Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

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4 Jeudi 10 juillet 1997

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6 L'audience est ouverte à 10 heures .

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8 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames et

9 Messieurs. Pourrais-je savoir qui comparaît aujourd'hui ?

10 Mme McHenry (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

11 je m'appelle Teresa McHenry et je comparais avec Me Giuliano Turone ainsi

12 que le substitut d'audience Mme Elles Van Dusschoten. M. Niemann est

13 toujours absent. Il ne sera avec nous ni cette semaine ni la semaine

14 prochaine, mais il reviendra plus tard.

15 M. le Président (interprétation). - Merci. Et du côté de la

16 défense ?

17 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs

18 les Juges, je m'appelle Edina Residovic, je défends M. Zejnil Delalic.

19 M'assiste dans cette tâche mon collègue Eugène O'Sullivan, professeur qui

20 nous vient du Canada.

21 M. Olujic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président. Je

22 m'appelle Zeljko Olujic, je défends Zdravko Mucic et je suis aidé dans ce

23 travail par mon confrère Me Michael Greaves, avocat de Grande-Bretagne.

24 M. Karabdic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les

25 Juges. Je m'appelle Salih Karabdic, je viens de Sarajevo, je défends

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1 M. Hazim Delic et je suis assisté dans ce travail par Thomas Moran, avocat

2 qui nous vient de Houston au Texas.

3 M. Ackerman (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les

4 Juges, je m'appelle John Ackerman, je représente Esad Landzo et je suis

5 aidé pour ce faire par Mme Cynthia McMurrey. Puis-je profiter de

6 l'occasion qui m'est offerte de soulever un point, si vous le voulez

7 bien ?

8 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

9 M. Ackerman (interprétation). - A la fin de l'audience d'hier,

10 nous avons été informés qu'il y avait une nouvelle ordonnance concernant

11 le traitement réservé aux accusés alors qu'ils se trouvent présents ici au

12 prétoire.

13 Mon client, M. Landzo, par exemple, a été placé dans une

14 situation presque impossible ce matin. Il s'est trouvé dans une petite

15 pièce sans air et étouffante où il a été très difficile pour nous d'entrer

16 en communication avec lui. Il peut y avoir une raison à cela, mais nous

17 n'avons pas été informés d'un incident quelconque récemment qui justifie

18 pareille mesure et nous ne comprenons donc pas la raison de cette

19 procédure nouvelle.

20 Il nous semble que le Conseil de la défense devrait au moins

21 être informé des mesures prises concernant son client.

22 M. le Président (interprétation). - Merci, je crois que nous

23 reverrons cette question au Greffe qui sera mieux placé pour vous donner

24 une réponse et pour prendre éventuellement des mesures correctives.

25 Madame McHenry, vous avez des questions à poser au témoin dans

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1 le cadre de l'interrogatoire supplémentaire ?

2 Mme McHenry (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

3 voudrais poser quelques questions au titre de l'interrogatoire

4 supplémentaire et ensuite soulever une question à l'intention de la

5 Chambre concernant le témoin P. J'imagine qu'il vaut mieux que je le fasse

6 maintenant et, pour ce faire, je demanderai le huis clos. Cela me

7 permettra de vous donner des explications et dans la mesure où certaines

8 informations ne sont pas connues du témoin, je vous demanderai, Monsieur

9 le Président, de prier le témoin de retirer son casque, car je ne voudrais

10 pas l'influencer par ce que je vais dire.

11 M. le Président (interprétation). - Oui, il vaut mieux que vous

12 terminiez l'interrogatoire supplémentaire avant de soulever ce point.

13 Mme McHenry (interprétation). - Très bien, nous procéderons

14 ainsi. Excusez-moi, j'ai cru comprendre que vous m'invitiez à passer à

15 l'interrogatoire supplémentaire et ensuite à soulever le point que j'ai

16 évoqué. C'est comme cela que j'ai cru vous comprendre.

17 M. le Président (interprétation). - Peut-être vaut-il mieux ne

18 pas passer à d'autres questions que celles de l'interrogatoire lui-même,

19 en attendant la fin de l'interrogatoire et la déposition du témoin.

20 Mme McHenry (interprétation). - Très bien, merci.

21 Monsieur le témoin, après que vous ayez été arrêté et emmené à

22 la maison de M. Delalic aux petites heures du 27 mai, pouvez-vous nous

23 dire quand M. Delalic a parlé avec le docteur Jusufbegovic ? Est-ce que

24 M. Delalic lui a demandé de vous faire travailler ou a-t-il ordonné ou

25 prié M. Delalic de vous faire travailler ?

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1 Mme Residovic (interprétation). - Objection ! Je m'excuse

2 d'intervenir. Il n'y a pas de fondement de la part de l'accusation. Cette

3 question a déjà été posée et elle a reçu une réponse.

4 M. le Président (interprétation). - Votre question porte sur ce

5 qui a été dit au témoin ?

6 Mme McHenry (interprétation). - Ma question s'explique de la

7 façon suivante. Lors de l'interrogatoire principal, le témoin a dit que

8 M. Delalic avait dit au docteur Jusufbegovic de faire travailler le

9 témoin. Lors du contre-interrogatoire mené par Mme Residovic, en réponse à

10 une question de la défense, le témoin a dit des choses qui pourraient

11 susciter une certaine ambiguïté dans ce qui a été dit à qui et, dans la

12 mesure où il y a peut-être une certaine ambiguïté -et je n'affirme pas

13 péremptoirement qu'il y en a une-, je voudrais préciser cette question.

14 Mme Residovic (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

15 la question était claire, la réponse était également claire et il n'y a

16 pas de raison de reposer cette question aujourd'hui de la part

17 l'accusation.

18 M. le Président (interprétation). - Vous posez votre question

19 sous forme d'alternative, mais cela ne me semble pas nécessaire.

20 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi, j'essaie

21 précisément de donner des alternatives pour ne pas être accusée de

22 susciter les réponses du témoin.

23 M. le Président (interprétation). - C'est ce que vous avez

24 fait : vous lui avez posé des questions qui pourraient le faire choisir

25 entre l'un ou l'autre élément.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Je lui ai demandé de choisir,

2 mais je ne pense pas lui avoir suggéré une réponse. Je peux la reformuler

3 si vous le souhaitez.

4 M. le Président (interprétation). - Vous êtes en train de dire

5 que la question posée par Mme Residovic était ambiguë ?

6 Mme McHenry (interprétation). - Oui, lors du contre-

7 interrogatoire, effectivement.

8 M. le Président (interprétation). - Mais elle n'était pas

9 ambiguë. On a compris très clairement qui parlait à qui.

10 Mme McHenry (interprétation). - Oui, c'était très clair et,

11 peut-être, pourrais-je retrouver la partie du compte rendu. Je ne pense

12 pas qu'il y ait d'ambiguïté quant à la question de savoir qui parlait.

13 M. Delalic parlait au docteur Jusufbegovic, mais il peut y avoir une

14 certaine ambiguïté quant aux propos exacts de M. Delalic, notamment de

15 savoir s'il demandait ou s'il ordonnait de faire quelque chose.

16 M. le Président (interprétation). - Mais c'est là l'objet du

17 contre-interrogatoire, n'est-ce pas ?

18 Mme McHenry (interprétation). - Je ne sais pas exactement quel

19 était l'objet du contre-interrogatoire, mais dans la mesure où j'ai cru

20 constater une certaine ambiguïté, je voudrais m'assurer de l'exactitude du

21 compte rendu. Je ne pense pas que ce soit si important. Si vous ne

22 souhaitez...

23 M. le Président (interprétation). - Non, ce n'est pas très

24 important.

25 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le témoin, vous avez

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1 dit lors du contre-interrogatoire qu'il y avait des membres du HVO dans le

2 camp avant le 22 juillet. Est-ce qu'avant le 22 juillet, tout le monde, y

3 compris M. Delalic, portait un uniforme du HVO ou simplement certaines

4 personnes, y compris M. Landzo et M. Delic ?

5 Témoin P (interprétation). - Pavo Mucic, Zeljko Buric, le

6 chauffeur de M. Mucic, portaient des uniformes du HVO. Quant aux autres

7 uniformes, il s'agissait des uniformes de la défense territoriale.

8 Mme McHenry (interprétation). - Et quant à l'uniforme de

9 M. Mucic, qu'est-ce qui indiquait qu'il était du HVO ? Y avait-il des

10 insignes ou autre chose qui vous permettait de le dire ?

11 Témoin P (interprétation). - Je ne me souviens pas des insignes

12 qui se trouvaient sur l'uniforme de M. Mucic, mais je me souviens bien de

13 l'insigne qui se trouvait sur l'uniforme de Buric.

14 Mme McHenry (interprétation). - Merci.

15 En septembre, lorsque vous êtes allé à l'appartement de

16 M. Delalic avec M. Mucic et une liste de prisonniers, est-ce que M. Mucic

17 vous a dit à qui il avait donné cette liste de prisonniers ?

18 Témoin P (interprétation). - Non, il a dit qu'il l'emmenait aux

19 archives.

20 Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

21 Voilà qui termine les questions que je voulais poser au titre de

22 l'interrogatoire supplémentaire.

23 Il y a un autre point que je voudrais soulever et qui peut

24 concerner le présent témoin. Je voudrais savoir comment vous souhaitez

25 traiter ce point. Il me paraît approprié de le faire à huis clos et

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1 d'inviter le témoin à retirer son casque de sorte qu'on ne puisse être

2 accusé d'influencer le témoin.

3 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je ne sais

4 pas si ce témoin parle anglais, mais s'il y a un débat, les avocats qui

5 parlent serbo-croate du moins pourront s'exprimer, auquel cas le témoin

6 comprendra. Il serait peut-être plus sage de faire sortir le témoin

7 pendant quelques minutes.

8 Mme McHenry (interprétation). - C'est une remarque pertinente.

9 M. le Président (interprétation). - Je le pense aussi. Si le

10 témoin est concerné, il n'a pas à être dans la salle. Lorsque nous aurons

11 pris une décision le concernant, il sera informé de la décision.

12 Mme McHenry (interprétation). - Très bien.

13 M. le Président (interprétation). - S'il a terminé de déposer,

14 le témoin peut être libéré.

15 Mme McHenry (interprétation). - Il a effectivement terminé de

16 déposer concernant les questions qui lui ont été posées jusqu'ici. Je

17 ferai savoir à la Cour, le cas échéant, si l'accusation souhaite rappeler

18 le témoin pour d'autres fins que les questions sur lesquelles il a déjà

19 déposé.

20 Voilà pourquoi je voulais soulever un point à l'intention de la

21 Chambre pour voir si, oui ou non, la Chambre souhaite obtenir, à des fins

22 d'économie et d'efficacité, certaines informations maintenant,

23 informations qui pourraient être directement pertinentes dans le cadre des

24 audiences, ou si vous souhaitez rappeler le témoin plus tard.

25 M. le Président (interprétation). - S'il a terminé sa déposition

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1 sur les points pour lesquels il a été invité, cela sera tout pour

2 l'instant. Si vous avez l'intention de le rappeler pour autre chose, il

3 s'agit alors d'une requête différente et nous la prendrons en compte, mais

4 en l'absence du témoin.

5 Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Je demanderai alors

6 que le témoin soit libéré et à être autorisé à parler rapidement à huis

7 clos.

8 M. le Président (interprétation) - Oui, je vous remercie,

9 Monsieur P. Si l’accusation souhaite vous appeler pour autre chose, elle

10 entrera en contact avec vous.

11 M. Moran (interprétation) - Je ne voudrais pas parler à la place

12 de Mme McHenry, mais il serait peut-être bon de demander au témoin

13 d'attendre dans la salle des témoins et qu’il y prenne une tasse de café

14 pendant un quart d'heure. L’accusation accepte-t-elle cette suggestion ?

15 Mme McHenry (interprétation) - Oui, absolument.

16 (Audience à huis clos)

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9 (Audience publique)

10 (Le témoin Mirko Dordic est introduit dans la salle d'audience)

11 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous, je vous prie,

12 rappeler au témoin qu'il témoigne toujours sous serment ?

13 M. le Greffier - Je vous rappelle que vous témoignez toujours

14 sous serment.

15 (Le témoin acquiesce)

16 M. le Président (interprétation) - Maître Turone, vous pouvez

17 procéder.

18 M. Turone (interprétation) - Merci, Monsieur le Président.

19 Monsieur Dordic, bonjour. Hier, nous parlions de votre arrivée à Celebici

20 et vous décriviez les conditions de vie dans le hangar n° 6.

21 A présent, je voudrais revenir sur l'affirmation que vous avez

22 faite au sujet de la possession d'une arme. Ma question est la suivante :

23 y a-t-il eu un moment, pendant votre séjour à Celebici, où l'on vous a

24 demandé de remettre cette arme ou toute autre arme qui eût pu être en

25 votre possession ?

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1 M. Dordic (interprétation) - Bonjour. Je vais répondre. Quelques

2 jours après que l'on m'ait amené à Celebici, les gardiens m'ont dit que

3 quelqu'un me demandait. Je n'avais pas la moindre idée de qui il

4 s'agissait.

5 Je suis sorti devant le hangar et Jasmin Guska, qui était le

6 secrétaire du MUP, Sefko Niksic, commandant de la police locale, et Sadik

7 Dzühmur, appelé Diksa, qui avant la guerre était directeur d'un centre de

8 formation militaire faisant partie des bâtiments de la défense

9 territoriale ici à Borci. Borci était un village serbe à l'époque qui

10 était sous le contrôle des forces serbes.

11 J'ai donc vu ces trois hommes. Diksa m'a serré la main et m'a

12 demandé :"Comment vas-tu ?" Je lui ai répondu :"Comme tu vois !" Il m'a

13 dit : "Sais-tu où est Rajko ?" J'ai répondu : "Je ne sais pas". Il m'a dit

14 qu'il avait été arrêté et qu'il se trouvait dans le n° 9. Il m'a demandé :

15 "Est-ce que tu souhaites le voir ?" J'ai dit non, parce que je pensais

16 qu'il s'agissait d'une farce.

17 M. Turone (interprétation) - Excusez-moi, Monsieur Dordic,

18 pouvez-vous nous me dire qui est Rajko ?

19 M. Jan (interprétation) - Ce n'est pas la question, vous aviez

20 posé une question au sujet des armes.

21 M. Turone (interprétation) - J'imagine qu'il y arrive petit à

22 petit. Mais Monsieur, pourriez-vous répondre plus précisément à ma

23 question ?

24 M. le Président (interprétation) - Répétez votre question,

25 Maître.

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1 M. Turone (interprétation). - Ma question était la suivante : y

2 a-t-il eu un moment où l'on vous a demandé de remettre votre arme ou

3 quelque autre arme que vous ayez pu posséder ?

4 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie,

5 limitez-vous à cette question.

6 M. Dordic (interprétation). - Je raconte tout ce qui s'est

7 passé ?

8 M. le Président (interprétation). - Non ! La question qui vous a

9 été posée concerne les armes. Vous n'avez pas besoin de retourner si

10 longtemps en arrière.

11 M. Turone (interprétation). - Vous êtes invité à répondre à

12 cette question précise.

13 M. Jan (interprétation). - Il nous a dit hier qu'il possédait un

14 fusil, une arme automatique qu'il avait laissée chez lui avant d'aller

15 chercher de la protection dans une zone serbe. Donc vous lui avez

16 demandé : "Dans le camp, quelqu'un vous a demandé de remettre votre

17 arme ?". Laissez-le répondre.

18 M. Turone (interprétation). - C'est exactement ce que je

19 souhaite qu'il fasse.

20 M. Dordic (interprétation). - Oui, Jasmin m'a demandé si j'avais

21 une arme. J'ai dit oui. Il m'a demandé où elle était et si je l'avais

22 rendu. J'ai dit non, j'ai dit que je l'avais caché chez moi à la maison.

23 Jasmin Guska était vétérinaire par le passé, il venait très souvent chez

24 moi, il savait exactement où se trouvait ma maison. Je lui ai expliqué où

25 se trouvait l'arme dans la maison.

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1 Il m'a demandé si je voulais aller chez moi pour reprendre cette

2 arme. J'ai répondu oui. Il m'a dit : "Bon, j'enverrai quelqu'un qui ira

3 avec toi". Quelque temps après, je suis rentré dans le hangar. Ils sont

4 partis et puis on m'a de nouveau appeler à sortir.

5 Trois policiers sont arrivés : Alagic Vahid, Sljivo, qui était

6 goal dans le club de football Igman à une certaine époque avant. Je le

7 connaissais de vue, mais je ne connaissais pas son nom.

8 Nous nous sommes assis dans une voiture de marque Golf et nous

9 nous sommes dirigés vers Bradina. Le policier que je ne connaissais pas,

10 Sljivo, me provoquait : il disait que je puais le serbe et Alagic leur

11 faisait des remarques en leur disant que ce n'était pas un comportement

12 convenable. J'avais les mains dans le dos, j'étais assis sur le siège

13 arrière , et au moment où nous sommes sortis de la voiture, j'ai vu que la

14 maison était en flammes. Dans ce qui avait été une maison, il y avait ma

15 mère, qui a environ 70 ans, et Sljivo a commencé à ce moment-là à me

16 frapper.

17 M. Ackerman (interprétation). - Excusez-moi je vous prie.

18 Monsieur le Président, pour ma part j’ai compris que la question

19 signifiait : "Est-ce qu'on vous a demandé de remettre votre arme ?"

20 Apparemment, la réponse la plus évidente à une telle question est oui. Si

21 cela prend toujours aussi longtemps pour dire oui, nous pourrions rester

22 ici trois ou quatre jours.

23 M. le Président (interprétation). - Je suis d'accord avec vous.

24 Ils sont allés rechercher l'arme.

25 M. Jan (interprétation). - C'est trop long.

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1 M. le Président (interprétation). - C'est quelque chose qui se

2 répète.

3 M. Turone (interprétation). - Je souhaitais lui demander ce qui

4 s'est passé. Il est en train de répondre.

5 M. Jan (interprétation). - Demandez-lui s'ils ont pu reprendre

6 son arme ou pas.

7 M. Turone (interprétation). - Comment se fait-il ?

8 M. le Président (interprétation). - Avez-vous récupéré l'arme

9 lorsqu'ils sont allés avec vous ?

10 M. Turone (interprétation). - C'est exactement ce que...

11 M. Jan (interprétation). - Demandez-lui de répondre à la

12 question !

13 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous avez récupéré

14 l'arme ? A-t-elle été restituée ?

15 M. Jan (interprétation). - Il ne répond pas.

16 M. Dordic (interprétation). - Mais j'essaie de vous expliquer

17 les circonstances qui ont fait que nous sommes arrivés jusqu'à l'arme.

18 Relja m'a demandé où était l'arme, j'ai expliqué où, il m'a demandé si je

19 connaissais le numéro de l'arme. A ce moment-là je le connaissais...

20 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, objection !

21 Ce n'est toujours pas une réponse à la question posée par Me Turone ni à

22 celle posée par le juge Jan qui est une question assez simple : est-ce que

23 l'arme a été récupérée ?

24 M. Jan (interprétation). - C'est un peu comme lorsque vous

25 demandez à quelqu'un quelle heure il est et qu'il vous explique comment on

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1 fabrique une montre. Comme le Président l'a dit, c'est quelque chose qui

2 survient assez souvent dans ce cas précis.

3 M. Turone (interprétation). - Je vais vous expliquer. Je vais

4 demander au témoin d'arriver un peu plus vite au sujet de la question,

5 mais en tout état de cause, Monsieur le Président, je ne crois pas que

6 nous puissions empêcher le témoin de faire le récit de son expérience,

7 d'après son souvenir en tout cas.

8 M. Moran (interprétation). - Bien sûr que vous le pouvez.

9 M. le Président (interprétation). - Ce que vous souhaitez ici,

10 ce n'est pas le récit de son expérience. Ce que vous souhaitez, c'est

11 savoir : on l'a interrogé sur l'arme, il a dit avoir été interrogé au

12 sujet de cette arme, ensuite vous lui avez demandé si l'arme avait été

13 récupérée et remise aux gardiens. C'est ce qui s'est passé, donc je

14 suppose que c'est tout.

15 M. Turone (interprétation). - Exactement Monsieur le Président.

16 Alors est-ce que vous avez remis l'arme à ces hommes ?

17 M. Dordic (interprétation). - Eh bien oui ! J'y arrivais. Quand

18 nous sommes arrivés jusqu'à l'arme, un policier a franchi une barrière.

19 Avant cela, il m'avait demandé si je savais où elle se trouvait

20 exactement. J'ai dit oui et ils ont fini par retrouver l'arme. Ils l'ont

21 examinée, ils ont essayé de voir si elle avait tiré un coup de feu. Ils

22 ont vu qu'elle était propre et en ont déduit qu'elle n'avait pas tiré une

23 seule balle. Ensuite, nous sommes remontés dans la voiture et ils m'ont

24 ramené dans le hangar à Celebici, au n° 6.

25 M. Turone (interprétation). - Très bien, merci. Donc à part

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1 cette occasion, est-ce que vous avez subi un interrogatoire de la part

2 d'enquêteurs militaires pendant votre séjour à Celebici ?

3 M. Dordic (interprétation). - Après une dizaine de jours,

4 l'interrogatoire est arrivé. On nous appelait par groupes de cinq, six,

5 peut-être même dix hommes. Un militaire arrivait avec une liste et

6 appelait les noms de ceux qui devaient se rendre à l'interrogatoire. Dans

7 mon groupe, nous étions cinq ou six. Je ne me rappelle pas le nom des

8 autres hommes. Je me rappelle certains noms. On nous a amenés devant le

9 bâtiment administratif du camp. Là, nous avons été alignés le long d'un

10 mur, face contre le mur et on nous obligeait à nous tenir avec les bras en

11 l'air et deux doigts en l'air.

12 Chaque fois que c'était le tour de l'un d'entre nous, son nom

13 était appelé et nous devions nous rendre dans une salle pour y être

14 interrogé. Alors que mon tour n'était pas encore venu, quelqu'un est

15 arrivé et m'a attrapé par l'épaule. Je me suis retourné ; cet homme m'a

16 salué, c'était Musret Secibovic qui avait travaillé avec moi dans la même

17 entreprise. C'était un directeur. Il se trouvait là en tant qu'enquêteur

18 militaire. Il m'a dit : "Je te préviens, fais attention, parce que nous

19 avons une liste et ton nom figure sur cette liste".

20 Lorsque mon tour est arrivé, je suis entré dans ce bureau qui se

21 trouvait sur la gauche, et à mon entrée dans le bureau j'ai constaté que

22 se trouvaient dans la pièce Miro Stenek, un certain Tomic qui s'était déjà

23 présenté à moi, et puis un dactylographe dont je ne me rappelle pas le

24 nom.

25 M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, qu'est-ce qui

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1 vous est arrivé avant l'interrogatoire, pendant que vous attendiez votre

2 tour ?

3 M. Dordic (interprétation). - J'étais le long d'un mur, le

4 visage regardant le mur et les bras en l'air, non loin du bâtiment

5 administratif.

6 M. Turone (interprétation). - Lorsque vous êtes entré dans la

7 pièce

8 M. le Président (interprétation). - Ce n'était pas votre

9 question. Votre question était : "Comment avez-vous été traité ?"

10 M. Turone (interprétation). - Oui. Est-ce que vous pouvez

11 décrire en quelques détails supplémentaires le traitement que vous avez

12 subi avant d'entrer dans la salle d'interrogatoire ?

13 M. Dordic (interprétation). - Les soldats nous provoquaient,

14 nous lançaient des insultes. Nous ne pouvions pas les voir, nous leur

15 tournions le dos. Mais en tout cas pour mon groupe, il n'y a pas eu de

16 coups, simplement des insultes, des injures, des gros mots.

17 M. Turone (interprétation). - Très bien. Et une fois que vous

18 avez pénétré dans la pièce où se trouvaient Ismeta, Stenek et Tomic,

19 est-ce que vous avez vu des hommes en uniforme ?

20 M. Dordic (interprétation). - Non.

21 M. Turone (interprétation). - Comment avez-vous été traité

22 pendant cet interrogatoire ?

23 M. Dordic (interprétation). - Correctement. En tout cas moi,

24 parce que Stenek me connaissait personnellement.

25 M. Turone (interprétation). - Pendant cet interrogatoire, est-ce

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1 que vous avez pu voir de face la fenêtre de la pièce ?

2 M. Dordic (interprétation). - Oui, oui.

3 M. Turone (interprétation). - Et qu'avez-vous pu voir à travers

4 la vitre ?

5 M. Dordic (interprétation). - J'ai vu des soldats qui marchaient

6 en rond.

7 M. Turone (interprétation). - Pendant l'interrogatoire, est-ce

8 que vous avez été accusé de quelque chose de précis ?

9 M. Dordic (interprétation). - Ils n'arrêtaient pas de m'accuser

10 et je n'arrêtais pas de nier. Je parlais de ce que je savais. A un certain

11 moment, Stenek m'a même offert une cigarette. J'ai allumé ma cigarette et

12 il m'a dit : "Tu es remis en liberté parce que ce que tu dis va bien, tu

13 dis la vérité". Ils m'ont demandé si j'étais membre du SDS, le parti

14 serbe. J'ai dit que je ne l'étais pas, ce qui était vrai.

15 Ensuite, ils m'ont demandé comment j'étais arrivé à posséder une

16 arme, s'il y avait une organisation militaire à Bradina, des questions de

17 ce genre, où j'avais été arrêté, etc.

18 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous avez signé un

19 document à l'issue de l'interrogatoire ?

20 M. Dordic (interprétation). - Oui j'ai signé une espèce de

21 déposition.

22 M. Turone (interprétation). - Est-ce que l'interrogatoire a duré

23 longtemps ?

24 M. Dordic (interprétation). - Non, avec moi pas longtemps.

25 M. Turone (interprétation). - Vous ont-ils interrogé à nouveau

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1 au sujet de votre arme ?

2 M. Dordic (interprétation). - Oui, plus tard, pendant mon séjour

3 dans le camp, des gardiens l'ont fait, si je peux les appeler ainsi.

4 M. Turone (interprétation). - Non, je voulais dire : pendant cet

5 interrogatoire, est-ce qu'on vous a reposé des questions au sujet de

6 l'arme ?

7 M. Dordic (interprétation). - Oui, ils m'ont beaucoup interrogé

8 au sujet des armes. Le plus grand nombre de questions portait sur les

9 armes.

10 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous avez répondu sur

11 ce sujet particulier des armes, pendant l'interrogatoire ?

12 M. Dordic (interprétation). - Mais oui, oui.

13 M. Turone (interprétation). - Que leur avez-vous dit ?

14 M. Dordic (interprétation). - Ils m'ont demandé comment j'étais

15 arrivé à posséder une arme. J'ai répondu que je l'avais achetée au marché

16 noir.

17 M. Turone (interprétation). - Des procédures judiciaires

18 ont-elles été engagées à votre encontre après cet interrogatoire ?

19 M. Dordic (interprétation). - Contre moi non, mais contre

20 certains oui. A la fin, au cours de l'année 1994, contre certains détenus

21 qui sont restés jusqu'à la fin, jusqu'à l'échange. Il y a eu des procès

22 engagés contre les détenus serbes. Un détenu dont je me rappelle a été

23 condamné à 12 ans.

24 M. Turone (interprétation). - Est-ce que cet interrogatoire a eu

25 d'autres répercussions judiciaires ou juridiques ? Est-ce qu'ils ont pris

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1 quelque décision que ce soit à votre sujet à la fin de cet

2 interrogatoire ?

3 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, objection !

4 A moins que l'on puisse prouver que le témoin possède quelques

5 connaissances juridiques particulières...

6 M. Jan (interprétation). - (Hors micro). C’est probablement ce

7 qu'il demande. Il ne parle pas des conséquences juridiques au sens

8 abstrait, mais ce qu'il souhaite dire, c'est : est-ce que vous avez été

9 poursuivi de quelque manière que ce soit ?

10 M. Dordic (interprétation). - A ce moment-là, nous avons été

11 classés en plusieurs groupes, en plusieurs catégories : 1, 2, 3. Par la

12 suite, nous avons appris de la bouche de certains gardiens à quel groupe

13 nous avions été affectés. Je parle de groupes de détenus.

14 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous êtes parvenu à

15 savoir dans quelle catégorie vous aviez été classé ?

16 M. Dordic (interprétation). - Oui, j'étais classé dans le

17 premier groupe, le groupe le plus dur.

18 M. Turone (interprétation). - Merci.

19 M. Dordic (interprétation). - C’est ainsi que par la suite j'ai

20 été le dernier dans un groupe de 32 hommes à quitter le camp de Celebici.

21 M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, vous voyez une

22 maquette devant vous. Est-ce que vous comprenez ce que représente cette

23 maquette ? Vous pouvez vous lever si vous le souhaitez.

24 M. le Président (interprétation). - Levez-vous.

25 M. Turone (interprétation). - Vous pouvez même faire le tour de

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1 la table si vous le souhaitez.

2 M. Dordic (interprétation). - Elle représente l'ancienne caserne

3 de l'armée populaire yougoslave qui, par la suite, a été transformée en

4 camp : le camp de Celebici. C'est là que nous avons été amenés.

5 M. Turone (interprétation). - Puis-je prier l’huissier de

6 remettre un pointeur au témoin. Monsieur Dordic, pourriez-vous nous

7 montrer sur la maquette, à l’aide du pointeur, les endroits dont vous nous

8 avez déjà parlé. Je suppose que les juges vous autoriseront à faire le

9 tour de la table, si cela vous convient mieux.

10 M. Dordic (interprétation). - Là, se trouvait l'entrée dans

11 cette ancienne caserne. Ici, le bâtiment où les femmes étaient enfermées.

12 Parmi elles se trouvaient ma soeur et une autre parente.

13 M. Turone (interprétation). - On ne peut pas vous entendre car

14 votre micro est trop loin.

15 M. Dordic (interprétation). - Ici se trouvait l'entrée dans

16 cette ancienne caserne ici, le bâtiment d'accueil en quelque sorte. C'est

17 là qu'étaient enfermées les femmes qui avaient été arrêtées, au nombre

18 desquelles se trouvaient ma soeur et ma belle-soeur -la femme de mon

19 frère-. Ici, le bâtiment administratif. Ici, un entrepôt et ici,

20 l'infirmerie dans laquelle j'ai séjourné plus tard, le bâtiment n° 22.

21 Là, nous suivions le chemin, il y avait un petit étang.

22 M. Moran (interprétation). - Oui. Mais ce qu'identifie le

23 témoin n'est pas clair. Il dit "ceci", "ceci" "ceci". Je crois que chacun

24 des bâtiments de la maquette est assorti d'une lettre ou d'un numéro. Donc

25 s'il pouvait dire, par exemple, le bâtiment qui comporte la lettre "A"

Page 4610

1 était tel et tel chose, cela rendrait son récit plus clair, me

2 semble-t-il.

3 M. Turone (interprétation). - Bien. Monsieur, pouvez-vous, je

4 vous prie, lire l'indication qui figure sur les petits papiers collés sur

5 chacun des bâtiments de la maquette que vous reconnaissez ?

6 M. Dordic (interprétation). - Cela est le bâtiment d'accueil,

7 défini sous la lettre A. Le bâtiment administratif est défini par la

8 lettre C, une espèce d'entrepôt où il y avait des sanitaires, des

9 toilettes et quelques pièces. Ici, le bâtiment E, le bâtiment n° 6. Ici,

10 vous voyez un entrepôt, un atelier de réparation. Ici des entrepôts où

11 nous déposions la nourriture, les vivres qui arrivaient.

12 M. Turone (interprétation). - Cela suffit sans doute.

13 M. Dordic (interprétation). - Ici, la lettre L, c'est là que

14 l'on déchargeait les armes. Deux ou trois fois au cours des mois de juin

15 et de juillet, j'ai déchargé moi-même des armes à cet endroit. C'était

16 bien connu.

17 M. Turone (interprétation). - Merci, monsieur Dordic.

18 M. Dordic (interprétation). - Ici se trouvaient les

19 mitrailleuses, et ici un trou que l'on creusait sur ordre de M. Landzo.

20 C'est ici qu'on allait "pisser", si je puis m'exprimer ainsi, et ici vous

21 voyez le trou creusé qui servait de toilettes.

22 M. Turone (interprétation). - Merci, Monsieur Dordic. Vous

23 pouvez vous rasseoir.

24 Monsieur Dordic, avez-vous vous-même fait l'objet de tortures

25 pendant que vous étiez à Celebici, en plus de ce passage à tabac le

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1 premier jour ?

2 M. Dordic (interprétation). - Eh bien, oui, c'est une longue

3 histoire.

4 M. Turone (interprétation). - Vous voulez dire que cela s'est

5 produit une fois, ou plusieurs fois ?

6 M. Dordic (interprétation). - Cela s'est produit plusieurs fois.

7 La première fois, à peu près le... (le témoin s'interrompt.)

8 M. Turone (interprétation). - Oui, allez-y, décrivez en détail

9 ces incidents un par un. Si vous y arrivez, faites-le dans l'ordre

10 chronologique.

11 M. Dordic (interprétation). - La première fois que j'ai été

12 passé à tabac, c'était quand on m'a fait sortir, c'était par le gardien

13 Landzo et Mrdzic Kemal qui attendait sur place et un certain Salko. Je

14 sais que son nom était Salko.

15 Ils m'ont emmené devant ce hangar F, sous la lettre F, ils m'ont

16 placé contre le mur. Ils m'ont demandé si j'avais des bombes, des

17 pistolets. Je ne pouvais pas répondre à ces questions. Ils n'arrêtaient

18 pas de me frapper avec leurs pieds. Cela n'a pas duré longtemps, ils m'ont

19 remis dans le hangar.

20 Puis, après un certain temps, à un certain moment, on a vu

21 entrer Delic et Landzo le suivait. Ils ont fait le tour. Ils regardaient

22 tous les prisonniers un par un. Nous étions assis avec les bras sur les

23 genoux et nous regardions par terre. A un moment, ils se sont arrêtés

24 devant moi et m'ont dit : "Toi !". Ils m'ont ordonné de sortir.

25 Zenga m'a fait sortir. Il avait une matraque dans sa main.

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1 Après, j'ai compris que c'était une batte de base-ball. Avant, je n'avais

2 jamais eu l'occasion de voir cela.

3 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

4 Qui avait la batte de base-ball ? Il y avait deux personnes :

5 Landzo et Delic. Lequel des deux portait la batte de base-ball ?

6 M. Dordic (interprétation). - Landzo portait la batte de base-

7 ball. Ils m'ont fait sortir et m'ont emmené jusqu'au hangar F. Il m'a mis

8 contre le mur, face au mur avec les bras levés, dressés, posés contre la

9 tôle et les pieds un peu plus loin. Il m'a mis un morceau de fer dans la

10 bouche pour qu'on ne puisse pas entendre mes gémissements et il a commencé

11 à me battre sur les jambes et les côtes. Cela a duré très longtemps. Il

12 n'arrêtait pas de m'interroger sur une mitrailleuse M53. Je n'avais rien à

13 voir avec cela.

14 Un homme qui savait, qui était au courant de cela, est allé le

15 chercher. Mais moi, je ne savais pas. Je ne pouvais donc pas répondre. Il

16 me frappait. Je suis tombé plusieurs fois par terre. Je me suis évanoui.

17 Il me remettait debout et continuait de me frapper.

18 Quand il en a eu assez -cela a duré longtemps-, j'ai eu du mal à

19 revenir jusqu'au hangar. Un détenu qui était à côté de moi, Jovan

20 Kuljanin, m'a dit qu'il avait compté 200 coups, mais que j'en avais reçu

21 plus de 250. J'étais tout recouvert de bleus. Après quelque temps, pendant

22 vingt jours, je ne pouvais plus me redresser tout seul. Ils étaient

23 obligés de m'aider. Quand je recevais de l'eau à boire, j'en versais sur

24 mes jambes pour soigner un peu mes bleus, mes hématomes pour que cela

25 passe.

Page 4613

1 Plus tard... (le témoin s'interrompt)

2 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à peu près

3 quand s'est produit cet incident, quel mois ?

4 M. Dordic (interprétation). - Je pense que c'était au mois de

5 juin, vers la fin du mois de juin, après la mi-juin.

6 M. Turone (interprétation). - D'accord, merci. Pouvez-vous

7 décrire d'autres incidents dont vous auriez fait l'objet plus tard ?

8 M. Dordic (interprétation). - Eh bien, après, je dois dire que

9 j'ai toujours été la victime de Zenga. A chaque occasion, quand il entrait

10 dans le hangar, quand il faisait le tour des détenus, il venait devant

11 moi. Il m'ordonnait de faire des pompes. Il n'arrêtait pas de me donner

12 des coups de pieds dans les côtes. A chaque fois j'étais obligé de faire

13 une dizaine de pompes. J'aurais pu en faire cinquante, mais là c'était

14 très dur, parce qu'il n'arrêtait pas de frapper avec les pieds.

15 M. Turone (interprétation). - Monsieur Landzo disait-il quelque

16 chose habituellement pendant qu'il vous battait ?

17 M. Dordic (interprétation). - Rarement.

18 M. Turone (interprétation). - Je n'ai pas entendu

19 l'interprétation.

20 M. Dordic (interprétation). - Rarement, rarement.

21 M. Turone (interprétation). - Alors pourriez-vous nous dire

22 quelque chose sur d'autres incidents qui se seraient produits

23 ultérieurement ?

24 M. Dordic (interprétation). - Avec Landzo, la fois suivante, si

25 je puis dire le "duel suivant", c'était à la mi-juillet, il est arrivé où

Page 4614

1 j'étais installé. Il m'a mis debout et il a dit aux autres détenus : "Vous

2 allez voir ce qu'il en restera". Je pensais qu'il allait me tuer.

3 Il m'a amené devant la sortie, devant la porte dans un coin, il

4 m'a ordonné de m'agenouiller. Je me suis agenouillé. Il a alors versé de

5 l'essence -j'ai pu voir le flacon qui servait à remplir les briquets-, il

6 a allumé des pinces médicales et il commencé à les réchauffer. Il m'a

7 demandé ou était Mico. Je ne savais pas de quel Mico il s'agissait. Ce

8 n'est que plus tard que j'ai compris de quel Mico il s'agissait. Donc je

9 disais que je ne savais pas.

10 Quand il a bien chauffé les pinces, il m'a dit d'ouvrir la

11 bouche et de tirer la langue. J'ai tiré ma langue et il a commencé à

12 brûler ma langue. Je souffrais de douleurs insupportables. Il m'a brûlé

13 les lèvres, le nez, puis, à moment donné, il a commencé à me brûler

14 l'oreille.

15 Il m’a enfoncé la pince à l'intérieur de l'oreille. J’ai

16 ressenti une douleur très forte. J’ai hurlé et j’ai commencé à entendre un

17 bruit dans la tête. A ce moment-là, un garde, qui à mon avis s’appelait

18 Salko a dit : "Voilà Pavo !". A ce moment-là, il lui a ordonné de

19 reprendre sa place et de ressortir.

20 Plus tard, un des détenus qui par hasard a eu du lait fermenté

21 m’en a donné un pour que je le mette dans la bouche pour apaiser la

22 douleur et la fièvre. Cela a duré très longtemps. Cette plaie n’a pu se

23 cicatriser pendant un mois.

24 Au bout d’une vingtaine de jours, on m’a permis d’aller voir le

25 médecin. Ce n'est qu'après qu'il a été envoyé. Je ne sais pas par qui. Je

Page 4615

1 pense que c'est Pavo qui a fait cela. Mais à la suite de cela, Mrkajic m'a

2 vu et Petko Grubac.

3 J'ai donc été emmené dans cette infirmerie. J'avais du pus qui

4 coulait de mon oreille sans arrêt. On m'a dit qu'on m'a perçu le tympan.

5 C'est Ralje qui me l'a dit.

6 M. Turone (interprétation). - Merci. Y a-t-il eu d’autres

7 épisodes, d’autres incidents que vous avez vécus personnellement et que

8 vous pourriez nous décrire ?

9 M. Dordic (interprétation). - Il y avait des passages à tabac

10 collectifs. Ces passages à tabac.... La première fois, et là il ne

11 s'agissait que de la rangée où j'étais, c'était quand une personne s'est

12 mise à parler un peu plus fort. Delic est rentré rapidement, il s'est

13 montré à la porte et il a demandé Nenad Cecez, il a prononcé son nom, il a

14 nommé le responsable d'un groupe. Il avait une batte de base-ball à la

15 main. Il nous a ordonné de nous mettre debout, de nous tourner face au

16 mur, et toute la rangée a dû sortir. Chacun a été frappé. Moi, j'ai été

17 frappé deux fois, mais chacun a été frappé. Ces passages à tabac

18 collectifs se sont produits également ultérieurement.

19 M. Turone (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur Dordic.

20 M. Delic a-t-il dit quelque chose pendant qu'il vous battait ?

21 M. Dordic (interprétation). - Non.

22 M. Turone (interprétation). - Merci. Vous pouvez continuer à

23 nous raconter l'incident suivant.

24 M. Dordic (interprétation). - Le passage à tabac collectif qui

25 s'est produit après était le 12 juillet. On m'a appris...

Page 4616

1 M. Turone (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur Dordic. Le

2 premier passage à tabac collectif que vous venez de décrire s'est produit

3 quand à peu près ?

4 M. Dordic (interprétation). - C'était à peu près au début du

5 mois de juillet.

6 M. Turone (interprétation). - Merci.

7 M. Dordic (interprétation). - Et puis le passage à tabac suivant

8 était vers le 13 juillet. On m'a appris qu'un groupe de policiers

9 musulmans ont été tués à Bradina. C'était un règlement de comptes. Ils ont

10 voulu culpabiliser les nôtres. Ces passages à tabac se sont produits à

11 plusieurs reprises. Généralement, c'était le fait de Delic.

12 Quand il se fatiguait, il faisait travailler d'autres gardiens :

13 Landzo, un certain Focak, et puis d'autres, et ces passages à tabac

14 duraient très très longtemps.

15 M. Turone (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu d'autres

16 incidents après celui-ci ?

17 M. Dordic (interprétation). - Le passage suivant, c'était après

18 le passage de la Croix-Rouge. Le Comité international de la Croix-Rouge

19 est venu nous voir en août. Je pense que c'était le 12 août. A ce

20 moment-là, des représentants de la Croix-Rouge sont entrés dans le hangar.

21 Ils ont ordonné que tous les gardiens sortent, mais ils écoutaient

22 vraisemblablement ce que nous disions. La Croix-Rouge nous a enregistré. A

23 ce moment-là on nous a diffusé des cartons que l'on a remplis pour

24 s'enregistrer. On nous a demandé quelles étaient les conditions de vie.

25 Nous leur avons décrit le comportement des gardiens.

Page 4617

1 Après leur départ, juste avant la nuit, Delic est entré avec un

2 groupe d'environ douze soldats. Il nous a divisé en deux groupes, il a

3 ordonné à ceux qui étaient contre le mur de tourner, de s'asseoir et de

4 mettre les mains contre la nuque.

5 Après, ils ont commencé à nous frapper avec les pieds. Ces

6 gardiens faisaient le tour et ils nous frappaient à plusieurs reprises. Je

7 crois que j'ai reçu environ une vingtaine de coups au niveau des reins. Et

8 c'est Delic qui donnait des ordres à ce moment-là. Pour les détenus qui

9 étaient ses favoris, il permettait qu'ils ne soient pas battus, il disait

10 de passer leur tour. A la fin, ils ont dit : "Retournez-vous !" et ils ont

11 quitté le hangar.

12 La fois d'après, c'était vers le mois de septembre. Ils ont

13 trouvé les cartes que nous faisions en carton pour passer le temps. Alors,

14 Delic et d'autres gardiens sont venus nous frapper avec des pelles, avec

15 les manches de certains outils. Cela a duré longtemps. Nous y sommes tous

16 passés ensemble. Moi, on m'a fait sortir, et quelques autres. Je ne me

17 souviens plus des noms : il y avait un Dordic Damjan, il nous a mis devant

18 le hangar, contre le mur, il a ordonné à certains gardiens de nous

19 frapper. C'est Pajic Seki qui me battait. Son nom de famille était Pajic ;

20 on l'appelait Seki. On était en bons termes et il me frappait lentement,

21 mais un autre gardien, Camdzic Zajko a dit à un moment : "Mais pourquoi tu

22 le caresses ?". Ce Camdzic Zajko m'a frappé deux fois avec un objet en

23 bois de 10 x 5 qui servait à soutenir la porte.

24 Comment dire ? A ce moment-là j'ai fait dans ma culotte. Je leur

25 ai dit : "Vous n'avez qu'à continuer, je suis foutu". Et il a dit :

Page 4618

1 "Regarde ce Chetnik qui fait caca dans sa culotte, mettez un peu d'eau

2 dans les bouteilles pour qu'il se lave". Et alors je suis allé me laver.

3 M. Turone (interprétation). - Quand vous dites : "Il a dit :

4 regarde ce Chetnik", qui parle ? Quand vous dites "il" ?

5 M. Dordic (interprétation). - C'était Delic, à mon sujet, parce

6 qu'à ce moment-là j'ai fait dans ma culotte.

7 M. Turone (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu d'autres

8 incidents où vous étiez concerné, vous personnellement, pendant votre

9 séjour à Celebici ?

10 M. Dordic (interprétation). - Eh bien, l'incident suivant,

11 c'était suite à une visite de la Croix-Rouge internationale. La Croix-

12 Rouge a ordonné ou demandé, lorsqu'il ne restait qu'un petit groupe de

13 détenus, qu'on nous installe des lits.

14 On nous a installé des lits. Il y avait des bagarres... non des

15 passages à tabac. Delic m'a fait sortir avec un groupe d'une dizaine de

16 détenus. On nous battait avec les pieds, au niveau des reins et des

17 organes sexuels.

18 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous savez à peu près

19 quand cela s'est produit ?

20 M. Dordic (interprétation). - C’était vers le mois d'octobre. Je

21 n'en suis pas sûr, mais je pense que c'était en octobre, fin octobre ou

22 début novembre.

23 M. Turone (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu d'autres

24 incidents que vous avez subis, vous personnellement ?

25 M. Dordic (interprétation). - Eh bien, le dernier passage à

Page 4619

1 tabac collectif s'est produit le 1er décembre. A l'époque, on était déjà

2 transférés dans le bâtiment 22, ce groupe de 32 détenus. C'était dans la

3 journée ; Delic est entré, il portait un petit bout de papier -c'était une

4 lettre, je ne sais pas- et il cherchait Boric Miroslav. Il a lu quelque

5 chose, il lui a demandé : "Est-ce que ta femme s'appelle Zora ?". L'autre

6 a répondu oui. Il a commencé à lire cette lettre disant que sa femme Zora,

7 dans le village de Kukljica pille les maisons musulmanes et provoque les

8 habitants musulmans. Je ne sais pas d'où venait cette lettre.

9 Il a alors fait sortir ce Boric. On a pu entendre des coups

10 affreux. On l'a battu pendant quelque temps. Je ne sais pas qui l'a battu

11 puisque la porte était fermé. Au bout d'un certain temps, il l'a remis

12 dans le hangar.

13 Alors, c'est le gardien qu'on appelait Crni, le noir, qui s'est

14 mis à appeler, à choisir des détenus, à les faire sortir. On pouvait

15 entendre les coups, mais on ne pouvait pas voir.

16 A un moment, il est entré et il a dit : "A présent sortiront

17 tous ceux qui ont été attrapés à Ljuta, près de Kalinovik". Un groupe de

18 détenus avait été arrêté à cet endroit-là.

19 Sur les 32, nous étions quatre à ne pas être battus et parmi ces

20 quatre heureux, il y avait moi aussi. C'était juste avant l'arrestation.

21 Il a été arrêté le 2 décembre. C'est ce qu'on a appris de la bouche de

22 certains gardiens. Ce fut la meilleure nouvelle.

23 M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, pendant votre

24 séjour là-bas, avez vous vu des abus commis contre d'autres détenus dans

25 le hangar n° 6.

Page 4620

1 M. Dordic (interprétation). - Oui, oui, j'en ai vu pas mal.

2 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous décrire en

3 détail les détails que vous avez vus. Pouvez-vous nous les décrire un par

4 un et si vous pouvez dans l'ordre chronologique ?

5 M. Dordic (interprétation). - Il y en a dont je peux me souvenir

6 dans l'ordre et des autres, non, parce qu'avec le temps, on essaie

7 d'oublier. Eh bien, on peut commencer, par exemple, avec Mrkajic Vukasin.

8 M. Turone (interprétation). - Oui. Qu'avez-vous au sujet de cet

9 homme ?

10 M. Dordic (interprétation). - Eh bien, ce Mrkajic Vukasin était

11 l'un des détenus les plus torturés. On n'arrêtait pas de le battre.

12 C'était Hazim Delic qui le battait. A chaque fois, pratiquement, quand il

13 entrait dans le hangar, il lui donnait au moins un coup de pied au niveau

14 des reins. La même chose faisait Landzo. A une occasion, Landzo lui a

15 attaché une mèche autour de la taille, autour de son sexe et, puis, il en

16 a enfoncé une partie dans l'anus et lui a ordonné de courir en rond.

17 Celui-là courait en rond et quand la mèche a brûlé jusqu'au bout, il a

18 commencé à sautiller et, à la fin, il le relâchait.

19 M. Turone (interprétation). - M. Dordic, quand à peu près, s'est

20 produit cet incident qui concerne Mrkajic Vukasin ?

21 M. Dordic (interprétation). - C'était à peu près en juillet,

22 vers la fin du mois de juillet ou à la mi-juillet.

23 M. Turone (interprétation). - Cela s'est produit à l'intérieur

24 du hangar ?

25 M. Dordic (interprétation). - Oui, à l'intérieur du hangar.

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1 M. Turone (interprétation). - Vous avez vu de vos propres yeux

2 allumer la mèche ?

3 M. Dordic (interprétation). - Oui.

4 M. Turone (interprétation). - Qui était cette personne ?

5 M. Dordic (interprétation). - M. Landzo.

6 M. Turone (interprétation). - Cette mèche était-elle entourée

7 autour du corps de Vukasin Mrkajic pendant qu'il avait son pantalon ou il

8 n'avait pas de pantalon ?

9 M. Dordic (interprétation). - Il a d'abord enlevé le pantalon

10 et, puis, on lui a enroulé cela à même la peau. et, après, il lui a

11 ordonné de remettre le pantalon. On ne voyait que la partie de la mèche

12 qui dépassait

13 M. Turone (interprétation). - D'accord, M. Dordic. Est-ce que

14 vous avez vu d'autres incidents ?

15 M. Dordic (interprétation). - Risto Vukalo a subi la même chose

16 avec la mèche. Il lui a également enroulé la mèche, il l'a allumée et il a

17 dû courir en rond jusqu'à ce que la mèche brûle, jusqu'au bout.

18 Risto Vukalo devait également faire des pompes comme moi assez souvent. Il

19 faisait des pompes et l'autre lui donnait des coups au niveau des côtes

20 et, à une occasion, il l'a même battu avec le ceinturon. Il lui a ordonné

21 de se coucher à plat ventre et lui a donné des coups sur le dos. La peau

22 du dos était toute déchirée à cause de ces coups. Il lui a ordonné

23 d'enlever son T-shirt. Tout cela se passait à l'intérieur du hangar.

24 M. Turone (interprétation). - L'incident avec la mèche qui

25 concerne Risto Vukalo, est-ce que cela s'est produit le même jour que

Page 4622

1 l'incident avec Vukasin Mrkajic ou c'était un autre jour ?

2 M. Dordic (interprétation). - Ce n'était pas le même jour.

3 M. Turone (interprétation). - Et ces sévices ont été infligés

4 par la même personne ?

5 M. Dordic (interprétation). - Oui, par Landzo.

6 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous maintenant nous

7 décrire d'autres incidents qui ce seraient produits avec d'autres

8 détenus ?

9 M. Dordic (interprétation). - Eh bien, un autre incident

10 également avec la mèche concerne le détenu Dordic Vaso. Il lui a ordonné

11 d'enlever le pantalon, il lui a enroulé la mèche autour de la taille,

12 autour de son sexe, il lui a mis le bout dans l'anus, il a allumé l'autre

13 bout, il a remis le pantalon, il a allumé l'autre bout et il lui a ordonné

14 de courir en rond jusqu'à ce que la mèche brûle.

15 M. Turone (interprétation). - M. Dordic, pouvez-vous nous dire à

16 peu près quand c'est produit cet incident, l'incident qui concerne

17 Vaso Dordic ?

18 M. Dordic (interprétation). - C'était vers le mois de juillet

19 parce que Vaso Dordic a été emmené au camp de Celebici le 12 juillet au

20 soir, vers le soir.

21 M. Turone (interprétation). - D’accord. Ces trois personnes ont-

22 elles été soignées après ces incidents autant que vous le sachiez ?

23 M. Dordic (interprétation). - Non.

24 M. Turone (interprétation). - M. Landzo disait-il quelque chose

25 pendant qu'il faisait cela à ces gens-là pendant ces incidents ?

Page 4623

1 M. Dordic (interprétation). - Il disait quelque chose à Vaso,

2 mais je ne sais pas quoi parce qu'on était trop loin pendant qu'il le lui

3 faisait. Je ne sais pas ce qu'il lui disait, mais il lui disait quelque

4 chose.

5 M. Turone (interprétation). - D'accord. Est-ce qu'il y a eu

6 d'autres incidents concernant d'autres détenus que vous auriez vus ?

7 M. Dordic (interprétation). - Par exemple, il y avait deux

8 frères, Veso et Vaso Dordic. A une occasion, Zenga les a terriblement

9 torturés à l'intérieur du hangar et à l'extérieur et, à une occasion,

10 quand il est entré dans le hangar, il leur a ordonné de se mettre debout à

11 tous les deux. Ils se sont mis tous les deux....

12 M. Turone (interprétation). - Quand vous dites : "Il est entré

13 dans le hangar", qui est entré dans le hangar ?

14 M. Dordic (interprétation). - Landzo, je parle de Landzo. C'est

15 Landzo qui entrait. Il entrait dans le hangar. Il a ordonné à ces deux

16 frères de se mettre debout. Ils se sont mis debout tout de suite, se sont

17 un peu écartés et, à l'un des deux -je ne sais plus lequel-, il a ordonné

18 de se coucher et il a ordonné à l'autre d'enlever son slip et, alors, il

19 lui a ordonné de mettre son sexe dans la bouche de l'autre. Cela a duré

20 quelques instants. Je ne peux pas dire exactement combien de temps. Plus

21 tard, il a inversé les rôles. Alors, c'est l'autre frère qui devait faire

22 la même chose en premier. Il riait et il leur disait quelque chose.

23 M. le Président (interprétation). - Je pense que nous pouvons

24 suspendre la séance et nous reviendrons à midi.

25 L'audience, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 12 heures.

Page 4624

1 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)

2 M. le Président (interprétation). - Maître Turone, veuillez

3 poursuivre.

4 M. Turone (interprétation). - Merci, Monsieur le président.

5 Monsieur Dordic, vous parliez d'un incident qui concernait Vaso

6 Dordic. Pourriez-vous nous rapporter, au sujet cet incident, de cette

7 fellation, où cela s'est passé exactement à l'intérieur du hangar ?

8 M. Dordic (interprétation). - Cela s'est passé juste devant là

9 où j'étais assis, tout près de l'entrée.

10 M. Turone (interprétation). - Avez-vous entendu M. Landzo dire

11 quelque chose pendant cet incident ?

12 M. Dordic (interprétation). - Il riait. Il riait et disait

13 quelque chose que je n'ai pas compris.

14 M. Turone (interprétation). - Y a-t-il eu d'autres incidents

15 impliquant d'autres prisonniers dont vous auriez été le témoin oculaire ?

16 M. Dordic (interprétation). - Oui, il y en a eu d'autres,

17 notamment avec Dusko Bendzo. Lui aussi a été la victime de Zenga. Zenga

18 l'a énormément humilié à l'intérieur du hangar et il lui a infligé des

19 brûlures, non pas des brûlures, il l'a forcé à faire des pompes et pendant

20 ce temps-là, il le frappait dans les côtes.

21 Une fois il l'a fait sortir aussi après quelque temps. Quand

22 Zenga a ramené Dusko Bendzo dans le hangar, une jambe de son pantalon, la

23 jambe droite je pense, était en feu. Zenga était debout près de la porte

24 et il a dit que personne n'avait le droit d'éteindre les flammes. Le

25 prisonnier s'est donc assis et son pantalon a continué à brûler jusqu'à ce

Page 4625

1 qu'il s'éteigne de lui-même.

2 Quand Zenga est parti, le frère de Dusko et d'autres ont retiré

3 le pantalon et ils ont pu voir de grandes brûlures et des blessures aux

4 jambes.

5 M. Ackerman (interprétation). - C'est la deuxième fois que le

6 témoin nous rapporte ce qu'il a entendu dire. Il ne dit pas qu'il a vu les

7 brûlures lui-même, il dit que d'autres détenus les ont vues. Je voudrais

8 que la Chambre rappelle au témoin qu'il ne peut parler que de ce qu'il a

9 vu et si l'accusation souhaite présenter quelque chose qui a été vu par

10 quelqu'un d'autre, il doit alors en établir les fondements.

11 M. le Président (interprétation). - Demandez lui s'il a vu les

12 événements qu'il décrit ?

13 M. Turone (interprétation). - Avez-vous vu personnellement ces

14 blessures sur les jambes de M. Bendzo ?

15 M. Dordic (interprétation). - Oui parce qu'il se trouvait à peu

16 près à six ou sept mètres de moi, même moins. En effet, l'endroit où il

17 était assis n'était pas très loin de moi, c'était juste de l'autre côté.

18 M. Turone (interprétation). - Avez-vous pu personnellement voir

19 le détail des blessures sur la jambe ?

20 M. Dordic (interprétation). - Oui.

21 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous décrire la jambe ?

22 M. Dordic (interprétation). - Il y avait des grandes cloques sur

23 la jambe, à partir de la cuisse droite jusqu'à la partie inférieure de

24 l'avant de la jambe.

25 M. Turone (interprétation). - Très bien. Merci, Monsieur Dordic.

Page 4626

1 Y a-t-il d'autres incidents encore concernant d'autres

2 prisonniers que vous auriez vu de vos yeux, en tout ou partie ?

3 M. Dordic (interprétation). - Une fois, Zenga... Il était

4 toujours en train de harceler, de battre Nedeljko Draganic. Une fois, il

5 l'a fait sortir. Quand il est revenu, nous avons vu, je crois que c'était

6 la jambe gauche de son pantalon qui avait été brûlée jusqu'au genoux, et

7 sur la partie inférieure de la jambe, nous avons vu une grande blessure,

8 une cloque de cette taille. Il était peut-être à trois mètres de moi, même

9 moins peut-être. Il nous a dit que Zenga l'avait arrosé d'essence.

10 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais demander un instant

11 pour que l'on donne instruction au témoin de ne pas rapporter des propos

12 d'autres personnes. J'aimerais que l'accusation soit plus prudente sur ce

13 point et établissement les fondements, établisse clairement qui rapporte

14 quoi pour que l'on puisse décider de la recevabilité et fiabilité de ces

15 éléments.

16 M. Turone (interprétation). - Puis-je répondre, Monsieur le

17 Président. Le témoin décrit ce qu'il a vu de ses propres yeux. Il décrit

18 la jambe de M. Nedeljko Draganic. Je lui poserai donc la question

19 suivante : avez-vous personnellement la jambe de M. Draganic lorsqu'il est

20 revenu dans le hangar ?

21 M. Dordic (interprétation). - Oui. Je l'ai aussi vu pendant tout

22 le mois qui a suivi, au moins, car il était à deux ou trois mètres de moi.

23 M. Turone (interprétation). - Merci. Est-ce que M. Nedeljko

24 Draganic et M. Dusko Bendzo ont reçu des soins après ces incidents ?

25 M. Dordic (interprétation). - Le prisonnier Bendzo, après

Page 4627

1 quelque temps peut-être, a été soigné, mais soigné par nous avec des

2 moyens primitifs. Un des prisonniers avait du dentifrice avec lui et il

3 l'a étendu sur les blessures, les cloques qui, ensuite, ont éclaté. Ces

4 blessures ont mis beaucoup de temps à guérir.

5 Nedeljko Draganic, quelques jours plus tard, pas tout de suite,

6 a été emmené chez le médecin. J'imagine qu'on a nettoyé sa plaie. Je ne

7 sais pas qui exactement ni comment, mais sa plaie s'était infectée.

8 M. Turone (interprétation). - Encore une fois, à propos de

9 M. Draganic, tout de suite après son retour dans le hangar, M. Draganic a-

10 t-il immédiatement raconté ce qui s'était passé, qui l'avait fait sortir ?

11 M. Dordic (interprétation). - Oui, il nous l'a dit

12 immédiatement. De toute façon, nous pouvions voir que sa jambe avait été

13 brûlée. Il nous a dit que c'était Zenga qui l'avait fait.

14 M. Turone (interprétation). - Très bien. Y a-t-il eu d'autres

15 incidents encore au cours desquels des prisonniers auraient été maltraités

16 dans le hangar n° 6 ?

17 M. Dordic (interprétation). - Une fois, Zenga a passé la porte,

18 il s’est arrêté devant Momir Kuljanin et l'a fait sortir. Je ne sais pas

19 ce qu'il lui a fait, mais quand Momir Kuljanin est revenu, il avait une

20 blessure terrible, de cette taille, sur la main. Kuljanin se trouvait à

21 cinq ou six mètres de moi. Je peux vous montrer où il était assis. Il nous

22 a dit que Zenga avait chauffé un couteau sur une flamme et qu'il avait

23 obligé le prisonnier à tenir ce couteau par la lame.

24 M. Turone (interprétation). - Est-ce que M. Momir Kuljanin a

25 reçu des soins médicaux après cet incident, pour autant que vous le

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1 sachiez ?

2 M. Dordic (interprétation). - Non.

3 M. Turone (interprétation). - Avez-vous été personnellement

4 témoin d'autres sévices, en dehors de ceux que vous avez décrits

5 jusqu'ici ?

6 M. Dordic (interprétation). - Il y en a eu beaucoup, je pourrais

7 vous en décrire beaucoup. Chaque fois que Hazim Delic entrait dans le

8 hangar, il venait comme une grosse suie, il avait deux pistolets à la

9 ceinture, parfois il portait une tenue de camouflage, parfois il était

10 habillé en noir. Souvent, il entrait avec le doigt sur la gâchette. Une

11 fois il est entré avec le revolver en main et il a tiré une balle qui a

12 traversé le toit. Cette fois-là un morceau de la balle a touché d'abord

13 Kuljanin au front, Branko Mandic au doigt et Momcelo Mrkajic quelque part

14 dans le cou.

15 Il est a fait immédiatement sortir pour les emmener à

16 l'infirmerie chez le médecin. A l'infirmerie, on a retiré les éclats de

17 balle. Je ne l'ai pas vu, mais c'est ce qu'on m'a raconté, on a retiré les

18 éclats.

19 M. Turone (interprétation). - Avez-vous pu constater d'autres

20 incidents concernant d'autres prisonniers pendant que vous étiez au hangar

21 n° 6, en dehors de ceux déjà décrits ?

22 M. Dordic (interprétation). - Chaque fois qu'il venait au

23 hangar ?

24 M. Turone (interprétation). - Quand vous dites "chaque fois

25 qu'il venait", qui est ce "il" ?

Page 4629

1 M. Dordic (interprétation). - Chaque fois que Hazim Delic

2 entrait dans le hangar, il y venait cinq ou six fois par jour -je parle de

3 Delic- et presque chaque fois, il choisissait Nedeljko Samoukovic qui

4 était près du mur. Il lui ordonnait de se tourner et il le frappait. Il le

5 frappait à coup de pieds ou avec une batte de base-ball dans la zone

6 lombaire et aux parties génitales. Il le faisait presque tous les jours,

7 jusqu'à ce que Nedeljko soit transféré au mois de juillet au n° 9, ce

8 qu'on appelle le tunnel n° 9.

9 Plus tard, quand il a été ramené du tunnel n° 9, quand Nedeljko

10 Samoukovic a été transféré une nouvelle fois, le 31 août, Delic a continué

11 à faire cela de façon presque quotidienne.

12 M. Turone (interprétation). - Est-ce tout ce que vous pouvez

13 dire concernant des sévices infligés à d'autres prisonniers ou y a-t-il

14 d'autres incidents encore que vous pourriez décrire, sans entrer dans les

15 questions qui concernent des personnes qui sont mortes ?

16 M. Dordic (interprétation). - Tous les jours, il y avait des

17 incidents. Par exemple, une fois Landzo est entré, il allait d'un

18 prisonnier à l'autre et il est arrivé à la hauteur de Milivoj Gligorevic.

19 C'était à deux mètres ou 1,5 mètre de mois. Il lui a donné l'ordre de se

20 tourner le visage ver le mur, en position assise, et il a pris un soulier

21 et a ordonné à Boro Koprivica de le frapper avec cette chaussure.

22 Boro Koprivica, lorsqu'il avait été arrêté, souffrait de

23 blessures terribles et il avait du mal à garder l'équilibre. Il a commencé

24 à frapper légèrement ; l'autre lui a dit de frapper plus fort, a pris la

25 chaussure et commencé à frapper lui-même pour montrer comment il fallait

Page 4630

1 frapper. Après quelques temps, il lui a donné l'ordre d'arrêter.

2 Il y a eu d'autres cas comme celui-là. Par exemple, Zenga, une

3 fois, a fait sortir Danilo et Miso Kuljanin, père et fils et leur a donné

4 l'ordre de se lever et de se frapper l'un l'autre. Au départ, ils l'ont

5 fait légèrement et Zenga leur a donné l'ordre de frapper plus fort et ils

6 ont dû le faire. Cela a duré environ 10 minutes, ces coups réciproques.

7 Ensuite, Zenga Landzo a fait la même chose avec deux frères,

8 Vaso et Veso. Tout cela s'est passé à l'intérieur du hangar. Il leur a

9 aussi donné l'ordre de se mettre debout et de se frapper l'un l'autre, ce

10 qu'ils ont fait. Ces gifles mutuelles, ordonnées par Zenga, ont aussi été

11 imposées à deux cousins : Momir Mrkajic et Goran Mrkajic.

12 Cela s'est aussi passé avec deux autres personnes, Ristic, dont

13 je ne me souviens pas le prénom, et Kuljanin Roslav. Il y a eu d'autres

14 cas encore où des prisonniers, Dragan Bigorevic, par exemple, ont été

15 obligés de frapper. Certains ont refusé, Bigorevic a refusé de frapper en

16 disant : vous pouvez me frapper moi, mais moi, je ne le ferai pas.

17 M. Turone (interprétation). -Monsieur Dordic, savez-vous quelque

18 chose des circonstances dans lesquelles certains prisonniers sont décédés

19 à l'intérieur du camp ?

20 M. Dordic (interprétation). - Oui, je sais beaucoup de choses.

21 Par exemple, pour ce qui concerne la mort de Miso Kuljanin. C'était alors

22 la fête du Bajram, une fête musulmane et ils cherchaient une victime.

23 Zenga est entré, il a passé la porte et il a demandé un volontaire. Comme

24 Miso Kuljanin était connu comme volontaire, il s'est levé et est sorti.

25 Après quelques minutes, nous avons entendu un coup de feu, trois

Page 4631

1 prisonniers...

2 M. Turone (interprétation). - Poursuivez, je vous prie.

3 M. Dordic (interprétation). - Quelques minutes plus tard, trois

4 prisonniers qui utilisaient les toilettes à l'extérieur sont rentrés en

5 courant en nous montrant leurs mains.

6 M. Turone (interprétation). - Peut-être vaudrait-il mieux que

7 vous suiviez mes questions. Vous dites donc que vous avez entendu un coup

8 de feu tiré à l'extérieur. Est-ce exact ?

9 M. Dordic (interprétation). - Oui.

10 M. Turone (interprétation). - Après combien de temps avez-vous

11 entendu ce coup de feu tiré à l'extérieur, combien de temps après que

12 Milorad Kuljanin était sorti du hangar ?

13 M. Dordic (interprétation). - Ce pouvait être deux ou trois

14 minutes plus tard.

15 M. Turone (interprétation). - A quelle heure de la journée

16 environ cela s'est il passé ?

17 M. Dordic (interprétation). - Le matin, avant midi. Nous

18 n'avions pas de montre, donc nous nous fondions sur la lumière du jour

19 pour savoir l'heure.

20 M. Turone (interprétation). - Très bien. Avez-vous jamais revu

21 après Miso Kuljanin ?

22 M. Dordic (interprétation). - Non.

23 M. Turone (interprétation). - Pour autant que vous le sachiez,

24 d'autres prisonniers du hangar n° 6 étaient-ils à l'extérieur au moment où

25 vous avez entendu le coup de feu ?

Page 4632

1 M. Dordic (interprétation). - Oui, il y avait trois prisonniers.

2 M. Turone (interprétation). - Connaissez-vous personnellement

3 ces trois personnes ?

4 M. Dordic (interprétation). - Oui.

5 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous donner leur nom ?

6 M. Dordic (interprétation). - Momir Mrkajic, Janko Gotovac et

7 Zeljko Cecez, baptisé "l'espagnol" qui a été ce même jour dans la soirée.

8 M. Turone (interprétation). - Et ces trois personnes étaient des

9 prisonniers, tout comme vous, détenus au hangar n° 6, n'est-ce pas ?

10 M. Dordic (interprétation). - Oui.

11 M. Turone (interprétation). - Ces trois prisonniers sont-ils

12 revenus au hangar après le coup de feu que vous avez entendu ?

13 M. Dordic (interprétation). - Oui, ils sont entrés en courant et

14 ils nous ont montré avec leur main comme si une gâchette...

15 M. Turone (interprétation). - Un instant, Monsieur Dordic. Sont-

16 ils entré ensemble dans le hangar ?

17 M. Dordic (interprétation). - Oui, les trois sont entrés

18 ensemble.

19 M. Turone (interprétation). - Combien de temps après le coup de

20 feu sont-ils revenus ensemble dans le hangar ?

21 M. Dordic (interprétation). - Quelques secondes après, peut-être

22 deux minutes après.

23 M. Turone (interprétation). - Qu'ont fait ces personnes tout de

24 suite après être entrées dans le hangar ?

25 M. Dordic (interprétation). - Ils nous ont montré avec leur

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1 doigt que l'autre avait été tué. Il a été tué.

2 M. Turone (interprétation). - Etait-ce Janko Gotovac, Zeljko

3 Cecez et Momir Mrkajic qui vous faisaient ce signe ou était-ce l'un des

4 trois ?

5 M. Dordic (interprétation). - Les trois nous ont fait ce signe.

6 M. Turone (interprétation). - L'un d'entre eux vous a-t-il

7 jamais raconté plus précisément ce qui était arrivé à Kuljanin, comment et

8 par qui il avait été abattu ?

9 M. Dordic (interprétation). - Oui, ils l'ont raconté. Momir

10 Mrkajic m'a raconté l'histoire. C'était le meilleur ami de Miso Kuljanin.

11 M. Turone (interprétation). - Que vous a-t-il dit ?

12 M. Dordic (interprétation). - Il m'a dit que Kuljanin avait été

13 tué par Eso, connu également sous le nom de "Makaron".

14 M. Turone (interprétation). - Très bien.

15 Parlons encore de ce matin-là, la fin de cette matinée où Miso

16 Kuljanin a été abattu. Est-ce que Janko Glotovac, Momir Mrkajic et Zeljko

17 Cecez ont eu encore une occasion de sortir du hangar, après cet incident,

18 le même jour ?

19 M. Dordic (interprétation). - Après quelque temps. Eso Macic,

20 connu sous le nom de "Makaron" et Zenga sont arrivés à la porte et ils

21 cherchaient trois hommes. Ils sont sortis et ils sont revenus peu de temps

22 après.

23 M. Turone (interprétation) - A peu près à quel moment cela s'est

24 passé ?

25 M. Dordic (interprétation) - C'est difficile à dire, peut-être

Page 4634

1 deux heures après le meurtre. Comment dire combien de temps s'est passé si

2 on n'a pas de montre. Mais je sais que c'était le même jour.

3 M. Turone (interprétation) - Oui, c'est tout à fait

4 compréhensible. Vous dites donc que ces trois personnes sont restées à

5 l'extérieur pendant un certain temps. Pendant combien de temps croyez

6 vous ?

7 M. Dordic (interprétation) - A peu près dix 10 minutes à

8 l'extérieur.

9 M. Turone (interprétation) - L'un quelconque d'entre eux a-t-il

10 dit quelque chose tout de suite après être rentré dans le hangar ? L'un

11 quelconque d'entre eux a-t-il raconté ce qui venait de leur arriver alors

12 qu'ils étaient à l'extérieur et qu'ils y avaient passé dix minutes ?

13 M. Dordic (interprétation) - J'ai pris le risque de me faire

14 battre et je suis allé auprès de Momir Mrkajic. En effet, sa soeur est

15 aussi ma femme et je lui ai demandé ce qu'on lui avait demandé. Il m'a dit

16 qu'on leur avait demandé s'ils avaient vu quoi que ce soit. J'ai demandé :

17 "Qu'avez-vous dit ?" Momir et Janko ont dit qu'ils n'avaient rien vu et

18 Jelko a dit qu'il avait vu Eso Macic tuer Misa.

19 M. Turone (interprétation) - Après cela, y a-t-il eu d'autres

20 incidents le même jour ? Que s'est-il passé ?

21 M. Dordic (interprétation). - Dans la soirée, Zeljko Cecez.

22 Quelqu'un est venu à la porte. Il faisait déjà noir, mais nous pouvions

23 reconnaître Zenga grâce à sa voix. En effet, il a une voix particulière.

24 Dès que nous avons entendu sa voix, nous essayions de nous abriter,

25 sachant ce qui allait se passer. On l'a donc fait sortir, il est sorti et

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1 nous avons pu entendre des coups terribles.

2 M. Turone (interprétation) - On a fait sortir qui ?

3 M. Dordic (interprétation) - Zeljko Cecez. Zeljko Cecez est

4 sorti et nous avons entendu ces coups très forts et les gémissements de

5 Zeljko. Cela a duré pendant presque toute une heure. On ne peut pas

6 vraiment dire combien de temps, mais à peu près une heure. Il gémissait,

7 il pleurait, mais ils continuaient à le frapper ?

8 A un certain moment, la porte s'est ouverte, il faisait noir, il

9 a sans doute été poussé à l'intérieur. Nous avons continué à l'entendre

10 gémir. D'après sa voix, nous savions qu'il bougeait. Il est finalement

11 arrivé à sa place, celle qui lui avait été assignée. Il a commencé à

12 implorer pour avoir de l'eau, il a juré même, nous demandant de lui donner

13 de l'eau, mais aucun des prisonniers n'osait lui donner quoi que ce soit,

14 même si nous avions eu quelque chose à donner.

15 Après un certain temps, ses gémissements de douleur on cessé, et

16 le matin, lorsque le jour s'est levé, je l'ai vu juste devant moi, et j'ai

17 vu que Zeljko Cecez était allongé sur le ventre, qu'il était pieds nus,

18 qu'il n'avait rien sur les jambes. Il était allongé sur le ventre et il

19 avait la couleur jaune de la mort. Je pouvais voir qu'il ne bougeait pas,

20 et j'ai compris qu'il était mort.

21 Nous tremblions tous de peur, nous n'osions même pas regarder

22 car peu d'entre nous avaient eu des contacts avec la mort auparavant. Nous

23 avions peur du corps. Il est resté là, au milieu de nous pendant trois ou

24 quatre heures, peut-être même plus.

25 Nenad Cecez a demandé aux gardes que quelqu'un vienne et emporte

Page 4636

1 le corps. Le matin vers 9 ou 10 heures, c'est ce qui a été fait. Le corps

2 a été emmené et c'est la dernière fois que je l'ai vu lorsqu'il a été

3 emporté.

4 M. Turone (interprétation) - Monsieur Dordic, pendant combien de

5 temps avez-vous observé ce corps inerte dans le hangar ce matin-là ?

6 M. Dordic (interprétation). - Certainement quatre ou cinq

7 heures. Je ne sais pas exactement parce qu'il n'y avait pas.. mais il y

8 est resté longtemps.

9 M. Turone (interprétation) - Avez-vous pu voir par vous-même que

10 pendant ce temps-là le corps était absolument sans mouvement ?

11 M. Jan (interprétation) - Il l'a déjà dit.

12 M. Dordic (interprétation). - Oui..

13 M. Turone (interprétation) - Quelqu'un a-t-il donné l'ordre

14 d'enlever le corps ?

15 M. Dordic (interprétation). - Oui, Hazim Delic est arrivé et a

16 donné l'ordre à Nenad Cecez et à d'autres hommes de le sortir.

17 M. Turone (interprétation) - Cela a-t-il été la dernière fois

18 que vous avez vu le corps de cette personne ?

19 M. Dordic (interprétation). - Oui.

20 M. Turone (interprétation) - Bien. Avez-vous pu personnellement

21 voir un quelconque autre incident qui ait abouti au décès d'un

22 prisonnier ?

23 M. Dordic (interprétation). - Oui, il y en a eu pas mal. Le cas

24 suivant a concerné Scepo Gotovac. Ce Scepo Gotovac était un homme assez

25 âgé, aux alentours de 70 ans, peut-être même plus âgé.

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1 M. Turone (interprétation) - Excusez-moi, Monsieur Dordic,

2 pouvez-vous dire à peu près à quel moment cet incident s'est produit ?

3 M. Dordic (interprétation). - Je pense que cela devait être à la

4 fin du mois de juin, à peu près.

5 M. Turone (interprétation) - Bien, pouvez-vous poursuivre ?

6 M. Dordic (interprétation). - Scepo Gotovac se trouvait près de

7 la porte pendant la journée. Hazim Delic est arrivé, il avait un papier à

8 la main. Il a dit à Scepo Gotovac de se lever. Scepo s'est levé et la

9 lecture a commencé.

10 Il y était dit qu'en novembre 1942 ou 1943, je ne me souvins

11 pas-Scepo Gotovac avait tué deux musulmans exactement à l'endroit où se

12 trouvait le hangar et qu'il allait mourir au même endroit. L'autre a

13 assuré qu'il ne l'avait pas fait, mais personne ne l'a cru. On lui a donné

14 l'ordre de sortir, enfin Delic lui a donné l'ordre de sortir.

15 On a entendu dehors des coups sévères. Cela a duré une demi-

16 heure, peut-être plus. Il ne cessait de gémir et nous n'arrêtions pas

17 d'entendre le bruit des coups. A un certain moment, la porte s'est

18 ouverte, ils l'on jeté à l'intérieur du hangar et il s'est allongé.

19 M. Turone (interprétation) - Excusez-moi, avez-vous vu qui l'a

20 fait entrer dans le hangar ?

21 M. Dordic (interprétation) - Il est rentré à quatre pattes. Il

22 est resté allongé pratiquement sans mouvement, en ne cessant de gémir.

23 Dans le courant de la soirée-je l'ai reconnu à sa voix-Landzo

24 est arrivé. Il a ouvert la porte et il a dit à Scepo de sortir : "Allez,

25 Scepo, dehors !" L'autre a répondu : "Je ne peux pas, tue-moi sur place !"

Page 4638

1 Landzo a donné l'ordre à deux détenus de l'aider. Je crois que c'était

2 Novo Zelenovic et un autre. Novo Zelenovic, les premiers à côté de la

3 porte qui l'ont aidé à sortir.

4 A nouveau, nous avons entendu des coups très sévères et ses

5 gémissements, et au bout d'un certain temps, ses plaintes se sont tues. La

6 porte s'est ouverte, Zenga a donné l'ordre à deux détenus de sortir pour

7 l'emporter à l'intérieur du hangar ; c'est ce qu'ils ont fait.

8 A ce moment-là, nous n'avons pas vu dans quel état il était,

9 mais l'ordre a été donné de ne pas enlever ce qu'il avait sur le front.

10 Le matin est arrivé. Scepo Gotovac était allongé sur le dos, sans

11 mouvement. Il était couvert d'ecchymoses, le teint jaune. Il avait un

12 écusson sur le front, je crois que c'était un écusson du SDS qui lui était

13 accroché au front. Etait-il planté avec un clou ? Je ne sais pas et ce

14 jour là, je suis sorti pour aller uriner. Je l'ai vu, il se trouvait à un

15 mètre de moi environ.

16 Ce corps est resté là aussi. Nenad Cecez a à nouveau reçu

17 l'ordre de s'en occuper. Les gardes voulaient sortir le corps. Il a fini

18 par être emporté et c'est la dernière fois que je l'ai vu.

19 M. Turone (interprétation). - Monsieur, dites-moi, s’il vous

20 plaît, quelle était la position dans le hangar où Scepo Gotovac avait sa

21 place ?

22 M. Dordic (interprétation). - C'était le premier.

23 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez vu

24 son corps lorsque le lendemain matin, vous êtes sorti uriner. Est-ce

25 exact ?

Page 4639

1 M. Dordic (interprétation). - Oui.

2 M. Turone (interprétation). - A ce moment-là, avez-vous pu

3 observer le corps avec attention ? Pouvez-vous nous décrire comment cela

4 s'est passé ?

5 M. Dordic (interprétation). - Il était couvert d’ecchymoses,

6 tout bleu, tout jaune, ce mélange, comme un homme mort. Il était allongé

7 sans mouvement.

8 M. Turone (interprétation). - Est-ce à ce moment-là que vous

9 avez vu quelque chose sur son front ?

10 M. Dordic (interprétation). - Oui, il y avait un insigne. Je

11 crois que c'était l'insigne du SDS, le parti démocratique serbe, un

12 écusson comme cela.

13 M. Turone (interprétation). - Outre la possibilité que vous avez

14 eue de le voir de très près, lorsque vous êtes sorti uriner, est-ce que

15 vous avez eu la possibilité de voir le corps à partir de l'emplacement où

16 vous-même étiez assis ?

17 M. Dordic (interprétation). - Oui, oui.

18 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous avez pu constater

19 que le corps était resté sans mouvement pendant un laps de temps

20 important ?

21 M. Dordic (interprétation). - Oui.

22 M. Turone (interprétation). - Combien de temps avez-vous pu voir

23 ce corps sans mouvement ?

24 M. Dordic (interprétation). - Deux ou trois heures.

25 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous dire à quel moment le

Page 4640

1 corps a été emporté, à peu près ?

2 M. Dordic (interprétation). - Aux alentours de 8 heures, au plus

3 tard.

4 M. Turone (interprétation). - Est-ce que quelqu'un a donné

5 l'ordre d'emporter le corps ?

6 M. Dordic (interprétation). - Oui, Delic et les gardiens sont

7 arrivés et ont donné l'ordre d'emporter le corps. Ils l'ont demandé à

8 Nenad Cecez parce que chaque fois qu'un ordre était donné aux gardes, cela

9 passait par Nenad Cecez.

10 M. Turone (interprétation). - Et c'est la dernière fois que vous

11 avez vu le corps de cette personne. Est-ce bien exact ?

12 M. Dordic (interprétation). - Oui.

13 M. Turone (interprétation). - Bien merci. Est-ce que

14 personnellement vous avez assisté à un autre incident qui ait abouti à la

15 mort d'un prisonnier ?

16 M. Dordic (interprétation). - Deux ou trois jours après cet

17 incident avec Scepo Gotovac, une nuit nous avons entendu des plaintes à

18 l'extérieur. La porte s'est ouverte et nous nous sommes rendu compte que

19 quelqu'un était entré mais nous ne savions pas qui c'était. Moi je

20 connaissais Menza Milosevic personnellement.

21 Le lendemain matin, nous l'avons vu. Il était assis, à peu près

22 d'ailleurs à l'emplacement de Scepo Gotovac. Nous avons vu qu'il avait été

23 frappé. Il était allongé sur le sol, pratiquement sans mouvement et

24 couvert de bleus. Il y a passé toute la journée et le soir, Zenga est

25 arrivé, a ouvert la porte, s'est approché de Neso et lui a dit : "Allez

Page 4641

1 Neso, dehors !". Neso a dit qu'il ne pouvait pas sortir et Zenga a donné

2 l'ordre à deux détenus de le sortir, ce qu'ils ont fait.

3 A l'extérieur, un passage à tabac terrible a commencé. Nous

4 entendions les coups, nous entendions ses plaintes. Cela a duré vingt

5 minutes ou une demi-heure, mais après ce délai tout s'est arrêté, il n'y a

6 plus eu de bruit. La porte s'est refermée et je ne sais pas ce qui lui est

7 arrivé, mais le plus certain, c'est qu'il a été tué.

8 M. Turone (interprétation). - Y a-t-il eu d'autres incidents que

9 vous ayez personnellement observés et qui aient débouché sur le décès d'un

10 prisonnier ?

11 M. Dordic (interprétation). - Oui, Simo Jovanovic.

12 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à peu près à

13 quel moment cet incident s'est produit ?

14 M. Dordic (interprétation). - A la fin du mois de juin, début du

15 mois de juillet à peu près. Simo Jovanovic a reçu plusieurs fois l'ordre

16 de sortir le soir. D'habitude, c'est un de ses voisins, qui habitait le

17 même village, Adam Civocic, qui venait le plus souvent, accompagné de

18 Zenga.

19 Donc le gardien entrait et disait : "Allez voisin, viens avec

20 moi que je te dise quelque chose à l'extérieur". Et ils sortaient. On

21 entendait des cris terribles et puis des gémissements. Ensuite, il était

22 ramené à l'intérieur. Cela est arrivé au moins deux ou trois fois en dix

23 jours.

24 Et puis un jour, la porte s'est ouverte, Adam Civocic est entré,

25 s'est rapproché de Simo. Zenga est resté à la porte et a dit : "Allez

Page 4642

1 Simo ! sors !". Simo est sorti tant bien que mal. On a entendu des coups

2 très durs, ses plaintes, puis après quelque temps, la porte s'est

3 rouverte. Simo a sans doute reçu l'ordre de pénétrer à l'intérieur, il est

4 rentré tant bien que mal, il a atteint son emplacement.

5 Le soir, la nuit était déjà tombée, donc nous n'avons pas vu

6 comment il marchait. Nous savions à peu près où était son emplacement et

7 nous avons entendu ses grognements et gémissements : il demandait de

8 l'aide. Après un moment, tout s'est calmé et le matin, lorsque nous nous

9 sommes réveillés, nous avons vu que Simo était sans mouvement. Il était

10 allongé sur le sol, mort.

11 M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, je vous

12 demanderai de vous concentrer sur la dernière fois où Simo Jovanovic a

13 reçu l'ordre de sortir du hangar. Pouvez-vous dire à peu près à quelle

14 heure il a reçu l'ordre de sortir cette dernière fois ?

15 M. Dordic (interprétation). - Au moment où la lumière baisse, où

16 le jour naît (?)... Je ne sais pas exactement à quelle heure cela se

17 passe, mais je dirais aux alentours de 9 heures.

18 M. Turone (interprétation). - Lorsque Simo Jovanovic est revenu

19 dans le hangar, en cette dernière occasion, et a atteint son emplacement,

20 pouvez-vous me dire quel était d'ailleurs son emplacement par rapport au

21 vôtre dans le hangar ?

22 M. Dordic (interprétation). - Moi j'étais ici et lui était à peu

23 près là.

24 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous le

25 dire en mètres, à peu près ?

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1 M. Dordic (interprétation). - Si le hangar faisait 25 mètres, il

2 se trouvait à 12 ou 13 mètres de moi, peut-être un peu plus loin, la

3 moitié du hangar.

4 M. Turone (interprétation). - Donc il y a eu un moment, cette

5 nuit-là ou le matin, où vous avez pu observer nettement M. Jovanovic, ou

6 plutôt le corps de M. Jovanovic, avec une certaine attention ?

7 M. Dordic (interprétation). - Oui.

8 M. Turone (interprétation). - A quelle heure ?

9 M. Dordic (interprétation). - Le matin, au lever du jour, aux

10 alentours de 5 heures, peut-être un peu avant.

11 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire le corps

12 tel qu'il vous est apparu depuis votre emplacement ?

13 M. Dordic (interprétation). - Il était complètement jaune et

14 couvert d'ecchymoses pour les parties qui étaient visibles.

15 M. Turone (interprétation). - Est-ce que ce corps présentait le

16 moindre mouvement ou était-il totalement sans mouvement ?

17 M. Dordic (interprétation). - Sans mouvement.

18 M. Turone (interprétation). - Est-ce que le corps a été emporté

19 plus tard ?

20 M. Dordic (interprétation). - Deux ou trois heures plus tard

21 oui, à la demande de Nenad Cecez encore une fois. Ils sont venus et l'ont

22 emporté.

23 M. Turone (interprétation). - Donc combien de temps avez-vous

24 observé ce corps sans mouvement dans le hangar ce matin-là ?

25 M. Dordic (interprétation). - Deux ou trois heures.

Page 4644

1 M. Turone (interprétation). - Est-ce que quelqu'un a donné

2 l'ordre d'emporter le corps ?

3 M. Dordic (interprétation). - Oui.

4 M. Turone (interprétation). - Qui ?

5 M. Dordic (interprétation). - Delic.

6 M. Turone (interprétation). - Est-ce que c'est la dernière fois

7 que vous avez vu le corps de Jovanovic ?

8 M. Dordic (interprétation). - Oui.

9 M. Turone (interprétation). - Bien Monsieur Dordic. Est-ce que

10 personnellement vous avez pu voir un autre incident qui ait abouti à la

11 mort d'un prisonnier ?

12 M. Dordic (interprétation). - Des incidents liés à un décès ?

13 Oui, celui de Bosko Samoukovic. Je me rappelle exactement la date. Cela

14 s'est passé le 17 juillet, dans la matinée, après l'incident de l'armée

15 musulmane. A ce moment-là, nous n'arrêtions pas de subir des passages à

16 tabac collectifs. Ce jour-là, Zenga est entré et a donné l'ordre à tous

17 les habitants de Bradina de se lever, tous les Bradiniens comme il disait.

18 Nous nous sommes levés et à un moment un détenu, Nedo Gligorevic

19 a dit : "Il y en a qui ne se sont pas levés". L'autre a dit : "Qui ?".

20 Celui-là a montré du doigt Bosko Samoukovic. Zenga a donné l'ordre à tous

21 de se rasseoir et à Bosko de se lever. Il s'est approché de lui, à deux ou

22 trois mètres. Zenga a commencé à le frapper ensuite avec tout ce qui lui

23 est tombé sous la main. A un moment, il s'est approché de la porte et a

24 utilisé le manche de bois qui servait à bloquer la porte et qui faisait 5

25 ou 6 centimètres de large. Quelque chose comme 5 à 10 peut-être. Il s'est

Page 4645

1 penché sur son corps, et l’a frappé à un moment à la nuque. L'autre

2 apparemment a perdu conscience il a appelé alors un infirmier, un

3 prisonnier qui avait été infirmier, pour lui demander son aide il a essayé

4 de lui tirer la langue à l’extérieur de la bouche c'est ce qu'il nous a

5 dit.

6 Il n'a pas réussi. Alors, il a appelé des prisonniers qui l'ont

7 emporté à l'infirmerie. C'est tout ce que je sais.

8 M. Turone (interprétation). - M. Dordic, excusez-moi, combien de

9 temps a duré le passage à tabac de Bosko Samoukovic en cette occasion ?

10 M. Dordic (interprétation). - Vous savez, nous, quand cela nous

11 arrivait, nous avions l’impression que cela durait des heures, mais peut-

12 être que cela a duré une quinzaine de minutes, peut-être même moins.

13 M. Turone (interprétation). - Est-ce que Zenga a dit quoique ce

14 soit pendant qu'il frappait M. Samoukovic ?

15 M. Dordic (interprétation). - Il l'insultait.

16 M. Turone (interprétation). - Est-ce qu'un parent de

17 M. Samoukovic était également prisonnier dans le camp ?

18 M. Dordic (interprétation). - Ses deux fils, Nedeljko et

19 Milan Samoukovic. Nedeljko était tout près de lui et Milan un peu plus

20 loin. Un jour, Delic fumait, il s'est arrêté devant Nedeljko Samoukovic et

21 Samoukovic a demandé : "Est-ce que vous pouvez me dire, s'il vous plaît,

22 ce qui est arrivé à mon père ?" Delic lui a répondu : "Il est mort".

23 M. Turone (interprétation). - Bien, M. Dordic, est-ce que,

24 personnellement, vous avez observé la totalité ou une partie d'un

25 quelconque autre incident qui aurait débouché sur la mort d’une personne,

Page 4646

1 d’un prisonnier ?

2 M. Dordic (interprétation). - Au début du mois d’août, le soir,

3 mais il faisait encore jour, la porte s’est ouverte et à la porte se

4 tenaient Delic et Emir Kovacic, surnommé "Skemba". Klimenta a reçu l'ordre

5 de se manifester de la part de Emir Kovacic. Delic a demandé à Kovacic :

6 Qu'Est-ce que tu lui veux ?" et il a répondu : "Pour lui donner des

7 cigarettes" et Delic lui a répondu : "Tu n'auras pas besoin de le faire ce

8 matin. Il ne sera plus dans les parages." Alors, il a ajouté quelque chose

9 et il s'est dirigé vers Zeljko Klimenta et lui a lancé un paquet de

10 cigarettes et, puis, ils ont quitté le hangar. Le lendemain matin, dès le

11 lever du jour, vers cinq heures, je venais de me réveiller, un gardien est

12 arrivé et a dit à Keljo de sortir. Il a dit : "Viens avec moi, on va fumer

13 une cigarette." Keljo est sorti et Miodrag Kujundzic, surnommé "Garo", et

14 Nenad...

15 M. Turone (interprétation). - Excusez-moi, M. Dordic, est-ce que

16 vous connaissez personnellement ces deux autres hommes, Garo Kujundzic et

17 Nenad Cecez ?

18 M. Dordic (interprétation). - Oui, Nenad Cecez est un parent

19 éloigné et Garo Kujundzic était le gardien de but du club de football. Je

20 le connaissais de vue.

21 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous connaissez la

22 raison pour laquelle eux aussi sont sortis du hangar avec Klimenta ?

23 M. Dordic (interprétation). - Non, je ne sais pas. Tout ce que

24 je sais, c'est que Cecez circulait plus ou moins librement. Il pouvait

25 sortir chaque fois qu'il le voulait parce que c'était une espèce de Kapo

Page 4647

1 mis en place par Delic.

2 M. Turone (interprétation). - De toute façon, Klimenta est sorti

3 accompagné de ces deux hommes, et qu'avez vous entendu après cela ?

4 M. Dordic (interprétation). - Nous les avons entendu rire et, à

5 un certain moment, des coups de feu ont retenti. Immédiatement après les

6 coups de feu, la porte s'est ouverte dans le hangar et Garo Kujundzic a

7 couru pour pénétrer dans le hangar. Il se tenait la tête et il a dit :

8 "Ils ont tué Keljo." Nous lui avons dit : "Non ! Qui est-ce qui l’a tué ?"

9 Il a répondu : "C’est Padalovic qui l'a tué."

10 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous n'avez jamais eu

11 la possibilité de revoir Klimenta ?

12 M. Dordic (interprétation). - Non.

13 M. Turone (interprétation). - A peu près à quel moment de la

14 journée, cela s'est-il passé ?

15 M. Dordic (interprétation). - La même chose, aux alentours de

16 cinq heures.

17 M. Turone (interprétation). - Est-ce que l'un des deux hommes

18 que vous avez mentionnés, Garo Kujundzic ou Nenad Cecez, ne vous ont

19 jamais dit avec davantage de précision quel avait été le sort de Klimenta

20 et comment il se faisait qu'il était abattu ?

21 M. Dordic (interprétation). - Garo a simplement dit un jour que,

22 prétendument, il jouait avec un fusil, qu'il l'a mis contre la tempe de

23 l'autre, qu'il ne savait pas que la sécurité était enlevée et qu'il avait

24 juste tiré sur la gâchette.

25 M. Turone (interprétation). - Est-ce que c'est tout, est-ce

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1 qu’il n'y a pas eu d'autres décès que vous ayez observés outre ceux que

2 vous venez de décrire ?

3 M. Dordic (interprétation). - Non.

4 M. Turone (interprétation). - Monsieur Dordic, est-ce que vous

5 connaissiez Delic avant la guerre ?

6 M. Dordic (interprétation). - Oui.

7 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous expliquer comment vous

8 avez fait sa connaissance et quel était le rapport que vous aviez avec lui

9 si vous en aviez un ?

10 M. Dordic (interprétation). - Je ne le connaissais que de vue et

11 je connaissais son nom et son prénom, car il fréquentait la même école que

12 mon frère. Ils étaient à peu près de la même génération. Je sais qu'il a

13 terminé des études de serrurier à Igman, il a travaillé dans une

14 entreprise forestière comme serrurier dans l'atelier. Juste avant la

15 guerre, il a ouvert un atelier à son compte à Konjic et, là, je le voyais

16 régulièrement parce que j'allais dans le café de Boro Golubovic.

17 Avant la guerre, il a été un des premiers à Konjic à porter un

18 béret vert, ce qui était le signe ... Je ne sais pas si c'était le signe

19 d'appartenance à la ligue patriotique ou au groupe de bérets verts, mais

20 c'est tout ce que je sais. Je sais qu'il est marié, je sais d'où vient sa

21 femme, je sais qu'il a un fils Hazim. A ce moment-là, son fils avait

22 quatre ou cinq ans. Il l'a même emmené une fois dans le camp de Celebici.

23 Il a utilisé les mots suivants : "Hazim veut voir le Cetnik Goja" et ce

24 Goja Mrkajic était quelqu'un qui avait travaillé, qui travaillait avec lui

25 dans la même entreprise.

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1 M. Turone (interprétation). - Très bien, M. Dordic. Est-ce que

2 vous connaissiez M. Landzo avant la guerre ?

3 M. Dordic (interprétation). - La même chose, de vue seulement

4 parce que vous savez, moi, j'étais garçon de café et un garçon de café

5 dans un village est pratiquement au courant de tout. Je le connaissais

6 donc, mais je ne savais ni son nom ni son surnom. C'est seulement à

7 Celebici que j'ai appris qu'il s'appelait Landzo.

8 M. Turone (interprétation). - Quel rôle avez-vous vu tenir à

9 Delic dans le camp de Celebici ?

10 M. Dordic (interprétation). - Comme nous l'ont dit certains

11 gardiens qui étaient vraiment des gardiens, ils nous ont dit qu'il était

12 le suppléant du directeur, du commandant.

13 M. Turone (interprétation). - Avec quelle fréquence voyiez-vous

14 M. Delic à l'intérieur du camp ?

15 M. Dordic (interprétation). - Pratiquement trois fois par jour,

16 au moins, jusqu'au moment de son arrestation par les Musulmans qui a eu

17 lieu le 2 décembre 1992, et Hazim Delic et Zenga Landzo ont été

18 emprisonnés ensemble huit mois environ en 1994 dans la salle de sport de

19 Konjic avec moi et c'est là que moi, je distribuais la nourriture. J'ai

20 donc été plus bienveillant à leur égard qu'ils ne l'ont été à mon égard.

21 M. le Président (interprétation). - Je crois que l'on peut

22 interrompre l'audience maintenant.

23 M. Turone (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

24 M. le Président (interprétation). - De combien de temps

25 avez-vous encore besoin ?

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1 M. Turone (interprétation). - D'environ une demi-heure, peut-

2 être moins.

3 M. le Président (interprétation). - Nous reprendrons l'audience

4 à 14 heures 30.

5 L'audience est suspendue à 13 heures

6

7 L'audience est reprise à 14 heures 30.

8 M. le Président (interprétation) - Veuillez rappeler au témoin

9 qu'il est toujours sous serment.

10 M. le Greffier - Je vous rappelle que vous témoignez toujours

11 sous serment.

12 M. le Président (interprétation) - Maître Turone, veuillez

13 poursuivre.

14 M. Turone (interprétation) - Monsieur Dordic, savez-vous qui

15 était le commandant du camp de Celebici ?

16 M. Dordic (interprétation). - Le commandant du camp de Celebici

17 était Zdravko Mucic. Il était plus connu sous le nom de "Pavo".

18 M. Turone (interprétation) - Comment savez-vous cela ?

19 M. Dordic (interprétation) - Tous les gardiens, tous

20 l'écoutaient et quand il venait dans le camp à l'occasion des transferts

21 vers le centre de sport, c'est lui qui décidait qui allait partir et qui

22 allait rester de la part de certains gardiens.

23 M. Turone (interprétation) - Y a-t-il eu un moment où vous avez

24 vu M. Mucic dans le camp ?

25 M. Dordic (interprétation) - Oui, je l'ai vu cinq ou six fois.

Page 4651

1 M. Turone (interprétation) - A quel endroit avez-vous eu

2 l'occasion de le voir à l'intérieur du camp.

3 M. Dordic (interprétation) - Dans le hangar et une fois dans le

4 numéro 22, la fameuse infirmerie.

5 M. Turone (interprétation) - Vous souvenez-vous à quel moment

6 vous avez vu M. Mucic pour la dernière fois ? Au moins, pouvez-vous nous

7 dire le mois ?

8 M. Dordic (interprétation) - Je pense que c'était au mois de

9 juin. Il est entré, il a fait quelques pas, il ne s'est pas attardé. Il y

10 avait plusieurs personnes avec lui. Je pense que c'était Ivica Buric, un

11 gardien. Il portait une caméra et tournait. Ivica Buric à mon avis portait

12 la caméra.

13 M. Turone (interprétation) - Pouvez-vous nous dire quelles ont

14 été les autres occasions où M. Mucic est venu, et pour quelles raisons il

15 est venu ?

16 M. Dordic (interprétation) - La seconde fois, je ne me souviens

17 pas très bien. Etait-ce à la fin du mois de juillet ou au début du mois

18 d'août ? Il est entré avec Hazim Delic. Il est arrivé, s'est mis devant

19 moi et m'a demandé : "As-tu travaillé en motel ?"

20 J'ai répondu que oui. A l'époque j'avais le psoriasis. Les

21 conditions étaient vraiment abominables. Cette maladie de la peau s'était

22 étendue partout, sur les mains, sur le visage. Il m'a demandé : "Mais

23 enfin, à quoi ressembles-tu ?" Je lui ai dit : "Tu vois toi-même".

24 Hazim Delic a dit : "C'est le frère d'untel" Il a dit : "Peu

25 m'importe, ce n'est pas grave." Et il a continué.

Page 4652

1 M. Turone (interprétation) - Monsieur Mucic portait-il un

2 uniforme ?

3 M. Dordic (interprétation) - Oui.

4 M. Turone (interprétation) - Etait-ce à chaque occasion ? Vous

5 l'avez vu ?

6 M. Dordic (interprétation) - Oui.

7 M. Turone (interprétation) - Avez-vous eu une autre occasion de

8 vous adresser à M. Mucic, ou une autre occasion où M. Mucic vous a parlé ?

9 M. Dordic (interprétation) - Ce n'était qu'à ces occasions-là.

10 Une deuxième fois (le témoin se corrige)... la troisième fois quand je

11 l'ai vu, c'était le 21 août. Un groupe de détenus a été transféré du n° 9

12 au n° 6 et un groupe du n° 6 devait être transféré au centre de sport.

13 A ce moment-là, il y avait Zara Mrkajic avec lui qui venait à

14 peine d'arriver du 9, ils devaient être copains. Il devait décider quels

15 détenus allaient être à Konjic à la salle de sport. Ils choisissaient

16 certains et les envoyaient dehors. Finalement, ce fut mon tour. Il s'est

17 arrêté et à demandé à Zara : "Que va-t-on faire de lui ?", et Zara a

18 répondu : "Qu'il y aille" et il m'a dit de sortir dehors.

19 M. Turone (interprétation) - Monsieur Dordic, connaissiez-vous

20 M. Mucic avant la guerre ?

21 M. Dordic (interprétation) - Oui.

22 M. Turone (interprétation) - Pouvez-vous nous expliquer comment

23 vous l'avez connu et quel genre de relations vous aviez avec lui si vous

24 en aviez ?

25 M. Dordic (interprétation) - Je le connaissais depuis

Page 4653

1 certainement quinze ans. Nous n'étions pas vraiment proches, mais nous

2 avions bu un pot ensemble à plusieurs occasions, nous avions des amis en

3 commun (Golanda Miros par exemple). Celui-ci lui a demandé de me

4 transférer au centre de sport et de me libérer. Plus tard, quand j'ai vu

5 Golan Matzmiroslav, il m'a dit que cela n'avait pas été autorisé de la

6 part des musulmans et de la part de Zejnil Delalic.

7 M. Turone (interprétation) - D'accord. Monsieur Dordic, savez-

8 vous qui était le supérieur de M. Mucic ?

9 M. Dordic (interprétation) - C'était vraisemblablement Zejnil

10 Delalic.

11 M. Turone (interprétation) - Comment le savez-vous ?

12 M. Dordic (interprétation) - Par un concours de circonstances.

13 Je travaillais en motel de Konjic qui est à trente mètres de sa maison. Il

14 n'y a qu'un parking entre les deux bâtiments; J'ai travaillé à cet endroit

15 jusqu'au 19 avril.

16 Comme la crise a éclaté à ce moment-là, je voyais toujours des

17 fonctionnaires venir chez lui. Plus tard, j'ai appris de la part de

18 certains amis qu'il a été commandant du groupe tactique n° 1, comme un

19 rôle de coordinateur parce qu'il n'avait pas de connexion avec Sarajevo.

20 M. O'Sullivan (interprétation) - Objection, Monsieur le

21 président. Le témoin vient de dire qu'il a entendu cela de la bouche de

22 certains amis. Ce sont donc des informations de seconde main.

23 M. Turone (interprétation) - Pouvez-vous nous dire qui,

24 précisément, vous a parlé de cela, Monsieur Dordic.

25 M. Dordic (interprétation) - C'est quelqu'un qui était

Page 4654

1 commandant d'unité, un très bon copain à moi. J'aimerais mieux ne pas

2 citer son nom. Si j'étais obligé de donner son nom, je préférerais

3 l'écrire. Pour sa sécurité, j'aimerais mieux que son nom reste inconnu.

4 M. le Président (interprétation) - Pouvez-vous m'excuser un

5 instant. On pourrait peut-être poser cette question au témoin à huis clos,

6 si vous le permettez.

7 Il vous a dit ce que quelqu'un d'autre lui a dit.

8 M. Turone (interprétation) - Monsieur Dordic, avez-vous vu

9 Zejnil Delalic dans le camp ?

10 M. Dordic (interprétation) - Je l'ai vu une fois en juin-

11 juillet, à la mi-juin je pense. Il est arrivé dans un groupe de personnes,

12 il avait une sorte d'escorte. Il n'a pas passé beaucoup de temps là-bas.

13 Il disait quelque chose et ils se parlaient entre eux.

14 M. Turone (interprétation) - Où était-ce à l'intérieur du camp ?

15 M. Dordic (interprétation) - C'était dans le hangar n° 6.

16 M. Turone (interprétation) - Monsieur Dordic, vous avez évoqué

17 la visite de la Croix Rouge. Combien de fois y a-t-il eu des visites de la

18 Croix Rouge au camp ?

19 M. Dordic (interprétation) - A partir du mois d'août tous les

20 mois. Cela veut dire août, septembre, octobre, novembre et décembre.

21 M. Turone (interprétation) - Que se passait-il pendant, avant ou

22 après ces visites si quelque chose se passait ?

23 M. Dordic (interprétation) - Après la visite de la Croix Rouge,

24 on peut dire que la situation a été relativement modifiée. On nous a donné

25 le droit de sortir de A au soleil. C'était plus pénible qu'agréable, mais

Page 4655

1 on venait nous chercher devant le hangar. C'est Hazim Delic qui nous

2 faisait sortir, on enlevait nos chemises et on restait une demi-heure -

3 une heure, cela dépendait. Le gardien mettait la musique avec leurs chants

4 spirituels musulmans et on était obligés de crier des slogans.

5 Par exemple, on nous demandait : "Qui est le plus grand", et on

6 devait répondre : "C'est Hazim qui est le plus grand", ou l'on nous

7 demandait : Qui est le plus grand". Quand il y avait quelqu'un de très

8 connu, on devait répondre, c'est "C'est Smailo qui est le plus grand", ou

9 encore des salutations, je pense que ce sont des salutations fascistes,

10 tziganes ou des choses ainsi.

11 M. Turone (interprétation) - Monsieur Dordic, à quel moment

12 avez-vous quitté le camp de Celebici ?

13 M. Dordic (interprétation) - La première fois pour une brève

14 période le 21 août jusqu'au 31 août. C'était uniquement pour dix jours.

15 M. Turone (interprétation) - Et après

16 M. Dordic (interprétation) - Après mon retour, j'avais quitté

17 définitivement le 9 décembre quand le camp de Celebici a été

18 définitivement fermé, et j'ai été transféré au centre de sport de Musala à

19 Konjic.

20 M. Turone (interprétation) - Quand avez-vous été définitivement

21 libéré ?

22 M. Dordic (interprétation) - En fait, j'ai été échangé sur le

23 pont qui s'appelait à l'époque "le pont des combattants serbes", je pense,

24 de Gurbaviza le 6 octobre 1994 après 860 jours de détention.

25 M. Turone (interprétation) - Je vous remercie, Monsieur Dordic.

Page 4656

1 Monsieur le Président, l'interrogatoire principal est terminé.

2 M. le Président (interprétation) - Comment avez-vous organisé le

3 contre-interrogatoire ?

4 M. O'Sullivan (interprétation) - Avant de ce faire, Monsieur le

5 Président, à la fin de l'interrogatoire principal, j'ai élevé une

6 objection au fait que le témoin faisait un rapport des événements qui

7 étaient de seconde main. J'aimerais demander que le compte rendu page 75,

8 ligne 13 et page 76, ligne 20 soit expurgé.

9 M. le Président (interprétation) - Votre objection a été

10 retenue. Veuillez nous dire comment vous allez organiser le contre-

11 interrogatoire.

12 M. O'Sullivan (interprétation) - Très bien, l'ordre sera le

13 suivant. D'abord, M. Delic, ensuite M. Landzo, ensuite M. Mucic, et pour

14 terminer M. Delalic.

15 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, quelques

16 secondes si vous le voulez bien, que je m'installe. Puis-je commencer,

17 Monsieur le Président ?

18 M. le Président (interprétation) - Allez-y.

19 M. Moran (interprétation) - Bonjour, Monsieur.

20 M. Dordic (interprétation) - Bonjour.

21 M. Moran (interprétation) - Je m'appelle Tom Moran, je défends

22 Hazim Delic. Je vous poserai un certain nombre de questions. Je vous

23 demanderai d'écouter mes questions, et si vous ne comprenez pas une

24 question, vous pouvez m'arrêter et je peux vous poser la question de

25 manière plus claire. On évitera ainsi les malentendus entre nous.

Page 4657

1 Acceptez-vous que l'on procède ainsi ?

2 M. Dordic (interprétation) - Oui.

3 M. Moran (interprétation) - Autre chose : je vous demanderai

4 d'écouter mes questions et de vous contenter de répondre à la question

5 posée. Il y aura certainement beaucoup de questions auxquelles vous ne

6 pourrez répondre que par oui ou non. Acceptez-vous de procéder ainsi ?

7 M. Dordic (interprétation) - Oui, on peut faire comme cela.

8 M. Moran (interprétation) - Autre chose, Monsieur. Il y a deux

9 jeunes femmes ici. Vous les voyez toutes les deux. L'une est en face et

10 l'autre est en face du juge Jan.

11 Selon la procédure de ce Tribunal, elles sont obligées de

12 transcrire tout ce qui se dit ici. Si vous hochez simplement de la tête,

13 elles ne peuvent pas l'écrire. Dans ce cas-là, dites "oui". Pouvez-vous le

14 faire ainsi pour que les sténotypistes puissent tout noter ?

15 M. Dordic (interprétation) - Oui, j'ai compris.

16 M. Moran (interprétation) - D'accord. Merci beaucoup, Monsieur.

17 M. Dordic (interprétation) - De rien.

18 M. Moran (interprétation) - Permettez-moi de commencer par un

19 certain nombre de choses qui concernent l'époque où vous étiez à Bradina.

20 Quand vous faisiez partie de la défense de Bradina, pourriez-

21 vous dire à un juge à quoi ressemblait votre uniforme.

22 M. Dordic (interprétation). - C'étaient des vêtements civils.

23 M. Moran (interprétation). - Vous n'aviez pas une espèce de

24 bandeau ou de brassard qui pourrait indiquer à quelle unité vous

25 apparteniez ?

Page 4658

1 M. Dordic (interprétation). - C'étaient des vêtements civils.

2 M. Moran (interprétation). - Donc vous n'aviez pas d'insigne,

3 pas de brassard, rien de la sorte ?

4 M. Dordic (interprétation). - Non, non.

5 M. Moran (interprétation). - D'accord. Et l'arme que vous

6 aviez, d'où l'avez-vous eue ?

7 M. Dordic (interprétation). - Je l'ai eue par le marché noir,

8 avec de l'argent, vous voyez.

9 M. Moran (interprétation). - C'est comme cela que tout le monde

10 avait ces armes automatiques ? C'est comme cela qu'on les achetait ?

11 M. Dordic (interprétation). - Eh bien certains avaient des

12 fusils de chasse, de manière tout à fait légale. D'autres qui n'en avaient

13 pas, en achetaient. C'est normal.

14 M. Moran (interprétation). - Je voudrais que l'huissier montre

15 une série de photos et que vous regardiez ces photos et que vous nous

16 disiez si vous pouvez identifier une arme qui ressemble à celle que vous

17 aviez.

18 Il y a probablement des armes sur ces photos que vous n'avez

19 jamais vues. Il est tout à fait possible que l'arme que vous aviez ne

20 figure pas sur ces photos. Mais si vous pouvez regarder, dites-nous s'il y

21 en a une qui ressemble un peu plus à la vôtre.

22 Prenez tout votre temps.

23 M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas ce que c'est, je

24 n'ai jamais vu. Vous savez, moi j'étais cuisinier dans l'armée. Il y a

25 beaucoup d'armements que je n'ai jamais vus.

Page 4659

1 M. Moran (interprétation). - Vous savez, moi je suis avocat.

2 M. Dordic (interprétation). - Cela, je sais, c'est une

3 mitrailleuse, mais je ne sais pas à quel type.

4 M. Moran (interprétation). - Oui d'accord. Est-ce que cela

5 ressemble à ce que vous aviez ?

6 M. Dordic (interprétation). - Non.

7 M. Moran (interprétation). - D'accord. Regardez rapidement sur

8 ces photos et dites-nous s'il y en a une qui ressemble à celle que vous

9 aviez.

10 M. Dordic (interprétation). - Là non plus, je ne sais pas ce que

11 c'est comme arme, quel type d'arme.

12 M. Moran (interprétation). - Je suis sûr qu'il y a plusieurs

13 armes là-dedans que vous n'avez jamais vues, que ce soit des armes

14 nouvelles ou anciennes.

15 M. Dordic (interprétation). - Là je sais. C'est un fusil

16 automatique avec une crosse en bois. Cela, c'est une arme automatique.

17 M. Moran (interprétation). - D'accord. Cela vous pouvez mettre

18 de côté, et puis au verso des photos, vous verrez les nombres. Là, vous un

19 D quelque chose, le voyez-vous ?

20 M. le Président (interprétation). - Vous avez demandé pour le

21 type d'armes ?

22 M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous voyez le numéro ?

23 Est-ce que l'huissier pourrait nous le montrer ?

24 M. Dordic (interprétation). - C'est D15, n'est-ce pas ? D 15.

25 M. le Président (interprétation). - C'est la photo qui est

Page 4660

1 numéroté D15.

2 M. Moran (interprétation). - Oui, j'essaie de savoir quelle est

3 l'arme qu'il avait.

4 M. le Président (interprétation). - Lorsqu'il identifiera la

5 photo, nous examinerons le numéro qui se trouve derrière.

6 M. Moran (interprétation). - Oui, il a déjà identifié cette arme

7 comme étant celle qu'il avait.

8 M. Dordic (interprétation). - Je ne dis pas que c'est l'arme que

9 j'avais, mais c'était quelque chose comme cela.

10 M. Moran (interprétation). - Je suis sûr que ce n'est pas

11 exactement la même que vous aviez.

12 M. le Président (interprétation). - C'est ce que j'étais en

13 train de dire. Il n'a pas dit que c'était son arme, mais que cela

14 ressemble à son arme.

15 M. Moran (interprétation). - Oui, effectivement, Monsieur le

16 Président, c'est simplement le type d'arme que nous essayons d'identifier

17 maintenant. Nous pourrions peut-être placer la photo sur le

18 rétroprojecteur pour que la Chambre le voie.

19 Je crois que c'est l'arme sur laquelle le juge Odio-Benito avait

20 posé une question la dernière fois, s'agissant d'un fusil lance-grenades.

21 Je crois que cela a déjà été versé au dossier. Si tel n'était pas le cas,

22 je demanderais que cette photo soit maintenant versée au dossier.

23 M. le Président (interprétation). - Avez-vous demandé au témoin

24 si c'est bien le type d'arme qu'il avait ? A-t-il dit que oui ?

25 M. Moran (interprétation). - Oui, ce que dit le témoin, c'est

Page 4661

1 que le type d'arme est le même, n'est-ce pas ?

2 Vous êtes en train de nous dire que cette arme est semblable à

3 celle que vous aviez ?

4 M. Dordic (interprétation). - Non, je n'avais pas de lance-

5 grenades. J'avais simplement un fusil, mais qui ne lançait pas de

6 grenades.

7 M. Moran (interprétation). - Oui, je crois que cela est clair

8 maintenant et si la pièce n'a pas encore été versée au dossier, j'en

9 demande le versement maintenant.

10 Voulez-vous aussi examiner le reste des photos et voir s'il y a

11 d'autres types d'armes dans ces photos que vous reconnaissez que d'autres

12 gens à Bradina avaient, et laisser de côté pour l'instant cette première

13 photo ?

14 M. Dordic (interprétation). - Là, je ne sais pas ce que c'est.

15 Là je ne sais pas non plus. Cela je sais, c'est un fusil automatique. Il y

16 en avait comme cela. Cela je ne sais pas. Cela je ne sais pas. Cela je

17 sais.

18 M. Moran (interprétation). - Est-ce qu'il y avait d'autres

19 personnes qui portaient les mêmes armes que vous ? D'autres personnes de

20 Bradina qui avaient les mêmes armes que vous ?

21 M. Dordic (interprétation). - Eh bien oui.

22 M. Moran (interprétation). - Quant à ces trois photos que vous

23 avez mis de côté, il y avait d'autres personnes de Bradina qui avaient des

24 armes qui ressemblaient à celle-ci, outre vous ?

25 M. Dordic (interprétation). - Oui.

Page 4662

1 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais

2 qu'on montre ces photos sur le rétroprojecteur. Je voudrais verser au

3 dossier ces trois photos.

4 Monsieur, pourriez-vous les donner à l'huissier et voir quels

5 sont leur numéro ?

6 Combien y avait-il d'armes comme cela à Bradina, comme celle qui

7 est sur l'écran ? Y en avait-il beaucoup ou juste quelques unes ?

8 M. Dordic (interprétation). - Des armes comme cela, j'en ai vu

9 une seule, je n'en ai pas vu d'autre.

10 M. Moran (interprétation). - Vous savez qui avait une arme comme

11 ça ?

12 M. Dordic (interprétation). - Oui.

13 M. Moran (interprétation). - Et qui était-ce ?

14 M. Dordic (interprétation). - Zoran Dordic.

15 M. Moran (interprétation). - Zoran Dordic ?

16 M. Dordic (interprétation). - Oui.

17 M. Moran (interprétation). - Est-ce qu'on peut voir la photo

18 suivante ? Est-ce qu'il y en avait beaucoup comme ça à Bradina ?

19 M. Dordic (interprétation). - C'est de ce type-là qu'il y en

20 avait le plus, la plupart étaient comme ça.

21 M. Moran (interprétation). - Environ combien de personnes

22 portaient une arme comme cela ?

23 M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas, je ne connais pas

24 le nombre exact.

25 M. Moran (interprétation). - Oui, bien sûr, je suis sûr que vous

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1 ne les avez pas comptées.

2 M. Dordic (interprétation). - Oui.

3 M. Moran (interprétation). - Peut-on voir la troisième et

4 dernière photo ? Combien d'armes de ce type y avait-il ?

5 M. Dordic (interprétation). - Il y avait des fusils, mais pas

6 des fusils lance-grenades, et de toute façon pas beaucoup.

7 M. Moran (interprétation). - Très bien. Monsieur le Président,

8 l'huissier pourrait-il nous lire le numéro des photos qui se trouve

9 inscrit à l'arrière ? Cela nous fait pour l'instant trois photos, quatre

10 au total, y compris celle dont le témoin dit que c'était son arme, de

11 sorte que cela figure au compte rendu.

12 M. l'Huissier (interprétation). - D 15/1K.

13 M. Moran (interprétation). - D 15/1K.

14 M. l'Huissier (interprétation). - D 15/1L.

15 M. Moran (interprétation). - D 15/1L.

16 M. l'Huissier (interprétation). - D 15/1H.

17 M. Moran (interprétation). - D 15/1H.

18 M. l'Huissier (interprétation). - D 15/1H.

19 M. Moran (interprétation). - D 15/1H ? Cela fait deux photos qui

20 portent le n° D 15/1H ?

21 M. le Président (interprétation). - Je voudrais aussi que le

22 compte-rendu reflète que la dernière photo est celle qui représente le

23 type d'arme que le témoin dit avoir eu.

24 M. Dordic (interprétation). - Pas la dernière, la première

25 photo ! La première photo qui a été montrée sur le rétroprojecteur.

Page 4664

1 M. Moran (interprétation). - L'huissier a donné le numéro dans

2 l'ordre inverse.

3 M. Dordic (interprétation). - Très bien, très bien. Je vous

4 comprends.

5 M. le Président (interprétation). - Répétons si vous le voulez

6 bien.

7 M. Moran (interprétation). - La photo que montre maintenant

8 l'assistance juridique du greffe est bien celle de l'arme qu'avait le

9 témoin.

10 M. Dordic (interprétation). - Oui, oui.

11 M. le Greffier. - D 15/1H.

12 M. Moran (interprétation). - Je demande que soient versées les

13 quatre photos au dossier. Je crois l'avoir déjà demandé.

14 Monsieur le témoin, lorsque vous avez quitté Bradina après les

15 combats, vous avez laissé votre arme à Bradina, n'est-ce pas ?

16 M. Dordic (interprétation). - Oui.

17 M. Moran (interprétation). - Et lorsque vous avez été interrogé

18 au camp et que vous avez montré le chemin à ces policiers du MUP pour

19 retrouver l'arme, ceux-ci avaient une liste avec le numéro de série des

20 armes, de sorte qu'ils pouvaient vérifier si vous retrouviez l'arme qui

21 était la vôtre, n'est-ce pas ?

22 M. Dordic (interprétation). - Ils n'avaient pas de liste, ils

23 m'ont demandé : "Pouvez-vous vous souvenir du numéro de série de votre

24 arme ?" J'ai noté qu'il y avait un numéro de série. J'ai dit "oui", je

25 l'ai donné et ils ont trouvé l'arme.

Page 4665

1 M. Moran (interprétation). - Monsieur, je repasse rapidement en

2 revue mes notes. Arrêtez-moi si je me trompe. Si je me souviens bien de ce

3 que vous avez dit lors de l'interrogatoire principal, vous avez dit que

4 l'on a vérifié quelque chose pour s'assurer que c'était bien votre arme.

5 M. Dordic (interprétation). - Oui, ils ont vérifié. Je leur ai

6 donné le numéro. Ils l'ont comparé au numéro là, c'est ainsi que cette

7 comparaison a été faite et je crois que cela avait été clair.

8 M. Moran (interprétation). - Ce n'était pas tout à fait. Je

9 vous remercie de le préciser maintenant. Soit dit en passant, combien de

10 cartouches aviez-vous pour cette arme ?

11 M. Dordic (interprétation). - J'avais cinq chargeurs, ce qui

12 veut dire au total 150 cartouches.

13 M. Moran (interprétation). - Donc cinq fois trente ?

14 M. Dordic (interprétation). - Oui.

15 M. Moran (interprétation). - Je voudrais passer à une autre

16 série de questions à la suite de ce que vous avez dit lors de

17 l'interrogatoire principal.

18 Après votre arrestation, vous avez été emmené dans un camion. Le

19 voyage a duré à peu près une heure. Vous avez été frappé durant ce trajet

20 en camion. Vous vous souvenez d'avoir dit cela ?

21 M. Dordic (interprétation). - Oui.

22 M. Moran (interprétation). - Si je me souviens bien, vous dites

23 que votre tête ou votre nez a été fracturé, est-ce correct ?

24 M. Dordic (interprétation). - Non, pas le nez. J'ai eu l'oreille

25 coupée avec un couteau et j'étais couvert d'ecchymoses. J'étais tout bleu

Page 4666

1 et noir. C'est cela que j'ai dit.

2 M. Moran (interprétation). - Très bien. Monsieur, pendant que

3 j'examine mes notes, je voudrais en profiter pour vous remercier d'être

4 aussi coopérant et de répondre à ces questions de façon aussi directe que

5 vous le faites.

6 Je vais passer à une autre série de questions. Vous avez dit

7 lors de l'interrogatoire principal, d'après mes notes, que à un certain

8 moment, M. Landzo vous a frappé avec une batte de base-ball. Vous vous

9 souvenez d'avoir dit cela ?

10 M. Dordic (interprétation). - Oui.

11 M. Moran (interprétation). - Vous souvenez-vous avoir parlé d'un

12 autre prisonnier qui a compté les coups qui étaient au nombre de 250 ?

13 M. Dordic (interprétation). - Oui.

14 M. Moran (interprétation). - Et ce nombre de 250 est-il une

15 bonne approximation des coups ?

16 M. Dordic (interprétation). - Oui, environ.

17 M. Moran (interprétation). - Il vous frappait très fort, n'est-

18 ce pas ?

19 M. Dordic (interprétation). - Oui.

20 M. Moran (interprétation). - Sur le dos et sur les jambes ?

21 M. Dordic (interprétation). - Oui, à partir des genoux jusque

22 sous les bras.

23 M. Moran (interprétation). - A l'arrière dans le dos ou devant ?

24 M. Dordic (interprétation). - Non, ici, ici, ici et jusque là,

25 et sur les côtés.

Page 4667

1 M. Moran (interprétation). - Ce n'était donc pas dans le dos,

2 mais sur les côtés ?

3 M. Dordic (interprétation). - Oui.

4 M. Moran (interprétation). - Avez-vous eu des os cassés ?

5 M. Dordic (interprétation). - Quand j'ai été échangé, on m'a

6 fait des radios et on a constaté que j'avais eu une côte fracturée, mais

7 cela n'a pas été constaté sur le moment.

8 M. Moran (interprétation). - Il y a eu une autre occasion où

9 vous avez été frappé avec une batte de base-ball une ou deux fois. Vous

10 vous souvenez d'avoir dit cela ? C'était où ?

11 M. Dordic (interprétation). - C'était par quelqu'un d'autre, ce

12 n'était pas Landzo qui me frappait cette fois-là.

13 M. Moran (interprétation). - Mais vous avez parlé d'une batte de

14 base-ball et vous avez dit que vous avez été frappé une ou deux fois. Où

15 ces coups vous ont-ils été donnés ?

16 M. Dordic (interprétation). - Sur les fesses.

17 (M. Moran illustre le propos du témoin d'un geste.)

18 M. Dordic (interprétation). - En bas.

19 M. Moran (interprétation). - Oui, sur une partie charnue, je

20 dirais.

21 M. Dordic (interprétation). - Oui.

22 M. Moran (interprétation). - Pourrait-on me passer cette batte ?

23 Est-ce que l'objet qui a été utilisé contre vous ressemblait à ceci ?

24 M. Dordic (interprétation). - Oui.

25 M. Moran (interprétation). - Pourrait-on enregistrer cette pièce

Page 4668

1 et la faire verser au dossier ? Et pour le compte rendu,...

2 M. le Président (interprétation). - Cela ressemblait à cette

3 batte.

4 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je peux vous

5 affirmer que cette batte n'a jamais été en Yougoslavie et, pour le compte

6 rendu, il s'agit d'une batte de base-ball américaine.

7 M. Turone (interprétation). - Monsieur le Président, j'objecte

8 au versement de cette pièce au dossier. Tout le monde sait très bien ce

9 qu'est une batte de base-ball.

10 M. Jan (interprétation). - (Hors micro)

11 M. Moran (interprétation). - Excusez-moi de ne pas l'avoir fait,

12 cela m'a complètement échappé jusqu'ici. Je m'en excuse. J'aurais dû

13 donner une photo ou permettre l'examen de cela.

14 M. Turone (interprétation). - Cette batte de base-ball est la

15 pièce combien ? Quel est le numéro de la pièce ?

16 M. le Greffier. - C'est la pièce D6/3.

17 M. Moran (interprétation). - C'est un objet similaire à la batte

18 de base-ball qui a été utilisé contre vous à Celebici ?

19 M. Dordic (interprétation). - Vous savez, je n'avais jamais vu

20 ce type de batte de base-ball avant, mais on disait que c'était une batte

21 de base-ball.

22 M. Moran (interprétation). - Quand vous dites que vous n'avez

23 jamais vu ce type de batte de base-ball avant, vous venez de dire il y a

24 deux minutes que cette pièce que j'ai exhibée ressemblait à celle avec

25 laquelle vous avez été battu.

Page 4669

1 M. Dordic (interprétation). - Non, jamais auparavant, je n'avais

2 été battu avec une batte. A ce moment-là, je ne savais pas ce que c'était,

3 c'est plus tard que quelqu'un m'a dit que c'était une batte de base-ball.

4 M. Moran (interprétation). - Pour être très franc, le base-ball

5 n'est pas un sport très populaire en Yougoslavie, n'est-ce pas ?. Ce n'est

6 pas le passe-temps favori des Yougoslaves ?

7 M. le Président (interprétation). - Pourquoi ne lui demandez-

8 vous pas de décrire la batte qui a été utilisée contre lui au camp ?

9 Posez-lui cette question.

10 M. Dordic (interprétation). - C'était quelque chose qui

11 ressemblait à ceci. La couleur était plutôt orange.

12 M. Moran (interprétation). - Mais cela ressemblait à cette pièce

13 que j'ai montrée ?

14 M. le Président (interprétation). - C'est ce qu'il est en train

15 de dire.

16 M. Dordic (interprétation). - Oui.

17 M. Moran (interprétation). - Il y a un petit peu de confusion

18 ici.

19 Vous avez parlé d'un autre incident -et je m'approche ici de la

20 fin-, M. Delic est entré dans le hangar et a tiré un coup de fusil

21 accidentellement. Vous vous souvenez avoir dit cela ?

22 M. Dordic (interprétation). - Oui.

23 M. Moran (interprétation). - Vous conviendrez avec moi que

24 c'était un coup de feu accidentel ?

25 M. Dordic (interprétation). - Je n'en sais rien, je ne sais pas

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1 si le coup a été tiré par accident ou si c'était intentionnel.

2 M. Moran (interprétation). - Mais il a tiré vers le plafond ?

3 M. Dordic (interprétation). - Oui.

4 M. Moran (interprétation). - Certaines personnes ont été

5 touchées par des éclats de cette balle.

6 M. Dordic (interprétation). - Oui.

7 M. Moran (interprétation). - Si je me souviens bien de votre

8 déposition, vous avez dit que M. Delic a immédiatement organisé des soins

9 pour ces personnes, n'est-ce pas ?

10 M. Dordic (interprétation). - Oui. J'ai dit qu'il avait

11 personnellement emmené ces trois personnes à l'infirmerie où se trouvait

12 le médecin.

13 M. Moran (interprétation). - J'ai encore deux ou trois choses où

14 vous pouvez m'aider, ou peut-être pas. A un moment donné, au tout début de

15 votre séjour à Celebici, vous souvenez-vous d'un incident où il y aurait

16 eu des couvertures, mais pas assez, et qu'elles aient été partagées entre

17 les gens qui étaient là ? Vous rappelez-vous cet incident ?

18 M. Dordic (interprétation). - Cela s'est passé à peu près un

19 mois après notre arrivée à Celebici. Certains ont commencé à recevoir des

20 couvertures, certains en avaient, d'autres dormaient sur le béton, nus. Il

21 s'est avéré qu'Hazim nous a pris en pitié et qu'il a déchiré les

22 couvertures en morceau pour que chacun en ait une partie. Mais cela ne

23 s'est passé que plus tard. C'était des couvertures minces.

24 M. Moran (interprétation). - Encore une question rapide et je

25 crois que j'en aurai terminé. Vous avez dit que vous aviez été cuisinier

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1 dans l'armée lorsque vous aviez fait votre service militaire.

2 M. Dordic (interprétation). - Oui.

3 M. Moran (interprétation). - Donc vous étiez sans doute familier

4 d'installations militaires destinées à héberger une grande quantité de

5 gens, n'est-ce pas ?

6 M. Dordic (interprétation). - Non, au contraire, j'ai fait mon

7 service militaire sur un bateau et il n'y avait que vingt soldats qui

8 servaient sur ce bateau. C'est dans la Marine que j'ai fait mon service.

9 M. Moran (interprétation). - Il semble que votre service ait été

10 très similaire à celui de mon père. Après cette réponse, je ne peux que

11 vous remercier et laisser le tour à mon confrère.

12 M. Jan (interprétation). - Votre père a eu un service

13 intéressant dans la Marine ?

14 M. Moran (interprétation). - Mon père était dans l'armée, mais

15 je pense que ce qu'il a fait de plus durant la deuxième guerre mondiale,

16 c'était de se balader avec un jeu de cartes à jouer pour jouer au poker.

17 M. le Président (interprétation). - Merci.

18 M. Ackerman (interprétation). - Puis-je commencer ?

19 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

20 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais d'abord signaler au

21 greffe que j'aurai besoin de plusieurs pièces. Tout d'abord, les photos

22 que j'ai mentionnées hier, photos tirées de la bande de la télévision de

23 Belgrade. Puis, deuxième pièce dont j'aurai besoin, la première pièce que

24 l'accusation a fait verser au dossier pour le présent témoin, à savoir le

25 dessin qui indique où ce témoin a été placé dans le hangar n° 6.

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1 Très bien. Bon après-midi Monsieur Dordic, comment allez-vous ?

2 M. Dordic (interprétation). - Bon après-midi, merci.

3 M. Ackerman (interprétation). - Je m'appelle John Ackerman et je

4 représente M. Esad Landzo dans cette affaire. Je n'ai sans doute pas

5 beaucoup de questions à vous poser, mais je voudrais simplement demander,

6 comme l'a déjà fait M. Moran, que vous écoutiez attentivement ma question

7 et que vous essayiez d'y répondre de façon précise pour que tout ceci se

8 passe rapidement.

9 M. Dordic (interprétation). - Oui.

10 M. Ackerman (interprétation). - Très bien. Avant de venir ici

11 déposer, vous avez eu l'occasion de discuter de ce qui vous était arrivé

12 après le 12 mai 1992, votre expérience de Bradina, votre fuite de Bradina,

13 ce qui vous est arrivé au camp de Celebici et ensuite, n'est-ce pas ?

14 M. Dordic (interprétation). - Très rarement, et je n'aime pas en

15 parler, car cela me rappelle des souvenirs pénibles. On m'a demandé de le

16 faire et je ne sais même pas comment j'ai été choisi pour venir ici.

17 M. Ackerman (interprétation). - J'ai raté la première partie

18 d'interprétation parce que la sélection du canal avait été modifiée.

19 Pourriez-vous répéter s'il vous plaît pour que j'entende ? Ah ! Je vois

20 ici sur l'écran. Ce que je veux savoir, en fait, c'est si vous avez jamais

21 parlé avec qui que ce soit d'autre de ces événements avant de vous trouver

22 assis ici dans le prétoire et d'en parler aux juges, où que ce soit et

23 avec qui que ce soit.

24 M. Dordic (interprétation). - Trois fois.

25 M. Ackerman (interprétation). - Pourriez-vous me dire où ces

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1 trois fois ont eu lieu ?

2 M. Dordic (interprétation). - En 1995, j'en ai parlé à quelqu'un

3 du comité des crimes de guerre à Belgrade. C'était à Hadzici. Je ne sais

4 pas comment ils m'ont trouvé. Ils m'ont demandé de témoigner et ils m'ont

5 convaincu que rien ne serait divulgué, que rien ne serait rendu public.

6 C'est à ce moment-là que j'ai accepté de témoigner.

7 La deuxième fois, j'ai été informé en février 1996 qu'il y avait

8 des enquêteurs du Tribunal de La Haye qui s'intéressaient à moi et qui

9 souhaitaient recueillir une déposition. J'ai accepté cela.

10 La troisième fois, c'était en novembre 1996, à Belgrade. Encore

11 une fois, j'en ai parlé alors aux enquêteurs du Tribunal de La Haye.

12 M. Ackerman (interprétation). - Et j'imagine que, depuis que

13 vous êtes arrivé ici, vous avez discuté de votre déposition avec des

14 représentants du bureau du Procureur ?

15 M. Dordic (interprétation). - Oui, cela me paraît normal.

16 M. Ackerman (interprétation). - A moi aussi. S'agissant de

17 l'entretien de 1995, était-ce un témoignage dans la mesure où vous auriez

18 prêté serment et où cette déposition aurait été consignée, aurait fait

19 l'objet d'un procès-verbal ?

20 M. Dordic (interprétation). - Non, on a simplement tapé ce que

21 je disais.

22 M. Ackerman (interprétation). - Et c'est là une déclaration dont

23 on vous a donné lecture et que vous avez signée ?

24 M. Dordic (interprétation). - Il n'a pas été nécessaire de

25 relire la déclaration. J'avais entendu tout ce qui avait été et tapé. J'ai

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1 donc simplement signé.

2 M. Ackerman (interprétation). - Vous a-t-on posé des questions

3 ou avez-vous fait une déclaration qui a été transcrite ?

4 M. Dordic (interprétation). - J'ai fait une déclaration. On ne

5 m'a pas posé de questions.

6 M. Ackerman (interprétation). - Et avez-vous un exemplaire de

7 cette déclaration ?

8 M. Dordic (interprétation). - Non.

9 M. Ackerman (interprétation). - C'est la dernière fois que vous

10 avez vu cette déclaration ?

11 M. Dordic (interprétation). - Je ne l'ai jamais vue après cela.

12 M. Ackerman (interprétation). - Après ce jour, ou quand était-ce

13 en 1995 ? Vous souvenez-vous ?

14 M. Dordic (interprétation). - C'était la deuxième moitié,

15 septembre octobre. Je ne sais pas exactement quand.

16 M. Ackerman (interprétation). - Et pouvez-vous nous faire une

17 description plus précise de cette organisation qui a recueilli cette

18 déclaration auprès de vous. Vous avez parlé d'un comité des crimes de

19 guerre. Pouvez-vous nous décrire ? Avez-vous des noms par exemple ?

20 M. Dordic (interprétation). - Il s'est présenté à moi comme

21 étant le représentant du comité des crimes de guerre, quelque chose dans

22 ce genre, rien d'autre.

23 M. Ackerman (interprétation). - Vous souvenez-vous du nom ?

24 M. Dordic (interprétation). - Non.

25 M. Ackerman (interprétation). - Je vais demande à l'huissier de

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1 vous montrer les photographies qui ont été versées au dossier à titre de

2 moyens de preuve. Je crois qu'il y en a quatre... ou trois. C'est tout.

3 Veuillez les placer sur le rétroprojecteur.

4 Je voudrais que vous examiniez chacune de ces photos et que vous

5 nous disiez simplement si vous avez jamais rencontré ou vu la personne

6 photographiée ? Nous verrons l'image à l'écran dès que l'appareil

7 fonctionnera.

8 M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas... Peut-être à la

9 télévision. Personnellement non, à la télévision peut-être, par hasard.

10 M. Ackerman (interprétation). - Très bien. La deuxième photo si

11 vous le voulez bien !

12 M. Dordic (interprétation). - Oui, je connaissais Ducisa Bojic,

13 c'est la secrétaire de l'Association des détenus en 1991.

14 M. Ackerman (interprétation). - Combien de fois l'avez-vous

15 rencontrée ?

16 M. Dordic (interprétation). - Deux ou trois fois.

17 M. Ackerman (interprétation). - Lui avez-vous jamais parlé de ce

18 qui vous était arrivé à Celebici, avant et après ?

19 M. Dordic (interprétation). - Non.

20 M. Ackerman (interprétation). - Etes-vous membre de

21 l'Association des détenus ?

22 M. Dordic (interprétation). - Oui.

23 M. Ackerman (interprétation). - Est-il vrai que pour devenir

24 membre de cette association il faut lui donner une déclaration reprenant

25 ce qui vous est arrivé ?

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1 M. Dordic (interprétation). - Je n'en sais rien, je n'ai pas

2 fait de déclaration et je suis pourtant membre de cette association.

3 M. Ackerman (interprétation). - Savez-vous si, oui ou non, la

4 déclaration que vous avez faite en 1995 à Belgrade était destinée à ce

5 groupe ?

6 M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas. J'en doute.

7 M. Ackerman (interprétation). - Ou était-ce à Belgrade que cette

8 déclaration a été recueillie par le Comité des crimes de guerre, quel que

9 soit son nom ? Où était-ce ?

10 M. Dordic (interprétation). - Pas à Belgrade, à Hadzici. J'ai

11 dit à Hadzici, je ne sais pas si j'ai été clair.

12 M. Ackerman (interprétation). - Oui, c'est sans doute ma faute.

13 Où était-ce à Hadzici ? Quel genre de bureau, d'installation était-ce ?

14 M. Dordic (interprétation). - C'est une petite ville. Hadzici

15 est une petite ville qui se trouve vers la municipalité de ce qui est

16 aujourd'hui la Sarajevo serbe et j'ai fait cette déclaration au poste de

17 police.

18 M. Ackerman (interprétation). - Comment se fait-il que vous

19 soyez allé là ? Qui vous a demandé d'y aller ?

20 M. Dordic (interprétation). - Un policier est venu me chercher,

21 un membre du MUP, je ne le connaissais pas.

22 M. Ackerman (interprétation). - Je crois que vous nous avez déjà

23 dit que vous ne saviez pas comment il vous avait trouvé, ou comment il

24 savait que vous pouviez faire une déclaration ? Est-ce que je me trompe ?

25 M. Dordic (interprétation). - Je n'ai jamais pris contact avec

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1 qui que ce soit, donc je n'en ai aucune idée.

2 M. Ackerman (interprétation). - La photo que vous regardiez à

3 l'instant est cette femme que vous dites avoir rencontrée trois fois.

4 Quand lui avez-vous parlé pour la dernière fois ?

5 M. Dordic (interprétation). - Il y a peut-être dix jours, j'ai

6 demandé de l'aide, j'ai demandé des vêtements.

7 M. Ackerman (interprétation). - Très bien. Je voudrais

8 maintenant vous montrer la troisième photo pour voir si vous reconnaissez

9 cette personne.

10 M. Dordic (interprétation). - Oui, je la connais.

11 M. Ackerman (interprétation). - Pour le compte rendu, de qui

12 s'agit-il ?

13 M. Dordic (interprétation). - Il s'agit du Dr Milovoje à

14 Bjelica. C'est aussi un compatriote.

15 M. Ackerman (interprétation). - Et quand avez-vous parlé à ce

16 Monsieur pour la dernière fois ?

17 M. Dordic (interprétation). - Jamais.

18 M. Ackerman (interprétation). - Vous ne lui avez jamais parlé ?

19 M. Dordic (interprétation). - Non, jamais, jamais.

20 M. Ackerman (interprétation). - Mais vous le reconnaissez, vous

21 savez qui c'est, n'est-ce pas ?

22 M. Dordic (interprétation). - Oui, je le connais

23 personnellement, parce que nous sommes du même coin.

24 M. Ackerman (interprétation). - Vous le connaissez

25 personnellement parce que vous êtes du même coin, mais vous ne lui avez

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1 jamais parlé ?

2 M. Dordic (interprétation). - Non.

3 M. le Président (interprétation). - Je pensais que vous lui

4 parliez de ces questions. C'est cela la question à poser.

5 M. Ackerman (interprétation). - De quoi que ce soit.

6 M. le Président (interprétation). - Le rencontrer et lui

7 parler.

8 M. Ackerman (interprétation). - Avez-vous jamais parlé à cette

9 personne de quoi que ce soit ?

10 M. Dordic (interprétation). - Non, non.

11 M. Ackerman (interprétation). - Connaissez-vous une personne qui

12 s'appelle Peter Afiodorov ?

13 M. Dordic (interprétation). - Je pense que c'est le président de

14 l'Association des détenus.

15 M. Ackerman (interprétation). - Le connaissez-vous ?

16 M. Dordic (interprétation). - Je ne l'ai vu qu'une fois.

17 M. Ackerman (interprétation). - Lui avez-vous parlé ?

18 M. Dordic (interprétation). - Pour des choses personnelles.

19 M. Ackerman (interprétation). - Quand lui avez-vous parlé pour

20 la dernière fois.

21 M. Dordic (interprétation). - Je demandais de l'argent.

22 M. Ackerman (interprétation). - Il y a longtemps ?

23 M. Dordic (interprétation). - En mars ou en février de cette

24 année.

25 M. Ackerman (interprétation). - Bien.

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1 Combien de fois vous êtes-vous rendu dans les bureaux de

2 l'Association des anciens détenus ?

3 M. Dordic (interprétation). - Deux ou trois fois, justement avec

4 Dusica Bojic.

5 M. Ackerman (interprétation). - Bien. Je vais changer de thème

6 maintenant. Je vais parler de la bataille de Bradina. Je voudrais que nous

7 retournions à la fin de 1991, début de 1992. En réponse à l'interrogatoire

8 principal, vous avez parlé d'un certain nombre de choses qui ont commencé

9 à se produire en 1991 et se sont poursuivies en 1992. Entre autres choses,

10 fin 1991 - début 1992, vous avez commencé à entendre parler des conflits

11 militaires qui se développaient dans toute la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce

12 pas ?

13 M. Dordic (interprétation). - Oui.

14 M. Ackerman (interprétation). - Il y avait des conflits en cours

15 dans d'autres villages en dehors de l'opcina de Konjic ?

16 M. Dordic (interprétation). - Bien sûr, le plus près, c'était

17 Mostar. Vous parlez de 1991 ?

18 M. Ackerman (interprétation). - Et vous avez appris cela dans

19 des conversations avec d'autres personnes, en regardant la télévision, en

20 lisant les journaux ? Ce qui se passait était très connu ?

21 M. Dordic (interprétation). - A la télévision, oui.

22 M. Ackerman (interprétation). - Bien entendu, vous discutiez de

23 ces événements avec vos amis et vos voisins ?

24 M. Dordic (interprétation). - C'est normal.

25 M. Ackerman (interprétation). - Oui. Comprenez bien que je ne

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1 suis pas en train de vous accuser, j'essaie simplement de savoir ce que

2 vous saviez à l'époque. Vous comprenez cela ?

3 M. Dordic (interprétation). - J'étais garçon de café, c'est cela

4 que je faisais.

5 M. Ackerman (interprétation). - Au début de 1992, vous saviez

6 qu'il y avait des villages musulmans en Bosnie-Herzégovine qui subissaient

7 des attaques de la part des forces de la JNA et des forces serbes et peut-

8 être qu'il y avait quelques villages serbes qui subissaient des attaques

9 de la part des forces croates et musulmanes. Cela se passait des deux

10 côtés à l'époque, n'est-ce pas ?

11 M. Dordic (interprétation). - J'ai des doutes quant au fait que

12 l'armée yougoslave ait été attaquée. L'armée yougoslave était là pour

13 protéger la paix pour les uns et les autres. Tout cela a duré jusqu'à

14 l'éclatement de l'armée yougoslave. L'armée yougoslave, à l'époque,

15 faisait partie de la Yougoslavie.

16 M. Ackerman (interprétation). - A votre connaissance, à quel

17 moment, l'armée yougoslave a-t-elle quitté la région, s'est-elle retirée

18 de Bosnie ?

19 M. Dordic (interprétation). - C'est seulement quand je suis

20 arrivé dans le camp que j'ai appris qu'elle s'était retirée, parce que

21 depuis le mois d'avril, nous n'avions pas d'électricité à Bradina, nous

22 étions coupés de tout, nous ne pouvions plus suivre quoi que ce soit, nous

23 étions coupés de tous.

24 M. Ackerman (interprétation). - Donc au moment où vous êtes

25 arrivé dans le camp, aux alentours de la fin du mois de mai, le 30 mai

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1 1992, vous avez appris que la JNA s'était déjà retirée de Bosnie ?

2 M. Dordic (interprétation). - Oui.

3 M. Ackerman (interprétation). - Lorsque vous avez entendu parler

4 de ces choses à la télévision, lorsque vous avez commencé à être informé

5 au sujet de ce qui se passait à Mostar , etc., c'est à ce moment-là que

6 tout le monde a commencé à chercher un fusil, à acheter des armes

7 automatiques sur le marché noir, n'est-ce pas ?

8 M. Dordic (interprétation). - Oui, c'est normal, les Musulmans

9 étaient en train de s'armer grâce aux forces de réserve du MUP. Nous

10 devions donc nous procurer également des armes.

11 M. Ackerman (interprétation). - Parce que vous vous attendiez

12 soit à ce qu'il y ait une attaque, soit à ce qu'on vous invite à attaquer,

13 l'un ou l'autre ?

14 M. Dordic (interprétation). - A nous défendre, à défendre nos

15 foyers, c'est tout.

16 M. Ackerman (interprétation). - Il était bien connu, n'est-ce

17 pas -et vous avez dit qu'il était normal que les gens parlent- dans toute

18 la région de Bradina et à Bradina même que certaines choses se passaient à

19 l'extérieur de la région et que les gens aux alentours de Bradina étaient

20 en train d'acquérir des armes, d'acheter des fusils, etc. ? Ce n'était pas

21 secret tout cela, n'est-ce pas ?

22 M. Dordic (interprétation). - Nous le savions.

23 M. Ackerman (interprétation). - "Nous", se rapportant aux

24 résidents de Bradina ?

25 M. Dordic (interprétation). - Oui, aux habitants de Bradina.

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1 M. Ackerman (interprétation). - Bien. Je crois que vous nous

2 avez dit que vers la fin du mois de mai, le 26 ou le 27 mai, lorsque les

3 forces ont commencé à attaquer le village de Bradina, un moment est venu,

4 n'est-ce pas, où vous avez compris clairement que vous n'étiez pas assez

5 forts, vous et les autres habitants de Bradina, que vous n'étiez pas

6 suffisamment forts pour repousser les forces assaillantes. Vous avez donc

7 décidé de quitter Bradina, n'est-ce pas ?

8 M. Dordic (interprétation). - Oui.

9 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose, comme vous nous

10 l'avez déjà dit, que vous avez laissé vos armes derrière vous. Est-ce que

11 la même chose est vraie de tout ceux qui sont partis en même temps que

12 vous de Bradina ? Je crois qu'il y avait douze personnes avec vous. Est-ce

13 que tout le monde a laissé ses armes derrière soi ?

14 M. Dordic (interprétation). - Oui, oui. Ils l'ont fait.

15 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose que ces armes ont été

16 laissées en raison de la crainte que vous aviez que ce soit beaucoup plus

17 dangereux pour votre vie d'être capturé en possession d'une arme, porteur

18 d'une arme, que capturé sans arme ?

19 M. Dordic (interprétation). - La majorité d'entre nous pensait

20 cela.

21 M. Ackerman (interprétation). - Bien, et votre objectif, ce que

22 vous souhaitiez vraiment faire, c'était sortir de cette région pour vous

23 rendre dans ce que vous saviez être des territoires tenus par les Serbes ?

24 M. Dordic (interprétation). - Oui.

25 M. Ackerman (interprétation). - Où vous saviez que se

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1 trouveraient des forces armées serbes et des possibilités de protection

2 pour vous ?

3 M. Dordic (interprétation). - Nous supposions que Kalinovik ou

4 Hadzici étaient des endroits de ce genre.

5 M. Ackerman (interprétation). - Vous saviez que ces endroits

6 étaient contrôlés par les Serbes ?

7 M. Dordic (interprétation). - Nous ne savions pas quels villages

8 étaient contrôlés par quel force, nous ne savions pas s'ils contrôlaient

9 toute la région, puisque nous étions encerclés depuis près d'un mois, nous

10 étions coupés de tout. Nous savions que Kalinovik était pratiquement à

11 cent pour cent habité des Serbes. Nous pensions que les Serbes tenaient

12 Kalinovik ou l'un des autres endroits de plus petite taille autour de

13 Kalinovik.

14 M. Ackerman (interprétation). - Donc pour vous, dans votre

15 esprit, c'était un endroit sûr si vous pouviez y parvenir ?

16 M. Dordic (interprétation). - Oui, nous pensions que tout irait

17 bien.

18 M. Ackerman (interprétation). - L'un des personnes qui faisait

19 partie de votre groupe s'appelait Dragan Kuljanin, n'est-ce pas ?

20 M. Dordic (interprétation). - Oui.

21 M. Ackerman (interprétation). - Dragan Kuljanin était avec vous,

22 au moins à partir du moment que vous avez décrit, ce moment où vous dites

23 que vous avez passé la nuit près d'un ravin à Bradina et jusqu'au moment

24 où vous êtes arrivé à Celebici, n'est-ce pas ?

25 M. Dordic (interprétation). - Il nous a rejoint pendant la

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1 journée, au moment où nous partions, il n'a pas passé la nuit avec nous,

2 il nous a rejoint le matin.

3 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que vous l'avez vu cacher

4 son arme ou pas ?

5 M. Dordic (interprétation). - Je l'ai vu, mais quand il nous a

6 rejoint, je l'ai vu sans arme. Je ne l'ai pas vu en cacher une.

7 M. Ackerman (interprétation). - L'avez-vous cacher une arme

8 quelque part ?

9 M. Dordic (interprétation). - Non, puisqu'il n'avait pas d'arme

10 et je ne sais même pas s'il en avait jamais eu une. Puisqu'il n'avait pas

11 d'arme, cela voulait donc dire qu'il l'avait laissée éventuellement.

12 M. Ackerman (interprétation). - Depuis cet endroit, vous êtes

13 allé dans d'autres endroits et notamment, dans un endroit qui s'appelle

14 Polja. Est-ce que ce nom vous dit quelque chose ?

15 M. Dordic (interprétation). - Comment ? Polja ? Non.

16 M. Ackerman (interprétation). - Vous rappelez-vous un endroit où

17 il y avait une mitrailleuse destinée aux combats antiaériens, à la DCA ?

18 Vous rappelez-vous l'avoir vue pendant votre voyage, ce jour-là ?

19 M. Dordic (interprétation). - Non.

20 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais maintenant passer à

21 l'époque où vous vous êtes trouvé dans cette vallée où vous avez été

22 arrêté. Après avoir été arrêté, vous avez été contraint de marcher pendant

23 quelque temps avant qu'un moyen de transport ait été mis à votre

24 disposition, est-ce exact ?

25 M. Dordic (interprétation). - Je ne comprends pas bien votre

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1 question, vous dites qu'avant d'avoir été arrêtés, nous avons été forcés à

2 marcher. Cela n'est pas clair pour moi.

3 M. Ackerman (interprétation). - Je ne vous ai sans doute pas

4 donné suffisamment de détails. Vous avez dit hier qu'au cours de votre

5 tentative de fuite, vous vous étiez trouvés dans une vallée et qu'on vous

6 avait tiré dessus, qu'on vous avait demandé de vous rendre, que vous vous

7 êtes rendus, que vous avez été arrêtés par des soldats et que ces soldats

8 vous ont forcés à marcher sur une certaine distance, est-ce exact ?

9 M. Dordic (interprétation). - Oui, c'est ce que j'ai dit. Ils

10 nous ont d'abord frappé. Après, nous avons marché à peu près un kilomètre

11 avant qu'ils ne nous fassent monter dans des véhicules.

12 M. Ackerman (interprétation). - Vous avez donc été frappés. Vous

13 avez été frappés pendant combien de temps, à ce moment-là, avant de

14 commencer à marcher ?

15 M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas, cela semblait une

16 éternité. une heure entière, peut-être plus en tout cas. Et ils nous ont

17 frappés aussi en route pendant que nous marchions.

18 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose que vous avez été

19 frappés à coups de crosse de fusil et d'objets de ce genre à ce

20 moment-là ?

21 M. Dordic (interprétation). - Oui.

22 M. Ackerman (interprétation). - Ensuite, le moment est venu,

23 après que vous ayez marché sur une distance d'un kilomètre, où des

24 véhicules sont apparus, est-ce exact ?

25 M. Dordic (interprétation). - Oui.

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1 M. Ackerman (interprétation). - L'un de ces véhicules était une

2 camionnette de marque Golf ?

3 M. Dordic (interprétation). - Il y avait des voitures de luxe,

4 mais il y avait aussi une camionnette, un petit véhicule de transport, une

5 camionnette TAM.

6 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce qu'il y avait une

7 Mercedes ?

8 M. Dordic (interprétation). - Je n'ai pas fait attention. Cela

9 ne m'a pas frappé.

10 M. Ackerman (interprétation). - Vous ne vous rappelez pas

11 d'avoir vu une Mercedes sur les lieux ?

12 M. Dordic (interprétation). - Non.

13 M. Ackerman (interprétation). - Bon. Après être arrivés, après

14 être montés dans ce véhicule TAM, vous avez été emmenés sur le mont

15 Igman ?

16 M. Dordic (interprétation). - Oui, nous sommes arrivés d'abord

17 sur le mont Bjelasnica en face de l'hôtel Famos pendant un petit moment,

18 puis nous sommes allés à Mraziste.

19 M. Ackerman (interprétation). - Parlons un petit peu de cet

20 hôtel Famos. Lorsque vous êtes arrivés à l'hôtel, vous avez été forcés à

21 regarder derrière vous et des soldats étaient en train de vous frapper,

22 n'est-ce pas ?

23 M. Dordic (interprétation). - Oui.

24 M. Ackerman (interprétation). - C'est à ce moment-là que vous

25 avez été frappé très durement sur la tête et que votre oreille a été

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1 coupée ?

2 M. Dordic (interprétation). - Non. Mon oreille a été coupée avec

3 un couteau.

4 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que c'était pendant le

5 transport ?

6 M. Dordic (interprétation). - Avec une baïonnette, seulement

7 elle n'était pas très aiguisée.

8 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que cela s'est passé

9 pendant que vous étiez en route dans le camion ?

10 M. Dordic (interprétation). - Non, lorsque nous étions à

11 Mraziste.

12 M. Ackerman (interprétation). - Pendant le transport, est-ce que

13 votre nez a été coupé ou cassé ?

14 M. Dordic (interprétation). - J'avais le visage enflé et mon nez

15 n'était pas cassé. Simplement, j'étais tout bleu et noir. J'avais été

16 frappé sur tout le corps et sur le visage.

17 M. Ackerman (interprétation). - Mais cela, c'était pendant le

18 trajet dans le camion ?

19 M. Dordic (interprétation). - Dans le camion, ils nous ont

20 frappés par derrière avec des crosses. J'ai eu de la chance, j'étais à

21 l'avant. Les autres ont pris plus de coups que moi.

22 M. Ackerman (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivés à

23 l'hôtel Famos, vous avez été sortis du camion et on vous a placé sur une

24 surface de béton, l'entrée bétonnée de l'hôtel Famos, et frappé pendant un

25 certain temps, n'est-ce pas ?

Page 4688

1 M. Dordic (interprétation). - Oui, oui. On nous a forcé à nous

2 allonger sur l'asphalte, on nous a donné l'ordre d'écarter les jambes. Moi

3 en tout cas, ils ne m'ont pas trop frappé, ils m'ont un peu marché sur les

4 doigts de la main, mais ce n'était pas terrible, mais il y en a qui ont

5 été frappé lourdement et ils nous demandaient de donner nos noms et

6 prénoms.

7 M. Ackerman (interprétation). - Alors, c'est après cela que vous

8 avez été chargés à bord du camion et emmenés sur le mont Igman ?

9 M. Dordic (interprétation). - Oui.

10 M. Ackerman (interprétation). - Au mont Igman, on vous a placés

11 dans une pièce, dans un hôtel ou un motel, et vous avez été maltraités par

12 un homme que vous avez appelé un homme corpulent, qui vous a sauté sur le

13 corps un peu partout, c'est bien cela ?

14 M. Dordic (interprétation). - Oui, il nous a frappé sur la tête

15 et un peu partout pendant que nous faisions des prières musulmanes. Nous

16 avons dû répéter les prières musulmanes après lui.

17 M. Ackerman (interprétation). - Avec quoi est-ce qu'il vous

18 frappait ?

19 M. Dordic (interprétation). - Pour l'essentiel, il nous donnait

20 des coups de pied.

21 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que vous savez qui

22 c'était ? Est-ce que vous connaissez son nom ?

23 M. Dordic (interprétation). - Non.

24 M. Ackerman (interprétation). - C'est le lendemain que vous avez

25 subi un interrogatoire ?

Page 4689

1 M. Dordic (interprétation). - Nous avons subi un interrogatoire

2 le même soir.

3 M. Ackerman (interprétation). - Mais vous avez été interrogés le

4 jour suivant également ou seulement ce soir-là ?

5 M. Dordic (interprétation). - Moi, je n'ai pas été interrogé le

6 lendemain. Le lendemain, nous avons travaillé, nous avons déchargé et

7 chargé du grain. Je l'ai déjà dit.

8 M. Ackerman (interprétation). - Avez-vous vu au cours des

9 interrogatoires une personne qui menait certains interrogatoires et qui

10 s'appelait Mensur Kovac ?

11 M. Dordic (interprétation). - Je ne me rappelle pas. J'ai vu

12 quelqu'un, mais je ne savais pas de qui il s'agissait. J'ai vu seulement

13 Miroslav Bozic, quelqu'un qui s'est présenté à moi comme s'appelant

14 Miroslav Bozic, et un autre homme, celui qui prenait les notes, mais je ne

15 sais pas qui c'était.

16 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que vous connaissez

17 quelqu'un qui s'appelle Mensur Kovac ?

18 M. Dordic (interprétation). - Non, non.

19 M. Ackerman (interprétation). - A partir du moment où vous avez

20 été arrêté dans la vallée, jusqu'au moment où vous êtes arrivé dans

21 l'hôtel sur le mont Igman à l'intérieur de cet hôtel, vous avez été frappé

22 à plusieurs reprises, sept fois. Je crois que c'est une appréciation à peu

23 près exacte, n'est-ce pas ?

24 M. Dordic (interprétation). - Oui, effectivement, ils nous ont

25 frappés tout le temps : au moment de l'arrestation, pendant qu'on

Page 4690

1 marchait, pendant le transport dans le camion et quand on est rentré dans

2 cet hôtel où il y avait, je crois, une boîte de nuit.

3 M. Ackerman (interprétation). - La question que je me pose est

4 la suivante : comment, après une telle série de passages à tabac aussi

5 durs, vous avez été capables le lendemain, d'accomplir une journée entière

6 de travail, dur également, de charger et décharger des sacs de grains.

7 Comment avez-vous pu effectuer ce travail après avoir été frappés à de si

8 nombreuses reprises la veille ?

9 M. Dordic (interprétation). - Moi aussi, je me suis posé la

10 question, mais qui est-ce qui nous demandait notre avis dans ces

11 conditions ? Nous devions travailler, et puis c'est tout. Moi, à un

12 certain moment, je devais me tenir les yeux ouverts avec les doigts pour

13 pouvoir voir quelque chose.

14 M. Ackerman (interprétation). - Donc même si vous avez été

15 capables d'effectuer ce travail, cela a été très difficile compte tenu de

16 la nature des blessures que vous aviez subies ?

17 M. Dordic (interprétation). - C'est normal.

18 M. Ackerman (interprétation). - La coupure que vous aviez à

19 l'oreille, est-ce que vous avez jamais bénéficié d'un traitement pour

20 cette coupure ? La coupure faite à la baïonnette ?

21 M. Dordic (interprétation). - Le lendemain, Slavko Gojic est

22 venu, il a examiné cela et il a dit : "Il faut mettre un sparadrap", et il

23 a mis un sparadrap.

24 M. Ackerman (interprétation). - Avez-vous reçu des médicaments

25 de quelque nature que ce soit ?

Page 4691

1 M. Dordic (interprétation). - Non.

2 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais maintenant que nous

3 parlions de Celebici. Je vais vous poser quelques questions. Vous avez

4 parlé avec le Procureur et Maître Moran également du moment où Jasmin

5 Guska est venu vous voir pour vous dire qu'il allait vous envoyer chez

6 vous avec quelques policiers récupérer votre arme. C'est de ces moments-là

7 que je voudrais parler avec vous, d'accord ?

8 M. Dordic (interprétation). - Oui.

9 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose que vous saviez à

10 l'époque que l'acquisition d'une arme et le fait de posséder une arme

11 étaient une violation des lois yougoslaves ?

12 M. Dordic (interprétation). - A l'époque, tout le monde violait

13 la loi, pas simplement moi.

14 M. Ackerman (interprétation). - Je comprends cela. A l'époque, à

15 Bradina, tout le monde faisait la même chose que ce que vous faisiez vous-

16 même.

17 M. Dordic (interprétation). - Pas seulement à Bradina. Les

18 Musulmans des villages voisins le faisaient aussi. Simplement, ils l'ont

19 fait d'une façon un peu plus légale, parce qu'à Bradina, un poste de

20 police de réserve a été créé. Bradina est un village purement serbe : 99 %

21 des habitants sont serbes.

22 A l'école élémentaire, en 1991, il y a eu le poste de police de

23 réserve où il n'y avait peut-être que cinq ou six serbes. Tous les autres

24 policiers étaient musulmans. Il y avait une rotation constante de ces

25 musulmans. Tous les dix jours, de nouveaux policiers arrivaient. Donc ils

Page 4692

1 pouvaient s'armer au maximum.

2 M. Ackerman (interprétation). - Oui. La réponse à ma question,

3 je suppose, est : "Oui, je savais que c'était contre la loi, mais tous les

4 autres le faisaient aussi". Est-ce cela la réponse ?

5 M. Dordic (interprétation). - Oui.

6 M. Ackerman (interprétation). - En réponse aux questions posées

7 au cours de l'interrogatoire principal, vous avez décrit un incident dans

8 lequel ont été impliqués deux frères nommés Dordic qui étaient assis près

9 de la porte principale du hangar n° 6. Est-ce que vous savez de qui je

10 parle et de quel incident je suis en train de parler ?

11 Cet incident porte sur un problème sexuel. Vous savez de quoi je

12 parle ?

13 M. Dordic (interprétation). - Oui.

14 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez les

15 deux frères Dordic avant votre séjour à Celebici ?

16 M. Dordic (interprétation). - Mais oui ! Nous venons du même

17 endroit.

18 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce qu'à quelque moment que

19 ce soit, vous avez dit à qui que ce soit que ces deux frères étaient

20 retardés mentalement ?

21 M. Dordic (interprétation). - L'un d'entre eux oui, l'autre je

22 ne sais pas exactement quelle éducation il a pu avoir, jusqu'où il a pu

23 aller sur le plan de l'enseignement, mais je l'ai toujours considéré comme

24 cela. En tout cas, le plus âgé, l'aîné certainement.

25 M. Ackerman (interprétation). - Cet incident que vous avez

Page 4693

1 décrit à l'intention du Tribunal, si M. Landzo était effectivement présent

2 sur les lieux, n'est-ce pas, la vérité c'est qu'un garde nommé Osman Delic

3 a été celui qui a forcé les deux hommes à accomplir ces actes.

4 M. Dordic (interprétation). - Non.

5 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce qu'Osman Delic était

6 présent, était là à l'époque ?

7 M. Dordic (interprétation). - Oui, il était à Celebici, c'était

8 un garde aussi.

9 M. Ackerman (interprétation). - Se trouvait-il dans le hangar,

10 debout devant les frères Dordic ?

11 M. Dordic (interprétation). - Peut-être étaient-ils devant la

12 porte... oui, il était devant la porte, mais moi je ne le voyais pas de

13 l'endroit où je me trouvais.

14 M. Ackerman (interprétation). - Vous étiez assis à une certaine

15 distance de l'endroit où l'incident s'est produit, n'est-ce pas ?

16 M. Dordic (interprétation). - Oui, à 25 mètres environ.

17 M. Ackerman (interprétation). - J'aimerais demander à l'huissier

18 de vous montrer le graphique sur lequel vous avez indiqué par un signe

19 distinctif votre emplacement dans le hangar. Peut-on placer cela sur le

20 rétroprojecteur, je vous prie ?

21 Bien. Est-ce que vous voyez ce dessin ?

22 M. Dordic (interprétation). - Oui.

23 M. Ackerman (interprétation). - Vous voyez le petit X qui,

24 d'après ce que vous nous avez dit hier, représente l'endroit où vous étiez

25 assis vous-même ? Est-ce exact ?

Page 4694

1 M. Dordic (interprétation). - Oui.

2 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Juge, j'aimerais

3 beaucoup demander au témoin d'inscrire des annotations supplémentaires sur

4 le dessin, mais je ne voudrais pas déplaire à l'accusation en demandant au

5 témoin de détruire son propre dessin. Je pense que l'accusation en possède

6 plusieurs exemplaires, donc si elle le souhaite elle peut remplacer

7 l'exemplaire figurant sur le rétroprojecteur par un autre exemplaire.

8 M. Turone (interprétation). - L'accusation accepte qu'un autre

9 exemplaire soit remis à Me Ackerman.

10 M. Ackerman (interprétation). - Merci beaucoup.

11 Vous constaterez que nous venons de placer sur le

12 rétroprojecteur un duplicata exact du premier dessin, hormis ce qui manque

13 sur cet exemplaire qui est le X qui figurait sur le premier. Alors, est-ce

14 que vous pourriez maintenant, sur ce dessin, placer également un signe

15 distinctif de l'endroit où vous étiez assis ?

16 Ce que j'aimerais maintenant que vous fassiez, c'est inscrire

17 deux X à l'endroit où se trouvaient les frères Dordic.

18 Vous l'avez fait ?

19 Pourriez-vous maintenant inscrire un D à côté des deux X, de

20 façon à ce que nous sachions simplement qu'il s'agit de l'emplacement où

21 étaient assis les frères Dordic ?

22 M. le Président (interprétation). - A la place des X ?

23 M. Ackerman (interprétation). - Oui, parce qu'il a déjà inscrit

24 un X pour lui-même.

25 (A l'intention du témoin) : Vous avez fait cela, n'est-ce pas ?

Page 4695

1 M. Dordic (interprétation). - Oui.

2 M. Ackerman (interprétation). - Merci beaucoup. Je ne me

3 rappelle pas si vous nous avez dit cela hier ou pas, mais je crois que

4 vous avez dit qu'à un certain moment vous avez mesuré l'espace disponible

5 dans le bâtiment et que c'est de cette façon que vous saviez quelle était

6 sa dimension. L'avez-vous vraiment mesuré ?

7 M. Dordic (interprétation). - Je ne l'ai pas mesuré avec

8 précision, c'était une mesure approximative. Avec quoi l'aurais-je

9 mesuré ?

10 M. Ackerman (interprétation). - Donc vous n'avez jamais mesuré

11 avec précision la dimension de l'intérieur de ce bâtiment, n'est-ce pas ?

12 M. Dordic (interprétation). - Avec quoi ? Avec des semelles de

13 chaussure ? Avec des pas ?

14 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que vous avez essayé de

15 marcher pour essayer de voir quelle était sa dimension ?

16 M. Dordic (interprétation). - Mais nous n'avions pas le droit de

17 bouger.

18 M. Ackerman (interprétation). - Donc la réponse à ma question

19 est non ? Vous ne l'avez jamais mesuré. Est-ce exact ?

20 M. Dordic (interprétation). - Non.

21 M. Ackerman (interprétation). - Bien. Pourriez-vous, je vous

22 prie, inscrire D et B sur le dessin, à l'endroit où Dusko Bendjo se

23 trouvait à ce moment-là ?

24 Avez-vous inscrit D et B ?

25 M. Dordic (interprétation). - Un instant, parce qu'il a changé

Page 4696

1 de place, il a eu deux emplacements. Au début, il était ici, et à la fin

2 il est passé à un autre endroit. C'est M. Delic qui l'a fait changer de

3 place.

4 M. Ackerman (interprétation). - L'endroit que je vous demandais

5 d'identifier à notre intention est l'endroit que vous avez décrit ce matin

6 comme étant celui où il a été assis après que ses jambes aient été

7 incendiées, brûlées. Où était-il assis à ce moment-là ?

8 M. Dordic (interprétation). - C'est un D et B que vous voulez

9 que j'inscrive ?

10 M. Ackerman (interprétation). - Oui : D et B. Vous l'avez fait ?

11 M. Dordic (interprétation). - Oui.

12 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose qu'il n'était pas

13 assis le long de ce mur tout seul. Il y avait une rangée de prisonniers à

14 sa gauche et à sa droite. Est-ce exact ?

15 M. Dordic (interprétation). - Bien sûr, il n'était pas assis

16 seul, c'est normal.

17 M. Ackerman (interprétation). - Il y avait quelqu'un qui était

18 assis immédiatement à sa droite ?

19 M. le Président (interprétation). - Pouvons-nous avoir une pause

20 et revenir dans une demi-heure ?

21 M. Ackerman (interprétation). - Oui.

22 L'audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 35.

23 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

24 M. le Président (interprétation) - Pouvez-vous rappeler au

25 témoin qu'il est toujours sous serment.

Page 4697

1 M. le Greffier - Je vous rappelle que vous êtes toujours sous

2 serment.

3 M. Dordic (interprétation) - Je le sais.

4 M. le Président (interprétation) - Vous pouvez continuer, Maître

5 Ackerman.

6 M. Ackerman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

7 Bienvenue à nouveau parmi nous, Monsieur Dordic. Nous étions en train de

8 travailler sur ce plan qui est encore devant vous. Vous aviez indiqué le

9 DB, un endroit où était installé Dusko Bendzo à l'époque. Est-ce exact ?

10 M. Dordic (interprétation) - Oui.

11 M. Ackerman (interprétation) - Vous avez parlé ce matin d'un

12 incident concernant Jelko Draganic, l'incident où il a été brûlé. Pouvez-

13 vous marquer sur ce plan ND l'endroit où il se trouvait. Pour le procès-

14 verbal, vous avez inscrit cela sur la pièce qui a été enregistrée sous le

15 n° 11-4, n'est-ce pas ?

16 M. Dordic (interprétation) - Oui.

17 M. Ackerman (interprétation). - D'accord. La personne pour

18 laquelle je voudrais que vous m'indiquiez l'endroit où elle se trouvait

19 est Momir Kuljanin, pouvez-vous indiquer un MK à cet endroit. Pour le

20 procès-verbal, vous avez écrit MK à l'endroit où était assis Momir

21 Kuljanin. Est-ce exact ?

22 M. Dordic (interprétation) - Oui.

23 M. Ackerman (interprétation). - La dernière personne pour

24 laquelle je voudrais que vous indiquiez l'endroit où elle se trouvait est

25 Milivoj Gligorevic, pour le procès verbal, est-ce exact ?

Page 4698

1 M. Dordic (interprétation) - Oui.

2 M. Ackerman (interprétation). - Pendant l'interrogatoire

3 principal, vous avez dit qu'à un moment, on avait demandé à une autre

4 personne de frapper Milivoj Gligorevic avec une chaussure.

5 M. Dordic (interprétation) - Oui.

6 M. Ackerman (interprétation). - Pouvez-vous nous répéter le nom

7 de la personne à qui on a demandé de le frapper avec une chaussure ?

8 M. Dordic (interprétation) - Boro Koprivica.

9 M. Ackerman (interprétation). - Pourriez-vous nous montrer sur

10 ce plan à l'aide des lettres BK l'endroit où il était assis ? Vous l'avez

11 fait, n'est-ce pas ?

12 M. Dordic (interprétation) - Oui.

13 M. Ackerman (interprétation) - En inscrivant la lettre BK.

14 M. Dordic (interprétation) - Oui, oui.

15 M. Ackerman (interprétation) - D'accord. Je demanderai

16 maintenant à l'huissier de vous montrer une photo qui est malheureusement

17 très mauvaise, mais j'espère que vous pourrez l'identifier et j'espère que

18 vous direz si vous pouvez l'identifier. Je voudrais qu'elle soit placée

19 sur le rétroprojecteur.

20 M. Turone (interprétation) - Avons-nous vu cette photo ?

21 M. Ackerman (interprétation). - Oui, à de nombreuses reprises.

22 Monsieur l'huissier, pourriez-vous montrer cette photo à l'accusation ?

23 M. Turone (interprétation) - Merci.

24 M. Ackerman (interprétation). - La photo que je suis en train de

25 regarder. Ma seule question est de savoir si vous reconnaissez cet

Page 4699

1 endroit ? Savez-vous où c'est ?

2 M. Dordic (interprétation) - Cela me rappelle le hangar n° 6.

3 M. Ackerman (interprétation). - Cela montre-t-il de quelle façon

4 les prisonniers étaient assis à l'intérieur du hangar n° 6.

5 M. Dordic (interprétation) - Oui.

6 M. Ackerman (interprétation). - Ce que l'on voit sur cette

7 photo, c'est qu'en plus des prisonniers étaient installés le long des

8 murs. Il y avait deux rangées de prisonniers devant. Est-ce exact ?

9 M. Dordic (interprétation) - Oui.

10 M. Ackerman (interprétation). - Pouvez-vous reprendre maintenant

11 cette photo et regarder le schéma que vous avez fait. Je voudrais vous

12 poser une question supplémentaire.

13 Vous avez marqué ici quelque chose au milieu du sol : c'est

14 Momir Kuljanin ou Nedeljko Draganic, plutôt Nedeljko Draganic. D'après ce

15 que vous avez inscrit au milieu du sol, on voit que cette personne était

16 assise vraiment au milieu d'une longue rangée de personnes. Est-ce exact ?

17 M. Dordic (interprétation) - Oui.

18 M. Ackerman (interprétation). - Les gens qui étaient assis dans

19 ces rangées le long du mur étaient assez près l'un de l'autre, n'est-ce

20 pas ?

21 M. Dordic (interprétation) - Oui. Cette rangée qu'on voit là, de

22 ce côté-ci. Les autres étaient un peu plus loin, un peu plus écartées, de

23 ce côté-ci. Ils étaient un peu écartés.

24 M. Ackerman (interprétation) - A présent, je voudrais verser le

25 schéma fait par le témoin -et qui nous a été fourni par l'accusation-, la

Page 4700

1 pièce 11/4. Je voudrais également que la photographie que je lui ai

2 montrée soit enregistrée comme pièce et je voudrais la verser au moment

3 opportun.

4 Je voudrais également verser les deux photos en couleur qu'il a

5 identifiées, il s'agit des pièces 5/2 et 6/2.

6 M. Turone (interprétation) - L'accusation n'a pas d'objection ?

7 M. Jan (interprétation) - (Hors micro.)

8 M. le Président (interprétation) - (Hors micro.)

9 M. Ackerman (interprétation). - Nous avons le numéro qui a été

10 attribué à la photographie qui vient d'être donnée au juge Jan.

11 M. le Greffier - N° D-12/4.

12 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais verser la pièce D-

13 12/4. Je suppose, puisqu'il n'y a pas eu d'objection, que les quatre

14 photos que j'ai versées ont été acceptées. Est-ce exact ?

15 M. le Président (interprétation). - (Hors micro.)

16 Il n'y a pas eu d'objection.

17 M. Ackerman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

18 Monsieur Dordic, j'ai une nouvelle série de questions à vous

19 poser. Je voudrais vous rappeler un incident. Lorsque M. Hazim Delic est

20 arrivé à l'intérieur du hangar n° 6 et qu'un coup de feu a été tiré vers

21 le plafond, plusieurs personnes ont été blessées à ce moment-là. Vous

22 souvenez-vous de cela ?

23 M. Dordic (interprétation) - Oui.

24 M. Ackerman (interprétation). - Si je me souviens bien de ce que

25 vous avez dit, vous avez dit que cela s'est produit au mois d'août 1992.

Page 4701

1 M. Dordic (interprétation) - Non, pas au mois d'août. C'était en

2 juillet, au début, dans la première moitié du mois de juillet à peu près.

3 M. Ackerman (interprétation) - Après cet incident, les personnes

4 qui ont été blessées, vous nous avez dit que M. Delic les a tout de suite

5 prises dans sa voiture et les a emmenées dans le n° 22 pour qu'elles

6 soient soignées ?

7 M. Dordic (interprétation) - Je ne sais pas si c'était en

8 voiture puisque je n'étais pas dehors.

9 M. Ackerman (interprétation) - Mais vous savez qui les amenées

10 là-bas ?

11 M. Dordic (interprétation) - Il les a amenées quelque part, mais

12 quand ils sont revenus, ils ont dit que Relja leur a sorti... je pense que

13 c'étaient des éclats de balles.

14 M. Ackerman (interprétation) - Et au moment où cela s'est

15 produit, les personnes qui étaient avec M. Delic étaient peut-être

16 d'autres gardiens de Celebici, mais personne d'autre, n'est-ce pas ?

17 M. Dordic (interprétation) - Non, il était seul.

18 M. Ackerman (interprétation) - D'accord. C'est la fin de notre

19 contre-interrogatoire, Monsieur le Président. Merci.

20 M. Greaves (interprétation) - Bonjour, Monsieur Dordic. Puis-je

21 procéder, Monsieur le Président ?

22 M. le Président (interprétation). - Oui.

23 M. Dordic (interprétation) - Bonjour.

24 M. Greaves (interprétation) - Merci. Je voudrais vous poser

25 quelques questions supplémentaires au sujet de l'incident lorsque vous

Page 4702

1 êtes allé retrouver votre arme qui a été cachée. Il agissait d'une

2 opération qui a été montée par le MUP !

3 M. Dordic (interprétation) - Oui.

4 M. Greaves (interprétation) - Les deux personnes dont je viens

5 de vous donner les noms sont-elles allées elles-mêmes à l'endroit où

6 l'arme était cachée ou ont-elles envoyé quelqu'un d'autre ?

7 M. Dordic (interprétation) - Ils ont envoyé quelqu'un d'autre.

8 M. Greaves (interprétation). - Y avez-vous été emmené en

9 voiture ?

10 M. Dordic (interprétation) - Dans une Golf bleue et blanche.

11 M. Greaves (interprétation). - Volkswagen Golf ?

12 M. Dordic (interprétation) - Oui.

13 M. Greaves (interprétation) - L'une des personnes qui vous a

14 emmené là-bas, je pense que c'était Slijvak.

15 M. Dordic (interprétation) - Oui.

16 M. Greaves (interprétation) - Est-ce son nom ou son prénom ?

17 M. Dordic (interprétation) - C'est son nom de famille. Je ne me

18 souviens pas de son nom. Je me souviens qu'il avait le véhicule du club de

19 Foot Igman de Konjic. Avant, il était l'entraîneur et faisait partie des

20 troupes de réserve de la police. Je pense qu'il était commandant, quelque

21 chose comme cela, dans les unités.

22 M. Greaves (interprétation). - Justement j'allais vous demander

23 quelles étaient ses fonctions dans la police.

24 M. Dordic (interprétation). - Peut-être est-ce le bon nom, mais

25 je ne me souviens pas de son nom. Je l'ai connu comme Sljivo.

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1 M. Greaves (interprétation). - Merci. Nous allons entendre plus

2 sur le nom de ce policier de ce nom plus tard. C'est lui qui conduisait le

3 véhicule, n'est-ce pas ?

4 M. Dordic (interprétation). - Non, je pense que c'est Ralje

5 Mrsic. Non ! pas Mrsic, Alovic !

6 M. Greaves (interprétation). - Et quand vous êtes arrivé à

7 l'endroit où était cachée l'arme, cette homme, Sljivo, vous a battu,

8 n'est-ce pas ?

9 M. Dordic (interprétation). - Il a commencé à me battre, mais il

10 s'est fait rappeler à l'ordre par Alagic et il s'est arrêté.

11 M. Greaves (interprétation). - Pour ne pas le faire devant votre

12 mère, n'est-ce pas ?

13 M. Dordic (interprétation). - Oui.

14 M. Greaves (interprétation). - D'accord, merci. Je voudrais

15 maintenant brièvement vous poser une question sur un autre homme, monsieur

16 Dordic, sur Jovan Divjak. Excusez-moi si j'ai mal prononcé. Ce nom vous

17 dit-il quelque chose ?

18 M. Dordic (interprétation). - Oui.

19 M. Greaves (interprétation). - Est-ce quelqu'un qui est venu au

20 moins une fois au camp de Celebici ?

21 M. Dordic (interprétation). - Je ne l'ai pas vu, mais il a été

22 vu par les détenus : Radovan Mrsic qui le connaissait personnellement,

23 tout comme moi, parce qu'à un moment donné, Jovan Divjak était commandant

24 de la défense territoriale pour la région de Mostar.

25 Pendant assez longtemps, il est venu dans un centre

Page 4704

1 d'enseignement à Borci de la défense territoriale. Quand il y avait des

2 cours là-bas, j'étais mobilisé comme cuisinier. Cela fait que je le

3 connaissais assez bien. On a passé pas mal de temps ensemble à ces cours,

4 à ces entraînements... un an au moins.

5 M. Greaves (interprétation). - Est-il Serbe, ou Musulman, ou

6 autre chose ?

7 M. Dordic (interprétation). - Il est Serbe, mais c'est un

8 général musulman.

9 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que vous savez pour quelle

10 raison il s'est rendu dans le camp ? Est-ce qu'on vous l'a dit ?

11 M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas.

12 M. Greaves (interprétation). - Qu'est-ce qu'on vous a dit au

13 sujet de sa visite ?

14 M. Dordic (interprétation). - Eh bien, Radovan Mrsic. Moi

15 j'étais appelé Mirki. Ils m'ont dit : "Tiens, il y a ton ami qui arrive".

16 Il m'a dit "quand il m'a vu", dit-il "tu l'as bien mérité". Quand il a vu

17 Radovan Mrsic, il lui a dit : "Tu l'as bien mérité" parce que Radovan

18 Mrsic était en train de nettoyer quelque chose dehors à ce moment.

19 M. Greaves (interprétation). - D'accord. Monsieur le Président,

20 puis-je avoir un instant s'il vous plaît ? Je voudrais vous poser une

21 seule question, s'il vous plaît, au sujet de l'interrogatoire que vous

22 avez subi avant votre arrivée au camp. L'une des personnes qui a participé

23 à cet interrogatoire était Mensur Covic. Est-ce que cela vous dit quelque

24 chose ?

25 M. Dordic (interprétation). - Mensur Covic ? Non, cela ne me dit

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1 rien.

2 M. Greaves (interprétation). - Donc vous n'avez absolument pas

3 vu cette personne avant le camp ?

4 M. Dordic (interprétation). - Non, je ne le connaissais pas et

5 je ne sais pas non plus qui est cet homme. Je ne l'ai jamais mentionné.

6 M. Greaves (interprétation). - D'accord. Je voudrais maintenant

7 que l'on parle de M. Mucic et de quelques éléments qui le concernent. Vous

8 avez dit au Tribunal comment s'est passée cette première fois où vous

9 l'avez vu.

10 Monsieur Dordic, en ce qui concerne cette première fois où vous

11 l'avez vu, est-il vrai que vous n'êtes pas sûr du mois où vous l'avez vu

12 pour la première fois dans le camp ?

13 M. Dordic (interprétation). - C'était très vraisemblablement au

14 mois de juin lorsque je l'ai vu pour la première fois.

15 M. Greaves (interprétation). - Mais vous n'êtes pas sûr du mois,

16 monsieur Dordic ? Est-ce exact ?

17 M. Dordic (interprétation). - Je pense que ce que j'ai dit est

18 exact.

19 M. Greaves (interprétation). - En ce qui concerne l'uniforme,

20 n'est-il pas vrai qu'il n'y avait pas d'insigne sur cet uniforme ?

21 M. Dordic (interprétation). - Je pense qu'il n'y avait pas

22 d'insigne. Je ne suis pas tout à fait sûr, mais je pense qu'il n'y en

23 avait pas.

24 M. Greaves (interprétation). - Maintenant, je voudrais que l'on

25 parle d'une chose que vous avez dite devant ce Tribunal ce matin. Vous

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1 avez dit que tout le monde respectait M. Mucic. Je voudrais vous poser, si

2 vous le permettez, quelques questions à ce sujet. De toute évidence, vous

3 le connaissiez avant la guerre ?

4 M. Dordic (interprétation). - Oui.

5 M. Greaves (interprétation). - Comment l'avez-vous rencontré ?

6 M. Dordic (interprétation). - Il n'avait pas de moustache. Moi

7 j'étais serveur et lui il aimait bien fréquenter les cafés.

8 M. Greaves (interprétation). - Bien ! Il n'y a pas de mal là-

9 dedans, si vous êtes un serveur.

10 M. Dordic (interprétation). - Non.

11 M. Greaves (interprétation). - Où étiez-vous employé à ce

12 moment-là ? Quel était le nom de ce café où vous travailliez ?

13 M. Dordic (interprétation). - Vous voulez dire avant la guerre ?

14 M. Greaves (interprétation). - Oui.

15 M. Dordic (interprétation). - Eh bien il y avait plusieurs

16 cafés, je ne vais pas citer les noms d'une dizaine de cafés où j'ai

17 travaillé.

18 M. Greaves (interprétation). - Quel était le nom du café où il

19 avait l'habitude de venir pour boire ?

20 M. Dordic (interprétation). - Il venait dans tous les cafés où

21 je travaillais.

22 M. Greaves (interprétation). - Dans tous ? D'accord. Donc il

23 était un client bien connu dans cette région.

24 M. Dordic (interprétation). - Oui, jusqu'à son départ en

25 Autriche. Je ne sais pas exactement à quel moment il est parti. C'était

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1 avant la guerre ou quand il n'était pas en prison.

2 M. Greaves (interprétation). - Donc vous le connaissiez.

3 L'aimiez-vous bien avant la guerre, quand il venait dans les cafés où vous

4 travailliez ?

5 M. Dordic (interprétation). - On avait des amis communs, comme

6 Miroslav Belac et d'autres.

7 M. Greaves (interprétation). - Serait-il exact de dire que

8 c'était quelqu'un qui fréquentait les gens, indépendamment de leur

9 appartenance ethnique : des Serbes, des Croates, des Musulmans ?

10 M. Dordic (interprétation). - Oui, il fréquentait tout le monde.

11 M. Greaves (interprétation). - Et certaines des personnes qui

12 étaient dans le camp avec vous le connaissaient également depuis avant la

13 guerre. Est-ce exact ?

14 M. Dordic (interprétation). - Oui.

15 M. Greaves (interprétation). - Vous avez dit dans cette salle

16 que tout le monte le respectait. C'est comme cela que vous l'avez dit.

17 Serait-il exact de dire, Monsieur Dordic, que compte tenu de ce qui se

18 passait dans le camp, c'était un respect qu'il a dû mériter de la part des

19 gens qui étaient dans le camp ?

20 M. Dordic (interprétation). - On ne pouvait pas dire qu'on le

21 respectait, on le craignait parce que c'était le supérieur de tout le

22 monde. Tout le monde disait "le commandant" quand on parlait de lui.

23 M. Greaves (interprétation). - Oui, d'accord, mais le mot que

24 vous avez utilisé...

25 M. Dordic (interprétation). - C'est ce qui nous paraissait

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1 naturel. Je n'ai jamais dit qu'il s'agissait de respect. Peut-être qu'on a

2 mal traduit.

3 M. Greaves (interprétation). - C'était bien le mot que nous

4 avons eu par la traduction, Monsieur Dordic. Permettez-moi de vous dire

5 pour quelle raison cela aurait pu être justifié. Quand vous avez été

6 torturé vous-même par Salko, vous vous souvenez que vous nous avez décrit

7 cet incident.

8 M. Dordic (interprétation). - Ce n'était pas Salko ! Ce n'est

9 pas Salko qui m'a fait subir des sévices, jamais ! C'est lorsque Zenga m'a

10 brûlé la langue que Salko se trouvait au seuil de la porte. A un moment,

11 il a dit : "Voilà Pavo qui arrive" et il s'est mis à courir et il m'a dit

12 de me remettre à ma place.

13 M. Greaves (interprétation). - Il vous a rapidement ramené à

14 votre place, n'est-ce pas ?

15 M. Dordic (interprétation). - Oui, je suis revenu tout seul.

16 M. Greaves (interprétation). - Avant que Pavo n'arrive ?

17 M. Dordic (interprétation). - Pavo n'est même pas venu, c'était

18 peut-être un bluff de la part de Salko pour que Zenga me laisse partir.

19 Cela, je le ne sais pas, c'est resté pas clair pour moi.

20 M. Greaves (interprétation). - Il y a eu un autre incident, me

21 semble-t-il, lorsque votre frère a été attaqué. Vous étiez présent à ce

22 moment, n'est-ce pas ?

23 M. Dordic (interprétation). - Non.

24 M. Greaves (interprétation). - Mais vous vous souvenez que votre

25 frère vous a dit qu'il avait été attaqué ?

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1 M. Dordic (interprétation). - Oui, on a fait sortir Mrdzic Kemal

2 et Nermin qu'on appelait le noir, Crni. C'était un jeune homme de Doboj,

3 c'est ainsi qu'il se présentait. On a attendu qu'ils s'étaient mis à le

4 battre et on a entendu le bruit d'un moteur de voiture. A un moment, la

5 porte s'est ouverte et il a couru vers l'intérieur. Et puis, au bout de

6 quelque temps, ils ont demandé que Zora sorte et Zora Mrkajic était une

7 sorte de capo parmi nous. Il était détenu, mais il était notre supérieur.

8 C'est comme cela qu'ils en avaient décidé. Ils l'ont désigné pour qu'il

9 soit cela.

10 Et puis Pavo a demandé après à Rajko : "Est-ce qu'on t'a

11 battu ?" et Rajko a répondu "non" parce qu'il n'osait pas -vous

12 comprenez-, il n'osait pas le dire, il risquait d'autres coups. Et alors,

13 paraît-il qu'il aurait dit à Pavo qu'il n'aurait pas été battu.

14 M. Greaves (interprétation). - Mais n'est-il pas vrai que

15 pendant que votre frère a été battu, quelqu'un a dit que la voiture de

16 Pavo arrivait. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

17 M. Dordic (interprétation). - Oui, on a entendu le bruit de la

18 voiture, mais je ne sais pas si c'était sa voiture. On a entendu de

19 l'intérieur le bruit de la voiture s'approchant.

20 M. Greaves (interprétation). - Et quand la voiture a commencé à

21 s'approcher, les gardiens ont tout fait pour se cacher et pour écarter

22 votre frère ? Comme cela Pavo n'allait pas découvrir ce qui se passait.

23 Vous vous souvenez de cela ?

24 M. Dordic (interprétation). - Il ne s'agissait pas de moi, mais

25 de mon frère. Je ne sais pas s'ils ont cherché à le cacher. Je sais que

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1 mon frère est rentré dans le hangar.

2 M. Greaves (interprétation). - Oui ? N'est-il pas vrai que

3 fréquemment, lorsque Pavo arrivait, tout ce qui n'était pas correct

4 s'arrêtait ?

5 M. Dordic (interprétation). - Eh bien, à ce moment, s'il se

6 passait quelque chose, oui bien sûr, cela s'arrêtait, au moins pour autant

7 que je le sache.

8 M. Greaves (interprétation). - Merci. Je voudrais maintenant

9 vous poser quelques questions au sujet de votre transfert le 31 août vers

10 Musala. Vous souvenez-vous de cela ?

11 M. Dordic (interprétation). - Oui, je me souviens bien.

12 M. Greaves (interprétation). - Une des raisons pour cela était

13 qu'à l'époque vous aviez des ecchymoses et du psoriasis ?

14 M. Dordic (interprétation). - Oui, j'avais du psoriasis et

15 j'étais très maigre, j'étais comme un squelette, un squelette ambulant.

16 M. Greaves (interprétation). - Vous voyez bien, monsieur, que

17 malheureusement je ne suis pas dans la même condition que vous. Je ne suis

18 pas maigre, mais je sais quelque chose sur le psoriasis. Cette expérience

19 est quelque chose que je connais. Est-ce que ce psoriasis était dans un

20 état très grave à l'époque ?

21 M. Dordic (interprétation). - Oui, j'en avais sur le visage, les

22 mains et sur tout le corps. Partout où il y a des os. J'étais couvert de

23 partout.

24 M. Greaves (interprétation). - Il y a plusieurs façons dont cela

25 se manifeste : de la peau qui sèche... Etait-ce simplement cela ou avez-

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1 vous eu aussi des saignements à cause du psoriasis ?

2 M. Dordic (interprétation). - Non, nous transpirions beaucoup,

3 il faisait très chaud et donc la peau était très rouge. La peau séchée

4 tombait et la peau par-dessous était à vif et très rouge.

5 M. Greaves (interprétation). - Lorsque Pavo est venu vous voir,

6 il devait de toute évidence constater que vous souffriez de cette maladie

7 car cela apparaissait sur votre visage ?

8 M. Dordic (interprétation). - Il m'a demandé ce que c'était, il

9 ne savait pas et je lui ai expliqué. Je lui ai dit que c'était du

10 psoriasis.

11 M. Greaves (interprétation). - Aviez-vous déjà souffert de cette

12 maladie avant la guerre ?

13 M. Dordic (interprétation). - Depuis 1975. Je l'avais de temps

14 en temps, et de façon systématique sur les coudes.

15 M. Greaves (interprétation). - Je crois que cela disparaît au

16 soleil et il semble que vous ayez été pas mal exposé au soleil récemment ?

17 M. Dordic (interprétation). - Parfois, la maladie disparaît,

18 parfois pas.

19 M. Greaves (interprétation). - Lorsqu'il vous a vu dans cet

20 état, il a pris des mesures pour que vous soyez emmené à Musala pour une

21 courte période ?

22 M. Dordic (interprétation). - Sans doute, puisque j'ai été

23 emmené. C'était sans doute la raison et il avait le pouvoir de le faire.

24 M. Greaves (interprétation). - Dernière question, Monsieur

25 Dordic, si vous le voulez bien. Il était responsable du transfert et donc

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1 du départ de Esad Landzo, n'est-ce pas ?

2 M. Dordic (interprétation). - Je pense que c'est lui. Les gardes

3 nous ont dit que c'était Pavo qui avait renvoyé Esad Landzo. Je n'en suis

4 pas sûr, c'est ce que j'ai entendu dire par les gardes et je ne peux pas

5 dire s'ils mentaient ou non.

6 M. Greaves (interprétation). - Quel que soit le moment où cela

7 est arrivé, la raison peut en être qu'il avait tiré des coups de feu à

8 proximité immédiate de gens, n'est-ce pas ?

9 M. Dordic (interprétation). - Il avait tiré contre nous. Nous

10 entendions les coups de feu lorsque nous avions des visites, le long de la

11 clôture.

12 Etait-ce la raison prinpale, je n'en sais rien.

13 M. Greaves (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur

14 Dordic. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

15 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Maître

16 Residovic.

17 Mme Residovic (interprétation). - Un instant, je vous prie,

18 Monsieur le Président, que je m'organise avec les appareils. Pour nous,

19 c'est un peu plus compliqué car il faut que nous organisions les canaux

20 d'interprétation puisque trois langues sont parlées ici.

21 Je peux commencer, Monsieur le Président ?

22 M. le Président (interprétation). - Oui. Le témoin est à vous.

23 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur Dordic.

24 M. Dordic (interprétation). - Bonjour.

25 Mme Residovic (interprétation). - Je m'appelle Edina Residovic

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1 et je défends M. Zejnil Delalic.

2 M. Dordic (interprétation). - Je vous en prie.

3 Mme Residovic (interprétation). - Cela fait un moment déjà que

4 vous répondez aux questions de l'accusation et de mes confrères et le

5 greffe vient de me demander, même si de toute façon nous l'aurions fait

6 pour notre convenance personnelle à tous les deux, que nous nous

7 entendions sur un point. A savoir, lorsque vous êtes interrogé par un

8 collègue qui parle anglais, tout à fait normalement vous attendez d'avoir

9 entendu la fin de l'interprétation avant de répondre à la question.

10 Mais pour ce qui nous concerne vous et moi, puisque nous parlons

11 une langue que nous comprenons tous les deux, la discussion nous enlève

12 quelquefois et nous nous laissons emporter par le dialogue.

13 Donc je vous prierai, si vous le voulez bien, quand vous

14 entendez une question que je vous pose, d'attendre quelques secondes avant

15 de répondre à la question de façon à vous assurer que les interprètes vers

16 l'anglais ont bien pu terminer leur travail. J'agirai de même de façon que

17 chacun dans la salle puisse bien comprendre de quoi nous parlons.

18 Nous nous sommes compris ?

19 M. Dordic (interprétation). - Oui.

20 Mme Residovic (interprétation). - Bien, merci.

21 Monsieur Dordic, vous avez déclaré devant ce Tribunal que le

22 19 avril, vous avez quitté Konjic pour vous rendre à Bradina. Est-ce

23 exact ?

24 M. Dordic (interprétation). - Non, je suis resté tout le temps à

25 Bradina, mais je travaillais à Konjic jusqu'au 19.

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1 Mme Residovic (interprétation). - A ce moment-là, vous

2 travailliez au Motel à Konjic, n'est-ce pas ?

3 M. Dordic (interprétation). - Oui, jusqu'au 19.

4 Mme Residovic (interprétation). - Oui, jusqu'au 19. A cette

5 époque-là, des troubles considérables avaient déjà commencé en Bosnie-

6 Herzégovine, n'est-ce pas ?

7 M. Dordic (interprétation). - Oui. La situation s'est tendue

8 entre les Serbes, les Musulmans et les Croates.

9 Mme Residovic (interprétation). - A Mostar, il y avait déjà des

10 combats importants ?

11 M. Dordic (interprétation). - C'est ce que nous avons entendu

12 par les médias.

13 Mme Residovic (interprétation). - A Sarajevo, le conflit a

14 commencé le 6 avril, n'est-ce pas ?

15 M. Dordic (interprétation). - Oui, c'est ce que nous avons

16 entendu dire par les médias, car je n'ai pas voyagé.

17 Mme Residovic (interprétation). - Et vous avez appris également

18 par les médias que ce jour-là, l'état de danger imminent de guerre a été

19 décrété en Bosnie-Herzégovine ?

20 M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas, je n'étais pas au

21 courant.

22 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez également déclaré

23 dans votre déposition faite jusqu'à présent qu'à Bradina, comme le reste

24 de la population d'ailleurs, et en raison de la crainte qui a envahi les

25 habitants, vous avez commencé à vous organiser vous-même pour assurer

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1 votre défense, n'est-ce pas ?

2 M. Dordic (interprétation). - Oui, oui.

3 Mme Residovic (interprétation). - Mais vous avez déclaré que

4 d'autres habitants de Bradina avaient agi de même.

5 M. Dordic (interprétation). - Oui.

6 Mme Residovic (interprétation). - Je voudrais revenir sur votre

7 profession. Vous avez dit que vous étiez garçon de café, serveur, et cette

8 formation, vous l'avez achevée à Mostar ?

9 M. Dordic (interprétation). - Oui.

10 Mme Residovic (interprétation). - Et il y a quelques instants,

11 vous avez répondu à mon confrère qu'étant serveur et ayant travaillé en

12 plusieurs endroits à Konjic, vous avez fait la connaissance d'un grand

13 nombre de personnes à Konjic.

14 Certaines de ces personnes, vous les connaissiez uniquement de

15 vue et d'autres étaient des connaissances un peu plus proches, n'est-ce

16 pas ?

17 M. Dordic (interprétation). - Oui.

18 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Dordic, on vous

19 appelait gentiment "Mrkela", n'est-ce pas ?

20 M. Dordic (interprétation). - Oui, avant la guerre, d'après

21 Mrkela, le joueur de football. J'étais un supporter de l'équipe Zvelda.

22 Mme Residovic (interprétation). - Donc, quand des gens parlent

23 d'un garçon de café qui s'appelle "Mrkela", ils parlent de vous ?

24 M. Dordic (interprétation). - Oui.

25 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Dordic, vous pouvez

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1 sûrement confirmer que sur le territoire de Konjic, et notamment sur le

2 territoire de Bradina, la famille Dordic compte de très nombreux membres,

3 n'est-ce pas ?

4 M. Dordic (interprétation). - Peut-être pas très nombreux, mais

5 elle fait partie des familles les plus nombreuses à Bradina.

6 Mme Residovic (interprétation). - Votre père s'appelle Nedeljko,

7 n'est-ce pas ?

8 M. Dordic (interprétation). - Oui.

9 Mme Residovic (interprétation). - Et votre mère, Todora ?

10 M. Dordic (interprétation). - Oui.

11 Mme Residovic (interprétation). - Son nom de jeune fille est

12 Mrkajic ?

13 M. Dordic (interprétation). - Oui.

14 Mme Residovic (interprétation). - Et la famille Mrkajic compte

15 également de nombreux membres à Bradina, n'est-ce pas ?

16 M. Dordic (interprétation). - Oui.

17 Mme Residovic (interprétation). - Votre épouse est née

18 "Mrkajic", c'est son nom de jeune fille n'est-ce pas ?

19 M. Dordic (interprétation). - Oui.

20 Mme Residovic (interprétation). - Donc vous êtes lié à cette

21 famille à la fois par votre mère et par votre épouse. Est-ce exact ?

22 M. Dordic (interprétation). - Oui.

23 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Dordic, Bradina, à

24 cette époque-là, faisait partie de la municipalité de Konjic, n'est-ce

25 pas ?

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1 M. Dordic (interprétation). - Oui.

2 Mme Residovic (interprétation). - Et à Konjic, des représentants

3 de toutes les nationalités vivaient à l'époque ?

4 M. Dordic (interprétation). - Oui.

5 Mme Residovic (interprétation). - Le nombre des Musulmans était

6 légèrement supérieur, mais tous vivaient ensemble, n'est-ce pas ?

7 M. Dordic (interprétation). - Oui.

8 Mme Residovic (interprétation). - La municipalité possède un

9 certain nombre d'organes légaux, la municipalité et d'autres organismes

10 tels que le SUP, par exemple, un certain nombre de comités aussi, n'est-ce

11 pas ?

12 M. Dordic (interprétation). - Oui.

13 Mme Residovic (interprétation). - Au mois d'avril, alors que

14 vous étiez encore employé, que vous aviez encore un emploi, vous savez que

15 Duro Kuljanin est le vice-président de l'Assemblée ?

16 M. Dordic (interprétation). - Oui.

17 Mme Residovic (interprétation). - Le président étant le Dr Hatci

18 (...).

19 M. Dordic (interprétation). - Oui.

20 Mme Residovic (interprétation). - Duro Kuljanin est Serbe,

21 n'est-ce pas ?

22 M. Dordic (interprétation). - Oui.

23 Mme Residovic (interprétation). - Personne n'a remplacé dans ses

24 fonctions Duro Kuljanin, n'est-ce pas ?

25 M. Dordic (interprétation). - Effectivement. Je ne m'occupais

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1 pas de politique, mais je crois que dans les faits, ils s'étaient séparés

2 juste avant la guerre.

3 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Dordic, vous ne savez

4 pas qu'il a été remplacé, mais vous savez qu'il est venu à Bradina ? C'est

5 cela?

6 M. Dordic (interprétation). - Quand ?

7 Mme Residovic (interprétation). - A la fin du mois d'avril.

8 M. Dordic (interprétation). - Je ne suis pas au courant qu'il

9 soit venu à Bradina.

10 Mme Residovic (interprétation). - Et vous n'êtes pas au courant

11 non plus qu'il ait été remplacé ?

12 M. Dordic (interprétation). - Non.

13 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Monsieur Dordic, vous

14 avez dit au Tribunal que dans le cadre de cette auto-organisation, vous

15 avez constitué des postes de garde sur la route de Bradina, des barrages

16 routiers ?

17 M. Dordic (interprétation). - Cela, c'était dans le cadre des

18 activités de la police. C'est la police qui contrôlait les barrages

19 routiers, les réservistes de la police. Quand les réservistes se sont

20 retirés, je ne sais pas exactement au cours de quel mois, ils sont partis

21 pour Podorasac. De Bradina, ils sont allés à Podorasac.

22 A ce moment-là, il y avait cinq ou six membres de la police de

23 réserve qui contrôlait les barrages depuis le mois d'avril, en fait depuis

24 le 20 avril.

25 Mme Residovic (interprétation). - Donc depuis le 20 avril, sur

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1 la route principale de Bradina, il y avait un barrage routier devant le

2 café de Mico et il était tenu par des habitants de Bradina, n'est-ce pas ?

3 M. Dordic (interprétation). - Non, c'est une erreur, il ne se

4 trouvait pas devant le café de Mico.

5 Mme Residovic (interprétation). - Dites-moi où il se trouvait ?

6 M. Dordic (interprétation). - Il se trouvait devant la boucherie

7 qui était la propriété de Edo -je ne me rappelle pas de son nom de

8 famille-, et au tunnel.

9 Mme Residovic (interprétation). - Ce ne sont pas des habitants

10 de Konjic qui ont établi ce barrage routier ?

11 M. Dordic (interprétation). - Non.

12 Mme Residovic (interprétation). - Les personnes qui ont

13 construit ce barrage routier n'avaient aucune autorisation ni du Conseil

14 suprême de la municipalité, ni de quelqu'autre organe exécutif. Vous êtes

15 au courant de cela ?

16 M. Dordic (interprétation). - Je suis au courant, oui, mais à ce

17 moment-là plus personne ne passait déjà par Bradina. Rares étaient ceux

18 qui passaient.

19 Mme Residovic (interprétation). - Ceux qui étaient autorisés à

20 passer au barrage routier, n'est-ce pas ?

21 M. Dordic (interprétation). - Ceux qui étaient autorisés à

22 passer le barrage routier, je crois que cela avait déjà une relation avec

23 Ilija et en bas, avec le couloir.

24 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Dordic, puisque vous

25 étiez à Konjic jusqu'au 19 avril, vous êtes au courant qu'une mobilisation

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1 générale a été décrétée à Konjic le 17 avril ?

2 M. Dordic (interprétation). - Oui, j'ai reçu un ordre de

3 mobilisation et je l'ai refusé.

4 Mme Residovic (interprétation). - Effectivement, donc cela veut

5 dire que vous n'avez accepté d'obéir à l'ordre de mobilisation que vous

6 avez reçu ?

7 M. Dordic (interprétation). - Non, pas tel qu'il était rédigé.

8 Mme Residovic (interprétation). - Et vous savez que refuser un

9 ordre de mobilisation, en vertu des lois de notre pays et de l'ex-

10 Yougoslavie est un acte criminel ?

11 M. Dordic (interprétation). - J'ai refusé d'obtempérer à l'ordre

12 de mobilisation tel qu'il était rédigé car il était stipulé qu'il fallait

13 que nous enlevions les anciens insignes de nos uniformes, si nous avions

14 des uniformes, qu'ils allaient nous apporter de nouveaux insignes et qu'il

15 fallait que l'on se procure soi-même ses armes.

16 J'ai accepté de me rendre à la Mjeznasajinica, à la communauté

17 locale, mais il n'y avait personne de Konjic.

18 Mme Residovic (interprétation). - La seule chose que vous avez

19 faite, c'est que vous avez acheté des armes de façon illégale, n'est-ce

20 pas ?

21 M. Dordic (interprétation). - Oui, oui.

22 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Dordic, vous n'avez

23 pas non plus été licencié du motel où vous travailliez le jour où vous

24 êtes parti pour Bradina ?

25 M. Dordic (interprétation). - Marko Draganic, qui remplissait

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1 les fonctions de directeur à l'époque, m'a dit que j'étais en congé sans

2 solde.

3 Mme Residovic (interprétation). - Et après ce congé sans solde,

4 vous n'êtes pas revenu ?

5 M. Dordic (interprétation). - Non, j'ai toujours mes papiers

6 officiels là-bas.

7 Mme Residovic (interprétation). - Bien, j'espère que vous

8 pourrez revenir au travail bientôt.

9 M. Dordic (interprétation). - Non, je ne crois pas.

10 Mme Residovic (interprétation). - Devant le Tribunal, vous avez

11 déclaré dans votre déposition qu'aux alentours du 12 ou 13 mai s'est

12 produite la première attaque contre votre village, attaque que vous avez

13 repoussée avec succès, n'est-ce pas ?

14 M. Dordic (interprétation). - Je n'ai pas participé à cette

15 attaque parce qu'elle se passait de l'autre côté. Je crois qu'il y a six à

16 sept kilomètres entre ma maison et l'endroit où cela s’est passé, à vol

17 d’oiseau, à Bradina.

18 Mme Residovic (interprétation). - Oui, mais les soldats qui se

19 trouvaient sur les lieux ont repoussé cette attaque ?

20 M. Dordic (interprétation). - Oui.

21 Mme Residovic (interprétation). - Vous êtes au courant du fait

22 que votre voisin, Zvonko, a dirigé cette première attaque ?

23 M. Dordic (interprétation). - Oui. Quelqu'un qui était un

24 officier d'active. Il y avait des gens de Repovci.

25 Mme Residovic (interprétation). - Mais par la suite, vous avez

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1 commencé à vous armer de façon plus intensive, n'est-ce pas ?

2 M. Dordic (interprétation). - Non, après, nous ne pouvions plus

3 aller nulle part. Nous ne pouvions plus utiliser que la route qui allait

4 d'un tunnel à l'autre.

5 Mme Residovic (interprétation). - Mais vous avez commencé à

6 creuser des tranchées ?

7 M. Dordic (interprétation). - Non, pour ce que j'en sais, il

8 n'y a pas un mètre de tranchée qui a été creusé.

9 Mme Residovic (interprétation). - Donc, si les habitants de

10 votre région disent cela devant ce Tribunal...

11 M. Dordic (interprétation). - Moi, en tout cas, je n’ai pas dit

12 qu'il y a eu des tranchées creusées. Moi, en tout cas, je n’en ai pas

13 creusé, je ne sais pas si d'autres l'ont fait.

14 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Dordic, êtes-vous au

15 courant du fait que les autorités de Konjic ont essayé de régler le

16 problème des barrages routiers et des armes par des négociations ?

17 M. Dordic (interprétation). - Oui, j'en ai entendu parler de la

18 bouche de ceux qui venaient de ces négociations, qui rentraient après ces

19 négociations.

20 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous êtes au

21 courant du fait qu'ils ont pratiquement imposé un ultimatum pour exiger la

22 restitution des armes et la libération de la route ?

23 M. Dordic (interprétation). - D'après ce que nous avons appris,

24 il fallait que le 25, des négociations à Podorasac ou à Bradina -je ne me

25 souviens pas exactement-, et vers midi, 13 heures, il fallait que les

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1 armes soient restituées et que nous nous dirigions tranquillement et

2 pacifiquement vers le territoire qui à l'époque était contrôlé par les

3 Serbes. En tout cas, c'est l'information que j'ai reçue.

4 Cependant, au lieu d'un tel accord, c'est une attaque qui a eu

5 lieu.

6 Mme Residovic (interprétation). - Je ne vous ai pas demandé

7 cela. Cependant, comme vous l'avez dit, vous-même et les habitants de

8 votre village n'ont pas remis leurs armes jusqu'au 25 mai ?

9 M. Dordic (interprétation). - Non.

10 Mme Residovic (interprétation). - Et les deux barrages routiers,

11 celui qui se trouvait devant la boucherie et celui qui se trouvait devant

12 le tunnel à Bradina, n’ont pas été levés jusqu'à ce jour-là, n'est-ce

13 pas ?

14 M. Dordic (interprétation). - Non.

15 Mme Residovic (interprétation). - Vous-même comme les autres,

16 vous pouvez témoigner devant le Tribunal du fait que dans la pratique, si

17 à Bradina ou à n'importe quel autre endroit, sur la route principale, on

18 établissait des barricades et des barrages routiers, il est pratiquement

19 impossible de circuler entre Konjic et Bradina ?

20 M. Dordic (interprétation). - Les barricades étaient déjà

21 installées avant, si bien que les nôtres n'étaient absolument pas

22 nécessaires parce que plus personne ne passait par Bradina.

23 Mme Residovic (interprétation). - Mais revenons à votre réponse

24 antérieure. Vous aviez confirmé il y a quelques instants que des

25 barricades ont été mises en place par les autorités légales puisqu'il y

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1 avait un danger de guerre imminent, n'est-ce pas ?

2 M. Dordic (interprétation). - Oui, j'ai justement vu un barrage

3 routier le 20 avril, la dernière fois que je suis allé à Bradina, j'ai vu

4 un barrage routier à Podorasac.

5 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Votre frère s’appelle

6 Rajko Dordic, n'est-ce pas ?

7 M. Dordic (interprétation). - Oui.

8 Mme Residovic (interprétation). - Il travaillait à l'état-major

9 de la défense territoriale de Konjic ?

10 M. Dordic (interprétation). - Oui.

11 Mme Residovic (interprétation). - Votre frère Rajko non plus n'a

12 pas été expulsé de l'état-major de la défense territoriale, n'est-ce pas ?

13 M. Dordic (interprétation). - Je ne sais pas, je ne suis pas au

14 courant. Il est parti tout seul.

15 Mme Residovic (interprétation). - Oui, il est parti tout seul. A

16 peu près au même moment que vous, aux alentours du 20 avril, il est arrivé

17 à Bradina.

18 M. Dordic (interprétation). - Oui, et c’est justement moi qui

19 l’ai aidé à sortir parce qu'à ce moment-là, il n'avait pas de voiture.

20 Mme Residovic (interprétation). - Vous-même et votre frère

21 Rajko, vous êtes donc partis de Konjic ce jour-là en voiture pour Bradina,

22 et vous n'êtes plus retournés en arrière jusqu'à la période des combats

23 dont vous avez longuement parlé devant le Tribunal, est-ce exact ?

24 M. Dordic (interprétation). - Non, je ne suis plus rentré. C'est

25 la dernière fois que je m'y suis trouvé. Simplement, quand j'ai été mis en

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1 prison, ils m'y ont emmené par la force.

2 Mme Residovic (interprétation). - Votre frère, compte tenu des

3 ses activités à l'état-major de la défense territoriale, avait une

4 certaine expérience en matière d’auto-organisation de la population,

5 n'est-ce pas?

6 M. Dordic (interprétation). - Sans doute qu'il en avait une

7 mais, en fait, ce n’était pas une organisation qui valait grand chose.

8 Mme Residovic (interprétation). - Mais tout de même, avec les

9 forces qui étaient les siennes, il a aidé les gens qui lui demandaient

10 conseil, n'est-ce pas ?

11 M. Dordic (interprétation). - Oui.

12 Mme Residovic (interprétation). - Il a participé aux activités

13 de la cellule de crise qui s'est créée à Bradina ?

14 M. Dordic (interprétation). - Oui.

15 Mme Residovic (interprétation). - Devant ce Tribunal,

16 Monsieur Dordic, vous avez reconnu sur une photographie le type d'arme que

17 vous possédiez, à savoir un fusil automatique ?

18 M. Dordic (interprétation). - Oui.

19 Mme Residovic (interprétation). - J'ai vu cette photographie,

20 mais je ne comprends pas grand-chose aux armes. Je voudrais donc vous

21 demander si c'est bien le fusil que nous appelons populairement une

22 Kalachnikov ?

23 M. Dordic (interprétation). - Les Musulmans l’appelaient la

24 "Tsigane" à l'époque.

25 Mme Residovic (interprétation). - Votre fusil était donc de

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1 fabrication nationale ?

2 M. Dordic (interprétation). - Oui.

3 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Dordic, vous avez

4 déclaré avoir acheté ce fusil sur le marché noir. Est-ce que vous pouvez

5 me dire si vous-même et les autres habitants de votre village vous

6 entraidiez pour obtenir des armes ?

7 M. Dordic (interprétation). - Oui, ceux qui avaient des

8 filières, mais les renseignements au sujet de ces filières, ils les ont

9 emportés avec eux dans la tombe.

10 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact que vous avez

11 reçu votre arme de Branislav Gligorevic ?

12 M. Dordic (interprétation). - Oui, il m'a demandé une certaine

13 somme. J'ai estimé qu'elle était appropriée et je l'ai achetée.

14 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez aussi reçu de lui

15 plus de quatre-vingts balles que vous n'avez pas utilisées au cours des

16 opérations, est-ce exact ?

17 M. Dordic (interprétation). - Oui, j'en ai reçu davantage par la

18 suite. Au total, j'en avais cent cinquante.

19 Mme Residovic (interprétation). - Vous connaissez également

20 Relja Gligorevic ?

21 M. Dordic (interprétation). - Relja Gligorevic ?

22 Mme Residovic (interprétation). - Oui.

23 M. Dordic (interprétation). - Oui.

24 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous l'avez aidé à

25 utiliser ces mêmes filières pour obtenir un fusil automatique et cent

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1 cinquante balles ?

2 M. Dordic (interprétation). - Oui, justement par l'intermédiaire

3 de Beko, de ce Branislav.

4 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Dordic, vous

5 connaissez sûrement Milivoj Gligorevic également, un chauffeur d'une

6 société de transport ?

7 M. Dordic (interprétation). - Oui.

8 Mme Residovic (interprétation). - Puisque lui avait un peu plus

9 d'argent, vous l'avez aidé à obtenir un fusil automatique et 250 balles.

10 Est-ce exact ?

11 M. Dordic (interprétation). - Je ne suis pas au courant de cela.

12 M. le Président (interprétation). - Maître Residovic, combien de

13 temps encore êtes-vous prête à poursuivre ?

14 Si vous êtes en train de conclure, d'accord, mais je voudrais

15 savoir de combien de temps vous avez encore besoin ?

16 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai

17 encore besoin de pas mal de temps.

18 M. le Président (interprétation). - Il est 17 heures 30, voyez-

19 vous. Nous ne siégerons pas demain, la prochaine possibilité c'est donc

20 lundi à 11 heures. Je ne crois donc pas que vous puissiez continuer cette

21 série de questions maintenant. Je ne pensais pas que cela prendrait si

22 longtemps, voyez-vous, mais vous avez vos propres idées.

23 Nous suspendons l'audience et reprendrons nos travaux lundi 11

24 heures.

25 L'audience est suspendue à 17 heures 35.