LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

    Composée comme suit :
    M. le Juge Almiro Rodrigues, Président

    M. le Juge Fouad Riad

    M. le Juge Patricia Wald

    Assistée de :
    M. Jean-Jacques Heintz, Greffier adjoint

    Décision rendue le :
    15 février 2000

    LE PROCUREUR

    C/

    MLADEN NALETILIC

    VINKO MARTINOVIC

    ________________________________________________________________

    DÉCISION RELATIVE À L’OPPOSITION DE VINKO MARTINOVIC À L’ACTE D’ACCUSATION

    ________________________________________________________________

    Le Bureau du Procureur :

    M. Franck Terrier

    Le Conseil de la Défense :

    M. Branko Seric

     

    1. LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I*du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 est saisie de l’«Opposition à l’acte d’accusation» déposée par l’accusé Vinko Martinovic.

    2. L’acte d’accusation retient vingt-deux chefs de crimes contre l’humanité, infractions graves aux Conventions de Genève et violations des lois ou coutumes de la guerre contre Vinko Martinovic et Mladen Naletilic1. Les accusations se fondent sur le fait qu’ils auraient commandé des unités militaires dans la ville de Mostar et ses environs (Bosnie-Herzégovine) en 1993 et 1994. L’acte d’accusation a été confirmé le 21 décembre 19982. Martinovic a été remis à la garde du Tribunal le 9 août 1999 et, trois jours plus tard, il a plaidé non coupable lors de sa comparution initiale devant la Chambre de première instance. Son coaccusé, Naletilic, est toujours détenu en Croatie.

    3. L’article 72 A) ii) autorise le dépôt d’exceptions préjudicielles «fondée[s] sur un vice de forme de l’acte d’accusation». Martinovic a déposé une requête de ce type le 4 octobre 1999. Il conteste l’acte d’accusation à quatre titres principaux . Premièrement, il prétend que certaines des allégations factuelles sont «inexactes » et qu’aucun élément de preuve n’a été fourni à l’appui de celles-ci3. Deuxièmement, il soutient que les mêmes faits n’auraient pas dû donner lieu à plus d’une qualification4. Troisièmement , il avance que les passages de l’acte d’accusation qui engagent sa responsabilité au titre des paragraphes 1) et 3) de l’article 7 sont viciés du fait qu’à son avis , le paragraphe 3) ne fournit pas de motif distinct pour la responsabilité du commandement et que celle-ci ne peut se fonder que sur le paragraphe 1)5. Quatrièmement, il déclare que certains passages de l’acte d’accusation manquent de clarté et demande plus de détails pour pouvoir préparer sa défense6.

    4. La Chambre de première instance juge que ces objections ne justifient pas de rejeter ou de modifier l’acte d’accusation et note que la Défense dispose maintenant de nombreuses déclarations de témoins et pièces justificatives. Nous faisons également remarquer que, au cas fort improbable où, même après avoir examiné ces documents , il estimerait qu’il ne dispose toujours pas d’éléments suffisants pour se préparer au procès, l’accusé peut demander des précisions à l’Accusation. De plus, la Chambre de première instance fait remarquer que les parties se verront demander de présenter leurs conclusions sur la question du cumul des qualifications dans leurs mémoires préalables au procès.

    I. La preuve des faits allégués dans l’acte d’accusation

    5. Martinovic estime que certaines des allégations factuelles contenues dans l’acte d’accusation sont «inexactes» ou qu’aucun élément de preuve n’a été présenté pour les étayer7. Pour analyser cette thèse , nous nous appuierons d’abord sur deux articles du Statut du Tribunal. L’article  18 prévoit que «le Procureur établit un acte d’accusation dans lequel il expose succinctement les faits et le crime ou les crimes qui sont reprochés à l’accusé »8 [Non souligné dans l’original]. L’article 21 garantit le droit de la personne accusée «à être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend et de façon détaillée , de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle» ainsi que son droit «à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense » [Non souligné dans l’original].

    6. Des décisions antérieures du Tribunal ont interprété ces dispositions comme suit  : «un minimum d’informations est requis [dans l’acte d’accusation]. Il existe un seuil en dessous duquel le niveau d’information ne peut tomber si l’acte d’accusation se veut valide quant à la forme»9. Toutefois ces décisions ont également souligné qu’«une exception relative à la forme de l’acte d’accusation n’est pas un moyen approprié pour contester l’acte d’accusation » et que la preuve des faits allégués dans celui-ci doit être tranchée lors du procès 10. Nombre des objections soulevées par Martinovic sont typiques des motifs de contestation des éléments de preuve qui ne peuvent être tranchés qu’au procès. Par exemple, il soutient qu’«il est inexact que le territoire de la Bosnie-Herzégovine était le théâtre d’un conflit armé international »11. Dans l’affaire Blaskic , la Chambre de première instance a rejeté une objection similaire au motif que «la caractérisation internationale d’un conflit armé est une question où se mêlent intimement des éléments de droit et de fait» qui seront discutés «au cours du procès »12. La Décision Blaskic concluait que «la seule mention de l’internationalité du conflit, au stade qui nous préoccupe , laisse à l’accusé une marge d’appréciation objective qu’il peut, d’ores et déjà , appréhender et donc se préparer à discuter et ce, dès le moment où est posée l’accusation »13.

    7. Prenons un autre exemple : dans son exception, Martinovic déclare qu’il n’existe «aucune preuve non plus que les membres de la compagnie de Vinko Martinovic ont infligé des sévices aux détenus musulmans de Bosnie ou qu’ils les ont torturés dans ledit complexe [Heliodrome], ni qu’ils les ont emmenés sur les lignes de front, les ont contraints à des travaux forcés et les ont utilisés comme boucliers humains »14. Encore une fois, la question de savoir si, en définitive, les éléments de preuve étayent ou non ces affirmations devra être résolue durant le procès15.

    8. Par conséquent, la Chambre de première instance rejette les objections soulevées par Martinovic et fondées sur les arguments que les allégations contenues dans l’acte d’accusation seraient fausses ou que l’Accusation est tenue de démontrer leur véracité à ce stade de la procédure16.

    II. Cumul des charges

    9. Martinovic prétend aussi que l’acte d’accusation est vicié du fait qu’il retient une pluralité de qualifications fondées sur les mêmes faits17. Le Procureur souligne que la Chambre d’appel et plusieurs chambres de première instance ont conclu que le recoupement des qualifications est une question qu’il convient d’examiner au stade de la condamnation et de la détermination de la peine. Il invite donc la Chambre de première instance à reporter l’examen de cette question jusqu’à la fin du procès18. En matière de cumul des qualifications, la jurisprudence du Tribunal est encore en évolution. Les décisions antérieures du Tribunal ont mentionné plusieurs facteurs qui pourraient être pertinents pour analyser le cumul des charges, sans préciser les relations de ces facteurs entre eux : 1) chaque chef exige-t-il qu’il soit fait preuve d’un élément juridique qui n’est pas requis par ailleurs, 2) les dispositions prohibant les infractions visent-elles à protéger des valeurs distinctes, 3) est-il nécessaire d’obtenir une condamnation pour les deux infractions pour rendre pleinement compte du comportement de l’accusé19.

    10. Le récent Jugement Kupreskic fournit l’analyse la plus approfondie de cette question à ce jour20. Après un examen fouillé des pratiques dans les systèmes de droit romano-germanique et dans ceux de common law, il conclut qu’un accusé peut être reconnu coupable de deux crimes pour un seul acte si chacune des infractions retenues contient un élément constitutif qui n’est pas requis par l’autre21. Il reconnaît également que le cumul des qualifications peut être justifié lorsque les dispositions sur lesquelles elles reposent protègent des valeurs différentes , tout en concluant que ce critère est rarement employé comme motif indépendant pour maintenir plus d’un chef d’accusation à raison des mêmes faits si le critère des éléments constitutifs distincts n’est pas également satisfait.

    11. Si l’on appliquait cette analyse aux objections soulevées par Martinovic, une partie des charges cumulatives pourrait éventuellement poser problème, notamment les chefs 2 à 8 et 13 à 17. L’Accusation a eu le mérite de reconnaître dans son exposé qu’au sens ordinaire du terme tel qu’il est employé dans le Jugement Kupreskic , nombre des chefs retenus en application de l’article 3 semblent se cumuler avec les chefs d’accusation reposant sur les articles 2 et 5 du Statut, mais elle a avancé qu’ils pourraient cependant être justifiés puisqu’ils protègent des intérêts différents22. Elle a également indiqué qu’elle n’avait pas encore adopté d’opinion définitive sur le Jugement Kupreskic .

    12. Puisque la jurisprudence du Tribunal s’agissant du cumul des qualifications n’est pas encore fixée, la présente Chambre de première instance ne voit aucune raison à ce stade de s’écarter de la pratique antérieure des chambres de première instance qui consistait à refuser de trancher la question au stade de la mise en accusation, puisque le report de cette décision après la présentation des éléments de preuve ne nuira pas à l’accusé23. Comme la Chambre de première instance l’a indiqué en audience, il pourrait cependant être utile que les parties organisent la présentation de leur cause en fonction des infractions les plus exigeantes, comme la persécution et les actes prohibés à l’article 2 qui requièrent la preuve de l’existence d’un conflit armé international , notamment lorsque d’autres infractions peuvent être considérées comme des infractions moindres incluses dans celles-ci et qui n’exigent que la démonstration d’une partie des éléments constitutifs requis par l’infraction la plus grave. À cette fin, il sera demandé aux parties de traiter de manière plus approfondie de la question du cumul dans leurs mémoires préalables au procès.

    III. La responsabilité pénale individuelle

    13. Chaque chef de l’acte d’accusation engage la responsabilité de Martinovic tant en application de l’article 7 1) qu’en application de l’article 7 3). Ce dernier soutient que «seul l’article 7 1) permet d’engager la responsabilité individuelle pour un crime, puisque l’article 7 3) dit simplement qu’un acte commis par un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité»24. La Chambre de première instance estime que cette affirmation ne reflète pas correctement le droit. Elle partage l’avis exprimé dans les décisions du Tribunal selon lesquelles le Statut autorise à mettre en cause la responsabilité d’un commandant tant en application de l’article 7 1) pour ses actes propres, qu’en application de l’article 7 3) pour avoir manqué à l’obligation d’empêcher ou de punir les actes illégaux de ses subordonnés ou, le cas échéant en application des deux paragraphes25. Cette opposition de Martinovic est donc rejetée.

    IV. Imprécision

    14. Martinovic objecte que plusieurs passages de l’acte d’accusation manquent de spécificité. Les articles 18 et 21 du Statut constituent ici aussi les pierres angulaires de notre analyse26. Les Chambres de première instance ont exprimé des opinions très diverses sur le degré de spécificité requis d’un acte d’accusation en application de ces dispositions. Un certain nombre de décisions ont laissé entendre que «[l]’acte d’accusation doit contenir des informations concernant l’identité de la victime, le lieu et la date approximative du crime allégué , ainsi que les moyens mis en œuvre pour le perpétrer»27. Au contraire, d’autres chambres ont estimé que «[l]es crimes portés devant le Tribunal international ont été commis à si grande échelle que l’on ne peut exiger un degré de précision aussi élevé sur l’identité des victimes et la date des crimes»28.

    15. Les Chambres de première instance ont également exprimé des vues diverses sur l’importance à accorder aux documents visés par la procédure de communication pour décider si un acte d’accusation est suffisamment spécifique. Certaines chambres ont déclaré que «ni les pièces justificatives ni les déclarations de témoins communiquées à un accusé en application de l’article 66 du Règlement de procédure et de preuve [...] ne peuvent être utilisées par l’Accusation pour combler les lacunes de l’acte d’accusation»29. D’autres chambres ont envisagé d’accorder un rôle légèrement plus important aux pièces visées par la communication en déclarant que les garanties prévues à l’article 21 du Statut (être informé des charges et être en mesure de préparer sa défense) prennent des sens différents à différents stades de la procédure puisque «la préparation par l’accusé de sa défense suppose un niveau d’information plus détaillé, non disponible forcément dès l’établissement de l’acte d’accusation»30. Toutefois, même les chambres qui conviennent que les pièces justificatives fournies par le Procureur dans le cadre de ses obligations de communication ne peuvent servir à combler les lacunes de l’acte d’accusation, concluent que

    dans certains cas, relativement peu nombreux, lorsque la communication préalable au procès est exhaustive, on peut attacher moins d’importance à la nécessaire précision de l’acte d’accusation. Par exemple, lorsque toutes les déclarations de témoins rendent compte de la même manière et avec précision des circonstances dans lesquelles les crimes reprochés à l’accusé sont présumés avoir été commis, il serait vain d’insister pour que le Procureur modifie l’acte d’accusation afin d’y introduire ces informations . Mais il s’agit là d’une situation peu commune31.

    Toutes s’accordent à penser qu’il convient de distinguer «les faits matériels sur lesquels l’Accusation s’appuie (et qui doivent être exposés dans l’acte d’accusation ) des moyens de preuve qui permettront d’établir ces faits matériels (et qui, eux , doivent être fournis à la Défense dans le cadre de la communication préalable au procès)»32.

    16. La présente Chambre de première instance estime que toute confusion s’agissant de la place à accorder au éléments justificatifs diminue lorsqu’on tient compte du fait que deux dispositions statutaires distinctes sont en jeu. L’article 18 4 ) ne porte que sur l’acte d’accusation, dont il prévoit qu’il doit exposer «succinctement les faits et le crime». Les garanties prévues à l’article 21 ont un champ d’application plus large. L’article 21 4) a) dispose que la personne accusée doit «être informée dans le plus court délai dans une langue qu’elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle» et l’alinéa b) prévoit qu’elle doit «disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense». S’il est certain que les pièces justificatives ne peuvent pas servir à satisfaire la disposition de l’article 18 qui prévoit que l’acte d’accusation expose succinctement les faits et le crime, les pièces visées par la communication peuvent servir à satisfaire au droit de l’accusé à être informé «de la nature et des motifs» des charges à son encontre, ce qui, de l’avis d’au moins une Chambre de première instance, est un «concept qui englobe non seulement les faits mais également les moyens de preuve au soutien des motifs de l’accusation»33. Ils contribuent aussi de toute évidence à garantir que l’accusé a dûment eu la possibilité de préparer sa défense. Cf., par exemple, article 69 C) du Règlement («l’identité de cette victime ou de ce témoin devra être divulguée avant le commencement du procès et dans des délais permettant à la défense de se préparer»).

    17. De plus, l’accusé dispose d’autres moyens d’obtenir des éclaircissements hormis le dépôt d’une exception pour vice de forme de l’acte d’accusation. Certaines Chambres de première instance ont admis les requêtes aux fins d’éclaircissements lorsque l’acte d’accusation n’est pas imprécis au point d’en être vicié mais que l’accusé a cependant besoin de plus d’informations pour se préparer au procès34. Dans ces cas, il a été demandé que la Défense, avant de soumettre une telle requête , adresse d’abord une demande d’information directe à l’Accusation dans laquelle elle précise les chefs d’accusation concernés, les raisons pour lesquelles les pièces en sa possession sont insuffisantes et les informations précises qui permettraient de remédier à cette insuffisance35. Si l’Accusation ne fournit pas d’informations suffisantes, la Défense peut alors se tourner vers la Chambre de première instance, qui déterminera si les éclaircissements demandés sont nécessaires «pour permettre à l’accusé de préparer sa défense et pour éviter une surprise préjudiciable»36. Une demande d’éclaircissements porte uniquement sur l’acte d’accusation, elle ne peut servir à obtenir la communication d’éléments de preuve37. Le nombre de pièces déjà communiquées est cependant pertinent pour savoir si l’accusé dispose de suffisamment d’informations pour se préparer au procès et éviter une surprise préjudiciable38.

    18. En bref, la préparation de l’accusé au procès commence avec l’acte d’accusation mais ne se limite pas à celui-ci. S’il est évident que «l’acte d’accusation doit comporter certains renseignements afin de permettre à l’accusé de préparer sa défense »39, il ne doit pas nécessairement contenir tous les renseignements auxquels l’accusé aura finalement droit en application du Règlement. La question primordiale à ce stade est celle de savoir si l’acte d’accusation donne une relation concise et complète des faits sur lesquels reposent les chefs d’accusation.

    19. En gardant cela à l’esprit, la Chambre de première instance examine maintenant les objections soulevées par Martinovic. À cet égard, il est important de noter que, depuis le dépôt de cette exception, la Défense s’est vu communiquer de nombreux documents, dont 137 déclarations de témoins. Le conseil de la Défense a admis en audience qu’il n’avait pas encore lu toutes ces déclarations (notamment en raison de problèmes de traduction) et il n’a donc pas pu soutenir qu’il ignorait toujours sur quels points précis reposait le dossier à charge même au vu de ces déclarations .

    a) Objections aux chefs 2 à 8 (Travail illégal et boucliers humains en tant que traitement inhumain et homicide intentionnel)

    20. Les objections formulées en AD-VIII, AD-IX et AD-XV semblent porter sur les paragraphes 35, 36 et 44 de l’acte d’accusation. Martinovic soutient que ces passages de l’acte d’accusation «ne mentionne[nt] même pas la liste des victimes présumées , ni la date ou le lieu de l’acte incriminé» qu’ils sont «dénué[s] de clarté, qu’il [s] contien[nen]t [seulement] des généralités»40.

    21. L’Accusation répond à cela que les paragraphes 35 à 44, lus conjointement, sont suffisamment concrets. De plus, elle soutient que les éléments justificatifs et des déclarations supplémentaires de témoins fournies sous le régime de la communication donnent de nouvelles précisions et que «l’utilisation de détenus pour les travaux forcés et comme boucliers humains ayant été une pratique largement répandue, l’Accusation n’est pas en mesure de fournir l’identité de chacune des victimes de ces agissements , ni la date ou le lieu de perpétration de chacun de ces actes».

    22. La Chambre convient avec le Procureur que les paragraphes 35 à 44 devraient être lus conjointement. Si les paragraphes 35, 36 et 44 n’exposent que des allégations relativement générales sur le fait que les détenus musulmans de Bosnie étaient utilisés pour des travaux illégaux et en tant que boucliers humains, certains des autres paragraphes donnent des exemples plus concrets. Le paragraphe 41 décrit un incident précis qui s’est produit le 17 septembre 1993 : sur les ordres de Martinovic, plusieurs détenus auraient reçu des fusils factices et des tenues militaires et auraient été forcés de marcher aux côtés d’un char en direction des positions ennemies. Le paragraphe 42 décrit comment des détenus auraient été employés comme boucliers humains le même jour et nomme trois personnes parmi la dizaine de détenus qui ont été tués. Comme l’Accusation entend démontrer que des actes de ce type ont régulièrement été commis durant toute la période considérée, on ne peut s’attendre à ce qu’elle énumère chaque occurrence particulière dans l’acte d’accusation. L’allégation même de régularité, associée aux exemples précis exposés, prévient l’accusé du type d’arguments auxquels il sera appelé à répondre et satisfait au critère qui veut que l’acte d’accusation comporte une relation «concise» des faits.

    23. Les déclarations de témoins et autres pièces communiquées dont dispose actuellement la Défense sont censées contenir les détails de tout autre événement particulier qui s’est produit durant cette période et que l’Accusation a l’intention de présenter au procès.

    b) Objections aux chefs 13 à 17 (meurtre et homicide intentionnel de Nenad Harmandžic et le fait de lui avoir causé intentionnellement de grandes souffrances )

    24. Les chefs 13 à 17 reposent sur les tortures et l’homicide qu’aurait subis Nenad Harmandžic en juillet 1993, aux mains des troupes placées sous le commandement de Martinovic. Aux points XIX et XX, Martinovic s’oppose à ce que les chefs 16 et 17 (traitements cruels, une violation des lois ou coutumes de la guerre et le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé, une infraction grave aux Conventions de Genève ) soient retenus à titre subsidiaire par rapport aux chefs d’accusation 13, 14 et 15 (assassinat, un crime contre l’humanité, homicide intentionnel, une infraction grave aux Conventions de Genève et meurtre, une violation des lois ou coutumes de la guerre). Il maintient que cela le prive de son droit à savoir de quoi il est accusé et entrave la préparation de sa défense. Mais nous convenons avec la Chambre de première instance dans l’affaire Kvocka que le cumul des qualifications est acceptable41. Il ressort clairement de l’acte d’accusation que l’Accusation tentera de prouver que Martinovic est responsable de la mort de Harmandžic et que, si elle se trouve dans l’impossibilité de le prouver , elle tentera alors de prouver au moins que Martinovic était responsable de la torture de la victime par ses subordonnés. L’acte d’accusation suffit à informer Martinovic de la nature du dossier à charge.

    c. Objections aux chefs 18 et 19 (transfert de force, destruction et pillage de biens)

    25. Les objections XXI et XXII paraissent concerner les paragraphes 54 et 57. Martinovic oppose que ces chefs sont «imprécis» et «généra[ux]» et qu’ils ne précisent «pas le nom des victimes, ni la date ou le lieu des crimes», mettant la Défense dans l’impossibilité de se préparer au procès42.

    26. L’Accusation rétorque qu’elle «n’est pas en mesure de fournir à la Défense la liste de toutes les victimes et les dates auxquelles les unités de MARTINOVIC ont procédé à ces transferts forcés ou commis ces pillages». À l’appui de sa position , elle cite la décision de la chambre de première instance dans l’affaire Le Procureur c/ Blaskic : «la Chambre ne pense pas en revanche que l’on puisse exiger, au niveau de l’acte d’accusation, une liste exhaustive des biens publics ou privés pillés ou détruits car c’est la caractéristique même des guerres que d’emporter des effets destructeurs, massifs et sur une grande échelle»43 .

    27. La Chambre estime que ce passage de l’acte d’accusation, sans être entièrement satisfaisant, n’est pas imprécis au point de vicier ce dernier. Il indique précisément la date (9 mai 1993) à laquelle les expulsions sont sensées avoir commencé et dit qu’elles ont continué durant les six mois suivants. Il précise en outre qu’il y a eu deux grandes vagues d’expulsions, la première en mai et la deuxième en juillet 1993. Tous les événements sont sensés s’être produits dans une zone géographique précise, dans la ville de Mostar et ses alentours. Il s’agit d’une «relation» très «concise des faits» dont la Chambre n’est pas sûre, même si on ne peut la qualifier de vague, qu’elle suffirait à elle seule à permettre à l’accusé de préparer son procès : elle ne fournit aucun exemple spécifique de pillage ou d’expulsion et donne peu de renseignements sur les faits motivant la thèse de l’Accusation s’agissant de la responsabilité de commandement dévolue à Martinovic. La Défense ne soutient pourtant pas que les déclarations de témoins et les autres pièces dont elle dispose ne fournissent pas des précisions suffisantes pour préparer son dossier. Par conséquent , il conviendrait que la Défense commence par examiner ces documents.

    d) Contestation du chef 1 de l’acte d’accusation (persécutions)

    28. Bien que cela ne soit pas tout à fait clair, il semblerait que les objections présentées aux points AD-IV, V, VI et VII visent les paragraphes se rapportant à l’accusation de persécutions, à savoir les paragraphes 30, 32, 33 et 34. Ce dernier intègre cependant les paragraphes 35 à 58, soit le reste de l’acte d’accusation. Martinovic soutient dans ses motifs d’opposition que l’acte d’accusation manque «d’explication précise», qu’il a un «caractère très général» et qu’il ne présente pas suffisamment de précisions factuelles.

    29. L’Accusation répond qu’«il n’y a pas lieu que les informations détaillées demandées par la Défense figurent à l’Acte d’accusation».

    30. Les questions traitées aux paragraphes 30, 32 et 34 ont en grande partie été analysées dans les points ci-dessus s’agissant des allégations de travail forcé, d’utilisation illégale de détenus comme boucliers humains, de pillage, d’expulsion et de la torture et du meurtre de Harmandžic. L’acte d’accusation précise les types d’actes sensés avoir constitué les persécutions ainsi que la période et les lieux où ces événements sont supposés s’être produits. Encore une fois, l’accusé ne dit pas qu’il n’est pas en mesure de se préparer au procès même si les déclarations de témoins et autres pièces dont il dispose actuellement sont pris en compte.

    V. Conclusion

    PAR CES MOTIFS,

    LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I,

    EN APPLICATION de l’article 72 du Règlement,

    REJETTE l’Opposition de l’accusé Vinko Martinovic à l’acte d’accusation.


    Fait en français et en anglais, la version en anglais faisant foi.

    Fait le quinze février 2000,

    La Haye, Pays-Bas

    Le Président de la Chambre de première instance I

    _______________________

    Juge Almiro Rodrigues

    [Sceau du Tribunal]



    * - Note du Service de traduction. Des erreurs matérielles ou de fond ont été relevées par le traducteur dans le texte original. Dans toute la mesure du possible, elles ont été signalées au service compétent ou à l’auteur du texte. Pour des raisons juridiques, les erreurs n’ont pas été corrigées dans la traduction, mais elles ont pu avoir fait l’objet d’un corrigendum.
    1 - Le Procureur c/ Naletilic et Martinovic, affaire n° IT-98-34-I, Acte d’accusation, 18 décembre 1998.
    2 - Le Procureur c/ Naletilic et Martinovic, affaire n° IT-98-34-I, Ordonnance de confirmation de l’acte d’accusation, 21 décembre 1998.
    3 - Opposition à l’acte d’accusation de l’accusé Vinko Martinovic («Opposition à l’acte d’accusation»), 4 octobre 1999, a), b), AD-I à AD-VII, AD-XIII, AD-XV à XVII, AD-XXI et AD-XXII.
    4 - Opposition à l’acte d’accusation, AD-X, AD-XI, AD-XII, ADXIV, AD-XIX et AD-XX.
    5 - Ibidem, AD-XIX et AD-XX.
    6 - Ibid., AD-IV à AD-IX, AD-XV, AD-XIX à AD-XXI et XXII.
    7 - Ibid., a), b), AD-I à AD-VII, AD-XIII, AD-XV à XVII, AD-XXI et AD-XXII.
    8 - L’article 47 C) du Règlement de procédure et de preuve reprend l’article 18 du Statut en déclarant que «?lg’acte d’accusation précise le nom du suspect et les renseignements personnels le concernant et présente une relation concise des faits de l’affaire et de la qualification juridique qu’ils revêtent».
    9 - Le Procureur c/ Kvocka, affaire n° IT-98-30-PT, Décision relative aux exceptions préjudicielles de la Défense portant sur la forme de l’acte d’accusation, 12 avril 1999, par. 14.
    10 - Le Procureur c/ Delalic et consorts, Décision relative à l’exception préjudicielle fondée sur des vices de forme de l’acte d’accusation soulevée par l’accusé Esad Landzo («Landzo»), 15 novembre 1996, par. 9 ; cf. aussi, par exemple, Le Procureur c/ Krnojelac, affaire n° IT-97-25-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense pour vices de forme de l’acte d’accusation, 24 février 1999, par. 20 ; Le Procureur c/ Tihomir Blaskic, affaire n° IT-95-14-PT, Décision sur l’exception préjudicielle soulevée par la Défense aux fins de rejeter l’acte d’accusation pour vice de forme, 4 avril 1997, par. 20 ; Le Procureur c/ Delalic et consorts, affaire n° IT-96-21-T, Décision concernant l’exception préjudicielle de l’accusé Delalic relative à des vices de forme de l’acte d’accusation («Delalic»), 2 octobre 1996, par. 7 et 11.
    11 - Opposition à l’acte d’accusation, AD-II.
    12 - Le Procureur c/ Blaskic, affaire IT-95-14-PT, Décision sur l’exception préjudicielle soulevée par la Défense aux fins de rejeter l’acte d’accusation pour vice de forme, 4 avril 1997, par. 27.
    13 - Idem.
    14 - Opposition à l’acte d’accusation, AD-III.
    15 - Cf., par exemple, Delalic, par. 11.
    16 - Opposition à l’acte d’accusation, a), b), AD-I à AD-VII, AD-XIII, AD-XV à XVII, AD-XXI et AD-XXII.
    17 - Ibid., AD-X à AD-XII, AD-XIV, AD-XIX et AD-XX.
    18 - Cf., par exemple, Le Procureur c/ Delic, affaire n° IT-96-21-AR72.5, Décision relative à la demande d’autorisation d’interjeter appel, 6 décembre 1996, Chambre d’appel, par. 35 et 36 ; Le Procureur c/ Krnojelac, affaire n° IT-97-25-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense pour vices de forme de l’acte d’accusation, 24 février 1999, par. 5 à 10 ; Landzo, par. 11.
    19 - Cf., par exemple, Le Procureur c/ Kvocka, affaire n° IT-98-30-PT, Décision relative aux exceptions préjudicielles de la Défense portant sur la forme de l’acte d’accusation, 12 avril 1999, par. 47 (qui mentionne les facteurs 1 et 2 en les liant) ; Le Procureur c/ Kupreskic, affaire n° IT-95-16-PT, Décision relative aux contestation de l’acte d’accusation par la Défense pour vice de forme, 15 mai 1998, p. 3 (idem) ; cf. aussi le Jugement du TPIR dans l’affaire Le Procureur c/ Akayesu, affaire n° TPIR-96-4-T, 2 septembre 1998, par. 468 (qui mentionne les facteurs 1, 2 et 3 en les séparant par une conjonction disjonctive).
    20 - Cf. Le Procureur c/ Kupreskic, affaire n°IT-95-16-T, Jugement, 14 janvier 2000.
    21 - Ibid., par. 718 ; cf. aussi Ibid., par. 680 à 688 (compare les critères appliqués pour déterminer l’existence d’éléments distincts dans de nombreuses juridictions de common law et consacrés par l’affaire Blockburger v. United States, 284 U.S. 299 (1932) et le principe de l’infraction moindre incluse dans une autre, toujours en common law, avec les principes romano-germaniques de spécialité réciproque et d’absorption).
    22 - Cf. Version en anglais de la Conférence de mise en état du 3 février 2000, p. 130 et 131.
    23 - Cf., par exemple, Le Procureur c/ Krstic, affaire n° IT-98-33-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense fondée sur un vice de forme des chefs 7 et 8 de l’acte d’accusation modifié, 28 janvier 2000, p. 4 à 6.
    24 - Opposition à l’acte d’accusation, AD-XIX et XX.
    25 - Le Procureur c/ Kvocka et consorts, affaire n° IT-98-30-PT, Décision relative aux exceptions préjudicielles de la Défense portant sur la forme de l’acte d’accusation, 12 avril 1999, par. 50 («un accusé peut avoir à répondre de crimes relevant à la fois des articles 7 1) et 7 3) du Statut ou de l’un ou de l’autre») ; Le Procureur c/ Delalic et consorts, affaire n° IT-96-21-T, Jugement, par. 333 (estimant que le fait qu’un «supérieur hiérarchique [puisse] être tenu pénalement responsable non seulement pour avoir ordonné, provoqué ou planifié des actes criminels qui ont été accomplis par ses subordonnés, mais aussi pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour prévenir ou sanctionner les agissements délictueux de ses subordonnés» «est une règle bien établie du droit international coutumier et conventionnel»), cf. aussi Ibid., par. 1 222 («[qu’]il existe dans la pratique des situations dans lesquelles une personne peut être accusée et reconnue coupable en vertu à la fois des articles 7 1) et 7 3) du Statut»).
    26 - Comme nous l’avons noté plus haut, l’article 18 exige que l’acte d’accusation «expose succinctement les faits». Cf. aussi article 47 C) du Règlement de procédure et de preuve («L’acte d’accusation précise le nom du suspect et les renseignements personnels le concernant et présente une relation concise des faits de l’affaire et de la qualification qu’ils revêtent»). L’article 21 du Statut prévoit que l’accusé doit «être inform[é], dans le plus court délai [...] et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre [lui]» et qu’il doit «disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense».
    27 - Le Procureur c/ Krnojelac, affaire n° IT-97-25-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense pour vices de forme de l’acte d’accusation, 24 février 1999, par. 12 ; cf. aussi, par exemple, Le Procureur c/ Kunarac, affaire n° IT-96-23-PT, Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, 4 novembre 1999, par. 6 («En d’autres termes, il convient de définir clairement à quel titre l’accusé est présumé avoir commis le crime imputé. L’acte d’accusation ne doit en outre laisser planer aucun doute sur ce qu’il prétend que l’accusé a fait à un endroit particulier, à une date déterminée, durant une période précise, ni sur le(s) coauteur(s), la (ou les) victime(s) ou le mobile du crime. L’Acte d’accusation doit faire état de tous les actes de l’accusé qui constituent le(s) crime(s) à sa charge et identifier avec suffisamment de précision toute autre personne impliquée ou lésée, s’il y a lieu») ; Le Procureur c/ Blaskic, affaire n° IT-95-14-PT, Décision sur l’exception préjudicielle soulevée par la Défense aux fins de rejeter l’acte d’accusation pour vice de forme, 4 avril 1997, par. 20 [«l’acte d’accusation doit comporter certains renseignements afin de permettre à l’accusé de préparer sa défense (à savoir l’identité de la victime, le lieu et la date approximative du crime présumé et les moyens utilisés pour sa perpétration) et afin de lui éviter une surprise préjudiciable»] ; Le Procureur c/ Landzo, affaire n° IT-96-21-T, Décision relative à l’exception préjudicielle fondée sur des vices de forme de l’acte d’accusation soulevée par l’accusé Esad Landzo, 15 novembre 1996 («L’Acte d’accusation présenté à la Chambre de première instance contient toutes les informations nécessaires pour permettre à la Défense de préparer sa défense : l’identité de la victime, le lieu et la date approximative du crime présumé et les moyens utilisés pour sa perpétration»).
    28 - Le Procureur c/ Kvocka, affaire n° IT-98-30-PT, Décision relative aux exceptions préjudicielles de la Défense portant sur la forme de l’acte d’accusation, 12 avril 1999, par. 1 ; cf. aussi, par exemple, Le Procureur c/ Aleksovski, affaire IT-95-14/1-PT, Décision de la Chambre de première instance I sur la requête de la Défense relative aux vices de forme de l’acte d’accusation du 19 juin 1997, 25 septembre 1997, («l’identification précise de chaque victime et participant aux exactions n’est, dans une telle affaire, ni possible, ni nécessaire») ; Le Procureur c/ Krstic, affaire n°IT-98-33-PT, Décision sur l’exception préjudicielle soulevée par la Défense aux fins de rejeter l’acte d’accusation pour vice de forme, 6 mai 1999 («la nature, l’envergure même des crimes poursuivis et le type de responsabilité incriminé suffisent à justifier que le début et la fin de leur commission puissent ne pas être identifiés de manière extrêmement précise») ; Le Procureur c/ Blaskic, par. 37 («la Chambre ne pense pas, en revanche, que l’on puisse exiger, au niveau de l’acte d’accusation, une liste exhaustive des biens publics ou privés pillés ou détruits car c’est la caractéristique même des guerres que d’emporter des effets destructeurs, massifs et sur une grande échelle») ; Le Procureur c/ Kvocka, par. 23 («l’ampleur des crimes allégués ne permet pas de désigner nommément chacune des victimes»).
    29 - Le Procureur c/ Kunarac et consorts, affaire IT-96-23-PT, Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, 4 novembre 1999, par. 7 ; cf. aussi, par exemple, Le Procureur c/ Brdjanin, affaire n°IT-99-36-PT, Décision relative à la requête aux fins de rejeter l’acte d’accusation, 5 octobre 1999, par. 13 («au moment de décider si, au vu des présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites en application de l’article 19 1) du Statut, les éléments justificatifs ne sauraient être utilisés pour combler d’éventuelles lacunes dans l’exposé des faits matériels dans l’acte d’accusation»).
    30 - Le Procureur c/ Blaskic, affaire n° IT-95-14-PT, Décision sur l’exception préjudicielle soulevée par la Défense aux fins de rejeter l’acte d’accusation pour vices de forme, 4 avril 1997, par. 10 et 11.
    31 - Le Procureur c/ Krnojelac, affaire n° IT-97-25-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense pour vices de forme de l’acte d’accusation, 24 février 1999, par. 15.
    32 - Ibid., par. 12 ; cf. par exemple, Kvocka, par. 14 (en désaccord avec la décision Krnojelac sur certains point mais qui reconnaît la «validité» de cette distinction).
    33 - Blaskic, par. 11.
    34 - Cf., par exemple, Le Procureur c/ Delalic, affaire n° IT-96-21-T, Décision concernant l’exception préjudicielle de l’accusé Delalic relative à des vices de forme de l’acte d’accusation («Delalic»), 2 octobre 1996, par. 21 ; Le Procureur c/ Delalic, affaire n° IT-96-21-T, Décision relative à l’exception préjudicielle de l’accusé Mucic demandant des renseignements détaillés («Mucic»), par. 7 ; Le Procureur c/ Tadic, affaire n° IT-94-1-T, Décision sur l’exception préjudicielle de la Défense relative à la forme de l’acte d’accusation, 14 novembre 1995, par. 8.
    35 - Cf. Tadic, par. 8.
    36 - Mucic, par. 9.
    37 - Cf. id.
    38 - Cf. id.
    39 - Blaskic, par. 20.
    40 - Les paragraphes concernés sont les suivants :
    35. Entre avril 1993 environ et jusqu’en janvier 1994 au moins, MLADEN NALETILIC, VINKO MARTINOVIC et leurs subordonnés ont forcé des Musulmans de Bosnie internés dans différents centres de détention placés sous l’autorité du HVO, à exécuter des travaux lors d’opérations militaires et les ont utilisés comme boucliers humains dans le Bulevar et la rue Santiceva, à Rastani, Stotina et dans d’autres endroits le long de la ligne de front dans la municipalité de Mostar.
    36. Suite à l’attaque de la ville de Mostar par la HV et le HVO le 9 mai 1993, la ligne de front avec l’ABiH suivait le tracé du Bulevar et de la rue Santic eva. De mai 1993 à février 1994, le KB était engagé dans des combats le long du Bulevar et de la rue Santic eva et contrôlait certaines parties de cette ligne de front. Celle-ci était à la fois le théâtre de tirs nourris d’armes légères et d’échanges d’artillerie entre les factions ennemies, et l’endroit principal où les prisonniers musulmans de Bosnie étaient amenés pour des travaux forcés et pour servir de boucliers humains. [...]
    44. Pendant cette période, MLADEN NALETILIC, VINKO MARTINOVIC et leurs subordonnés ont également contraint des détenus musulmans de Bosnie à accomplir des travaux dans d’autres endroits que les lignes de front. Les détenus musulmans de Bosnie ont, entre autres, été forcés d’effectuer des travaux de construction, d’entretien et de réparation dans les propriétés privées des membres et des commandants du KB ; de creuser des tranchées, de fortifier les positions du KB ou d’autres forces de la HV et du HVO ; et d’aider les membres du KB à piller les maisons et les biens des Musulmans de Bosnie.
    41 - Cf. Kvocka, Décision relative aux exceptions préjudicielles de la Défense portant sur la forme de l’acte d’accusation, affaire n° IT-98-30-PT, 12 avril 1999, par. 50 ; cf. aussi Le procureur c/ Musema, Decision on Prosecutor’s Request for Leave to Amend the Indictment, affaire n° TPIR-96-13-I, 18 novembre 1998, par. 7.
    42 - Les paragraphes considérés sont les suivants :
    54. Dans la municipalité de Mostar, MLADEN NALETILIC et VINKO MARTINOVIC étaient responsables et ont donné l’ordre du transfert forcé de civils musulmans de Bosnie, lequel a commencé le 9 mai 1993 et s’est poursuivi au moins jusqu’en janvier 1994. Les membres du KB placés sous leurs ordres ont joué un rôle de premier plan dans l’expulsion, l’arrestation et le transfert forcé de civils musulmans de Bosnie pendant la période en cause, et en particulier dans les deux vagues importantes de transferts forcés qui ont eu lieu en mai et en juillet 1993. Dès lors que les unités du KB et du HVO avaient identifié les personnes d’origine ethnique musulmane, elles les arrêtaient, les expulsaient, pillaient leurs maisons et les transféraient de force de l’autre côté des lignes de front vers les territoires contrôlés par l’ABiH. L’ABiH tenait une partie de la ville qui était assiégée par les forces de la HV et du HVO ; ces dernières bombardaient massivement la zone et empêchaient l’arrivée de l’aide humanitaire et des produits de première nécessité. MLADEN NALETILIC et VINKO MARTINOVIC ont commandé ces opérations dans ce but et ont donné l’ordre à leurs subordonnés de procéder aux transferts forcés.
    57. Suite à l’attaque lancée par la HV et le HVO contre Mostar le 9 mai 1993 et dans le cadre de la campagne de persécution dirigée contre la population musulmane de Bosnie, qui a suivi cette attaque, les unités placées sous les ordres de MLADEN NALETILIC et de VINKO MARTINOVIC ont systématiquement pillé les maisons et les biens des Musulmans de Bosnie.
    43 - Blaskic, par. 37.