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1 (Lundi 10 septembre 2001.)
2 (Questions relatives à la procédure.)
3 (Audience publique.)
4 (L'audience est ouverte à 9 heures 34.)
5 M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire.
6 Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Il s'agit de
7 l'affaire IT-98-34-T, le Procureur contre Mladen Naletilic alias "Tuta"
8 et Vinko Martinovic alias "Stela".
9 M. le Président (interprétation): Les parties, s'il vous plaît?
10 M. Scott (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
11 Monsieur les Juges. Je m'appelle M. Scott; avec moi, j’ai M. Stringer et
12 M. Poriouvaev. J’ai également dans mon équipe M. Bos et mon assistante
13 juridique s'appelle Kimberly Fleming.
14 M. le Président (interprétation): Merci. La défense?
15 M. Krsnik (interprétation): Je m'appelle Me Krsnik. Je représente les
16 intérêts de M. Naletilic. J'ai avec moi M. Christopher Meek, il vient du
17 Kansas, aux Etats-Unis. J'ai également Mirka Pintar, qui provient de
18 Zagreb, d'un cabinet de Zagreb.
19 M. le Président (interprétation): Merci.
20 M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, je m'appelle Branko
21 Seric, avocat de Zagreb. Je suis aussi membre du barreau de l'Association
22 des avocats croates. J'ai avec moi M. Zelimir Par; c'est également un
23 membre du barreau croate. Nous représentons les intérêts de Vinko
24 Martinovic.
25 M. le Président (interprétation): Merci.
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1 Monsieur Naletilic, pouvez-vous entendre les procédures dans une langue
2 que vous comprenez?
3 M. Naletilic (interprétation): Oui.
4 M. le Président (interprétation): Microphone, s'il vous plaît.
5 M. Naletilic (interprétation): Oui.
6 M. le Président (interprétation): Merci. Je ne vais pas vous reposer les
7 mêmes questions tous les matins, mais si jamais vous avez quelque problème
8 que ce soit, je vous prie de ne pas hésiter de nous le faire savoir
9 immédiatement.
10 Qu'en est-il de votre état de santé, Monsieur?
11 M. Naletilic (interprétation): Oui, maintenant, mon état de santé est très
12 bon.
13 M. le Président (interprétation): Allumez votre micro, s'il vous plaît.
14 M. Naletilic (interprétation): Oui, pour l'instant, ma santé est bonne.
15 M. le Président (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, prendre soin
16 de vous plus particulièrement maintenant, car il s'agit d'un changement de
17 saison. Si vous avez quelque problème que ce soit, n'hésitez pas à nous le
18 faire savoir immédiatement.
19 M. Naletilic (interprétation): J'ai simplement un commentaire quant à la
20 durée du procès: est-ce qu'il serait peut-être possible de raccourcir les
21 débats et de faire en sorte que les débats durent quatre heures par jour?
22 Cela me serait beaucoup plus facile de supporter d'être là.
23 M. le Président (interprétation): Merci, vous pouvez vous asseoir.
24 Monsieur Martinovic, veuillez vous lever, s'il vous plaît.
25 Monsieur Martinovic, pouvez-vous entendre les procédures et les débats
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1 dans une langue que vous comprenez?
2 M. Martinovic (interprétation): Oui, j'entends.
3 M. le Président (interprétation): Je ne vais pas vous reposer la même
4 question tous les matins mais s'il y a quelque problème que ce soit,
5 veuillez nous en aviser immédiatement. Vous pouvez vous asseoir.
6 Bonjour, Mesdames et Messieurs. De par un décret émis par le Président du
7 Tribunal, en date du 7 septembre 2001, cette Chambre est composée de trois
8 Juges: à ma droite, se trouve l'honorable Maureen Clark, représentante de
9 l'Irlande, et assise à ma gauche, se trouve l'honorable Juge Fatoumata
10 Diarra, représentante du Mali.
11 Mon nom est Liu Daqun; je suis le Président dans cette affaire. J'ai été
12 membre de la Chambre II et j'étais aux côtés du Juge Hunt et du Juge Wald
13 dans l'affaire Kunarac.
14 J'aimerais remercier M. Olivier Fourmy d'avoir agi en tant qu'officier
15 instrumentaire et d'avoir pris les dépositions pour cette Chambre de
16 première instance.
17 Avant de passer à la représentation, je voudrais parler de la nature
18 générale de ce procès.
19 Je désire rappeler aux deux parties que l'administration de la justice ne
20 peut être faite que de façon effectivement et juste pour les deux parties
21 et pour les procédures si les deux coopèrent pleinement avec le Tribunal,
22 et nous espérons qu'ils suivront de façon efficace les instructions
23 données par cette Chambre de première instance.
24 Nous espérons que durant ce procès les parties coopéreront pour assurer
25 l'efficacité et la convivialité de cette affaire.
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1 Au mois de décembre 2000, le Juge a indiqué qu'il aurait une période de
2 dix semaines prévues pour chaque partie et nous sommes tout à fait
3 d'accord avec cet échéancier. Je demande donc aux parties d'adhérer à cet
4 échéancier.
5 Concernant les témoignages des témoins, la Chambre de première instance
6 désire assurer les parties qu'elle n'acceptera pas des questions
7 irrespectueuses à l'encontre des parties. Et cela s'applique également aux
8 membres du Bureau du Procureur ainsi qu'aux membres des conseils de la
9 défense.
10 Nous devons tenir compte du fait qu'il s'agit d'un Tribunal international,
11 et cela veut dire que tout ce que vous dites sera interprété de façon
12 simultanée dans les deux autres langues.
13 Il est de notre avis que ce n'est pas important de quelle façon vous allez
14 donner votre prestance, mais ce qui est très important c'est le fait de
15 comprendre ce que vous dites et de faire en sorte que chaque mot que vous
16 dites est bien consigné au compte rendu d'audience.
17 Donc veillez, s'il vous plaît, à ménager des pauses entre chaque question
18 et réponse au cours de l'interrogatoire des témoins ou bien après un
19 paragraphe si vous êtes en train de faire une longue déclaration.
20 Cette Chambre de première instance s'attend à ce que les parties
21 instruisent leurs témoins avant le début de leur témoignage, de bien les
22 informer de la procédure.
23 Maintenant, nous avons quelques questions concernant l'admission des
24 comptes rendus d'audience et des déclarations comme éléments de preuve. En
25 ce moment-ci, ces questions sont sous révision par la Chambre de première
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1 instance; et des décisions seront prises concernant toutes ces questions
2 qui restent encore à débattre. Quant à la première requête visée par
3 l'Article 92bis datée du 2 août 2001 concernant les déclarations écrites
4 fournies par deux témoins, la Chambre de première instance a remarqué que
5 le Procureur n'a pas encore donné de réplique à cette requête.
6 Je vous demande, Monsieur Scott, si vous désirez répliquer ou donner suite
7 à cette requête?
8 M. Scott (interprétation): Oui, Monsieur le Président, nous entendons
9 répliquer.
10 M. le Président (interprétation): Très bien, merci. La Chambre de première
11 instance débattra de toutes ces questions qui restent à débattre.
12 Est-ce que vous êtes prêt à procéder avec les déclarations liminaires,
13 Monsieur Scott, conformément à l'Article 84?
14 M. Scott (interprétation): Oui, Monsieur le Président. L'accusation est
15 prête à procéder.
16 M. le Président (interprétation): Veuillez procéder. Juste un instant… Je
17 vois que l'avocat de la défense, M. Krsnik s'est levé.
18 M. Krsnik (interprétation): Je suis désolé, Monsieur le Président, mais la
19 défense désire instruire cette Chambre d'instance avec quelques faits qui
20 ont eu lieu au cours des quinze derniers jours, ainsi que d'instruire
21 cette Chambre avec la position de la défense concernant le début de ce
22 procès d'aujourd'hui.
23 Il s'agit en fait de la chose suivante. Monsieur le Président, Madame les
24 Juges, vous nous avez très bien instruits des suggestions de la défense
25 qui vous avaient été données au mois d'août, mais nous avons également
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1 fourni une demande supplémentaire avant que la Chambre n'ait pris sa
2 décision sur la première requête et nous croyons que cela est crucial.
3 Nous avons également versé au dossier une requête pour une conférence ex
4 parte, une conférence supplémentaire et nous avons également demandé une
5 requête que cette Chambre se rende sur le terrain et qu'elle se déplace en
6 Bosnie-Herzégovine; car dans le document dont nous allons faire état, en
7 fait, il serait bon de le faire car nous allons parler des choses pendant
8 un bon nombre de mois. La défense considère que cette demande est
9 cruciale, particulièrement parce que nous sommes probablement les premiers
10 à commencer un procès sans qu'il n'y ait eu de conférence de mise en état
11 et il était…, selon le Statut de ce Tribunal, il nous était obligatoire de
12 le faire. Si nous l'avions eue, cette conférence de mise en état préalable
13 au procès, je n'aurais pas agi de la sorte et je ne vous aurais pas
14 entretenu là-dessus en ce moment-ci mais nous aurions parlé de tout cela
15 lors de cette conférence préalable au procès.
16 J'en parle maintenant parce que la défense, sans bien sûr créer des
17 infractions à l'Article 21 du Statut qui parle d'un procès équitable et
18 juste, je considère que cet Article n'est pas respecté si nous commençons
19 de cette façon-ci aujourd'hui car la défense, il y a quelques jours, a
20 reçu -et vous pouvez bien l'apercevoir- plus de 1.000 classeurs et nous
21 avons reçu ces documents il n'y a que quelques jours. Et on nous demande
22 d'être prêt et on nous demande d'avoir pris connaissance de ces documents,
23 et nous devons être prêts pour pouvoir procéder à l'interrogatoire des
24 témoins.
25 Il y a quelques jours également, Monsieur le Président, la défense a reçu
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1 la liste finale des témoins et il n'y a que quelques jours que nous savons
2 et que nous avons pris connaissance de cette liste; donc ce n'est qu'il y
3 a que quelques jours que nous sommes, que nous avons vu quels seront les
4 témoins que l'accusation désire appeler. Et c'est pour cette raison-là que
5 la défense ne se sent pas tout à fait prête afin de pouvoir procéder de
6 façon équitable dans ce procès, car on ne nous a pas accordé assez de
7 temps pour nous préparer de façon adéquate.
8 En tant qu'avocats de la défense qui faisons notre travail de façon très
9 sérieuse, nous ne pouvons pas nous permettre de paraître devant cette
10 instance internationale et de nous lancer dans des débats sans avoir pris
11 connaissance de tous les documents qui nous ont été fournis. Car vous
12 pouvez bien voir qu'il s'agit de documents volumineux que nous n'avons
13 reçus qu'il y a quelques jours.
14 La défense désire souligner le fait que, devant cette Chambre de première
15 instance, il ne devrait pas être permis d'agir de la sorte, de procéder à
16 des stratégies. C'est peut-être permis devant une instance nationale, mais
17 devant une instance internationale telle que celle-ci, cela ne peut pas
18 être toléré. Particulièrement, si nous voyons que la défense a été placée
19 dans une situation aussi inéquitable.
20 C'est la raison pour laquelle mes éminents collègues ont derrière eux tout
21 un système, toute une machinerie, plein de gens qui travaillent pour eux;
22 et nous n'avons certainement pas tant de membres qu'eux. Ils ont la SFOR
23 derrière eux et ils ont toutes les forces multinationales déployées en
24 Bosnie-Herzégovine, tous les organes croates et les organes émanant de la
25 Bosnie-Herzégovine qui peuvent les aider. Ils ont également les médias
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1 desquels ils peuvent puiser les renseignements. Alors que nous, nous ne
2 sommes que trois ou plutôt quatre, et nous devons faire tout ce travail
3 tout seuls.
4 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, la défense doit lire cent
5 classeurs et il nous faut relire dix mille classeurs qui se trouvent dans
6 les archives en Croatie. Les archives au ministère de la Défense, nous
7 n'avons même pas eu le temps de nous y rendre, ni n'avons eu le temps de
8 pénétrer à l'intérieur des archives de l'armée de la Fédération, de
9 l'armée de la Bosnie-Herzégovine. Nous n'avons pas encore reçu de réponse
10 après un an si nous pouvons entrer et examiner les archives de ces
11 organes.
12 Pour pouvoir procéder à un procès juste et équitable, il nous est
13 important de tout examiner, de connaître tous les détails pour pouvoir
14 procéder et pour pouvoir interroger, pour pouvoir savoir de quoi le
15 Procureur parle. Aujourd'hui ou demain, mon éminent collègue le Procureur
16 interrogera des témoins, même si nous n'avons pas dormi pendant les trois
17 derniers jours pour pouvoir au moins feuilleter ces documents, pour
18 pouvoir savoir de quoi il s'agit.
19 Comment croyez-vous que nous pouvons être prêts à procéder? Croyez-vous
20 que nous sommes vraiment en position juste et équitable?
21 Et finalement, pour ne pas prolonger les débats plus longtemps, je ne sais
22 vraiment pas et je vous demande, Monsieur le Président, Mesdames les
23 Juges, quelle est la raison pour laquelle on nous a forcés à commencer ce
24 procès aujourd'hui? Que représente pour la justice un report de deux mois?
25 Est-ce que c'est la justice qui compte ou c'est le temps qui compte, les
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1 échéanciers?
2 Nous étions tellement à la hâte de commencer ce procès aujourd'hui que
3 nous n'avons même pas eu la chance d'avoir une conférence préalable au
4 procès. La défense prend la position qu'il ne faut jamais causer des
5 infractions à la justice à cause d'un échéancier.
6 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, telle que vous l'avez vue, la
7 requête de mes éminents collègues de l'accusation, ils ont procédé au sein
8 de ces requêtes à des stratégies. Ils ont demandé également que leurs
9 enquêteurs soient présents lors de ce procès. Nous avons également fait
10 une même demande. Vous allez trancher là-dessus. Nous demandons à ce que
11 notre enquêteur soit présent au cours de ce procès et pendant toute la
12 durée de ce procès. Mais toujours est-il que nous n'avons même pas eu la
13 chance de répliquer jusqu'à la fin puisque nous n'avons pas eu de
14 conférence préalable au procès.
15 Et nous ne sommes pas d'accord avec la façon dont les témoins ont été
16 traités, car il aurait fallu au moins demander qu'un témoin expert soit
17 présent ou, ce que cette défense vous demande et considère absolument
18 comme primordial, c'est que vous alliez vous rendre sur le terrain et que
19 vous vous rendiez sur place pour voir à quoi ressemble cette zone, le
20 théâtre en fait de tout ce qui s'est passé.
21 Et je voudrais terminer en disant que 60% de l'Acte d'accusation est
22 composé en fait du conflit international. Je voudrais vous dire que mon
23 client serait supposément un agent de la Croatie dans ce conflit.
24 Si le Procureur reste encore derrière cette affirmation, cela voudrait
25 dire, Monsieur le Président, que nous devons lire des milliers de pages si
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1 vous désirez que cette défense-ci est la défense qui se trouve devant une
2 justice internationale.
3 Nous sommes en train de créer un nouveau droit et nous sommes tous dans le
4 même bateau, car tout ceci entre dans l'histoire; il s'agit de la création
5 d'un Tribunal international.
6 Et la défense désire dire que nous ne sommes pas prêts tout à fait pour
7 pouvoir commencer ce procès. Nous vous demandons un report d'au moins deux
8 mois pour pouvoir nous préparer de façon adéquate afin de pouvoir procéder
9 à l'interrogatoire des témoins.
10 Ce que ce Tribunal a toujours préconisé, c'est de pouvoir nous accorder le
11 temps nécessaire pour nous préparer après que le Procureur aura présenté
12 son affaire. Et s'il désire retirer l'affirmation qu'il s'agit d'un
13 conflit international dans lequel mon client était un agent, dans ce cas-
14 ci, la défense serait prête à commencer aujourd'hui. Donc tout ceci,
15 l'étude de ces documents et tout ce temps dont nous avons besoin en fait
16 se trouvent dans cette partie-là de l'Acte d'accusation et non pas dans
17 l'autre partie.
18 C'est tout. Je vous remercie, Monsieur le Président, Mesdames les Juges.
19 Je vous prie de prendre en considération notre requête. Merci.
20 M. le Président (interprétation): Merci. Je vous remercie de nous avoir
21 entretenus sur ces requêtes qui restent encore à débattre.
22 Oui, je vous écoute, Monsieur Seric. Vous avez quelque chose à dire?
23 M. Seric (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je vous remercie.
24 La défense de Vinko Martinovic désire soulever un problème. C'est-à-dire,
25 puisqu'il s'agit d'un procès qui commence aujourd'hui, que j'ai reçu une
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1 liste de 11 témoins qui m'a été envoyée par le Bureau du Procureur; il y a
2 cinq jours et j'ai reçu une liste comprenant 66 témoins, de sorte que nous
3 n'avons pas eu assez de temps pour préparer le contre-interrogatoire de
4 ces témoins.
5 C'est la raison pour laquelle je voudrais peut-être vous faire une
6 suggestion: pour ne pas essayer de porter atteinte au début du procès, je
7 vous demanderai que l'on fasse une pause entre les dix témoins de la
8 défense et de l'accusation; en fait, je demanderai un délai de soixante
9 jours pour nous permettre de pouvoir revoir le tout.
10 Le fait que ce délai n'est pas déraisonnable démontre en fait qu'en date
11 du 5 novembre, nous avons reçu une liste longue. Pour nous, il s'agit de
12 très longs documents visés par l'Article 68 du Règlement de procédure des
13 preuves. Nous affirmons avoir reçu la liste pour les dix premiers témoins
14 il y a une vingtaine de jours. J'ai voudrais dire qu'il n'y a absolument
15 aucune raison que ces dix témoins ne soient pas interrogés aujourd'hui,
16 puisque je suppose qu'ils sont encore là, pour ce qui est de cette partie-
17 ci du débat. Par contre, le Procureur nous a donné, il y a quelques jours,
18 une liste de 56 autres témoins qu'il désire appeler à la barre.
19 C'est ainsi qu'il nous empêche en fait de nous préparer pour notre contre-
20 interrogatoire car, si nous continuons avec les débats immédiatement, en
21 continuité, nous ne pourrons pas procéder à cause de la façon dont nous
22 fonctionnons et parce que nous sommes ici pendant toute la journée, nous
23 ne pouvons pas nous préparer pour le contre-interrogatoire.
24 C'est la même chose quant aux documents. La défense n'a pas le temps,
25 pendant que le procès est en cours, de lire toute la documentation, étant
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1 donné qu'il s'agit de documents qui sont d'une extrême importance et assez
2 volumineux.
3 Dans l'espoir, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, que vous
4 allez bien vouloir respecter cette attitude de la défense de Vinko
5 Martinovic, je vous remercie de m'avoir accordé la parole.
6 M. le Président (interprétation): Merci. Maître Scott, je pense que vous
7 souhaitez répondre à ce qui a été dit dans le prétoire?
8 M. Scott (interprétation): Oui, très brièvement, Monsieur le Président.
9 Premièrement, concernant l'attitude du Bureau du Procureur au sujet de
10 tout ce qui a été dit, c'est tout d'abord qu'il y avait un procès
11 préalable et que nous avons par conséquent respecté toutes les règles du
12 Tribunal et toutes les requêtes de la Chambre. Il y a également eu des
13 dépositions qui ont été faites. Tout ceci a duré des mois entiers, ce qui
14 peut être vérifié dans les documents. Il y a même des années qui se sont
15 écoulées avant que le procès soit ouvert.
16 Il y a trente jours, d'abord, nous avons prévenu la défense sur la liste
17 de dix témoins; c'est la raison pour laquelle la défense pouvait s'y
18 préparer. Ensuite, la Chambre nous a demandé également de préparer les
19 listes de tous les témoins du Bureau du Procureur, ce que nous avons
20 également fait et remis à la défense.
21 Nous aurions besoin peut-être de deux séances de travail, peut-être un peu
22 plus, pour passer tous les 10 témoins. Par conséquent, la défense aura
23 trois ou quatre semaines pour tous ces témoins et selon le calendrier que
24 nous avons prévu.
25 Ceci ne diffère donc aucunement d'autres affaires qui ont eu lieu devant
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1 le Tribunal. Par conséquent, il y a cette liste élargie des témoins et la
2 défense se préparera pour le contre-interrogatoire. Et il ne va pas y
3 avoir des pauses entre les groupes de témoins qui vont être cités à la
4 barre.
5 Le Bureau du Procureur a également remis tous les documents à la défense,
6 tout ce qui a été demandé du Bureau du Procureur. Nous avons même fait
7 plus que ce qui nous a été demandé par le Règlement de procédure et de
8 preuve. Quand il s'agit de documents, nous pouvons constater qu'il y a
9 toute une quantité de documents qui ont été remis à la défense. C'est le
10 Juge Wald qui nous a demandé, de manière insistante, à ce que les
11 documents soient remis à la défense et ceci conformément aux Règles du
12 Règlement, ce que nous avons fait. Nous disposons de toute la
13 documentation, qui correspond -comme je l'ai dit- à ce qui nous a été
14 demandé.
15 C'est le Juge Wald qui d'ailleurs, le 16 mai de l'an 2000, nous a suggéré
16 que deux conseils de la défense, conformément à la Règle 66B), respectent
17 ce qui a été demandé le 20 juillet 2001, par conséquent il y a
18 pratiquement deux mois.
19 La défense a dit qu'elle ne souhaitait pas véritablement que tous ces
20 documents soient mis à sa disposition. Et, avec M. Fourmy, on a eu ces
21 dépositions qui ont été faites le 20 juillet 2001. La défense a dit
22 qu'elle ne souhaitait pas véritablement que tous les documents soient
23 remis, comme ceci a été suggéré par la Chambre. Par conséquent, nous avons
24 véritablement remis à la défense tout ce que nous pensons utiliser lors du
25 procès.
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1 Si, il y a un an et demi, il avait refusé conformément à la Règle 66B)
2 d'en disposer, maintenant, il dit qu'il ne dispose pas de ce document, à
3 ce moment-là, je dis que Me Krsnik dit: "Sauvez-moi moi-même!". Nous avons
4 des témoins ici, à La Haye, et nous sommes absolument opposés à ne pas
5 poursuivre le procès.
6 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
7 excusez-moi. Permettez-moi, s'il vous plaît, de répondre aux affirmations
8 avancées par le membre du Bureau du Procureur car, pour le moins qu'on
9 puisse dire, il n'a pas été correct.
10 Nous sommes devant un Tribunal mondial et j'ai l'impression que notre
11 érudit collègue l'oublie et revient tout le temps aux procès américains et
12 aux prétoires des Etats-Unis.
13 Ce n'est pas exact: le Bureau du Procureur n'a pas respecté tout ce qu'il
14 fallait respecter. Nous ne sommes pas en devoir de communiquer les
15 documents selon le principe de réciprocité, alors que vous, vous l'êtes et
16 vous, vous devez le faire. Par conséquent, Monsieur le Président, Mesdames
17 les Juges, la moitié de ces documents n'a pas été traduite.
18 Comment voulez-vous que j'explique à mon client de quoi il s'agit? Comment
19 peut-il m'aider dans mon travail? Par conséquent, il y a toute une série
20 de petites stratégies ou des choses que le Bureau du Procureur a
21 entreprises justement pour ne pas me permettre de défendre mon client. Le
22 Procureur vient de dire que je dois, soi-disant, chercher une formule de
23 me sauver moi-même. Ce n'est pas vrai. Je suis là non pas pour moi-même,
24 mais pour mes clients.
25 C'est la raison pour laquelle, je dis en toute franchise que la défense,
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1 dans les conditions actuelles, n'est pas prête. C'est un fait. J'ai été
2 tout à fait franc et tout à fait sincère.
3 Je ne comprends pas ce que veut dire, pour le Procureur, de commencer
4 aujourd'hui. Pourquoi? Si nos collègues… Vous nous avez demandé de
5 coopérer, d'avoir un esprit de coopération. Nous avons tout fait
6 exactement pour le faire mais nous ne pouvons pas coopérer si
7 véritablement ceci peut se retourner contre nous.
8 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je ne comprends pas pourquoi un
9 tel débat. Si la défense demande deux mois pour se préparer de manière
10 appropriée, à ce moment-là, je ne vois pas pourquoi on pose des demandes
11 aussi irrationnelles et peu compréhensibles et il y a des faits que j'ai
12 évoqués et qui parlent en eux-mêmes.
13 Vous avez commencé à parler des conférences de mise en état, Monsieur le
14 Président. Vous le savez, la dernière fois, lors de la conférence de mise
15 en état, j'ai déjà averti la Chambre, j'ai dit ce qui allait se passer.
16 Maintenant, quand nous commençons le débat principal, j'en ai parlé
17 également devant le Juge Wald et elle nous a remerciés.
18 Mais je l'ai dit il y a un mois et demi; j'ai dit que je vais reprendre la
19 même question au moment où le procès sera ouvert. Par conséquent, il est
20 un fait que moi, j'ai tout de suite formulé cette requête. J'ai donné des
21 arguments. J'ai également écrit un complément à cette requête. C'est la
22 raison pour laquelle également moi, je dis que nous n'avons pas reçu les
23 réponses. Et moi, j'ai réagi tout de suite. Eh bien, peut-on dire, à ce
24 moment-là, qu'on peut se permettre de donner une telle réponse?
25 Je pense au Procureur bien évidemment. Vous savez que tous ces classeurs
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1 contiennent beaucoup de documents: il y a des photographies, des documents
2 également très volumineux. Tous les cinq jours, ils filment par
3 hélicoptère toutes les maisons; ils pouvaient rentrer dans n'importe
4 quelle maison en Bosnie-Herzégovine et donc faire parvenir n'importe quel
5 document, n'importe quelle information mais, de toutes façons, nous allons
6 y revenir.
7 Certes, mon éminent collègue Scott, il ne s'agit pas de moi-même, il
8 s'agit de la justice ici. Et si vous voulez exercer les droits de la
9 justice, il faut être préparé.
10 Je ne peux pas me permettre -et jamais je me suis permis en tant que
11 conseil- que, pour mon erreur, le client en subit les conséquences ou
12 parce que moi, je n'étais pas sérieux, c'est le client qui est mis en
13 cause. Par conséquent, ce n'est pas moi qui suis en cause, c'est la
14 justice mondiale qui est en cause.
15 (Les Juges se consultent sur le siège.)
16 M. le Président (interprétation): C'est le Juge Clark qui aurait une
17 question à poser au Bureau du Procureur. Juge Clark?
18 Mme Clark (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
19 Maître Scott, il y a quelques questions que je me pose au sujet des
20 documents. Il y a des documents qui ont été remis à la défense à la minute
21 même. De quoi s'agit-il? Est-ce qu'il s'agit de ce classeur de documents
22 sur lesquels vous allez vous référer ou est-ce qu'il s'agit des documents
23 qui concernent les témoins du Bureau du Procureur, qui ont déjà été
24 prévus?
25 M. Scott (interprétation): Il s'agit des documents qui concernent la
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1 présentation des moyens de preuve à charge. Il s'agit, par conséquent, des
2 documents essentiels.
3 Mme Clark (interprétation): Est-ce qu'éventuellement, vous auriez pu les
4 remettre un peu plus tôt?
5 M. Scott (interprétation): Oui, il y a un certain nombre de documents que
6 nous avons pu communiquer et nous les avons communiqués, même si ce
7 n'était pas demandé.
8 Mme Clark (interprétation): Je suis toute nouvelle. Par conséquent, je
9 m'appuie sur le Bureau du Procureur et je voudrais que vous puissiez me
10 guider. Quel est, par conséquent, le cadre normal quand il s'agit de la
11 communication d'un très grand nombre de documents, comme dans le cas
12 concret?
13 M. Scott (interprétation): Je peux tout simplement me référer à deux
14 procès: l'affaire Blaskic et l'affaire Kordic. Dans l'affaire Blaskic, on
15 n'avait pas communiqué auparavant tous les documents et chaque pièce à
16 conviction a donc été versée au dossier quand elle a été utilisée. Par
17 conséquent, on n'avait pas communiqué les documents auparavant, on les
18 versait au dossier quotidiennement.
19 Dans l'affaire Kordic, un certain nombre de documents ont été communiqués
20 tout au début de l'affaire et d'autres ont été communiqués jour par jour.
21 Le Tribunal international a un certain système également de communication
22 en vertu de la Règle 66 qui porte sur la communication des documents.
23 C'est une Règle pratiquement qui donne le contrôle également concernant la
24 communication et le contrôle par la défense. Par conséquent, si la défense
25 souhaite la communication, elle peut le demander. Mais ce que le Tribunal
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1 international avait pratiquement fait lors de la mise au moins du
2 Règlement, c'est que, si la défense demande la communication, à ce moment-
3 là -c'est en vertu du 66B)-, la défense également en Règle du 67C) peut
4 également, de manière réciproque, communiquer les documents au Procureur.
5 Mme Clark (interprétation): Par conséquent, la défense n'a pas demandé la
6 communication et par conséquent vous n'avez pas eu cette obligation avant
7 le début du procès?
8 M. Scott (interprétation): Oui.
9 Mme Clark (interprétation): Mais dans le cas concret, il n'y avait pas de
10 telle requête mais vous avez quand même considéré qu'il était
11 indispensable tout de même de communiquer tous ces documents car, dans ce
12 cas-là, s'ils sont versés au dossier vous auriez pu vous y référer?
13 M. Scott (interprétation): Vous avez bien formulé. Nous avons pratiquement
14 fait plus que ce qu'on nous a demandé. Nous aurions pu procéder comme ceci
15 a été fait dans l'affaire Blaskic; j'aurais pu par conséquent verser au
16 dossier chaque jour, pièce par pièce, alors qu'au moment où l'on avait
17 procédé à des dépositions, donc en dehors du procès donc préalable au
18 procès, le conseil avait demandé qu'il n'en avait pas besoin.
19 C'est la raison pour laquelle j'en avais parlé et c'est avec le Juge Wald
20 et devant M. Fourmy; on en a parlé. Moi, j'ai dit de manière très, très
21 précise que ceci nous conduit pratiquement à verser au dossier les pièces
22 à conviction séparément. Et M. Fourmy était présent et les conseils de la
23 défense étaient parfaitement d'accord. Le fait même que j'ai communiqué la
24 semaine dernière, vendredi dernier, un certain nombre de documents; nous
25 avons fait pratiquement plus que ce qu'on nous a demandé.
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1 Mme Clark (interprétation): Par conséquent, vous avez communiqué les
2 documents et vous avez considéré que c'était bien de mettre à la
3 disposition de la défense tous ces documents pour qu'ils soient au courant
4 de ceux que vous allez utiliser dans le cadre de l'affaire. Par
5 conséquent, ceci ne peut pas véritablement avoir une conséquence
6 matérielle au sujet de ce qui va se passer et concernant les dix témoins
7 qui vont être cités à la barre.
8 M. Scott (interprétation): Excusez-moi, mais je n'ai pas tout à fait
9 compris ce que vous avez dit.
10 Mme Clark (interprétation): Par conséquent, vous pouvez poursuivre
11 l'interrogatoire avec les dix témoins?
12 M. Scott (interprétation): Oui.
13 Mme Clark (interprétation): Donc vous n'allez pas pratiquement nuire ou
14 mettre en question les intérêts de la défense?
15 M. Scott (interprétation): Non. Mais bien sûr que ceci a une substance
16 importante.
17 Mme Clark (interprétation): Mais si vous n'avez pas remis à la défense
18 tous ces documents et si vous avez tout simplement cité les témoins, rien
19 n'aurait changé?
20 M. Scott (interprétation): Oui, exactement; c'est ce que je disais.
21 Mme Clark (interprétation): J'aimerais savoir également ce que la défense
22 pense à ce sujet-là.
23 Est-ce que j'ai bien compris la situation? Ou vous n'êtes pas d'accord
24 avec ce que je viens de dire et cet échange qui a eu lieu entre moi et le
25 Bureau du Procureur?
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1 M. Krsnik (interprétation): Madame le Juge, je suis d'accord, mais je
2 pense qu'il faut quand même apporter quelque peu d'éclaircissements.
3 Qu'est-ce que ceci veut dire que "de communiquer les documents"? Ceci
4 permet au Procureur qui fait des recherches, qui dresse l'Acte
5 d'accusation également, qui guide les débats, de faire une stratégie. Par
6 conséquent, il peut communiquer des documents, un certain nombre de
7 documents et pas d'autres.
8 Donc ce que doit faire d'abord la défense, c'est d'étudier tous les
9 documents; donc ça me paraît évident pour commencer.
10 Madame le Juge, le Procureur nous a dit qu'ils allaient communiquer les
11 documents lors de la conférence de mise en accusation; mais les documents
12 qui appuient la présentation des moyens à charge et pas ceux qui nous
13 concernent. Par conséquent, il s'agit de ces classeurs.
14 D'un autre côté, comme je l'ai dit, la moitié de ces documents n'ont pas
15 été traduits en croate. Et même si tout a été vrai par M. Scott, il peut
16 éventuellement se lancer dans des stratégies. Personnellement, je ne
17 comprends pas pourquoi -parce qu'il dispose des moyens de preuve à charge
18 et, à ce moment-là, il aurait pu me communiquer tous ces documents- je ne
19 vois pas pourquoi il faudrait procéder à une confidentialité là où il ne
20 faut pas, des stratégies là où il ne faut pas. Mais il est vrai également
21 que tous ces documents n'ont pas encore été traduits.
22 Comment voulez-vous que je parle avec mon client qui est en détention sur
23 les documents que je ne connais pas?
24 Et d'un autre côté également, ce sont les documents qui sont un fondement,
25 la base pour la déclaration liminaire, pour chacun des témoins. C'est
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1 également la raison pour laquelle le Procureur va citer les documents pour
2 donner du poids à ces documents.
3 Mme Clark (interprétation): Je vous comprends, Maître Krsnik, mais ce que
4 je voulais vous dire de mon côté: est-ce que vous vous trouvez dans une
5 situation défavorable sur le plan matériel réel de ne pas disposer de ces
6 documents ou d'en disposer dès aujourd'hui? Vous ne pensez pas que nous
7 pourrions commencer avec la déclaration liminaire, avec les dix témoins
8 pour lesquels on vous a dit qu'ils allaient être cités il y a un mois?
9 Est-ce que, dans le sens substantiel, vous êtes dans une situation
10 défavorable parce que vous avez reçu d'autres documents aujourd'hui
11 seulement? Ça, c'est une première question.
12 Deuxième question. Il ressort la chose suivante: vous accusez le Bureau du
13 Procureur; vous dites que vous avez reçu ces documents et que c'est une
14 attitude stratégique et, de cette manière-là également, d'imposer à la
15 défense pour que vous, de votre côté, communiquiez vos propres pièces.
16 Est-ce que vous pensez que c'est comme ça que le Bureau du Procureur vous
17 le demande? Est-ce que ça a été bien traduit? Est-ce que nous nous sommes
18 bien compris?
19 M. Krsnik (interprétation): Non, on ne s'est pas bien compris. J'ai dit
20 que le Procureur, vu cette possibilité de la communication -et ceci en
21 vertu des règles- peut se lancer dans des stratégies, car il peut dire par
22 exemple: "Moi, je ne vais pas vous communiquer les documents si vous, vous
23 ne le faites pas de votre côté".
24 Mais d'un autre côté, il y a des documents sur lesquels s'appuie l'Acte
25 d'accusation. Il y a des témoins sur lesquels s'appuie l'Acte
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1 d'accusation. Par conséquent, ils doivent nous communiquer ces documents
2 dans un délai raisonnable et j'affirme que la moitié de ces documents, par
3 conséquent, est la base de l'Acte d'accusation qui n'a rien à voir avec la
4 communication et avec la réciprocité. Je ne sais pas si nous nous sommes
5 compris maintenant.
6 Par conséquent, le Procureur dit "c'est la réciprocité" et nous, on
7 n'était pas dans l'obligation. Au contraire, moi, je dis qu'ils avaient
8 l'obligation de nous communiquer les documents dans un délai raisonnable
9 et nous, nous ne les avons pas reçus dans un délai raisonnable.
10 Je vous remercie véritablement de votre attitude très correcte, Madame le
11 Juge. Je vous suis vraiment reconnaissant de ce que vous nous avez posé
12 cette question-là parce que vous me permettez de vous répondre et pour
13 moi, c'est extrêmement important. Ce qui est probablement le plus
14 important pour nous et ce qu'il est indispensable de dire, c'est que, bien
15 évidemment, un an et demi s'est écoulé depuis. Et dans l'esprit de
16 coopération, le Bureau du Procureur a cette obligation; il doit coopérer
17 car il a des prérogatives qui sont très importantes dans le cadre des
18 systèmes juridiques au niveau mondial, international. Par conséquent, si
19 quelqu'un est en détention et passe en détention deux ans, il est
20 difficile de dire que ce n'est peut-être pas…, cela ne relève pas des
21 prérogatives et des compétences de ce Tribunal. Et c'est là où la défense
22 intervient et nous disons que vous n'avez pas droit à vous lancer à des
23 stratégies de tels types car il s'agit d'un Tribunal qui est différent. Et
24 même si la défense avait disposé de tous les documents, même dans des
25 délais raisonnables, pourquoi il y a 20 jours, on nous a donné la liste
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1 des témoins, de 10 témoins alors que pour les 55 nous les avons eus, il y
2 a trois jours. Par conséquent, c'est ça la stratégie et en vertu des 66…
3 Mme Clark (interprétation): Excusez-moi, je peux vous interrompre? Nous
4 sommes parfaitement conscients qu'il est très difficile de rassembler tous
5 les témoins, de les amener de votre système juridique dans le cadre de
6 celui-là. Bien évidemment, je ne vais pas abréger votre exposé. Je sais
7 que tout ce que vous venez de dire est important. Mais moi, ce que je veux
8 dire, c'est la question que je me pose, c'est: est-ce que véritablement on
9 a porté atteinte très grave? Si, par exemple, le Bureau du Procureur
10 présente la déclaration liminaire, cite les 10 témoins. Entre temps, je
11 pourrais me consulter avec d'autres Juges et voir ce qui peut se passer
12 par la suite. Par conséquent, on ne va pas vous porter atteinte dans le
13 sens vrai de ce mot si nous commençons de cette manière-là.
14 M. Krsnik (interprétation): Madame le Juge, Monsieur le Président, oui je
15 pense qu'on aurait porté atteinte très grave à la défense sinon je
16 n'aurais pas véritablement abusé de votre temps et fait tout ce plaidoyer.
17 On n'aurait pas eu de raison pour nous mettre dans cette situation. Il n'y
18 a eu aucune raison pour qu'on discute de toutes ces choses-là aujourd'hui
19 même. On aurait pu organiser une conférence de mise en état selon le
20 Statut de ce Tribunal, on aurait pu y procéder, on avait même été obligés
21 de l'organiser.
22 Madame le Juge, la défense demande ceci depuis déjà un mois, un mois et
23 demi; j'ai déjà averti le Bureau du Procureur sur tous ces points de
24 manière coopérative. Depuis un mois et demi, ils sont au courant, le
25 Tribunal est au courant. Je ne sais plus quoi faire. Moi, je dis que dans
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1 ces circonstances, nous ne sommes pas prêts à commencer et si nous
2 commençons c'est, comme je l'ai dit, l'atteinte très grave qui aurait été
3 portée aux intérêts de la défense.
4 Il y a des témoins qui sont très sérieux et pour lesquels nous devons
5 véritablement nous préparer. Nous devons passer en revue tous les
6 documents. Et je ne vais pas prolonger une fois de plus.
7 Monsieur Président, Mesdames les Juges, il y a 17 classeurs, 10.000 fois
8 plus. Mais je me demande combien on va…, qui va payer pour les faire
9 photocopier. Ce sont des problèmes qui sont très graves. Je vais bien
10 évidemment renoncer à ma requête concernant la justice devant ce Tribunal.
11 En ce qui concerne les autres tribunaux dans mon pays, c'est une autre
12 question. Mais ici, je ne me permettrai pas véritablement de ne pas
13 respecter les droits de la justice.
14 Mme Clark (interprétation): Merci.
15 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Maître
16 Seric.
17 M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges.
18 Madame le Juge Clark, il me semble que vous avez touché là au coeur du
19 problème, et précisément pour cette raison-là, il nous faut tenir compte
20 de trois Règles, de trois Articles qui font partie de notre Règlement de
21 procédure et de preuve.
22 La différence entre l'Article 66 où il est question de la présentation ou
23 de la communication de la part de l'accusation par rapport à l'Article 67
24 où il est question de la communication réciproque, la défense de M. Vinko
25 Martinovic a renoncé à faire respecter la Règle de la communication
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1 réciproque précisément parce que nous n'avons reçu aucun document.
2 Nous n'avons aucun document alors que nous avons demandé des documents
3 très importants portant sur la structure du pouvoir de Bosnie-Herzégovine,
4 la structure de…, l'organisation du pouvoir en Croatie ainsi que des
5 communiqués, ainsi que des articles de presse. Mais nous n'avons reçu
6 aucun de ces documents ni de la part des autorités bosniaques ni de la
7 part des autorités croates. Même si nous avions voulu les communiquer à
8 l'accusation, nous n'aurions pas pu le faire. Nous avons des traces de ces
9 tentatives échouées.
10 Je ne sais pas quelle la raison pour laquelle nous ne les avons reçus. Je
11 ne sais pas si quelqu'un redoute de coopérer avec la défense de Vinko
12 Martinovic en Bosnie ou en Croatie. Je n'en sais rien et je ne peux donc
13 pas en dire plus. Mais j'aborderai cette question ultérieurement.
14 Quant à la question de recevoir en temps utile les copies du matériel des
15 documents complémentaires, l'Article 66 le précise, c'est l'Article 66B),
16 où il est dit que tous ces documents en possession doivent être
17 communiqués, donc tous ces éléments nécessaires à la préparation de la
18 défense.
19 Et nous avons ici aussi l'Article 68 où il est dit "qu'aussitôt que
20 possible le Procureur informera la défense de l'existence de tous les
21 éléments dont il a connaissance, qui sont de nature à disculper en tout ou
22 en partie l'accusé".
23 Mme Clark (interprétation): Cela n'a-t-il pas été fait?
24 M. Seric (interprétation): Il y a deux jours que cela a été fait
25 seulement.
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1 Mme Clark (interprétation): En décembre, l'année dernière, vous n'avez pas
2 reçu cela?
3 M. Seric (interprétation): Non, nous n'avons reçu cela qu'avec les
4 documents que vous venez de voir ici.
5 Mme Clark (interprétation): Non, je ne vous pose pas la question au sujet
6 de ces classeurs, je vous pose la question au sujet des autres documents.
7 M. Seric (interprétation): Nous avons reçu le reste, mais ici dans les
8 documents qui sont ici présents, il y a des éléments qui sont très
9 importants à la lumière des articles ce que je viens de citer.
10 Ma proposition, par conséquent, concernant la défense de mon client, M.
11 Martinovic, et compte tenu de ce que vient de dire mon collègue, la
12 défense de M. Naletilic, donc ma suggestion serait la suivante: cherchons
13 un compromis, essayons de procéder au témoignage des dix témoins annoncés.
14 Ce qui nous laissera le temps, ce qui laissera le temps à la Chambre de se
15 prononcer sur les propos qu'elle vient d'entendre. Je vous remercie.
16 Mme Clark (interprétation): Je vous remercie.
17 (Les Juges se consultent sur le siège.)
18 Mme Diarra: Ma question s'adressait à Me Seric par rapport au délai qu'il
19 a demandé pour préparer le contre-interrogatoire des témoins, présentés à
20 la dernière minute par l'accusation.
21 Je voudrais lui demander quelle était l'importance de cette préparation
22 préalable du contre-interrogatoire des témoins? A partir du moment où, en
23 écoutant personnellement les témoins à la barre, cela offrait
24 l'opportunité de leur faire préciser leur pensée et de faire les répliques
25 nécessaires.
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1 Mais puisqu'il vient lui-même de demander le compromis qu'on commence avec
2 les 10 témoins, je crois que mes préoccupations ont été prises en charge.
3 Je vous remercie.
4 M. Seric (interprétation): Madame la Juge, la défense est placée dans la
5 situation suivante: nous avons plusieurs dépositions de témoins qui ont
6 été recueillies à plusieurs reprises. Et conformément aux documents qui
7 existent ou que nous avons reçus, nous éprouvons le besoin d'avoir plus de
8 temps pour étudier ces documents afin de pouvoir étudier ces dépositions,
9 compte tenu de ce qui a été recueilli comme éléments par la défense. Pour
10 ainsi dire, nous aurions besoin de procéder à des vérifications
11 supplémentaires d'un certain nombre de recherches supplémentaires.
12 Mme Diarra: J'ai compris.
13 M. Seric (interprétation): Je vous remercie.
14 M. le Président (interprétation): Vous avez la parole, Monsieur Scott. Je
15 n'avais pas remarqué que vous étiez debout. Vous avez la parole.
16 M. Scott (interprétation): Je serai très bref; je n'aborderai pas ce sujet
17 sauf si la Chambre a des questions supplémentaires à me poser.
18 Une seule chose que je souhaite dire: c'est la chose suivante. Un certain
19 nombre de choses pas tout à fait exactes ont été déclarées, à savoir par
20 exemple la question de l'Article 66. Je dois dire qu'en vertu de l'Article
21 66A)i), nous avons fourni des documents il y a un an -en fait, il y a plus
22 d'un an maintenant-: les documents à l'appui qui doivent être présentés à
23 la Chambre notamment. Donc il n'est pas exact, comme déclaré par la
24 défense, que cela n'a été fourni que très récemment.
25 Monsieur le Président, l'accusation continuera à respecter chacun des
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1 Articles, ainsi que chacune des ordonnances de la Chambre.
2 M. le Président (interprétation): Après avoir entendu les parties, nous
3 allons suspendre pendant une dizaine de minutes afin de délibérer. Merci.
4 (L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 10 heures 40.)
5 M. le Président (interprétation): La Chambre a reçu deux requêtes orales.
6 La première a été énoncée par Me Krsnik en demandant le report de la date
7 du début du procès au fond(?). L'autre requête a été faite par Me Seric en
8 demandant l'interruption des débats après avoir entendu les dix premiers
9 témoins.
10 Après avoir entendu les deux parties et compte tenu du fait que le 7
11 décembre de l'an 2000 une conférence de mise en état a été tenue par les
12 trois Juges de la Chambre, de la 1ère Chambre d'instance, cette Chambre
13 considère que cela a été une conférence préalable au procès.
14 La décision de la présente Chambre est la suivante. Pour ce qui est de la
15 première requête, à savoir la demande du report du début du procès au
16 fond(?), la Chambre maintient sa décision du 31 octobre de l'an 2001, à
17 savoir que cette requête est rejetée.
18 La Chambre estime que d'aucune manière la défense ne peut justifier la
19 demande du report, compte tenu de la communication des documents et de la
20 liste des témoins. Le temps que la défense avait à sa disposition était
21 suffisante pour préparer le contre-interrogatoire des témoins.
22 Pour ce qui est de la deuxième requête, cette Chambre se réserve le droit
23 de se prononcer à un moment ultérieur.
24 La Chambre a décidé ainsi. Je viens d'être rappelé qu'une erreur s'est
25 produite dans le compte-rendu d'audience, la date de la décision doit être
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1 le 31 août de l'an 2000 et non, comme cela a été consigné, le 31 octobre
2 de l'an 2001.
3 Monsieur Scott, êtes-vous prêt à prendre la parole?
4 M. Scott (interprétation): Je suis prêt.
5 M. le Président (interprétation): Vous avez la parole.
6 (Déclaration liminaire de l'accusation par M. Scott.)
7 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
8 collègues de la défense, collègues, le 17 avril 1993, Mladen Naletilic
9 "Tuta" était à la tête de l'épuration ethnique.
10 Le Président de l'Herceg-Bosna, Mate Boban, a décidé que Mladen Naletilic
11 devait mettre en oeuvre l'ultimatum. Il a ordonné l'expulsion des civils
12 musulmans, de leurs maisons et de leurs villages. C'est lui qui était à la
13 tête de ceux qui ont mis à feu leurs maisons, qui ont détruit leurs
14 mosquées. Il s'agissait des mosquées dans les deux villes, Sovici et
15 Doljani. Et il a commandé, il a montré l'exemple dans les mauvais
16 traitements des hommes musulmans qui ont été faits prisonniers.
17 Les éléments de preuve montreront que Naletilic "Tuta" et ses forces, ses
18 troupes, le Bataillon des condamnés étaient au coeur de ces opérations,
19 quand ces Musulmans étaient expulsés de leurs maisons, lorsque les hommes
20 étaient tués et leurs propriétés étaient pillées et détruites, leurs
21 prisonniers étaient brutalement inhumainement traités.
22 Après les attaques de Sovici et de Dolani, il y a eu des mauvais
23 traitements, à la fois par les hommes qui étaient sous l'ordre de "Tuta"
24 et par les officiers supérieurs. Les éléments de preuve montreront que
25 "Tuta" a intimidé les prisonniers avec un pistolet, qu'il a posé le
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1 pistolet dans la bouche de l'un ou de plusieurs prisonniers ou sur leur
2 tête, qu'il leur a demandé de s'allonger par terre et de d'embrasser la
3 terre. Seulement quelques semaines plus tard, le 10 mai 1993, "Tuta"
4 Naletilic était au coeur de la ville de Mostar, après avoir été au comble
5 de son triomphe, où il a reçu les prisonniers musulmans et où il a arrêté
6 des hommes musulmans. "Tuta" s'est placé devant eux et il a injurié les
7 prisonniers musulmans en utilisant des propos qui étaient des insultes
8 raciales que je ne répéterai pas ici. Il a personnellement passé à tabac
9 un des prisonniers en utilisant sa radio Motorola, encore une fois, sous
10 les yeux de ses officiers et des hommes qui étaient sous ses ordres. C'est
11 ainsi qu'il montrait l'exemple.
12 Il y avait un autre homme qui a joué un rôle important, un rôle-clé au
13 sein du conseil de la défense, au sein de ces attaques et des expulsions à
14 Mostar et dans les environs, c'était l'un des commandants de Naletilic,
15 l'autre accusé ici Vinko Martinovic.
16 Un autre prisonnier nous racontera qu'il a deux fois, par deux reprises,
17 été emmené à la ligne de front à Mostar afin de travailler pour l'unité de
18 Vinko Martinovic; lors de la première occasion, ce prisonnier a été battu
19 par Martinovic lui-même. Et Martinovic a dit à ce prisonnier, qui est
20 également connu sous le nom "Stela": "Tu verras qui est Stela!".
21 Ces hommes musulmans ont donc été brutalement torturés. Vinko Martinovic
22 "Stela" leur a dit "qu'ils auront à travailler pour lui".
23 Messieurs, je m'appelle Kenneth Scott, je représente ici le Procureur.
24 C'est un privilège et une responsabilité pour moi de vous présenter les
25 éléments de preuve de l'accusation. Comme je l'ai déjà annoncé, je me
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1 présenterai encore une fois brièvement: je suis ici avec M. Poriouvaev,
2 Stringer et Bos. Notre assistante est Mme Fleming.
3 L'un des défis que constitue la présentation des éléments de preuve dans
4 cette affaire, pour l'accusation: d'une part, la question de l'information
5 extrêmement volumineuse. Un aspect constitue les noms des différents
6 Etats, des gouvernements, des organisations, des armées, des partis
7 politiques, des traités, des personnes, des événements et des places, des
8 localités. Je ne pense pas qu'il serait intéressant d'énumérer, au cours
9 des quelques minutes qui sont devant nous, tous ces noms et ces termes.
10 Ainsi, je ne le ferai pas. Cependant, nous avons préparé un glossaire qui
11 pourrait être utile à la Chambre, ainsi qu'à toutes les parties présentes.
12 Je demanderai donc que la distribution en soit faite.
13 Egalement, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je tâcherai
14 d'expliquer un certain nombre de termes qui apparaîtront le plus souvent.
15 Comme le nom de ce Tribunal l'indique, notre travail concerne les
16 événements qui se sont produits dans l'ex-Yougoslavie. J'aimerais
17 distribuer à la Chambre et à la défense des cartes et des plans qui ont
18 été préparés par l'accusation et qui pourraient nous aider.
19 (L'huissier s'exécute.)
20 Deux grandes cartes. L'une, P1: il s'agit d'une carte de l'ex-Yougoslavie;
21 la deuxième est une carte de la Bosnie-Herzégovine.
22 Nous sommes tout à fait conscients que les cartes que je suis en train de
23 vous présenter ne sont pas vraiment très utiles pour présenter quelque
24 chose depuis la place du témoin, pour que la Chambre puisse bien le voir,
25 mais nous essaierons de les utiliser au mieux. En tant que pièces de
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1 l'accusation, elles seront sans problème à la disposition de la défense
2 pour qu'elle puisse les utiliser elle aussi. En plus de ces grandes
3 cartes, nous en avons quelques-unes qui sont un peu de plus petite taille
4 et qui seront peut-être plus utiles au quotidien. Nous pourrons aussi les
5 présenter sur le rétroprojecteur et chacun pourra les voir sur son écran.
6 Par exemple, j'essaierai de le faire dans toute la mesure du possible moi-
7 même pour ne pas demander l'aide à l'huissier, pour nous économiser le
8 temps et les efforts.
9 Ceci est une version plus réduite de la carte que vous avez dans vos
10 dossiers. Nous pouvons donc placer cette version sur le rétroprojecteur et
11 nous pouvons agrandir les portions qui nous intéressent.
12 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, la pièce P3.1 pour nous
13 représenter les parties de la Bosnie-Herzégovine qui nous intéressent le
14 plus: les municipalités, à savoir les unités administratives, politiques
15 de l'ex-Yougoslavie et de Bosnie-Herzégovine. On pourrait peut-être les
16 appeler des cantons ou des Etats ou des provinces dans d'autres Etats, ou
17 même des comtés. Il s'agit donc d'unités, de municipalités ou d'opstina
18 qui concernent au premier chef l'affaire Tuta-Stela.
19 Au début, la ville qu'on connaîtra le mieux, c'est certainement la ville
20 de Sarajevo. Mais voyez les autres localités qui nous intéresseront. La
21 plus grande ville dont nous parlerons le plus, c'est la ville de Mostar.
22 Et je tiens à dire que la Chambre verra, même si elle ne le voit tout de
23 suite, que les noms des municipalités sont identiques aux noms des
24 localités parfois. Donc, vous avez ici en rouge la municipalité de Mostar
25 dont le chef-lieu est la ville de Mostar; mais la même chose peut être
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1 dite pour Siroki Brijeg qui, auparavant, était connue sous le nom de
2 Listica, mais qui a été rebaptisée Siroki Brijeg. En fait, vous avez à la
3 fois une unité territoriale administrative qui s'appelle Siroki Brijeg et
4 une localité qui s'appelle Siroki Brijeg. Le quartier général de Tuta
5 était basé à Siroki Brijeg.
6 M. le Président (interprétation): Je suis désolé de vous interrompre,
7 Monsieur Scott, mais n'est-il pas venu le moment pour prendre la pause?
8 J'espère que quelqu'un dans votre équipe sera en mesure de vous rappeler
9 nos pauses. Je crois qu'il est nécessaire de prendre la pause à 11 heures.
10 M. Scott (interprétation): Je suis tout à fait conscient de l'heure. Il
11 est certainement possible de faire une pause maintenant.
12 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous levons la séance jusqu'à
13 11 heures 30.
14 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)
15 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, avant de poursuivre, il
16 y avait quelque chose que je désirais soulever pour le rappeler aux deux
17 parties.
18 Au cours de la pause, on m'a rappelé le nouvel horaire de cette Chambre de
19 première instance. Tous les matins, nous débuterons le procès à 9 heures
20 30; nous prendrons la pause déjeuner à 13 heures; par la suite, nous
21 aurons une pause d'une heure et demie et nous recommencerons nos travaux
22 de l'après-midi à 14 heures 30. Au cours de la matinée, il y aura une
23 pause à 11 heures jusqu'à 11 heures 30. Nous siégerons du lundi au
24 vendredi matin, jusqu'à 13 heures; pour ce qui du vendredi après-midi,
25 quelques Juges pourraient avoir d'autres obligations de sorte que cette
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1 Chambre d'audience pourra servir à autre chose pour cette période-là.
2 Monsieur Scott, êtes-vous prêt à poursuivre?
3 M. Scott (interprétation): Oui.
4 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, nous parlions de cartes. Pour
5 l'instant, je voudrais vous montrer deux autres cartes. En fait, nous
6 avons une version un peu plus grande de cette carte-ci: c'est la version
7 A3, aux dimensions qui correspondent aux dimensions A3 de cette même
8 carte. Mais cette carte-ci pourrait peut-être aider la Chambre de se
9 situer un peu plus précisément. Il existe une autre version séparée, si
10 vous voulez. Je voulais vous simplifier la tâche, mais voilà à quoi
11 ressemble cette carte.
12 Vous pouvez vous servir de ces outils de référence comme vous le voulez,
13 car ces outils de référence nous donnent les endroits qui seront
14 pertinents pour cette affaire. Simplement, pour des fins d'orientation, je
15 voudrais vous parler de quelques endroits principaux.
16 Vous avez déjà entendu parler des villages de Sovici et de Doljani qui
17 sont situés au-dessus de cette carte; cette carte est orientée vers le
18 nord et la partie supérieure de la page représenterait le Nord. Vous avez
19 Sovici, vous avez également la ville de Mostar. Au nord de la ville de
20 Mostar se trouve Rastani; nous allons en parler au cours de ce procès.
21 Vous avez déjà entendu parler de Siroki Brijeg; il s'agit de cet endroit-
22 là. C'était là où était situé le quartier général de "Tuta".
23 Vous allez également entendre des témoignages parlant de l'Héliodrome; il
24 s'agissait d'une base qui appartenait à l'ancienne armée yougoslave. Il y
25 a également Rodoc; il s'agit de cet endroit-ci. Vous allez entendre parler
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1 également du fait que certains prisonniers étaient détenus à Ljubuski. Et
2 vous allez peut être entendre parler de Medjugorje, de Britil(?), de
3 Capljina. Je crois que c'est à peu près tout.
4 De nouveau, je souhaiterais dire qu'il y a d'autres versions de ces
5 cartes-là. Il y a également la pièce à conviction 3.2: c'est une carte qui
6 appartient à un classeur de cartes qui est un peu plus grand de taille. En
7 fait, c'est une carte qui montre les lieux topographiques. Voilà. Si nous
8 comparons les deux, vous pouvez voir que c'est un peu différent, mais en
9 fait, toutes ces cartes sont à votre disposition et vous pouvez vous en
10 servir à votre guise, selon vos préférences.
11 Ce que je souhaiterais faire maintenant, Monsieur le Président, Mesdames
12 les Juges, c'est vous dire un peu ce à quoi vous attendre. Je vais d'abord
13 vous parler des aspects les plus pertinents du conflit qui a existé entre
14 les Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie. Et je vais vous parler
15 des éléments pertinents à cette affaire.
16 La Chambre comprendra que des journées, des semaines peuvent être passées
17 à parler de la doctrine militaire, des développements géographiques et de
18 l'histoire mais aujourd'hui, je vais essayer seulement de vous donner un
19 survol assez étroit.
20 Après avoir parlé, après vous avoir fourni un survol assez bref, je vais
21 vous donner des indications. Je vais vous parler des éléments de preuve de
22 l'accusation. Il y aura peut-être quelques répétitions, de recoupements
23 quant à ce que j'ai déjà dit, mais, si vous permettez, ce n'est pas
24 tellement mauvais de répéter. Si vous me le permettez, il m'arrivera de
25 répéter, car cela pourra nous aider à nous orienter, à nous situer un peu
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1 mieux dans notre affaire.
2 Je vais également vous entretenir en quelques mots de la façon dont nous
3 allons présenter nos éléments de preuve.
4 Maintenant, pour revenir un peu à notre affaire, comme toutes les affaires
5 qui se trouvent devant le Tribunal international, il s'agit de la
6 désintégration de l'ex-Yougoslavie. Le 23 juin 1991, l'ex-Yougoslavie de
7 la Croatie a déclaré son indépendance au début du mois de mars 1992.
8 Les crimes qui sont survenus dans cette cause, dans cette affaire ont eu
9 lieu entre les Croates de Bosnie, donc les forces bosniennes croates.
10 C'est le conseil de la défense croate qui est appelé le "HVO", en fait
11 c'était plus qu'une armée. On pourrait dire que le HVO en fait
12 représentait l'armée, l'administration, c'était une force exécutive aussi
13 de cet Etat croate autoproclamé.
14 Nous allons entendre parler au cours des prochains jours, nous allons
15 entendre parler du terme du "HVO", et donc c'est le conseil croate de la
16 défense. Nous allons également entendre parler du fait que ce conflit
17 était soutenu et dirigé d'une certaine façon par l'armée de la République
18 de Croatie, et très souvent nous allons en parler avec le raccourci, avec
19 l'abréviation "HV"; c'est donc l'armée de la République de Croatie. Et ces
20 forces-là étaient alliées pour combattre les forces de la Bosnie-
21 Herzégovine, donc c'était le gouvernement qui était établi et qui avait le
22 pouvoir à Sarajevo. Nous allons donc nous référer, lorsque nous parlons de
23 ces forces-là, avec l'abréviation "AVIH".
24 Donc ce conflit a eu lieu en 1992, dans la partie centrale de Bosnie, et
25 s'est poursuivi jusqu'à la signature de l'accord de Washington aux mois de
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1 février-mars 1994. Et vous allez voir que les crimes par les accusés et
2 leurs subordonnés dans cette affaire ont eu lieu dans le cadre d'une
3 campagne de persécutions, nettoyage ethnique, qui a été dirigée et menée
4 par le HVO, donc le conseil croate de défense contre les Musulmans de
5 Bosnie, sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Et ces actes et
6 omissions desquels on parle ou qui pèsent contre les accusés ont eu lieu
7 dans le cadre d'une attaque systématique dirigée contre les Musulmans de
8 Bosnie et pendant l'éclatement de l'ex-Yougoslavie, le parti politique
9 croate appelé le "HDZ". Donc, l'Union démocratique croate a été formée par
10 Franjo Tudjman et d'autres en Croatie. C'était ce même parti nationaliste
11 qui dirigeait la République de Croatie depuis 1991 jusqu'à peu de temps
12 après la mort du Président Tudjman jusqu'à la fin de 1999. Une branche de
13 ce même parti a été créée au sein de la Bosnie-Herzégovine par les Croates
14 de Bosnie appelé "L'Union démocratique croate de la Bosnie-Herzégovine",
15 appelée avec l'abréviation "HDZ BIH"; et nous allons simplement utiliser
16 le terme de "HDZ" qui veut dire "Union démocratique croate".
17 Bosnie-Herzégovine, comme le nom l'indique, il s'agit de deux régions qui
18 se trouvent dans la partie orientale du pays qui s'appelle "Bosnie" et la
19 partie centrale de ce pays qui s'appelle "Herzégovine". Et cette partie
20 centrale s'appelle "Herzégovine". Donc la Bosnie-Herzégovine orientale, en
21 fait, se trouve en Bosnie. Et cela a eu lieu sur des territoires qui ont
22 déjà été identifiés auparavant. Donc l'Herzégovine se trouve vers l'ouest
23 et l'est de Sarajevo. Et toutes ces parties-là font également partie de
24 l'Herzégovine.
25 De nouveau, cela vous montre les municipalités peut-être les plus
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1 pertinentes en Bosnie-Herzégovine qui seront importantes pour notre
2 affaire.
3 Le 18 novembre 1991, le HDZ et les Croates de Bosnie ont déclaré
4 l'existence de la communauté croate de Hezceg-Bosnie ou de nouveau ce que
5 nous appelons "HZ H-B". Je sais que je vous l'ai déjà dit mais je vous
6 donne des abréviations pour que vous puissiez vous situer; j'essaie en
7 fait de parler des abréviations les plus importantes. Mais ce que voulais
8 vous dire, c'est que vous allez sûrement entendre ces termes-là très
9 souvent. Nous allons soit en parler en l'appelant "Herceg-Bosna" ou bien
10 simplement le "HZ H-B".
11 Et en fait, ce qui est arrivé, Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
12 c'est qu'un certain nombre de Croates bosniens, pas tous mais une partie
13 plus nationaliste, ont déclaré, en fait ont autoproclamé l'existence d'une
14 république ou d'une entité indépendante pour les Croates de Bosnie se
15 trouvant sur les territoires de Bosnie-Herzégovine. Et cette unité
16 autoproclamée s'appelait une entité croate, donc cela faisait partie de la
17 communauté croate de Herceg-Bosna, et c'était une entité politique,
18 culturelle, économique, et dans le but d'essayer ou de créer un lien avec
19 les républiques de Croatie. Ces aspirations qui étaient soutenues par les
20 républiques de Croatie, en fait, se voyaient dans le fait qu'ils
21 utilisaient donc la monnaie croate, la langue croate et les programmes
22 scolaires croates. Et les républiques de Croatie octroyaient même la
23 citoyenneté croate aux Bosniens croates.
24 Il faudrait savoir qu'en fait la cour constitutionnelle de la République
25 de Bosnie-Herzégovine a déclaré que le "HZ H-B" était une entité illégale
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1 au mois de septembre 1992. Mais néanmoins, le "HZ H-B" maintenant s'est
2 déclaré, par la suite, non seulement une communauté croate d'Herzeg-Bosnie
3 mais s'est autoproclamée comme étant la République croate de Herzeg-Bosnie
4 en date du 28 août 1993.
5 En d'autres mots, le mot "communauté" a été changé en mot "république". Et
6 comme je l'ai dit un peu plus tôt pour les fins de cette affaire qui nous
7 occupe, nous allons très souvent parler de toute cette entité comme étant
8 l'Herzeg-Bosnie. Donc ni l'une ni l'autre de ces deux entités n'ont été
9 reconnues à quelque moment que ce soit par la communauté internationale.
10 Comme je l'ai déjà mentionné un peu plus tôt, la cour constitutionnelle de
11 la République de Bosnie-Herzégovine a déclaré le "HZ H-B" en fait illégal.
12 Maintenant, la ville de Mostar est la capitale historique et la plus
13 grande ville en fait de Bosnie-Herzégovine. Et selon la proclamation de
14 la…, selon l'Article 3 de la déclaration portant création de la "HZ H-B" a
15 désigné Mostar comme étant la capitale de cette communauté croate
16 autoproclamée. Donc ce n'était plus Sarajevo mais Mostar. Et donc le fait
17 que Mostar est devenue la capitale a été affirmé par le décret qui a été
18 émis vers la fin du mois d'avril 1992, par Mate Boban, qui a également
19 réaffirmé le fait que cette entité représentait bel et bien la communauté
20 croate de la Bosnie-Herzégovine, donc le "HZ H-B".
21 Cela démontrait que Mostar représentait le siège administratif et l'organe
22 suprême exécutif au sein de l'Herceg-Bosna. Il est très important de dire
23 dans cette affaire que le HVO considérait que Mostar était leur capitale
24 et que, pour eux, pour la plupart d'entre eux, il n'y avait aucune place à
25 Mostar pour des Musulmans, que les Musulmans ne devraient plus rester de
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1 ce fait à Mostar.
2 Je vous ai déjà dit que, indépendamment du fait que les mots "conseil de
3 défense croate" étaient utilisés, cela représentait…, était un
4 gouvernement. Il y avait un grand nombre de membres qui étaient musulmans
5 de Bosnie.
6 Et vous allez voir -je crois que l'Histoire va pouvoir le démontrer et je
7 crois que cela ne sera pas contesté dans cette affaire- que, pendant
8 plusieurs mois après la guerre, après le début de la guerre en
9 Yougoslavie, bien sûr, les Croates et les Musulmans ont combattu ensemble
10 contre leur ennemi commun à ce moment-là, les Serbes. Pendant cette
11 période, comme je l'ai déjà mentionné, il y avait plusieurs Musulmans qui
12 s'y trouvaient, qui étaient au sein de la HVO; plusieurs d'entre eux sont
13 restés là jusqu'à la fin de 1989. Vous allez voir qu'en fait, il avait
14 plusieurs membres de HVO qui étaient musulmans et qui se trouvaient encore
15 au sein de la HVO jusqu'en 1993; par la suite, ils ont été désarmés et
16 emprisonnés par leurs anciens alliés et amis, les Croates.
17 Même s'ils étaient alliés contre les Serbes, les éléments de preuve ont
18 démontré qu'en fait, les tensions grandissaient entre les Croates et les
19 Musulmans; Au cours de l'année 1992, au mois d'octobre 1992, un conflit a
20 éclaté entre le HVO et les Musulmans de Bosnie, à Prozor.
21 Pendant la deuxième partie de 1992 et pendant plusieurs mois en 1993, il y
22 a beaucoup de tension entre les Croates de Bosnie et les Musulmans de
23 Bosnie. Je voudrais dire que lorsqu'on parle des Musulmans de Bosnie, on
24 se réfère souvent au terme de "Bosniaques" ou "Bosniens" en français.
25 Monsieur le Président, nous allons probablement nous servir de ce mot-là
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1 également; en fait, il n'y a pas de différence: je sais qu'en Bosnie, les
2 gens parlent d'eux comme étant des Bosniens, c'est-à-dire Musulmans de
3 Bosnie. Des fois, nous allons nous référer à cette ethnicité comme étant
4 des Musulmans de Bosnie.
5 De toutes façons, les tensions augmentaient entre les Croates et les
6 Bosniens. Encore une fois, dans certains autres endroits, la guerre avait
7 commencé à éclater tel à Prozor en 1992 et à Gornji Vakuf, Busavoca en
8 janvier 1993. Donc les choses avaient plusieurs développements.
9 Vers la fin de 1996, les Croates bosniens, les Musulmans et les Serbes
10 avaient été engagés pendant un certain temps sous le chapeautage de la
11 communauté internationale; ils étaient engagés dans une série de
12 négociations de paix, qui a été connue sous le nom de "Plan de Vance-
13 Owen". Vers la fin du mois de mars 1993, les Croates de Bosnie et les
14 Musulmans avaient soit signé le Plan de paix de Vance-Owen soit avaient
15 l'intention de signer. En fait, les Serbes de Bosnie, la tierce partie,
16 n'ont jamais accepté de signer ce plan de paix.
17 Les éléments de preuve ont démontré et la raison pour laquelle je le
18 mentionne maintenant, c'est que les Croates de Bosnie -qui, pour quelque
19 raison que ce soit, avaient une place favorisée au sein de ce Plan de paix
20 Vance-Owen- étaient devenus impatients parce qu'ils voulaient mettre en
21 place ce plan. Au début du mois d'avril, le Président de l'Herceg-Bosna,
22 Mate Boban, a émis un ultimatum aux Musulmans disant que s'ils ne
23 signaient pas le Plan de paix Vance-Owen, et si les forces musulmanes qui
24 se trouvaient dans certaines municipalités ou cantons ne permettaient pas
25 au HVO de prendre le contrôle de leur territoire, s'ils ne le faisaient
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1 pas, jusqu'au 15 avril 1993, il avait dit qu'ils le feraient de force,
2 qu'ils procéderaient à ceci par force.
3 Tel que je l'ai déjà mentionné, je vous ai parlé du 15 avril 1993; vous
4 saurez donc que l'attaque sur Rastani avait en fait été dirigée par
5 l'accusé "Tuta". Cela a eu lieu le 17 avril 1993, donc deux jours après
6 l'expiration de l'ultimatum. En réalité, pendant la première partie du
7 mois d'avril, les tensions ont augmenté de plus en plus. Dans les
8 municipalités de Herzegovina, telles que Stolac, Capljina et Mostar, le
9 HVO a arrêté des Musulmans connus et a imposé plusieurs formes de
10 persécution contre la population musulmane, tel que, par exemple, le fait
11 qu'ils ont été démis de leur poste dans le secteur public et privé, ils
12 ont pratiqué une discrimination de l'aide humanitaire, ils ont attaqué les
13 maisons et ils ont également imposé la langue croate et le programme
14 scolaire croate.
15 Tel que je l'ai déjà mentionné, la date, qui est le 15 avril 1993, c'était
16 l'ultimatum émis par Mate Boban et le HVO a donc lancé l'attaque. Le 16
17 avril, en fait, le HVO a lancé une attaque de grande envergure contre
18 l'armée de la Bosnie-Herzégovine et contre la population musulmane
19 bosnienne, en commençant par la Bosnie centrale et dans les municipalités
20 de Vitez et Busovaca.
21 En fait, le 16 avril 1993, c'est une date des plus connues de la guerre:
22 c'est à cette date-là que les unités du HVO, contrôlées par Tihomir
23 Blaskic et Dario Kordic, tous deux trouvés coupables par ce Tribunal, ont
24 donc massacré environ 100 Musulmans civils de Bosnie, dans les villages de
25 Ahmici, tout près de Vitez, en Bosnie centrale. Deux jours plus tard, le
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1 18 avril 1993, les unités du HVO ont mené une série d'attaques coordonnées
2 contre les Musulmans, dans la municipalité de Kiseljak, un peu au nord de
3 Sarajevo.
4 Le but des attaques de HVO sur les Musulmans bosniens en Bosnie centrale
5 était de faciliter l'établissement d'une entité homogène croate,
6 ethniquement pure croate, qui aurait été dominée par les Croates sur le
7 territoire de la HDZ, que le HVO appelait l'Herceg-Bosna. Les crimes
8 commis en Bosnie centrale ont été le sujet de plusieurs affaires qui ont
9 paru devant ce Tribunal. Nous avons entendu les jugements à ce propos dans
10 l'affaire Blaskic, Kordic, Aleksovski, Kupreskic et Furundzija.
11 Une des raisons pour lesquelles ceci est important, c'est que les éléments
12 de preuve dans cette affaire vous démontreront que les crimes commis par
13 ces accusés, Naletilic et Martinovic notamment, ont fait partie de ce même
14 plan. Ils ont essayé en ayant le même but que les autres en Bosnie
15 centrale.
16 Vous allez entendre des éléments de preuve vous démontrant que l'état
17 d'esprit de "Tuta" et le comportement de ce dernier faisaient tout à fait
18 partie de ce plan et de ces objectifs. Vous allez entendre des témoignages
19 disant que "Tuta" considérait que les Musulmans n'étaient rien d'autre que
20 des Croates qui avaient adhéré à une religion musulmane.
21 Le 19 avril, seulement un jour après Ahmici, comme faisant partie du même
22 plan du HVO, l'accusé Mladen Naletilic, aussi connu sous le nom de "Tuta",
23 a attaqué le village de Sovici et Doljani, dans la municipalité de
24 Jablanica. Après l'attaque, le HVO a expulsé les Musulmans de Bosnie et
25 ont détruit leurs maisons et la mosquée.
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1 Le 9 mai 1993, le HVO, incluant le Bataillon disciplinaire qui était mené
2 par "Tuta", a lancé une offensive contre les Musulmans de Bosnie et
3 l'armée de la Bosnie-Herzégovine. Ce sont les positions d'où ces derniers
4 essayaient de défendre Mostar. Cela a fait partie de l'attaque
5 systématique de grande envergure, lancée par ces derniers dans la partie
6 de Mostar.
7 Vous allez entendre parler de Mostar. En fait, c'est que la ville de
8 Mostar avait été divisée entre le Mostar qui appartenait aux Musulmans et
9 le Mostar de l'Est, qui appartenait aux Croates. C'était donc un état de
10 chose qui s'est poursuivi pendant toute la guerre. Et en fait, dans une
11 certaine mesure, cela existe encore aujourd'hui.
12 Donc Mostar, de l'Est: cette partie de la ville de Mostar était assiégée
13 par le HVO et cette partie de la ville faisait l'objet d'un grand
14 pilonnage. On essayait d'empêcher l'arrivée de l'aide humanitaire.
15 Les éléments de preuve démontreront Mladen Naletilic comme étant le
16 commandant du Bataillon disciplinaire, ainsi que Vinko Martinovic "Stela"
17 qui était son subordonné, avait d'abord commandé le Bataillon de Mrmak. Et
18 par la suite, ce bataillon était connu sous le nom de "Vinko Skrobo" donc
19 "ATJ", le groupe antiterroriste.
20 Et les éléments de preuve démontreront que "Tuta" et "Stela" étaient les
21 deux auteurs les plus importants dans cette campagne menée contre les
22 Musulmans de Bosnie.
23 Le but du HVO, de cette campagne menée en Herzégovine, était de prendre le
24 contrôle de plusieurs municipalités se trouvant sous le contrôle de
25 l'Herzégovine qu'ils considéraient faire partie de l'Herceg-Bosna incluant
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1 Mostar, Jablanica, Stolac et d'autres, et donc de forcer les Musulmans de
2 Bosnie à quitter ces territoires, soit de façon complète et permanente,
3 soit de les réduire à une subjugation totale, une subordination totale aux
4 Musulmans de Bosnie.
5 Et de nouveau, il y a eu des expulsions massives, détentions,
6 emprisonnements; il y a eu des meurtres, des passages à tabac, tortures,
7 déportations, destructions de bâtiments historiques, pillages,
8 dépravations des droits humanitaires fondamentaux. Et tout ceci faisait
9 partie d'un dessein commun dans le but de procéder à un territoire
10 ethniquement pur.
11 Pour la plupart, les Musulmans étaient forcés de quitter Mostar et, de
12 plus en plus, ils avaient des conditions de vie qui étaient absolument
13 atroces. En fait, la diversité ethnique dans plusieurs parties de cette
14 région était complètement éliminée à cause de cette campagne menée par le
15 HVO. Et le gouvernement croate de Bosnie avait été imposé sur cette
16 région.
17 Eh bien, il s'agissait d'un contexte très large des crimes qui ont été
18 commis et dont il est question dans l'Acte d'accusation, dont ils sont
19 incriminés, les deux accusés.
20 En ce qui concerne les accusés Mladen Naletilic et Vinko Martinovic, ils
21 ont été incriminés pour les crimes commis au cours de 1993 et début 1994,
22 comme faisant partie d'un nettoyage ethnique contre les Musulmans de
23 Bosnie. Il y en a qui ont été commis directement par les accusés, d'autres
24 par les officiers ou les soldats qui ont été sous leur contrôle ou bien
25 ceux qui leur ont été subordonnés. Ils n'ont pas empêché; leurs attitudes,
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1 ils ne les ont pas sanctionnées. Et c'est la raison pour laquelle la
2 présentation des moyens de preuve à charge vont prouver que Naletilic et
3 Martinovic ont été des exemples très osés, vu la manière dont ils se sont
4 comportés. Car ils ont eux-mêmes participé aux crimes qui ont été commis.
5 J'ai parlé également de ce bataillon disciplinaire "Convict Battalion" (in
6 english). Ceci peut être traduit différemment. Mais vous allez voir qu'il
7 s'agissait d'une unité qui a été appelée "Tuta", désignée comme "Tuta" ou
8 "Tutici". Il y avait quelques centaines de soldats; ils ont été subdivisés
9 en plusieurs groupes. Il s'agissait par conséquent de groupes
10 antiterroristes où il y a également une autre abréviation que nous allons
11 utiliser souvent ici et qui se dit "ATG".
12 Eh bien, un schéma tout à fait de caractère général, pour que la Chambre
13 puisse nous suivre un peu mieux: je vais mettre sur l'écran ce schéma, cet
14 organigramme. Vous allez voir que le Bataillon disciplinaire était une
15 unité militaire et que, souvent, on l'appelait comme "les gens de Tuta" ou
16 "Tutici" -c'est Mladen Naletilic. Le quartier général se trouvait à Siroki
17 Brijeg.
18 Il y avait d'autres sous-unités ATG, d'autres également que nous allons
19 appeler "groupes antiterroristes". Nous allons donc mettre l'accent
20 notamment sur les groupes antiterroristes; nous allons prouver qu'une de
21 telles unités a été commandée par Vinko Martinovic surnommé "Stela". Il a
22 été par conséquent à la tête de cette Unité Mrmak; après, on a appelé ce
23 groupe antiterroriste "Vinko Skrobo". Le quartier général se trouvait pas
24 trop loin par rapport à Mostar.
25 Vous allez pouvoir le constater au cours de notre présentation des moyens
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1 des preuves à charge qu'il y avait des bases de bataillon disciplinaire à
2 Siroki Brijeg, Mostar, Ljubuski, l'Héliodrome également.
3 Il s'agit de la pièce à conviction B26.9. Il s'agit de l'usine de tabac à
4 Siroki Brijeg, qui était la base principale pour le Bataillon
5 disciplinaire, le quartier général qui concerne "Tuta", l'accusé "Tuta".
6 Les pièces à conviction, les preuves, les moyens de preuve démontreront
7 que le Bataillon disciplinaire était une unité tout à fait spéciale, que
8 les membres de ce Bataillon étaient agressifs. Il y en a qui utilisent
9 également le terme "des unités d'intervention, de choc". Ces unités ont
10 été utilisées dans des situations des plus difficiles et souvent les actes
11 les plus sales ont été confiés à de tels groupes: l'expulsion des
12 Musulmans, le déplacement des Musulmans, les crimes, l'expropriation
13 également, la confiscation du patrimoine.
14 Le Procureur va prouver également que "Tuta" Naletilic, qui est né à
15 Siroki Brijeg -qui, à l'époque s'appelait Listica, aujourd'hui on
16 l'appelle Siroki Brijeg-, qu'il est par conséquent de Bosnie-Herzégovine:
17 il est né en Bosnie-Herzégovine mais, par la suite, il est devenu citoyen
18 de la République de Croatie. Donc il a obtenu la citoyenneté de la
19 Croatie.
20 Et les moyens de preuve vont prouver que Mladen "Tuta" qui est né le 1er
21 décembre 1946, a été le chef, le leader suprême en République de Bosnie
22 et, qu'ensemble avec d'autres personnes, il a coopéré avec les membres du
23 sommet aussi bien militaire que politique de Bosnie-Herzégovine. Vous
24 allez voir qu'il était en contact direct avec les officiers et les hommes
25 politiques de haut niveau en République de Croatie.
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1 Vous allez entendre également que "Tuta" se rendait souvent en Croatie où
2 il a eu l'occasion de rencontrer M. Susak, ministre de la Défense, et que
3 M. Susak s'est rendu souvent au quartier général, à Siroki Brijeg, chez
4 Mladen Naletilic "Tuta".
5 Le deuxième accusé dans cette affaire est Vinko Martinovic "Stela", né le
6 21 septembre 1963 à Mostar; il est croate de Bosnie-Herzégovine mais il a
7 la citoyenneté également de la République de Croatie, depuis ce temps-là.
8 Pendant tout ce temps-là, il était commandant de ATG Mrmak, qui a été
9 rebaptisée "Vinko Skrobo". Il a été certes subordonné à l'accusé "Tuta".
10 Ces unités avaient leurs propres symboles: il s'agit là de "ATG Vinko
11 Skrobo"; vous allez reconnaître cela par l'arrière de ce symbole par cette
12 bande bleue et, à droite, vous pouvez voir qu'il s'agit d'une partie du
13 Bataillon disciplinaire; c'est une section du Bataillon disciplinaire.
14 Les moyens de preuve vont prouver également que cette unité commandée par
15 Martinovic s'est trouvée à un moment donné dans un quartier occidental de
16 Mostar, qu'elle s'est trouvée également sur la ligne à côté de conflit, à
17 côté de Bulevar et le bureau se trouve à rue Kalemova. De toutes façons,
18 vous allez entendre beaucoup plus là-dessus quand nous allons présenter
19 les moyens de preuve.
20 Ensuite, les deux accusés sont incriminés également en vertu de l'Article
21 7.1 et 7.3 du Statut. Il y a donc cette responsabilité individuelle en
22 vertu de l'Article 7.1 qui parle de la planification, l'instigation, les
23 ordres, l'exécution également d'un certain nombre d'actes et en vertu de
24 l'Article 7.3, la personne hiérarchiquement supérieure est responsable
25 pour tous les actes si elle était au courant que les subordonnés allaient
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1 faire, s'ils avaient l'intention de le faire, alors qu'ils ont omis
2 d'entreprendre un certain nombre de démarches pour empêcher de tels actes
3 ou de les sanctionner.
4 En vertu de 7.3, les moyens de preuve ont témoigné du fait que Mladen
5 Naletilic a été commandant de cette unité et qu'il avait agi comme le
6 supérieur hiérarchique. Il faisait partie de la planification, de la mise
7 en exécution de ces actes; il s'est chargé des finances, de la logistique.
8 Il coordonnait également d'autres du HVO, des unités militaires et des
9 conventions(?) de la République de Croatie. Il a été à la tête de cette
10 unité et du Bataillon disciplinaire; il s'est rendu dans des bases
11 différentes, des centres et des quartiers généraux du Bataillon. Il a
12 également agi sur le terrain lors d'actions différentes.
13 Les moyens de preuve vont prouver que les hauts officiers du HVO ont été
14 au courant des règles et du droit de la guerre, et que "Tuta" avait été en
15 possibilité d'empêcher et de sanctionner les auteurs des crimes. Quand il
16 s'agit de Vinko Martinovic en tant que commandant, un des commandants du
17 Bataillon disciplinaire, celui qui avait été à la tête de ATG Mrmak.
18 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, excusez-moi, mais je
19 suis dans l'obligation de vous interrompre. Je pense que vous devez
20 quelque peu ralentir votre rythme, car nos interprètes et nos
21 sténotypistes ont des problèmes de vous prendre et de vous suivre.
22 M. Scott (interprétation): La Chambre va également prouver que ceux qui
23 ont été subordonnés à Naletilic et Martinovic ont été membres du Bataillon
24 disciplinaire. La Chambre également va parler de Ivan Andabak qui a été
25 commandant adjoint du Bataillon disciplinaire.
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1 La Chambre entendra également quelques informations sur Ernest Takac,
2 Dinko Knezevic et Romeo Blazevic qui étaient également subordonnés à
3 "Tuta" et qui se comportaient de manière encore plus brutale.
4 En rajoutant un certain nombre d'autres éléments à ce que j'ai déjà dit,
5 j'aimerais revenir à Sovici et Doljani.
6 Le 17 avril 1993, juste une journée après les événements qui ont eu lieu à
7 Ahmici, "Tuta" a été à la tête de du Bataillon disciplinaire dans
8 l'attaque de Sovici et Doljani, au nord de la Bosnie-Herzégovine. Sovici
9 et Doljani sont les deux petits villages qui se trouvent l'un à côté de
10 l'autre, et tout à fait au fond de la montagne de Jablanica. En 1991,
11 Sovici avait 745 habitants, dont 70% de Musulmans de Bosnie. Le
12 recensement montre qu'à Doljani, il y avait 1.000 habitants, dont 70%
13 étaient des Croates.
14 Le matin du 17 avril 1993, l'attaque s'est déclenchée sur Sovici. Après,
15 un petit nombre de Musulmans de Bosnie se sont organisés pour défendre le
16 village. Ceci n'est pas contestable. Mais quelques heures plus tard, ils
17 ont été obligés de se rendre. Les soldats du HVO sont rentrés avec le
18 Bataillon disciplinaire à Sovici, dans l'après-midi du 17 avril. Les
19 soldats qui ont été capturés de l'armée ont été gardés dans l'école à
20 Sovici; il y avait des hommes en âge de combattre, mais également des
21 femmes et des personnes âgées.
22 Je vais également montrer quelques photographies justement à titre
23 d'illustrations. Il y a d'abord la photographie de la vallée où se
24 trouvent Sovici et Doljani; vous allez pouvoir constater qu'il s'agit de
25 villages perdus dans la montagne.
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1 Excusez-moi. Je suppose qu'il y a une réverbération; je ne sais pas si
2 vous voyez bien sur tous les écrans.
3 On voit également ici Sovici et Doljani dans la vallée. Cela a été filmé
4 en 1999, quelque peu plus tard. Si vous pouvez bien voir, vous allez
5 constater que des maisons ont été détruites, que des toits ont été
6 incendiés, ainsi que beaucoup de maisons qui ont été incendiées.
7 Ensuite, ici, vous voyez l'école de Sovici. Vous avez également une partie
8 autour de l'école. Ensuite, le cimetière. Là, c'est l'école. Je pointe
9 avec le pointeur. A un moment donné, 450 Musulmans, des civils parmi
10 lesquels des femmes et des personnes âgées, ont été capturés, arrêtés dans
11 cette école, dans les locaux scolaires.
12 Ensuite, c'est sous un autre angle. Une fois de plus, vous voyez l'école
13 de Sovici qui est au milieu de la photographie.
14 Il y avait déjà un certain nombre de moyens de preuve que nous avons
15 présentés en dehors de ce procès, lors des dépositions qui ont données,
16 faites lors du procès préalable à cette affaire. Il a été prouvé justement
17 qu'il y avait des maisons qui ont été détruites, et plein d'autres dégâts
18 et endommagements.
19 Par la suite, nous avons constaté que tous les civils, que ce soient des
20 femmes, des enfants, des personnes âgées, ont été expulsés de leurs
21 maisons, ont été gardés à Sovici, ensemble avec les hommes. Ensuite, on
22 avait fait brûler la mosquée, les maisons à Sovici. Ce sont les faits. Il
23 s'agissait de vouloir incendier, de manière systématique, aussi bien le
24 patrimoine, les biens, tout ce qui restait, tout ce qui appartenait aux
25 civils.
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1 Le quartier général du HVO se trouvait à Mali Ribnjak, entre les deux
2 villages. Naletilic était présent souvent dans ce quartier général et la
3 photographie 8.9 montre les étangs. Vous voyez que ces étangs ont été
4 utilisés pour une pisciculture.
5 Il y a également une autre installation que vous ne voyez pas; je pense
6 qu'elle a été détruite depuis le 17 avril 1993. C'est une installation qui
7 n'existe plus; par conséquent, nous n'avons pas pu la prendre.
8 La Chambre va entendre également que beaucoup d'hommes qui ont été
9 capturés ont été emmenés dans ces bâtiments de l'étang, qu'on les a
10 maltraités et qu'ils ont subi des mauvais traitements. Naletilic les a
11 personnellement maltraités. Quelques jours plus tard, ils ont été à
12 Ljubicic emmenés en prison. Je vous ai déjà montré sur la carte l'endroit
13 où se trouve Ljubuski et c'est la raison pour laquelle je ne vais pas y
14 revenir. Ils ont été emmenés à Ljubuski, les femmes et les enfants de
15 Sovici et Doljani ont été déplacés de leur village et ils ont été emmenés
16 dans les six maisons qui se trouvaient dans le village de Jusufovici où
17 ils sont restés quelques jours et ceci après avoir été emmenés par un
18 camion du HVO sur le territoire de Bosnie-Herzégovine au niveau de Gornji
19 Vakuf en Bosnie centrale.
20 Nous allons également prouver qu'ils ont été transportés par les camions
21 et qu'ils ont été obligés de se tenir sur la route et de trouver eux-mêmes
22 le chemin pour aller vers le territoire qui était contrôlé par leurs
23 propres forces. On les a maltraités, on leur a fait subir de mauvais
24 traitements, des travaux forcés. C'est Naletilic qui étaient parmi les
25 autres et qui les a forcés. Ils ont également à côté de Siroki Brijeg
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1 construit une maison pour eux. Il y en a qui ont été transportés également
2 à l'Héliodrome; c'est un très grand complexe qui se trouve à Rodoc, six
3 kilomètres au sud de Mostar. Il y avait des milliers de Musulmans de
4 l'ensemble de la région qui s'y trouvaient et c'est à l'Héliodrome qu'ils
5 ont été maltraités et qu'ils ont été obligés également de faire des
6 travaux forcés, etc.
7 Et c'est la Chambre qui va, une fois de plus, entendre les moyens de
8 preuve à ce sujet-là.
9 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, mais il vous faut quand
10 même ralentir votre rythme parce que je vois que les sténotypistes sont
11 trop en retard par rapport à vous.
12 M. Scott (interprétation): Merci et excusez-moi.
13 J'essaie de ménager les pauses et de ne pas parler trop rapidement, mais
14 il paraît que je ne réussis pas. Il y avait donc cette attaque de Sovici
15 et Doljani.
16 Maintenant, nous allons passer au 9 mai 1993. Il s'agit de l'attaque
17 organisée contre Mostar. Avant le conflit, il y avait une population assez
18 importante serbe qui habitait cette ville mais juste avant, cette
19 population a quitté la région en résultat de l'attaque qui a été
20 déclenchée par la JNA et l'armée serbe contre Mostar et en Herzégovine, en
21 1992.
22 Je ne vais pas m'y attarder. La Chambre verra beaucoup de photographies
23 mais vous allez voir que, dans ce cadre tout à fait exceptionnel, très
24 beau, qui est longé par la rivière de la Neretva vers le sud, vers
25 l'Adriatique, une partie de Mostar, celle qui trouve du côté gauche de la
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1 rive, la partie qui est considérée comme la plus ancienne, qui a été
2 habitée par des Musulmans alors que la rive ouest a été habitée par la
3 population mixte, alors que les Musulmans s'y sont installés depuis le
4 début avril 1993.
5 Maintenant, pour que vous puissiez mieux vous y retrouver: la photographie
6 a quelques réverbérations et vous ne voyez pas clair. Il y a tout de même
7 une vue panoramique et, si je l'ai faite, c'est justement pour que la
8 Chambre puisse se rendre compte de la topographie de la ville et notamment
9 comment elle a été disposée par rapport au reste de la géographie. Vous
10 voyez qu'il y a des montagnes et la rivière qui traverse la ville.
11 Le matin du 9 mai 1993, les forces du HVO de Mostar ont attaqué le
12 quartier général de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui trouvait dans la
13 partie ouest de la ville. Des centaines de Musulmans ont été capturés,
14 expulsés de leurs maisons et transportés au stade de Velez. Les Musulmans
15 ont été par la suite transportés jusqu'à l'Héliodrome où on leur a imposé
16 de marcher. Il y en a également qui ont été emmenés dans d'autres prisons.
17 L'Héliodrome, à l'époque, était un complexe de l'ex-JNA, de l'armée de
18 l'ex-Yougoslavie. Il y avait des casernes, des prisons, d'autres
19 installations qui ont été utilisées pour y capturer des centaines de
20 Musulmans de Bosnie.
21 Ensuite, il y avait une deuxième attaque, en avril 1993, qui a eu lieu le
22 10 mai. Ils se trouvaient à Vranica et les Musulmans se sont rendus. Il
23 s'agit de la pièce à conviction 16.4.
24 Vous voyez le bâtiment de Vranica: les endommagements, les traces des
25 obus; vous voyez tout ce qui a été endommagé, la façade notamment. Les
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1 moyens de preuve vont prouver que Naletilic était présent au moment où on
2 les a fait sortir du bâtiment; quand on les a emmenés à Mostar, il était
3 sur place. On a emmené les prisonniers et les prisonniers ont vu que
4 d'autres parmi eux ont été maltraités par lui-même et en présence d'autres
5 officiers du HVO. Il a même ordonné qu'un certain nombre de personnes
6 soient tuées sur place et ceci à cause de l'intervention d'un autre
7 officier du HVO. D'autres prisonniers ont été emmenés à Siroki Brijeg, au
8 siège, au quartier général du Bataillon disciplinaire. Ils ont subi des
9 mauvais traitements, il y en a qui ont été obligés de faire des travaux
10 forcés; il s'agissait de l'unité de Tuta. D'autres ont été transportés à
11 l'Héliodrome et, par la suite, on les a emmenés aux travaux forcés.
12 Les moyens de preuve vont prouver également, pour les 9 et 10 mai 1993,
13 que la majorité -pas tous les Musulmans de Bosnie- étaient restés deux
14 semaines à peu près sur place et que, par la suite, on les a relâchés. Et
15 quand le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine avait signé un accord sur le
16 cessez-le-feu.
17 Ce que je souhaite montrer maintenant à la Chambre, c'est la P11; le
18 Bureau du Procureur a préparé cette pièce à conviction. Il y a plusieurs
19 versions mais vous allez entendre beaucoup de témoins parler justement de
20 ce qui s'est passé à Mostar, dans les rues de Mostar. Nous avons préparé
21 cette pièce à conviction P11, où vous voyez des rues principales dans la
22 ville et quelques localités-clés que nous avons marquées par 1, 2, 5, 6.
23 Vous avez également la légende à gauche où vous pouvez voir ce que
24 représentent ces localités différentes. Par exemple, vous avez le
25 dispensaire, c'est le n°1.
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1 Ensuite, vous avez la toute petite carte à petite échelle. Vous voyez par
2 conséquent cette localité par rapport à l'Héliodrome et la distance entre
3 les deux. Et sur la périphérie de cette pièce à conviction n°11, vous
4 voyez des photographies, des photographies de chacune de ces localités
5 dont il est question sur la pièce à conviction. Par conséquent, si vous
6 voulez voir comment se présentait la localité n°1 vous irez vers la
7 photographie n°1. Si vous voulez également voir comment se présentait la
8 localité n°2, vous allez voir la photographie n°2.
9 C'est ce qui vous permettra par conséquent d'être un peu plus au courant
10 de ce qui s'est passé. Ce sont de toutes petites photographies, mais
11 derrière cette première partie, vous avez les photographies à grande
12 échelle; par conséquent, vous allez pouvoir vous rendre compte de manière
13 plus précise.
14 Les pièces à conviction vont démontrer également que le 9 mai 1993, on a
15 expulsé les Musulmans de Bosnie et qu'il y a eu une escalade également sur
16 la rive occidentale de Mostar; les habitants de ce quartier, les Musulmans
17 ont été expulsés de leurs appartements, on a pointé des fusils sur eux, on
18 les a emmenés jusqu'à la ligne de conflit. Et c'est là… Cette ligne de
19 conflit donc était la ligne de séparation entre les Musulmans et les
20 Croates, et on leur a imposé de se rendre à l'est, dans le quartier Est de
21 Mostar, à pied. C'était de plus en plus brutal.
22 En été 1993, vous allez entendre également, des moyens de preuve, que les
23 unités du Bataillon disciplinaire, notamment "ATG Vinko Skrobo" qui a été
24 commandé par "Stela" ont commis des crimes principaux d'expulsions des
25 Musulmans et d'expulsions dans le quartier est de Mostar. Vous entendrez
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1 des dépositions in extenso au sujet de cette ligne de confrontation.
2 Je reviens à la pièce à conviction P11. Mais avant…, avant j'oriente la
3 carte de telle sorte que le nord-est en haut. Vous voyez la rivière
4 Neretva. Et comme il a déjà été dit: la rive droite ou le Mostar Est est
5 la partie musulmane de la ville, tandis que la rive opposée, ou le Mostar
6 Ouest, est la partie croate de la ville. Ce que je viens de dire n'est pas
7 à cent pour cent exact puisque les Musulmans bosniaques ont pu tenir entre
8 leurs mains un petit nombre de rues et de pâtés de maisons sur la rive
9 ouest. Ce qui fait que la ligne de confrontation suit cette ligne jaune.
10 Elle zigzague par la suite pour prendre la rue Santiceva. Donc pendant des
11 mois, c'était la ligne de confrontation qui divisait Mostar. Pratiquement
12 tous les Musulmans se trouvaient sur la partie Est et les Croates sur la
13 partie Ouest.
14 Permettez-moi de vous présenter quelques éléments de plus: la pièce 14.4 à
15 présent. Voilà la rue qui est en fait un boulevard qui traverse la ville,
16 c'est la ligne de confrontation.
17 De ce côté-ci vous verrez bien des maisons détruites. La photographie a
18 été prise en 1999, donc six ans après l'été de 1993. Or, ces maisons
19 étaient encore très gravement endommagées.
20 Ici, nous voyons le dispensaire qui sera extrêmement important puisque
21 cette partie de la ligne de confrontation de ce côté-ci était la zone de
22 responsabilité de l'accusé Martinovic et du groupe antiterroriste "Vinko
23 Skrobo". Son quartier général, à savoir le quartier général de l'accusé,
24 se trouvait dans un bâtiment dans cette direction-là, pas très loin de ce
25 dispensaire.
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1 Une autre vue de ce dispensaire, le même bâtiment rose. Bien entendu, ce
2 bâtiment a été refait et la façade a été repeinte depuis la guerre, vous
3 pouvez comparer ça aux traces de destruction aux alentours. Donc c'est le
4 même croisement. La zone de responsabilité de l'accusé s'étend de droite
5 vers la gauche autour de ce centre de santé, ce dispensaire.
6 A présent, une photographie du Bulevar. On voit de nouveau la ligne de
7 confrontation elle-même. Ici, le bâtiment complètement détruit d'un côté
8 et de l'autre côté de la rue, je vous indique le bâtiment rose au fond qui
9 est le dispensaire. Nous regardons donc en direction du dispensaire, c'est
10 la zone de responsabilité de Martinovic.
11 Pendant des mois, les deux parties opposées étaient si près l'une de
12 l'autre, elles se tiraient à l'aide d'artillerie, elles se pilonnaient
13 alors qu'elles ne se trouvaient séparées que de quelques mètres
14 littéralement. De nombreux bâtiments ont été entièrement détruits, rasés.
15 Une autre photographie dans la série pour vous donner une idée plus
16 précise de cette ligne de confrontation.
17 En juin 1993, ou plutôt à la fin de ce mois, commence la deuxième vague
18 d'arrestations des Musulmans. C'est de nouveau une période très intense de
19 conflits à Mostar. Vers le mois de juin, il y a eu une attaque de l'armée
20 de Bosnie-Herzégovine sur le site du HVO connu sous le nom de "Caserne du
21 nord" ou du "Camp du nord". Cela n'est pas contesté. Mais, suite à cette
22 attaque, le HVO a réagi par une campagne massive d'arrestations de
23 Musulmans de Bosnie dans les parties Est et Ouest de Mostar; bien entendu,
24 avant tout, dans la partie ouest de Mostar. Les hommes musulmans ont été
25 incarcérés dans différents centres de détention détenus par le HVO de
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1 toute l'Herzégovine et vous entendrez de nombreux témoignages au sujet de
2 ces localités. Certains noms vous sont déjà connus. A la différence de la
3 première vague d'arrestations, le 9 et le 10 mai 1993, les prisonniers
4 étaient détenus pour de longues périodes. Nombreux sont ceux qui n'ont été
5 relâchés qu'au moment de la signature de l'accord de Washington, plutôt
6 vers le mois de mars 1994. Nombreux sont ceux qui sont restés en détention
7 pendant huit, neuf, voire davantage de mois.
8 C'est le 9 mai, comme je l'ai déjà dit, que commence cette pratique
9 d'expulsion de force des Musulmans de Mostar, menée par le HVO. Cela
10 continue au-delà du 12 mai et même après le 13 juin. Souvent, il s'agit de
11 femmes et d'enfants musulmans qui sont expulsés de leurs appartements de
12 la partie ouest de Mostar et qui sont forcés à traverser la rivière et qui
13 doivent souvent, en étant exposés aux feux hostiles, essayer de traverser
14 vers la partie est de Mostar.
15 Le bataillon de Martinovic, le bataillon antiterroriste était à la tête de
16 ces pratiques. Il s'agissait d'une purification ethnique de l'ensemble de
17 la population musulmane de Bosnie qui a été jetée de la partie est de
18 Mostar.
19 J'essaye de respecter l'heure et j'essaie de ne pas me répéter.
20 J'attire l'attention de la Chambre sur le fait que ces Musulmans, les
21 Musulmans civils ont été forcés dans la partie est de Mostar et qu'il
22 s'agissait en fait d'une purification totale; il ne restait plus de
23 Musulmans de l'autre côté. Ils étaient placés dans des circonstances
24 extrêmement difficiles sous les pilonnages, l'activité des tireurs
25 embusqués, privés de nourriture et d'aide humanitaire. Toute l'aide
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1 humanitaire qui arrivait appartenait au HVO.
2 Le long de la ligne de confrontation, les prisonniers musulmans, dont de
3 nombreux ont été arrêtés en tant qu'anciens combattants ou en tant que
4 civils, ont été forcés de travailler le long de cette ligne en exécutant
5 des tâches diverses: par exemple, construire des fortifications pour les
6 HVO, creuser des tranchées, porter des sacs de sable, retirer les morts et
7 ce, en étant exposés aux feux nourris entre les parties. Ces prisonniers
8 musulmans ont souvent été blessés, voire tués; vous en entendrez de
9 nombreux témoignages.
10 Les deux accusés étaient au courant de ces pratiques et non seulement
11 laissaient faire mais aussi les encourageaient.
12 Au sujet de l'attaque sur Rastani: le 23 septembre 1993, a commencé et été
13 conduite l'attaque contre Rastani par les forces du HVO sous le
14 commandement de Tuta. Rastani se trouve à peu près à quatre kilomètres au
15 nord de Mostar. C'était la pièce P2 où l'on pouvait voir Rastani.
16 Deux photographies de Rastani, pour vous donner une idée plus précise: la
17 centrale, les maisons qui sont placées de façon tout à fait sporadique,
18 parsemées; il n'y a pas de concentration très importante.
19 Les éléments de preuve montreront également que Rastani était le théâtre
20 d'intenses combats entre les Musulmans et les Croates de Bosnie, au moins
21 à trois reprises. Il y a seulement une de ces attaques qui est reprochée
22 dans l'Acte d'accusation.
23 Le 23 septembre 1993, il y a eu une attaque menée par le Bataillon
24 disciplinaire et d'autres unités de "Tuta" sous son commandement afin de
25 reprendre Rastani des mains de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Et ceci a
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1 donné lieu à la perpétration des crimes reprochés dans l'Acte
2 d'accusation.
3 Vous entendrez également des témoignages disant qu'après l'attaque, les
4 unités de "Tuta" ont intentionnellement détruit et incendié les maisons
5 musulmanes dans le village de Rastani.
6 Vous entendrez également parler du fait que les prisonniers de Bosnie ont
7 été utilisés comme des boucliers humains. En fait, ils ont été emmenés à
8 des positions avancées, là où étaient conduites les attaques des forces du
9 HVO, afin de protéger les forces du HVO du feu qui provenait de l'armée de
10 Bosnie-Herzégovine.
11 L'accusé "Tuta" a participé à cette pratique, a utilisé les Musulmans de
12 Bosnie, ces prisonniers comme des boucliers humains.
13 A présent, je passe aux chefs d'accusation. L'Acte d'accusation amendé
14 reproche à l'accusé Naletilic "Tuta" et Martinovic "Stela" divers crimes
15 commis dans la région de Mostar en 1993 et au début de 1994. En violation
16 de l'Article 5 du Statut du Tribunal, il s'agit de crimes contre
17 l'humanité, Article 2 "Infraction grave aux conventions de Genève",
18 Article 3 "Violation des coutumes des lois de la guerre".
19 Les chefs d'accusation concernent en fait trois catégories de base:
20 persécutions au Chef d'accusation 1; expulsions et transferts de forces
21 des Musulmans de Bosnie de leurs foyers et de leurs villages: Chef 18. La
22 destruction et le pillage des biens et institutions musulmanes: Chefs 19 à
23 29. L'assassinat, le traitement inhumain et cruel des prisonniers
24 musulmans de Bosnie et des détenus: à partir du Chef 12 jusqu'au Chef 17.
25 Abordons tout d'abord le chef d'accusation 1.
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1 Vous avez déjà entendu parler des éléments de preuve qui sont à la base,
2 qui appuient le point 1, à savoir les persécutions. Il s'agit de la
3 conduite, des pratiques qui ont eu lieu ont eu lieu en 1993 jusqu'au début
4 de 1994, à Mostar et dans d'autres parties de l'Herzégovine. A ces
5 localités et tout au long de cette période, Naletilic et Martinovic
6 ensemble avec d'autres dirigeants, agents et membres de Conseil de défense
7 croate ont incité ou aidé à commettre des crimes contre l'humanité en
8 persécutant les Musulmans de Bosnie, sur des bases politiques, raciales,
9 ethniques ou religieuses, de nouveau par les moyens suivants: expulsions
10 ou transferts forcés des Musulmans de Bosnie, destructions, dévastations
11 et pillages de leurs maisons, de leurs biens et de leurs institutions
12 religieuses, en les soumettant à la torture et à des actes inhumains, à un
13 traitement inhumain et cruel, par l'assassinat et l'homicide intentionnel,
14 par le fait de leur causer de grandes souffrances. Tout ceci est reproché
15 dans les Chefs allant de 2 à 17.
16 Je n'allais pas m'étendre sur les événements de Sovici et Doljani. Je
17 pense que la Chambre a entendu à plusieurs reprises au sujet de ces
18 événements.
19 La même chose peut être dite au sujet des événements qui se sont produits
20 à Mostar à partir du mois de mai, du 9 mai 1993 jusqu'au début de l'année
21 1994. Des choses atroces, atroces ont été faites à l'encontre de la
22 population musulmane sur place.
23 Un autre endroit, à savoir l'Héliodrome. Je m'arrêterai un instant. Vous
24 avez entendu parler de cet endroit. Il s'agissait d'une base de l'ancienne
25 armée populaire yougoslave, une grande base. C'est la pièce de
Page 1840
1 l'accusation 20.2 qui nous présente cet Héliodrome. C'est à environ six
2 kilomètres au sud de Mostar. Il s'agit de la plaine. Divers bâtiments,
3 casernes sont ici. Vous avez ici des pistes pour les hélicoptères. C'est
4 pour cela qu'on appelle cela un héliport, un héliodrome. Cette
5 photographie vous donne une idée générale du site qu'on appelle
6 "l'Héliodrome".
7 Par ses actes, ses comportements, chacun des accusés s'est rendu coupable
8 de persécutions, comme cela est reproché au point 1 de l'Acte
9 d'accusation: "Crimes contre l'humanité".
10 Le groupe suivant de chefs d'accusation est regroupé sous le Chef 18, à
11 savoir "Transfert de forces".
12 Si vous me permettez, j'essaierai de procéder dans un ordre un peu plus
13 logique à présent, car je commencerai à partir du moment où tout cela a
14 commencé, à savoir le transfert de forces. Lorsque les hommes, les femmes
15 et les enfants ont été expulsés de leurs maisons, tous des Musulmans,
16 lorsqu'ils ont été expulsés de leur village, c'est là que les crimes ont
17 commencé et c'est de là que d'autres crimes découlent. Dans une large
18 mesure, le premier acte de persécution qui est reproché à Naletilic et
19 Martinovic est le transfert de forces, l'arrestation, l'expulsion et
20 l'éviction des Musulmans bosniaques en Herzégovine.
21 Comme je l'ai déjà dit, de nombreux autres crimes et de nombreux autres
22 chefs d'accusation proviennent en fait de cette arrestation et expulsion
23 de la population musulmane. Très souvent, il s'agit de chefs d'accusation
24 qui reprochent la destruction des biens, la destruction des mosquées, qui
25 s'est produit immédiatement après que les hommes avaient été maltraités,
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1 passés à tabac ou assassinés, tués.
2 Les éléments de preuve montreront que les deux accusés, Naletilic et
3 Martinovic étaient parmi les premières personnes ayant perpétré ces actes,
4 étant à la tête de ce genre de comportements. Ceci est reproché au chef
5 18: "Transfert, au mépris de la loi, de civils. Infraction grave aux
6 conventions de Genève de 1949.
7 Les chefs suivants sont les chefs allant de 19 à 22, à savoir la
8 destruction et le pillage des biens. Naletilic et Martinovic se voient
9 reprocher divers crimes concernant les biens qui proviennent des actes
10 commis par les membres du Bataillon disciplinaire et le groupe
11 antiterroriste Vinko Skrobo et concerne les localités de Rastani, Mostar
12 et d'autres localités.
13 Nous verrons également ce qui s'est produit après la prise de Sovici et de
14 Doljani, comment ont été détruites et incendiées les maisons.
15 Jusqu'à présent, je n'ai pas beaucoup parlé du fait que le pillage avait
16 lieu également, en tant que pratique. A savoir, avant que les maisons
17 aient été détruites, le HVO, y compris les forces sous le commandement de
18 "Tuta" et "Stela" ont été pillées. On emmenait pratiquement tout ce qui
19 pouvait être emmené, à savoir les postes de télévision, les frigidaires,
20 les vêtements, tout ce qu'ils pouvaient emporter.
21 Enfin, Rastani: le 23 septembre 1993, les forces de "Tuta" ont détruit de
22 nouveau des foyers musulmans du village. Naletilic se voit reprocher dans
23 les chefs 19, 20 et 22 ces crimes-là.
24 Au point 19, la destruction sur une grande échelle des biens: infraction
25 grave aux conventions de Genève.
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1 Au Chef 20, la destruction intentionnelle et non justifiée par les besoins
2 militaires: violation des lois ou coutumes de la guerre.
3 Au Chef 22, la saisie, la destruction ou les dommages intentionnels faits
4 aux institutions religieuses, à savoir la violation des lois ou coutumes
5 de la guerre.
6 J'attire l'attention de la Chambre sur le fait que l'accusé Martinovic ne
7 se voit pas reprocher les Chefs 19, 20 ou 22. Cependant, les deux,
8 Naletilic et Martinovic, se voient reprocher le pillage au Chef 21.
9 De nouveau, comme je l'ai déjà dit, cela repose sur une pratique sur une
10 large échelle du pillage des maisons musulmanes, notamment dans la partie
11 ouest de Mostar. Cela figure au Chef 21, à savoir le pillage des biens
12 publics ou privés, ce qui constitue une violation aux lois ou coutumes de
13 la guerre.
14 Il nous reste les Chefs 2 à 17 de l'Acte d'accusation amendé, à savoir le
15 traitement inhumain et cruel des prisonniers.
16 Nous allons parler de Sovici, Doljani, Rastani. Mais à présent, je
17 souhaite vous donner un peu plus de détails au sujet de ce comportement,
18 de cette pratique qui était répandue dans cette zone. Les éléments de
19 preuve montreront que Naletilic et Martinovic étaient au courant de ce qui
20 se produisait à l'Héliodrome et sur d'autres sites que j'ai décrits
21 aujourd'hui. Cela leur était connu: ils savaient que les prisonniers se
22 trouvaient sur place, ils savaient comment ces prisonniers étaient traités
23 et eux-mêmes ont pratiqué le même traitement sur ces prisonniers.
24 Les éléments de preuve montreront qu'il s'agissait d'une pratique
25 largement répandue dans les unités de Naletilic et de Martinovic de forcer
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1 les prisonniers à transporter les munitions, à s'occuper de retirer les
2 corps des morts, à construire les fortifications et à creuser des
3 tranchées.
4 Je vous ai déjà indiqué un endroit sur la ligne de confrontation qui était
5 particulièrement sous la responsabilité de "Stela": la zone du
6 dispensaire, la partie du Bulevar que je vous ai déjà montrée.
7 Comme je vous l'ai déjà dit, à certains moments, les Musulmans étaient
8 utilisés comme bouclier humain afin d'attirer le feu des forces opposées,
9 ce qui permettait au HVO d'identifier, de localiser les positions de
10 l'armée de Bosnie-Herzégovine. D'autres prisonniers ont été par exemple
11 forcés à participer aux pillages; donc non seulement le HVO pillait les
12 biens musulmans mais ils forçaient, ils se servaient de Musulmans à le
13 faire eux aussi: des prisonniers musulmans étaient envoyés piller et
14 emporter des biens.
15 A partir du mois de mai 1993 jusqu'en janvier 1994, Naletilic s'est
16 régulièrement rendu au camp d'Héliodrome et à la base du Bataillon
17 disciplinaire à Mostar où il rencontrait ses subordonnés et les détenus.
18 Naletilic était au courant de la manière dont les détenus étaient traités,
19 enfin comment on se servait d'eux. Et il a pratiqué les mêmes choses lui
20 aussi. D'ailleurs, certains prisonniers ont travaillé dans sa maison. Et
21 on peut dire la même chose pour Naletilic qui a forcé les prisonniers à
22 travailler sur la ligne de confrontation. De nouveau, on peut dire la même
23 chose pour les prisonniers qui étaient forcés à travailler chez lui.
24 Les Chefs 2, 3, 4 et 5 constituent donc des charges concernant ces
25 pratiques et ce comportement. De nouveau, l'Article 5 "Crimes contre
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1 l'humanité, traitements inhumains" et Article 2 "Infractions graves et
2 traitements cruels"; Article 3 "Violations des lois ou coutumes de la
3 guerre".
4 Chef 4: "Charges concernant le mauvais traitement des prisonniers de
5 guerre contre infractions grave aux conventions de Genève". Et je pense
6 que là j'ai fait abstraction d'un certain nombre de points moins
7 importants.
8 Permettez-moi d'aborder un autre aspect à présent. J'en ai déjà un petit
9 peu parlé à un moment. Les Chefs 6, 7 et 8 "Assassinats, crimes contre
10 l'humanité, homicides volontaires…, homicides intentionnels, infractions
11 graves aux conventions de Genève et assassinats, encore une fois, en tant
12 que violations des lois ou coutumes de la guerre", cela concerne la
13 pratique d'utiliser ces prisonniers ou de se servir d'eux et de la manière
14 dont ils ont été tués.
15 L'accusation cherche à démontrer que les deux accusés, Naletilic et
16 Martinovic, étaient au courant de cette pratique, qu'ils l'ont approuvée,
17 qu'ils l'ont ordonnée et qu'ils l'ont dit en étant parfaitement conscients
18 de la haute probabilité que ces prisonniers soient tués en tant que
19 résultat des conditions dans lesquelles ils étaient mis. Cela les rend
20 responsables de l'homicide intentionnel et de l'assassinat.
21 Quelques exemples: les éléments de preuve montreront qu'à une occasion,
22 "Stela" a ordonné à quinze ou vingt prisonniers d'enfiler des uniformes de
23 camouflage et de courir vers la ligne où étaient positionnées les forces
24 de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Trois prisonniers ont été tués du côté
25 de l'armée de Bosnie-Herzégovine et il y a eu des prisonniers qui ont été
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1 blessés par des soldats de "Stela". Les éléments de preuve montreront que
2 "Stela" lui-même tirait sur les prisonniers.
3 Un autre témoin nous parlera d'une journée, en juillet 1993, où six
4 prisonniers ont été utilisés par le HVO comme des boucliers humains le
5 long de la ligne de confrontation et ils ont été tués.
6 Un autre incident au sujet duquel la Chambre entendra en détail, qui s'est
7 produit le 17 septembre 1993: ce jour-là, le HVO et la HV ont lancé une
8 autre offensive le long de la ligne de confrontation sur le Bulevar et la
9 rue Santiceva à Mostar. Et faisait partie de cette offensive, le fait que
10 Martinovic a ordonné personnellement et a fait en sorte que les
11 prisonniers musulmans de Bosnie soient utilisés comme des boucliers
12 humains.
13 Vous entendrez des dépositions, des témoignages disant que Martinovic
14 était personnellement et directement impliqué dans ce comportement. En
15 fait, le 17 septembre 2000, le 17 septembre de cette année, un groupe de
16 prisonniers bosniaques ont été emmenés dans le quartier général de Stela à
17 Mostar, près de la ligne de confrontation. Quand ils ont été réunis là-
18 bas, "Stela" s'est approché et il s'est personnellement adressé au groupe
19 en disant que quatre prisonniers devaient être mis à part afin de servir
20 de bouclier humain face à une attaque par char, menée par le HVO. On verra
21 que c'est ce que "Stela" a dit.
22 Le long de la ligne de confrontation près du dispensaire, c'est le
23 bâtiment rose que vous avez déjà vu sur les photographies.
24 En fait, le char s'avançait pour traverser le Bulevar vers les positions
25 de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Quatre soldats musulmans, qui portaient
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1 des uniformes de camouflage, avaient donc l'apparence de soldats du HVO.
2 Ils portaient des fusils factices qui étaient peints en noir et, comme ça,
3 on avait l'impression qu'ils portaient de vraies armes. Ce sont en fait
4 des armes factices qui leur ont été données par les subordonnés de
5 "Stela". Ils devaient traverser le Bulevar face au char du HVO, de nouveau
6 pour protéger, pour servir de bouclier humain, dans la mesure où l'armée
7 de Bosnie-Herzégovine pouvait se rendre compte qu'elle tirait sur ses
8 propres hommes. En fait, il s'agissait d'attirer ce feu sur les positions
9 de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
10 En fait, c'est "Stela" qui a ordonné que ces quatre personnes soient
11 choisies; les éléments de preuve le montreront: ils ont reçu les
12 uniformes, ils ont reçu les armes en bois. Et l'un d'eux de ces quatre
13 s'est évanoui de peur; "Stela" a ordonné à un autre prisonnier d'être pris
14 à sa place. Donc les prisonniers ont été emmenés au dispensaire. "Stela"
15 se trouvait sur place. "Stela" leur a dit: "Voilà, vous allez aller sur…
16 Vous allez vous avancer là d'où vient l'attaque. Ce sera vers midi
17 aujourd'hui. Et vous devrez marcher avec ces fusils". Et c'est ce qui
18 s'est passé.
19 En fait, il leur a dit: "Si cette opération réussit, si vous survivez,
20 vous serez relâchés dans les 48 heures qui viennent".
21 Vous entendrez des témoignages. Ces quatre hommes ont également survécu et
22 ils ont pu se sauver sur les positions de l'armée de Bosnie-Herzégovine,
23 en face, de l'autre côté de la rue. Ce n'était certainement pas ça à quoi
24 ils s'attendaient. Et en fait, ils ont prié et ils ont dit que…, il y en a
25 un qui a dit: "J'ai prié à un moment de mourir. Je ne voulais pas être
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1 grièvement blessé et laissé gisant sur la ligne de confrontation. Je
2 priais pour que je sois tué immédiatement". (Fin de citation.)
3 Et le même jour, il y avait un autre incident, etc.
4 (L'interprète s'interrompt.)
5 Voulez-vous qu'on interrompe à présent?
6 M. le Président (interprétation): Nous allons faire une pause et nous
7 reprendrons à 14 heures 30.
8 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 32.)
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, avant que vous ne
10 poursuiviez, il y a une seule chose que je désire que vous éclaircissiez.
11 Avant la pause, vous avez mentionné que vous alliez retirer trois Chefs
12 d'accusation qui pèsent contre M. Martinovic, notamment le Chef
13 d'accusation 19, le Chef 20 et le Chef 22.
14 M. Scott (interprétation): (Hors micro.)
15 Monsieur le Président, permettez-moi de reconsulter l'Acte d'accusation
16 brièvement.
17 (Le Procureur consulte l'Acte d'accusation.)
18 En fait, il ne s'agit pas de retirer les Chefs, mais s'agissant de ces
19 Chefs-là… Oui, je vois, je vois la raison pour laquelle il semblait que
20 les choses soient ainsi.
21 M. le Président (interprétation): Car l'Acte d'accusation a été écrit de
22 cette façon-là. Car il y a deux accusés et les deux noms figurent.
23 M. Scott (interprétation): Oui. Merci, Monsieur le Président. Si vous me
24 le permettez… Je comprends votre question et si vous me le permettez, je
25 m'entretiendrai avec mes co-conseils pour pouvoir vous donner une réponse
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1 plus précise là-dessus.
2 C'est peut-être simplement une question de confusion lors de la rédaction
3 de ce chef d'accusation. Mais si vous me le permettez, je pourrais vous
4 donner la réponse à votre question demain.
5 M. le Président (interprétation): Oui, mais si vous décidez de retirer les
6 trois Chefs d'accusation qui pèsent contre M. Martinovic, nous nous
7 attendons à ce que vous nous soumettiez une requête par écrit.
8 M. Scott (interprétation): Oui. Effectivement, si c'est bien notre
9 position, nous le ferons; nous vous soumettrons donc une requête écrite.
10 M. le Président (interprétation): Et cela me rappelle le fait que je
11 souhaiterais attirer votre attention à la page 16 de votre mémoire
12 préalable au procès.
13 M. Scott (interprétation): Oui.
14 M. le Président (interprétation): Il y a une note en bas de page. La note
15 11 qui se trouve au bas de la page 16 dit que "l'Acte d'accusation ne
16 démontre pas les Chefs d'accusation 11 et 19 qui pèsent contre M.
17 Martinovic".
18 Nous ne comprenons pas tout à fait ce que vous vous voulez dire par-là.
19 Quels sont les Chefs d'accusation qui pèsent contre M. Martinovic à ce
20 moment-là?
21 M. Scott (interprétation): Oui. Merci, Monsieur le Président, d'attirer
22 mon attention là-dessus. Je vais certainement y voir et vous entretenir
23 là-dessus demain matin.
24 M. le Président (interprétation): Merci. Vous pouvez poursuivre.
25 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, j'ai
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1 relu mes notes au cours de la pause déjeuner et je crois pouvoir terminer
2 dans une vingtaine de minutes à peu près.
3 Nous parlions des Chefs d'accusation de 9 à 12 de l'Acte de d'accusation
4 modifié. Et ceci parle des formes de mauvais traitements engendrés aux
5 prisonniers musulmans qui représentent la torture et le fait de causer
6 d'énormes souffrances intentionnellement.
7 Cela nous démontre que Naletilic se trouvait au camp d'Héliodrome; il
8 connaissait, il savait, il avait des raisons de croire et il croyait bien
9 que les Musulmans se trouvaient sur place, qu'il y avait également des
10 civils, et il savait également que les Musulmans se faisaient passer à
11 tabac par les membres du HVO incluant des soldats de son unité à lui.
12 Les éléments de preuve démontreront également qu'au cours de cette période
13 –nous parlons maintenant du mois de mai 1993- et ce jusqu'au mois de
14 janvier 1994 comme nous l'avons mentionné un peu plus tôt ce matin, les
15 deux accusés "Tuta" et "Stela" ont commis et encouragé à commettre la
16 torture et ont causé de graves souffrances de façon intentionnelle. Et ils
17 ont également soit démontré par leur propre exemple ou ont donné les
18 ordres à leurs subordonnés de causer des souffrances et de la torture aux
19 Musulmans bosniens détenus.
20 M. Naletelic, comme étant supérieur hiérarchique, en fait, n'a pas lui-
21 même personnellement fait tous ces actes de torture. Ce n'est pas lui qui
22 a fait passer à tabac tous ces gens, tel un président d'une compagnie qui
23 ne fait pas tout le travail lui-même, mais c'est un exemple. Nous avons un
24 exemple où Naletilic a donné des ordres. Et par son propre exemple,
25 lorsqu'il battait d'autres prisonniers devant ses hommes, cela donnait
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1 l'exemple à ces hommes pour…, cela encourageait ces hommes bien sûr à
2 commettre ce genre d'actes de violence.
3 Les éléments de preuve démontreront que s'agissant de l'attaque sur Mostar
4 ou contre Mostar, et tous les éléments qui ont emmené à l'attaque contre
5 Mostar, le 7 mai, les membres non identifiés du Bataillon ont arrêté à
6 Mostar une figure éminente de Mostar et cette personne a été identifiée
7 dans l'Acte d'accusation modifié comme étant le Témoin B. Par la suite, on
8 a emmené cette personne à la base des opérations, à Siroki Brijeg et, tel
9 que je vous l'ai dit un peu plus tôt, "Tuta" a personnellement, avec ses
10 subordonnés, torturé le Témoin B en lui causant de graves blessures.
11 Maintenant, je souhaiterais dire à la Chambre pour qu'il n'y ait
12 absolument pas de confusion là-dessus que c'est une situation très
13 malheureuse, que cette nouvelle Chambre n'est peut-être pas au courant du
14 fait que le Témoin B est décédé d'une mort naturelle le 10 août de l'an
15 2000, de l'année dernière, et n'est donc pas en mesure de prêter son
16 témoignage; il ne sera bien sûr pas appelé à la barre. C'est la raison
17 pour laquelle, nous, membres du Bureau du Procureur, vous présentons cette
18 histoire sans que le témoin puisse témoigner là-dessus.
19 Des éléments de preuve vous démonteront que ce genre de comportement…,
20 c'est également que "Stela" a pris l'exemple de son supérieur: il a
21 brutalisé, il a agressé physiquement les Musulmans, les prisonniers
22 musulmans. C'est en suivant l'exemple de son supérieur qu'il l'a fait. Je
23 pourrai donner quelques exemples: un Musulman nous disait qu'il avait
24 souvent été emmené de l'Héliodrome jusqu'à l'endroit de la ligne de
25 confrontation, tout près du centre de santé. Le témoin a dit que, il a vu
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1 que "Stela" a pris ce prisonnier et l'a mis dans une poubelle.
2 Vous allez voir qu'en juillet 1993, le Bataillon disciplinaire de "Stela",
3 commandé par "Stela", a forcé un groupe de prisonniers à travailler sur la
4 ligne de confrontation, tout près d'une rue de Mostar. Et nous avons eu le
5 témoignage de témoin qui a dit avoir entendu "Stela" dire: "Tue-le, nique-
6 le et débarrasses-en-toi!". Je suis désolé de devoir répéter ses paroles
7 devant la Chambre. Et ce témoin a vu que "Stela" a tué ce prisonnier en
8 déchargeant toute son arme sur lui. Par la suite, il a vu "Stela" qui
9 fumait et qui ne faisait absolument rien. Tout le monde blaguait, ses
10 hommes blaguaient: tout le monde l'a vu commettre ce meurtre, mais
11 personne n'a rien fait.
12 Vous allez également entendre un autre témoin: lorsqu'il était emprisonné
13 au complexe de l'Héliodrome, lui-même et d'autres prisonniers ont été
14 battus sauvagement. Le témoin a vu Martinovic à peu près de cinq à six
15 fois sur l'Héliodrome, il a vu Martinovic et ses hommes passer à tabac des
16 prisonniers musulmans, les emmener faire des travaux forcés.
17 Ce même témoin a également vu l'accusé Naletilic à deux reprises sur
18 l'Héliodrome, une fois en compagnie de Martinovic lui-même. Les deux fois,
19 le témoin et d'autres prisonniers ont été passés à tabac en la présence de
20 "Tuta", et "Tuta" n'a absolument rien fait pour prévenir ou arrêter ce
21 genre de mauvais traitements.
22 Il y aura également d'autres éléments de preuve démontrant que deux autres
23 prisonniers musulmans se sont fait passer à tabac dans une camionnette et
24 ont été emmenés à Siroki Brijeg, qui est le quartier général de "Tuta";
25 ils ont été battus, ils ont été interrogés. Les passages à tabac ont duré
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1 jusqu'à ce que le témoin s'évanouisse. Par la suite, on a emmené ce témoin
2 à l'extérieur, devant ce quartier général de "Tuta". C'est là qu'on a
3 déposé le corps de cette personne; cette personne s'est fait battre par
4 d'autres soldats du HVO, c'est-à-dire qu'on l'a simplement sortie à
5 l'extérieur en fait et placée devant le quartier général de "Tuta". Il a
6 été passé à tabac sauvagement et, par la suite, d'autres soldats du HVO
7 l'ont battu en passant.
8 Effectivement, au cours de cette période, le passage à tabac et la torture
9 de Musulmans prisonniers étaient pratique commune. Les éléments de preuve
10 démontreront que non seulement Naletilic et Martinovic ont incité et
11 approuvé ce genre de comportement, mais ils croyaient, avaient des raisons
12 de croire, savaient très bien que leurs subordonnés allaient faire ce
13 genre d'actes ou l'avaient déjà fait; mais ils ont omis de prendre les
14 mesures nécessaires pour les empêcher de commettre ce genre d'acte.
15 Ce genre de comportement est visé par le Chef d'accusation 9: "Tortures et
16 crimes contre l'humanité" et au Chef 10: "Tortures ou infractions graves
17 aux conventions de Genève".
18 Egalement, au Chef 11, nous voyons un chef parlant de "traitements cruels,
19 de violations des lois ou coutumes de la guerre" et, au Chef 12, "le fait
20 de causer intentionnellement de graves souffrances", ce qui représente une
21 infraction grave aux conventions de Genève.
22 Ce qui nous amène maintenant aux Chefs d'accusation 13 à 17. Ces chefs
23 parlent en fait d'une victime en particulier. Il y a une question très
24 semblable à celle que vous m'avez posée, Monsieur le Président, et je suis
25 désolé de ne pas pouvoir vous donner une réponse immédiate. Je
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1 souhaiterais le faire mais je ne peux pas. Mais concernant les Chefs
2 d'accusation de 13 à 17, ce sont des chefs qui ont trait à l'accusé
3 Martinovic; Naletilic "Tuta" n'est pas chargé, n'est pas visé par les
4 chefs d'accusation de 13 à 17.
5 Par contre, s'agissant de ces chefs-là, en fait, c'est une histoire assez
6 courte, si je puis le dire ainsi: mais en fait, c'est une histoire qui est
7 représentative de plusieurs autres histoires très semblables à celle-ci.
8 Donc je vais vous donner quelques détails de cet incident.
9 Les éléments de preuve vous parleront d'une histoire d'une personne qui
10 s'appelle Nenad Harmandzic. C'était un Musulman de Bosnie, né à Mostar, au
11 mois de février, le 19 février 1947. Il était devenu inspecteur de police
12 dans la ville de Mostar. Et le 19 mars 1993, comme d'autres hommes
13 musulmans, il s'est fait arrêter; non seulement lui, mais son fils
14 également. Harmandzic a été passé à tabac, on l'a transféré sur
15 l'Héliodrome où, initialement, il a été détenu pendant une période de dix
16 jours. Comme beaucoup d'hommes musulmans, Harmandzic s'est par la suite…
17 On l'a relâché et, par la suite, quelques semaines plus tard, on la ré-
18 arrêté. Et c'est lorsque le HVO a commencé, le 3 juin, une autre vague
19 d'arrestations. Il a été ramené sur l'Héliodrome à ce moment-là. Au mois
20 de juillet 1993, Harmandzic se trouvait parmi un groupe d'environ 50
21 prisonniers musulmans qui ont été emmenés de l'Héliodrome au quartier
22 général de Martinovic sur la rue Kalemova.
23 Martinovic se trouvait sur place. Il était présent à son propre quartier
24 général. Il avait un commandement direct. Lorsque ce groupe de détenus
25 incluant Harmandzic est arrivé, Harmandzic a rencontré Martinovic et il
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1 s'est fait passer à tabac à ce moment-là. Il a presque succombé aux
2 blessures à ce moment-là.
3 Les éléments de preuve démontreront, tel que nous pouvons le dire, que
4 l'homme était presque…, était à peine en vie: il a été passé à tel point
5 qu'il a failli y rendre l'âme.
6 Ce jour-là, le jour où Harmandzic a été vu pour la dernière fois sur la
7 rue Kalemova, Martinovic a dit aux autres prisonniers musulmans, il a dit
8 -je cite-: "Harmandzic ne retournera pas avec vous ce soir. Il ne
9 retournera pas sur l'Héliodrome ce soir avec vous". (Fin de citation.)
10 Les éléments de preuve démontreront que plus tard, ce même jour, les
11 subordonnés de Martinovic ont tué Harmandzic. Ils ont enterré son corps
12 dans un cimetière, dans un parc qui se trouve tout près du quartier
13 général de Martinovic.
14 Donc on ne sait pas l'endroit exact où Harmandzic est décédé. Le Procureur
15 désire être bien franc là-dessus: nous n'avons pas un témoin oculaire qui
16 était là au moment de sa mort pour nous dire quel était l'endroit exact où
17 il était au moment de sa mort. Nous savons seulement qu'il s'est fait
18 passer à tabac, sévèrement, en présence de Martinovic. Il a presque
19 succombé aux blessures immédiatement. Son corps a été trouvé plus tard.
20 Nous allons entendre des éléments de preuve parlant de son exhumation lors
21 du témoignage du témoin expert. En fait, son corps a été exhumé du
22 cimetière du parc de Liska, au mois d'août 1998. L'autopsie a conclu que
23 Harmandzic s'est fait passer à tabac de façon brutale et, par la suite,
24 qu'il est mort d'une balle à la tête.
25 En fait, c'est de ça que parlent les Chefs 13, 14 et 15 "Homicides
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1 volontaires". Ce sont les raisons pour lesquelles j'ai dit, Monsieur le
2 Président, Mesdames les Juges, si la Chambre trouve à la fin de la
3 présentation de nos moyens de preuve que vous croyez qu'en vous basant sur
4 ces éléments de preuve-là, vous ne pouvez pas trouver coupable M.
5 Martinovic d'avoir commis un meurtre de façon intentionnelle, il a donc
6 été chargé de "Traitements cruels", aux Chefs d'accusation 16, 17 et 18,
7 d'avoir "causé intentionnellement de graves souffrances à la santé ou de
8 porter des atteintes graves à l'intégrité physiques ou à la santé", ce qui
9 représente une infraction grave aux conventions de Genève.
10 Et au Chef d'accusation 16, il est chargé de "Traitements cruels", ce qui
11 représente une "violation des lois ou coutumes de la guerre".
12 Donc si vous trouvez que M. Martinovic ne peut pas être trouvé directement
13 coupable de la mort de cette personne, il peut au moins être trouvé
14 coupable des Chefs 16 ou 17.
15 Et en conclusion, je n'aurai que quelques autres commentaires pour parler
16 de la présentation de nos moyens de preuve. Je vais revenir à ce que j'ai
17 dit ce matin. En fait, c'est que je voulais établir qu'il y avait bel et
18 bien une existence d'un conflit armé international.
19 Comme je l'ai dit un peu plus tôt, les moyens de preuve démontreront qu'à
20 tout moment pertinent, les agissements et le comportement -tels que
21 figurés dans l'Acte d'accusation modifié- ont eu lieu pendant qu'un
22 conflit international armé avait lieu et pendant qu'une occupation
23 partielle avait lieu sur le territoire de Bosnie-Herzégovine.
24 Et qu'à tout moment pertinent, le Gouvernement de la République de Croatie
25 et ses forces armées incluant le HV, donc l'armée de la République de
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1 Croatie, a soutenu le HVO, a déployé ses propres unités à Mostar et autour
2 de Mostar, et dans d'autres endroits en Bosnie-Herzégovine. Donc l'armée
3 croate, le HV a participé de façon très claire au conflit armé et de
4 concert avec le HVO en 1993. Et cela s'est poursuivi au moins au mois de
5 février 1994.
6 Cela me ramène à mes commentaires. Sinon ce que nous essayerons de faire
7 en vous présentant nos moyens, c'est de vous présenter les éléments de
8 preuve en unités et en blocs, de façon à ce que nous arrivions à couvrir
9 sujet par sujet.
10 Et je désire maintenant vous montrer des lignes directrices. J'essaierai
11 maintenant de vous esquisser un peu les choses, si vous voulez. Ceci
12 représente les points principaux des moyens de preuve de l'accusation.
13 Nous allons commencer, nous l'espérons bien, avec notre premier témoin cet
14 après-midi: donc l'historique et l'introduction à l'affaire. Nous allons
15 ensuite parler de l'attaque sur Sovici et Doljani.
16 Par la suite, nous allons passer de façon chronologique à la ligne de
17 confrontation de Mostar. En fait, je vais parler d'abord des attaques qui
18 ont eu lieu au mois de mai 1993; qui ont eu lieu à Mostar. Et par la
19 suite, il y a eu tellement d'événements qui se sont passés que nous allons
20 couvrir cette période-là.
21 Ensuite, nous allons parler du 13 juin 1993: une deuxième vague
22 d'expulsions et de déportations forcées. En fait, nous allons parler du
23 traitement des prisonniers, donc des travaux forcés, passages à tabac,
24 meurtres.
25 Et il y a deux sous-sujets. Nous allons parler de l'incident des armes à
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1 feu factices. Ce que je vous ai dit ce matin, c'est que les hommes ont été
2 envoyés pour marcher à côté du char d'assaut. Le deuxième sous-titre s'est
3 également déroulé à la même date, le 23 septembre 1993. Nous allons en
4 fait parler de l'attaque sur Rastani.
5 Et maintenant, je vais vous donner un squelette de ce que nous allons
6 faire.
7 Il y a un bon nombre de raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas
8 procéder à cela de façon parfaite, si vous voulez, car c'est un peu
9 difficile de faire en sorte que tous les témoins arrivent pour couvrir
10 tous ces aspects de façon chronologique. C'est très difficile de faire
11 venir tous ces témoins en même temps.
12 Un autre aspect qui est intéressant, c'est le suivant: c'est que, pour la
13 plupart de ces témoins, ils vont parler de différentes parties de
14 l'affaire qui nous occupe. En fait, il y aura des situations qui sont très
15 près de ce que je vous énumère maintenant hypothétiquement. Mais nous
16 allons peut-être avoir quelqu'un qui avait été arrêté à Sovici; ensuite,
17 il a été au camp de Ljubuski où il a été maltraité. Par la suite, on l'a
18 amené à l'Héliodrome, ensuite on l'a emmené sur les lignes de
19 confrontation de Mostar où il a été forcé de réaliser des travaux forcés
20 et d'agir en tant que bouclier humain. Par la suite, il a été emmené dans
21 un autre camp.
22 Vous pouvez donc imaginer qu'un seul témoin peut en fait établir le lien
23 et va parler des éléments qui vont être couverts au cours du procès au
24 complet. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas vraiment suivre
25 ce croquis -que j'ai mentionné un peu plus tôt- de façon très précise, car
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1 il faudrait faire revenir le témoin à trois reprises pour parler de trois
2 événements dans le temps en particulier.
3 C'est la raison pour laquelle nous allons appeler ces témoins à la barre.
4 Plusieurs d'entre eux vont parler de plusieurs choses, de plusieurs
5 aspects de nos éléments de preuve, mais nous allons néanmoins essayer de
6 suivre d'une façon structurée le tout, pour pouvoir vous présenter tout
7 cela de façon organisée.
8 Nous espérons faire entendre de 65 à 70 témoins. Comme vous le savez, il y
9 a des preuves documentaires qui ont déjà été recueillies. Comme vous le
10 savez, il y a également des transcripts provenant d'autres affaires qui
11 ont été entendus devant le Tribunal. Des éléments seront soumis également.
12 Je dis qu'il y a de 65 à 70 témoins; il y en aura peut-être plus ou peut-
13 être moins, mais la Chambre comprendra, lorsqu'on nous dit que nous
14 essayons de faire des subterfuges que c'est très difficile de faire
15 emmener des témoins; il y a des gens qui se disent prêts à venir et, deux
16 semaines après, ils se disent non prêts. Les conditions à Mostar et dans
17 l'Herzégovine sont encore très difficiles; à Mostar, il y a des témoins
18 qui ont peur de venir à La Haye et de témoigner: ils ont peur des
19 représailles qu'ils peuvent rencontrer en revenant. Ce n'est pas toujours
20 facile pour ces témoins de venir témoigner, mais ce que nous essaierons
21 néanmoins de le faire.
22 Nous allons pouvoir essayer de présenter des moyens de preuve de
23 l'accusation, d'abord en présentant de 65 à 70 témoins. Entre ces unités,
24 il y aura sûrement des témoins qui vont couvrir un bon nombre de faits qui
25 nous occuperont dans cette affaire, mais qui ne seront peut-être pas
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1 nécessairement énumérés de façon chronologique.
2 L'accusation, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, veut s'engager à
3 présenter l'affaire ou les moyens de preuve du meilleur de notre pouvoir.
4 Nous allons peut-être faire des erreurs, mais je peux vous dire que nous
5 vous présenterons nos moyens de preuve du meilleur que nous le pouvons, de
6 la façon la plus efficace en nous conformant aux règles et règlements du
7 Tribunal.
8 Nous croyons que, vers la fin du procès, les éléments de preuve vont
9 pouvoir raconter l'histoire dans laquelle nous allons voir que ces deux
10 hommes ont commis des crimes absolument atroces en Bosnie-Herzégovine:
11 crimes contre l'humanité, des violations graves aux conventions de Genève
12 et violations des lois et coutumes de la guerre.
13 C'est la raison pour laquelle, à la fin de la présentation de nos moyens
14 de preuve, nous allons vous demander de trouver chacun d'eux coupables de
15 tous les chefs d'accusation qui pèsent contre eux, pour tous les crimes
16 qui existent contre eux.
17 Je vous parlais d'un témoin qui a été à l'Héliodrome. Il vous dira qu'il a
18 été interrogé par "Tuta" lui-même. Il se trouvait sur l'Héliodrome le 31
19 août 1993. On l'a emmené dans une très grande chambre, dans une pièce dans
20 laquelle "Tuta" était déjà assis. Il y avait trois chaises devant "Tuta".
21 On a fait asseoir le témoin dans le siège du milieu avec deux gardes du
22 corps de "Tuta" de part et d'autre. Lorsque "Tuta" a demandé au prisonnier
23 quel était son nom, l'un des gardes du corps de "Tuta" a frappé le témoin,
24 la personne avant qu'elle ne réponde; l'autre garde du corps a dit: "Tu
25 dois répondre à chaque fois que "Tuta" te dit quelque chose".
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1 Et le témoin s'est fait passer à tabac de façon répétitive, à chaque fois
2 que "Tuta" lui posait une question. A la fin, "Tuta" a dit au prisonnier:
3 "On m'a demandé de te laisser aller, mais est-ce que tu sais que tu es un
4 homme mort, que tu es mort cinquante fois?". A un moment donné, l'homme a
5 été frappé tellement violemment qu'il est tombé du siège et "Tuta" a dit
6 alors: "Appelle les soldats. Ne lui fais plus cela". Mais la réalité est
7 la suivante; en fait, elle est telle qu'ils ont poursuivi à battre cet
8 homme devant "Tuta" et que "Tuta" n'a absolument rien fait pour les en
9 empêcher.
10 "Tuta" a dit à cet homme, lorsque qu'on l'a ramené dans sa cellule: "Il
11 faut absolument que tu acceptes le fait que nous sommes en Croatie".
12 Lorsque le prisonnier s'est fait ramener, "Tuta" lui a dit: "Prie et
13 attends ta mort".
14 Merci, Monsieur le Président, Mesdames les Juges.
15 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, je pense que vous avez
16 terminé ainsi votre déclaration liminaire?
17 M. Scott (interprétation): Oui. C'est de cette manière-là que nous avons
18 terminé.
19 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, vous avez le droit, à ce
20 niveau, de répondre à ce qui a été dit par le Procureur, ceci en vertu
21 l'Article 64 du Règlement de procédure et de preuve.
22 Qu'est-ce que vous souhaitez, Maître Krsnik?
23 (Questions relatives à la procédure.)
24 M. Krsnik (interprétation): Compte tenu de tout ce qui a été dit tout au
25 début, il en ressort clairement que nous n'allons pas de notre côté
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1 présenter ici une déclaration liminaire. Nous allons y procéder une fois
2 que les messieurs du Bureau du Procureur auront terminé la partie qui leur
3 incombe, par conséquent après la citation de tous les témoins.
4 M. le Président (interprétation): Merci.
5 Est-ce que votre client souhaite éventuellement faire une déclaration en
6 vertu de l'Article 84B)?
7 M. Krsnik (interprétation): Non, Monsieur le Président. Mon client ne va
8 pas présenter quoi que soit comme déclaration en vertu de l'Article 84.
9 M. le Président (interprétation): Je vous en prie et je vais demander de
10 bien vouloir vous asseoir.
11 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais vous
12 demander de pouvoir très brièvement vous présenter un tout petit
13 commentaire, une observation. Mais je vais demander d'abord que Me Seric
14 éventuellement dise ce qu'il a à dire.
15 M. le Président (interprétation): Maître Seric, c'est à vous la parole.
16 Est-ce que vous-même souhaitez présenter la déclaration liminaire au nom
17 de votre propre client ou bien souhaitez-vous la reporter à plus tard,
18 ceci en vertu de l'Article 84?
19 M. Seric (interprétation): La défense de Vinko Martinovic a choisi, en
20 vertu de l'Article 84, de présenter sa déclaration liminaire après la
21 présentation des moyens de preuve à charge par le Procureur et avant la
22 présentation des preuves à décharge.
23 M. le Président (interprétation): Merci.
24 Est-ce que vous avez éventuellement parlé avec votre propre client? Est-ce
25 que lui, de son côté, étant donné que c'est son droit, pourrait également
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1 faire sa propre déclaration, ceci en accord avec la Règle 84?
2 M. Seric (interprétation): Il a pris la même décision que nous. Il va
3 pouvoir présenter des déclarations une fois que le Procureur aura terminé
4 la présentation des preuves à charge.
5 M. le Président (interprétation): Merci, mais j'aimerais quand même vous
6 demander de bien vouloir prendre note de quelque chose: je veux qu'on se
7 soit bien compris. Ici, votre client peut par conséquent tout de suite
8 présenter sa déclaration mais il ne peut pas reporter ce droit pour plus
9 tard.
10 M. Seric (interprétation): Il ne va pas parler.
11 M. le Président (interprétation): Merci.
12 Maître Krsnik, je vous en prie. Je pense que vous aviez quelque chose à
13 nous communiquer. De quoi auriez-vous à nous communiquer, à nous parler?
14 Est-ce que vous voulez informer la Chambre de quelque chose? Est-ce que
15 vous voulez contester la déclaration liminaire du Procureur?
16 M. Krsnik (interprétation): Non, Evidemment, nous aurions du temps pour
17 contester tout ce que notre éminent collègue avait dit, mais il n'est peut
18 être le temps que de faire ce petit commentaire que je voulais faire.
19 Nous allons peut-être d'abord laisser le Procureur citer les témoins et,
20 ensuite, faire quelques informations au sujet des témoins, au sujet de nos
21 difficultés. Il vaut mieux peut-être entamer tout de suite le débat et,
22 ensuite, je vais pouvoir faire mon observation ou éventuellement même
23 introduire une requête à ce sujet-là.
24 M. le Président (interprétation): Merci.
25 Monsieur Scott, est-ce que vous êtes prêt à commencer avec le premier
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1 témoin?
2 M. Scott (interprétation): Oui, c'est M. Stringer qui va interroger notre
3 premier témoin.
4 M. le Président (interprétation): Je vais demander à l'huissier de bien
5 vouloir introduire le témoin.
6 M. Stringer (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à
7 tout le monde dans le prétoire.
8 Avant d'introduire le témoin, je voudrais quand même résoudre quelques
9 problèmes techniques avant de faire entrer le témoin. Je voudrais tout
10 d'abord que le microphone soit bien rapproché, que la table également et
11 que le rétroprojecteur soient rapprochés un petit peu parce qu'il y a un
12 certain nombre de documents, de pièces à conviction que nous allons mettre
13 sur le rétroprojecteur.
14 Par ailleurs, en ce qui concerne le premier témoin, j'aimerais tout
15 simplement vous informer sur un certain nombre de points, avec votre
16 permission. Je pense que ceci ne pourra que vous être utile.
17 Il s'agit du témoin qui va présenter devant la Chambre toute une série de
18 photographies ainsi que des cassettes vidéo. Monsieur Scott en a parlé au
19 cours de sa déclaration liminaire. Il s'agit par conséquent des
20 photographies, ainsi qu'un certain nombre de cartes géographiques: il y en
21 a un bon nombre dont il a été question également dans la déclaration
22 liminaire, qui vont donc être présentées.
23 C'est la raison pour laquelle il y a une série de classeurs et nous vous
24 proposons également de vous distribuer ces classeurs. Comme ça, vous allez
25 avoir devant vous-mêmes toutes les pièces à conviction qui sont consignées
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1 dans les classeurs pendant que ce premier témoin va lui-même parler.
2 Je ne sais évidemment pas si nous allons terminer aujourd'hui avec le
3 témoignage de M. Van Hecke, mais c'est le Procureur qui va certainement
4 proposer un certain nombre de versements au dossier des pièces à
5 conviction. Je vais passer en revue un certain nombre de ces documents,
6 pas tous les documents, qui sont donc consignés dans le classeur; ils sont
7 donc tous regroupés dans les classeurs. Mais je pense que nous sommes
8 prêts à mettre à la disposition de la Chambre tous ces classeurs. Il me
9 semble qu'il est mieux de les avoir devant vous plutôt que de lire sur
10 l'écran ce qui va vous être montré.
11 Nous pouvons par conséquent distribuer tous ces documents, ces classeurs à
12 la Chambre, tout de suite, car je ne pense pas que nous allons pouvoir,
13 bien évidemment, les traiter tous. Nous allons également nous y référer
14 demain peut-être. Par conséquent, il serait plus utile qu'on vous les
15 donne pour la séance de demain. Mais le classeur n°1, j'aimerais vous le
16 remettre tout de suite étant donné qu'il contient les photographies et les
17 cassettes vidéo.
18 M. le Président (interprétation): Merci.
19 M. Stringer (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je pense que
20 la Greffière dispose de ces classeurs: je parle du premier classeur qui
21 contient les photographies et les cartes géographiques.
22 Et pour le compte rendu, Monsieur le Président, j'aimerais également vous
23 mentionner que le classeur n°1 a été remis à nos collègues de la défense
24 il y a quelques semaines, et ceci, pendant que nous avons eu ces séances
25 de travail pour les dépositions en dehors de ce prétoire. Merci.
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1 (Le témoin, M. Jan Van Hecke, est introduit dans le prétoire.)
2 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur le Témoin.
3 Je vais vous demander de bien vouloir procéder à la déclaration
4 solennelle.
5 Témoin E (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
6 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
7 M. le Président (interprétation): Avant de commencer, Monsieur Stringer,
8 il vous faut rappeler au témoin qu'il est indispensable qu'il parle
9 lentement pour que nous puissions véritablement suivre de très près. Vous,
10 vous parlez la même langue et c'est la raison pour laquelle il est
11 indispensable que vous parliez lentement.
12 M. Stringer (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Bien évidemment,
13 nous en avons parlé. Nous avons dit qu'il était d'une très grande
14 importance que de ne pas parler trop rapidement plutôt que de parler
15 lentement. Et pour nous, il est indispensable qu'on puisse aménager des
16 pauses pour que tout ceci puisse être suivi correctement.
17 M. le Président (interprétation): Merci.
18 M. Stringer (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
19 (Interrogatoire principal du témoin, M. Jan Van Hecke, par M. Stringer.)
20 Monsieur Van Hecke, où est-ce que vous travaillez, s'il vous plaît?
21 M. Van Hecke (interprétation): Je suis à la tête d'une mission qui
22 représente le Tribunal en Bosnie-Herzégovine.
23 Question: Et combien de temps êtes-vous au Bureau à Sarajevo?
24 Réponse: J'ai commencé début juin, cette année.
25 Question: Avant, est-ce que vous étiez ici à La Haye? Avez-vous travaillé
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1 comme enquêteur?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Pourriez-vous maintenant dire à la Chambre ce que vous avez fait
4 au cours de votre carrière en tant qu'enquêteur, aussi bien dans le cadre
5 du Tribunal international qu'avant?
6 Réponse: Tout premièrement, je suis belge et j'ai travaillé à la
7 gendarmerie belge –c'est notre police- à partir de 1978. J'y suis resté
8 quatre ans, jusqu'à la fin septembre 1982. Et, en octobre 1982, j'ai
9 rejoint les forces de police en Belgique en tant qu'inspecteur et ensuite
10 j'ai été promu et j'ai été transféré à Louvain en 1988. Cette première
11 année, j'étais chargé du détachement de délinquants mineurs et c'est là où
12 je suis resté jusqu'en avril 1995. En 1995, je suis arrivé à l'ICTY.
13 C'était là où j'étais chef d'équipe en mars 1997.
14 Question: En ce qui concerne votre rôle comme chef d'équipe, pourriez-vous
15 décrire aux Juges comment le département des enquêteurs est-il organisé?
16 Réponse: Nous avons plusieurs équipes. Chaque équipe est chargée d'une
17 affaire. Chaque équipe a son chef d'équipe et ce chef d'équipe travaille
18 ensemble avec des conseillers juridiques; il y a des enquêteurs, des
19 criminologues, des interprètes et du personnel administratif.
20 Question: Pourriez-vous nous dire quelles sont les affaires dont vous vous
21 êtes occupé personnellement pendant que vous avez organisé cette enquête
22 pour le Tribunal?
23 Réponse: Avant de devenir chef d'équipe, entre avril 1995 jusqu'en mars
24 1997, j'ai étudié les questions de tireurs isolés et du pilonnage de
25 Sarajevo.
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1 Question: C'est en mars 1997 que vous êtes devenu chef d'équipe?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Vous étiez également le chef d'équipe qui s'est chargé de cette
4 affaire?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Connaissez-vous l'Acte d'accusation dans l'affaire en question?
7 Réponse: Oui, bien sûr, je connais l'Acte d'accusation.
8 Question: Est-ce que vous avez témoigné auparavant?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Quand?
11 Réponse: C'était début juillet 1996. Par conséquent, il y a plusieurs
12 années.
13 Question: C'était quelle affaire, s'il vous plaît?
14 Réponse: C'était en vertu de l'Article 61, à l'encontre de Karadzic et
15 Mladic.
16 Question: Et ceci concernait le siège de Sarajevo, n'est-ce pas?
17 Réponse: Oui. J'ai apporté des preuves concernant le dossier Sarajevo:
18 tireurs isolés, pilonnages de la ville qui était assiégée.
19 Question: En ce qui concerne… En qualité de chef d'équipe dans cette
20 affaire, à partir du mois de mars 1997, aviez-vous la possibilité de vous
21 rendre sur place, de procéder à une enquête dans des villages dont il est
22 question dans cette affaire et dans cet Acte d'accusation?
23 Réponse: Oui, à plusieurs reprises.
24 Question: Et ceci concerne Mostar, Sovici, Doljani, Siroki Brijeg?
25 Réponse: Oui. Ceci concerne tous les villages dont il était question dans
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1 l'Acte d'accusation.
2 Question: Avez-vous également participé aux dépositions préalables des
3 témoins qui vont être cités à la barre?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Savez-vous si d'autres membres de votre équipe d'enquêteurs
6 avaient également procédé à des entretiens et ceci en fonction des
7 instructions et consignes que vous avez données?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Monsieur le Président, nous allons tout premièrement passer en
10 revue un certain nombre de photographies pour bien voir les villages dont
11 il est question. Nous allons donc donner des photographies à une grande
12 échelle, avec la géographie générale et nous allons nous concentrer sur
13 des villages tout particuliers. Je pense qu'il s'agit des photographies
14 qui sont contenues dans le classeur n°1 qui a été remis aux Juges.
15 Je vais demander également de bien vouloir remettre le classeur n°1 au
16 témoin.
17 (L'huissier s'exécute.)
18 M. Stringer (interprétation): Monsieur le Président, j'espérais que nous
19 aurions un chevalet à notre disposition mais ceci nous prendrait beaucoup
20 trop de temps et nous voudrions tout simplement à titre d'illustration
21 orienter la Chambre et vous montrez exactement où se trouvent les
22 localités dont on va parler.
23 Monsieur le Témoin, Monsieur Van Hecke, vous avez la pièce à conviction 1,
24 il s'agit d'une carte de l'ex-Yougoslavie, il s'agit d'une carte à grande
25 échelle. Pour pouvoir avancer, au lieu de sortir cette carte, est-ce que
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1 vous voulez bien vous lever et nous montrer un certain nombre de localités
2 pour pouvoir nous orienter sur cette carte?
3 Tout premièrement, si vous voulez bien nous donner une description
4 générale du territoire qui, en 1993, était la République de Bosnie-
5 Herzégovine.
6 (Le témoin pointe avec le pointeur et montre les frontières de cette
7 République.)
8 M. le Président (interprétation): Monsieur Stringer, en effet, il y a un
9 problème. Ceci devrait pouvoir figurer sur le compte rendu. Par
10 conséquent, il sera utile que le témoin dise un certain nombre de mots
11 pour nous donner une description. Le transcript, par conséquent, devrait
12 contenir la description.
13 M. Stringer (interprétation): Oui, je vous comprends parfaitement mais, de
14 toutes façons, je suis parfaitement dans vos mains. Je ne sais pas comment
15 poursuivre, mais je pense que ceci en dit suffisamment. Nous pourrions
16 donner le micro à M. Van Hecke et c'est de cette manière-là qu'il pourrait
17 éventuellement dire quelque chose, si ceci vous convient.
18 M. Van Hecke (interprétation): Voilà, vous avez la carte de l'ex-
19 Yougoslavie. Au milieu, vous voyez la République de Bosnie-Herzégovine.
20 Question: En ce qui concerne la République de Croatie, dont il a été
21 question également dans la déclaration liminaire, auriez-vous l'amabilité
22 de nous montrer où se trouve la République de Croatie?
23 Réponse: La République de Croatie est au nord et à l'ouest de Bosnie-
24 Herzégovine. Elle entoure la Bosnie-Herzégovine du côté nord et du côté
25 ouest.
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1 Question: Pouvez-vous nous montrer également la région qui est traitée
2 dans l'Acte d'accusation?
3 Réponse: Il s'agit d'une région qui est à l'angle ouest de Bosnie-
4 Herzégovine.
5 Question: Pouvez-vous nous montrer également la capitale de la République
6 de Croatie?
7 Réponse: Zagreb est au nord de la Croatie.
8 Question: En ce qui concerne la Croatie, pourriez-vous nous dire où se
9 trouve Split, car un certain nombre de témoins vont probablement parler de
10 Split?
11 Réponse: Il s'agit d'une ville côtière.
12 Question: Maintenant, je vais mettre sur le rétroprojecteur la pièce à
13 conviction P.3.
14 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, comme M. Scott en a parlé dans
15 la déclaration liminaire, je vais demander à l'huissier de bien vouloir
16 tenir cette pièce à conviction.
17 Il s'agit d'une carte géographique à grande échelle pour que tout le monde
18 puisse voir.
19 M. le Président (interprétation): Il faut vraiment utiliser le micro.
20 M. Stringer (interprétation): Oui, d'accord. Est-ce que vous pouvez nous
21 dire, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin, ce que représente cette carte?
22 M. Van Hecke (interprétation): Il s'agit des municipalités qui sont
23 présentées sur le territoire.
24 Question: Et qu'est-ce que c'est la municipalité?
25 Réponse: Il s'agit des unités administratives. Tout le pays a été réparti
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1 en municipalités.
2 Question: Entendu. En ce qui concerne les municipalités dont il est
3 question, pourriez-vous nous dire où se trouvent ces municipalités?
4 Réponse: Ces municipalités se trouvent dans cette section de la carte.
5 (Le témoin montre avec son pointeur la section en question.)
6 Question: Monsieur le Témoin, je vous en prie, vous pouvez retourner à
7 votre place.
8 Monsieur Van Hecke, la pièce à conviction suivante sur laquelle j'aimerais
9 attirer votre attention se trouve dans le classeur. Il s'agit de la pièce
10 à conviction n°2.
11 Auriez-vous l'amabilité de la regarder?
12 Monsieur le Président, pour votre information, il s'agit d'une carte sur
13 laquelle nous allons nous référer à maintes reprises au cours de
14 l'interrogatoire principal. C'est la raison pour laquelle je pense que la
15 Chambre pourrait avoir à coter cette carte pour pouvoir la regarder, car
16 nous allons travailler ensemble avec les photographies et les cassettes
17 vidéo sur cette carte.
18 Quand il s'agit des photographies et des cassettes vidéo, Monsieur Van
19 Hecke, est-ce que vous êtes au courant, est-ce que vous savez que, pendant
20 l'enquête, les membres de votre équipe s'étaient rendus dans cette région,
21 qu'ils avaient pris des photographies de la région et qu'ils ont filmé la
22 région qui représente de l'importance pour l'affaire?
23 Réponse: Oui, je suis au courant.
24 Question: Avez-vous ces photographies et les cassettes vidéo?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Avant de regarder les photographies, les cassettes vidéo, pour
2 que tout soit clair en ce qui concerne le conflit de l'affaire, c'est un
3 conflit qui a eu lieu en 1993: est-ce à ce moment-là que les photographies
4 ont été faites?
5 Réponse: Non, les photos ont été faites bien plus tard. Si je ne m'abuse,
6 les photographies, les cassettes vidéo et tout ce qui est autre
7 photographie a été fait en septembre 2000.
8 Question: Et les photos qui ont été faites d'hélicoptère, comment cela
9 s'est-il fait? Comment avez-vous pu avoir à votre disposition un
10 hélicoptère et tous ces autres ustensiles?
11 Réponse: C'est la SFOR qui nous a donné un appui logistique et nous avons
12 eu également à notre disposition un certain nombre de spécialistes de la
13 police hollandaise.
14 Question: Qu'est-ce que c'est la SFOR?
15 Réponse: Après les accords de Dayton, l'OTAN a envoyé sur place des forces
16 de la mise en application de l'accord. C'était d'abord IFOR et ensuite
17 SFOR. Ce sont les forces de stabilisation. C'est la raison pour laquelle
18 on l'appelle SFOR.
19 Question: Il y a d'abord une première ville dont il va être question. Les
20 deux premiers villages sont Sovici et Doljani.? Est-ce que vous connaissez
21 les deux villages? Est-ce que vous savez quelle est l'importance de ces
22 deux villages, en regard de l'Acte d'accusation?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Monsieur le Président, Mesdames les Juges, pour votre
25 information, je peux faire quelque chose: je pourrais éventuellement, pour
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1 chaque village dont il va être question, vous référer à des paragraphes de
2 l'Acte d'accusation. C'est de cette manière-là que vous pourrez mettre une
3 corrélation entre les documents et les paragraphes.
4 Par exemple, Sovici, on en parle au paragraphe n°9; c'est le contexte
5 général. Ensuite, au paragraphe 25, comme faisant partie de l'Article 1
6 "Persécutions". Ensuite, paragraphe 46, comme Chefs d'accusation 9 à 11:
7 "Tortures, mauvais traitements" des personnes qui ont été capturées à
8 Sovici et Doljani.
9 Ensuite, on parle de Sovici et Doljani au paragraphe 53: il s'agit du Chef
10 d'accusation 18: "Transferts de force des civils" comme violation grave
11 des conventions de Genève.
12 Ensuite, aux paragraphes 55 et 56, on parle des villages où des
13 destructions ont été commises, ainsi que la destruction de la mosquée.
14 Question: Merci. Je vous en prie, est-ce que vous voulez poser la pièce à
15 conviction n°2, la poser sur le rétroprojecteur pour pouvoir nous montrer
16 où se trouvent exactement Sovici et Doljani sur cette carte? Et ceci en
17 relation avec d'autres villes qui sont un peu plus grandes dans cette
18 région?
19 Réponse: Il y a Doljani, tout d'abord. Ensuite, Sovici. Vous voyez
20 également Jablanica, la ville un peu plus grande par rapport à d'autres
21 villages. Sovici et Doljani font partie de la municipalité de Jablanica.
22 Ensuite, vous voyez Sarajevo à 80 ou 90 kilomètres. Vous voyez également
23 Mostar qui est à une quarantaine de kilomètres au sud de Jablanica.
24 M. Stringer (interprétation): Merci.
25 Monsieur le Président, avec votre permission et à l'aide de la cabine
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1 technique, j'ai une cassette vidéo qui montre Sovici; elle dure environ 60
2 ou 70 secondes. Je vous propose de projeter cette cassette.
3 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.
4 (Projection de la cassette vidéo.)
5 M. Stringer (interprétation): Je vous en prie, soyez libre de commenter.
6 M. Van Hecke (interprétation): Oui. Vous voyez la vallée au nord-ouest de
7 Jablanica. On voit Sovici et Doljani. Aux alentours, les collines, le
8 village de Sovici en allant de l'est vers l'ouest, ou du sud-est au nord-
9 ouest. Donc Jablanica serait à droite de l'écran. Là, s'arrête à peu près
10 le village de Sovici.
11 Question: Ai-je le droit de dire que cette vidéo a été tournée depuis le
12 haut de la colline et non depuis l'hélicoptère?
13 Réponse: Oui, tout à fait. C'est depuis le haut de la colline, non de
14 l'hélicoptère.
15 Question: Donc nous allons en direction de Doljani à présent, donc du
16 nord-ouest vers le sud-est?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Que voit-on ici?
19 Réponse: C'était la mosquée de Sovici.
20 Question: Très bien. Monsieur Van Hecke, reportons-nous au classeur que
21 vous avez sous les yeux; peut-on, s'il vous plaît, consulter la pièce n°6?
22 Il s'agit d'une série de photos?
23 Vous trouverez également une carte au début de ce classeur. Vous avez eu
24 l'occasion de voir ces photos?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Si vous le pouviez, les photos 6.7 et 6.9, je souhaite que
2 l'huissier les place sur le rétroprojecteur. Tout d'abord 6.7, s'il vous
3 plaît.
4 (L'huissier s'exécute.)
5 Pourriez-vous nous dire ce que représente cette photo?
6 Réponse: Eh bien, vous voyez une partie de Sovici sur cette photo. Ici,
7 vous avez l'école de Sovici.
8 Question: Savez-vous pourquoi cette école est pertinente concernant les
9 charges contenues dans cette Acte d'accusation?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Pourriez-vous nous le dire?
12 Réponse: C'est l'endroit où, après la prise du village par le HVO, la
13 population a été emprisonnée.
14 Question: Peut-on à présent passer brièvement à la pièce 6.9? Dites-nous
15 brièvement ce qu'elle représente.
16 Réponse: On voit de plus près l'école de Sovici.
17 Question: Je vous remercie.
18 M. le Président (interprétation): Monsieur Stringer, il est nécessaire de
19 dire que ce bâtiment est le bâtiment de l'école; il faut décrire le
20 bâtiment de l'école: il ne suffit pas de dire simplement que c'est
21 l'école.
22 M. Stringer (interprétation): Veuillez m'excuser. Quand on a vu des
23 centaines de fois la même photo, on n'y songe même plus.
24 Monsieur Van Hecke, s'il vous plaît, pourriez-vous décrire le bâtiment
25 dont vous dites qu'il s'agit de l'école de Sovici?
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1 Réponse: 6.7 ou 6.9?
2 Question: La photo 6.7 puisqu'elle est déjà sur le rétyroprojecteur.
3 Réponse: Eh bien, un peu au-dessus du milieu de la photo, nous voyons un
4 bâtiment blanc qui porte un toit rouge. Il s'agit d'un grand bâtiment.
5 C'est le bâtiment de l'école de Sovici. C'est la pièce 6.7.
6 Question: Et la pièce 6.9, pourriez-vous la prendre, s'il vous plaît?
7 Réponse: La pièce 6.9, au milieu de la photo, nous voyons de nouveau un
8 bâtiment allongé, peint en blanc, portant un toit rouge: c'est de nouveau
9 l'école de Sovici.
10 Question: Merci.
11 C'était Sovici. La localité suivante s'appelle Doljani. Pourriez-vous,
12 s'il vous plaît, nous rappeler où se situe le village de Doljani sur la
13 carte?
14 Réponse: Nous voyons de nouveau la municipalité de Jablanica, un peu au
15 nord du centre de la carte. On voit Jablanica marqué en rouge sur la
16 carte, à l'ouest, très près de la frontière avec la municipalité de
17 Prozor.
18 Nous voyons tout d'abord Doljani et par la suite Sovici.
19 Question: Monsieur le Président, si vous me le permettez, je souhaite que
20 nous visionnions une autre vidéo qui nous représentera le village de
21 Doljani. Il s'agira de la pièce n°7.
22 (Projection de la cassette vidéo, pièce n°7.)
23 Réponse: Ceci a été enregistré depuis l'hélicoptère. A droite de l'écran,
24 c'est l'est. L'hélicoptère tourne.
25 M. Stringer (interprétation): Et l'endroit que nous voyons à l'écran,
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1 c'est un endroit de pisciculture? Une ferme de pisciculture? Pourriez-vous
2 nous dire pourquoi c'est pertinent?
3 M. Van Hecke (interprétation): C'était le quartier général de Mladen
4 Naletilic "Tuta" pendant…
5 M. le Président (interprétation): La défense?
6 M. Meek (interprétation): La défense de M. Naletilic a une objection quant
7 à la déposition de ce témoin au sujet de ce qu'il remarque sur la base des
8 documents et non sur la base d'autres éléments de preuve.
9 M. Stringer (interprétation): Pourriez-vous continuer votre description,
10 Monsieur Van Hecke?
11 M. Van Hecke (interprétation): Ici, on voit le village de Doljani. Le
12 grand bâtiment, c'est l'école de Doljani. La route mène à Sovici qui
13 trouve plus loin dans la vallée.
14 Question: On se dirige dans quelle direction?
15 Réponse: Nord-ouest à peu près.
16 Question: Ce serait en direction de quelle localité? Vers quelle localité?
17 Réponse: Derrière vous serait Jablanica et devant, en passant par Doljani,
18 Sovici plus loin dans la vallée.
19 M. Stringer (interprétation): Merci.
20 Monsieur le Président, au sujet de la dernière question, je ne suis pas
21 sûr d'avoir bien compris sur quoi se fondait l'objection.
22 Nous essayons tout simplement d'établir un lien entre les localités qui
23 sont montrées et les Chefs d'accusation qui figurent à l'Acte
24 d'accusation.
25 Si le témoin témoigne au sujet de ce qu'il a appris pendant son enquête,
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1 ce serait peut-être un témoignage de seconde main, mais je pense que c'est
2 tout à fait acceptable puisqu'on ne rejette pas en bloc et d'office des
3 témoignages de deuxième main.
4 Il ne s'agit pas du seul témoignage que vous devriez prendre en compte. En
5 fait, je pense que ce que je vais simplement essayer de savoir, c'est si
6 M. Van Hecke est au courant de l'importance de certaines choses par
7 rapport à l'Acte d'accusation afin d'établir un lien entre ce que nous
8 voyons et l'Acte d'accusation.
9 M. le Président (interprétation): Je devrais demander à la défense quel
10 est le fondement de cette objection que je n'ai pas tout à fait bien
11 comprise.
12 M. Meek (interprétation): Veuillez m'excuser, il y a un témoignage contenu
13 dans la première bande de Sovici et des déclarations de la part de ce
14 témoin au sujet des événements, au sujet desquels il prétend qu'ils se
15 sont produits. Ce témoin n'était pas présent en 1993, en avril de cette
16 année-là lorsque ces événements, les événements allégués dans cet Acte
17 d'accusation, se sont produits. C'est cela mon objection. Je comprends
18 qu'on peut admettre des déclarations, des témoignages de deuxième main
19 mais je pense que des conclusions ou des opinions ne sont pas appropriées
20 pour ce témoin.
21 M. le Président (interprétation): L'accusation?
22 M. Stringer (interprétation): En tant que chef d'équipe d'enquêteurs, il
23 me semble qu'il s'agit d'un témoin qui est tout à fait approprié pour se
24 référer à ce qui est allégué dans l'Acte d'accusation.
25 Je ne pense pas que la Chambre devrait s'en remettre à ce témoignage en
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1 considérant que c'est cela qui servira de fondement au jugement dans cette
2 affaire.
3 Nous avons un témoin qui est familiarisé avec l'Acte d'accusation, et il
4 est en position de vous dire comment certains endroits et certaines
5 localités entrent en relation avec l'Acte d'accusation. Il s'agit
6 simplement d'une manière d'établir un lien.
7 M. le Président (interprétation): Maître Meek, il me semble que le témoin
8 essaie de nous présenter des localités particulières qui nous concernent
9 dans cette affaire. Bien entendu, il n'était pas présent sur les lieux
10 lorsque les crimes allégués ont été commis, mais même des témoignages de
11 seconde main ont une certaine valeur probante devant Tribunal. Donc nous
12 rejetons votre objection.
13 M. Stringer (interprétation): Je vous remercie. Pour poursuivre avec
14 Doljani, je ne suis pas tout à fait sûr que la Chambre ait eu suffisamment
15 de temps pour bien voir la vidéo puisque l'objection a été soulevée. Nous
16 pourrions peut-être la visionner une deuxième fois, si vous le souhaitez?
17 M. le Président (interprétation): Non, veuillez poursuivre.
18 M. Stringer (interprétation): Monsieur Van Hecke, au sujet de Doljani
19 pourriez-vous, s'il vous plaît, vous reporter à un certain nombre de
20 photographies sous le n°8 dans votre classeur, au sujet de Doljani?
21 Avez-vous eu l'occasion de consulter ces photographies? Et si oui, pouvez-
22 vous nous dire de quoi il s'agit?
23 M. Van Hecke (interprétation): Oui, j'ai eu l'occasion de voir ces
24 photographies.
25 Question: Que représentent-elles?
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1 Réponse: Ces photographies nous montrent la vallée où se situe Doljani;
2 c'est une vue générale du village de Doljani. On voit l'école détruite.
3 C'est la pièce 8.4.
4 Question: Très bien. Peut-on à présent montrer sur le rétroprojecteur deux
5 photographies: 8.8 et 8.9?
6 Monsieur Van Hecke, pourriez-vous nous dire en quelques mots pourquoi cet
7 endroit est-il important par rapport à l'Acte d'accusation, si vous êtes
8 en mesure de le dire?
9 Réponse: Nous avons la pièce 8.8: c'est un bâtiment, on voit de l'eau
10 devant, il s'agit d'une ferme de pisciculture de Doljani. Il est allégué
11 qu'en avril 1993, il s'agissait du siège, du quartier général de M.
12 Naletilic.
13 Question: Très bien. Et la pièce 8.9?
14 Réponse: Nous voyons de nouveau les deux bâtiments, les mêmes avec de
15 l'eau devant. Il s'agit toujours de la même ferme de pisciculture, mais de
16 plus près.
17 Question: Merci. Il y a une chose sur les autres photographies qui devrait
18 être tout à fait précise au sujet des événements de Doljani. Il y a des
19 maisons ou le degré de destruction est très important, on le voit sur les
20 photographies. L'Acte d'accusation allègue des événements qui se sont
21 produits à Sovici et à Doljani en avril 1993. Vous êtes au courant des
22 opérations militaires qui se sont produites dans la même zone plus tard au
23 cours de 1993?
24 Réponse: Oui, il y a une attaque principale menée par l'armée de Bosnie-
25 Herzégovine, une contre-attaque en 1993 plus tard. Donc il y a des
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1 destructions qui n'ont pas nécessairement eu lieu en avril 1993.
2 Question: Pour que ce soit tout à fait clair, puisque vous connaissez
3 l'Acte d'accusation, l'Acte d'accusation allègue-t-il que M. Naletilic est
4 responsable des destructions qui se sont produites en juillet 1993?
5 Réponse: Non.
6 Question: Avant de poursuivre, Monsieur le Président, nous allons à
7 présent regarder la ville de Mostar. Nous allons retirer ces deux
8 photographies du rétroprojecteur. Nous allons nous reporter à la pièce
9 n°2, à savoir la carte, pour avoir une idée de l'endroit où se situe
10 Mostar. Et à présent, par rapport à Sovici et Doljani, pouvez-vous nous
11 indiquer où se trouve Mostar?
12 Réponse: Eh bien, nous avons Sovici et Doljani. Comme nous l'avons déjà
13 dit sur cette carte, à peu près à 12 ou 13 kilomètres se trouve Jablanica,
14 qui se trouve sur la route principale de Sarajevo à Mostar et, en allant
15 au sud de Jablanica, à 40 kilomètres à peu près, en allant au sud, à peu
16 près, on atteint Mostar.
17 Question: A de nombreux endroits dans l'Acte d'accusation, on parle de
18 Mostar. Si vous souhaitez, je peux les énoncer tous.
19 Sinon, de manière générale, ce que je peux dire, c'est que Mostar est
20 important en tant que l'endroit où se situe la ligne de confrontation et
21 où se sont produits un certain nombre de crimes allégués dans l'Acte
22 d'accusation, à savoir, au Chef 1, paragraphe 32, aux Chefs 2 à 8,
23 paragraphe 54 et également le "transfert de force civils depuis la partie
24 ouest de Mostar à travers la ligne de confrontation vers la partie est de
25 Mostar", ce qui est allégué dans le paragraphe 54 de l'Acte d'accusation
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1 en tant que partie du Chef d'accusation n°18.
2 Nous avons une photographie de la ligne de confrontation, de l'endroit où
3 se situe la ligne de confrontation…
4 Excusez-moi, je me reprends, Monsieur le Président. Je demanderai à M. Van
5 Hecke de nous dire ce que représente la pièce 11. C'est le centre de la
6 ville de Mostar. Monsieur Scott a évoqué cela dans son discours liminaire.
7 En nous aidant de la pièce P.11, je voudrais poser un certain nombre de
8 questions à M. Van Hecke.
9 Je voudrais qu'on place cela sur le rétroprojecteur. Je demande l'aide de
10 l'huissier.
11 Avant tout, Monsieur Van Hecke, avez-vous participé à la préparation de
12 cette carte?
13 Réponse: Non.
14 Question: Avez-vous eu l'occasion de voir la carte?
15 Réponse: Oui.
16 Question: A l'aide de cette carte et sur la base des allégations qui
17 figurent sur l'Acte d'accusation, pourriez-vous nous évoquer le plan de
18 Mostar et nous reporter à un certain nombre de sites?
19 Réponse: Nous avons le nord à droite et le sud à gauche. En haut, l'ouest
20 et, en bas, l'est.
21 Mostar est une ville qui se situe autour de la rivière Neretva. La partie
22 est de la ville, la rive est de la Neretva est essentiellement musulmane
23 et la rive ouest, qu'on appelle également la rive droite puisque la
24 rivière coule vers le sud, était mixte à l'époque qui a précédé le
25 conflit. Plutôt croate mais il y avait une présence considérable de
Page 1883
1 Bosniens.
2 Question: Vous avez parlé de la Neretva qui coule de droite à gauche.
3 Lorsque nous regardons cet écran et, en haut, ou plutôt à l'ouest, c'était
4 quoi déjà?
5 Réponse: C'était plutôt la partie croate.
6 Question: Avec une présence de la population musulmane?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Et la rive est?
9 Réponse: C'était majoritairement la population musulmane de Bosnie.
10 Question: L'Acte d'accusation énumère dans cette affaire, énumère un
11 certain nombre d'événements qui se sont produits le long de la ligne de
12 confrontation à Mostar. A l'aide de cette carte, si vous le pouvez, je
13 vous demanderai où était le tracé de la ligne de confrontation?
14 Réponse: Cette large partie jaune est un mont qui surplombe la ville. Vous
15 avez le Bulevar en bas et la ligne de confrontation longe le Bulevar
16 jusqu'à un square qui s'appelle "Square espagnol". La ligne de
17 confrontation tourne pour longer la rue Santica et elle continue jusqu'à
18 un pont… (l'interprète n'a pas saisi le dernier terme)… ou jusqu'à une
19 mosquée.
20 Question: Généralement parlant, c'est cette partie en jaune qui nous donne
21 l'idée de l'endroit où se trouvait la ligne de confrontation?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Pouvez-vous nous dire où étaient les positions des parties en
24 conflit?
25 Réponse: Sur cette carte, le HVO était positionné en haut par rapport à ce
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1 Bulevar et la rue Aleksa Santica; l'armée de Bosnie-Herzégovine était
2 stationnée ou positionnée en bas de ce Bulevar. En fait, la ligne de
3 confrontation longe le Bulevar et la rue Santica; en fait, les forces
4 opposées étaient à quelques mètres l'une de l'autre.
5 Question: Vous voulez dire que chacune de ces forces avait une petite
6 portion de terrain?
7 Réponse: Oui, l'armée de Bosnie-Herzégovine tenait la rive ouest.
8 Question: Très bien. Monsieur le Président, peut-on visionner à présent
9 une vidéo, la vidéo n°13? Je demanderai à M. Van Hecke de nous indiquer
10 ces positions.
11 (Projection de la cassette vidéo.)
12 Réponse: Vous voyez de nouveau Mostar. Vu d'en haut, on voit le mont Hum,
13 le Bulevar qui est au pied de la colline; le Bulevar va du sud au nord.
14 L'hélicoptère tourne vers le nord. Au fond, on voit le dispensaire; à
15 droite, on voit les bâtiments où étaient les positions de l'Armija. A
16 gauche, on longe le Bulevar; c'était à 15 mètres de distance. A gauche, on
17 voit le lycée, on voit le pont de Tito. La ligne de confrontation tourne à
18 gauche à travers une rue étroite, la rue Santica et, après, ce n'est plus
19 une ligne tout à fait droite. Au fond, elle va jusqu'à un pont.
20 Question: Nous avons toute une série de photographies qui ont été tirées
21 de cette vidéo. Nous pouvons les consulter: cela nous permettra
22 d'identifier ce site.
23 Monsieur Van Hecke, pourriez-vous vous reporter au n°14? C'est une série
24 de photographies. Tout d'abord, je vais vous demander de voir la pièce
25 14.3.
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1 A l'aide du pointeur, Monsieur Van Hecke, pouvez-vous nous montrer le
2 dispensaire? Il me semble que vous en avez parlé. Vous avez également
3 parlé du lycée? Pouvez-vous nous indiquer ces deux endroits et nous
4 décrire leur emplacement?
5 Réponse: Je suis en train de montrer le Dom Zdravnja, le dispensaire, qui
6 est un peu décalé par rapport au centre, plus haut que le centre. C'est un
7 bâtiment qui a une forme un peu spéciale, qui se trouve à la jonction de
8 deux rues.
9 Question: Et le lycée?
10 Réponse: Ça, c'est le grand bâtiment qui se trouve en bas de la
11 photographie.
12 Question: Monsieur le Président, puis-je demander au témoin d'entourer ces
13 deux bâtiments?
14 Pouvez-vous, s'il vous plaît, entourer le dispensaire? Pouvez-vous écrire
15 "HC" à côté et pouvez-vous à présent entourer le lycée? Je vous remercie.
16 A présent, Monsieur Van Hecke, revenons à la pièce n°11. C'est une carte
17 que nous avons déjà regardée il y a un instant. Pouvez-vous nous montrer
18 où se situent ces deux bâtiments sur la carte, s'il vous plaît?
19 Réponse: Le numéro 1, c'est le dispensaire et le 2, c'est le lycée.
20 Question: Donc les 1 et 2, ce sont les deux endroits qui se situent sur la
21 pièce 11?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Ce sont les mêmes endroits que sur la photographie?
24 Réponse: Oui, c'est exact. Le bâtiment rose, c'est le dispensaire et, en
25 haut et en bas de la photographie, le grand bâtiment, c'est le lycée.
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1 Question: La pièce suivante serait la pièce 14.5, s'il vous plaît. Pouvez-
2 vous décrire brièvement, s'il vous plaît, l'endroit que l'on voit sur la
3 14.5?
4 Réponse: On voit le dispensaire au cśur de la photographie, avec une
5 fontaine; il se trouve à la jonction de deux rues.
6 Question: Pour autant que vous le sachiez, l'Acte d'accusation mentionne-
7 t-il ces endroits? Vous savez ce qu'il en dit?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Pouvez-vous nous le dire?
10 Réponse: Il est allégué que M. Martinovic a commandé à un certain nombre
11 de ses hommes depuis ce centre et aussi qu'il y a des incidents qui se
12 sont produits ici le 17 septembre, ou à proximité de cet endroit.
13 Question: Le 17 septembre de quelle année?
14 Réponse: 1993.
15 Question: Monsieur le Président, cela nous amènerait aux paragraphes 41 et
16 42 de l'Acte d'accusation. Il s'agit des événements du 17 septembre 1993.
17 Monsieur Van Hecke, la photographie suivante, la photographie 14.7, s'il
18 vous plaît.
19 Très brièvement, pouvez-vous nous dire de manière générale de quoi il
20 s'agit, ce qu'elle représente?
21 Réponse: C'est une vue sur le Bulevar, vue du nord vers le sud. A gauche
22 de la photographie, on voit les positions qui, à l'époque, étaient tenues
23 par l'armée de Bosnie-Herzégovine. A droite de la rue, c'était les
24 positions du HVO. Au fond, on voit le mont Hum.
25 Question: Et la photographie 14.7? Où était-ce 14.17, s'il vous plaît?
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1 Pouvez-nous dire ce que représente cette zone? Et dites-nous quelle est la
2 relation avec la carte qui est la pièce P11?
3 Réponse: En haut, à droite de la photographie, on voit d'abord la rivière
4 Neretva. Au fond, à droite. Après la première vraie rue avec les maisons
5 endommagées, c'est la rue Aleksa Santica. C'est la suite de la ligne de
6 confrontation après le Bulevar à Mostar.
7 Question: Rapidement, pourriez-vous nous indiquer où cela se trouve sur le
8 plan de la ville, la P11?
9 Réponse: Oui, c'est l'endroit sous le n°6 sur le plan. C'est le grand
10 bâtiment que l'on voit ici. D'en haut de la 14.17, vers la droite: ça,
11 c'est la rue Aleksa Santica, en jaune.
12 Question: Donc la 14.17 nous montre la rue Aleksa Santica que nous voyons
13 également sur la pièce P11?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Peut-on passer à la pièce P14.19, s'il vous plaît? Je saute une
16 pièce. Pouvez-vous nous dire ce que représente la P14.19?
17 Réponse: C'est la même rue. C'est une photographie qui est prise d'une
18 autre direction, vue de l'est de Mostar. De gauche à droite, nous voyons
19 la rue Aleksa Santica; on voit beaucoup de destructions dans cette rue à
20 cause des activités militaires.
21 Question: Et en bas à gauche?
22 Réponse: On voit la rivière Neretva.
23 M. Stringer (interprétation): Merci.
24 Monsieur le Président, il est 16 heures. Je passerai à une autre localité
25 à présent ou nous suspendons nos débats?
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1 M. le Président (interprétation): Nous reprendrons demain matin à 9 heures
2 30.
3 (L'audience est levée à 16 heures.)
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