sûr, il faut connaître les questions. On nous a refusé un nouveau contre-

16 interrogatoire pour d'autres témoins. Nous avons le droit de rappeler ce

17 témoin. Nous permettrons ce cas lorsque nous, nous allons présenter nos

18 témoins.

19 Je pense qu'il ne serait pas ainsi nécessaire de rappeler des

20 témoins qui viendraient de Bosnie, des Etats-Unis ou d'ailleurs. Il serait

21 plus rapide et plus dans l'esprit de l'économie judiciaire que d'en

22 terminer avec un témoin pendant qu'il est là. Allons jusqu'au bout, posons

23 toutes les questions qu'il nous faut poser, ce qui voudra dire qu'il ne

24 faudra pas rappeler les témoins par la suite.

25 Je demande simplement une décision à cette Cour. Quelle

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1 qu'elle soit, nous la respecterons. Mais nous pensons qu'il y a une

2 procédure différente suivant les procès et c'est là dessus que j'aimerais

3 un éclaircissement pour savoir dans quel sens nous devons poursuivre.

4 Merci.

5 M. le Président (interprétation). - Vous parlez d'autres

6 compétences de juridiction, celles du Canada, de l'Ecosse. Etes-vous sûre

7 que cette règle existe en tant que règle générale ?

8 Mme McMurrey (interprétation). - Je connais les Etats-Unis où

9 j'ai participé à au moins quinze procès pénaux. On a le droit de

10 poursuivre avec les contre-interrogatoires jusqu'à ce que l'on en ait

11 terminé. Apparemment, c'est aussi le cas en Australie. Il y a beaucoup

12 d'autres pays où le système de Common Law existe, où cette procédure

13 existe.

14 M. le Président (interprétation). - Moi aussi, je viens d'un

15 tel pays. Je parle ici de mon confrère qui vient du Canada et moi je

16 connais les Etats-Unis.

17 Mme McMurrey (interprétation). - Est-ce vrai aussi en Ecosse ?

18 C'est ce que M. Greaves nous a dit qui, lui, vient du Royaume-Uni.

19 M. le Président (interprétation). - Je ne sais pas.

20 Mme McMurrey (interprétation). - Si vous demandez à

21 Me McHenry, elle consentira aussi au fait que c'est permis aux Etats-Unis.

22 Mme McHenry (interprétation). - Je ne suis pas sûre que je

23 serais d'accord avec vous, même si j'ai moi aussi participé à beaucoup

24 d'essais. Mais il y a tellement longtemps que je suis ici que je ne m'en

25 souviens plus. Apparemment, d'après mon souvenir, ceci est décidé par les

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1 juges. Quelquefois les juges décident que ce n'est pas approprié d'avoir

2 un nouveau contre-interrogatoire.

3 Je voulais dire également que dans le procès Tadic, il n'y

4 avait pas de règles spécifiques pour chaque dossier de l'accusation ou de

5 la défense. Je ne pense pas que des règles spécifiques aient été adoptées

6 ici.

7 Hier, on a permis un nouveau contre-interrogatoire à la

8 défense. La question n'est donc pas de savoir s'il va y avoir une seule

9 règle, mais de savoir si les circonstances telles que déterminées par les

10 juges permettent ou estiment que ce soit approprié. C'est de cette façon

11 qu'il faudrait procéder.

12 Apparemment, pour le peu de procès que nous avons eus, chaque

13 fois les Chambres ont agi de façon idoine.

14 Mme McMurrey (interprétation). - J'ai été tout à fait ravie de

15 pouvoir intervenir hier à propos des rapports médicaux qui avaient été

16 avancés. Effectivement, lorsqu'un point surgit, nous devrions avoir la

17 possibilité de poursuivre le contre-interrogatoire sur un document et

18 permettre d'avoir ce que la Cour a permis hier au fil du procès.

19 M. le Président (interprétation). - D'autres interventions

20 des conseils de la défense ? Car ceci est important, c'est de portée

21 générale.

22 M. Moran (interprétation). - Vous savez qu'il y a des

23 traditions dans les différents pays, mais je pense que c'est une pratique

24 universelle et commune aux Etats-Unis ou dans tous les autres tribunaux où

25 j'ai pu plaider. En effet, on essaie d'avoir un nouveau contre-

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1 interrogatoire, mais assez limité. Je crois que cela a été permis dans

2 tous les procès où j'ai plaidé.

3 M. le Président (interprétation). - Même si cela n'est pas

4 nécessaire ?

5 M. Moran (interprétation). - En effet, parce qu'effectivement

6 l'interrogatoire supplémentaire est basé sur le contre-interrogatoire. Il

7 faut se mettre dans le cadre de ce nouvel interrogatoire.

8 M. le Président (interprétation). - Chez vous, c'est une

9 règle générale ?

10 M. Moran (interprétation). - Si c'est une question importante

11 et qui a un lien direct avec l'interrogatoire supplémentaire de la

12 première partie. C'est une pratique générale aux Etats-Unis.

13 Monsieur Greaves m'a dit, au début de la semaine, que ce

14 n'était pas nécessairement le cas en Irlande et au Pays-de-Galles, mais je

15 ne le savais pas.

16 M. le Président (interprétation). - Il se fait que j'ai

17 travaillé en Angleterre en 1961. Je me souviens des règles.

18 M. Moran (interprétation). - C'est vrai, lorsque M. Greaves

19 m'a dit que la règle était différente en Angleterre et au Pays-de-Galles,

20 je ne le savais pas. J'ai vérifié la chose avec le professeur O'Sullivan

21 ce matin, qui m'a dit qu'au Canada, en général, il n'y a pas d'objection

22 de la part de l'accusation à un nouveau contre-interrogatoire. C'est

23 l'avis de mon collègue.

24 En tout cas, il s'agit toujours de bien réduire la portée du

25 nouveau contre-interrogatoire. C'est une procédure qui ne vise pas à

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1 élargir. Nous n'allons pas avoir un nouveau contre-interrogatoire où l'on

2 peut poser n'importe quelle question. Les juges peuvent aussi maîtriser la

3 situation. Si on commence à aller trop loin, la Cour peut intervenir si on

4 estime que c'est là une perte de temps.

5 M. le Président (interprétation). - Nous sommes tenus par nos

6 propres règles, nos propres articles et leur libellé.

7 M. Greaves (interprétation). - Je ne sais pas si ce que je

8 vais dire va vous être utile, mais je confirme que la règle générale en

9 Angleterre et au Pays-de-Galles, c'est qu'il y a l'interrogatoire

10 principal, le contre-interrogatoire et l'interrogatoire supplémentaire.

11 Pourtant, les juges du Tribunal ont un certain pouvoir discrétionnaire. Si

12 par exemple un conseil vient de se rasseoir et a oublié une question

13 importante, il a le loisir de se relever et, avec la permission de la

14 Cour, il demande à poser une nouvelle question. Il faudrait vraiment que

15 l'accusation soit très dure, si elle refuse ce genre de chose. Le pouvoir

16 est donc donné aux juges de permettre une question supplémentaire.

17 L'accusation a alors la possibilité d'intervenir sur cette question.

18 Je ne suis pas qualifié pour ce qui est de l'Ecosse, mais je

19 pense que le système est le même. Mon collègue, Me Moran, n'a pas bien

20 compris ce que j'ai dit. Je parlais d'autres caractéristiques de la

21 procédure. Mais je pense que dans d'autres pays, comme en Nouvelle-Zélande

22 ou en Australie, on suit le système anglais et gallois. Comme je pense que

23 vous aussi, au Nigeria, monsieur, vous avez adopté ce système.

24 Pour ma gouverne, je sais que je prépare en fait mon dossier à

25 l'anglaise.

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1 M. Ostberg (interprétation). - Je viens du système de droit

2 civil suédois, vous le savez peut-être. Il n'y a pas de règle d'airain

3 quant à la façon d'examiner. Il y a en général l'interrogatoire principal,

4 un contre-interrogatoire de l'autre partie et puis ce qui compte, c'est

5 l'importance, la pertinence. Le Tribunal examine une question. Evidemment,

6 pour éviter que cela ne devienne un jeu de ping-pong, c'est une question

7 qui est tranchée par le Tribunal, par les juges. Si la question qui a été

8 posée est d'une importance quelconque, les juges seront peut-être prêts à

9 entendre cette question.

10 M. le Président (interprétation). - Merci.

11 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je

12 viens d'un système de droit civil, de droit romain, et j'essaie de

13 contribuer à la clarification de cela. L'article 89 du règlement de ce

14 Tribunal montre clairement que s'il y a certaines défaillances dans ces

15 règles, dans ces articles, que le règlement de preuve ou la Chambre

16 applique les règles de l'administration de la preuve, propres à parvenir

17 dans l'esprit du statut et des principes généraux du droit, un règlement

18 équitable de la cause.

19 D'après les règles appliquées sur les territoires et dans tous

20 les pays qui sont issus de l'ex-Yougoslavie, nous avons un interrogatoire

21 principal, un contre-interrogatoire et la dernière partie de

22 l'interrogatoire revient à la défense.

23 A l'évidence, la Chambre de première instance met en oeuvre,

24 applique ces articles et peut trancher sur la question de savoir si une

25 des parties utilise de façon abusive ses droits et peut décider d'exclure

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1 telle ou telle question. Quant au droit de l'accusé à poser la dernière

2 question, chez nous cela constitue la base du système juridique. Merci.

3 M. le Président (interprétation). - Est-ce que cela termine

4 des différentes interventions et contributions ? Tant qu'on y est, peut-

5 être a-t-on intérêt à bien déterminer comment interpréter ces différents

6 articles et les règles en matière de compétence aussi du Tribunal ?

7 Ceci doit être en conformité avec la pratique internationale.

8 En effet, je ne veux pas maintenant tirer des conclusions et constater

9 qu'il y aurait encore des ressentiments et des désaccords qui nous

10 attendent. J'ai été vraiment étonné de la démarche adoptée. Mais je sais

11 que lorsqu'on plaide, on peut avoir un peu de tout.

12 Ne soyez pas embarrassés par ce fait, c'est tout à fait

13 courant qu'il y ait ce genre d'échange. Mais il faut trouver une

14 interprétation qui relève aussi du bon sens.

15 En l'absence d'autres interventions, nous donnerons notre

16 décision cet après-midi. Il faudra examiner cela de plus près

17 Mme McMurrey (interprétation). - Merci, Monsieur le Président

18 d'avoir étudié cette requête que nous avions soulevée.

19 M. le Président (interprétation). - Peut-on demander au témoin

20 d'entrer dans le prétoire ?

21 (Le témoin entre dans la salle d'audience).

22 M. Kuljanin (interprétation). - Bonjour.

23 M. le Président (interprétation). - Veuillez rappeler au

24 témoin qu'il est toujours sous serment.

25 M. le Greffier. - Je vous rappelle que vous témoignez toujours

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1 sous serment.

2 M. Kuljanin (interprétation). - Fort bien, merci.

3 M. Turone (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les

4 juges. Monsieur Kuljanin, hier, nous parlions du temps que vous avez passé

5 au tunnel numéro 9, au moment où nous avons suspendu l'audience.

6 Permettez-moi de revenir à ce moment-là et plus précisément,

7 sitôt après votre première nuit passée au tunnel numéro 9.

8 Quelque chose de particulier s’est-il passé le lendemain

9 matin ?

10 M. Kuljanin (interprétation). - Rien de particulier, si ce

11 n'est qu'ils nous ont fait sortir. Certains de nous étaient plus blessés

12 que d'autres, et les blessures chez certains étaient plus visibles que

13 chez d'autres, surtout pour les blessures infligées à la tête, au visage.

14 On nous a appelé dehors pour que nous puissions recevoir une certaine

15 aide, des pansements par exemple. Mais rien de plus que cela.

16 M. Turone (interprétation). - Où vous a-t-on amené pour

17 cela ?

18 M. Kuljanin (interprétation). - Je suis allé vers l'entrée

19 dans ce bâtiment. Il y avait certaines personnes. Je pense que c'était des

20 infirmières ou des infirmiers. Quelqu'un m'a mis un pansement, m'a bandé

21 la tête et puis j'ai été ramené en compagnie de plusieurs autres personnes

22 au tunnel.

23 M. Turone (interprétation). - Y avait-il beaucoup d'autres

24 personnes du tunnel numéro 9 qui ont été amenées là pour la même raison ?

25 M. Kuljanin (interprétation). - Pas tellement. Il y avait

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1 Mrkajic dont les yeux étaient fermés et j'en ai vu plusieurs autres, mais

2 pas beaucoup de gens. Certains avaient des blessures à la tête quand j'y

3 suis allé.

4 M. Turone (interprétation). - Est-ce le matin du 27 mai ?

5 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

6 M. Turone (interprétation). - Vous a-t-on ramené au tunnel

7 numéro 9 juste à près ?

8 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. On m'a ramené au tunnel.

9 M. Turone (interprétation). - Durant votre séjour au tunnel

10 numéro 9, avez-vous eu la possibilité d'assister à des mauvais

11 traitements ?

12 M. Kuljanin (interprétation). - Non, je n'ai pas vu de mauvais

13 traitements, mais le même jour, le 27 mai, un autre groupe est arrivé de

14 Gornja Bradina. Ces personnes ont été frappées alors qu'elles se

15 trouvaient le long de ce mur. Cela a duré cinq ou six heures. On entendait

16 les cris et les pleurs. Des gens ont donc subi, là, certaines choses, je

17 n’y étais pas, mais je l'ai appris après. Un certain Miroslav Vujicic a

18 été tué ainsi.

19 Mme McMurrey (interprétation). - Ce n'est pas une connaissance

20 personnelle des événements. Le témoin a dit avoir entendu parler de cela

21 par la suite. J'objecte donc à la question.

22 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, vous dites

23 avoir entendu des cris à l'extérieur ce jour-là, le 27 mai.

24 M. Kuljanin (interprétation). -Oui

25 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous dire à peu près à

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1 quelle heure cela s'est passé ?

2 M. Kuljanin (interprétation). -Vers midi, un peu après midi,

3 dans l'après-midi et cela a duré jusque dans la soirée.

4 M. Turone (interprétation). - Vous voulez dire que ces cris et

5 ce bruit ont duré pendant des heures ?

6 M. Kuljanin (interprétation). - Plusieurs heures, cinq ou six

7 heures peut-être.

8 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous décrire plus

9 précisément ces cris et ce bruit que vous avez entendus pendant ces

10 quelques heures, ce jour-là ?

11 M. Kuljanin (interprétation). - Des personnes pleuraient. Il y

12 avait des cris : "Non, non, non !"..., surtout des cris et des

13 supplications pour ne pas être frappé.

14 M. Turone (interprétation). - Vous étiez à l'intérieur du

15 tunnel numéro 9 quand vous entendiez ces cris.

16 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. Ce n'est que de

17 l'intérieur que j'ai entendu cela.

18 M. Turone (interprétation). - A votre avis, ces cris et ce

19 bruit venaient-ils d'un endroit proche de l'entrée du tunnel ou

20 s’éloignaient-ils de l'entrée du tunnel ?

21 M. JAN (interprétation). - (Hors micro).

22 M. Turone (interprétation). - Puisque nous parlons de ce qu'il

23 a entendu...

24 M. JAN (interprétation). - (Hors micro).

25 M. Turone (interprétation). - Saviez-vous d'où venait ce

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1 bruit ?

2 M. Kuljanin (interprétation). -Puis-je répondre ?

3 M. Turone (interprétation). - Oui, je vous en prie.

4 M. Kuljanin (interprétation). - Ces bruits, ces cris venaient

5 de l'extérieur, dans la direction du mur, de ce côté-là. Personne parmi

6 nous ne pouvait voir. Nous avons entendu ce bruit. Cela a duré plusieurs

7 heures, cinq, six heures, selon ce que chacun a pu endurer.

8 M. Turone (interprétation). - Par la suite, avez-vous eu

9 l’occasion d’en savoir plus sur ce qui s'était passé ?

10 M. Kuljanin (interprétation). - Plus tard oui, lorsque nous

11 avons rencontré ces personnes, transférées au hangar numéro 6, depuis le

12 tunnel numéro 9; j’ai vu ces personnes. Elles ont raconté qu’elles étaient

13 alignées le long du mur pendant longtemps, les mains en l'air et qu'on les

14 avait frappées. C'est ce que nous avons entendu, mais nous ne l'avons pas

15 vu.

16 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire qui

17 étaient ces personnes ?

18 Mme McMurrey (interprétation). - Question déjà posée à

19 laquelle il a été répondu.

20 M. Turone (interprétation). - Très bien. Ces personnes ont-

21 elles été amenées au tunnel numéro 9 ?

22 M. Kuljanin (interprétation). - Non; non, on ne les a pas

23 amenées au tunnel numéro 9. Il n'y avait plus de place. Plus tard, quand

24 on m'a transféré au bâtiment numéro 6; je les ai vues là. On les a amenées

25 directement au hangar numéro 6.

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1 M. Turone (interprétation). - Je reviens à votre séjour au

2 tunnel numéro 9. Quelqu'un a-t-il fait sortir un prisonnier pendant que

3 vous étiez au tunnel numéro 9 ?

4 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne me souviens pas que qui

5 que ce soit ait pu sortir du tunnel numéro 9 pendant que j’y étais.

6 M. Turone (interprétation). - Avez-vous séjourné aussi dans un

7 autre bâtiment de Celebici, en dehors du tunnel numéro 9 ?

8 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, après quatre ou cinq

9 jours, je ne sais pas exactement combien de temps, je n'étais plus au

10 tunnel numéro 9. Tout le groupe avait été transféré au hangar numéro 6,

11 lorsqu'un autre groupe est arrivé. Ensuite, tout le monde est allé au

12 numéro 6. Ce groupe qui est arrivé et allé au numéro 9.

13 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire le

14 hangar numéro 6 ?

15 M. Kuljanin (interprétation). - Je pense que je peux. C'est un

16 grand hangar; avec un toit une structure métallique. Je crois que cela a

17 servi comme garage. Je ne connais pas sa longueur ni sa largeur, mais il

18 était grand. Il y avait plusieurs portes et je pense que, du camp, c'était

19 le hangar numéro 6 qui était le plus grand.

20 M. Turone (interprétation). - Vous souvenez-vous du nombre de

21 portes du hangar numéro 6 ?

22 M. Kuljanin (interprétation). - Je pense qu'il y avait une

23 porte double d'un côté. Je ne sais pas s'il y avait des portes des deux

24 côtés et au milieu.

25 M. Turone (interprétation). - Combien de portes utilisait-on

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1 normalement ?

2 M. Kuljanin (interprétation). - Une porte au bout. A l'entrée,

3 il y avait une porte. Parfois, elle s'ouvrait quand quelqu'un entrait, ou

4 quand des gens sortaient pour aller manger à plusieurs à la fois. Nous

5 avions une espèce de récipient, une gamelle et deux cuillers. Quand nous

6 avions fini, un autre groupe venait. C'était à tour de rôle. Quand nous

7 demandions à sortir, parfois nous demandions à sortir pour aller aux WC.

8 M. Turone (interprétation). - Le hangar n° 6 avait-il des

9 fenêtres ?

10 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne me souviens pas qu'il

11 avait des fenêtres, non. Non, il n'y avait pas de fenêtres.

12 M. Turone (interprétation). - Y avait-il de la lumière ?

13 Faisait-il noir à l'intérieur du hangar n° 6 ?

14 M. Kuljanin (interprétation). - Il n'y avait pas de lumière.

15 De nuit, il faisait noir et de jour, on voyait un peu. Mais il n'y avait

16 pas de lumière, en tout cas pendant que j'y étais, mais je n'y ai passé

17 que peu de temps.

18 M. Turone (interprétation). - Mais la lumière du jour

19 pénétrait un peu dans le hangar ?

20 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, du côté de la porte il y

21 avait un peu de lumière. On pouvait donc voir pendant la journée. Cela

22 suffisait pour se déplacer un peu dans la mesure où nous étions autorisés

23 à nous déplacer, pour aller à l'extérieur par exemple.

24 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une

25 description plus précise du hangar n° 6 ?

Page 1183

1 M. Kuljanin (interprétation). - Pour autant que je me

2 souvienne, il y avait des colonnes en métal, métalliques, des structures

3 en zinc. Je crois que les côtés et le sommet étaient en zinc. Il y avait

4 trois portes, une au milieu et une à chaque bout. C'est à cela que

5 ressemblait le hangar n° 6. Il commençait déjà à faire chaud à cause du

6 zinc. Il faisait très chaud.

7 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, combien de

8 temps êtes-vous resté au hangar n° 6 ?

9 M. Kuljanin (interprétation). - Je n'y ai pas séjourné

10 longtemps, une courte période. Par chance -je ne sais pas si c'est

11 vraiment une chance-, en tout cas j'y ai passé quatre ou cinq jours.

12 Ensuite, j'ai été transféré à Musala, à Konjic.

13 M. Turone (interprétation). - Est-ce que chaque prisonnier

14 avait une position qui lui était attribuée, une place qui lui était

15 attribuée dans le hangar ?

16 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, je m'en souviens. J'avais

17 une place à moi au milieu du hangar, à gauche, du côté de la porte du

18 milieu. Je sais que, près de cette porte du milieu, je n'étais pas bien

19 assis. C'est pourquoi je m'en souviens.

20 M. Turone (interprétation). - Je voudrais que l'on donne au

21 témoin la pièce à conviction n° 1, page 7. Pourrait-on la faire apparaître

22 à l'écran de l'ordinateur, ou la placer sur le rétroprojecteur ? C'est la

23 carte n° 5 qui se trouve tout au début de ce dossier.

24 M. Kuljanin (interprétation). - Est-ce que ceci se rapporte au

25 hangar n° 6 ? (Oui) Très bien.

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1 M. Turone (interprétation). - Voulez-vous regarder ce schéma.

2 Pourriez-vous nous indiquer votre place à l'intérieur du hangar n° 6, sur

3 ce plan ?

4 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, je peux le faire. Ici,

5 c'est la porte d'entrée, pour autant que je me souvienne. J'étais près du

6 milieu. C'est là que se trouvait la porte, là où il y a une marque, vers

7 le milieu. C'est là que j'étais.

8 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous montrer sur ce

9 plan comment étaient disposés les autres prisonniers à l'intérieur du

10 hangar ?

11 M. Kuljanin (interprétation). - Les prisonniers étaient

12 disposés tout autour, en cercle, le long des murs. Quand nous sommes

13 arrivés, il n'y avait déjà plus de place autour, car tout était déjà

14 occupé. A ce moment-là, on a rempli le reste de l'espace, je veux dire que

15 l'espace près des murs était déjà occupé. Un groupe s'est alors assis au

16 milieu du hangar.

17 Il n'y avait pas de place pour tout le monde, le long des

18 murs. Il y a deux rangées qui se sont formées au milieu du hangar.

19 Certaines personnes étaient ainsi assises au milieu du hangar.

20 M. Turone (interprétation). - Très bien. Pour le compte rendu,

21 je voudrais qu'on donne au témoin une photocopie de ce plan de façon que

22 le témoin puisse marquer précisément sur ce plan la position qu'il

23 occupait dans le hangar.

24 Monsieur Kuljanin, voudriez-vous marquer l'endroit où vous

25 étiez placé dans le hangar ?

Page 1185

1 S'il n'y a pas d'objection, je voudrais que cette photocopie

2 soit versée au dossier comme pièce à conviction. Elle porterait alors le

3 n° 82.

4 Mme McMurrey (interprétation). - Nous n'avons pas d'objection,

5 monsieur le Président.

6 M. le Président (interprétation). - Des objections, maître

7 Moran ?

8 M. Moran (interprétation). - Pas d'objection.

9 M. le Président (interprétation). - La pièce est admise.

10 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, de l'endroit

11 où vous étiez, que vous nous avez indiqué, pouviez-vous voir à l'extérieur

12 du hangar par la porte, lorsque celle-ci était ouverte ?

13 M. Kuljanin (interprétation). - Non, je ne pouvais rien voir à

14 l'extérieur, car j'étais du côté où la porte s'ouvrait. Je ne pouvais rien

15 voir dehors.

16 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelles

17 étaient les conditions de détention générales dans le hangar n° 6.

18 Commençons par l'eau potable. Vous distribuait-on de l'eau potable ?

19 M. Kuljanin (interprétation). - L'eau était le plus grand

20 problème, je pense dans le hangar. Je ne sais pas ce qu'ils utilisaient.

21 Je pense que c'était un seau ou un autre récipient en métal. Certains

22 prisonniers allaient, ceux qui faisaient le service, disait : "Non, on n'a

23 rien eu, il faudra qu'on retourne". Donc il y avait un problème avec l'eau

24 potable. C'était le plus gros problème. Ceux qui avaient reçu à boire

25 demandaient de nouveau de l'eau. On ne pouvait pas toujours aller en

Page 1186

1 chercher autant qu'on voulait et autant qu'on en avait besoin.

2 M. Turone (interprétation). - Et la nourriture, au hangar

3 n° 6 ?

4 M. Kuljanin (interprétation). - Pour ce qui concerne la

5 nourriture, elle était apportée devant le hangar. Il y avait une caisse et

6 puis une espèce de pot et puis deux ou trois cuillers, une espèce de

7 casserole et deux ou trois cuillers. On sortait à tour de rôle. On prenait

8 quelques cuillers de nourriture, un peu de pain, et puis c'était au tour

9 du suivant qui utilisait la même cuiller. Cela se passait ainsi, jusqu'à

10 ce que tout le monde ait mangé.

11 Je ne sais pas si tout le monde avait son tour, mais en tout

12 cas on n'en avait que quelques cuillerées chacun.

13 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelque

14 chose sur la possibilité de dormir. Où dormiez-vous à l'intérieur du

15 hangar ?

16 M. Kuljanin (interprétation). - Au hangar n° 6, c'était plus

17 confortable. On pouvait au moins s'allonger. Si quelqu'un s'endormait,

18 c'était quand même très inquiétant parce que la porte s'ouvrait très

19 fréquemment la nuit. Tout le monde avait peur. Il n'y a pas grande

20 possibilité de dormir.

21 M. Turone (interprétation). - Mais aviez-vous des couvertures

22 ou des matelas, ou autre chose ?

23 M. Kuljanin (interprétation). - Non, nous n'avions rien. Je

24 n'avais rien. J'avais juste une paire de pantalon, une chemise. Il n'y

25 avait pas de visite possible. De toute façon, à l'extérieur tout était

Page 1187

1 détruit aussi, on n'aurait rien pu nous apporter.

2 Tout avait été brûlé. Je me souviens qu'une fois certains

3 avaient eu des couvertures et quelqu'un dans le hangar a déchiré ces

4 couvertures pour en donner un morceau à ceux qui n'avaient rien.

5 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous dire au Tribunal

6 en quoi consistait les sanitaires pendant que vous étiez au hangar n° 6 ?

7 M. Kuljanin (interprétation). - Il n'y avait pas de

8 sanitaires. Il fallait demander longtemps avant qu'on vous autorise à

9 sortir. On laissait alors sortir deux ou trois personnes à la fois. Donc

10 les conditions d'hygiène n'étaient pas bonnes.

11 Des gens avaient besoin de sortir plus. Ils n'osaient pas trop

12 insister parce qu'ils avaient peur de se faire frapper. Ce n'était pas

13 simple de demander à sortir quand on en avait besoin. Mais on sortait

14 parfois. Cela dit, je n'ai pas vu de gens faire leurs besoins à

15 l'intérieur du hangar, en tout cas pendant que j'étais là.

16 M. Turone (interprétation). - Quel était l'endroit que vous

17 utilisiez comme WC lorsque vous étiez au hangar n° 6 ? Vous en souvenez-

18 vous ?

19 M. Kuljanin (interprétation). - C'était à gauche de l'entrée.

20 Il y avait quelque chose qui a été creusé, une espèce de fossé. C'est là

21 qu'on allait pour faire nos besoins, derrière le coin du hangar.

22 M. Turone (interprétation). - Combien y avait-il de

23 prisonniers environ avec vous dans le hangar durant les journées que vous

24 y avez passées ?

25 M. Kuljanin (interprétation). - A ce moment-là, environ deux

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1 cents, quand j'y étais. Plus tard, j'ai entendu dire que d'autres

2 prisonniers étaient encore arrivés. Mais pendant que j'étais là, c'était à

3 peu près ce nombre-là.

4 M. Turone (interprétation). - Avez-vous vu sur ces autres

5 prisonniers des traces visibles de mauvais traitements ?

6 M. Kuljanin (interprétation). - Comment vous dire ? Quand je

7 suis arrivé au hangar n° 6, il y avait un homme que je ne connaissais pas,

8 qui était sur une caisse à l'entrée, de l'autre côté. Il était allongé

9 sans bouger. Je ne le connaissais pas. Il est resté là. J'ai aussi

10 remarqué Pero Mrkajic qui avait du mal à bouger. Il est aussi mort là,

11 mais plus tard, après que je sois parti. J'étais déjà parti à ce moment-

12 là.

13 Les autres avaient mal. Certains étaient encore en bonnes

14 conditions à ce moment-là, mais ils ont subi des sévices plus tard, mais

15 je ne peux pas en dire plus car je n'étais plus là à ce moment-là.

16 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, vous dites

17 avoir vu Pero Mrkajic à l'intérieur du hangar n° 6 ?

18 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, je l'ai vu.

19 M. Turone (interprétation). - Est-ce un autre Pero Mrkajic que

20 celui que vous avez vu à Musala ?

21 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, c'est un autre Pero

22 Mrkajic. C'est un homme âgé, tandis que celui de Musala était un homme

23 plus jeune. Celui-ci était un homme âgé, qui était propriétaire d'un

24 restaurant à Bradina. Il était plus âgé que moi. Il est mort plus tard.

25 Déjà à ce moment-là, il avait du mal à bouger.

Page 1189

1 M. Turone (interprétation). - Est-ce que ce Pero Mrkajic que

2 vous avez vu dans le hangar n° 6 venait de Gornja Bradina ou de Donje

3 Bradina ?

4 M. Kuljanin (interprétation). - Il venait de Donje Bradina. Il

5 avait son restaurant dans le centre, dans ce quartier qu'on appelait le

6 "centre". C'était évidemment un petit village, mais il y avait tout de

7 même un centre. C'est dans ce qu'on appelait le centre qu'il avait son

8 restaurant, une maison.

9 M. Turone (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé dans le

10 hangar n° 6, avez-vous reconnu l'un quelconque des prisonniers venant de

11 Gornja Bradina ?

12 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, je les connaissais

13 pratiquement tous. Peut-être que je ne connaissais pas exactement les noms

14 et prénoms des plus jeunes, mais tous les autres, je les connaissais de

15 vue. Je connaissais également leurs nom et prénom.

16 M. Turone (interprétation). - Seriez-vous capable de nous dire

17 approximativement quel était le nombre de prisonniers dans le hangar n° 6

18 qui venaient de Gornja Bradina ?

19 M. Kuljanin (interprétation). - Je pense qu'il y en avait une

20 centaine, ce jour-là, en tout cas le 27. Leur village est un peu plus

21 grand que le nôtre. Je pense qu'il y en avait une centaine.

22 Il y avait d'autres personnes également qui venaient d'autres

23 villages de la municipalité de Konjic, mais que je ne connaissais pas.

24 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire l'état

25 physique de ces prisonniers que vous avez reconnus comme venant de Gornja

Page 1190

1 Bradina ?

2 M. Kuljanin (interprétation). - Je peux vous dire qu'il y en

3 avait pas mal qui se plaignaient de blessures sérieuses. Mais je crois

4 pouvoir dire aussi que la plupart était capable de se déplacer encore. Ils

5 n'avaient pas de blessures à la tête. J'ai entendu dire que pendant les

6 passages à tabac, des ordres étaient donnés de ne pas frapper les gens à

7 la tête.

8 M. Turone (interprétation). - L'un quelconque d'entre eux a-t-

9 il reçu des soins médicaux, pour autant que vous le sachiez, pendant leur

10 séjour dans le hangar n° 6 ?

11 M. Kuljanin (interprétation). - Je sais pas exactement. Je ne

12 sais pas.

13 M. Turone (interprétation). - Savez-vous si l'un quelconque

14 d'entre eux est mort ?

15 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, cette

16 question demande au témoin de faire des supputations. S'il a vu quelque

17 chose, c'est une chose. Mais c'est différent d'une question portant sur le

18 fait de savoir s'il a entendu dire quelque chose de la bouche d'un tiers.

19 M. Turone (interprétation). - Je vais reformuler ma question.

20 Avez-vous vu des morts parmi ce groupe de personnes qui venaient de Gornja

21 Bradina ?

22 M. Jan (interprétation). - (Pas de micro)

23 M. Turone (interprétation). - Dans le hangar n° 6, bien sûr.

24 M. Kuljanin (interprétation). - Non, je n'en ai pas vu.

25 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, avez-vous

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1 jamais vu un gardien pénétrer dans le hangar n° 6 pendant que vous vous y

2 trouviez ?

3 M. Kuljanin (interprétation). - Ah oui, ils venaient, nous

4 sortions pour manger. Nous sortions à cette époque en groupe de plusieurs

5 hommes devant le hangar, ainsi que pour nos besoins personnels. Mais parmi

6 ces gardiens, je ne connaissais personne. Ils remplissaient leurs

7 fonctions, je suppose.

8 Mais à l'époque où je me suis trouvé dans le hangar, ces

9 quatre jours, il n'y avait pas vraiment d'organisation. Je n'y suis pas

10 resté longtemps, donc je n'ai pas pu voir grand-chose.

11 Simplement, un soir, Radoslav Kuljanin a reçu l'ordre de

12 sortir. Il est sorti devant le hangar et nous avons entendu des bruits de

13 coups et lui qui criait, se plaignait et gémissait. Ensuite, il a été

14 ramené à l'intérieur. J'étais près de la porte et je l'ai vu rester par

15 terre, allongé. C'est tout ce que j'ai entendu.

16 A ce moment-là, quand on faisait sortir des gens, je ne

17 pouvais pas voir ce qui se passait à l'extérieur. Même si j'avais pu voir

18 les gens se faire frapper, je ne les aurais pas reconnus car il y avait à

19 ce moment-là très peu de gens de Konjic que je connaissais.

20 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, connaissez-

21 vous les noms d'un quelconque des gardes ?

22 Mme McMurrey (interprétation). - Objection. S'il a appris ces

23 noms après les faits, sa réponse n'est pas pertinente. Elle ne peut être

24 pertinente que s'il parle de ce qu'il connaissait au moment des faits.

25 M. Kuljanin (interprétation). - De quoi est-il question ?

Page 1192

1 Qu'est-ce qui se passe ?

2 M. Jan (interprétation). - (Pas de micro)

3 M. Turone (interprétation). - Ma question consistait à lui

4 demander s'il connaissait le nom d'un des gardes.

5 M. Kuljanin (interprétation). - Non, c'est ce que j'ai dit.

6 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, savez-vous

7 qui était le commandant du camp de Celebici ?

8 M. Kuljanin (interprétation). - Je n'oserais pas vous donner

9 une réponse certaine à ce sujet. Simplement, je peux dire que pendant ces

10 quelques jours passés sur place, je n'ai même pas eu la possibilité

11 d'apprendre ce fait. Mais je peux dire que j'ai connu là-bas quelqu'un qui

12 bénéficiait d'une attention plus importante que les autres et qui avait

13 une jambe bandée pendant ces quelques jours.

14 A l'époque je ne savais pas de qui il s'agissait. Je l'ai

15 appris plus tard. J'ai appris qu'il s'appelait Delic, quand j'ai été

16 transféré à Konjic. J'ai entendu dire cela de la bouche des gens qui se

17 trouvaient à Konjic et qui connaissaient la situation. Mais je ne peux pas

18 dire que j'ai vu Delic participer directement à quoi que ce soit pendant

19 mon séjour. Je peux simplement dire que j'ai vu ce Kuljanin qui a reçu

20 l'ordre de sortir et qui s'est fait passer à tabac.

21 M. Turone (interprétation). - Vous parlez de Radoslav ?

22 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, oui. Radoslav Kuljanin.

23 M. Turone (interprétation). - A quelle fréquence voyiez-vous

24 M. Delic à Celebici ?

25 M. Jan (interprétation). - Il a dit qu'il ne l'avait pas vu.

Page 1193

1 Il a déjà répondu à cette question.

2 M. Turone (interprétation). - Il a dit qu'il l'avait vu.

3 M. Jan (interprétation). - Il l'a vu effectivement, mais il a

4 appris son identité plus tard. Dans le camp, il ne la connaissait pas.

5 M. Turone (interprétation). - A quelle fréquence avez-vous vu

6 cette personne qui avait un problème à la jambe pendant votre séjour à

7 Celebici ?

8 M. Kuljanin (interprétation). - Pendant ces trois ou quatre

9 jours, je pense avoir passé en fait quatre jours dans le hangar n° 6, j'ai

10 pu constaté qu'il venait tous les jours.

11 M. Turone (interprétation). - Utilisait-il des béquilles tous

12 les jours ?

13 M. Kuljanin (interprétation). - Et bien oui. Enfin, oui, je

14 l'ai vu avec des béquilles pendant que je me trouvais sur place.

15 M. Turone (interprétation). - Pouvez vous dire à quelle fin il

16 venait dans le hangar n° 6 ?

17 M. Kuljanin (interprétation). - Eh bien, je ne peux pas

18 vraiment vous dire quelles étaient ses tâches, ce qu'il avait à faire. En

19 revanche, j'ai constaté qu'il avait plus d'importance peut-être. Il est

20 possible aussi qu'il ait été chargé de distribuer les couvertures et

21 d'organiser leur répartition.

22 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, avez-vous été

23 interrogé par des enquêteurs militaires à quelque moment que ce soit au

24 cours de votre séjour à Celebici ?

25 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, j'ai subi un

Page 1194

1 interrogatoire.

2 M. Turone (interprétation). - Vous trouviez-vous alors encore

3 dans le tunnel n° 9 ou étiez-vous déjà dans le hangar n° 6 ?

4 M. Kuljanin (interprétation). - Dans le hangar n° 6.

5 M. Turone (interprétation). - A quel endroit du camp s'est

6 déroulé cet interrogatoire ?

7 M. Kuljanin (interprétation). - Près de la sortie de ce

8 bâtiment qui était une espèce de bâtiment administratif. Après, on allait

9 vers la gauche. C'est là qu'il y avait un bâtiment à l'intérieur duquel se

10 trouvait un homme qui m'a interrogé. Il me semble qu'il était habillé en

11 civil, je ne sais pas exactement, mais c'est l'impression que j'ai. Ils

12 étaient deux, deux hommes.

13 M. Turone (interprétation). - Vous a-t-on accusé de quelque

14 chose de précis ?

15 M. Kuljanin (interprétation). - Non.

16 M. Turone (interprétation). - Vous rappelez-vous le nom de

17 cette personne qui vous a interrogé ?

18 M. Kuljanin (interprétation). - Non. Je ne le connaissais pas.

19 Mais de toute façon, je ne me rappelle rien.

20 M. Turone (interprétation). - L'avez-vous jamais revue ?

21 M. Kuljanin (interprétation). - Non. Je suis resté peu de

22 temps dans le camp. Cet homme a-t-il continué à remplir les mêmes

23 fonctions ? Je ne sais pas. Je ne l'ai plus revu en tout cas. Je suis

24 parti après.

25 M. Turone (interprétation). - Comment cet homme vous a-t-il

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1 traité ?

2 M. Kuljanin (interprétation). - Eh bien, je peux dire qu'il ne

3 m'a pas mal traité. Il m'a dit que je devrais répondre à toutes les

4 questions. Cela, je le savais bien. Cela n'a pas été terrible.

5 M. Turone (interprétation). - Est-ce que l'interrogatoire a

6 duré longtemps ?

7 M. Kuljanin (interprétation). - Non.

8 M. Turone (interprétation). - Vous rappelez-vous ce qu'il vous

9 a demandé ?

10 M. Kuljanin (interprétation). - Ce dont je me souviens le

11 mieux, c'est qu'il m'a demandé si je possédais des armes. J'ai donné des

12 réponses exactes à toutes les questions et cela n'a pas duré longtemps. Je

13 n'ai pas été accusé de grand-chose. Je ne sais pas.

14 M. Turone (interprétation). - Monsieur le Président, je

15 demande que ce document soit enregistré pour identification en tant que

16 pièce à conviction n° 83. Je demande que l'original soit placé sur le

17 rétroprojecteur. Je vous prie.

18 M. le Président (interprétation). - De quoi s'agit-il ?

19 M. Turone (interprétation). - Il s'agit de la déposition qui a

20 été fournie à l'issue de cet interrogatoire.

21 M. Jan (interprétation). - Ce document comporte-t-il sa

22 signature ou quoi que ce soit de ce genre ? Posez-lui la question. Vous

23 avez lu cette déposition. Demandez-lui s'il a produit une déposition, s'il

24 a fait une déclaration.

25 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le président,

Page 1196

1 vraiment je ne comprends plus grand-chose. Nous ne sommes pas au courant

2 de l'existence de ce document.

3 M. Jan (interprétation). - (Pas de micro).

4 ...qu'ils l'ont interrogé dans le camp (fin de la phrase du

5 juge Jan dont l'interprète n'a pas entendu le début.)

6 Mme McMurrey (interprétation). - Je ne sais pas, j'aimerais

7 être informée également. Je vous remercie.

8 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, vous

9 rappelez-vous avoir signé une déclaration ?

10 M. Kuljanin (interprétation). - Non, non. Je sais que je n'ai

11 pas lu ce papier. Est-ce que ce qui figurait était complet et exact ? Je

12 ne sais pas. Je sais seulement que je ne suis pas resté longtemps.

13 M. Jan (interprétation). - Il nie le fait d'avoir fait une

14 déclaration. Comment pouvez-vous la lui montrer ?

15 M. Turone (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, mais

16 j'aimerais que l'original de cette déposition soit montré au témoin et

17 placé sur le rétroprojecteur. Je demanderai au témoin : Monsieur,

18 reconnaissez-vous ce document ? Reconnaissez-vous les détails qui y sont

19 inscrits et, notamment, reconnaissez-vous la signature qui figure au bas

20 de ce document comme étant la vôtre ?

21 M. Kuljanin (interprétation). - La signature, je la reconnais,

22 oui. La signature, oui.

23 M. Turone (interprétation). - Vous rappelez vous avoir dit à

24 la personne qui vous interrogeait que Slobodan Kuljanin avait reçu des

25 armes ?

Page 1197

1 M. Jan (interprétation). - Est-ce que vous faites référence à

2 la déposition ou à des faits précis ?

3 M. Turone (interprétation). - C'est exact.

4 M. Jan (interprétation). - Donnez lecture de cette

5 déposition, alors.

6 M. Turone (interprétation). - Je peux lire la déposition en

7 anglais, monsieur le Président.

8 M. le Président (interprétation). - Je crois que nous allons

9 suspendre notre audience maintenant et nous reviendrons dans cette salle à

10 midi moins 20, midi moins le quart.

11 L'audience, suspendue à 11 heures 15, est reprise à

12 11 heures 40.

13 M. le Président (interprétation). - Maître Turone, vous

14 pouvez poursuivre.

15 M. Turone (interprétation). - Très bien, monsieur le

16 Président. Nous en revenons à ce document.

17 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président,

18 pendant la pause un problème a surgi, qui nuit à mon client. Je vous

19 prierai de me donner la possibilité de parler de ce problème avant que

20 nous ne reprenions la séance, de façon qu'éventuellement vous puissiez

21 nous fournir une réponse.

22 M. le Président (interprétation). - Bien. Voyons quelle est

23 la situation exacte. De quel problème s'agit-il ?

24 Mme Residovic (interprétation). - Lors d'une conférence de

25 mise en état, nous avons évoqué le problème du transport des accusés

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1 jusqu'au Tribunal, problème qui va se poser pendant toute la durée du

2 procès. En effet, nos clients se trouvent ici depuis très tôt le matin et

3 jusqu'à assez tard dans l'après-midi, ce qui risque de poser des problèmes

4 pour eux quant à la leur possibilité de suivre les débats de ce procès.

5 Or, ces débats sont d'une importance vitale pour chacun des accusés.

6 Dans la préparation de ce procès, lors de nos rencontres avec

7 les représentants du secrétariat, nous tous, conseils de la défense, avons

8 entendu la question suivante : "Souhaitez-vous des contacts avec vos

9 clients pendant toutes les pauses ?" Question à laquelle nous avons

10 répondu affirmativement.

11 Nous avons donc prié que nous soient créées les conditions de

12 contact avec nos clients pendant la pause du déjeuner, mais également

13 pendant les autres pauses qui ont lieu au cours de la journée.

14 Cependant, des problèmes se sont posés depuis le premier jour.

15 Ils sont liés au roulement des gardiens et selon la façon dont ce

16 roulement s'effectue, nos clients reçoivent parfois l'autorisation de

17 sortir de cette salle d'audience pendant les pauses, mais parfois ils ne

18 reçoivent pas cette autorisation. Les raisons invoquées sont de nature

19 technique, à savoir qu'il est impossible de faire sortir quatre personnes

20 du prétoire pendant une durée de 20 minutes.

21 Monsieur le Président, je pense que, ce faisant, les droits

22 fondamentaux de nos clients sont violés, et ce, pendant la durée

23 quotidienne de ces débats qui, comme je l'ai déjà dit, est longue pour

24 nous, mais l'est encore plus pour eux car il faut y ajouter au moins

25 2 heures de transport. Nos clients n'ont donc pas la possibilité de parler

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1 avec nous. Ils n'ont pas la possibilité de boire un café ou de fumer une

2 cigarette, ce qui crée des difficultés inutiles qui, en outre, sont

3 inacceptables à mes yeux, des difficultés pour nos clients, pour les

4 accusés.

5 Ces difficultés, je crois, peuvent nuire également au Tribunal

6 car les accusés ne peuvent pas se concentrer suffisamment pour suivre de

7 façon satisfaisante les débats de ce procès. C'est la raison pour

8 laquelle, Monsieur le Président, je vous prierai de statuer sur ce point

9 pour nous donner la possibilité, pendant toutes les pauses, de parler avec

10 nos clients et que nos clients puissent avoir un moment de répit en se

11 voyant accorder l'autorisation de sortir de la salle d'audience et d'avoir

12 donc des contacts avec leurs défenseurs. Je vous remercie, Monsieur le

13 Président.

14 M. Jan (interprétation). - Je crois que les conseils ont

15 accès à leur client pendant le procès. Ils devraient avoir accès à leur

16 client pendant le procès et donc pendant toutes les pauses.

17 M. le Président (interprétation). - En fait, ce sont des

18 problèmes techniques, comme vous l'avez dit. La Chambre ne devrait donc

19 peut-être pas prendre de décision de son propre chef, sans consulter la

20 sécurité pour voir de quelle façon le problème peut être réglé. Mais nous

21 allons immédiatement prendre contact avec les responsables de la sécurité

22 et voir de quelle façon le problème peut se résoudre.

23 Tout le monde, je crois, souhaite que cette liberté soit

24 accordée. Nous verrons ce que nous pouvons faire. D'ici à la fin de la

25 journée, nous serons en mesure de vous dire ce que nous avons décidé.

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1 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le

2 Président. Si la durée des pauses est insuffisante, je sais que vous la

3 rallongerez. Je vous remercie.

4 M. le Président (interprétation). - Comme je l'ai dit, d'ici

5 à la fin de la journée, nous essaierons de régler les problèmes de façon

6 que la situation soit plus facile.

7 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le Président,

8 j'aimerais simplement informer les juges que, du côté de l'accusation,

9 nous appuyons la remarque faite par la défense et que nous espérons que

10 vous pourrez effectivement trouver une solution à ce problème.

11 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup, maître

12 Ostberg. Comme je l'ai indiqué, ce sont des décisions qu'il importe de ne

13 pas prendre de façon arbitraire. Il faut y accorder le soin et l'attention

14 qu'elles méritent.

15 Maître Turone, vous pouvez poursuivre.

16 M. Turone (interprétation). - Nous revenons à ce document qui

17 en tout état de cause a été montré à la défense avant le début de la

18 présente audience.

19 Je pensais qu'il conviendrait que ce document soit enregistré

20 pour identification et qu'il pourrait ensuite être placé sur le

21 rétroprojecteur pour être montré au témoin. Mais j'ai cru comprendre,

22 Monsieur le Président, que vous préfériez que je donne lecture de ce

23 document en traduction.

24 M. Jan (interprétation). - Pouvez-vous le lire vous-même ? Il

25 n'y a pas d'objection dans ce cas.

Page 1201

1 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie. Lorsque

2 vous êtes en possession d'une déposition que vous souhaitez verser au

3 dossier, vous pouvez procéder de façon que le témoin identifie ce document

4 ensuite. Mais s'agissant d'une déposition, d'une déclaration, vous pouvez

5 la verser au dossier d'abord et ensuite, ce n'est pas à vous de la lire,

6 vous pouvez la faire lire par le témoin.

7 M. Turone (interprétation). - C'est exactement ce que je

8 pensais. Monsieur Kuljanin, je vous prierai d'examiner ce document qui se

9 trouve sur votre droite. Je vous demanderai de le lire, puis de nous dire

10 si vous reconnaissez cette déclaration comme émanant de vous.

11 M. Kuljanin (interprétation). - Ecoutez, je vais vous dire la

12 chose suivante. Je ne me souviens pas aujourd'hui quelle déclaration j'ai

13 faite. Je peux simplement confirmer qu'il s'agit bien de ma signature.

14 C'est exact. Je ne sais pas si je peux lire tout ce qui figure sur cette

15 feuille de papier. Je ne vois pas très bien. Mais si je lis ce texte et

16 que je remarque que des éléments ont été rajoutés, parce que je sais que

17 là-bas, on ne m'a pas donné lecture de ce texte à la fin de

18 l'interrogatoire. J'ai signé et je n'étais pas en mesure de dire que je ne

19 voulais pas signer.

20 M. le Président (interprétation). - Mais vous avez fait une

21 déclaration, n'est-ce pas ?

22 M. Kuljanin (interprétation). - Je vous en prie, excusez-moi ?

23 M. le Président (interprétation). - Vous avez fait une

24 déclaration.

25 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

Page 1202

1 M. Jan (interprétation). - Il reconnaît la signature, mais

2 pas le contenu du texte.

3 M. le Président (interprétation). - C'est une autre question.

4 Vous avez fait une déclaration. Vous savez qu'il s'agit bien de votre

5 signature, n'est-ce pas ?

6 M. Kuljanin (interprétation). - Je reconnais ma signature,

7 mais je ne sais pas ce qu'il y a dans le texte. Je n'était pas en mesure,

8 là-bas...

9 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, je vous

10 prierai, s'il vous plaît, de bien vouloir lire ce texte.

11 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne peux pas le lire.

12 J'aimerais que quelqu'un le lise. Moi je ne vois pas bien. Je ne reconnais

13 pas tout cela.

14 M. Turone (interprétation). - Nous ne vous demandons pas de

15 lire le texte à l'écran, mais sur la feuille de papier que vous avez

16 devant vous.

17 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, peut-

18 être pourrions-nous résoudre ce problème plus rapidement, si l'accusation

19 est mise au courant du fait que la défense n'a aucune objection par

20 rapport au fait que cette déclaration soit versée au dossier en tant que

21 pièce à conviction de l'accusation.

22 Nous avons simplement une objection par rapport au fait qu'il

23 y a une traduction en anglais qui émane de l'accusation, et il y a une

24 interprétation de l'interprète. Or ces deux interprétations ne coïncident

25 pas. Mais nous n'avons pas d'objection par rapport au document en tant que

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1 tel, qui peut être d'une certaine aide pour le Tribunal bien entendu.

2 M. Turone (interprétation). - Merci, Maître McMurrey.

3 Mme McMurrey (interprétation). - Je vous en prie.

4 M. Turone (interprétation). - Donc nous pensons qu'il serait

5 bon de verser ce document au dossier en tant que pièce à conviction n° 83

6 et nous pensons que la traduction anglaise pourrait être révisée, s'il n'y

7 a pas objection à cela.

8 M. Jan (interprétation). - C'est un document qui a été versé

9 au dossier. On peut donc le montrer.

10 M. le Président (interprétation). - La pièce a été versée au

11 dossier. Il a dit qu'il avait fourni une déclaration. C'est bien sa

12 signature. Donc nous pouvons la verser au dossier.

13 M. Turone (interprétation). - Bien, je verse cette pièce au

14 dossier en tant que pièce à conviction n° 83.

15 M. le Président (interprétation). - Maintenant que la pièce a

16 été versée au dossier, il peut en être donné lecture de façon que les

17 interprètes puissent l'interpréter.

18 M. Turone (interprétation). - Vous voulez dire qu'un

19 interprète devrait lire le texte dans la langue originale ?

20 M. le Président (interprétation). - Oui, et nous pouvons

21 entendre l'interprétation.

22 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, nous

23 sommes d'accord que c'est bien le document dont il est question, mais

24 j'insiste sur les divergences dans les traductions. Comme Me McMurrey

25 vient de le dire, une phrase dans le texte dit qu'au moment de son

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1 arrestation, il portait une arme. Il est question de Rajko et d'une arme

2 automatique. Dans la traduction, il y a une erreur au niveau de la

3 restitution des armes lorsqu'il est question de gens qui l'ont refusée.

4 Cela, c'est une traduction fausse.

5 Et puis, il y a une introduction du texte qui n'existe pas

6 dans la traduction. Je pense que les interprètes pourraient sans doute

7 corriger ces erreurs.

8 M. le Président (interprétation). - L'interprétation n'est pas

9 versée au dossier. Elle ne fait pas partie du document qui a été admis en

10 tant que pièce à conviction. Donc nous pouvons entendre l'interprétation,

11 ce qui nous donnera une idée plus juste de la déclaration fournie par les

12 témoins.

13 M. Jan (interprétation). - Si nous sommes tous d'accord pour

14 entendre l'interprétation, vous pourrez ensuite, si la traduction est

15 agréée, la donner à la défense.

16 M. Turone (interprétation). - Je propose que la traduction

17 agréée soit remise à la défense plus tard.

18 M. le Président (interprétation). - Nous n'avons pas de

19 traduction agréée sous les yeux en ce moment.

20 M. Turone (interprétation). - Nous avons en ce moment sous les

21 yeux une traduction qui est contestée en raison du fait qu'il y avait un

22 certain nombre de mots qui n'étaient pas suffisamment lisibles de l'avis

23 du traducteur qui a fourni cette traduction contestée en ce moment.

24 Il y a donc deux possibilités, à mon sens. Soit nous demandons

25 qu'il soit donné lecture au témoin du document original, soit nous

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1 décidons que cette traduction contestée soit lue en anglais. Je ne vois

2 aucune autre possibilité en ce moment même.

3 M. le Président (interprétation). - Pourquoi souhaitez-vous

4 qu'une traduction contestée soit lue ?

5 M. Turone (interprétation). - Non, ce n'est pas ce que je

6 demande. Je propose, en tant que possibilité existante, que l'original en

7 serbo-croate soit lu.

8 Mme McMurrey (interprétation). - Nous avons une traduction

9 pour laquelle nous pensons qu'elle est précise. Donc l'accusation pourrait

10 en prendre connaissance. Nous pourrions ensuite la verser au dossier et ce

11 document pourrait être remis à tout le monde. Ou alors maître Residovic

12 pourrait lire le texte en bosniaque et vous pourriez entendre

13 l'interprétation dans vos écouteurs.

14 M. Turone (interprétation). - A notre avis, cela nous semble

15 être une bonne possibilité.

16 Mme McMurrey (interprétation). - Il vous appartient de

17 choisir. Nous avons une traduction anglaise et nous avons Me Residovic qui

18 possède le texte dans la langue originale.

19 M. le Président (interprétation). - Le conseil peut en donner

20 lecture et nous entendrons le texte. Si quelqu'un n'est pas d'accord, il

21 peut le dire.

22 M. Turone (interprétation). - Maître Residovic, pourriez-vous

23 lire le texte lentement, je vous prie ?

24 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je

25 prierai simplement le témoin de réagir si je fais une erreur dans ma

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1 lecture, car je ne peux pas prendre cette responsabilité en fait.

2 M. le Président (interprétation). - Nous vous demandons de ne

3 lire que la déposition. Lorsque le témoin ne sera pas d'accord, il le

4 dira. Je vous demanderai simplement de lire exactement, sans aucun rajout,

5 sans aucune modification. Vous lisez simplement la déposition. Les

6 interprètes l'interprètent.

7 Mme Residovic (interprétation). - "République de Bosnie-

8 Herzégovine. Opcina de Konjic. Etat-major de la défense territoriale et du

9 HVO. Quartier municipal : Konjic." La date : "2 juin 1992."

10 Sur le côté, il y a le chiffre "3" et la lettre "K".

11 "Déclaration.

12 Ce jour, le 2 juin 1992, dans les locaux du quartier-général

13 de la défense territoriale et du HVO de Konjic..."

14 M. Kuljanin (interprétation). - Je peux ?

15 Mme Residovic (interprétation). - "Mirko Kuljanin, fils de

16 Milan..."

17 M. Kuljanin (interprétation). - Pas Konjic, mais Celebici.

18 Mme Residovic (interprétation). - "Donc fils de Milan et de

19 Savka Gligorevic, né le 23 octobre 1931 à Bradina, résident à Bradina,

20 retraité. Je ne suis pas membre du SDS, bien qu'ils m'aient proposé

21 d'adhérer au parti. J'ai reçu des armes, il y a deux mois, de Slobodan

22 Kuljanin, à savoir un fusil M48 et 45 balles.

23 Il y a quinze jours, avec Rajko Kuljanin, j'ai reçu la mission

24 d'aller à Velika pour effectuer une inspection. A cette occasion, je

25 portais des armes, et Rajko portait un fusil PAP. A Velika, des voisins

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1 nous ont rencontrés, des voisins de Repovci avec Hamzo Ajanovic, nous

2 avons conversé et ils nous ont dit de laisser nos fusils, ce que nous

3 avons fait. Nous n'avons pas opposé de résistance à cela.

4 Nous avons informé les gens de Bradina de ce fait. Nous leur

5 avons dit que les armes devaient être restituées, ce qu'ils ont refusé de

6 faire. On m'a de nouveau proposé des armes, mais je les ai refusées,

7 j'avais un revolver avec un permis que j'ai remis au moment de la

8 restitution.

9 Quand les combats ont commencé, j'étais avec mon épouse et mes

10 enfants dans la cave. Nous nous sommes rendus ce même jour. J'ai un fils

11 qui s'appelle Novica. Il avait un fusil AP, je ne sais pas ce qu'il est

12 advenu de lui.

13 Déclaration faite par Mirko Kuljanin. Déclaration reçue par

14 Mladen Zovko."

15 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

16 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, avez-vous

17 entendu ce qui vient d'être lu ?

18 M. Kuljanin (interprétation). - J'ai entendu cela, mais cela

19 ne correspond pas à la vérité. Je ne suis pas parti en patrouille ou en

20 inspection. J'étais parti planter des pommes de terre avec cet homme.

21 J'allais sur mon lopin de terre et nous n'avions pas l'intention

22 d'outrepasser nos droits ou d'aller dans un autre village. Je ne sais pas

23 ce que l'on dit ici, c'est qu'il portait un fusil PAP.

24 M. le Président (interprétation). - Pas PAP, mais AP.

25 M. Kuljanin (interprétation). - Oui; mais qu’en est-il de

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1 Rajko ?

2 Mme Residovic (interprétation). - Un PAP est un fusil semi-

3 automatique, Monsieur le Président.

4 M. Kuljanin (interprétation). - J'ai entendu quelqu'un dire

5 PAP. Je croyais, pour autant que je sache, que c'était une arme plus

6 importante.

7 M. le Président (interprétation). - C'est ce qu'il y a dans la

8 déclaration. Etes-vous d'accord avec l'essentiel ?

9 M. Kuljanin (interprétation). . - Oui, pour l’essentiel, mais

10 certains mots ont été ajoutés. Cette déclaration ne m'a pas été lue à

11 l'époque. Je n'étais pas en état d'entendre, mais la signature est bien la

12 mienne.

13 Le fait que nous ayons été capturés a été ajouté, que l’on

14 m’ait dit qu'il fallait remettre les armes est aussi un ajout, qu'Ajanovic

15 était là, cela aussi a été ajouté. Tout ce que je sais, c'est qu'il a été

16 dit qu'il y avait un commandant, là. Je sais qu’Ajanovic était actif dans

17 la police et j'ai mentionné son nom. Ils ont répondu oui; c'est tout ce

18 que je sais. Mais Ajanovic n'était pas présent à l'époque. Il y avait sept

19 ou huit autres personnes. Je crois que j'en connaissais deux de vue, mais

20 je ne connaissais pas leur nom. Ils ont amené les armes, eux mêmes étaient

21 armés, tout le monde l’était.

22 J'ai simplement dit : je ne sais pas ce que vous pensez qu'il

23 serait arrivé si nous avions poursuivi notre chemin. Nous allions

24 simplement travailler la terre. Si j'avais été plus loin, vers votre

25 village, votre propriété, je serais d'accord pour que vous me tuiez. Ce

Page 1209

1 n'est pas ce que nous avons fait.

2 M. le Président (interprétation). - Merci.

3 M. Turone (interprétation). - Fort bien. Monsieur Kuljanin,

4 pourriez-vous nous dire, approximativement, à quel moment vous avez quitté

5 le camp de Celebici ?

6 M. Kuljanin (interprétation). - Peu de temps après, deux ou

7 trois jours après avoir fait cette déclaration. En effet, si je ne l'avais

8 pas faite, si cette formalité n'avait pas eu lieu, j'avais appris qu'il y

9 aurait des transferts, il n’y en aurait pas eus.

10 Nous avions appris que les conditions étaient meilleures à

11 Konjic. Comme j'étais un homme âgé et qu'il n'y avait aucune accusation

12 portée contre moi, j'ai réussi a obtenir cet interrogatoire, comme requis

13 et à me faire transférer. Il se peut que cela se soit passé le 3 ou le

14 4 juin; environ. Mais je n'ai pas un souvenir exact de la date.

15 J'ai passé en tout dix jours, que ce soit au numéro 6 ou au

16 numéro 9.

17 M. Turone (interprétation). - Vous parlez du nombre de jours

18 que vous avez passés à Celebici ?

19 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. Excusez-moi, autre

20 correction que je voudrais apporter, ce document n'a pas été réalisé à

21 Konjic , mais au camp de Celebici.

22 M. Turone (interprétation). - Mais Celebici se trouve dans la

23 municipalité de Konjic.

24 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

25 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez été

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1 transféré. Où avez-vous été amené ?

2 M. Kuljanin (interprétation). - De Celebici ? Je ne sais pas

3 quelle était la taille du groupe. En tout cas, ce groupe a été transféré à

4 la salle des sports de Musala de Konjic. J'y suis resté jusqu'au moment de

5 ma libération, jusqu'au moment où ils m'ont laissé partir.

6 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous donner davantage

7 de détails sur la façon dont le transfert s'est effectué ? Qui vous a fait

8 sortir, qui a donné l'ordre de vous faire sortir du hangar numéro 6 pour

9 que vous puissiez être transféré à Musala ?

10 M. Kuljanin (interprétation). - Je peux vous faire cette

11 description, comme je me la rappelle. Certaines personnes sont venues, je

12 pense qu'il y en avait qui avaient un poste de responsabilité. Elles sont

13 venues dans le hangar, elles déambulaient dans ce hangar et ont désigné du

14 doigt certaines personnes. Je ne connaissais pas les personnes qui étaient

15 entrées. En tout cas, j'ai été choisi et séparé des autres. Je suis sorti

16 et j'ai été transporté en camionnette à Konjic, dans cette salle de sport

17 Musala, à Konjic.

18 M. Turone (interprétation). - Combien y avait-il de

19 prisonniers avec vous dans cette camionnette qui est allée de Celebici à

20 Musala ?

21 M. Kuljanin (interprétation). - Je n’en connais pas le nombre

22 exact. Peut-être 10 ou 15 personnes. Mais je n'ai pas un souvenir précis.

23 M. Turone (interprétation). - Combien de temps avez-vous passé

24 dans cette salle de sport de Musala ?

25 M. Kuljanin (interprétation). - J'y suis resté jusqu'au moment

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1 où j'ai été libéré du camp. Je pense que c’était le 24 ou le 25 août.

2 M. Turone (interprétation). - Savez-vous qui était le

3 commandant du camp de Musala ?

4 M. Kuljanin (interprétation). - Je peux dire que j'ai constaté

5 que Pavo y venait et qu'il était respecté. Mais il ne venait pas souvent.

6 Toutefois, quand il venait, on manifestait des signes de respect à son

7 égard. Quant à savoir qui était le véritable commandant du camp, je ne le

8 sais pas. Je ne sais pas si c'était un commandant séparé ou s'il n'y avait

9 qu'un commandant.

10 M. Turone (interprétation). - Connaissez-vous le nom complet

11 ou le patronyme de ce Pavo dont vous parlez ?

12 M. Kuljanin (interprétation). - Je crois que c'est Zdvrasko

13 Mucic, surnommé Pavo. Je ne l’ai rencontré qu'au moment de mon transfert à

14 Konjic.

15 M. Turone (interprétation). - A quelle fréquence l'avez-vous

16 vu à Musala ?

17 M. Kuljanin (interprétation). - Pas très souvent. Je l’ai dit,

18 il venait, mais pas très souvent. Nous avions le sentiment, parce qu'on

19 nous donnait des ordres, que nous devions nous lever; qu'il avait un rôle

20 particulier, mais il ne venait pas très souvent. J'y suis resté un peu

21 plus longtemps. Je dirais qu'il venait peut-être une fois par semaine,

22 vraiment pas très souvent.

23 M. Turone (interprétation). - A votre arrivée à Musala, alors

24 que vous veniez de Celebici, une quelconque personne responsable du camp

25 de Musala a-t-elle pris note de votre nom, l’a enregistré ?

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1 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne sais vraiment pas. Il se

2 peut qu'il y ait une liste quelque part, reprenant les noms des détenus.

3 Mais je n'en sais rien. Ce que je peux dire, c'est que, peu après mon

4 arrivée, je me trouvais dans une pièce, qu'on appelait la pièce numéro 6,

5 c'était des vestiaires. Nous étions plus de trente, vraiment nous étions

6 entassés. Plus tard, j'ai été transféré au numéro 8 et j'y suis resté

7 jusqu'à ma libération.

8 M. Turone (interprétation). - Avez-vous eu l’occasion de voir

9 M. Mucic au premier endroit où vous êtes resté à Musala ?

10 M. Jan (interprétation). - (hors micro) Il a déjà répondu à

11 la question. Il a dit que M. Mucic avait coutume de venir une fois par

12 semaine, lorsque vous posiez une question sur la fréquence.

13 M. Turone (interprétation). - J'aimerais qu'il nous dise plus

14 ou moins à quel moment il a vu M. Mucic pour la première fois à Musala.

15 M. Greaves (interprétation). - Je crois qu'il essaie de

16 procéder à un contre-interrogatoire de son propre témoin. Jusqu'à présent,

17 tout s’est bien passé, mais je pense que, là, il y a une certaine fatigue

18 qui joue.

19 M. le Président (interprétation). - Entendez-vous par là

20 qu'il s'agit d'une question tendancieuse ?

21 M. Greaves (interprétation). - Non, j'ai dit que vous

22 procédiez à un contre-interrogatoire.

23 M. Jan (interprétation). - Vous êtes en train de procéder au

24 contre-interrogatoire pour une déclaration que vous avez déjà faite.

25 M. Kuljanin (interprétation). - Si vous êtes d'accord, Madame

Page 1213

1 et Messieurs les juges, je peux dire que lorsque M. Mucic est venu, nous

2 nous trouvions dans cette grande salle. Je n'avais pas remarqué qu'il

3 entrait dans la petite pièce ou salle lorsque nous y étions. Il venait

4 simplement dans cette grande salle de sport lorsque nous y étions assis,

5 ou dans le gymnase plus exactement.

6 M. Turone (interprétation). - Fort bien. M. Kuljanin, avez-

7 vous eu l’occasion de voir à Musala des gardes qui travaillaient à

8 Celebici.

9 Mme McMurrey (interprétation). - Objection. Il a déjà dit

10 qu'il ne connaissait pas les gardes de Celebici, il n'a pas pu les

11 identifier.

12 M. Jan (interprétation). - Monsieur le Président, il demande

13 s'il avait vu des gardes de Celebici à Musala. Il se peut qu'il y ait des

14 mêmes gardes pour les deux camps.

15 M. le Président (interprétation). - Il ne parle pas du fait de

16 connaître les gardes. C'est tout à fait différent de ce que vous affirmez.

17 Mme McMurrey (interprétation). - A-t-il vu des gardes de

18 Celebici ? Telle était la question.

19 M. le Président (interprétation). - Il a déjà répondu.

20 M. Jan (interprétation). - Il a dit qu'il ne connaissait pas

21 les gardes.

22 Mme McMurrey (interprétation). - Veuillez m’excuser.

23 M. Turone (interprétation). - Avez-vous compris ma question,

24 Monsieur Kuljanin ?

25 M. Kuljanin (interprétation). - Pour autant que je m'en

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1 souvienne, et aux dires des personnes qui savaient, j'ai vu un homme que

2 l’on surnommait Zenga. Je l'ai vu deux fois; mais il ne m'a rien fait.

3 Mme McMurrey (interprétation). - Il a dit : "aux dires des

4 personnes qui savaient". Il ne fait pas part de sa connaissance

5 personnelle. Il n'y a donc pas de connaissance. Il témoigne à propos de

6 choses qu'il ne connaît pas.

7 M. le Président (interprétation). - Si quelqu'un vous dit :

8 "cette personne-là c'est un tel", c'est quand même une reconnaissance.

9 Mme McMurrey (interprétation). - Je crois qu'il ne témoigne

10 pas au vu de sa connaissance personnelle. C'est quelque chose que

11 quelqu'un lui a dit. Maintenant, nous n'avons pas le moyen d'identifier

12 ses dires. C'est du ouï-dire. C'est un témoignage qui n'est pas fiable.

13 M. le Président (interprétation). - Lorsque vous procéderez à

14 votre contre-interrogatoire, vous pourrez démonter cet argument, parce

15 qu'il n'affirme pas avoir connu cette personne lui-même; mais quelqu'un

16 lui en a parlé.

17 M. Jan (interprétation). - Attendons les moyens de preuve;

18 nous pourrons estimer à ce moment-là quelle est la valeur de cette

19 déposition.

20 M. le Président (interprétation). - Attendez. C'est ainsi que

21 vous saurez qui lui a dit qui était cette personne.

22 M. Moran (interprétation). - Si nous pouvions objecter quant

23 à la pertinence, peut-être que...; enfin...

24 M. le Président (interprétation). - Si vous connaissiez notre

25 règlement, tout ce qui est pertinent est concluant, à ce moment-là vous

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1 auriez la possibilité de le dire et de voir dans quelle mesure cette

2 déposition est correcte.

3 M. Jan (interprétation). - Je crois que le conseil dit, qu’il

4 faut s'inquiéter d'abord de ce qui s'est passé à Celebici plutôt qu'à

5 Musala.

6 Mme McMurrey (interprétation). - Nous nous rallions à l’avis

7 de notre confrère. Ce qui s'est passé à Musala n'est pas important pour

8 nos débats.

9 M. Turone (interprétation). - Je vais soumettre la déclaration

10 concernant ce témoin porte une signature d'un des accusés. Cette

11 déclaration de libération a été rédigée bien sûr après la période de

12 détention à Musala. Il y a donc, en quelque sorte, un lien entre les deux

13 périodes. C'est la raison pour laquelle, à mon avis, il n'est pas possible

14 de dire que ce qui s'est passé à Musala n'a pas d'importance pour notre

15 procès.

16 M. Jan (interprétation). - Alors présentez le document de

17 libération tout de suite.

18 M. Turone (interprétation). - J'y arrive.

19 Mme McMurrey (interprétation). - Il serait peut-être plus

20 adéquat de poser des questions à partir du document de libération, ce qui

21 nous permettait de ne pas arriver à des situations où on se demande si un

22 tel document est pertinent ou pas.

23 M. Turone (interprétation). - Je veux dire que l'importance,

24 la portée de telle ou telle question ne pourra s'apprécier qu'après avoir

25 posé quelques questions au préalable.

Page 1216

1 M. le Président (interprétation). - Vous anticipez d'une

2 façon assez systématique qui va peut-être rendre les débats plus

3 difficiles parce qu'il faut d'abord attendre que les moyens de preuve

4 soient présentés maintenant. Vous prenez les devants et ce n'est pas

5 vraiment tenable comme position. S'il y a un certificat de libération,

6 manifestement c'est celui du témoin. Puisque le témoin a été libéré, il y

7 a ce certificat.

8 Mme McMurrey (interprétation). - Attendons cette déclaration.

9 D'autres questions ont porté sur des choses qui n'étaient pas pertinentes.

10 M. le Président (interprétation). - De quoi discutez-vous ?

11 Mme McMurrey (interprétation). - Je crois que la première

12 question était tout à fait différente.

13 M. le Président (interprétation). - Poursuivons et voyons ce

14 certificat de libération.

15 M. Turone (interprétation). - Ce moyen montrera à notre avis

16 que M. Mucic était à la fois responsable du camp de Celebici et de celui

17 de Musala.

18 M. le Président (interprétation). - Mais ceci n'a rien à voir

19 avec ce témoin.

20 M. Turone (interprétation). - Me permettez-vous de

21 poursuivre ?

22 Comment êtes-vous arrivé à connaître le nom de Zenga ?

23 Mme McMurrey (interprétation). - Objection. Vraiment tout ceci

24 mérite objection. Il n'est vraiment pas important de savoir s'il était

25 connu à Musala pour savoir ce qui s'est passé à Celebici.

Page 1217

1 M. le Président (interprétation). - La question était :

2 "Comment connaissait-il le nom de Zenga ?"

3 Mme McMurrey (interprétation). - Parce qu'il a appris ce nom à

4 Musala et ceci n'a rien à voir avec les faits.

5 M. le Président (interprétation). - C'est la raison pour

6 laquelle il ne pouvait pas connaître le nom de Zenga.

7 Mme McMurrey (interprétation). - C'est un fait sans

8 importance.

9 M. le Président (interprétation). - Pas du tout. Essayons de

10 savoir comment il connaissait cette personne.

11 Mme McMurrey (interprétation). - La réponse sera sans doute :

12 "C'est parce que quelqu'un le lui a dit". Il s'agit alors d'un témoignage

13 qui n'est pas fiable. Merci.

14 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous répondre à ma

15 question ? Comment avez-vous appris le nom de Zenga ?

16 M. Kuljanin (interprétation). - Je vais vous le dire. Je n'en

17 suis pas trop sûr, mais je suis sûr qu'au moins à deux reprises, il est

18 venu, il a vu les salles ou les pièces. Je me souviens qu'il avait un

19 ceinturon blanc. La rumeur s'est répandue que quelqu'un avait vraiment

20 passé un mauvais moment avec lui.

21 M. le Président (interprétation). - Un instant.

22 Mme McMurrey (interprétation). - Il parle de quelque chose

23 qu'on lui a dit.

24 M. le Président (interprétation). - Laissez le témoin

25 témoigner. Vous n'avez pas le droit de témoigner à sa place.

Page 1218

1 M. Kuljanin (interprétation). - J'ai ainsi appris des choses à

2 propos de Zenga. S'agissant de contacts directs avec moi, moi je ne le

3 connaissais pas. Mais deux fois -et j'en suis tout à fait sûr-, il est

4 venu par le couloir, il a examiné toutes les pièces. On voyait facilement

5 qu'il cherchait quelqu'un ou quelque chose, je ne sais pas. Mais les gens

6 qui le connaissaient n'étaient vraiment pas contents de le rencontrer.

7 Pourquoi ? On sait pourquoi. Ceux qu'il avait menacés le

8 savaient le mieux.

9 M. Turone (interprétation). - Question suivante : comment

10 saviez-vous qu'il était un garde au camp de Celebici ?

11 M. Kuljanin (interprétation). - Je suis en mesure de le savoir

12 parce que souvent il y avait des transferts dans les deux sens. On

13 connaissait beaucoup de choses. Même si c'était un camp, même si c'était

14 une prison, on apprenait des choses d'une manière ou d'une autre. Mais

15 ceux qui ont été des témoins oculaires le savaient. D'autres ont appris

16 des choses d'une façon ou d'une autre.

17 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, lorsqu'on

18 vous a libéré du camp de Musala, ou lorsqu'on vous a appelé en vue de

19 votre libération, qui vous a appelé ?

20 M. Kuljanin (interprétation). - Qui m'a appelé ? Je ne le sais

21 pas. Qui m'a fait sortir ? Je ne sais pas. On m'a mis dans une camionnette

22 et on m'a amené à Donje Selo. Ma liberté de mouvement était limitée à

23 Donje Selo et Cerici. C'est ce qui se trouvait dans le formulaire de

24 libération "liberté de circulation limitée". Mais c'est Pavo Mucic qui

25 conduisait à ce moment-là.

Page 1219

1 M. Turone (interprétation). - Qui conduisait la camionnette,

2 vous voulez dire ?

3 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

4 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous donner

5 davantage de détails sur qui vous a donné ce formulaire de libération dont

6 vous parlez et comment il vous a été remis ?

7 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne sais pas si c'est la

8 même personne qui me l'a donné, ce formulaire de libération. Je ne peux

9 pas le garantir. Mais tous ceux qui ont été libérés ce jour-là, ont tous

10 reçu un formulaire.

11 M. le Président (interprétation). - Qui vous l'a donné ?

12 C'est ce qu'on demande.

13 M. Kuljanin (interprétation). - Etait-ce Mucic ou quelqu'un

14 d'autre ? Pour ce que je peux voir, c'était en tout cas sa signature qu'il

15 y avait sur le formulaire. Je ne me souviens pas non plus qui m'a fait

16 sortir. Je ne sais plus si c'était ce même Pavo ou quelqu'un d'autre. Mais

17 j'ai reçu ce formulaire. On me l'a remis en main propre. C'est Pavo Mucic

18 qui nous a conduits à Donje Selo, cela je le sais, lorsque nous avons été

19 libérés.

20 M. Turone (interprétation). - Monsieur le Président, je

21 voudrais que ce document soit identifié.

22 M. Jan (interprétation). - Avant que vous ne le fassiez, est-

23 ce que Pavo Mucic a signé le formulaire de libération en votre présence ?

24 M. Kuljanin (interprétation). - Non. Il avait été établi à

25 l'avance.

Page 1220

1 M. Turone (interprétation). - Je voudrais que cet document

2 soit inscrit, aux fins d'identification, pièce à conviction n° 84, 84A

3 pour la traduction anglaise. Ce document a été préparé à votre intention,

4 Madame et Messieurs de la Cour. Pour autant que je sache, la défense en a

5 déjà reçu un exemplaire. Je vous demanderais aussi de placer la version

6 originale sur le rétroprojecteur.

7 Reconnaissez-vous ce document ? Est-ce un document que vous

8 connaissez ?

9 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. C'est le document qu'on

10 m'a remis quand j'ai quitté le camp. Oui, c'est bien cela que j'ai reçu.

11 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire qui a

12 signé ce document ?

13 M. Kuljanin (interprétation). - Ce n'est pas suffisamment

14 lisible pour moi. Pour autant que je puisse distinguer, c'est M. Mucic qui

15 a signé.

16 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous lire la date sur ce

17 formulaire ?

18 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, 26, non, cela c'est quand

19 j'ai été arrêté. Excusez-moi, j'ai du mal à le trouver.

20 M. Turone (interprétation). - L'interprète s'excuse, mais

21 trois personnes en même temps... Cela se trouve en haut de la page.

22 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, oui, c'est bien là. Le

23 19 août 1992.

24 M. Turone (interprétation). - S'il n'y a pas d'objection,

25 Monsieur le Président, je voudrais demander que cette pièce soit versée au

Page 1221

1 dossier.

2 M. Greaves (interprétation). - Pas d'objection.

3 Mme McMurrey (interprétation). - Pas d'objection.

4 M. Moran (interprétation). - Pas d'objection.

5 M. le Président (interprétation). - La pièce est donc versée

6 au dossier.

7 M. Turone (interprétation). - J'en terminerai bientôt. Je

8 voudrais maintenant que le témoin examine une bande vidéo que nous avons

9 déjà vue il y a deux jours. Il s'agit de la pièce D1-2 de la défense. Je

10 voudrais que M. Kuljanin nous dise s'il reconnaît quelqu'un sur cette

11 bande vidéo.

12 (Projection de la bande vidéo.)

13 M. Turone (interprétation). - Monsieur Kuljanin, pouvez-vous

14 nous dire si vous reconnaissez quelqu'un sur cette bande vidéo ?

15 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. Je me reconnais moi-même

16 et Milan Dordic, Gligorevic, je ne me souviens pas du prénom.

17 M. Turone (interprétation). - A quel endroit cette bande vidéo

18 a-t-elle été tournée ? Vous souvenez-vous du moment ?

19 M. Kuljanin (interprétation). - Je me souviens du nom : Mitar

20 Gligorevic. Je ne pourrais pas vous dire quand la bande vidéo a été

21 tournée, et qui l'a tournée, ou si c'était bien le jour qui apparaît sur

22 la bande.

23 M. Turone (interprétation). - Ma question est : reconnaissez-

24 vous l'endroit où la bande vidéo a été tournée, si c'était où vous vous

25 trouviez ?

Page 1222

1 M. Kuljanin (interprétation). - Est-ce que cela pourrait être

2 au gymnase ? Je ne peux pas vraiment vous dire si c'était là. Je ne sais

3 pas où c'était. Non. C'est Boro Kuljanin et c'est Mrkajic Mihajlo. Alors

4 cela ne pouvait pas être à Konjic. Je vois Mihajlo Mrkajic, Samoukovic

5 Simo, puis Gligorevic, Jorgevic* et ici c'est moi.

6 M. Turone (interprétation). - Très bien. Monsieur le

7 Président, j'en ai terminé avec...

8 M. Kuljanin (interprétation). - Excusez-moi, je leur ai

9 demandé de pouvoir prendre cette casquette avec moi pour pouvoir la

10 porter, étant donné les blessures que j'avais à la tête. On m'a donné la

11 permission. Ici c'est Milan Dordic qui était le plus vieux au camp. Il

12 avait 73 ans à ce moment-là.

13 M. Turone (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions.

14 M. Jan (interprétation). - Cette bande vidéo a été tournée le

15 20 août. C'est la date qui apparaît sur la bande. Or le formulaire de

16 libération est datée du 19 août. Donc la bande doit avoir été tournée

17 après que le témoin ait été relâché. L'ordre de libération date du

18 19 août, et la bande a été faite le 20 août.

19 M. Turone (interprétation). - Oui. J'avais posé cette

20 question, mais je n'ai pas eu de réponse très précise.

21 M. le Président (interprétation). - Cela dépend de la question

22 de savoir s'il a effectivement quitté le camp à la date où a été signé le

23 formulaire de libération.

24 M. Turone (interprétation). - A cette question, le témoin a

25 répondu qu'il n'était pas sûr du moment.

Page 1223

1 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des questions.

2 Mme Odio-Benito (interprétation). - Monsieur Kuljanin, hier

3 vous avez dit au Tribunal que le jour de votre arrestation, il y avait un

4 groupe de femmes et d'enfants. Cela se passait à Bradina ?

5 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, à Bradina.

6 Mme Odio-Benito (interprétation). - Pourriez-vous dire au

7 Tribunal, si vous le savez, où ce groupe a été amené, ce groupe de femmes

8 et d'enfants ?

9 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, je peux vous le dire. Le

10 tri a été fait au carrefour. Les femmes et les enfants d'un côté, nous

11 étions sur la route qui allait vers Konjic. Les femmes et les enfants se

12 trouvaient à notre droite et ils ont été emmenés à l'école primaire de

13 Bradina. C'est là que les enfants et les femmes ont été emmenés.

14 Mon père était là aussi. Pour moi, c'était très important. Mon

15 père avait 85 ans. Il avait été battu et il a souffert pendant deux jours,

16 puis il est mort. Je ne sais pas s'il y avait un soldat, mais j'ai dit que

17 tout allait être détruit. C'est effectivement ce qui s'est passé.

18 Ce même jour, le 26, plus de vingt personnes ont été tuées

19 dans ce hameau, dans ce village. Au moment où je suis sorti du camp,

20 60 personnes de Bradina étaient mortes entre-temps. C'est ce que je sais.

21 Je n'ai pas été témoin oculaire, mais je ne suis pas fou non plus. Les

22 survivants ont eu des contacts, se sont rencontrés. C'est de cette façon-

23 là que nous avons pu apprendre toutes ces choses.

24 Il y a une fosse commune près de l'église à Bradina où 17 ou

25 18 personnes sont enterrées. Je ne sais pas ce qui est arrivé à cette

Page 1224

1 fosse commune. J'ignore si elle existe encore ou pas. D'autres ont été

2 enterrés dans le même cimetière. Je ne sais pas comment sont les lieux

3 maintenant. Je n'en sais rien.

4 Mme Odio-Benito (interprétation). - Merci. Merci. Donc ces

5 femmes et ces enfants ont aussi été arrêtés et maltraités ? Est-ce cela

6 qui s'est passé ?

7 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. Ils ont dû subir

8 différentes choses. Les femmes et les filles ont été emmenées pendant la

9 nuit.

10 Encore une fois, c'est ce que l'on a pu apprendre après,

11 lorsque nous en avons parlé. Je n'ai pas été témoin oculaire puisque

12 j'étais amené au camp de Celebici et à Konjic.

13 Autre chose encore, plusieurs maisons sont restées debout

14 jusqu'au 12 juillet. Là, une nouvelle opération a été lancée. Tout a été

15 rasé alors que nous étions encore au camp. Certains disaient qu'on nous

16 autoriserait à rentrer dans nos maisons, à retrouver nos biens, mais

17 certains ne le voulaient pas. Certains n'ont pas voulu que nous rentrions

18 chez nous. Ils ont donc terminé le travail le 12 ou le 13 juillet.

19 C'est à ce moment-là que mon père, qui était resté à la maison

20 avec ma femme, ma belle-fille et mes petits-enfants, c'est à ce moment-là

21 qu'il a été tué alors qu'il avait 84 ans.

22 Mme Odio-Benito (interprétation). - Merci.

23 M. le Président (interprétation). - Nous allons procéder au

24 contre-interrogatoire. Il ne reste que dix minutes avant l'heure du

25 déjeuner.

Page 1225

1 M. Greaves (interprétation). - Je peux d'ores et déjà vous

2 dire que je n'ai pas de questions à poser à ce témoin. Ce sera donc

3 l'avocat de la défense suivant qui répondra à votre question.

4 M. Moran (interprétation). - Je crois que c'est mon tour et

5 je m'en remets au bon vouloir du Tribunal. Nous pouvons procéder à la

6 pause un peu plus tôt ou je peux aussi commencer mes questions maintenant,

7 pour m'interrompre plus tard.

8 M. Jan (interprétation). - Etes-vous vous d'accord sur

9 l'ordre dans lequel le contre-interrogatoire va se faire ?

10 M. Moran (interprétation). - L'ordre a été fixé. Ce sera

11 d'abord la défense de M. Mucic, ensuite celle de M. Delic, ensuite celle

12 de M. Landzo et enfin celle de M. Delalic.

13 M. le Président (interprétation). - Oui.

14 M. Moran (interprétation). - Monsieur Kuljanin, je m'appelle

15 Thomas Moran, je suis avocat de la défense pour M. Delic. Je voudrais vous

16 poser quelques questions. Si vous ne comprendrez pas la question,

17 interrompez-moi pour que je reformule cette question. Je vous invite à

18 écouter ma question et à y répondre simplement.

19 Tout d'abord, à entendre votre déposition d'hier et d'avant

20 d'hier, peut-on dire qu'entre votre arrestation et votre arrivée au camp

21 de Celebici, c'est alors que vous avez subi les mauvais traitements les

22 plus graves ? Est-ce exact ?

23 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, c'est exact.

24 M. Moran (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé au camp

25 de Celebici, s'il y a eu mauvais traitements, ils ont été beaucoup moins

Page 1226

1 graves qu'avant votre arrivée au camp, n'est-ce pas ?

2 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. Oui c'est exact. Oui,

3 beaucoup moins graves, mais j'ai souffert des conséquences des blessures

4 que j'ai subies en allant vers Celebici.

5 M. Moran (interprétation). - Oui, j'y arriverai dans un

6 instant, si vous me le permettez. J'y reviendrai.

7 Vous avez dit avoir voulu vous suicider avec un clou. Vous

8 vous rappelez avoir dit cela hier ?

9 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

10 M. Moran (interprétation). - C'est à la suite de mauvais

11 traitements que vous ont infligés d'autres, avant votre arrivée au camp,

12 que vous avez songé à vous suicider n'est-ce pas ?

13 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, en route vers le camp.

14 M. Moran (interprétation). - Sur la base de ce que vous avez

15 vu au camp de Celebici, pendant que vous étiez au tunnel et au hangar,

16 est-il juste de dire qu'il en ressort un grand manque d'organisation de la

17 part du personnel du camp ?

18 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, parce que pour ce que

19 j'ai pu voir, chacun était laissé livré à lui-même. Il semble qu'il n'y

20 ait pas suffisamment de commandement pour que les gens qui étaient là

21 puissent faire ce qu'ils avaient à faire. Je pense que les êtres humains

22 n'étaient pas respectés. Chacun voulait simplement survivre. Tout d'un

23 coup, il n'y avait plus aucune dignité au sein de ce groupe.

24 M. Moran (interprétation). - Est-il exact de dire que le

25 camp de Celebici n'était pas en fait conçu pour la détention de

Page 1227

1 prisonniers ?

2 M. Kuljanin (interprétation). - Je n'en sais rien. Quelqu'un

3 l'a voulu, cela ne fait pas de doute. Nous avons été amenés au camp et en

4 route vers le camp, je ne connaissais même pas encore son existence. Je

5 pensais que nous allions aller ailleurs, que cela se passerait autrement.

6 Je ne sais pas. Peut-être que cela aurait même été mieux.

7 Quand je suis sorti du groupe pour remettre mon revolver,

8 peut-être aurait-il mieux valu que je meure là. Mais Dieu ne l'a pas voulu

9 ainsi.

10 M. Moran (interprétation). - Ce qui m'intéresse, c'est de

11 savoir si le camp de Celebici était au départ conçu pour détenir des

12 prisonniers ou s'il a été adapté à cette fin, bien qu'il n'ait pas été

13 conçu pour cela au départ. Peut-on dire cela ?

14 M. Kuljanin (interprétation). - Les installations n'ont pas

15 été construites à cette fin, mais c'est quand même à cette fin qu'on les a

16 finalement utilisées. C'est établi.

17 M. Moran (interprétation). - Oui, c'est vrai. Mais par

18 exemple il n'y avait pas de plomberie installée au hangar n° 6, n'est-ce

19 pas ?

20 M. Kuljanin (interprétation). - Non.

21 M. Moran (interprétation). - Donc s'il fallait de l'eau, si

22 quelqu'un voulait boire, il fallait aller chercher l'eau, n'est-ce pas ?

23 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, c'est ce que j'ai dit. On

24 ne s'occupait pas de la survie des gens qui étaient là. C'est ce que j'ai

25 pu conclure de ce que j'ai vu, après avoir survécu à tout cela. Il n'y

Page 1228

1 avait pas d'hygiène. On ne pouvait pas changer de vêtements, ni se laver.

2 On mangeait tous avec la même cuiller, 24 personnes mangeaient avec la

3 même cuillers. On utilisait cette cuiller à tout de rôle, etc.

4 M. Moran (interprétation). - Oui, je comprends bien.

5 M. Kuljanin (interprétation). - L'eau manquait, on ne pouvait

6 pas se laver, .

7 M. Moran (interprétation). - Mais l'eau potable manquait dans

8 toute la région, n'est-ce pas, étant donné la situation de guerre ?

9 M. Kuljanin (interprétation). - Non. Pour autant que je sache,

10 il y avait suffisamment d'eau dans les puits. Il y avait de l'eau dans les

11 puits. Mais c'était un gros problème que d'en obtenir. On aurait tout

12 donné pour recevoir de l'eau, mais on n'avait pas accès à l'eau ni pour

13 boire ni pour se laver. Bien sûr boire, c'était l'essentiel.

14 M. Moran (interprétation). - Hier ou ce matin, vous avez dit

15 que des gens amenaient de l'eau dans des seaux, parfois dans d'autres

16 récipients métalliques. On vous amenait de l'eau au hangar n° 6 de façon

17 assez régulière, n'est-ce pas ?

18 M. Kuljanin (interprétation). - Non, pas vraiment de façon

19 régulière. La demande était telle qu'il aurait fallu amener de l'eau

20 constamment.

21 M. le Président (interprétation). - Nous allons procéder à

22 l'interruption et vous pourrez poursuivre le contre-interrogatoire après

23 le déjeuner.

24 L'audience est suspendue, nous nous retrouverons à

25 14 heures 30.

Page 1229

1 L'audience est suspendue à 13 heures

2 L'audience est reprise à 14 heures 30.

3

4 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames et

5 Messieurs. Nous avons deux points à régler avant de reprendre l'audition

6 du témoin : la question de la sécurité et du confort des accusés.

7 Nous sommes convenus que nous devrions avoir des poses de

8 30 minutes de façon à créer les conditions pour que les accusés puissent

9 être amenés par les gardes.

10 Et puis, il y a un aspect, peut-être un peu plus difficile,

11 qui est que la sécurité néerlandaise ne peut pas régler le problème tout

12 de suite. Elle devra le faire plus tard. Le greffe s'en occupera et verra

13 avec la sécurité néerlandaise. Je crois tout de même que, dans les

14 30 minutes en question, vous devriez avoir suffisamment de temps pour

15 contacter vos accusés et discuter avec eux.

16 Le deuxième point concerne cette brève décision, dont nous

17 avons dit que nous allions donner lecture, au sujet de la requête de ce

18 matin, afin de savoir comment procéder, notamment en ce qui concerne le

19 contre-interrogatoire qui se poursuivra ensuite.

20 Je vous donne lecture de la requête VI concernant la demande

21 faite par les conseils de la défense de Landzo qui donne lieu à la

22 décision suivante : "L’article 85 stipule qu’un témoin peut, après son

23 interrogatoire principal, faire l'objet d'un contre-interrogatoire et d'un

24 interrogatoire supplémentaire".

25 Bien entendu, il faut prendre en compte les points A et B de

Page 1230

1 l’article 85 de notre règlement. Notre conseil a dit que l'interprétation

2 faite par la Chambre n'est pas identique aux procédures en vigueur dans

3 les cours pénales des Etats-Unis et d’Ecosse. Il a été stipulé que le

4 comportement de la présente Chambre d'instance est en contradiction avec

5 les droits des accusés et enfreint la possibilité de procès équitable.

6 Les conseils s'appuient sur les dispositions de l'article 14

7 du statut du Tribunal. Nous disons que les accusés ont le droit d'être

8 interrogés et contre-interrogés en présence du témoin. Il est également

9 stipulé qu'il y a contradiction entre la pratique de la présente Chambre

10 d'instance et les pratiques qui ont été mises en oeuvre pendant le procès

11 Tadic.

12 Cette requête d'un conseil de la défense a été appuyée par les

13 autres conseils de la défense, hormis le conseil de Mucic, le deuxième

14 accusé.

15 Nous allons maintenant lire un résumé de la décision qui doit

16 encore être mise noir sur blanc. Ce sera fait ultérieurement, mais nous

17 donnons lecture d'un résumé de façon que nous sachions comment procéder.

18 Dans le cadre de l'administration de la justice, lorsqu'un

19 règlement existe, chacun dans le prétoire est soumis à l'application des

20 articles de ce règlement. Il y a possibilité d'interprétation, mais il est

21 rare que l'on puisse s'écarter du sens accordé à cet article, c'est en

22 général dangereux.

23 Il est manifeste qu'il est plus facile de savoir comment

24 procéder lorsqu'un article du règlement est clair. Si ce n'est pas le cas,

25 s'il est ambigu, il faut qu’il se voie conférer un sens plus clair afin

Page 1231

1 qu’il devienne un article du règlement dont on ne s’écarte pas.

2 L’article 85 comporte deux paragraphes; le paragraphe A et le

3 paragraphe B, la partie la plus pertinente se trouvant au paragraphe B. Au

4 paragraphe A, il est question de l'ordre de présentation des moyens de

5 preuve. Le paragraphe B s’intéresse à l'interrogatoire des témoins. Chacun

6 de ces paragraphes est un tout en soi et n'a pas besoin d'être paraphrasé

7 pour être mis en oeuvre.

8 L'ordre de présentation des moyens de preuve est énuméré dans

9 les alinéas 1 à 5 et le contenu du paragraphe B est un tout en soi. Le

10 Tribunal a toujours exercé son pouvoir discrétionnaire dans l'intérêt de

11 la justice. En cas d'interrogatoires supplémentaires, les juges peuvent

12 statuer dans l'intérêt de la justice.

13 La Chambre d'instance n'est pas d'accord avec le fait de dire

14 que les pratiques des Etats-Unis, du Canada et de l’Ecosse permettent un

15 nouveau contre-interrogatoire de façon générale.

16 Nous sommes au courant, cela étant, qu'un certain nombre de

17 procès se sont déroulés, qui permettent des exceptions. L'article 85 B,

18 dans le cadre du contre-interrogatoire, peut permettre une interprétation.

19 Nous respecterons cette réalité. Donc, je crois que nous allons procéder

20 de la sorte.

21 Nous entendrons un interrogatoire principal, un contre-

22 interrogatoire et un interrogatoire principal supplémentaire et, dans

23 l'intérêt de la justice, si la nécessité d'un contre-interrogatoire

24 supplémentaire apparaît nettement, nous l'autoriserons.

25 Maintenant, je crois que nous pouvons demander qu'on fasse

Page 1232

1 entrer le témoin et entendre la suite du contre-interrogatoire.

2 Mme McMurrey (interprétation). - J'ai produit la bande vidéo

3 que nous avons vue hier pendant le contre-interrogatoire de M. Gotovac. Je

4 crois que cette vidéo a été enregistrée.

5 J'aimerais maintenant en demander le versement au dossier. Il

6 s'agit de la vidéo que nous avons vue hier pendant l'audience.

7 M. Jan (interprétation). - (hors micro.)

8 Mme McMurrey (interprétation). - Cela a été enregistré comme

9 vidéo I 46 hier, initialement. Il faut une nouvelle cote maintenant.

10 M. Jan (interprétation). - (hors micro)

11 Mme McMurrey (interprétation). - Oui. La pièce est-elle versée

12 au dossier ? Merci.

13 M. Turone (interprétation). - Que voulez-vous dire ?

14 M. Jan (interprétation). - (hors micro).

15 M. Turone (interprétation). - Non, non, Monsieur le Juge; il

16 n'a reconnu que la signature. Le contenu n'est pas concerné.

17 M. Jan (interprétation). - Merci beaucoup.

18 M. le Président (interprétation). - Veuillez informer le

19 témoin qu'il témoigne toujours sous serment, je vous prie.

20 M. le Greffier (en français). - Je vous rappelle que vous

21 témoignez toujours sous serment.

22 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

23 M. Jan (interprétation). - Ne pensez-vous pas que ce serait

24 plus pratique pour vous de vous rendre au pupitre ? Nous vous verrons

25 mieux.

Page 1233

1 M. Moran (interprétation). - C’est ce que je m'apprêtais à

2 faire.

3 Monsieur le Président, avant le déjeuner, nous discutions des

4 conditions en vigueur dans le camp de Celebici et le fait, notamment; que

5 ce camp n'en était pas un au départ et a été reconfiguré pour le devenir.

6 Vous souvenez-vous de cela ?

7 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, je me souviens. Mais de

8 mon point de vue, c'était un centre militaire. Cela étant, pour autant que

9 je le sache à l'époque, il y avait d'abord un certain nombre de soldats

10 sur place. Ils sont ensuite partis. Au départ; ils allaient à Grude, ils

11 recevaient de la nourriture ou quelque chose comme cela. Ensuite, ils ne

12 se sont plus trouvés là. Quelqu'un les a sans doute fait partir pour une

13 raison ou pour une autre. C'est ainsi que je vois les choses. C'était

14 avant la guerre.

15 M. Moran (interprétation). - En ce qui concerne les soins

16 médicaux, vous rappelez-vous ce que vous avez dit dans votre déposition, à

17 savoir que le lendemain de votre arrivée, lorsque vous avez été amené dans

18 le tunnel, vous avez reçu des soins médicaux. Vous rappelez-vous de cela ?

19 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, mais cela ne m'a pas aidé

20 du tout. Ce n'était pas vraiment des soins. On m'a mis du sparadrap sur

21 deux blessures assez importantes que j'avais à la tête, des coupures, on

22 m'a recouvert ces plaies, mais on n'a mis aucun produit sur elles, ni

23 donné aucun médicament. C'est pour cela qu'après, comme je vous l’ai dit,

24 j'ai demandé de porter cette casquette que j'avais trouvée.

25 M. Moran (interprétation). - Oui Monsieur, je comprends. A la

Page 1234

1 fin du mois de mai, et au début du mois de juin, lorsque vous étiez dans

2 le camp, n'avaient-ils pas encore installé d’infirmerie ?

3 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne suis pas au courant pour

4 cette infirmerie. Je suis rentré dans ce bâtiment un matin. C'était je ne

5 sais pas exactement quoi. Je pense que c'était le commandement principal.

6 C'est là que j'ai reçu ces sparadraps. Mais je ne suis pas au courant de

7 l'existence d'une infirmerie.

8 M. Moran (interprétation). - Oui Monsieur. Il n'y avait pas

9 assez d'équipement. Les couvertures, par exemple, vous vous souvenez que

10 certains avaient une couverture, d'autres n'en avaient pas. Vous vous

11 souvenez l'avoir dit dans votre déposition.

12 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

13 M. Moran (interprétation). - Vous vous rappelez qu'un homme,

14 que vous avez identifié comme étant Hazim Delic, a ramassé les couvertures

15 et les a coupées en plusieurs morceaux pour que chacun ait une petite

16 couverture.

17 Vous rappelez-vous avoir dit cela ?

18 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, je me le rappelle bien.

19 De Bradina, nous sommes arrivés sans rien sur nous pratiquement. Nous

20 n'avions pas de manteau, pas de chapeau et, bien entendu, pas de

21 couverture. Je sais que cet homme se trouvait là effectivement. C'est ce

22 qu'il a fait.

23 M. Moran (interprétation). - C'est l'homme qui portait des

24 béquilles; n'est-ce pas ?

25 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, oui.

Page 1235

1 M. Moran (interprétation). - Au fait, pendant qu'il avait des

2 béquilles pouvait-il se déplacer facilement un peu partout ou semblait-il

3 avoir des difficultés à se déplacer à cause d'une blessure ?

4 M. Kuljanin (interprétation). - Eh bien, je ne sais pas

5 exactement. Il avait peut-être un peu de difficulté. Mais je ne sais pas

6 exactement. Je ne sais pas de quoi il était question exactement, quelle

7 était la cause de cela. Mais il avait un bandage sur la jambe.

8 M. Moran (interprétation). - Pendant votre séjour à Celebici,

9 y a-t-il eu un bombardement, un pilonnage contre le camp ou la région ?

10 M. Kuljanin (interprétation). - Non.

11 M. Moran (interprétation). - Et pendant votre séjour dans la

12 salle de sport, à Musala; y a-t-il eu un pilonnage ?

13 M. Kuljanin (interprétation). - Là-bas; oui, il y en a eu. Je

14 me trouvais dans ce centre sportif au moment où deux obus sont tombés, qui

15 ont touché 13 personnes dans le gymnase. Que s'est il passé exactement ?

16 Je ne sais pas.

17 M. Moran (interprétation). - Mais c'était un endroit où il

18 était dangereux de se trouver, parce que le gymnase était au milieu de la

19 zone de guerre, n'est-ce pas ?

20 M. Kuljanin (interprétation). - Que puis-je vous dire ?

21 Dangereux, bien sûr que cela l’était Chaque fois que l'on tire quelque

22 part des coups de feu, c'est dangereux. Il n'y avait aucune sécurité pour

23 autant que j'ai pu le voir. Il y avait des vitres en haut et l'obus est

24 très facilement rentré à l'intérieur. Il a frappé le mur, celui-ci s'est

25 écroulé et c'est à cause de cela que pas mal de personnes sont mortes. Cet

Page 1236

1 écroulement du mur a fait plus de morts que l'obus lui-même.

2 M. Moran (interprétation). - J'ai encore quelques questions à

3 vous poser, Monsieur, et ensuite j'en aurai terminé. Avant le début du

4 contre-interrogatoire, un juge vous a posé des questions au sujet des

5 femmes et des enfants qui ont été arrêtés et amenés en même temps que

6 vous. Vous rappelez-vous de cela ?

7 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

8 M. Moran (interprétation). - Ces femmes et ces enfants n'ont

9 jamais été amenés à Celebici, n'est-ce pas ?

10 M. Kuljanin (interprétation). - Certains ont été amenés à

11 Celebici, ou plutôt à Konjic. J'en ai vu quelques-uns que je connaissais

12 là-bas. Ils ont été placés dans la pièce numéro 1, il y en avait, je ne

13 sais pas exactement, cinq ou six. Ensuite, ils ont été relâchés.

14 M. Moran (interprétation). - Vous parlez bien de Konjic et

15 pas de Celebici, n'est-ce pas ?

16 M. Kuljanin (interprétation). - Je les ai vus à Konjic. A

17 Celebici, s'il y en avait, je ne les ai pas vus et je n'ai pas été au

18 courant, puisque je n'y ai passé que peu de temps.

19 M. Moran (interprétation). - Monsieur, je vais maintenant

20 vous poser quelques questions portant sur un autre domaine. Mais avant de

21 commencer, je vous dirai tout de suite que je n'ai pas besoin de savoir

22 exactement où vous résidez. Mais j’ai lu dans un document qu'aujourd'hui

23 vous habitiez aux Etats-Unis. Est-ce exact ?.

24 M. le Président (interprétation). - Voulez-vous déjà qu'il

25 réponde à cette question ?

Page 1237

1 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, la

2 question suivante visera à savoir si un représentant du tribunal de

3 l'accusation ou d'une autre division l’a aidé à obtenir son visa. C'est la

4 raison pour laquelle je pose cette question.

5 M. le Président (interprétation). - Je n'en vois pas la

6 nécessité. C'est un témoin protégé, d'après ce que l'accusation a dit.

7 M. Moran (interprétation). - C'est pourquoi j'ai dit que je

8 n'allais pas demander d'autres détails. Si vous pensez que c'est aller

9 trop loin ?...

10 M. le Président (interprétation). - Oui, je crois que c'est

11 aller trop loin.

12 M. Moran (interprétation). - Merci beaucoup, je ne souhaite

13 pas parler de cela.

14 M. le Président (interprétation). - Quel est le conseil qui

15 s'exprime maintenant ? Je vous en prie maître. Le témoin est à vous.

16 Mme McMurrey (interprétation). - Je peux poursuivre ?

17 M. le Président (interprétation). - Oui, vous le pouvez.

18 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Bonjour, monsieur

19 Kuljanin. Si le Tribunal m'y autorise, je voudrais vous dire que cela nous

20 a fait beaucoup de bien d'entendre un témoin qui répondait exactement aux

21 questions qui lui étaient posées de façon précise et je vous en remercie.

22 M. Kuljanin (interprétation). - Merci.

23 Mme McMurrey (interprétation). - J'ai uniquement quelques

24 questions à vous poser à des fins d'éclaircissements, monsieur Kuljanin.

25 Vous avez déclaré que les pires tortures, les pires passages à tabac que

Page 1238

1 vous avez subis se sont produits pendant le trajet de Bradina au tunnel.

2 Je tiens à ce que les choses soient claires. Lorsque vous parlez de ce

3 tunnel, il s'agit d'un tunnel routier qui se trouve sur la route qui part

4 de Bradina. Ce n'est pas le tunnel n° 9, n'est-ce pas ?

5 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, c'est le premier tunnel

6 dans lequel se sont engagés les camions. Il faisait nuit. C'est pendant le

7 trajet qui nous menait à Celebici. C'est au cours de cette nuit-là que

8 j'ai vécu les pires moments.

9 Mme McMurrey (interprétation). - Oui, je comprends ce que vous

10 avez dit. Je compatis. Merci beaucoup.

11 Vous avez déclaré également qu'il n'existait pas de toilette

12 en bonne et due forme à Celebici, mais vous avez dit qu'un seau était

13 fourni dans le hangar n° 6 pour la nuit et qu'il était vidé pendant la

14 journée. Est-ce bien cela ?

15 M. Kuljanin (interprétation). - Non. Moi je ne suis pas au

16 courant de l'existence de ce seau. Pendant que je me trouvais dans les

17 lieux, il n'y en avait pas. Après, je ne sais pas, avant non plus, mais

18 pendant mon séjour il n'y en avait pas.

19 Mme McMurrey (interprétation). - Bien, merci.

20 De tous les prisonniers de Gornja Bradina dont vous avez

21 parlé, vous avez dit qu'ils avaient reçu des blessures avant leur arrivée

22 à Celebici, n'est-ce pas ?

23 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, sur cette même route, de

24 Bradina à Celebici. A leur arrivée à Celebici, nous nous étions à

25 l'intérieur du hangar n° 9 et nous avons pu entendre les mauvais moments

Page 1239

1 qu'ils passaient à l'extérieur. Je vous ai dit que je n'ai rien pu voir

2 puisque je me trouvais à l'intérieur. Mais j'ai entendu les cris, les

3 voix. Donc je ne dis pas que nous avons pu voir quoi que ce soit, mais

4 nous avons entendu.

5 Mme McMurrey (interprétation). - Merci beaucoup. Vous avez

6 déclaré -je vous en parle pour être tout à fait sûre de vous avoir bien

7 compris- que vous n'aviez reconnu aucun des gardes de Celebici, n'est-ce

8 pas ?

9 M. Kuljanin (interprétation). - Eh bien non, et c'est ce que

10 je continue à dire.

11 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Vous avez déclaré

12 également, je crois, que ces gardiens donnaient l'impression de remplir

13 les missions qui leur avaient été confiées, n'est-ce pas ?

14 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne sais pas. Peut-être

15 était-ce le cas. J'ai déjà dit tout à l'heure qu'au début, dans les

16 premiers temps, j'avais aussi l'impression que chacun faisait un peu ce

17 qu'il voulait. Quelqu'un pouvait-il empêcher qui que ce soit de faire

18 telle ou telle chose ? Je ne sais pas, je ne l'ai pas constaté. J'ai eu

19 l'impression que chacun faisait ce qui lui convenait, ce qu'il voulait

20 faire, qu'il s'agisse de civils ou autres.

21 Mme McMurrey (interprétation). - Donc êtes-vous en train de

22 dire qu'il y avait des civils ce soir-là ? Je parle du 27 mai. Etes-vous

23 au courant de cela ? Excusez-moi, je vais reformuler ma question. Je

24 retire cette question en fait.

25 L'accusation a versé au dossier la pièce à conviction n° 83,

Page 1240

1 c'est-à-dire la déclaration que vous avez faite à Celebici le 2 juin 1992.

2 Est-ce bien exact ?

3 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, mais il y a là-dedans des

4 choses avec lesquelles je ne suis pas d'accord. Je ne suis pas d'accord

5 pour qu'il soit dit que je suis allé là-bas, que j'ai été arrêté là-bas,

6 en bas. Je considère qu'on est prisonnier s'il y a des combats, si on

7 participe à des combats, à une guerre, à quelque chose. Nous avons été

8 arrêtés en tant que civils.

9 Mme McMurrey (interprétation). - J'allais, à titre

10 d'éclaircissement, vous posez une question supplémentaire. Vous avez

11 résumé votre avis au sujet des inexactitudes du texte. Vous avez dit que

12 vous n'étiez pas en train de procéder à une inspection, mais que vous

13 alliez, je crois, travailler, labourer votre terre.

14 Vous avez dit également que vous n'avez jamais dit que

15 M. Ajanovic était présent, n'est-ce pas ?

16 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, c'est exact. On m'a dit

17 qu'il fallait aller voir le commandant et on m'a dit que Zovko Bonko*

18 était le commandant, l'homme le plus important là-bas.

19 Mme McMurrey (interprétation). - Hormis le fait qu'il est

20 stipulé que vous étiez en inspection, que vous aviez un fusil et que vous

21 étiez avec M. Ajanovic -j'ai oublié le terme que vous avez utilisé-, et

22 que vous avez été capturés, hormis ces faits, la déclaration est assez

23 exacte, assez fidèle, n'est-ce pas ?

24 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, oui. Mais je répète que

25 je n'ai pas été fait prisonnier de guerre. On sait ce qu'est un prisonnier

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1 de guerre. Il faut participer au combat. C'est ce que je voulais dire.

2 Mme McMurrey (interprétation). - Merci, Monsieur. Je suis

3 d'accord avec vous. Je crois que nous sommes donc d'accord avec ce qui a

4 été dit. Merci.

5 A titre d'éclaircissement, votre père n'a pas été passé à

6 tabac le 26 mai, n'est-ce pas ? Il a été passé à tabac, le 12 juillet,

7 après que des membres de la police militaire se soient fait tuer aux

8 abords de votre village, n'est-ce pas ?

9 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. Oui, oui, oui, c'est

10 cela. Je n'ai pas mentionné ce fait, mais c'est exact. Il y avait ces

11 policiers qui venaient de temps en temps dans la salle de sport et qui

12 nous parlaient. Ils nous disaient : "Nous allons bientôt vous faire

13 retourner chez vous, sur votre terre, dans vos maisons".

14 Mais le 12 ou le 13 juillet, tout a été nettoyé. Tout était

15 nettoyé dans la municipalité de Konjic, à Bradina. Peut-être restait-il

16 encore quelques vieillards mais tout était nettoyé. La vie a disparu parce

17 que cela ne convenait pas à certaines personnes.

18 Mme McMurrey (interprétation). - Serait-il fidèle à la réalité

19 de dire que la population a réagi après l'assassinat de ces membres de la

20 police militaire et que c'est la raison pour laquelle Bradina a été

21 choisie pour être mise à feu, le 12 juillet, est-ce exact, alors que

22 d'autres villages n'ont pas été incendiés ?

23 M. Kuljanin (interprétation). - Je n'ai pas bien compris votre

24 question, je vous prie de m'excuser.

25 Mme McMurrey (interprétation). - Bradina a été incendiée et

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1 complètement rasée ou, pour être plus précis, votre quartier Suljina

2 strana, n'est-ce pas ? Et cela s'est passé après le 12 juillet, date de

3 l'assassinat de certains membres de la police militaire aux abords de

4 votre village, n'est-ce pas ? Aucun des autres villages, Bijelovcina,

5 Gordci, aucun autre village n'a été rasé, simplement le village aux abords

6 duquel les membres de la police militaire s'étaient faits tuer, n'est-ce

7 pas ?

8 M. le Président (interprétation). - Etes-vous en train

9 d'essayer de lui demander de vous dire quelle est la raison pour laquelle

10 Bradina a été rasée ?

11 Mme McMurrey (interprétation). - Oui, j'essayais.

12 M. le Président (interprétation). - Vous voulez qu'il vous

13 dise cela ?

14 Mme McMurrey (interprétation). - Je lui demande s'il est au

15 courant.

16 M. Kuljanin (interprétation). - Je vais essayer de répondre à

17 cette question. Je sais que quelque chose s'est passé. Après le 26, il

18 reste encore quelques maisons debout, quelques rares maisons. Ce jour-là,

19 quand ces policiers sont morts là-haut, j'ai demandé si quelqu'un savait

20 qui a provoqué leur mort. Moi, je demande : est-ce que quelqu'un sait qui

21 a provoqué leur mort ? Est-ce que vous, vous savez quelque chose à ce

22 sujet ? Qui a provoqué leur mort ?

23 Mme McMurrey (interprétation). - Je ne sais pas qui les a

24 tués, mais n'y avait-il pas une impression populaire que c'étaient les

25 Serbes qui l'avaient fait ? Beaucoup semblaient penser que les Serbes

Page 1243

1 avaient commis ces crimes.

2 M. Kuljanin (interprétation). - Non. On savait bien qui avait

3 commis ces actes, parce que nous aurions connu des difficultés bien plus

4 grandes. Il n'y avait pas de Serbes. Ils l'ont fait entre eux. Je ne sais

5 pas, je le répète. Qui a commis ces actes ? Je ne le sais pas du tout.

6 Tout Konjic et tous les militaires le savaient, il s'agissait

7 de querelles ou de luttes intestines, internes. Voilà la vérité.

8 Mme McMurrey (interprétation). - Merci de l'avis que vous

9 avez. J'ignore ce qu'est la vérité puisque je n'étais pas présente, mais

10 je vous remercie. Encore quelques questions, monsieur.

11 Vous avez dit au juge qu'un garde de Celebici, surnommé Zenga,

12 avait été vu à Musala, alors qu'il portait un ceinturon blanc. Est-ce bien

13 ce que vous avez dit ?

14 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. C'est ce que j'ai dit. Je

15 l'ai vu alors qu'il passait devant. Je l'ai vu deux fois. Je ne sais pas

16 si je l'ai vu davantage.

17 Mme McMurrey (interprétation). - C'était donc à un moment

18 donné, en juillet, que vous l'avez vu passer en ceinturon blanc à Musala ?

19 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne sais pas.

20 Mme McMurrey (interprétation). - Le ceinturon blanc ne

21 signifie-t-il pas que cette personne appartient à la police militaire ?

22 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne sais pas ce que cela

23 signifiait. C'est ce que j'ai constaté.

24 Mme McMurrey (interprétation). - Vous ne connaissiez ce nom de

25 Zenga et le fait qu'il était garde de Celebici que des connaissances que

Page 1244

1 vous aviez à Musala ? Est-ce bien ce que l'on peut avancer ?

2 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. Il y avait des rumeurs à

3 son propos selon lesquelles il avait fait subir de mauvais traitements aux

4 gens.

5 Mme McMurrey (interprétation). - Mais vous, vous n'avez pas de

6 connaissance personnelle relative à une personne dénommée Zenga, n'est-ce

7 pas ?

8 M. Kuljanin (interprétation). - Non.

9 Mme McMurrey (interprétation). - J'en ai terminé. Merci,

10 Monsieur le Président.

11 M. le Président (interprétation). - Je crois que c'est le tour

12 de Me Residovic.

13 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le

14 Président. Monsieur Kuljanin, bon après-midi.

15 M. Kuljanin (interprétation). - Bon après-midi.

16 Mme Residovic (interprétation). - Vous devez bien sûr répondre

17 à toutes nos questions qui sont nombreuses. Si vous avez besoin d'une

18 interruption, faites-le moi savoir.

19 Je m'appelle Edina Residovic. Je suis conseil de la défense

20 de M. Delalic. Nous parlons tous deux la même langue, mais vous savez que

21 nos propos doivent être interprétés, ce qui peut poser des difficultés. Je

22 vous demanderai donc, à chaque que je pose une question, d'attendre la fin

23 de la question pour qu'il puisse y avoir interprétation de nos propos.

24 J'attendrai un peu après votre réponse pour poser ma question suivante. Je

25 crois que nous sommes d'accord.

Page 1245

1 Permettez-moi de vous poser quelques questions d'ordre

2 général. Puisque vous êtes né dans la région de Konjic, vous connaissez

3 sans doute le contexte. Vous êtes conscient des événements qui se sont

4 déroulés au printemps 1992. C'est sur cela que je vais me concentrer, si

5 vous me le permettez.

6 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne suis pas né à Konjic en

7 fait, où j'ai passé toute ma vie professionnelle, mais plutôt à Sarajevo.

8 Je connaissais plus de monde à Sarajevo qu'à Konjic. C'est un peu le

9 problème. Mais je connaissais quand même certaines personnes. Elles

10 n'étaient pas nombreuses.

11 Mme Residovic (interprétation). - Je suis contente parce que

12 mon père aussi était un cheminot, nous avons donc quelque chose en commun.

13 Vous connaissez quand même les événements du printemps 1992. Me

14 permettrez-vous de vous poser quelques questions à leur propos.

15 Monsieur Kuljanin, vous avez fait une déclaration pour

16 l'accusation le 23 février 1996 aux Etats-Unis.

17 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, approximativement à ce

18 moment-là.

19 Mme Residovic (interprétation). - On vous a dit à l'époque que

20 cette déclaration serait éventuellement utilisée dans le cadre du Tribunal

21 de La Haye ?

22 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

23 Mme Residovic (interprétation). - Et vous avez confirmé que la

24 teneur de la déclaration était fidèle à vos propos ?

25 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. Il y a peut-être eu

Page 1246

1 quelques modifications, mais j'essaie toujours de dire la vérité. Je dis

2 ce que je pense devoir dire. Je n'ai de cesse de le dire, si vraiment nous

3 n'avions pas dû nous rencontrer ici, dans de telles circonstances, tout

4 aurait été très différent. Notre sort serait différent. Mais voilà le sort

5 et les événements en ont voulu ainsi. Merci.

6 Mme Residovic (interprétation). - Aujourd'hui encore, vous

7 avez confirmé devant cette Cour que vous aviez effectivement fait une

8 déclaration à Celebici, le 2 juin, et vous avez reconnu votre signature au

9 bas de cette déclaration. Vous avez émis quelques objections quant à la

10 teneur de la déclaration. Après votre arrivée à La Haye, avez-vous parlé

11 avec un quelconque des représentants de l'accusation ou du bureau du

12 procureur ?

13 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

14 Mme Residovic (interprétation). - A cette occasion, vous a-t-

15 il été dit que l'accusation avait en sa possession votre déclaration de

16 Celebici ?

17 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

18 Mme Residovic (interprétation). - Et c'est de cette façon que

19 vous vous êtes souvenu de ce que vous aviez dit à Celebici ?

20 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

21 Mme Residovic (interprétation). - C'est la raison pour

22 laquelle aujourd'hui vous vous êtes souvenu du fusil que vous aviez remis

23 aux personnes de Repovci*, qui vous avait été remis même par Slobodan

24 Kuljanin ?

25 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. C'étaient en fait déjà

Page 1247

1 des provocations à l'époque. Parce que ces personnes sont tous simplement

2 venues, nous ont encerclés quand nous étions aux champs. Il fallait

3 remettre les armes. Je n'ai pas opposé de résistance. Je ne voulais pas

4 être tué sur place, sans raison.

5 Mme Residovic (interprétation). - Ce qui veut dire que, dans

6 la déclaration que vous avez faite à l'accusation, le 23 février, cette

7 déclaration ne reflétait pas la vérité quand il a été dit que vous aviez

8 acheté le fusil ?

9 M. Kuljanin (interprétation). - Acheter un fusil, je n'ai pas

10 dit cela.

11 Mme Residovic (interprétation). - Mais dans cette déclaration,

12 vous n'avez pas précisé que vous aviez obtenu les armes de Slobodan

13 Kuljanin ?

14 M. Kuljanin (interprétation). - Dans la déclaration de

15 Celebici ?

16 Mme Residovic (interprétation). - Non, je ne sais pas.

17 M. Kuljanin (interprétation). - Quand ai-je été interrogé ? Je

18 sais simplement que j'ai été interrogé et que j'avais fait une déclaration

19 à Celebici, nulle part ailleurs.

20 Mme Residovic (interprétation). - Précisons les choses. Vous

21 nous avez dit que vous aviez fait une déclaration le 23 février 1996 à

22 l'accusation. En 1996.

23 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne sais pas quoi que ce

24 soit de l'achat d'un fusil.

25 Mme Residovic (interprétation). - Vous aviez dit que vous

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1 aviez un pistolet, mais vous avez oublié de mentionner le fusil.

2 M. Kuljanin (interprétation). - A l'époque, je n'avais pas de

3 fusil. Au moment de ces événements, je n'avais pas de fusil.

4 Mme Residovic (interprétation). - Slobodan Kuljanin vous a

5 donné ce fusil avant les événements du 26.

6 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

7 Mme Residovic (interprétation). - Vous n'avez pas acheté ce

8 fusil de Slobodan Kuljanin ?

9 M. Kuljanin (interprétation). - Non

10

11 C13***

12 C13***jonction OK, relu***

13 Mme Residovic (interprétation). - Que ce soit plus précis.

14 C'est un modèle, un type de fusil, un M48 ?

15 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. Ce sont de vieux fusils

16 utilisés par l'armée et qui datent d'antan.

17 Mme Residovic (interprétation). - C'est donc un vieux fusil

18 militaire. Ce n'est pas un fusil de chasse ?

19 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, vous avez raison.

20 Mme Residovic (interprétation). - Il ne vous était pas

21 possible d'obtenir un permis ?

22 M. Kuljanin (interprétation). - Un fusil, je ne sais pas

23 d'après nos lois.

24 Mme Residovic (interprétation). - Peut-être vous pouviez

25 obtenir un permis pour une carabine ?

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1 M. Kuljanin (interprétation). - Mais je ne savais pas où

2 obtenir un tel permis à cette époque-là.

3 Mme Residovic (interprétation). - Dans votre déclaration de

4 Celebici, vous avez dit également que votre fils, Novica, avait un fusil

5 automatique.

6 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

7 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce exact ?

8 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

9 Mme Residovic (interprétation). - Il a reçu ce fusil de

10 Vujcic. Es-ce bien exact ?

11 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

12 Mme Residovic (interprétation). - Son commandant était Pietro

13 Cacic ?

14 M. Kuljanin (interprétation). - Oui.

15 Mme Residovic (interprétation). - Et son commandant de peloton

16 était Djuja*. Si vous voulez dire oui, dites oui.

17 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne sais pas s'il s'agissait

18 de commandant ou pas. Je ne pense pas des choses pareilles.

19 Mme Residovic (interprétation). - En d'autres termes, dans

20 votre déclaration à l'accusation, vous aviez dit qu'aucun des habitants de

21 Bradina n'étaient armés. Vous n'avez offert quelque résistance que ce

22 soit.

23 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne dis pas qu'il n'y avait

24 pas d'armes. En tout cas, il n'y avait pas de résistance. En effet, s'il y

25 avait eu de la résistance, il y aurait eu des blessés de part et d'autres.

Page 1250

1 Il se peut qu'un des partis au conflit soit plus fort que l'autre. En tout

2 cas il y aurait eu des blessés de part et d'autres.

3 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Kuljanin, avant la

4 guerre, vous étiez citoyen de Bosnie-Herzégovine ?

5 M. Kuljanin (interprétation). - De Yougoslavie.

6 Mme Residovic (interprétation). - Vous aviez une citoyenneté

7 double. Vous pouviez être citoyen de la République, Etat de Bosnie-

8 Herzégovine, et aussi citoyen de Yougoslavie ?

9 M. Kuljanin (interprétation). - Je croyais que vous étiez

10 yougoslave, en République de Bosnie-Herzégovine.

11 Mme Residovic (interprétation). - Si vous ne connaissez pas

12 les règles, on ne va pas en discuter, ce n'est pas nécessaire. Mais vous

13 n'avez jamais renoncé à votre citoyenneté de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce

14 pas ? Avez-vous, à un moment donné, renoncé officiellement à votre

15 citoyenneté de Bosnie-Herzégovine ? Avez-vous demandé que vous soit

16 retirée la citoyenneté ?

17 M. Kuljanin (interprétation). - Qu'entendez-vous par là ? Pour

18 moi, dans quelque que république que ce soit, vous étiez citoyen de

19 Yougoslavie. Pour moi, c'était là mon pays, que je sois en Slovénie, en

20 Macédoine ou ailleurs. Peu importe où je me trouvais, je restais citoyen.

21 Ma citoyenneté était une citoyenneté yougoslave.

22 Mme Residovic (interprétation). - C'était la mienne aussi.

23 Mais nous avions aussi la possibilité d'être républicain dans les

24 Républiques. Je ne veux pas discuter de ces règles. Je veux simplement

25 vous demander si avant mai 1992 et après mai 1992, vous avez demandé à ne

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1 plus être citoyen de Bosnie-Herzégovine ?

2 M. Kuljanin (interprétation). - A qui aurais-je pu demander

3 cela ?

4 Mme Residovic (interprétation). - Mais vous aviez la

5 citoyenneté de Bosnie-Herzégovine. Vous n'avez rien demandé à personne ?

6 M. Kuljanin (interprétation). - Non. Les conditions ne se

7 prêtaient pas à cela non plus.

8 Mme Residovic (interprétation). - Fort bien. Merci.

9 Saviez-vous qu'en avril 1992, en Bosnie-Herzégovine, il y a eu

10 proclamation d'une mobilisation ?

11 M. Kuljanin (interprétation). - De quelle modification parlez-

12 vous ?

13 Mme Residovic (interprétation). - Celle de la Bosnie-

14 Herzégovine, de la défense territoriale de la Bosnie-Herzégovine.

15 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne sais pas.

16 Mme Residovic (interprétation). - Personnellement, ou votre

17 fils plutôt, se serait-il porté volontaire pour devenir membre de la

18 défense territoriale ?

19 M. Kuljanin (interprétation). - Non. Mais j'aimerais vous

20 poser une question à vous. Je sais que c'est inusité. Si la Cour me le

21 permets, j'aimerais le faire.

22 Est-ce qu'une quelconque personne de Bosnie-Herzégovine a

23 renoncé à sa citoyenneté yougoslave ?

24 Mme Residovic (interprétation). - Je ne sais pas.

25 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne vois pas très bien de

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1 quoi on parle.

2 Mme Residovic (interprétation). - La Bosnie-Herzégovine a

3 proclamé son indépendance le 6 avril 1992, en vertu du droit

4 international. Ma question est de savoir si vous ou votre fils, Novica,

5 avez répondu à la mobilisation ?

6 M. Kuljanin (interprétation). - Qui a demandé cela ? Est-ce la

7 présidence de Bosnie-Herzégovine ? Mais il aurait fallu répondre à ma

8 question. Je suis désolé.

9 Mme McMurrey (interprétation). - Il est très difficile de

10 suivre le débat. On ne sait pas trop quand commence la question et la

11 réponse. Serait-il possible de ralentir les choses. La dernière fois, il y

12 avait une voix différente pour chaque partie. Mais là, je n'arrive plus à

13 suivre le débat. Je ne sais plus qui dit quoi.

14 M. Jan (interprétation). - (Hors micro, semble être

15 d'accord).

16 Mme Residovic (interprétation). - Merci monsieur le président.

17 Je vais ralentir le débit. Il serait peut-être utile de changer de sujet

18 tout à fait.

19 M. Kuljanin (interprétation). - C'est aussi mon avis.

20 Mme Residovic (interprétation). - Nous avons un expert ici et

21 nous pourrons continuer cette discussion par la suite. Nous ne sommes pas

22 vraiment des politiciens, nous avons d'autres choses à faire dans ce

23 cadre.

24 Monsieur Kuljanin, connaissez-vous Strahinja Zivak, connu

25 aussi sous le nom de "Strajo" ? C'est un de vos voisins de Konjic.

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1 M. Kuljanin (interprétation). - Ce serait un voisin de Konjic.

2 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous qu'à l'époque, ce

3 voisin était assez impliqué dans l'armement de la population serbe dans la

4 région ?

5 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne le savais pas.

6 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que,

7 personnellement, avant de donner le fusil automatique, il avait donné un

8 fusil semi-automatique ?

9 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne le savais pas.

10 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que Djordjic

11 était l'un des principaux organisateurs ou des chefs de gang à Bradina ?

12 M. Kuljanin (interprétation). - Pourquoi ?

13 Mme Residovic (interprétation). - Pour ce dont je parle, pour

14 le fait d'armer la population et de créer des blocs autour de Bradina.

15 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne sais pas s'il y a

16 participé, mais dans quel sens ou pourquoi parlez-vous maintenant de ces

17 blocs ou de ces barrages autour de Bradina ?

18 Mme Residovic (interprétation). - Pourriez-vous me dire si la

19 population armée de Bradina a établi des points de contrôle ou des

20 barrages et qu'il n'était pas possible de circuler librement entre Konjic

21 et Sarajevo du fait de ces barrages ?

22 M. Kuljanin (interprétation). - Je sais qu'il avait certains

23 points de contrôle, mais je ne savais rien à propos de ceux-là. Les

24 véritables barrages ont commencé au niveau des tunnels, des deux côtés des

25 deux côtés, des blocages. Là, nous avions vraiment des blocages. Lorsqu'on

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1 a fait sauter les deux tunnels, il y a eu un blocage. Je ne sais pas qui a

2 fait exploser ces tunnels.

3 Mme Residovic (interprétation). - Si quelqu'un disait que

4 depuis la mi-avril, que ce soit de Konjic à Sarajevo ou dans le sens

5 inverse, étant donné les blocages établis par les Serbes à Bradina, il

6 n'était pas possible d'emprunter la route M17, vous, vous affirmez que les

7 personnes qui disent cela disent un mensonge ?

8 M. Kuljanin (interprétation). - Non.

9 Mme Residovic (interprétation). - Si d'autres personnes -parce

10 que c'est écrit dans d'autres documents- disaient qu'après le 15 avril il

11 n'était pas possible de circuler librement à travers Bradina, à cause de

12 ce blocage ou de ce barrage routier établi par la population armée, ou de

13 la barricade, cela veut-il dire que les personnes qui affirment ces choses

14 ne disent pas la vérité ?

15 M. Kuljanin (interprétation). - Je peux simplement dire

16 qu'effectivement des barricades avaient été établies.

17 Etait-il vraiment possible d'aller à Konjic ou ailleurs ?

18 Mme Residovic (interprétation). - Pourriez-vous répondre à ma

19 question par une réponse et pas par une autre question ?

20 M. le Président (interprétation). - Le témoin est censé

21 répondre à des questions et pas en poser. Vous êtes ici pour aider le

22 Tribunal. Vous répondez aux questions et vous-même, vous n'en posez pas.

23 M. Kuljanin (interprétation). - Mais quand je réponds à

24 quelque chose, puis-je aussi moi-même poser une question ?

25 M. le Président (interprétation). - Non, vous ne posez pas de

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1 questions, mais vous répondez aux questions.

2 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne sais pas.

3 M. le Président (interprétation). - Mais c'est ainsi que cela

4 se passe ici.

5 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Kuljanin, Slobodan

6 Kuljanin vous a donné le fusil, comme on l'a déjà dit et vous a donné

7 aussi 45 balles. Est-ce exact ?

8 M. Kuljanin (interprétation). - Oui et ils ont tout pris,

9 fusil et munitions.

10 Mme Residovic (interprétation). - Pourriez-vous me dire...

11 Vous avez déclaré aujourd'hui que vous vous étiez rendu sur votre lopin de

12 terre.

13 M. Kuljanin (interprétation). - C'est ce que j'ai dit et c'est

14 vrai.

15 Mme Residovic (interprétation). - Slobodan Kuljanin vous a-t-

16 il donné ce fusil pour que vous l'emmeniez pour planter vos pommes de

17 terre ?

18 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, je l'ai emmené.

19 Mme Residovic (interprétation). - Je suppose que ce n'était

20 pas l'intention qu'avait M. Slobodan Kuljanin ?

21 M. Kuljanin (interprétation). - Je ne sais pas. Nous avions

22 déjà le sentiment qu'il se passait toutes sortes de mauvaises choses. Il y

23 avait les barricades. Les gens étaient appréhendés. Nous ne pensions pas

24 que ce serait vraiment très grave, mais nous voulions assurer notre

25 défense personnelle en portant ces armes. Nous ne voulions nullement

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1 infliger quoi que ce soit aux personnes.

2 Mme Residovic (interprétation). - Votre voisin, Rajko a pris

3 un fusil semi-automatique en partant avec vous, ce jour-là. Dans votre

4 déclaration, que vous avez faite le 26 février à l'accusation, vous avez

5 dit que le Capitaine Hamza Ajanovic vous a parlé de certaines garanties

6 pour avoir une liberté de mouvement et de la nécessité de remettre les

7 armes.

8 M. Kuljanin (interprétation). - Pas à moi. Il en a parlé à

9 quelqu'un d'autre, mais c'est comme cela que cela m'est parvenu. Il

10 parlait à propos d'un autre Kuljanin qui était enseignant. C'est dans

11 cette conversation que j'ai appris la chose.

12 Mme Residovic (interprétation). - Merci. J'aimerais simplement

13 préciser ce que vous aviez dit déjà. Au moment de votre arrestation, comme

14 il est dit dans votre déclaration, dix ou quinze personnes ont été

15 arrêtées aussi. Mais vous n'avez pas reconnu ces personnes. Est-ce bien

16 exact ?

17 M. Kuljanin (interprétation). - Oui. J'en connaissais certains

18 de vue, mais pas de nom. Vous voulez parler du village ou avant ?

19 Mme Residovic (interprétation). - Non, tout au début, au

20 village même.

21 M. Kuljanin (interprétation). - Là, il n'y en avait pas dix ou

22 quinze. Tout le village était rempli de soldats.

23 Mme Residovic (interprétation). - Je m'excuse, je vais vous

24 citer exactement : "Vous avez vu beaucoup de soldats, mais nous avons été

25 arrêtés par dix ou quinze soldats armés".

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1 M. Kuljanin (interprétation). - Qui arrêtait qui ?

2 Mme Residovic (interprétation). - Vous, personnellement, vous

3 avez été arrêté ?

4 M. Kuljanin (interprétation). - Non, ils m'ont trouvé devant

5 la maison en présence de mon épouse, de mon fils et de mes petits-enfants

6 et de mon père. Mais il y en avait d'autres autour du village.

7 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit que votre père

8 n'avait pas été amené à l'époque, avec vous.

9 M. Kuljanin (interprétation). - Non.

10 Mme Residovic (interprétation). - Ils n'ont pas non plus amené

11 Vaso Kuljanin, qui était âgé de 60 ans à l'époque ?

12 M. Kuljanin (interprétation). - Non. Il l'a mis dans un groupe

13 de cinq ou six personnes, mais ils n'ont pas placé ces personnes dans le

14 groupe où moi j'ai été placé.

15 Mme Residovic (interprétation). - Dans votre déclaration, vous

16 avez aussi dit avoir vu des soldats du HVO qui battaient et tuaient votre

17 voisin, Drako Kuljanin. Est-ce exact ?

18 M. Kuljanin (interprétation). - Etait-ce le HVO ? Je ne sais

19 pas qui c'était. En tout cas, ils avaient des uniformes noirs. Cela, je

20 l'ai vu clairement.

21 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez déjà répondu

22 plusieurs fois à cette question, mais veuillez clarifier ceci pour moi

23 aussi.

24 M. le Président (interprétation). - Nous allons suspendre

25 l'audience et nous reprendrons à 16 heures. Vous pourrez alors poursuivre

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1 votre contre-interrogatoire, madame.

2 L’audience, suspendue à 15 heures 30, est reprise à 16 heures.

3 M. le Président (interprétation). - Le témoin est toujours

4 sous serment.

5 Maître Residovic, vous pouvez poursuivre votre contre-

6 interrogatoire.

7 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le

8 Président.

9 Avant la pause, il ne me restait plus qu'une question à poser

10 à M. Kuljanin avant de le remercier pour ses réponses véridiques et

11 sincères.

12 Monsieur Kuljanin, vous avez déclaré devant ce Tribunal que le

13 lendemain même de votre arrivée à Celebici, une aide médicale, théorique

14 en tout cas, vous a été fournie. Vous avez à ce moment-là mentionné le nom

15 d'un médecin, également. Je vous prierais de me dire s'il s'agissait du

16 docteur Ahmet Jusufbregovic et des infirmières du centre de santé de

17 Konjic ?

18 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, je connaissais ce docteur

19 Hadzihuseinovic et je l’ai rencontré là-bas.

20 Mme Residovic (interprétation). - Puisqu'il y a eu une erreur

21 dans le nom de la personne dont vous avez parlé, vous dites aujourd'hui

22 qu'il s’agit bien du docteur Ahmet Jusufbregovic qui travaillait au centre

23 médical de Konjic, n’est-ce pas ?

24 M. Kuljanin (interprétation). - Oui, je sais que j'ai vu Hamo;

25 est-ce ainsi qu’on l’appelle ?

Page 1259

1 Mme Residovic (interprétation). - On l'appelle Hamo,

2 effectivement. Excusez-moi, Monsieur, mais certaines questions vous ont

3 été posées de telle manière qu'il vous était pratiquement impossible d'y

4 répondre. Merci Monsieur. Merci au Tribunal.

5 M. Kuljanin (interprétation). - Je vous en prie.

6 M. le Président (interprétation). - C'était le dernier avocat

7 de la défense à prendre la parole pour le contre-interrogatoire. Y a-t-il

8 d'autres questions ?

9 M. Turone (interprétation). - Non, nous n'avons pas de

10 questions supplémentaires à poser, Monsieur le Président..

11 M. Jan (interprétation). - Un instant, si vous le voulez. Je

12 viens de regarder le document. Il s'agit de la déclaration faite par le

13 témoin au préalable. Ne versez-vous pas cette pièce au dossier ?

14 Mme Residovic (interprétation). - Non, Monsieur le Président.

15 M. le Président (interprétation).. -- Le témoin peut disposer.

16 Merci beaucoup.

17 M. Kuljanin (interprétation). - Je voudrais vous remercier,

18 Madame et Messieurs de la Cour. Je constate qu'il y a des personnes ici

19 qui viennent du monde entier et je voudrais donc les remercier et leur

20 souhaiter plein succès.

21 M. le Président (interprétation). - Merci de votre assistance

22 et de votre contribution.

23 M. Kuljanin (interprétation). - Encore une fois merci. Encore

24 une fois, je tiens à dire que je préférerais ne pas être ici aujourd'hui

25 pour traiter de cette affaire, mais c'était mon devoir.

Page 1260

1 M. le Président (interprétation). - Qui est votre témoin

2 suivant ?

3 Mme McHenry (interprétation). - Bon après-midi, Mesdames et

4 Messieurs de la Cour. Le témoin suivant est le témoin F. Il faudra prendre

5 certaines dispositions pour procéder à une pause ou une suspension pour

6 mettre en place les mesures qui s'imposent dans le prétoire.

7 M. le Président (interprétation). - Il faut installer l'écran.

8 Combien de temps cela prendra-t-il ?

9 Mme McHenry (interprétation). - Notre expert en matière de

10 protection nous dit qu'il s'agit de placer l'écran et de baisser les

11 volets, de sorte que le témoin puisse entrer et venir à la barre.

12 M. le Président (interprétation). - Cela peut se faire

13 pendant que nous restons assis.

14 Mme McHenry (interprétation). - Je voudrais savoir, de la part

15 des techniciens, s'il faut un peu de temps aussi pour mettre en place le

16 dispositif de déformation de la voix. On me fait signe. Je pense que cela

17 va.

18 M. le Président (interprétation). - Procédons donc à la mise

19 en place des mesures de protection. J'espère qu'il n'y a pas de reflet à

20 l'intérieur. Veuillez baisser les volets.

21 De quel témoin parlez-vous maintenant; du témoin F ?

22 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, le

23 témoin F n'a pas à être caché à la vue des accusés. Ce paravent ne sert

24 qu’à cacher le témoin aux yeux du public.

25 M. Greaves (interprétation). - Cela répond au problème que

Page 1261

1 j'allais soulever. J'allais dire que l'une des choses importantes pour le

2 conseil est de pouvoir voir le témoin pour apprécier son comportement. Ce

3 problème est maintenant réglé par la disposition du paravent.

4 Mme McHenry (interprétation). - J'imagine qu'on va vérifier

5 que personne de la galerie ne puisse apercevoir le témoin à travers le

6 paravent.

7 M. Jan (interprétation). - (hors micro).

8 Mme McHenry (interprétation). - Il semble qu'il soit possible

9 de voir; étant donné la disposition actuelle, en tout cas de cet angle-ci,

10 je peux voir les deux dernières vitres.

11 M. le Président (interprétation). - Il ne faut pas cacher le

12 témoin à la vue des accusés et de la défense.

13 Mme McHenry (interprétation). - Je n'essaie pas de le faire.

14 M. Greaves (interprétation). - Je peux voir.

15 Mme McHenry (interprétation). - Pour l'instant.

16 Mme McMurrey (interprétation). - Pourrais-je poser une

17 question à propos du témoin suivant pendant que nous procédons à la mise

18 en place du paravent ?

19 M. Greaves (interprétation). - Mon client ne peut pas voir le

20 témoin de là où il est assis. En bougeant un peu les chaises; le problème

21 serait réglé. On pourrait faire un peu bouger les accusés.

22 M. le Président (interprétation). - Ne peut-on pas bouger un

23 peu le paravent ?

24 M. Greaves (interprétation). - Je m'en remets à vous.

25 M. le Président (interprétation). - Il faut que tous les

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1 accusés aperçoivent le témoin.

2 M. Greaves (interprétation). - Le paravent sert à cacher le

3 témoin des yeux du public.

4 M. le Président (interprétation). - Oui, mais les accusés

5 doivent voir le témoin.

6 M. Greaves (interprétation). - Oui.

7 M. Moran (interprétation). - Peut-être pourrait-on laisser

8 baisser les deux derniers stores et lever ceux du milieu ?

9 Techniciens (interprétation) . - Je crois que c'est bon comme

10 cela.

11 M. le Président (interprétation).. - Je crains des reflets. Je

12 crois que vous pouvez faire entrer le témoin.

13 (Le témoin entre dans la salle d'audience).

14 M. le Président (interprétation). - (Hors micro).

15 M. Jan (interprétation). - Etes-vous satisfaits

16 Mme McHenry (interprétation). - Je m'en remets aux experts.

17 S’ils me disent que ce dispositif est bon, je leur fais confiance.

18 M. le Président (interprétation). - Nous allons procéder, mais

19 Mme von Dusschoten va faire une vérification dans la galerie du public. Je

20 voudrais vérifier que le mécanisme de déformation de la voix et du visage

21 est en place.

22 Témoin F (interprétation). - Je déclare solennellement que je

23 dirai la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

24 M. le Président (interprétation). - Maître McHenry, je vous en

25 prie.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

2 Monsieur, est-il exact que vous avez demandé que vos nom et identité ne

3 soient pas divulgués au public et aux médias ?

4 Témoin F (interprétation). - Oui.

5 Mme McHenry (interprétation). - Vous serez donc connu comme

6 étant le témoin F; est-ce bien cela ?

7 Témoin F (interprétation). - Oui.

8 Mme McHenry (interprétation). - Est-il exact que vous avez

9 actuellement 43 ans ?.

10 Témoin F (interprétation). - Oui.

11 Mme McHenry (interprétation). - Quelle est votre origine

12 ethnique ?

13 Témoin F (interprétation). - Serbe.

14 Mme McHenry (interprétation). - En mai 1992, où viviez-vous ?

15 Témoin F (interprétation). - J'habitais à Bradina, dans le

16 hameau de Kertc*.

17 Mme McHenry (interprétation). - Quelle est la taille du hameau

18 de Kertc*?

19 Témoin F (interprétation). - C'est un très petit hameau qui

20 comprend environ huit maisons.

21 Mme McHenry (interprétation). - Qui habitait avec vous, je ne

22 vous demande pas de nom, mais les relations de parenté ou autres que ces

23 personnes avaient avec vous ?

24 Témoin F (interprétation). - Ma femme et mon enfant, qui avait

25 deux ans.

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1 Mme McHenry (interprétation). - En mai 1992, quelle était

2 l'origine ethnique de la plupart des habitants de Bradina ?

3 Témoin F (interprétation). - La plupart étaient serbes.

4 Mme McHenry (interprétation). - Y avait-il des combats en

5 1992 ?

6 Témoin F (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai pas compris

7 votre question. En mai 1992 ?

8 Mme McHenry (interprétation). - Oui; en mai 1992; y avait-il

9 des combats ?

10 Témoin F (interprétation). - Oui.

11 Mme McHenry (interprétation). - Quand ces actions militaires à

12 Bradina ont-elles eu lieu ?

13 Témoin F (interprétation). - Le 25 mai 1992; j'étais à la

14 maison. Vers midi, les tirs ont commencé à l'extérieur. Bradina se trouve

15 dans une vallée entourée de collines. Les tirs partaient depuis les

16 collines. Ils se sont intensifiés et, ensuite, le pilonnage a commencé.

17 Les obus tombaient sur les maisons et, à ce moment-là, je suis sorti de la

18 maison avec mon enfant et je suis allé dans la cave qui était couverte de

19 béton. Cela a continué jusque tard dans la soirée. Cette nuit-là, je suis

20 retourné dans la maison. J'ai emporté de la literie, des couvertures. Je

21 suis retourné dans la cave avec ma femme et mon enfant et j'y ai passé la

22 nuit.

23 Le jour suivant, à l'aube, donc le 26 mai 1992, il y avait des

24 tirs de mortier et des coups de fusil partout. Je me trouvais dans la

25 cave, dans le cellier avec ma femme et mon enfant. J'ai été rejoint par

Page 1265

1 mon père, ma mère et ma soeur. Nous y avons passé la journée entière, dans

2 cette cave, jusqu'au soir.

3 Dans la soirée, les gens du village se sont réunis. Nous

4 n'étions pas très nombreux. Nous avons décidé d'aller vers le village de

5 Barakusa. Lorsque nous y sommes arrivés, il faisait déjà noir. Nous sommes

6 arrivés à Barakusa où d'autres habitants de Gornja Bradina et de Barakusa

7 s'étaient déjà rassemblés. Nous avons discuté de ce qu'il fallait faire,

8 et nous avons tous passé la nuit dans différentes maisons et surtout dans

9 des caves. Ma femme, mon enfant et moi-même y avons passé la nuit.

10 Mme McHenry (interprétation). - A quelle heure ? A l'heure où

11 le pilonnage a commencé, étiez-vous armé ?

12 Témoin F (interprétation). - oui.

13 Mme McHenry (interprétation). - Qu'aviez-vous comme arme ?

14 Témoin F (interprétation). - J'avais un fusil automatique.

15 Mme McHenry (interprétation). - Depuis combien de temps aviez-

16 vous ce fusil automatique ?

17 Témoin F (interprétation). - Je l'avais depuis décembre 1991.

18 Mme McHenry (interprétation). - Où aviez-vous obtenu cette

19 arme ?

20 Témoin F (interprétation). - Je l'avais achetée, parce que je

21 travaillais dans un restaurant. Je l'avais achetée en face du restaurant

22 où je travaillais. Milan était venu et m’avait demandé « combien ? », car

23 à ce moment-là, par les médias, je savais que les gens étaient en train de

24 s'armer ; et, parce que j'avais peur, j'ai acheté cette arme et je l'ai

25 rapportée à la maison.

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1 Ma mère m'a raconté que, en 1941... Elle m'a raconté les

2 événements de l'époque. Inspiré par la crainte de voir ces événements se

3 répéter, j'ai acheté cette arme. Je n'ai jamais utilisé ce fusil car,

4 quand les tirs et le pilonnage ont commencé des deux côtés, j'ai été plus

5 intéressé par le sort de mon enfant que par n'importe quoi d'autre.

6 Mme McHenry (interprétation). - Durant l'attaque, avez-vous

7 pris part à la défense armée de votre village ?

8 Témoin F (interprétation). - Pendant l'attaque, je n'ai pas

9 pris part à la défense du village car cette défense n'existait pas, pour

10 autant que je sache. Le 25 mai, nous avons été attaqués et le 26, déjà,

11 Gornja Bradina était en feu. J'ai entendu plus tard que des gens avaient

12 été tués là.

13 Le 27, quand je suis allé à Barakusa, nous étions encerclés de

14 tous les côtés. On nous a dit de déposer les armes, ce que j'ai fait. J'ai

15 rendu mon arme ainsi que les munitions que j’avais.

16 On a consigné ce que j'avais remis, ce que c'était, et on a

17 vérifié si le fusil avait servi. Un étranger était là aussi, qui portait

18 un uniforme noir. Il vérifiait les armes. Des gens qui étaient là, j'ai

19 reconnu Redzo Balic, mais les autres étaient des gens que je ne

20 connaissais pas lorsqu'ils sont venus vers nous.

21 Mme McHenry (interprétation). - Etait-il possible de vérifier

22 si l'arme avait servi ou pas ?

23 Témoin F (interprétation). - Oui. Cet étranger a vérifié et a

24 constaté que l'arme n'avait pas servi.

25 Mme McHenry (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite,

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1 rapidement ?

2 Témoin F (interprétation). - Après cela, on nous a fait mettre

3 en rang. Il y avait des femmes, des personnes âgées et les villageois des

4 trois villages Gornja Bradina, Donje Selo et Barakusa, ont dû se mettre en

5 route. Nous sommes arrivés à un kilomètre de Bradina, au café de

6 M. Kuljanin. On a fait le tri. On a séparé les femmes et les personnes

7 âgées. Les femmes ont dû rester devant la maison de Dragan Soubotic et on

8 a tout sorti du café, tandis que les personnes âgées se trouvaient de

9 l'autre côté de la rue par rapport à nous. Là, on nous a dit de remettre

10 tout ce que nous avions sur nous. C'est là que l'on a pris nos bijoux,

11 notre argent et les montres que nous avions. On nous a pris tout cela et

12 on a commencé à nous frapper.

13 J'étais le deuxième. Devant moi se trouvait Zdravko Gligorevic

14 qui était juriste à Sarajevo, avocat à Sarajevo. Ses parents habitaient au

15 village. Il était venu en visite. Il portait une barbe. Il a été frappé

16 jusqu'à ce qu'il tombe inconscient.

17 Ensuite, ils se sont tournés vers moi et ont commencé à me

18 battre avec une espèce de câble. Ils m'ont frappé sur la tête. J'ai aussi

19 perdu connaissance. Tout cela a été observé par ma femme, mes parents et

20 mon enfant. Je ne sais pas combien de temps je suis resté inconscient,

21 mais après cela, on nous a emmenés plus loin, vers Bradina, plus

22 précisément vers le tunnel où se trouve la ligne de chemin de fer. Il y

23 avait un mur de 5 ou 6 mètres de haut. On nous a fait aligner le long du

24 mur. On nous a fait mettre les mains en l'air. On nous a fait retirer nos

25 souliers. On nous a encore une fois fouillés et on nous a dit qu'il

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1 fallait remettre tout ce que nous avions. Cela a été consigné.

2 Mme McMurrey (interprétation). - Pouvez-vous allez un peu plus

3 lentement ?

4 Témoin F (interprétation). - Dans l'intervalle, pendant que

5 nous étions fouillés, un camion bâché est arrivé et, derrière ce véhicule,

6 il y avait des soldats en tenue de camouflage sur les deux côtés, à

7 l'arrière du camion. Nous avons dû passer devant eux pour monter dans le

8 camion. A ce moment-là, je devais être le sixième ou le septième dans la

9 file, mais les soldats nous battaient, nous frappaient plutôt avec des

10 bâtons chaque fois que nous passions devant eux, avec des crosses de

11 fusils, avec des morceaux de bois, je ne sais pas trop comment les

12 décrire, avec beaucoup d'objets qui se trouvaient là.

13 Nous sommes donc montés dans le véhicule et, une fois que nous

14 avons tous été dedans, ils ont fermé la bâche. Nous sommes restés là

15 environ une heure puis nous sommes allés à Konjic.

16 Mme McHenry (interprétation). - Où vous a-t-on emmenés ?

17 Témoin F (interprétation). - On nous a emmenés à Celebici.

18 C'est le camp où j'ai passé six mois. Lorsque nous sommes arrivés à

19 Celebici, ils ont relevé la bâche. Excusez-moi, j'ai oublié de dire

20 quelque chose. Lorsque nous sommes montés dans le véhicule, on nous a fait

21 déshabiller. Nous n'avions plus que notre tee-shirt et notre chemise. Nous

22 sommes donc descendus du véhicule. On nous a fait aligner contre le mur

23 qui faisait à peu près 3 mètres de haut, je pense, et on nous a fait

24 mettre les mains en l'air.

25 Une fois tous descendus du camion, on a commencé à nous

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1 frapper.

2 Mme McHenry (interprétation). - Je vous arrête pour un

3 instant. Pourriez-vous nous dire quelle était la date, le jour où on vous

4 a emmenés à Celebici ?

5 Témoin F (interprétation). - C'était le 27 mai 1992.

6 Mme McHenry (interprétation). - Quelle partie de la journée

7 était-ce ? Témoin F (interprétation). - Je pense que c'était entre midi

8 et une heure. Puisque personne n'avait de montre, puisqu'on nous avait

9 pris nos montres, tout ce que je peux dire c'est que c'était entre midi et

10 une heure.

11 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous donner un nombre

12 approximatif des gens qui ont été emmenés à Celebici en même temps que

13 vous ? Témoin F (interprétation). - Quand je suis arrivé le long de

14 la route, on a aussi ramassé des gens du village de Kuljanin, en face du

15 café de Miso. Le village était déjà en feu et, ensuite, au restaurant de

16 Jeno*, on a aussi ramassé des personnes. Il y avait 70 à 80 personnes de

17 Bradina en tout.

18 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous poursuivre votre

19 récit des événements à votre arrivée à Celebici ?

20 Témoin F (interprétation). - On a commencé à nous frapper avec

21 toutes sortes d'objets, terriblement. Nous étions contre le mur en chemise

22 ou en maillot de corps et on nous a battus avec des bâtons, avec des

23 crosses de fusil, avec des matraques. On nous a frappés. Ils étaient

24 nombreux. Ils se relayaient. J'ai entendu les cris de mon père. Il était

25 né en 1926. Il se trouvait à ma droite. Quelqu'un l'a insulté et quelqu'un

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1 lui a dit :"Je vais t'étouffer avec une chaussette". Et c'est ce bruit qui

2 m'a fait le plus mal. C'était plus pénible que tout ce que j'avais entendu

3 jusque-là.

4 Ensuite, Gligorevic, qui était la personne tout juste à côté

5 de moi, s'est allongé sur l'asphalte et il a aussi été battu sans merci.

6 On me disait de m'allonger sur l'asphalte, d'embrasser l'asphalte. On a

7 commencé à me tirer les cheveux. C'est ce que j'ai fait. C'est une

8 personne que je ne connaissais pas, je ne sais pas qui c’était. Il m'a dit

9 : "Ce n'est pas la façon de faire" et il m'a de nouveau tiré par les

10 cheveux.

11 Il m'a frappé la tête contre l'asphalte et c'est là que j'ai

12 eu terriblement mal. On m'a battu avec toutes sortes d'objets. J'ai été

13 blessé au bras gauche, au-dessus de la main. J'ai eu une fracture

14 partielle et, lorsque tout cela a fini, ils m'ont fait retourner et m’ont

15 de nouveau frappé avec les crosses de fusils. Ils m'ont dit de lever les

16 bras. Je ne pouvais plus le faire car j'avais trop mal et je ne pouvais

17 pas tenir les mains en l'air. On m'a encore frappé avec des crosses de

18 fusil.

19 A ce moment-là, j'ai pu parler à ma nièce et j'ai demandé que

20 l'on me donne de l'eau parce que j'avais soif. Il y avait une espèce de

21 rivière, pas une rivière mais de l'eau qui coulait. On m'a dit : « Voilà,

22 c'est ici que le bétail boit ». J'ai commencé à boire dans ce caniveau.

23 Ensuite, je suis retourné vers le mur. Je suis resté là, debout, sans

24 pouvoir lever les bras. A ma gauche, se trouvait Miroslav Vujicic et, à

25 ses côtés, son frère Radoslav.

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1 A ce moment-là, Miroslav Vujicic a dû sortir du rang et

2 s'allonger sur l'asphalte. Il s'est agenouillé. On l'a frappé plusieurs

3 fois. Il avait vu ce par quoi j'étais passé et ce qu'il allait recevoir.

4 Il a donc pris la fuite. Il a commencé à courir. Cela s'est passé à

5 20 mètres de moi à peu près. Quelqu'un a dit : « Tire ! ». Il y a eu une

6 rafale et Miroslav Vujicic est mort comme cela. Son frère, Radoslav, qui

7 se trouvait à côté de moi, a dit : "Mon Dieu, ils ont tué mon frère

8 Miroslav". C'est un certain Makaron qui a fait cela.

9 Ils ont continué à nous frapper et ils ont dit que si

10 quelqu'un d'autre essayait de prendre la fuite, il serait abattu. Mais il

11 était de toute façon impossible de s'enfuir parce qu'il y avait une

12 clôture.

13 Nous sommes restés là jusqu’à la soirée, je ne me souviens

14 plus combien de temps. Ensuite, on nous a emmenés au hangar n° 6. Il

15 faisait noir à ce moment-là et les lumières ont été allumées. Le hangar

16 était vide. Un sol de béton. On s'est assis sur le sol et nous avons passé

17 cette nuit-là dans le hangar.

18 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, au moment où l’on

19 vous frappait le, le 27 mai à Celebici, pouvez-vous nous dire si, oui ou

20 non, ces gens étaient des soldats ou des civils, ou venaient de groupes

21 militaires. Qu'avez-vous pu observer sur ce point ?

22 Témoin F (interprétation). - Il y avait des gens en tenue de

23 camouflage et d'autres en uniforme noir, pour ce que j'ai pu voir. Puisque

24 j'étais face au mur, je ne sais pas combien il y en avait. Beaucoup

25 d'entre eux se sont relayés pendant tout ce temps-là.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Pouviez-vous voir si les

2 hommes en tenue de camouflage portaient des insignes ?

3 Témoin F (interprétation). - Je n'ai rien vu à ce moment-là

4 parce que j'avais le visage tourné vers le mur.

5 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Ai-je bien compris ? Le

6 frère de Miroslav Vujicic se trouvait à vos côtés ?

7 C16***jonction OK *****

8 Témoin F (interprétation). - Oui. Quand on a amené Miroslav,

9 il est resté à mes côtés, à ma gauche.

10 Mme McHenry (interprétation). - A votre connaissance, y a-t-

11 il d'autres détenus qui ont été gravement blessés ou tués au moment de

12 votre arrivée à Celebici, le 27 ?

13 Témoin F (interprétation). - Je ne sais rien à propos de cette

14 journée. Nous avons été transférés au n° 6. Je me suis allongé par terre.

15 Nous sommes restés là je ne sais combien de jours. Les hommes qui avaient

16 été amenés le 26 mai se trouvaient au tunnel n° 9. Ils ont aussi été

17 transférés au hangar n° 6. Ils avaient tous des pansements et étaient

18 couverts d'ecchymoses, ils avaient des blessures à la tête, etc.

19 Mme McHenry (interprétation). - On vous a amené au hangar

20 n° 6. Pourriez-vous rapidement décrire ce qui s'est passé le jour qui a

21 suivi votre arrivée à ce hangar, ce qui s'est passé cette nuit-là et s’il

22 s'est passé quelque chose au hangar n° 6 ?

23 Témoin F (interprétation). - Quand on m'a amené au hangar

24 cette nuit-là, des inconnus, des personnes que je ne connaissais pas sont

25 entrées, ils ont regardé, ils se sont dits des choses entre eux. Je ne

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1 sais plus quoi, parce que j'étais dans un état grave cette nuit-là. Le

2 matin suivant, on nous a fait sortir pour aller uriner à gauche du hangar.

3 Il y avait là un sol en béton.

4 A la sortie du hangar, un soldat en uniforme était assis sur

5 une caisse de bois. Il avait des béquilles à côté de lui. C'était à

6 l'entrée du hangar, du côté gauche. Comme je me tenais la main gauche avec

7 la main droite et que ma chemise était sortie du pantalon, il m'a dit :

8 "pourquoi êtes-vous comme cela ?" J'ai répondu, que je n’y pouvais rien;

9 que j’avais mal au bras. J’ai obéi à ses ordres et je suis rentré dans le

10 hangar où j'ai repris ma place. J'ai raconté à mon voisin ce qui se

11 passait. Il m'a dit qu'il travaillait avant avec cet homme, que son nom

12 était Hazim Delic.

13 Mme McHenry (interprétation). - Lorsque vous dites que vous

14 avez obéi à ses ordres, qu'entendez-vous exactement par là ?

15 Témoin F (interprétation). - Excusez-moi je n'ai pas compris.

16 Mme McHenry (interprétation). - Ne venez-vous pas de dire que

17 vous aviez obéi aux ordres de la personne qui avait des béquilles ?

18 Témoin F (interprétation). - Oui.

19 Mme McHenry (interprétation). - Quels ont été ses ordres ?

20 Pouvez-vous nous le dire ? Vous a-t-il ordonné de faire quelque chose ?

21 Témoin F (interprétation). - J'avais la chemise qui était

22 sortie du pantalon et qui pendait à l'extérieur du pantalon, avec aussi

23 mon maillot de corps. Il m'a dit que je me laissais aller comme une

24 citrouille sur l'eau. Il m'a dit de m'habiller comme il fallait, de me

25 rhabiller. Je ne pouvais pas, car j'avais mal à la main gauche, je la

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1 tenais avec ma main droite. Je suis retourné à l'intérieur du hangar. Avec

2 une main j'ai réussi à me rhabiller, à me réajuster.

3 Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Y avait-il des

4 prisonniers dans le hangar n° 6 avant que vous-même et le groupe dont vous

5 faisiez partie ne pénètrent dans ce hangar ?

6 Témoin F (interprétation). - Dans le hangar ?

7 Mme McHenry (interprétation). - Oui Monsieur.

8 Témoin F (interprétation). - Il y avait l'ensemble de ce

9 groupe qui était venu de Bradina et dont je faisais partie, 80 personnes.

10 M. Jan (interprétation). - Votre question était sans doute un

11 peu différente.

12 Mme McHenry (interprétation). - Oui. Monsieur, avant que le

13 groupe dont vous faisiez partie n'entre dans le hangar n° 6, pouvez-vous

14 nous dire s'il y avait déjà des prisonniers dans ce hangar ?

15 Témoin F (interprétation). - Non, nous sommes les premiers à

16 avoir pénétré dans le hangar n° 6.

17 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Après l'arrivée de

18 votre groupe à Celebici, d'autres détenus ont-ils été amenés à Celebici

19 dans les quelques jours qui ont suivi, le savez-vous ?

20 Témoin F (interprétation). - Oui. Après quelque temps -je ne

21 me rappelle pas exactement après combien de jours- un groupe a été amené à

22 Celebici, le 26 mai. Il a été installé dans le bâtiment n° 9. Ensuite, ils

23 ont été transférés du bâtiment 9 au nôtre. Ils étaient entre 70 et 80 ; je

24 ne sais exactement combien.

25 Mme McHenry (interprétation). - Y avait-il aussi d'autres

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1 détenus qui sont arrivés de l'extérieur du camp après que vous-même ayez

2 été emprisonné ? Le savez-vous ?

3 Témoin F (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas

4 combien de jours plus tard, mais de Bijelovcina et ensuite de Bogdani, de

5 Konjic et d'autres villages, des personnes ont été amenées à Celebici.

6 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous observé

7 éventuellement des événements au moment de leur arrivée dans le camp ?

8 Témoin F (interprétation). - Dans le deuxième groupe, celui

9 qui est arrivé du bâtiment n° 9, les hommes avaient été durement passés à

10 tabac. Cela se voyait à leur visage, certains avaient reçu des coups sur

11 la tête, avaient des bandages sur la tête, d'autres la peau toute noire,

12 d’autres encore les yeux gonflés. Sur certains d'entre eux, on voyait des

13 cicatrices assez terribles. Ces personnes avaient été amenées avant nous,

14 le 26. Elles avaient été installées dans le bâtiment 9 et ensuite

15 transférées chez nous.

16 Mme McHenry (interprétation). - Vous rappelez-vous des détenus

17 particuliers dont vous auriez mieux observé les blessures ?

18 Témoin F (interprétation). - Je me rappelle Vukasin Mrkjic,

19 qui était tellement noir, tellement violet que je l'ai à peine reconnu. Je

20 me souviens de Mirko Kuljanin qui avait un bandage à la tête. Il y en

21 avait bien d'autres, mais j'ai du mal à me rappeler car cinq ans se sont

22 écoulés depuis. J'ai donc du mal à me rappeler les noms exacts. Il y en

23 avait pas mal qui avaient de grandes cicatrices.

24 Mme McHenry (interprétation). - Peu après votre arrivée à

25 Celebici, un groupe de personnes a-t-il été amené dans le camp, qui venait

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1 du mont Igman ?

2 Témoin F (interprétation). - De la région du mont Igman; c’est

3 ce que j'ai entendu dire par la suite. Les personnes ont été installées

4 dans le bâtiment n° 9. Ceux qui étaient déjà dans le bâtiment n° 9 ont été

5 alors transférés dans le hangar n° 6.

6 Mme McHenry (interprétation). - Vous rappelez-vous des détenus

7 particuliers appartenant à ce groupe et pouvez-vous dire quelque chose

8 concernant leur état physique ?

9 Témoin F (interprétation). - Les prisonniers allaient vraiment

10 très mal lorsqu'ils ont été transférés du tunnel n° 9 au bâtiment n° 6.

11 Pour moi, ils étaient méconnaissables quand ils sont entrés dans le hangar

12 n° 6.

13 Excusez-moi, mais quelque chose me revient à l'esprit. Pero

14 Mrkajic, Radoslav Kuljanin et d’autres faisaient partie de ce groupe de la

15 région du mont Igman. Ils sont arrivés la nuit. C'était absolument

16 horrible, effrayant d'entendre leurs cris, leurs plaintes, leurs

17 gémissements, au moment où on les faisait rentrer dans le hangar n° 6, il

18 n’y avait pas de lumière. Je n'ai pas pu voir à ce moment-là de qui il

19 s'agissait. Dès que l'aube a percé nous avons pu reconnaître ces hommes.

20 Mme McHenry (interprétation). - L’un d’entre eux n’était-il

21 pas Pero Mrkajic ?

22 Témoin F (interprétation). - Oui.

23 Mme McHenry (interprétation). - Dans quel état physique

24 étaient-ils ce moment-là ?

25 Témoin F (interprétation). - Où cela ?

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1 Mme McHenry (interprétation). - Lorsque vous l'avez vu le

2 lendemain matin dans le hangar n° 6.

3 Témoin F (interprétation). - Il était dans un état

4 indescriptible. Au moment où il est entré dans le hangar, il est tombé sur

5 place, à mes pieds. C'est là qu'il est resté allongé jusqu'au matin. Le

6 matin, nous nous sommes un peu écartés l'un de l'autre. Un troisième et un

7 quatrième hommes se sont mis entre nous. Lui, respirait à peine, il ne

8 pouvait même pas parler. Après cela, ils ont apporté une caisse en bois

9 sur laquelle il est resté allongé quelque temps. Il ne pouvait pas sortir.

10 Stevo Gligorevic et Nedeljko Samoukovic l’ont aidé plus tard à sortir un

11 peu.

12 La nourriture que nous recevions été vraiment le minimum, un

13 petit morceau de pain, il n'arrivait même pas à le manger. Il est resté là

14 quelque temps. Ensuite, il a été transféré au bâtiment 22. Plus tard, j'ai

15 entendu dire qu'il y était mort.

16 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quel

17 moment à peu près Pero Mrkjic a été amené au hangar n° 6 ? Depuis combien

18 de temps vous trouviez-vous vous même à Celebici lorsqu'il est arrivé dans

19 le hangar n° 6 ?

20 Témoin F (interprétation). - Je ne me rappelle pas exactement,

21 je dirais que cela devait être au début du mois de juin. Je ne peux pas

22 vous donner la date exacte. Je crois que c'était au début juin.

23 Mme McHenry (interprétation). - Si vous le savez, pouvez-vous

24 nous dire quel était le nombre approximatif de détenus enfermés dans le

25 hangar n° 6, au moment où vous vous y trouviez vous-même ?

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1 Témoin F (interprétation). - Le nombre, je dirais qu'à un

2 certain moment nous étions 248 hommes dans le hangar n° 6. A ce moment-là,

3 les gens de Bogdani, Bijelovcina, Konjic et d’autres villages, sont

4 arrivés, de Blaca aussi.

5 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous décrire au juge

6 quelles étaient les conditions de vie pendant votre détention dans le

7 hangar n° 6 ?

8 Témoin F (interprétation). - Les conditions de vie étaient

9 nulles. Il y avait du béton au sol, nous étions couchés à même le béton.

10 La nourriture était inexistante. Nous ne recevions qu'un petit morceau de

11 pain pour le déjeuner et même pas régulièrement. Très souvent, nous ne le

12 recevions même pas. Une miche de pain était divisée entre cinq ou six

13 prisonniers. Au début, nous recevions une espèce de soupe dont nous ne

14 pouvions avaler que deux ou trois cuillers. Je me souviens qu'un jour

15 Dragan Dordjic a mangé une cuillère supplémentaire de cette soupe, pour ce

16 motif, il a été passé à tabac.

17 Je ne me souviens plus si c’était cinq ou six cuillères

18 auxquelles nous avions droit pour l'ensemble d'entre nous, cette soupe

19 nous était servie dans des gamelles qui n'étaient jamais lavées. Nous

20 n'avions pas de gamelles individuelles. Puis, il y avait cette caisse en

21 bois. Il fallait sortir pour manger, beaucoup au début n'osaient même pas

22 tellement ils avaient peur des coups.

23 Un peu plus tard, ils ont distribué la nourriture près de la

24 porte, à l'intérieur du hangar, sur la droite. Les conditions de vie

25 étaient vraiment terribles. Nous ne pouvions aller aux toilettes que le

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1 matin et le soir. Au début, en tout cas. Puis, nous dormions à même le

2 béton. Les conditions de vie étaient vraiment abominables.

3 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous subi un

4 interrogatoire pendant votre séjour à Celebici ?

5 Témoin F (interprétation). - Oui.

6 Mme McHenry (interprétation). - A quel moment, à peu près a eu

7 lieu cet interrogatoire ?

8 Témoin F (interprétation). - Cela s'est passé au début du mois

9 de juin, je ne me rappelle pas du jour exact. Je pense que cela devait

10 être le 2, le 3 ou le 4 juin. Ce jour-là, on nous a amenés quelque part la

11 haut, vers la sortie, et j'ai été interrogé à l'extérieur devant un

12 bâtiment. Je ne me rappelle pas quel était ce bâtiment, parce que j'étais

13 complètement terrifié. On nous a amené la haut et on nous a interrogés.

14 Mme McHenry (interprétation). - Vous rappelez-vous qui vous a

15 interrogé, quel genre de questions on vous a posées ? Pouvez-vous nous en

16 parler, je vous prie ?

17 Témoin F (interprétation). - Eh bien, je ne me rappelle pas

18 parfaitement, mais on m’a demandé si j'avais des armes, j'ai répondu

19 affirmativement. Si j'étais membre du SDS, j’ai dit oui. Si j'avais tiré

20 des coups de feu, j'ai dit non. Si j'étais sûr de cela, j'ai dit j'en suis

21 sûr, combien j'avais de munitions, j'ai dit combien j'en avais : 60 balles

22 et puis je ne sais pas trop. Après, j'ai signé. Cela s'est terminé. On m'a

23 demandé aussi où je me trouvais à tel endroit, et j'ai répondu la même

24 chose qu'ici devant le Tribunal. J'ai dit que j'étais à la maison, avec

25 mon épouse et mon enfant dans la cave, que j’étais allé à Barakusa. J’ai

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1 tout dit au moment de mon interrogatoire.

2 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous eu la possibilité de

3 lire votre déposition avant de la signer ?

4 Témoin F (interprétation). - Non.

5 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, à part ce que vous

6 nous avez déjà dit, avez-vous pu voir de vos yeux des mauvais traitements

7 pendant votre séjour à Celebici ?

8 Témoin F (interprétation). - Oui.

9 Mme McHenry (interprétation). - Je vous demanderai, je vous

10 prie, de parler vraiment très lentement et si vous le pouvez, de citer les

11 noms, le moment même approximatif des incidents, en nous décrivant un seul

12 incident à la fois. Pouvez-vous nous parler du premier incident dont vous

13 vous souvenez, à part ceux dont vous nous avez déjà parlé.

14 Témoin F (interprétation). - Le premier incident qui s'est

15 produit dans le camp s'est déroulé au cours du mois de juin aussi, je ne

16 me rappelle pas le jour exact. Tous les matins, au moment où nous devions

17 aller aux toilettes, je suis sorti parmi les premiers. Je me suis dirigé

18 vers le trou qui avait été creusé sur la droite du hangar. J'ai commencé à

19 satisfaire mes besoins personnels et trois hommes sont arrivés qui

20 portaient un uniforme de camouflage et des armes automatiques. Ils sont

21 passés à côté de moi. Je me suis relevé et ils m'ont dit accroupis-toi et

22 fais tes besoins sur l'étoile à cinq branches. Je me suis penché et j'ai

23 vu qu'il y avait là un képi avec cette étoile à cinq branches.

24 A ce moment-là, ils ont appelé quelqu'un, mais je n'ai pas pu

25 voir qui, mais j'ai entendu qu'il y avait du bruit devant le hangar. Tout

Page 1281

1 d'un coup, je ne savais pas ce qui se passait, j'ai entendu une rafale de

2 coups de feu. Je me suis relevé très rapidement. J'ai attrapé mon pantalon

3 et j'ai fui vers le hangar. Entre-temps, j'ai vu Miso Kuljanin, que l'on

4 surnommait "Strobo" , et j'ai vu ces trois hommes qui se trouvaient à côté

5 de lui. Lui, il s'est relevé deux ou trois fois, de haut en bas, et il est

6 tombé mort. Je suis rentré dans le hangar. J'ai rajusté mes pantalons et

7 le calme est revenu.

8 Plus tard, au cours de la même journée, des hommes sont

9 arrivés. Je ne me rappelle pas qui ils étaient exactement, mais ils ont

10 demandé : "Est-ce que quelqu'un a vu Miso se faire tuer ?" Janko Glogovac,

11 Spasoje Miljevic, Zljiko Cecez étaient en fait, au moment de l'incident,

12 sur le point de sortir. Ils ont donc demandé à Janko s'il avait vu

13 l'incident , il a dit "non". Ils ont demandé au suivant : "Est-ce que tu

14 as vu l'incident ?" , il a répondu "oui". Ils l'ont fait sortir puis il

15 est rentré. Je n'ai pas osé me faire connaître et c'est comme cela que je

16 m'en suis sorti.

17 J'étais assis. Ils ont continué à demander si quelqu'un avait

18 vu l'incident. Je n'ai rien dit. La nuit de ce même jour, Jeljko Cecez a

19 reçu l'ordre de sortir. Il faisait déjà nuit. Je ne sais pas qui lui a

20 donné cet ordre parce qu'il faisait nuit. Il est donc sorti. Nous avons

21 entendu ses cris, ses plaintes pendant quelque temps. Après cela, il est

22 revenu dans le hangar. On entendait encore gémir dans le hangar. Il

23 demandait de l'eau. Je ne sais pas si quelqu'un a pu lui en donner. Mais

24 le matin, quand le jour s'est levé, nous avons vu Jeljko Cecez qui était

25 allongé avec un bras le long du corps et un bras sous lui. Ce matin-là, il

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1 était mort.

2 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, vous dites que vous

3 n'avez pas pu voir qui lui a ordonné de sortir parce qu'il faisait nuit. Y

4 avait-il de la lumière, de l'électricité dans le hangar la nuit ?

5 Témoin F (interprétation). - Non. C'est seulement la première

6 nuit, la nuit de notre arrivée, qu'il y a eu de l'électricité dans le

7 hangar.

8 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous jamais vu de vos

9 yeux d'autres actes, d'autres mauvais traitements ?

10 Témoin F (interprétation). - Oui. Je me souviens d'un certain

11 Jovanovic, un homme âgé qui était assis de l'autre côté de l'entrée, vers

12 la partie métallique. Une nuit, Esad Landzo, surnommé Zenga, lui a donné

13 l'ordre de sortir. Il est sorti. Il avait déjà reçu l'ordre de sortir

14 auparavant et il était déjà sorti. Mais cette nuit-là, quand il est sorti,

15 je pense qu'on l'a passé à tabac parce qu'on l’entendait crier.

16 Mme McMurrey (interprétation). - Objection. Il a d'abord dit

17 qu'il faisait nuit dans le hangar. Aujourd'hui, il dit qu'il a identifié

18 quelqu'un. Ensuite, il a également dit qu'il avait entendu quelqu'un à

19 l'extérieur mais qu'il ne savait pas qui c'était.

20 M. Jan (interprétation). - (Sans micro).

21 Mme McMurrey (interprétation). - Très bien, très bien.

22 Témoin F (interprétation). - Il faisait nuit, il n'y avait pas

23 de lumière. Quand je dis que c'est Landzo qui lui a donné l'ordre de

24 sortir, je le dis parce que Landzo avait une voix très particulière. J'ai

25 pu le reconnaître. Je vous prie de m'excuser, j'aurais dû le dire tout de

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1 suite. Tout le monde dans le hangar, dès qu'il ouvrait la bouche, tout le

2 monde reconnaissait sa voix. On a entendu les cris, les plaintes, parce

3 que la paroi était en tôle. Il n'y avait qu’une paroi de tôle entre lui et

4 nous. On l'a entendu dire : « Oh maman, maman ». Ensuite, ils l'ont fait

5 revenir dans le hangar. Le matin, il était mort.

6 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire

7 approximativement à quel moment cela s'est passé, à quel moment

8 M. Jovanovic a reçu l'ordre de sortir ?

9 Témoin F (interprétation). - Pendant le mois de juin.

10 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire

11 d'autres incidents dont vous avez eu à connaître ?

12 Témoin F (interprétation). - A Bosko Samoukovic, qui était

13 assis du même côté, c'est-à-dire du côté opposé à l'entrée, près de cette

14 paroi en tôle, Landzo a donné l'ordre, s'est adressé à lui et lui a dit :

15 "Comment est-ce que tu t’appelles ?". Il a répondu : "Je m'appelle Bosko

16 Samoukovic". Il portait une chemise de cheminot et, à un moment, Zenga lui

17 a dit : "Enlève ta chemise". Il a pris un objet qui devait faire 5 ou

18 6 centimètres et il l'a frappé à fond sur les reins jusqu'au moment où il

19 lui a infligé une blessure visible. Après, il l'a frappé à coups de

20 crosse.

21 Mme McHenry (interprétation). - Où est-ce arrivé ?

22 Témoin F (interprétation). - A l'intérieur du hangar, devant

23 nous tous. Cela s'est passé dans le hangar, sous nos yeux à tous. Nous

24 avons tous vu cela. Il a frappé à coups de crosse jusqu'à ce qu'il perde

25 conscience. Zenga est alors sorti. Brane Gligorevic, qui travaillait comme

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1 technicien médical à l'hôpital de Konjic, est sorti en même temps. Quand

2 il est rentré, il s'est assis à ma gauche et a dit que sa langue s'était

3 retournée dans sa gorge et que, de là, on l'avait emporté dans le

4 bâtiment 22. Tout cela s'est passé devant Milan et Nedeljko Samoukovic,

5 ses fils, et devant Spaso, qui était son neveu.

6 Le lendemain matin, Hazim Delic est arrivé. Nous savions bien

7 qu'il avait l'habitude de frapper. Il s'est placé entre nous et

8 Samoukovic, le fils. On savait ce qui allait se passer. Il lui a dit :

9 "Lève-toi, retourne-toi". Mais Nedjo, entre-temps, lui a dit : "Excusez-

10 moi, Monsieur le responsable, puis-je vous poser une question ? Comment va

11 mon père ?" Et l'autre a répondu : "Qui ?" Le fils a dit : "Celui qui a

12 reçu l'ordre de sortir, Bosko Samoukovic" , l’autre l'a regardé dans les

13 yeux et lui a dit : "Il est mort".

14 A ce moment-là, Nedjo Samoukovic a échappé aux coups ce

15 jour-là. Il est rentré dans le hangar sans avoir été frappé, alors que

16 Dusko Bendjo et d’autres étaient régulièrement frappés avec lui, tous les

17 jours.

18 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire de

19 quelle façon se produisaient ces mauvais traitements ? Avez-vous pu voir

20 vous-même comment Nedelko Samoukovic et les autres étaient maltraités ?

21 Témoin F (interprétation). - Tous les matins, au moment où il

22 entrait dans le hangar n° 6, Hazim Delic s'approchait de Nedelko

23 Samoukovic. Il lui disait : « Fais deux pas en avant, lève les mains et

24 mets les mains sur la nuque ». A ce moment-là, il le frappait à coups de

25 pied, quelquefois deux fois, une fois de chaque côté, quelquefois plus. Il

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1 avait sous le bras une matraque en bois.

2 Plus tard, j'ai entendu dire que c'était une batte de base-

3 ball. C'est avec cela qu'il assénait ses coups. Mais dans le hangar, à

4 l'intérieur du hangar, c'est Vukasin Mrkajic, Bendjo Dusko, Vucalo (j’ai

5 oublié son prénom) et Nedelko Samoukovic qu'il frappait le plus. Ces

6 hommes étaient tabassés pratiquement tous les jours. Radoslav Kuljanin

7 aussi. Et Landzo frappait les mêmes hommes plus Zoran Zoric et quelques

8 autres qu'il choisissait lui-même. Mais les hommes dont je viens de donner

9 les noms n'y échappaient jamais.

10 Mme McHenry (interprétation). - Lorsque vous dites que Landzo

11 choisissait les mêmes, que voulez-vous dire par là ?

12 Témoin F (interprétation). - Eh bien, lui aussi, si Delic

13 n'était pas là, il faisait la même chose avec les mêmes hommes. Il leur

14 disait : "Lève-toi" et il les tabassait. Outre ceux dont je viens de

15 donner les noms au sujet de Delic, il y avait Dragan Zoric, Zoran Cecez et

16 bien d'autres encore dont je ne me rappelle pas le nom.

17 Mme McHenry (interprétation). - Lorsque vous dites qu'il

18 faisait la même chose avec ce groupe d'hommes, « il » fait référence à qui

19 ?

20 Témoin F (interprétation). - « Il » se rapporte à Esad Landzo,

21 surnommé Zenga.

22 Mme McHenry (interprétation). - Vous avez aussi mentionné

23 Radoslav Kuljanin. Auriez-vous observé ce qui lui est arrivé ?

24 Témoin F (interprétation). - Je n'ai pas compris la question.

25 Mme McHenry (interprétation). - Si j'ai bien compris, vous

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1 venez d'indiquer que vous avez vu Radoslav Kuljanin subir des sévices.

2 Avez-vous observé que Radoslav Kuljanin aurait été victime de mauvais

3 traitements ?

4 Témoin F (interprétation). - Radoslav Kuljanin, c’est bien de

5 lui qu'on parle ?

6 Mme McHenry (interprétation). - Oui. Auriez-vous observé quoi

7 que ce soit à son propos ?

8 Témoin F (interprétation). - Lorsque Radoslav Kuljanin a été

9 ramené en provenance d'Igman, il a été tabassé à l'entrée du hangar. Il

10 était assis juste à gauche de l'entrée. Pendant peut-être cinq ou six

11 jours, il n'a pas pu manger. Il ne pouvait pas ouvrir les yeux. Il a juste

12 pu boire un peu d'eau. Il pouvait à peine bouger. Il avait été tabassé

13 très sévèrement.

14 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce la seule fois où vous

15 avez vu Radoslav Kuljanin faire l'objet de mauvais traitements ?

16 Témoin F (interprétation). - Par la suite, Radoslav Kuljanin a

17 aussi été battu en face de nous tous. C'est Hazim Delic qui l'a battu

18 plusieurs fois. Tous les matins, Kuljanin le savait. Il disait : « Mon

19 Dieu, voilà qu'il vient ». Et puis, il a commencé à supplier qu'on ne le

20 batte pas. Mais il était battu chaque matin, tout comme les autres

21 personnes que je viens de mentionner.

22 Mme McHenry (interprétation). - Y avait-il un détenu, un

23 dénommé Scepo Gotovac dans le camp ?

24 Témoin F (interprétation). - Oui.

25 Mme McHenry (interprétation). - Quel était l'âge approximatif

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1 de M. Gotovac ?

2 Témoin F (interprétation). - Il était né en 1921 ou 1922.

3 Mme McHenry (interprétation). - Où se trouvait-il

4 approximativement dans le hangar ?

5 Témoin F (interprétation). - Il était assis juste à l'entrée,

6 à droite. Il était le premier parce qu'il avait été le premier à entrer ce

7 jour-là. Je m'en souviens parfaitement. Je me souviens parfaitement quand

8 Scepo Gotovac est arrivé. Il était assis derrière la porte, à droite.

9 Après un certain temps -je ne sais pas quelle fut la durée de cette

10 période- Hazim Delic est entré. Il avait un journal dans la main, ou un

11 document. Il l’a lu à haute voix, très haut pour que tout le monte

12 l'entende. Il a dit : « Scepo Gotovac » , Gotovac a dit : « Oui, je suis

13 là ». Il lui a été ordonné de se lever.

14 Et puis, il a dit : « En 1942, ici même, tu as tué deux

15 Musulmans et tu vas rester ici ». Scepo a dit : « Ce n'est pas vrai, je

16 n'en sais rien, je ne connais rien à ce propos ». Hazim l’a frappé

17 plusieurs fois à la tête et une fois dans la région abdominale. Scepo est

18 tombé. Et puis, Hazim l’a pris par l'épaule, l’a sorti et il a été

19 possible d'entendre les cris. Il a été rejeté à l'intérieur et, pendant un

20 certain temps... En fait, cela a duré jusqu'à la soirée. Puis, il a été de

21 nouveau rappelé à l’extérieur. Je ne sais pas qui l’a appelé. Il a dit :

22 « Je ne peux pas me lever ». Quelqu'un a dit : « Qu'on le porte, qu'on le

23 transporte ». Quelqu'un l’a transporté dehors. Il y a eu d'autres plaintes

24 de sa part. Il a été ramené par la suite. Le matin suivant, on nous a dit

25 que Scepo était mort. Il est donc venu. Il a été battu et il est mort en

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1 un seul et même jour.

2 Mme McHenry (interprétation). - Lorsque vous vous trouviez au

3 camp, avez-vous eu l’occasion d'entendre parler d'un incident qui se

4 serait passé à Apovic ?

5 Témoin F (interprétation). - A Arapovic.

6 Mme McHenry (interprétation). - Je l’épelle : A.R.A.P.O.V.I.C.

7 pour l’interprète.

8 Témoin F (interprétation). - C'est exact.

9 Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous expliquer ce que

10 vous avez entendu dire ?

11 Témoin F (interprétation). - J'ai entendu parler de cet

12 incident, je pense, le même jour. Smaio Messar est venu au camp de

13 Celebici et a dit que certains membres de la police avaient été tués près

14 d'Arapovic et que cette nuit-là il y aurait du grabuge.

15 Ce soir-là, cette nuit-là, ou c'était peut-être l'après-midi

16 -je ne me souviens plus exactement-, Hazim Delic est venu. Il nous a dit :

17 « Qu'est-ce que les gens font là-bas ? Ils tuent nos officiers de

18 police ? » et il nous a insultés. Il a commencé à frapper les gens un à

19 un. Il a ordonné à Zenga et il a dit : « Voilà, c'est ce que les gens de

20 Bradina vont recevoir pour le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner,

21 trois fois par jour ».

22 Le soir, nous n'avons rien reçu en guise de nourriture. On

23 nous interdisait de boire de l'eau. Nous tous, venant de Bradina, nous

24 devions nous lever. Zenga a continué ce jeu qui s'est poursuivi à partir

25 de ce jour-là chaque jour. Nous étions battus, frappés un à un. Zenga

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1 allait d'un homme à l'autre et le frappait.

2 Mme McHenry (interprétation). - Pendant combien de temps a

3 duré ce traitement ?

4 Témoin F (interprétation). - Cela a duré un certain temps, je

5 ne sais pas combien de temps. Mais cela a duré très longtemps. Il se peut

6 que cela ait même duré jusqu'au moment où Samoukovic a été tué.

7 Nous avons été tabassés régulièrement, chaque jour, nous qui

8 venions de Bradina. Chaque matin nous devions nous lever. Chaque jour,

9 cela s'est poursuivi. Il nous était même interdit de boire de l'eau, de

10 manger. Il faisait si chaud qu'il était difficile de se passer d'eau.

11 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous-même avez été

12 tabassé ou était-ce seulement les autres personnes de Bradina qui ont été

13 tabassées ?

14 Témoin F (interprétation). - J'ai été battu ce jour-là,

15 lorsque l'incident est survenu, lorsqu'Hazim Delic est venu. Puis, une

16 fois encore, c'est Landzo qui m'a battu cette fois-là, Landzo surnommé

17 Zenga. Il m'a frappé deux fois du pied, mais cela a été tout. Il tabassait

18 les autres régulièrement.

19 Mme McHenry (interprétation). - Y avait-il un détenu qui

20 s'appelait Zeljko Klimenta dans le camp ?

21 Témoin F (interprétation). - Oui.

22 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous éventuellement

23 observé ou savez-vous ce qu'il lui est advenu ? Pourriez-vous situer ceci

24 plus ou moins précisément dans le temps ?

25 Témoin F (interprétation). - Je crois que c'est au début du

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1 mois d'août. Zeljko Klimenta était assis dans un coin. Il était à cinq

2 personnes de distance de moi. Il était vraiment dans le coin du hangar. Un

3 matin, il était encore très tôt, 5 heures du matin, Zoran Tomovic est venu

4 le chercher, lui a dit de sortir et de prendre le café avec lui. Il a dit

5 qu'il ne voulait pas. L'autre est reparti, plus tard. Quelqu'un a appelé

6 Klimenta, de l'extérieur, je ne sais pas qui c'est.

7 Klimenta était de mauvaise humeur, il s'est relevé, il est

8 sorti. Après un certain temps, nous avons entendu un coup de feu.

9 Kujundzic et Zoran Tomovic sont entrés. Kujundzic se tenait la tête dans

10 les mains et il a dit : "Keljo a été tué". C'est comme cela qu'on

11 l'appelait "Keljo". L'autre s'est assis à sa place.

12 M. le Président (interprétation). - Je crois que le moment

13 est venu d'interrompre nos débats.

14 Nous reprendrons l'interrogatoire de ce témoin demain matin

15 merci.

16 Mme McHenry (interprétation). - Pour que tout soit clair je

17 demanderai au témoin de rester là où il est, de ne pas bouger de place.

18 M. le Président (interprétation). - Témoin, restez où vous

19 êtes. Ne vous levez pas encore. Les juges vont se retirer et nous

20 reprendrons les travaux demain matin, à 10 heures.

21 L'audience est levée à 17 heures 30

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