Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                     AFFAIRE N° IT-96-21-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3  

  4   Lundi 7 juillet 1997

  5  

  6   L'audience est ouverte à 10 heures 05 .

  7  

  8   M. le Président (interprétation). - Bonjour, mesdames et

  9   messieurs. Il est bon de se retrouver après une interruption aussi longue.

 10   Les conseils auront reçu, je l'espère, le calendrier des

 11   audiences indiquant quels seront les témoins qui comparaîtront pour la 28e

 12   et la 29e semaines. Je pense que vous avez dû le recevoir puisque nous-

 13   mêmes l'avons reçu. L'accusation nous l'a transmis.

 14   Nous siégerons tous les jours de la semaine, du lundi au

 15   vendredi, soit cinq jours.

 16   Qui appelez-vous maintenant comme témoin ?

 17   M. Turone (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

 18   Notre prochain témoin était au départ un témoin protégé, désigné sous la

 19   lettre C, protégé à l'intention du public et des médias. Cela étant, ce

 20   témoin est maintenant disposé à déposer sans aucune mesure de protection.

 21   Par conséquent, nous retirons cette demande de mesure de protection. Nous

 22   l'appellerons donc par son nom réel, qui est M. Vaso Dordic. Il se

 23   trouvait sur la cassette vidéo montrée par la défense le lundi 11 juin,

 24   cassette en provenance de la Télévision de Belgrade.

 25   Avant que le témoin n'entre, j'ai une demande à formuler.


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  1   L'accusation pense qu'une question doit être soulevée d'abord à

  2   l'intention de la Chambre. Cela prendra peu de temps, mais je vous demande

  3   l'autorisation de le faire avant que le témoin n'entre dans le prétoire et

  4   à huis-clos, si vous le voulez bien, car cette question présente des

  5   aspects confidentiels.

  6   M. le Président (interprétation). - Nous passons donc à huis

  7   clos pour l'examen de cette question.

  8   (L'audience se poursuit à huis clos)

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  7   (Audience publique)

  8   (Le témoin, M. Vaso Dordic, est introduit dans la salle d'audience.)

  9   M. le Président (interprétation). - Veuillez faire prêter

 10   serment au témoin.

 11   (Le témoin, debout, prête serment.)

 12   M. Turone (interprétation). - Puis-je poursuivre ?

 13   M. le Président (interprétation). - Oui, je vous en prie.

 14   M. Turone (interprétation). - Monsieur, voudriez-vous nous

 15   donner votre identité complète ?

 16   M. Dordic (interprétation). - Je m'appelle Vaso Dordic.

 17   M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, vous venez de

 18   donner lecture de la déclaration solennelle. Vous avez dit : "Je dirai la

 19   vérité, rien que la vérité, toute la vérité." Est-ce que vous comprenez le

 20   sens de cette déclaration solennelle ?

 21   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 22   M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, quelle est votre

 23   date de naissance ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Je suis né le 9 octobre 1966.

 25   M. Turone (interprétation). - Quelle est votre appartenance


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  1   ethnique ?

  2   M. Dordic (interprétation). - Je suis serbe.

  3   M. Turone (interprétation). - Où êtes-vous né ?

  4   M. Dordic (interprétation). - Je suis né à Konjic.

  5   M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, quel genre de

  6   formation scolaire avez-vous reçu ?

  7   M. Dordic (interprétation). - J'ai terminé l'école primaire et

  8   deux années d'école secondaire et, ensuite, j'ai suivi un cours organisé

  9   spécialement pour des pompiers.

 10   M. Turone (interprétation). - Combien d'années avez-vous été à

 11   l'école primaire ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Huit ans.

 13   M. Turone (interprétation). - Après l'école primaire, à quelle

 14   école êtes-vous allé ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Je suis allé à une école de

 16   Sarajevo qui s'appelle Vaso Miskin Crni, une école des chemins de fer.

 17   M. Turone (interprétation). - Pendant combien d'années ?

 18   M. Dordic (interprétation). - Deux ans.

 19   M. Turone (interprétation). - Quelle est la matière que vous

 20   avez apprise dans cette école technique ?

 21   M. Dordic (interprétation). - J'ai suivi les cours destinés aux

 22   pompiers. "Lutte contre l'incendie", c'était cela, ma matière.

 23   M. Turone (interprétation). - Qu'avez-vous fait après ces deux

 24   années d'école technique ?

 25   M. Dordic (interprétation). - Je n'ai pas tout de suite trouvé


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  1   de travail. J'ai donc travaillé pendant six mois dans la construction et,

  2   plus tard, je suis allé dans une autre société pour laquelle je peignais

  3   des ponts. Après cela, j'ai trouvé un travail et je suis allé travailler à

  4   Rajlovac dans les chantiers de chemins de fer où j'étais pompier.

  5   M. Turone (interprétation). - Avez-vous fait votre service

  6   militaire ?

  7   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  8   M. Turone (interprétation). - Comme quoi ?

  9   M. Dordic (interprétation). - Je suis entré à l'armée le

 10   15 mars 1988. Je suis resté deux mois et ensuite, j'ai été transféré à

 11   Belgrade où j'ai travaillé comme boulanger dans l'armée.

 12   M. Turone (interprétation). - Comment se fait-il que vous avez

 13   été engagé comme pompier, Monsieur Dordic ?

 14   M. Dordic (interprétation). - Mon père qui est mort, travaillait

 15   à Sarajevo et c'est grâce à lui que j'ai trouvé ce travail. C'était un

 16   privilège.

 17   M. Turone (interprétation). - Où travailliez-vous comme pompier

 18   ?

 19   M. Dordic (interprétation). - Je travaillais à Rajlovac à la

 20   gare.

 21   M. Turone (interprétation). - Pendant combien de temps ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Pendant deux ans, jusqu'à ce que

 23   la guerre n'éclate en 1992.

 24   M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce que vous

 25   faisiez normalement pendant votre journée de travail lorsque vous étiez


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  1   pompier ?

  2   M. Dordic (interprétation). - Pendant les heures de travail

  3   normales, j'étais au bureau. J'étais chef d'équipe. L'équipe faisait cinq

  4   personnes. Parfois, je devais donc sortir pour aller vérifier, contrôler

  5   les trains qui arrivaient dans cette gare.

  6   M. Turone (interprétation). - Très bien, Monsieur Dordic. Où

  7   viviez-vous en mai 1992 ?

  8   M. Dordic (interprétation). - En mai 1992, j'habitais dans le

  9   village de Zukici à peu près trois kilomètres et demi entre Konjic et

 10   Bradina.

 11   M. Turone (interprétation). - Avec qui viviez-vous ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Je vivais avec mon père, ma mère

 13   et mon frère.

 14   M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire le nom de

 15   votre frère ?

 16   M. Dordic (interprétation). - Mon frère s'appelle Veseljko

 17   Dordic.

 18   M. Turone (interprétation). - Y a-t-il eu un moment où Bradina a

 19   été touchée par le conflit armé et, ensuite, un moment où votre village de

 20   Zukici a été touché par le conflit en 1992 ?

 21   M. Dordic (interprétation). - Oui, au mois de mai.

 22   M. Turone (interprétation). - Vous souvenez-vous à peu près de

 23   la date de cet événement ?

 24   M. Dordic (interprétation). - La première attaque contre Bradina

 25   a eu lieu le 12 mai et, le 22 mai, il y a eu une autre attaque, une autre


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  1   offensive, et Bradina est tombée.

  2   M. Turone (interprétation). - Avez-vous été arrêté ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Non. A ce moment-là, je me

  4   trouvais chez moi pendant toute cette période. Je travaillais dans les

  5   champs et je ne m'éloignais pas jusqu'au mois de juillet.

  6   M. Turone (interprétation). - Il y a donc eu arrestation, mais

  7   plus tard, en juillet ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  9   M. Turone (interprétation). - Quand avez-vous été arrêté en

 10   juillet ?

 11   M. Dordic (interprétation). - C'était le 12 juillet, le jour de

 12   la Saint Pierre.

 13   M. Turone (interprétation). - Voulez-vous expliquer les

 14   circonstances de votre arrestation ?

 15   M. Dordic (interprétation). - J'étais arrêté de la façon

 16   suivante : des voisins sont venus frapper à la porte et m'ont dit, à moi

 17   ainsi qu'à mon frère et à mes parents qui sont morts depuis, de sortir.

 18   Gojka Dordic, Bojka, Radojka Savo, Sofja et Marija Dordic ont tous été

 19   arrêtés en même temps. Tout cela a été fait par nos voisins : Redo Balic,

 20   Redo Ljevo, Muhamed Niksic, notamment.

 21   M. Turone (interprétation). - Est-ce que ces personnes qui vous

 22   ont arrêté appartenaient à des unités militaires pour autant que vous

 23   sachiez ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Ils étaient tous membres du TO.

 25   M. Turone (interprétation). - Portaient-ils des uniformes ?


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  1   M. Dordic (interprétation). - Certains, oui. D'autres, non.

  2   M. Dordic (interprétation). - Y avait-il des insignes sur les

  3   uniformes de ceux qui portaient un uniforme ?

  4   M. Dordic (interprétation). - Ils avaient des insignes sur le

  5   bras. C'étaient des insignes de la défense territoriale.

  6   M. Turone (interprétation). - Vous a-t-on dit pourquoi vous

  7   étiez arrêté ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Non.

  9   M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous portiez une arme

 10   au moment de votre arrestation ?

 11   M. Dordic (interprétation). - Je ne possédais aucune arme. Je

 12   n'étais pas membre d'un parti.

 13   M. Turone (interprétation). - Avez-vous, de quelque façon que ce

 14   soit, pris part à la défense de votre village ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Non. J'étais à la maison tout le

 16   temps. Je travaillais avec les voisins dans les champs et j'essayais de

 17   survivre.

 18   M. Turone (interprétation). - Vous souvenez-vous à peu près à

 19   quel moment de la journée vous avez été arrêté le 12 juillet ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Oui, je sais seulement que c'était

 21   le jour de la Saint Pierre. C'était donc le 12 juillet.

 22   M. Turone (interprétation). - Que vous est-il arrivé après votre

 23   arrestation ? Où vous a-t-on emmené ?

 24   M. Dordic (interprétation). - J'ai d'abord été emmené au motel à

 25   Konjic et, de là, on m'a ensuite transféré à Celebici.


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  1   M. Turone (interprétation). - Dans quel véhicule vous a-t-on

  2   transporté à Celebici ?

  3   M. Dordic (interprétation). - C'était un véhicule TAM. Muhamed

  4   Niksic m'a d'abord emmené au motel de Konjic et, ensuite, de là, à

  5   Celebici dans un camion.

  6   M. Turone (interprétation). - Vous souvenez-vous à peu près de

  7   l'heure de votre arrivée à Celebici ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Nous avons quitté la maison vers

  9   midi et je dois être arrivé à Celebici vers 2 heures.

 10   M. Turone (interprétation) - Deux heures de la nuit ou deux

 11   heures de l’après-midi ?

 12   M. Dordic  (interprétation) - Deux heures du matin.

 13   M. Turone (interprétation) - Vous êtes donc arrivé à Celebici

 14   dans la nuit du 12 au 13 juillet ?

 15   M. Dordic (interprétation) - Oui.

 16   M. Turone (interprétation) - Combien y avait-il de prisonniers

 17   dans le véhicule qui vous transportait à Celebici ?

 18   M. Dordic (interprétation) - C’étaient les gens de Zukici qui

 19   avaient été amenés au motel. Tous, on nous a amenés ensuite à Celebici.

 20   M. Turone (interprétation) - Monsieur Vaso Dordic, voudriez-vous

 21   nous expliquer maintenant en détail ce qui vous est arrivé tout de suite

 22   après votre arrivée à Celebici ?

 23   M. Dordic  (interprétation) - Dès que nous sommes arrivés à

 24   Celebici, on a séparé les femmes et les enfants des autres. Moi-même, mon

 25   frère et mon père, qui est mort depuis, avons été amenés au hangar n° 6 ?


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  1   M. Turone (interprétation) - Y avait-il d’autres prisonniers à

  2   l’intérieur du hangar n° 6 lorsque vous êtes arrivé ?

  3   M. Dordic (interprétation) -  Oui, il y avait beaucoup de gens

  4   dans le hangar. J’ai pu le constater au lever du jour.

  5   M. Turone (interprétation) - Pouvez-vous nous dire environ

  6   combien ?

  7   M. Dordic (interprétation) - A peu près deux cents, peut-être

  8   même plus.

  9   M. Turone (interprétation) - Pouvez-vous nous dire où,

 10   exactement, à l’intérieur du hangar, vous avez dormi la première nuit ?

 11   M. Dordic (interprétation) - La première nuit où j’ai été amené

 12   au hangar n° 6, on m’a placé près de la porte d’entrée du hangar. Il y

 13   avait moi, ensuite mon frère, ensuite mon père, décédé depuis.

 14   M. Turone (interprétation). - Vous étiez donc l’un près de

 15   l’autre à l’intérieur du hangar ?

 16   M. Dordic (interprétation) - Oui, à côté l’un de l’autre à

 17   l’intérieur ?

 18   M. Turone (interprétation) - Et près de la porte ?

 19   M. Dordic (interprétation) - Oui.

 20   M. Turone (interprétation) - Que s’est-il passé dès le lendemain

 21   matin ?

 22   M. Dordic (interprétation) - Le lendemain matin, trois hommes

 23   sont entrés, m’ont donné l’ordre de sortir, m’ont dit : « Sortez, vous qui

 24   êtes arrivés hier soir. » C’est ainsi que mon père, mon frère et moi-même

 25   sommes sortis.


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  1   Une personne s’est présentée à mon père, a dit qu’il s’appelait

  2   Zdravko Mucic, et qu’il était le commandant du camp.

  3   Ce matin-là, trois personnes se sont présentées. Lui avait dit

  4   qu’il était Pavo Mucic, commandant du camp.

  5   M. Turone (interprétation) - Connaissez-vous l’identité, parmi

  6   ces trois personnes, de celui qui a demandé qui étaient les nouveaux qui

  7   étaient arrivés la veille ?

  8   M.  Dordic (interprétation) - Oui

  9   M. le Président (interprétation). - Quels sont-ils ?

 10   M. Dordic (interprétation) - Il s’agissait de Pavo Mucic. C’est

 11   lui qui a demandé qui étaient les nouveaux arrivés, ceux qui étaient

 12   arrivés la veille de Zukici.

 13   M. Turone (interprétation) -  Comment avez-vous appris son nom

 14   et quand l’avez-vous appris ?

 15   M. Dordic (interprétation) - J’ai vu et j’ai appris le nom de

 16   Pavo Mucic quand il s’est présenté à moi-même, à mon frère Veseljko et à

 17   mon père.

 18   M. Turone (interprétation) -  Oui, mais comment savez-vous qu’il

 19   s’appelait Mucic ? Comment le savez-vous ? S’est-il présenté en déclinant

 20   son identité ?

 21   M. Dordic (interprétation) - Oui, il s’est présenté. Il a dit :

 22   "Voilà, c’est comme cela que je m’appelle, je suis Pavo Mucic."

 23   M. Turone (interprétation). - Fort bien. Et connaissez-vous

 24   l’identité des deux personnes qui l’accompagnaient cette fois-là ?

 25   M. Dordic (interprétation) - Par la suite, j’ai rencontré Hazim


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  1   Delic et Zenga Landzo. J’ai passé pas mal de temps à la prison dans le

  2   camp et j’ai appris leur identité par la suite.

  3   M. Turone (interprétation) - Ma question était de savoir qui

  4   étaient ces deux personnes qui accompagnaient M. Mucic ce premier matin.

  5   M. Dordic (interprétation) - Ce premier matin, il y avait Zenga

  6   Landzo et Hazim Delic.

  7   M. Turone (interprétation) -  Fort bien. Quels ont été les

  8   propos exacts de M. Mucic à l’égard de votre père ?

  9   M. Dordic  (interprétation) -  Il a dit à mon père qu’il allait

 10   le laisser rentrer chez lui, mais que nous deux, nous devions rester pour

 11   faire une déposition ; que nous allions bientôt emboîter le pas à notre

 12   père et que nous aussi, nous allions être libérés. Que nous allions rester

 13   quelques jours parce qu’il y avait une déclaration à faire mais que nous

 14   allions rentrer par la suite.

 15   M. Turone (interprétation) - Monsieur Delic a-t-il dit quoi que

 16   ce soit à cette occasion ?

 17   M. Dordic (interprétation). -  A cette occasion, Delic n’a rien

 18   dit ; il a gardé le silence.

 19   M. Turone (interprétation) - Fort bien. Monsieur Dordic, que

 20   vous est-il arrivé ce matin-là, à vous et à votre frère alors que votre

 21   père était libéré ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Ce matin-là, nous avons été

 23   ramenés au hangar n° 6. Mon père a été libéré, mais nous, nous devions

 24   rentrer au hangar n° 6. C’est à ce moment-là qu’un garde est entré ; je ne

 25   le connaissais pas. Il m’a fait sortir, moi et mon frère, et ce garde nous


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  1   a passés à tabac, d’abord sur le côté du hangar n° 6. Il a frappé mon

  2   frère d’un couteau à l’arcade sourcilière qu’il a coupée en deux. Par la

  3   suite, quand j’ai été en prison, j’ai appris que cette personne était

  4   Zenga Landzo. J’ai appris son nom des autres détenus ; ils s’appelaient

  5   par leur prénom.

  6   M. Turone (interprétation). - Zenga, que vous a-t-il fait, à

  7   vous et à votre frère exactement ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Zenga m’a forcé à faire des

  9   pompes. Puis, il a allumé une mèche de détonateur.

 10   M. Turone (interprétation). - Je parle de ce premier matin-là,

 11   dès après que votre père ait été libéré.

 12   M. Dordic (interprétation). - Oui, ce tout premier matin-là, il

 13   nous a frappés.

 14   M. Turone (interprétation). - A l’aide de quoi vous a-t-il

 15   frappés ?

 16   M. Dordic (interprétation). - Avec ses pieds, des coups de

 17   bottes et aussi avec la crosse de son fusil.

 18   M. Turone (interprétation). - Cela a-t-il été la seule occasion

 19   où il vous ait frappé ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Non, cela n’a pas été la seule

 21   fois. Par la suite, il nous a à nouveau roués de coups.

 22   M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous estimer le nombre de

 23   passages à tabac qu’il vous a fait subir ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Il m’a frappé chaque jour de ma

 25   détention au hangar n° 6.


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  1   M. Turone (interprétation). - Landzo disait quoi que ce soit

  2   chaque fois qu'il vous battait ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Il ne disait rien. Il se

  4   contentait de venir au hangar, de me faire sortir. Il criait : "Sors,

  5   sors !" et puis il commençait à m'attraper.

  6   M. Turone (interprétation). - Fort bien Monsieur. Pourriez-vous

  7   décrire les caractéristiques physiques du hangar n° 6 ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Le hangar n° 6 ? Voici comment il

  9   se présentait. En fait, c'est de la tôle ondulée à l'extérieur et on

 10   voyait les poutres, la structure métallique à l'intérieur.

 11   M. Turone (interprétation). - Et quelle était la taille de ce

 12   hangar ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Je dirais 27 à 28 mètres de long.

 14   M. Turone (interprétation). - Avez-vous toujours occupé la même

 15   place à l'intérieur du hangar n° 6 ? Etiez-vous toujours près de la

 16   porte ?

 17   M. Dordic (interprétation). - J'ai toujours gardé la même place,

 18   toujours près de la porte.

 19   M. Turone (interprétation). - Est-ce que votre frère, lui aussi,

 20   est resté au même endroit, près de la porte ?

 21   M. Dordic (interprétation). - Nous n'avons cessé d'être

 22   ensemble. Jamais nous n'avons été séparés. Nous étions là, à même le sol.

 23   M. Turone (interprétation). - Et quelle a été la durée

 24   approximative de votre séjour au hangar n° 6 ?

 25   M. Dordic (interprétation). - Je suis resté quatre mois au


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  1   hangar n° 6. C'est alors que j'ai été transféré à la salle de sport de

  2   Musala.

  3   M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous décrire les

  4   conditions dans lesquelles vous viviez au hangar n° 6 ? En matière de

  5   nourriture, d'eau potable, d'endroit pour dormir, de sanitaires ?

  6   M. Dordic (interprétation). - Les conditions étaient effroyables

  7   au hangar n° 6. Nous recevions un peu à manger une fois par jour, parfois

  8   deux fois par jour, et nous ne recevions qu'une fois de l'eau potable.

  9   Nous dormions à même le sol en béton, au hangar n° 6.

 10   M. Turone (interprétation). - Et qu'en était-il des

 11   installations sanitaires ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Il y avait une toilette à

 13   l'extérieur, la nuit il y avait un seau tout près de la porte, qu'on

 14   utilisait pendant la nuit, surtout pour uriner. Le matin, nous devions

 15   sortir le seau.

 16   M. Turone (interprétation). - Etiez-vous autorisé à sortir

 17   pendant la journée, pour uriner à l'extérieur ?

 18   M. Dordic (interprétation). - Certains étaient autorisés à le

 19   faire, d'autres pas.

 20   M. Turone (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu des moments où

 21   l'on ne vous a rien donné à manger pendant la journée ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Effectivement, nous avons vécu de

 23   tels moments où pendant deux jours consécutifs nous ne recevions rien.

 24   M. Turone (interprétation). - Qu'en est-il de l'eau potable ?

 25   Etiez-vous ravitaillé de façon stable, constante ?


Page 4218

  1   M. Dordic (interprétation). - Nous n'avions pas d'eau potable

  2   régulièrement. Nous en recevions de toutes petites quantités.

  3   M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, est-ce que vous

  4   avez subi un interrogatoire, alors que vous vous trouviez au camp de

  5   Celebici ?

  6   M. Dordic (interprétation). - Une seule fois.

  7   M. Turone (interprétation). - Et quand cet interrogatoire a-t-il

  8   eu lieu ?

  9   M. Dordic (interprétation). - J'ai été interrogé après avoir

 10   passé cinq ou dix jours au camp.

 11   M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous dire où cet

 12   interrogatoire a eu lieu ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Au bâtiment du commandement, tout

 14   à l'entrée du camp.

 15   M. Turone (interprétation). - Est-ce que quelqu'un a été

 16   interrogé pendant que vous, vous l'étiez aussi ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Ce jour là, il n'y a que mon père,

 18   Veseljko Dordic qui a été interrogé.

 19   M. Turone (interprétation). - J'ai entendu que vous parliez de

 20   votre père.

 21   M. Dordic (interprétation). - Excusez-moi, je voulais parler de

 22   mon frère, Veseljko Dordic.

 23   M. Turone (interprétation). - Qui vous a fait sortir, votre

 24   frère et vous, et vous a amenés aux fins d'interrogatoire au bâtiment de

 25   commandement ?


Page 4219

  1   M. Dordic (interprétation). - A cette occasion-là, le garde

  2   Zenga nous a emmenés pour interrogatoire au bâtiment du commandement ?

  3   M. Turone (interprétation). - Qui a d'abord été interrogé ?

  4   Votre frère ou vous ?

  5   M. Dordic (interprétation). - C'est moi qui ai subi le premier

  6   l'interrogatoire. Mon frère restait dehors, pendant ce temps, à

  7   l'extérieur. Il était là, à l'air libre, faisait face au dispensaire, il

  8   avait le dos tourné vers le bâtiment du commandement. J'ai donc été le

  9   premier à être interrogé et à faire une déclaration.

 10   M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous dire dans

 11   quelle pièce du bâtiment de commandement vous avez été interrogé ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Dans une pièce qui faisait face,

 13   ou dont les fenêtres donnaient sur le dispensaire.

 14   M. Turone (interprétation). - Et qui vous a interrogé ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Pavo Mucic et Hazim Delic se

 16   trouvaient dans la pièce et Ismeta tapait à la machine.

 17   M. Turone (interprétation). - Etiez-vous assis à une table au

 18   cours de cet interrogatoire ?

 19   M. Dordic (interprétation). - J'étais assis près d'une table et

 20   j'ai été interrogé par Hazim Delic. Il parlait, moi je gardais le silence

 21   et Ismeta frappait à la machine ce qui était dit.

 22   M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous pouviez voir les

 23   fenêtres de cette pièce pendant cet interrogatoire, de l'endroit où vous

 24   vous trouviez ? Est-ce que la fenêtre était devant vous ? Est-ce que vous

 25   voyiez ces fenêtres ?


Page 4220

  1   M. Dordic (interprétation). - La fenêtre se trouvait en face de

  2   moi et elle donnait sur un autre bâtiment qu'on appelait le dispensaire.

  3   M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous étiez en mesure de

  4   voir autre chose par la fenêtre ?

  5   M. Dordic (interprétation). - Je voyais Zenga Landzo en train de

  6   frapper mon frère avec son fusil, avec lequel il le frappait sur le corps,

  7   tandis que moi je faisais cette déclaration.

  8   M. Turone (interprétation). - Et vous, comment avez-vous été

  9   traité au cours de cet interrogatoire ?

 10   M. Dordic (interprétation). - Le traitement était le suivant :

 11   j'étais assis sur une chaise, près de la table, Hazim Delic a sorti son

 12   revolver, l'a dirigé sur ma tempe, il m'a frappé avec ce revolver et m'a

 13   dit que je devais avouer ce qu'il me disait d'avouer. Pendant ce temps,

 14   Ismeta continuait à dactylographier.

 15   M. Turone (interprétation). - Est-ce que Delic était assis à la

 16   table pendant cet interrogatoire ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Non.

 18   M. Turone (interprétation). - Quelle était sa position à

 19   l'intérieur de cette pièce ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Il était à côté de moi, debout à

 21   côté de moi.

 22   M. Turone (interprétation). - Est-ce qu'il s'est contenté de

 23   placer ce revolver sur votre tempe ? A-t-il dit autre chose ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Il ne disait rien de particulier.

 25   Il se contentait de diriger ce revolver contre moi, me disant d'avouer.


Page 4221

  1   Puis il m'a frappé à la tête, et j'ai commencé à saigner du nez.

  2   M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, est-ce que

  3   M. Mucic était assis à la table, au cours de cet interrogatoire ?

  4   M. Dordic (interprétation). - Pavo Mucic, tout au long de

  5   l'interrogatoire, se trouvait dans le bureau et il regardait. Plus tard,

  6   il est sorti et il n'est pas revenu.

  7   M. Turone (interprétation). - Mais je veux dire ceci : était-il

  8   assis à la table au cours de l'interrogatoire ?

  9   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 10   M. Turone (interprétation). - Quelle était sa position, alors

 11   qu'il était assis sur cette chaise ? Où se trouvait-il par rapport à la

 12   fenêtre ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Par rapport à la fenêtre, il était

 14   assis à côté parce qu'il regardait par la fenêtre, vers l'extérieur ?

 15   M. Turone (interprétation). - Monsieur Mucic a-t-il dit quoi que

 16   ce soit au cours de l'interrogatoire ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Non, il n'a rien dit.

 18   M. Turone (interprétation). - Avez-vous été accusé de choses

 19   précises au cours de l'interrogatoire ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Au cours de l'interrogatoire, oui,

 21   ils ont porté des accusations contre moi.

 22   M. Turone (interprétation). - Il vous a accusé de quoi ?

 23   M. Dordic (interprétation). - Le 11 juillet, des policiers

 24   avaient été tués entre Rrebozi et Bradina et ils ont dit que c'était moi

 25   qui était responsable de leur mort. Apparemment, cela avait été aussi le


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  1   motif de mon arrestation. Hazim Delic me forçait à avouer que j'étais le

  2   coupable.

  3   M. Turone (interprétation). - Avez-vous dû signer une

  4   déclaration, un document à la fin de l'interrogatoire ?

  5   M. Dordic (interprétation). - Oui, et j'ai signé cette

  6   déclaration. Je voulais signer en écriture latine et il m'a répondu non,

  7   vous êtes un Chetnik, il faut que vous signiez en alphabet cyrillique.

  8   J'ai donc dû m'exécuter.

  9   M. Turone (interprétation). - L'interrogatoire a-t-il duré

 10   longtemps ?

 11   M. Dordic (interprétation). - Dix minutes.

 12   M. Turone (interprétation). - Que s'est-il passé dès la fin de

 13   votre interrogatoire ?

 14   M. Dordic (interprétation). - Après l'interrogatoire, on m'a

 15   fait sortir et c'est mon frère qui a été amené à l'intérieur, Veseljko

 16   Dordic.

 17   M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous, personnellement,

 18   vous avez vu Veseljko, alors qu'il entrait dans cette pièce pour subir son

 19   interrogatoire ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Oui. Parce que nous nous sommes

 21   croisés à la porte, la porte qui donne sur la pièce où je me trouvais. Il

 22   a été interrogé et j'ai dû tourner mon dos vers la fenêtre. Je faisais

 23   alors face au dispensaire.

 24   M. Turone (interprétation). - Voulez-vous dire que pendant

 25   l'interrogatoire de Veseljko, vous aviez la même position que celle qu'il


Page 4223

  1   avait pendant que vous, vous étiez interrogé ?

  2   M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas s'il était assis à

  3   la même chaise que j'occupais lorsque je me trouvais dans la pièce. En

  4   tout cas, nous nous sommes croisés à la porte, la porte d'entrée de cette

  5   pièce où j'étais moi-même interrogé.

  6   M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, avez-vous,

  7   personnellement, été l'objet d'autres sévices physiques, outre ceux que

  8   vous avez déjà décrits pendant que vous êtes resté à Celebici ?

  9   M. Dordic (interprétation). - Oui, j'ai été frappé.

 10   M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous décrire de façon

 11   détaillée chacun des incidents qui vous concernent personnellement et, si

 12   cela était possible, en ordre chronologique ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Un jour, Zenga Landzo est entré et

 14   il m'a dit que je devais faire des pompes, dix pompes. Puis, après, il a

 15   commencé à me frapper. J'en faisais deux, et il me frappait au flanc avec

 16   ses bottines de soldat. Cela s'est répété tous les jours.

 17   M. Turone (interprétation). - Y a-t-il eu d'autres incidents ?

 18   M. Dordic (interprétation). - Il me frappait aussi avec la

 19   crosse de son fusil, il allumait une mèche de détonateur, puis il m'a

 20   forcé, m'a contraint à avoir des relations sexuelles avec mon propre

 21   frère.

 22   M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous décrire, dans le

 23   détail, et un à un, chacun de ces incidents. Parlons de cette mèche de

 24   détonateur. Que s'est-il passé ?

 25   M. Dordic (interprétation). - Eh bien, il a pris un morceau de


Page 4224

  1   mèche de cette longueur.

  2   M. Turone (interprétation). - Quand vous dites "il", de qui

  3   parlez-vous ?

  4   M. Dordic (interprétation). - De Zenga Landzo. C'était Zenga qui

  5   avait pris cette longueur de mèche à peu près, mèche de détonateur qui

  6   était déjà allumée et qui se consumait lentement.

  7   Excusez-moi, puis-je utiliser mes propres termes ?

  8   M. Turone (interprétation). - Allez-y, bien sûr.

  9   M. Dordic (interprétation). - Puis, il a placé ceci autour de

 10   mon anus, il a mis un bout de la mèche à l'intérieur et l'autre de l'autre

 11   côté de mon pénis. Il restait une partie qui dépassait et il a mis le feu.

 12   Il me reste une cicatrice du fait de cette mèche. Il l'a fait devant tous

 13   les prisonniers dans le hangar, au milieu du hangar, près de la porte.

 14   Tous les prisonniers pouvaient voir ce qu'il était en train de me faire,

 15   comment il a mis le feu à cette mèche.

 16   M. Turone (interprétation). - Comment a-t-il mis le feu à cette

 17   mèche ? A-t-il utilisé une allumette, un briquet ? Vous en souvenez-vous ?

 18   M. Dordic (interprétation). - Il avait un briquet. C'est avec un

 19   briquet qu'il a allumé cette mèche qui se consumait lentement.

 20   M. Turone (interprétation). - Donc l'extrémité de la mèche qui

 21   sortait du pantalon, à l'arrière ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Oui. L'extrémité qui sortait de

 23   l'arrière, c'est là qu'il a mis le feu. La mèche bien sûr a commencé à

 24   brûler. C'est alors qu'un homme a couru vers moi, je ne sais pas qui, mais

 25   il a éteint la mèche. Puis quelqu'un a appelé, quelqu'un de l'extérieur,


Page 4225

  1   et a dit : "Hazim, Hazim", et ils ont donc éteint la mèche. Mais il m'en

  2   reste une cicatrice, séquelle de cette mèche.

  3   M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous expliquer un

  4   peu mieux où se trouvait M. Landzo alors que la mèche brûlait, après qu'il

  5   l'ait allumée ?

  6   M. Dordic (interprétation). - Il était à côté de moi, Landzo. Il

  7   était debout à mes côtés, tout du long. J'ai essayé de l'éteindre, mais il

  8   voulait m'en empêcher.

  9   M. Turone (interprétation). - Comment pouvait-il se faire qu'une

 10   personne se soit ruée vers vous pour éteindre le feu ?

 11   M. Dordic (interprétation). - Les gardes à l'extérieur disait :

 12   "Hazim, Hazim". Il est sorti en courant, il a fermé la porte du hangar

 13   n° 6 et c'est alors que d'autres personnes sont venues pour éteindre le

 14   feu.

 15   M. Turone (interprétation). - Quand vous dites qu'il est sorti

 16   en courant, de qui parlez-vous ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Je parle de Zenga, c'est lui qui

 18   est sorti en courant du hangar.

 19   M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, pourriez-vous

 20   nous décrire avec plus de détails la façon dont il a placé cette mèche

 21   autour de vous ? Etiez-vous habillé à ce moment-là ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Il m'a donné l'ordre d'enlever mon

 23   pantalon et mon slip, puis il a entouré cette mèche autour de mon corps.

 24   M. Turone (interprétation). - Comment l'a-t-il fait ? Ne soyez

 25   pas embarrassé, dites-nous ce qu'il a fait précisément ?


Page 4226

  1   M. Dordic (interprétation). - Puis-je me lever pour vous

  2   montrer ? Une partie de cette mèche se trouvait ici, autour de mes

  3   hanches, puis allait vers l'arrière. Puis, il a introduit une extrémité de

  4   la mèche dans mon anus et l'autre extrémité se trouvait ici. Par la suite,

  5   il m'a contraint à remettre mon slip et mon pantalon.

  6   M. Turone (interprétation). - Merci.

  7   Vous disiez donc, il y a un instant, qu'il vous avait forcé à

  8   avoir une pratique sexuelle orale avec votre frère. Pourriez-vous nous

  9   donner le détail de tout ceci ? Ne soyez pas trop embarrassé.

 10   M. Dordic (interprétation). - Je vais essayé de le faire. Un

 11   jour, Zenga est entré au hangar n° 6 et il m'a dit, à moi et à mon frère,

 12   de nous lever ; ce que nous avons fait. Nous étions tout près de la porte.

 13   Il nous a donné l'ordre d'enlever notre pantalon, c'est mon frère qui a

 14   d'abord enlevé le sien, puis il m'a forcé à m'agenouiller devant mon frère

 15   et d'introduire dans mon bouche son pénis.

 16   Puis, nous avons permuté, alors que moi je tenais l'organe

 17   sexuel de mon frère, et puis cela a duré deux ou trois minutes. Puis,

 18   c'est moi qui ai dû me lever et c'est mon frère qui s'est agenouillé. Nous

 19   avons dû tout refaire cela, et ceci en présence de tous les prisonniers du

 20   hangar.

 21   M. Turone (interprétation). - Vous voulez dire que cela s'est

 22   passé à l'intérieur du hangar ?

 23   M. Dordic (interprétation). - A l'intérieur du hangar, devant

 24   tous les prisonniers.

 25   M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire


Page 4227

  1   approximativement à quel moment cela s'est passé ?

  2   M. Dordic (interprétation). - Au mois d'août.

  3   M. Turone (interprétation). - Est-ce que M. Landzo a dit quoi

  4   que ce soit, pendant qu'il vous forçait à faire ce geste avec votre

  5   frère ?

  6   M. Dordic (interprétation). - A ce moment-là, Landzo m'a dit à

  7   moi, devant tous les prisonniers : "Vous voyez ce que font nos frères, les

  8   Serbes Chetniks. C'est ce qu'ils m'auraient fait à moi aussi". Voilà quels

  9   ont été les mots prononcés par Landzo devant tous les prisonniers.

 10   M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, j'aimerais vous

 11   ramener quelques instants à cet incident de la mèche de détonateur. Est-ce

 12   que Landzo a dit quoi que ce soit au cours de cet incident ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Non, il n'a rien dit du tout, il a

 14   simplement allumé la mèche et il me regardait pendant ce temps-là. Moi,

 15   j'ai sauté sur mes pieds, je me suis levé, j'ai essayé d'éteindre la mèche

 16   pendant qu'elle commençait à brûler, mais il ne m'a pas permis de le

 17   faire.

 18   M. Turone (interprétation). - Merci monsieur. Pouvez-vous

 19   décrire un quelconque autre incident qui vous ait affecté, vous

 20   personnellement ? Autrement dit, avez-vous subi d'autres sévices, outre ce

 21   que vous avez décrit jusqu'à présent ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Un peu plus tard, Landzo Zenga

 23   avait un abri dans lequel il travaillait à ses tâches personnelles, seul,

 24   un peu isolé des autres. Un jour il m'a mis un masque à gaz et sur le

 25   visage et m'a frappé dans ce lieu où j'étais seul avec lui.


Page 4228

  1   M. Turone (interprétation). - Très bien. Monsieur, quelles sont

  2   les séquelles physiques qui sont encore visibles sur votre corps en raison

  3   de tous ces incidents ?

  4   M. Dordic (interprétation). - On voit bien quelles sont les

  5   séquelles. Il m'a cassé les dents avec une crosse de fusil, il m'a enfoncé

  6   la crosse de fusil dans la bouche et cela m'a fait tomber les dents. J'ai

  7   aussi des cicatrices, suite à l'incident de la mèche de détonateur.

  8   M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic avez-vous

  9   personnellement assisté à des sévices infligés à d'autres prisonniers

 10   pendant votre séjour à Celebici et si oui, pouvez-vous nous en parler ?

 11   Est-ce que vous avez été témoin oculaire d'autres incidents qui auraient

 12   affecté d'autres prisonniers ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Oui, un jour Landzo Zenga a allumé

 14   de l'essence. Il portait une boîte de conserve, il y avait quelque chose

 15   dedans. Je ne sais pas ce que c'était, mais en tout cas une flamme est

 16   sortie de cette boîte de conserve quand il l'a allumée. Il avait un

 17   couteau à la main, il a plongé le couteau dans la boîte de conserve et il

 18   l'a promené sur tout le corps de Dusko. Il y avait aussi Mirko Dordic.

 19   M. Turone (interprétation). - Attendez un instant, monsieur

 20   Dordic, je vous prie. Au sujet de cet incident concernant Dusan Bendzo, où

 21   est-ce que cela s'est passé ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Cela s'est passé dans le hangar

 23   n° 6 devant tous les détenus.

 24   M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à peu près

 25   où cela s'est passé ?


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  1   M. Dordic (interprétation). - Peu de temps après qu'il m'ait

  2   allumé la mèche de détonateur sur mes jambes.

  3   M. Turone (interprétation). - Vous pouvez continuer. Vous étiez

  4   en train de parler de Mirko Dordic. Que disiez-vous à ce sujet ?

  5   M. Dordic (interprétation). - Mirko Dordic a allumé une pince,

  6   il a chauffé une pince à blanc sur le feu aussi, et il la lui a enfoncé

  7   dans l'oreille.

  8   M. Turone (interprétation). - Mais quand vous dites "il", vous

  9   pensez à qui ?

 10   M. Dordic (interprétation). - Zenga ! C'est à Zenga que je

 11   pense, c'est lui qui a fait chauffer une pince sur du feu et qui ensuite

 12   l'a promené sur le corps de Dusko Bendzo et sur la langue aussi.

 13   M. Turone (interprétation). - Vous parlez de Dusko Bendzo ou de

 14   Mirko Dordic ?

 15   M. Dordic (interprétation). - C'est à Mirko Dordic qu'il a mis

 16   la pince chauffée et à Dusko Bendzo qu'il a promené un couteau chauffé sur

 17   le corps.

 18   M. Turone (interprétation). - Où est-ce que cet incident

 19   concernant Mirko Dordic s'est passé ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Dans le hangar n° 6 également.

 21   M. Turone (interprétation). - Avez-vous personnellement assisté

 22   à d'autres sévices infligés à d'autres prisonniers, en dehors de ceux que

 23   vous venez de citer ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Il y en avait qu'on faisait sortir

 25   le jour, qu'on faisait sortir la nuit, qu'on tabassait à l'extérieur, et


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  1   même quelquefois à l'intérieur. Ils nous frappaient à l'intérieur.

  2   M. Turone (interprétation). - Avez-vous la moindre information

  3   sur la base d'une connaissance personnelle directe des circonstances qui

  4   auraient entouré la mort de quelque prisonnier que ce soit à l'intérieur

  5   du camp ?

  6   M. Dordic (interprétation). - J'étais présent lorsque Keljo a

  7   été tué. Ce matin-là, moi-même et Keljo avons sorti le bidon dans lequel

  8   les détenus se soulageaient pendant la nuit. Landzo nous a donné l'ordre

  9   de sortir avec ce bidon. Nous l'avons sorti et nous sommes allés dehors,

 10   derrière le hangar, au WC où nous avons bien nettoyé tout cela. Nous avons

 11   nettoyé aussi le lieu où nous allions uriner dans la journée. A ce moment-

 12   là, ils ont appelé Keljo : "Keljo ! Viens ici !". Moi je suis resté sur

 13   place et ils ont allumé une cigarette. Quand ils ont allumé cette

 14   cigarette, j'ai commencé à me diriger vers le hangar.

 15   M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous pourriez ralentir

 16   un petit peu ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Quand Keljo a commencé à se

 18   diriger vers le hangar, Padalovic a commencé à le viser avec son fusil.

 19   Moi je regardais tout cela à une certaine distance. Il a armé son fusil,

 20   il l'a mis dans la direction du tir, et il a dit : "N'avances-pas parce

 21   que je vais te tirer dessus, je vais te tuer". Lui a continué à avancer. A

 22   ce moment-là, il a tiré et l'a tué.

 23   M. Turone (interprétation). - Avez-vous vu personnellement Keljo

 24   tomber au sol ?

 25   M. Dordic (interprétation). -Oui, Keljo est tombé sur le béton,


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  1   le visage contre le sol. Moi, j'étais debout à côté de la porte, au niveau

  2   de la porte, je n'étais pas encore entré à l'intérieur du hangar. Il est

  3   tombé à cinq ou six mètres du hangar.

  4   M. Turone (interprétation). - Avez-vous personnellement pu voir

  5   l'endroit où M. Klimenta a été atteint par le coup de feu ?

  6   M. Dordic (interprétation). - Keljo a été atteint dans la nuque.

  7   Je pense que c'est à cet endroit-là qu'il a été atteint par la balle. Le

  8   sang lui coulait de la nuque.

  9   M. Turone (interprétation). - Vous voulez dire que vous avez vu

 10   du sang qui jaillissait de cette partie du cou ?

 11   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 12   M. Turone (interprétation). - Je voudrais que tout soit bien

 13   clair. Qu'est-ce que M. Padalovic a dit exactement à Keljo Klimenta avant

 14   que ce coup de feu ne survienne ?

 15   M. Dordic (interprétation). - "Keljo, n'avances pas, je te

 16   tuerai !". Keljo lui a répondu : "Ne te moques pas de moi !". Voilà quels

 17   ont été les mots de Padalovic et de Keljo. Keljo a dit : "Ne te moques pas

 18   de moi !". Et puis Keljo a recommencé à avancer, à courir, et l'autre a

 19   tiré et l'a tué.

 20   M. Turone (interprétation). - Pour autant que vous le sachiez,

 21   est-ce que Keljo avait la moindre raison de commencer à courir ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Eh bien les autres détenus ont

 23   dit : "Hazim arrive ! Hazim arrive !". Alors Keljo a commencé à courir

 24   pour arriver dans le hangar avant l'entrée de Hazim Delic. C'est pour cela

 25   qu'il courait.


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  1   M. Turone (interprétation). - Très bien. Monsieur Dordic, est-ce

  2   que la Croix Rouge a jamais visité le camp ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Une équipe venue de l'étranger est

  4   arrivée un jour. Les membre de cette équipe se sont présentés comme

  5   appartenant à la Croix Rouge, ils avaient des caméras, ils ont filmé et à

  6   leur départ, nous avons été tabassés.

  7   Certains ont fait des déclarations, ils ont expliqué combien ils

  8   vivaient bien. Ils ont dit qu'on ne les frappait pas. Dès le départ de

  9   cette équipe, nous avons été passés à tabac. C'était la première fois

 10   qu'une équipe étrangère venait dans le camp. Ensuite, il y a eu une équipe

 11   de la Croix Rouge internationale. Ils avaient un badge sur la poitrine

 12   avec une croix rouge. Ce jour-là, on nous a enregistrés.

 13   M. Turone (interprétation). - Est-ce que quelque chose de

 14   particulier s'est passé après la visite de la Croix Rouge ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Après le départ de la première

 16   équipe, nous avons été passés à tabac et après le départ de la deuxième

 17   équipe, celle de la Croix Rouge internationale, nous avons aussi été

 18   passés à tabac, tous.

 19   M. Turone (interprétation). - Quand vous dites "la première

 20   équipe", voulez-vous dire que la première équipe s'est aussi présentée

 21   comme appartenant à la Croix Rouge ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Oui, ils se sont présentés comme

 23   membres de la Croix Rouge, mais ils ne portaient aucun signe distinctif

 24   sur eux. Simplement, ils avaient une caméra vidéo et ils ont filmé. Ils

 25   étaient à peu près quatre ou cinq.


Page 4233

  1   M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, quand avez-vous

  2   quitté le camp de Celebici ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Je suis sorti du camp et j'ai été

  4   transféré au centre sportif de Musala, à Konjic.

  5   M. Turone (interprétation). - Vous rappelez-vous à quel moment,

  6   ou à peu près, vous avez été transféré ?

  7   M. Dordic (interprétation). - J'ai passé un mois et demi dans le

  8   centre sportif de Musala avant d'être échangé.

  9   M. Turone (interprétation). - Je vous demandais si vous vous

 10   rappeliez à peu près à quel moment vous avez été transféré de Celebici à

 11   Musala ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Je ne me rappelle pas exactement

 13   la date.

 14   M. Turone (interprétation). - Très bien. A quel moment avez-vous

 15   été relâché de tout lieu de détention ?

 16   M. Dordic (interprétation). - J'ai été remis en liberté

 17   finalement le 29 décembre 1992. En novembre en fait, avant le nouvel an.

 18   M. Turone (interprétation). - Très bien. Monsieur Dordic, vous

 19   rappelez-vous la chose suivante ? En novembre l'année dernière, vous avez

 20   eu une rencontre avec des enquêteurs de ce tribunal. Vous vous rappelez ce

 21   jour ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 23   M. Turone (interprétation). - Lors de cet entretien, vous avez

 24   dit quelque chose qui n'est pas tout à fait identique à ce que vous avez

 25   dit aujourd'hui. Vous avez dit avoir vu Mucic...


Page 4234

  1   M. Greaves (interprétation). - Cela ressemble beaucoup à

  2   quelqu'un qui subit un contre-interrogatoire par un conseil qui s'appelle

  3   un témoin. J'élève une objection très ferme.

  4   M. Turone (interprétation). - Bien, je voulais lui demander un

  5   détail supplémentaire, mais je n'insiste pas. Dans ce cas, j'en ai terminé

  6   avec mon interrogatoire principal.

  7   M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des contre-

  8   interrogatoires ? Pouvez-vous me dire dans quel ordre vous allez

  9   procéder ?

 10   M. O'Sullivan (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

 11   Pouvez-vous me donner un instant pour consulter mes confrères ? Nous avons

 12   un peu perdu l'habitude depuis deux semaines.

 13   (Les conseils de la défense, assis, se consultent.)

 14   M. O'Sullivan (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 15   L'ordre des interventions sera le conseil de M. Delic, suivi du conseil de

 16   M. Mucic puis du conseil de M. Landzo, et enfin le conseil de M. Delalic.

 17   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Moi aussi

 18   j'ai quelque peu perdu le rythme.

 19   Nous allons faire la pause de la matinée, pour revenir à

 20   11 heures 45 dans la salle.

 21   L'audience, suspendue à 11 heures 15, est reprise à 11 heures 45.

 22  

 23   M. le Président (interprétation). - Peut-on inviter le témoin à

 24   rentrer dans le prétoire ?

 25   M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, pendant que


Page 4235

  1   le témoin n'est pas encore là, j'ai un détail à discuter avec vous.

  2   Comme le Tribunal s'en souviendra, M. Delic a des problèmes de

  3   dos et il est de temps en temps autorisé à rester debout. Je voudrais vous

  4   rappeler simplement que s'il fait quelques fois une grimace, c'est

  5   simplement parce qu'il a mal et cela n'a rien à voir avec le déroulement

  6   du procès. Je me rappelle que la dernière fois, les membres de la Chambre

  7   de Première Instance ont fait des remarques au sujet des accusés, mais

  8   M. Delic souhaiterait simplement présenter ses excuses au Tribunal et

  9   rappeler que s'il fait cette grimace, c'est simplement parce qu'il a mal.

 10   M. le Président (interprétation). - Tout sera fait pour que

 11   l'accusé se sente le mieux possible. La remarque a été faite dans des

 12   conditions un peu différentes.

 13   M. Moran (interprétation). - Je sais bien, Monsieur le

 14   Président, mais je tenais tout de même à rappeler les faits pour que

 15   chacun ici comprenne que l'accusé a le plus grand respect pour le Tribunal

 16   en tant qu'institution.

 17   M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Nous en

 18   prendrons note.

 19   (entrée du témoin)

 20   Peut-on rappeler au témoin qu'il dépose toujours sous serment ?

 21   M. le Greffier. - Je vous rappelle que vous témoignez toujours

 22   sous serment.

 23   M. Moran (interprétation). - Puis-je procéder, Monsieur le

 24   Président ?

 25   Bonjour, Monsieur Dordic. Monsieur Dordic, je m'appelle Thomas


Page 4236

  1   Moran et je représente Hazim Delic dans ce procès. Je vais vous poser

  2   quelques questions qui porteront en fait sur des événements dont vous avez

  3   déjà parlé dans votre déposition et, quelquefois, j'aurais tendance à

  4   parler un peu vite. Quelquefois, mes questions ne seront peut-être pas

  5   suffisamment claires. Alors, si je parle un peu trop vite ou si mes

  6   questions ne sont pas suffisamment claires, je vous demanderai de  me

  7   rendre service en me demandant de répéter ce que j'ai dit, de façon à ce

  8   que vous soyez sûr de bien comprendre.

  9   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 10   M. Moran (interprétation). - Très bien. Puis, il y a autre chose

 11   que j'aimerais vous dire, à savoir que je vous prierai d'écouter mes

 12   questions et de vous contenter d'y répondre, si vous le voulez bien. Est-

 13   ce possible ?

 14   M. Dordic (interprétation). - C'est possible.

 15   M. Moran (interprétation). - Si la réponse demande simplement un

 16   mot, "oui" ou "non", est-ce que vous acceptez de répondre par "oui" ou

 17   "non" uniquement ?

 18   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 19   M. Moran (interprétation). - Puis, il y a encore une chose que

 20   j'aimerais vous rappeler. Vous avez répondu dans les meilleures conditions

 21   jusqu'à présent, mais vous parlez assez bas. Vous voyez qu'il y a deux

 22   femmes qui se trouvent l'une ici et l'autre là-bas. On les appelle des

 23   sténotypistes. Elles doivent prendre note de tout ce que vous dites et si

 24   elles ne peuvent pas entendre ce que vous dites, il leur est difficile

 25   d'en prendre note. Elles ont donc du mal à suivre et je vous demanderai,


Page 4237

  1   pour ces raisons, de bien vouloir répondre un peu plus fort, si vous le

  2   pouvez. Cela facilitera le travail de chacun.

  3   M. le Président (interprétation). - Ce que le Conseil est en

  4   train de dire en fait, c'est qu'il faut également répondre par des mots et

  5   pas par des gestes. Si vous voulez donc hocher de la tête, vous pouvez le

  6   faire, mais vous devez accompagner ce hochement de la tête d'un mot, "oui"

  7   ou "non". Il est préférable, lorsque vous souhaitez répondre à une

  8   question, de le faire par des mots, s'il vous plaît. Est-ce que c'est

  9   possible ?

 10   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 11   M. Moran (interprétation). - Merci beaucoup.

 12   La première question que je voudrais vous poser est la

 13   suivante : à qui avez-vous parlé de votre déposition ici aujourd'hui ?

 14   M. Dordic (interprétation). - Aujourd'hui, je n'en ai parlé

 15   qu'avec le représentant de l'accusation, Maître Turone.

 16   M. Moran (interprétation). - Mais avez-vous discuté de votre

 17   prochaine déposition avec qui que ce soit d'autre ?

 18   M. Dordic (interprétation). - Avec personne.

 19   M. Moran (interprétation). - Vraiment avec personne ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Avec personne.

 21   M. Moran (interprétation). - Vous n'en avez pas parlé avec un

 22   représentant de l'Association des détenus de Belgrade ? Est-ce que vous

 23   avez parlé avec des membres de cette association au sujet de ce que vous

 24   alliez dire ici ?

 25   M. Dordic (interprétation). - Non.


Page 4238

  1   M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous avez peut-être

  2   parlé avec un représentant de la télévision au sujet de ce que vous alliez

  3   dire dans votre déposition ?

  4   M. Dordic (interprétation). - Je n'ai été interviewé qu'une fois

  5   à la télévision très brièvement pendant l'interruption du procès.

  6   M. Moran (interprétation). - Et vous avez parlé de votre

  7   déposition, de ce que vous alliez dire dans votre déposition ici, n'est-ce

  8   pas ?

  9   M. Dordic (interprétation). - J'ai dit simplement que je n'avais

 10   pas peur de témoigner, que je n'avais aucune crainte.

 11   M. Moran (interprétation). - Vous avez fourni une déclaration

 12   par écrit à un représentant du Bureau du Procureur, à M. McLeod, en

 13   novembre de l'an dernier, n'est-ce pas ?

 14   M. Dordic (interprétation). - Oui, à Belgrade.

 15   M. Moran  (interprétation). - Est-ce que vous avez fourni

 16   quelque autre déclaration à qui que ce soit au sujet de votre déposition

 17   ou au sujet de ce que vous avez subi dans le camp ?

 18   M. Dordic (interprétation). - Non. Seulement à M. McLeod.

 19   M. Moran (interprétation). - Si je me rappelle bien, dans

 20   l'interrogatoire principal, vous avez répondu que vous aviez été arrêté le

 21   12 juillet 1992, est-ce exact ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Oui. C'était le jour de la Saint

 23   Pierre, mais la Saint Pierre n'est pas au mois de juillet, mais le

 24   septième mois de l'année. Il y a un problème de date. Ce n'est pas le

 25   sixième mois, mais le septième mois. (?)


Page 4239

  1   M. Moran (interprétation). - Mais vous vous en souvenez parce

  2   que c'était la Saint Pierre ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  4   M. Moran (interprétation). - En réponse à l'interrogatoire

  5   principal, vous avez dit que le matin où l'on vous a emmené à Celebici,

  6   M. Pavo Mucic s'est approché de vous, de votre frère et de votre père et a

  7   dit à votre père qu'il allait être relâché. Est-ce que c'est bien ce que

  8   vous avez répondu aux questions posées dans l'interrogatoire principal ?

  9   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 10   M. Moran (interprétation). - Vous rappelez-vous la déclaration

 11   que vous avez faite à M. McLeod ? Ce n'est pas ce que vous avez dit à

 12   l'époque, n'est-ce pas ?

 13   M. Dordic (interprétation). - J'ai dit à l'interprète de dire

 14   cela à M. McLeod, mais je ne sais pas si elle a bien traduit cela à

 15   Belgrade.

 16   M. Moran (interprétation). - Bien, parlons des conditions dans

 17   lesquelles cette déclaration a été faite, sur le plan technique

 18   simplement. Ce qui s'est passé, c'est que M. McLeod vous disait quelque

 19   chose en anglais, vous posait une question, n'est-ce pas ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Oui. A ce moment-là, l'interprète

 21   me traduisait la question en serbe.

 22   M. Moran (interprétation). - Oui, l'interprète était... Bon, à

 23   ce moment-là, vous répondiez en serbe, n'est-ce pas ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Oui, c'est cela.

 25   M. Moran (interprétation). - A ce moment-là, l'interprète ou


Page 4240

  1   quelqu'un d'autre tapait ce que vous aviez dit en anglais. Est-ce que

  2   c'est cela qui s'est passé ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Non, ce n'était pas l'interprète.

  4   L'interprète interprétait à M. McLeod et celui-ci faisait cela en anglais.

  5   M. Moran (interprétation). - C'est donc lui qui tapait ce que

  6   vous aviez dit et, ensuite, il vous posait une autre question, n'est-ce

  7   pas ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  9   M. Moran (interprétation). - Lorsque tout cela a été fini,

 10   l'interprète vous a donné lecture du contenu de la déclaration en serbe,

 11   n'est-ce pas ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 13   M. Moran (interprétation). - Vous avez eu la possibilité de

 14   corriger cette déclaration chaque fois que vous le souhaitiez, n'est-ce

 15   pas ?

 16   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 17   M. Moran (interprétation). - Après que l'interprète vous ait

 18   donné lecture de cette déclaration, après que vous ayez eu la possibilité

 19   d'y apporter toutes les corrections que vous souhaitiez, vous avez signé

 20   chaque page en bas de page et également la dernière page, n'est-ce pas ?

 21   M. Dordic (interprétation). - Oui, j'ai signé la déclaration que

 22   j'ai fournie à M. McLeod à Belgrade.

 23   M. Moran (interprétation). - Après que la dernière version ait

 24   été tapée, il vous en a été donné lecture en serbe avant que vous ne

 25   signiez quoi que ce soit, n'est-ce pas ?


Page 4241

  1   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  2   M. Moran (interprétation). - Bon. Dans cette déclaration que

  3   vous avez signée et que l'interprète du tribunal a relue pour certifier

  4   que son interprétation était exacte, vous avez dit -je cite- : "Mon père a

  5   été libéré ce matin-là et j'ai entendu dire que d'autres personnes de

  6   Zukici ont également été remises en liberté." Est-ce bien ce que vous avez

  7   dit ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Oui. Plus tard, ils ont tous été

  9   libérés en même temps, le 13. Ils ont tous été remis en liberté et ont pu

 10   rentrer chez eux.

 11   M. Moran (interprétation). - Vous avez dit dans votre

 12   déclaration : "C'est un homme qui s'est présenté à mon père sous le nom de

 13   Delic, qui a fait sortir mon père du hangar. J'ai appris plus tard que son

 14   prénom était Hazim." C'est bien ce que vous avez dit dans votre

 15   déclaration ?

 16   M. Dordic (interprétation). - Non.

 17   M. Moran (interprétation). - Lorsque M. McLeod et l'interprète

 18   ont mis cela par écrit, ils n'ont donc pas reproduit exactement vos

 19   propos, est-ce exact ?

 20   M. Dordic (interprétation). - J'ai dit que j'ai vu Pavo Mucic la

 21   première fois parce que ce matin, le 13 juillet, il s'est présenté à mon

 22   père.

 23   M. Moran (interprétation). - Ecoutez, Monsieur, je vais vous

 24   reposer la question parce que vous ne l'avez peut-être pas comprise.

 25   Lorsque l'interprète et M. McLeod ont mis cela par écrit, ils n'ont pas


Page 4242

  1   reproduit fidèlement vos propos, est-ce exact ?

  2   M. Dordic (interprétation). - Non. L'interprète n'a peut-être

  3   pas interprété.

  4   M. Moran (interprétation). - Lorsque l'interprète déclare

  5   qu'elle est interprète qualifiée et agréée par le Greffe du Tribunal

  6   international pour le jugement des personnes responsables de graves

  7   violations du droit international, quand cette interprète dit qu'elle a

  8   interprété à votre intention et que vous avez compris ce qu'elle a

  9   interprété, elle ne dit donc pas la vérité, n'est-ce pas ?

 10   M. Turone (interprétation). - J'élève une objection à ce genre

 11   de questions posées au témoin. Le témoin ne peut rien dire du comportement

 12   de l'interprète.

 13   M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin

 14   vient de dire que l'interprète n'a pas complètement et fidèlement

 15   interprété ce qu'il a dit.

 16   M. le Président (interprétation). - Est-ce qu'il n'est pas

 17   suffisant de dire que ce n'est pas ce qu'il lui a dit ?

 18   M. Moran  (interprétation). - Monsieur le Président, il vient de

 19   dire que l'interprète ou M. McLeod...

 20   M. le Président (interprétation). - Bien, si c'est en

 21   contradiction avec ce qu'il dit aujourd'hui, c'est cela qui compte. Mais

 22   aller plus loin ne risque pas de vous mener très loin. L'important est

 23   simplement de dire qu'il nie avoir dit cela.

 24   M. Moran (interprétation). - Effectivement, Monsieur le

 25   Président. Il dit que le Bureau du Procureur ou l'interprète du Bureau de


Page 4243

  1   Procureur ont mal reproduit quelque chose qu'il a dit.

  2   M. le Président (interprétation). - Je comprends ce qu'il a dit

  3   et vous comprenez ce qu'il dit, n'est-ce pas ? Ce n'est pas la peine

  4   d'aller plus loin.

  5   M. Moran (interprétation). - Bien monsieur le Président. En

  6   fait, à un certain endroit de votre déclaration, dans le même paragraphe,

  7   vous dites que vous avez vu M. Delic à plusieurs reprises dans le camp. Ce

  8   qui est écrit dans la déclaration, c'est : "Delic marchait normalement; je

  9   n'ai jamais remarqué qu'il avait une blessure à la jambe". N'est-ce pas

 10   cela que vous avez dit à l'enquêteur du bureau du Procureur ?

 11   M. Dordic (interprétation). - Oui, c'est cela. Je n'ai pas

 12   remarqué qu'il ait eu une quelconque blessure à la jambe.

 13   M. Moran (interprétation). - Est-ce qu'il marchait toujours

 14   normalement ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Il marchait toujours normalement.

 16   M. Moran (interprétation). - Est-ce que quelqu'un vous a demandé

 17   s'il avait une blessure à la jambe ou s'il marchait normalement, ou avez-

 18   vous donné cette information spontanément ?

 19   M. Dordic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas dit

 20   spontanément. Cette question m'a été posée par M. McLeod et ensuite elle a

 21   été interprétée en serbe.

 22   M. Moran (interprétation). - Avez-vous jamais rencontré un homme

 23   qui s'appelait Nemic pendant que vous étiez au camp ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Nemic ?

 25   M. Moran (interprétation). - Oui, n'est-ce pas la personne qui


Page 4244

  1   vous a interrogé à Celebici ?

  2   M. Dordic (interprétation). - Non.

  3   M. Moran (interprétation). - Dans votre déclaration au bureau du

  4   Procureur, vous dites que le jour où vous avez été interrogé est la

  5   première fois où vous avez rencontré M. Mucic. Est-ce exact ? La première

  6   fois où vous avez vu M. Pavo Mucic est bien lors de cet

  7   interrogatoire ?Est-ce bien la première fois ?

  8   M. Dordic (interprétation). - La première fois que j'ai vu

  9   Mucic, c'était le 13 juillet, lorsqu'il est venu au hangar et qu'il nous a

 10   dit que mon père Jelenko Dordic pouvait rentrer chez lui et nous deux,

 11   Veseljko et moi-même, devions rester au hangar pour une déclaration, et

 12   qu'il nous laisserait partir ensuite.

 13   M. Moran (interprétation). - Dans votre déclaration écrite au

 14   bureau du Procureur vous dites, je cite : "J'ai rencontré Pavo Mucic la

 15   première fois lors de ma deuxième journée passée à Celebici". Fin de

 16   citation. Est-ce une erreur ?

 17   M. Dordic (interprétation). - C'est effectivement la première

 18   fois que j'ai vu Pavo Mucic et la deuxième fois c'est lorsque j'ai fait ma

 19   déclaration au bureau, près de l'enregistrement.

 20   M. Moran (interprétation). - Je vous lis la phrase complète :

 21   "Le deuxième jour que j'ai passé à Celebici, j'ai rencontré Pavo Mucic

 22   pour la première fois lorsque j'ai été emmené pour l'interrogatoire. Il

 23   s'est présenté à moi et à mon frère". Fin de citation.

 24   Ce n'était pas la première fois que vous le rencontriez, n'est-

 25   ce pas ?


Page 4245

  1   M. Dordic (interprétation). - C'était la deuxième fois que je

  2   voyais alors Pavo Mucic.

  3   M. Moran (interprétation). - C'était dix jours après que vous

  4   soyez arrivé à Celebici.

  5   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  6   M. Moran (interprétation). - Lorsqu'il est dit dans votre

  7   déclaration que cela s'est passé lors de la deuxième journée passée à

  8   Celebici, est-ce une erreur qu'a commis l'interprète du bureau du

  9   Procureur ?

 10   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 11   M. Moran (interprétation). - Et vous n'avez jamais dit cela au

 12   bureau du Procureur ?

 13   M. Dordic (interprétation). - J'ai dit que j'avais vu Pavo Mucic

 14   pour la première fois le 13 et la deuxième fois lorsque j'ai fait ma

 15   déclaration au bureau.

 16   M. Moran (interprétation). - Je repose ma question : quelqu'un

 17   du bureau du Procureur, apparemment M. McLeod, a écrit, consigné ce que

 18   vous avez dit en substance, quand vous avez été interrogé lors de votre

 19   deuxième journée passée à Celebici. C'était la première fois que vous le

 20   rencontriez, c'est une erreur, c'est bien ce que vous êtes en train de

 21   nous dire ?

 22   M. Dordic (interprétation). - J'ai dit que je l'avais vu le

 23   13 juillet pour la première fois et la deuxième fois que j'ai vu Pavo

 24   Mucic, c'était lorsque j'ai été interrogé, cinq ou dix jours plus tard.

 25   M. Moran (interprétation). - Très bien. Donc M. McLeod et


Page 4246

  1   l'interprète se sont trompés lorsqu'ils ont consigné.

  2   M. le Président (interprétation). - Je crois qu'il est inutile

  3   de le répéter.

  4   M. Moran (interprétation). - Merci, très bien. Monsieur le

  5   Président, si vous me laissez un petit moment pour réfléchir encore... Il

  6   se peut que j'en ai terminé en fait. Monsieur le Président, j'en ai

  7   terminé.

  8   M. le Président (interprétation). - Merci.

  9   M. Greaves (interprétation). - Monsieur Dordic, je voudrais vous

 10   poser une question concernant l'éducation que vous avez reçue, la

 11   formation scolaire que vous avez reçue, dont vous avez déjà parlé plus tôt

 12   ce matin. Je voudrais quelques détails supplémentaires.

 13   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 14   M. Greaves (interprétation). - Voulez-vous nous dire à quel âge

 15   vous avez commencé à l'école ?

 16   M. Dordic (interprétation). - J'avais sept ans.

 17   M. Greaves (interprétation). - Pouvez-vous nous dire le nom de

 18   l'école à laquelle vous êtes allé ? C'était bien à Konjic n'est-ce pas ?

 19   M. Dordic (interprétation). - Je suis allé à l'école primaire de

 20   Bradina. Elle s'appelait Zvonimir Welz.

 21   M. Greaves (interprétation). - Vous avez dit avoir fréquenté

 22   cette école pendant tout le cycle primaire ?

 23   M. Dordic (interprétation). - Oui, effectivement.

 24   M. Greaves (interprétation). - Pendant combien d'années au

 25   total ?


Page 4247

  1   M. Dordic (interprétation). - J'ai passé sept ans dans cette

  2   école. J'ai redoublé une année, la première année.

  3   M. Greaves (interprétation). - Ce matin, vous avez parlé de huit

  4   années. N'êtes-vous pas tout à fait sûr du nombre d'années pendant

  5   lesquelles vous avez été à l'école primaire ?

  6   M. Dordic (interprétation). - Pendant sept ans j'ai fréquenté

  7   cette école et j'ai terminé la huitième année, à Tarcin, élève à temps

  8   partiel.

  9   M. Greaves (interprétation). - Quel était le nom de cette école

 10   à Tarcin ?

 11   M. Dordic (interprétation). - Je ne me souviens pas du nom de

 12   l'école de Tarcin.

 13   M. Greaves (interprétation). - Et pourquoi êtes-vous allé à

 14   Tarcin pour terminer le cycle primaire ? Y a-t-il une raison particulière

 15   à cela ?

 16   M. Dordic (interprétation). - Non, il n'y a pas de raison

 17   particulière, mais mon père Jelenko, mort depuis, avait des amis à Tarcin

 18   et ils m'ont aidé à terminer la huitième année à Tarcin pour que je ne

 19   sois pas en retard par rapport aux gens de mon âge et que je puisse

 20   continuer l'école ensuite. C'est pourquoi j'ai passé des examens comme

 21   élève à temps partiel.

 22   M. Greaves (interprétation). - Etiez-vous en retard dans votre

 23   scolarisation ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Non. J'ai redoublé un an, c'est

 25   tout.


Page 4248

  1   M. Greaves (interprétation). - Aviez-vous des problèmes à

  2   l'école qui vous ont obligé à redoubler d'année ou qui vous ont un peu mis

  3   en retard ?

  4   M. Dordic (interprétation). - Je n'étais pas bon en

  5   mathématiques.

  6   M. Greaves (interprétation). - Je crois que vous n'êtes pas le

  7   seul, loin de là. Je n'étais pas non plus un grand mathématicien sur cette

  8   terre.

  9   Vous êtes donc allé ensuite à une école technique. Pouvez-vous

 10   nous dire quelle est la formation que vous avez suivi après l'école

 11   primaire ?

 12   M. Dordic (interprétation). - J'ai terminé une formation de

 13   pompier.

 14   M. Greaves (interprétation). - Cela vous a pris deux ans, n'est-

 15   ce pas ?

 16   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 17   M. Greaves (interprétation). - Et quel est le diplôme que vous

 18   avez obtenu à la fin de ces deux ans ?

 19   M. Dordic (interprétation). - J'ai eu un certificat

 20   d'enseignement secondaire.

 21   M. Greaves (interprétation). - Et ensuite, vous avez travaillé

 22   dans la construction. C'est parce que vous ne trouviez pas de travail

 23   comme pompier nulle part ?

 24   M. Dordic (interprétation). - J'ai travaillé pendant six mois

 25   dans une entreprise de construction qui s'appelait Rajnica qui se trouvait


Page 4249

  1   à Sarajevo.

  2   M. Greaves (interprétation). - Après cela, vous avez fait votre

  3   service militaire, n'est-ce pas ?

  4   M. Dordic (interprétation). - Après cela, je suis allé dans une

  5   autre entreprise, l'entreprise Elbos, qui travaillait dans les chemins de

  6   fer, et c'est depuis Elbos que j'ai fait mon service militaire.

  7   M. Greaves (interprétation). - Votre service militaire a duré

  8   deux ans, n'est-ce pas ? 

  9   M. Dordic (interprétation). - Un an. C'est un an que dure le

 10   service militaire. Avant c'était dix-huit mois et ensuite la durée du

 11   service a été réduite à douze mois.

 12   M. Greaves (interprétation). - Vous avez reçu une formation au

 13   départ. Avez-vous terminé cette formation initiale ?

 14   M. Dordic (interprétation). - J'ai terminé la formation initiale

 15   à Sreleno comme boulanger.

 16   M. Greaves (interprétation). - Vous n'avez donc pas été formé

 17   pour entrer dans l'infanterie ou quoi que ce soit dans ce style ?

 18   M. Dordic (interprétation). - Non.

 19   M. Greaves (interprétation). - Y a-t-il une raison particulière

 20   pour laquelle on ne vous a pas donné une formation militaire de base et

 21   pour laquelle on vous a plutôt formé comme boulanger ?

 22   M. Dordic (interprétation). - On nous formait surtout à la

 23   boulangerie. Nous étions dans les casernes et nous nous préparions à

 24   servir comme boulangers qui pourraient servir en cas de guerre.

 25   M. Greaves (interprétation). - Et cela se faisait dans


Page 4250

  1   l'enceinte des casernes ? Après votre service militaire vous êtes retourné

  2   dans les chemins de fer pendant un certain temps, n'est-ce pas ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  4   M. Greaves (interprétation). - Quelles étaient vos tâches en

  5   tant que pompier ? Quel genre de travail vous faisait-on faire en tant que

  6   pompier, Monsieur Dordic ?

  7   M. Dordic (interprétation). - En tant que pompier, je consignais

  8   les camions qui entraient et j'étais le chef d'une équipe composée de cinq

  9   personnes.

 10   M. Greaves (interprétation). - Très bien, merci.

 11   Je voudrais maintenant vous posez quelques questions, si vous le

 12   voulez bien, concernant une organisation qui s'occupe de réfugiés serbes.

 13   Pourriez-vous nous dire ceci. Vous êtes apparu à la télévision. Comment

 14   avez-vous été contacté par la télévision ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Je suis allé à Belgrade pour

 16   chercher une aide car je n'avais plus de vêtements.

 17   M. Greaves (interprétation). - Quand était-ce, Monsieur Dordic ?

 18   M. Dordic (interprétation). - C'était il y a un mois ou un mois

 19   et demi.

 20   M. Greaves (interprétation). - Donc au mois de mai de cette

 21   année ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 23   M. Greaves (interprétation). - Qui avez-vous contacté pour

 24   obtenir une aide ?

 25   M. Dordic (interprétation). - Je leur ai demandé de l'aide. Ce


Page 4251

  1   n'est pas eux qui m'ont contacté, c'est moi qui les ai contactés.

  2   M. Greaves (interprétation). - Ce n'est pas exactement la

  3   question qui vous est posée. Je voudrais savoir à qui vous avez parlé et

  4   avec qui vous avez discuté de cette aide que vous demandiez.

  5   M. Dordic (interprétation). - J'ai parlé au responsable, il y a

  6   l'association des détenus de Konjic. Ils ont fondé leur propre association

  7   pour aider les gens qui avaient fui.

  8   M. Greaves (interprétation). - Vous êtes donc simplement allé au

  9   bureau de cette association lorsque vous étiez à Belgrade ?

 10   M. Dordic (interprétation). - J'ai su où se trouvait leur

 11   bureau. C'est un ami qui me l'a dit. Ces amis m'ont dit qu'ils avaient

 12   obtenu une aide de cette association et avaient aussi obtenu des moyens de

 13   subsistance.

 14   M. Greaves (interprétation). - Donc vous êtes allé au bureau de

 15   cette association et vous avez parlé au réceptionniste ou à une secrétaire

 16   en arrivant.

 17   M. Dordic (interprétation). - J'ai parlé au portier, je lui ai

 18   demandé ou se trouvaient les bureaux et je suis allé dans ces bureaux.

 19   M. Greaves (interprétation). - Aviez-vous des contacts, quels

 20   qu'ils soient, avec cette organisation avant votre visite dans les

 21   bureaux ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Non.

 23   M. Greaves (interprétation). - Vous avez donc été envoyé à

 24   l'étage par le portier, vous êtes entré dans les bureaux à proprement

 25   parler ?


Page 4252

  1   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  2   M. Greaves (interprétation). - A qui avez-vous parlé, une fois

  3   arrivé dans les bureaux ?

  4   M. Dordic (interprétation). - C'était la première fois que je

  5   rencontrais Dusica Bojza.

  6   M. Greaves (interprétation). - De quoi avez-vous parlé avec

  7   elle ?

  8   M. Dordic (interprétation). - J'ai dit que j'avais besoin

  9   d'aide.

 10   M. Greaves (interprétation). - A-t-elle voulu savoir qui vous

 11   étiez ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Plus tard, en m'écoutant elle a

 13   appris qui j'étais, où j'avais été et elle m'a aidé.

 14   M. Greaves (interprétation). - Lui avez-vous dit que vous alliez

 15   témoigner devant le Tribunal pénal international ?

 16   M. Dordic (interprétation). - Elle le savait. J'étais à Belgrade

 17   pour faire ma déclaration auprès de M. McLeod.

 18   M. Greaves (interprétation). - Donc elle vous connaissait déjà

 19   en tant que témoin, avant que vous n'arriviez dans les bureaux ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 21   M. Greaves (interprétation). - Vous a-t-elle dit comment elle

 22   avait eu connaissance de ce fait ?

 23   M. Dordic (interprétation). - Non.

 24   M. Greaves (interprétation). - Avez-vous fait une déclaration

 25   auprès de l'association des réfugiés serbes quand vous étiez sur place,


Page 4253

  1   Monsieur Dordic ?

  2   M. Dordic (interprétation). - Non, je n'ai fait aucune

  3   déclaration.

  4   M. Greaves (interprétation). - Vous n'avez pas parlé de la

  5   déposition que vous alliez faire devant le Tribunal. En avez-vous parlé

  6   avec cette dame ?

  7   M. Dordic (interprétation). - C'est la première fois que je la

  8   voyais.

  9   M. Greaves (interprétation). - Ce n'est pas la question que je

 10   vous pose, Monsieur Dordic. Je vous demande si vous avez parlé de votre

 11   déposition avec cette dame ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Non.

 13   M. Greaves (interprétation). - Comment êtes-vous entré en

 14   contact avec la télévision ? C'était l'idée de qui ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Il se fait que j'étais là par

 16   hasard, le jour où je suis arrivé pour demander de l'aide. Cela s'est

 17   passé par hasard.

 18   M. Greaves (interprétation). - Qui vous a donc demandé si vous

 19   étiez d'accord pour répondre à des questions de la télévision ? De qui

 20   était-ce l'idée, Monsieur Dordic ?

 21   M. Dordic (interprétation). - Ils m'ont demandé si j'étais

 22   disposé à parler et j'ai dit que cela ne me posait pas de problème.

 23   M. Greaves (interprétation). - Etaient-ce des gens de

 24   l'organisation qui vous ont demandé de répondre à des questions ou

 25   étaient-ce les gens de la télévision ?


Page 4254

  1   M. Dordic (interprétation). - Les gens de la télévision.

  2   M. Greaves (interprétation). - Un instant si vous le permettez,

  3   Monsieur le Président. Qui d'autre avez-vous rencontré parmi les gens de

  4   l'association, Monsieur Dordic ?

  5   M. Dordic (interprétation). - Il y avait beaucoup de gens dans

  6   les bureaux. J'y allais pour la première fois et je ne savais pas qui ils

  7   étaient ou ce qu'ils faisaient.

  8   M. Greaves (interprétation). - Etes-vous devenu membre de

  9   l'association ?

 10   M. Dordic (interprétation). - Oui. Plus tard, je suis

 11   effectivement devenu membre. J'ai dit que j'avais besoin d'aide car je

 12   n'avais d'endroit où retourner et il fallait que je trouve un moyen de

 13   vivre.

 14   M. Greaves (interprétation). - Vous a-t-on dit que vous deviez

 15   devenir membre de l'association avant de pouvoir obtenir une aide ? Est-ce

 16   cela qui a été dit ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Non.

 18   M. Greaves (interprétation). - Est-ce que vous êtes retourné

 19   ensuite dans ces bureaux et y avez-vous revu des gens ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Non.

 21   M. Greaves (interprétation). - Ont-ils été en contact avec vous

 22   ou sont-ils entrés en contact avec vous depuis votre visite ?

 23   M. Dordic (interprétation). - Je n'avais aucun contact avec eux,

 24   du tout.

 25   M. Greaves (interprétation). - Je voudrais résumer : vous avez


Page 4255

  1   fait une visite dans ces bureaux, vous êtes devenu membre de

  2   l'association ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  4   M. Greaves (interprétation). - Il se fait que par hasard; il y

  5   avait une équipe de télévision qui justement ce jour-là se trouvait dans

  6   les bureaux de l'association, le jour où vous y étiez vous-même ?

  7   M. Dordic (interprétation). - Oui, effectivement.

  8   M. Greaves (interprétation). - Très bien. On vous a posé des

  9   questions concernant votre déclaration et ce que vous avez dit à propos de

 10   la première nuit passée au camp de Celebici. Je voudrais comprendre

 11   précisément comment vous en êtes arrivé à faire votre déclaration au

 12   Bureau du Procureur. Est-ce que cela a pris une seule journée pour

 13   enregistrer ce que vous dit ?

 14   M. Dordic (interprétation). - A Belgrade, ou bien lorsque

 15   M. McLeod est venu ?

 16   M. Greaves (interprétation). - Vous avez fait une déclaration à

 17   Belgrade, n'est-ce pas ?

 18   M. Dordic (interprétation). - Je n'ai pas fait de déclaration à

 19   Belgrade. Je n'ai fait de déclaration qu'auprès de M. McLeod.

 20   M. Greaves (interprétation). - Pourquoi alors, Monsieur Dordic,

 21   me demandez-vous si la question que je pose concerne la déclaration à

 22   Belgrade ou auprès de M. McLeod si vous n'avez pas fait de déclaration à

 23   Belgrade à qui que ce soit ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Je ne me souviens pas d'avoir fait

 25   d'autre déclaration à Belgrade. J'ai simplement fait une déclaration


Page 4256

  1   auprès de M. McLeod, lorsqu'on m'a appelé par téléphone. La police m'a

  2   cherché.

  3   M. Greaves (interprétation). - Oui, mais il y a un instant,

  4   lorsque j'ai demandé combien de temps il avait fallu pour enregistrer

  5   votre déclaration, vous avez répondu : "Est-ce que c'était à Belgrade ou

  6   avec M. McLeod ?" Pourquoi avoir posé la question : est-ce que c'était à

  7   Belgrade ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Il n'y a pas eu d'autre

  9   déclaration que celle que j'ai faite auprès de M. McLeod. C'est la

 10   première fois que j'ai fait une déclaration en décembre, lorsque M. McLeod

 11   m'a rencontré.

 12   M. Greaves (interprétation). - Pourquoi alors était-il

 13   nécessaire pour vous, lorsque je vous pose cette question, de demander si

 14   c'était à Belgrade ?

 15   M. le Président (interprétation).  - Je crois qu'il vous a dit

 16   qu'il n'avait pas fait de déclaration à  Belgrade. Cela devrait suffire.

 17   M. Greaves (interprétation). - Veuillez me donner un instant,

 18   Monsieur le Président.

 19   M. le Président (interprétation). - Ce n'est pas juste

 20   d'insister, de reposer la même question si souvent.

 21   M. Greaves (interprétation). - Quand M. McLeod vous a rencontré,

 22   combien de temps a-t-il fallu pour consigner votre déclaration, Monsieur

 23   Dordic ?

 24   M. Dordic (interprétation). - J'ai fait ma déclaration le matin.

 25   Nous avions commencé à 8 heures et cela s'est terminé vers 7 heures du


Page 4257

  1   soir.

  2   M. Greaves (interprétation). - A la fin de la journée, on vous a

  3   passé en revue tout ce qui avait été consigné par écrit, n'est-ce pas ?

  4   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  5   (expurgé)

  6   (expurgé)

  7   M. Dordic (interprétation). - C'était un homme qui interprétait.

  8   Je ne me souviens pas de son nom.

  9   M. Greaves (interprétation). - L'homme qui interprétait avait le

 10   document sous les yeux, un document qui avait été dicté par vous.

 11   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 12   M. Greaves (interprétation). - A la fin de cette procédure, est-

 13   ce que vous avez signé chacune des pages de la déclaration ?

 14   M. Dordic (interprétation). - J'ai signé en alphabet latin et

 15   j'ai apposé mes initiales .

 16   M. Greaves (interprétation). - Je voudrais vous rappeler que

 17   vous avez aussi signé un certificat qui se trouve à la fin de la

 18   déclaration, n'est-ce pas ?

 19   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 20   M. Greaves (interprétation). - Vous vous souvenez que ce texte

 21   vous a été lu, puis que vous l'avez signé et daté ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Il y avait un certificat et je me

 23   souviens effectivement de l'avoir signé et daté.

 24   M. Greaves (interprétation). - Conviendrez-vous avec moi qu'il

 25   est dit dans cette annexe que la déclaration a été lue en serbe et qu'elle


Page 4258

  1   correspond aux propos tenus ?

  2   M. Dordic (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

  3   M. Greaves (interprétation). - Avez-vous dit à M. McLeod, ce

  4   jour-là, que ce qui était consigné correspondait à la vérité ?

  5   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  6   M. Greaves (interprétation). - Lorsque la déclaration vous a été

  7   lue par l'interprète qui travaillait pour le Bureau du Procureur, avez-

  8   vous reconnu à l'interprète que les faits et les questions qui vous

  9   avaient été lus, tels que traduits par cette personne, étaient vrais pour

 10   autant que vous le sachiez ? Vous souvenez-vous de cela ?

 11   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 12   M. Greaves (interprétation). - Est-ce que ce qui vous a été lu

 13   était conforme à la vérité, pour autant que vous le sachiez ?

 14   M. Dordic (interprétation). - Partiellement.

 15   M. Greaves (interprétation). - Pouvez-vous nous répondre ce que

 16   vous entendez par partiellement, Monsieur Dordic ?

 17   M. Dordic (interprétation) - C’était correct.

 18   M. Greaves (interprétation). - C'était entièrement correct ou

 19   partiellement correct ?

 20   M. Dordic (interprétation) - C'était exact.

 21   M. le Président (interprétation). - Le président ne sait même

 22   plus ce qui se trouve dans cette déclaration maintenant. C'est donc dans

 23   la mesure où il se souvient. C'est comme d'acheter un chat dans un sac.

 24   M. Greaves (interprétation). - Nous verrons si nous pouvons

 25   approfondir un peu et préciser la question avec votre aide, bien entendu.


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  1   M. le Président (interprétation). - Oui, car à moins qu'il ne

  2   sache ce qu'il a dit alors, il ne pourra pas vous dire si c'est exact ou

  3   non.

  4   M. Greaves (interprétation). - J'allais y venir, si vous le

  5   permettez. On vous a demandé de relater la première nuit que vous avez

  6   passée au camp et votre rencontre avec M. Mucic. Conviendrez-vous que ce

  7   que vous avez dit dans votre déposition et ce que vous avez signé dans

  8   votre déclaration sont très différentes de cet incident ?

  9   M. Dordic (interprétation). - J'ai rencontré M. Mucic pour la

 10   première fois lorsque j'ai été emmené au camp, le deuxième jour après y

 11   être arrivé, et lorsque je faisais ma déclaration.

 12   M. Greaves (interprétation). - Comprenez-vous que la déclaration

 13   que vous avez faite au Bureau du Procureur et celle aujourd'hui sont deux

 14   choses très différentes ? Le comprenez-vous ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Non.

 16   M. Greaves (interprétation). - Je vous pose la question

 17   autrement monsieur Dordic. Conviendrez-vous avec moi que votre déposition

 18   concernant M. Mucic cette nuit-là, et ce que vous avez dit ce matin, est

 19   très différent de ce que vous avez dit à M. McLeod tel que cela a été

 20   consigné à l'interprète en novembre de l'année dernière ?

 21   M. Dordic (interprétation). - J'ai fait une déclaration tout

 22   d'abord à M. McLeod. Il m'a posé des questions, je ne sais pas comment

 23   l'interprète a traduit ce que je disais.

 24   M. Greaves (interprétation). - Mais vous dites que cela vous a

 25   été lu à la fin. Donc vous avez eu la possibilité d'apporter des


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  1   modifications que vous souhaitiez au texte ?

  2   M. Dordic (interprétation). - Pour ce qui est d'une modification

  3   de la déclaration, je n'en ai pas eu le temps. En effet, l'interprète a

  4   relu le texte très rapidement.

  5   M. Greaves (interprétation). - Ce que j'aimerais laisser

  6   entendre, monsieur Dordic, c'est qu'il n'est pas exact de dire que

  7   M. Mucic est venu vous voir ce premier soir, et c'est bien pour cela que

  8   ceci ne figure pas dans votre déclaration.

  9   M. Turone (interprétation). - Objection ! Question posée ayant

 10   déjà reçu réponse lors du contre-interrogatoire de Maître Moran. De toute

 11   façon il n'y a pas d'objection; si vous voulez ici verser au dossier,

 12   Maître Greaves, la déclaration préalable.

 13   M. le Président (interprétation). - Il a le droit de poser ses

 14   propres questions.

 15   M. Greaves (interprétation). - Il est toujours loisible à un

 16   avocat de présenter sa version d'une question quelque peu modifiée. Je

 17   répète la question monsieur Dordic. Je vous suggère qu'il n'est pas exact

 18   que M. Mucic soit allé vous voir la première nuit où vous êtes arrivé au

 19   camp. C'est la raison de l'absence de ce détail dans la déclaration que

 20   vous avez faite au bureau du Procureur.

 21   M. Dordic (interprétation). - Monsieur McLeod ne m'a pas posé la

 22   question ; il m'a demandé quand j'avais été arrêté, j'ai répondu, et cette

 23   question-là n'a pas été repris dans ma déclaration.

 24   M. Greaves (interprétation). - Pourriez-vous m'aider sur ceci,

 25   monsieur Dordic ? Lorsque vous avez dit à M. McLeod que c'est seulement


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  1   lorsque vous avez été interrogé par M Mucic que vous l'aviez vu pour la

  2   première fois, cela aussi était inexact, n'est-ce pas ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Ce n'était pas correct. La

  4   première fois que je l'ai vu, c'est quand il est venu au hangar n° 6 le

  5   13 juillet. Ils nous ont fait sortir, mon père, mon frère et moi-même, et

  6   ils ont dit à mon père : "Tu peux rentrer, tes deux fils vont rester

  7   encore un peu pour faire une déclaration et puis ils pourront rentrer".

  8   C'est la première fois que j'ai vu Pavo Mucic. Il s'est présenté à mon

  9   père, il lui a serré la main et il a dit qu'il s'appelait Pavo Mucic. La

 10   deuxième fois, c'était effectivement lorsque j'ai fait la déclaration au

 11   bâtiment du commandement.

 12   M. Greaves (interprétation). - Pourriez-vous nous aider sur

 13   ceci ? Pourriez-vous vous lever et montrer le bâtiment à propos duquel

 14   vous dites que c'est là qu'a eu lieu l'interrogatoire ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Au bâtiment du commandement, près

 16   du portail d'entrée, c'est comme cela qu'on l'appelait, à l'accueil, à la

 17   réception.

 18   M. Greaves (interprétation). - Vous voyez la maquette devant

 19   vous monsieur Dordic. Est-ce que vous pourriez nous indiquer sur cette

 20   maquette où se trouve ce bâtiment ? Voulez-vous bien nous montrer ce

 21   bâtiment à l'aide du pointeur ?

 22   M. Turone (interprétation). - Pourrions-nous dire au témoin que

 23   s'il veut venir vers le devant de la maquette, il pourra voir plus

 24   facilement la maquette ?

 25   M. Greaves (interprétation). - Effectivement, je vais le faire,


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  1   vous avez raison.

  2   M. le Président (interprétation). - Essayez de vous rapprocher

  3   le plus possible du bâtiment pour que vous puissiez l'identifier.

  4   M. Greaves (interprétation). - Faites attention aux écouteurs.

  5   M. Turone (interprétation). - Je crois que le témoin n'a jamais

  6   vu cette maquette auparavant. C'est la première fois qu'il la voit..

  7   M. le Président (interprétation). - De quel bâtiment s'agit-il ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Le bâtiment ici.

  9   M. Greaves (interprétation). - Aux fins du compte-rendu, c'est

 10   le bâtiment rouge de la maquette. Merci monsieur Dordic.

 11   M. le Président (interprétation). - Vous pouvez vous rasseoir.

 12   M. Greaves (interprétation). - De quel côté du bâtiment se

 13   trouvait cette pièce où vous avez été allongé, dites-vous ?

 14   M. Dordic (interprétation). - Là.

 15   M. Greaves (interprétation). - Peut-être vous faut-il vous lever

 16   encore. Est-ce de ce côté-ci, de mon côté à moi, ou plutôt du côté de la

 17   voie ferrée ?

 18   M. Dordic (interprétation). - De votre côté, à ma gauche, plus

 19   près du portail d'entrée.

 20   M. Greaves (interprétation). - Et nous voyons qu'il y a

 21   certaines parties du bâtiment, certaines pièces où les fenêtres vont

 22   jusqu'au sol, alors qu'il y en a d'autres où les fenêtres sont plus près,

 23   à deux tiers du mur. Est-ce dans une pièce de ce genre, la dernière que je

 24   viens de décrire, que vous vous trouviez ?

 25   M. Dordic (interprétation). - J'ai été interrogé et la fenêtre


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  1   donnait sur le dispensaire.

  2   M. Greaves (interprétation). - Pour que tout soit bien clair,

  3   pourriez-vous une fois de plus, avec l'aide du pointeur, nous dire quel

  4   est le bâtiment qui, d'après vous, est le dispensaire ?

  5   M. Dordic (interprétation). - C'est ici que se trouve le

  6   dispensaire.

  7   M. Greaves (interprétation). - Merci, vous pouvez vous rasseoir

  8   si vous le voulez. Pour que tout soit bien clair, c'est le bâtiment qui se

  9   trouve du côté de la partie principale du camp. Vous êtes d'accord avec

 10   moi pour cette description ?

 11   M. Dordic (interprétation). - Pas de mon côté de la maquette.

 12   Près du bâtiment qui est situé en parallèle avec le bâtiment où j'ai été

 13   interrogé. C'est dans ce bâtiment que se trouvait l'infirmerie.

 14   M. Greaves (interprétation). - Dans votre déposition de ce

 15   matin, vous avez parlé de Hazim Delic qui a utilisé un revolver d'une

 16   certaine façon. Pourriez-vous nous dire pourquoi, dans la déclaration

 17   faite à M. McLeod, vous n'avez jamais parlé de cet incident ?

 18   M. Dordic (interprétation). - Je l'ai mentionné. Je ne sais pas

 19   si l'interprète a repris mes propos, mais j'ai donné tous les détails dont

 20   je me souvenais lorsque j'ai fait cette déclaration.

 21   M. Greaves (interprétation). - Oui, mais quelqu'un qui agite un

 22   revolver et le dirige vers vous, c'est quand même une information

 23   importante. En conviendrez-vous avec moi ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Hazim Delic personnellement m'a

 25   forcé à signer cette déclaration, mais moi je ne disais rien, c'est lui


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  1   qui dictait à Ismeta. Ismeta dactylographiait. Et puis il m'a forcé à

  2   signer. Je voulais le faire en alphabet latin, mais j'ai dû le faire, sous

  3   ses ordres, en alphabet cyrillique, là dans le bâtiment administratif.

  4   M. Greaves (interprétation). - Ce que je voudrais vous suggérer,

  5   monsieur Dordic, c'est ceci. Votre relation des faits, s'agissant de cet

  6   interrogatoire, est très différente de ce que vous avez déclaré être exact

  7   en 1996.

  8   M. Turone (interprétation). - Objection ! La différence n'est

  9   pas si grande que cela.

 10   M. Greaves (interprétation). - Aucune mention n'est faite d'un

 11   incident avec un revolver, n'est-ce pas ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Moi je l'ai dit à l'interprète.

 13   J'ai dit qu'il tenait le revolver contre ma tempe et qu'il m'avait frappé

 14   le dessus de la tête, et qu'il m'avait aussi giflé à cette occasion. Il

 15   m'avait emmené aux toilettes pour me laver parce que j'avais le nez qui

 16   saignait.

 17   M. Greaves (interprétation). - Je pense que vous ne dites pas la

 18   vérité à propos de cet incident, monsieur Dordic, et c'est bien pour cela

 19   que cet incident et la relation que vous nous en faites ne se retrouve pas

 20   dans la déclaration du Procureur.

 21   M. Dordic (interprétation). - Je l'ai dit à Belgrade, je ne sais

 22   pas si cette interprète a bien relaté à M. McLeod. Les questions m'ont été

 23   posées sur mon arrivée, sur l'interrogatoire et j'ai répondu à toutes les

 24   questions à Belgrade, et je l'ai dit.

 25   M. Greaves (interprétation). - Je voudrais vous poser une


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  1   question à propos d'un homme dénommé Ivika Buric. Est-ce que vous le

  2   connaissiez au camp ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Non, je ne le connaissais pas.

  4   M. Greaves (interprétation). - Pas du tout ?

  5   M. Dordic (interprétation). - Non, je ne le connaissais pas du

  6   tout. Moi je travaillais à Sarajevo, mais je n'ai jamais travaillé à

  7   Konjic.

  8   M. Greaves (interprétation). - Avez-vous vu M. Buric au camp de

  9   Celebici quand vous vous y trouviez ?

 10   M. Dordic (interprétation). - Je ne me souviens pas. Beaucoup de

 11   temps s'est écoulé depuis.

 12   M. Greaves (interprétation). - Pourrais-je rafraîchir votre

 13   mémoire par rapport à ce que vous avez dit à M. McLeod à son propos ?

 14   Peut-être que vous vous en souviendrez : "Je connais M. Buric, il

 15   travaillait au camp et de temps à autre il venait au hangar avec Delic".

 16   Et puis vous décrivez comment M. Buric frappait les gens, mais moins

 17   fréquemment que d'autres ne le faisaient. Vous souvenez-vous de cela ?

 18   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 19   M. Greaves (interprétation). - Manifestement, vous avez perdu

 20   des membres de votre famille du fait de la guerre, monsieur Dordic. Je

 21   compatis, j'espère que vous me croyez.

 22   M. Dordic (interprétation). - J'ai perdu mon père, ma mère, deux

 23   tantes.

 24   M. Greaves (interprétation). - Est-ce que ceci vous a rempli

 25   d'amertume par rapport à ceux qui vous ont incarcéré à Celebici ?


Page 4266

  1   M. Dordic (interprétation). - Oui. A un moment donné, quand j'ai

  2   appris que mon père, ma mère, deux tantes, avaient été tués, je me suis

  3   demandé pourquoi je n'étais pas avec eux.

  4   M. Greaves (interprétation). - Est-ce aussi parce que vous

  5   n'étiez pas là ou parce que vous êtes allé là pour les protéger, Monsieur

  6   Dordic ?

  7   M. Dordic (interprétation). - Vous voulez dire pour protéger ma

  8   mère et mon père ?

  9   M. Greaves (interprétation). - Est-ce pour cela, parce que vous

 10   étiez incarcéré à Celebici ?

 11   M. Dordic (interprétation). - J'ai été détenu par la contrainte,

 12   sans raison, aucune arme ne m'avait été remise, je ne faisais partie

 13   d'aucune organisation.

 14   M. Greaves (interprétation). - Je ne veux pas ici aggraver votre

 15   situation, mais j'aimerais revenir sur ce point. Est-ce que vous vous

 16   sentiez coupable du fait de ne pas pouvoir protéger votre famille, parce

 17   que vous étiez détenu à Celebici ? Est-ce que ceci a contribué à ce que

 18   vous vous sentiez très amère par rapport aux gens de Celebici ?

 19   M. Dordic (interprétation). - Oui. A un certain moment, j'ai

 20   pensé qu'il aurait été préférable qu'ils m'aient libéré le 13 juillet, au

 21   moins comme cela nous aurions tous été morts ensemble et je n'aurais pas

 22   dû subir toutes les tortures à Celebici.

 23   M. Greaves (interprétation). - Je comprends fort bien, Monsieur

 24   Dordic, mais voici ma question.

 25   Les personnes qui travaillaient au camp de Celebici pendant que


Page 4267

  1   vous y étiez, les considériez-vous comme étant responsables quelque part

  2   de la mort des membres de votre famille ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Je pouvais rester en prison alors

  4   que mon père ne pouvait pas l'être. Il n'avait d'ailleurs aucune raison

  5   d'être détenu. Lui non plus n'avait reçu aucune arme. Nous aurions pu être

  6   relâchés tous ensemble, mon frère, mon père et moi-même.

  7   M. Greaves (interprétation). - Iriez-vous jusqu'à dire que vous

  8   haïssez les personnes qui vous ont gardé incarcéré, détenu dans ce camp ?

  9   M. Dordic (interprétation). - Non, je n'ai pas dit que je les

 10   haïssais.

 11   M. Greaves (interprétation). - Oui, mais vous êtes très amer,

 12   n'est-ce pas ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 14   M. Greaves (interprétation). - Merci, je n'ai plus de questions

 15   à poser.

 16   M. le Président (interprétation).  - Maître Ackerman, allez-y.

 17   Maître Ackerman, apparemment, il y a un ordinateur qui ne marche

 18   plus.

 19   M. O'Sullivan (interprétation). - Je ne reçois plus le

 20   transcript sur cet écran, Monsieur le Président.

 21   M. le Président (interprétation).  - (s'adressant au greffe)

 22   Serait-il possible d'examiner la question ?

 23   Nous allons trouver quelqu'un qui s'occupera de réparer cette

 24   panne. Maître Ackerman, nous allons peut-être nous interrompre maintenant

 25   pour reprendre à 14 heures 30. Ainsi, l'incident sera réglé.


Page 4268

  1   L'audience est suspendue à 12 heures 35.

  2   

  3   L'audience est reprise à 14 heures 35

  4   M. le Président (interprétation) - Peut-on inviter le témoin à

  5   entrer dans le prétoire ?

  6   M. Ackerman (interprétation) - Puis-je soumettre un point à

  7   l’attention de la Cour avant que nous ne commencions ?

  8   M. le Président (interprétation) - Je vous en prie

  9   M. Ackerman (interprétation) - Certains des témoignages

 10   entendus, sentiment qui je crois est partagé par certains de mes

 11   confrères, nous préoccupent quelque peu.

 12   Nous nous demandons de plus en plus si ces témoins ont fait des

 13   déclarations à l’attention d’autres personnes que des membres du Bureau du

 14   Procureur et, si tel est le cas, à l’attention de qui ?

 15   Vous vous rappellerez, Monsieur le Président, que le témoin que

 16   nous avons entendu ce matin a été interrogé à un certain moment par

 17   Me Greaves au sujet de cette déclaration qu'il a faite. Le témoin a

 18   répondu: "à Belgrade ou à l'attention de M. McLeod", ce qui a permis de

 19   penser qu’il a fourni peut-être plus d'une déclaration eu égard à cette

 20   affaire.

 21   Il y a d'autres preuves qui semblent indiquer la même chose.

 22   Vous vous rappellerez sans doute ces bandes vidéo, Monsieur le Président,

 23   accompagnées d'un procès-verbal. A ce sujet, il a beaucoup été question de

 24   la préparation que nous aurions faite de certains de nos témoins et de

 25   choses du même genre.


Page 4269

  1   Nous avons également un article de presse issu d'un hebdomadaire

  2   serbe, le "Telegraph", daté du 6 mars 1996, que nous avons l'intention de

  3   verser au dossier le plus rapidement possible. Dans cet article, il est

  4   dit que l’un des témoins que l’accusation s’apprête à citer cette semaine

  5   a déclaré aux journalistes que toutes les déclarations fournies par les

  6   témoins à l’Association des détenus sont traduites en anglais et signées

  7   par les témoins : "que toutes ces déclarations doivent être remises au

  8   conseiller juridique du Tribunal, Thérésa McHenry, qui enquête sur les

  9   crimes commis par les Musulmans contre les Serbes."

 10   Je ne sais pas si ces déclarations ont en fait été remises à Mme

 11   McHenry ou pas, mais il semble que ces déclarations existent bel et bien.

 12   Encore un élément : apparemment un combat se mène au sein de

 13   l'Association des anciens détenus de Belgrade compte tenu du fait que le

 14   Président de cette Association est accusé par d'autres fonctionnaires de

 15   cette Association d'avoir fait un certain nombre de choses qui ne sont pas

 16   tout à fait correctes.

 17   Le Président a répondu à une interview, il s'appelle Petr

 18   Fjodorov, président de l'Association des anciens détenus. Il a donc donné

 19   une interview au journal "Grazjanin", interview publiée le 17 juin 1997.

 20   Dans cette interview, il dit des choses intéressantes. Il a

 21   déclaré que pour devenir membre de cette Association, comme le témoin que

 22   nous venons d’entendre a dit qu’il l’était, il fallait, pour obtenir la

 23   carte d'adhésion fournir au préalable une déclaration.

 24   Le président de cette Association dit que c’est du chantage

 25   parce que la seule façon dont on peut être aidé par l’Association, comme


Page 4270

  1   le témoin l’a indiqué, consiste à fournir une telle déclaration.  Le

  2   président de l’Association parle donc de "chantage".

  3   "Les déclarations des anciens détenus ont été placées dans des

  4   endroits où l'on fait le café." C’est c'est une autre citation extraite de

  5   cet article de presse.

  6   En tout cas, tout cela semble indiquer que ces déclarations

  7   existent bel et bien.

  8   Encore un élément : je voudrais parler maintenant du rapport qui

  9   existe entre l’Association des anciens détenus et le gouvernement de

 10   Belgrade, dirigé par Slobodan Milosevic.

 11   Le président de l’Association déclare que la commission qui

 12   travaillait sur l’affaire Celebici, sous la direction de Zuza Branca, a

 13   été financée par un certain nombre de ministères, ce qui laisse à penser

 14   en tout cas que ces ministères sont sans doute des ministères du

 15   gouvernement serbe et que cette Association des anciens détenus, bien

 16   qu’officiellement une ONG, ne serait qu’une organisation fantoche du

 17   gouvernement serbe.

 18   Il me semble que, dans ce cas, il y a peut-être plus de feu que

 19   de fumée. Et que quelque chose doit donc être fait pour que ce problème

 20   soit totalement et définitivement éclairci. A cette fin, j’aimerais faire

 21   un certain nombre de propositions. J’aimerais d’abord dire qu’il serait

 22   tout à fait dommageable pour ce Tribunal qu’il puisse être utilisé par le

 23   gouvernement serbe comme une espèce d'appendice de ce qui s'est produit

 24   durant la guerre.

 25   Cette Association d'anciens détenus semble désirer au plus haut


Page 4271

  1   point aider l'accusation dans les procès où des musulmans sont en cause,

  2   mais n'a certainement pas manifesté une grande détermination à envoyer ses

  3   criminels de guerre devant le Tribunal. Et on peut se poser la question de

  4   savoir pourquoi.

  5   Je proposerai la chose suivante : d'abord je pense qu'il serait

  6   important de vérifier auprès de l’accusation si l’accusation possède ou

  7   non des déclarations reçues de l'Association des anciens détenus et

  8   consignées dans les conditions indiquées par les personnes qui ont donné

  9   des interviews aux journaux que je viens de citer.

 10   Si des déclarations de ce genre existent, il conviendrait donc

 11   de le vérifier et de voir ce qu'il convient d'en faire. Et puis, il serait

 12   important, je pense, de vérifier les sources de ces déclarations. Si ces

 13   déclarations existent, de les mettre à la disposition du Tribunal.

 14   Enfin, l’accusation devrait, je pense, vérifier le rapport, s'il

 15   existe, entre l'Association des anciens détenus dont je suis en train de

 16   parler et le gouvernement de Slobodan Milosevic à Belgrade. Je vous

 17   remercie.

 18   M. le Président (interprétation) - Merci beaucoup. Je ne sais

 19   vraiment pas jusqu'où les débats de cette chambre de première instance

 20   pourront continuer à être ainsi dévoyés. Je suppose que si des

 21   informations sont reproduites dans les journaux, il n'y aura pas de fin à

 22   ce procès.

 23   Il existe des dispositions statutaires qui vous permettent de

 24   poser des questions à l’accusation au sujet de ce genre de déclarations et

 25   de demander à l’accusation de vous les remettre le cas échéant.


Page 4272

  1   Si vous n'avez rien de plus que ce que vous avez dit, je crois

  2   que la seule chose qui vous puissiez faire est de vérifier auprès de

  3   l’accusation si ces déclarations existent et faire ce qu'il faut pour

  4   qu'elles vous soient remises.

  5   Mais je vous en prie, j’aimerais que l'on cesse de prendre la

  6   parole chaque fois qu'un article est publié dans un journal.

  7   M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président,

  8   comprenez-moi bien : je ne demande aucun ajournement, même de cinq

  9   minutes. Je suis tout à fait prêt à ce que l’on entende ce témoin et les

 10   témoins qui suivront. Mais ce genre d'affaire est assez préoccupante et ne

 11   cesse de resurgir.

 12   M. le Président (interprétation). - Maître, je que ce genre

 13   d'affaire a des chances de continuer à surgir jusqu’à la fin du procès.

 14   Mme McHenry (interprétation) - Je ne sais pas si vous souhaitez

 15   que je prenne la parole sur point,  Monsieur le Président. Je suis tout à

 16   fait d'accord avec vous, Monsieur le Président, je ne pense pas que ce qui

 17   est publié par la presse puisse être reconsidéré comme un élément de

 18   preuve, et la défense a eu tout loisir d’interroger les témoins au sujet

 19   de leur rapport avec l'Association des anciens détenus, les témoins étant

 20   tout à fait libres de dire ce qu’ils souhaitent dire.

 21   Je tiens à consigner au procès-verbal que si l’accusation est en

 22   possession de déclarations émanant des témoins, toutes ces déclarations

 23   ont été remises à la défense. Je ne sais d’ailleurs pas si la défense a

 24   besoin de recevoir nécessairement toutes les déclarations qui sont en la

 25   possession de l’accusation.


Page 4273

  1   Dans cette affaire précise, celle de Celebici, les déclarations

  2   en question ont été remises à la défense. S'agissant des articles parus

  3   dans la presse, je crois que les choses ont été rendues très claires lors

  4   d'une audience précédente, quand ce point a été soulevé, à savoir qu'il

  5   apparaît que les déclarations relatives à ce qui a été fait, ces

  6   déclarations qui ont été traduites en anglais, ont été prises à Timisoara

  7   dans des conditions un peu particulières où l'Association des anciens

  8   détenus était présente, alors que le Bureau du Procureur et ses

  9   représentants n'ont pas pu être présents.

 10   C'est la raison pour laquelle l'Association des anciens détenus

 11   a servi de relais pour la prise des déclarations de ces témoins qui

 12   ensuite ont été traduites en anglais et rapportées à La Haye.

 13   L'Association, d'ailleurs, ne possède pas d'exemplaire de ces

 14   déclarations. L'accusation pense en tout cas que c'est là que réside

 15   l'explication la plus crédible quant à ce qui a paru dans ces journaux.

 16   Maintenant, sur le point de savoir s'il existe d'autres

 17   déclarations fournies par d'éventuels témoins, nous ne pouvons que dire

 18   que nous n'avons pas de déclaration de ce genre en notre possession et que

 19   l'existence, si tant est que ces déclarations existent, n'aurait rien

 20   d'inconvenant. Les gens sont libres, je crois, de fournir des déclarations

 21   eu égard à ce qui leur est arrivé à l'intention de qui ils veulent.

 22   L'accusation n'a aucune raison de vérifier le financement de ce genre

 23   d'activité.

 24   S'agissant du financement de l'Association estime qu'elle n'a

 25   aucune pertinence par rapport à notre affaire puisque l'Association des


Page 4274

  1   anciens détenus n'a rien fait pour empêcher le cours de la justice.

  2   Si la défense souhaite faire une enquête sur des points sur

  3   lesquels elle est en contradiction avec nous, elle est libre de le faire

  4   bien entendu, mais il ne semble pas y avoir de raison. Les ONG et les

  5   gouvernements sont souvent quelque peu partiels, dans un sens ou dans

  6   l'autre, mais ce n'est pas là nécessairement une raison pour entamer une

  7   enquête sur le point de savoir si l'activité de ces groupes est

  8   inconvenante.

  9   Je crois que rien de ce genre n'existe dans cette affaire.

 10   L'accusation estime qu'il n'y a d'ailleurs aucun élément de preuves qui

 11   permette de le penser. Je vous remercie.

 12   M. Greaves (interprétation). - Monsieur le Président,

 13   l'impression qui émane de ces quelques articles de journaux est la

 14   suivante. Le gouvernement serbe, les organisations liés au gouvernement

 15   serbe, créent d'ailleurs sans doute cette impression de façon délibérée.

 16   L'impression qui ressort donc, c'est que l'Association des anciens détenus

 17   est une dépendance du gouvernement et, si tel est le cas, je pense que

 18   c'est un point qu'il convient que le Tribunal examine de très près, car si

 19   le monde extérieur pouvait estimer que l'accusation est liée d'une manière

 20   ou d'une autre à l'un de ces organismes partiels, je crois que  cela

 21   serait très nuisible pour le Tribunal et, ayant entendu ce que Me McHenry

 22   vient de dire, je tiens à faire remarquer que ces propos ne sont pas les

 23   plus appropriés.

 24   L'impression qui a été fournie lorsque l'organisation

 25   représentative des réfugiés serbes parle de nos témoins, c'est que ce


Page 4275

  1   tribunal n'est en fait que le bras d'un organisme politique serbe. Je

  2   pense que c'est là quelque chose de tout à fait dangereux, de tout à fait

  3   subversif et, avec tout le respect que je dois au Tribunal, je dirais que

  4   cela fait partie des plaintes nous avons et des inquiétudes qui sont les

  5   nôtres, car nous ne nous nous intéressons pas uniquement à l'affaire qui

  6   implique nos clients mais également à la bonne administration de la

  7   justice dans toute l'équité nécessaire de la part de ce Tribunal.

  8   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Peut-on

  9   maintenant inviter le témoin à rentrer dans la salle, je vous prie ?

 10   (Le témoin est introduit dans la salle)

 11   M. le Président (interprétation). - Peut-on rappeler au témoin

 12   qu'il témoigne toujours sous serment ?

 13   M. Le Greffier.- Je vous rappelle que vous témoignez toujours

 14   sous serment.

 15   M. le Président (interprétation). - Oui.

 16   M. Ackerman (interprétation). - Puis-je procéder, Monsieur le

 17   Président ?

 18   M. le Président (interprétation). - Oui, je vous en prie.

 19   M. Ackerman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 20   M. Dordic, je m'appelle John Ackerman. Je suis l'un des avocats

 21   qui représente Esad Landzo dans ce procès. Bonjour.

 22   M. Dordic (interprétation). - Bonjour.

 23   M. Ackerman (interprétation). - J'ai quelques questions à vous

 24   poser et si je vous pose une question que vous avez du mal à comprendre,

 25   je vous demanderais de me donner la possibilité de la formuler


Page 4276

  1   différemment de façon à ce que vous la compreniez bien. D'accord ?

  2   M. Dordic (interprétation). - (inaudible)

  3   M. Ackerman (interprétation). - Je n'entends pas

  4   l'interprétation.

  5   Si vous avez donc la moindre question au sujet d'une question

  6   que je vous pose, ne supposez pas que vous l'avez comprise sans me le

  7   faire savoir. Dans ce cas, je pourrais reformuler. D'accord ?

  8   M. Dordic (interprétation). - C'est très bien.

  9   M. Ackerman (interprétation). - Bien.

 10   Il y a quelque temps, avant votre comparution devant ce

 11   tribunal, vous avez d'une certaine façon chargé l'accusation de demander

 12   des mesures de protection à votre égard, est-ce exact ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 14   M. Ackerman (interprétation). - Vous saviez, n'est-ce pas, que

 15   cette Chambre de Première Instance avait rendu une ordonnance qui vous

 16   accordait ces mesures de protection. Vous le saviez, n'est-ce pas ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 18   M. Ackerman (interprétation). - Vous saviez que cela signifiait

 19   que votre nom, votre adresse, tous les éléments permettant de vous

 20   identifier devaient être gardés secrets et ne devaient pas être divulgués

 21   de quelque  manière que ce soit au public et ce à des fins de protection,

 22   n'est-ce pas ?

 23   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 24   M. Ackerman (interprétation). - En sachant tout cela, en

 25   connaissant les efforts qui ont été accomplis par chacun ici, y compris


Page 4277

  1   par les juges, vous êtes apparu à la télévision de Belgrade le 27 mai 1997

  2   sous votre nom véritable. Est-ce exact ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  4   M. Ackerman (interprétation). - Vous leur avez dit qui vous

  5   étiez ?

  6   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  7   M. Ackerman (interprétation). -Votre nom est apparu à l'écran au

  8   cours de cette émission ?

  9   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 10   M. Ackerman (interprétation). - Et vous avez parlé de ce dont

 11   vous prétendez que cela vous est arrivé dans le camp de Celebici au cours

 12   de cette émission ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 14   M. Ackerman (interprétation). - Ce matin, lorsque Me Greaves

 15   vous interrogeait, vous lui avez dit que la raison pour laquelle vous avez

 16   accordé cette interview était que la station de télévision de Belgrade

 17   vous l'avait demandé.

 18   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 19   M. Ackerman (interprétation). - Quelqu'un a donc dû donner votre

 20   nom à cette station de télévision et a dû définir les connaissances que

 21   vous aviez pour que cette télévision s'intéresse à vous. Est-ce exact ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas.

 23   M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que vous vous êtes

 24   adressé à eux quand vous avez vu les caméras pour leur dire : "Je

 25   m'appelle un tel et je voudrais vous parler de Celebici parce que j'y ai


Page 4278

  1   passé un certain temps." Est-ce que c'est comme cela que les choses se

  2   sont passées ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Non, c'est par hasard que je me

  4   suis trouvé impliqué, quand j'ai demandé de l'aide.

  5   M. Ackerman (interprétation). - Comment les gens de la

  6   télévision ont-ils pu savoir que vous étiez quelqu'un qui pouvait les

  7   intéresser ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Pendant que je parlais dans les

  9   locaux de l'Association, eux, ils étaient présents, mais je ne sais pas

 10   pourquoi.

 11   M. Ackerman (interprétation). - Mais vous parliez aux

 12   représentants de l'Association de votre besoin de vous procurer des

 13   vêtements. C'est bien cela ?

 14   M. Dordic (interprétation). - Oui. Je disais que j'avais besoin

 15   de vêtements, d'un logement et d'aide.

 16   M. Ackerman (interprétation). - Cela ne les intéressait pas de

 17   vous interviewer pourtant au sujet de vos besoins en vêtements, en

 18   logement ou en quoi que ce soit d'autre, n'est-ce pas ?

 19   M. Dordic (interprétation). - Non.

 20   M. Ackerman (interprétation). - Ce qui les intéressait, c'était

 21   de vous interviewer au sujet de ce que vous aviez vécu à Celebici, c'est

 22   bien cela ?

 23   M. Dordic (interprétation). - Oui, mais je ne sais pas comment

 24   ils ont pu savoir que j'étais justement quelqu'un qui les intéressait.

 25   M. Ackerman (interprétation). - Il faut bien que quelqu'un le


Page 4279

  1   leur ait dit, n'est-ce pas ?

  2   M. Dordic (interprétation). - Certainement. Je ne sais pas

  3   comment ils ont peu connaître mon nom et mon prénom. Moi, on m'a donné

  4   l'adresse de l'Association pour que je demande de l'aide. Je suis allé à

  5   Belgrade et j'ai demandé de l'aide. Je leur ai demandé de  me donner des

  6   vêtements.

  7   M. Ackerman (interprétation). - Il y avait quelqu'un dans les

  8   locaux de l'Association qui savait qui vous étiez et qui savait

  9   apparemment ce que vous aviez vécu à Celebici, n'est-ce pas ?

 10   M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas, je ne sais pas

 11   s'il le savait. Moi, c'est la première fois ce jour-là que j'ai vu Mme

 12   Dusica Bojic.

 13   M. Ackerman (interprétation). - Les gens de la télévision

 14   auraient donc deviné, auraient supposé que vous saviez quelque chose au

 15   sujet de Celebici ?

 16   M. Turone (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.

 17   La question a déjà été posée et a reçue une réponse.

 18   M. Ackerman (interprétation). - C'est cela ?

 19   M. Dordic (interprétation). - J'ai vu Dusica Bojic pour la

 20   première fois quand je suis allé demander de l'aide et il y avait une

 21   équipe de télévision sur place. Je me suis présenté à ce moment-là à Mme

 22   Dusica Bojic. J'ai dit qui j'étais, d'où je venais, ce que j'avais fait et

 23   je lui ai dit que j'avais absolument besoin d'aide.

 24   M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que les gens de la

 25   télévision ont pu entendre la conversation que vous avez eue avec Mme


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  1   Bojic à ce moment-là ?

  2   M. Dordic (interprétation). - Sans doute. Je ne sais pas.

  3   Comment est-ce que je pourrais le savoir ? Ils étaient là à ce moment-là.

  4   M. Ackerman (interprétation). - Bon, lorsque vous avez parlé

  5   avec Mme Bojic, est-ce que vous lui avez parlé dans un bureau ?

  6   M. Dordic (interprétation). - Dans un bureau.

  7   M. Ackerman (interprétation). - Les gens de la télévision

  8   étaient dans ce même bureau pendant que vous parliez avec Mme Bojic ?

  9   M. Dordic (interprétation). - Oui il était là, dans le bureau.

 10   M. Ackerman (interprétation). - Et vous avez dit comment vous

 11   vous appeliez, et où vous aviez été détenu.

 12   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 13   M. Ackerman (interprétation). - Et sachant que vous aviez

 14   demandé des mesures de protection de la part de ce Tribunal et que celui-

 15   ci vous les avait accordées, vous avez accepté d'abandonner toutes ces

 16   mesures de protection pour apparaître à la télévision de Belgrade ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Je n'ai pas renoncé aux mesures de

 18   protection.

 19   M. Ackerman (interprétation). - Ces mesures de protection

 20   avaient pour but de maintenir secrets votre nom et toutes les

 21   circonstances de ce que vous aviez vécu dans le camp de Celebici, n'est-ce

 22   pas ? Il ne fallait pas que ce soit divulgué au public. C'est bien à cela

 23   que servaient ces mesures de protection, n'est-ce pas ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 25   M. Ackerman (interprétation). - Alors si vous apparaissez à la


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  1   télévision, qui est transmise par satellite dans toute l'Europe, c'est une

  2   manière d'abandonner cette protection, n'est-ce pas ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Comment est-ce que je savais que

  4   cela allait apparaître à la télévision ? Moi je ne savais pas que cela

  5   allait être montré à la télévision.

  6   M. Ackerman (interprétation). -Alors vous avez des contacts avec

  7   des gens de la télévision, on vous pose des questions, vous y répondez et

  8   vous n'avez pas la moindre idée que cela va être montré à la télévision ?

  9   M. Dordic (interprétation). - C'est cela.

 10   M. Ackerman (interprétation). - Est-ce qu'ils vous ont dit

 11   qu'ils n'allaient pas utiliser ce que vous leur disiez, qu'ils allaient le

 12   garder secret ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Ils ne m'ont rien dit, ils se sont

 14   simplement approchés de moi et ont commencé à m'interviewer.

 15   M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que Madame Bojic vous a

 16   dit que cela resterait un secret, que ce n'était pas un problème pour vous

 17   de parler avec eux parce qu'ils n'allaient le révéler à personne ? Est-ce

 18   qu'elle vous a dit cela ?

 19   M. Dordic (interprétation). - Elle ne m'a rien dit.

 20   M. Ackerman (interprétation). - Donc vous avez supposé

 21   simplement que vous pouviez donner une interview à une télévision publique

 22   commerciale et que cette télévision allait respecter votre vie privée et

 23   ne pas diffuser l'interview ? Est-ce cela que vous êtes en train de dire

 24   au Tribunal ?

 25   M. Dordic (interprétation). - Oui.


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  1   M. Ackerman (interprétation). - Ainsi, vous avez parlé à la

  2   télévision de Belgrade de la situation et vous avez parlé à M. McLeod de

  3   la situation ; vous avez parlé avec M. Turone de la situation, pour ce qui

  4   est de votre témoignage. A qui d'autre encore avez-vous parlé de ce qui

  5   vous est arrivé à Celebici ?

  6   M. Dordic (interprétation). - J'ai parlé uniquement à M. McLeod

  7   et à ce monsieur... lorsque je suis arrivé ici, il n'y avait personne

  8   d'autre.

  9   M. Ackerman (interprétation). - Et si tel est le cas, comment

 10   M. McLeod a-t-il pu vous connaître ? Comment a-t-il su qui vous étiez ?

 11   M. Turone (interprétation). - Objection votre honneur ! Le

 12   témoin ne pouvait pas dire comment les enquêteurs avaient pu trouver son

 13   nom.

 14   M. Ackerman (interprétation). - Savez-vous comment M. McLeod

 15   pouvait avoir connaissance de votre existence et de l'intérêt que vous

 16   représentiez pour l'enquête ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas, je ne sais pas

 18   comment on a trouvé mon nom. Je ne sais pas comment on a su que j'étais

 19   sorti de prison.

 20   M. Ackerman (interprétation). - Avant que M. McLeod n'entre en

 21   contact avec vous, vous n'aviez jamais parlé à personne d'autre ? Vous

 22   n'aviez jamais dit à personne d'autre que vous aviez été détenu au camp de

 23   Celebici ?

 24   M. le Président (interprétation). - Est-ce que sa réponse ne

 25   suffit pas ? Il en ressort à mon avis clairement ce que le témoin veut


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  1   dire.

  2   M. Ackerman (interprétation). - Oui, cela va très bien pour moi.

  3   Ainsi donc, la première fois que vous avez parlé de ce qui s'est passé à

  4   Celebici, c'était avec M. McLeod le 15 novembre 1996.

  5   M. Dordic (interprétation). - C'est la première fois que j'ai

  6   fait une déclaration. C'était auprès de M. McLeod à Belgrade.

  7   M. Ackerman (interprétation). - Mais ce n'est pas là ma

  8   question. Ce que je vous demande, c'est si c'est là la première fois que

  9   vous avez parlé à quelqu'un de ce qui vous est arrivé à Celebici.

 10   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 11   M. Ackerman (interprétation). - Y a-t-il une raison quelconque,

 12   après avoir demandé à l'accusation des mesures de protection, et après

 13   avoir accepté cette procédure par la Chambre de première instance, et

 14   demandé une ordonnance sur la base des craintes que vous pouviez avoir, y

 15   a-t-il donc une raison expliquant que vous n'ayez pas craint de parler

 16   devant la télévision ?

 17   M. Turone (interprétation). - Objection ! Cette question a été

 18   posée et le témoin y a répondu.

 19   M. Ackerman (interprétation). - Il n'y a pas été répondu. La

 20   question n'a pas été posée.

 21   M. le Président (interprétation). - Voyons comment le témoin

 22   nous explique le fait qu'il ne veuille plus de mesures de protection.

 23   C'est là la question.

 24   M. Ackerman (interprétation). - Qu'est-ce qui vous a décidé, en

 25   mai 1997, à renoncer à la protection ?


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  1   M. Dordic (interprétation). - Je n'ai pas renoncé aux mesures de

  2   protection. C'est ce qu'on m'a dit au moment de l'interview et j'ai

  3   accepté de répondre aux questions.

  4   M. Ackerman (interprétation). - Vous n'avez pas demandé que

  5   votre nom soit protégé, que votre visage soit masqué, ni quelque mesure

  6   que ce soit dans ce genre ?

  7   M. Dordic (interprétation). - Comment aurais-je pu savoir que

  8   j'allais passer à la télévision ? Je n'en savais rien.

  9   M. Ackerman (interprétation). - Vous êtes-vous vu vous-même à la

 10   télévision ?

 11   M. Dordic (interprétation). - Non.

 12   M. Ackerman (interprétation). - Avez-vous vu la cassette depuis

 13   lors ?

 14   M. Dordic (interprétation). - Non.

 15   M. Ackerman (interprétation). - Vous souvenez-vous de ce que

 16   vous avez dit à la télévision ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Non.

 18   M. Ackerman (interprétation). - C'était en mai 1997, il y a deux

 19   mois à peu près, n'est-ce pas ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Non, je ne me souviens pas.

 21   M. Ackerman (interprétation). - Vous ne vous souvenez pas du

 22   moment où vous avez accordé cet interview à la télévision de Belgrade ?

 23   M. Dordic (interprétation). - Non, je ne me souviens pas.

 24   M. Ackerman (interprétation). - Vous vous souvenez que c'était

 25   cette année-ci ?


Page 4285

  1   M. Dordic (interprétation). - Je me souviens que c'était cette

  2   année-ci, mais je ne me souviens pas du mois et du jour.

  3   M. Ackerman (interprétation). - Vous avez déjà narré longuement

  4   aujourd'hui les événements de 1992 qui se sont déroulés il y a cinq ans,

  5   et maintenant vous nous dites que vous ne pouvez pas vous souvenir de ce

  6   qui s'est passé en 1997 lorsque vous avez parlé à la télévision de

  7   Belgrade. Est-ce que vous êtes en train de nous dire ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Je ne peux pas me souvenir des

  9   détails précis.

 10   M. Ackerman (interprétation). - Vous avez donné beaucoup de

 11   détails précis sur ce que vous dites avoir subi à Celebici il y a cinq

 12   ans. Or vous ne vous souvenez pas de détails précis quant à l'interview

 13   accordée à la télévision il y a deux mois.

 14   M. Dordic (interprétation). - Non.

 15   M. Ackerman (interprétation). - Dans votre déposition ce matin,

 16   vous avez donné plusieurs dates à la Chambre : la date à laquelle Bradina

 17   a été attaquée pour la première fois, la date à laquelle Bradina a subi la

 18   deuxième offensive, la date à laquelle vous avez été arrêté à votre

 19   domicile, la date à laquelle vous êtes arrivé au camp de Celebici, la date

 20   à laquelle votre père a été libéré du camp de Celebici, la date à laquelle

 21   vous-même avez été libéré du camp de Celebici.... Vous vous souvenez de

 22   toutes ces dates, mais vous ne vous souvenez pas du jour où vous avez été

 23   interviewé par la télévision de Belgrade, il y a deux mois ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Je ne peux pas savoir quelle

 25   télévision c'était.


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  1   M. Ackerman (interprétation). - N'est-il pas vrai que la raison

  2   pour laquelle vous êtes venu témoigner à la Chambre et raconter ce que

  3   vous dites avoir subi au camp de Celebici est que quelqu'un vous a dit

  4   toutes ces choses et vous les a fait apprendre par coeur pour que vous

  5   puissiez aujourd'hui déposer ?

  6   M. Dordic (interprétation). - Je n'ai pas eu de contact avec qui

  7   que ce soit avant le procès.

  8   M. Ackerman (interprétation). - Très bien. Le 15 novembre 1996,

  9   vous avez été interrogé par M. McLeod, n'est-ce pas ?

 10   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 11   M. Ackerman (interprétation). - L'un de mes confrères vient de

 12   me passer une note. Si vous me le permettez, j'en prends lecture et je

 13   vous pose la question. Avez-vous été interrogé par d'autres équipes de

 14   télévision que celle dont vous me parlez ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Non, absolument pas.

 16   M. le Président (interprétation). Il ne connaît même pas la

 17   date. Je crois que cela suffit.

 18   M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais revenir à la date du

 19   15 novembre, date à laquelle vous avez été interrogé par M. McLeod. Vous

 20   souvenez-vous de cette date ?

 21   M. Dordic (interprétation). - Je sais que c'était en 1996, mais

 22   le mois et le jour, je ne m'en souviens pas.

 23   M. Ackerman (interprétation). - Vous ne savez donc pas si

 24   c'était février, avril, octobre, novembre... Vous ne savez pas quel mois

 25   c'était.


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  1   M. Dordic (interprétation). - Je ne connais pas les dates.

  2   M. Ackerman (interprétation). - Excusez-moi, je ne vous ai pas

  3   compris.

  4   M. Dordic (interprétation). - Je ne connais pas les dates, moi

  5   je sais que c'était décembre 1996.

  6   M. Ackerman (interprétation). - Décembre 1996 est la date de

  7   votre entrevue avec M. McLeod ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  9   M. Ackerman (interprétation). - Cette déclaration a eu lieu à

 10   Belgrade ?

 11   M. Dordic (interprétation). - Oui, à Belgrade.

 12   M. Ackerman (interprétation). -Où à Belgrade ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Dans un immeuble qui se trouve

 14   dans le nouveau Belgrade, dans des bureaux.

 15   M. Ackerman (interprétation). -Etait-ce les bureaux de

 16   l'Association des détenus ou d'autres bureaux ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Non, ce n'étaient pas les bureaux

 18   de l'Association des détenus du tout.

 19   M. Ackerman (interprétation). -A qui appartenaient ces bureaux,

 20   à quelle Association ?

 21   M. Dordic (interprétation). - C'étaient les bureaux

 22   internationaux. C'est là que j'ai rencontré M. McLeod, et c'est là qu'il a

 23   recueilli ma déclaration.

 24   M. Ackerman (interprétation). -Vous nous avez dit ce matin que

 25   c'était une entrevue qui a duré de 8 heures du matin jusque 7 heures du


Page 4288

  1   soir.

  2   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  3   M. Ackerman (interprétation). -11 heures, donc.

  4   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  5   M. Ackerman (interprétation). -Pendant ces 11 heures, 7 heures,

  6   a été produit une déclaration de 7 pages. Etes-vous conscient que cette

  7   lourde entrevue n'a donné pour tout produit qu'un texte de 7 pages ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  9   M. Ackerman (interprétation). -Il a dû y avoir beaucoup de

 10   propos échangés entre vous et M. McLeod qui n'ont pas été reproduits dans

 11   la déclaration, n'est-ce pas ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas si tous les détails

 13   ont été repris, mais j'ai passé 11 heures avec M. McLeod à Belgrade,

 14   lorsque j'ai fait ma première déclaration.

 15   M. Ackerman (interprétation). -Durant ces 11 heures, M. McLeod

 16   vous a posé des questions auxquelles vous avez répondu, n'est-ce pas ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Il me posait des questions et j'y

 18   répondais, oui.

 19   M. Ackerman (interprétation). -Aujourd'hui, vous avez parlé au

 20   total deux heures et demie peut-être, et pendant ces deux heures et demie,

 21   nous avons produit 93 pages de compte rendu. Cela vous étonne ?

 22   M. Turone (interprétation). - Objection. Le témoin n'a

 23   absolument aucun contrôle sur la transcription du compte rendu par

 24   d'autres personnes durant les interrogatoires.

 25   M. Ackerman (interprétation). -Merci, Maître Turone, c'est


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  1   exactement ce que je voulais faire comprendre.

  2   M. Jan (interprétation). - Le sténotypiste était peut-être un

  3   novice.

  4   M. Turone (interprétation). - La personne qui tapait à la

  5   machine n'était pas le témoin.

  6   M. Jan (interprétation). - C'est exactement ce qu'il souhaite

  7   savoir. En 2  heures et demie, on produit 93 pages d'un côté et, de

  8   l'autre, en 11 heures on ne produit que 7 pages. Peut-être que quelque

  9   chose n'a pas été consigné.

 10   M. le Président (interprétation).  - Y a-t-il eu des pauses

 11   durant cette entrevue, ou s'agit-il de 11 heures continues ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Je suis entré dans le bâtiment à

 13   8 heures, le matin et je l'ai quitté à 7 heures du soir. J'ai eu une heure

 14   de pause.

 15   M. Ackerman (interprétation). -L'interrogatoire n'a duré que

 16   10 heures.

 17   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 18   M. Ackerman (interprétation). - L'une des choses vous saviez ce

 19   jour-là, le jour où M. McLeod a recueilli votre déclaration, c'est que

 20   M. Landzo avait été arrêté et était en détention au Tribunal pénal

 21   international, n'est-ce pas ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Non. Quand je répondais aux

 23   questions, je l'ai appris parce que M. McLeod me l'a dit. Je ne le savais

 24   pas avant.

 25   M. Ackerman (interprétation). - Il vous a dit aussi que


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  1   M. Delic, M. Delalic et M. Mucic avaient également été arrêtés ?

  2   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  3   M. Ackerman (interprétation). - Durant cet entretien avec

  4   M. McLeod vous avez appris les quatre personnes qui avaient été arrêtées,

  5   en rapport avec Celebici, étaient détenues et allaient passer en jugement.

  6   Il s'agissait de MM. Landzo, Delic, Mucic et Delalic, n'est-ce pas ?

  7   M. Dordic (interprétation). - Je ne savais pas qu'ils allaient

  8   être jugés.

  9   M. Ackerman (interprétation). -Vous saviez qu'ils avaient été

 10   arrêtés ?

 11   M. Dordic (interprétation). - J'ai entendu dire qu'ils avaient

 12   été arrêtés.

 13   M. Ackerman (interprétation). -Monsieur McLeod vous a dit qu'il

 14   était intéressé par toutes choses vous pourriez faire pour aider à

 15   recueillir des moyens de preuve contre les quatre accusés, n'est-ce pas ?

 16   M. Dordic (interprétation). - Monsieur McLeod a dit que je

 17   devais faire une déclaration et que je devais raconter ce par quoi j'étais

 18   passé à Celebici.

 19   M. Ackerman (interprétation). - Mais vous saviez que les quatre

 20   personnes qui avaient été arrêtées étaient les quatre personnes qui

 21   l'intéressaient dans le récit que vous pourriez faire, n'est-ce pas ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 23   M. Ackerman (interprétation). -Vous saviez que d'autres

 24   personnes n'avaient pas été arrêtées, que Pavolovic, vous n'avez pas été

 25   informé qu'il avait été arrêté.


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  1   M. Dordic (interprétation). - Non.

  2   M. Ackerman (interprétation). -Et Osman Dedic ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Non.

  4   M. Ackerman (interprétation). -Et McArron, un garde appelé

  5   McArron ?

  6   M. Dordic (interprétation). - Il y avait lui, et il y en avait

  7   d'autres aussi.

  8   M. Ackerman (interprétation). -Vous saviez quelque chose sur ce

  9   que ces autres avaient fait à Celebici, ce que tous ces autres gardes

 10   avaient pu faire à Celebici ?

 11   M. Dordic (interprétation). -  Oui.

 12   M. Ackerman (interprétation). - Bien entendu, étant donné votre

 13   amertume dont vous avez parlé à Me Greaves ce matin, vous souhaitiez aider

 14   M. McLeod autant que possible ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 16   M. Ackerman (interprétation). - De fait, il est venu un moment

 17   où l'on vous a demandé si vous étiez d'accord pour parler aux

 18   représentants des accusés et vous avez refusé de le faire.

 19   M. Dordic (interprétation). - Je n'ai rien refusé.

 20   M. Ackerman (interprétation). -Excusez-moi, je n'ai pas compris

 21   votre réponse.

 22   M. Dordic (interprétation). - Je ne me souviens pas très bien

 23   d'avoir dit cela.

 24   M. Ackerman (interprétation). -Vous souvenez-vous que quelqu'un

 25   de l'accusation vous aurait dit que des représentants de la défense


Page 4292

  1   souhaitaient s'entretenir avec vous.

  2   M. Dordic (interprétation). - Non.

  3   M. Ackerman (interprétation). - Donc, dans la mesure en tout cas

  4   où cela aurait pu être dit à la Chambre, cela ne s'applique pas à vous ?

  5   M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas.

  6   M. Ackerman (interprétation). - Lorsque vous avez fait votre

  7   déclaration à l'attention de M. McLeod, à Belgrade, en novembre 1996,

  8   M. McLeod vous a dit que le procureur avait interrogé M. Landzo, n'est-ce

  9   pas ?

 10   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 11   M. Ackerman (interprétation). - Ne vous a-t-il pas rapporté des

 12   propos que M. Landzo avait tenu lors de son interrogatoire ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Je ne me souviens pas très bien.

 14   M. Ackerman (interprétation). - Il vous a dit que M. Landzo

 15   avait dit pendant son interrogatoire qu'il avait une blessure à la main ?

 16   M. Dordic (interprétation). - Il m'a demandé si Landzo avait la

 17   main bandée pendant qu'il me battait. J'ai répondu que non.

 18   M. Ackerman (interprétation). - La question était : est-ce qu'il

 19   avait un pansement à la main et non pas si vous saviez si Landzo avait une

 20   blessure à la main ou non.

 21   M. Dordic (interprétation). - Non, je n'ai pas vu de bandage à

 22   la main de Landzo.

 23   M. Ackerman (interprétation). - Mais dans votre déclaration,

 24   vous dites que Landzo n'a pas de blessure à la main. Ce n'est donc pas ce

 25   que vous avez dit. Vous avez vraiment dit, c'est que vous n'aviez pas vu


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  1   de bandage à la main de Landzo.

  2   M. Dordic (interprétation). - Je ne l'ai jamais vu dans le camp

  3   de Celebici avec un bandage à la main.

  4   M. Ackerman (interprétation). - Aujourd'hui, étant assis ici, 

  5   pouvez-vous dire si M. Landzo avait une blessure à la main ou non, avec ou

  6   sans bandage lorsqu'il se trouvait à Celebici. Est-ce que vous le savez ?

  7   En avez-vous une connaissance quelconque ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Non.

  9   M. Ackerman (interprétation). - Vous avez dit aujourd'hui que

 10   vous aviez été arrêté à Zukici, le 12 juillet 1992.

 11   M. Dordic (interprétation). - Le 12, le jour de la Saint-Pierre, 

 12   en juillet.

 13   M. Ackerman (interprétation). - On a emmené à Celebici, en même

 14   temps que plusieurs autres personnes, n'est-ce pas ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Ce n'étaient pas d'autres

 16   personnes, mais plutôt mon père, ma mère et deux tantes, encore un parent

 17   et deux de leurs enfants.

 18   M. Ackerman (interprétation). - Et vous êtes d'abord allé au

 19   motel de Konjic.

 20   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 21   M. Ackerman (interprétation). - Entre le moment de votre

 22   arrestation et votre arrivée au motel de Konjic, vous avez été battu,

 23   n'est-ce pas ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Nous avons été battus au Motel.

 25   M. Ackerman (interprétation). - Qui a été frappé au Motel, à


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  1   part vous ?

  2   M. Dordic (interprétation). - A part moi, mon frère, Sava

  3   Dordic, mon père décédé depuis, ma mère décédée depuis et Djarko Dordic.

  4   M. Ackerman (interprétation). - Savez-vous qui vous a frappé au

  5   Motel ?

  6   M. Dordic (interprétation). - Non. Il y avait un jeune homme et

  7   une jeune femme que les autres appelaient Gara.

  8   M. Ackerman (interprétation). - Est-ce qu'ils portaient des

  9   uniformes ou avaient-ils l'air de civils ?

 10   M. Dordic (interprétation). - Ils avaient des uniformes, des

 11   tenues de camouflage.

 12   M. Ackerman (interprétation). - Y avait-il des insignes sur ces

 13   uniformes ?

 14   M. Dordic (interprétation). - Certains oui, d'autres non.

 15   M. Ackerman (interprétation). - Celui ou ceux qui vous ont

 16   frappés portaient-ils des insignes sur leur uniforme ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 18   M. Ackerman (interprétation). - De quels insignes s'agissait-

 19   il ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Des insignes de la Défense

 21   territoriale.

 22   M. Ackerman (interprétation). - Pourriez-vous donner autant de

 23   détails que possible aux juges concernant les coups et blessures subis au

 24   Motel de Konjic ?

 25   M. Dordic (interprétation). - Ils nous ont frappés avec les


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  1   points, avec des fusils et d'autres choses encore. Savo Dordic a eu la

  2   moitié de son oreille coupée lorsqu'il est monté sur le véhicule.

  3   M. Ackerman (interprétation). - Qui a eu l'oreille en partie

  4   coupée ?

  5   M. Dordic (interprétation). - Mon oncle.

  6   M. Ackerman (interprétation). - Quelles blessures avez-vous

  7   vous-même subies du fait de ces coups reçus ?

  8   M. Dordic (interprétation). - On m'a frappé à coups de pieds, on

  9   m'a frappé dans le dos. Je suis tombé sur le sol. Là encore, on m'a frappé

 10   à coups de pieds dans le dos ainsi qu'a coups de fusil.

 11   M. Ackerman (interprétation). - Avez-vous perdu connaissance à

 12   la suite de ces coups ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Non. Il y avait des soldats dont

 14   un m'a obligé à lécher une blessure qu'il avait, lui. J'ai dû le faire.

 15   M. Ackerman (interprétation). - Aviez-vous des blessures ? Est-

 16   ce que vous saigniez à la suite des coups reçus au Motel ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Non. Je n'ai pas eu de blessures.

 18   M. Ackerman (interprétation). - Si nous vous avions vu après ces

 19   coups, aurions-nous pu voir que vous aviez été battu ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 21   M. Ackerman (interprétation). - Donc vous aviez des traces sur

 22   tout le corps ?

 23   M. Dordic (interprétation). - J'ai des traces de coups qui

 24   résultent de mon séjour au hangar n° 6, puis j'ai eu les dents cassées

 25   dans le hangar. Jusque là, j'avais toutes mes dents.


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  1   M. Ackerman (interprétation). - Donc vos dents ont été cassées à

  2   cause des coups reçus au Motel de Konjic.

  3   M. Dordic (interprétation). - Non, c'était au hangar n° 6.

  4   M. Ackerman (interprétation). - Je vous parle maintenant du

  5   Motel de Konjic. Si nous avions pu vous voir après les coups reçus au

  6   Motel de Konjic, aurions-nous pu dire que vous aviez été battu ?

  7   M. Dordic (interprétation). - Oui. 

  8   M. Ackerman (interprétation). - Bien entendu, tous vos parents

  9   qui ont été arrêtés en même temps que vous le 12 juillet 1992, étaient de

 10   la même origine ethnique que vous ? Vous étiez tous Serbes, n'est-ce pas ?

 11   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 12   M. Ackerman (interprétation). - Et ceux qui ont été libérés le

 13   jour suivant, le 13 juillet 1992, étaient des Serbes et ceux qui les ont

 14   libérés le savaient, n'est-ce pas ?

 15   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 16   M. Ackerman (interprétation). - Donnez-moi votre estimation la

 17   plus précise possible du moment où vous avez été relâché de Celebici et

 18   envoyé à Musala.

 19   M. Dordic (interprétation). - C'était en 1992. J'ai en tout

 20   passé cinq mois en prison, dont un mois et demi à Musala.

 21   M. Ackerman (interprétation). - Si donc vous êtes allé à la

 22   prison, au milieu du mois de juillet, vous êtes en train de nous dire que

 23   vous êtes resté jusqu'au milieu d'octobre ou novembre.

 24   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 25   M. Ackerman (interprétation). - Vous souvenez-vous avoir dit à


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  1   M. McLeod que vous aviez quitté le camp de Celebici à la fin du mois

  2   d'octobre ?

  3   M. Dordic (interprétation). - Mi-octobre, fin octobre, je ne

  4   connais pas la date exacte, j'ai passé un mois et demi à Musala.

  5   M. Ackerman (interprétation). - Il y a un instant, vous avez dit

  6   avoir vu des uniformes avec des insignes de la défense territoriale. A

  7   quoi ressemble cette insigne de la défense ?

  8   M. Dordic (interprétation). - C'était des cercles et il était

  9   marqué T.O. à l'intérieur du cercle.

 10   M. Ackerman (interprétation). - Très bien. Vous nous avez dit ce

 11   matin que M. Landzo vous avait frappé chaque jour que vous aviez passé à

 12   Celebici. Vous souvenez-vous avoir dit cela ?

 13   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 14   M. Ackerman (interprétation). - Vous souvenez-vous aussi avoir

 15   dit, dans votre déposition, qu'après la visite de la Croix-Rouge il y

 16   avait eu trois jours pendant lesquels personne n'avait été frappé ?

 17   M. Dordic (interprétation). - Oui. Après que l'organisation

 18   humanitaire vienne pour la deuxième fois, personne n'a été frappé pendant

 19   plusieurs jours, puis les passages à tabac ont repris.

 20   M. Ackerman (interprétation). - Quand vous dites que vous avez

 21   été frappé chaque jour par M. Landzo, c'est un peu exagéré, n'est-ce pas ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Pas exactement tous les jours,

 23   c'était parfois tous les deux ou trois jours.

 24   M. Ackerman (interprétation). - Sachant que M. McLeod était

 25   intéressé par MM. Delic, Delalic, Landzo et Mucic, et étant donné votre


Page 4298

  1   amertume, votre rancoeur et votre souhait d'aider l'accusation autant que

  2   possible, que s'est-il passé avec Padalovic, Osman Dedic, Makaronj et

  3   d'autres gardes qui n'ont pas été arrêtés alors qu'ils étaient à

  4   Celebici ? De ce fait, vous avez fait d'Esad Landzo une espèce de bouc

  5   expiatoire, n'est-ce pas ?

  6   M. Dordic (interprétation). - J'ai dit que tous les gardes

  7   auraient dû être arrêtés, et que si Esad Landzo était arrêté il fallait

  8   arrêter tous les autres. Je n'ai pas dit qu'il était le seul coupable pour

  9   tous les gardes. Je n'ai pas dit que c'était le seul coupable parmi eux.

 10   M. Ackerman (interprétation). - Vous avez raconté ce que les

 11   autres gardes ont fait à vous et à d'autres prisonniers et vous les avez

 12   imputés à M. Landzo dans le cadre de votre déclaration faite devant M.

 13   McLeod, parce que M. Landzo était la seule personne arrêtée, n'est-ce

 14   pas ?

 15   M. Dordic (interprétation). - J'ai dit que les autres avaient

 16   frappé aussi, pas seulement Esad Landzo.

 17   M. Ackerman (interprétation). - Par exemple celui qui vous a

 18   obligé, avec votre frère, à faire cet acte sexuel dont vous parliez, ce

 19   n'était pas Esad Landzo, n'est-ce pas, mais bien Osman Dedic ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Ce n'est pas vrai. Esad Landzo est

 21   entré au hangar n° 6 et il nous a ordonné de retirer nos vêtements, de

 22   nous agenouiller l'un devant l'autre. Il m'a obligé à introduire le pénis

 23   de mon frère dans ma bouche. Je l'ai fait plusieurs fois.

 24   M. Ackerman (interprétation). - Je vous ai dit que c'était Osman

 25   Dedic qui vous avait donné cet ordre, et vous avez dit que non, que


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  1   c'était Esad Landzo qui vous l'avait ordonné.

  2   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  3   M. Ackerman (interprétation). - Mais acceptez-vous l'idée que

  4   Osman Dedic ait été présent ?

  5   M. Dordic (interprétation). - Il était dehors Osman Dedic.

  6   M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que Padalovic était là ?

  7   M. Dordic (interprétation). - Padalovic était là, lui aussi.

  8   M. Ackerman (interprétation). - S'agissant de M. Landzo ? Qui y

  9   avait-il avec M. Landzo ?

 10   M. Dordic (interprétation). - Je ne me souviens pas exactement.

 11   M. Ackerman (interprétation). - Pour le temps que vous avez

 12   passé au camp, êtes-vous allé à d'autres occasion au bâtiment

 13   administratif, outre cet interrogatoire que vous avez subi ?

 14   M. Dordic (interprétation). - Je suis allé au dispensaire, parce

 15   que j'avais été frappé auparavant : j'avais le nez qui saignait, j'avais

 16   du sang partout sur le visage, sur le cou, et mon frère et moi nous sommes

 17   allés au dispensaire. Hormis cela, je ne suis jamais allé au bâtiment de

 18   commandement.

 19   M. Ackerman (interprétation). - Je ne voulais pas vous

 20   interrompre, excusez-moi, mais qui vous a donné l'autorisation d'aller au

 21   dispensaire ?

 22   M. Dordic (interprétation). - Delic a posé la question le matin.

 23   Il a demandé si quelqu'un devait aller au dispensaire. Nous deux, mon

 24   frère et moi, nous n'osions pas nous manifester. Mais Delic s'est adressé

 25   à nous et nous a dit d'aller au dispensaire parce qu'il avait vu que nous


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  1   étions couverts de sang. Il nous a emmenés au dispensaire et mon frère

  2   avait aussi le bras bandé parce qu'il avait été cassé.

  3   M. Ackerman (interprétation). - Etes-vous allé une fois au

  4   dispensaire ?

  5   M. Dordic (interprétation). - Oui.

  6   M. Ackerman (interprétation). - Etes-vous allé une fois au

  7   bâtiment administratif ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Une seule fois.

  9   M. Ackerman (interprétation). - Avez-vous passé d'autres

 10   moments, si ce n'est les allées et venues que vous faisiez vers le portail

 11   d'entrée ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Non.

 13   M. Ackerman (interprétation). - Je crois que vous avez dit, dans

 14   votre déclaration, que Landzo n'était qu'un garde ordinaire à Celebici.

 15   Est-ce bien exact ?

 16   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 17   M. Ackerman (interprétation). - Vous savez que pendant votre

 18   séjour au camp, des membres de la famille étaient parfois autorisés à

 19   apporter de la nourriture aux détenus.

 20   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 21   M. Ackerman (interprétation). - Après votre transfert à Musala,

 22   vous y avez vu M. Landzo. Il portait notamment un ceinturon blanc, n'est-

 23   ce pas ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Je me suis dit qu'il avait été

 25   muté dans la police militaire puisqu'il avait un ceinturon blanc.


Page 4301

  1   M. Ackerman (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quand,

  2   pour la première fois, vous avez vu Landzo porter un ceinturon blanc à

  3   Musala ? Vers quel moment se situerait ce jour-là ?

  4   M. Dordic (interprétation). - Je ne me souviens pas exactement

  5   du jour. Peu de temps après mon arrivée à Musala, peut-être dix, voire

  6   vingt jours plus tard. C'est à ce moment-là que je l'ai vu et qu'il

  7   portait ce ceinturon blanc.

  8   M. Ackerman (interprétation). - J'aimerais revenir à votre

  9   disposition de ce matin. Vous avez dit avoir été témoin d'un incident

 10   concernant Zeljko Klimenta où l'on aurait tiré sur lui. Vous en souvenez-

 11   vous ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 13   M. Ackerman (interprétation). - Ce matin, vous nous avez dit que

 14   vous et Zeljko étiez sortis ensemble et qu'au moment où cet incident

 15   survint, vous étiez debout près de la porte d'entrée du hangar n° 6 et que

 16   vous n'étiez pas encore rentré, ce qui fait que vous aviez été le témoin

 17   de cet incident. C'est ce que vous avez dit ce matin, n'est-ce pas ?

 18   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 19   M. Ackerman (interprétation). - Vous souvenez-vous avoir dit à

 20   M. McLeod, lorsque vous avez eu cet entretien avec lui en décembre 1996 à

 21   Belgrade, que vous vous trouviez allongé à l'intérieur du hangar n° 6

 22   lorsque vous dites avoir été témoin de cet incident ? Vous souvenez-vous

 23   de vos dires de décembre 1996 ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Non, j'étais debout avec Zeljko

 25   Klimenta parce que ce matin-là c'est nous qui avions été chargés de sortir


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  1   le seau. C'est un seau qu'on mettait au fond du hangar pour nos besoins

  2   sanitaires.

  3   M. Ackerman (interprétation). - Mais ce matin, vous avez fait

  4   état de cet incident. Je crois aussi que vous avez eu un interprète qui ne

  5   comprenait pas la différence entre être debout dehors et allongé à

  6   l'intérieur. C'est du fait de cela qu'il y a eu une erreur.

  7   M. Dordic (interprétation). - Il se peut que l'interprète n'ait

  8   pas bien rendu mes propos à M. McLeod, moi j'ai dit que j'étais dehors

  9   debout.

 10   M. Ackerman (interprétation). - Oui, mais à Belgrade, n'avez-

 11   vous pas dit que vous étiez debout dehors, comme vous dites aujourd'hui ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 13   M. Ackerman (interprétation). - Et le traducteur ou l'interprète

 14   n'a pas bien interprété ou traduit, s'il a dit qu'au lieu d'être debout

 15   dehors vous étiez couché à l'intérieur.

 16   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 17   M. Ackerman (interprétation). - Avez-vous des raisons de croire

 18   que Padalovic avait tué à dessein Zeljko Klimenta ou pensez-vous que ce

 19   soit un accident ?

 20   M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas si cela a été fait

 21   délibérément ou si c'était un accident.

 22   M. Ackerman (interprétation). - Avez-vous vu Padalovic dans un

 23   état de détresse après ce qui s'est passé ? en larmes après l'incident ?

 24   M. Dordic (interprétation). - Lorsqu'il a tué Zeljko Klimenta

 25   Padalovic a couru, les autres gardes aussi ont accouru pour fermer la


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  1   porte, ce qui fait que je n'ai pas pu voir, à ce moment-là, si Padalovic

  2   pleurait ou pas.

  3   M. Ackerman (interprétation). - Mais vous pouviez l'entendre en

  4   pleurs.

  5   M. Dordic (interprétation). - Je ne l'ai pas entendu;

  6   M. Ackerman (interprétation). - L'avez-vous revu après ce jour-

  7   là ?

  8   M. Dordic (interprétation). - Après un certain temps, je l'ai

  9   revu au même endroit, l'endroit que nous utilisions pour uriner le matin.

 10   M. Ackerman (interprétation). - Savez-vous s'il a continué à

 11   travailler comme garde à Celebici, à la suite de cet incident ?

 12   M. Dordic (interprétation). - Je l'ai revu après un certain

 13   temps, et puis je ne l'ai plus vu, c'est-à-dire que j'ai été transféré à

 14   la salle des sports de Musala.

 15   M. Ackerman (interprétation). - Pour que tout soit clair, vous

 16   avez déposé ce matin, vous avez dit que cet accident s'était produit en

 17   octobre, peu de temps avant que vous ne soyez transféré à Musala. Est-ce

 18   bien exact ?

 19   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 20   M. Ackerman (interprétation). - Ce matin, vous nous avez dit

 21   vous être fait membre d'une Association à Belgrade. Quelle est-elle ?

 22   M. Dordic (interprétation). - C'est une Association de détenus

 23   de Konjic.

 24   M. Ackerman (interprétation). - Et que fallait-il faire pour

 25   devenir membre de cette Association ?


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  1   M. Dordic (interprétation). - Je n'ai rien eu à faire.

  2   M. Ackerman (interprétation). - Est-ce qu'on vous a donné une

  3   carte de membre ?

  4   M. Dordic (interprétation). - J'ai une carte de membre.

  5   M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que vous pensez que je

  6   pourrais, moi, devenir membre de cette Association ?

  7   M. Dordic (interprétation). - Probablement, je ne sais pas.

  8   M. Ackerman (interprétation). - En d'autres termes, vous n'avez

  9   pas à être détenu pour devenir membre de l'Association ?

 10   M. Dordic (interprétation). - Ce sont surtout des gens qui ont

 11   été détenus au camp qui sont devenus membres.

 12   M. Ackerman (interprétation). - Quand vous avez demandé à

 13   devenir membre, vous ont-ils demandé si vous aviez été détenu au camp ?

 14   M. Dordic (interprétation). - Non.

 15   M. Ackerman (interprétation). - Ce qui veut dire que vous avez

 16   frappé à leur porte pour demander de l'aide et ils ont simplement dit que

 17   vous deviez devenir membre, sans vous demander si vous aviez été vraiment

 18   détenu au camp ou pas. Est-ce bien ce que vous nous dites ?

 19   M. Dordic (interprétation). - Oui.

 20   M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que cela veut dire que

 21   n'importe qui, ici présent, pourrait simplement aller leur demander des

 22   vêtements, sans qu'on leur donne des renseignements ? Ils pourraient

 23   simplement nous donner une carte de membre et des vêtements ?

 24   M. Turone (interprétation). - Objection ! Ceci revient à du

 25   harcèlement. Le témoin a déjà expliqué comment il est devenu membre,


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  1   comment il a parlé à cette femme à l'Association, et la dame savait déjà

  2   qui il était.

  3   M. Ackerman (interprétation). - J'en ai terminé avec ces

  4   questions, mais j'ai une dernière question à poser : avez-vous votre carte

  5   de membre ici ?

  6   M. Dordic (interprétation). - Non.

  7   M. Ackerman (interprétation). - Se trouve-t-elle à La Haye ou

  8   chez vous ?

  9   M. Dordic (interprétation). - A la maison.

 10   M. Ackerman (interprétation). - Pourriez-vous décrire cette

 11   carte ?

 12   M. Dordic (interprétation). - C'est un papier de carton blanc de

 13   cette taille à peu près, et y figure ma photo.

 14   M. Ackerman (interprétation). - Je suppose qu'y figure votre

 15   nom ?

 16   M. Dordic (interprétation). - Oui, mon prénom et mon nom de

 17   famille, date et lieu de naissance, en précisant la municipalité.

 18   M. Ackerman (interprétation). - Dit-on aussi dans quels camps

 19   vous avez été détenu ?.

 20   M. Dordic (interprétation) - Non.

 21   M. Ackerman (interprétation). - Où avez-vous obtenu la photo

 22   pour cette carte ?

 23   M. Dordic (interprétation) - Je me suis fait faire une photo

 24   pour faire la carte.

 25   M. Ackerman (interprétation) - Ailleurs que dans les bureaux de


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  1   l'Association ?

  2   M. Dordic (interprétation) - Cela ne s'est pas du tout passé

  3   dans les bureaux de l'Association. J’ai fait cela dehors, chez un

  4   photographe.

  5   M. Ackerman (interprétation). - Quand vous êtes arrivé chez eux,

  6   ils vous ont dit d’aller faire une photo ?

  7   M. Dordic (interprétation) - Oui.

  8   M. le Président (interprétation).  - Voulez-vous vraiment

  9   poursuivre encore cette série de question ?  Je ne vois pas où vous voulez

 10   aller.

 11   M. Ackerman (interprétation). - J'en ai terminé de cette série

 12   de questions mais je n'ai pas terminé, Monsieur le Président.

 13   M. le Président (interprétation).  - Il a admis être membre de

 14   l'association. De quoi êtes-vous préoccupé ?

 15   M. Ackerman (interprétation). - Ce qui me préoccupe, c’est que

 16   l’on ne peut pas être membre de cette association si on ne leur dit pas

 17   comment. Il faut le prouver que l’on a une certaine expérience. Je

 18   demandais au témoin ce qu'il fallait.

 19   M. le Président (interprétation) - (s’adressant) au témoin) Cela

 20   vous empêcherait-il d'être membre ? Le conseil ne pourrait vraiment pas

 21   faire partie de l’association ?

 22   M. Ackerman (interprétation). - Oui, c'est vrai, je ne pourrais

 23   pas être membre. D'ailleurs, je ne demande pas mieux.

 24   M. Jan (interprétation). - (Hors micro)

 25   M. Ackerman (interprétation) - J'en ai terminé, Monsieur le


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  1   Président.

  2   M. le Président (interprétation)  - N’était-ce pas là le dernier

  3   contre-interrogatoire. Avez-vous quelque chose à ajouter, Maître

  4   Residovic ? Je ne pensais pas qu'il y avait quoi que ce soit pour votre

  5   client avec ce témoin-ci, mais peut-être trouverez-vous quelque chose ?

  6   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, vous

  7   venez de dire que c’était le dernier contre-interrogatoire. Vous avez

  8   raison, je n’ai pas de question à poser.

  9   M. le Président (interprétation).  - Merci.

 10   M. Moran  (interprétation). - Avant sa libération, une question

 11   a surgi et qui s’explique sans doute aisément. Il a dit qu'il avait fait

 12   une déclaration à Belgrade. L’accusation, représentée ici par Maître

 13   McHenry cet après-midi, a dit que le bureau du procureur n'était pas

 14   bienvenu en République fédérale de Yougoslavie. Je suppose qu'il y a une

 15   explication toute simple, mais avant qu'il soit relâché, libéré, je

 16   voudrais savoir ce qui se passe.

 17   M. le Président (interprétation).  - Votre micro, Maître Moran.

 18   M. Moran (interprétation). - Apparemment, il a fait cette

 19   déclaration d’un bureau international ; peut-être n’était-ce pas le bureau

 20   du procureur.

 21   M. Moran (interprétation) - Certes, mais Maître McHenry cet

 22   après-midi au Tribunal, a dit les mots suivants : "que le Bureau du

 23   Procureur ne pouvait pas aller en République fédérale de Yougoslavie,

 24   n’avait pas le droit de le faire."

 25   Je suis sûr qu'il y a une explication toute simple à cela, mais


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  1   je voudrais l’avoir.

  2   Mme McHenry (interprétation). - Volontiers, Madame et Messieurs

  3   les juges. Au moment du recueil de la déposition à Timisoara -c’était bien

  4   avant que ce témoin ne soit vraiment interrogé- à l'époque, nous ne

  5   pouvions pas aller en République fédérale pour recueillir des

  6   déclarations. Par la suite, nous avons reçu l'autorisation d’y aller pour

  7   recueillir ces déclarations.

  8   M. Moran  (interprétation). - Voilà ! J'étais sûr qu’il y avait

  9   une explication toute simple. Je l’ai obtenue:

 10   M. le Président (interprétation) - Merci. Maître Turone, voulez-

 11   vous réinterroger le témoin?

 12   M. Turone (interprétation). - Je voulais revenir à la

 13   déclaration préalable du témoin. Nous ne pensons pas qu'il y ait quelque

 14   incohérence que ce soit, si ce n’est pour la description de

 15   l’interrogatoire.

 16   J'aimerais montrer cette déclaration au témoin, lui demander

 17   s’il reconnaît sa signature, et puis verser la pièce au dossier. Ce serait

 18   tout en guise de contre-interrogatoire principal. Est-il possible de

 19   remettre la déclaration au témoin pour voir s’il reconnaît.. ?

 20   M. le Président (interprétation).  - Vous voulez évoquer quelque

 21   chose qui n’a pas été évoqué en contre-interrogatoire, et vous voulez

 22   l’amener ici ?

 23   M. Turone (interprétation). - C’est précisément le pièce qui a

 24   fait l'objet de la plupart des contre-interrogatoires. Nous parlions de la

 25   déclaration recueillie par M. McLeod en novembre 1996 à Belgrade.


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  1   M. Moran (interprétation) - Nous nous y opposons parce que ceci

  2   dépasse la portée du contre-interrogatoire. Mais je crois que le témoin a

  3   dit clairement que l’interprétation du texte n’était pas fiable.

  4   Cela étant, le texte n’est donc pas fiable en fonction de la

  5   décision de l’arrêt Tadic. En fait, cette déclaration est pleine

  6   d’éléments qui n’ont pas été évoqués en contre-interrogatoire. Donc ceci

  7   dépasse nettement la portée du contre-interrogatoire.

  8   M. Turone (interprétation). - En fait, au cours du contre-

  9   interrogatoire, vous avez, à de nombreuses reprises, évoqué cette

 10   déclaration de McLeod.

 11   Si nous voulons le faire, c’est notamment parce que, par exemple

 12   au cours de son contre-interrogatoire, Me Greaves a procédé à des

 13   généralisations, des qualifications de ce qui avait été dit, sans pour

 14   autant dire précisément ce qui avait été dit.

 15   Pour que le procès-verbal d'audience soit précis, il nous semble

 16   opportun de verser la déclaration préalable du témoin au dossier.

 17   M. le Président (interprétation) - Comment voulez-vous le

 18   faire ? Vous voulez alors introduire quelque chose de nouveau de votre

 19   nouvel interrogatoire qui ne vient pas du contre-interrogatoire.

 20   M. Turone (interprétation). - Nous voulions simplement montrer

 21   dans quelle mesure ce n’est pas une déclaration par laquelle on peut

 22   récuser ce témoin. Par exemple, lorsqu'il a décrit l’interrogatoire qu’il

 23   a subi au bâtiment de commandement. Ici, il provient directement du

 24   contre-interrogatoire..

 25   M. le Président (interprétation) - Effectivement, on a contesté


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  1   la fiabilité de cette déclaration. On a dit que sa déposition

  2   d’aujourd’hui était différente de la déclaration d’alors.

  3   M. Ackerman (interprétation). - Ce n’est pas la fiabilité de la

  4   déclaration qui est contestée par la défense, c’est le témoin qui dit que

  5   la déclaration n’est pas fiable. Pas nous.

  6   Il semble tout à fait inopportun que Me Turone veuille verser ce

  7   document maintenant. Il aurait dû demander à verser la pièce au dossier au

  8   début, au moment de son interrogatoire principal. Parce que nous nous

  9   trouvons dans une situation où il y a de nouveaux éléments de preuves qui

 10   sont introduits et il nous faudrait avoir l’occasion de procéder au

 11   contre-interrogatoire. Je veux maintenant savoir si l'interprète s'est

 12   trompé tout du long ou seulement de temps en temps.

 13   M. Turone (interprétation). - Mais lorsque vous essayez de

 14   monter en épingle cette disparité, vous aviez en mains la déclaration

 15   préalable et vous vouliez comparer ce qu’il disait dans sa déclaration

 16   préalable avec ses dépositions au procès. En fait, vous connaissiez ces

 17   éléments, mais vous ne les avez pas utilisés.

 18   M. le Président (interprétation).  - Vous appuyez-vous sur sa

 19   déposition faite aujourd’hui au procès ou sur la déclaration qu’il a faite

 20   à l’enquêteur ? Je pense qu’il y a une différence. Par exemple, Maître

 21   Ackerman, a fait remarquer qu’il y avait une incohérence au niveau de la

 22   mort de Klimenta : Etait-il debout dehors ou allongé à l’intérieur ?

 23   M. Turone (interprétation). - Il y a peut-être tout simplement

 24   mauvaise interprétation de certains termes de la déclaration, maldonne.

 25   C'est la raison pour laquelle je pense que si cette déclaration n'est pas


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  1   versée au dossier, vous, Madame et Messieurs les juges, vous ne pourrez

  2   jamais vérifier si effectivement, il y a incohérence ou pas.

  3   De toute façon nous nous fions aux propos du témoin aujourd'hui.

  4   M. le Président (interprétation).  - Mais la déclaration faite à

  5   l'enquêteur n'est pas vraiment un élément de preuve matérielle.

  6   M. Turone (interprétation). - Effectivement, pas du tout. C'est

  7   simplement parce que, comme je l'ai déjà dit, par exemple en ce qui

  8   concerne la description même de l’interrogatoire au bâtiment

  9   administratif, et la question du revolver, Me Greaves a qualifié ou a fait

 10   des allusions à propos de la façon dont certaines choses ont été dites,

 11   mais n’a pas rappelé ce qui avait été dit.

 12   C’est la raison pour laquelle, nous croyons que pour qu'il y ait

 13   vraiment aspect complet du problème, cette pièce doit être versée au

 14   dossier.

 15   M. Moran  (interprétation). - Les sept pages de déclarations

 16   dont personne n'a parlé aujourd'hui, cela veut-il dire qu’elles peuvent

 17   être versées au dossier parce que Me Greaves n'aurait pas lu une

 18   déclaration qui pourrait récuser le témoin ?

 19   Ceci prête le flanc... c’est vrai. Si l’on commence à prendre la

 20   déclaration au dossier, j’ai au moins deux  heures de contre-

 21   interrogatoire.

 22   M. le Président (interprétation). - Je pense que vous avez

 23   changé d’avis, parce que au début, ce que le témoin a dit contredisait ce

 24   qu’il avait dit dans sa déclaration. Il se peut qu'il y ait doute quant à

 25   la disponibilité de tel ou tel élément de la déclaration. Apparemment, il


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  1   y avait une déclaration sur la base de laquelle vous avez essayé de mettre

  2   en épingle quelques contradictions.

  3   S'il y a possibilité de corriger telle ou telle chose, je crois

  4   qu'il est utile que la Chambre d’instance dispose de ce document.

  5   M. Moran  (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le

  6   Président, mais si c’est la déclaration de sept pages...

  7   M. le Président (interprétation).  - Si vous n’avez pas parlé de

  8   cette déclaration, c’était votre choix.

  9   M. Moran  (interprétation). - Je vois des éléments substantiels

 10   qui n'ont pas fait l'objet de l’interrogatoire principal ni dans le

 11   contre-interrogatoire ; qui n’ont rien à voir à voir avec ce que cet homme

 12   a dit aujourd’hui.

 13   M. le Président (interprétation) - Il y a des choses dans sa

 14   déclaration qui n'ont pas été dites aujourd'hui. Ceci a été montré. Et il

 15   y a aussi des domaines où on a montré qu'il y avait une mauvaise

 16   interprétation ou une interprétation non correcte de ces propos, ou

 17   l’interprète de l’enquêteur n’avait pas bien rendu ces propos.

 18   M. Moran  (interprétation). - Je crois que la meilleure raison

 19   de ne pas verser, de ne pas admettre cette pièce au dossier, c'est qu'il

 20   contient certaines parties de documents dont je n'ai peut-être pas bien

 21   repris la teneur ou que Me Ackerman ou Me Greaves n'auraient pas bien

 22   décrites. Manifestement ceci est l’objet du contre-interrogatoire.

 23   Mais étant donné que ceci dépasse la portée du contre-

 24   interrogatoire, et étant donné également que c’est un document à propos

 25   duquel le témoin dit que ce document n'est pas fiable...


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  1   M. le Président (interprétation).  - Et bien, la Chambre

  2   d’instance doit se forger son propre jugement devant des éléments de

  3   preuve qui lui sont présentés. Il y a deux domaines en contradiction.

  4   M. Moran  (interprétation). - Cet homme a fait l'objet de

  5   questions en contre interrogatoire. On lui a demandé : " Avez-vous fait

  6   ceci ? " Il a dit " non"» Il a dit que l'interprétation n’était pas

  7   correcte.

  8   A ce moment-là, cette partie de la déclaration a été présentée à

  9   la chambre qui dispose de suffisamment d’informations pour déterminer si,

 10   oui ou non, cette déclaration a été faite. Vous n’y gagnerez pas plus en

 11   voyant toute la déclaration.

 12   M. le Président (interprétation) - En général, si une

 13   déclaration est contestée directement par la défense, c'est bien comme

 14   ceci que cela se passe, mais si à partir de votre contre-interrogatoire,

 15   vous semblez inférer que le témoin a fait quelque chose qui est contraire

 16   à ce que le témoin a dit, l’accusation a le droit de demander le versement

 17   de la pièce au dossier.

 18   M. Moran  (interprétation) - D’accord, d’accord, mais ce n’est

 19   pas toute la déclaration. qui est en jeu. Par exemple, Maître Turone,

 20   n’avez-vous pas dit qu’en novembre 1995, M. McLeod vous a demandé ceci où

 21   cela ? Là, cela ne me pose pas problème.

 22   Ce qui me pose problème, c’est la déclaration longue de sept

 23   pages. Et c’est celle-là qui ne fait pas l’objet du contre-interrogatoire.

 24   Et à propos de celle-ci, si le témoin dit qu'elle n'est pas

 25   fiable, c'est le document en tant que tel.


Page 4314

  1   M. le Président (interprétation) - Va-t-il dire maintenant qu’il

  2   est fiable ? Si c'est effectivement un élément de preuve, il peut dire

  3   qu'il y a certaines parties qui n'étaient pas fiables, et seulement ces

  4   parties-là qui n'étaient pas fiables.

  5   M. Moran (interprétation)- Mon objection est claire. Je ne

  6   m’oppose pas à ce que ceci soit utilisé ; la forme a été respectée, cela

  7   ne fait pas l’ombre d’un doute.

  8   Le problème qui se pose à moi - dont je crois qu'il est celui

  9   aussi de Me Ackerman - c'est que si maintenant cette pièce devient une

 10   pièce à conviction et si l’accusation veut verser cette pièce toute

 11   entière au dossier, cela dépasse de loin la portée du contre-

 12   interrogatoire; et même la portée de son interrogatoire principal.

 13   En fait, on essaie de nous priver de la possibilité de procéder

 14   au contre-interrogatoire de ce témoin sur ces autres parties. Tant qu'il

 15   se confine à ce qui a été dit oralement, cela ne pose pas de problème. Je

 16   n'ai aucune difficulté de dire, c’est vrai : "n’y a-t-il pas eu erreur

 17   là ?" D’accord.

 18   Mais c’est l’ensemble du document, devenant pièce à conviction,

 19   qui me poserait problème.

 20   M. le Président (interprétation) - Voyons pourquoi cette pièce

 21   veut être versée au dossier.

 22   M. Ackerman (interprétation) - Monsieur le Président, je crois

 23   que la solution est très simple du point de vue du versement des éléments

 24   de preuve.

 25   L’accusation, en réponse à la question qui a été posée


Page 4315

  1   concernant le fait de savoir si la déclaration était fiable ou pas - c’est

  2   le juge Yann qui a posé la question - le témoin a dit : "Nous nous

  3   appuyons sur le témoignage du témoin et pas sur sa déclaration".

  4   M. le Président (interprétation) - Alors, il n’y a pas besoin de

  5   verser cela au dossier.

  6   M. Ackerman (interprétation) - Oui, mais cela signifie que la

  7   déclaration n’est pas fiable. Les déclarations n’ont pas de valeur

  8   probante et ne devraient donc pas être versées a dossier.

  9   M. le Président (interprétation) - Je ne parlais pas simplement

 10   en théorie, mais aussi en pratique. Lorsqu’une déclaration écrite a été

 11   remise en cause par le contre-interrogatoire, ou qu’elle n’a pas été

 12   présentée au témoin, il est possible qu’elle soit versée au dossier. Mais

 13   si l’accusation dit qu'elle ne s'appuie pas sur cette déclaration, la

 14   situation est différente.

 15   Si le témoin s’appuyait également sur cette déclaration, il ne

 16   serait pas nécessaire d’en discuter la fiabilité.

 17   M. Moran  (interprétation) - Tout à fait. Et pour que ma

 18   position soit claire, je tiens à dire que lorsque je parle de la fiabilité

 19   de la déclaration, cela ne signifie pas que je crois qu'elle est

 20   véridique.

 21   Ce que je veux dire, c'est que, selon moi, l'interprète du

 22   bureau du procureur a bien interprété ce que cet homme a dit.

 23   Je ne remets donc pas en cause la fiabilité de la déclaration,

 24   je pense que le bureau du procureur et ses interprètes ont fait leur

 25   travail comme ils sont censés le faire. Je crois que cela est présumé en


Page 4316

  1   vertu de la loi que le bureau du procureur fait son travail comme il

  2   convient.

  3   Mais c’est ce témoin...

  4   M. le Président (interprétation).  - Qui parle de sa

  5   déclaration.

  6   M. Moran  (interprétation). - Non, Monsieur le Président, il met

  7   en cause le fait que le bureau du procureur et ses interprètes ont bien

  8   rempli leurs fonctions en tant que responsables publics.

  9   Ce n’est pas moi qui l’ai fait, et je crois que personne de

 10   notre côté de la table l'a fait du côté de la défense.

 11   Je pense qu'indépendamment du fait de savoir si les mots

 12   figurant sur ce papier sont vrais ou s'ils ne le sont pas, ce sont les

 13   mots qu'il a prononcés à Belgrade en novembre 1996 et qui ont été

 14   interprétés par l'interprète après avoir été prononcés par l'enquêteur,

 15   M. McLeod. Ces mots ont bien été tapés à la machine, ils ont bien été

 16   interprétés à ce témoin. Ce témoin pouvait apporter des corrections. Je ne

 17   peux pas me présenter ici de bonne foi et vous dire que les enquêteurs et

 18   les interprètes du Bureau du Procureur essaient de tromper qui que ce

 19   soit. Je pense qu'ils font bien leur travail.

 20   M. le Président (interprétation). - Oui, mais ce à quoi tout

 21   cela revient, c'est que  vous ne pouvez pas verser une pièce au dossier au

 22   cours d'un interrogatoire complémentaire. Tout dépend de ce qui a été dit

 23   dans le cours du contre-interrogatoire.

 24   M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je ne parle

 25   pas de la totalité des éléments. Je parle simplement d'une partie de ces


Page 4317

  1   éléments dont il a été question au cours du contre-interrogatoire. Je

  2   pense que ce sont les éléments pertinents. Il y a d'autres éléments qui ne

  3   sont pas pertinents et qui n'ont aucune valeur probante par rapport à quoi

  4   que ce soit. Il faut sans doute que quelqu'un prenne un crayon et biffe

  5   certains éléments.

  6   M. le Président (interprétation). - Oui, mais il faut que soient

  7   indiquées les zones qui peuvent être abordées au contre-interrogatoire et

  8   qu'une décision soit prise par rapport à la déclaration.

  9   M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, vous avez

 10   tout à fait raison. Me Turone doit sans doute continuer son

 11   interrogatoire. Peut-être peut-on le laisser poursuivre un instant pour

 12   voir exactement ce qu'il veut faire plutôt que de verser au dossier la

 13   totalité de la déclaration.

 14   M. Greaves (interprétation). - Puisqu'une question a été

 15   soulevée qui porte sur mon interrogatoire, je voudrais dire quelques mots.

 16   J'ai pris le plus grand soin de ne soumettre au témoin qu'un

 17   seul point et un point précis dont il n'a pas parlé dans sa déclaration.

 18   C'est tout à fait délibérément que je n'ai pas abordé le problème du

 19   revolver, compte tenu du fait que seul les questions issues de

 20   l'interrogatoire principal pouvaient être évoquées au cours du contre-

 21   interrogatoire. J'ai donc fait très attention de n'aborder qu'un point

 22   spécifique.

 23   A mon avis, ce qu'il essaie de faire, c'est d'obtenir des

 24   éléments de preuve qu'il n'a pas pu obtenir de son témoin au cours de

 25   l'interrogatoire principal et il essaie de les obtenir par la petite


Page 4318

  1   porte. C'est là que réside notre objection

  2   M. Turone (interprétation). - Je peux répondre, Monsieur le

  3   Président ?

  4   M. le Président (interprétation). - Oui, vous le pouvez.

  5   M. Turone (interprétation). - J'insiste sur le fait que si nous

  6   demandons que ce document soit versé au dossier, ce n'est pas en tant que

  7   preuve de la véracité des éléments qui figurent par écrit sur ce papier,

  8   mais seulement pour aider la Chambre de Première Instance à déterminer

  9   dans quelle mesure le témoin a récusé -peut-on dire- une partie du

 10   document sans se récuser lui-même.

 11   Mais puisque je comprends que c'est là un problème courant en

 12   Common Law, j'aimerais prier Me McHenry d'ajouter quelques arguments, si

 13   vous le permettez, Monsieur le Président.

 14   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je serai

 15   très brève. Je crois en fait que le désaccord n'est pas très important sur

 16   ce point. Les Conseils de la défense ont tenté de récuser le témoin eu

 17   égard à sa déclaration. Ils n'ont pas déclaré précisément ce que le témoin

 18   avait dit. Le témoin n'a donc pas vu un texte écrit dans sa langue

 19   stipulant exactement ce qu'il a dit.

 20   Il était facile, par exemple, lorsque le témoin a parlé de

 21   M. Keljo et qu'il dit : "Il a été tué par Padalovic devant le hangar. La

 22   porte devant moi était ouverte. J'ai donc pu voir ce qui se passait"... Le

 23   Conseil de la défense l'a récusé sur ce point et l'accusation souhaiterait

 24   absolument que les mots précis prononcés par le témoin lui soient

 25   présentés, car ceci peut poser un problème d'interprétation. La petite


Page 4319

  1   porte à côté de laquelle ce témoin était allongé normalement, peut poser

  2   un problème d'interprétation.

  3   Si on regarde le détail de ce qui est contenu dans ces sept

  4   pages, la défense a également essayé de récuser le témoin en lui disant :

  5   "Vous n'avez fait que parler de Delic." Or, si on regarde la totalité de

  6   la déclaration, on voit que le témoin parlait également d'autres

  7   personnes.

  8   L'accusation ne souhaite pas verser tout cela au dossier à

  9   d'autres fins que pour reprendre ce que ce témoin a effectivement dit.

 10   Nous nous appuyons sur sa déclaration mais, compte tenu du fait que tous

 11   les Conseils de la défense et pas seulement de M. Delalic qui n'a pas

 12   encore pris la parole, ont tenté de récuser le témoin, nous voudrions que

 13   cela soit versé au dossier simplement pour vérifier dans quelle mesure le

 14   témoin a été ou n'a pas été récusé.

 15   Il est possible que dans des systèmes avec jury, on doive

 16   pratiquer de façon différente, passer en revue la totalité de la

 17   déclaration, discuter du texte au détail et demander une interprétation

 18   mais, puisqu'ici, nous sommes dans un procès sans jurés, il appartient aux

 19   juges d'examiner les documents.

 20   Je crois que ce que je dis s'est déjà passé dans d'autres

 21   procès. Ce que nous voudrions, c'est que les juges examinent ce texte pour

 22   savoir simplement dans quelle mesure, il est apte ou inapte à récuser le

 23   témoin.

 24   Par le passé, la défense a déjà demandé le versement de pièces

 25   au dossier afin de récusation. L'accusation a donc sans aucun doute le


Page 4320

  1   droit de soumettre aux juges la totalité du document, ce qui permettra aux

  2   juges d'examiner ce document et de voir si, oui, il est récusable sur ce

  3   point ou bien, il ne l'est pas sur tel autre. Je crois que ceci est tout à

  4   fait approprié et, à long terme, c'est sans doute la meilleure solution

  5   qui nous permettra d'ailleurs de gagner du temps.

  6   M. Jan (interprétation). - (hors micro)

  7   Pourquoi est-ce que nous ne pouvons pas verser cela au dossier à

  8   des fins de récusation uniquement ?

  9   M. Moran (interprétation). - Monsieur le Juge, voilà ce que je

 10   pense. D'abord, la décision de Tadic a été considérée comme fiable et

 11   pertinente. J'aimerais soumettre l'hypothèse suivante aux juges. Nous

 12   voyons dans un paragraphe la réponse suivante : "Certains des prisonniers,

 13   y compris moi-même, ont dû aller travailler." Alors, moi, je demande : "En

 14   quoi est-ce que cela est pertinent ?" Cela n'a rien à voir avec rien du

 15   tout.

 16   M. Jan (interprétation). - Nous ne parlons que de récusation

 17   ici. Nous ne parlons pas de crédibilité sur la base de tels ou tels propos

 18   proférés. L'accusation souhaite que cela soit versé au dossier.

 19   M. Moran (interprétation). - Monsieur le Juge, je voudrais dire

 20   pour commencer que Me McHenry vient de dire que dans certains systèmes

 21   judiciaires, nous pratiquons de telle manière.

 22   En fait, dans les systèmes auxquels je suis habitué avec jurés

 23   -ce n'est peut-être pas le système en vigueur dans d'autres pays-, les

 24   juges ont pour habitude de dire aux jurés : "Vous tiendrez compte de ceci

 25   ou vous ne tiendrez pas compte de cela" et, ensuite, il y a une procédure


Page 4321

  1   d'appel. Cela est pour ce qui nous concerne, mais nous avons aussi des

  2   procès sans jurés. Cela se passe assez régulièrement et dans ces procès

  3   sans jurés, nous utilisons les mêmes règles de preuve que lorsque nous

  4   travaillons avec un jury. Simplement, au lieu d'avoir quelques personnes

  5   assises dans un coin, nous avons un juge assis à la tribune. Ici, nous

  6   avons trois juges au lieu de douze jurés. L'accusation semble dire que

  7   dans ce cas, nous n'avons pas besoin de règles de preuve.

  8   Eh bien, la position de la défense -je le crains- est un peu

  9   différente. Nous avons un règlement de procédure et de preuve et il semble

 10   en ressortir que nous devons appliquer des règles de preuve.

 11   Si l'accusation estime que cet homme a été récusé sur un point

 12   particulier, il n'y a aucune raison pour que l'accusation ne le dise pas,

 13   mais pourtant ce que vous avez dit avant, correspond bien à ce que vous

 14   dites aujourd'hui : est-ce que vous n'avez pas dit à M. McLeod telle et

 15   telle chose ?

 16   Si l'accusation estime que c'est un moyen de réhabiliter le

 17   témoin, moi, je n'ai rien à dire. Cela ne me pose aucun problème. Ce qui

 18   me pose problème, en revanche, c'est que l'on puisse rendre un document

 19   dont cet homme assis dans la chaise des témoins affirme qu'il n'est pas

 20   fiable, un document qui contient toutes sortes de choses qu'il n'a pas

 21   dites,... et l'accusation pourrait donc dans ces conditions comparaître

 22   devant la Chambre de Première Instance et faire accepter des choses qui

 23   n'ont pas été dites par ce témoin, qui sont peut-être non pertinentes. Ce

 24   sont peut-être même des choses dont l'accusation estime qu'elles ne sont

 25   pas vraies, pas fiables.


Page 4322

  1   M. Jan (interprétation). - Nous estimons qu'il importe que nous

  2   déterminions dans quelle mesure la tentative de récusation a réussi ou

  3   échoué. A cette fin, nous avons la déclaration qui a été évoquée ici et,

  4   puis, les propos tenus devant cette Chambre d'Instance. Comment est-ce que

  5   nous pouvons travailler autrement qu'en tenant compte de ces deux

  6   éléments ?

  7   M. le Président (interprétation). - Maître Greaves, je suppose

  8   que tout revient à vous maintenant.

  9   M. Greaves (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur le

 10   Président. Vous êtes trop aimable.

 11   Sans rentrer dans les aspects généraux de ce que j'ai dit, en

 12   dehors de l'opposition, de l'objection que j'ai évoquée, ce que je

 13   voudrais dire maintenant s'agissant de la récusation, c'est la chose

 14   suivante. Je pense qu'il importe si vous acceptez de prendre en compte ce

 15   texte, que vous ne teniez compte que des passages sur lesquels il y a eu

 16   contre-interrogatoire parce que les éléments sur lesquels il n'y a pas eu

 17   de contre-interrogatoire, ne font pas partie du dossier du tout, ni de

 18   cette affaire.

 19   M. Jan (interprétation). - Mais est-ce que nous ne pouvons pas

 20   mettre les choses dans un contexte, dans le contexte général du document ?

 21   On ne peut pas lire simplement telle ou telle phrase en disant : "Voilà ce

 22   qu'il a dit."

 23   M. Greaves (interprétation). - Bien sûr. La mise en contexte est

 24   importante, mais imaginons que cet homme parle d'un incident complètement

 25   différent qui n'a rien à voir avec les aspects abordés au cours du contre-


Page 4323

  1   interrogatoire. Vous ne devriez pas voir ce passage.

  2   M. Jan (interprétation). - Nous ne parlons pas du fond. Ce n'est

  3   pas le fond qui nous intéresse.

  4   M. le Président (interprétation). - Maître Moran, quelques mots

  5   d'explication : de quelque manière que vous abordiez les choses, que vous

  6   considériez la déposition comme pertinente ou fiable, en fait,  c'est à la

  7   Chambre d'Instance d'en décider. C'est le devoir de la Chambre d'Instance

  8   et, lorsque la Chambre d'Instance examine des déclarations qui lui sont

  9   soumises et tient compte d'un aspect de fond, il appartient aux juges de

 10   déterminer si, oui ou non, c'est fiable ou pertinent.

 11   En préparant votre interrogatoire, vous pouvez exclure un

 12   certain nombre d'éléments que vous considérez comme non pertinents, mais

 13   d'autres personnes peuvent estimer qu'il s'agit là d'éléments pertinents

 14   et nous, nous devons prendre notre décision en tenant compte de

 15   l'ensemble, notamment, sur le point de la fiabilité et de la pertinence.

 16   M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je suis tout

 17   à fait d'accord. Je suis avocat. Vous ne l'êtes pas, vous êtes un juge de

 18   la Chambre d'Instance. Vous avez donc pour obligation de résoudre ce

 19   conflit qui surgit entre les deux parties. Je comprends cela tout à fait

 20   et la Chambre de Première Instance connaît bien ma position.

 21   M. le Président (interprétation). - Oui, nous avons compris. Les

 22   juges statueront entre les deux parties. Personne ne doit subir les

 23   conséquences liées à l'ignorance par rapport à tel ou tel élément, mais

 24   sur ce point particulier, il ne fait aucun doute que nous estimons qu'il

 25   ne faut pas laisser le moindre trou, s'agissant de ce qui est versé au


Page 4324

  1   dossier suite à une déposition. Nous n'allons pas tenir compte de tout ce

  2   qui figure dans cet élément de preuve, mais simplement des passages qui

  3   affectent notre affaire. C'est cela qui nous intéresse. Eu égard à cela,

  4   nous sommes tout à fait en droit de recevoir cet élément de preuve qui

  5   sert cet objectif particulier.

  6   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président,...

  7   M. Moran (interprétation). - Vous recevez le document uniquement

  8   dans cette optique restreinte de la récusation ?

  9   M. le Président (interprétation). - oui.

 10   M. Moran (interprétation). - Je voulais m'en assurer.

 11   M. le Président (interprétation). - Personne n'a dit que ce

 12   n'était pas le contenu exact de sa déposition. Personne n'a fait cela,

 13   mais ce que nous voulons, c'est pouvoir voir la totalité du texte pour

 14   évaluer les éléments qui posent problème avec la déclaration

 15   d'aujourd'hui.

 16   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je

 17   crois comprendre que vous ne rendrez pas votre décision tant que nous

 18   n'aurons pas tous présenté nos arguments. J'ai tenté à plusieurs reprises

 19   de prendre la parole, mais mes confrères ont sans doute été plus rapides

 20   que  moi.

 21   Je sais que cette Chambre d'Instance, comme l'a dit

 22   l'accusation, prendra en considération la déposition de ce témoin qui

 23   s'est exprimé ici dans le prétoire aujourd'hui. Mais la recevabilité de la

 24   déposition de cette page dans laquelle des faits et des incidents qui ne

 25   sont pas le sujet de l'interrogatoire principal ni des contre-


Page 4325

  1   interrogatoires... Sans expurgation du texte pour qu'il se limite

  2   uniquement aux éléments qui ont été évoqués par ce témoin dans ce tribunal

  3   au cours de sa déposition, si donc devaient être admis des éléments qui

  4   n'ont été évoqués ni dans l'interrogatoire principal ni dans le

  5   contre-interrogatoire, je crois que cela serait s'écarter du règlement de

  6   preuve de ce tribunal, et la base de la défense de M. Delalic, en

  7   l'absence de contre-interrogatoire, se fondait sur les propos tenus par le

  8   témoin ici dans ce prétoire.

  9   Si les choses devaient être différentes, je ne sais pas du tout

 10   si nous devrions considérer que tel ou tel élément a été obtenu par

 11   l'accusation au cours de l'interrogatoire principal ou a été déposé sur la

 12   base d'une déclaration préalable avant la comparution ici.

 13    Je propose donc que ces quelques pages de déclaration

 14   préalable, pour autant qu'elles portent sur les aspects évoqués au cours

 15   de l'interrogatoire principal et du contre-interrogatoire, soient

 16   expurgées et que ce texte expurgé soit accepté à l'exclusion du reste.

 17   Mais s'il existe la moindre intention de nous soumettre à titre

 18   d'élément de preuve quelque chose qui n'a pas fait l'objet d'une

 19   discussion dans ce prétoire, à condition que des faits soient considérés

 20   comme recevables alors qu'ils n'ont pas été abordés ici par l'accusation

 21   ou par le témoin, alors nous élevons une objection et, dans ce cas, je

 22   pense que nous avons tous droit de ce coté de la table à procéder à un

 23   nouveau contre-interrogatoire.

 24   Selon tous les règlements et, notamment, en raison de la

 25   nécessité d'administrer la justice, je pense donc vraiment que cette


Page 4326

  1   déclaration préalable doit être expurgée.

  2   M. le Président (interprétation). - Je crois que nous avons bien

  3   décrit les conditions qui président à la recevabilité de cette

  4   déclaration. Par ailleurs, la pertinence n'est pas l'objet principal du

  5   contre-interrogatoire, s'agissant des éléments versés au dossier. Donc, si

  6   la pertinence d'éléments qui n'ont rien à voir avec le but du versement au

  7   dossier est en cause, elle n'a pas lieu d'être. Notre devoir à nous est de

  8   manifester la plus grande équité à l'égard de toute personne impliquée

  9   dans ce procès. Nous ne pouvons pas mettre de côté tel ou tel élément,

 10   simplement parce qu'un conseil ou un autre n'apprécie pas que nous

 11   recevions cet élément.

 12   Je crois que c'est quelque chose qui découle de la nécessité de

 13   respecter l'équité. Nous acceptons donc cette déclaration et nous verrons

 14   quels sont les éléments contradictoires qui ont pu apparaître devant cette

 15   Chambre d'instance.

 16   Quelle est la cote de la pièce à conviction pour que les choses

 17   soient claires ?

 18   M. le Greffier. - Il s'agit de la pièce n° 153.

 19   M. Turone (interprétation). - Nous n'avons pas d'autres

 20   questions dans le cadre de l'interrogatoire supplémentaire. Merci,

 21   Monsieur le Président.

 22   M. le Président (interprétation).  - Je crois que c'est tout

 23   pour ce témoin, n'est-ce pas ?

 24   Mme McHenry (interprétation). - Avant que vous ne preniez une

 25   décision s'agissant du témoin suivant, j'ai un point à évoquer.


Page 4327

  1   M. le Président (interprétation).  - Au sujet de ce témoin ?

  2   M. Turone (interprétation). - Non, pas au sujette de ce témoin,

  3   Monsieur le Président.

  4   M. le Président (interprétation).  - Le témoin peut se retirer

  5   et rentrer chez lui.

  6   (Le témoin est escorté hors de la salle d'audience.)

  7   M. le Président (interprétation).  - Est-ce la requête relative

  8   aux mesures de protection pour le témoin B dont vous aimeriez parler ?

  9   Mme McHenry (interprétation). - Oui, Monsieur le Président,

 10   j'aimerais en parler et je pense que si nous en discutons, nous devons le

 11   faire à huis clos. Simplement, puisque je vous que vous êtes en train de

 12   discuter des horaires, l'accusation aimerait demander, après la décision

 13   rendue sur les mesures de protection, si nous pourrions disposer de

 14   quelques minutes au moins pour parler avec le témoin, lui expliquer ce qui

 15   a été décidé, la façon dont les choses vont se passer.

 16   C'est simplement cela que je voulais vous dire quand j'ai vu que

 17   vous parliez des problèmes d'horaire et de logistique.

 18   M. le Président (interprétation).  - Je ne sais pas quelle est

 19   la position définitive de la défense au sujet des mesures de protection.

 20   Est-elle au courant ?

 21   Mme McMurrey (interprétation). - Nous nous sommes assurés que la

 22   défense dispose de texte de la requête avant le déjeuner.

 23   M. le Président (interprétation).  - Vous voulez que nous

 24   travaillions à huis clos.

 25   Mme McHenry (interprétation). - Oui, si nous devons parler de


Page 4328

  1   cette requête.

  2   (Audience à huis clos)

  3  

  4  

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  6  

  7  

  8  

  9  

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 12   Pages 4328 – 4339 expurgées en audience à huis clos

 13  

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 25   L'audience est levée à 16 heures 55.