Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi 6 novembre 1997

4 L'audience est ouverte à 10 heure 05.

5 M. le Président (interprétation). - Mesdames et Messieurs,

6 bonjour. Les parties peuvent-elles se présenter ?

7 M. Niemann (interprétation). - Je m'appelle Grant Niemann. Je

8 comparais avec Me Turone, Me McHenry et Me Khan au nom de l'accusation.

9 M. le Président (interprétation). - Qui comparaît au nom de la

10 défense ?

11 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, Messieurs les Juges.

12 Je suis Edina Residovic, je défends M. Zejnil Delalic avec

13 Me Eugene O'Sullivan, professeur canadien.

14 M. Olujic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les

15 Juges. Je m'appelle Zeljko Olujic, je défends Zdravko Mucic avec

16 Me Michael Greaves.

17 M. Karabdic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les

18 Juges, je m'appelle Salih Karabdic ; je suis avocat à Sarajevo. Je défends

19 Hazim Delic avec Me Thomas Moran, avocat à Houston au Texas.

20 M. Ackerman (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les

21 Juges. Je m'appelle John Ackerman. Je comparais avec Me Cynthia McMurrey

22 pour défendre M. Esad Landzo. Je vous remercie.

23 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

24 Nous avons la grande tristesse de vous faire part ce matin, au

25 nom de tout le Tribunal et au nom des membres des Chambres, du décès, au

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1 cours de la nuit dernière, du

2 Juge Li, un des Juges de ce Tribunal.

3 Il avait 91 ans, mais son âge n'avait aucune incidence négative

4 sur ses prestations. Il avait 91 ans, certes, mais sa pensée était aussi

5 lucide qu'au moment où il a été diplômé en 1922. C'était un des hommes les

6 plus énergiques que j'ai jamais rencontrés dans ma vie, et il nous a

7 accompagnés tout au long de ces années. Il a été l'un des membres

8 fondateurs du Tribunal. Il a été présent et actif, que ce soit au niveau

9 de l'élaboration du Règlement, dans tout autre aspect de procédure et

10 toute activité statutaire. Il a participé à tous les comités constitués

11 dans le cadre de l'élaboration du Règlement du Tribunal.

12 Soit dit en passant, il ne demandait pas à être réélu. Il avait

13 décidé d'interrompre sa carrière. Mais il est tombé malade et il a été

14 hospitalisé ici à La Haye. Les dernières informations que nous avions nous

15 laissaient penser qu'il se remettait et se portait bien.

16 Mais, ce matin, à mon arrivée au Tribunal, j'ai subitement pris

17 connaissance de la nouvelle de sa mort. J'ai, bien sûr, beaucoup de

18 respect pour les gens de cet âge. Il n'est pas surprenant qu'il décède à

19 cet âge mais, quand on voit l'énergie qu'avait cet homme, sa volonté de

20 travailler et d'aider, nous sommes surpris, navrés.

21 Il faisait ses exercices matinaux, il prenait une douche

22 froide : il était vraiment très en forme. Il était plus en forme que la

23 plupart des personnes de son âge mais, malheureusement, voilà ce qui s'est

24 produit.

25 Nous allons le regretter vivement. Il nous manquera, même s'il

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1 fallait, bien sûr, qu'il nous quitte. Nous savions qu'il allait nous

2 quitter, mais tant qu'il était parmi nous, il a été un excellent

3 compagnon ; il a vraiment été utile à tous les égards ; il a rempli toutes

4 les fonctions que pouvait remplir un collègue. Je voulais vous faire part

5 à tous de notre grande tristesse, ce matin.

6 Il avait des membres de sa famille ici, et nous espérons que des

7 dispositions seront prises pour qu'il puisse retourner en Chine.

8 Nous aimerions observer une minute de silence à sa mémoire avant

9 de poursuivre les débats de ce matin.

10 (Les membres du Tribunal se lèvent pour une minute de silence.)

11 M. le Président (interprétation). - Que cet homme repose en

12 paix.

13 M. Niemann (interprétation). - Nous voudrions aussi faire part

14 de nos condoléances pour le départ inattendu de M. Li.

15 M. Li était un grand juriste, un homme d'une compétence extrême

16 et vraiment dévoué à la prédominance du droit. Il voulait veiller à ce que

17 tout accusé bénéficie d’un procès équitable. Nous sommes vraiment navrés

18 de son départ subit.

19 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

20 M. Moran (interprétation). - Je n'ai jamais eu l'occasion de

21 travailler avec le Juge Li, mais je l'ai vu ici au Tribunal. J'ai aussi lu

22 ses opinions qui sont vraiment d'une rédaction parfaite ; elles sont

23 tellement bien conçues qu'elles sont étonnantes.

24 Quand on voyait sa condition physique alors qu'il avait 91 ans,

25 c'était vraiment un homme étonnant, un éminent juriste, et au nom de tous

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1 les avocats de la défense, nous pouvons dire que nous remettons nos

2 condoléances à sa famille.

3 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,

4 Maître Moran.

5 M. Ackerman (interprétation). - Je tiens simplement à dire,

6 Monsieur le Président, que cette annonce que vous nous faites ce matin

7 nous rappelle à nous tous, une fois de plus, quelle est la nature

8 transitoire et éphémère de notre vie sur terre. L'imprévisible peut se

9 produire à tout moment, et nos vies seront jugées sans autre forme de

10 procès.

11 Ceux qui connaissaient bien le Juge Li subissent une grande

12 perte et ressentiront un grand vide.

13 Comme vous l'avez dit ce matin, tout le monde voudrait avoir une

14 vie aussi longue que la sienne et pouvoir aussi maintenir cette pureté,

15 cette brillance, qu'il a su assurer toute sa

16 vie.

17 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,

18 Maître Ackerman.

19 Maître Niemann ?

20 M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

21 J'espère en avoir terminé de la présentation de mon exposé en l'espace de

22 30 minutes.

23 Nous avons tenu compte des remarques que vous aviez faites,

24 Madame et Messieurs les Juges, s'agissant de la question de l'erreur dans

25 la numérotation ou dans le décompte des cassettes vidéo.

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1 Je vais vous demander de bien vouloir parcourir avec moi

2 certains extraits du compte rendu quant aux questions posées et aux

3 explications fournies. Ceci permettra peut-être d'élucider la question.

4 Mais nous avons un fondement qui justifie, à notre avis, la recevabilité

5 de ces pièces, hormis le fait que ces documents ou cassettes ont été

6 saisis sur les lieux.

7 Ces cassettes ont été montrées à des personnes qui seraient en

8 mesure d'authentifier les documents. C'est sur cette base que nous

9 pourrions demander le versement au dossier de ces cassettes, eu égard au

10 fait que le versement de la cassette avec le Général Pasalic a été

11 autorisé sur cette base.

12 Je crois que vous faire parcourir le compte rendu -ce que je

13 vais faire à l'instant- nous permettra de faire l'économie de nouveaux

14 témoignages. Je crois que si on allait plus loin, on en arriverait à un

15 point où on n'aurait, finalement, plus grand chose à ajouter.

16 Mais, si vous me le permettez, nous allons voir tout d'abord ce

17 qu'il en est du témoignage de M. Morbauer, officier autrichien.

18 Dans le cadre de l'interrogatoire principal, Me Turone lui a

19 posé une question à ce propos, page 3558, ligne 16, du transcript. Une

20 première fois, la question était posée -je cite : "Y avait-il des

21 cassettes vidéo parmi les documents saisis ? Réponse : Oui, beaucoup de

22 cassettes vidéo ont été saisies. Question : Pour autant que vous vous en

23 souveniez, combien de cassettes

24 ont-elles été saisies dans les locaux d'Inda-Bau ? Réponse du témoin :

25 Environ une cinquantaine. Il y a eu, apparemment, quelques problèmes, une

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1 erreur de numérotation. Je dirais que 50 ou 51 cassettes avaient été

2 saisies, mais il s'est finalement avéré qu'il s'agissait de 54 cassettes."

3 M. Turone poursuit, page 3559, en posant la question suivante :

4 "Vous avez parlé d'une erreur dans le décompte des cassettes vidéo. Quelle

5 erreur se serait produite et quand cette erreur a-t-elle été rectifiée

6 pour autant qu'elle l'ait été ? Pourriez-vous nous donner quelques

7 explications sur ce point ? Réponse du témoin : Au vu du dossier

8 Taubergasse 15, porte 10, je crois que dans ce cas-là, cela a été rectifié

9 sur-le-champ et consigné dans le rapport. Toute erreur relative à Inda-Bau

10 a été rectifiée ultérieurement."

11 Plus tard, dans le compte rendu établi dans le cadre du contre-

12 interrogatoire mené par Me Residovic du témoin Mörbauer, elle lui dit

13 ceci : "Monsieur Mörbauer, est-il exact que, dans certains rapports, les

14 informations relatives à ces documents saisis portent aussi sur des

15 erreurs de décompte pour ce qui est des cassettes vidéo ?" Le témoin

16 répond pratiquement dans les mêmes termes : "S'agissant du nombre de

17 cassettes vidéo saisies, les premières saisies viennent de la porte 14.

18 L'erreur a été découverte par un collègue et rectifiée. Quant aux

19 cassettes vidéo à Taubergasse 14 -il s'agit ici des locaux d'Inda-Bau-

20 l'erreur a été découverte plus tard. Je l'ai relevée d'ailleurs dans le

21 rapport".

22 Toujours dans le cadre du contre-interrogatoire du

23 témoin Mörbauer, le témoin dit à la page 3724, ligne 6 : "Les cassettes

24 vidéo de la société Inda-Bau ont toujours été au nombre de 54.

25 Apparemment, il y en avait donc 54. Elles n'ont été comptées que plus

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1 tard. Elles ont aussi été affectées d'une étiquette mais, pour ce qui est

2 des références et du nom donné à ces cassettes, ceci se fait plus tard, au

3 moment où nous avons traité des documents et des cassettes".

4 Question posée à M. Mörbauer : "Je regarde la deuxième page du

5 Niederschrift

6 venant de Inda-Bau. Pour moi, il est clair qu'on dit là 51 cassettes. Ce

7 qui m'intéresse, c'est à propos de ces trois cassettes. Les avez-vous

8 trouvées plus tard ? Quels seraient les noms donnés à ces cassettes ?

9 Pouvez-vous me le dire ?" Réponse du témoin : "Dans le carton, il y avait

10 toujours eu apparemment 54 cassettes mais, après la remise, elles n'ont

11 pas été comptées. Elles ont été étiquetées plus tard, mais nous nous

12 sommes rendus compte qu'il y en avait, non pas 51, mais 54. On n'a pas

13 donné une référence ou un nom tout de suite, c'est seulement après une

14 semaine et demie ou deux semaines d'analyse que ces pièces ont été

15 examinées. Ceci est indiqué dans le rapport en même temps que le contenu

16 et les références de ces cassettes."

17 Toujours dans le cadre du contre-interrogatoire du

18 témoin Mörbauer, on lui repose une question à ce propos et il dit à la

19 page 3740, ligne 11 : "A Inda-Bau, d'après le rapport, 51 cassettes ont

20 été saisies, mais il y en avait, en fait, 54. C'est ce que nous avons

21 réalisé. C'est donc en fait le rapport original, mais nous n'avons pas

22 fait référence à chacune des pièces en les nommant." Voilà ce que veut

23 dire le témoin Mörbauer à propos de ce problème.

24 M. le Président (interprétation). - Mais comment avez-vous

25 interprété tout ce que vous venez de lire ?

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1 M. Niemann (interprétation). - Comment ai-je compris ceci ? Le

2 témoin Mörbauer reconnaît qu'il y a eu erreur, parce que le Juge Jan a

3 posé hier la question de savoir pourquoi on n'avait pas posé la question

4 au témoin Mörbauer à ce moment-là.

5 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

6 M. Niemann (interprétation). - En tout cas, la question a été

7 posée.

8 M. Jan (interprétation). - C'était Navrat qui en avait, en fait,

9 opéré la saisie, qui les avait comptées. Je faisais uniquement référence

10 au témoignage de Navrat et non à celui de Mörbauer. En effet, ce dernier a

11 vu les cassettes beaucoup plus tard.

12 M. Niemann (interprétation). - S'agissant de Navrat, il dit à la

13 page 5705, dans le cadre du contre-interrogatoire. "Question : Nous sommes

14 passés de 51 à 54 cassettes ?

15 Réponse : C'est exact. Question : Il y a une différence de trois

16 cassettes ? Réponse : Oui, c'est exact. Question : Une possibilité qui se

17 présente, c'est que trois cassettes ont été ajoutées aux 51 cassettes

18 initiales ; acceptez-vous une telle possibilité ou pas ? Réponse : Tout

19 est possible, mais j'ai peine à imaginer une telle situation. Question :

20 Une autre possibilité, c'est en fait qu'on avait affaire à 54 cassettes

21 vidéo, différentes de celles qui avaient été saisies chez Inda-Bau.

22 Réponse de Navrat : Ce n'est pas exact. Elles n'étaient pas identifiées.

23 Question : Il n'y avait pas de marque apposée, pas plus du carton qui les

24 contenait. Acceptez-vous cette possibilité ? Réponse de Navrat : Cette

25 possibilité ne peut pas être exclue. En fait, la boîte en carton qui a

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1 quitté Inda-Bau n'était peut-être pas celle qui est arrivée à la police de

2 Vienne puisque, là non plus, on n'avait pas apposé de marque

3 d'identification.

4 Puis, le Juge Karibi-Whyte dit ceci : C'était sous sa garde

5 jusqu'au moment où il a apporté le carton jusqu'aux locaux de la police.

6 Question suivante : "Nous savons de façon certaine que le nombre

7 de cassettes qui se trouvaient dans la boîte en carton a changé entre

8 temps ?". Réponse : "C'est exact". Question : "Vous examiniez peut-être

9 une autre boîte en carton ?". Réponse du témoin : "J'ai du mal à imaginer

10 une telle situation". Question suivante : "Si les cassettes vidéo ont

11 changé, les documents ont peut-être changé eux aussi entre le moment où

12 vous les avez apportés dans les locaux de la police et celui où ils ont

13 été examinés". Question du Juge Jan : "Pourquoi ne pas laisser cette

14 question au niveau des argumentations et de la présentation des exposés

15 plutôt que de poser cette question au témoin ? Quant à ce que pourraient

16 nous dire les témoins à ce propos, je ne pense pas que l'on puisse tirer

17 davantage d'informations ; ils ont dit tous ce qu'ils pouvaient dire et la

18 position est claire : ils affirment que le nombre initial de cassettes a

19 toujours été de 54 cassettes, que Navrat a reçu 54 cassettes mais qu'il y

20 a eu une erreur dans le décompte au moment de la perquisition : on a

21 indiqué le nombre de 51 et non pas de 54 cassettes. Mais l'erreur a été

22 décelée plus tard et corrigée. Je ne pense pas que nous

23 pourrions avoir davantage de précision de la part des témoins puisqu'ils

24 nous ont dit tout ce qu'ils pouvaient nous dire".

25 Excusez-moi, Monsieur le Président, mais nous disposons, à notre

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1 avis, d'une base supplémentaire permettant la recevabilité de ces

2 cassettes vidéo. Les éléments de preuve sont ce qu'ils sont ; nous ne

3 pouvons pas les développer davantage. Tout ce que nous pouvons dire, c'est

4 que, s'agissant de la confusion au niveau du décompte, nous avons obtenu

5 les éléments que nous pouvions avoir grâce aux témoignages. Il y a

6 effectivement une différence et nous n'avancerons pas si nous cherchons

7 une autre explication que celle qui a déjà été fournie.

8 Si cette question vous préoccupe vraiment, Madame et Messieurs

9 les Juges, je pourrai poursuivre l'exposé de mes arguments mais on

10 pourrait trouver une autre solution au problème. Je dirai que la confusion

11 au niveau du nombre de cassettes est compréhensible ; cela relève de

12 l'erreur humaine. L'erreur est malencontreuse. Il est clair que les choses

13 auraient pu mieux se passer, mais je ne pense pas qu'on puisse croire que

14 quelqu'un ait procédé à une substitution de cassettes vidéo et ait porté

15 une mauvaise numérotation.

16 A bien des égards, la police autrichienne n'était pas vraiment

17 intéressée à cette affaire puisqu'elle savait qu'elle avait été déférée à

18 La Haye ; elle n'avait donc pas vraiment d'intérêt particulier. Ceci

19 explique-t-il le manque de soin apporté ? C'est possible, mais ceci ne

20 devrait pas entamer la recevabilité des documents et cassettes car nous

21 avons apporté la preuve que les documents et cassettes saisis sont restés

22 sous la garde de la police jusqu'au moment où ils ont été emmenés aux

23 locaux de la police. Ce n'est pas la première fois que ce genre d'erreur

24 se produit lorsqu'il y a des opérations de perquisition et de saisie, ces

25 questions sont toujours difficiles ; mais j'estime qu'il n'y a rien de

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1 "sinistre" dans ce qui s'est passé qui pourrait justifier l'exclusion de

2 ces éléments de preuve pour ces raisons.

3 Le document I-25, dont vous avez dû recevoir copie écrite du

4 compte rendu, est une vidéo montrant une interview qui a eu lieu,

5 courant 1992, entre un témoin qui a comparu

6 devant nous, M. Divjak, une personne portant le nom de Karic, et l'accusé

7 Zejnil Delalic. Des parties importantes de cette interview nous montrent

8 les interventions de M. Divjak et, dans certaines parties de la cassette,

9 on voit M. Delalic répondre à des questions qui lui sont posées par un

10 journaliste.

11 Me McHenry a fait diffuser une partie de cette cassette à

12 l'intention du témoin Divjak.

13 Si vous me le permettez, je vais parcourir avec vous la

14 retranscription écrite pour en montrer les éléments les plus saillants

15 qui, à notre avis, en établissent l'authenticité et la fiabilité, et

16 rendent ce document recevable en tant qu'élément de preuve.

17 Page 8465 du compte rendu, ligne 7, Me McHenry dit au témoin

18 Divjak : "Monsieur, je vais vous demander de regarder un extrait d'une

19 cassette vidéo et si vous reconnaissez cet extrait comme étant tiré d'une

20 interview qui vous a été accordée avec M. Delalic. C'est un extrait de la

21 cassette I-25 portant la numérotation de l'accusation 115. Ensuite, je

22 vais vous poser des questions".

23 L'extrait est diffusé et il y a aussi le compte rendu de cette

24 cassette qui a fait l'objet d'une interprétation simultanée par les

25 interprètes ; ceci est consigné dans le compte rendu.

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1 C'est alors que le témoin dit, à la page 8467 : "Je me souviens

2 que cette interview a eu lieu entre le 29 octobre et le 1er ou

3 le 2 novembre". La situation était donc tout à fait différente de celle

4 qui régnait à Prozor et dont nous discutons à présent. A l'évidence, ce

5 témoin a reconnu la cassette et les images de l'interview qui avait eu

6 lieu.

7 Puis, un autre extrait est diffusé qui est consigné à la

8 page 8476 du compte rendu, et Me McHenry dit, une fois de plus, qu'elle

9 veut diffuser un extrait de la pièce 115 de la cassette I/25. L’extrait

10 est diffusé. Puis, Me McHenry dit cela : "Veuillez examiner l'extrait et

11 dites-nous ce que vous y voyez ?". Le témoin indique : "C'est le comité

12 international de la Croix-Rouge, en direction du commandant

13 Zejnil Delalic".

14

15 Une autre question est posée par Me McHenry, à la page 8477,

16 concernant le comité de la Croix-Rouge et sa mission, mais je ne vais pas

17 poursuivre sur ce point.

18 D’après nous, Madame et Messieurs les Juges, d’une part cette

19 cassette vidéo est non seulement une cassette qui a été trouvée dans les

20 locaux perquisitionnés, et même s'il y a eu une erreur dans le décompte du

21 nombre de cassettes trouvées, mais elle a été identifié par le témoin

22 Mörbauer et par le témoin Navrat au mieux de leur capacité. Et, d'autre

23 part, cette cassette établit un certain nombre d'indices de fiabilité.

24 Cette cassette a été reconnue et authentifiée par le témoin Divjak.

25 En dernier lieu, cette cassette vidéo nous montre l'accusé

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1 Delalic. Et même si, pour l'instant, nous ne regardons que la

2 retranscription de la cassette, son apparition sur la cassette ne fait que

3 corroborer l'authenticité de cette cassette et son caractère fiable.

4 Pour nous, les segments diffusés sont pertinents. Les segments,

5 retranscrits sur les documents que vous avez sous les yeux, sont

6 pertinents, quant à la question de la responsabilité du commandement

7 supérieur, et émoignent des rapports qui étaient en train de s'établir

8 entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO.

9 Nombre de documents, parmi ceux que nous avons regardés,

10 corroborent tous ces éléments et le fait que ces segments sont pertinents

11 et fiables. Nous sommes d'avis que nous devrions être autorisés à en

12 demander le versement au dossier.

13 Madame et Messieurs les Juges, nous passons à la pièce suivante,

14 la pièce 116 qui est également la pièce 1/I-46. Ce document est également

15 un document saisi à Inda-Bau.

16 M. O’Sullivan (interprétation). - Excusez-moi d'interrompre

17 Me Niemanne, Monsieur le Président, mais je suis un peu perdu.

18 Vous avez posé une question à M. Niemann et je ne suis pas

19 certain qu'il y ait répondu. Vous lui avez demandé d'éclaircir certains

20 points, de nous expliquer où nous en sommes sur ce point précis. Vous avez

21 demandé à Me Niemann de répondre à cette question et

22 je ne crois pas qu'il l’ait fait.

23 M. le Président (interprétation). - Oui, mais enfin ce n'est pas

24 la question que je vais poser maintenant.

25 Quels sont les segments de cassettes qui vont faire l'objet de

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1 votre prochaine demande de versement ? Est-ce les pièces 51, 54 ? Est-ce

2 l'ensemble de ces cassettes ? Allons-nous les observer globalement ?

3 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

4 M. Niemann (interprétation). - J'en ai un exemplaire ici

5 Messieurs les Juges.

6 M. le Président (interprétation). - Soyons clairs sur ce point,

7 s'il vous plaît, Maître Niemann.

8 M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

9 M. le Président (interprétation). - Parce que les cassettes que

10 nous sommes en train d'observer sont clairement distinctes des cassettes

11 51 ou 54 qui nous occupent, sont distinctes des cassettes saisies à Inda-

12 Bau, cassettes dont on ne sait pas si elles sont au nombre de 51 ou 54 ;

13 alors essayons d'établir clairement ce que sont ces cassettes.

14 M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Il

15 s'agit de deux cassettes, le pièce 115 qui est la cassette I-25, et la

16 pièce 116 qui est la cassette I-46. Ce sont ces deux cassettes qui font

17 partie des 51 ou 54 cassettes qui ont été trouvées dans les locaux d’Inda-

18 Bau, lieu où les cassettes ont été mal décomptées.

19 J'ai déjà déclaré quels étaient les éléments pertinents

20 concernant ces cassettes. J'ai déjà dit que les officiers Mörbauer et

21 Navrat ont indiqué qu'une erreur avait été commise, et qu’elle n'avait été

22 découverte que quelques jours plus tard. Le mauvais décompte de ces

23 cassettes a eu lieu dans les locaux d’Inda-Bau, lorsque le niederschrift,

24 le rapport, a été établi, mais ces deux cassettes font bien partie de cet

25 ensemble de cassette. Elles font partie des 54 cassettes qui ont été

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1 saisies dans les locaux, Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation). - Mais le problème est le

3 suivant : s'il y a 51 cassettes, les trois cassettes additionnelles -il

4 doit bien y avoir trois cassettes additionnelles s'il y en a 54-, s'il y a

5 51 cassette, il en manque trois ; s'il y en a 54 il n'y a aucun problème.

6 Si on considère qu'il y a 51 cassettes, nous ne sommes pas absolument

7 certains de savoir quelles sont les trois cassettes qui font passer le

8 chiffre de 51 à 54. Me suivez-vous ?

9 M. Niemann (interprétation). - Je comprends fort bien les

10 arguments avancés. Mais les témoignages ne viennent pas à l'appui des

11 arguments, notamment avancés par la défense. Les témoignages corroborent

12 le fait qu'il y avait 54 cassettes dès le départ.

13 M. le Président (interprétation). - Si c'est ce qui a été dit

14 dans le cadre des témoignages, alors il y aurait toujours eu, de toute

15 façon, 54 éléments, 54 cassettes. Mais si, sur les documents de

16 l'accusation figure le chiffre 51, ce sont...

17 Nous savons, par ailleurs, qu'au moment où les cassettes sont

18 arrivées aux locaux de la police, il y en avait 54. Donc, il y a une

19 incohérence qui pose problème. C’est cette erreur qui pose problème.

20 M. Niemann (interprétation). - Oui, il y a eu une erreur,

21 effectivement.

22 M. le Président (interprétation). - Si cette erreur a eu lieu,

23 comment expliquer que cette erreur ne s'est pas produite après que les

24 cassettes aient été saisies ?

25 M. Niemann (interprétation). - Les témoignages disent que

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1 l'erreur a été faite au moment du compte de ces cassettes, et non pas au

2 moment de la saisie de ces cassettes. Ce que dit l'officier Navrat, c'est

3 que 54 cassettes ont été saisies, qu'il y a eu une erreur au moment du

4 décompte de ces cassettes.

5 Mais il n'y a pas eu d'erreur quant aux cassettes elles-même, il

6 n'y a pas eu trois cassettes qui ont été ajoutées.

7 Mais je suis passé à un autre point.

8 M. le Président (interprétation). - Oui, en effet. Mais il y a

9 cette incertitude qui

10 règne sur cette cassette et c'est ce qui trouble toute l'affaire.

11 M. Niemann (interprétation). - Oui, j'en suis conscient. C'est

12 la raison pour laquelle j'essayais d'aborder la question par un autre

13 angle. Mais, si le témoin Divjak vient ici...

14 M. le Président (interprétation). - Le témoin Divjak peut venir

15 au moment où la cassette est diffusée, mais elle ne peut être diffusée que

16 si vous l'acceptez en temps qu'élément de preuve.

17 M. Niemann (interprétation). - Mais le témoin Divjak l’a vue,

18 elle lui a été diffusée cette cassette !

19 M. le Président (interprétation). Mais c'est une question tout

20 à fait différente. Si nous finissons par découvrir que ces cassettes sont,

21 en fait, des sources peu sûres, même si le témoin a vu ces cassettes,

22 peut-être que cela pourrait nous donner une approche différente de la

23 question.

24 M. Niemann (interprétation). - Peut-être, en effet ! Mais, il

25 est peu probable que ce soit le cas, que le témoin soit venu et qu’il ait

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1 dit : oui, je reconnais cet entretien, j’y ai moi-même pris part.

2 M. le Président (interprétation). - Eclaircissons cette affaire.

3 M. Niemann (interprétation). - Peu importe la provenance de la

4 cassette.

5 M. le Président (interprétation). - Ce n'est pas ce que vous

6 dites !

7 M. Niemann (interprétation). - Je dis deux choses différentes.

8 M. le Président (interprétation). - Vous ne vous appuyez pas sur

9 le fait que vous avez apporté cette cassette de ces locaux ; c'est-ce que

10 vous dites. Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. Tout ce ce que

11 vous dites se fonde sur le fait qu'il y avait 54 cassettes. Si ces 54

12 cassettes viennent toutes d’Inda-Bau, c’est sur ce point que vous vous

13 basez, vous vous fondez sur le fait que c’est 54 cassettes ont été amenées

14 de ces locaux, ont été saisies dans ces locaux. Vous dites cela, et ce

15 n’est pas la même chose que de dire : "J'ai les cassettes", qu'elles

16 soient ou non celles qui ont été saisies sur les...

17 Avoir ces cassettes en sa possession est une chose, mais dire

18 qu'elles proviennent des locaux d'Inda-Bau est une autre chose.

19 M. Niemann (interprétation). - Je pensais avoir été clair sur ce

20 point, Monsieur le Président. Si je ne le suis pas, je vais y revenir,

21 mais je vous présente deux arguments différents. Ce matin, quand j'ai

22 commencé mon exposé, j'ai déclaré que non seulement j'allais me référer au

23 compte rendu de ce qui avait été dit...

24 M. le Président (interprétation). - Votre autre argument est que

25 la cassette a été vue par le témoin, le Général Divjak. Ce sont les

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1 cassettes d'Inda-Bau qui ont été diffusées à ce monsieur.

2 M. Niemann (interprétation). - D'après moi, Monsieur le Juge,

3 l'autre argument est le suivant...

4 M. le Président (interprétation). - J'aime la droiture, j'aime

5 que les arguments soient clairs et nets. C'est la raison pour laquelle je

6 ne suis pas tout à fait d'accord avec votre façon de procéder.

7 Si vous dites qu'il s'agissait des cassettes d'Inda-Bau, je

8 prends cet argument pour ce qu'il est. Mais si vous n'êtes pas en train de

9 vous appuyer sur les cassettes d'Inda-bau, vous auriez pu l'indiquer.

10 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, suggérez-

11 vous que je ne suis pas franc et que je ne suis pas honnête dans ce que je

12 présente comme arguments ? Je suis vraiment troublé par ce que vous

13 semblez sous-entendre.

14 M. le Président (interprétation). - Je vous l'ai déjà dit : vous

15 avez présenté deux arguments que j'ai écoutés, mais, en fait, ces deux

16 arguments sont très semblables l'un à l'autre.

17 M. Niemann (interprétation). - Je ne partage pas votre avis sur

18 ce point, Monsieur le Président.

19 Je dis que ces cassettes ont été saisies dans les locaux. Je

20 crois que c'est cela qui vous trouble, qui vous gêne. Je ne crois pas que

21 ce qui vous gêne soit le fait que je dise qu'une erreur dans le décompte

22 des cassettes a été faite.

23 L'objection qui pourrait être faite à la recevabilité serait une

24 objection tenant à leur manque de fiabilité et au manque de certitude

25 quant à l'endroit où elles ont été saisies. Il pourrait y avoir objection

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1 sur la recevabilité, sur ce point. Mais l'autre argument que j'avance

2 n'est pas du tout touché par ce problème.

3 Je vous rappelle que la pièce 114 a déjà été acceptée au

4 dossier. Il s'agit de l'entretien qui a eu lieu avec le

5 témoin Arif Pasalic. La raison pour laquelle vous vous préoccupez

6 particulièrement de ce point est que le témoin est venu, a témoigné et a

7 authentifié ce document. Ce document 114 est également une pièce saisie à

8 Inda-Bau. C'est la pièce I-22. C'est donc un document tout à fait

9 similaire à ceux que nous observons et c'est un document qui a été reçu au

10 dossier.

11 M. le Président (interprétation). - Quand un élément de preuve

12 est admis et qu'on s'aperçoit par la suite que son versement au dossier

13 s'est déroulé dans des conditions sujettes à caution, il nous est encore

14 possible de l'exclure du dossier.

15 M. Niemann (interprétation). - Mais je ne nie pas votre droit à

16 le faire, Monsieur le Président.

17 M. le Président (interprétation). - C'est la raison pour

18 laquelle je veux que vous nous présentiez des arguments de telle sorte

19 qu'aucun élément disqualifiant ne touche les éléments de preuve que vous

20 cherchez à présenter.

21 M. Niemann (interprétation). - Mais je veux absolument savoir

22 cependant si, Madame et Messieurs les Juges, vous allez accepter mes

23 arguments alternatifs.

24 M. le Président (interprétation). - Pourquoi pas ? Aucune

25 décision n'a été prise à ce sujet. Nous allons entendre les exposés de la

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1 défense sur tous les sujets qui ont été évoqués.

2 M. Niemann (interprétation). - Mais il est intéressant de noter

3 que les membres du conseil de la défense eux-mêmes ont présenté une partie

4 de ces cassettes vidéo en tant qu'élément de preuve.

5 M. le Président (interprétation). - Eh bien, nous allons voir

6 quelles sont les positions des uns et des autres. Nous n'allons pas nous

7 prononcer immédiatement, nous n'allons pas prendre de décision tant que

8 tous les arguments ne sont pas présentés.

9 M. Niemann (interprétation). - Je suis cependant très perturbé

10 par le fait, Monsieur le Président, que vous ayez sous-entendu que je

11 n'étais pas franc et honnête dans ce que j'avançais, parce que je n'ai

12 certes pas l'intention de procéder de la sorte.

13 M. le Président (interprétation). - Peut-être me suis-je mal

14 fait comprendre, Maître Niemann.

15 Mon intention est la suivante : si l'argument avancé se fonde

16 sur le fait que ces cassettes proviennent toutes des locaux d'Inda-Bau,

17 c'est un problème tout différent de celui qui se poserait si nous étions

18 en train d'observer des cassettes qui n'ont pas été saisies.

19 Il y a peut-être eu d'autres copies qui auraient pu être faites

20 et qui auraient pu être diffusées ici, mais si l'argument se fonde sur le

21 fait que les cassettes ne proviennent pas des locaux, on ne peut pas se

22 baser sur l'ensemble des 54 cassettes qui ont été comptées, puisque le

23 fait même de les avoir comptées, la façon dont s'est déroulé ce décompte,

24 pose problème.

25 Il y a ce problème du décompte. S'agit-il de 51 ou de

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1 54 cassettes ?

2 M. Niemann (interprétation). - Je crois qu'il est nécessaire de

3 rendre le point suivant limpide : pour moi, il est très clair que ces

4 cassettes vidéo proviennent des locaux d'Inda-Bau. Jamais je n'ai

5 sous-entendu que ces vidéos provenaient d'autres lieux que ceux-là.

6 Ce qui a pu se produire, c'est que lorsque j'ai dit qu'elles

7 pouvaient éventuellement provenir d'autres lieux, quoi que j'ai pu dire

8 sur ce point, cela ne touche en aucun cas l'argument central.

9 Il est clair, de toute façon, que le témoin qui est venu

10 témoigner devant ce Tribunal a déclaré : "Oui, je me souviens de cet

11 événement, je me souviens avoir pris part à cet événement". Lorsque le

12 témoin dit : "Oui, il s'agit là d'une cassette qui fait état d'un

13 événement qui a bien eu lieu et auquel j'ai bien participé", la question

14 est très claire. Nous sommes dans cette situation-là. Vous n'avez pas à

15 vous préoccuper du problème du décompte des cassettes.

16 Le plus important pour moi, Madame et Messieurs les Juges, est

17 que jamais je n'ai affirmé que ces cassettes provenaient d'autres lieux

18 que les locaux d'Inda-Bau qui ont fait l'objet d'une perquisition.

19 Nous comprenons bien que ce problème du décompte des cassettes

20 vous trouble. Peut-être ce problème de décompte aurait-il pu avoir des

21 effets catastrophiques si, d'une part, les témoins n'avaient pas reconnu

22 qu'il y avait eu une erreur et si, d'autre part, un témoin n'était pas

23 venu et n'avait pas authentifié cette cassette.

24 M. le Président (interprétation). - Il n'est pas impossible que

25 cette cassette ne soit pas l'une de celles qui ont fait l'objet d'un

Page 8933

1 décompte. Si nous parlons de 51 cassettes, êtes-vous en train de dire

2 qu'il s'agit d'une cassette additionnelle ?

3 M. Niemann (interprétation). - Mais comment pourrais-je spéculer

4 sur la provenance de cette cassette ? Ce que je sais, c'est que sur le

5 compte rendu, les membres de la police autrichienne n'adoptent pas du tout

6 cette perspective. D'après eux, il y a eu erreur dans le décompte des

7 cassettes. C'est tout ce qu'ils disent. La raison pour laquelle j'ai fait

8 lecture du compte rendu, c'est que je voulais démontrer qu'il n'était pas

9 nécessaire de rappeler ces témoins à comparaître et de les faire témoigner

10 plus avant sur ce point.

11 M. le Président (interprétation). - Cela ne ferait aucune

12 différence. Ils ont été interrogés de façon extrêmement précise. Tout ce

13 qui s'est produit apparaît dans le Niederschrift et les cassettes ont été

14 comptées dans les locaux de la police. Cela est un fait établi. Ce n'est

15 pas au moment de la saisie qu'on a dit qu'il y en avait 54. Lorsqu'elles

16 ont été saisies, on disait qu'il y

17 en avait 51. Mais s'il y a eu mécompte, le mécompte a eu lieu sur les

18 lieux de la saisie et non pas dans les locaux de la police.

19 M. Niemann (interprétation). - Mais ce n'est pas ce que dit le

20 compte rendu, le témoignage. Le compte rendu déclare que l'erreur dans le

21 décompte des cassettes a eu lieu sur les locaux de la saisie de ces

22 cassettes et non pas dans les locaux de la police. C'est ce que dit le

23 témoignage.

24 M. le Président (interprétation). - Parfait. Vous pouvez

25 poursuivre. Il y aura réponse à ces arguments.

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1 M. O'Sullivan (interprétation). - Mais Monsieur le Président,

2 c'est une déformation des faits. Comment pouvons-nous dire qu'un officier

3 de police a reconnu qu'il y avait eu un mécompte qui a eu lieu sur les

4 lieux de la saisie ? C'est une mésinterprétation de ce qui figure dans le

5 compte rendu du témoignage de l'officier Navrat.

6 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas dit que c'était

7 l'officier Navrat, Monsieur le Président. Je me fonde sur ce qui apparaît

8 à la page 3740, ligne 11, du compte rendu.

9 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je crois

10 qu'il est important d'être très clair. M. Navrat ne s'est jamais distancié

11 de son rapport dans lequel il était stipulé qu'il y avait 51 cassettes. Il

12 n'a jamais dit : "Il y a eu erreur, j'étais très pressé et il y a eu

13 erreur". De plus, l'officier Mörbauer n'était pas là, et le fait qu'il ait

14 pu dire qu'il y avait eu erreur, au moment du décompte de ces cassettes,

15 n'a aucune importance étant donné qu'il n'était pas là au moment où ces

16 cassettes ont été comptées.

17 M. Navrat n'est jamais venu dire devant ce Tribunal qu'il avait

18 fait une erreur, qu'il était pressé et qu'il avait opéré un mauvais

19 décompte des cassettes. Il est toujours resté fidèle à son rapport et à ce

20 chiffre de 51. Voilà ce que dit le compte rendu.

21 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, autre

22 exemple d'une partie disant : "Cet élément de preuve est en notre faveur,

23 la Chambre d'instance doit donc

24 l'accepter"...

25 Comme je l'ai dit précédemment cette semaine, il y a un moment

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1 où la Chambre de première instance doit faire un choix quant à la

2 crédibilité des éléments qui sont présentés. Ce n'est pas parce que des

3 éléments de preuve nous sont favorables qu'ils sont forcément recevables

4 et forcément justes.

5 M. le Président (interprétation). - Maître Moran, lorsque le

6 conseil de l'accusation aura fini de présenter sont exposé, vous pourrez

7 répondre.

8 M. Niemann (interprétation). - Pour ce qui est de l'allégation

9 selon laquelle il y a eu mésinterprétation du compte rendu, non, ce n'est

10 pas vrai, il n'y a pas eu de déclaration directe de Navrat, mais il dit

11 bien que, lorsqu'il a été confronté au fait qu'il y avait trois cassettes

12 vidéo supplémentaires outre les 51 présentes, et lorsque la question lui a

13 été posée de savoir s'il acceptait cette possibilité, sa réponse a été :

14 "Tout est possible". Mais j'ai du mal à imaginer que cela ce soit produit.

15 Monsieur le Président, dans la cassette I-46 figure un passage

16 que Me Residovic a montré au témoin Divjak dans le cadre de son

17 témoignage. Au cours de son contre-interrogatoire, elle diffuse la

18 cassette et, à la page 8565, elle déclare : "J'aimerais que ce segment

19 soit marqué et que la cassette soit donnée à l'accusation dans le cadre de

20 ces 46 cassettes.".

21 Nous avons ensuite demandé qu'une cote soit attribuée à ce

22 document et il a reçu la cote D116/1. Puis la cassette est diffusée et

23 montrée au témoin Divjak. Ce document a été enregistré sous la

24 cote D116/1.

25 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je

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1 voudrais participer au débat à ce stade de la discussion mais je tiens à

2 dire d'emblée que cette façon de mettre en évidence une portion très

3 réduite d'une cassette que nous avons reçue de l'accusation et dont nous

4 ignorons la provenance et cette manière de démontrer son origine qui est

5 manifestée ce

6 matin ne me paraît pas acceptable. Nous avons reçu des dizaines de

7 cassettes de l'accusation, et avancer comme argument que nous avons vu une

8 séquence d'une cassette vidéo de la part de l'accusation ne répond donc

9 toujours pas à la question que vous vous posez, Monsieur le Président,

10 quant à l'origine de la cassette en question.

11 M. Niemann (interprétation). - Effectivement, si la défense

12 utilise cette cassette pour récuser le témoin, le disqualifier, lui

13 enlever sa crédibilité, cela signifie que c'est elle-même qui a accordé

14 une certaine crédibilité, au départ, à ces cassettes vidéo, sinon toute

15 l'action ne servirait à rien et ce ne serait qu'un moyen de mener la

16 Chambre de première instance sur une voie erronée, ce qui ne me paraît pas

17 utile.

18 Je parle donc de cette même séquence de la cassette vidéo qui a

19 été montrée au témoin, Branko Gotovac, au cours de son contre-

20 interrogatoire par Me McMurrey. J'aimerais vous rappeler ce fait.

21 Mais, Monsieur le Président, ceci n'est pas notre seule base

22 d'argumentation et j'insiste bien aujourd'hui pour dire que nous ne

23 mettons pas en cause le fait que ces cassettes viennent des locaux d'Inda-

24 Bau et de nulle part ailleurs ; le reste a été dit à titre

25 d'argumentation.

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1 Si nous prenons la page 3 du rapport d'interrogatoire de

2 Zejnil Delalic, nous voyons que l'enquêteur lui pose des questions

3 relatives à une interview qu'il avait accordée dans le cadre d'une

4 émission de la télévision zagreboise, "Slikom na sliku" ; j'en ai déjà

5 parlé précédemment. Vous vous souviendrez que nous avons déjà discuté du

6 fait de savoir si, oui ou non, il était à Zagreb au début du mois de mai.

7 En tout état de cause, on voit cette émission dans une partie de la

8 cassette vidéo I-46, pièce à conviction 116. Monsieur le Président, vous

9 avez un exemplaire de ce texte et je puis vous en remettre une copie ainsi

10 qu'une copie pour les Juges et une autre pour le Greffe.

11 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

12 M. Niemann (interprétation). - C'est une interview relativement

13 longue mais nous

14 n'en avons extrait que quelques parties dont nous avons l'intention de

15 nous servir dans ce procès. L'interview comporte deux parties : d'abord,

16 des images de l'émission "Slikom na sliku" puis une deuxième partie

17 intitulée "La guerre en Bosnie-Herzégovine". Ce texte se retrouve dans la

18 cassette vidéo et représente une partie très longue -trois heures environ

19 si je ne m'abuse- ; nous n'en avons donc extrait que des parties

20 relativement brèves qui ont une pertinence par rapport à la présentation

21 des arguments de l'accusation.

22 Cette cassette vidéo nous montre donc des images de l'interview

23 menée à Zagreb au mois de mai, date de l'interview de l'accusé

24 Zejnil Delalic dans le cadre de l'émission de télévision.

25 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

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1 M. Niemann (interprétation). - Oui, au début du mois de mai.

2 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

3 M. Niemann (interprétation). - Je ne vous ai pas entendu...

4 M. Jan (interprétation). - Lorsqu'il était coordinateur ?

5 M. Niemann (interprétation). - Oui, effectivement.

6 M. Jan (interprétation). - Lorsqu'il était coordinateur ou avant

7 sa nomination au poste de coordinateur ? Je pense que sa nomination date

8 du 12 mai.

9 M. Niemann (interprétation). - Excusez-moi, il faut que je

10 vérifie. C'est peut-être à la date de sa nomination en tant que

11 coordinateur ; en tout cas, il avait déjà une activité à Konjic à l'époque

12 où il travaillait pour l'armée.

13 Ce que je souhaite dire, eu égard à ce fait, c'est que

14 l'interrogatoire de Zejnil Delalic a été mené par les enquêteurs et que

15 des questions lui ont été posées au sujet de cette émission de télévision.

16 A la question "Quand ?", il répond à ce sujet : "Cela s'est passé au mois

17 de mai, lorsque je suis allé à Zagreb à des fins de logistique".

18 Question : "Au début du mois de mai, à la moitié du mois de mai ou à la

19 fin du mois de mai ?" Réponse : "Au cours de la première

20 quinzaine de mai". Question : "Quel était l'objet de cette interview ?".

21 Réponse : "Il y avait un groupe d'habitants de Konjic qui vivaient à

22 Zagreb. La guerre venait de commencer et ces personnes souhaitaient en

23 savoir plus quant à ce qui se passait à Konjic. Vous savez que Konjic est

24 à 350 kilomètres. Depuis le début de la guerre, ces personnes souhaitaient

25 des informations précises sur les événements en cours et le type de

Page 8939

1 coopération qui liait la Défense territoriale et le HVO". Question :

2 "Comment avez-vous été choisi pour cette interview ?". Et Zejnil Delalic

3 explique à ce moment-là qu'il venait de la région qui intéressait ces

4 personnes ; et je souhaite prouver, avec les arguments que je suis en

5 train d'avancer, que rien, dans le rapport de cet interrogatoire, ne

6 permet de penser que l'interview n'a pas eu lieu et que Zejnil Delalic n'y

7 a pas participé.

8 Comme je vous l'ai dit, Monsieur le Président, la cassette est

9 assez longue. Une séquence importante est intitulée : "La guerre en

10 Bosnie-Herzégovine".

11 Les enquêteurs poursuivent, comme nous le voyons en page 5 du

12 rapport de l'interrogatoire du 23 août 1996, en rapport avec l'équilibre

13 des forces, avec les événements de la guerre de Bosnie-Herzégovine.

14 Les questions sont les suivantes : "Question de l’enquêteur :

15 Est-ce que le journaliste est le même que celui qui vous a dit, à un autre

16 moment, que vous étiez à un poste de direction lorsque la caserne de

17 Celebici a été libérée ?". Cette phrase se retrouve en page 5, Monsieur le

18 Président.

19 "Réponse de l’accusé : Je ne comprends pas de quel autre

20 contexte vous parlez.

21 Question : Parce que sur l'une des cassettes vidéo saisies à

22 Vienne, le 18 mars 1996, il y a une séquence où vous déclarez être le chef

23 d'un groupe qui a libéré la caserne de Celebici, et que vous étiez la

24 personne qui a organisé la prison en la transformant de caserne en prison.

25 Ceci est dit par un journaliste, sur la cassette vidéo que nous avons

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1 saisie, une vidéo intitulée : La guerre en Bosnie-Herzégovine." ; le titre

2 est cité.

3 Il déclare à ce moment-là : "Ce que je vous demande, c'est si

4 cette cassette vidéo n'est pas simplement un commentaire tapé à la machine

5 ou enregistré entre deux séquences, ou bien diffusé en direct ou

6 enregistré ?".

7 L'enquêteur ajoute : "C'est une cassette vidéo qui comporte

8 plusieurs séquences de la télévision. Ma question consiste à vous demander

9 si c'est simplement un journaliste qui profère une déclaration selon

10 laquelle vous seriez un dirigeant de haut rang de la région de Konjic à

11 l'époque en avril-mai ?".

12 L'accusé répond, en rapport avec cette question : "La cassette

13 vidéo à laquelle vous faites référence a été filmée un an plus tard à

14 Vienne.".

15 J'ai besoin d'un éclaircissement à ce sujet. Monsieur le

16 Président, vous noterez qu'il y a deux parties dans cette cassette vidéo.

17 Une partie enregistrée à partir de l'émission de télévision de Zagreb en

18 mai 1992. Et une autre partie, beaucoup plus longue, qui a pour titre : La

19 guerre en Bosnie-Herzégovine. C'est de cette deuxième partie que l'accusé

20 vient de parler dans les propos que je viens de citer.

21 Concernant cette deuxième partie de la cassette vidéo, il

22 déclare : "La cassette vidéo, dont vous parlez, a été filmée un an plus

23 tard à Vienne, et tous les commentaires que je fais dans ce film, entre

24 les séquences, sont des inventions. Vous pouvez les oublier. Ces

25 commentaires ont été faits par des personnes présentes dans les locaux

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1 d'un club bosniaque à Vienne."

2 Pour ce qui me concerne, Monsieur le Président, j'insiste sur un

3 point : nous ne demandons le versement au dossier d'aucune partie de cette

4 cassette vidéo. Il a été dit que nous exagérions, mais la seule partie qui

5 nous intéresse est celle où l'on voit l'accusé, en personne, en train de

6 parler. Je ne cherche pas à verser au dossier de ce procès des

7 commentaires formulés par des journalistes ou par des tiers.

8 Dans les extraits que nous vous avons remis, nous avons pris le

9 plus grand soin de

10 retirer les séquences qui ne montrent pas l'accusé en train de parler.

11 Je poursuis. L'enquêteur continue son interrogatoire et demande

12 -nous voyons cela en bas de page- : "Qui a tourné cette vidéo : La guerre

13 en Bosnie-Herzégovine ?".

14 L'accusé répond : "Diverses séquences viennent de divers

15 endroits. Certaines séquences sont filmées en vidéo et d'autres filmées à

16 la télévision. Quant aux séquences dont vous parlez en ce moment, elles

17 ont été filmées dans une association culturelle de Bosniaques à Vienne."

18 Monsieur Président, à aucun endroit, en réponse aux questions

19 posées à ce sujet, l'accusé ne répond : "Si vous dites que vous avez

20 retrouvé cela dans les locaux de Vienne, c'est une erreur, vous vous êtes

21 trompé, il y a un problème." A aucun endroit, l'accusé ne déclare que

22 c’est un montage fait de toutes pièces par les policiers ou par quiconque.

23 On aurait pu s'attendre, si tel avait été le cas, que l'accusé le dise.

24 S'il y avait eu un problème à ce niveau, on peut s'attendre à ce que

25 l'accusé le fasse savoir.

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1 Bien au contraire, il reconnaît la première partie de la

2 cassette vidéo, celle qui porte sur l'émission de télévision de Zagreb en

3 mai 1992, et, à ce sujet, il dit : "Oui, tout à fait" et il explique

4 quelle a été sa participation à cette émission.

5 S'agissant de la partie de la cassette concernant la guerre en

6 Bosnie-Herzégovine, il répond que certaines séquences ont été tournées par

7 des journalistes et que d'autres manquent de précision ou ne sont pas

8 fidèles à la réalité. Nous ne demandons pas, Monsieur le Président, le

9 versement au dossier de cette partie de la cassette.

10 En tout état de cause, dans cette cassette vidéo, Monsieur le

11 Président, je dis que nous avons un élément de preuve parfait, idéal, car

12 il nous vient de l'accusé lui-même. Je le répète, c'est donc un élément de

13 preuve idéal.

14 Rien n'est dit sur le fait que cette cassette vidéo n'aurait pas

15 été retrouvée dans les locaux de Vienne, ou que l'accusation, la police ou

16 qui que ce ce soit d'autre, inspiré par une

17 volonté malveillante, ait pu faire quoi que ce soit de répréhensible, eu

18 égard à cette cassette.

19 Nous disons donc, Monsieur le Président, que cette cassette est

20 un élément de preuve recevable et pertinent. Nous disons que la première

21 séquence de cette cassette est pertinente, car nous y voyons ce que

22 faisait l'accusé au début de la guerre, c'est-à-dire dans la première

23 moitié de mai 1992. Nous le voyons au cours d'une interview accordée à la

24 télévision de Zagreb. Il y est fait référence au fait que la caserne de

25 Celebici est transformée en une autre installation.

Page 8943

1 Il y est aussi fait référence à un ultimatum adressé à la JNA et

2 dans lequel l'accusé lui-même a joué un certain rôle. Cela figure dans le

3 rapport de l'interrogatoire.

4 Il y est fait référence également au commandement conjoint du

5 HVO avec l'armée de Bosnie-Herzégovine. Vous en avez entendu abondamment

6 parler, Monsieur le Président, au cours des dépositions.

7 La cassette vidéo en question contient, en outre, la séquence à

8 laquelle je vous ai déjà renvoyée, dans laquelle un nom de code est

9 utilisé Oganj ou feu, en anglais. Ceci fait également partie de la vidéo

10 dont je suis en train de vous parler. Sur la base de tous ces éléments,

11 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Juges, en

12 raison du fait que l'accusé lui-même a parlé de cette vidéo sans en

13 contester l'existence, nous affirmons que cette vidéo est pertinente, nous

14 affirmons qu'elle est authentique. Nous affirmons qu'il convient de

15 l'accepter en tant que pièce à conviction.

16 Voilà, Monsieur le Président, ce que je voulais dire et les

17 arguments que je voulais présenter.

18 M. Greaves (interprétation). -°Pourrais-je demander à mon

19 collègue de bien vouloir reprendre un élément qu'il vient de mentionner

20 dans la séquence 8 ?

21 Dans le texte, cela figure dans les deux dernières lignes.

22 Apparemment, deux

23 personnes différentes utilisent le nom de code Oganj. Mon collègue

24 pourrait-il m'expliquer quel effet cela a sur la déclaration qu'il vient

25 de faire -et je ne parle pas de preuve- selon laquelle le terme Oganj ne

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1 serait utilisé que pour désigner Zejnil Delalic ?

2 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

3 M. Greaves (interprétation). - Dans le document, il n'y a que le

4 terme Oganj. Nous ne savons pas à qui il est fait référence.

5 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

6 M. Greaves (interprétation). - Le problème, c'est que deux

7 personnes utilisent le nom de code d'Oganj ; et que nous ne trouvons, dans

8 le texte, que le terme Oganj, sans aucune mention de la personne à

9 laquelle ce terme est associé.

10 M. Niemann (inteprétation). - Nous disons qu'Oganj est l'accusé

11 Zejnil Delalic parce que c'est ce qui est dit dans le texte. L'accusé

12 lui-même déclare : "002, est-ce que vous m'entendez ? Oganj appelle Oganj

13 à l'appareil".

14 M. Greaves (interprétation). -°Oui, mais le document ne dit pas

15 quel Oganj cela concerne, ni à quelle personne ce terme est associé.

16 Me Niemann (interprétation). -°Le document parle d'Oganj 1,

17 c'est en tout cas ce que nous affirmons.

18 M. Greaves (interprétation) - Ce n'est pas ce qui est écrit dans

19 le texte, le terme Oganj est simplement utilisé.

20 M. Niemann (interprétation). - Bien entendu.

21 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, eu

22 égard à ce débat, je voudrais simplement attirer votre attention sur un

23 point qui ne devrait pas nous induire en erreur.

24 Il est exact qu'au cours de l'interview de M. Delalic, un

25 certain nombre de sujets ont été discutés. Je dois dire que l'accusation

Page 8945

1 nous a remis 80 cassettes vidéo, certaines très

2 intéressantes, d'autres qui traitent des problèmes de la guerre.

3 L'accusation à présenté une cassette particulière, intitulée

4 "Slikom na sliku". Mon client, au cours de l'interrogatoire, a discuté de

5 cette émission, ainsi que de la cassette dont le versement est demandé

6 aujourd'hui au dossier.

7 Mais, parmi les 80 cassettes que l'accusation nous a remises, un

8 assez grand nombre abordent les problèmes liés à la guerre. Mon client a

9 pu en voir un certain nombre, mais jamais vu la cassette dont nous venons

10 de parler ; il n'a pas non plus identifié cette cassette.

11 Par conséquent, l'interrogatoire de mon client, au cours duquel

12 il a abordé un certain nombre de thèmes, ne peut pas servir de base au

13 versement au dossier d'une cassette vidéo dont nous ne connaissons pas

14 l'origine.

15 Et puis, il y a également ce qui a déjà été dit, y compris par

16 M. Delalic. Pas mal de gens ont filmé les événements de la guerre et fait

17 des commentaires à propos de ce qui figurait sur ces images.

18 Nous allons parler maintenant de l'utilisation du terme d'Oganj

19 qui s'applique à plusieurs personnes inconnues, Me Greaves vient d'attirer

20 votre attention sur ce point, ce qui me paraît tout à fait capital. Cette

21 utilisation du terme Oganj ne peut, en aucun cas, servir de base à la

22 recevabilité en tant que pièce à conviction de ce procès d'une cassette

23 vidéo que mon client n'a jamais vue.

24 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, la

25 cassette vidéo se compose de deux séquences. Comme je crois l'avoir déjà

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1 expliqué, l'une porte sur la guerre en Bosnie-Herzégovine, l'autre sur

2 l'émission diffusée par la télévision zagreboise intitulée "Slikom na

3 sliku".

4 C'est donc une cassette vidéo unique, divisée en deux parties.

5 Elle est évoquée à la page 5 de la transcription de l'interrogatoire où il

6 était question de la guerre en Bosnie-Herzégovine.

7 L'enquêteur déclare : "Une cassette vidéo a été saisie à Vienne,

8 le 18 mars 1996", et il y a une séquence sur cette cassette vidéo.

9 Il poursuit : "Mais il n'y a aucun doute sur cette transcription

10 de l'interrogatoire quant au fait que le sujet a bel et bien été abordé

11 par l'enquêteur lorsqu'il s'est adressé à l'accusé dans le cours de

12 l'interrogatoire".

13 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, c'est

14 vous qui avez posé la question intéressante.

15 Vienne est un concept très large. Ici, nous parlons de cassettes

16 vidéo prétendument saisies dans les locaux d'Inda-Bau.

17 Quant à l'interrogatoire ou à la discussion au sujet des

18 événements de la guerre avec mon client, ils n'ont aucune incidence et ne

19 permettent en aucun cas de recevoir cette cassette vidéo en tant que pièce

20 à conviction dans le procès.

21 Il y aurait un moyen très propre et très honnête de le faire

22 pour l'accusation, prouver l'origine de chacun des éléments de preuve

23 soumis à ce dossier, et le faire par l'intermédiaire d'un témoin auquel

24 des questions seraient posées.

25 Si mon client est interrogé à ce sujet, il pourra sûrement

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1 répondre à propos des événements de la guerre, mais l'opération qui est

2 menée en ce moment n'est pas honnête. Merci.

3 M. Niemann (interprétation). - Les documents et les éléments qui

4 sont soumis à d'autres chambres de première instance, dans d'autres

5 procès, l'ont été d'une manière tout à fait comparable ; ce que vient de

6 dire ma collègue est donc inexact.

7 M. le Président (interprétation). - Est-ce que ce sont vos

8 derniers arguments au sujet des cassettes ?

9 M. Niemann (interprétation). - Oui, j'ai discuté de tous les

10 éléments saisis à Vienne.

11 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

12 M. Greaves (interprétation) - Monsieur le Président, je vais

13 vous prier de manifester quelque indulgence à mon égard ce matin ; je

14 parlerai beaucoup plus brièvement que mon collègue.

15 J'espère ne pas dépasser une heure, mais j'aimerais parler sans

16 interruption, c'est-à-dire ne pas être interrompu par la pause qui va

17 survenir dans quelques minutes en raison du fait que M. Landzo doit voir

18 le médecin.

19 Je vous prierai donc, Monsieur le Président, d'avoir

20 l'obligeance et l'amabilité de bien vouloir me redonner la parole à

21 14 heures 30 de telle sorte que mon exposé ne soit pas interrompu.

22 M. le Président (interprétation). - Cela vous convient-il ?

23 M. Greaves (interprétation) - Cela me convient. Merci beaucoup,

24 Monsieur le Président.

25 M. Jan (interprétation). - La séquence 10 me paraît importante,

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1 dans cette dernière cassette dont nous venons de parler.

2 Il est question de l'interview par Milosevic et Maric, deux

3 journalistes. Avez-vous vu cette séquence ? Qui affirme qu'elle a été

4 filmée dans le camp de Celebici ?

5 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Juge, vous parlez de

6 la deuxième séquence ?

7 M. Jan (interprétation). - Non, de la séquence n° 10.

8 M. Niemann (interprétation). - Parlez-vous de la séquence 10 ?

9 M. Jan (interprétation). - Oui. Nous lisons dans le compte

10 rendu : "Scènes reprises de la télévision et concernant la prison de

11 Celebici, préparée par Jadranka Milosevic et Zvonko Maric".

12 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, la

13 séquence où il est dit que M. Delalic est debout avec une femme qui

14 l'interroge à côté d'un arbre dans le camp ?

15 M. Jan (interprétation). - Oui, effectivement. Il y est dit que

16 les scènes viennent de la prison de Celebici.

17 M. Niemann (interprétation). - Me demandez-vous pourquoi nous

18 disons que cela a été tourné dans la prison de Celebici ?

19 M. Jan (interprétation). - Effectivement.

20 M. Niemann (interprétation). - Je pense que c'est seulement la

21 première partie qui concerne la prison de Celebici.

22 Mme Odio-Benito (interprétation). - Je crois que nous avons vu

23 cette séquence.

24 M. Jan (interprétation). - Non, pas celle-ci.

25 Mme Odio-Benito (interprétation). - Je crois que nous l'avons

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1 vue.

2 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, si je puis

3 me permettre d'interrompre un instant, il est possible qu'il y ait une

4 erreur.

5 Me McHenry est en train de m'en parler et je devrais peut-être

6 effectuer un certain nombre de vérifications. Au retour dans le prétoire,

7 nous pourrons vous donner des détails supplémentaires, notamment s’il y a

8 effectivement une erreur.

9 M. Jan (interprétation). - Lorsque l'accusé a été interrogé par

10 les représentants du Bureau du Procureur, l’a-t-il été au sujet de cette

11 séquence particulière ? E, si oui, qu'a-t-il dit dans ce cas ?

12 M. Niemann (interprétation). - Non, il n'a pas été interrogé au

13 sujet de cette séquence particulière.

14 M. Jan (interprétation). - Mais je suppose qu'il a été interrogé

15 sur les différentes séquences de la cassette ? Pouvez-vous vérifier ce

16 qu'il a dit au sujet de cette séquence particulière ?

17 M. Niemann (interprétation). - Je vais vérifier.

18 Mme Residovic (interprétation). - Puis-je vous aider ?

19 M. le Président (interprétation). - Avez-vous des explications

20 au sujet de la séquence 10 ?

21 Mme Residovic (interprétation). - Oui.

22 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

23 Mme Residovic (interprétation). - Eh bien, je crois qu'il est

24 tout à fait intéressant que le Juge Jan ait remarqué cette séquence. Je

25 pense que c'est une bonne preuve du fait qu'elle est non pertinente, en

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1 tout cas en ce qui concerne son origine.

2 Nous avons présenté cette séquence, cette cassette à deux

3 témoins, le médecin Grubac et un témoin protégé. Les deux médecins -car

4 ils étaient tous les deux médecins- ont dit, dans leur déposition, qu'à

5 l'époque de l'interview Zejnil Delalic n'était pas présent.

6 Par conséquent, l'élément de preuve présenté devant ce Tribunal

7 remet en cause leur déposition, la fiabilité des éléments de preuve

8 présentés de la manière dont cette cassette vidéo nous est présentée. Je

9 tiens à le souligner.

10 M. le Président (interprétation). - Nous allons maintenant

11 suspendre l'audience. Nous reprenons à 14 heures 30.

12 L'audience est suspendue à 11 heures 25

13 L'audience est reprise à 14 heures 40.

14 M. Neimann (interprétation). - Juge Jan, je voulais tirer au

15 clair quelques questions relatives à la dernière séquence de vidéo dont

16 j'ai demandé le versement. J'avais déjà parlé du P116 et de la séquence 10

17 de cette cassette -on en a discuté et la minute de cet interrogatoire le

18 montre- en date des 18 et 19 mars 1996, pages 51 et 52, ainsi qu'à la

19 page 55.

20 Le témoin convient du fait qu'il a participé à l'interrogatoire

21 mais il a dit qu'il n'était pas là au moment où les images ont été

22 filmées. Il est allé au camp ; le tournage du film se faisait au camp et,

23 d'après lui, il y a participé mais il était rentré chez lui au moment du

24 tournage de ces images. Il semble y avoir une certaine confusion et, pour

25 surmonter tout problème, nous demanderons que les termes "dans le camp"

Page 8951

1 soient supprimés. Il y a eu effectivement discussion avec lui, il est

2 retourné au camp mais il se peut que le tournage n'ait pas eu lieu à ce

3 moment-là.

4 M. Ackerman (interprétation). - J'avais cru comprendre de la

5 part de Me Niemann, lorsqu'il a commencé à nous présenter les cassettes

6 vidéo, que les comptes rendus n'étaient là qu'à titre d'aide-mémoire. Le

7 fait de supprimer quelque chose de cet aide-mémoire ne correspond peut-

8 être pas à sa présentation.

9 Je pensais que vous alliez vous aussi les utiliser en tant

10 qu'aide-mémoire comme l'avait proposé Me Niemann, mais ceci ne relève pas

11 du dossier d'audience. J'espère avoir compris.

12 M. Niemann (interprétation). - Oui, il a aussi tout à fait

13 raison à propos de la suppression. Si on laisse entendre que l'accusation

14 veut affirmer que la vidéo porte sur les images filmées dans le camp avec

15 l'accusé, M. Delic, ce n'est pas ce que nous disons ; nous ne présentons

16 pas une telle hypothèse.

17 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

18 C'est la raison. Vous avez dit à juste titre qu'il faudrait

19 supprimer les termes "dans le

20 camp".

21 (Hors micro.)

22 M. Niemann (interprétation). - Il faudra effectivement voir le

23 compte rendu de cet interrogatoire ; c'est assez long mais il ne fait pas

24 l'ombre d'un doute qu'il s'est rendu au camp ce jour-là.

25 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Maître

Page 8952

1 Greaves ?

2 M. Greaves (interprétation) - Bon après-midi. Puis-je

3 commençer ?

4 M. le Président (interprétation). - Oui.

5 M. Greaves (interprétation) - La question est importante eu

6 égard au temps que nous y avons consacré. Si vous me le permettez, cet

7 après-midi, Madame et Messieurs les Juges, je voudrais vous faire part de

8 quelques remarques d'ordre plus général qui porteront sur la nature de

9 l'exercice que vous invite à faire l'accusation en vous soumettant ce

10 document. Ce faisant, j'espère raviver votre mémoire ; ce n'est pas

11 nécessaire mais je le ferai un peu contre votre gré. Je vais vous remettre

12 en mémoire quelques points fondamentaux de droit, ce qui faisait défaut

13 jusqu'à présent dans les interventions de l'accusation.

14 Il y a un certain temps de cela, au cours de l'été, alors que le

15 soleil brillait encore et qu'il faisait chaud, une requête a été déposée

16 qui portait sur la question du contre-interrogatoire, question qui a été

17 abordée par un échange d'arguments écrits et oraux. L'argument a été bien

18 plaidé des deux côtés par les deux parties mais un aspect tout à fait

19 révélateur est apparu à cette occasion et refait surface ici.

20 Voilà ce que nous disons : l'argument présenté à cette occasion

21 a apporté la preuve de ce que l'accusation se préoccupait peu, en réalité,

22 de la façon dont étaient menés les contre-interrogatoires. Il se peut fort

23 bien que l'accusation se soit rendu compte que ses témoins ne s'en

24 sortaient pas nécessairement bien dans ce processus de contre-

25 interrogatoire.

Page 8953

1 Vous vous souviendrez qu'au cours de la présentation des

2 arguments, l'accusation a,

3 en fait, laissé entendre qu'il ne faudrait pas qu'il y ait des contre-

4 interrogatoires par surprise mais je vous ai rappelé que tout

5 interrogatoire implique surprise. Vous avez donné votre avis à cette

6 occasion sur le contre-interrogatoire tel qu'il devait se présenter et

7 j'espère que les règles que vous avez énoncées on été appliquées par nous

8 tous. Me Niemann nous a présenté ses arguments et, à ce propos,

9 j'avancerai ceci : l'accusation n'a pas pris ce revers sans se rebeller

10 et, apparemment, cet exercice qu'on vous demande de faire montre la façon

11 dont l'accusation croit pouvoir faire verser au dossier des éléments de

12 preuve sans qu'il y ait de contre-interrogatoire. Il ne s'agit pas

13 d'éléments de preuve périphériques ; l'accusation dit que ce sont des

14 éléments centraux, vitaux, pour sa stratégie, que c'est important pour

15 vous et, sous cet angle, il s'agit donc d'éléments de preuve importants.

16 Quand on pense à l'importance qu'accorde l'accusation à ces documents et à

17 la façon assez désinvolte dont on vous a demandé de recevoir ces éléments

18 de preuve, vous verrez que le processus impliqué est important. Nous

19 disons que la façon dont l'accusation vous invite à y procéder est tout à

20 fait injuste.

21 Que fait l'accusation ? Elle vous présente une procédure qui

22 fait qu'elle n'a pas à recourir à des méthodes qui signifieraient qu'on

23 fasse comparaître un témoin. Si on fait comparaître un témoin qui va

24 donner des informations sur les documents et les événements, ceci présente

25 des inconvénients parce qu'il y a contre-interrogatoire et il pourra

Page 8954

1 apparaître que les éléments de preuve ne sont pas du tout fiables ni

2 pertinents. Etant donné la façon dont on vous demande d'accepter le

3 versement au dossier de ces documents, c'est un peu comme si l'on donnait

4 une possibilité d'avancer et, par cette procédure que l'on utilise, il

5 faut revoir le règlement.

6 Je vais citer les articles 20 et 21 du Statut et deux articles

7 du Règlement, 89 et 95.

8 Je voudrais d'abord bien identifier trois types de documents

9 dont on parle dans cette procédure. Il y a d'abord les documents qui

10 apparemment seraient écrits par quelqu'un mais qui n'est pas partie à la

11 procédure et qui n'a pas non plus été cité comme témoin ; il y a ensuite

12 des

13 documents qu'on ne peut attribuer à personne parce qu'ils ne sont pas

14 signés ; et il y a enfin, des documents qui, apparemment, seraient de la

15 main de l'un des accusés.

16 Pour ce qui est de cette partie de l'argumentation, je

17 m'intéresserai uniquement à la première et à la troisième catégories. A la

18 lumière des points de droit que je vais illustrer, je vais avancer des

19 hypothèses à propos de ces documents.

20 Je parle de la première catégorie de documents, ceux qui

21 seraient le fait de quelqu'un qui n'est pas un accusé, qui n'est pas

22 partie à l'affaire et qui n'a pas été cité comme témoin.

23 Examinons un instant la nature de l'information qui est contenue

24 dans ces documents. C'est un récit d'événements ; c'est une présentation

25 de personnalités et d'événements qui se seraient produits en Bosnie

Page 8955

1 en 1992.

2 Dans la mesure où c'est véritablement un récit de tels

3 événements, ce n'est effectivement qu'un morceau d’ouï-dire, d'éléments de

4 preuve de ouï-dire, mais avec plusieurs distinctions :

5 La première distinction manifeste est celle-ci : il n'y a pas de

6 témoin qui vient vous relater les événements. Vous n'avez jamais

7 l'occasion de voir, d'entendre le témoin, d'estimer, par son comportement,

8 s'il est digne de foi. Tout aussi important est le fait que la défense n'a

9 jamais l'occasion de voir ni d'entendre ce témoin et de voir les

10 documents. Celui qui fait la déclaration n'est pas soumis à un

11 interrogatoire pour voir quelle est l'authenticité et la véracité de ce

12 qu'il raconte dans ce document.

13 J'en conclus ceci : les faits allégués et présentés dans les

14 documents ne font l'objet d'aucun examen critique, et nous n'avons pas la

15 moindre possibilité de vérifier l'exactitude, la fiabilité et vraiment la

16 solidité du document.

17 Nous estimons respectueusement que le fait de verser de tels

18 documents au dossier représenterait une violation flagrante des deux

19 articles du statut que j'ai mentionnés. En vertu de l'article 89(D) et de

20 l'article 95 du Règlement, vous devriez refuser le versement de ces pièces

21 au

22 dossier.

23 Je prends un certain temps pour le dire, mais c'est important.

24 J'aimerais vous rappeler des points de droit :

25 Tout d'abord l'article 20 du Statut, premier paragraphe.

Page 8956

1 L'intitulé concerne l'ouverture et la conduite du procès. Voici ce qu'il

2 dit : "La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit

3 équitable et rapide et à ce que l'instance se déroule conformément aux

4 règles de procédure et de preuve, les droits de l'accusé étant pleinement

5 respectés".

6 Vous aurez remarqué, Madame et Messieurs les Juges, que ce sont

7 des termes qui sont obligatoires et qui ont force de loi puisqu'on dit

8 qu'ils veillent à ce que le procès soit équitable. Ce sont des

9 formulations très affirmatives et il n'y a donc aucune ambiguïté quant à

10 la condition qui vous est imposée de mener à bien cette tâche.

11 Je passe maintenant à l'article 21 du Statut, le second

12 paragraphe de celui-ci : "Toute personne contre laquelle des accusations

13 sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement en

14 vertu des dispositions de l'article 22" où on parle de la protection des

15 victimes et des témoins.

16 Je passe maintenant au 21(IV) : "Toute personne contre laquelle

17 une accusation est portée en vertu du présent statut a droit, en pleine

18 égalité, au moins aux garanties suivantes : (E) à interroger ou faire

19 interroger les témoins à charge". Ce sont donc des termes qui ont un

20 caractère tout à fait obligatoire. C'est une obligation qui vous est

21 imposée d'exécuter ces obligations.

22 En fait, l'accusation vous invite à un stratagème : en demandant

23 le versement de ces documents, l'accusation présente des reçus de tiers

24 qui ne peuvent jamais être contestés d'aucune façon ni vérifiés en contre-

25 interrogatoire. Après tout, on ne peut pas contre-interroger un document,

Page 8957

1 n'est-ce pas ?

2 Nous estimons que ceci est en violation des conditions du 21(IV)

3 (E) qui autorise

4 l'accusé à interroger ou faire interroger le témoin à charge. On vous

5 présente des récits qui ne font l'objet d'aucun examen critique. Si ces

6 documents étaient autorisés, ils auraient pour effet de priver chacun des

7 accusés des droits qui lui sont garantis, à savoir de contre-interroger

8 les témoins à charge.

9 Nous estimons que ceci montre qu'il y a une inéquité, une

10 injustice inhérente dans l'exercice qu'on vous demande d'exécuter.

11 S'il fallait s'en convaincre davantage, il suffirait d'examiner

12 les termes des règles 89 et 95 du Règlement. Le paragraphe (B) de

13 l'article 89 : "La Chambre applique les règles d'administration de la

14 preuve propres à parvenir, dans l'esprit du statut et des principes

15 généraux du droit, à un règlement équitable de la cause".

16 Nous estimons que les articles relatifs à l'administration de la

17 preuve devraient être en harmonie avec l'esprit du Statut, et le statut

18 est clair, sans ambiguïté : si quelqu'un fait le récit d'un événement, il

19 faut qu'il y ait possibilité de contre-interrogatoire. Si ce droit n'est

20 pas accordé, on ne peut pas dire que cet article du règlement soit en

21 harmonie avec l'esprit du Statut. Je parle, bien sûr, du paragraphe (C)

22 -vous le connaissez bien- qui parle de la valeur probante des éléments de

23 preuve.

24 Au (D), on dit que la Chambre peut exclure tout élément dont la

25 valeur probante est largement inférieure à l'exigence d'un procès

Page 8958

1 équitable. Le dernier segment de la phrase montre clairement les

2 obligations qui vous sont imposées, et le 89 (E) vous autorise à demander

3 à vérifier l'authenticité de tout élément de preuve obtenu hors audience.

4 Manifestement, nous parlons là de documents qui sont obtenus

5 hors audience, et je vous rappelle les pouvoirs qui vous sont conférés. Ce

6 ne sont pas des pouvoirs qui sont là simplement pour orner l'article. Non,

7 ces pouvoirs sont là pour veiller à ce que, lorsque la question de

8 l'authenticité ou de la véracité se pose, vous disposiez des pouvoirs

9 nécessaires pour que tout soit démontré en matière d'authenticité.

10 Article 95 : la forme est aussi obligatoire. Les termes sont

11 forts : "N'est recevable aucun moyen de preuve obtenu par des moyens qui

12 entament fortement sa fiabilité ou si son admission irait à l'encontre

13 d'une bonne administration de la justice et lui porterait gravement

14 atteinte".

15 Si vous examinez de concert ces deux articles du Règlement et

16 les articles du Statut, vous avez le fondement nécessaire pour affirmer

17 ceci : il faut avoir des règles et articles adéquats pour prouver la

18 recevabilité des éléments de preuve. Il y a d'abord l'authentification

19 pour prouver la fiabilité, et c'est seulement alors qu'une Chambre peut

20 passer à la phase de l'appréciation de la valeur probante.

21 La même chose pourrait se dire, à quelques faibles distinctions

22 près, pour ce qui est de la troisième catégorie de documents, ceux dont

23 nous pensons qu'ils ne présentent pas la moindre preuve. Rien ne prouve

24 que les documents de l'accusation soient vraiment de la main des accusés,

25 mais supposons un instant que ce soit un document de l'accusé.

Page 8959

1 Le même argument s'applique. Je ne vais pas vous faire

2 reparcourir les articles du Statut et du Règlement, mais je me permets de

3 vous rappeler le 21 (G) qui dit qu'un accusé ne peut pas être obligé à

4 témoigner contre lui-même. Quelle est la conséquence de ce paragraphe ?

5 Voici un exemple flagrant. Si ces documents étaient considérés comme

6 recevables, notamment le 130, cela permettrait à l'accusation de faire

7 entrer au dossier un récit de la main de l'accusé qui n'aurait pas fait

8 l'objet de contre-interrogatoire.

9 Nous estimons que, là aussi, il y a violation flagrante des

10 articles auxquels j'ai fait référence. Etant donné les articles 89 (D)

11 et 95, ces documents doivent être exclus. Je reviens à mon point de départ

12 et j'avancerai respectueusement que c'est la façon par laquelle

13 l'accusation vous fait parvenir des documents qui n'ont pas été vérifiés

14 et qui ne peuvent pas l'être. Il est impossible de contre-interroger un

15 document. J'arrive à l'exemple spécifique qui montre, de façon patente, ce

16 que recherche l'accusation. Rappelez-vous, à l'examen des documents qui

17 vous

18 ont été présentés, le nom de Esad Ramic. C'est un nom qui apparaît

19 fréquemment dans ces documents. Vous avez peut-être d'autres raisons de

20 vous souvenir de M. Ramic.

21 Nous affirmons que cet exemple prouve que ce que l'accusation

22 essaie en fait c'est d'étouffer le contre-interrogatoire, de priver

23 l'accusé ou les accusés de leurs droits. Il ne faut pas aller très loin

24 pour trouver de nombreuses références à ce M. Ramic, des références à des

25 événements auxquels apparemment il a participés et à propos desquels on

Page 8960

1 pourrait s'attendre que M. Ramic ait un souvenir très précis.

2 Remontons quelques semaines en arrière. Vous vous souviendrez de

3 la demande déposée devant cette Chambre, une requête aux fins de

4 l'obtention d'une injonction au nom de M. Ramic, qui disait être incapable

5 de comparaître. Il est venu à La Haye, après que vous ayez rendu votre

6 décision et accordé l'injonction, nous ne le savons pas parce qu'il n'a

7 jamais déposé, nous ne savons pas si lui comme d'autres, tout au long,

8 étaient disposés à comparaître et si les informations données par mon

9 confrère étaient aussi erronées.

10 Mais il était ici, il était quelque part derrière cette porte,

11 il était à disposition. Il aurait pu être appelé à la barre par

12 l'accusation. Des questions auraient pu être posées à cet homme à propos

13 de ces documents. Il aurait pu comparaître à titre de témoin, authentifier

14 les événements relatés dans ces documents, il était prêt à déposer.

15 Qu’a fait l'accusation ? Elle a dit qu'elle pouvait se passer de

16 lui et de son témoignage. Elle l'a renvoyé chez lui sans aucun

17 interrogatoire principal ni de contre-interrogatoire. L'accusation l’a

18 renvoyé chez lui parce qu'elle pouvait se passer de son témoignage. Nous

19 estimons que c'est là une indication très claire de la façon dont

20 l'accusation aurait pu attester de la véracité de ces documents et le fait

21 qu'elle répugnait à le faire.

22 Une autre façon s'offrait à l'accusation. Elle aurait pu

23 présenter les documents aux juges et dire que ces documents étaient

24 authentiques. De cette façon, personne n'aurait pu contester

25 l'authenticité de ces documents. J'aimerais aussi apporter d'autres

Page 8961

1 éléments d'ordre

2 général, mais qui porteront sur un grand nombre d'arguments. Tout d'abord,

3 des documents produits par quelqu'un qui n'est pas partie au procès ni un

4 témoin. Dans la plupart des cas, aucune preuve n'est apportée de ce qu'il

5 s'agit bien d'un document authentique, de ce que ce document est bien

6 rédigé par la personne dont on voit la signature au bas de ce document.

7 Il n'y a pas la moindre preuve du moindre élément. Pour ce qui

8 est de documents dont l'auteur n'est pas connu, on ne peut rien dire à ce

9 moment, on ne peut même pas dire ni commencer à dire s'il y a un

10 quelconque degré de fiabilité. C'est impossible de prouver l'exactitude,

11 la fiabilité et la valeur probante qui sont les critères, à notre avis,

12 que vous devriez appliquer, Madame et Messieurs les Juges.

13 Pour ce qui est de documents qui auraient été produits par un

14 des accusés, il n'y a pas la moindre once de preuve qui montrerait que

15 ces documents sont bien de la main des accusés. Je vais donner un exemple

16 très simple des choses erronées qui vous sont proposées : on dit que

17 certains documents auraient été écrits par M. Delalic. On dit qu'il les a

18 écrits parce qu'il y a un nom de code qui était Oganj. Mais vous savez

19 qu'en fait deux personnes utilisaient le nom de code Oganj. C'est

20 d'ailleurs inscrit dans le compte rendu de la vidéo. Il est certain que

21 l'accusation va dire : mais, bien sûr, Oganj renvoyait à M. Delalic

22 puisqu'on le trouve au bas du document.

23 Cependant, le problème que rencontre l'accusation est que deux

24 personnes utilisent le même nom de code. Comme rien n'est prouvé, il e

25 pourrait for bien que ce soit l'autre homme qui utilisait ce nom de code

Page 8962

1 Oganj. Nous estimons que ceci démontre les grands écueils qui se

2 présentent si l'on est enclin à adopter une proposition, certes,

3 attrayante, de l'accusation, mais c'est bien là que réside le danger,

4 c'est-à-dire qu'on vous demande tout simplement d'accepter ces documents

5 sur la base de confiance.

6 C'est ce que l'accusation vous demande, sans preuve, sans

7 authenticité, sans fiabilité. On vous demande votre confiance. Vous devez

8 faire confiance à l'accusation, vous dit-on.

9 Nous avançons aussi que si vous estimez que certains documents

10 ont été écrits, produits par un accusé, contre lequel ces documents

11 peuvent être utilisés, il n'y a pas plusieurs façons de procéder. Il

12 incombe à la personne qui fait cette allégation de prouver que ce document

13 est bien de la main de cet accusé. Si vous n'y parvenez pas, ce document

14 ne peut pas être considéré comme recevable car il n'y a aucun indice de

15 fiabilité.

16 Nombreuses sont les façons dont on peut attester d'un document.

17 Une de ces façons a été évoquée ici. On peut montrer un document à un

18 accusé dans le cadre d'un entretien. On lui demande si c'est bien son

19 document, mais cela n'a pas été fait.

20 Reprenons deux exemples simples dans cette affaire. Je ne vais

21 pas vous faire parcourir une liste sur la manière dont on peut

22 correctement prouver l'authenticité d'un document, mais l'accusation n'a

23 pas pris la peine de le faire au moment de l'interrogatoire de l'accusé et

24 maintenant qu'il s'agit d'apporter effectivement la preuve, elle se

25 contente de dire : voilà, nous estimons que ces documents sont

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1 authentiques et il faut donc que vous le croyez.

2 J'en arrive à ceci : c'est ce que l'accusation vous invite à

3 faire. Voici ce que dit l'accusation, elle dit : voici un document, qui

4 porte le nom, par exemple, de Mucic. L'accusation dit toujours, sans

5 apporter plus de preuves, qu'il est ainsi démontré que c'est bien le

6 document de M. Mucic.

7 Voilà une procédure des plus périlleuses. La démarche adoptée

8 par l'accusation pour apporter la preuve d'un document est tout du moins

9 cavalière. Quelle cette démarche ? La voici. Vous êtes des Juges

10 professionnels, nous pouvons vous soumettre tous les documents que nous

11 voulons, et se faisant nous estimons en vous soumettant ces documents

12 qu'ils sont authentiques. Nous vous disons que c'est sans doute telle ou

13 telle personne qui les ont écrits. Il ne faut rien prouver d'autre, il

14 vous suffit de décider de la modalité. Le fait que ce soit un faux

15 document ou pas, peu importe.

16 Il suffit que nous disions que ces documents soient fiables pour

17 qu'ils le soient ; et

18 pour apporter l'authenticité, il suffit de dire que ces deux documents qui

19 apparaissent être tout à fait authentique comme ceux que vous venez

20 d'examiner. L'accusation dit : c'est là l'authenticité dont vous avez

21 besoin. Nous estimons que cette procédure de versement de documents au

22 dossier n'est pas une bonne procédure.

23 Cela aura peut-être l'air d'un exemple un peu absurde, un peu

24 stupide, mais illustrera assez bien la procédure et retiendra, j'espère,

25 votre attention sur l'objet même de la procédure dans le cas présent.

Page 8964

1 Je vais peut-être me moquer un peu de Me Moran. Je suis sûr

2 qu'il n'en prendra pas ombrage.

3 Veuillez me suivre pour quelques instants : supposons que

4 Me Moran, tout d'un coup, soit suspecté d'être un Texan, c'est très grave.

5 Un mandat de perquisition est donc obtenu pour qu'il y ait une

6 perquisition et une saisie dans ses locaux. Bien sûr, nous avons une

7 équipe d'élite de la police de Vienne qui vient faire la perquisition.

8 C'est un bureau qui est ouvert à plusieurs personnes. Il y a

9 20 documents sur la table, qui sont saisis avec d'autres documents et ce

10 document est signé par Thomas Moran et présente un sceau d'apparence

11 officielle. Il a sûrement écrit quelque part le mot : Texas. Le document

12 principal reprend plusieurs déclarations.

13 Les voici : Texas, c'est une petite île dans le Pacifique sud.

14 Il n'y a pas de cow-boy qui porte de grand chapeau ridicule au Texas. Le

15 Texas a été découvert en 1350 par un explorateur italien obscur qui

16 s’était perdu. Quand il est rentré, il a dit à ses camarades : "Oui, je

17 sais, c’est ce que disait Dante lorsqu'il a écrit l'Enfer". Voilà des

18 déclarations tout à fait absurdes. Parmi les autres documents saisis, il y

19 en a un ou plusieurs qui ont trait au Mexique.

20 Lorsque le procès commence et que M. Moran est accusé d'être

21 Texan, nous plaçons à l'examen du Tribunal le document principal et

22 d'autres documents qui parlent du Mexique, et nous faisons ces

23 allégations.

24 Le document principal porte sa signature et nous n'avons pas la

25 moindre preuve de ce que ce soit le cas, mais il faut que vous le preniez

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1 comme argent comptant. Le sceau ressemble à d'autres sceaux que nous avons

2 déjà vus et il semble être tout à fait authentique. Par conséquent, il

3 faut accepter le fait que ce soit un sceau authentique.

4 Il y a un fil conducteur dans ce document puisqu'on parle

5 toujours du Texas. Il y a un fil conducteur dans l'autre document

6 puisqu'on parle toujours du Mexique. Bien sûr, le Mexique n'est pas du

7 tout loin du Texas. Ces fils conducteurs signifient que M. Moran Texan et

8 donc qu'il est coupable du délit, même si nous n'avons pas la moindre

9 preuve que ce soit bien son document.

10 Si on prend tous ces éléments collectivement, la Chambre va

11 dire : non seulement c'est authentique et vérifié, mais il a été prouvé

12 que M. Moran est effectivement un Texan. Mais, en fait, le document a été

13 écrit par M. Ackerman qui l’a posé sur le bureau de M. Moran pour

14 discréditer sa réputation d’homme fort affable.

15 Voilà ce qu'on vous invite à faire dans cette affaire,

16 précisément cela, en faisant un plus un, pour arriver à cinq.

17 Nous avançons ceci : l'occasion est d'or pour que vous puissiez

18 établir tout un jeu d'articles, ou de consignes, qui seraient assez

19 analogues à ceux établis dans l'affaire Tadic et qui assoiraient la

20 réputation de ce Tribunal, constitueraient un test ou un critère pour le

21 versement de documents au dossier, en utilisant les caractéristiques que

22 j'ai évoqués.

23 J'en ai discuté avec mes collègues. Je sais que Me Ackerman a

24 une formulation et qu'il aimerait vous soumettre. C'est une question

25 d'intérêt général, qui n'intéresse pas seulement M. Mucic, M. Delalic,

Page 8966

1 mais tous les accusés, non seulement dans cette affaire, mais dans

2 d'autres affaires.

3 Voici ce que nous disons.

4 Vous devriez rejeter ce qui est un système injuste, inéquitable,

5 et qu'on vous

6 demande d'accepter, que l'accusation vous demande d'accepter.

7 Vous serez soulagé, Madame et Messieurs les Juges, de savoir que

8 je ne veux pas vous imposer le parcours de documents document par

9 document, ligne par ligne. Je vais me contenter de relever un exemple aux

10 fins d'illustrer mon propos.

11 Je parle du document 130. L'accusation a longuement élaboré sur

12 ce document. Mais, en fait, il n'y a pas la moindre preuve que ce document

13 ait été de la main de Zdravko Mucic. Rien ne prouve que ce soit vraiment

14 un document du consul bosniaque.

15 M. Jan (interprétation). - Est-il aussi un officier consulaire

16 où est-il le consul de la République ?

17 M. Greaves (interprétation). - Le consul est tenu d'appliquer

18 les conventions relatives aux diplomates.

19 M. Jan (interprétation). - Je me demandai simplement si ces

20 consuls n'étaient pas aussi représentants de la République ailleurs.

21 M. Greaves (interprétation). - Je ne sais pas, je ne m'exprime

22 pas sur ce point.

23 M. Jan (interprétation). - Ce document n'était pas datée.

24 M. Greaves (interprétation). - Si c'était vraiment un document

25 authentique, c'est assez bizarre qu'il n'y ait pas de date. Les

Page 8967

1 fonctionnaires sont réputés, sont bien connus, pour être mettre des dates

2 sur des documents. Mais ce document n'est revendiqué par personne.

3 Fait important, il est destiné au 4ème Corps d'armée de Mostar.

4 Nous avons entendu parler de ce 4ème Corps d'armée. Le Général Pasalic en

5 connaît un sacré bout là-dessus. On aurait pu lui poser des questions à

6 propos de ce document, mais cela n'a pas été fait.

7 Bien évidemment, il y a ici un contraste frappant avec ce qui

8 s'est passé avec le dépositaire des archives, M. Mrkajic. Quel contraste

9 entre le fait de citer un dépositaire d'archives à comparaître devant vous

10 et à manipuler un ensemble important de documents, et le fait de ne jamais

11 demander quoi que ce soit à un autre témoin qui aurait pu se prononcer sur

12 la

13 question.

14 Ce document n'a pas été trouvé en possession de M. Mucic.

15 Jamais, on ne lui a posé aucune question relative à ce document. On a

16 demandé à M. Delalic de se prononcer sur un certain nombre de choses peu

17 importantes.

18 Mais voici des commentaires qui, d'après nous, s'appliquent à

19 tous les niveaux. Ce qui est important, c'est la chose suivante : il n'y a

20 aucun indice de preuve ou d’authenticité de ce document. Par conséquent,

21 l’ensemble de ces documents est biaisé. L'accusation n'a même pas essayé

22 de prouver qu'ils avaient été authentifiés de façon légale. Voilà ce que

23 j'avais à dire, Madame et Messieurs les Juges.

24 Un point encore, toutefois, pour ce qui est des enregistrements

25 vidéo. Si vous pensez qu'ils peuvent aider l'accusation, c'est à vous d’en

Page 8968

1 décider. Mais, d'après nous, la valeur de ces enregistrements est nulle.

2 Leur valeur probante est nulle. Ces enregistrements n'ont aucun poids.

3 L'accusation voudrait vous montrer des photos de M. Mrkajic, un

4 monsieur fort replet, qui à l’air bien nourri, et des enregistrements

5 faits dans le camp. Cela les regarde ! Nous disons que cela n’aide en rien

6 à poursuivre l'examen de cette affaire. Voici ce que nous disons, Monsieur

7 le Président, voilà ce que je dis.

8 Nous vous invitons respectueusement à rejeter toute cette

9 procédure. Nous disons clairement telle est la procédure qu'ils auraient

10 dû adopter, ils ne l'ont pas fait et ils vous invitent injustement à

11 examiner ces documents en adoptant une procédure tout à fait sujette à

12 caution. Nous ne sommes pas d'accord. Nous souhaitons établir des critères

13 de la plus haute qualité pour l'examen des documents et pour la

14 recevabilité de ces documents.

15 Nous voulons établir des fondements sains sur lesquels d'autres

16 pourront s'appuyer, des fondements permettant d'admettre des documents de

17 façon disciplinée et entièrement justifiée.

18 C'est tout ce que j'avais à dire. Merci, Monsieur le Président.

19 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,

20 Maître Greaves. Maître Ackerman, vous souhaitez intervenir ?

21 M. Ackerman (interprétation). - Avec votre permission, Madame et

22 Messieurs les Juges, je vais parler de là où je me trouve parce que je

23 vais être bref.

24 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

25 M. Ackerman (interprétation). - Je vous remercie.

Page 8969

1 Lorsque j'ai commencé à penser et à réfléchir à tous ces

2 documents, trois éléments se sont présentés à mon esprit.

3 La première chose étant donné que je suis avocat, c'est qu'il

4 fallait à tout prix préserver les intérêts de mon client, c'est évident.

5 Mais, dans une large mesure, ces problèmes vont bien au-delà de ce premier

6 aspect que je viens d'évoquer.

7 Le droit, c'est quelque chose qui revêt une importance toute

8 particulière pour moi. C'est quelque chose que j'ai appris à aimer tout au

9 long de ma carrière. Ma carrière m'a emmené à découvrir nombre d'endroits

10 différents. Et j'ai découvert notamment un lieu qui ressemble fort à celui

11 dans lequel vous vous trouvez, Madame et Messieurs les Juges, cet après-

12 midi même.

13 Pour qu'il y est application du droit, un Etat de droit, il faut

14 qu'il y est un respect public du droit. Voilà ce qui rend l'application du

15 droit et l'Etat de droit possible.

16 En réfléchissant à tout cela, je me suis aussi mis à réfléchir à

17 votre rôle, à vous, Madame et Messieurs les Juges, pour ce qui est de

18 cette affaire et au rôle de ce Tribunal.

19 Bien évidemment, le monde entier doit considérer que le Tribunal

20 est un lieu où des procès équitables ont lieu. Vos collègues, les autres

21 Juges, qui siègent dans le cadre de ce Tribunal, les Juges qui se

22 pencheront sur les affaires à venir, ont le droit de bénéficier de votre

23 expérience et de vos décisions, à vous, Juges qui siégeaient à présent,

24 pour les décisions qu’ils aurons à prendre à l'avenir.

25 Mais, il semble que, pour l'instant, les décisions prises par ce

Page 8970

1 Tribunal fond état d'une petite faille. Il manque une décision claire, une

2 décision complète, relative à l’attitude que le Tribunal doit avoir face

3 aux éléments de preuve, à la façon dont il doit manipuler les éléments de

4 preuve. C'est un problème extrêmement complexe.

5 Nombre de juridictions, dans le monde entier et depuis fort

6 longtemps déjà, se sont penchées sur ce problème. C'est un problème qui a

7 évolué aux fils des ans. Comme notre société dépend de plus en plus du

8 papier et de son utilisation, de la communication, ce problème a pris de

9 plus en plus d'importance.

10 Voici que nous sommes à la veille de l’ère électronique et que

11 se posent nombre de questions quant aux documents informatiques et aux

12 enregistrements, pour ce qui est de leur utilisation en temps qu'éléments

13 de preuve.

14 Cette Chambre de première instance devrait être à même, et est

15 capable, d'établir, pour elle-même et pour les Juges qui siégeront à

16 l’avenir, un certain nombre de règles et de décisions qui vous permettront

17 d'arriver à prendre une décision concernant les documents qui vous sont

18 présentés aujourd'hui. C'est quelque chose que vous devez faire, non

19 seulement pour vous, pour ce cas particulier, mais aussi pour les Juges

20 qui siégeront à l'avenir dans ce Tribunal.

21 En me fondant sur ma propre expérience, je sais que l'un des

22 grands ennemis des Juges, c'est la rapidité, le fait d'avoir à agir dans

23 la rapidité. Vous vous penchez sur une affaire particulière et vous êtes

24 tellement absorbé par cette affaire, que parfois la rapidité prend le pas

25 sur toutes les autres considérations. Mais; il faut résister à cette

Page 8971

1 tentation d'agir dans la rapidité. Même dans les instances du degré le

2 plus bas, le Juge parle toujours, du cas qui l'occupe en l'occurrence,

3 mais aussi pour les cas qui se présenteront à l'avenir.

4 Lorsque vous statuez sur ce cas, sur l'affaire de Celebici, ce

5 n’est pas seulement pour ce qui se passe dans le cadre de cette affaire,

6 vous parlez pour l'ensemble des affaires qui pourront se présenter dans le

7 cadre de cette juridiction. Vous parlez en fait pour l'Histoire. Tout

8 ce que nous disons ici aura une importance historique, dans 50 ans.

9 De même qu'aujourd'hui, 50 ans après, nous parlons de ce que les

10 Juges, à Nuremberg, ont dit et ont écrit. Etant donné que ces documents

11 existent, sont disponibles, on peut s'apercevoir que certaines décisions,

12 prises alors, sont encore parfaitement logiques, parfaitement cohérentes,

13 et que d'autres n’ont pas les mêmes qualités.

14 Lorsqu'on parle de preuves par titre, de documents que l’on

15 cherche à verser au dossier, dont on cherche à recevoir l'autorisation

16 pour le versement au dossier, on parle dans la plupart des cas, en fait,

17 d'ouï-dire. Ces documents font état de déclarations qui ont été faites en

18 dehors du prétoire et qui sont versés parce que le contenu de ces

19 documents présent un intérêt pour l'affaire. Voilà ce qu'on appelle l’ouï-

20 dire. Le document qu'on vous présente et qu'on vous demande d'admettre au

21 dossier est, en fait, un document d'ouï-dire.

22 Une des caractéristiques des éléments de preuve par ouï-dire, et

23 une des raisons pour lesquelles les Juges font toujours fort attention

24 lorsqu'il s'agit de recevoir des éléments qui font état de déclaration par

25 ouï-dire, c'est que ce type d'éléments de preuve ne sont pas vérifiables.

Page 8972

1 On ne peut pas interroger ce type d'éléments de preuve. La personne,

2 faisant la déclaration qui est recueillie dans le document, doit pouvoir

3 être à ce point digne de confiance que la Cour puisse dire que le

4 processus de contre-interrogatoire n'est en aucun cas lésé. Si la personne

5 qui a fait la déclaration ne satisfait pas à ces critères de confiance, il

6 faut qu'il y ait contre-interrogatoire.

7 D'après moi, Madame et Messieurs les Juges, ces documents

8 doivent précisément être considérés comme correspondant à ce que je viens

9 de dire. Vous devez pouvoir nous indiquer si, d'après vous, les personnes

10 dont les déclarations sont recueillies dans ces documents sont

11 suffisamment dignes de confiance pour qu'il n'y ait pas de contre-

12 interrogatoire. Si vous êtes d'avis que ce n'est pas le cas, tout

13 s'arrête, il n'est nul besoin d'aller plus loin. Si vous pensez que les

14 personnes concernées satisfont à ces critères de confiance, vous devez

15 ensuite vous

16 pencher sur la question de l'authenticité de ces documents.

17 Il est parfois difficile de proposer des éléments permettant

18 d'authentifier, mais c'est tout à fait simple à comprendre. Un document

19 est authentifié si la personne à laquelle la question est posée déclare

20 que oui, ce document est authentique ; c'est-à-dire que si je vous donne

21 une feuille de papier en vous disant : "Voici la première page du New York

22 Herald Tribune", ce quotidien international, s'il y a moyen de prouver

23 qu'il s'agit bien de ce que j'affirme, alors c'est un document

24 authentifié. Si je vous fais passer un morceau de papier trouvé sur le

25 bureau de Me Moran, document portant apparemment sa signature, et si je

Page 8973

1 vous dis : "Madame et Messieurs les Juges, voici une lettre rédigée par

2 Me Moran", ce faisant je n'authentifie pas le document. Pour ce faire il

3 faudrait que j'aille un peu plus loin, que je trouve un témoin qui aurait

4 vu Me Moran signer le document et un expert qui pourrait comparer

5 l'écriture figurant sur le document et l'écriture de Me Moran. Il faudrait

6 que je rassemble tous ces différents éléments pour pouvoir l'authentifier.

7 Vous allez regarder tous les documents qui vous ont été

8 présentés et si vous en arrivez à la conclusion que l'accusation n'a pas

9 prouvé, au-delà de tout doute raisonnable, que les documents sont

10 authentiques, vous n'avez pas besoin d'aller plus loin. En revanche, si

11 vous êtes d'avis qu'il a été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que

12 les documents qui vous sont présentés sont authentiques, vous devez passer

13 à une troisième analyse, celle qui a trait à la valeur probante et à la

14 pertinence des documents.

15 La question à vous poser est la suivante : "Les dépositions

16 figurant dans ces documents correspondent-elles à l'un des chefs

17 d'accusation figurant dans l'acte d'accusation et cela doit-il être prouvé

18 au-delà de tout doute raisonnable ?" Si la réponse à la question est oui,

19 le document est pertinent et a valeur probante. Si la réponse est non,

20 tout s'arrête et le document ne peut pas être admis au dossier.

21 Cela me semble être une procédure que tout juge doit respecter

22 lorsqu'il s'agit de

23 décider si des éléments de preuve peuvent être ou non versés à un dossier.

24 Je vous suggère d'avoir recours à ce type d'analyse pour l'étude de ces

25 documents et je vous demande respectueusement de prendre votre temps pour

Page 8974

1 vous déclarer par écrit sur ce point afin que les tribunaux à venir, les

2 procureurs à venir, les conseils de la défense à venir, disposent d'un

3 guide leur permettant d'établir leur dossier.

4 Merci, Monsieur le Président de m'avoir écouté.

5 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,

6 Maître Ackerman.

7 Les conseils de la défense veulent-ils s'exprimer sur ce point ?

8 Mme Residovic (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

9 nous sommes ici dans le cadre d'un processus très important, d'un procès

10 très difficile qui se déroule sous les yeux du monde depuis le 10 mars de

11 cette année, et toutes ces personnes qui nous regardent s'intéressent à la

12 justice et tentent de déterminer si nous établissons correctement les

13 faits, si nous contribuons correctement à l'évolution du droit et de la

14 justice.

15 Mes distingués collègues ont attiré votre attention sur les

16 dispositions du statut, notamment des articles 20 et 21, et je dois dire

17 avec satisfaction que j'ai pris part à ce procès jusqu'à très récemment,

18 en tant qu'avocat de la défense, conseil de mon client, M. Delalic, et que

19 j'ai absolument satisfait aux dispositions que cette Chambre de première

20 instance a demandé à tous les conseils d'appliquer dans la défense des

21 accusés, c'est-à-dire de leurs clients.

22 Cependant cette semaine, nous sommes confrontés à une tâche très

23 difficile, mes collègues et moi-même, et nous avons attiré l'attention de

24 la Chambre de première instance sur de très nombreux arguments. En tant

25 que conseil de la défense de M. Delalic, j'entends l'accusation me parler

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1 d'un certain nombre de documents dont elle affirme qu'il s'agit d'éléments

2 de preuve pertinents, et ce en l'absence de fondement convaincant à cet

3 égard, ce qui met la défense et mon client dans une situation très

4 difficile.

5 L'accusation nous montre des documents dont l'authenticité n'a

6 été prouvée en rien,

7 dont la valeur probante n'a été prouvée par rien, des documents au sujet

8 desquels mon client n'a pas eu la possibilité de contre-interroger des

9 témoins, pour mettre réellement en pratique les dispositions des

10 articles 20 et 21.

11 Nous avons presque accepté cette manière de procéder, à savoir

12 le fait que des arguments soient présentés au sujet de chacun de ces

13 documents mais, Monsieur le Président, nous sommes aujourd'hui en face

14 d'un très grand nombre de documents.

15 Si vous estimez que la procédure que vient de proposer

16 l'accusation aujourd'hui est la bonne procédure à suivre plutôt que celle

17 que mes collègues ont proposée pour leur part, nous sommes prêts à nous y

18 plier, mais nous ne voulons pas le faire dans le cadre imposé par

19 l'accusation, à savoir comparer des documents non authentiques, non

20 authentifiés, à d'autres documents tout aussi peu authentifiés. Nous

21 proposerions, si cela est possible, eu égard à certains documents,

22 d'apporter des preuves à la Chambre de première instance quant à leur

23 absence d'authenticité, de valeur probante et de pertinence, c'est-à-dire

24 à l'absence de tout ce que la Chambre de première instance nous a demandé

25 d'appliquer en tant que règles depuis le 10 mars.

Page 8976

1 Nous sommes en face d'un très grand nombre de documents et si

2 vous estimez que c'est de cette façon qu'il convient que nous procédions à

3 partir de maintenant, je me plierai bien entendu à votre décision,

4 Monsieur le Président. Dans ces conditions, mon confrère Eugene O'Sullivan

5 et moi-même proposerions de nous partager les arguments que nous avons à

6 vous présenter. Nous vous proposerions dans ce cas de vous exposer toutes

7 les raisons pour lesquelles nous estimons que les documents qui vous ont

8 été soumis ne méritent pas d'être considérés comme des pièces à conviction

9 dans ce procès. Le sort de notre client nous intéresse suffisamment pour

10 accepter de travailler dans ces conditions.

11 Si vous nous autorisez à le faire, j'aimerais commencer

12 d'ailleurs par attirer votre attention sur deux choses seulement : parmi

13 les très nombreux documents que mon illustre

14 collègue Me Niemann vous a soumis, de façon très talentueuse d'ailleurs,

15 nous avons entendu un grand nombre de faits relatifs à la guerre et à

16 M. Delalic ; il a également été question d'autres faits qui sont des faits

17 de deuxième, voire même de troisième main, et dont rien ne permet

18 d'évaluer la véracité.

19 A ce stade, je voudrais vous demander l'autorisation de faire

20 quelque chose que je n'aime pas beaucoup faire, d'ailleurs, puisque mon

21 collègue Me Niemann l'a fait et que je m'y suis opposée, à savoir

22 témoigner.

23 Monsieur le Président, j'ai passé quatre ans pleins et entiers

24 en temps de guerre, j'ai vécu au quotidien tout ce caractérise une

25 guerre : les bombardements, les détonations, la violence, les difficultés

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1 humaines et autres, et je puis vous dire qu'avec mes collègues, nous

2 n'avons pas versé une larme pendant ces quatre ans.

3 Mais récemment, j'ai regardé le film d'Ademir Kenovic qui a été

4 primé à Cannes et qui, en deux heures, nous montre un grand nombre des

5 réalités de la vie que nous avons vécue, nous, les 300 000 habitants de

6 Sarajevo. Pas un de ces faits n'était véridique, mais chacun d'eux portait

7 sur un événement de la guerre et tous les spectateurs, dans la salle de

8 cinéma, étaient en larmes.

9 Voyez-vous, un grand nombre des habitants de Konjic, un grand

10 nombre de ceux qui ont fui Konjic, un grand nombre de ceux qui se sont mis

11 à fréquenter les associations, les clubs en Autriche, en Allemagne et

12 ailleurs ont raconté à leur façon des faits réels, ou moins réels. Eh

13 bien, ce sont des choses qui arrivent et je ne suis pas prête à écarter

14 d'un geste de la main tout ce que nous avons entendu ces deux derniers

15 jours dans un cadre comparable à ce que je viens de décrire.

16 On a entendu parler du fait que, contre un des accusés de ce

17 procès, des procédures pénales ont été engagées pendant la guerre, quelque

18 part. C'est ce que l'on nous dit.

19 En tant qu'amicus curiae et en tant que personne ici qui n'a pas

20 d'attachement

21 nationaliste particulier, je tiens à vous dire, Monsieur le Président, que

22 dans les conditions de notre réalité, les poursuites ne sont pas le début

23 d'un procès, ce ne sont que des enquêtes, ce n'est qu'une instruction.

24 Nous, nous avons un système judiciaire tout à fait contraire à ce que vous

25 connaissez vous-même et dans lequel la personne poursuivie et les membres

Page 8978

1 de sa famille ne sont pas tenus de témoigner et de dire la vérité.

2 Un grand nombre des documents que nous a montré l'accusation

3 traitent peut-être d'une époque, d'une période dans laquelle des personnes

4 ont été mises en accusation, des périodes au cours desquelles un membre de

5 la famille, ou quelqu'un de proche en tout cas, a écrit quelque chose au

6 Procureur, mais l'accusation n'a fait absolument aucun effort pour tenter

7 même de prouver la pertinence de l'un de ces éléments.

8 C'est la raison pour laquelle, Monsieur le Président, si vous me

9 le permettez, je pourrai accepter d'examiner les documents les uns après

10 les autres, mais avant de le faire, je tiens à signaler que nous sommes

11 entièrement d'accord avec les propos tenus par mes confrères, MM. Greaves

12 et Ackerman, avant moi et nous attendons vos instructions quant à la façon

13 de procéder à partir de maintenant.

14 M. le Président (interprétation). - Je suppose que tout cela

15 devrait vraiment beaucoup me surprendre. Je vous ai proposé de répondre

16 aux arguments de l'accusation. Si vous estimez que ces arguments sont

17 insuffisants, si vous estimez avoir d'autres arguments à leur opposer, je

18 vous en prie, faites-le. Si vous souhaitez les critiquer, faites-le

19 également. Ce n'est pas à moi qu'il appartient de vous indiquer une

20 procédure différente de celle qui est la coutume dans une Chambre de

21 première instance. Je pensais que c'était une méthode tout à fait normale

22 dans le cadre de ce prétoire.

23 Mme Residovic (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur le

24 Président. Me O'Sullivan et moi-même allons donc commencer la présentation

25 de nos arguments, conformément à ce que vous venez de nous dire. Ces

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1 arguments sont nombreux.

2 M. le Président (interprétation). - Bien sûr, je vous donne la

3 parole, vous pouvez procéder.

4 M. O'Sullivan (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,

5 je tenterai de m'exprimer le plus brièvement possible, mais je vous

6 demande votre indulgence et votre attention.

7 D'abord, nous tenons à dire que s'agissant de M. Delalic, nous

8 appuyons totalement les exposés qui viennent d'être présentés par

9 MM. Greaves et Ackerman. Pour ce qui me concerne, je me contenterai de

10 présenter des observations générales conformes à la décision prise par

11 vous, le 12 septembre, à savoir que la chaîne de conservation des

12 documents avait été prouvée, eu égard aux chemises en carton, mais que le

13 contenu de ces chemises en carton n'intervenait pas dans votre décision.

14 Je voudrais entrer dans le processus qui a permis de se

15 prononcer quant à la recevabilité de ces documents. Mon ami, Me Niemann, a

16 dit que selon ce qu'a déclaré M. Mörbauer, les documents lui ont été remis

17 par M. Navrat. Mais, toujours selon M. Mörbauer, le contenu des chemises

18 en carton n'a pas été analysé jusqu'à la date du 22 mars, ce processus

19 ayant duré jusqu'au 2 avril. Il est venu déposer ici, devant ce Tribunal,

20 et n'a reconnu aucun des documents qui lui ont été soumis.

21 Or il avait été cité à comparaître dans le but précis

22 d'identifier ces documents. Me Niemann vous a expliqué, à cet égard, que

23 l'officier Mörbauer a évoqué un certain nombre de faits à la demande de

24 l'accusation, et nous disons que ces faits ne sont pas étayés par la

25 réalité.

Page 8980

1 Nous aimerions maintenant revenir sur le problème des trois

2 cassettes vidéo, prétendument saisies dans les locaux d'Inda-Bau. Ce

3 matin, mon ami, Me Niemann, a déclaré que cette différence de trois, entre

4 le chiffre de 51 et celui de 54 cassettes prétendument saisies, était due

5 à un défaut de comptabilisation. Mais, à mon avis, les choses sont tout à

6 fait claires. Le

7 témoin Navrat a été guidé par Me Niemann, le 5 août, dans son

8 interrogatoire principal, et l'officier Navrat, dans la pièce à

9 conviction 165, a montré un Niederschrift qui montre tout à fait

10 clairement qu'il a saisi 51 cassettes vidéo.

11 A la page 5644 de sa déposition, ceci est dit de la façon la

12 plus claire. Me Niemann ne lui a jamais demandé si c'était le chiffre

13 exact et M. Navrat a maintenu ce chiffre. En fait, la seule chose qui a

14 été demandée à M. Navrat concernait la date apposée sur le Niederschrift.

15 A ce sujet, M. Navrat a admis que la date était erronée. Mais aucune

16 question n'a été posée à M. Navrat pour lui demander de confirmer ce

17 chiffre de 51 cassettes vidéo. M. Navrat a confirmé que l'opération avait

18 été menée avec un nombre d'hommes suffisant, sans aucune pression, sans

19 aucune hâte particulière. Le rapport du 18 mars de M. Navrat conforte

20 encore une fois le fait que 51 cassettes vidéo ont été saisies dans les

21 locaux.

22 Un autre point pertinent vient de la déposition de M. Panzer qui

23 lui aussi était interrogé en interrogatoire principal par Me Niemann, le

24 2 septembre. Les réponses aux questions, dans le rapport préparé par

25 M. Panzer le 22 avril, montrent qu'il y avait 54 cassettes vidéo, qui

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1 selon Panzer ont été marquées les 19 et 20 mars. C'est la première fois

2 que l'on trouve une différence dans les nombres, avec le rapport du

3 22 avril 1996. Il est tout à fait clair qu'il y a une différence de trois

4 cassettes vidéo, mais ce que je dis, c'est qu'il ne peut s'agir d'une

5 erreur de comptabilisation parce que ceci n'est pas étayé par la réalité.

6 Monsieur le Président, reprenons donc le transcript à cette date, c'est-à-

7 dire le contre-interrogatoire de M. Mörbauer par mon confrère, Me Moran et

8 nous arrivons au point qui vous intéresse.

9 A la page 3779, ligne 10, M. Moran demande à M. Mörbauer :

10 "N'est-il pas difficile à un officier de police entraîné de compter de

11 1 à 51 ?" A ce stade, Me Niemann élève une objection. En bas de page, à la

12 ligne 22, Me Niemann dit : "Il est absurde de poser ce genre de question

13 au témoin, le conseil connaît la réponse, chacun ici dans ce prétoire

14 connaît la réponse." Avec tout le respect que je dois à Me Moran, je suis

15 d'accord avec l'accusation, les

16 officiers de police savent compter.

17 Les dernières remarques que je ferai au sujet de ces cassettes

18 vidéo sont en rapport avec le fait de présenter une cassette vidéo à un

19 témoin, dans un prétoire. Bien entendu, cela ne prouve absolument rien en

20 ce qui concerne la provenance de la cassette vidéo, plus précisément la

21 portion de cette cassette montrée au Docteur Grubac et au Docteur P,

22 c'est-à-dire les images de l'interview réalisée par Svonkomovic* Jadanka*

23 Milosevic. Monsieur le Président, ces deux témoins ont donc vu l'original

24 de ces images fournies à la défense de M. Delalic par les journalistes

25 eux-mêmes, M. Maric* et Mme Milosevic. C'est la défense de Delalic qui a

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1 fourni ces images, conformément aux lois de la communication de pièces à

2 l'accusation. C'est une séquence de la cassette I-46, fournie par la

3 défense à l'accusation.

4 Pour résumer, Monsieur le Président, il n'y a aucune confusion

5 de la part de la police qui a été faite à ce niveau. Les textes sont tout

6 à fait clairs. Les policiers savent compter, ils ont compté différemment.

7 Ces cassettes vidéo, par conséquent, n'ont pas été authentifiées, la

8 pertinence n'est pas prouvée, et elles n'ont que très peu sinon aucune

9 valeur probante. C'est pour ces raisons que nous demandons, avec tout le

10 respect que nous devons à la Cour, de les exclure des éléments de preuve.

11 Le deuxième point que je voudrais brièvement évoquer, Monsieur

12 le Président, porte sur la pièce à conviction 113, à laquelle mon

13 confrère, Me Greaves, a fait quelques références dans son exposé. Je ne

14 répéterai pas les articles et les règlements qu'il a évoqués lui-même, à

15 savoir les articles 21, 20, 89, et 95 du règlement. Mais j'ajouterai

16 simplement un point, eu égard à la position de M. Delalic, dans ce

17 document. Ce document, bien entendu, prétend être une lettre de la main de

18 M. Mucic et est censé présenter un rapport sur des questions liées à

19 l'année 1992. Nous disons que si vous deviez statuer sur ce document et le

20 considérer comme recevable, si vous deviez décider qu'il s'agit d'un

21 document de M. Mucic conformément à l'article 21-4 du Règlement, M. Mucic

22 ne peut pas être contraint de témoigner. La conséquence

23 de cela serait que l'article 21-4 s'appliquerait à M. Delalic et que

24 celui-ci serait privé du droit de contre-interrogatoire. Une argumentation

25 du même type a été fournie par Me Greaves dans ces aspects plus généraux.

Page 8983

1 J'aimerais reprendre, au nom de M. Delalic, l'ensemble de ces

2 arguments qui empêchent, à mon avis, de considérer comme recevables ces

3 documents en vertu des articles 20 et 21 du statut. Nous demandons donc,

4 avec tout le respect que nous devons au Tribunal, que la pièce à

5 conviction 130 soit exclue en vertu des articles 89 et 95 du règlement. Je

6 donne maintenant à la parole à Me Residovic.

7 Mme Residovic (interprétation). - Avec tout le respect que je

8 vous dois, Monsieur le Président, j'aimerais vous rappeler mes objections

9 déjà présentées quant aux éléments de preuve dont le versement au dossier

10 a été demandé. J'ai dit à plusieurs reprises pour quelles raisons je

11 considérais qu'il fallait ne pas les verser au dossier et les considérer

12 comme pièces à conviction. Je ne souhaiterais pas reprendre l'ensemble des

13 arguments que j'ai déjà exposés, eu égard à chacun des documents qui a été

14 montré ici. C'est pourquoi, pour l'ensemble des documents, je dirai

15 maintenant les choses suivantes, avant de passer à des arguments plus

16 détaillés et plus précis.

17 Premièrement, l'accusation n'est pas parvenue à apporter la

18 preuve qu'un des documents présentés par l'accusation provient bien de la

19 saisie effectuée dans les locaux d'Inda-Bau.

20 Comme vous vous en souviendrez, le témoin Mörbauer -les réponses

21 qu'il a apportées à l'accusation peuvent être trouvées avec une grande

22 précision puisque le compte-rendu peut être cité ligne par ligne et page

23 par page- n'a donc fait que dire, dans sa déposition, qu'il avait reçu du

24 témoin Navrat un certain nombre de dossiers. Plusieurs jours après avoir

25 reçu une caisse en carton du témoin Navrat, ce témoin, M. Mörbauer, a

Page 8984

1 réalisé une analyse des documents. Tout ce que nous avons dans les

2 réponses apportées aux questions de l'accusation

3 porte sur un Bericht, c'est-à-dire une analyse réalisée le 22 ou plutôt,

4 d'ailleurs, le 26 avril, date à laquelle il a soumis ces documents au

5 Tribunal.

6 Nous avons donc une période qui est très imprécise (22-26 avril)

7 pendant laquelle nous ne pouvons pas suivre de façon précise le sort

8 réservé à ces dossiers.

9 Conformément à votre décision, Monsieur le Président, que j'ai

10 déjà citée, l'accusation a également cité à comparaître la personne qui a

11 examiné les dossiers saisis dans les locaux d'Inda-Bau. Ce témoin a

12 indiqué très sincèrement qu'il n'avait pas apposé la moindre marque

13 distinctive sur ces documents au moment même de la saisie, qu'il n'avait

14 donc spécifié aucun des documents de façon particulière.

15 Le témoin Mörbauer, lui, avait déclaré que tous les signes

16 distinctifs qu'il avait apposés sur les documents après les avoir examinés

17 avaient disparu. Il a dit devant ce Tribunal, dans ce prétoire, qu'il

18 était incapable de reconnaître un seul des documents qui lui ont été

19 montrés puisqu'il ne connaissait pas la langue bosniaque, ne retrouvait

20 pas les signes distinctifs qu'il y avait apposés et n'avait jamais, dans

21 sa vie, pratiqué la moindre analyse graphologique du moindre document.

22 Monsieur le Président, la première remarque qu'on peut faire au

23 sujet de l'ensemble des documents présentés par l'accusation est donc bien

24 que l'accusation a été totalement incapable de nous apporter la moindre

25 preuve quant à la provenance de cette somme importante de documents

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1 qu'elle nous soumet. Autrement dit, l'accusation n'a pas pu nous dire d'où

2 venaient ces documents.

3 En ce qui concerne l'authentification des documents, il est

4 également tout à fait important que l'accusation nous indique et nous

5 prouve qui est le détenteur de tel ou tel document. L'accusation n'a

6 malheureusement pas pu nous apporter la moindre preuve ou nous donner le

7 moindre argument susceptible de nous prouver, conformément aux règles

8 appliqués par ce Tribunal, qui était l'auteur des documents soumis à votre

9 attention.

10 Je vais maintenant, si vous le voulez bien, tenter de vous

11 exposer un certain nombre d'arguments relatifs à des documents

12 particuliers.

13 Mais, pour certains documents que je ne peux pas intégrer dans

14 une catégorie particulière, je voudrais commencer par dire les choses

15 suivantes immédiatement : par exemple, je n'ai pas prononcé, jusqu'à

16 présent, la moindre observation ou la moindre remarque au sujet du

17 document 127, et je vous demanderais, Monsieur le Président, de bien

18 vouloir me permettre de le faire maintenant. Je recherche ce document que

19 je vais analyser maintenant.

20 Vous savez qu'il s'agit d'une ordonnance du 3 juin 1992 qui

21 contient un certain nombre d'instructions et de modalités concrètes

22 relatives à la mise en service d'une ligne de chemin de fer. L'accusation,

23 en rapport avec ce document, s'efforce de vous amener dans une situation

24 où vous pourriez croire qu'un coordinateur a des pouvoirs précis qui lui

25 permettent de donner des ordres.

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1 J'aimerais à cet égard vous rappeler la déposition du

2 Général Divjak qui est venu ici à la barre et qui a établi une différence

3 très importante, très significative, entre un ordre et un décret. Il a

4 également confirmé de la façon la plus claire que la signature d'un

5 coordinateur -et d'ailleurs la fonction de coordinateur- n'a aucune valeur

6 d'autorité. D'après les propos tenus par le Général Divjak, le

7 coordinateur n'est qu'un mot qui lui permet de signer les documents, mais

8 il n'a pas de qualité d'autorité, il n'a pas de qualité d'exécution.

9 J'aimerais également attirer votre attention sur un document qui

10 a été versé au dossier de ce procès par la Chambre de première instance.

11 Il émane de l'état-major de Bosnie-Herzégovine et est signé par le général

12 d'armée Rasim Delic selon lequel un coordinateur des forces armées de

13 Bosnie-Herzégovine n'a aucun pouvoir de commandement et n'a qu'un rôle

14 symbolique. La fonction de commandement est attribuée aux organes qui ont

15 nommé le coordinateur à son poste.

16 Au vu de ce fait, il n'y a aucun doute que l'accusation fait

17 référence à ce document

18 qui, en fait, n'a aucune pertinence s'agissant de prouver les fonctions de

19 mon client, le poste de mon client, et qui n'a aucune pertinence notamment

20 par rapport aux charges indiquées dans l'acte d'accusation examiné par

21 cette Chambre de première instance.

22 Il est donc manifeste, hormis le fait de savoir quelle est la

23 provenance de ce document -j'ai déjà dit que nous n'en connaissions pas la

24 source-, que nous n'avons aucune preuve non plus quant au fait qu'il émane

25 des locaux d'Inda-Bau. En outre, ce document n'a aucune valeur probante,

Page 8987

1 aucune pertinence, par rapport à l'acte d'accusation. Sa pertinence est

2 égale à zéro.

3 Le document suivant que l'accusation a tenté de nous montrer

4 comme authentique et fiable est le document 128. Vous vous rappellerez,

5 Monsieur le Président, que c'est une demande pour entamer des poursuites

6 contre M. Zejnil Delalic et M. Zdravko Mucic, et vous vous rappellerez

7 également de ce document ainsi que des charges criminelles qui ont été

8 retenues par le Général Pasalic. Il a donc été demandé que ce document

9 soit versé au dossier dans un cadre un peu restreint car il indiquait les

10 fonctions de ces personnes.

11 Monsieur le Président, contrairement à l'accusation qui a tenté

12 de démontrer la valeur probante limitée de ce document en le comparant à

13 d'autres documents, permettez-moi de procéder de façon un peu différente.

14 Ce document est considéré comme ayant une pertinence limitée,

15 mais il y en a d'autres qui sont dans la même situation, notamment les

16 documents 137, 141 et 125...

17 Je vous prie de m'excuser, Monsieur le Président ; je viens de

18 recevoir une proposition de mon client. Je vous remercie de vous montrer

19 compréhensif pour cette interruption.

20 Ce document, qui est comparé à d'autres documents dont je viens

21 de donner les cotes (125, 141 et 137), démontre donc bien dans quelle

22 mesure la pertinence de ces documents est inexistante dans un cadre aussi

23 limité que celui qui a été pris en compte, à savoir : ces

24 documents peuvent-ils vraiment prouver les fonctions ou le poste

25 qu'occupait mon client à une période déterminée ?

Page 8988

1 Vous vous rappellerez peut-être de la déposition du

2 Général Pasalic qui a examiné une déclaration du chef d'état-major dans

3 laquelle il est question de ce poste et de ces fonctions. Vous vous

4 rappellerez, dans ce document, que la personne qui a souvent été utilisée

5 ou prise comme base, comme appui, pour étayer l'authenticité d'un

6 document, était Edib Saric. Dans ce document, il est question d'un

7 commandant adjoint et, dans le document du 14 août, nous voyons

8 qu'Edib Saric est cité comme étant l'homme proposé au poste de remplaçant

9 du commandant du groupe tactique 2, qu'il est proposé, le 22 août, au

10 poste d'adjoint au commandement du groupe JUG et, enfin, dans le texte du

11 24 novembre 1992, nous voyons que ce même homme est proposé au poste

12 d'adjoint de commandant du groupe opérationnel.

13 Lorsque l'ensemble de ces documents ont été montrés au témoin,

14 le Général Pasalic, ce dernier a dit aux juges qu'à l'époque où il

15 s'occupait de structurer le commandement suprême, il n'avait pas la

16 moindre connaissance des postes occupés par les différentes personnes dont

17 il a été question.

18 Autrement dit, ces documents ne peuvent pas avérer le poste ou

19 les fonctions d'une des personnes dont le nom figure dans ces documents,

20 ni d'ailleurs d'une des personnes dont nous discutons ici.

21 Le document 128, par exemple, va totalement à l'encontre de ce

22 qui est stipulé dans la pièce à conviction 141, à savoir le texte du dépôt

23 de plainte que le Général Pasalic a bien reconnu comme ayant été déposée

24 par les responsables du 4ème Corps d'armée.

25 En examinant ces simples documents, vous constaterez Monsieur le

Page 8989

1 Président, que le poste de M. Delalic à la date du 30 mai est totalement

2 contraire à celui qui est indiqué dans ce document et, plus tard, en ce

3 qui concerne l'arrêt des poursuites, vous constaterez que ce poste est

4 encore évoqué de façon différente.

5 Toutes les raisons qui nous ont été proposées comme étant des

6 motifs pertinents pour déterminer la position occupée par mon client à

7 telle ou telle époque et tout ce que propose l'accusation est donc

8 totalement dépourvu de pertinence.

9 Quant au cadre très limité dans lequel cette pertinence tente de

10 nous être prouvée, il ne suffit pas du tout pour corroborer les faits

11 évoqués dans l'acte d'accusation.

12 Monsieur le Président, souhaitez-vous que je poursuive ou

13 pensez-vous que je pourrais peut-être m'interrompre maintenant ?

14 M. le Président (interprétation). - Nous allons avoir une pause

15 et revenir à 16 heures 30.

16 L'audience, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 35.

17 M. le Président (interprétation). - Me Residovic, vous avez

18 encore besoin de combien de temps pour nous exposer vos arguments ? Nous

19 ne siégions pas demain et je pense qu’ensuite nous ne siégerons pas

20 pendant quelques temps.

21 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, comme

22 vous l'avez dit vous-même, et le Procureur également, ces documents sont

23 d'une certaine importance.

24 Je vais tenter de regrouper mes arguments pour les exposer plus

25 brièvement, je sais que la question que vous venez de me poser n'a pas

Page 8990

1 l’intention de me limiter dans le temps, mais malheureusement, en ce

2 moment, je suis absolument incapable de vous dire de combien de temps

3 exactement j'ai encore besoin. Tout ce que je peux vous dire, c'est que je

4 vais m'efforcer de regrouper mes arguments, de les présenter de la façon

5 la plus concise possible, et de ne citer à titre d'exemple tel ou tel

6 document que lorsque cela sera indispensable.

7 Je regrette beaucoup de ne pouvoir vous fournir une réponse plus

8 précise, mais je ne peux pas déterminer le temps dont j'ai besoin. Est-ce

9 que je terminerai aujourd'hui ? Je le

10 souhaite, mais si tel n'est pas le cas je vous demanderai de m'autoriser à

11 poursuivre par la suite.

12 M. le Président (interprétation). - J'essayais simplement de

13 vous mettre en garde eu égard à ce problème de temps, mais bien entendu je

14 n'avais pas l’intention de vous contraindre à modifier votre manière de

15 procéder.

16 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président,

17 Me McMurrey a un rendez-vous à 17 heures 05, elle sera donc contrainte de

18 quitter le prétoire à ce moment-là.

19 M. le Président (interprétation). - Elle y est autorisé.

20 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

21 Puis-je poursuivre ?

22 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

23 Mme Residovic (interprétation). - Merci. La suite de mon exposé

24 est facilitée par le fait que la majorité des arguments de droit, que je

25 souhaitais exposer devant ce Tribunal, ont déjà été exposés par mes

Page 8991

1 confrères.

2 Comme je l'ai souligné avant la pause, je vais m'efforcer de

3 m'appuyer sur des arguments fondamentaux qui ont trait à un certain nombre

4 des éléments de preuve qui nous ont été soumis.

5 Je parlerai par exemple des éléments de preuve cités par

6 l'accusation qui sont une série de documents ayant l'apparence de

7 documents officiels. J'ai analysé quelques-uns de ces documents et je

8 souhaiterais, eu égard à ces documents, reprendre les propos déjà tenus

9 par mon confrère Me Greaves.

10 Nous ne savons pas qu'elle est la provenance de ces documents.

11 Nous ne savons pas si leur authenticité est vérifiée. Et nous n'avons

12 qu'un seul moyen pour se faire, nous l’avons déjà fait lorsque nous avons

13 tenté de prouver l'authenticité d'un certain nombre de documents provenant

14 du gouvernement bosniaque.

15 La seule manière de le faire, c'est de citer ici les

16 représentants des organes officiels

17 susceptibles éventuellement de confirmer l'authenticité de ces documents.

18 Car, je n'ai pas besoin de répéter que les tampons, les signatures, tout

19 ce qui figure sur ces documents, peuvent bien sûr, étant donné les

20 possibilités de la technique moderne, être aujourd’hui falsifiés.

21 Et puis, nous avons d'autres documents, une autre série de

22 documents qui sont manuscrits. Il y en a un grand nombre dans l'ensemble

23 des documents présentés par l'accusation. Je ne les ai pas compté un à un,

24 mais il en reste au moins neuf.

25 Je n'ai pas l'intention, Monsieur le Président, de commencer

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1 l'analyse détaillée de ces neuf documents, devant vous aujourd'hui. Je

2 n'ai pas non plus l'intention pour chacun de ces documents de m'efforcer

3 de prouver qu'il existe la moindre possibilité de montrer l'authenticité

4 de ces documents contrairement à ce qu’a fait l'accusation. La position de

5 la défense consiste, en effet, à dire que cette possibilité est

6 inexistante.

7 Eu égal donc à ces documents manuscrits, j'aimerais vous

8 rappeler les arguments déjà présentés par mes confrères qui démontrent

9 que, pour certains de ces documents manuscrits, l'accusation affirme

10 qu'ils sont rédigés par des tiers, et tente de déclarer pour d'autres

11 documents qu'ils ont été écrits de la main de mon client.

12 Pour les raisons qui ont déjà été exposées devant ce Tribunal,

13 l’accusation n’est absolument pas parvenue à démontrer qui était le

14 véritable auteur de ces documents, ou plutôt de ces petits morceaux de

15 papiers, de ces petits gribouillages, ou même de ces portions de petits

16 gribouillages et petits papiers. L'accusation donc n'est pas parvenue à

17 démontrer quelle était la provenance de ces documents, où ils avaient été

18 trouvés. Elle n'a pas démontré quelle était la valeur de ces documents, ni

19 à qui ils appartenaient.

20 A partir de cette somme de documents manuscrits, je n'en

21 prendrais que deux, Monsieur le Président.

22 L'un d'entre eux est le document 126, écrit le 27 avril 1993,

23 d'après ce qui figure sur ce document. Il s'agit d'un document qui est

24 donc datée d'une période bien ultérieure à la

25 période qui intéresse ce Tribunal et qui prétend traiter d'événements

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1 relatifs à la période qui intéresse la Chambre de première instance. Il

2 est stipulé dans ce document un certain nombre de choseq relativeq au

3 conflit entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine, entre un éventuel

4 accord entre Milosevic et Tudjman, entre des évolutions possibles des

5 événements. Mais aucune référence, aucun élément concret, ne figure dans

6 ce texte, eu égard à ce qu'affirme l'accusation en rapport avec mon client

7 ou un autre des accusés.

8 Il y a un autre élément, qui est peut-être encore plus

9 problématique eu égard à ce document, c'est ce que prouve le premier

10 paragraphe où il est question d'un certain nombre de personnes qui

11 seraient parties en Tchécoslovaquie. Nous serions donc en droit de nous

12 poser la question de savoir si ce document ne vient pas de

13 Tchécoslovaquie, et si d'une façon ou d'une autre il ne serait pas tombé

14 dans les mains du Procureur, et donc arrivé devant ce Tribunal à partir de

15 Tchécoslovaquie.

16 L'autre document manuscrit, dont je voudrais parler, est le

17 document 131. Vous vous rappellerez, Monsieur le Président, que le titre

18 de ce document est : L'aventurier.

19 J'aimerais prier les techniciens de bien vouloir montrer ce

20 document 131, à savoir la version bosniaque de ce document, à l'écran. Ce

21 qui nous permettra de voir quel est l'aspect extérieur des documents que

22 l'accusation nous soumet aux fins de nous démontrer leur authenticité et

23 leur véracité.

24 Cela est l'un des documents dont mon confrère Me Ackerman a dit

25 que, malheureusement, il serait possible de les trouver également dans une

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1 corbière à papiers. C'est un morceau de papier où quelqu'un a jeté ses

2 idées. Nous ne savons d'ailleurs pas de qui il s'agit et l'accusation nous

3 affirme qu'il existe quelqu'un, un témoin, qui peut analyser et prouver

4 l'authenticité de ce document. Elle déclare que ce document a été écrit de

5 la main de l’assistant du commandant du groupe tactique.

6 Maintenant, j'aimerais qu'on nous montre le verso de ce ce même

7 document.

8 M. le Président (interprétation). - Pensez-vous qu'il est

9 indispensable que nous nous livrions à cet exercice ? Vous pensez que

10 c’est indispensable ? Vous pouvez le faire si vous le souhaitez, mais je

11 ne pense pas que cela permette d'expliquer davantage que ce qui a déjà été

12 expliqué.

13 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je ne

14 m'exprime qu'au sujet des pièces soumises par l'accusation. Je crois que

15 l'accusation a eu un temps suffisant pour vous soumettre ces documents au

16 courq des trois derniers jours.

17 Pour ma part, j'essaie, je m'efforce et j'espère pouvoir

18 m'exprimer uniquement sur quelques-uns de ces documents, et consacrer à

19 cette expression un temps restreint. J'ai l'intention de ne parler que de

20 deux documents manuscrits au sujet desquels j'aimerais indiquer un certain

21 nombre d'éléments.

22 Je respecte votre souci d'éviter toute répétition, votre souci

23 d'efficacité, de clarté dans les débats. Je crois que c'était le sens des

24 suggestions que vous m'avez faites, Monsieur le Président, ce dont je vous

25 remercie. Puis-je poursuivre, Monsieur le Président ?

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1 M. le Président (interprétation). - Oui, vous le pouvez.

2 Mme Residovic (interprétation). - Lorsque nous voyons ce type de

3 document et tenant compte de l'argument qui a été présenté, à savoir qu'il

4 était possible, dans un certain endroit, de trouver une balle ou un

5 couteau, je tiens à souligner que ceci n'a rien à voir avec une balle et,

6 s'agissant de l'un de ces objets, il convient de mener une enquête pour

7 savoir à qui appartient l'objet en question. Pour un document, il convient

8 de déterminer à qui appartenait ce document.

9 S'agissant de documents manuscrits, je sais que mon collègue,

10 Me Niemann, connaît beaucoup mieux la géographie des Balkans que je ne

11 connais moi-même la géographie de l'Australie. Mais la remarque qu'a faite

12 mon collègue, Me Niemann, au sujet d'un document où il était question de

13 Donje Selo, à côté duquel coulerait la rivière Neretsva... Vous vous

14 souvenez

15 sans doute de ce document où il est question de la caserne de Dugo Selo.

16 Celle-ci, d'après mes connaissances de la géographie, se trouve dans un

17 autre Etat, celui de la Croatie. Il s'agit d'une caserne alors que

18 l'accusation nous parle de Donje Selo, qui est une région, qui est une

19 partie de l'opstina ou de la municipalité de Konjic.

20 Je crois que nous devrions éviter de tomber dans des problèmes

21 de ce genre qui nous amèneraient dans la situation de considérer comme

22 valables et pertinents des documents qui, en fait, nous sont soumis par

23 l'accusation et qui nous présentent des faits erronés. Je vous déclare,

24 Monsieur le Président, que la façon de présenter ces documents de la part

25 de l'accusation montre qu'il existe un problème global et je pense qu'il

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1 convient d'éviter de reproduire les problèmes suscités par le mode de

2 présentation des documents par l'accusation. Vous savez, n'est-ce pas,

3 quels sont tous les autres problèmes liés à la présentation des éléments

4 de preuve. Vous les retrouvez dans le procès-verbal d'audience ou dans

5 d'autres documents.

6 J'aimerais maintenant attirer votre attention sur un troisième

7 groupe de documents liés à l'affirmation de l'accusation selon laquelle

8 l'authenticité et la pertinence des documents en question sont confirmées

9 par le fait que, par rapport à un certain nombre d'entre eux, M. Delalic,

10 mon client, se serait exprimé au cours d'interrogatoires menés à

11 Scheveningen et qu'il aurait reconnu ces documents.

12 Je vous rappelle la discussion que nous avons eue avec le

13 Procureur au sujet d'un ordre du 11 juillet. Le débat a été assez long et

14 il a été prouvé, à l'issue de ce débat, que le document qui était censé

15 provenir de Vienne ne venait pas de Vienne mais de Munich. Le Procureur

16 nous a montré le document 1220 qui montre un fax prouvant de la façon la

17 plus nette quels sont les problèmes liés à la transmission des documents,

18 à l'époque, dans le territoire encerclé de Sarajevo sur lequel se trouvait

19 mon client.

20 Les autres documents appartenant à cette série de documents

21 prétendument montrés à mon client n'ont même pas été présentés à ce

22 Tribunal. Je parle, en particulier, d'un document

23 important. Sur le compte rendu de l'interrogatoire mené à Scheveningen, on

24 voit de la façon la plus claire que je déclare avoir transmis ce document

25 dans le cadre du dossier relatif à mon client.

Page 8997

1 J'aimerais attirer votre attention sur ce que j'ai également

2 stipulé dans une des exceptions préjudicielles que j'ai déposées, à savoir

3 que tous les éléments de preuve qui nous sont soumis ont une fiabilité

4 tellement contestable qu'ils ne devraient absolument pas et ne peuvent pas

5 être considérés ou acceptés en qualité de pièces à conviction dans ce

6 procès.

7 Il nous est dit qu'à l'issue de deux perquisitions menées à

8 Vienne et à Munich, plus de 2 700 documents auraient été saisis. Nous

9 constatons que des erreurs ont été commises dans le cadre de la

10 perquisition, de la saisie et de la transmission de ces documents. Nous

11 constatons qu'une partie de ces documents a été photocopiée et emportée en

12 dehors de toute autorisation du Tribunal. A ce sujet, les témoins

13 interrogés -Mörbauer, D'Hooge et d'autres policiers autrichiens entendus

14 par cette Chambre de première instance- ont dit des choses très

15 différentes. Cela nous permet de penser que le Procureur lui-même ne

16 connaît pas la provenance de certains des documents qu'il nous soumet

17 aujourd'hui et dont il affirme aujourd'hui qu'ils se trouvaient dans les

18 dossiers saisis.

19 J'aimerais attirer votre attention, Monsieur le Président, sur

20 la déclaration du témoin Panzer faite devant ce Tribunal lorsque mon

21 collègue le contre-interrogeait en rapport avec la chemise en carton vert.

22 A ce moment-là, le témoin Panzer, souhaitant répondre le plus rapidement

23 possible, a dit : "Eh bien, nous avons fait ce dossier vert, moi-même et

24 mon collègue Mörbauer, et nous y avons placé un certain nombre de papiers

25 qui étaient en assez grand nombre."

Page 8998

1 J'aimerais vous rappeler, Monsieur le Président, que dans le

2 Niederschrift d'Inda-Bau, sur lequel figure prétendument la liste de tous

3 ces documents, il est clairement stipulé que douze dossiers ont été saisis

4 dans les locaux. Aucun papier n'est mentionné sur cette liste. Or, la

5 déposition de M. Panzer, devant ce Tribunal, nous dit clairement que nous

6 n'avons aucun moyen fiable de confirmer la fiabilité des documents qui

7 nous sont soumis -sans parler des autres qualités exigibles de ces

8 documents- compte tenu du fait qu'ils sont considérés comme devant avoir

9 une valeur probante et une certaine pertinence.

10 Enfin, Monsieur le Président, j'aimerais attirer votre attention

11 sur d'autres documents dont il est proposé que vous les acceptiez à titre

12 d'éléments de preuve. L'accusation nous présente, par exemple, la carte

13 des Bérets Verts reconnue par mon client, comme le précise l'accusation.

14 Elle nous propose également une lettre dont on ne sait pas si elle se

15 trouvait dans les dossiers de l'accusation sous forme d'original ou sous

16 forme de copie.

17 Le Procureur nous dit que l'organisation a été fondée en 1994 et

18 le document nous donne la date du 15 janvier 1992. Il apparaît donc

19 manifestement que ce document n'a absolument pas le moindre pouvoir de

20 nous prouver ce que souhaite prouver l'accusation. Ce document n'a aucune

21 valeur. Puis un autre document également traite de l'appartenance de mon

22 client au SDA et dans lequel vous voyez très manifestement, suite à

23 l'interrogatoire mené à Scheveningen, que mon client explique une

24 situation précise. Il dit que le club de Vienne n'a rien à voir avec un

25 parti politique et ce fait a également été confirmé par le témoin Panzer.

Page 8999

1 M. Panzer a dit qu'en Autriche, les partis politiques étrangers ne

2 pouvaient pas exister.

3 Il y a également le document qui porte les chiffres 18-3 et qui

4 montre, encore une fois, l'absence de fiabilité des éléments proposés par

5 l'accusation quant à la certitude que nous devrions avoir que ce document

6 vient de Vienne. Nous avons entendu le témoin Panzer qui a affirmé avoir

7 immédiatement placé les objets sous clef dans une armoire, nous avons

8 entendu M. D'Hooge nous parler de photocopies faites quelques jours plus

9 tard, nous avons entendu Mörbauer nous dire que des photocopies ont été

10 faites la nuit même, mais aucun de ces témoins ne nous a jamais parlé d'un

11 document qui porterait la cote 18-3. Ce document provient-il de Munich où

12 mon client a été arrêté ce jour-là et chez qui il était éventuellement

13 possible de

14 trouver cette carte ?

15 Dans ces conditions, je suis personnellement amenée à douter de

16 tous les éléments qui nous sont cités eu égard à ces documents et je mets

17 en doute leur fiabilité et leur pertinence.

18 Enfin, Monsieur le Président, on nous propose, comme élément de

19 preuve pertinent, une copie pour laquelle, suite aux questions posées par

20 mon confrère Me O'Sullivan, il a été impossible de déterminer s'il

21 s'agissait d'un original ou d'une copie, mais sur laquelle il est stipulé

22 que ce document aurait été préparé par mon client ; l'accusation l'affirme

23 sur la base d'un certain nombre d'éléments. Je pense que, parmi les

24 langues que parle mon client, il aurait également fallu mentionner le

25 roumain qu'il parle effectivement. Le Procureur n'a apporté absolument

Page 9000

1 aucune preuve puisque nous ne savons pas qui l'a écrit, qui l'a signé, et

2 quel lien peut être établi entre ce document et mon client.

3 Monsieur le Président, j'appuie donc totalement les arguments de

4 droit déjà présentés par mes confrères au sujet de l'ensemble de ces

5 documents et je suis absolument convaincue que, dans l'intérêt du droit et

6 de la justice, vous allez statuer, eu égard à l'ensemble de ces documents,

7 que l'accusation s'est montrée incapable de prouver leur authenticité, que

8 l'accusation s'est montrée incapable de prouver leur fiabilité et que,

9 s'agissant de l'ensemble de ces documents, l'accusation s'est montrée

10 incapable de prouver leur pertinence ou leur valeur probante, tout ceci

11 conformément aux dispositions des articles 89 et 95, et je pense que ces

12 deux articles nous donnent le droit d'exiger que ces documents soient

13 rejetés en tant que pièces à conviction ou éléments de preuve dans ce

14 procès.

15 Je vous remercie.

16 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup,

17 Me Residovic.

18 Voulez-vous intervenir, Maître Moran ?

19 M. Moran (interprétation). - Oui, j'aimerais scinder ma

20 présentation en plusieurs parties. Je voudrais d'abord faire un petit

21 exercice d'éloquence comme l'ont fait Me Ackerman et

22 Me Greaves à propos des éléments de preuve, puis j'aimerais m'attarder un

23 peu sur ce fils conducteur dont a parlé le Procureur et vous montrer qu'il

24 y a en fait absence de fil conducteur. Il y a également trois ou quatre

25 documents individuels dont j'aimerais discuter car je voudrais vous

Page 9001

1 expliquer pourquoi ces documents ne sont pas recevables, tout au moins à

2 l'encontre de mon client. Enfin, j'aimerais évoquer quelques questions

3 personnelles.

4 Je vais ainsi commencer. Le Procureur a dit que la Chambre était

5 constituée de juges professionnels tout à fait aptes à opérer un tri et à

6 retenir ce qui leur semblait opposable. Il y a eu une affaire bien connue

7 -une affaire d'après la Deuxième guerre mondiale- qui était l'affaire

8 Krupp, en vertu de la législation sur le conseil N°10. Etant donné la

9 décision qui est tombée dans l'affaire Erdemovic, je ne sais pas quelle

10 est la pertinence de ces affaires relevant de la loi du Conseil de

11 contrôle N°10 mais voici ce que je veux dire : tous les procès, tous les

12 tribunaux, d'après la Deuxième guerre mondiale, que ce soit Nuremberg,

13 Tokyo, les lois du Conseil de contrôle N°10, et d'autres affaires, se sont

14 déroulés suivant des règles de fonctionnement qui ont été imposées à des

15 juges par des forces extérieures, et ces règles étaient assez identiques

16 les unes aux autres. Au fond, on peut examiner les règlements et les

17 articles. Par exemple, il y a l'affaire Yamashita qui avait ses propres

18 règles et qui dit : "Tout ce que veut faire le Procureur est recevable ;

19 il peut utiliser des avis, même s'il n'a pas droit au contre-

20 interrogatoire. Les juges peuvent admettre comme élément de preuve

21 matériel tout rapport provenant d'une agence gouvernementale, d'un

22 gouvernement des Nations Unies d'alors", qui a trait aux alliés pendant la

23 deuxième guerre mondiale. Par exemple, on a même utilisé ces articles pour

24 accepter le rapport du gouvernement russe à propos du meurtre de

25 10 000 officiers polonais qu'auraient commis les Allemands et, il y a

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1 quelques mois, le Président Eltsine a dit que c'étaient les Russes qui

2 l'avaient fait.

3 Ces règles et articles ont été vivement critiqués lors d'une

4 affaire où la Chambre a dit qu'on pouvait peut-être recevoir ces documents

5 mais qu'on ne pouvait pas nous dire quel poids

6 accorder aux éléments de preuve. Nous avons à décider du poids à accorder.

7 J'aimerais illustrer mon propos par l'affaire Yamashita qui n'a

8 pas été un des meilleurs jours de la Cour suprême des Etats-Unis. Le

9 Conseil de sécurité a, par la constitution de ce tribunal, adopté

10 l'article 15 du Statut qui, au lieu d'imposer un règlement de l'extérieur

11 à ses juges, dit que ce sont les Juges qui doivent élaborer le Règlement,

12 et je crois qu'il y a onze articles relatifs à l'administration de la

13 preuve. Le Conseil de sécurité a également dit qu'il était possible

14 d'examiner les règles d'administration de la preuve nationale.

15 Ceci m'amène à l'examen du document 130 à propos duquel

16 l'accusation affirme qu'il s'agit d'une déclaration de M. Mucic dans

17 laquelle il incrimine mon client. Je ne sais pas si c'est bien une

18 déclaration de M. Mucic ou pas.

19 S'agissant de la nature de recevabilité générale, je laisse le

20 soin à Me Olujic ou à Me Greaves d'argumenter, mais je dirai qu'il y a de

21 cela quelques semaines, j'ai déposé un mémoire devant la Chambre en citant

22 une affaire britannique, R. c/ Silcott, et plusieurs affaires de la Cour

23 suprême américaine, sur la recevabilité de déclarations de co-accusés

24 contre d'autres accusés, donc contre d'autres co-accusés, au moment où

25 certains documents ont été versés au dossier il y a quelques mois de cela.

Page 9003

1 Je crois que la Chambre a dit à ce moment-là qu'une déclaration d'un

2 accusé ne peut être reçue que contre cet accusé-là et contre personne

3 d'autre. Je le disais à propos du document 130.

4 Je passe maintenant à un autre document de l'accusation. D'après

5 mes notes, il s'agit du document 126 et celui-ci porte directement sur la

6 question posée hier et avant-hier par le Juge Jan à propos de la date à

7 laquelle s'est créé le groupe tactique n° 1.

8 Je crois que la pièce de l'accusation 118, à savoir l'ordre

9 désignant M. Delalic à ce poste de commandement, montrait que ce faisant,

10 il remplaçait quelqu'un d'autre. Mais nous ne savons pas quand le groupe

11 tactique a été créé ; nous supposons que c'était sans doute avant le

12 11 juillet.

13 Toutefois, le document de l'accusation 128 a trait à un incident

14 qui s'est produit auparavant. Je précise : c'est un rapport qui implique

15 un homme assassiné, un certain dénommé Bubalo. Tous ces actes se sont

16 produits avant le 11 juillet, comme le dit bien ce rapport, et indiquent

17 les différentes fonctions occupées par diverses personnes au moment de

18 l'incident. Manifestement, lorsque l'on dit que M. Delalic était le

19 commandant du groupe tactique 1 en juin, nous savons que c'est faux. Ces

20 fils conducteurs ne mènent plus à rien finalement alors que l'accusation

21 les utilise pour parler de la recevabilité de ces documents.

22 Le document de l'accusation 129 semble être un rapport

23 d'enquête. A mon avis, ceci ressemble fort au rapport de cette commission

24 soviétique qui avait enquêté sur la mort des officiers polonais dans

25 l'affaire de Nuremberg. Il a un défaut absolu de recevabilité : on ne sait

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1 pas qui est l'auteur de ce rapport, à qui il était destiné ; trois

2 personnes ont signé ce rapport -je suppose que l'on pourrait trouver au

3 moins une de ces personnes pour qu'elle vienne témoigner à propos de ces

4 faits- et nous n'avons aucun moyen de les contreinterroger.

5 Je parle maintenant de la pièce 131, toujours de l'accusation,

6 cette lettre de l'aventurier. Deux problèmes se posent à ce niveau et

7 voici ce que je vous suggère,-et je ne suggère rien de sinistre de la part

8 de qui que ce soit- : ce que nous avons vu n'est qu'un faux tampon, on

9 trouve simplement un chiffre avec huit numéros qui figure sur tous les

10 documents du Procureur. L'original bosniaque porte le même numéro que

11 celui qui figure sur le document 131, mais quand on examine la traduction

12 en anglais, on retrouve ces huit numéros à la fin du document. Est-il

13 possible de faire afficher à l'écran la traduction en anglais où l'on voit

14 le numéro de fin de page ?

15 Puis, à la page suivante, la deuxième, on a la traduction en

16 anglais et il y a un autre chiffre avec sept numéros qui montre que c'est

17 la fin de cette page.

18 Mais ces numéros diffèrent de ceux que l'on trouve sur

19 l'original bosniaque. Je n'y trouve aucune explication, je ne parle pas

20 bosniaque. Je vous demande d'examiner ceci sous

21 l'angle de la recevabilité, du moins au niveau de la traduction.

22 Je parle maintenant du document 135 déposé par l'accusation. Le

23 Procureur ne cesse de parler de ces fils conducteurs montrant les éléments

24 de preuve. Apparemment, il s'agirait d'une carte de membre du parti du SDA

25 délivrée à M. Delalic le 4 mai 1992. Où était-il ? Il n'était pas à

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1 Vienne, il était en Bosnie. Tout le prouve alors que la carte a été

2 délivrée à Vienne.

3 S'agissant du document 143, qu'est-ce que c'est ? Cela paraît

4 être, nous dit-on, un communiqué de presse, une déclaration... Nous ne

5 savons pas qui l'a rédigé, il n'y a pas d'en-tête, nous ne savons pas d'où

6 cela vient.

7 Pour ce qui est du document 146, je cite : "Le rapport ou le

8 mémo Hazim", je ne vais pas parler de la recevabilité générale de ce

9 document, mais j'objecte à ce qu'il soit versé contre mon client.

10 D'abord, on ne sait pas qui est Hazim même si le Procureur

11 affirme qu'il s'agit de Hazim Delic. Mais -autre raison- rien n'a été

12 prouvé pour montrer qu'il avait quoi que ce soit à faire jusqu'au moment

13 de son arrivée à La Haye dans la prison. Nous ne savons pas si, après

14 décembre 1992, il était incarcéré dans un trou d'hommes à Celebici ou dans

15 une autre prison, voire dans celle de Celebici ou dans la salle de sports

16 de Musala. Il n'avait sans doute aucune façon de contacter des personnes

17 qui seraient au fait de tout ceci.

18 Je ferai mienne aussi les objections soulevées par mes confrères

19 et, si vous me le permettez, pendant quelques minutes,...

20 M. le Président (interprétation). - Voulez-vous vous écarter de

21 la discussion, Maître Moran ?

22 M. Moran (interprétation). - Il s'agit d'une question

23 personnelle. Il est fort possible que je ne sois pas présent le

24 24 novembre et il y a 50 % de chance pour que je ne revienne pas. J'aurais

25 bien voulu dire au revoir à la Chambre.

Page 9006

1 C'est une question professionnelle et personnelle qui n'a rien à

2 voir avec notre affaire mais, au fil des mois que nous avons passés ici,

3 j'ai vraiment admiré de plus en plus les travaux de la Chambre. Je crois

4 que nous avons fait plus ample connaissance ; nous nous apprécions

5 mutuellement ce qui veut dire que je serais fort triste de ne pas vous

6 dire au revoir dès maintenant au cas où je ne reviendrais pas.

7 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des doutes ?

8 M. Moran (interprétation). - Il y a 50 % de chance pour que je

9 ne revienne pas ici pour des raisons professionnelles privées.

10 M. le Président (interprétation). - Il serait fort triste que

11 vous nous quittiez puisque vous êtes arrivé à ce stade du procès.

12 M. Moran (interprétation). - Je comprends parfaitement.

13 M. le Président (interprétation). - Dont acte.

14 M. Moran (interprétation). - Mais dans l'éventualité où je ne

15 reviendrais pas, je voulais vous prévenir.

16 M. le Président (interprétation). - Nous espérons vraiment que

17 vous serez de nouveau parmi nous parce que nous aurons besoin de vous.

18 M. Moran (interprétation). - J'en suis très flatté. Merci,

19 Monsieur le Président.

20 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann ?

21 M. Niemann (interprétation). - Si vous me le permettez, Madame

22 et Messieurs les Juges, j'aimerais d'abord revenir sur la question des

23 arguments généraux qui vous ont été présentés par Me Greaves et

24 Me Ackerman.

25 Madame et Messieurs les Juges, Maître Ackerman vous a exhortés à

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1 examiner toute la question de la preuve par titre et de fournir à la

2 juridiction que nous constituons un avis, une opinion, qui pourrait être

3 d'utilité et d'application pour des affaires qui seront entendues par ce

4 Tribunal.

5 Nous nous joignons à cette exhortation, mais nous demandons que

6 vous le fassiez au vu du règlement d'administration de la preuve et de la

7 procédure que vous avez élaboré aini qu'au vu du statut parce que nous ne

8 ressemblons pas à une juridiction nationale.

9 Il n'est pas exact de dire qu'il faudrait tenir compte de ce qui

10 se pratique dans les systèmes internes lorsqu'il s'agit de traiter de la

11 recevabilité. Vous savez que dans les droits internes qui varient, des

12 difficultés se sont posées à l'encontre de documents et, en premier lieu,

13 parce que vous avez affaire à des documents qui constituent un ouï-dire.

14 Il ne fait pas l'ombre d'un doute que ce sont là des ouï-dire.

15 Il n'est pas juste de dire que des documents ne peuvent pas être

16 considérés comme recevables parce qu'en fait, de cette façon, on ne donne

17 plus le droit à l'accusé et à sa défense de contre-interroger les témoins.

18 En vertu de l'article 21 du statut, il est certain que l'accusé a le droit

19 de procéder à une confrontation avec un témoin à charge et a le droit au

20 contre-interrogatoire de ce témoin. Mais ce serait une construction

21 erronée, à mon avis, que d'en conclure que cette garantie s'applique à

22 toutes les facettes que peuvent présenter une preuve, y compris les

23 documents eux-mêmes. Des documents ont toujours été reconnus à titre

24 d'ouï-dire, en vertu des règles y afférent.

25 Dans certains systèmes de Common Law, le traitement donné à ces

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1 preuves par titres ont engendré une législation considérable, visant à

2 améliorer les dispositions déjà anciennes s'appliquant à de tels

3 documents. Les principes anciens de Common Law, qui estiment que l'auteur

4 étant cité comme constituant la seule preuve, n'est plus pratiquement

5 d'application aujourd'hui.

6 De nouvelle mesure ont été prises, des mesures considérables,

7 depuis ces jours anciens de principes de Common Law. Des exceptions très

8 importantes permettent de demander le versement au dossier de documents

9 commerciaux, de documents informatiques, de documents de gouvernement, des

10 publications du domaine public, des certificats. Tout cela a été

11 réglé par la loi, par la législation.

12 Vous avez mis au point un jeu d'articles du Règlement pour

13 parler de la recevabilité des éléments de preuve. L'article 89 le dit très

14 simplement. Me Greaves, ou Me Ackerman, vous les a fait parcourir. Il vous

15 a dit, à ce propos, à l'examen de l'article 89, que il a été dit que

16 voudriez mettre au point un jeu d'articles qui soit le reflet fidèle de la

17 nécessité que vous avez de trancher dans un procès équitable. Nous

18 n'allons jamais en disconvenir.

19 Mais, dans notre système, il y a aussi un équilibre à respecter,

20 équilibre qui a été mis en place étant donné la nécessité qu'il y a de

21 tenir compte de l'intérêt des victimes, des témoins ; de tenir compte

22 aussi du fonctionnement général de ce Tribunal et des compétences qui lui

23 sont attribuées.

24 Nous voulons avant tout trouver la vérité. Si vous avez le

25 moindre doute, le moindre malaise, à propos d'un document, il ne faut pas

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1 que vous l'utilisiez, il ne faut pas l'accepter, il faudrait le rejeter.

2 Il faut le faire si vous estimez qu’en l'admettant vous allez peut-être ne

3 pas respecter la nécessité, que vous devrez respecter, qui est d'assurer

4 un procès équitable pour les accusés.

5 Mais, parallèlement, le Statut et le Règlement exigent, de vous,

6 que vous tenez denier compte aussi des intérêts plus larges, à savoir

7 l'intérêt des témoins et des victimes.

8 M. Jan (interprétation). - Ce n'est pas adéquat. Un document

9 peut-il être utilisé contre un accusé ? Lorsque vous avez l'auteur présumé

10 de ce document qui se trouve au prétoire, oui, mais lorsque l'accusé ne

11 peut pas procéder au contre-interrogatoire, ne peut pas intervenir, quant

12 aux avenants ou considérants de tel ou tel document ?

13 M. Niemann (interprétation). - Pensez-vous au témoin Ramic ?

14 M. Jan (interprétation). - Non, je parle de la lettre dont on

15 affirme qu'elle est de la main de Mucic. Delalic n'est pas en mesure de

16 procéder au contre-interrogatoire, de poser des questions à propos ce

17 document. Est-ce là quelque chose de juste à l'égard de M. Delalic ? *

18 M. Niemann (interprétation). - Cela relève de la même catégorie

19 que tous les autres documents, Monsieur le Juge.

20 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

21 Le problème c'est que la personne, contre qui ce document est

22 dirigé, ne peut pas procéder à l'interrogatoire. Je parle ici d’équité.

23 M. Niemann (interprétation). - Effectivement. Par exemple,

24 concernant une question de conspiration ou de complot, si des partis se

25 mettent ensemble, s'il y a un regroupement de personnes ayant commis des

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1 délits, et si cela se présente sous forme de preuve par titre, une

2 situation similaire va peut-être se présenter. Considèrera-t-on alors ce

3 document comme recevable contre une partie ou le groupe ? Il faudra que

4 vous preniez une décision. Il faudra peut-être le faire à partir du

5 principe de l'équité. Est-il juste de procéder de la sorte ?

6 A notre avis, aucun article du Règlement ne stipule qu'il n'est

7 pas possible d'appliquer le principe qui vous guide tout du long :

8 l'intérêt du procès équitable. Il est donc peut-être équitable que vous

9 admettiez que vous versiez ces pièces au dossier. En général, nous vous

10 exhortons à tenir compte de ce principe, à trancher sur le principe du

11 procès équitable.

12 Si vous estimez que les éléments de preuve sont recevables

13 contre un co-accusé dans ces circonstances, il n'en demeure pas moins que

14 nous avons affaire à un procès équitable, mais il faut appliquer ce

15 principe à cette fin.

16 Il n'est pas exact de dire que par le seul fait qu'il n'est pas

17 possible d'avoir un contre-interrogatoire à l'encontre d'un document,

18 l'affaire est ainsi réglée et qu'on ne peut pas avoir un procès équitable.

19 Pour nous, cela ne se présente pas ainsi.

20 Vous pourriez avoir plusieurs documents dirigés contre des

21 personnes qui sont mortes et qu'on ne peut pas faire comparaître.

22 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

23 Mais, l’accusé n'a pas le droit en vertu de la loi.

24 M. Niemann (interprétation). - C'est peut-être frustrant.

25 M. Jan (interprétation). - Moi, je parle d'équité.

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1 M. Niemann (interprétation). - C'est peut-être frustrant parce

2 que la personne est présente, mais elle peut ne pas procéder au contre-

3 interrogatoire.

4 M. Jan (interprétation). - Moi, je m'intéresse surtout à

5 l’équité.

6 M. Niemann (interprétation). - Est-ce différent du cas où vous

7 avez un document !

8 M. Jan (interprétation). - Nous parlons d'un procès équitable.

9 C’est uniquement sous cet angle que je pose la question.

10 M. Niemann (interprétation). - Un autre point, qui a été relevé

11 dans le cadre des arguments de la défense, porte sur le fait que les

12 documents devraient être authentifiés ou prouvés au-delà de tout doute

13 raisonnable. J’ai souvent posé cette question.

14 Plusieurs documents relèvent de ces catégories, mais ce sont des

15 éléments de preuve indirecte. Il faut les rassembler pour avoir un produit

16 et un résultat final. Les preuves indirectes ne sont pas, comme certains

17 le diront peut-être, un maillon de la chaîne. Ce qui ferait dire que, si

18 on enlevait un de ces maillons, il n'y aurait plus du tout de chaîne.

19 Les preuves indirectes sont une espèce de fil conducteur, un des

20 fils qui constituent une corde. En soi, il n'a peut-être aucune force,

21 mais si on l'ajoute à d'autres fils, il se fortifie et il peut être

22 utilisé. Je ne fais pas preuve d'originalité en choisissant cette

23 analogie, car elle provient d'un juriste éminent du Royaume-Uni,

24 M. Pollak.

25 Je trouve que c'est une analogie tout à fait adéquate. Ce qui

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1 veut dire que lorsque vous allez examiner chacun de ces documents et

2 chacun des arguments présentés, vous allez vous demander si ce document

3 est celui qui va vraiment trancher l'affaire à lui seul, indépendamment

4 des autres. Si l'accusation se contentait de demander le versement d'un

5 seul dossier, l'affaire serait ainsi réglée, mais ce n'est pas ce que nous

6 avons essayé de faire. Nous disons que chacun des documents doit être

7 examiné et il y a effectivement une procédure de

8 traitement : il s'agit d'opérer un tri et d'apprécier le poids de chacun

9 des documents. Vous allez peut-être en rejeter certains si vous estimez

10 qu'ils n'ont pas le degré voulu de poids et de fiabilité.

11 M. le Président (interprétation). - Je crois que la difficulté

12 se présente lorsque c'est le contenu même d'un document qui est en jeu et

13 non pas les circonstances qui ont entouré sa saisie parce que, dans ce

14 cas, on pourrait parler de circonstances indirectes. Mais pour savoir

15 exactement quand un document a été rédigé, là, c'est autre chose.

16 M. Niemann (interprétation). - Lorsqu'il y a, dans des

17 documents, des éléments qui induisent telle ou telle conclusion, vous

18 allez peut-être vouloir un renfort d'arguments venant d'autres documents,

19 une assurance supplémentaire, car un document va peut-être donner une

20 conclusion probante sur un des éléments du délit, et il faudrait, bien

21 sûr, que vous soyez satisfait de ce que ce document apporte la preuve au-

22 dessus de tout doute raisonnable. Ceci est incontestable.

23 Mais je reviens à l'argument général qui vous a été soumis. Eu

24 égard au fait que les règles d'administration de la preuve sont ce

25 qu'elles sont, nous pensons que vous êtes face à une tâche complexe parce

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1 que vous êtes à la fois juges et jury. Dans la plupart des systèmes se

2 présente une situation où le juge entend tous les éléments de preuve dans

3 le processus de voir dire pour déterminer aussi la recevabilité, puis la

4 question est passée au jury. Vous devez assumer ces deux fonctions et je

5 serai le premier à dire que c'est là une fonction aussi difficile que

6 complexe. J'espère de tout coeur que les deux parties au procès ont fait

7 de leur mieux pour vous aider à vous acquitter de cette tâche.

8 Revenons aux principes de Nuremberg. Il ne me semble pas juste

9 de décrire l'un quelconque des documents dont nous demandons le versement

10 au dossier. Si je me souviens bien des principes de Nuremberg que je vous

11 ai indiqués au cours de mon long exposé à propos de la recevabilité des

12 pièces, je dis qu'il y a une similitude remarquable entre le Règlement de

13 procédure et de preuve que vous avez mis au point -je pense ici surtout à

14 l'article 89- et ce qui s'est appliqué à Nuremberg. L'objectif principal

15 est d'élucider et de parvenir à la vérité. Suffisamment de restrictions

16 vous sont imposées pour ce qui est de l'obtention de preuves physiques.

17 Les règles nationales, par exemple, relatives à l'ouï-dire ne vous

18 permettraient pas d'avoir accès à ces éléments de preuve et ceci ne sera

19 pas utile en fin de compte. Je crois que ce sont les juges, en plénière,

20 qui peuvent au mieux élaborer des articles de règlement qui serviront

21 notre fin. Il est prévu au règlement l'article 89 et d'autres articles

22 plus limités pour l'administration de la preuve.

23 Si vous voulez aborder cette question difficile, il faut savoir

24 comment appliquer au mieux le règlement lorsqu'on veille à la nécessité du

25 procès équitable, mais lorsqu'on veille aussi à la possibilité de vous

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1 soumettre des éléments que vous aurez à examiner. Tâche difficile. Mais

2 ceci ne peut pas se faire en se contentant d'appliquer des règlements

3 nationaux qui varient d'un système juridique à l'autre et où vous n'avez

4 pas le bénéfice d'une législature qui vous sert d'orientation dans le

5 choix des articles à appliquer.

6 Vous avez une tâche difficile à accomplir, Madame et Messieurs

7 les juges. Vous recevez beaucoup plus d'éléments de preuve que ce qui peut

8 être soumis à un jury lorsqu'il y a procès avec jury. La tâche est

9 difficile mais le règlement est conçu précisément pour vous permettre de

10 parvenir à la vérité et, ce faisant, il ne faut pas que vous soyez

11 entravés ou privés de la possibilité d'avoir accès aux éléments de preuve.

12 Je tiens vraiment à vous encourager à examiner le règlement dans sa

13 conception et dans l'application qu'il faut en faire.

14 M. Ackerman (interprétation). - Une question vient d'être

15 soulevée à la suite de celle qu'a posée le juge Jan à propos de

16 déclarations par un co-accusé. Me Niemann a aussi évoqué la question du

17 complot. Puis-je avoir deux minutes pour évoquer ce sujet ?

18 M. le Président (interprétation). - Vous avez peut-être le droit

19 mais est-ce vraiment nécessaire ? Allez-y, si vous voulez.

20 M. Ackerman (interprétation). - Je peux être rapide. Dans le

21 système d'où je viens, et ayant travaillé dans plusieurs affaires sur le

22 complot, je sais que les procureurs adorent la théorie du complot. D'abord

23 -prémisse générale-, la déclaration d'un co-accusé n'est pas recevable

24 contre un autre co-accusé (et c'est souvent réglé par la disjonction

25 d'instance), ou alors la déclaration n'est pas reçue ou considérée comme

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1 recevable lorsque les juges ou le jury peuvent l'utiliser contre un autre

2 accusé.

3 Il y a eu un exemple dans une affaire de complot où les accusés

4 semblaient avoir agi ensemble dans le cadre d'un objectif conjoint. Les

5 déclarations faites par les co-accusés au cours de ce complot et dans les

6 afférences qu'on en a tirées sont donc des déclarations communes qu'on

7 peut attribuer à l'un quelconque des co-accusés. Ce type de déclaration

8 serait recevable pour un accusé contre un autre accusé mais cette

9 situation s'achève lorsque le complot se termine.

10 Souvent, lorsque des accusations sont portées contre des

11 individus dont on prétend qu'ils ont agi ensemble dans un objectif commun,

12 une fois le complot terminé, les gens veulent s'exonérer et en incriminer

13 d'autres, ce qui veut dire que toute déclaration faite ultérieurement,

14 comme c'est le cas de la déclaration Mucic ici -elle a été faite bien

15 après que Celebici ne fonctionne plus- ne peut présenter aucune fiabilité

16 parce que cela peut être considéré comme étant une déclaration conçue pour

17 incriminer ou exonérer quelqu'un et non pas comme quelque chose qui fasse

18 partie d'un travail de complot.

19 Je peux vous dire comment les tribunaux américains travaillent.

20 J'ai travaillé dans une centaine d'affaires de complot et je crois que la

21 déclaration de Mucic ne serait pas considérée comme recevable, aux Etats-

22 Unis, contre un des autres co-accusés, et n'est pas recevable ici dans le

23 cas de Mucic.

24 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je crois

25 qu'il faudra terminer par une autre question qui était en suspens, celle

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1 de la recevabilité de la pièce 155. Nous avons,

2

3 en fait, repoussé la décision s'agissant de la demande de recevabilité. On

4 parle ici d'une lettre qui aurait été écrite par Mucic ainsi que d'une

5 ordonnance en vue de l'obliger à produire un échantillon de son écriture.

6 Je vais vous communiquer une décision orale. Les interprètes

7 n'assurent pas l'intégralité ou la fiabilité de ce qu'ils vont dire.

8 La Chambre de première instance a examiné les deux requêtes

9 présentées par l'accusation à propos de la pièce 155. Il est clair que la

10 requête fait intervenir des éléments cruciaux pour ce qui est de la

11 construction de différentes dispositions du statut et du règlement du

12 Tribunal international, plus particulièrement celles qui ont trait à la

13 nature et à la portée des droits d'un accusé devant le Tribunal, critères

14 retenus pour la recevabilité des éléments de preuve et les pouvoirs qu'ont

15 la Chambre saisie d'une affaire.

16 La Chambre a décidé de faire droit à la première requête de

17 l'accusation, à savoir que la pièce 155 devrait être considérée comme

18 recevable au dossier, de l'avis de la Chambre. Les dispositions relatives

19 à la recevabilité sont très claires et sans ambiguïté. Le critère de

20 recevabilité, en vertu de l'article 89-C, est que l'évidence est

21 pertinente et a valeur probante. La Chambre reconnaît que la fiabilité est

22 une composante intrinsèque de chaque élément de recevabilité. C'est

23 effectivement le fil conducteur indivisible qui se trame à travers les

24 deux composantes.

25 Mais il n'est ni nécessaire, ni souhaitable de le considérer

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1 comme étant le seul jalon individuel sur la voie de la recevabilité devant

2 cette Chambre. Il faut examiner la pertinence avant que la pièce puisse

3 être recevable. La lettre en tant que telle a suffisamment de valeur

4 probante et de fiabilité.

5 Quant à ce qu'affirme l'accusation, à savoir que le contenu de

6 la lettre a trait à certains chefs d'accusation repris dans l'acte

7 d'accusation à cause des allégations que la lettre aurait été de la main

8 de Mucic, ceci n'a pas été suffisamment prouvé. L'accusation n'a pas

9 suffisamment établi de liens entre le contenu et Mucic. La pièce n'est

10 donc reçue que dans la mesure où la preuve de son existence a été faite

11 devant la Chambre, à savoir que la lettre était pertinente pour cette

12 affaire, présentait une valeur probante et avait trait au témoin P par le

13 biais d'une autre personne.

14 La question du contenu de cette lettre et du poids accordé à

15 celle-ci sera examinée lors des délibérations de la Chambre. La Chambre

16 n'est pas en mesure de faire droit à la requête de l'accusation à propos

17 de l'ordonnance demandée exigeant la production d'un échantillon des

18 écritures provenant de M. Mucic.

19 La Chambre de première instance n'est pas convaincue qu'un

20 échantillon d'écriture en soi peut être considéré comme constituant une

21 preuve matérielle contre un accusé.

22 La Chambre estime que si l'élément matériel...

23 (interruption de la traduction)

24 Il est peu probable que nous ayons une audience avant le lundi

25 1er décembre étant donné les difficultés que nous rencontrons parce qu'une

Page 9018

1 autre Chambre va siéger dans ce prétoire. Mais lorsque nous allons nous

2 retrouver, nous allons travailler jusqu'au vendredi 5 décembre. Au cours

3 de cette semaine, nous espérons pouvoir entendre le témoignage des deux

4 témoins experts. Nous espérons que le professeur Economides pourra être

5 soumis au contre-interrogatoire et que nous pourrons avoir les trois

6 phases de l'interrogatoire pour le professeur Gau. Nous espérons pouvoir

7 accomplir ceci dans la période prévue.

8 Après cette période, nous n'allons sans doute pas recommencer

9 avant le lundi 12 janvier. La Chambre exhorte la défense à préparer ses

10 témoins pour éviter tout retard inutile, lorsque l'accusation aura terminé

11 de présenter ses arguments et ses témoins. J'espère que tout ceci pourra

12 être terminé en janvier pour que nous puissions poursuivre. Il y a encore

13 les plaidoiries finales à recevoir de Me Niemann, au nom de l'accusation.

14 M. Niemann (interprétation). - Oui, c'est ce que nous nous

15 attendions à faire. Nous

16 nous attendions à respecter ces délais. Cela devrait être terminé dans la

17 première semaine.

18 M. le Président (interprétation). - Effectivement, lors de la

19 première semaine de décembre.

20 M. Jan (interprétation). - Nous devrions pouvoir commencer avec

21 la défense en janvier.

22 M. le Président (interprétation). - Tout à fait. Je voulais

23 simplement avertir la défense pour qu'elle soit au courant afin qu'elle

24 puisse s'organiser en conséquence et qu'elle entame sa présentation dès

25 notre retour en janvier.

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1 Je crois que c'est à peu près tout ce que nous avions à dire

2 pour aujourd'hui.

3 L'audience est levée à 17 heures 40.

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