Composée comme suit :
M. le Juge Fausto Pocar, Président
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
M. le Juge Mehmet Güney
M. le Juge Wolfgang Schomburg
Mme le Juge Inés Mónica Weinberg de Roca
Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier
Décision rendue le :
7 novembre 2003
LE PROCUREUR
c/
Mladen Naletilic, alias « TUTA »
Vinko Martinovic, alias « STELA »
________________________________________________
DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE CONJOINTE DÉPOSÉE PAR LA DÉFENSE DE ENVER HADZIHASANOVIC ET AMIR KUBURA AUX FINS D’ACCÈS À TOUS LES DOCUMENTS, ÉCRITURES, COMPTES RENDUS D’AUDIENCE ET PIÈCES À CONVICTION CONFIDENTIELS DE L’AFFAIRE NALETILIC ET MARTINOVIC
________________________________________________
Le Bureau du Procureur :
M. Norman Farrell
Les Conseils des Appelants :
MM. Matthew Hennesy et Christopher Young Meek, pour Mladen Naletilic
MM. Zelimir Par et Kurt Kerns, pour Vinko Martinovic
Les Conseils des Requérants :
Mme Edina Residovic et M. Stéphane Bourgon, pour Enver Hadzihasanovic
MM. Fahrudin Ibrisimovic et Rodney Dixon, pour Amir Kubura
LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),
VU la requête conjointe aux fins d’accès à tous les documents, écritures, comptes rendus d’audience et pièces à conviction confidentiels de l’affaire Naletilic et Martinovic (Joint Defence Motion for Access to All Confidential Material , Filings, Transcripts and Exhibits in the Naletilic and Martinovic Case), déposée conjointement par la Défense d’Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura (les « Requérants ») le 29 juillet 2003 (la « Requête »), par laquelle les Requérants demandent que tous les documents, écritures, comptes rendus d’audiences et pièces à conviction confidentiels de l’affaire Naletilic et Martinovic leur soient communiqués 1,
ATTENDU que, d’après les Requérants, « les recoupements entre l’affaire Naletilic et Martinovic et celle des Requérants sont d’ordre temporel et matériel », que les faits incriminés dans leur affaire portent sur la même période et que les recoupements matériels concernent les faits suivants :
1. dans les deux affaires, les opérations militaires menées par les parties belligérantes s’inscrivaient dans le même conflit armé ayant opposé le HVO et l’ABiH en Bosnie -Herzégovine en 1993 ;
2. dans les deux affaires, les mécanismes de commandement et de contrôle au sein de l’ABiH et du HVO étaient organisés selon les mêmes structures et unités militaires ; et
3. la présence en Bosnie-Herzégovine de troupes de la HV de Croatie et leurs opérations sont communes aux deux affaires2,
VU la réponse de l’Accusation à la Requête (Prosecution Response to Joint Defence Motion by Enver Hadzihasanovic and Amir Kubura for Access to All Confidential Material, Filings, Transcripts and Exhibits in the Naletilic and Martinovic Case ), déposée le 8 août 2003 (la « Réponse »),
ATTENDU que dans sa Réponse, l’Accusation s’oppose à ce qu’il soit fait droit à la Requête « principalement au motif que les Requérants n’ont pas démontré l’existence d’un but légitime juridiquement pertinent justifiant l’obtention de l’accès » et affirme que la demande d’accès est formulée en des termes bien trop larges3,
ATTENDU que, dans sa Réponse, l’Accusation fait valoir que « contrairement à d’autres affaires dans lesquelles les Requérants ont sollicité l’accès à des documents confidentiels, l’affaire Naletilic et Martinovic ne saurait être considérée comme le pendant de l’affaire Hadzihasanovic et Kubura4 », que « l’affaire des Requérants concerne la Bosnie centrale, alors que l’affaire Naletilic et Martinovic se limite au Sud-ouest de la Bosnie »5 et qu’il n’y a donc aucun recoupement géographique entre les deux affaires,
ATTENDU que l’Accusation affirme ensuite que « les Requérants n’ont pas démontré , et sont incapables de démontrer, en quoi les documents confidentiels qui concernent les unités spéciales du HVO (le « KB ») ayant opéré dans les municipalités de Mostar et de Jablanica du Sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine pourraient les aider de manière substantielle dans la préparation de leur dossier », que la question de savoir si le conflit était interne ou international ne se pose plus, et que, par conséquent , les documents concernant l’implication de la République de Croatie ne présentent plus d’intérêt6,
ATTENDU que, si la Requête est favorablement accueillie, l’Accusation demande que les parties à l’affaire Naletilic et Martinovic « se voient accorder suffisamment de temps pour déterminer s’il est nécessaire de saisir la Chambre d’appel d’une requête aux fins de mesures de protection supplémentaires en faveur des témoins qui ont déposé » et « pour déterminer s’il existe des documents confidentiels relevant de l’article 70 C) du Règlement [le Règlement de procédure et de preuve], aux fins d’entrer en rapport avec les personnes ou entités les ayant fournies et d’obtenir leur consentement avant de les communiquer »7,
ATTENDU qu’une partie a toujours le droit de chercher à obtenir des documents provenant de n’importe quelle source afin de l’aider à préparer son dossier à condition d’identifier les documents recherchés, ou de décrire leur nature générale, et de démontrer l’existence d’un but légitime juridiquement pertinent justifiant l’obtention de cet accès8,
ATTENDU que les Requérants ont désigné les passages pertinents dans le Jugement Naletilic et Martinovic et ont indiqué à la Chambre d’appel les documents auxquels ils demandent l’accès,
ATTENDU que le recoupement temporel entre les deux affaires n’est pas en soi suffisant pour que l’accès aux documents confidentiels soit accordé,
ATTENDU que les Requérants n’ont pas démontré l’existence d’un recoupement géographique entre les deux affaires, puisque l’affaire Naletilic et Martinovic concerne le Sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine et que l’affaire des Requérants concerne la Bosnie-Herzégovine centrale, et qu’ils n’ont pas démontré en quoi les documents se rapportant aux unités spéciales du HVO (le KB) et ses sous-unités qui opéraient dans la région de Mostar sont susceptibles de les aider de manière substantielle à soutenir leur cause, ni en quoi il y a de fortes chances qu’ils soient utiles à la préparation de leur dossier,
ATTENDU que la nature du conflit n’est pas un élément pertinent dans l’affaire Hadzihasanovic et Kubura puisque l’acte d’accusation ne contient que des accusations relevant de l’article 3 du Statut et que, dès lors, les Requérants n’ont pas démontré en quoi les documents confidentiels concernant la présence en Bosnie -Herzégovine de troupes de la HV venues de la République de Croatie sont susceptibles de les aider de manière substantielle à soutenir leur cause, ni en quoi il y a de fortes chances qu’ils soient utiles à la préparation de leur dossier,
ATTENDU que le recoupement factuel entre les deux affaires se limite à la structure et à l’organisation militaires générales du HVO et que les documents y afférents sont susceptibles d’aider les Requérants de manière substantielle à soutenir leur cause, ou du moins, qu’il y a de fortes chances qu’ils leur soient utiles9,
FAIT PARTIELLEMENT DROIT à la Requête et ORDONNE :
a) que, dans un délai de huit jours ouvrables à compter de la date de la présente Décision, l’Accusation et la Défense dans l’affaire Naletilic et Martinovic demandent, si nécessaire, des mesures de protection supplémentaires devant la Chambre d’appel et déterminent si les documents contenant des informations sur la structure militaire du HVO (voir l’annexe) relèvent de l’article 70 C) du Règlement ;
b) que, sous réserve des mesures de protection supplémentaires qu’une partie dans l’affaire Naletilic et Martinovic pourrait demander dans un délai de huit jours ouvrables, le Greffe accorde aux Requérants l’accès aux documents et pièces à conviction de l’affaire Naletilic et Martinovic tels qu’indiqués (voir l’annexe) ; et
c) que les documents auxquels l’accès est accordé continuent à faire l’objet des mesures de protection imposées par la Chambre de première instance.
Les Requérants, leurs conseils et toute personne employée par ces derniers ayant , sur leurs instructions ou avec leur autorisation, accès aux documents confidentiels s’engagent :
i) à ne pas divulguer à un tiers, sauf autorisation de la Chambre d’appel, le nom des témoins, leurs coordonnées, des copies ou le contenu de leurs déclarations, les comptes rendus de leur témoignage ou leur teneur, ou toute information permettant de les identifier ou violant la confidentialité des mesures de protection en vigueur, sauf nécessité absolue pour la préparation de la cause des Requérants, et toujours avec l’autorisation préalable de la Chambre d’appel,
ii) à ne divulguer à un tiers aucun élément de preuve documentaire ou autre, ni aucune déclaration écrite d’un témoin, ni le contenu, intégral ou partiel, de tout élément de preuve, déclaration ou témoignage préalable confidentiels, et
iii) à ne pas entrer en rapport avec un témoin de l’affaire Naletilic et Martinovic dont l’identité fait l’objet de mesures de protection sans démontrer au préalable à la Chambre d’appel en quoi ce témoin peut aider substantiellement les Requérants à soutenir leur cause et pourquoi ils ne peuvent raisonnablement pas bénéficier de cette aide autrement.
Si, pour préparer le dossier des Requérants, des documents confidentiels sont communiqués à des tiers dans le respect des conditions prescrites au paragraphe i), ceux-ci doivent être informés qu’il leur est interdit de copier, reproduire ou rendre public , en tout ou en partie, tout document confidentiel, ou de le divulguer à toute autre personne, et que si un tel document leur a été remis, ils devront le restituer aux Requérants ou à leurs conseils dès qu’il ne sera plus nécessaire à la préparation du dossier.
Aux fins des paragraphes ci-dessus, ne sont pas considérés comme tiers : i) les Requérants, ii) les conseils et toute personne employée par ces derniers et qui, sur leurs instructions ou avec leur autorisation, a accès aux documents confidentiels, et iii) le personnel du Tribunal international, y compris les membres du Bureau du Procureur.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le 7 novembre 2003
La Haye (Pays-Bas)
Le Président de la Chambre d’appel
__________
Fausto Pocar
[Sceau du Tribunal]
Paragraphe(s) dans le Jugement |
Moyens de preuve (témoignages ou pièces à conviction) |
82, 83, 84 |
Témoin de la Défense Slobodan Praljak |
82 |
Témoin de la Défense NA (pseudonyme) |
82 |
Témoin de la Défense NC (pseudonyme) |
82, 84 |
Pièce à conviction DD1/82 |
82 |
Témoin de l’Accusation F |
82 |
Témoin de la Défense Ivan Bender |
82 |
Témoin de l’Accusation Marco Prelec |
82,84,85 |
Témoin de la Défense NP (pseudonyme) |
82 |
Témoin de la Défense NO (pseudonyme) |
82 |
Témoin de l’Accusation Fransisco Aguirre |
82 |
Pièce à conviction PPIAC 67 |
82 |
Pièce à conviction PP 631 |
82 |
Pièce à conviction PP 534.1 |
82,84 |
Témoin de la Défense Zeljko Glasnović |
84 |
Pièce à conviction PP 927/2 |
84 |
Pièce à conviction PP 662.02 |
84 |
Pièce à conviction PP 563 |
84 |
Pièce à conviction PP 564 |
84 |
Pièce à conviction PP 566 |
84 |
Pièce à conviction PP 678 |
84 |
Témoin de l’Accusation Allan Knutsen |
84 |
Témoin de l’Accusation Ralph Mrachacz |
84 |
Pièce à conviction PP 354.1 |
84 |
Témoin de la Défense NB (pseudonyme) |
84 |
Témoin de la Défense NR (pseudonyme) |
84 |
Pièce à conviction PP 564.1 |
84 |
Pièce à conviction PP 327 (confidentielle) |