Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi 14 octobre 1997

4 L'audience est ouverte à 10 h 05.

5 M. le Président (interprétation) - Madame et Messieurs, bonjour.

6 Qui comparait ce matin ?

7 M. Niemann (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges, je

8 m'appelle Grant Niemann, je comparais avec Me McHenry, Me Turone et

9 Me Khan au nom de l'accusation.

10 M. le Président (interprétation) - Qui comparait au nom de la

11 défense ?

12 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs

13 les Juges. Je m'appelle Edina Residovic, je défends M. Zejnil Delalic,

14 avec mon confrère Eugène O'Sullivan, professeur canadien.

15 M. Olujic (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

16 bonjour. Je m'appelle Zeljko Olujic, je viens de Zagreb, je suis avocat.

17 Je défends M. Zdravo Mucic avec Me Michael Greaves, avocat de Grande-

18 Bretagne et d'Irlande du Nord.

19 M. Karabdic (interprétation). - Je m'appelle Salih Karabdic, je

20 suis avocat de Sarajevo. Je défends M. Hazim Delic avec Me Thomas Moran,

21 avocat de Houston au Texas.

22 M. Ackerman (interprétation). - Je m'appelle John Ackerman, je

23 comparais avec Cynthia McMurrey au nom de Esad Landzo.

24 M. le Président (interprétation) - Je vous remercie. Je pense

25 que vous en étiez toujours au contre-interrogatoire du témoin. Qui va

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1 procéder au contre-interrogatoire au nom

2 de notre accusé ?

3 M. Olujic (interprétation). - Avec votre permission, Madame et

4 Messieurs les Juges, je vais procéder au contre-interrogatoire.

5 M. le Président (interprétation) - Je vous rappelle que vous

6 êtes toujours sous serment.

7 M. Olujic (interprétation). - Bonjour, Monsieur J. Vous êtes à

8 La Haye et dans ce prétoire pour la deuxième journée. J'espère que vous

9 pourrez bientôt rentrer chez vous. Je défends M. Zdravko Mucic.

10 Nous allons avoir un dialogue ensemble. Même si nous parlons des

11 langues qui sont certes différentes, mais qui nous permettent de nous

12 comprendre l'un et l'autre, dans l'intérêt de la Chambre de première

13 instance et de tout ceux qui sont présents dans le prétoire, je vous

14 demanderais d'attendre que j'ai terminé de vous poser la question avant de

15 répondre. Lorsque vous entendrez la fin de l'interprétation faite dans

16 l'une des langues officielles, je vous demanderai de commencer à répondre.

17 Est-ce que nous nous comprenons ?

18 Témoin J (interprétation). - Oui.

19 M. Olujic (interprétation). - Hier, au cours de l'interrogatoire

20 principal, vous avez dit vous être retrouvé au camp de Celebici et y avoir

21 passé environ quatre mois.

22 Témoin J (interprétation). - Approximativement, effectivement.

23 M. Olujic (interprétation). - Au cours de cette période que vous

24 avez passé au camp, alors que vous étiez incarcéré dans ce camp, y avait-

25 il un appel du matin auquel vous participiez, avec le salut au drapeau ?

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1 Témoin J (interprétation). - Il n'y avait pas d'appel du matin.

2 Il n'y avait pas d'appel des noms, ni de salut au drapeau.

3 M. Olujic (interprétation). - Y avait-il aussi un défilé des

4 gardes ou un appel des gardes le matin ?

5 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas.

6 M. Olujic (interprétation). - Vous avez passé quatre mois au

7 camp, avez-vous vu quoi que ce soit de ce genre ?

8 Témoin J (interprétation). - Non, pas en ce qui concerne les

9 gardes.

10 M. Olujic (interprétation). - Pourriez-vous me dire Monsieur J

11 combien de fois vous avez vu M. Mucic ?

12 Témoin J (interprétation). - Je l'ai vu plusieurs fois.

13 M. Olujic (interprétation). - Mais qu'est-ce que cela signifie

14 plusieurs fois ?

15 Témoin J (interprétation). - Plusieurs fois, pas seulement une

16 fois ou deux.

17 M. Olujic (interprétation). - Monsieur Mucic occupait-il un

18 poste particulier au camp ?

19 Témoin J (interprétation). - Je crois qu'il était commandant du

20 camp.

21 M. Olujic (interprétation). - Ce n'était pas la question que je

22 posais. Je demandais s'il avait un certain grade ?

23 Témoin J (interprétation). - Il portait un uniforme mais je n'ai

24 pas noté tel ou tel grade particulier.

25 M. Olujic (interprétation). - Vous avez dit que M. Mucic portait

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1 l'uniforme, mais quel uniforme avez-vous eu l'occasion de voir dans le

2 camp ?

3 Témoin J (interprétation). - Des treillis, des uniformes de

4 camouflage.

5 M. Olujic (interprétation). - Y avait-il différents uniformes

6 portés au camp ?

7 Témoin J (interprétation). - J'ai eu l'occasion de voir M. Decic

8 porter un uniforme noir. J'ai vu aussi des soldats, lorsqu'ils étaient à

9 l'entraînement ils avaient des uniformes de camouflage.

10 M. Olujic (interprétation). - Les gardiens du camp portaient-ils

11 des armes lorsqu'ils n'étaient pas de service ?

12 Témoin J (interprétation). - Vous voulez dire à l'intérieur du

13 camp ?

14 M. Olujic (interprétation). - Oui.

15 Témoin J (interprétation). - Oui, ils avaient des armes.

16 M. Olujic (interprétation). - Y avait-il des conflits parmi les

17 gardiens ?

18 Témoin J (interprétation). - Oui, parfois ils se querellaient.

19 M. Olujic (interprétation). - Vous avez servi dans l'armée de la

20 JNA ?

21 Témoin J (interprétation). - Oui.

22 M. Olujic (interprétation). - Avez-vous dû prêter serment ?

23 Témoin J (interprétation). - Oui.

24 M. Olujic (interprétation). - Savez-vous comment démonter une

25 arme ?

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1 Témoin J (interprétation). - Pas très bien. En fait, on m'a

2 forcé à nettoyer des armes plusieurs foi,s mais j’avais toujours besoin de

3 l'aide de quelqu’un pour y parvenir.

4 M. Olujic (interprétation). - Est-ce que c’était quelqu’un qui

5 faisait son service militaire avec vous ?

6 Témoin J (interprétation). - Non, je parle du camp ici.

7 M. Olujic (interprétation). - Non, je parle du service

8 militaire.

9 Témoin J (interprétation). - Lorsque j'étais dans la JNA,

10 j'avais un M 48, un vieux fusil. Puis, je suis passé cuisinier, ce qui

11 veut dire que je n’ai utilisé des armes que pendant les 3 premiers mois.

12 Par la suite, je me trouvais au Montenegro, où j’étais cuisinier. Nous

13 étions 8 en cuisine et nous travaillons en pause.

14 M. Olujic (interprétation). - Le fusil que vous aviez, saviez-

15 vous comment l'utiliser ?

16 Témoin J (interprétation). - Oui, en cours de formation, nous

17 avons appris à manipuler ces armes et à les utiliser.

18 M. Olujic (interprétation). - Vous avez dit avoir subi une

19 formation lorsque vous

20 vous trouviez dans la JNA. Quel était ce type de formation ? Par exemple,

21 savez-vous comment signer un document de capitulation ?

22 Témoin J (interprétation). - En tous cas, lorsque nous avons

23 prêté serment, nous nous sommes engagés à défendre le pays et on n’a rien

24 demandé d'autre.

25 M. Olujic (interprétation). - Voulez-vous dire que vous ne

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1 comprenez pas ce que je veux dire ou est-ce que vous ne connaissez pas

2 cela ?

3 Témoin J (interprétation). - Oui, il fallait prêter serment

4 d'allégeance à la Yougoslavie en cas d'attaque ou d’offensive lancée

5 contre la Yougoslavie. Je devais m'engager à défendre le pays et, le cas

6 échéant, à sacrifier ma vie. C'est ce dont je me souviens.

7 M. Olujic (interprétation). - Vous a-t-on appris cela ? Si vous

8 étiez fait prisonnier, vous deviez essayer de vous libérer ?

9 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas.

10 M. Olujic (interprétation). - Vous dites donc que vous n'avez

11 pas appris cela au cours de la formation dans la JNA ?

12 Témoin J (interprétation). - Non jamais, personne n'en a parlé

13 d'ailleurs, je n'en ai jamais entendu parler.

14 M. Olujic (interprétation). - Combien de temps a duré la

15 formation ?

16 Témoin J (interprétation). - Trois mois seulement. Les 3

17 premiers mois, c'était à la fois une formation, mais aussi une formation

18 comme cuisinier.

19 M. Olujic (interprétation). - Avez-vous aussi reçu une formation

20 politique ?

21 Témoin J (interprétation). - Je n'en ai jamais entendu parler.

22 M. Olujic (interprétation). - Monsieur J, vous êtes né à

23 Bradina ?

24 Témoin J (interprétation). - Oui.

25 M. Olujic (interprétation). - Au cours du temps que vous avez

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1 passé à Bradina, y avait-il un système de défense populaire généralisé ?

2 Témoin J (interprétation). - Oui, au niveau de la municipalité.

3 M. Olujic (interprétation). - C'était donc au niveau de la

4 municipalité ? Donc, il y avait quelque chose au niveau de la

5 municipalité.

6 Témoin J (interprétation). - Oui, il y avait la défense

7 populaire ou civile, je ne sais pas.

8 M. Olujic (interprétation). - Y avait-il un commandant, avie-

9 vous un commandant à Bradina, responsable en matière de défense ?

10 Témoin J (interprétation). - A Bradina, nous n'avions

11 pratiquement aucune armée. On discutait simplement. On disait en cas

12 d'attaque on ne touchera personne. Si les Musulmans sont accusés ou

13 attaqués, nous veillerons à la protection. Certains ont participé à des

14 réunions de négociation visant à la conclusion d’accords.

15 M. Olujic (interprétation). - Vous aviez donc finalement un

16 commandant à Bradina ?

17 Témoin J (interprétation). - Il y avait un petit groupe qui

18 assistait à des pourparlers, à des négociations, mais je n'en faisais pas

19 partie.

20 M. Olujic (interprétation). - Mais, qui en faisait partie

21 alors ? Citez simplement un ou deux noms dont vous vous souvenez.

22 Témoin J (interprétation). - Il y avait quelqu'un de Konjic,

23 était-ce Rusmo ?, je crois qu'il venait de Konjic en vue de ces

24 négociations. Je sais qu'il y a eu une réunion dans la salle de la

25 municipalité.

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1 M. Olujic (interprétation). - Donc, c'était quelqu'un de Konjic

2 ou de Bradina ?

3 Témoin J (interprétation). - Je crois qu'il y

4 avait Rajko Djordjic. Je ne sais plus.

5 M. Olujic (interprétation). - C’est son nom de famille ?

6 Témoin J (interprétation). - Oui.

7 M. Olujic (interprétation). - Aviez-vous des armes à Bradina,

8 Monsieur J ?

9 Témoin J (interprétation). - Il y avait certaines armes

10 à Bradina, certains fusils, mais rares étaient les personnes qui avaient

11 un fusil. C’était une arme légère.

12 M. Olujic (interprétation). - Une arme légère ?

13 Témoin J (interprétation). - Oui, quelque chose de cet ordre-là.

14 Il y avait certaines personnes qui portaient une arme de ce genre. Il y

15 avait quelques personnes qui avaient une arme.

16 M. Olujic (interprétation). - Combien d’armes y avait-il en

17 tout ?

18 Témoin J (interprétation). - Franchement, je ne sais pas. Je

19 m'occupais de mes propres affaires. Je ne voulais aucunement participer à

20 tout cela. Je ne m’attendais même pas à ce qu’il se passe quoi que ce

21 soit. Je ne voulais rien avoir à faire avec tout cela. J'étais isolé, un

22 peu marginal.

23 M. Olujic (interprétation). - Mais, vous aviez des armes ?

24 Témoin J (interprétation). - J'avais mes armes personnelles. Je

25 les avais obtenues des autorités en place auparavant. J'avais un fusil, un

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1 revolver, mais celui-ci a été volé trois ou quatre mois auparavant. Je

2 l'avais acheté, mais jamais utilisé. Il se trouvait dans ma nouvelle

3 demeure et je crois même savoir qui me l’a volé. Je l’ai signalé à la

4 police, j'ai signalé ce vol et j'ai dit à la police que je croyais savoir

5 qui était l'auteur de ce vol. Ils m’ont dit : "Que faire ?". Ils ont dit :

6 "Amenez cette personne, nous veillerons à ce qu'il y ait une

7 confrontation. Si cette personne venait et niait toust ceci, on ne

8 pourrait rien faire".

9 M. Olujic (interprétation). - Procédons lentement. Vous aviez un

10 revolver ?

11 Témoin J (interprétation). - Oui.

12 M. Olujic (interprétation). - Vous aviez aussi un fusil, une

13 carabine.

14 Témoin J (interprétation). - Oui, mais j’avais aussi un port

15 d’armes, un permis pour cela et j’avais cette arme depuis longtemps. Pour

16 ce qui est du revolver, Tusakovic qui était le commandement adjoint à

17 Konjic et qui était à mon café m'a dit : "Pourquoi ne demandes-tu pas

18 l'autorisation d'avoir un fusil ?". Je lui dis : "Pourquoi !" et il a

19 répondu ceci : "N'importe qui, qui n'a pas un casier judiciaire, peut

20 obtenir une arme". J'ai donc obtenu cette arme et quand j’ai signalé son

21 vol, je crois aussi que j’avais, en vertu du permis, 25 balles, mais je

22 n'ai jamais touché ce revolver, je ne l'ai jamais essayé. C'était un

23 Zastava, un 62 millimètres.

24 M. Olujic (interprétation). - Vous aviez donc un fusil, un

25 revolver et quand avez-vous demandé l'autorisation d’avoir ces armes ?

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1 quand ce permis a-t-il été délivré ?

2 Témoin J (interprétation). - J'avais ces armes depuis longtemps.

3 M. Olujic (interprétation). - Depuis quand ?

4 Témoin J (interprétation). - En fait, ce fusil appartenait à mon

5 père. A la mort de mon père, j'ai gardé le fusil.

6 M. Olujic (interprétation). - Mais vous avez demandé un permis

7 pour le révolver ? Quand ?

8 Témoin J (interprétation). - Environ trois ou quatre mois avant

9 la guerre, ce revolver a disparu. La vitre de l’appartement avait été

10 cassée et l’arme avait disparu. Je ne me suis pas adressé au Tribunal. Je

11 me suis contenté d'aller au commissariat de police pour signaler le vol.

12 J’ai dit : "Je crois que c’est cet homme-là, ce jeune homme-là qui était

13 l'auteur du vol" , et là on m'avait dit : "Vous pouvez faire venir ce

14 jeune homme en vue d'une confrontation", mais la police m’a dit : "S’il

15 nie le vol, on ne pourra rien faire". Mais, en fait, la question n'a

16 jamais été résolue.

17 M. Olujic (interprétation). - Combien de munitions aviez-vous ?

18 Témoin J (interprétation). - 75 balles.

19 M. Olujic (interprétation). - Combien de balles aviez-vous ?

20 pour le fusil ?

21 Témoin J (interprétation). - Je n'avais pas de balle, c'était

22 plutôt une espèce de trophée, cette arme.

23 M. Olujic (interprétation). - Monsieur J, lorsque vous vous

24 trouviez à Celebici,

25 vous avez décrit les tortures qui vous ont été infligées vous êtes-vous

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1 adressé à M. Mucic pour déposer une plainte officielle de ce qui vous

2 arrivait ?

3 Témoin J (interprétation). - Non, je n'ai pas osé.

4 M. Olujic (interprétation). - Fort bien. Parlons de ces armes

5 que vous aviez, de ce fusil et de ce revolver. Où se trouvaient ces

6 armes ?

7 Témoin J (interprétation). - Dans ma vieille maison. Les deux

8 armes, fusil et revolver, étaient cachés dans le divan.

9 M. Olujic (interprétation). - Dissimulés pour protéger les

10 enfants ?

11 Témoin J (interprétation). - Oui.

12 M. Olujic (interprétation). - Mais, si moi je venais, je ne

13 saurais pas trouver cette arme. C'est comme cela que je dois vous

14 comprendre ?

15 Témoin J (interprétation). - Oui, je l'ai cachée pour que les

16 enfants n'y aient pas accès. Il n'y avait pas de balle pour le fusil, mais

17 il y en avait pour le revolver. Quand le revolver a été volé, en fait, les

18 deux armes se trouvaient au même endroit, et pourtant le voleur a laissé

19 le fusil. J’ai pris ce fusil et je l'ai mis dans la vieille maison.

20 M. Olujic (interprétation). - Est-ce que ce fusil a été emporté

21 plus tard ?

22 Témoin J (interprétation). - Non.

23 M. Olujic (interprétation). - Vous aviez un permis pour cette

24 arme ?

25 Témoin J (interprétation). - Oui.

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1 M. Olujic (interprétation). - Au camp, vous aviez dit que vous

2 n'aviez qu'une marge de mouvement limitée.

3 Témoin J (interprétation). - Oui, comme tout le monde.

4 M. Olujic (interprétation). - Fort bien. Monsieur J, à l'arrivée

5 de la Croix-Rouge, aviez-vous toujours une marge de mouvement limitée ou

6 pouviez-vous déambuler en toute liberté ?

7 Témoin J (interprétation) - Non, nous étions toujours très

8 limités dans nos mouvements, mais les choses allaient un peu mieux. C'est

9 un peu différent

10 M. Olujic (interprétation). - Au cours de l’interrogatoire

11 principal, vous avez dit que M. Mucic était présent au moment où vous avez

12 été placé dans ce contener, n’est-ce pas ?.

13 Témoin J (interprétation). - Oui je crois qu'il était présent

14 parce que je regardais droit devant moi. Vraiment, l'attention était très

15 grande. Il y avait eu un tabassage. Je crois l’avoir vu, mais je ne

16 l'affirme pas. mais je ne l’affirme pas avec 100 % de certitude.

17 M. Olujic (interprétation). - Donc vous envisagez qu'il était

18 possible aussi qu’il ne soit pas présent ?

19 Témoin J (interprétation). - Je crois l’avoir vu là. Ils ont

20 comencé à me tabasser tout de suite, mais je crois avoir entendu sa voix

21 par la suite.

22 M. Olujic (interprétation). - Je vous pose cette question parce

23 que tous les autres prisonniers présents au camp ont dit que M. Mucic

24 n'était pas présent à ce moment-là.

25 Mme McHenry (interprétation). - Je crois qu'il faudrait corriger

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1 le compte rendu. Je crosi qu’il y a plusieurs témoignages prouvant la

2 présence de M. Mucic au moment où ces hommes ont été placés dans le trou

3 d’homme.

4 Témoin J (interprétation). - J'ai entendu cette voix très

5 distinctement.

6 M. Olujic (interprétation). - Fort bien. Vous n'êtes pas sûr

7 pourtant.

8 Témoin J (interprétation). - Moi, je suis certain de la voix,

9 ça, c’est certain.

10 M. Olujic (interprétation). - Au cours de l’interrogatoire

11 principal, lorsque Me McHenry vous a posé des quesitons, vous avez dit

12 qu'il y a eu des journalistes arabes dans le camp ?

13 Témoin J (interprétation). - Oui. Les arabes sont venus.

14 C'étaient des journalistes. Ils avaient le teint sombre.

15 M. Olujic (interprétation). - Mais de quel pays venaient-ils ?

16 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas.

17 M. Olujic (interprétation). - Comment saviez-vous que c’étaient

18 des Arabes ?

19 Témoin J (interprétation). - Parce que les gens disait : il y a

20 des Arabes qui arrivent, autant les gardiens que les autres.

21 M. Olujic (interprétation). - Vous parlez arabe ?

22 Témoin J (interprétation). - Non. C'étaient les gardes qui nous

23 ont dit que c’étaient des Arabes. Je les ai vus.

24 M. Olujic (interprétation). - Vous les avez vus. Mais comment en

25 avez-vous conclu que c'étaient des Arabes ?

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1 Témoin J (interprétation). - Ils avaient le teint foncé.

2 M. Olujic (interprétation). - Vous les avez reconnu par la

3 race ?

4 Témoin J (interprétation). - Puis par la langue inhabituelle.

5 Les gardiens ont dit que c'étaient des Arabes.

6 M. Olujic (interprétation). - Monsieur J, est-ce que vous étiez

7 membre du SDS, du parti démocratique serbe ?

8 Témoin J (interprétation). - Jamais, je n'ai été membre non plus

9 de la ligue des communistes.

10 M. Olujic (interprétation). - Au cours de l’interrogatoire

11 principal, vous avez fait état de M. Guska. C’était un de vos ami ?

12 Témoin J (interprétation). - Oui. Nous sommes restés amis

13 jusqu’au dernier jour. Il était vétérinaire, et il venait faire

14 l’inspection des viandes dans mon abattoir. Il y avait trois ou quatre

15 vétérinaires qui se relayaient tous les jours ou toutes les semaines. Nous

16 nous sommes sans doute retrouvé au moins cent fois, soit à la boucherie,

17 soit au café. Il venait chez moi, sa mère aussi. Je croyais que nous

18 étions des amis et jusqu’alors, il n'avait rien fait qui me prouve le

19 contraire. Il n’aurait jamais manifesté d’hostilité envers moi.

20 M. Olujic (interprétation). - Quand cette amitié a-t-elle pris

21 fin ?

22 Témoin J (interprétation). - J'étais à Bradina, il était à

23 Konjic, et juste avant la guerre, je ne sais pas quand exactement, il a

24 été désigné chef de la police et jusqu'alors il avait été vétérinaire.

25 Mais, à la veille de la guerre il a été promu au poste de chef de la

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1 police à Konjic. Jamais nous ne nous sommes disputés, mais les choses sont

2 allées à vau-l'eau et lorsque j'ai été amené à Bradina, je l'ai vu, il y a

3 fait Sefko, il y avait beaucoup de soldats, et j'ai eu le sentiment qu'il

4 se cachait un petit peu, qu'il prenait ses distances par rapport à moi,

5 que manifestement il ne voulait pas simplement venir me dire bonjour. Mais

6 Sefko était là, Guska aussi et Sefko m’a dit : "Pourquoi t’es-tu sauvé ?

7 Tu avais tellement d'argent. Pourquoi es-tu parti ?". Puis il a dit :

8 "Arrête, je connais cette personne très bien, c'était un policier d'avant

9 la guerre". Il est allé dans une vieille maison qu’habitait un certain

10 Pero. Puis ils nous ont ligotés. En tout cas, ils étaient revenus avec du

11 fil, une pince et ils nous ont donc ligotés, liés les mains, puis ils nous

12 ont emmenés à cet intersection. Il y avait ma maison, il y avait Sefko,

13 Guska était à droite devant ma maison et ils nous ont emmenés dans un

14 petit entrepôt pour nous tuer. Il y avait une petite fontaine. Il y avait

15 Gajic, Irzen Mirz.

16 M. Olujic (interprétation). - Pourriez-vous ralentir le débit ?

17 Témoin J (interprétation). - J'ai vu Mirso. Lorsque nous sommes

18 arrivés à l’entrée, on nous a donné l’ordre d’arrêter.

19 M. Olujic (interprétation). - Fort bien, Monsieur J, il n'est

20 pas nécessaire de donner autant de détails. Je vous demande de vous en

21 tenir aux questions que je vous pose. Essayez d’y répondre de la façon la

22 plus concise possible. Vous ne devez pas trop vous fatiguer, je sais que

23 c’est un moment difficile pour vous, mais essayez de nous comprendre

24 aussi. Nous faisons notre travail, nous aussi.

25 M. Olujic (interprétation). - Hier, pendant l’interrogatoire

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1 principal, vous avez dit que presque jusqu’à la dernière minute vous étiez

2 à Konjic avant le début de la guerre ?

3 Témoin J (interprétation). - Oui, c'est exact. Je suis allé à

4 Konjic, je suis allé à Tarcin et je suis allé acheté des biens et de la

5 nourriture.

6 M. Olujic (interprétation). - Combien de jours avant le

7 pilonnage êtes-vous allé à Konjic ?

8 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas, je ne me rappelle

9 plus, je ne sais plus quand Konjic a été l'objet de cette attaque. J'y

10 allais régulièrement, je ne sais pas.

11 Témoin J (interprétation). - Qu'est-ce que cela veut dire : vous

12 ne savez pas. Vous ne saviez pas que Konjic avait été attaquée et

13 détruite ?

14 Témoin J (interprétation). - Je ne savais pas que la ville avait

15 été attaquée avant que Bradina ne soit attaquée, avant que nous, à

16 Bradina, soyons attaqués. Je ne le savais pas, non.

17 M. Olujic (interprétation). - Lorsque Bradina a été l'objet

18 d'une offensive, vous êtes-vous défendu ?

19 Témoin J (interprétation). - Les gens ont commençé à s’enfuir

20 lorsque Bradina a été attaquée. Les obus ont commencé à tomber sur la

21 ville, les femmes et les enfants.

22 M. Olujic (interprétation). - Combien cette attaque sur Bradina

23 a-t-elle duré ?

24 Témoin J (interprétation) - Je ne sais pas. Je crois qu'elle a

25 commencé au cours de l'après-midi, elle a duré toute la soirée, toute la

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1 nuit et puis le lendemain.

2 M. Olujic (interprétation). - Donc plus de deux jours ?

3 Témoin J (interprétation). - Non, pas plus de deux jours. Les

4 gens ont commencé à s’enfuir tout de suite, dans l’heure. Je crois que

5 c’est cela. Je sais que j’étais dans ma vieille maison, avec ma femme et

6 mes enfants, à ce moment-là. Il y avait des enfants, des gens qui étaient

7 tués. Tous ces gens essayaient de s'enfuir. Certaines personnes sont

8 venues dans ma cave, il y avait plus de trente femmes et enfants dans ma

9 cave.

10 M. Olujic (interprétation). - Témoin J, hier, durant

11 l'interrogatoire principal, vous

12 avez dit que lorsque vous quittiez Celibici, MM. Zara et Pavo étaient avec

13 vous ?

14 Témoin J (interprétation) - Oui.

15 M. Olujic (interprétation). - Qui est parti avec vous sur le

16 territoire contrôlé par les Serbes ?

17 Témoin J (interprétation) - Quelqu’un qui s’appelait ... je ne

18 sais plus, quelqu’un qui avait une petite Fiat... et puis il y avait plein

19 d’autres personnes. Il y avait, en fait, trois véhicules.

20 M. Olujic (interprétation). - Combien de temps a duré le trajet

21 entre Celibici et votre destination ?

22 Témoin J (interprétation) - Cela a été un long voyage. Nous

23 sommes passé à Tripolje, Kresevo également, nous avons traversé la forêt.

24 M. Olujic (interprétation). - Vous pourriez nous donner plus de

25 détail ? Etait-ce à peu près à 100 kilomètres ?

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1 Témoin J (interprétation) - Oui, plus ou moins, 90, 100,

2 110,.je ne sais pas. Je ne me rappelle plus de la distance, mais je sais

3 que ce n’était pas proche de Celibici, parce que nous sommes partis de

4 Donje Selo. Nous sommes passé à Butrovic Polye, ensuite Krauuya, puis nous

5 avons pris une route qui traversait la forêt. Nous sommes arrivés ensuite

6 à Kiseljac.

7 M. Olujic (interprétation). - Vous avez dit que vous avez

8 traversé la forêt. Quelles étaient les conditions ? Y avait-il de la

9 neige ? Y avait-il des torrents ?

10 Témoin J (interprétation). - Nous avons traversé un ruisseau. Je

11 crois qu'il y avait un pont qui l'enjambait.

12 M. Olujic (interprétation). - Y avait-il de la neige ?

13 Témoin J (interprétation). - Non, je ne crois pas.

14 M. Olujic (interprétation). - Est-ce que M. Mucic. est passé

15 avec vous sur le territoire contrôlé par les Serbes ?

16 Témoin J (interprétation). - Non.

17 M. Olujic (interprétation). - Où s’est-il arrêté ?

18 Témoin J (interprétation). - Les trois véhicules se sont arrêtés

19 devant une maison qui se trouvait sur la gauche de la route. Donc, nous

20 nous sommes arrêtés devant cette maison, nous sommes tous sortis des

21 véhicules et c’est là que Mucic a fait demi-tour. Il est venu avec nous

22 jusqu’à cette maison et ensuite, il est parti. La personne qui occupait

23 cette maison avait une voiture, une vieille Skoda et il a transporté

24 certaines personnes. Certaines ont continué à pied parce que la personne

25 n’avait pas beaucoup de carburant.

Page 7458

1 M. Olujic (interprétation). - Combien de temps a duré ce voyage

2 au total, parce que vous avez dit que c’était un long voyage ?

3 Témoin J (interprétation). - Nous ne nous sommes jamais arrêtés.

4 Nous nous sommes arrêtés à une seule reprise en fait, dans les bois. Pavo

5 est sorti. Je crois que c’était simplement pour uriner.

6 M. Olujic (interprétation). - Donc, en fait, vous n’avez pas

7 traversé de points de contrôle ?

8 Témoin J (interprétation). - Si, il y en avait quelques-uns, à

9 Butrovic Polye, lorsque nous sommes partis de Butrovic Polye. Oui,

10 effectivement, je me le rappelle.

11 M. Olujic (interprétation). - Qui occupait ces postes ?

12 Témoin J (interprétation). - Eh bien, des gens de l’armée.

13 M. Olujic (interprétation). - De quelle armée s'agissait il ?

14 Témoin J (interprétation). - Des soldats en uniforme.

15 M. Olujic (interprétation). - Oui, mais quelle armée ?

16 Témoin J (interprétation). - Leur armée, leur propre armée.

17 M. Olujic (interprétation). - Vous ont-ils posé des questions ?

18 Témoin J (interprétation). - Non.

19 M. Olujic (interprétation). - Quels vêtements portiez-vous ?

20 Témoin J (interprétation). - Nous portions des uniformes, Zara

21 et moi.

22 M. Olujic (interprétation). - Qui vous avait donné l’uniforme ?

23 Témoin J (interprétation). - Pavo.

24 M. Olujic (interprétation). - Pouvez-vous envisager la

25 possibilité selon laquelle ils ne vous auraient pas arrêtés, à ces postes

Page 7459

1 de contrôle, à cause de cela ?

2 Témoin J (interprétation). - Non, parce qu’ils n’ont pas arrêté

3 les deux véhicules qui nous suivaient non plus. C’était le matin, très

4 tôt, personne ne faisait attention au fait que nous portions des uniformes

5 ou pas. Personne ne nous a vraiment étudiés.

6 M. Olujic (interprétation). - Témoin J, j’ai fini mon contre-

7 interrogatoire, Madame et Messieurs les Juges. J’en ai donc terminé.

8 M. le Président (interprétation). - Très bien, merci.

9 M. Moran (interprétation) - Puis-je poursuivre, Monsieur le

10 Président ?

11 M. le Président (interprétation). - Oui.

12 M. Moran (interprétation). - Très bien, merci. Bonjour,

13 Monsieur.

14 Témoin J (interprétation). - Bonjour.

15 M. Moran (interprétation). - Je m’appelle Tom Moran, je

16 représente Hazim Delic et je voudrais vous poser quelques questions. Vous

17 pourrez d’ailleurs y répondre parfois par oui ou par non. Je voudrais que

18 vous écoutiez ma question. Si vous ne la comprenez pas, s'il vous plaît,

19 faites-le-moi savoir et je la reformulerai, afin que vous compreniez bien

20 cette question. Etes-vous d’accord ?

21 Témoin J (interprétation). - Oui.

22 M. Moran (interprétation) - S’il vous plaît, est-ce que vous

23 voudrez bien répondre à la question que je vous pose et non pas à une

24 autre question ? Les choses seront beaucoup plus faciles ainsi. Etes-vous

25 d’accord ?

Page 7460

1 Témoin J (interprétation). - Oui.

2 M. Moran (interprétation) - Autre chose : à plusieurs reprises,

3 hier, vous avez acquiescé de la tête, mais si vous regardez au fond de la

4 salle, vous verrez devant vous une personne en beige qui est la

5 sténotypiste de ce Tribunal ; elle prend tout ce que vous dites. Il y a

6 une autre personne qui fait la même chose là-bas. Il faut qu’elles

7 prennent tout ce que vous dites, donc s’il vous plaît répondez

8 verbalement, oralement aux questions que je vais vous poser. Cela sera

9 plus facile. Etes-vous d’accord ?

10 Témoin J (interprétation). - Oui.

11 M. Moran (interprétation). - Très bien merci. Monsieur, vous

12 êtes né à Bradina, dans la municipalité de Konjic ?

13 Témoin J (interprétation) - Je suis né à Sarajevo dans le

14 district qui s’appelle centre.

15 M. Moran (interprétation) - Donc, vous avez ensuite déménagé à

16 Bradina, lorsque vous étiez assez jeune.

17 Témoin J (interprétation) - J’étais enfant. Mon père

18 travaillait. Il avait son entreprise à Bradina, à Ivan Sedlo

19 M. Moran (interprétation) - En fait, vous avez passé la plus

20 grande partie de votre vie en Bosnie Herzégovine ?

21 Témoin J (interprétation) - Oui. J’ai passé toute ma vie en

22 Bosnie-Herzégovine.

23 M. Moran (interprétation) - En mars-avril 1982, il y a eu un

24 référendum en Bosnie-Herzégovine sur l’indépendance du pays, n’est-ce

25 pas ? Vous rappelez-vous de cet événement ?

Page 7461

1 Témoin J (interprétation) - Pas très bien, non.

2 M. Moran (interprétation) - Mais vous vous rappelez qu’un tel

3 événement s’est produit ?

4 Témoin J (interprétation) - Je ne sais pas.

5 M. Moran (interprétation) - Bon. Je ne vais pas vous demander si

6 vous avez voté parce que cela ne me regarde pas. Je vous demande

7 simplement : auriez-vous pu voter à ce référendum si vous l’aviez voulu ?

8 Témoin J (interprétation) - Tout le monde aurait pu voter. Oui,

9 il y a eu un certain vote effectivement.

10 M. Moran (interprétation) - Donc toutes les personnes de Bradina

11 auraient pu participer à ce référendum, si elles l’avaient souhaité ?

12 Témoin J (interprétation) - Oui.

13 M. Moran (interprétation) - Très bien, merci beaucoup. Monsieur,

14 durant votre interrogatoire principal hier, vous avez évoqué en répondant

15 à Me Mc Henry du Bureau du Procureur, un incident au cours duquel vous

16 avez été frappé par plusieurs personnes. Quelqu’un derrière a dit : "Cela

17 suffit". Vous rappelez-vous avoir parlé de cela pendant votre

18 interrogatoire ?

19 Témoin J (interprétation) - Oui, je m’en souviens.

20 M. Moran (interprétation) - Vous pensiez que c’était M. Delic

21 qui se trouvait en arrière-plan et qui avait dit que cela suffisait ? Mais

22 ce n’était pas lui, n’est-ce pas ? C’était une personne qui s’appelait

23 Ismet, n’est-ce pas ?

24 Témoin J (interprétation) - Oui, c’était Ismet qui commandait le

25 gymnase à Musala.

Page 7462

1 M. Moran (interprétation) - Ce passage à tabac s’est passé à

2 Celabici ?

3 Témoin J (interprétation) - Oui.

4 M. Moran (interprétation) - Lorsque vous avez dit que vous

5 pensiez que c’était M. Delic qui avait dit : "Cela suffit", vous vous êtes

6 retourné et, en fait, c’était Ismet, n’est-ce pas ?

7 Témoin J (interprétation) - Oui, c’est cela.

8 M. Moran (interprétation) - Qu’est-ce qui vous a amené à

9 confondre les deux ? Etait-ce leur voix, leur physique, ou était-ce un

10 ensemble des deux ?

11 Témoin J (interprétation) - Il faisait nuit et Delic était

12 toujours là, dans le camp. J’ai donc pensé que c’était sans doute lui qui

13 était avec le groupe, parce que quelqu’un a dit : "Cela suffit" et j’ai

14 cru que c’était lui. Je suis sûr que ce n’était pas un des gardes qui

15 aurait pu dire cela. Je ne voyais pas Ismet, je ne voyais pas non plus

16 Delic d’ailleurs. Mais j’ai entendu quelqu’un qui disait : "Cela suffit"

17 et dans mon inconscient, je ne sais pas, j'ai cru cela. Delic a remarqué

18 que j'avais été déjà battu, frappé, et il m'a demandé si quelqu’un m’avait

19 frappé. J’ai dit que non. En fait, je boitais, c’est comme cela qu’il l’a

20 remarqué. J’ai donc répondu : non, je pensais qu'il était là-bas, mais en

21 fait, ce n'était pas lui.

22 Lorsque j'ai été transféré à Musala, j'avais déjà à l'esprit que

23 c'était lui, je croyais que c’était lui. Mais lorsque j'ai été transferé à

24 Musala, Ismet est venu et a dit, à ce moment-là : "Tu vois, si je n’étais

25 pas intervenu, il t’aurait sûrement tué. Est-ce que tu m’as entendu,

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1 lorsque j’ai dit : cela suffit ?". C’est à ce moment-là que j'ai réalisé

2 que c'était Ismet qui était intervenu. C’est sûrement lui, puisqu’il a

3 utilisé les mêmes mots que j’ai entendus à ce moment-là. Donc ce doit être

4 Ismet.

5 M. Moran (interprétation) - Donc, vous dites que M. Ismet ne

6 ressemble pas véritablement à M. Delic, qu’il n’a pas la même voix. Vous

7 supposez simplement que c’était M. Delic. Vous avez supposé cela, parce

8 que M. Delic était toujours là. C’est cela ?

9 Témoin J (interprétation) - Oui. Nous étions tous terrifiés.

10 J’avais très, très peur, et lorsque j’ai entendu quelqu’un dire ceci, j’ai

11 cru que c’était Delic. J’ai cru que c’était lui jusqu’au moment où je suis

12 arrivé à Musala. Je dis la vérité. C’est ce que j’ai pensé à ce moment-là.

13 M. Moran (interprétation) - Bien sûr, personne ne dit le

14 contraire. Vous avez juste entendu une voix et vous pensiez que c’était

15 Hazim.

16 Témoin J (interprétation) - Oui, exactement.

17 M. Moran (interprétation) - Très bien. C’est la réponse que je

18 voulais entendre. Passons à autre chose.

19 Lorsque vous étiez dans le tunnel n° 9 et que vous nous avez

20 décrit les conditions qui y régnaient, vous avez dit, hier, enfin, je ne

21 sais plus ce que vous avez dit hier en particulier, mais lorsque vous avez

22 parlé au centre d'information de Belgrade, vous avez évoqué les conditions

23 dans le tunnel n° 9, vous avez dit qu’elles étaient pitoyables, que vous

24 et les autres personnes qui occupaient ce tunnel étaient littéralement

25 assises dans leurs propres excréments. Vous vous rappelez de ce que vous

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1 avez dit à ce moment-là ?

2 Témoin J (interprétation) - Oui, effectivement. Oui, il y avait

3 certains personnes qui se trouvaient au fond du tunnel, en particulier,

4 qui était assises à côté des endroits où toutes les personnes se

5 soulageaient. Donc c'est vrai que les gens étaient assis dans leurs propre

6 excréments, c'était sale bien entendu. Les gens se soulageaient et

7 forcément, il y avait de plus en plus d’excréments qui s’accumulaient.

8 M. Moran (interprétation) - Vous avez dit aux gens de Belgrade

9 que c'était véritablement dégoûtant, car s'il y avait une cuillère qui

10 tombait par terre vous étiez obligé de ramasser cette cuillère et de

11 l'utiliser pour manger, est-ce exact ?

12 Témoin J (interprétation). - Oui. C'était bien comme cela

13 qu'étaient les choses, c'était dégoûtant partout.

14 M. Olujic (interprétation). - Lorsque vous étiez dans ce tunnel,

15 combien de cas de choléra y a-t-il eu ?

16 Témoin J (interprétation). - Vous parlez de choléra, c'est

17 cela ?

18 M. Olujic (interprétation). - Oui.

19 Témoin J (interprétation). - Je n'en ai pas vu.

20 M. Olujic (interprétation). - Avez-vous vu des personnes

21 atteintes du typhus ?

22 Témoin J (interprétation). - Non, nous en avons parlé. Nous

23 avons dit que si quelqu'un attrapait une hépatite tout le monde allait en

24 mourir. C'est d'ailleurs un miracle que personne n'en ait été atteint.

25 M. Olujic (interprétation). - Vous parlez d'hépatite. Combien de

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1 cas se sont déclarés dans le tunnel ? Y en avait-il ?

2 Témoin J (interprétation). - Non, il n'y en a pas eus, mais nous

3 avions très peur au cas où quelqu'un attraperait une hépatite.

4 M. Olujic (interprétation). - Etes-vous d'accord avec moi pour

5 dire qu'il y avait une chance sur un milliard pour qu'une personne attrape

6 ce type de maladie ?

7 Mme McHenry (interprétation). - Objection, Monsieur le

8 Président. Le témoin n'est pas un expert médical et ne peut pas présenter

9 de telles informations.

10 M. Moran (interprétation). - Très bien, laissez-moi poursuivre.

11 Monsieur le Témoin, vous êtes boucher de profession, n'est-ce pas ?

12 Témoin J (interprétation). - Oui.

13 M. Moran (interprétation). - Avez-vous tué des animaux vous-

14 même ?

15 Témoin J (interprétation). - Oui, bien sûr.

16 M. Moran (interprétation). - Vous devez également nettoyer ces

17 différents animaux que vous tuez, cette viande, n'est-ce pas ?

18 Témoin J (interprétation). - Oui.

19 M. Moran (interprétation). - Si vous ne nettoyez pas la viande

20 les gens risquent de tomber malade à cause de cette viande sale n'est-ce

21 pas ?

22 Témoin J (interprétation). - Je ne comprends pas la question.

23 M. Moran (interprétation). - Lorsque vous tuez un animal, vous

24 laissez sortir tous les fluides corporels de cet animal et, si vous ne le

25 faites pa, les gens risquent de tomber malades, n'est-ce pas ?

Page 7466

1 Témoin J (interprétation). - Un vétérinaire doit d'abord

2 contrôler la viande.

3 M. Moran (interprétation). - Bien sûr, il doit contrôler que la

4 viande est propre, n'est-ce pas ?

5 Témoin J (interprétation). - Oui, que la viande est saine et

6 bonne pour la consommation.

7 M. Moran (interprétation). - Vous avez appris votre métier, vous

8 avez appris à contrôler ce genre de produits, vous connaissez évidemment

9 quel type de maladie on peut attraper si la viande n'est pas propre ?

10 Témoin J (interprétation). - Oui, je pense.

11 M. Moran (interprétation). - Très bien.

12 Témoin J (interprétation). - Mais c'est le vétérinaire qui doit

13 contrôler la viande. Nous ne pouvons pas dire exactement la provenance de

14 la viande. On l'achète et on la revend. Lorsque nous avons quitté le camp,

15 certaines personnes n'ont pas reçu de traitement. Beaucoup de personnes

16 ont eu un résultat positif au test TBC et par conséquent ces personnes ont

17 dû recevoir un traitement.

18 M. le Président (interprétation) - Ce n'est pas la question du

19 conseil. Le conseil demande s'il fallait que tout cela soit maintenu

20 propre tout le temps.

21 Témoin J (interprétation). - Oui.

22 M. Moran (interprétation). - Par conséquent, vous avez une

23 certaine expérience de toutes ces maladies qui peuvent provenir de

24 mauvaises conditions d'hygiène ?

25 Témoin J (interprétation). - En ce qui concerne les maladies du

Page 7467

1 bétail, oui je les connais.

2 M. Moran (interprétation). - Si les gens mangent ce type de

3 viande, ils tombent malades, n'est-ce pas ?

4 Témoin J (interprétation). - Certaines personnes tombent malades

5 d'autres

6 survivent, on ne peut pas savoir.

7 M. Moran (interprétation). - Reprenons au départ. Vous avez dit

8 que c'était un miracle s'il n'y avait pas trop de maladies qui s'étaient

9 développées dans le tunnel, n'est-ce pas ?

10 Témoin J (interprétation). - Je n'ai pas examiné tous ces gens,

11 je ne sais pas s'ils étaient malades ou pas. Nous ne bougions pas

12 beaucoup.

13 M. Moran (interprétation). - Passons à autre chose. Des

14 journalistes arabes sont venus dans le camp. Vous en avez parlé, vous avez

15 parlé des gens à Sarajevo et des gens du Bureau du Procureur. Il me semble

16 que certaines choses que vous avez dites étaient un petit peu brumeuses et

17 je voudrais que vous me les expliquiez. Est-ce que ces journalistes arabes

18 vous ont filmé lorsque vous étiez battu ?

19 Témoin J (interprétation). - Lorsque j'étais frappé, ils ne

20 filmaient pas, mais je crois qu'ils m'ont filmé lorque je nettoyais une

21 arme. Je ne sais pas si c'était un journaliste ou un reporter mais les

22 arabes étaient présents. Il étaient devant l'entrée du camp, juste sur la

23 gauche de la porte d'entrée. Puis, ils ont pris ces deux personnes, ils

24 les ont interrogés et ont commencé à les battre un peu.

25 M. Moran (interprétation). - Très bien. Les journalistes arabes

Page 7468

1 frappaient ces personnes, c'est cela ?

2 Témoin J (interprétation). - Non, mais les gens qui sortaient

3 ces deux personnes et les présentaient aux journalistes. Milosevic et

4 Djordjic ont été sortis. C'est ce que j'ai vu, et puis j'ai vu les

5 reporters qui étaient là sur la gauche lorsqu'on rentre dans le tunnel

6 n°9. Juste à côté des marches il y avait des gens qui regardaient à

7 l'intérieur et d'autres debout dehors, la porte était ouverte. J'ai

8 entendu leurs voix, qui devenaient plus fortes, comme s'ils s'apprêtaient

9 à nous frapper.

10 M. Moran (interprétation). - Etait-ce des gardiens du camp ou

11 des journalistes arabes, ou les deux à la fois ?

12 Témoin J (interprétation). - Les journalistes arabes se

13 trouvaient juste devant le tunnel 9, sur la gauche. Ils avaient des

14 caméras. Certains étaient debout, d'autres personnes étaient accroupies.

15 Je me souviens qu'ils ont sorti Rajko Djordjic, ils lui ont posé des

16 questions devant la porte, lui ont demandé des choses sur la guerre etc..

17 M. Moran (interprétation). - Parlez-vous des journalistes

18 arabes ? Ce sont eux qui ont sorti Rojko Djordjic ? Lorsque vous dites

19 "ils" s'agissait-il des gardes ou des journalistes arabes ?

20 Témoin J (interprétation). - Il s'agit de Delic et des autres

21 gardiens.

22 M. Moran (interprétation). - Très bien, c'est ce que je voulais

23 vous entendre dire. Lorsqu'ils étaient battus, est-ce que les journalistes

24 arabes étaient là, est-ce qu'ils les voyaient ?

25 Témoin J (interprétation). - Oui, ils étaient en train de

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1 filmer.

2 M. Moran (interprétation). - Vous les avez donc vus en train de

3 filmer ?

4 Témoin J (interprétation). - Oui, je les ai vus.

5 M. Moran (interprétation). - Passons au comité international de

6 la Croix-Rouge et à leur venue au camp. Vous avez dit à Régis Abribat, un

7 enquêteur du Bureau du Procureur, que la personne du comité de la Croix-

8 Rouge qui est venue était française et avait une interprète croate avec

9 lui, n'est-ce pas ?

10 Témoin J (interprétation). - Oui, je crois que c'est exact.

11 M. Moran (interprétation). - Vous avez dit à l'enquêteur du

12 Bureau du Procureur, après l'avoir dit à cette personne de la Croix-Rouge

13 et à son interprète, une femme, que vous aviez été battu. Vous souvenez-

14 vous de ce moment-là ?

15 Témoin J (interprétation). - Quelqu'un leur a dit, parce qu'ils

16 ont répété les mêmes mots que nous. C'était Zara ou elle, je ne sais pas,

17 je ne les ai pas vu faire, mais quelqu'un a dû leur en parler parce que

18 lorsqu'ils sont partis, Zara a été sorti, environ dix ou quinze minutes

19 après. Ils étaient dans le n°6 et on les battait devant le bâtiment n°9.

20 On nous a sortis. Nous

21 étions torse nu. On nous a dit que nous allions prendre le soleil, il

22 fallait qu'on s'asseoit à côté du mur, les mains derrière la tête.

23 M. Moran (interprétation). - Parlons d'un point similaire : vous

24 avez dit à l'enquêteur du Bureau du Procureur que l'interprète croate

25 avait dit aux autorités du camp que vous étiez maltraité, n'est-ce pas ?

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1 Témoin J (interprétation). - Oui, c'est ce que je pensais en

2 tout cas parce que je n'ai pas vraiment vu cette personne s'adresser aux

3 autorités du camp, je ne peux pas dire que c'est la vérité. Mais il est

4 frappant que certaines choses que nous avions dites, la façon dont

5 certains avaient été tués, nous n'avions pas de nourriture, ces soldats

6 répétaient les mots que nous avions utilisés au moment où ils nous

7 frappaient. Comment auraient-ils pu le savoir ? Personne n'était présent

8 au moment où nous avons été interrogés, personne du camp. Nous avons donc

9 parlé librement et lorsqu'ils sont partis ils nous ont dit qu'ils

10 reviendraient dans deux jours. Après cela, nous avons été frappés très

11 fort.

12 M. Moran (interprétation). - Lorsque vous avez dit au Bureau du

13 Procureur ce que je viens de vous dire à savoir qu'un interprète croate du

14 représentant de la Croix-Rouge française avait dit cela aux autorités du

15 camp. Lorsque vous affirmiez cela vous ne faisiez qu'énoncer une

16 hypothèse.

17 Témoin J (interprétation). - Je supposais que quelqu'un avait dû

18 leur dire cela parce que très peu de temps s'était passé et ils étaient

19 sortis du tunnel n°9. Puis, Zara les a suivis et quand Zara est revenu,

20 ils nous ont fait sortir. Quelqu’un doit leur avoir dit, sinon comment

21 auraient-ils pu savoir qu'ils nous affamaient ou combien de nourriture

22 nous recevions par jour, pourtant, c’étaient des renseignements précis.

23 M. Moran (interprétation). - Oui, Monsieur. Rappelez-vous d’où

24 nous sommes partis. Vous avez dit que vous alliez écouter mes questions et

25 y répondre. Monsieur, parfois il m’arrive de vous poser une question du

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1 genre : quelle heure est-il ?, et vous m'expliquez

2 comment fonctionne une montre. Ce n'est pas cela que j'attends de vous,

3 d’accord ?

4 Témoin J (interprétation). - D’accord.

5 M. Moran (interprétation). - Vous avez également dit au Bureau

6 du Procureur que le représentant de la Croix-Rouge avait dû vous entendre

7 pendant que vous étiez en train de vous faire battre. Vous rappelez-vous

8 avoir dit cela au Bureau du Procureur ?

9 Témoin J (interprétation). - Je ne crois pas qu'il ait pu

10 assister à cette scène, puisque qu'il était au bâtiment n°6 à ce moment-

11 là. Mais deux jours plus tard, il est revenu. Au moment où il est parti,

12 il a annoncé qu’il reviendrait dans deux ou trois jours, et c’est

13 exactement ce qu'il a fait. Donc, quand il est revenu. Lors de cette

14 deuxième visite, quand nous l'avons vu à la porte, nous sommes tous restés

15 muets, plus personne n'osait dire un mot, plus personne n’osait lui

16 parler, tout simplement parce que nous avions peur que la même chose que

17 la dernière fois se reproduise. Donc, nous n’attendions qu'une chose,

18 c’est qu’il s'en aille. Ce n'est pas leur faute d'ailleurs.

19 M. Moran (interprétation). - Très bien, Monsieur. Mais lorsque

20 vous avez dit au Bureau du Procureur que vous étiez sûr du fait que le

21 représentant de la Croix-Rouge vous avait entendu hurler, ce n'est pas

22 arrivé ? Ils ne vous ont pas entendu hurler ? Ou bien qu’en est-il ?

23 Témoin J (interprétation). - Je n'ai pas dit cela. Je ne me

24 rappelle pas avoir dit cela. Je ne me rappelle pas avoir dit qu’il nous

25 avait entendu crier. Il était au n°6, moi au n°9 et il y avait deux gardes

Page 7472

1 entre le bâtiment n°6 et le bâtiment n°9. Je l’ai bien vu. Je le voyais

2 bien quand on nous faisait sortir. Il y avait deux gardiens là-haut entre

3 les deux bâtiments. Maintenant, nous a-t-il entendus en bas ?, je ne sais

4 pas. Je n’ai pas dit qu’il était venu ce jour-là. J'espère que l'on m’a

5 bien compris. Il est venu deux jours après à cet endroit.

6 M. Moran (interprétation). - Très bien. En réponse aux questions

7 de l’interrogatoire principal, vous avez également dit qu'à un certain

8 moment qui fait partie de

9 l'affaire dont nous traitons dans ce procès, c’est-à-dire après votre

10 arrestation, et avant votre libération, vous avez vu le frère de

11 Zejnil Delalic, Dzafo, dans les environs. Vous rappelez-vous avoir fait

12 cette réponse aux questions de l’interrogatoire principal ?

13 Témoin J (interprétation). - En réponse aux questions de

14 l'interrogatoire principal, je n’ai pas dit que je ne me rappelle pas, je

15 ne sais pas d’ailleurs si j’ai vu Dzafo, je ne sais pas si c'est

16 exactement lui. Mais je peux le décrire. Je peux le décrire, je l'ai vu

17 sur les lieux. Je n'ai pas vu Zejnil Delalic. Je n’ai pas dit cela pendant

18 l’interrogatoire principal.

19 M. Moran (interprétation). - D'accord. Monsieur, revenons à

20 Bradina et aux habitants de Bradina, si j’ai bien compris ce que vous avez

21 dit en réponse à l’interrogatoire principal, il n’y avait pas vraiment

22 d’organisation militaire en bonne et due forme, n’est-ce pas ?

23 Mme McHenry (interprétation). - Un éclaircissement au sujet du

24 compte-rendu. Je ne sais pas si c'est un problème d'interprétation ou si

25 le témoin l’a effectivement dit. Mais le procès-verbal indique, d'après ce

Page 7473

1 qu’aurait dit le témoin : "Je n'ai pas vu Zejnil Delalic, je n’ai pas dit

2 cela pendant l’interrogatoire principal". Je voudrais que le conseil

3 éclaircisse la question. S’agit-il de Dzafo ou de Zejnil ?

4 M. Moran (interprétation). - Très bien. Nous allons demander un

5 éclaircissement. Vous connaissiez les frères de M. Delalic avant la

6 guerre, n'est-ce pas, tous ses frères ?

7 Témoin J (interprétation). - Je ne les connaissais pas tous

8 aussi bien les uns que les autres. C'est Sefik que je connaissais le

9 mieux. parce qu'il venait le plus souvent au café, c'était le plus jeune.

10 Il venait avec Guska. Je n'ai pas dit que j'avais vu Zejnil pendant le

11 principal interrogatoire. Lors du principal interrogatoire, il y

12 avait Miro et l'autre homme. J’ai vu Zejnil à un autre interrogatoire plus

13 tard, lorsque j'allais vers l'entrepôt. Je l’ai vu, il portait la chemise

14 de son uniforme et il avait des bottes. Donc, je l'ai vu une fois en train

15 d'aller vers le portail d’entrée et une fois venant du portail d’entrée,

16 le long de ce chemin qui passait devant le tunnel n°9, mais je ne l'ai pas

17 vu au moment du premier interrogatoire.

18 M. Moran (interprétation). - Au cours du contre-interrogatoire

19 de Me Residovic hier, si je me souviens bien de ce que vous avez dit, vous

20 avez dit que cette personne s'appelait Dzafo, n’est-ce pas ?

21 Témoin J (interprétation). - Je n'en suis pas sûr. Je connais le

22 plus jeune frère, à 100%. Je l’ai dit hier, mais il a un autre frère, est-

23 ce Dzafo ? Je ne sais pas exactement, mais je sais que c'est son frère.

24 J'en suis sûr à 100% et je peux le décrire. Mais je ne peux pas vous dire

25 si c'est ce frère ou un autre frère, est-ce qu’il s’appelle Dzafo ou

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1 autrement ?

2 M. Moran (interprétation). - Lorsque vous avez dit oui à Maître

3 Residovic qui vous parlait de Dzafo, vous émettiez une hypothèse en fait.

4 Est-ce la conclusion que je peux tirer ?

5 Témoin J (interprétation). - Moi, je l'ai vu. Je l'ai vu avec

6 précision, mais son nom précis je n'en suis pas sûr, parce que

7 quelquefois, on ne se souvient pas avec précision du nom de son plus

8 proche voisin, mais je peux le décrire, je peux vous dire quel était son

9 aspect extérieur, où il allait, comment il se déplaçait, parce qu’il

10 habitait tout près.

11 M. Moran (interprétation). - Mais ma question était lorsque vous

12 avez dit : oui à Me Residovic, quand elle vous a dit qu’il s’agissait

13 de Dzafo, vous ne faisiez qu’exprimer une hypothèse, n’est-ce pas ?

14 Mme McHenry (interprétation). - Question posée qui a obtenu

15 réponse.

16 M. Moran (interprétation). - Je sais que la question a été

17 posée, je ne suis pas sûr qu'elle ait reçu réponse.

18 Témoin J (interprétation). - Je ne suis pas absolument sûr que

19 ce soit Dzafo, je ne suis pas sûr qu'il s'appelle Dzafo, mais que ce soit

20 son frère j’en suis sûr à 100%. Je sais que c'est son frère à 100%, mais

21 je ne suis pas sûr de son nom, je ne sais pas si c’est Dzafo ou un autre

22 de ses frères. Je vous ai déjà parlé de Sefik, lui je le connais.

23 M. Moran (interprétation). - D'accord, cela va ainsi Monsieur.

24 Revenons au

25 problème de la défense de Bradina. Si j’ai bien compris ce que vous avez

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1 dit dans votre déposition, il n'existait pas d’organisation, de quartier

2 général militaire ou d’uniforme particulier porté par les gens qui

3 défendaient Bradina, n'est-ce pas ?

4 Témoin J (interprétation). - Je n'ai pas vu d'uniforme

5 particulier. Je n’en ai pas vu. Si quelque chose se faisait, ce n'était

6 pas cela parce que je n'en ai pas fait partie, ni à l'époque, ni

7 maintenant, je n’en fais pas partie. Donc, je sais très peu de choses à ce

8 sujet. Qu'est-ce que j'en sais ?

9 M. Moran (interprétation). - Donc, vous n'avez pas connaissance

10 de l'existence d’une organisation militaire avec un commandement ?

11 Témoin J (interprétation). - Moi, quand j'étais arrêté, il était

12 clair aux yeux de tous, y compris des gens de Konjic, que ce que je disais

13 était exact et je ne peux pas parler autrement. C'était très clair pour

14 eux, même Jasna Dzumhur a dit à ma femme : "Nous savons qu'il n'est pas

15 coupable" et elles travaillaient ensemble.

16 M. Moran (interprétation). - Monsieur, sur la base de la

17 déposition que vous avez faite devant Me Residovic hier, vous étiez l’une

18 des personnalités les plus importantes de Bradina les plus connues, n’est-

19 ce pas ? Peut-on parler ainsi ?

20 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas, mais j'avais tout

21 ce qu'il me fallait. J'avais une boucherie, un restaurant, des magasins.

22 Maintenant est-ce que j'étais une des personnes les plus connues, je ne

23 sais pas. Je pense que j’étais connu comme un homme bon et que j’aidais

24 tout le monde indépendamment de sa nationalité, musulman, croate ou

25 autres. J’aidais tout le monde.

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1 M. Moran (interprétation). - C'est très bien, j'apprécie

2 Monsieur. Vous aviez ces gros investissements, je ne trouve pas de

3 meilleur mot, vous aviez une grande maison, plusieurs commerces. Vous

4 aviez beaucoup de biens à Bradina, n’est-ce pas ?

5 Témoin J (interprétation). - Ce n'était pas tellement des

6 entreprises, il y avait une

7 boucherie, un abattoir, un restaurant, des magasins à Brdjani, mais le

8 plus important, c'était la boucherie et le magasin de Bradina et j'avais

9 un autre magasin à Brdjani, à côté j’avais une maison, donc j'avais deux

10 maisons et aussi un abattoir, juste à côté de la poste à Bradina. C’est

11 cela.

12 M. Moran (interprétation). - Si nous revenons en avril-mai,

13 mars-avril 1992, à Bradina, vous aviez la télévision ?

14 Témoin J (interprétation). - Je la regardais très rarement, je

15 n’avais pas le temps, j’avais pas mal de travail. Il y avait des gens de

16 Sunji, de Repovici et de toutes sortes de villages avoisinants qui étaient

17 chez moi. Ils étaient toujours chez moi en visite, et jusqu’au dernier

18 jour, j'avais l'habitude de donner aux uns et autres, indépendamment de

19 leur conviction ou de leur religion. J'étais très occupé à mon travail, à

20 mes affaires. Un jour je me souviens, Kisa est venu et m’a dit : "Toi tu

21 ne t'occupes... ".

22 M. Moran (interprétation). - Très bien, Monsieur. Oui, vous

23 aviez la télévision et je suppose que vous aviez aussi la radio et les

24 journaux. En tous cas, vous aviez accès à la radio et aux journaux ?

25 Témoin J (interprétation). - Oui, j’y avais accès, mais je ne

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1 m’en occupais pas, parce que j'avais du travail, il fallait faire ce

2 travail. Ce n’est pas si simple, il faut être sans arrêt sur la brèche.

3 M. Moran (interprétation). - Les informations ne cessaient de

4 parler de combats, de démantèlement de votre pays, de choses de ce genre,

5 de gens en train de s'armer. Vous vous rappelez que tout cela était

6 annoncé dans les informations, n’est-ce pas ?

7 Temoin J (interprétation). - Nous à Bradina nous avions une très

8 mauvaise télévision. Il n'y avait que deux ou trois postes de télévision

9 qui pouvaient capter les images. Les images été très mauvaise. Je ne suis

10 pas le seul à ne la regarder pratiquement jamais. Il y en avait d’autres.

11 Le relais de télévision était mauvais. Il ne couvrait pas pratiquement

12 l’endroit où

13 habitions. Donc, nous regardions très rarement la télévision.

14 M. Moran (interprétation). - Oui, mais Monsieur, peut-être que

15 vous pouvez m'aider sur ce point. A l'évidenc, vous n'êtes pas le premier

16 habitant de Bradina qui vient témoigner devant ce Tribunal et je suppose

17 que vous ne serez pas non plus le dernier habitant de Bradina à le faire.

18 Pratiquement tous les témoins de Bradina qui sont venus s’exprimer ici ont

19 dit qu'ils ne faisaient pratiquement pas attention à ce que qui se

20 passait. Bien entendu, certains s'intéressent davantage aux informations

21 que d'autres dans la vie, mais je vous propose l’idée suivante : si mon

22 pays était en train de fermer, si le Texas se séparait de l’Oklahoma, si

23 nous étions au bord de la guerre dans mon pays, je suppose que j’aurais

24 quelque intérêt par rapport aux événements en cours. Vous, vous étiez une

25 personne relativement fortunée, qui aviez pas mal de choses à perdre dans

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1 une guerre et vous avez d'ailleurs perdu pas mal de choses dans cette

2 guerre : vous avez perdu deux maisons, un abattoir, un restaurant, vous

3 avez tout perdu.

4 Temoin J (interprétation). - Oui, exactement, j'ai tout perdu.

5 L’appartement, tout, nous avons tout perdu !

6 M. Moran (interprétation). - Pouvez vous m'aidez sur ce point

7 particulier : je ne parle pas que de vous, je parle aussi des autres

8 habitants de Bradina qui sont venus déposer ici. Quand tous ces événements

9 catastrophiques se produisaient dans votre pays, personne ne semblait

10 avoir prêté attention ?

11 Témoin J (interprétation). - Je parle pour moi, je ne peux pas

12 parler pour les autres. Personnellement, moi, à Bradina j'étais en bon

13 rapport avec tout le monde. Si je passais la journée à Repovci, je pouvais

14 aussi passer la nuit, je pouvais passer la nuit à Sunji, je pouvais passer

15 la nuit un peu partout. Je considère que je ne ferai pas de mal à la

16 personne de Repovci avec laquelle je mangeais à la même table jusqu’à

17 hier, ni à sa femme, ni à ses enfants, et autres choses que je

18 n'accepterais pas qu’on me fasse à moi. Donc, je n’imaginais pas une seule

19 seconde que les événements qui se sont produits pouvaient se produire.

20 J'essayais de me mettre

21 à la place des autres, par exemple moi arrêté et eux aux commandes, je ne

22 peux pas comprendre ce qu'ils ont fait parce que, moi, j’aurais pensé

23 qu’ils agiraient de même à mon égard que j’aurais agi à leur égard. Je ne

24 peux même pas y penser, je ne peux pas y réfléchir parce que ce sont des

25 choses très laides. J'avais un restaurant et puis tous ces gardiens, ce

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1 Mirso, Spilyak, qui sont venus là-bas quand j'ai été arrêté, ce sont des

2 hommes qui cent fois et même plus de cent fois se sont assis à table avec

3 moi. Si je voyais que l'un d'entre eux avait bu un peu trop, je le

4 ramenais chez lui, je lui donnais de l'argent s'il voulait se marier, je

5 lui donnais de l’argent si un membre de sa famille mourrait. Moi, je ne

6 peux pas comprendre. D’ailleurs, c’est pour cela que ça me coûte

7 tellement. Aujourd’hui encore, je n’arrive pas à y croire. Je ne peux pas

8 comprendre comment les choses qui se sont passées ont pu se passer.

9 M. Moran (interprétation). - Donc vous me répondez que vous ne

10 faisiez vraiment pas attention à tous ces événements qui se déroulaient

11 dans votre pays et dans la région, simplement parce que vous ne pensiez

12 pas que quelque chose de mauvais allait se produire ? C’est à peu près

13 cela que vous dites ?

14 Témoin J (interprétation). - Oui. Je pensais d’ailleurs que

15 cette guerre n'aurait pas lieu. Je n’arrêtais pas de penser que cette

16 guerre n’aurait pas lieu. J'étais toujours dans mes magasins parce que je

17 devais y être. Il y avait beaucoup de travail à faire. Ce n'est pas un

18 petit travail que d’avoir deux magasins, un restaurant, une boucherie et

19 un abattoir. Ce n'est pas un petit travail. Si vous voulez avoir des

20 résultats, il faut être sans cesse sur les lieux. Il y avait une petite

21 Vesna, une Croate, qui travaillait chez moi. Vesna, je ne la distinguais

22 pas de ma soeur ou de mes enfants. Elle a travaillé 7 ans chez moi. Si les

23 choses n'avaient pas été satisfaisantes, elle n'y aurait pas travaillé.

24 M. Moran (interprétation). - Oui, Monsieur. Et les gens

25 venaient dans votre magasin, dans votre restaurant. Vous aviez des

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1 contacts avec les gens tous les jours, n’est-ce pas ? Vous étiez dans un

2 commerce de détail.

3 Témoin J (interprétation). - Il y avait peu de gens, peu

4 d'habitants de Sarajevo qui n’ont jamais acheté de la viande chez moi.

5 Parce que ma boucherie fonctionnait bien, elle avait de la viande fraîche,

6 elle se trouvait sur la route principale et je crois donc que, même de

7 Sarajevo, il y a peu d'habitants qui ne sont pas venus chez moi, de

8 Hadzici, de Tuzla, même de Belgrade, de Zagreb.

9 M. Moran (interprétation). - Donc, vous aviez des contacts

10 avec le public tous les jours, n’est-ce pas Monsieur, comme tous les

11 commerçants de détail ?

12 Témoin J (interprétation). - Oui.

13 M. Moran (interprétation). - Parmi ces gens il n'y en avait pas

14 un qui discutait des événements en cours ?

15 Témoin J (interprétation). - Si, quelqu'un au moment des

16 événements en Croatie disait : il peut y avoir la guerre, ils vont venir

17 ici, ils ne vont pas venir ici, et même s’il y avait la guerre notre

18 région serait épargnée parce que nous ne sommes pas situés à un endroit

19 propice. Donc, il arrivait parfois que les gens parlent de choses qui

20 pourraient se produire, mais dans ce cas-là, ils disaient : ils nous

21 contourneront, ils n’arriveront pas jusqu’à notre village.

22 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, j’en est

23 fini avec ce témoin. Je vous remercie.

24 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

25 Mme McMurrey (interprétation). - Puis-je procéder Monsieur le

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1 Président ?

2 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

3 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Je ne sais pas si vous

4 souhaitez que je commence maintenant, Monsieur le Président, il nous reste

5 10 minutes, mais si vous le souhaitez nous pourrions avoir la pause

6 maintenant. Sinon, je peux poser quelques questions.

7 M. le Président (interprétation). - Dans 10 minutes, nous ferons

8 la pause, mais pour l’instant vous pouvez commencer.

9 Mme McMurrey (interprétation). - Très bien, merci, Monsieur le

10 Président. Bonjour, Monsieur J.

11 Témoin J (interprétation). - Bonjour.

12 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur J, pour que vous le

13 sachiez, je suis le dernier conseiller de la défense à vous interroger, et

14 j’aimerais que nous concluions le même accord que celui que vous a proposé

15 Me Moran tout à l’heure, à savoir que vous écoutiez les questions que je

16 vous pose et que vous tentiez de répondre exclusivement à la question que

17 je pose. Dans ce cas là je pense que nous en terminerons assez rapidement.

18 Témoin J (interprétation). - Je suis d’accord.

19 Mme McMurrey (interprétation). - Je suis certaine également que

20 le Procureur vous a déjà parlé de la nécessité de ne parler dans votre

21 déposition que des choses au sujet desquelles vous avez une connaissance

22 personnelle. Je vous propose un autre accord : lorsque je vous pose une

23 question, vous ne répondez pas en me disant ce que vous avez entendu,

24 exclusivement et uniquement ce que vous avez vécu personnellement.

25 Témoin J (interprétation). - D’accord.

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1 Mme McMurrey (interprétation). - Je m'appelle Cynthia McMurrey

2 et je représente M. Landzo. Revenons un petit peu sur ce qui s'est passé

3 avant votre déposition ici. Vous avez donné quatre déclarations avant de

4 déposer devant ce tribunal.

5 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas exactement. Peut-

6 être.

7 Mme McMurrey (interprétation). - La première déclaration était

8 celle du 9 juin 1992 que vous avez donné à la défense territoriale et au

9 MUP pendant votre détention à Celebici. Vous vous rappelez cette

10 déclaration ?

11 Témoin J (interprétation). - Oui, au moment de mon arrestation.

12 C’est exact.

13 Mme McMurrey (interprétation). - C'était donc en juin 1992. La

14 deuxième déclaration date du 8 février 1993. Vous l'avez donnée au centre

15 d'information serbe, Kesinja

16 Lukic, c'est bien exact ?

17 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas. Peut-être est-ce

18 qu'exact.

19 Mme McMurrey (interprétation). - La troisième déclaration date

20 du 20 octobre 1995. Elle a été donné à M. Régis Abribat, du Bureau du

21 Procureur. Est-ce exact ?

22 Témoin J (interprétation). - Oui, je crois. D’ici, vous parlez

23 des gens d'ici ? Des enquêteurs ? Est-ce à eux que vous pensez ? Je ne

24 sais pas exactement à qui vous pensez. Je n'ai pas bien compris l'année.

25 Mme McMurrey (interprétation). - Octobre 1995. Il s’agit du

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1 représentant du Bureau du Procureur.

2 Témoin J (interprétation). - Oui.

3 Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez signé une quatrième

4 déclaration datant du 21 février 1996 que vous avez donnée à un autre

5 représentant du Bureau du Procureur, dans cette déclaration vous avez dit

6 avoir la possibilité de relire votre déclaration de 1995 et que la

7 totalité du contenu de la déclaration de1995 était exacte, selon ce dont

8 vous pouvez vous souvenir ?

9 Témoin J (interprétation). - Cela, je ne sais pas.

10 Mme McMurrey (interprétation). - Vous ne vous rappelez pas

11 qu'ils sont venus vous demander de signer un mémoire et un certificat, et

12 que vous avez donné cette signature à un M. Ole Hortemo ?

13 Témoin J (interprétation). - Je crois que c'est cela. Oui, je

14 sais qu'il est venu.

15 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Donc, nous avons quatre

16 déclarations différentes. Je voudrais maintenant passer à un autre sujet.

17 Depuis combien de temps êtes-vous à La Haye, Monsieur J ?

18 Témoin J (interprétation). - Je suis arrivé maintenant à La Haye

19 samedi dernier. Je suis à La Haye depuis samedi dernier. Quelle date

20 c’était, je ne me rappelle pas.

21 Mme McMurrey (interprétation). - Certains des autres témoins qui

22 ont déposé ici pour l'accusation étaient accompagnés d'un membre de

23 l'Association des anciens détenus. Est-ce qu’un membre de l'Association

24 des anciens détenus de Belgrade vous accompagne à La Haye ?

25 Témoin J (interprétation). - Non. Je ne suis accompagné d’aucun

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1 représentant de l'Association des anciens détenus.

2 Mme McMurrey (interprétation). - D'accord, mais vous savez de

3 quelle organisation il s’agit ?

4 Témoin J (interprétation). - J'ai eu un de leurs représentants à

5 avec moi.

6 Mme McMurrey (interprétation). - Vous étiez avec un représentant

7 de cette association pendant le voyage à La Haye ?

8 Témoin J (interprétation). - Oui.

9 Mme McMurrey (interprétation). - Je ne sais pas si nous devrions

10 parler à huis clos maintenant.

11 M. le Président (interprétation). - Passons à huis clos.

12 L’audience se poursuit à huis clos.

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1 (expurgée)

2 La séance se poursuit en audience publique.

3 Mme McMurrey (interprétation) - Après avoir été examiné, vous

4 avez pu emporter vos radiographies, les rapports médicaux, les résultats

5 des examens, n'est-ce pas ?

6 Témoin J (interprétation). - Lorsque le médecin m'a examiné il

7 m'a ensuite envoyé à un autre hôpital pour voir un psychiatre. Je ne me

8 souviens plus exactement du nom de cet hôpital. Je sais que j'y ai vu un

9 psychiatre.

10 Mme McMurrey (interprétation) - Vous avez été examiné, vous avez

11 quitté l'hôpital et vous avez pu emporter un exemplaire des résultats

12 sanguins par exemple et aussi des radiographies.

13 Témoin J (interprétation). - Je ne m'en souviens plus.

14 Mme McMurrey (interprétation) - Merci.

15 M. le Président (interprétation) - Vous saviez qu'il avait fait

16 des radiographies ou vous partiez de cette idée ?

17 Mme McMurrey (interprétation) - On vous a bien fait des radios

18 et des examens sanguins. Je vous demanderai de ne pas mentionner le nom du

19 médecin parce que nous sommes de nouveau en audience publique.

20 Témoin J (interprétation). - Je pense que non.

21 Mme McMurrey (interprétation) - Fort bien, merci. Vous avez fait

22 l'objet d'un échange au mois de novembre, on vous a emmené directement à

23 Belgrade, n'est-ce pas ?

24 Témoin J (interprétation). - Personne ne m'y a emmené, j'y suis

25 allé tout seul, tout de suite. Je ne voulais pas rester là à tuer des

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1 pauvres gens.

2 Mme McMurrey (interprétation) - Pourriez-vous nous dire ce

3 qu'est ce conseil ou ce centre de conseil d'information serbe.

4 Témoin J (interprétation). - Je n'en ai pas la moindre idée, je

5 ne sais pas.

6 Mme McMurrey (interprétation) - Mais pourriez-vous nous dire qui

7 vous a envoyé à ce centre pour y faire une déclaration ?

8 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas. Quelqu'un d'autre y

9 est allé, j'y suis allé, j'ai fait une déclaration, mais je ne sais plus

10 qui c'était. C'était il y a longtemps, en 1993.

11 Mme McMurrey (interprétation) - Mais vous ne savez pas comment

12 vous avez trouvé cet endroit ?

13 Témoin J (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

14 Mme McMurrey (interprétation) - Alors que vous vous trouviez sur

15 place, dans ce centre, en train de faire cette déclaration, y avait-il

16 d'autres détenus qui faisaient aussi une déclaration ?

17 Témoin J (interprétation). - Je pense que (expurgé) s'y

18 trouvait aussi.

19 Mme McMurrey (interprétation) - Avez-vous eu l'occasion de voir

20 d'autres détenus dans ce centre à l'époque ?

21 Témoin J (interprétation). - Non.

22 Mme McMurrey (interprétation) - Seriez-vous au courant de cas où

23 d'autres détenus auraient fait des déclarations à ce centre de conseil et

24 d'information serbe ?

25 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas. Sans doute que oui.

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1 Mme McMurrey (interprétation) - Pourriez-vous nous donner

2 l'adresse de ce centre de conseil et d'information à Belgrade ?

3 Témoin J (interprétation). - Je ne pourrais même pas vous donner

4 l'adresse de l'appartement où j'ai dormi à Belgrade.

5 Mme McMurrey (interprétation) - Pourriez-vous nous dire avec qui

6 vous avez également discuté de ce que vous avez vécu à Celebici ?

7 Témoin J (interprétation). - Qu'entendez-vous par qui d'autre ?

8 Mme McMurrey (interprétation) - Après votre libération du camp

9 de Celebici, il

10 serait tout à fait logique que vous rencontriez d'autres détenus pour vous

11 soulager, pour parler. C'est important sur le plan psychologique de parler

12 de ce qui s'est passé à Celebici. Vous a-t-on donné cette possibilité, ce

13 luxe, dirais-je ?

14 Témoin J (interprétation). - Quand j'étais à Belgrade, je n'ai

15 rencontré que Janko, les autres détenus n'étaient pas là. Peut-être que

16 d'autres détenus se trouvaient sur place, mais je ne les ai pas rencontrés

17 pour en parler. Ma soeur a loué un appartement pour moi dans le nouveau

18 Belgrade, je ne me souviens plus de l'adresse exacte, c'était près d'un

19 marché. J'y ai passé quelque temps.

20 Mme McMurrey (interprétation) - Je passe à tout autre chose.

21 Tout au long de votre déposition, vous avez déclaré avoir vécu à Bradina,

22 c'est bien exact ?

23 Témoin J (interprétation). - Oui.

24 Mme McMurrey (interprétation) - Hier, vous avez déclaré que Maca

25 avait un appartement près du vôtre, à Konjic. Vous avez dit aujourd'hui

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1 que vous aviez un appartement tout près de la poste, c'est bien exact ?

2 Témoin J (interprétation). - Oui, c'est exact. Il n'y avait

3 qu'un mètre qui séparait nos deux portes. J'avais deux maisons à Bradina,

4 et un appartement à Konjic, dans le centre, près de la poste. Je ne me

5 souviens pas de l'adresse exacte. Maca et Makaron, les deux frères,

6 vivaient juste à côté. Nous utilisions la même entrée, mais il y avait

7 deux appartements mitoyens à l'intérieur.

8 Mme McMurrey (interprétation) - Vous viviez dans la rue du

9 15 septembre, n'est-ce pas ?

10 Témoin J (interprétation). - Je n'ai pas compris la question.

11 Mme McMurrey (interprétation) - Cet appartement était situé rue

12 du 15 septembre, à Konjic, n'est-ce pas ?

13 Témoin J (interprétation). - C'était la rue juste derrière la

14 poste. Etait-ce la rue du

15 15 septembre, je ne sais plus.

16 Mme McMurrey (interprétation) - Votre balcon donnait sur la

17 poste, n'est-ce pas ?

18 Témoin J (interprétation). - Oui.

19 Mme McMurrey (interprétation) - La famille de Landzo vivait au

20 quatrième étage de l'appartement qui faisait face à votre bâtiment, n'est-

21 ce pas ?

22 Témoin J (interprétation). - C'est ce que j'ai entendu dire. Je

23 travaillais à Bradina. Ma femme et mes enfants ont vécu à Konjic un

24 certain temps et puis ils sont venus ensuite s'établir à Bradina. J'ai

25 entendu dire qu'il travaillait là, que sa mère, qui avait travaillé à la

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1 municipalité où avait également travaillé ma femme, vivait aussi à cet

2 endroit. Je ne le connaissais pas personnellement, je n'avais pas de

3 contacts personnels avec lui. Je l'avais peut-être rencontré dans la rue,

4 mais c'est tout ce qui s'était passé. Quand je suis arrivé au camp, j'ai

5 entendu dire ...

6 Mme McMurrey (interprétation) - Rappelez- vous Monsieur le

7 témoin, ne parlez pas de quelque chose dont vous avez entendu parler. Nous

8 nous sommes mis d'accord pour dire que vous ne parleriez que des choses

9 dont vous avez une connaissance directe et personnelle.

10 Témoin J (interprétation). - D'accord.

11 Mme McMurrey (interprétation) - S'agissant de cet appartement à

12 Konjic, n'est-il pas vrai qu'alors que vous vous trouviez à Celebici, et

13 même avant la guerre, votre femme et vos deux filles qui, cela dit en

14 passant, avaient le même âge que deux de mes filles, vivaient dans

15 l'appartement de Konjic.

16 Mme McHenry (interprétation). - Vous avez déjà dit au conseil de

17 la défense que vous ne vouliez pas que le témoin parle de choses

18 indirectes. La question supposait qu'il était à Celebici. Il faut bien

19 comprendre qu'il est impossible au témoin de faire part de ses

20 connaissances directes. Je demanderai donc au conseil de la défense de

21 retirer cette question, car tout ce qu'il va dire ne peut être que quelque

22 chose qui relève de sa connaissance directe.

23 Mme McMurrey (interprétation) - Tout à fait, mais le témoin

24 savait où habitait sa famille alors qu'il était détenu.

25 M. le Président (interprétation) - Posez la question.

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1 Mme McMurrey (interprétation) - Votre famille vivait dans la rue

2 du 15 septembre avant la guerre, vos enfants allaient à l'école de Musala,

3 n'est-ce pas ?

4 Témoin J (interprétation). - Bien lontemps avant la guerre, mes

5 enfants vivaient à l'appartement de Konjic. A partir de 1988, ils ont

6 habité à Bradina et c'est là qu'ils sont allés à l'école. Il y avait une

7 école élémentaire tout près. Ma fille aînée allait à Konjic en bus.

8 Mme McMurrey (interprétation) - Alors que vous étiez détenu,

9 vous savez, je suppose, que vote famille occupait l'appartement

10 de Konjic ?

11 Témoin J (interprétation). - Alors que j'était détenu à

12 Celibici, pendant une période assez courte ma famille, qui avait été

13 capturée à Bradina et emmenée à Musala, et je me souviens du nom parce que

14 c'est ma femme qui me l'a dit, quelqu'un qui s'appelait Ivica Bosnjak, un

15 policier avant la guerre, est venu pour les faire sortir de là et les

16 emmener à l'appartement.

17 Mme McMurrey (interprétation) - Vous avez donc répondu à ma

18 question en disant qu'apparemment, pour autant que vous le sachiez, votre

19 famille est restée à l'appartement de Konjic alors que vous étiez

20 à Celebici.

21 Témoin J (interprétation). - Oui.

22 Mme McMurrey (interprétation) - Vous aviez une boucherie

23 à Bradina, mais vous aviez aussi une boucherie à Konjic, n'est-ce pas ?

24 Témoin J (interprétation). - Je n’avais pas de boucherie à

25 Konjic.

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1 Mme McMurrey (interprétation). - Je passe de nouveau à un autre

2 sujet. Avant votre arrivé au camp de Celebici, vous avez été passé à

3 tabac ?

4 Témoin J (interprétation). - Cela s’est passé uniquement à

5 Bradina, mais ce n'était pas trop dur. J’ai eu des coups, des coups de

6 pied et ils m’ont frappé aussi en route dans la

7 voiture. Quand je suis sorti de la voiture et au cours du trajet, à la

8 sortie du véhicule, des gens m'ont frappé. Mais il y avait beaucoup de

9 personnes au moment où j'ai été amené à Pazaric, en voiture vers un

10 bâtiment de commandement qu’il y avait là.

11 Mme McMurrey (Interprétation). - Monsieur J, vous avez été aussi

12 transféré à la salle de sport de Musala et vous avez déclaré sous serment

13 que vous aviez été frappé dans cette salle par Agan Ramic, n’est-ce pas ?

14 Témoin J (interprétation). - Agan Ramic me bousculait, mais il

15 ne m'a pas vraiment frappé. Il m’a interrogé vers 1 heure du matin. Il m’a

16 menacé, il m’a dit : "Donne-moi 5000 francs". Puis, il y avait un autre

17 homme qui a dit qu’il était responsable de l’échange. Il m’a dit à 1 heure

18 du matin : "Oui, j’étais à Belgrade, j'ai vu quelqu’un". Quand ils m'ont

19 emmené à l'école Kravar a dit : "Interroge-le tant que tu veux, mais ne le

20 frappe pas". Cela s'est passé pendant une nuit. Mais, lors d’une autre

21 nuit, Kravar se trouvait là. Le lendemain, il y a eu Edo Mup. Il y avait

22 Agan aussi et un homme qui affirmait venir de Sokolovic. Il est venu

23 aussi, je ne le connaissais pas. Il y avait aussi un homme plus jeune de

24 Brdjani qu'on appelait Fesa. C’était un homme assez gros et il disait :

25 "Donne-moi de l'argent, donne-moi 5000".

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1 M. le Président (interprétation). - Est-ce la réponse que vous

2 attendiez, Maître McMurrey ?

3 Mme McMurrey (Interprétation). - Non, mais le témoin a dit avoir

4 été frappé à Musala. La question était : a-t-il été frappé à Musala par

5 Agan Ramic ? Je pense que le témoin a dit avoir été frappé par M. Ramic.

6 Je crois que vous avez dit aussi, Monsieur le Témoin, que vous avez été

7 sévèrement et gravement frappé par M. Ramic.

8 Témoin J (interprétation). - Oui, c’est ce que j’ai dit.

9 Mme McMurrey (Interprétation). - Dans votre déclaration faite au

10 Bureau du Procureur, vous dites que : Agan Ramic était le pire des

11 gardiens de Musala et il m'a battu pendant trois nuits consécutives. Ce

12 que vous avez déclaré n’est donc pas exact ?

13 Témoin J (interprétation). - Agan Ramic n'était pas garde à

14 Musala. Ce n’est pas ce que j’ai dit. Si c'est ce qui a été consigné,

15 c’était une erreur. Cet homme n'était pas du tout garde, il venait de

16 temps à autre discuter avec Pace, avec Zijo, avec les deux frères qui,

17 eux, étaient des gardes. Il disait qu’il fallait qu'ils me remettent à eux

18 pour qu’ils puissent aller chercher l’argent à Bradina.

19 Mme McMurrey (Interprétation). - Ma question était simple :

20 avez-vous ou n’avez-vous pas été frappé pendant trois nuits consécutives à

21 la salle des sports de Musala plus précisément ?

22 Témoin J (interprétation). - Je n'ai pas été battu pendant

23 toutes ces trois nuits. On m'a fait sortir. Cela s’est passé la dernière

24 soirée, pendant trois nuits consécutives et trois nuits avant ma

25 libération. Donc, on m'a fait sortir ce soir-là et puis les trois soirs

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1 qui on suivi, on m’a dit : "Réfléchis, et si demain tu changes d’avis on

2 te fera sortir". Le dernier soir, il m'a dit : "C’est ta dernière chance

3 aujourd’hui que tu as pour nous donner l’argent".

4 Mme McMurrey (Interprétation). - Passons à autre chose, si vous

5 voulez bien. Revenons au moment où vous arrivez pour la première fios

6 à Celebici. Vous avez dit également qu'il y avait Miroslav Vujicic qui

7 avait tenté de s'échapper et sur qui on a tiré lors de cette tentative

8 d’évasion.

9 Témoin J (interprétation). - J'en ai entendu parler, mais, je ne

10 l’ai pas vu de mes propres yeux.

11 Mme McMurrey (Interprétation). - Je vous demande de déposer

12 uniquement s’agissant d’événements dont vous avez été témoin oculaire. Il

13 vous suffit de dire : je ne sais pas personnellement.

14 Mme McHenry (interprétation). - Objection. Le témoin a le droit

15 de répondre à une question qui consiste à savoir si quelque chose est

16 exact. Il peut répondre ce qu'il veut, plutôt que simplement : je ne sais

17 pas personnellement.

18 Mme McMurrey (Interprétation). - Vous avez tout à fait raison,

19 Maître McHenry.

20 Quand vous êtes arrivé à Celebici, n’est-il pas exact que les

21 soldats, les gardes que vous avez vus ces 5 et 6 juin portaient des

22 insignes du HVO à l’uniforme. C'étaient des gardes des soldats du HVO à

23 l’époque, n'est-ce pas ?

24 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas, je n'ai pas regardé

25 les insignes. Je n’osais même pas regarder les gens. J'avais les yeux au

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1 sol.

2 Mme McMurrey (Interprétation). - Donc, vous ne savez pas si

3 c’étaient des gens du HVO. Mais, vous vous souvenez qu’après le 10 juin,

4 un nouveau groupe de gardes a été mis en en place. C'était une transition,

5 le HVO n’était plus responsable et pendant cette période de transition, on

6 passait à d’autres gardes.

7 Mme McHenry (interprétation). - Objection. Le témoin a dit qu'il

8 ne savait pas si c'étaient des soldats du HVO.

9 Mme McMurrey (Interprétation). - Ici, nous parlons d’après le 10

10 juin, je demande au témoin simplement s’il sait s’il y a eu une

11 transition. Je me tourne vers vous, Madame et Messieurs les Juges, je sais

12 qu’il n’était pas correct que je réponde directement, sans passer par

13 votre truchement, à ma consoeur, mais si je répète cette erreur, veuillez

14 me le rappeler.

15 M. le Président (interprétation). - Vous apprenez ici de

16 nouvelles procédures, Maître McMurrey, mais ce n’était pas là mon

17 intention. Désolée, si je l’ai fait. Merci.

18 Mme McMurrey (Interprétation). - La question était la suivante :

19 après le 10 juin, vous savez qu’on est passé à une transition. Les soldats

20 du HVO n’occupaient plus ces fonctions et de nouveaux gardes ont été

21 amenés.

22 Témoin J (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. Qui

23 venait, qui partait, je ne sais plus. Je connaissais simplement beaucoup

24 de gardes par leur nom.

25 Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez dit que Mme Ismeta

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1 vous avait dit que vous aviez été affecté à la catégorie numéro 1. N’est-

2 il pas exact de dire que les catégories

3 numéro 1, 2 et 3 étaient réservées aux personnes les plus dangereuses et

4 qu'elles étaient placées dans le tunnel numéro 9.

5 Témoin J (interprétation). - Je n'étais pas au courant. J'ai

6 entendu parler de ces catégories la première fois quand je suis allé à

7 l’infirmerie. Ismeta est venue, puis il y avait un certain Drazen, je

8 pense qu’il s’appelait Drazen Draganic. Elle avait parlé à cet homme et

9 c’est à ce moment-là que nous avons appris qu’il y avait des catégories.

10 Elle nous a dit qu’il y en avait 9. Puis, chacun d’entre nous a posé la

11 question. Elle était brave cette personne, elle n’était pas extrêmiste.

12 Elle nous a renseigné.

13 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Retrospectivement, vous

14 savez que vous aviez été affecté à cette catégorie numéro 1. Sans doute

15 parce que vous étiez en possession d’une arme ?

16 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas. Ismeta s’est

17 contentée de dire : "voilà, tu te trouve dans la catégorie numéro 1".

18 J'avais une arme, mais avant la guerre, ce n’était pas un secret. Pourquoi

19 me suis-je retrouvé dans cette première catégorie, je ne sais pas.

20 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Passsons au tunnel

21 numéro 9. Vous avez déclaré dans une de vos déclarations, qu’un pain vous

22 était donné, qu’on le laissait tomber à l’avant du tunnel, et qu'il

23 tombait sur des excréments et qu'il vous fallait lécher ce qui enrobait le

24 pain et puis manger ce pain. Est-ce bien exact ?

25 Témoin J (interprétation). - Je n'ai pas dit que cela tombait

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1 devant le tunnel, non, je disais que cela tombait à l’intérieur du tunnel,

2 là où nous marchions, là où on allait uriner la nuit. La nuit, on ne voit

3 pas où l'on marche et on utilise le même passage avec ses mêmes souliers

4 et il faut bien vivre.

5 Mme McMurrey (interprétation). - Ces excréments étaient les

6 excréments des détenus ?

7 Témoin J (interprétation). - Ces excréments venaient des

8 prisonniers eux-mêmes.

9 Parce que c’était au bout du tunnel que cela se faisait et quand les gens

10 allaient au bout, ils marchaient ausi sur ce qu’ils faisaient Ils en

11 ramenaient des morceaux aux chaussures parce que le passage qu’on pouvait

12 emprunter étai très étroit, moins de 50 centimètres. Le couloir était

13 particulièrement étroit. Nous étions assis dans ce couloir, le long du

14 mur, l'entrée, à droite et pour passer, nous avions très peu de place.

15 Nous étions assis, les genoux recroquevillés. Et c’est comme cela qu’il

16 fallait être assis.

17 Mme McMurrey (interprétation). - Sur la nourriture au tunnel

18 numéro 9, il y avait un détenu qui avait pour tâche d’aller chercher la

19 nourriture et de la ramener au tunnel ?

20 Témoin J (interprétation). - Il arrivait que ce soir un

21 prisonnier, parfois que ce soit un garde qui amenait la nourriture.

22 Mme McMurrey (interprétation). - Quel a été le détenu qui a été

23 selectionné pour aller chercher votre nourriture ?

24 Témoin J (interprétation). - La plupart du temps, c’était Zara.

25 Mme McMurrey (interprétation). - Quand vous parlez de Zara, vous

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1 parlez de Zarko Mrkajic ?

2 Témoin J (interprétation). - Oui.

3 Mme McMurrey (interprétation). - Vous savez qu’il y avait en

4 général très peu de nourriture dans la région de Konjic à ce moment-là ?

5 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'ai jamais

6 réfléchi à la question.

7 Mme McMurrey (interprétation). - N'y avait-il pas quelques

8 20.000 réfugiés coincés dans cette région de Konjic en 1992 ?

9 Témoin J (interprétation). - Je ne le savais pas.

10 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Passons à un nouveau

11 sujet. Vous avez decrit ces passages à tabac, ces mauvais traitements, qui

12 vous ont été inflités au camp de Celebici, je voudrais simplement vous

13 demander s’il y a des signes physiques de ces mauvais

14 traitements sur votre corps ? Pouvez-vous nous en décrire certains ?

15 Témoin J (interprétation). - Oui. J’ai bien sûr une marque ici,

16 vous voyez les marques, là.

17 Mme McMurrey (interprétation). - Vous pouvez nous dire comment

18 cette marque est arrivée sur vote visage ? Est-ce une cicatrice ?

19 Témoin J (interprétation). - Oui, ce sont des cicatrices. Vous

20 les voyez là encore et j'en ai aussi sur les genoux.

21 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Je voudrais revenir au

22 tunnel numéro 9. Hier, vous avez déclaré que vous étiez près de la porte

23 et voyiez tout ce qui passait à l’extérieur quand la porte était ouverte ?

24 Témoin J (interprétation). - J'étais effectivement près de la

25 porte. S'il y avait des choses qui passaient devant la porte,

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1 effectivement je les voyais.

2 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, si vous

3 me le permettez...

4 Témoin J (interprétation). - J’étais juste en face de la porte,

5 si la porte était ouverte, je voyais devant, mais je ne pouvais pas voir

6 plus loin.

7 Mme McMurrey (interprétation). - Je voudrais demander à

8 l'Huissier, je ne me rappelle plus, si c'est un témoin protégé ou pas.

9 Maître McHenry, le savez-vous, cela fait partie de vos éléments

10 de preuves. Je ne sais pas si c’est un témoin protégé qui a fait ce

11 dessin. C’est une pièce de l’accusation et je voudrais juste avoir si je

12 ne suis pas en train de présenter des éléments qui proviennent d’un témoin

13 protégé.

14 Mme McHenry (interprétation). - Le Bureau du Procureur a besoin

15 de voir ce dessin avant de pouvoir répondre, s’il vous plaît.

16 Mme McMurrey (interprétation). - Puis-je montrer ce dessin pour

17 éviter de faire

18 toute erreur ?

19 Mme McHenry (interprétation). - Il ne s'agit pas d’un témoin

20 protégé.

21 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Est-ce que l'Huissier

22 peut montrer ce document au témoin. Il s'agit d’une pièce à conviction

23 lorsque Milenko Kulyanin a comparu devant cette chambre.

24 Mme McHenry (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

25 le Bureau du Procureur pourrait-il être informé du numéro de ce document,

Page 7504

1 s’il vous plaît, pour savoir si nous pourrons en avoir un exemplaire, ou

2 le Conseil de la défense peut-il nous en fournir un exemplaire

3 supplémentaire ?

4 M. le Président (interprétation). - Quelle est la référence ?

5 Mme McMurrey (interprétation). - C’est mon seul exemplaire et je

6 sais que le nom du témoin était Milenko Kuljanin.

7 M. le Président (interprétation). - Madame le Greffier,

8 pourrait-on avoir le numéro de ce document ?

9 Mme le Greffier. - Il s’agit du document D/26.

10 Mme McMurrey (interprétation). - Témoin J, je voudrais vous

11 demander si Milenko Kuljanin se trouvait à l’intérieur du tunnel avec

12 vous, au moment où vous y étiez ?

13 Témoin J (interprétation). - Oui.

14 Mme McMurrey (interprétation). - Et cette position qu’a décrite

15 M. Kuljanin et qui est montrée sur le dessin, est-ce une position

16 précise ?

17 Témoin J (interprétation). - Non, c’est un dessin inexact. Par

18 exemple, il y a Namir Mrkajic qui était beaucoup plus au fond du tunnel et

19 qui est resté peut-être cinq ou six jours là-bas.

20 Mme McMurrey (interprétation) - Je vais demander à l’Huissier de

21 mettre ce document sur le rétroprojecteur et je pense que nous devrons

22 passser en séance à huis-clos.

23 Pouvons-nous passer en séance à huis-clos très rapidement,

24 Monsieur le Président ?

25 M. le Président (interprétation) - Pourquoi ?

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1 Mme McMurrey (interprétation) - Parce que son nom apparaît sur

2 le document.

3 M. le Président (interprétation). - Passons en audience à huis

4 clos

5 L’audience se poursuit à huis clos.

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13 Page 7506-7508 –expurgées– audience à huis clos partiel.

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24 La séance se poursuit en audience publique.

25 Mme McMurrey (interprétation). - Témoin J, est-il exact de dire

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1 que le tunnel était long et étroit et qu’il y avait une pente ? Est-ce

2 exact de dire cela ?

3 Témoin J (interprétation). - Il était long, pas très long, pas

4 si long que cela. Si l’on dit long, cela pourrait correspondre à

5 100 mètres. Mais je n’en connais pas la longueur exacte. Je sais que

6 c’était un tunnel étroit, un peu long et qu’il y avait une petite pente.

7 La longueur, je ne sais pas. Si on dit long, cela pourrait être

8 100 mètres, 50 mètres, mais ce n’était pas si long.

9 Mme McMurrey (interprétation). - Peut-on dire que, à moins que

10 quelque chose ne se passe juste devant la porte, le seul moyen de voir

11 quelque chose à l’extérieur... pour vous, vous ne pouviez regarder que le

12 ciel, n’est-ce pas ?

13 Témoin J (interprétation). - Non, on voyait si quelqu’un se

14 tenait devant la porte, s’ils battaient quelqu’un contre un mur. Cela, on

15 le voyait. Parce que j’étais près de la porte. Par exemple, si je me

16 trouvais juste devant, j’avais du mal à voir, mais si j’étais un petit peu

17 en arrière, si je prenais un peu de recul, là, je voyais mieux, oui.

18 Mme McMurrey (interprétation). - Je voudrais parler de Zarko

19 Mrkajic. Je crois que vous avez dit hier qu’il avait une grande liberté et

20 que vous pensiez que c’était un menteur. C’est bien ce que vous avez dit

21 hier ?

22 Témoin J (interprétation). - Je crois qu’il était libre et c’est

23 ce que j’ai dit. Il avait une liberté de mouvement importante. Je crois

24 qu’aucun prisonnier n’avait une liberté de mouvement aussi grande que la

25 sienne. Il se comportait, dans le camp, comme s’il n’était pas prisonnier.

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1 C’est quelque chose que j’ai remarqué, et je n’étais pas le seul

2 d’ailleurs, parce qu’il marchait librement dans le camp.

3 Mme McMurrey (interprétation). - Mais vous n’avez rien dit sur

4 les traitements particuliers qui étaient réservés à Zarki Mrkajic dans

5 aucune de vos déclarations précédentes, les

6 quatre déclarations que vous avez données.

7 Témoin J (interprétation). - Je ne m’en souviens plus. Je ne me

8 rappelle pas si je l’ai mentionné ou pas.

9 Mme McMurrey (interprétation). - Même si vous avez dit qu’il ne

10 disait pas la vérité, vous avez constamment fondé vos arguments sur des

11 choses qu’il vous avait dites lui-même, à l’intérieur du camp, n’est-ce

12 pas ?

13 Témoin J (interprétation). - Je ne comprends pas, excusez-moi.

14 Mme McMurrey (interprétation). - Lorsque vous avez témoigné,

15 hier et aujourd’hui, vous n’avez pas cessé de nous dire : "Zarko m’a dit

16 ceci, Zarko m’a dit cela, nous a dit cela... ", même si vous le considérez

17 comme un menteur. Malgré cela, vous vous appuyez encore sur ce qu’il vous

18 a dit lorsque vous étiez dans le camp ?

19 Témoin J (interprétation). - Je n’avais pas confiance en ce

20 qu’il me disait parce que je savais qu’il ne disait pas vraiment la vérité

21 et qu’il mentait.

22 Mme McMurrey (interprétation). - Excusez-moi, mais lorsque vous

23 avez déclaré différentes choses devant les Juges, vous n’avez cessé de

24 faire référence à des choses que vous avait dites M. Mrkajic.

25 Témoin J (interprétation). - Oui, il disait souvent des choses.

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1 Je ne sais pas si elles étaient totalement vraies ou non, je ne sais pas,

2 mais chaque fois qu’il partait ou qu’il revenait, il disait : "Vous allez

3 faire l’objet d’un échange. Celui-ci va être tué, etc. Il y a certaines

4 personnes sur la liste, vous allez aller à Zenica". Tout cela, c’était des

5 bêtises.

6 Mme McMurrey (interprétation). - Donc votre source

7 d’information, c’était bien Zara et ce qu’il vous disait lorsque vous

8 étiez dans le tunnel n° 9 ?

9 Témoin J (interprétation). - Ma source d’information, c’était

10 effectivement Zara, mais c’est ce que j’ai vu de mes propres yeux, lorsque

11 je sortais, lorsque j’arrachais l’herbe, lorsque je devais tuer des

12 animaux, lorsque j’allais ramasser les mégots de cigarettes, lorsque je

13 trimbalais cette antenne de télévision. Ensuite, Smir venait et il disait

14 des choses, puis il y a quelqu’un d’autre qui est venu...

15 Mme McMurrey (interprétation). - Bien. Cela veut dire que vous

16 aviez d’autres sources d’information, n’est-ce pas ?

17 Témoin J (interprétation). - Oui, les gardes... Les gardes

18 rentraient et ils parlaient, ils jouaient de l’accordéon. Ils parlaient

19 ensemble et on entendait ce qu’ils disaient.

20 Mme McMurrey (interprétation). - Donc, lorsque vous tondiez la

21 pelouse, ramassiez des mégots, etc., vous deviez vider l’herbe dans la

22 rivière ?

23 Témoin J (interprétation). - Je n’ai pas tondu la pelouse, je

24 n’ai fait qu’arracher l’herbe.

25 Mme McMurrey (interprétation) - Vous avez le droit de ressortir

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1 du camp pour vider l'herbe.

2 Témoin J (interprétation). - Je n'ai jamais quitté l'enceinte du

3 camp. Une fois j'ai dû ramasser des mégots et les mettre dans un

4 conteneur. Et puis, des gardes étaient là et ils m'ont dit d'aller au pont

5 qui était à 30 ou 40 mètres sur la route et de tout jeter là-bas. J'y suis

6 allé. C'était seulement quelques mégots de cigarettes et ils m'ont fait

7 tirer ce conteneur et le pousser et se sont moqués de moi. Ils étaient sur

8 le pont et j'étais obligé de faire tout cela.

9 Mme McMurrey (interprétation) - Puisque vous êtes sorti du camp,

10 cela veut dire que vous aviez plus de liberté de mouvements que la plupart

11 des autres détenus, n'est-ce pas ?

12 Témoin J (interprétation). - Je n'ai pas quitté l'enceinte du

13 camp, j'ai juste emporté ce conteneur pour déverser son contenu au pont et

14 je l'ai rapporté. Ils m'ont fait faire cela parce qu'ils voulaient se

15 moquer de moi. Je devais pousser ce conteneur et je n'arrivais pas à le

16 faire.

17 Mme McMurrey (interprétation) - Passons à un autre sujet. Vous

18 avez longuement parlé de l'incident avec Slavko Susic. Attendez, je n'ai

19 pas fini. Vous avez parlé de cet incident avec M. Susic, vous ne avez

20 parlé au centre d'information et de conseil serbe le

21 8 février 1993 et vous n'avez jamais mentionné le noms de Zenga ou

22 de Landzo.

23 M. Ackerman (interprétation). - Il y a une odeur désagréable ici

24 qui ressemble à une odeur d'équipement électrique brûlé, Monsieur le

25 Président.

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1 M. le Président (interprétation) - Nous allons interrompre les

2 débats ici. Nous verrons pendant ce temps ce qui se passe.

3 L’audience est suspendue à 12 heures 30

4 L’audience est reprise à 14 heures 30.

5 M. le Président (interprétation) - Pourriez-vous rappeler au

6 témoin qu'il dépose toujours sous serment.

7 Mme le Greffier. - Je vous rappelle, Monsieur, que vous êtes

8 encore sous serment.

9 Témoin J (interprétation). - Oui.

10 M. le Président (interprétation) - Maître McMurrey, poursuivez

11 je vous prie.

12 Mme McMurrey (interprétation) - Merci, Monsieur le Président.

13 Pour que le compte rendu soit tout à fait clair, je demanderai que la

14 pièce à conviction D 26/4 soit retirée. Le témoin n'a rien inscrit sur

15 cette pièce à conviction. Je la retire donc.

16 Monsieur J, avant le déjeuner nous parlions du fait que dans la

17 déclaration que vous avez donnée au centre d'information et de conseil

18 serbe le 8 février 1993, vous n'avez jamais mentionné le nom de M. Landzo

19 ou de Zenga quand vous parliez de M. Susic, n'est-ce pas ?

20 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas si je l'ai fait ou

21 pas. Je ne me rappelle pas, cela fait longtemps ; je ne sais pas si je

22 l'ai mentionné ou pas. Peut-être ne l'ai-je pas fait, j'avais beaucoup de

23 choses à raconter.

24 Mme McMurrey (interprétation) - Etes-vous en train de nous dire

25 qu'avant de déposer ici aujourd'hui vous n'avez pas passé en revue les

Page 7515

1 déclarations précédentes que vous avez faites ?

2 Témoin J (interprétation). - Certaines, oui.

3 Mme McMurrey (interprétation) - En fait le Procureur vous a

4 donné des exemplaires de vos déclarations précédentes, n'est-ce pas ?

5 Témoin J (interprétation). - Oui, j'en ai reçus. J'ai reçu

6 certaines déclarations.

7 Mme McHenry (interprétation). - Pour le compte rendu, il s'agit

8 d'une déclaration qui n'est disponible qu'en anglais et qui n'a pas été

9 fournie par le Procureur au témoin. Pour

10 autant que le Procureur le sache, le témoin ne l'a pas vue depuis 1993 et

11 nous n'en possédons pas de copie originale.

12 Mme McMurrey (interprétation) - Très bien, mais ma question

13 était...

14 Témoin J (interprétation). - J'ai vu ce qui a été pris en note

15 lors de mon premier interrogatoire, mais je ne me suis pas rappelé cela.

16 Mme McMurrey (interprétation) - Vous avez également vu la

17 déclaration que vous avez faite en juin 1992 à Celebici, n'est-ce pas ?

18 C'est bien cela ?

19 Témoin J (interprétation). - Oui, c'est bien celle-là.

20 Mme McMurrey (interprétation) - Je voudrais aussi parler de la

21 déclaration que vous avez faite le 20 octobre 1995 au Bureau du Procureur.

22 Dans cette déclaration précise, le mot que vous avez utilisé pour

23 M. Landzo était Senad ou Seno, c'est bien le nom que vous avez utilisé,

24 n'est-ce pas ?

25 Témoin J (interprétation). - Je le connaissais sous le nom de

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1 Zenga. Landzo, Senad, maintenant je ne sais pas quel est son prénom. Je le

2 connais sous le nom de Zenga. Avant le camp, je ne le connaissais pas.

3 Mme McMurrey (interprétation) - Excusez-moi, Monsieur J, je vais

4 vous poser une question et je vous demanderai de répondre à ce moment-là

5 d'accord ?

6 Témoin J (interprétation). - D'accord.

7 Mme McMurrey (interprétation) - Vous avez déclaré dans votre

8 déposition hier, en page 7465 du compte rendu officiel, je cite "la

9 plupart des gens le connaissait sous le nom de Zenga, c'est seulement plus

10 tard que j'ai appris que son nom de famille était Landzo", fin de

11 citation. Donc, vous dites que vous ne connaissiez pas son nom au départ

12 et que vous l'avez appris quand vous étiez dans le hangar n° 6, quand

13 quelqu'un vous l'a dit.

14 Témoin J (interprétation). - Je l'ai su aussi dans le n° 9,

15 parce que c'est au n° 9 qu'il venait. Avant, il était gardien au n° 6,

16 mais il venait aussi au n° 9. Je le connaissais de vue, je

17 l'avais vu avant aussi, un certain nombre de fois.

18 Mme McMurrey (interprétation) - En fait, vous aviez meilleure

19 mémoire le 8 février 1993 qu'en octobre 1995. N'accepteriez-vous pas cette

20 proposition quant au souvenir que vous aviez des événements de Celebici ?

21 Témoin J (interprétation). - S'agissant des événements, cela

22 dépend, ma mémoire varie de jour en jour. Aujourd'hui, je peux me rappeler

23 telle ou telle chose et demain je ne me rappellerai peut-être pas tel ou

24 tel nom. Par exemple, je ne me rappelais plus le nom de l'homme qui était

25 couché à côté de moi, là-bas, dans l'infirmerie, et plus tard cela m'est

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1 revenu, quelques jours plus tard.

2 Mme McMurrey (interprétation) - Monsieur J, je crois que dans

3 votre déclaration, celle que vous avez faite le plus tôt après votre

4 libération de Celebici, vous n'avez jamais mentionné le nom de Zenga ou de

5 Landzo et ce jusqu'à ce que le Procureur vous interroge au sujet de

6 M. Landzo en novembre 1995, n'est-ce pas ?

7 Mme McHenry (interprétation). - Question posée qui a déjà reçu

8 réponse. Si le conseil de la défense veut continuer à interroger le témoin

9 sur ce sujet, je demanderai que ces propos utilisés pour récuser le témoin

10 figure au compte rendu. Puisque le témoin n'a pas vu la déclaration depuis

11 1993, je pense, par exemple, que cette déclaration devrait lui être remise

12 et qu'il soit constaté qu'aucun nom de gardien ne figure dans cette

13 déclaration.

14 Mme McMurrey (interprétation) - Monsieur le Président, je

15 proteste. Les éléments de preuve de meilleure qualité doivent être soumis

16 aux Juges et il appartient aux Juges de décider. Mme McHenry est en train

17 de s'immiscer dans le travail des Juges.

18 M. le Président (interprétation) - Je croyais que vous vous

19 entraidiez.

20 Mme McMurrey (interprétation) - Peut-être, mais à ce stade je

21 tiens à dire que je n'ai qu'un seul exemplaire de cette déclaration en

22 anglais, qui m'a été remis par l'accusation et qui comporte toutes sortes

23 d'inscriptions. Donc je pense qu'une copie sans inscription doit être

24 remise par l'accusation au témoin, le cas échéant.

25 M. le Président (interprétation) - Maître McHenry, avez-vous une

Page 7518

1 copie sans inscription de cette déclaration ?

2 Mme McHenry (interprétation). - Oui, Monsieur le Président et je

3 tiens à dire pour le procès-verbal que l'accusation n'a pas d'exemplaire

4 de cette déclaration en serbo-croate. Cette déclaration n'a pas été

5 traduite par quelqu'un dépendant du Tribunal. Mais puisqu'un texte nous a

6 été donné en anglais, j'aurais grand plaisir à le remettre au Greffe.

7 M. le Président (interprétation) - Je ne suis pas très sûr de la

8 validité de ces documents. Dans quelle langue la déclaration a-t-elle été

9 prise ?

10 Mme McMurrey (interprétation) - Je suppose qu'elle a été prise

11 en original serbo-croate parce que cela s'est passé à Belgrade et nous

12 n'avons pas le document original comportant la signature du témoin, sans

13 doute parce que cette signature figure sur l'original serbo-croate.

14 M. le Président (interprétation) - Il ne pouvait pas être sûr de

15 la précision de la traduction.

16 Mme McMurrey (interprétation) - Je suppose que nous pouvons lui

17 demander s'il a fait cette déclaration. Il l'a déjà reconnu lui-même

18 d'ailleurs. Bien sûr, nous ne pouvons pas vérifier la précision de la

19 traduction. Je ne sais pas si le Bureau du Procureur a fait la traduction

20 ou si la version anglaise vient d'une autre origine. Elle nous a été

21 remise par le Bureau du Procureur.

22 Mme McHenry (interprétation). - L'accusation ne possède pas la

23 déclaration en langue originale, elle ne l'a pas fait traduire. La

24 traduction n'a été faite par personne qui soit associé avec le Tribunal.

25 Nous ne pouvons pas vérifier la précision de la traduction. Cette

Page 7519

1 déclaration n'a jamais été montrée au témoin qui n'a donc pas pu non plus

2 vérifier la précision de la traduction. Je pense que ce document était

3 ajouté en annexe de toute façon, mais nous ne

4 pensons pas qu'il soit approprié de s'appuyer sur ce document.

5 Mme McMurrey (interprétation) - Monsieur le Président, c'est le

6 Procureur qui a demandé que ce document soit versé au dossier, mais si

7 Maître McHenry dit qu'elle ne veut pas s'appuyer sur ce document...

8 M. le Président (interprétation) - ... Quand vous essayez de

9 récuser un témoin à l'aide d'une déclaration, vous vous appuyez sur cette

10 déclaration et vous devez être sûr de sa précision.

11 Mme McMurrey (interprétation) - Il a fourni des déclarations

12 contradictoires au centre d'information et de conseil de Belgrade et comme

13 nous n'avons pas de document original, je pense que nous pouvons poser des

14 questions au témoin et qu'il est en mesure de confirmer ou d'infirmer.

15 M. le Président (interprétation) - Posez vos questions au

16 témoin.

17 Mme McMurrey (interprétation) - Très bien.

18 M. Jan (interprétation). - C'est vous qui avez fourni cette

19 déclaration à la défense ?

20 Mme McHenry (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge.

21 M. Jan (interprétation). - Et de qui l'avez-vous reçue ?

22 Mme McHenry (interprétation). - Il faudrait que je vérifie pour

23 être sûre à 100 %. Je sais que nous ne l'avons pas reçue des mains du

24 témoin. Je crois qu'au départ, un certain nombre d'entités ont fourni des

25 documents aux Nations-Unies, aussi bien avant la création du Tribunal

Page 7520

1 qu'après la création du Tribunal, et je crois que ce document comptait au

2 nombre des documents que je viens de mentionner. Je n'en suis pas

3 absolument sûre mais je crois que c'est bien cela l'origine du document,

4 et puisque le Procureur mène une politique de divulgation complète, nous

5 avons fourni ce document à la défense. Mais le témoin n'a pas encore

6 authentifié ce document et nous ne pensons pas que cela soit

7 obligatoirement une déclaration exacte.

8 M. Jan (interprétation). - Mais l'organisation qui a fourni la

9 déclaration à

10 l'organisation qui vous l'a remise à vous n'avait aucun intérêt je suppose

11 à vous fournir une fausse traduction de la déclaration.

12 Mme McHenry (interprétation). - Je ne puis répondre à cette

13 question. L'accusation ne s'appuie pas sur une traduction parce qu'elle

14 est exacte ou inexacte, mais dans la mesure où le conseil de la défense a

15 l'intention d'utiliser ce document à des fins de récusation, notamment

16 compte tenu du fait que le témoin ne l'a pas encore vu et ne se rappelle

17 pas les détails contenus dans cette déclaration, je pense qu'il importe

18 que les Juges au moins tiennent compte de ces aspect des choses et, encore

19 une fois, cet élément de preuve parle pour lui-même. Mais puisque le

20 conseil de la défense est autorisé à dire qu'il est exact que le nom de

21 Zenga ne figure pas dans la déclaration, je pense que l'accusation doit

22 être autorisée à faire remarquer au Tribunal qu'aucun nom de garde n'est

23 contenu dans cette déclaration. Il n'y en a tout simplement aucun.

24 Mme McMurrey (interprétation) - Monsieur le Président,

25 j'aimerais poser la question que j'ai à poser parce que la défense n'a pas

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1 accès aux documents qui ont été remis par le gouvernement serbe,

2 l'association des anciens détenus ou le centre d'information et de conseil

3 serbe. Donc, nous devons nous appuyer sur l'information fournie par le

4 Procureur. Nous avons parcouru ces documents avant le procès et nous les

5 considérons donc comme des éléments de preuve qui nous ont été fournis par

6 l'accusation;

7 Mme McHenry (interprétation). - J'aimerais répondre à cela.

8 Mme McMurrey (interprétation) - Je viens de recevoir une version

9 serbo-croate de cette déclaration et par conséquent nous aimerions une

10 courte pause pour que le témoin puisse passer en revue ce document et voir

11 si c'est bien la déclaration qu'il a faite.

12 M. le Président (interprétation) - Donnons ce texte au témoin

13 pour qu'il le lise.

14 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, puis-je

15 vous aider ?

16 M. le Président (interprétation) - Au sujet de ce témoin,

17 Maître Residovic ?

18 Mme Residovic (interprétation). -Oui.

19 M. le Président (interprétation) - Vous avez fourni la

20 déclaration ?

21 Mme Residovic (interprétation). - En décembre, le Procureur nous

22 a donné plus de.60 déclarations diverses et l'accord était que nous

23 devions les faire traduire. J'ai une traduction sur moi qui a été faite

24 par un traducteur juré auprès des tribunaux vers l'anglais. Cette

25 traductrice s’appelle Yasna, je ne me rappelle pas son nom de famille.

Page 7522

1 Nous pouvons vérifier le numéro de fax, c'est par fax que nous avons reçu

2 cette traduction qui nous a été remise par l'accusation. Si cela peut vous

3 aider, avant de comparer ce texte avec celui des traducteurs du Tribunal,

4 j'ai une copie a vous fournir.

5 M. le Président (interprétation). - Si cela permet d’habiliter

6 la version serbo-croate de ce texte, sur la base de l'écriture notamment,

7 nous pourrions peut-être nous appuyer désormais sur cette traduction.

8 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, le

9 problème vient du fait qu'il n'y a pas de signature manuscrite sur ce

10 texte.

11 M. le Président (interprétation). - Même sur la version croate

12 du texte ?

13 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, ce qui

14 s’est passé c'est que l'accusation avait une version anglaise de cette

15 déclaration. Elle l’a fournie en version anglaise, puis la version serbo-

16 croate a été créée à partir de la version anglaise. Donc, il n'y a pas

17 vraiment d'original.

18 M. le Président (interprétation). - C'est l'inverse je crois.

19 Mme McMurrey (interprétation). - Ce n'est pas sur l'original que

20 nous travaillons ici. Tout ce que nous avons est la version serbo-croate

21 créée à partir de la version que possédait le Procureur qui ne comportait

22 pas de signature. Si nous voulons autoriser le témoin à relire ce texte

23 pour voir si c'est la déclaration qu’il a faite, cela pourrait être utile.

24 Je souhaite ajouter également, parce que je pense nous risquons d'avoir

25 des problèmes du même genre plus tard,

Page 7523

1 que nous avons été contraints de nous appuyer sur des déclarations remises

2 par le Procureur et que nous avons travaillé sur ces déclarations pendant

3 toute la durée du procès. Or ce sont des déclarations fournies par le

4 Procureur. Le témoin suivant et plusieurs témoins précédents ont été

5 interrogés sur des déclarations considérées comme des textes véridiques.

6 En tout cas c'est ce que dit le centre d'information de conseil Serbe.

7 Donc je pense que l’accusation a au total tout un livre de déclarations

8 dont il conviendrait de vérifier l'authenticité et l'origine, mais à ce

9 stade, nous avons seulement quelques parties de ce livre et je crois que

10 l'accusation à accès à la totalité du livre.

11 M. le Président (interprétation). - Vous auriez pu présenter la

12 même requête pendant votre période d’enquête.

13 Mme McMurrey (interprétation). - Nous ne pouvons pas obtenir de

14 document de la République de Serbie. Nous n'avons pas de moyens.

15 M. le Président (interprétation). - A des fins de divulgation,

16 quand vous obtenez une déclaration au moment où vous en avez une copie,

17 vous devriez demander la communication des documents associés.

18 Mme McMurrey (interprétation). - Cela aurait sans doute été la

19 façon la plus appropriée de procéder, mais nous avons reçu des volumes

20 entiers de documents.

21 Et c'est au moment où nous nous apprêtons à entendre tel ou tel

22 témoin que nous trions dans ces volumes de documents, qui sont en face de

23 nous, parce que cela fait partie des éléments de preuve qui nous sont

24 remis pour tel ou tel témoin par l'accusation et sur lesquels nous nous

25 appuyons.

Page 7524

1 M. le Président (interprétation). - La version anglaise qui est

2 acceptable pour les deux parties devrait être identifiée par le témoin, si

3 c’est possible.

4 Mme McMurrey (interprétation). - Mais c'est un texte en anglais.

5 M. le Président (interprétation). - Le problème c'est que la

6 déclaration que nous

7 avons est en anglais alors qu'elle a sans doute été prise en serbo-croate.

8 Mme McMurrey (interprétation). - Elle a sans doute été prise en

9 serbo-croate, mais la seule chose que nous avons entre les mains est un

10 texte en anglais qui ne comporte pas de signature, donc nous ne pouvons

11 pas demander au témoin de vérifier une signature puisqu'il n'y en a pas.

12 M. le Président (interprétation). - Il n'y a pas une seule

13 version qui comporte une signature ?

14 Mme McMurrey (interprétation). - Aucune version qui soit en

15 notre possession, Monsieur le Président.

16 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, aucune

17 version de ce texte en la possession de l'accusation ne comporte une

18 signature et je voudrais expliquer une nouvelle fois que l'accusation est

19 parfois contestée par la défense parce qu'elle ne produit pas assez de

20 documents et parfois parce qu'elle en produit trop.

21 L'accusation prend les déclarations fournies par le Bureau du

22 Procureur qui émanent des enquêteurs et pour chaque témoin les remet à la

23 défense. En outre, conformément aux règles de communication pleine et

24 entière des pièces, l'accusation agit selon son devoir. Il ne peut donc y

25 avoir la moindre assertion que l'accusation ne communique pas les pièces

Page 7525

1 qu'elle a à communiquer. Mais l'accusation fournit parfois des documents

2 sur lesquels elle-même ne va pas s'appuyer et même parfois des documents

3 qu'elle considère comme totalement dépourvus de fiabilité. Les

4 déclarations prises à Celebici ont également été communiquées à la défense

5 selon les règles de communication des pièces. Mais s'agissant de la

6 déposition de ce témoin et des textes sur lesquels l'accusation s'appuie,

7 l'accusation ne peut que dire qu'elle n'a pas de déclaration en serbo-

8 croate. Si nous avions l'intention de nous appuyer sur cette déclaration

9 nous aurions sans doute fait ce qu'il fallait pour obtenir la version

10 serbo-croate, mais nous n'avions pas l'intention d'utiliser cette

11 déclaration en tant qu'élément de preuve. Nous n'avons

12 remis au témoin que des textes originaux lorsque nous pensions nous en

13 servir à titre d'éléments de preuve. Et je ne sais pas si la déclaration

14 provenant du centre d’information du conseil serbe a été prise en note

15 avec précision et si elle a été traduite de façon précise. Ceci risque

16 d'affecter la capacité de la défense a utiliser ce document à des fins de

17 récusation, mais sans aucun doute le Bureau du Procureur possède une copie

18 et je ne peux aider la Chambre davantage qu’en disant que l'accusation,

19 lorsque elle fournit des documents dans le cadre de la communication de

20 pièces, ne recherche pas l'authenticité de la traduction ou du document en

21 tant que tel.

22 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, puis-je

23 ajouter quelques mots. Je sais que l'original de ce document se trouve

24 probablement à Belgrade. Nous ferons de notre mieux à l’avenir pour nous

25 assurer l'obtention par subpoena ou tout autre voix du document original.

Page 7526

1 Mais pour l'instant, essayons de revenir quelques pas en arrière avant que

2 cette argumentation ne commence, Me McHenry avait demandé le versement au

3 dossier de ce document à des fin de récusation. Cela ne me pose aucun

4 problème. J'aimerais que le Tribunal possède une version du document

5 puisque des questions se posent à ce sujet. Le témoin n'a pas admis avoir

6 fait une déclaration près du centre d'information de conseil serbe et à

7 des fins de récusations, ceci devrait être suffisant.

8 M. le Président (interprétation). - Je pense que c'est une

9 procédure qui nous convient. Vous pouvez donc agir de la sorte et vous

10 appuyer sur ce texte puisque c'est tout ce que les deux parties possèdent.

11 Mme McMurrey (interprétation). - Je vais fournir aux Juges une

12 copie sans inscription à des fins de récusation et pour le compte rendu.

13 M. le Président (interprétation). - J'en ai déjà reçu un

14 exemplaire.

15 Mme McMurrey (interprétation). - J'ai uniquement mon exemplaire

16 qui comporte des inscriptions.

17 M. le Président (interprétation). - Je pense que l'accusation a

18 versé cette pièce au

19 dossier.

20 Mme McMurrey (interprétation). - Parfait.

21 Mme McHenry (interprétation). - Si c'est tout ce que vous avez,

22 en avez-vous fini avec vos questions ? Car c'est aussi mon seul

23 exemplaire.

24 Mme McMurrey (interprétation). - J'ai encore quelques questions

25 à poser.

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1 Mme McHenry (interprétation). - J'ai un exemplaire que j'ai

2 grand plaisir à remettre aux Juges.

3 M. le Président (interprétation). - Et bien maintenant vous

4 pouvez utiliser votre exemplaire personnel et le Greffe reçoit un

5 exemplaire pour versement au dossier. Vous pouvez conserver le vôtre.

6 Mme McMurrey (interprétation). - Je ne pense pas que vous

7 aimeriez travailler sur le mien.

8 M. le Président (interprétation). - Vous avez indiqué que vous

9 avez des inscriptions sur ce texte.

10 Mme McMurrey (interprétation). - Puis-je procéder ?

11 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

12 Mme McMurrey (interprétation). - Merci beaucoup. Je vais avancer

13 et en terminer d'abord avec cette déclaration. Mais je passerai ensuite à

14 un autre sujet. Vous avez parlé de votre libération de Celebici dans votre

15 déposition, c'était aujourd'hui, je ne sais plus exactement à quel moment,

16 un peu plus tôt vous avez déclaré vous être trouvé à Musala et que des

17 dispositions ont été prises, que vous avez ensuite été emmené à Celebici à

18 l'infirmerie et que le même jour un Français est arrivé de la Croix-Rouge

19 internationale et vous avez été libéré et remis en territoire serbe. Est-

20 ce bien ce que vous avez dit aujourd'hui dans votre déposition

21 Monsieur J ?

22 Témoin J (interprétation). - J'ai été libéré, voici comment cela

23 s'est passé. Je me

24 trouvais à Musala. Ce même jour, M. Delic est venu à Musala pour

25 m'emmener, moi et d'autres prisonniers. Il nous a dit : sortez, installez-

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1 vous dans la camionnette. Il nous a emmené à Celebici et plus précisément

2 à l’infirmerie, nous tous. Je ne me souviens plus du nom exact de chacune

3 des personnes qui m'accompagnait.

4 Mme McMurrey (interprétation). - C'est une question à laquelle

5 vous pouvez répondre par oui ou par non. Lorsque ceci s'est passé est-ce

6 que finalement, vous avez été emmené de Musala à Celebici et, en l'espace

7 de 24 heures, vous avez été libéré et vous vous êtes trouvé sur le

8 territoire occupé par les Serbes. Est-ce bien ce que vous avez déclaré

9 dans votre déposition d'aujourd'hui ?

10 M. le Président (interprétation). - Est-ce bien dans cette

11 chronologie là que cela s'est passé ?

12 (Le témoin dit ne pas recevoir l'interprétation.)

13 M. le Président (interprétation). - Apparemment il y a un

14 problème technique, l'interprétation n'arrive pas au témoin. Il y a peut-

15 être un problème de canal.

16 Témoin J (interprétation). - Maintenant j'entends.

17 Mme McMurrey (interprétation). - Permettez-moi de répéter ma

18 question.

19 M. le Président (interprétation). - On voulait simplement savoir

20 s'il avait quitté Musala pour être emmené à Celebici et si le même jour il

21 a été libéré, et il a été placé en territoire Serbe.

22 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. C'est tout à fait exact.

23 Témoin J (interprétation). - Quand j'ai quitté Musala, je ne

24 suis pas arrivé en territoire occupé par les Serbes le même jour, mais en

25 l'espace de 2 jours.

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1 Mme McMurrey (interprétation). - Merci.

2 M. le Président (interprétation). - Vous êtes d'abord allé à

3 Celebici ?

4 Témoin J (interprétation). - Oui. D'abord je suis allé de Musala

5 à l'infirmerie à

6 Celebici.

7 M. le Président (interprétation). - Et de l'infirmerie de

8 Celebici, où êtes-vous allé ?

9 Témoin J (interprétation). - De cette infirmerie j'ai été à

10 Donje Selo, à la maison de Zoran Cecez.

11 M. le Président (interprétation). - Voilà donc la chronologie.

12 Mme McMurrey (interprétation). - Tout à fait. Et puis, vous avez

13 dit vous être rendu en territoires occupés par les Serbes avec d'autres

14 personnes, est-ce bien cela ?

15 Témoin J (interprétation). - C'est M. Mucic qui m'a amené sur

16 ce territoire. D'abord, en fait, on est allé jusqu’en territoire croate et

17 de là c'est un autre homme qui m'a emmené en territoire occupé par les

18 Serbes. M. Mucic m'a emmené à Kiselyak ou plutôt dans une localité appelée

19 Podkobilyaca.

20 Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez relaté les

21 circonstances de votre libération aux Juges déjà, mais le 8 février 1993,

22 n'avez-vous pas dit avoir été libéré avec une trentaine d'autres Serbes et

23 que vous aviez été en résidence surveillée. Vous n'aviez pas quitté la

24 région avez-vous dit et apparemment le 26 novembre 1992, avez-vous dit, je

25 cite : « J'ai réussi à m'enfuir et à sauver ma propre vie en allant en

Page 7530

1 territoires occupés par les Serbes ». N'est-ce pas ce que vous avez dit au

2 conseil d'information serbe ?

3 Témoin J (interprétation). - Non ce n'est pas exact. Ce n'est

4 pas de cette façon que cela s'est passé.

5 Mme McMurrey (interprétation). - Je vais demander le versement

6 de ce dossier en espérant prouver l'authenticité de ce document par la

7 suite, ultérieurement, mais aux fins de récusation. C'est tout ce que

8 j'avais à poser comme question sur ce document et je n'en ai plus que

9 quelques unes supplémentaires.

10 Vous avez fait une déclaration à l'intention du Bureau du

11 Procureur en octobre 1995. Dans cette déclaration, lorsque vous avez

12 relaté la mort supposée de M. Susic, vous

13 n'avez dit à personne, dans aucune autre déclaration qu'à ce moment-là

14 vous étiez à l'extérieur, vous permettant ainsi de voir ce qui était

15 arrivé à M. Slavko Sucic. Mais ceci, vous ne l'avez dit dans aucune autre

16 déclaration, n'est-ce pas ?

17 Témoin J (interprétation). - A ce moment-là, je me trouvais à

18 l'extérieur à une vingtaine de mètres de distance.

19 Mme McMurrey (interprétation). - Je ne vous demande pas si vous

20 étiez à l'extérieur ou pas. Voici ma question, je la répète : avez- vous

21 dit à l'un, quelconque, des journalistes ou des enquêteurs que vous vous

22 trouviez à l’extérieur ? Vous ne l'avez jamais dit.

23 Témoin J (interprétation). - Je ne sais plus ce que j'ai dit

24 exactement, je sais comment cela s'est passé. Pour moi, ce Tribunal est un

25 Tribunal très important. Je tiens à dire la vérité, comme il le faut.

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1 Mme McMurrey (interprétation) - Effectivement, c'est un éminent

2 Tribunal et vous devez dire la vérité. Tout ce que je vous demande en ce

3 moment précis est de reconnaître que vous n'avez jamais dit à qui que ce

4 soit avant de déposer hier devant ce Tribunal que vous étiez à

5 l'extérieure du tunnel n°9 au moment où l'on frappait Slavko Susic.

6 Témoin J (interprétation). - Je l'ai dit. Je l'ai sans doute dit

7 une centaine de fois que j'étais à l'extérieur du tunnel et que je l'ai

8 vu. J'ai raconté ces faits.

9 Mme McMurrey (interprétation) - Mais vous n'avez pas relaté ces

10 faits sous serment dans le cadre d'une déclaration recueillie ?

11 Mme McHenry (interprétation). - Objection ; je l'ai déjà dit

12 mais la déclaration faite au bureau du Procureur ne se fait pas sous

13 serment et si l'on parle sur le plan purement technique, je tiens à le

14 préciser.

15 Mme McMurrey (interprétation) - Je parlerai donc des

16 déclarations ultérieures faites sous serment. Parlons de février 1995. Le

17 bureau du procureur revient auprès de vous et vous demande de revoir votre

18 déclaration d'octobre 1995, vous donne l'occasion de corriger

19 toute erreur éventuellement commise, de modifier tout ce que vous pourriez

20 estimer nécessaire. Vous signez à ce moment-là une déclaration faite sous

21 serment selon laquelle tout ce qui a été dit en octobre 1995 était tout à

22 fait fidèle à vos meilleurs souvenirs et était exact, n'est-ce pas ?

23 Témoin J (interprétation). - Tout ce que je peux dire c'est que

24 la vérité est ce que j'ai dit devant cet éminent Tribunal. J'ai prêté

25 serment et je ne veux pas mentir.

Page 7532

1 Mme McMurrey (interprétation) - Fort bien, mais vous avez eu

2 l'occasion de modifier vos dires. En signant ces déclarations faites sous

3 serment ce jour-là, vous affirmez avoir dit des choses qui étaient exactes

4 en novembre 1995.

5 Mme McHenry (interprétation). - Désolée de présenter une

6 nouvelle objection mais je crois que vous associez plusieurs questions. Je

7 ne pense pas que le témoin ait déjà dit qu'on lui avait remis les

8 déclarations antérieures avec la demande expresse de les revoir. Donc je

9 passe qu'avant de poser une question associée à une autre il faut bien

10 décomposer les parties de la question et poser une question de façon

11 claire.

12 M. le Président (interprétation) - Je pense que le témoin a dit

13 que ses déclarations correspondaient à ses meilleurs souvenirs. Il vous

14 faut accepter ce que dit le témoin, et le fait que c'est vraiment ce qu'il

15 a dit en puisant le plus profondément dans ses souvenirs.

16 Mme McMurrey (interprétation) - Je voulais simplement savoir,

17 puisqu'il avait eu l'occasion de modifier ses dires, s'il pouvait vérifier

18 l'authenticité de ses dires à une date ultérieure.

19 M. le Président (interprétation) - Posez la question.

20 Mme McMurrey (interprétation) - Le 21 février 1996, ce que vous

21 avez fait en signant cette partie de la déclaration qui reconnaît cette

22 prestation du témoin, vous avez dit que ce que vous aviez dit au bureau du

23 Procureur en 1995 correspondait à vos meilleurs souvenirs, aux plus

24 fidèles de vos souvenirs, est-ce bien exact ?

25 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'ai pas

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1 vraiment compris la question.

2 M. le Président (interprétation) - Vraiment, cette situation est

3 assez inextricable. Si quelqu'un, le plus sincèrement possible, ne se

4 souvient pas d'autre chose, il ne peut pas vous dire des choses dont il ne

5 se souvenait pas à l'époque.

6 Mme McMurrey (interprétation) - Ce que j'essaie d'établir c'est

7 que le témoin n'a pas été cohérent par rapport à ce qu'il a dit en

8 octobre 1995 et ce qu'il a dit aujourd'hui. S'il s'est trompé en 1995, il

9 avait l'occasion de corriger ces choses 1996, ce qu'il n'a pas fait. Voilà

10 qu'aujourd'hui il dit que ces choses étaient erronées. C'était la seule

11 chose que j'essayais d'établir.

12 M. le Président (interprétation) - Oui, je m'en tenais

13 uniquement à ce que vous aviez proposé pour qualifier cette action du

14 témoin.

15 Mme McMurrey (interprétation) - Le 21 février 1996 est-ce que

16 M. Hortema, du bureau du Procureur, vous a remis votre déclaration

17 d'octobre 1995, vous a demandé de la lire et vous a demandé si c'était

18 bien exactement ce que vous vouliez dire par rapport à cette déclaration

19 de 1995 ?

20 Témoin J (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

21 Mme McMurrey (interprétation) - Je n'ai pas de version serbo-

22 croate de la déclaration mais j'aimerais en demander le versement au

23 dossier aux fins limitées de la récusation parce que j'avais demandé la

24 vérification de la signature et puisque le témoin ne se souvient pas

25 aujourd'hui d'avoir signé la déclaration et d'avoir fait cette déclaration

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1 au bureau du Procureur j'aurais voulu demander le versement au dossier.

2 M. le Président (interprétation) - Vous voulez réagir

3 Maître McHenry.

4 Mme McHenry (interprétation). - Oui, tout d'abord je ne sais pas

5 quelle déclaration le conseil de la défense voudrait verser au dossier. Je

6 précise : si j'ai bien compris, le conseil de la défense ne l'a pas récusé

7 sur toute incohérence qu'il aurait proférée, elle veut le récuser sur le

8 fait qu'il a omis de mentionner qu'il était à l'extérieur et qu'il a omis

9 de relater les choses qu'il aurait vues. Je voulais simplement un

10 éclaircissement.

11 Le conseil de la défense n'a indiqué ni prouvé aucune

12 incohérence. Le témoin a effectivement dit avoir déclaré qu'il avait fait

13 une deuxième déclaration au bureau du Procureur et comme vous l'avez

14 indiqué, Monsieur le Président, il a dit, dans cette partie réservée à cet

15 effet, que ses propos étaient le souvenir le plus précis qu'il avait. Mais

16 on ne dit pas si effectivement la déclaration lui était remise dans la

17 langue qu'il connaissait, et vous savez qu'il y a toujours cette partie

18 réservée à la reconnaissance par le témoin, l'admission par le témoin dans

19 les deux déclarations.

20 Dans cette première reconnaissance le témoin a dit qu'il n'était

21 pas prêt à être témoin. Dans la deuxième déclaration, dans cette partie-

22 là, il a dit qu'il était d'accord et c'est là la raison de ces deux

23 déclarations que nous avons.

24 Mme McMurrey (interprétation) - Le témoin reconnaît par sa

25 signature qu'on lui a lu la déclaration dans la langue qu'il comprend et

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1 que cette déclaration correspond à ses meilleurs souvenirs, aux plus

2 fidèles de ses souvenirs, est-ce exact ?

3 Mme McHenry (interprétation). - Oui, l'accusation en convient.

4 Bien sûr qu'il ne s'agit que d'une déclaration de deux phrases, qui lui a

5 été lue à l'époque, effectivement.

6 Mme McMurrey (interprétation) - Je crois que Maître McHenry

7 s'est trompée en disant qu'il n'y a qu'une incohérence dans ses

8 déclarations. Je crois qu'il y a plus d'une incohérence. Il y en a

9 plusieurs dans ses déclarations. Et c'est la raison pour laquelle je

10 voulais offrir cette déclaration dans laquelle il dit que ses propos sont

11 exacts.

12 Mme McHenry (interprétation). - Nous n'avons aucune objection au

13 versement de ces deux déclarations évaluées pour que vous puissiez

14 apprécier dans quelle mesure le témoin a oui ou non été récusé.

15 Mme McMurrey (interprétation) - Je ne voudrais par le versement

16 des deux déclarations mais de la deuxième déclaration faite au Procureur,

17 dans laquelle il estime avoir tenu des propos exacts.

18 M. le Président (interprétation) - Où trouvez-vous des

19 inexactitudes ? Dans quelle déclaration ?

20 Mme McMurrey (interprétation) - La déclaration dans laquelle je

21 trouve des inexactitudes est déjà versée au dossier.

22 M. le Président (interprétation) - Pourquoi votre récusation ?

23 Mme McMurrey (interprétation) - Il aurait pu modifier les choses

24 qu'il avait dites en octobre 1995, il a décidé de ne pas le faire. Par

25 conséquent, ce qu'il a dit en 1995 est la version exacte.

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1 M. le Président (interprétation) - Est-ce la raison que vous

2 invoquez en vue de la récusation, parce qu'il a refusé de corriger ses

3 dires ?

4 Mme McMurrey (interprétation) - Je fais l'impasse. Monsieur le

5 Président, sur cette ligne de question je crois que je n'aurai plus qu'une

6 ou deux questions à poser. Je ne sais pas si cela tient à moi, en tout

7 cas, j'ai très chaud dans le prétoire et je ne sais pas si vous souffrez

8 de la chaleur autant que moi.

9 M. le Président (interprétation) - C'est peut-être le fait de

10 l'engagement.

11 Mme McMurrey (interprétation) - Monsieur J, vous vous trouviez

12 souvent en présence des gardes à Celebici, qui tous étaient jeunes, sans

13 expérience, n'est-ce pas ?

14 Témoin J (interprétation). - Non, il n'est pas possible d'avoir

15 un jeune homme qui aurait déjà 30 ans. Ils avaient tous plus de 25 ans. On

16 n'est plus tout à fait jeune et sans expérience à 25 ans. Je pense que

17 Zenga est un des plus jeunes.

18 Mme McMurrey (interprétation) - Vous dites bien aujourd'hui que

19 la plupart des gardes avaient plus de 25 ans, sauf M. Landzo

20 Témoin J (interprétation). - Cela dépendait, certains avaient

21 30 ans, d'autres 20, mais ce n'était pas des enfants, des mineurs.

22 Mme McMurrey (interprétation) - Quand ces gardes se trouvaient

23 en présence, ou

24 à proximité, des gens du tunnel 9, les gardes paraissaient effrayés,

25 n'est-ce pas ?

Page 7537

1 Témoin J (interprétation). - Vous parlez des gardes ?

2 Mme McMurrey (interprétation) - Oui.

3 Témoin J (interprétation). - Non, pourquoi auraient-ils été

4 effrayés ?

5 Mme McMurrey (interprétation) - Ils n'allaient jamais à

6 l'intérieur du tunnel n°9, ils avaient peur des prisonniers, n'est-ce

7 pas ?

8 Témoin J (interprétation). - Non, ils entraient dans le tunnel

9 n°9. De quoi auraient-ils eu peur ? D'un cadavre ? Ils n'auraient pas pu

10 avoir peur des gens morts ou à demi-mort.

11 Mme McMurrey (interprétation) - Vous avez dit avoir pu recevoir

12 des soins à Celebici. Quand vous avez demandé ces soins, vous demandiez

13 des soins pour un mal de gorge, n'est-ce pas ?

14 Témoin J (interprétation). - Oui, la gorge me faisait mal,

15 j'avais un problème aux dents. En fait, les mâchoires et les dents me

16 faisaient mal, j'en ai encore des traces aujourd'hui.

17 Mme McMurrey (interprétation) - Auparavant, dans la déclaration

18 faite au bureau du Procureur vous avez également déclaré...

19 Témoin J (interprétation). - Je ne pouvais même pas parler.

20 Mme McMurrey (interprétation) - Excusez-moi, Monsieur J, vous

21 avez dit ceci : "je n'ai rien vu d'autre que le fait que des prisonniers

22 étaient frappés".

23 Témoin J (interprétation). - J'avais déjà indiqué que des

24 détenus étaient toujours battus, mais ceci s'est passé avant que j'arrive.

25 Mme McMurrey (interprétation) - Donc vous n'avez jamais rien vu

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1 de tout cela, vous vous êtes contenté de relater quelque chose qui s'était

2 passé à un autre moment.

3 Témoin J (interprétation). - Madame, vous m'offensez, si je

4 n'avais pas vu ces choses, je ne les aurais pas vues. Je les voyais chaque

5 jour, et elles m'ont vraiment ébranlé.

6 Mme McMurrey (interprétation) - Vous avez dit à Me Residovic

7 hier, ou

8 plutôt ce matin, que quelquefois vous vous trompiez, même quand vous

9 essayiez de reconnaître vos voisins les plus proches ; cela a été consigné

10 au procès-verbal. Hier, vous avez dit à Me Residovic : "je ne me souviens

11 même plus du nom de l'homme qui était assis à côté de moi, il y a si

12 longtemps de cela". C'est bien là la vérité, votre mémoire est plus

13 défaillante aujourd'hui qu'elle ne l'était alors.

14 Témoin J (interprétation). - Non, elle n'est pas plus

15 défaillante. On essaie aussi d'oublier certaines choses. On ne veut pas y

16 penser, car ce furent des moments pénibles et si on se souvient de tout ce

17 qu'on a vécu, c'est mauvais. Donc, je m'oppose à ce que vous dites, comme

18 quoi j'aurais dit quelque chose dont je ne me souvenais pas. La question

19 était plus délicate. On n'a pas seulement entendu, tout le monde a vu des

20 choses.

21 Mme McMurrey (interprétation) - Je vous remercie Monsieur J, je

22 n'ai plus de question à poser.

23 M. le Président (interprétation) - Je vous remercie. Y aurait-il

24 un interrogatoire supplémentaire ?

25 Mme McHenry (interprétation). - Non, nous n'avons pas de

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1 question à poser. Si le conseil de la défense a demandé une déclaration

2 antérieure pour le versement au dossier nous allons demander à verser

3 l'autre déclaration pour voir dans quelle mesure il peut y avoir

4 récusation.

5 M. le Président (interprétation) - Nous en avons terminé de

6 l'interrogatoire de ce témoin. Monsieur J, je vous remercie. Ce sera tout.

7 Vous pouvez donc partir.

8 (Le Témoin J est reconduit hors de la salle d’audience.)

9 M. le Président (interprétation) - Quelle sera votre prochaine

10 action ?

11 M. Niemann (interprétation). - Avant d'appeler le témoin suivant

12 et suite à la discussion que nous avons eu au début des débats de la

13 semaine, s'agissant des témoins dont nous voulons assurer la comparution

14 la semaine prochaine, le Bureau du Procureur a déposé

15 devant la Chambre une requête aux fins de subpoena atestificandum, ceci

16 pour veiller à la bonne comparution des témoins la semaine prochaine.

17 Madame et Messieurs les Juges, étant donné le peu de temps

18 imparti pour veiller à l'expédition de cette subpoena à Sarajevo et pour

19 qu'elle soit présentée au gouvernement de Bosnie-Herzégovine et que ce

20 gouvernement puisse y réagir, je demanderai à la Chambre si nous pourrions

21 avoir dans les meilleurs délais une audience à ce propos. Demain serait

22 parfait, pour autant que ceci vous convienne.

23 M. le Président (interprétation) - En fait, je pense que ceci a

24 été remis aux officiers instrumentaires, mais je n'en ai pas d'exemplaire.

25 M. Niemann (interprétation). - Je pensais que ceci devait être

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1 parvenu aux Juges. Cela a été déposé ce matin. Nous voulons veiller à

2 avoir des témoins la semaine prochaine. Il serait nécessaire que nous

3 puissions faire parvenir au gouvernement de Bosnie-Herzégovine une

4 ordonnance signée, si vous étiez disposé bien sûr à rendre une telle

5 subpoena.

6 M. le Président (interprétation) - Nous entendrons ceci demain

7 matin.

8 M. Niemann (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le

9 Président. Encore autre chose, puisque j'ai la parole : il y a un certain

10 temps de cela, plus exactement le 14 août de cette année, j'ai promis

11 d'enquêter sur une allégation avancée par la défense, plus précisément par

12 Me Ackerman, mais d'autres aussi, allégations relatives à une affirmation

13 selon laquelle un témoin ayant bénéficié de mesures de protection de la

14 Chambre, par exemple, il y avait déformation des traits lors de la

15 projection des images, ce témoin avait donné une interview à la télévision

16 à Belgrade et ce que nous soupçonnions à l'époque, c'est qu'en fait, cette

17 apparente interview c'était une rediffusion du débat s’étant déroulé en

18 cette Chambre, les traits du témoin étant déformés. C'est ce que nous

19 avions comme information à l'époque. J'avais dit alors que nous n'avions

20 pas de preuve plus tangible, mais que nous allions commencer une enquête.

21 Nous avons désormais une copie de l'enregistrement vidéo de ce programme

22 de la télévision de

23 Belgrade et effectivement nos soupçons sont corroborés. C'est ce que

24 j'avais dit à la Chambre, on s'est contenté de rediffuser les débats qui

25 avaient été enregistrés ici. Le témoin qui avait demandé les mesures de

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1 protection n'avait pas fait d'interview. On s'était contenté de rediffuser

2 des enregistrements intérieurs et je dispose de cette cassette.

3 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je crois

4 que nous pouvons faire confiance à ce que vous nous dites.

5 M. Niemann (interprétation). - Je vous remercie. Je n'ai rien

6 d'autre à ajouter.

7 M. Ackerman (interprétation). - Je suis tout à fait satisfait de

8 ce que vient de nous dire Me Niemann, mais puisque nous évoquons quelques

9 questions, permettez-moi d'évoquer rapidement ceci :

10 Au cours des interrogatoires ou contre-interrogatoires, que

11 faire quand nous avons un témoin protégé ? La question s'est posée lors de

12 l'interrogatoire fait par Me McMurrey à l’égard d'un témoin aujourd'hui.

13 Ce n'est pas seulement le fait de mentionner un nom, mais aussi le fait de

14 mentionner des rapports, des liens qui existent entre un témoin et un

15 témoin qui était protégé. Le fait d'avoir identifié quelqu'un comme ayant

16 été un témoin devant ce Tribunal, ce n'est pas un problème si on parle du

17 nom simplement sans qu'on établisse un lien, on donne une indication du

18 fait que cette personne a été ou sera témoin, mais tout se complique si on

19 va jusque là dans la difficulté. C'est peut-être allé trop loin. C’est une

20 question que je pose au Tribunal, aux Juges pour qu'ils nous guident.

21 M. le Président (interprétation). - Peut-être que dans

22 l'acception limitée, vous avez raison. Dans l'acception du concept même de

23 protection, mais si un témoin reçoit une certaine protection nous devons

24 admettre que c'est une procédure continue et que s'il y a un autre témoin

25 qui souhaite mentionner son nom, et bien on devrait lui accorder cette

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1 protection à tous les stades de nos procédures. Que son nom soit mentionné

2 par lui même ou quelqu'un d'autre qui souhaite le faire. Par conséquent,

3 il doit jouir de la même protection, même s'il ne comparait

4 plus devant cette Chambre ou devant le Tribunal. Sa protection doit

5 continuer .

6 M. Ackerman (interprétation). - Je crois que j'ai été mal

7 compris Monsieur le Président.

8 M. le Président (interprétation). - Non, je crois vous avoir

9 compris Maître Ackerman.

10 M. Ackerman (interprétation). - Je ne dis pas qu'une fois qu'une

11 personne a fini de témoigner elle ne doit plus jouir de protection. Je dis

12 simplement qu'il est peut-être difficile de résoudre de tels problèmes

13 lorsque ces problèmes portent sur des questions d'interrogatoires qui

14 tendent à montrer qu'il y a eu ou qu'il y aura un témoin qui comparaîtra

15 devant ce Tribunal. La question est simplement : avez-vous voir une

16 certaine personne, avez-vous parlé à certaines personnes, vous voyez ce

17 type de question ?

18 M. le Président (interprétation). - Je suppose, bien entendu,

19 que cela dépend de la personne qui pose cette question. Je sais que vous

20 mentionnez particulièrement un témoin qui est protégé. Je sais que vous

21 devez encore continuer à le protéger. En tout cas je vous remercie pour

22 vos commentaires. Je sais que la situation de protection des témoins est

23 parfois un peu confuse. Mais je vous remercie néanmoins d'avoir soulevé

24 cette question.

25 Je m'adresse maintenant au Bureau du Procureur. Quel est le

Page 7543

1 programme ? Avez-vous d'autres témoins ?

2 M. Niemann (interprétation). - Nous avons un autre témoin

3 L’audience se poursuit en session publique.

4 M. Turone (interprétation). - Nous allons maintenant appeler à

5 la barre le Témoin R, témoin du Bureau du Procureur. C'est également un

6 témoin protégé.

7 M. le Président (interprétation). - S'il vous plaît, pouvez-vous

8 faire prêter serment au témoin.

9 Témoin R (interprétation). - Je jure solennellement que je dirai

10 la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

11 M. Turone (interprétation). - Puis-je poursuive, Monsieur le

12 Président ?

13 M. le Président (interprétation). - Oui, bien sûr.

14 M. Turone (interprétation). - Bonjour, Monsieur.

15 Témoin R (interprétation). - Bonjour.

16 M. Turone (interprétation). - Est-ce exact que vous ayez demandé

17 que votre nom et votre identité ne soit pas divulgués ni au public, ni aux

18 média ?

19 Témoin R (interprétation). - Oui.

20 M. Turone (interprétation). - Donc puis-je demander à l'huissier

21 de donner ce morceau de papier au témoin et Monsieur le Témoin, veuillez

22 regarder le nom qui est inscrit sur ce morceau de papier et sans le lire à

23 haute voix, simplement nous dire si c'est bien votre nom.

24 Témoin R (interprétation). - Oui, c'est mon nom.

25 M. Turone (interprétation). - Puis-je demander à l'Huissier de

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1 transmettre ce morceau de papier aux greffes, merci.

2 Monsieur, nous vous appellerons, au cours de cet interrogatoire,

3 le Témoin R.

4 Témoin R (interprétation). - Oui.

5 M. Turone (interprétation). - Quel âge avez-vous ?

6 Témoin R (interprétation). - J'ai 40 ans.

7 M. Turone (interprétation). - Et à quel groupe ethnique

8 appartenez vous ?

9 Témoin R (interprétation). - Je suis Serbe.

10 M. Turone (interprétation). - A quel type d'école êtes-vous

11 allez ?

12 Témoin R (interprétation). - Je suis allé à l'université de

13 Sarajevo, j'ai terminé mes études là-bas en 1982.

14 M. Turone (interprétation). - Où viviez-vous au début du mois de

15 mai 1992 ?

16 Témoin R (interprétation). - Je vivais à Bradina.

17 M. Turone (interprétation). - Quelle profession exerciez-vous à

18 ce moment ?

19 Témoin R (interprétation). - Je travaillais dans une école,

20 j’étais enseignant.

21 M. Turone (interprétation). - Témoin R, y a-t-il eu un moment où

22 Bradina a été l'objet d'opérations militaires, d'un conflit armé en 1992 ?

23 Témoin R (interprétation). - Oui, bien sûr.

24 M. Turone (interprétation). - Et vous pourriez nous dire comment

25 les choses ont commencé et où ?

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1 Témoin R (interprétation). - La première offensive sur Bradina a

2 eu lieu le 12 mai. Mais ce n'était pas là une offensive très sérieuse,

3 violente. La deuxième offensive a eu lieu le 25 mai. Et elle a continué

4 jusqu'au 26, lorsque les bérets verts, comme on les appelait à l'époque et

5 le conseil de défense croate sont entrés dans le village et ont fait ce

6 qu'ils y ont fait.

7 M. Turone (interprétation). - Que voulez-vous dire par là ?

8 Témoin R (interprétation). - Le village qui existait alors,

9 selon des documents de Dubrovnik, des documents qui existaient depuis

10 1392, qui disaient qu’en 1992 ce village a été rasé alors qu'il existait

11 depuis plus de 600 ans.

12 M. Turone (interprétation). - Avez-vous pris part à ce qui s'est

13 passé dans le village ?

14 Témoin R (interprétation). - Oui. On pourrait dire cela, oui.

15 Mais je ne sais pas

16 comment on pourrait classer toutes les défenses qui se sont installées

17 dans le village. Quand le pilonnage a commencé et que les obus sont

18 arrivés de tous côtés, je me trouvais dans mon jardin. J'étais en train de

19 ramasser les pommes de terre.

20 Bien que ma réponse à Celebici, lorsque j'y étais interrogé,

21 était plus ou moins sarcastique, ils m'ont dit alors : vous êtiez tous en

22 train de bêcher votre jardin au même moment ? C’est cela ? Enfin ! Ce

23 jardin se trouvait à 200, 300 mètres de la gare et avec d'autres j'étais

24 en train de me diriger vers cette gare et nous y avons passé la nuit. Le

25 lendemain les forces qui attaquaient de l'ouest était déjà rentrées dans

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1 le village et les forces qui venaient du sud était aussi entrées dans le

2 village. A l'endroit où je me trouvais il n'y a pas eu de coups de feu

3 échangés, mais puisque nous avons vu que l'armée était juste derrière

4 nous, très proche, nous nous sommes rassemblés devant le café deZara et

5 c’est là qu'on nous a arrêtés ou plutôt que j'ai été arrêté, puisque je

6 parle de mon cas personnel.

7 M. Turone (Interprétation). - Portiez-vous des armes ou aviez-

8 vous une arme au moment de votre arrestation ?

9 Témoin R (interprétation). - Oui.

10 M. Turone (Interprétation). - Quel type d'armes ?

11 Témoin R (interprétation). - On a appelé cela une tandzara,

12 c'est-à-dire M 48. C'était un modèle obsolète. Cela appartenait aux forces

13 armées yougoslaves, mais je crois que cette arme n'était plus utilisée par

14 l'armée.

15 M. Turone (Interprétation). - Quand avez-vous été arrêté ? Vous

16 souvenez-vous de la date de votre arrestation du jour ?

17 Témoin R (interprétation). - Oui, c'était le 26 mai, le

18 lendemain de l'attaque de Bradina. C'était le soir, à quelle heure

19 exactement ? je ne pourrais pas vous dire, mais le soleil était en train

20 de se coucher. Plusieurs camions sont entrés à Bradina, ils venaient de

21 Konjic, il y avait notamment des véhicules blindés qui transportaient du

22 personnel. C'était le nom des

23 véhicules utilisés par l'armée yougoslave : des véhicules blindés.

24 M. Turone (Interprétation). - Qui vous a arrêté et combien de

25 personnes vous ont arrêté et à quelles unités ou à quelle unité

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1 appartenaient ces personnes ?

2 Témoin R (interprétation). - Je ne peux pas vous dire avec

3 précision le nombre de personnes. Je sais que nous étions 18, que nous

4 nous étions réfugiés devant le café de Zara. C'était le crépuscule. Toutes

5 les maisons à Bradina étaient en feu et ce groupe de soldats nous

6 entouraient, nous encerclaient. Ils ont formé 2 haies, 2 rangs, et nous

7 avons, nous les 18 personnes dû passer entre ces 2 rangs, dans la

8 direction du camion et l'arrière du camion a été fermé.

9 Au début de cette ligne de soldats, ils ont commencé à nous

10 frapper et des personnes comme Vukasin Mrkajic qui a reconnu certains de

11 ses collègues qui travaillaient pour la même organisation que lui, c'est-

12 à-dire qui travaillaient pour la même entreprise, lorsque son nom a été

13 appelé, il a été frappé très violemment et on l'a menacé, on lui a dit de

14 ne pas mentionner de noms. Pendant ce passage à tabac, les soldats qui

15 étaient là, qui nous arrêtaient, ne cessaient de nous menacer, de nous

16 prévenir, ils nous disaient : n'utilisez pas de nom. Et là quelqu'un a

17 dit : Kemo et quelqu'un a répondu : va te faire foutre avec Kemo, ne

18 prononce pas le mot de Kemo. Je tiens à m'excuser pour le langage que

19 j'utilise, je ne sais pas comment exprimer les choses autrement.

20 M. Turone (Interprétation). - Que s'est il passé juste après

21 cette arrestation ?

22 Témoin R (interprétation). - On nous a ordonné de mettre nos

23 mains derrière la tête. C'était la manière traditionnelle et, dès le

24 départ, on nous a fait mettre comme cela et jusqu'à notre libération, on

25 était tout le temps obligé de mettre nos mains derrière la tête et puis de

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1 courir, de travers cette haie de soldats. Je ne sais pas combien de

2 soldats étaient présents, parce que, je vous le dis, c'était au

3 crépuscule. Mais donc, ils nous ont demandé de mettre nos mains derrière

4 la tête, mais nous n'avions pas non plus le droit de regarder ni à droite,

5 ni à

6 gauche et les passages à tabac commençaient avec tous les objets qu'ils

7 pouvaient trouver, des crosses de fusil, leurs bottes.

8 Donc, on a dû monter dans ce camion. La porte arrière en a été

9 fermée et c'était très difficile pour les hommes âgés de grimper par-

10 dessus cette porte arrière. Donc, certaines personnes ont eu du mal à

11 monter, mais les soldats les ont frappées, et par conséquent, ils ont fini

12 par réussir à y monter.

13 M. Turone (Interprétation). - Après cela, où vous a-t-on

14 emmené ?

15 Témoin R (interprétation). - Quand nous avons fini par réussir à

16 monter dans ce camion, 2 gardiens sont montés avec nous et ils avaient des

17 barres de métal à la main. C'était un petit camion, il ne pouvait contenir

18 que très peu de personnes. Il était à moitié vide parce que les gens qui

19 étaient à l'intérieur essayaient de se serrer pour éviter de recevoir des

20 coups, ceux qui étaient à l'arrière essayaient de se rapprocher des autres

21 personnes. A ce moment-là, les gardes nous ont dit qu'ils allaient nous

22 emmener à un camp de concentration qui existait déjà pour les serbes,

23 qu'ils nous emmenaient aux grottes d’Herzégovine, qu'ils allaient

24 reproduire ce qui s'était déjà passé en 1941, puisqu'il restait de la

25 place dans ces grottes. Donc, pourquoi ne pas les remplir ? Ils

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1 chantaient : Nous nous battons, le drapeau est là et nous nous battons

2 pour la Croatie et pour notre patrie. Ils chantaient tout cela, ils

3 saluaient Ante Pavelic. Je ne parle que du groupe qui se trouvait dans le

4 camion à ce moment-là, mais il y avait d'autres groupes et d'autres

5 camions et nous sommes arrivés à Celebici, il faisait noir. Nous ne

6 savions pas où nous étions.

7 M. Turone (Interprétation). - Il faisait nuit, dites-vous, vous

8 souvenez-vous à peu près de l'heure à laquelle vous êtes arrivé à

9 Celebici ?

10 Témoin R (interprétation). - Je pense qu'il était peut-être 10

11 heures du soir, ce 26 mai, à peu près 10 heures du soir parce que les

12 arrestations et le chargement dans les camions avaient eu lieu au

13 crépuscule. Il faisait déjà noir quand nous étions encore à Bradina.

14 M. Turone (Interprétation). - Vous avez dit que vous étiez

15 environ 18 prisonniers dans votre camion, n’est-ce pas ?

16 Témoin R (interprétation). - Oui.

17 M. Turone (Interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait

18 d'autres camions. Est-ce que ces camions se suivaient pour aller vers

19 Celebici ?

20 Témoin R (interprétation). - Non, notre camion est allé

21 directement de Bradina à Celebici, mais j'ai appris par la suite qu'un

22 camion était parti avant nous, qu’il s'était arrêté à Konjic, à Musala.

23 Donc, toutes les personnes qui avaient été arrêtées, ont été frappées très

24 violemment à Musala, et après seulement, elles ont été emmenées à

25 Celebici. Puis, après que nous soyons arrivés à Celebici et quand les

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1 passages à tabac ont été terminés, les autres camions sont arrivés.

2 M. Turone (Interprétation). - Très bien, témoin R, pouvez-vous

3 nous dire où les camions se sont arrêtés avant d'arriver à Celebici ?

4 Témoin R (interprétation). - Les camions se sont arrêtés, à

5 l'époque, je ne le savais pas bien sûr, mais les camions se sont arrêtés à

6 côté d'un mur. C'est tout ce que je pouvais dire. On nous a donné l'ordre

7 de sortir les uns après les autres. Les gardes qui étaient dans le camion

8 nous jetaient par terre les uns après les autres comme de vulgaires sacs.

9 Et là, deux rangs de soldat avaient été formés comme à Bradina et un par

10 un, les prisonniers, si je puis dire, étaient jetés à terre, puis un ordre

11 est venu de l'obscurité, ordre qui disait : Tuez-les.

12 M. Turone (Interprétation). - Quand mon tour est venu ou plutôt

13 quand on m'a jeté du camion, j'ai vu que juste en face de nous, à 1 mètre,

14 il y avait un mur élevé en béton, et l'homme devant moi se tenait là-bas.

15 Sa main était levée contre le mur, ses mains étaient contre le mur et les

16 gardes étaient en train de le frapper. Je suis resté là quelques minutes,

17 mais je ne sais pas exactement combien de temps cela à continué, car c’est

18 très difficile à évaluer dans de telles conditions. J'étais à genoux, et

19 le garde me tenait par la tête et il avait mis son couteau

20 sous ma gorge, contre ma gorge. Nous attendions, il attendait d’en avoir

21 fini avec les autres pour passer à moi.

22 M. Turone (Interprétation). - Très bien et que s'est-il passé

23 ensuite ?

24 Témoin R (interprétation). - Lorsque cet homme qui était juste

25 devant moi, à qui on avait réglé son compte, si je puis dire, comme les

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1 gardes sur place l'ont dit, lorsqu'ils en ont fini avec lui, mon tour est

2 venu et quelqu'un a dit : lève les bras contre le mur, mais laissez moi

3 ajouter, j'ai oublié de dire cela, que nous devions nous déshabiller,

4 notamment si quelqu'un avait des lacets ou bien des ceintures. Un certain

5 nombre de personnes se sont retrouvées en sous-vêtements. Donc, à moitié

6 nus, on nous faisait nous aligner contre le mur, les mains levées, le

7 front contre le mur et c'est à ce moment-là qu'ils ont commencé à nous

8 frapper. Ces passages à tabac recouvraient tout le corps. Moi-même, j'ai

9 été frappé à l'arrière de la tête et aussi dans les reins. C'est là où

10 j'ai reçu les coups les plus violents. Et si quelqu'un tombait sous les

11 coups ou s'évanouissait, les gardes le forçaient à se relever et lui

12 disaient : lève-toi et quelqu'un dans l'obscurité donnait l'ordre de

13 relever la personne et le passage à tabac continuait.

14 Les blessures qui résultaient des coups, le front contre le mur,

15 je le répète, étaient souvent des blessures graves et les blessures sur le

16 devant du visage étaient souvent aussi graves que les blessures à

17 l'arrière de la tête.

18 Je crois qu'à deux reprises, durant ce passage à tabac, je me

19 suis évanoui. Le garde m’a poussé vers quelque chose, je ne sais pas ce

20 que c'était, parce que c'était la première fois que je venais là à

21 Celebici et, même si j'avais connu les casernes, les anciennes casernes de

22 la JNA, de toute façon, on ne pouvait pas y rentrer sans avoir de permis

23 spécial. Donc, ils m’ont poussé vers quelque chose qu'ils appelaient

24 l'entrée. Je ne savais pas où j'allais, parce que lorsque vous perdez

25 conscience à plusieurs reprises, une ou deux fois, vous ne savez

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1 absolument plus où vous vous trouvez. Je ne savais pas ce que je devais

2 faire et où je devais aller.

3 Et puis, l'un des gardes m'a frappé avec son fusil, ici sur le

4 haut de la tête, on voit

5 encore très bien la cicatrice. Et il m'a poussé en avant, et là, j'ai

6 encore perdu conscience. Cela me semble une période extrêmement longue

7 comme si je m'enfonçais dans les ténèbres. Peut-être qu'il s'agissait

8 d'une fosse sceptique, je ne sais pas. J'avais cette impression-là. Mais,

9 lorsque je me suis réveillé, je me suis rendu compte que j'étais couché

10 sur du béton, une surface en béton, et qu'il y avait là d'autres personnes

11 qui avaient également été frappées et qui s'éloignaient peu à peu de la

12 porte, car il y avait de nouveaux arrivants sans arrêt, d'autres personnes

13 qui avaient également été frappées.

14 M. Turone (Interprétation). - Pouvez-vous nous dire avec

15 précision quel était cet endroit dans lequel on vous a jeté ?

16 Témoin R (interprétation). - En fait, c'était le tunnel, selon

17 le terme utilisé par l'armée de la JNA, nous appelions cela le n°9. Je ne

18 sais pas si c'était un abri nucléaire ou un dépôt de munitions pour

19 l'armée de la JNA, mais en tout cas, le lendemain matin, nous avons vu que

20 c'était un tunnel qui faisait environ 1,40m à 1,50m de large et à peu près

21 25 m de long et il y avait une légère pente vers le bas, de l'entrée vers

22 le bas, le fond du tunnel.

23 M. Turone (Interprétation). - Témoin R, pour en revenir à votre

24 arrivée au camp, le soir où vous êtes arrivé, vous parliez de ce groupe de

25 personnes qui frappaient les prisonniers.

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1 M. le Président (interprétation). - Peut-être que nous devrions

2 faire une pause maintenant.

3 M. Turone (Interprétation). - Oui, bien sûr, Monsieur le

4 Président.

5 (Le témoin est reconduit hors de la salle d’audience.)

6 L’audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 40.

7 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, avant

8 l'entrée du prochain témoin, je vous demande de pouvoir traiter d'un point

9 administratif, j’ai négligé de le faire à la

10 fin de la déposition du témoin précédent. Je voudrais que la dernière

11 déclaration dont nous avons parlé soit versée au dossier, mais je ne me

12 suis pas rendu compte que le Greffe n'en avait pas un exemplaire. Donc, à

13 des fins d'identification je demande la permission de remettre un

14 exemplaire de cette déclaration au Greffe, et la décision vous appartient,

15 bien sûr, Monsieur le Président.

16 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, je fais

17 objection au versement au dossier de déclarations que nous n'avons pas

18 proposé d'utiliser à des fins de récusation. Donc, dans ce cas,

19 l’accusation est en train de proposer de verser au dossier un document

20 qu'elle n'a pas proposé de verser au dossier pendant l'interrogatoire

21 principal.

22 M. Jan (interprétation). - Mais des références ont été faites à

23 ces deux déclarations ?

24 Mme McMurrey (interprétation). - Le texte sur lequel j'ai mené

25 mon contre-interrogatoire, qui vient du centre d'information et de conseil

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1 serbe, est déjà versé au dossier. Je ne parle pas des déclarations du

2 bureau du Procureur.

3 M. Jan (interprétation) - Mais vous avez aussi posé des

4 questions au sujet des deux autres déclarations, des vérifications

5 effectuées par M. Hortemo. Vous avez demandé si dans les déclarations

6 précédentes le témoin avait parlé de la participation de Zenga.

7 Vous vous rappelez avoir posé pas mal de questions liées à ces

8 textes, et tout cela était à fin de récusation, n'est-ce pas ?

9 Mme McMurrey (interprétation). - Ce n'est pas moi qui demande le

10 versement au dossier et je ne l'ai pas fait précédemment.

11 M. Jan (interprétation) - Mais vous avez posé des questions au

12 sujet de ces déclarations ?

13 Mme McMurrey (interprétation). - Effectivement, mais par le

14 passé, de nombreux contre-interrgatoires ont été fondés sur des

15 déclarations préalables qui n’ont pas été versées au

16 dossier.

17 M. Jan (interprétation) - Mais cela aurait dû être le cas.

18 Mme McMurrey (interprétation). - Oui, mais cette pratique n'a

19 pas été en vigueur jusqu'à présent. Du moins pour les conseils de la

20 défense. Je demande donc que ces textes ne soient pas versés au dossier,

21 mais l'accusation en demande le versement.

22 M. Jan (interprétation) - Je souhaite que cela soit inscrit au

23 procès verbal. Ils ne sont pas utilisées en tant qu'éléments de preuve sur

24 le fond dans cette affaire.

25 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, je

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1 comprends bien, cela ne me pose pas de problème. Malheureusement ces

2 déclarations contiennent tant d'éléments au sujet des autres accusés, que

3 nous pouvons avoir quelque appréhension.

4 M. Jan (interprétation) - Mais il ne s'agit pas d'éléments de

5 preuve sur le fond contre qui que cesoit. Ce sont simplement des textes

6 utilisés à des fins de récusation. Ils ne sont pas utilisés à des fins de

7 corroboration.

8 Mme McMurrey (interprétation). - Je comprends, bien sûr, je ne

9 souhaite pas leur versement au dossier, mais si cela apparaît important

10 pour les juges...

11 M. le Président (interprétation) - Voyons le procès-verbal car

12 il risque d'y avoir des éléments manquants dans le procès-verbal

13 M. Jan (interprétation). - Vous ne vous appuyez pas sur cette

14 déclaration en tant qu'élément de preuve sur le fond ?

15 Mme McHenry (interprétation). - Non.

16 M. le Président (interprétation) - Vous avez tout à fait raison.

17 M. Jan (interprétation). -Merci.

18 M. le Président (interprétation) - Faites entrer le témoin dans

19 le prétoire.

20 (Le Témoin R est introduit dans la salle d’audience.)

21 M. le Président (interprétation) - Peut-on rappeler au témoin

22 qu'il dépose toujours

23 sous serment ?

24 M. le Greffier. - Je vous rappelle, Monsieur, que vous êtes

25 encore sous le serment.

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1 Témoin R (interprétation). - Oui. En tout état de cause, ce

2 n'était même pas nécessaire de me le rappeler.

3 M. Turone (interprétation) - Puis-je procéder, Monsieur le

4 Président ?

5 M. le Président (interprétation) - Je vous en prie.

6 M. Turone (interprétation) - Merci.

7 Donc, Monsieur R, nous parlions du passage à tabac collectif qui

8 a eu lieu le tout premier soir et la toute première nuit que vous avez

9 passés à Celebici. Combien de temps a duré ce passage à tabac collectif ?

10 Témoin R (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, je

11 reçois l'interprétation en français.

12 M. le Président (interprétation) - Peut-on vérifier les canaux ?

13 Témoin R (interprétation). - Cela va.

14 M. Turone (interprétation) - Bien. Nous parlions de ce passage à

15 tabac collectif lors du premier soir que vous avez passé à Celebici, au

16 moment de votre arrivée dans le camp.

17 Combien de temps à duré ce passage à tabac collectif, au total ?

18 Témoin R (interprétation). - Le passage à tabac a duré de 10

19 heures du soir sans doute jusqu'à l'aube. Je parle subjectivement, bien

20 sûr. Parce que, appréhender ce fait, compte tenu de notre situation, est

21 assez difficile. Mais cela a duré jusqu'à 4 ou 5 heures du matin.

22 D'ailleurs de nouveaux venus sont arrivés pendant ce temps.

23 J'ai parlé des dimensions du tunnel, et finalement 77 hommes

24 environ, ont été jetés à l'intérieur de ce tunnel, d'après la comptabilité

25 que nous avons pu faire. Mais il y a un détail que je voudrais évoquer.

Page 7557

1 Pendant ce passage à tabac, les moteurs des camions tournaient

2 sans cesse ; ils n'ont

3 pas cessé de tourner, et les systèmes d'éclairage étaient tournés vers la

4 porte du tunnel. Les pots d'échappement des camions étaient tournés vers

5 la porte du tunnel si bien que le tunnel se remplissait de gaz

6 d'échappement.

7 M. Jan (interprétation). - Un instant, je vous prie.

8 Pour des récits concernant des expériences subjectives, je

9 préférerais que le témoin parle d'expérience personnelle. Je crois que

10 c'est ce qu'il veut dire.

11 M. Turone (interprétation) - Je crois qu'il relate effectivement

12 son expérience personnelle.

13 Témoin R (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, mais,

14 dans ma langue, une expérience personnelle ou individuelle, c’est

15 exactement la même chose. Je ne sais pas s'il y a un problème

16 d'interprétation, mais je vous comprends mal, je ne vois pas la différence

17 dont vous parlez. Je parle de l'expérience que je porte avec moi.

18 M. Jan (interprétation). - « Personnel » est un mot plus simple

19 que subjectif.

20 Témoin R (interprétation). - Très bien.

21 M. Turone (interprétation) - Combien de temps avez-vous été

22 personnellement passé à tabac Monsieur R ?

23 Témoin R (interprétation). - Je suppose que cela a peut-être

24 duré 30 ou 35 minutes.

25 M. Turone (interprétation) - Pouvez vous nous dire avec quoi

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1 vous avez été passé à tabac ?

2 Témoin R (interprétation). - Le passage à tabac était réalisé

3 pratiquement avec tous les objets, tous les moyens qui étaient à la portée

4 de leurs mains ou de leurs pieds, si je puis m'exprimer ainsi, car ce

5 passage à tabac était réalisé aussi avec des bottes militaires. Nous

6 avions les mains en l'air contre le mur et nous avons été frappés sur les

7 cuisses, les organes génitaux, la nuque, je l'ai déjà dit tout à l'heure.

8 Donc, des canons de fusil, des crosses de fusil,

9 ont été utilisés pour nous frapper, les deux côtés du fusil, autrement

10 dit. J’ai d’ailleurs parlé de la cicatrice que j'ai sur le crâne qui vient

11 du canon d'un fusil.

12 Nous avons été frappés aussi avec des pelles, des pioches et

13 d'autres objets qu'il était possible de trouver dans ce camp. J'ai déjà

14 mentionné le fait qu'il s'agissait d'un entrepôt ou d'un hangar destiné

15 aux besoins de l'armée populaire yougoslave.

16 Nous avons aussi été frappés avec des câbles et des chaînes.

17 M. Turone (interprétation) - Est-ce que les hommes qui vous

18 frappaient vous disaient quoi que ce soit pendant le passage à tabac ?

19 Témoin R (interprétation). - Je vais redire ce que j'ai déjà

20 dit. Il s'est passé la même chose qu'à Bradina, à l’exception de ces

21 ordres : « Crève-le ! » et d’autres ordres du type : « Relève-le », quand

22 quelqu'un s'évanouissait et tombait au sol. Mais à part cela, je ne crois

23 pas me rappeler qu'il y ait eu beaucoup de mots prononcés.

24 M. Turone (interprétation) - Pouvez-vous résumer les blessures

25 qui vous ont été infligées au cours de ce passage à tabac ?

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1 Témoin R (interprétation). - Je sais pas si cette expérience que

2 je porte avec moi -je répète la même expression-, peut constituer un

3 exemple de quelque nature que ce soit, mais en ce qui me concerne, j'ai eu

4 les côtes cassées du côté droit, j'en ai encore des séquelles aujourd'hui,

5 car aucun soin médical, aucun traitement, ne m'a été accordé pendant la

6 totalité de mon séjour dans le camp. J'ai des blessures à la nuque, et au

7 rachis. Aujourd'hui je dois pratiquement me rendre chez le chiropracteur

8 tous les six mois. C'est un homme qui remet en place les vertèbres

9 déplacées de ma colonne vertébrale. C'est quelque chose qui dure encore

10 aujourd'hui. J'ai également eu la paroi nasale cassée et des blessures aux

11 reins puisque j'ai uriné du sang par la suite.

12 Je voudrais encore mentionner un fait, je ne sais pas s'il a de

13 l'intérêt ou pas, mais la façon dont le corps réagit à la douleur, je ne

14 sais pas si ce que je dis est médical ou pas, j'ai

15 rappelé que j'avais eu des côtes cassées. Au cours du premier mois, je

16 n'ai ressenti des douleurs qu'au niveau de la nuque car c’est là que j’ai

17 été frappé le plus. Dès que la douleur à la nuque a cessé légèrement, je

18 me suis rendu du compte que j'avais du mal à respirer. Ala palpation, j’ai

19 compris que j'avais eu des déplacements au niveau des côtes. Le corps a

20 une manière tout à fait particulière de réagir à la douleur. C'est ce qui

21 est frappé le plus durement, le plus sévèrement qui produit une douleur en

22 premier. C'est un fait assez étonnant.

23 M. Turone (interprétation). - Très bien Monsieur R. Revenons

24 maintenant au tunnel numéro°9 où vous avez été placé immédiatement après

25 ceci. Pouvez-vous nous dire combien de temps vous êtes resté dans le

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1 tunnel numéro 9 ?

2 Témoin R (interprétation). - Je suis resté dans le tunnel

3 numéro 9 pendant 7 jours, une semaine. C'était une période pendant

4 laquelle ces hommes en uniforme effectuaient le nettoyage du terrain, si

5 je puis m’exprimer ainsi. Ils arrêtaient les habitants de Bradina qui

6 avaiet fui dans les forêts avoisinantes. Donc, j'y suis resté pendant le

7 temps où ces personnes ont été recherchées et arrêtées. C'est pour elles

8 que le tunnel avait été préparé et donc, j'y suis resté 7 jours.

9 M. Turone (interprétation). - Avez-vous fait partie du premier

10 groupe de prisonniers arrivés dans le tunnel ou y avez-vous déjà trouvé

11 des occupants ?

12 Témoin R (interprétation). - Nous avons été les premiers détenus

13 enfermés dans le tunnel cette nuit-là. Je parle du camion dans lequel je

14 me trouvais. J’ai donc fait partie des premiers détenus qui ont été

15 enfermés dans ce tunnel.

16 M. Turone (interprétation). - Combien y a-t-il eu de prisonniers

17 cette toute première nuit dans le tunnel n 9 ?

18 Témoin R (interprétation). - La première nuit, d'après les

19 calculs que nous avons pu faire, il y a eu 77 hommes enfermés dans le

20 tunnel.

21 M. Turone (interprétation). - Monsieur, vous aviez déjà commencé

22 à décrire le

23 tunnel n°9. Pourriez-vous, je vous prie, nous décrire complètement tous

24 les aspects physiques du tunnel n°9 ?

25 Témoin R (interprétation). - J'ai dit au début que je ne sais

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1 pas quel était l'usage qui était fait de ce tunnel. Dans le système en

2 vigueur lorsqu'existait l'ex-armée populaire yougoslave, mais je sais à

3 quoi ce tunnel a servi pendant la durée de notre séjour à Celebici. Il

4 avait 1,40 à 1,50 mètres de large et aux alentours de 20 à 25 mètres de

5 long. Il était légèrement en pente. Et à l'extrémité du tunnel, se

6 trouvait un espace de 1 mètre, 1,5°mètres qui était plat. Et au plafond,

7 il y avait des câbles et des canalisations pour l'électricité, pour l'eau,

8 je suppose, mais ces systèmes ne fonctionnaient pas pendant notre séjour.

9 Les gardes n'autorisaient personne à allumer la lumière. A l'entrée du

10 tunnel il y avait une porte en métal avec une petite ouverture dans la

11 partie supérieure. Je ne sais pas à quoi elle servait, mais en ce qui nous

12 concerne, elle a servi à nous empêcher d’étouffer compte tenu que l’air, à

13 l'intérieur du tunnel, était en quantité réduite.

14 Au cours de notre séjour cette porte a été maintenue fermée en

15 permanence et de l'extérieur, elle était bloquée par une barre en bois car

16 la porte avait été cassée. Elle était séparée du mur. Je suppose que cela

17 s'est produit au moment où l'ancienne armée a quitté les lieux.

18 M. Turone (interprétation). - Quelles étaient les conditions

19 d'existence dans le tunnel numéro°9 du point de vue de l'eau potable, de

20 l'alimentation, des toilettes, des conditions d'hygiène, des installations

21 permettant de dormir ?

22 Témoin R (interprétation). - Les conditions pour passer la nuit,

23 si je puis parler de cela, imaginez 77 hommes dans un espace aussi limité,

24 donc les conditions pour passer la nuit était inexistantes. Certains

25 hommes avaient des blessures bien pires que les miennes et ils étaient

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1 parfois blessés à la colonne vertébrale, ils avaient des blessures aux

2 poumons. Ils avaient des fractures et ils essayaient de trouver une

3 position qui leur eut permis éventuellement de rester assis, mais même

4 pour cela il n'y avait pas suffisamment de place. S'agissant de

5 l'alimentation, les

6 premiers jours nous n'avons reçu aucune nourriture.

7 Quant à l'eau, les premiers jours, quelques-uns des hommes sont

8 sortis du tunnel pour recevoir de l'eau, mais ils ont d'abord reçu l'ordre

9 de laver le sang qui se trouvait le long du mur devant le tunnel. Le

10 premier jour, on leur a dit que l'eau qui était disponible à cet endroit

11 devant le tunnel n'était pas de l'eau potable, que c'était de l'eau

12 utilisée par les usines. Donc, une autorisation a été accordée pour que de

13 l’eau nous soit apportée du bâtiment administratif, mais cela n'a duré que

14 le premier jour car, puisque les détenus avaient des besoins en eau plus

15 considérables que ce qu’autorisaient les gardiens, ils ont commencé à

16 boire y compris l'eau qui se trouvait dans le tunnel et cela a duré

17 jusqu'à la fin du séjour. Ce n'était pas de l’eau potable, mais de l’eau

18 destinée à des besoins industriels qui venait d'un petit étang où les

19 habitants de Celebici allaient se baigner et nous y trouvions souvent des

20 restes d'excréments ou de serviettes hygiéniques. Et après ma sortie du

21 camp, j'ai eu des problèmes foie pendant longtemps. Je pense que cela

22 était peut-être dû à cette eau. Autrement dit, c'était une eau qui était

23 utilisée par l'ex-armée populaire yougoslave uniquement pour combattre les

24 incendies. Elle n'était pas destinée à être bue.

25 S'agissant maintenant des conditions sanitaires, pour les

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1 appeler ainsi, nous n'étions pas autorisés à sortir et nous satisfaisions

2 nos besoins personnels au bout de ce couloir, mais au fur et à mesure que

3 durait notre séjour, le niveau des excréments montait tout à fait au bout

4 du couloir. Donc, nous n'avions pas le droit de sortir pour nous soulager.

5 M. Turone (interprétation). - Monsieur R, quelqu'un a-t-il

6 confisqué les objets de valeur que vous aviez sur vous après votre

7 arrestation et quand cela a-t-il eu lieu, si cela a eu lieu ?

8 Témoin R (interprétation). - La deuxième nuit de mon arrivée

9 dans le camp, des gardiens sont arrivés. Ils nous ont éclairés avec des

10 lampes électriques. Il n'était pas question d'éclairage depuis le plafond,

11 et ils ont apporté un casque. Ils ont dit : vous savez ce qu’est un

12 casque ? Ils nous ont montré ce casque et nous ont dit que nous devions le

13 remplir de tout ce que nous avions sur nous, à savoir montres, bagues,

14 chaînes, petites croix, tout ce que nous pouvions avoir sur nous. Et ils

15 ont exigé également, si nous avions de l'argent sur nous, que nous

16 mettions dans ce casque l'argent que nous avions sur nous. Même si cette

17 monnaie n'était plus en vigueur dans la nouvelle Bosnie.

18 Et puis, un gardien est à nouveau venu nous voir la troisième

19 nuit avec une lampe électrique à la main et il portait un uniforme et il

20 nous a dit : Savez-vous qui je suis . C'était quelqu'un que nous ne

21 connaissions pas. Ensuite, il s'est éclairé lui-même avec sa lampe et nous

22 a dit : c'est Alija Izetbegovic qui m'envoie, je suis un enquêteur. La

23 Bosnie a été reconnue par tout le monde et vous, cette petite poignée de

24 défenseurs de Karadzic, de Chetniks, vous allez passer tout votre temps

25 ici et personne ne posera la moindre question à votre sujet. Cela s'est

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1 passé la troisième nuit.

2 M. Turone (interprétation). - Pour en revenir aux objets de

3 valeur, qu'avez-vous mis, vous-même, dans le casque, si vous y avez mi

4 quoi que ce soit ?

5 Témoin R (interprétation). - J’ai mis mon alliance et ma montre

6 dans le casque. C'est ce que j'avais sur moi, ma montre et mon alliance.

7 M. Turone (interprétation). - Ces objets vous ont-ils jamais été

8 restitués ?

9 Témoin R (interprétation). - Jamais.

10 M. Turone (interprétation). - Pendant votre détention dans le

11 tunnel n°9, avez-vous jamais entendu des bruits, des cris ou quoi que ce

12 soit de ce genre provenant de l'extérieur ?

13 Témoin R (interprétation). - Oui. Cela s'est passé le lendemain.

14 Nous avons donc été un groupe de personnes arrêtées dans la soirée du 26

15 et le lendemain, ce que l'on appelle en général l'armée a poursuivi ses

16 recherches pour arrêter le reste des habitants de Bradina. Le passage à

17 tabac s'est sans doute produit très près de l'endroit où nous avions nous-

18 mêmes été passés à tabac la veille, c’est-à-dire le long du mur ou bien

19 sur la pista, mais en tout cas devant

20 le tunnel. Je crois que ce passage à tabac a duré au moins 8 heures, car

21 pratiquement pendant toute la journée du lendemain nous entendions des

22 plaintes, des cris. Nous avons également entendu les gardiens et je

23 signale bien que nous ne voyions rien. Nous ne pouvions qu'entendre des

24 sons. Nous avons entendu les gardiens demander aux détenus de redire des

25 passages du Coran qu'ils récitaient et qu'ils exigeaient d'entendre

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1 répéter. Et si un prisonnier faisait la moindre erreur quand il répétait

2 le passage du Coran, il était frappé encore plus fort. Je tiens à dire que

3 l'arabe est une langue assez difficile pour nous et donc les coups se

4 multipliaient et ce passage à tabac a duré au moins 8 heures.

5 M. Turone (interprétation). - Pendant toute cette période,

6 pendant que vous écoutiez ces cris, avez-vous reconnu une voix en

7 particulier ?

8 Témoin R (interprétation). - Oui. J'ai reconnu la voix de

9 Miroslav Vujicic. Cela faisait au moins 10 ans que je le connaissais avant

10 la guerre. Et je l'ai entendu dire qu'il ne permettrait à personne de

11 l'abattre comme un chien sur la pista. Immédiatement après cela, nous

12 avons entendu une rafale et nous avons entendu les mots : il s'est enfui,

13 bon Dieu !

14 M. Turone (interprétation). - Avez-vous également reconnu cette

15 deuxième voix ?

16 Témoin R (interprétation). - A ce moment-là, non. Je ne

17 connaissais pas cet homme d'avant la guerre, mais au fil du temps, et au

18 fil des passages à tabac renouvelés, je me suis rendu compte que c'était

19 Hazim Delic. Mais à ce moment-là, je ne pouvais pas le savoir, car je ne

20 connaissais pas cet homme avant la guerre. Si vous me permettez de le

21 dire, j'aimerais revenir sur un élément antérieur, le frère de

22 Miroslav Vujicic, le frère de l'homme tué, son frère Radoslav m'a dit,

23 quand nous avons été transférés au bâtiment numéro°6, que c'est Delic qui

24 avait tiré sur Miroslav.

25 M. Turone (interprétation). - Avez-vous entendu à nouveau la

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1 voix de Miroslav Vujicic après le coup de feu ?

2 Témoin R (interprétation). - Non.

3 M. Turone (interprétation). - Très bien. Donc, vous déclarez

4 être resté dans le tunnel n°9 pendant environ une semaine. Après cela, où

5 avez-vous été transféré ?

6 Témoin R (interprétation). - Après cela nous avons été

7 transférés ou plutôt pas nous, mais moi, j'ai été transféré au tunnel ou

8 au garage. Je l'appellerai ainsi le garage de l'ex JNA ou bien doit-on

9 l’appeler un bâtiment, je ne sais pas exactement quel nom lui donner, en

10 tout cas le batiment n° 6. Dans notre jargon de détenus, le tunnel

11 s'appelait le 9 et ce garage s'appelait le 6. Puis, cet endroit improvisé,

12 comment puis-je l'appeler, cette infirmerie improvisée où les gens étaient

13 placés après les passages à tabac, a reçu le n°22. Tous ces numéros

14 correspondaient aux numéros utilisés par le passé par l'ancienne JNA.

15 M. Turone (interprétation) - Très bien. Retournons au jour où

16 vous avez été transféré au hangar n°6. Qui vous a fait sortir du tunnel

17 n° 9 pour vous transférer vers le hangar n° 6 ?

18 Témoin R (interprétation). - Des gardiens sont arrivés, ils ont

19 ouvert la porte et nous ont donné l'ordre à tous de nous aligner en file

20 indienne et de sortir un par, un autrement dit, chacun d'entre nous devait

21 sortir en ayant devant lui la nuque de celui qui le précédait.

22 M. Turone (interprétation) - Connaissez-vous le nom de l'un de

23 ces gardes qui sont venus vous emmener d'un bâtiment dans l'autre ?

24 Témoin R (interprétation). - Oui, mais je vais peut-être

25 terminer la description de cette procédure au moment où nous sommes

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1 sortis : nous sommes sortis du tunnel, nous sommes allés jusqu'au muret

2 qui se trouvait le long de la pista, l'un derrière l'autre, et nous avons

3 reçu l'ordre de faire un tour de 90°, ce qu'on appelait dans l'armée faire

4 demi-tour, et nous sommes donc restés debout et nous nous sommes trouvés

5 face à trente personnes qui avaient été capturées dans les bois alors

6 qu'elles fuyaient hors de Bjelasnica et de Igman pour essayer d'éviter le

7 massacre qui s'était produit à Bradina. L'homme qui donnait les ordres aux

8 gardiens était Pavo Mucic.

9 M. Turone (interprétation) - Qui était la personne qui vous a

10 invité à sortir du tunnel ?

11 Témoin R (interprétation). - Je suppose que c'était Pavo Mucic

12 puisqu'il donnait des ordres aux gardiens et à nous-mêmes, les détenus.

13 M. Turone (interprétation) - Qu'a dit exactement M. Mucic ?

14 Témoin R (interprétation). - Quand nous nous sommes mis en file

15 indienne, comme je l'ai dit, pour sortir l'un derrière l'autre, et que

16 nous nous sommes retournés et trouvés face à ces autres personnes, nous

17 avons vu qu'ils avaient tous été terriblement passés à tabac. Mucic

18 portait un uniforme, il avait le képi sur la tête, il a montré

19 Rajko Dordic, qui avait été arrêté également, à Bjelasnica ou ailleurs. Il

20 a dit : regardez votre dirigeant, regardez l'aspect qu'il a aujourd'hui.

21 Vous avez voulu la grande Serbie, maintenant vous allez attendre que la

22 grande Serbie vienne vous chercher.

23 Les gardiens nous ont ensuite redonné l'ordre de nous mettre en

24 file indienne et de poursuivre notre chemin. Ces malheureux arrêtés à

25 Bjelasnica ont été jetés à l'intérieur du tunnel, alors que nous avons

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1 pris le chemin de contournement pour nous rendre vers cette baraque, ou ce

2 que l'on appelait dans notre jargon le n°6.

3 M. Turone (interprétation) - Monsieur R, est-ce que c'est la

4 première fois que vous avez vu M. Mucic ?

5 Témoin R (interprétation). - Oui, la première fois.

6 Personnellement, avant la guerre je ne connaissais pas M. Mucic et à ce

7 moment-là je ne savais pas non plus qui il était, mais dès mon arrivée

8 dans le n°6 j'ai posé la question à ceux qui savaient qui étaient les

9 commandants et on m'a répondu que c'était Pavo Mucic. Avant la guerre, je

10 ne savais pas qui était Pavo Mucic, mais j'ai appris. Je savais simplement

11 que c'était quelqu'un qui aimait la pêche, qui attrapait les poissons

12 mieux que quiconque, mais je ne savais rien d'autre à son sujet.

13 M. Turone (interprétation) - Vous dites que M. Mucic était

14 prèsent, ainsi que

15 d'autres gardes. Pourriez-vous nous dire approximativement combien il y

16 avait de gardes avec lui ?

17 Témoin R (interprétation). - Je pense qu'il y avait environ une

18 quinzaine d'hommes en tout.

19 M. Turone (interprétation) - Tous portaient-ils l'uniforme ?

20 Témoin R (interprétation). - Oui.

21 M. Turone (interprétation) - Comment êtes-vous parvenu au hangar

22 n°6 ? Est-ce en marchant, ou en file que vous y êtes arrivés ?

23 Témoin R (interprétation). - Nous avons marché en file et nous

24 avions des ordres très stricts : il ne fallait pas regarder de côté, il

25 fallait regarder droit devant soi en suivant le chemin qui menait au n°6,

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1 il fallait regarder au sol. Nous étions entourés de gardes qui avaient

2 leur fusil dirigé vers nous.

3 M. Turone (interprétation) - Et M. Mucic vous a accompagnés, a

4 marché en même temps que vous ?

5 Témoin R (interprétation). - Oui. Il marchait sur le côté, il

6 était peut-être à deux ou trois pas de nous. Il était vers le milieu de

7 cette rangée d'hommes, il nous accompagnait. Plus précisément, je pense

8 même qu'il était à notre droite.

9 M. Turone (interprétation) - Monsieur Mucic a t-il dit autre

10 chose à ce moment-là ou pas ?

11 Témoin R (interprétation). - Je ne me souviens pas qu'il ait dit

12 quoi que ce soit d'autre à ce moment-là, si ce n'est ce qu'il a dit à

13 l'entrée du tunnel, et que j'ai précisé, qu'il fallait regarder ce Duc et

14 qu'il fallait attendre que la grande Serbie vienne nous chercher.

15 M. Turone (interprétation) - Que s'est-il alors passé quand vous

16 êtes parvenus au hangar n°6 ?

17 Témoin R (interprétation). - Une fois arrivés au hangar n°6,

18 nous avons été jetés à

19 l'intérieur. Il y avait déjà un groupe de quelques soixante hommes, c'est

20 la première impression que j'ai eue, une estimation imprécise. Ces hommes

21 étaient assis à même le béton et étaient adossés à la paroi de ce hangar.

22 Hazim Delic est arrivé, et il a affecté une place précise à chacun d'entre

23 nous en nous disant de ne pas oser changer de place.

24 M. Turone (interprétation) - Ce faisant, est-ce que M. Mucic

25 était toujours présent ?

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1 Témoin R (interprétation). - Oui, il était debout près de la

2 porte, il tenait un fusil automatique.

3 M. Turone (interprétation) - Etait-ce la première fois que vous

4 voyiez M. Delic.

5 Témoin R (interprétation). - Oui, c'était la première fois. Je

6 ne le connaissais pas non plus avant Celebici. Je ne me déplaçais pas

7 beaucoup, je n'allais pas beaucoup au café, ni au restaurant. Je

8 m'intéressais surtout à fréquenter des personnes s'intéressant aux livres,

9 j'allais à la bibliothèque et je ne connaissais aucun des hommes assis ici

10 avant la guerre.

11 M. Turone (interprétation) - Comment avez-vous su qu'il

12 s'agissait de M. Delic quand vous l'avez vu au hangar n°6 ?

13 Témoin R (interprétation). - Parce que j'ai posé la question à

14 l'instant même, j'ai dit : "qui est cet homme ?" Et ceux qui étaient déjà

15 à l'intérieur m'ont dit : "C'est Hazim Delic, le numéro deux, c'est Dieu

16 et votre vie est entre ses mains.

17 M. Turone (interprétation) - Combien de temps avez-vous passé au

18 hangar n°6 ?

19 Témoin R (interprétation). - J'y suis resté jusqu'au 31 août

20 1992.

21 M. Turone (interprétation) - Vous dites qu'au moment où vous

22 êtes arrivé au hangar n°6, il y avait déjà une soixantaine de détenus à

23 l'intérieur. Est-ce que ce nombre de prisonniers au hangar n°6 a fluctué

24 pendant que vous étiez dans ce hangar ?

25 Témoin R (interprétation). - Oui. Ces fluctuations se faisaient

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1 quasi quotidiennement. Certains détenus étaient transférés à la salle des

2 sports de Konjic, d'autres

3 étaient renvoyées au n°9 en fonction des catégories ou de la catégorie à

4 laquelle ils étaient affectés. Certains étaient traités comme des détenus

5 plus graves, d'autres moins graves, mais il y avait aussi d'autres

6 personnes venant de la ville de Konjic ou des villages environnants, et

7 ceux-là n'avaient jamais été incarcérés auparavant. C'était le cas d'un

8 groupe assez important de personnes venues de Berjeni**, qui n'avaient pas

9 été détenues auparavant, ce qui veut dire que le nombre de prisonniers

10 variait. Au départ, on avait atteint la capacité maximale, le hangar était

11 plein et puis cela variait.

12 M. Turone (interprétation) - Pourriez-vous nous donner les

13 caractéristiques physiques que présentent le hangar n°6 ?

14 Témoin R (interprétation). - Je suppose que ce hangar n°6 était

15 utilisé par l'ex-JNA comme garage ou entrepôt. Les parois n'étaient pas

16 des murs. Ce n'était pas du béton. C'était une espèce de tôle ondulée

17 verte qu'utilisait l'armée. Il y avait ces parois de recouvrement aussi

18 sur le devant. Je ne sais pas combien il y avait de portes. Il n'y avait

19 jamais qu'une porte ouverte et l'ouverture était tout à fait étroite. Il y

20 avait aussi des petites bouches d'aération pour permettre à la lumière

21 d'entrer. A proximité de la porte, me semble-t-il, et encaissée dans le

22 sol, il y avait une espèce de caniveau avec des rails au-dessus.

23 M. Turone (interprétation) - Chaque prisonnier avait-il été

24 assigné à une place bien précise à l'intérieur ?

25 Témoin J (interprétation). - Oui, je l'ai déjà dit. M. Delic

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1 avait assigné à chacun une place précise, sous la menace d'infliger des

2 passages à tabac à quiconque osait changer de place. Il nous a dit de ne

3 surtout pas oser changer de place.

4 Un nombre assez important de personnes se sont quand même

5 déplacées, ont bougé quand les gardes n'étaient pas là, mais si Delic

6 l'apprenait ces gens étaient passés à tabac très sévèrement.

7 M. Turone (interprétation). - Je demanderai la pièce de

8 l'accusation n°1 page 7 où

9 je pense qu'il y a une carte, ou est-ce que nous disposons d'une

10 photocopie ? Si ce n'est pas le cas nous préparerons ce document pour

11 demain matin et nous demanderons que ce document soit placé sur le

12 rétroprojecteur et montré au témoin.

13 Mme le Greffier. - J'ai seulement le document original.

14 M. Turone (interprétation). - Nous pouvons fort bien utiliser

15 l'original, le placer sur le rétroprojecteur et demain nous veillerons à

16 ce qu'il y ait des photocopies.

17 Mme le Greffier. - Excusez-moi, une photocopie est disponible.

18 je demanderai à Monsieur l'Huissier de la remettre au témoin ou plus

19 exactement de la poser sur le rétroprojecteur.

20 Témoin R (Interprétation). - Permettez-moi d'ajouter un élément

21 pour ce qui est de la place de chacun des prisonniers. Par la suite, au

22 fil du temps, M. Delic nous disait : Assieds-toi basluci. Ce terme

23 signifie « pierre tombale », cela veut dire que, pour lui, on allait

24 rester là à perpétuité.

25 M. Turone (Interprétation). - Je vous remercie, Monsieur

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1 l'Huissier. Monsieur le témoin, veuillez examiner la feuille qui se trouve

2 à votre droite. Reconnaissez-vous cette carte ou ce croquis ?

3 Témoin R (Interprétation). - Effectivement, c'est un croquis, un

4 dessin.

5 M. Turone (Interprétation). - Pourriez-vous indiquer sur ce

6 croquis où se trouve la porte du hangar ?

7 Témoin R (Interprétation). - Oui bien sûr. C'est ici que se

8 trouvait la porte, comme c'est d’ailleurs indiqué sur le croquis.

9 M. Turone (Interprétation). - A l'aide de ce croquis, pourriez-

10 vous montrer aux juges comment étaient répartis les prisonniers dans ce

11 hangar n°6 ?

12 Témoin R (Interprétation). - Lorsqu'on nous a jetés à

13 l'intérieur, il n'y avait qu’une rangée de prisonniers. Ces prisonniers

14 étaient assis, adossés contre la paroi de cette

15 construction. Et voici comment ils étaient disposés plus ou moins. Il y

16 avait donc une rangée à ce moment-là, mais lorsque nous avons été jetés à

17 l'intérieur du hangar, ils ne pouvaient plus y avoir qu'une seule rangée.

18 2 rangées ont donc été constituées, une première comme ceci et une autre

19 comme cela. Au bout, il y avait une rangée, et 2 rangées sur ce côté-ci,

20 l'une étant tout à fait adossée contre la paroi et l'autre plus à

21 l'intérieur. La longueur de ces rangées différait selon le nombre de

22 prisonniers qu'il y avait dans le n°6.

23 M. Turone (Interprétation). - Pourriez-vous indiquer sur ce

24 croquis où vous, vous vous trouviez dans ce hangar n°6 ?

25 Témoin R (Interprétation). - Oui, c'est ici que je me trouvais

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1 dans la rangée à l'intérieur. Il y avait une rangée derrière nous, celle

2 adossée contre la paroi et moi j'étais dans la deuxième rangée.

3 M. Turone (Interprétation). - Pourriez-vous, pour autant que

4 vous ayez un bic ou un crayon indiquer où se trouvait votre position ?

5 Témoin R (Interprétation). - Bien sûr.

6 M. Turone (Interprétation). - Je vous remercie. Il se peut que

7 nous utilisions plus tard ce croquis pour indiquer d'autres positions.

8 Nous allons donc garder ceci à portée de main.

9 Monsieur le témoin, pourriez vous décrire les conditions de vie

10 température, eau potable, nourriture, conditions sanitaires, possibilité

11 de dormir, ce genre de choses.

12 Témoin R (Interprétation). - Commençons par l'eau, si vous le

13 voulez bien. Je vous ai déjà dit que l’eau que nous avions au tunnel n°9,

14 c'était le même type d'eau qu'on avait ici, parce que cette eau n'était

15 pas de l'eau potable. C’était de l’eau qui servait à éteindre un incendie.

16 C'était de l'eau usée où il y avait des restes de saletés. Nous n'étions

17 pas autorisés à amener de l'eau potable du bâtiment de commandement, à

18 l'exception du premier jour, ce qui veut dire que l'eau que nous buvions

19 était de l'eau industrielle, pour autant qu'il y en avait. Dans un premier

20 temps, les gens versaient cette eau dans des bouteilles de coca-cola en

21 plastique.

22 Nous avions le droit de garder ces bouteilles pour la nuit. Mais, petit à

23 petit, cela a été interdit. Nous n'avions plus le droit de garder la

24 moindre goutte d'eau à l'intérieur du hangar n°6. Et lorsqu'il y avait

25 passage à tabac, représailles, notamment après la deuxième offensive menée

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1 contre Bradina et lorsque les mesures se sont durcies et qu'il y avait des

2 menaces de passages à tabac très durs, même de mort, on ne pouvait même

3 pas apporter une goutte d’eau, sans que Hazim Delic, le commandant adjoint

4 ne l’autorise ou ne soit informé. Après le 12 juillet, lorsque Bradina a

5 été mise à feu et détruite totalement pour la deuxième fois, il venait

6 toutes les 15 ou 20 minutes pendant la journée pour vérifier qu'un des

7 gardes n'avait pas autorisé qu'une goutte d'eau soit apportée à

8 l'intérieur.

9 M. Turone (Interprétation). - Quand vous dites : il n'aurait pas

10 autorisé, de qui parlez-vous ?

11 Témoin R (Interprétation). - Je parle de Hazim Delic. C'est de

12 lui que je parle. Puis, après cette deuxième offensive contre Bradina,

13 nous n'avons pas eu d’eau pendant 3 jours. Je me souviens encore

14 aujourd'hui des expressions que je voyais sur les visages autour de moi,

15 pour la première fois, les yeux des gens aussi. Vous savez, quand on ne

16 peut pas se lever, boire, même si on sait qu’on va avoir soif, on va à ce

17 moment-là obtenir un litre d'eau par prisonnier pendant la journée.

18 Parallèlement, il faisait très chaud, nous étions en juillet, en août. Il

19 était interdit d'ouvrir la porte de ce hangar, sans doute sur ordre de

20 Hazim Delic. La température était insupportable. On n'avait pas de

21 thermomètre pour vérifier quelle température il faisait à l'intérieur,

22 mais on commençait à transpirer dès 9 heures du matin, d'autant que nous

23 n'avions pas d'eau.

24 Et de toute façon, les vêtements sentaient mauvais. Ils étaient

25 trempés. Ce n'est que vers minuit ou après minuit, vers 1 heure du matin

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1 qu'ils séchaient et c'est seulement au cours de la nuit, entre 1 heure et

2 6 ou 7 heures du matin, cela dépendait du moment où les gardes venaient,

3 c'est seulement entre ces heures-là qu'on pouvait dormir un peu.

4 M. le Président (interprétation). - Je crois que l'heure est

5 venue de lever l'audience. Nous poursuivrons demain matin.

6 M. Turone (Interprétation). - Volontiers Monsieur le Président.

7 Témoin R (Interprétation). - Je vous remercie.

8 (Le Témoin R est reconduit hors de la salle d’audience.)

9 L’audience est levée à 17 heures 30

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