Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 8 mai 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 14 heures 18.)

3 (Audience publique.)

4 (L'accusé Martinovic est dans le prétoire, l'accusé Naletilic n'est pas

5 présent.)

6 (Questions relatives à la procédure.)

7 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, veuillez citer

8 l'affaire, s'il vous plaît.

9 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames

10 les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-98-34-T, le Procureur contre

11 Naletilic et Martinovic.

12 M. le Président (interprétation): Nous venons de remarquer que M.

13 Naletilic n'est pas ici aujourd'hui.

14 M. Krsnik (interprétation): Non, Monsieur le Président, nous non plus

15 n'avons pas été informés des raisons mais j'imagine qu'il ne doit pas se

16 sentir très bien.

17 M. le Président (interprétation): Oui, Madame la Greffière?

18 Mme Thompson (interprétation): J'ai reçu un coup de fil depuis l'Unité de

19 détention, et j'ai été informé qu'il allait se reposer cet après-midi

20 parce qu'il ne se sentait pas très bien.

21 M. le Président (interprétation): Bien, nous allons continuer nos travaux

22 sans la présence de M. Naletilic.

23 M. Krsnik (interprétation): Oui, Monsieur le Président, j'ai une

24 approbation d'ordre général de sa part nous autorisant à poursuivre,

25 chaque fois qu'il ne se sent pas bien, sans lui.

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1 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.

2 Monsieur l'huissier, faites donc entrer le témoin.

3 (Le témoin, M. Damir Zoric, est introduit dans le prétoire.)

4 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur le Témoin.

5 M. Zoric (interprétation): Bonjour.

6 M. le Président (interprétation): Veuillez nous donner lecture de la

7 déclaration solennelle, je vous prie.

8 M. Zoric (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir.

11 M. Zoric (interprétation): Merci.

12 M. le Président (interprétation): Maître Seric.

13 (Interrogatoire principal du témoin, M. Damir Zoric, par Me Seric.)

14 M. Seric (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président, j'avais

15 oublié de brancher mon micro.

16 Monsieur Zoric, une petite remarque avant de commencer, ainsi nous

17 pourrons suivre l'un l'autre.

18 Je précise que vos dires seront suivis par le service d'interprétation,

19 cela permettra à la Chambre, aux Juges de la Chambre et au Bureau du

20 Procureur de suivre ce que vous direz. Cela permettra également de noter

21 au compte rendu d'audience ce que vous aurez dit. Nous allons donc

22 ralentir notre débit mais nous n'allons ralentir au point être par trop

23 lents. Donc aux fins d'harmoniser le débit qui sera le nôtre, je précise

24 que vous pouvez voir sur le moniteur défiler le compte rendu d'audience,

25 et vous avez un gros carré noir qui défile et qui clignote quand il

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1 s'arrête. Vous le voyez?

2 M. Zoric (interprétation): Oui.

3 Question: Je vous demanderai donc de répondre une fois que ça s'arrêtera.

4 Je vous demande maintenant de donner une petite description relative à vos

5 coordonnées et ce que vous avez fait.

6 Réponse: Je suis Damir Zoric. Je suis né dans la localité de Grude en

7 Bosnie-Herzégovine. Ma famille a déménagé vers Zagreb. Je vis à Zagreb

8 depuis. Je suis marié, j'ai deux enfants. J'ai fait toutes mes classes à

9 Zagreb, donc mes classes élémentaires, mes classes secondaires, la faculté

10 de philosophie où j'ai passé un doctorat. J'ai fait des études d'histoire

11 et d'ethnologie; il s'agit d'un domaine de la science qui est appelée, en

12 occident, "Anthropologie culturelle". Je travaille à la même faculté

13 depuis 1986 dans le département scientifique. Et depuis 1991, j'ai assumé

14 des fonctions au Gouvernement de la République de Croatie, d'abord en

15 qualité de conseiller du vice-Président du gouvernement pour tout ce qui

16 est question culturelle et humanitaire. Et, c'était en août 1991 par la

17 suite, j'ai été l'un des fondateurs et le secrétaire principal du bureau

18 chargé des réfugiés, je suis resté à ces fonctions jusqu'en avril 1993.

19 Puis j'ai été élu au parlement, aux premières élections pour la Chambre

20 des provinces. Ce parlement avait deux chambres à l'époque, et la Chambre

21 des provinces, c'était le sénat de Croatie. Et en ma qualité de chef

22 d'opposition, j'ai été élu vice-Président de cette Chambre du parlement.

23 Vers la fin de 1995, je suis retourné accomplir les tâches afférentes aux

24 réfugiés et aux personnes expulsées de l'horlogerie. Puis, je suis devenu…

25 J'étais vice-Président, puis Président de ce département chargé des

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1 réfugiés. J'ai accompli ces tâches pendant un peu moins de deux ans. Puis

2 j'ai été nommé par le gouvernement aux fonctions de directeur des fonds de

3 pension. Et en février, ou plutôt janvier 1999, j'ai été nommé aux

4 fonctions de représentant ou plutôt d'ambassadeur à Sarajevo en Bosnie-

5 Herzégovine, et j'ai assumé ces fonctions jusqu'au 1er novembre de l'an

6 2000. Depuis lors, je vis à nouveau à Zagreb et je travaille pour une

7 compagnie privée.

8 Question: Pendant votre mandat au parlement, dites-nous d'abord quel avait

9 été le parti dont vous étiez membre?

10 Réponse: J'étais membre du parti d'opposition, du plus grand parti

11 d'opposition, qui en 1991/1992 faisait partie du gouvernement avec tous

12 les autres partis. Mais à l'époque où j'avais été élu, ce parti avait été

13 à la tête de l'opposition en Croatie.

14 Question: Merci beaucoup. Pendant votre mandat au parlement, parce que ce

15 sont précisément les années qui nous intéressent, je voudrais savoir s'il

16 y a eu des décisions, décisions quelconques prises par le parlement

17 s'agissant de l'Etat de Bosnie-Herzégovine?

18 Réponse: Je ne sais pas si le parlement adoptait des décisions de type

19 opérationnelles. Les décisions qui avaient été prises avaient toujours été

20 des décisions afférentes à la réception de certains rapports concernant ce

21 qui avait été convenu ou signé entre les deux Etats, voire rapports sur la

22 façon dont évoluaient certains processus.

23 Les décisions relatives à la reconnaissance mutuelle avaient déjà été

24 adoptées avant mon arrivée au parlement. Je ne sais pas de quelle décision

25 vous êtes en train de parler.

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1 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur le Procureur?

2 M. Poriouvaev (interprétation): Monsieur le Président, je crois qu'il y a

3 eu une erreur technique, mais je n'arrive pas à retrouver au compte rendu

4 d'audience quel avait été le nom de ce parti dont était membre M. Zoric?

5 M. le Président (interprétation): Oui.

6 M. Seric (interprétation): Peut-être pourriez-vous tirer la chose au clair

7 pour nous?

8 M. Zoric (interprétation): Ce parti s'appelait le Parti libéral croate,

9 socio-libéral. C'était un parti qui avait été fondé, créé en Croatie parmi

10 les tous premiers partis mis en place en 1989, et j'ai compté parmi les

11 fondateurs.

12 Question: Merci. Quand je parlais des décisions du parlement, je n'avais

13 aucune décision concrète mais, compte tenu des relations intenses qui

14 avaient cours entre les deux Etats en question, je voulais savoir s'il y

15 avait eu des décisions ou des débats, précédant la prise de quelque

16 décision, où il aurait été fait état d'un respect ou d'un manque de

17 respect de l'un des Etats à l'égard de l'autre?

18 Réponse: Tous ces débats, tous ces accords et décisions adoptés au

19 parlement de Croatie avaient trait aux relations de cet Etat avec la

20 Bosnie-Herzégovine. Les décisions prises étaient publiques; elles étaient

21 publiées au Journal Officiel. Je ne pense pas qu'il y ait eu de décision

22 qui aurait pu témoigner d'un manque de respect quelconque à l'égard de

23 l'autre Etat. Au contraire, les décisions prises visaient ou les efforts

24 déployés visaient à aménager les relations entre la République de Croatie

25 et la République de Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire aménager les

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1 relations d'un Etat avec un autre Etat.

2 Question: Y avait-il eu des accords tripartites dont il avait été débattu

3 au sein du parlement concernant quelques questions litigieuses entre les

4 deux Etats, par exemple les questions afférentes aux frontières?

5 Réponse: Pour autant que je le sache, la République de Croatie a, avec la

6 Bosnie-Herzégovine, un maximum d'accords signés entre deux Etats. Il n'y a

7 pas d'autre Etat avec lequel nous ayons eu autant d'accords. Bien entendu,

8 entre la signature et la ratification, il s'écoule chaque fois du temps;

9 certains de ces accords ont été ratifiés et d'autres pas, de part ou

10 d'autres. Je précise que c'est avec cet Etat que nous avons le plus grand

11 nombre d'accords de signés. La République de Croatie a, en effet, un

12 accord relatif aux frontières de signé. Cet accord a été signé lors d'une

13 session du pacte de la stabilité en 1999, début août. C'est le seul accord

14 de ce type qu'aient signé deux Etats découlant du démantèlement de l'ex-

15 Yougoslavie; et je ne pense pas qu'il y a un autre Etat de cette ex-

16 Yougoslavie qui ait réussi à aménager ce type de question.

17 Au fil de ces activités et négociations, ces deux Etats ont signé l'accord

18 en question. L'accord a été signé par les Présidents Tudjman et

19 Izetbegovic.

20 Question: Monsieur Zoric, le parlement a adopté la Constitution de la

21 République de Croatie et, en votre qualité de député à l'époque, je

22 voudrais savoir quelles avaient été les obligations de la République de

23 Croatie à l'égard des Croates résidant en Bosnie-Herzégovine?

24 Réponse: La Constitution, par l'un de ses articles -je crois que c'est

25 l'article n°10, je ne suis pas sûr mais je pense que c'est le n°10- a

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1 précisé que la République de Croatie était tenue de veiller sur les

2 Croates résidant à l'extérieur de la République de Croatie. Et les Croates

3 résidant en Bosnie-Herzégovine étaient englobés puisque la Bosnie-

4 Herzégovine est hors de la Croatie. Cela avait trait également par exemple

5 aux Croates résidant en Vojvodine ainsi qu'aux Croates résidant par

6 exemple en Italie.

7 Question: Docteur Zoric, avez-vous des connaissances, quelles qu'elles

8 soient, au sujet de transcripts d'entretiens du Président Tudjman?

9 Réponse: Cela avait été un grand sujet traité par les médias. Ce que j'en

10 sais, c'est ce qu'en sait la moyenne des citoyens croates, avec toutes les

11 controverses qui ont suivi les récits afférents à ces transcriptions; je

12 ne puis en dire que ce que j'ai appris à ce sujet au niveau des médias, ou

13 alors de ce que j'en sais du point de vue législatif pour ce qui est du

14 traitement à réserver à ce type de document.

15 Question: Est-ce que vous pouvez nous en parler, je vous prie?

16 Réponse: Cette question est aménagée en Croatie par une loi. Je ne sais

17 pas comment s'appelle cette loi; je crois que c'est une loi afférente à la

18 protection de la documentation et des archives. Il y a une réglementation

19 qui parle de la confidentialité de ce type de renseignements ou de

20 documents de ce genre. Je crois donc qu'il doit y avoir une procédure

21 déterminée qui est probablement la procédure usuelle adoptée par les Etats

22 pour ce qui est de la réglementation de cette matière.

23 Pour autant que je le sache, le gouvernement actuel, suite à tout ce qui

24 s'est passé à ce sujet, a fini par décider de placer cette documentation

25 sous protection et ce, sur une période de vingt ou trente ans, et je crois

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1 que la documentation doit être gérée conformément à la Constitution en

2 vigueur.

3 M. Seric (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous dire, compte tenu

4 des débats qui se sont déployés au niveau du parlement, s'il y a une

5 décision à ce sujet?

6 M. Zoric (interprétation): Eh bien, pour certaines raisons, selon ce qui a

7 été publié par les médias ou au cours des contacts privés que j'ai eus

8 avec des collègues au niveau du parlement, je sais qu'il y a des membres

9 du parlement qui suggèrent...

10 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur le Procureur.

11 M. Poriouvaev (interprétation): Peut-être le témoin devrait-il nous

12 apporter des éclaircissements concernant la période à laquelle la

13 législation en question a été adoptée, étant donné que la Croatie est un

14 Etat nouvellement créé?

15 M. le Président (interprétation): Oui, en effet, Maître Seric. Je vous

16 demande de poser une question au témoin pour nous apporter des

17 éclaircissements.

18 Mme Clark (interprétation): Excusez-moi, Maître Seric. Est-ce que vous-

19 même ou Me Krsnik avez l'intention de faire venir un témoin qui nous

20 parlerait de dates et d'intitulés des lois adoptées, parce que le témoin

21 ici présent nous parle de renseignements qu'il s'est procurés par les

22 médias, ce qui n'est pas tout à fait une source fiable.

23 M. Krsnik (interprétation): Vous savez, Madame la Juge, que nous avons

24 évité les médias et ce que disaient les médias pour ce qui est de la

25 présentation des éléments de preuve, et nous avons ici un député au

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1 parlement. Il y a donc des comités au niveau du parlement qui ont débattu

2 de ces questions. Peut-être faudrait-il patienter un peu et voir venir les

3 raisons pour lesquelles certaines choses se sont passées?

4 Et la chose la plus importante, chose que la défense affirme depuis le

5 début, c'est que ces transcripts présidentiels sont arrivés ici d'une

6 façon illicite. Mais je ne vais pas anticiper.

7 Mme Clark (interprétation): Oui, peut-être, mais ce témoin a honnêtement

8 reconnu qu'il ne savait rien de précis.

9 Mais si vous allez faire venir un autre témoin à ce sujet, nous n'allons

10 pas exercer de pression sur ce témoin pour qu'il se rappelle de tout.

11 M. Krsnik (interprétation): Madame la Juge, ce témoin a des connaissances

12 suffisantes et personnelles à ce sujet, mais je crois qu'il faudrait peut-

13 être patienter et l'entendre au sujet ce que le parlement a débattu.

14 Mme Clark (interprétation): Il a dit lui-même, Maître Krsnik et Maître

15 Seric, qu'à plusieurs reprises les médias étaient sa seule source

16 d'information. J'avais donc peut-être eu raison de dire que j'espérais

17 avoir ici quelqu'un qui serait capable de nous parler de ces questions-là

18 de façon directe et en tant qu'initié.

19 M. Seric (interprétation): Monsieur Zoric, nous allons vous demander la

20 chose suivante: est-ce que vous avez des connaissances personnelles au

21 sujet des transcripts présidentiels, leur destinée et le fait qu'il

22 s'agisse d'une information de deuxième main, pour ce qui vous concerne?

23 M. Zoric (interprétation): Laissez-moi expliquer. Cette loi s'appelle "loi

24 relative à la protection des archives", et il y en a une autre qui traite

25 de la confidentialité, à savoir du secret d'Etat, du secret de service et

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1 ainsi de suite. Je sais à peu près comment s'appelle cette loi et je sais

2 plus ou moins où le texte de cette loi pourrait être recherché pour qu'il

3 soit présenté à la Chambre.

4 Indépendamment de ce qui a été publié par les médias, cela n'est pas une

5 question qui avait été considérée comme étant d'importance politique de

6 premier ordre. Aussi les personnes avec lesquelles je m'étais entretenues

7 -des personnes qui sont des amis ou qui sont hautement cotés au niveau du

8 parlement et de ses différents comités, par exemple le comité chargé de la

9 nationale- avaient insisté sur respect de la loi. Et je crois que c'est la

10 raison pour laquelle il avait été demandé au gouvernement de prendre des

11 décisions pour que ces documents-là soient archivés conformément à la

12 législation en vigueur.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous

14 dire quand cette législation a été adoptée?

15 M. Zoric (interprétation): Après sa reconnaissance, la Croatie a déployé

16 des activités législatives très intenses, et ces lois-là ont été adoptées

17 du temps du gouvernement précédent. Je ne sais pas vous dire au juste

18 quand, mais il doit y avoir sept ou huit ans que ces lois ont été adoptées

19 et cela avant que les archives en question ne deviennent un sujet

20 hautement prisé par les médias, comme c'est le cas dernièrement. Ce ne

21 sont pas des lois qui ont été adoptées par la nouvelle majorité

22 parlementaire, actuelle, mais par la majorité parlementaire précédente.

23 M. Seric (interprétation): Merci beaucoup, je crois que nous pouvons peut-

24 être avancer.

25 Etant donné que vous avez activement pris part, en votre qualité de député

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1 au parlement aux activités de cet organe législatif, au sommet, je

2 voudrais que vous disiez à la Chambre quelle avait été la politique du

3 parlement à l'égard de la Bosnie-Herzégovine, et nous dire de quelle façon

4 cette politique s'était traduite, notamment à l'époque où vous étiez

5 député au parlement. Je parle des années 1992, 1993. Je voudrais donc vous

6 demander de vous centrer sur cette période.

7 M. Zoric (interprétation): Je suis devenu député en 1993. Le parlement,

8 conformément à sa procédure et à la législation ainsi qu'à la

9 Constitution, avait adopté des déclarations, des conclusions très variées

10 ainsi que des décisions qui étaient adressées à l'intention du

11 gouvernement.

12 Tous les débats qui avaient eu lieu visaient, au bout parfois de périodes

13 de temps prolongées, à aboutir à un consensus parce que les gens avaient

14 conscience du fait -indépendamment du côté duquel ils se trouvaient au

15 niveau du parlement- que les conseils en question étaient d'une importance

16 très grande et on s'efforçait d'harmoniser les positions. L'effort visait

17 donc à procéder à des concertations. Ce qui fait que l'on avait toujours

18 parlé de relations entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine.

19 S'agissant des sujets qui grevaient la réflexion politique ou la

20 situation, l'un ou l'autre de ces deux pays pendant la guerre, notamment,

21 il avait toujours été précisé comme devant être résolus de façon... enfin,

22 par concertation et éventuellement avec médiation de la communauté

23 internationale, de façon à ce que les peuples constitutifs de Bosnie-

24 Herzégovine aménagent leurs relations sur pied d'égalité s'agissant autant

25 de Musulmans Bosniens et Croates.

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1 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire, étant donné que la question a

2 été soulevée à bon nombre de fois pendant les débats, quelles avaient été

3 les relations, ou plutôt quelle était l'attitude du HDZ qui était le parti

4 au pouvoir par rapport aux décisions qui avaient été prises au niveau du

5 parlement?

6 Réponse: Oui, ils avaient la majorité et, puisqu'ils avaient la majorité,

7 ils avaient la possibilité de prendre certaines décisions de façon

8 autonome. Toutefois, dans toute une série de cas qui s'étaient avérés être

9 d'une importance tout à fait particulière, l'on s'efforçait notamment de

10 parvenir à un consensus lors des concertations. Bien entendu, ils n'ont

11 pas toujours prêté une oreille attentive à ce que nous disions mais,

12 s'agissant de la plupart de ces questions et notamment les questions dont

13 nous sommes en train de parler, je crois que c'était effectivement le cas.

14 Toutes ces lois qui étaient adoptées à l'époque avaient été des lois

15 adoptées par consensus -je ne pense pas qu'il se soit agi de lois- ou qui

16 avaient été adoptées par la majorité du moment.

17 M. Seric (interprétation): N'avait-il pas été l'objectif du parlement de

18 mettre en place des relations très étroites entre la République de

19 Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la communauté croate d'Herceg-Bosna,

20 notamment puisque vous êtes né en Bosnie-Herzégovine? Je voudrais donc que

21 vous nous disiez s'il y avait eu des débats au parlement pour ce qui est

22 de la reconnaissance de la communauté croate d'Herceg-Bosna ou la

23 reconnaissance de la particularité des territoires.

24 M. Zoric (interprétation): Non, nous savions très bien où se trouvait la

25 frontière entre les deux Etats. Nous savions très bien ce qu'était la

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1 République de la Croatie et ce qu'était la Bosnie-Herzégovine et,

2 s'agissant de la coopération des relations plus ou moins proches, je crois

3 que ces relations avaient été plus ou moins normales parce que le monde

4 entier s'efforce d'avoir des relations les plus étroites possibles, et

5 d'avoir une coopération notamment dans les régions frontalières,

6 coopération des plus importantes.

7 Je ne pense pas savoir qu'il y ait eu de papiers ou documents officiels

8 qui auraient été adoptés par le parlement et où il serait question d'une

9 organisation interne au sein de la Bosnie-Herzégovine. Tel le cas,

10 notamment, de l'organisation des Croates en Bosnie-Herzégovine qui aurait

11 été reconnue de façon particulière.

12 Nous avons toujours parlé de la République de Croatie et de la République

13 de Bosnie-Herzégovine, puis des peuples vivant au sein de ces deux

14 Républiques en parlant de catégories constitutives. On avait dit que les

15 catégories prévues par la Constitution étaient celles des Croates, des

16 Bosniens ou Musulmans, et des Serbes. Nous avons donc parlé de la

17 nécessité de faire en sorte que ces catégories parviennent à des solutions

18 mutuellement acceptables pour les uns et les autres, et les tiers.

19 Je tiens aussi à dire que les mêmes efforts avaient été déployés par la

20 communauté internationale ainsi que par tous les médiateurs internationaux

21 qui étaient venus pour intervenir, tant en Croatie qu'en Bosnie-

22 Herzégovine, voire au niveau de ces deux pays en même temps, et ce partant

23 de M. Vance qui avait été envoyé spécial à l'époque, puis M. Herbert

24 Ochem(phon.), puis Cutilliero, Vance-Owen, Stoltenberg et ainsi de suite.

25 En 1991 et en 1992 j'ai eu l'opportunité de prendre part aux travaux de

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1 réunions de ce type parce que j'avais été membre de la première commission

2 gouvernementale chargé de la coopération avec la Forpronu, à l'époque où

3 la Forpronu était commandée par le général Satish Nambiar, c'est la raison

4 pour laquelle je sais parfaitement bien dans quelle direction les conseils

5 des médiateurs internationaux étaient dirigés.

6 M. le Président (interprétation): Bien. Je comprends que vous ayez la

7 volonté de témoigner, mais si le conseil de la défense a besoin d'autant

8 d'informations il vous posera des questions appropriées. Je vous

9 demanderai donc de vous concentrer sur les questions qui vous ont été

10 posées par le conseil de la défense.

11 Mme Clark (interprétation): Je voudrais vous demander, Monsieur Zoric,

12 quand est-ce que vous êtes devenu, en 1993 exactement, membre de ce parti

13 de l'opposition? Quel mois?

14 M. Zoric (interprétation): Je ne suis pas devenu membre d'un parti

15 d'opposition en 1993, mais en 1989.

16 Mme Clark (interprétation): Mais quand êtes-vous devenu membre élu au

17 parlement ou député au parlement? Vous nous en avez parlé, mais je crois

18 que vous avez dit en 1993; mais quand?

19 M. Zoric (interprétation): Au mois d'avril; c'est là qu'ont eu lieu les

20 élections.

21 M. Seric (interprétation): Monsieur Zoric, nous allons maintenant aborder

22 un sujet qui vous est familier, votre département concernant les personnes

23 expulsées et les réfugiés.

24 Veuillez nous dire ce qui est arrivé, à la lumière du nombre considérable

25 de personnes expulsées et de réfugiés. Comment la République de Croatie et

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1 ses organes ont-ils traité les réfugiés et les personnes expulsées, tout

2 d'abord de la République de la Croatie même? Et puis, nous allons aborder

3 plus précisément le problème des personnes venant de Bosnie-Herzégovine.

4 M. Poriouvaev (interprétation): Est-ce que le conseil de la défense

5 pourrait peut-être sérier quelque peu les questions parce qu'il s'agit là

6 d'une question très longue et très complexe?

7 M. le Président (interprétation): Oui, je suis d'accord, et je propose au

8 conseil de la défense de se concentrer sur les réfugiés venant de Bosnie-

9 Herzégovine.

10 M. Seric (interprétation): Très bien, Monsieur le Président. C'était mon

11 intention mais je voulais commencer au début du fonctionnement de ce

12 département pour voir s'il y avait des différences de traitement. C'était

13 donc pour préparer mes questions suivantes.

14 Monsieur Zoric, parlons donc de l'institution, de la création de ce

15 département consacré aux personnes expulsées et aux réfugiés.

16 M. Zoric (interprétation): En Croatie, il existait un service qui faisait

17 partie du ministère de l'Assistance publique, un service qui était assez

18 petit, qui devait venir en aide aux personnes expulsées après le début de

19 l'agression contre la République croate.

20 Toutefois, en été 1991 déjà, le nombre de personnes concernées était déjà

21 grand et ne cessait d'augmenter. Il est donc devenu manifeste qu'il

22 fallait mettre sur pied un service ou un département spécialisé dans les

23 meilleurs délais. Nous n'avions aucune expérience en la matière, nous ne

24 savions pas comment mener à bien cette tâche et nous ne nous attendions

25 pas à ce que le phénomène prenne une telle ampleur.

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1 Ainsi, en automne 1991, nous avons commencé à préparer la création d'un

2 bureau ou d'un département spécialisé qui ferait partie intégrante du

3 gouvernement. On m'a demandé de participer à la création de ce

4 département, j'ai accepté cette mission. Donc nous nous sommes basés sur

5 les bureaux qui existaient déjà dans chaque municipalité, qui se

6 consacraient à l'assistance publique, et nous leur avons demandé de mettre

7 l'accent, de se consacrer aux problèmes des personnes expulsées, des

8 réfugiés de la République croate.

9 Puis, nous avons mis sur pied des bureaux régionaux en fonction du nombre

10 de personnes expulsées et des réfugiés, là où les nombres étaient les plus

11 grands. Nous avons ainsi créé une vingtaine de bureaux régionaux qui ne se

12 recoupaient pas exactement avec la structure territoriale de la Croatie

13 qui est divisée en comtés, en provinces. Ils étaient organisés sur la base

14 de leurs fonctions et non pas sur la base territoriale. Nous avons donc

15 créé des bureaux régionaux là où il y avait un très grand nombre de

16 personnes expulsées et de réfugiés.

17 En 1992, la Croatie comptait environ 250.000 personnes déplacées à

18 l'intérieur même du pays. Après la prise de Vukovar, en l'espace d'une

19 seule nuit, plus de 20.000 personnes sont arrivées à Zagreb. Nous étions

20 déjà en hiver, c'était fin novembre. Nous avons pu les héberger dans des

21 hôtels, et puis nous avons essayé de les héberger dans les locaux de

22 l'assistance publique. Mais cela s'est avéré très difficile parce que,

23 n'est-ce pas, il y a quand même quelques différences entre un appartement

24 de l'Etat et, par exemple, une chambre à l'hôtel Intercontinental!

25 Au mois de mars, au printemps 1992 donc, nous avions déjà environ 20.000

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1 réfugiés en provenance de Bosnie-Herzégovine. A l'époque, nous avions déjà

2 le bureau, les services du HCR -du Haut-Commissariat des Nations Unies

3 pour les Réfugiés-, puis l'Organisation internationale des migrations a

4 également ouvert un bureau sur place, et ce fut aussi le cas de la plupart

5 des organisations internationales humanitaires. Nous avons essayé

6 d'assurer la coordination entre l'aide que nous apportions et leur

7 assistance humanitaire.

8 La Croatie avait déjà adopté un certain nombre de règlements régissant les

9 droits des personnes déplacées, des réfugiés. Le droit international

10 distingue entre les personnes qui se voient accorder le statut de réfugié

11 et les personnes qui ont le statut de personne déplacée. Le HCR nous a

12 conseillés à ce sujet. Comme je l'ai déjà dit, nous n'avions aucune

13 expérience en la matière. Nous avons très bien collaboré avec le HCR. J'ai

14 mis à leur disposition mon bureau, nos locaux. Nous avons d'ailleurs

15 travaillé dans le même immeuble pendant un certain temps.

16 Et puis, à un moment donné, en 1993, lorsque la crise s'est encore

17 intensifiée grâce aux opérations qui se sont intensifiées en Bosnie-

18 Herzégovine, nous avons dû nous séparer, occuper différents locaux. Mais

19 au départ, nous avons travaillé dans le même immeuble et l'OIM

20 -l'Organisation internationale des migrations- a également travaillé dans

21 le même immeuble.

22 En mars 1992, la Croatie comptait environ 20.000 réfugiés provenant de

23 Bosnie-Herzégovine, des régions où les Serbes de Bosnie avaient créé leurs

24 régions autonomes, c'est ainsi qu'ils les nommaient. Et dans ces régions

25 autonomes, ils ont expulsé tous les habitants non serbes, c'est-à-dire les

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1 Musulmans et les Croates. Il y avait à l'époque environ 70% de Musulmans

2 et 30% de Croates, ce qui reflétait la composition ethnique de la

3 population dans des régions telles que Prijedor, Bosanska Dubica, et

4 d'autres régions au nord-ouest de la Bosnie.

5 M. le Président (interprétation): Je regrette de vous interrompre, mais je

6 pense que votre réponse est trop longue. Le conseil de la défense va vous

7 orienter en vous posant une question après l'autre. Donc nous en

8 arriverons à ces autres questions par la suite.

9 M. Seric (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Mais puisque le

10 témoin a sans doute déjà une très bonne idée des questions que j'ai

11 l'intention de lui poser, eh bien, il a déjà répondu à une dizaine de

12 questions que j'avais l'intention de lui poser. En fait, il nous a donc

13 permis de gagner du temps.

14 Veuillez nous dire, Monsieur le Témoin, comment la République croate et

15 votre département ont traité les réfugiés provenant de Bosnie-Herzégovine?

16 Comment les ont-ils hébergés et où? Et est-ce qu'ils ont bénéficié d'une

17 égalité de traitement?

18 M. Zoric (interprétation): Tout d'abord, on les a logés dans les immeubles

19 où étaient déjà hébergées les personnes déplacées venant de la Croatie

20 même, mais au printemps 1992 nous n'avions plus de logements disponibles,

21 et le nombre de personnes en provenance de Bosnie-Herzégovine ne cessait

22 d'augmenter.

23 Comme je l'ai déjà dit, au mois de mars, nous avions un peu moins de

24 20.000 réfugiés et, un mois plus tard, ce nombre s'élevait à 200.000

25 réfugiés venant de Bosnie-Herzégovine. En l'espace d'un mois seulement,

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1 environ 180.000 personnes ont afflué en Croatie. Au mois d'août, ce

2 chiffre s'est élevé à près de 370.000 réfugiés. Et ce sont des

3 informations qui pourront être confirmées par les organisations

4 internationales.

5 Donc, dans de telles conditions, il est devenu très difficile de donner à

6 tout le monde des logements adéquats.

7 Puis, nous avons commencé à construire un certain nombre de projets de

8 logements en Croatie avec l'aide de la communauté internationale et en

9 collaboration avec le HCR. Mais, conformément à la loi, toutes ces

10 personnes ont bénéficié du même traitement et jouissaient des mêmes

11 droits.

12 Question: Nous avons entendu certains témoins nous dire que leur

13 hébergement, par exemple sur l'île de Obonjan, ressemblait, à peu de chose

14 près, à un camp.

15 M. Poriouvaev (interprétation): Objection. Je n'ai jamais entendu quelque

16 témoin que ce soit parler d'Obonjan ici même dans cette salle d'audience.

17 M. le Président (interprétation): Je crois que ce centre de réfugiés sur

18 style a été mentionné dans le cadre de l'interrogatoire principal, des

19 interrogatoires principaux, dans le cadre de la présentation des moyens à

20 charge. Mais je ne me souviens pas que ce centre ait été assimilé à un

21 camp.

22 Ainsi, Maître Seric, voudriez-vous poser une question générale à ce témoin

23 concernant les conditions qui prévalaient dans ce centre de réfugiés sur

24 cette île?

25 M. Seric (interprétation): Très bien, c'est ce que j'ai l'intention de

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1 faire. Ce sera bien plus simple.

2 Pourriez-vous nous décrire comment se présentaient les logements,

3 notamment sur l'île d'Obonjan?

4 M. Zoric (interprétation): Oui, je peux vous décrire cela, mais je suis

5 bien d'accord avec tous ceux qui affirment que le fait d'être réfugié, eh

6 bien, c'est une situation fort difficile et désagréable. Il s'agit de

7 personnes qui ont été expulsées. En raison de souffrances aiguës ou de

8 terribles tragédies ou en raison de leur peur, ces personnes ont dû

9 chercher refuge ailleurs. J'ai entendu certaines personnes dire que nous

10 avions mis sur pied un camp, mais cela n'a aucun sens parce qu'une

11 personne qui vient, qui se déplace de son propre gré, ce n'est pas du tout

12 la même chose qu'une personne qui est emmenée par la force, par la

13 contrainte.

14 Nous n'étions pas très heureux de voir toutes ces personnes affluer, mais

15 nous étions bien obligés de nous occuper.

16 M. Poriouvaev (interprétation): Est-ce que nous pourrions avoir des dates

17 plus précises? Quelle est la période à laquelle le témoin fait allusion?

18 1992, 1993 ou plus tard?

19 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Seric, est-ce que vous

20 voudriez bien poser certaines questions pour nous préciser la période

21 concernée?

22 M. Seric (interprétation): Le témoin l'a spécifié tout à l'heure: il a

23 parlé de la période exacte au cours de laquelle 370.000 réfugiés sont

24 arrivés en Croatie, en provenance de Bosnie-Herzégovine. Il a parlé

25 d'avril 1993.

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1 M. Zoric (interprétation): Oui, mais c'était en déjà en 1992.

2 M. Seric (interprétation): Oui, mais vous avez évoqué un chiffre qui avait

3 trait à l'année 1993. Mais, bon, veuillez répéter ce que vous avez dit.

4 M. Zoric (interprétation): Au mois de mars 1992, le nombre de réfugiés en

5 provenance de Bosnie-Herzégovine s'élevait à 20.000 ou un petit peu moins.

6 Donc ces réfugiés venaient des régions où les Serbes de Bosnie avaient

7 expulsé des gens parce qu'ils avaient créé leur région autonome, les

8 Régions autonomes serbes de la Krajina. Mais en l'espace d'un seul mois,

9 ce chiffre a atteint 200.000. Et au mois d'août, le chiffre s'élevait à

10 370.000. Donc on voit bien que le nombre de réfugiés a augmenté très

11 rapidement et cela correspond à la période au cours de laquelle les

12 opérations militaires dans la région se sont intensifiées. Avec le beau

13 temps, la guerre s'est encore intensifiée.

14 Nous avons dû ainsi nous occuper d'environ 300.000 personnes qui étaient

15 déplacées à l'intérieur même de la République de Croatie. Cela nous a mis

16 dans une situation très difficile, qui était presque impossible de gérer.

17 Qui plus est, au tout début, nous ne bénéficiions pas d'assistance

18 internationale. Les représentants de la communauté internationale, et je

19 ne voudrais pas dévaloriser leur contribution, leur aide, mais je pense

20 dire la vérité en disant qu'au départ, ils sont venus en petite

21 délégation, ont observé la situation, ont rédigé des rapports à

22 l'attention de leurs supérieurs. Mais il fallait agir, il fallait trouver

23 des logements, nourrir toutes ces personnes, leur donner des soins

24 médicaux, permettre à leurs enfants d'aller à l'école. Donc il fallait

25 organiser tout cela et nous n'aurions jamais pu parvenir à nos fins si

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1 nous n'avions pas compté sur la solidarité de toute la population. Toutes

2 les régions près de la frontière…

3 M. le Président (interprétation): L'accusation souhaite prendre la parole?

4 M. Poriouvaev (interprétation): Oui, je crois que nous nous éloignons

5 quelque peu du sujet: l'île d'Obonjan.

6 M. le Président (interprétation): En effet, Maître Seric, si vous avez

7 encore des questions concernant cette île d'Obonjan, veuillez les poser.

8 M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, j'ai un tempérament

9 quelque peu différent de celui de Me Krsnik, mais le Procureur a demandé

10 au témoin de revenir sur ce qu'il avait déjà dit. Maintenant, il essaie de

11 me dicter la façon dont je devrais procéder et donc d'en venir tout de

12 suite à la question d'Obonjan. Je crois qu'il a raison d'ailleurs: alors

13 que moi je voulais en venir au but, c'est lui qui est intervenu pour me

14 demander, pour dire qu'il voulait en savoir plus sur la période concernée.

15 Bref, est-ce que vous pourriez nous en dire plus sur les conditions

16 d'hébergements sur l'île d'Obonjan? Quels étaient les moyens de

17 communication et les moyens de transport entre l'île et la terre ferme?

18 M. Zoric (interprétation): Il ne s'agissait pas d'une... il ne s'agit pas

19 d'une grande île. On l'appelait le "septième continent" situé non loin de

20 la côte près de Sibenik. Il y avait quelques immeubles, quelques bâtiments

21 où l'on pouvait loger des gens; il y avait une clinique, un restaurant,

22 une cuisine. Il y avait aussi quelques immeubles où les gens étaient

23 logés, du moins en été, il y avait un théâtre, quelques lieux culturels,

24 même une piscine. Mais dès que nous y avions hébergé des gens, nous avons

25 commencé à construire des immeubles permanents et ainsi, à partir du mois

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1 d'automne il y a eu sur l'île des édifices plus solides. Nous avons fait

2 cela en collaboration avec le gouvernement allemand et aussi des membres

3 de Médecins sans Frontière, une organisation française, et d'autres

4 organisations dont j'ai oublié le nom pour l'instant. Nous avons donc

5 travaillé avec eux dès le départ et il y avait aussi parmi nous des

6 représentants du HCR.

7 Puis, au début la guerre faisait rage, donc en 1991, à Sibenik, les moyens

8 de transport n'existaient plus, avaient été abandonnés, mais nous avons

9 insisté afin que les transports par bateau soient réaménagés et il s'agit

10 d'un moyen de transport qui existe toujours aujourd'hui.

11 A notre demande, ce service a été réaménagé; le bateau n'était pas bien

12 grand, mais il pouvait transporter une cinquantaine de personnes. C'est le

13 même bateau qui relie la terre ferme et toutes les îles des alentours. On

14 ne pouvait donc pas permettre à un millier de personnes de faire le trajet

15 entre l'île et la terre-ferme, la ville pour aller au cinéma par exemple.

16 Peut-être une trentaine de personnes pouvaient y aller, mais enfin ils

17 n'étaient quand même pas des touristes, ils étaient des réfugiés.

18 Question: Est-ce qu'il y avait un décret ou une loi régissant les droits

19 de réfugiés et cette loi s'appliquait-elle à tout le monde de façon

20 systématique?

21 Réponse: En premier lieu, un décret a été adopté par le gouvernement qui a

22 servi de base par la suite à une loi régissant cette question. Les

23 conseillers juridiques des organisations internationales, notamment le

24 HCR, nous ont aidé à harmoniser les termes adoptés et les règles adoptées

25 avec le droit international, les normes internationales, nous ont aidé à

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1 élaborer cette loi. Et cette loi a été adoptée même avant que la crise des

2 réfugiés ne s'intensifie, j'entends les réfugiés en provenance de Bosnie-

3 Herzégovine.

4 La loi régissait les droits des réfugiés et des personnes déplacées, leur

5 accordait le droit de recevoir des soins de façon identique, sur un pied

6 d'égalité, mais il y avait tout de même une différence juridique entre les

7 personnes déplacées à l'intérieur du pays et les réfugiés. Ces deux

8 catégories de personnes avaient des statuts différents. Les réfugiés sont

9 donc des personnes qui viennent d'un autre Etat.

10 Il y avait des réfugiés de Serbie, du Kosovo, de Bosnie-Herzégovine, et

11 quelle que soit la région de Bosnie-Herzégovine d'où venaient ces

12 personnes, toutes avaient le statut de réfugié. Cependant, les droits dont

13 ils bénéficiaient étaient les mêmes que les droits qu'avaient les citoyens

14 croates qui, eux, avaient été expulsés des zones occupées.

15 Ces personnes avaient le droit d'être logées, d'être nourries, de suivre

16 des cours, avaient le droit de bénéficier des soins de santé élémentaires

17 et en situation de vie ou de mort.

18 Question: Monsieur Zoric, les fonds, d'où venaient-ils?

19 Réponse: La seule source fiable, c'était le budget croate; 85% des moyens

20 nécessaires venaient de ce budget et 15% uniquement provenaient de sources

21 internationales, à savoir les différentes nations et les organisations

22 internationales. De temps en temps, il y avait des dons, mais d'une portée

23 limitée. Or ces personnes, il fallait bien qu'elles vivent tous les jours,

24 et les soins ça coûte tous les jours.

25 Pour moi, personnellement, lorsque j'ai fait ce travail j'ai ressenti le

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1 choc le plus violent en 1992, au début de cette année lorsqu'il a fallu

2 organiser des obsèques pour certaines de ces personnes parce

3 qu'effectivement il y a des gens, des réfugiés qui sont morts; c'étaient

4 parfois des personnes âgées, des personnes malades. Il n'y avait aucune

5 organisation humanitaire qui allait prendre à charge ces coûts. A Zagreb,

6 la plupart de ces personnes étaient hébergées, elles représentaient

7 pratiquement 15% de la population zagreboise, et vous savez que dans des

8 grandes villes -Zagreb en est une- les obsèques coûtent cher.

9 La question s'est posée aussi de trouver des lieux dans des cimetières

10 pour enterrer ces personnes. Il fallait également, à cet égard, respecter

11 leurs pratiques, leurs traditions religieuses. Personne n'était prêt

12 pratiquement à ce que l'on procède à des crémations, parce que tous

13 pensaient qu'ils pourraient finalement être enterrés ou leurs proches

14 pourraient être enterrés dans des cimetières. Or ceci est une entreprise

15 très coûteuse et, vues les circonstances, les seules sources de

16 financement fiable provenaient du budget. A ma connaissance, la République

17 de Croatie a consacré 1,6 millions de dollars américains à cette

18 affectation seule, c'est-à-dire qu'il y avait pratiquement un demi million

19 de réfugiés dont il fallait tenir compte.

20 Question: Est-ce que la Croatie a envoyé de l'aide humanitaire à la

21 Bosnie-Herzégovine, aussi bien pour les Croates que les Musulmans?

22 Réponse: Oui et c'est moi-même qui m'en suis chargé, je parle ici des

23 raisons humanitaires mais aussi des raisons pratiques qui m'ont poussé à

24 le faire, car nous savions qu'il était préférable que ces personnes

25 demeurent dans leur pays d'origine, plutôt que de venir chez nous pour

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1 être tributaires et dépendantes de nous qui devions-nous en occuper.

2 Nous avons vite appris la leçon. Nous avons compris qu'il y avait aussi

3 des guerres parmi les êtres humains. Après les pilonnages, en général, on

4 recevait 15.000 ou 20.000 personnes qui nous étaient envoyées de façon à

5 semer le chaos dans la région. Il n'était pas facile de venir en aide à

6 toutes ces personnes. Nous nous sommes dit qu'il était préférable de les

7 aider là où elles vivaient, où elles résidaient.

8 L'autre raison qui nous a motivés, c'était une raison humanitaire. Nous

9 avons été témoins de grands gestes humanitaires. Nous avons compris, vu ce

10 que faisaient des gens d'autres pays, qu'il nous fallait aussi apporter

11 notre écot. Personnellement, j'ai emmené quelques convois dans certaines

12 régions de Bosnie-Herzégovine, pas seulement là où il y avait des

13 habitants croates, là aussi où il y avait des habitants musulmans.

14 Après tout, si l'on se trouve dans des régions mixtes et qu'on y apporte

15 des vivres, il est normal que les gens s'attendent à ce que vous leur

16 veniez en aide. Et c'est ce que nous avons fait.

17 Question: Pourriez-vous nous dire, Monsieur Zoric, pourriez-vous nous

18 dire, à nous et aux Juges de la Chambre, ce qu'il en est de

19 l'enregistrement d'habitants de Bosnie-Herzégovine en République de

20 Croatie, surtout lorsqu'on pense aux hommes qui sont en âge de combattre?

21 Réponse: Une personne qui se trouvait sur notre territoire se présentait

22 au bureau le plus proche pour y être inscrite. Cette personne recevait des

23 documents, des papiers d'identité qui précisaient quel était son statut.

24 On ne pouvait pas faire la différence entre des personnes en mesure de

25 combattre, qui étaient en âge de combattre, et celles qui ne l'étaient

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1 pas, parce que le droit et la peur tout à fait réaliste qu'il y ait une

2 guerre sont des raisons pour admettre et reconnaître le statut de ces

3 personnes. C'est ce que disent les instruments juridiques internationaux.

4 Les Musulmans et leurs représentants à Sarajevo, dans le cadre de

5 pourparlers à Zagreb aussi -et ceci concernait également M. Izetbegovic-

6 avaient régulièrement demandé à nos instances de ne pas accorder ce statut

7 de réfugiés aux hommes en âge de combattre. Et puis, il y avait des

8 représentants de médias, d'autres aussi, qui les ont conviés à s'unir au

9 combat qu'ils menaient pour la liberté de leur pays.

10 Mais nous et notre bureau, nous ne pouvions pas leur nier ce statut. C'est

11 ce que nous avons fait, d'ailleurs: nous avons reconnu ce statut.

12 Après tout, on peut le voir: il y avait des femmes et des enfants mais, en

13 plus de cela, il y avait aussi des hommes. C'étaient des familles, la

14 plupart du temps des familles entières. Et souvent, nous avons oeuvré pour

15 assurer leur rassemblement familial.

16 Question: Savez-vous, par le travail de votre bureau et par votre travail

17 personnel, si des membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine, qui étaient

18 réfugiés ou qui ne l'étaient pas, ont été soignés pour blessures en

19 Croatie?

20 Réponse: Oui, cela a été le cas. Mon bureau avait un grand entrepôt sur le

21 terrain de la foire de Zagreb. Il y avait un pavillon adjacent qu'on

22 utilisait en tant qu'entrepôt pour la logistique des Musulmans de Bosnie.

23 Y participaient des civils ainsi que les représentants religieux les plus

24 élevés en Croatie et à Sarajevo; ils essayaient d'obtenir toutes sortes de

25 choses, des vivres bien sûr, mais d'autres choses aussi.

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1 Question: Qu'en est-il du traitement réservé?

2 Réponse: Une majorité écrasante des membres de l'armée de Bosnie-

3 Herzégovine était soignée... Oh! Excusez-moi! Pas à Sarajevo, mais à

4 Split. Ce serait une destination logique puisque le seul point d'entrée ou

5 de sortie de la Bosnie passait inévitablement par la côte croate.

6 Par ailleurs, pendant tout le siège de Bihac, siège qui a duré plusieurs

7 années, toute la logistique venait de Zagreb, passait par l'aéroport de

8 Zagreb. Il y avait des hélicoptères qui décollaient quotidiennement pour

9 emmener dans cette région des produits de première nécessité pour ces

10 gens. Il y en avait environ 350.000 qui étaient assiégés dans l'enclave.

11 Vous imaginez les besoins de ce pont aérien! Il fallait acheminer tout:

12 aussi bien les armes que le carburant, les vivres, tout ce dont on avait

13 besoin pour survivre pendant près de trois ans dans cette situation de

14 siège. Et je sais que, malheureusement, plusieurs de ces hélicoptères ont

15 été abattus, avec toutes les conséquences tragiques que ceci a entraîné.

16 Question: Pouvez-vous nous situer les derniers événements dans le temps?

17 Réponse: Cela s'est poursuivi pendant toute cette période qui commence

18 entre 1995 jusqu'à la libération, jusqu'au moment où il y a eu

19 rassemblement de l'armée croate avec l'armée de la Fédération, sur la

20 frontière entre la Bosnie et la Croatie, donc jusqu'en 1995.

21 Question: Pourriez-vous nous dire, en quelques mots, comment se présentait

22 la structure de ces réfugiés qui venaient de Bosnie-Herzégovine? Pourriez-

23 vous nous donner quelques chiffres, quelques statistiques?

24 Réponse: Au début, les Musulmans de Bosnie étaient les réfugiés les plus

25 nombreux; cela représentait environ 70%. Un peu moins de réfugiés, 30%, en

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1 l'occurrence, c'étaient des Croates. Il y avait aussi parmi les autres des

2 Serbes, mais ces autres ne représentaient qu'un faible pourcentage. Par la

3 suite, il y a eu une diminution du nombre de réfugiés musulmans.

4 Cependant, le nombre global a augmenté. On était pratiquement à une

5 situation de 50% de part et d'autre. Il y avait une partie des réfugiés

6 qui venaient de ces zones qui sont maintenant, aujourd'hui, pratiquement

7 les entités serbes de Bosnie-Herzégovine, et l'autre moitié venait de la

8 zone qui, aujourd'hui, représente à peu près le territoire de la

9 Fédération croato-musulmane.

10 A partir de 1993, et surtout à partir de 1994, au moment où certaines

11 lignes de front ont été stabilisées, certains réfugiés ont voulu entrer

12 chez eux mais d'autres étaient déjà partis vers des pays tiers, surtout

13 vers des pays d'Europe puisque certains de ces pays ont accepté un certain

14 contingent de réfugiés.

15 Etant donné aussi qu'il y avait beaucoup de travailleurs migrants qui

16 vivaient déjà auparavant en Europe occidentale, ces personnes ont

17 accueilli des membres de leur famille supplémentaires.

18 Ainsi, après avoir passé trois ou quatre mois en Croatie, en règle

19 générale, ces réfugiés partaient pour l'Allemagne mais aussi pour d'autres

20 pays comme les Pays-Bas ou la Norvège et, dans une moindre mesure, à

21 destination d'autres pays.

22 Je suppose que c'est là une des raisons pour lesquelles les gens d'Obonjan

23 se sentaient un peu isolés; je reviens à cette question de l'île d'Obonjan

24 parce que ces personnes qui s'y trouvaient avaient peine à communiquer

25 avec des représentants des organisations internationales, plus de

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1 difficultés que ceux qui se trouvaient, disons, à Split ou à Zagreb. C'est

2 la raison pour laquelle nous nous sommes adressés au HCR pour qu'il y

3 envoie des représentants. Ils y avaient une petite antenne qu'ils ont

4 ouverte.

5 Mis à part cela, si vous me le permettez, je mentionnerai ceci: à la fin

6 de la guerre, lorsque ces locaux ont été abandonnés, lorsque les réfugiés

7 sont partis sur l'île, tous les lieux ou tous les locaux qui s'y

8 trouvaient étaient transformés en centre de langues étrangères, et je vous

9 ai donné une petite publication qui résume les activités qui y sont menées

10 au jour d'aujourd'hui. C'est dans ces installations qu'étaient accueillis

11 les réfugiés. Mon fils m'a apporté ce petit prospectus parce qu'il l'a

12 obtenu à son école; il va fréquenter ce centre au cours de l'été prochain.

13 M. Seric (interprétation): Je vous remercie. Je pense que le moment se

14 prête à une pause, Monsieur le Président. Nous pouvons poursuivre la

15 déposition après la pause.

16 M. le Président (interprétation): Nous n'avons qu'un accusé cet après-

17 midi, nous allons donc faire une pause de 20 minutes. Nous reprendrons à 4

18 heures moins 10.

19 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

20 (L'audience, suspendue à 15 heures 31, est reprise à 15 heures 51.)

21 M. le Président (interprétation): Oui, pouvez-vous faire entrer le témoin,

22 je vous prie?

23 (Le témoin, M. Zoric, est introduit dans le prétoire.)

24 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Seric?

25 M. Seric (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

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1 Docteur Zoric, nous avons entendu parler des conditions dans lesquelles se

2 trouvait installé...

3 Il n'y a pas de traduction anglaise semble-t-il... Oui, ça va maintenant.

4 Tout va bien pour le moment.

5 Docteur Zoric, dites-nous quelles sont les connaissances que vous avez

6 s'agissant de la qualité, de la quantité de la nourriture qui avait été

7 préparée à l'intention des réfugiés, notamment à l'intention des réfugiés

8 bosniens originaires de Bosnie-Herzégovine?

9 M. Zoric (interprétation): Lorsque la crise avec les réfugiés avait connu

10 une escalade en l'espace d'un mois seulement, dans certaines de ces

11 installations-là ils sont tout à coup devenus majoritaires, et certains

12 d'entre eux ont tout à coup commencé à placer des exigences au niveau de

13 la façon dont il fallait préparer la nourriture à leur intention et ce,

14 conformément à leurs us et coutumes. Ils avaient également des habitudes

15 hygiéniques très différentes, choses que nous étions censés respecter là

16 où cela pouvait se faire.

17 C'est ainsi que nous avons commencé à ouvrir des installations nouvelles

18 où l'on avait hébergé des réfugiés bosniens. S'agissant d'une partie des

19 capacités, les Bosniens les ont ouvertes eux-mêmes par le biais de leur

20 organisation, de leur club, par le biais de "Mehamet", leur organisation

21 humanitaire.

22 S'agissant donc de ces réfugiés, nous les avions reçus mais une partie des

23 installations ne correspondait pas au minimum des conditions hygiéniques,

24 aussi les avions-nous fermées, alors les réfugiés ont abouti dans d'autres

25 installations pour ce qui est de leur hébergement organisé.

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1 C'est ainsi que nous avons créé des installations du jour ou lendemain

2 dans les environs de Zagreb, et nous avons transféré un certain nombre de

3 personnes vers Varazdin où nous avons réaménagé une caserne. Je pense

4 qu'il s'agissait plutôt de deux grandes casernes qui ont été réaménagées à

5 cette fin.

6 Question: Monsieur Zoric, dites-nous, je vous prie, si les communautés

7 religieuses ont été actives parmi les réfugiés?

8 Réponse: Oui, l'une de ces organisations s'appelait Igasa, c'est une

9 organisation islamique internationale. D'autres aussi l'ont fait, mais

10 celle-ci avait été importante, grande.

11 Je tiens à préciser que, dans d'autres installations, nous avions des

12 lieux de prière improvisés.

13 Il y avait également des salles de classes où des programmes étaient

14 enseignés pour ce qui était des matières qu'ils avaient souhaité faire

15 enseigner. Et là où cela était possible, nous nous étions efforcés de

16 faire en sorte que les enfants en âge scolaire rejoignent les

17 installations scolaires normales de notre Etat, ce qui fait que les

18 enfants des réfugiés ont tous fréquenté des écoles. Je ne suis au courant

19 d'aucun cas où cela n'aurait pas été vrai.

20 Ces enfants ont donc fréquenté les établissements scolaires de la

21 République de Croatie, ce qui fait que, dans bon nombre de localités, nous

22 avions des classes qui comptaient deux fois plus d'enfants que cela

23 n'était prévu par les normes pédagogiques. Les salles de classe étaient

24 remplies jusqu'au maximum des potentiels physiques. Mais toujours est-il

25 que les enfants ont tous été englobés par l'enseignement scolaire.

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1 Et là où cela avait été possible, là où il y avait aussi des instituteurs

2 qui étaient réfugiés, nous leur avions apporté de l'aide pour qu'ils

3 ouvrent leurs propres salles de classe et pour qu'ils enseignent des

4 matières spécifiques qui n'étaient pas enseignées dans nos propres écoles

5 par nos instituteurs. Il y a eu plusieurs écoles de ce type, assez

6 importantes, et je dirais que pratiquement c'était le cas dans tous les

7 centres de réfugiés.

8 Question: Essayons d'en rester au conflit entre l'armée de Bosnie-

9 Herzégovine et le HVO sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Dites-

10 nous, je vous prie, quel avait été le rapport des institutions de la

11 République de Croatie, donc votre établissement ou votre institution, à

12 l'égard des Bosniens, des Musulmans pendant le conflit?

13 Réponse: Notre attitude n'a pas changé pendant les périodes de temps

14 variés, et je tiens à préciser que l'attitude n'a pas été modifiée, ce qui

15 fait que les réfugiés ont continué à être accueillis en Croatie et à

16 trouver un accueil, un hébergement comme par avant.

17 Question: Quelle était leur attitude par rapport à votre bureau et aux

18 autres institutions de l'Etat de Croatie?

19 Réponse: Parfois, il y a des situations tout à fait bizarres qui ont vu le

20 jour. Vous aviez des réfugiés qui soutenaient une partie ou l'autre au

21 conflit parce qu'il y avait des membres de différentes appartenances

22 ethniques qui étaient souvent logés dans le même lieu, ce qui a parfois

23 provoqué des tensions entre eux. Il s'est trouvé des situations où les

24 maris, qui venaient rendre visite à leur famille pendant le week-end,

25 passaient un certain temps dans les mêmes lieux de logement, et puis ils

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1 rentraient dans leur foyer et continuaient à se battre les uns contre les

2 autres. Parfois, il y a eu des attitudes assez méprisantes ou péjoratives,

3 mais ça, c'est la vie.

4 Nous, nous avons essayé de soigner tout le monde de la même façon,

5 conformément à nos obligations humaines et humanitaires. Jamais aucune

6 grande organisation internationale n'a déposé de plaintes selon lesquelles

7 les droits des réfugiés auraient été violés. Au contraire. Bien au

8 contraire, ces organisations nous ont félicités parce que, d'après elles,

9 nous nous étions bien acquitté de notre mission.

10 La communauté internationale, à l'époque, qui s'occupait de la question

11 avait comme personnel des gens qui avaient déjà une certaine expérience

12 pour avoir été dans des foyers de crise auparavant, que ce soit en Asie,

13 en Amérique latine et en Afrique. Ils ont donc pu faire des comparaisons

14 entre ces situations-là et la nôtre.

15 Question: Merci beaucoup. Que savez-vous des activités politiques des ces

16 réfugiés, de ces Musulmans de Bosnie qui se trouvaient en Croatie? Est-ce

17 qu'ils ont pu participer à des activités politiques? Est-ce qu'ils ont pu

18 participer aux élections?

19 Réponse: Pendant tout ce temps, Zagreb était plus la capitale de la

20 Bosnie-Herzégovine que Sarajevo elle-même, parce que Sarajevo était isolée

21 et Zagreb pas. Il y avait donc là toutes les communications avec le monde

22 qui passaient par Zagreb.

23 Divers représentants y étaient installés. A Zagreb, ils pouvaient exercer

24 toutes les activités qu'ils voulaient sans aucune entrave. Que ce soit des

25 activités humanitaires ou politiques, ils pouvaient faire ce dont ils

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1 avaient besoin à un moment donné. Et ils ont exécuté ces activités par le

2 poids de Zagreb.

3 Tous les moyens dont les gens avaient besoin étaient acheminés par la

4 Croatie; tout le monde rentrait ou sortait par la Croatie. C'était

5 pratiquement une seule passerelle, c'était la seule passerelle qui reliait

6 le Sud au Nord. Ce pont avait été à moitié détruit, mais la circulation

7 s'y maintenait et la circulation n'a jamais été interrompue.

8 Quant aux activités politiques, en 1996, nous avons eu les premières

9 élections consécutives à la guerre en Bosnie-Herzégovine sous les auspices

10 de l'OSCE et l'un des pays où il y a eu ce vote en dehors de l'Etat de

11 Bosnie-Herzégovine -je veux parler ici des gens qui ont choisi leurs

12 représentants par le biais des élections, alors qu'ils avaient pillé le

13 pays-, eh bien, ce pays, c'était la Croatie.

14 Moi, j'étais chargé de cette opération. Il y avait environ 120.000

15 personnes inscrites sur les listes électorales et, conformément aux règles

16 mises en place par l'OSCE, les hommes politiques de différents partis

17 politiques ont pu se rendre là se trouvaient des réfugiés. Les Croates,

18 comme les Musulmans, ont essayé de gagner ces réfugiés à leur cause.

19 120.000 personnes ont donc pris part aux élections. Il y avait trois

20 grandes options politiques qui leur étaient ouvertes en Croatie. Il y

21 avait le parti politique des Croates en Bosnie-Herzégovine, à savoir le

22 HDZ. Les hommes politiques se sont rendus là où il y avait la plus grande

23 concentration de Croates. Quant aux Musulmans, c'est le parti du SDA, qui

24 avait à sa tête M. Abdic, qui représentait la plupart des personnes qui

25 venaient du Sud. Ils ont remporté la plupart des voix au cours de ces

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1 élections.

2 En d'autres termes, ces activités ont pu se dérouler librement et, à la

3 fin des élections, à l'issue de celles-ci, notre gouvernement a été

4 félicité, a été remercié par celui qui était alors le président de l'OSCE,

5 l'ambassadeur Falk(phon.).

6 Question: Monsieur Zoric, du fait de vos activités, de celles de votre

7 bureau, est-ce que vous avez des informations en ce qui concerne

8 l'armement des gens de l'armée de Bosnie-Herzégovine, pour la période

9 1992-1993?

10 Réponse: Je sais qu'ils avaient des centres de formation, d'entraînement

11 en Croatie. Les premières armes qu'ils ont reçues, ils les ont reçues pour

12 ainsi dire de Croatie. Toute la logistique, toute l'aide que cette armée

13 de Bosnie-Herzégovine a reçue, y compris les armes, leur est parvenue par

14 la Croatie.

15 Question: Merci beaucoup.

16 Monsieur Zoric, vous vous êtes présenté au début de votre déposition et

17 vous avez dit certaines choses qui me poussent à vous poser cette

18 question: je voudrais parler de la double citoyenneté pour les Croates de

19 Bosnie-Herzégovine?

20 Réponse: D'après la Constitution croate, tout Croate, où qu'il ou elle

21 vive, a droit à être citoyen croate. Mon frère vit aux Etats-Unis: c'est

22 un citoyen croate, tout en était citoyen américain. De même, les Croates

23 qui n'ont pas un statut de résidence permanente en mander la citoyenneté

24 croate, qu'ils obtiennent en règle générale.

25 Il y a d'autres possibilités: un citoyen croate peut demander la

Page 11076

1 citoyenneté de Bosnie-Herzégovine. Moi, je suis citoyen croate, citoyen de

2 la République de Croatie. Lorsque mon mandat s'est terminé en Bosnie-

3 Herzégovine, étant donné que j'étais né dans ce pays, j'ai eu le droit de

4 demander la citoyenneté de Bosnie-Herzégovine. Que j'ai obtenue.

5 Maintenant, j'ai aussi une double nationalité: je suis de Croatie et je

6 suis citoyen de Bosnie-Herzégovine.

7 La plupart des Croates qui vivent en Bosnie-Herzégovine ont aussi la

8 citoyenneté croate. Mais ceci ne s'applique pas qu'aux Croates; je sais

9 également qu'un nombre important de Bosniens, de Musulmans de Bosnie et

10 même de Serbes originaires de Banja Luka ont demandé la citoyenneté croate

11 et qui l'ont obtenue.

12 Pendant mon mandat d'ambassadeur, j'ai parfois dû intervenir lorsqu'il y

13 avait des demandes de citoyenneté déposées pour des personnes qui

14 faisaient partie de la famille de personnalités connues de Sarajevo ou de

15 Banja Luka. Plusieurs personnalités du domaine public ont demandé la

16 citoyenneté croate qu'ils ont obtenue. Ces personnes ont pu ainsi se

17 déplacer dans le monde entier grâce à ce passeport croate.

18 Question: Vous êtes né dans ce pays et, à la lumière de cette question de

19 la double citoyenneté, est-ce qu'il y a eu des volontaires de Bosnie-

20 Herzégovine dans l'armée des Croates au cours de l'agression des Serbes et

21 de la JNA contre la Croatie?

22 Réponse: Oui, il y a eu pas mal de personnes qui se sont organisées parce

23 qu'à l'époque, la Croatie n'avait pas de structure organisée pour répondre

24 à ces besoins. Ces personnes se sont organisées elles-mêmes et sont

25 arrivées de façon massive sur plusieurs théâtres de la guerre: en Croatie,

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1 à Vukovar, mais aussi à Zadar et à Dubrovnik, par exemple.

2 Au fil du temps et vu l'évolution historique des événements, beaucoup de

3 Croates originaires de Bosnie-Herzégovine ont immigré en Croatie. Ma

4 famille en est un exemple vivant. D'après le recensement de 1991, en

5 Croatie, 492.000 habitants croates venaient au départ de Bosnie-

6 Herzégovine ou étaient d'origine bosniaque. La guerre a apporté beaucoup

7 d'autres personnes en Croatie.

8 Les liens qui étaient déjà proches dans l'ex-Yougoslavie se sont

9 renforcés, les personnes ont été intégrées. Ces personnes allaient en

10 général vers le centre de leur propre République. Il était donc logique

11 que des personnes qui venaient des régions croates de Bosnie-Herzégovine,

12 il était courant que ces personnes étudient à Split plutôt qu'à Sarajevo

13 ou à Zagreb. Et vous aviez certains Serbes de Croatie qui préféraient

14 faire leurs études à Belgrade plutôt qu'à Zagreb.

15 Comment dire? c'était une espèce d'intégration: les personnes essayaient

16 de s'insérer dans la vie de leur propre communauté ethnique, de leur

17 nation -comme on l'a appelée- plutôt que dans la vie de la république dont

18 ils venaient. Les gens avaient un sentiment très fort d'appartenance à

19 leur communauté. Et lorsque l'agression a commencé, les gens sont arrivés

20 vraiment en masse afin de défendre la République de Croatie.

21 Question: Savez-vous ce qui leur est arrivé après l'attaque menée par les

22 Serbes et la JNA contre la Bosnie-Herzégovine?

23 Réponse: Lorsque la Forpronu est arrivée en Croatie, après la signature de

24 la déclaration de Sarajevo -je pense que ça s'est passé le 3 janvier

25 1992-, ces théâtres de guerre se sont quelque peu stabilisés. Une fois

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1 arrivé le mois de mars, une fois arrivé le printemps, la guerre s'était

2 déjà déplacée vers la Bosnie-Herzégovine et un nombre important de ces

3 personnes sont rentrées chez elles.

4 N'oubliez pas que des familles entières avaient plusieurs adresses. Par

5 exemple, vous, vous habitiez en Bosnie-Herzégovine, votre frère, il

6 habitait à Zagreb ou à Split. Vous aviez des membres d'une seule famille

7 qui vivaient dans deux Etats différents; il était donc logique que ces

8 personnes rentrent chez elles et défendent la région dont elles étaient

9 originaires.

10 Pour moi, qui n'était pas militaire, je trouvais ridicule d'entendre des

11 gens qui insistaient pour aller se porter volontaires pour lutter dans

12 leur propre village, parce qu'ils avaient l'impression que s'ils étaient

13 là, ils pourraient mieux protéger leur village et empêcher que celui-ci

14 tombe à l'ennemi. Mais ces personnes n'avaient aucune connaissance

15 militaire et ces personnes ne comprenaient pas qu'il y avait toutes sortes

16 de façons de capturer un territoire. Mais au départ, tout le monde avait

17 le sentiment très fort qu'il fallait rentrer chez soi dans son village

18 pour le défendre.

19 Tout le monde est rentré chez soi, plusieurs d'entre eux, pour défendre

20 leur bout de terre. Personnellement, j'aurais beaucoup de mal à vous dire

21 d'où je viens parce que j'ai passé près de 30 ans à Zagreb, mais je

22 considère la Bosnie-Herzégovine comme mon terroir aussi.

23 Question: Monsieur Zoric, vous avez l'ambassadeur de Croatie en Bosnie-

24 Herzégovine à quelle époque?

25 Réponse: De février 1999 à novembre 2000.

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1 Question: Et lorsque vous y étiez ambassadeur, que vous représentiez les

2 intérêts de la Croatie, quelle est la structure étatique que vous avez

3 trouvée en Bosnie-Herzégovine?

4 Réponse: Pour parler sans ambages, je peux vous dire que c'était une

5 situation assez bizarre, à laquelle nous ne pouvions rien changer, puisque

6 c'était un Etat composé de deux entités.

7 L'une des entités était très centralisée avec tous les attributs de

8 l'Etat. Il y avait toutes les instances: le Parlement, le Président de la

9 République, le vice-Président; cette entité-là avait ses propres

10 traditions, ses coutumes, avec tous les accoutrements, si vous voulez,

11 qu'un Etat doit avoir. Et puis c'était une entité qui appartenait à une

12 seule entité en Bosnie-Herzégovine, à savoir la Republika Srpska.

13 Le retour des réfugiés dans cette région s'est effectué très lentement et,

14 même encore aujourd'hui, on n'a pas enregistré beaucoup de progrès.

15 Beaucoup de gens se sont trouvés dans l'impossibilité de rentrer chez eux.

16 La structure est centralisée, elle est qualifiée d'identité, on l'appelle

17 "Republika Srpska".

18 Et par ailleurs, vous avez une entité qui appartient à deux ethnies ou

19 appartenances ethniques: les Musulmans et les Croates. Structure très

20 décentralisée que celle-ci, qui se compose de cantons, une dizaine de

21 cantons. Certains sont monoethniques ou mononationaux, n'appartenant qu'à

22 une seule communauté, alors que, dans d'autres, les deux communautés sont

23 représentées.

24 Les dispositions administratives sont propres à ces entités, pareil pour

25 le judiciaire. Cette entité à son propre gouvernement, ses forces

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1 militaires qui se composent de deux piliers. Vous avez les forces armées

2 de la Fédération, qui se composent de l'armée de Bosnie-Herzégovine pour

3 la composante bosnienne et du HVO pour la composante croate. Maintenant,

4 ces forces ont été rassemblées dans des forces conjointes. Et quand vous

5 examinez la Fédération, vous voyez que la structure étatique est assez

6 inhabituelle.

7 Vous avez aussi le haut représentant de la communauté internationale qui,

8 à toutes fins utiles, administre le pays. Et si vous cherchez un

9 parallélisme, un exemple similaire dans l'histoire, on pourrait dire que

10 c'est une monarchie absolue ou une monarchie éclairée, où vous avez un

11 monarque absolutiste qui peut suspendre les décisions du gouvernement, du

12 parlement, qui peut démettre de ses fonctions des membres de la

13 présidence, qui peut déterminer qui sont les représentants des trois

14 peuples constitutifs de la présidence, deux étant élus par une entité et

15 le troisième par une autre entité. Donc c'est une structure assez bizarre.

16 Et c'est le pays qui compte le plus grand nombre de ministres dans le

17 monde; je pense qu'il y en a 60, car chaque canton a son propre

18 gouvernement. C'est une structure assez inédite, qu'on ne connaît pas dans

19 l'histoire étatique moderne contemporaine.

20 C'est un pays où tout le monde voulait que la situation change. Le

21 problème, c'est que ces trois composantes ou entités différentes ont

22 utilisé un seul et même terme, alors que celui-ci recouvrait, pour chacune

23 de ces communautés, une signification particulière, différente de l'autre.

24 Lorsqu'un Bosnien dit "Sarajevo", il parle de sa capitale et de ce que

25 tout symbolise une ville comme celle-là. Alors que les Serbes, quand ils

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1 parlent de leur capitale, ils parlent de Banja Luka.

2 Sarajevo n'est qu'une grande ville administrative; pour les Croates aussi,

3 cela veut dire quelque chose de tout à fait différent lorsqu'ils parlent

4 de capitale.

5 Un Bosnien, lorsqu'il parle de la Bosnie-Herzégovine, il ne pense pas la

6 même chose que ce à quoi pense un Croate lorsque celui-ci dit "Bosnie-

7 Herzégovine" ou lorsqu'un Serbe dit "Bosnie-Herzégovine". En d'autres

8 termes, une même notion peut recouvrir diverses significations.

9 M. Seric (interprétation): Monsieur Zoric, lorsque vous avez pris vos

10 fonctions d'ambassadeur, à qui avez-vous présenté vos lettres de créances

11 à Sarajevo?

12 M. Zoric (interprétation): Eh bien, à M. Jelavic, membre de la présidence

13 qui représentait le côté serbe de la présidence et M. Radisic, c'était lui

14 le membre serbe de la présidence qui était absent -je ne sais pas

15 pourquoi- de Sarajevo. En tout cas, les trois membres de la présidence

16 disposaient des mêmes droits et ils pouvaient se suppléer les uns les

17 autres.

18 J'étais l'ambassadeur de Croatie et, en tant que tel, j'étais accrédité

19 par ce pays et l'accréditation a été signée par les trois membres de la

20 présidence.

21 M. le Président (interprétation): Ce sont des questions très

22 intéressantes, pour ce qui est de la situation actuelle prévalant dans ce

23 pays, mais est-ce que ceci est vraiment en rapport avec les faits de cette

24 cause?

25 Il vous faut poser des questions qui sont de nature à évoquer précisément

Page 11082

1 les faits qui nous intéressent ici.

2 M. Seric (interprétation): Je n'ai plus que trois questions à poser,

3 Monsieur le Président. J'en aurais, de toute façon, bientôt terminé.

4 Je pense que nous pourrions peut-être, rétrospectivement, jeter un nouvel

5 éclairage sur les rapports qui existaient pour les Croates en 1993 et en

6 1995, après les Accords de Washington jusqu'à ce jour puisque, d'après

7 l'Acte d'accusation, la Croatie aurait essayé de diviser, pendant toute

8 cette période, la Bosnie-Herzégovine pour en annexer certaines parties.

9 Mais je poursuis: suite au travail humanitaire que vous avez réalisé, est-

10 ce que vous avez été félicité, récompensé par les Bosniens pour votre

11 travail?

12 M. Zoric (interprétation): Oui. Si j'avais su que ceci allait revêtir

13 autant d'importance, j'aurais gardé davantage de traces de ces

14 félicitations que j'ai reçues des Croates, des Musulmans, quelques fois

15 des deux.

16 Question: Avez-vous rencontré Izetbegovic? Quels étaient vos rapports avec

17 lui, rapports officiels qui passaient par vous entre Zagreb et

18 Izetbegovic?

19 Réponse: Excellents rapports, très équitables, comme ils sont d'ailleurs

20 censé être entre des chefs d'Etat, entre un chef d'Etat et un ambassadeur

21 accrédité auprès de cet Etat.

22 A l'inverse d'autres ambassadeurs, moi j'ai eu de fréquentes réunions avec

23 lui, avec les autres membres de la présidence, que ce soit avec lui seul

24 ou avec les autres membres. C'était une période très animée; de nombreux

25 accords ont été signés, des annexes à ces accords aussi suite à l'Accord

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1 de paix de Dayton. Celui-ci, en effet, a été signé peu de temps après mon

2 entrée en fonction. C'était un accord portant sur des rapports spéciaux,

3 des relations spéciales prévalant entre la Bosnie-Herzégovine et la

4 République de Croatie.

5 Sur la base de cet accord, qui se basait lui-même sur l'Accord de Dayton,

6 il a fallu rédiger plus de trente annexes qui régissaient les intérêts

7 réciproques, les questions de circulation trans-frontalière, de transport,

8 circulation, commerce, assistance mutuelle en cas de catastrophe

9 naturelle.

10 Il y a eu plusieurs accords de ce genre. Par conséquent, il m'a fallu

11 rencontrer des membres de la présidence à plusieurs reprises; j'ai

12 collaboré avec ces membres d'une façon tout à fait correcte. Ceci est vrai

13 aussi pour les membres du gouvernement de la fédération qui, pour la

14 plupart, étaient bosniens, mais j'ai pu collaborer avec eux sans aucun

15 problème. J'ai d'excellents souvenirs de ces deux années.

16 Question: Est-ce que vous saviez que celui qui était alors président de la

17 République de Croatie, Franjo Tudjman, avait octroyé une décoration à

18 Alija Izetbegovic et à Haris Silajdzic? Savez-vous si c'est le cas et dans

19 quelles conditions?

20 M. Zoric (interprétation): C'était avant mon entrée en fonction, au moment

21 où ces deux Etats ont signé un accord d'amitié et de coopération. Monsieur

22 Izetbegovic a reçu l'ordre suprême, je pense qu'on l'appelle "l'ordre du

23 Roi Dmitar Zvonimir"; c'est l'ordre le plus élevé, c'est la décoration la

24 plus élevée qu'on n'accorde en général qu'à des chefs d'Etat.

25 Les médias en ont parlé; on en a parlé souvent à la télévision, et moi-

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1 même, tout comme les autres citoyens, j'ai pu voir ces images. Je pense

2 que cela s'est passé à Split, début 1995. Et Haris Silajdzic a reçu aussi

3 cette décoration; il était Premier ministre à l'époque de la Bosnie-

4 Herzégovine.

5 M. Seric (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Zoric. Je n'ai plus

6 de questions à poser au témoin.

7 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, est-ce que vous avez des

8 questions en interrogatoire principal?

9 (Interrogatoire principal du témoin, M. Damir Zoric, par Me Krsnik.)

10 M. Krsnik (interprétation): Seulement quelques-unes, Monsieur le

11 Président.

12 Il me faut peut-être éclaircir certaines choses, mais je pense que Me

13 Seric a déjà posé la plupart des questions que j'avais l'intention de

14 poser.

15 Tout d'abord, Monsieur Zoric, toutes ces activités internationales, ces

16 adoptions de décisions qui sont importantes pour le droit international,

17 s'agissant de toutes ces activités: qui est autorisé à adopter ces

18 décisions en République de Croatie?

19 Et j'espère que ce n'est pas une question très difficile, je veux dire, en

20 matière de droit. Je dois rester général.

21 M. Zoric (interprétation): Vous savez qu'il y a compétence

22 constitutionnelle et juridique. Pour ces décisions de l'exécutif, c'est le

23 gouvernement qui s'en chargeait mais, bien sûr, tous les accords devaient

24 être ratifiés par le parlement. Ce fut le cas pour les accords

25 internationaux qui ont été ratifiés par le parlement croate.

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1 M. Poriouvaev (interprétation): Il me semble que la question posée par Me

2 Krsnik est sans rapport avec notre procès.

3 M. le Président (interprétation): Il se peut que cette question-ci ne soit

4 pas pertinente. Il faut voir quelles sont les questions du suivi.

5 M. Krsnik (interprétation): Tout à fait, Monsieur le Président.

6 Le président de l'Etat, le parti en République de Croatie étaient-ils en

7 mesure de prendre des décisions qui permettaient l'envoi de forces

8 militaires dans un autre Etat sans l'approbation du parlement?

9 M. Zoric (interprétation): Non.

10 M. le Président (interprétation): Monsieur le Procureur?

11 M. Poriouvaev (interprétation): Est-ce que ce témoin dispose de

12 connaissances juridiques pour répondre à une question ce qui est purement

13 de droit? Je soulève une objection.

14 M. le Président (interprétation): Ce témoin est membre du parlement, il

15 peut déposer en cette qualité. Il peut parler des décisions adoptées au

16 cours de cette période. Je pense que ce témoin est qualifié pour répondre

17 à cette question.

18 Il est certain que ce Tribunal va attendre de voir ce que dit ce témoin

19 par la suite.

20 Poursuivez, Maître Krsnik.

21 M. Krsnik (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

22 Monsieur le Témoin, on affirme ici que le président Tudjman, que le HDZ

23 auraient pris la décision d'envoyer l'armée croate en Bosnie-Herzégovine

24 aux fins d'annexer la HZ-HB pour en faire une partie de la Croatie.

25 Même si telle avait été leur intention, est-ce que ceci aurait été fait

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1 sans l'approbation du parlement?

2 M. Zoric (interprétation): Le Haut Représentant des Nations Unies à

3 Sarajevo, le général Klein, a fait une déclaration qui a été communiquée

4 tout récemment, qui rappelait au public quelles étaient les offres faites

5 alors par les dirigeants bosniens au président Tudjman, qui consistaient à

6 prendre l'Herzégovine et pour permettre au reste de la Bosnie-Herzégovine

7 de poursuivre son chemin. Vous savez, cette personne est tout à fait digne

8 de foi, est très respectée et elle ne parle pas à la légère. Cet homme a

9 dit, il y a à peine un mois de cela je crois, que cette offre avait été

10 rejetée, qu'elle n'avait jamais été acceptée.

11 Nous avons aussi des déclarations récentes faites par M. Izetbegovic et

12 par ses associés selon lesquels il s'agissait là uniquement d'une

13 manoeuvre tactique destinée à faire entrer la Croatie dans un autre type

14 de jeu.

15 A mon avis, elle n'aurait jamais pu libérer ses propres territoires

16 occupés de Vukovar et Knin parce que, là, d'autres principes auraient été

17 appliqués. Si la Croatie avait agi de la sorte en Bosnie-Herzégovine,

18 comment aurait-elle pu libérer ses propres territoires qui étaient occupés

19 à ce moment-là par les Serbes?

20 Question: D'après ce que vous savez, est-ce que le Parlement croate a

21 jamais discuté d'abord, et puis pris des décisions destinées à autoriser

22 l'armée croate à entrer en Bosnie-Herzégovine?

23 Réponse: Non, pas du tout.

24 Question: On a posé la question de savoir si le Parlement croate avait les

25 attributions d'adopter une loi relative aux grades.

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1 Réponse: Oui.

2 M. Krsnik (interprétation): Quand est-ce que cette loi a été adoptée?

3 M. Zoric (interprétation): Je ne suis pas un militaire, mais je crois que

4 cela s'est fait très tôt. Je crois que cela s'est fait vers l'année 1992.

5 La question a été aménagée par une loi. Et je crois que la Croatie, en

6 tant que République socialiste à l'époque faisant partie de l'ex-

7 Yougoslavie, n'avait pas d'armée à elle: l'armée avait été à prédominance

8 serbe étant donné que ses membres non-serbes l'avaient quittée, elle était

9 devenue pratiquement purement serbe.

10 (Inaudible.) … qui se sont rangés du côté de Milosevic, et la Croatie a

11 ressenti la nécessité de créer son propre Etat.

12 (Les interprètes demandent de ralentir.)

13 Cette armée avait deux composantes: les gens qui s'étaient joints à

14 l'armée en tant que volontaires, puis ceux des officiers qui avaient

15 quitté l'ex-armée yougoslave et qui se sont vus confier certaines

16 positions dans cette armée.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je dois vous

18 rappeler qu'il faut ralentir parce que tout ce que vous dites doit être

19 traduit dans deux autres langues. Les interprètes sont loin derrière ce

20 que vous êtes en train de raconter.

21 Maître Krsnik, continuez.

22 M. Krsnik (interprétation): Merci.

23 Je vous ai posé cette question parce que l'on a suggéré, on a laissé

24 entendre ici le fait que des grades avaient été attribués dans l'armée

25 croate sans avoir de formation militaire parce qu'ils avaient été proches

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1 du président Tudjman ou des membres du HDZ. Dites-nous quelles sont les

2 personnes qui se sont vu attribuer des grades par décision du parlement et

3 que vous connaîtriez personnellement?

4 M. Zoric (interprétation): Un grand nombre de commandants. Mais le

5 président Tudjman était, par définition, le commandant suprême de cette

6 armée. Par conséquent, comme tout commandant suprême, il pouvait en

7 définitive choisir les cadres de commandement.

8 Mais d'une manière générale, dans le courant de 1991, ceux qui avaient

9 fait la guerre et qui avaient réalisé des succès l'ont fait d'abord sans

10 grade; puis, ils ont obtenu par la suite des grades appropriés. Un grand

11 nombre de personnes se sont vu attribuer des grades. Des grades avaient

12 été des grades de réserve. Il n'y avait pas que le personnel militaire,

13 mais il y avait aussi le personnel médical, il y avait le personnel

14 logistique, il y avait le personnel administratif et ainsi de suite. Ce

15 qui fait que…

16 Question: Peut-être ne nous sommes-nous pas compris. Est-ce que ces grades

17 ont été attribués par le Parlement à des personnes qui n'ont pas fait

18 partie de l'armée, comme par exemple les membres de votre parti

19 d'opposition?

20 Réponse: Oui, mais certains membres de partis d'opposition avaient obtenu,

21 en leur qualité de membres du gouvernement de guerre, des grades

22 appropriés. Etant donné que c'était un gouvernement de guerre, on avait

23 estimé que les personnes qui prenaient part à la guerre et qui avaient des

24 responsabilités à assumer devaient également se voir attribuer des grades.

25 Et il en va de même pour ce qui est de l'ex-Président de mon parti qui

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1 s'est vu également attribuer un grade.

2 Question: Deux questions encore et je finirai.

3 Réponse: Mais je tiens à préciser que nous ne pouvions pas parler du fait

4 d'avoir eu de grades attribués pour raison d'avoir été proche de

5 quelqu'un. Ces choses étaient visibles aux yeux de l'opinion publique tout

6 entière; vous ne pouviez pas nommer quelqu'un à un grade élevé au niveau

7 militaire sans que cela n'ait un retentissement adéquat dans l'opinion

8 publique. Je crois que les choses avaient été prises très au sérieux de ce

9 côté-là.

10 En fin de compte, l'ex-Président de la République avait lui-même été un

11 militaire; il avait un grade des plus élevés dans l'ex-armée. Par

12 conséquent, c'était une personne très sévère et je doute fort qu'il ait pu

13 lui arriver que des choses pareilles se passent sans qu'il les remarque.

14 Ce serait du laisser-aller et je crois que les questions au contraire

15 étaient très sérieuses.

16 Question: Quand vous dites "ex-Président", vous parlez du Président

17 Tudjman?

18 Réponse: Oui, il avait été général; il était le plus jeune des généraux au

19 moment où la Yougoslavie s'est libérée du fascisme. Il avait été le plus

20 jeune des généraux de Tito. Il avait une expérience militaire, il avait

21 été responsable de l'administration des effectifs à Belgrade pendant de

22 longues années. Il connaissait, il savait très bien comment la procédure

23 devait s'effectuer.

24 Je ne pense pas qu'il y ait eu des cas où un grade militaire aurait été

25 attribué à quelqu'un qui ne l'avait pas mérité. C'étaient des questions

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1 très sérieuses, des plus sérieuses; et je crois que certaines personnes,

2 grâce à leur habileté, ont permis au pays de gagner la guerre. Je crois

3 qu'ils devaient faire face à une armée qui était la quatrième armée en

4 Europe. En 1991, nous n'avions vraiment pas beaucoup d'armes.

5 C'est un récit qui date depuis longtemps -et je ne sais pas s'il faut en

6 parler- mais je précise que la Croatie avait été désarmée à l'époque.

7 (Les interprètes redemandent de ralentir.)

8 Question: Deux questions encore et je terminerai. Lorsque vous avez parlé

9 de double nationalité, je voudrais que vous nous disiez: étant donné que

10 vous aviez été ambassadeur, combien de Musulmans ont obtenu la nationalité

11 croate et, notamment, s'agissant de responsables de haut niveau au sein du

12 parti SDA?

13 Réponse: Un très grand nombre de personnes se sont vu attribuer cette

14 nationalité à Sarajevo: on pourrait peut-être parler de quelques milliers

15 de personnes. En fin de compte, les membres de leur famille respective,

16 pendant toute la durée de la guerre -j'entends les familles des membres

17 des hauts responsables- avaient résidé à Zagreb; et du fait d'avoir résidé

18 pendant cinq ans en Croatie, ils ont acquis le droit d'accéder à la

19 nationalité, ce qui fait qu'un grand nombre d'hommes politiques ou de

20 personnalités publiques, de sportifs, de gens des médias et ainsi de

21 suite, se sont vu attribuer la nationalité.

22 Question: Et s'agissant des personnes ordinaires?

23 Réponse: Les personnes ordinaires sont bien plus nombreuses. Je crois

24 qu'on pourrait parler de quelque 30.000 personnes.

25 Question: S'agissant des élections en Croatie -et nous parlons des

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1 Musulmans et des Bosniens-, combien avaient-ils pu prendre part aux

2 élections en Croatie lorsqu'ils avaient la nationalité croate?

3 Réponse: Tout citoyen croate a le droit de participer aux élections.

4 Lorsqu'il y a des élections, je crois que des bureaux de vote doivent être

5 organisés aux emplacements convenus avec l'Etat en question.

6 Nous avons organisé ce type d'élections en Bosnie-Herzégovine à l'époque

7 où j'étais ambassadeur moi-même. Nous avions obtenu au préalable une

8 approbation de la part de la présidence de Bosnie-Herzégovine, ce qui fait

9 que les bureaux de vote avaient été organisés à des endroits officiels, à

10 savoir au niveau de l'ambassade, au niveau des consulats et au niveau des

11 bureaux consulaires. Donc, si nous avions un grand nombre de citoyens à

12 nous à quelque endroit, pour des raisons pratiques, nous avions demandé

13 l'approbation d'organiser des bureaux de vote complémentaires pour

14 permettre aux gens de voter et pour éviter des foules.

15 Question: Ce qui importait pour moi, c'était d'avoir une réponse au niveau

16 de la possibilité de voter?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Au niveau des élections en République de Croatie?

19 Réponse: Oui.

20 M. Krsnik (interprétation): Une autre question que je voulais peut-être

21 re-mentionner, parce que j'ai peut-être contribué à une petite confusion;

22 je ne l'ai pas fait exprès, bien entendu.

23 Quand je vous ai dit que vous aviez peut-être quelques connaissances

24 personnelles au niveau des transcripts présidentiels, j'entendais que vous

25 aviez peut-être eu des entretiens avec des représentants des départements,

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1 au parlement, ou représentants du gouvernement, pour savoir quand est-ce

2 que cette décision de mettre sous scellés ces transcripts présidentiels a

3 été prise?

4 M. Zoric (interprétation): A plusieurs reprises, je m'étais entretenu avec

5 la présidente du comité chargé de la sécurité nationale, une amie à moi.

6 Je sais que tous étaient très troublés par ce qui se passait et la

7 majorité, au niveau de la coalition, et même les représentants de

8 l'opposition des pouvoirs de l'époque avaient estimé qu'il convenait de

9 respecter la loi, s'agissant de ces documents-là.

10 Et dans certains cas, il arrivait que des documents de ce genre étaient

11 publiés dans les médias. La magistrature ne reconnaissait pas leur

12 fondement ou leur fiabilité étant donné qu'on n'avait pas prouvé leur

13 authenticité. Mais je sais que les personnes qui étaient censées décider

14 de la chose au Parlement étaient très bouleversées, très troublées; c'est

15 la raison pour laquelle il a été décidé de respecter strictement la

16 législation en vigueur, et il a été adopté une procédure pour ce qui est

17 du classement dans les archives de l'Etat de ces documents-là. Il a été

18 institué une commission spéciale pour ce qui était de la procédure à

19 suivre pour pouvoir disposer de certains documents.

20 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur le Procureur?

21 M. Poriouvaev (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais que le

22 témoin nous dise quand est-ce que cela est arrivé?

23 M. le Président (interprétation): Oui, la question avait été posée: quand

24 est-ce que cette décision a été prise?

25 M. Zoric (interprétation): La décision a été prise l'an passé.

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1 M. Krsnik (interprétation): Mais pour ce qui est de la loi relative aux

2 archives?

3 M. Zoric (interprétation): La loi relative aux archives existe depuis

4 1993. Si ce n'est pas le cas, il existe une autre loi qui précise qu'en

5 Croatie, toute question qui n'a pas été aménagée par la Croatie en tant

6 que pays indépendant devait être reprise de l'ex-législation, c'est-à-dire

7 de la législation précédente. Par conséquent, on peut estimer ou dire que,

8 dès le début même de l'existence de la Croatie en tant que pays

9 indépendant, la question se trouvait être aménagée de façon juridique,

10 étant donné que la question avait été aménagée par l'ex-Etat. Et là où des

11 législations particulières n'avaient pas été adoptées par la Croatie, la

12 Croatie faisait siennes les lois qui existaient auparavant. Donc une loi

13 relative aux archives de l'Etat a existé de toute l'existence de l'Etat.

14 (Les interprètes demandent à nouveau aux intervenants de ralentir et de ne

15 pas chevaucher.)

16 Question: Lorsque ces transcripts sont présentés devant l'opinion

17 publique, je voudrais savoir, enfin, je voudrais que vous me disiez si ces

18 documents pouvaient être publiés en vertu des dispositions législatives?

19 Réponse: Cela ne pouvait pas être publié si ces documents n'étaient pas

20 parvenus dans l'opinion publique ou ici, de façon légale ou légitime. Je

21 ne sais pas, mais, si c'est le cas, il devrait y avoir une procédure

22 prévue par la législation. Mais je crois que les choses devaient se faire

23 d'une façon conforme aux dispositions légales.

24 Question: Merci beaucoup. Je n'ai plus de question, Monsieur le Président,

25 Mesdames les Juges.

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1 Je voudrais que l'on montre au témoin les pièces à conviction D1-326 et

2 D1-327 pour que ces pièces soient également distribuées aux parties.

3 Madame la Greffière, est-ce que vous pouvez procéder à la distribution des

4 deux pièces en même temps?

5 (Intervention de l'huissier.)

6 Monsieur le Témoin, d'abord le D1-326: c'est la pièce en couleurs. Est-ce

7 que vous pouvez dire à Chambre de quoi il s'agit au juste?

8 Réponse: Il s'agit d'une brochure dont j'ai parlé. On avait proposé des

9 classes estivales de langues étrangères aux enfants en Croatie; il s'agit

10 d'écoles estivales dans un village à Obonjan, avec des installations qui

11 avaient servi à l'accueil de réfugiés.

12 Question: Est-ce que cela avait le même aspect que lorsque les réfugiés

13 étaient hébergés?

14 Réponse: Tout à fait la même chose. Peut-être a-t-on repeint par la suite,

15 parce que ces installations avaient été assez endommagées, mais il n'y a

16 pas eu d'intervention au niveau du génie civil dans ces installations-là.

17 Nous avions aménagé ce centre de réfugiés grâce, entre autres, à

18 l'assistance qui nous avait été apportée par une organisation appartenant

19 au gouvernement allemand, qui s'appelait "GTZ Gemeinschaft Fuer Technische

20 Zusammenarbeit". Je crois que c'est ainsi que s'appelait l'organisation en

21 question. Et les installations sont actuellement utilisées pour des

22 enfants en âge scolaire. Le prospectus en question m'a été rapporté par

23 mon fils qui avait souhaité se rendre là-bas; il ira probablement.

24 M. Krsnik (interprétation): Et la pièce 327, c'est un document en BCS.

25 Pouvez-vous me dire de quoi il s'agit?

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1 M. Zoric (interprétation): Il s'agit d'un titre de remerciement, qui est

2 daté du mois de janvier, du 9 janvier 1993. Je l'ai reçu de l'état-major

3 des forces armées de l'armée de Bosnie-Herzégovine parce que je leur avais

4 fait parvenir des vivres et des moyens nécessaires pour la défense.

5 Il s'agit de la localité de Maglaj qui se trouve au sud de Derventa ou au

6 nord de Zenica, c'est-à-dire en Bosnie centrale. Cela a été signé par le

7 brigadier Sulejman Herceg, un Bosnien. Il s'agit d'un autre brigadier,

8 Anto Marinac, dont le nom et prénom nous laissent entendre qu'il s'agit

9 d'un Croate de Bosnie. J'avais des titres de remerciement de ce genre,

10 enfin bon nombre de titres de ce genre, mais j'ai gardé par exemple celui-

11 ci.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Krsnik, s'agissant de ces

13 photographies, je ne vois pas quelle est leur valeur probante dans

14 l'affaire qui nous concerne et pour ce qui est de la lettre nous aurions

15 besoin d'une traduction.

16 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

17 nous allons procéder à la traduction de ce document, c'est certain, mais

18 pour ce qui est de Obonjan, je suis très confus parce que plusieurs

19 témoins avaient parlé de Obonjan en tant que camp et je puis vous citer

20 les témoins de l'accusation qui en ont parlé de la sorte. C'est la raison

21 pour laquelle nous avons apporté ces photographies pour vous montrer de

22 quel type d'installations il s'agissait. L'accusation est parfaitement

23 consciente du fait que plusieurs de ces témoins avaient témoigné ou parlé

24 de la chose.

25 Merci, Docteur Zoric, d'être venu pour nous permettre de nous rapprocher

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1 le plus possible de la vérité. Merci Monsieur le Président et Mesdames les

2 Juges. Je n'ai plus de questions.

3 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez prévu un contre-

4 interrogatoire?

5 M. Poriouvaev (interprétation): Oui, Monsieur le Président, mais nous

6 aurions besoin de plusieurs minutes pour ce qui est de la distribution de

7 nos pièces à conviction.

8 M. le Président (interprétation): Oui, bien sûr!

9 Maître Meek?

10 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, laissez-moi poser une

11 question d'organisation. Je crois que le témoin avait parlé d'un D1.327 en

12 guise de lettre de reconnaissance. En fait, il s'agit du D1.326.

13 M. le Président (interprétation): Oui.

14 M. Meek (interprétation): C'était juste pour clarifier les choses pour les

15 besoins du compte rendu d'audience.

16 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

17 (Intervention de l'huissier.)

18 Oui, vous pouvez commencer, je vous prie.

19 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Damir Zoric, par M. Poriouvaev.)

20 M. Poriouvaev (interprétation): Merci Monsieur le Président.

21 Monsieur Zoric, bonjour.

22 M. Zoric (interprétation): Bonjour.

23 Question: Je suis conseil de l'accusation. Je représente ici le Bureau du

24 Procureur et je me propose de vous poser plusieurs questions.

25 Aux fins de compléter le récit relatif à ces photographies, je vous

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1 poserai une question: à savoir quand est-ce que le dernier des réfugiés a

2 quitté l'île de Obonjan?

3 M. Zoric (interprétation): Dès que la crise s'est atténuée, je crois que

4 vers la fin 1995 il n'y avait plus personne là-bas. Il s'agissait

5 d'installations d'hébergement qui avaient été utilisées pendant fort peu

6 de temps, pendant bien moins longtemps que d'autres installations.

7 M. Poriouvaev (interprétation): Et quand ce fameux camp a-t-il été ouvert?

8 M. le Président (interprétation): Mais qu'entendez-vous par...

9 M. Poriouvaev (interprétation): Je parlais du camp, c'est-à-dire le centre

10 d'apprentissage de langues.

11 M. Krsnik (interprétation): Parce qu'il est dit ici "camp international"

12 ou "campement international".

13 M. Zoric (interprétation): Il s'agissait d'un campement pour réfugiés à

14 l'époque où la crise des réfugiés avait battu son plein en Croatie. Je

15 vous ai dit que, entre mars et avril, nous avions reçu plusieurs milliers

16 de personnes en un mois. Puis par la suite, dans le mois d'après, le

17 chiffre s'était décuplé parce que nous avions dû accueillir beaucoup de

18 personnes dans des installations de ce genre.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, la question avait

20 été tout à fait simple, à savoir de nous dire quand est-ce que ce centre,

21 ce camp d'apprentissage des langues étrangères a été ouvert.

22 M. Zoric (interprétation): Je pense que cela existe depuis plusieurs

23 années déjà, je ne sais pas au juste. Mais cet endroit, ce centre-là,

24 existe en tant qu'entreprise ou compagnie à part. C'est un établissement,

25 en quelque sorte. Nous avions utilisé cet établissement pour l'hébergement

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1 de personnes à l'époque parce que nous n'avions pas la possibilité de le

2 faire ailleurs.

3 Mais compte tenu de la difficulté de la position pénible dans laquelle

4 s'étaient trouvées ces personnes, nous les avions hébergées là. Mais dès

5 que des possibilités s'étaient créées ailleurs, nous les transférions

6 ailleurs.

7 M. Poriouvaev (interprétation): Merci, Monsieur le Témoin. Je n'ai pas

8 d'autres questions à vous poser concernant la photographie en question.

9 Monsieur Zoric, je voudrais vous poser maintenant une question concernant

10 les transcripts présidentiels. Si j'ai bien compris votre témoignage, vous

11 n'aviez pas été présent lorsque les transcripts présidentiels ont été

12 rédigés. Ai-je raison de le dire?

13 Réponse: Je ne sais pas ce que vous entendez: "au moment où ils ont été

14 rédigés". Je n'ai pas travaillé dans un service qui me permettrait d'être

15 là-bas. Je ne sais pas du tout qui a rédigé ces transcripts.

16 Question: Bien. Donc vous n'aviez pas accès aux transcripts présidentiels.

17 Ai-je raison de le dire?

18 M. Zoric (interprétation): Je pense que personne n'avait accès aux

19 transcripts présidentiels, exception faite des personnes qui sont

20 autorisées à avoir un tel accès par la loi. Je n'avais guère besoin

21 d'accéder à ces transcripts et je n'avais aucune connaissance de leur

22 existence. Ces transcripts sont devenus un sujet très intéressant ou à la

23 pointe de l'intérêt de l'opinion publique au cours des deux dernières

24 années.

25 M. Poriouvaev (interprétation): Bien, merci. Nous reviendrons à ces

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1 questions, à ce thème des transcripts présidentiels si nous en avons le

2 temps, à la fin de notre contre-interrogatoire.

3 Je voudrais que nous nous concentrions sur des questions relatives à

4 l'Herzégovine qui sont directement pertinentes pour l'affaire parce que le

5 reste des questions avait été couvert par les réponses du témoin au cours

6 de l'interrogatoire principal.

7 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Seric?

8 M. Seric (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Mais si tant est

9 que cela est exact, je ne vois pas en quoi les questions posées par

10 l'accusation sont en corrélation avec mon interrogatoire principal parce

11 que, dans mon interrogatoire principal, il n'y avait pas eu une seule

12 question concernant l'intervention de l'Herceg-Bosna et les questions

13 humanitaires en Herceg-Bosna parce que cette personne n'avait pas été

14 chargée de travailler avec les réfugiés en Herceg-Bosna, mais il avait des

15 fonctions en Croatie.

16 Mes questions avaient donc trait à ses fonctions en Croatie. Je ne vois

17 pas quel est le fondement, en contre-interrogatoire, de poser des

18 questions et ce, en examinant la documentation qui nous a été distribuée,

19 je puis constater que cette documentation a trait exclusivement au

20 fonctionnement, à l'intervention des bureaux ou des départements qui

21 avaient à exercer leurs activités sur le territoire de l'Herceg-Bosna. Je

22 ne vois donc pas en quoi cela a quelque relation que ce soit avec mon

23 interrogatoire principal.

24 M. le Président (interprétation): Eh bien, durant son témoignage, le

25 témoin a dit que la distribution de l'aide humanitaire pendant la période

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1 concernée passait par ce territoire qui peut fort bien inclure les

2 départements sur le territoire de l'Herzégovine.

3 Mais laissons à l'accusation le loisir de poser ses questions. Et je tiens

4 à rappeler le Procureur que son contre-interrogatoire devrait être en

5 corrélation avec la matière qui nous concerne dans cette affaire.

6 M. Poriouvaev (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je vais faire

7 de mon mieux, et je m'efforcerai de poser des questions pertinentes dans

8 le courant de mon contre-interrogatoire.

9 Bien entendu, l'Herceg-Bosna était partie intégrante de la Bosnie-

10 Herzégovine, et certains réfugiés provenaient de l'Herceg-Bosna, y compris

11 les réfugiés qui avaient été logés ou hébergés à Obojan et dans d'autres

12 centres d'accueil de réfugiés. C'est là le fondement auquel je me réfère.

13 M. le Président (interprétation): Bien. Veuillez poser vos questions.

14 M. Poriouvaev (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

15 Monsieur Zoric, dites-nous quelle avait été l'appellation de votre poste

16 au sein de ce bureau, de ce département chargé des personnes déplacées,

17 des réfugiés?

18 M. Zoric (interprétation): Il s'agissait du bureau du gouvernement de

19 Croatie chargé des personnes déplacées et des réfugiés. Mes fonctions

20 avaient pour libellé "secrétaire principal".

21 Question: Qui avait été le chef de ce bureau?

22 Réponse: Le chef de ce bureau avait été M. Adalbert Rebic.

23 Question: Monsieur le Témoin, mettons-nous d'accord sur ce qui suit. Dans

24 mes questions, je ne vais pas me référer à l'appellation entière de votre

25 bureau parce que cela prend beaucoup de temps, mais nous parlerons de

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1 "bureau". Est-ce que vous êtes bien d'accord avec moi?

2 (Le témoin fait un signe affirmatif de la tête.)

3 Réponse: Oui.

4 Question: Et dites-nous qui avait été votre supérieur immédiat?

5 Réponse: Mon supérieur immédiat était M. Adalbert Rebic. Et au-dessus de

6 lui, il y avait le vice-président du gouvernement, le Dr Mate Granic. Il

7 était chargé de la coordination de ces activités.

8 Question: Et quelles étaient vos attributions, au juste, en tant que

9 secrétaire général?

10 Réponse: Des tâches relevant de l'organisation, pour l'essentiel. Mais à

11 l'époque, nous ne pouvions pas vraiment répartir de façon très précise les

12 tâches. Au départ, nous travaillions dans des conditions d'état d'urgence.

13 Par exemple, il n'y avait pas d'électricité, nous ne pouvions pas rentrer

14 chez nous, nous devions passer la nuit au bureau. Il serait donc difficile

15 de vous dire avec précision quel était notre mandat. Mon mandat, plutôt.

16 Mais de façon générale, je m'occupais de l'organisation, de voir combien

17 nous avions de farine, comment nous en procurer, comment distribuer la

18 farine, comment avoir un nombre suffisant de camions pour transporter la

19 farine, comment financer tout cela, et ainsi de suite.

20 Question: Dans un document, j'ai trouvé le nom de Josip

21 Esterajna-pardonnez ma prononciation.

22 Réponse: Il s'agit de Josip Esterajher. Il est arrivé de Vukovar, il a

23 réussi à fuir la ville de Vukovar occupée, et il y a travaillé en tant que

24 journaliste.

25 Question: Quelles étaient ses responsabilités dans votre bureau?

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1 Réponse: Il était mon assistant, j'avais besoin d'un homme compétent à mes

2 côtés, il était donc mon assistant. Mais je crois que, quand je suis

3 parti, il est devenu directeur de certains départements, mais c'est moi

4 qui l'avais engagé comme assistant.

5 Il organisait les relations publiques du bureau, la promotion du bureau

6 dans les médias au départ, lorsqu'il est donc arrivé en tant que

7 journaliste à Zagreb, et il travaillait ensemble avec de nombreux

8 journalistes.

9 Question: Qui d'autre, outre M. Rebic, avait le droit, le pouvoir de

10 signer des documents officiels émanant de votre bureau?

11 Réponse: Pendant un certain temps, M. Rebic avait un adjoint, mais c'était

12 déjà au moment où je quittais le bureau. Quelqu'un d'autre a donc été

13 engagé, qui l'a aidé en tant qu'adjoint étant donné que la charge de

14 travail avait beaucoup augmenté.

15 Question: Qui avait le pouvoir de signer des documents au nom de M. Rebic?

16 Réponse: J'avais cette autorisation, ce pouvoir. Mais j'ai surtout signé

17 des documents administratifs, tels que des factures ou ce qui avait trait

18 aux relations avec les autres employés de ce bureau. Je devais, en fait,

19 organiser le secrétariat, le travail au sein du bureau, et ainsi de suite.

20 Question: J'aimerais que l'huissier montre deux pièces au témoin, soit la

21 pièce 566.3 et 286.1.

22 (Intervention de l'huissier.)

23 Est-ce que vous voudriez bien soumettre les deux documents au témoin afin

24 qu'il puisse les comparer?

25 M. Zoric (interprétation): Il ne s'agit pas là de la signature du Docteur

Page 11103

1 Rebic. J'ai vu sa signature à maintes reprises et je vois bien qu'il ne

2 s'agit pas de sa signature.

3 Question: Mais je ne vous ai pas encore posé de question. Vous avez donc

4 sous les yeux ces deux documents, les deux ont été rédigés au nom de M.

5 Rebic, mais d'après ce que je peux constater les deux signatures sont

6 différentes, donc deux personnes différentes les ont signés. Est-ce bien

7 exact?

8 Réponse: Je n'ai pas encore pu examiner le deuxième document, mais en tout

9 cas cette signature-ci n'est pas celle de M. Rebic. Je dois aussi vous

10 avertir qu'il y a eu de nombreux documents falsifiés à l'époque que nous

11 avons remis à la police. Bien souvent, nous avons émis de tels documents,

12 mais il est difficile de dire si certains documents sont crédibles ou non,

13 notamment quand il s'agit d'une photocopie. Il y a eu si souvent des

14 documents falsifiés; nous avons toujours demandé à la police d'enquêter à

15 ce sujet. Ces documents ont été émis lorsque certaines familles...

16 M. Poriouvaev (interprétation): Monsieur le Témoin, vous ne répondez pas à

17 ma question.

18 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik?

19 M. Krsnik (interprétation): Je pense qu'il serait plus équitable

20 d'autoriser le témoin à finir ses explications, à les compléter. Je pense

21 que la question des documents falsifiés est très importante.

22 M. le Président (interprétation): Eh bien, il faudrait tout d'abord que le

23 témoin réponde à la question, puis, s'il veut nous fournir d'autres

24 explications, il peut le faire.

25 M. Poriouvaev (interprétation): Mais je n'ai même pas encore posé de

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1 question!

2 M. le Président (interprétation): Eh bien, la question que vous avez posée

3 était la suivante: est-ce que ces documents ont été signés par des

4 personnes différentes.

5 M. Poriouvaev (interprétation): Oui, c'est cela. Donc ma question suivante

6 est: quel est le document dont vous parlez maintenant, que vous avez sous

7 les yeux? Dites-moi juste quelle est la cote du document?

8 M. Zoric (interprétation): En fait, je vous donne une réponse qui a trait

9 aux deux documents que j'ai sous les yeux. J'ai tenté de vous expliquer

10 comment de tels documents ont été émis et je voulais attirer votre

11 attention sur le fait que de nombreux documents ont été falsifiés.

12 Le document qui a la cote 01547467, eh bien, on voit clairement que le

13 destinataire était une personne habitant à Zagreb, Brace Domany, la rue

14 Brace Domany n°2. Je suppose qu'il s'agissait d'une personne qui avait

15 demandé ma permission d'héberger quelques réfugiés chez elle. Nous avons

16 émis de telles autorisations puisque nous étions responsables de ces

17 questions et il s'en suivait que nous assumions la responsabilité de

18 satisfaire aux besoins de ces personnes. Il y avait certaines personnes

19 qui venaient en Croatie, qui demandaient à bénéficier d'un statut autre

20 que celui de réfugié, donc nous devions assumer toute une série

21 d'obligations. Nous étions responsables de ces questions, nous devions

22 donc donner notre aval et nous devions proposer à certaines autorités, les

23 autorités compétentes telles que la police frontalière, donc leur proposer

24 de laisser entrer une personne en Croatie ou de ne pas le faire. Si une

25 personne déclarait qu'elle voulait venir en Croatie en tant que réfugié en

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1 provenance par exemple de Siroki Brijeg, je ne signerai pas une telle

2 autorisation parce que c'est une ville qui est restée libre pendant toute

3 la guerre, donc il n'y avait aucune raison de fuir la ville.

4 Question: Merci, Monsieur le Témoin. Mais essayons de nous mettre

5 d'accord; il s'agit d'un contre-interrogatoire, donc en principe les

6 questions doivent être brèves et les réponses aussi. Si j'ai besoin

7 d'explications supplémentaires, je vous poserai d'autres questions. Si les

8 Juges souhaitent d'autres explications, ils feront de même, mais il n'est

9 pas nécessaire de rajouter toujours des explications chaque fois que je

10 vous pose une question, à moins qu'on vous le demande. Je regrette d'avoir

11 à vous demander de cela, mais sinon nous n'arriverons jamais au bout de

12 contre-interrogatoire.

13 Maintenant, est-ce que cette signature vous est familière?

14 M. Zoric (interprétation): J'ai déjà dit ce que j'avais à dire au sujet de

15 cette signature: j'ai des doutes quant à cette signature. Je connais la

16 personne dont on voit y ici prétendument la signature, il s'agit d'un

17 prêtre mais, franchement, j'ai des doutes. J'ai déjà dit qu'il y avait à

18 maintes reprises des abus, et nous avons toujours transmis ces documents à

19 la police à des fins d'enquête.

20 M. le Président (interprétation): Maître Seric?

21 M. Seric (interprétation): Le témoin a déjà dit tout ce qu'il avait à

22 dire, et il a aussi dit qu'il pourrait donner une réponse plus complète si

23 on lui montrait l'original de la signature.

24 M. Poriouvaev (interprétation): Monsieur le Président, je ne sais pas s'il

25 conviendrait maintenant de faire une pause. Je vois que mon collègue me

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1 fait signe.

2 M. le Président (interprétation): Oui. En fait, nous allons faire une

3 pause pendant vingt minutes. Nous allons donc reprendre à 6 heures moins

4 20.

5 (Le témoin, M. Zoric, est reconduit hors du prétoire.)

6 (L'audience, suspendue à 17 heures 13, est reprise à 17 heures 40.)

7 (Le témoin, M. Zoric, est introduit dans le prétoire.)

8 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur le Procureur, vous pouvez

9 poursuivre.

10 M. Poriouvaev (interprétation): Merci.

11 Monsieur Zoric, passons maintenant au deuxième document. Est-ce que vous

12 l'avez sous les yeux? Il s'agit de la pièce 566.3.

13 (Intervention de l'huissier.)

14 Est-il exact que ce document est signé par une autre personne au nom de M.

15 Rebic? Connaissez-vous la personne dont on voit ici la signature?

16 M. Zoric (interprétation): Non.

17 M. Poriouvaev (interprétation): Qui était autorisé à signer les documents

18 au nom de M. Rebic au mois d'août 1993? Avait-il un adjoint à l'époque?

19 M. Zoric (interprétation): A l'époque, je n'étais pas dans ce bureau, je

20 ne travaillais pas dans ce bureau, dans ce département.

21 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Krsnik.

22 M. Krsnik (interprétation): Eu égard au fait que 80% de ces documents dans

23 ce classeur sont des documents nouveaux qui n'ont pas été versés au

24 dossier, nous voyons que le premier document porte le timbre des archives

25 de Zagreb, mais ce n'est pas le cas du deuxième document, nous ne savons

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1 pas quelle en est l'origine. Est-ce que l'on pourrait nous dire quelle est

2 l'origine ou la source de ce document?

3 M. le Président (interprétation): D'après la liste qui a été fournie par

4 l'accusation, on voit que ce document provient en fait de la personne

5 elle-même, a été fourni par cette personne dont le nom figure à la

6 deuxième page du classeur. Est-ce exact?

7 M. Poriouvaev (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

8 Vous ne savez donc pas...

9 M. Zoric (interprétation): Je ne sais pas qui l'a signé. Mais je vois sur

10 ce document que la personne qui a demandé que ce document soit émis, a

11 indiqué qu'il voulait faire le voyage de la Bosnie à la Slovaquie, en

12 traversant la Slovénie. A l'époque, les personnes provenant de Bosnie-

13 Herzégovine avaient besoin d'un visa pour entrer en Slovénie. Il en allait

14 de même pour toute une série d'autres pays européens: ils ne pouvaient pas

15 entrer dans ces pays sans visa. Et puisque nous n'étions pas en mesure de

16 les héberger, d'héberger de tels réfugiés, ils demandaient l'autorisation

17 de pouvoir partir, se rendre dans des pays tiers. Ou peut-être qu'ils s'y

18 rendaient pour affaires, je n'en sais rien.

19 Question: Merci, Monsieur le Témoin. Maintenant, nous pouvons mettre de

20 côté ces pièces et poursuivre le contre-interrogatoire.

21 Monsieur le Témoin, vous venez de nous dire que vous étiez responsable des

22 questions d'ordre général, questions d'organisation au sein de votre

23 département au bureau? Est-ce exact?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Qui était responsable des communications, des contacts entre

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1 votre bureau et les bureaux correspondants en Bosnie-Herzégovine, Herceg-

2 Bosna et des pays tiers?

3 Réponse: Je ne sais pas ce que vous entendez par "bureaux correspondants".

4 Je ne peux pas répondre à votre question.

5 Question: J'entends par là des bureaux du même type, des bureaux ou des

6 départements pour réfugiés et personnes déplacées.

7 Réponse: Eh bien, nous avions peu de contacts avec eux, il était difficile

8 d'établir de tels contacts. En dépit du fait que les distances n'étaient

9 pas bien grandes, il y avait quand même des champs de bataille qui nous

10 séparaient. Les communications étaient donc fort difficiles à l'époque et

11 notamment en 1993.

12 Question: Très bien. Etiez-vous responsable de centres d'accueil pour les

13 réfugiés?

14 Réponse: Oui, on peut le dire: j'étais, d'une certaine manière,

15 responsable. Je devais m'assurer que nous pouvions en couvrir les coûts,

16 que les salaires des personnes employées dans ces centres pouvaient être

17 payés.

18 Question: Mais y avait-il quelqu'un d'autre au sein de votre bureau, dont

19 les tâches se limitaient à organiser le fonctionnement de tels centres?

20 Réponse: Nous étions une trentaine à travailler dans ce bureau. Il y avait

21 une section qui était responsable de ces questions-là, qui comptait cinq

22 ou six personnes qui s'occupaient de la logistique dans ces centres. Je

23 crois d'ailleurs que ces personnes continuent à ce jour à s'occuper de

24 telles tâches. Je crois que, malheureusement, il y a encore 30.000

25 personnes qui n'ont pas pu rentrer chez elles et qui sont toujours

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1 hébergées dans l'un ou l'autre de ces centres.

2 Question: Je vous pose cette question parce que j'ai des résumés sous les

3 yeux, résumés datant du 15 avril, aux termes desquels vous étiez également

4 responsable des camps de réfugiés dans la République de Croatie. Est-ce

5 bien exact?

6 Réponse: Le 15 avril 1993, je n'aurais pas pu être le directeur de ces

7 camps de réfugiés: j'étais déjà membre du parlement.

8 Question: Je regrette, Monsieur le Témoin. C'est peut-être une erreur de

9 ma part: je parle des résumés de votre témoignage de votre témoignage, de

10 vos dépositions potentielles devant cette Chambre, donc résumés qui datent

11 du mois d'avril 2002. Désolé donc de vous avoir induit en erreur.

12 Est-ce que vous étiez directeur de ces camps en 1993?

13 Réponse: Oui, jusqu'au printemps, mais chaque centre avait son propre

14 directeur. Nous avions 596 centres ou installations où nous logions les

15 gens; donc il était impossible pour une seule personne de gérer près de

16 600 centres de ce type. Certains étaient en voie de fermeture, d'autres

17 venaient d'être créés, mais nous accueillions toujours un très grand

18 nombre de personnes. Il y avait une personne qui gérait ces centres et

19 nous avons toujours essayé d'assurer la participation des personnes qui

20 est y étaient logées. Chacun avait son propre rôle, se voyait attribuer

21 certaines tâches: certaines personnes voulaient travailler en cuisine,

22 certains qui avaient des connaissances spécialisées, qui étaient

23 enseignants par exemple, se voyaient confier ces tâches.

24 Donc, en fait, ils géraient eux-mêmes les centres. A Zagreb, nous nous

25 contentions de les approvisionner en nourriture, de leur fournir des

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1 soins; notamment pour éviter que certaines maladies de ne se déclarent.

2 Nous, nous couvrions les frais notamment d'électricité de nourriture, et

3 ainsi de suite. Nous avons également assumé les frais des obsèques,

4 organisé des obsèques et ainsi de suite. Comme je l'ai déjà dit, il aurait

5 été fort difficile pour une seule personne de gérer 600 centres. Chaque

6 centre avait son propre directeur; s'il y avait quelques petits centres,

7 il se peut qu'une personne ait géré plusieurs petits centres, mais nous

8 étions donc les responsables au niveau du gouvernement pour ces centres.

9 Question: Est-ce que vous faites allusion au printemps 1993? Je vois sur

10 le compte rendu que vous avez dit "jusqu'au printemps". Est-ce que vous

11 entendez par là le printemps 1993?

12 Réponse: Oui, c'était au mois d'avril que j'ai quitté ce poste puisque

13 j'étais élu au parlement. Donc j'ai dû assumer ces fonctions-là au

14 parlement; je suis ainsi devenu un des présidents du parlement. Comme il

15 était impossible d'avoir des fonctions dans l'exécutif et dans le

16 législatif, de façon simultanée: j'ai donc dû quitter mes fonctions.

17 Question: Quand au juste avez-vous quitté vos fonctions?

18 Réponse: C'est assez difficile à dire parce qu'il y a huit ans de cela. Je

19 crois que c'était au mois d'avril 1993. Je crois que c'est suffisamment

20 précis comme réponse. Je ne pensais pas que la date exacte aurait une

21 telle importance, mais de toute façon, on peut dire que c'était au mois

22 d'avril 1993.

23 Question: Vous avez parlé de lois adoptées en Croatie, des lois ayant

24 trait aux réfugiés et aux personnes déplacées. Pourriez-vous expliciter

25 pour nous à quel moment exactement ces lois ont été adoptées?

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1 Réponse: Tout d'abord, nous avions un simple décret, émis par le

2 gouvernement en 1991, et cela est resté en vigueur en 1992 également, mais

3 de tels décrets ne restaient valables que pendant une période limitée.

4 Donc, le gouvernement devait à chaque fois proroger cette période de

5 validité. Cela relevait de la compétence du gouvernement. Les décrets

6 devaient également parfois être révisés afin d'être améliorés. Les décrets

7 ont ainsi été modifiés; je crois qu'en 1992 ou en 1993, ces décrets ont

8 été adoptés sous forme de loi, conformément aux normes internationales

9 régissant ce domaine, et j'entends par là le traitement des réfugiés des

10 requérants d'asile et des personnes déplacées.

11 Par ailleurs, une autre loi a été adoptée ultérieurement qui régissait les

12 questions relevant de l'assistance humanitaire qui avait le droit de

13 fournir une telle assistance, quels genres de biens pouvaient être livrés

14 sans être soumis aux droits de douanes pour prévenir des abus possibles

15 dans ce secteur. De toute façon, il y avait deux lois définissant toutes

16 ces choses, régissant ces questions, et puis il y avait d'autres lois,

17 d'autres règlements valables en vigueur dans la République de Croatie qui

18 ont également été appliqués.

19 Question: Est-il exact de dire qu'au cours du mois de février 1993, votre

20 bureau a annoncé que tous les réfugiés se trouvant en Croatie seraient

21 inscrits ou réinscrits en février à partir du 10 février jusqu'au 28 de ce

22 mois?

23 Réponse: Il est tout à fait probable que ces dates soient exactes. En

24 effet, nous avons mené un recensement; nous avons essayé d'inscrire ces

25 réfugiés à plusieurs reprises pour savoir exactement d'où ils venaient, où

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1 ils se trouvaient et où ils étaient logés. Ils venaient souvent de façon

2 tout à fait chaotique; en l'espace d'une nuit, en arrivaient plusieurs

3 milliers. Certains ont pris l'initiative de partir à l'étranger, ils

4 partaient de certaines installations pour s'installer dans d'autres et ils

5 n'annonçaient pas leur départ.

6 Il fallait savoir quelles étaient les personnes dont on devait s'occuper.

7 Parfois les chiffres ne répercutent pas correctement les chiffres

8 corrects. A l'époque, 12% de la population de la Croatie se composaient de

9 réfugiés ou de personnes déplacées; cela représenterait 35 millions de

10 personnes ayant un statut de réfugié aux USA, si on reprenait cette

11 proportion.

12 La Croatie est un petit pays. Il a fallu effectuer ce recensement et nous

13 avons ainsi pu établir des données précises qui nous ont permis de mieux

14 nous organiser et de mieux nous préparer pour le retour des réfugiés, une

15 fois que cette opération serait devenue possible. D'autres recensements

16 ont été effectués par la suite.

17 Question: Les législations, les lois en vigueur à l'époque, que

18 prévoyaient-elles? On pouvait bénéficier de ce statut de réfugié pour

19 combien de temps?

20 Réponse: D'après notre loi, et d'après la loi d'autres pays, le statut de

21 réfugié est une forme provisoire de protection, d'une période de six mois

22 au départ. Si les conditions qui avaient fait de la personne un réfugié,

23 prévalaient encore, en d'autres termes si la région -d'où était originaire

24 ce réfugié- se trouvait toujours en situation telle que le réfugié pouvait

25 courir un certain danger, eh bien, on prorogeait le statut de réfugié

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1 qu'avait cette personne.

2 Question: Mais votre bureau a fait une annonce par laquelle le statut des

3 réfugiés ne pouvait être conservé ou accordé que pour une période de trois

4 mois, est-ce exact?

5 Réponse: Je ne pense pas pouvoir confirmer ce que vous dites. Je ne le

6 pense pas.

7 M. Poriouvaev (interprétation): Si je fais une telle affirmation c'est

8 que, dans quelques instants, je vais vous montrer un document où j'ai

9 trouvé cette information. Est-ce que votre bureau a également annoncé que

10 tous les réfugiés ou personnes déplacées étaient censées se soumettre à

11 une nouvelle inscription, à un nouvel enregistrement?

12 M. Zoric (interprétation): Oui, nous avons pris cette décision qui était

13 nécessaire. Si vous voulez aller dans un pays étranger il faut un visa, et

14 donc on m'a autorisé à y aller pour sept jours. Je suis allé aux Etats-

15 Unis et mon visa était valable pour cette période; j'ai dû le montrer aux

16 autorités compétentes. Les gens venaient en Croatie pour diverses raisons,

17 certains pour affaire et d'autres parce qu'ils étaient réfugiés, ou

18 d'autres simplement parce qu'ils étaient de transit vers un pays tiers;

19 personne ne pouvait passer en Autriche depuis la Bosnie-Herzégovine sans

20 passer par la Croatie. Pour être sûr que tout le monde bénéficiait du

21 statut qui lui revenait, il fallait procéder à l'enregistrement de ces

22 personnes et leur donner les documents nécessaires. Toutes les personnes

23 qui se sont inscrites ont reçu une carte d'identité avec une photographie

24 pour éviter tout excès notamment puisqu'il y a eu des excès. Il faut que

25 je le répète ici.

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1 Les réfugiés qui restent dans ce pays ont aussi des papiers, ils sont

2 inscrits à leur arrivée. De plus, les pays... ou les personnes venant de

3 pays qui sont venues en Croatie et qui ont repris certains contingents

4 pour les réfugiés, conformément à leurs procédures d'enregistrement, là,

5 c'était beaucoup plus strict.

6 Alors que les représentants de la Croix-Rouge venant de certains pays

7 occidentaux sont venus en Croatie pour enregistrer les réfugiés. Et à ce

8 moment-là, on leur offrait l'asile, un abri temporaire dans leurs pays. On

9 prenait davantage de coordonnées; notamment, il y avait un examen médical.

10 Et je peux vous dire que, jamais, ils n'ont accepté de personnes malades.

11 Ceux-là devaient s'occuper d'eux-mêmes.

12 Nous, nous avons donc dû prévoir toute sorte d'installations,

13 d'infrastructures pour s'occuper de ces personnes qui avaient été

14 abandonnées par tout le monde, y compris des Croates, des Musulmans et des

15 Serbes venant de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie. Et ceux qui ne

16 pouvaient pas obtenir cette protection temporaire dans les pays tiers, je

17 suppose que c'était parce que la législation qui était en vigueur de ces

18 pays était beaucoup plus stricte que la nôtre.

19 M. le Président (interprétation): Concentrez-vous sur les questions posées

20 par l'accusation, Monsieur le Témoin. S'il a besoin de davantage

21 d'informations, il vous le dira.

22 M. Poriouvaev (interprétation): Merci.

23 Est-il exact de dire qu'il y avait certains centres de réfugiés qui

24 n'étaient pas agréés et qui étaient censés fermer leurs portes après

25 l'annonce faite par votre bureau?

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1 M. Zoric (interprétation): Oui, il y a eu de tels centres. Nous avons

2 réussi à en fermer la plupart, parce que ces centres ne réunissaient pas

3 même des conditions minimales; en matière d'hygiène par exemple, ou pour

4 ce qui est du logement des personnes, il n'y avait pas d'électricité ou

5 alors pas suffisamment de puissance. Et puis, nous avons fermé ces

6 endroits et les personnes ont été installées ailleurs.

7 M. Poriouvaev (interprétation): Nous allons maintenant examiner la pièce

8 243, page 6. Nous avons une traduction en BCS, des extraits pertinents de

9 ce document.

10 (Intervention de l'huissier.)

11 Vous trouverez cette traduction à la fin de cette pièce.

12 Monsieur l'huissier, je vais vous demander de vérifier ce qu'il en est de

13 la traduction qui suit la dernière page de cette pièce.

14 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Seric.

15 M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, je vois qu'il y a quinze

16 pages dans le document en anglais, et je ne parviens toujours pas à

17 trouver la traduction du document. Pourtant, je fais de mon mieux, mais

18 cette traduction est introuvable.

19 M. Poriouvaev (interprétation): Est-ce que vous pourriez vérifier? Il

20 s'agit de ce document-ci.

21 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik?

22 M. Krsnik (interprétation): Peut-être le Procureur pourra-t-il nous aider?

23 Est-ce qu'il veut dire qu'il n'y a que cinq phrases qui ont été traduites

24 sur quinze pages?

25 M. Poriouvaev (interprétation): Oui, parce que les autres informations

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1 consignées dans ce document ne s'appliquent pas du tout à la Croatie. Il

2 était donc inutile d'utiliser des ressources quand ce n'est pas

3 nécessaire.

4 M. Krsnik (interprétation): Excusez-moi, mais je connais quand même assez

5 d'anglais pour voir quand on dit "prisonnier" et "détenu" en anglais, ou

6 "réfugié" en anglais, "question de santé", "Croix-Rouge locale".

7 M. le Président (interprétation): Je pense que le Procureur attire notre

8 attention sur ce paragraphe-ci, le paragraphe 38, n'est-ce pas?

9 M. Poriouvaev (interprétation): Effectivement, le paragraphe 38.

10 M. Krsnik (interprétation): Mais vous auriez pu le fournir en anglais, ce

11 passage! On pourrait s'en servir en anglais. Il suffit de nous dire d'où

12 venait ce passage. Ici, nous avons un document tout entier. Il aurait été

13 plus juste que la totalité du document soit traduite pour être sûr qu'une

14 phrase ne soit pas sortie de son contexte. Je pense qu'il serait plus

15 juste de montrer la totalité du document au témoin puisque ceci fait

16 partie de façon intégrante du rapport.

17 M. le Président (interprétation): Eh bien, partons du document que nous a

18 fourni l'accusation et, en temps utile, la Chambre décidera de

19 l'opportunité de traduire la totalité du document en BCS.

20 M. Poriouvaev (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que vous

21 disposez de la traduction?

22 M. Zoric (interprétation): Je ne sais pas de quel document complet vous

23 parlez. Moi, en tout cas, j'ai sous les yeux quelques bribes traduites,

24 quelques éléments d'information, un texte qui parle de réfugiés en Croatie

25 et qui dit que "les réfugiés seront inscrits entre le 10 et le 28 février.

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1 Après quoi, ils bénéficieront du statut de réfugié pendant trois mois.

2 Quiconque ne s'inscrit pas sera considéré comme étant un étranger." (Fin

3 de citation.)

4 Cela signifie que la loi portant circulation des résidents et des

5 étrangers s'applique à eux. C'est une loi qui a existé en Croatie. Et

6 d'après cette loi, on précise les conditions qu'il faut réunir pour être

7 autorisé à rester en Croatie.

8 Je ne sais pas ce qu'est le gouvernement bosniaque de Croatie. Nous nous

9 référions aussi au gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Ce n'est pas une

10 terminologie classique, et nous avons essayé de trouver une filière dont

11 on pouvait se servir pour que les autorités officielles de Sarajevo nous

12 disent ce qu'il en est, pour qu'elles nous disent quelles étaient les

13 zones sûres en Bosnie-Herzégovine; ce qui voudrait dire que nous, nous

14 n'allions pas admettre les personnes venant de région dites sûres. Si une

15 municipalité était sûre, était libre, nous ne le savions pas à Zagreb. A

16 ce moment-là, on se disait: "Pourquoi ces gens venaient-ils en Croatie?".

17 "Nous sommes des réfugiés", disaient-ils.

18 Mais cela n'avait pas de sens. C'est la raison pour laquelle nous voulions

19 qu'ils nous disent quelles étaient les zones sensibles. Nous voulions que

20 les autorités officielles de Sarajevo nous disent quelles étaient les

21 zones touchées par la guerre.

22 M. le Président (interprétation): Je pense que la question se concentre

23 sur la période des faits.

24 M. Poriouvaev (interprétation): Oui.

25 Monsieur le Témoin, je dois vous expliquer qu'il s'agit ici d'un rapport

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1 de l'ECMM en date du 7 février 1993 portant sur les activités

2 humanitaires. Et ce passage est sélectionné dans ce rapport.

3 Revenons à la question des trois mois ou des six mois. Quelle était la

4 durée du statut accordé à ces personnes, qu'elles soient réfugiées ou des

5 personnes déplacées? Quel était le temps qui leur était accordé afin que

6 ces personnes résolvent tous leurs problèmes?

7 M. Zoric (interprétation): Il fallait que, chaque mois, ces personnes se

8 présentent pour bénéficier d'une prorogation de leur statut. Cette

9 prorogation a toujours été accordée. Peu importe de savoir s'ils en

10 bénéficiaient pour trois ou six mois parce qu'ici, c'est une question

11 technique: après l'expiration de cette période, qu'elle soit de trois ou

12 six mois, si une personne devait continuer à être traitée comme réfugiée,

13 on faisait une prorogation de son statut. Nous avons encore des réfugiés à

14 ce jour en Croatie.

15 Question: Et lorsqu'on dit que "toute personne qui n'est pas enregistrée

16 ou inscrite sera considérée comme étant un étranger", pourriez-vous

17 informer la Chambre quant à la différence qui existe entre un statut de

18 réfugié et celui d'un étranger, d'après votre législation appliquée à

19 l'époque?

20 Réponse: Il y a une grande différence. Si vous donnez le statut de réfugié

21 à quelqu'un de votre pays, vous devez lui donner un logement, assurer

22 l'enseignement des enfants, les soins de santé et tout ce genre de choses.

23 Il faut veiller à ce que cette personne soit prise en charge pour toute sa

24 vie. Si quelqu'un est considéré comme un étranger dans un pays, si cette

25 personne tombe malade, eh bien, c'est à elle qu'il revient d'assurer les

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1 frais; si cette personne n'a pas de lieu de résidence, eh bien, elle doit

2 séjourner à l'hôtel; si cette personne vient dans le pays pour étudier, il

3 faut qu'il y ait une réglementation qui en précise les conditions, les

4 modalités.

5 Et la loi concernant les étrangers en Croatie, en République de Croatie,

6 donne une définition précise de toutes ces conditions, que ce soit pour

7 études, pour traitement médical, pour spécialisation, et ainsi de suite.

8 Si j'interprète bien la situation telle qu'elle se présentait à l'époque

9 en Croatie, si vous étiez sans visa, sans autorisation, on pouvait

10 simplement passer trois mois en Croatie. Après cela, il fallait obtenir un

11 visa. Dans bien des pays, les conditions étaient beaucoup plus rigoureuses

12 que chez nous. Je le répète, la Croatie était un pays en guerre à

13 l'époque: 12% de sa population bénéficiait du statut de réfugié. Or notre

14 population compte 4 millions d'habitants; cela équivaudrait, à l'échelle

15 des Etats-Unis, à la présence de 35 millions de réfugiés.

16 Question: Les citoyens de Bosnie-Herzégovine ont-ils besoin d'un visa pour

17 franchir la frontière avec la Croatie? Ou, tout du moins, en avaient-ils

18 besoin en 1993, disons depuis le début de l'année jusqu'au moment où vous

19 étiez toujours en fonction?

20 Réponse: Pas seulement à ce moment-là! La Croatie est le seul, le seul

21 pays européen où les ressortissants de Bosnie-Herzégovine peuvent entrer

22 sans visa. A ce jour encore, s'ils sont uniquement munis de leur passeport

23 de Bosnie-Herzégovine, ils ne peuvent aller nulle part, pas même en

24 Slovénie. Le seul pays où ils peuvent se rendre sans être muni d'un visa,

25 c'est la Croatie. Et cela a été vrai tout du long.

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1 Question: Mais les soldats, disons de l'armée de Bosnie-Herzégovine ou du

2 HVO, est-ce que ces soldats avaient besoin d'une espèce de sauf-conduit

3 s'ils voulaient franchir la frontière de votre Etat, au cours de cette

4 même période de temps?

5 Réponse: En tant que soldats, non, il leur était interdit de venir en

6 Croatie. Mais si c'étaient de simples citoyens, ils pouvaient le faire; je

7 l'ai déjà dit et je le répète. Les autorités de Sarajevo nous ont demandé

8 de ne pas accorder le statut de réfugié à des personnes en état de

9 combattre. Finalement, on était dans un dilemme parce qui si l'on donnait

10 le statut de réfugié à quelqu'un, cette personne bénéficiait de la

11 protection nationale et aussi du HCR. Il ne nous revenait pas de dire qui

12 était en bonne condition, notamment pour combattre en Bosnie-Herzégovine.

13 C'est une question que devait trancher le pays lui-même, la Bosnie-

14 Herzégovine.

15 Mais lors de réunions à Zagreb, le Président Izetbegovic a souvent demandé

16 qu'on mette fin à l'accueil des réfugiés qui étaient capables de défendre

17 leur pays, et qu'il fallait tout faire pour inciter les gens à rentrer

18 chez eux, dans leur pays.

19 Mais si vous aviez des ressortissants de Bosnie-Herzégovine en âge de

20 combattre, qui avaient reçu ce statut de réfugié avec leur femme et leurs

21 enfants, en Croatie, il était impossible de refuser l'accès à une telle

22 personne, au père de la famille, parce que selon le droit humanitaire

23 international, il faut respecter les demandes de réunions familiales. Ce

24 qui veut dire que beaucoup de gens qui ne voulaient pas combattre en

25 Bosnie-Herzégovine se sont servis de cette modalité et nous ne pouvions

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1 pas empêcher cela, nous ne l'avons d'ailleurs pas empêché.

2 M. Poriouvaev (interprétation): Ma question suivante est celle-ci: en

3 vertu de ce document, votre bureau a promis que des logements plus

4 adéquats seraient trouvés pour les réfugiés. Qu'est-ce que vous voulez

5 dire par "logements plus adéquats"?

6 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik?

7 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je

8 voudrais que le Procureur pose une question un peu plus correcte. Il est

9 dit: ici, on parle des centres de réfugiés non agréés qui seraient fermés

10 parce que les centres de réfugiés qui ne sont pas agréés sont concernés et

11 tout ce que vous avez dit, vous, Monsieur le Procureur, ces centres de

12 réfugiés qui n'étaient pas corrects. Or ici, c'étaient des centres qui ne

13 présentaient pas les conditions idoines.

14 M. Poriouvaev (interprétation): Monsieur le Président, je vais répondre à

15 cette objection.

16 M. le Président (interprétation): Lisez cette phrase à partir des termes

17 en anglais "in addition", et après cela vous pourrez poser votre la

18 question au témoin.

19 M. Poriouvaev (interprétation): On a déjà parlé de ces centres de réfugiés

20 non agréés. Maintenant, je vous demande ceci, et ma question porte sur le

21 deuxième membre de phrase: vous voulez parler de conditions de logements

22 plus adéquates, si on compare ceci à ces deux centres non agréés qui

23 avaient été fermés.

24 M. Zoric (interprétation): Mais je serais ravi de répondre à votre

25 question, Monsieur. Au cours de l'été 1992, à la gare principale de

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1 Zagreb, et ceci pendant un mois, il y a eu deux trains avec à bord

2 plusieurs milliers de femmes et d'enfants. C'étaient des trains par

3 lesquels des gens étaient arrivés de la Bosnie avant que ne soit démoli le

4 pont sur la Sava, à Samac ou à Brod. Aucun Etat voisin n'autorisait

5 l'arrivée ou l'entrée de ces trains sur leurs territoires. Ces personnes

6 qui se trouvaient dans les trains voulaient attirer l'attention du public

7 sur leur situation. Ils ont refusé de sortir de ces trains. Vous imaginez

8 aisément les conditions d'hygiène qui prévalaient dans ces trains arrêtés

9 pendant un mois à la gare principale, et tous les dangers que ceux-ci

10 charriaient également.

11 Il y avait une trentaine d'installations de ce genre qui apparaissaient du

12 jour au lendemain et les gens n'étaient pas responsables de cela parce

13 qu'ils n'avaient pas d'autre issue. Ils se sont arrangés, ils se sont

14 débrouillés pour trouver un lieu où se loger, que ce soit dans des

15 remises, dans des zones abandonnées, en friche, mais lorsque vous avez une

16 installation qui peut accueillir 50 personnes, on ne peut pas y en mettre

17 1.000.

18 Quelquefois, vous savez il y avait des dangers d'incendie constants dans

19 ces lieux et c'est pour des raisons d'hygiène qu'on a souvent dû

20 transférer ces gens vers des centres, des installations plus organisées

21 que nous, nous avons fournies avec des organisations humanitaires.

22 A partir de 1991, bon nombre de ces lieux destinés aux réfugiés ont été

23 aménagés grâce aux organisations humanitaires afin, effectivement,

24 d'accueillir ces réfugiés. C'étaient des installations tout à fait

25 correctes.

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1 Tout ceci peut se retrouver dans ce mot croate qu'on dit "priklada".

2 Question: Revenons à ma question qui portait sur 1993. Au mois de mars, au

3 mois d'avril 1993, après l'annonce de cette décision, quels sont les lieux

4 de logements plus adéquats qui ont été créés?

5 Réponse: A Varazdin par exemple, ville qui se trouve à 60 kilomètres de

6 Zagreb, là au centre-ville se trouvaient de grosses casernes utilisées

7 auparavant par la JNA; elles étaient vides. On les a réaménagées et c'est

8 donc un logement adéquat qu'on a pu y assurer. Il y avait aussi le centre

9 de logistique, et c'est là que nous avons aidé à s'installer des personnes

10 qui, jusqu'à présent, vivaient dans des conditions inhumaines dans des

11 régions mixtes. La même chose s'est passée à Pula, par exemple, mais aussi

12 à Karlovac.

13 C'était absolument nécessaire cette mesure, et quiconque a pu voir ces

14 installations n'aurait été qu'étonné par certaines de ces choses. Il y

15 avait par exemple des résidences de vacances, des centres réservés aux

16 vacances des travailleurs. Là, par exemple, il n'y avait pas de système

17 d'égouts dans certains de ces centres.

18 Après trois ans d'occupation de ces lieux par les réfugiés, la situation

19 est devenue tout simplement insoutenable; il a fallu faire déménager ces

20 réfugiés. Certains s'y sont opposés, c'est vrai, mais peut-être parce que

21 certaines ou certains se livraient à la prostitution, avaient d'autres

22 sources de revenus. Je parle de la prostitution qui s'exerçait, pas

23 seulement au centre-ville, mais aussi dans la ville même. Et c'est là une

24 activité illicite et, qui plus est, très dangereuse.

25 Question: Je ne vais pas parler de la prostitution; abstenons-nous de

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1 cette question. Parlons maintenant des centres.

2 Il y avait un centre de réfugiés à Gasinci ou à Korcula. Est-ce qu'il y a

3 eu de nouveaux centres pour réfugiés? Si c'est le cas, à quel moment ont-

4 ils été établis?

5 Réponse: Le centre de réfugiés de Gasinci a été créé après la chute de

6 Vukovar; y furent accueillies des personnes venant de la Slavonie

7 orientale. C'était une installation tout à fait spacieuse: on a pu y

8 accueillir plusieurs milliers de personnes. Ce qui fait qu'à toutes fins

9 utiles, c'est devenu pratiquement une ville bosnienne.

10 Auparavant, Gasinci, c'était un périmètre de formation militaire où, si

11 l'on voulait devenir général dans l'armée yougoslave, on se soumettait à

12 des tests. La JNA y était cantonnée. Il y avait des cuisines très grandes,

13 une cantine qui était très grande aussi, une infirmerie, une école, un

14 terrain de jeux et même un étang où se faisait de la pisciculture. Je

15 pense que cela existe toujours.

16 Pour ce qui est de Korcula, je ne peux pas vous dire à quel moment ce

17 centre a commencé à fonctionner parce que les installations qu'il y avait

18 en Dalmatie avaient été des centres touristiques auparavant. Je suppose

19 que ceci était vrai pour Korcula, mais, je le répète, nous avions environ

20 600 installations différentes, donc je ne suis pas sûr.

21 Je connais bien Gasinci parce que c'est là que le premier grand centre a

22 été commencé, a été entrepris. Nous avons utilisé beaucoup de fonds,

23 utilisés à la reconversion de ces lieux pour qu'ils conviennent aux

24 réfugiés. Il y a eu plusieurs organisations internationales qui ont été

25 cantonnées là, y compris le HCR, la Croix-Rouge internationale et ainsi de

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1 suite. Près de 30.000 personnes sont passées par ce centre pendant qu'il a

2 fonctionné.

3 Question: Et dans quels cas les personnes qui vivaient sur le territoire

4 de la République de Croatie -ici, je parle des personnes déplacées et des

5 réfugiées-, dans quels cas ces personnes allaient-elles être rapatriées,

6 d'après l'annonce que vous avez faite?

7 Réponse: Eh bien, les personnes déplacées ne faisaient pas l'objet de

8 rapatriement; elles pouvaient bénéficier d'un retour chez elles. Et elles

9 sont retournées chez elles quand ces zones se sont libérées, mais jusqu'en

10 1995, moment où la partie la plus importante de la Croatie, qui était

11 jusqu'alors occupée, a été libérée. A partir de ce moment-là, on n'a plus

12 enregistré aucun retour; au contraire, il y a eu de plus en plus

13 d'évictions. C'est seulement en 2001 que ces personnes ont pu rentrer. Où

14 est-ce qu'elles pouvaient rentrer? Dans des zones qui étaient minées, où

15 il n'y avait pas de reconstruction, qui avaient été dévastées, qui

16 auraient nécessité encore deux ou trois ans avant d'être encore vivables.

17 Donc ces personnes ne pouvaient pas rentrer. Et si vous êtes réfugié

18 pendant cinq ou six ans, votre vie change: les enfants poussent,

19 grandissent, on s'habitue à vivre à un endroit et puis on part; donc tout

20 est difficile et il est difficile de rentrer.

21 Question: Vous avez dit qu'à un moment donné, vous vous êtes intéressé à

22 la question de la citoyenneté?

23 Réponse: Non, je n'avais rien à voir avec cela, sauf que j'ai eu à faire

24 comme tout le monde pour me faire délivrer un passeport ou autre chose.

25 Mais peut-être m'avez-vous mal compris? Si c'est le cas, je m'excuse. Les

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1 affaires relatives à la citoyenneté relèvent des compétences du ministère

2 de l'Intérieur en Croatie. En ma qualité d'ambassadeur, si c'est ce que

3 vous aviez à l'esprit, je pouvais recommander certaines personnes

4 originaires du pays dans lequel j'étais accrédité pour qu'il leur soit

5 attribué une citoyenneté croate; ils s'adressaient à nous, puis nous

6 étions censés transmettre leurs requêtes à Zagreb avec une recommandation

7 ou sans recommandation.

8 Question: Mais étiez-vous conscient des problèmes relatifs à l'octroi de

9 cette citoyenneté, et ce, en une période où vous étiez en train d'assumer

10 des fonctions?

11 Réponse: Je ne sais pas de quels problèmes vous parlez, des problèmes de

12 qui vous êtes en train de parler.

13 Question: Je vais vous apporter des éclaircissements.

14 Combien de temps durait cette procédure d'obtention d'une citoyenneté de

15 la République de Croatie, et ce, disons, en 1993, à l'époque où vous étiez

16 en train d'accomplir ces fonctions?

17 Réponse: Je ne le sais pas, je n'avais pas demandé à l'époque de

18 citoyenneté; j'avais déjà une citoyenneté. J'imagine que c'est relatif et

19 c'est très simple: ceux qui avaient une citoyenneté de la République -cela

20 existait pendant l'existence de l'ex-Etat- et s'ils avaient une résidence,

21 par exemple en Croatie, ils étaient automatiquement citoyens de la

22 Croatie. Les autres, qui étaient nés dans d'autres républiques ou qui

23 étaient venus résider à titre provisoire en Croatie, faisaient l'objet

24 d'une procédure déterminée, prévue par la loi. Mais je ne pense pas être

25 une personne suffisamment compétente pour vous donner une interprétation

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1 quelconque à ce sujet.

2 Question: Merci. Si vous n'êtes pas en mesure de me le dire, c'est tout.

3 Passons à un autre sujet.

4 Je voudrais que nous parlions du problème des questions de déplacement de

5 personnes vers des pays tiers. Est-ce que cela s'est passé pendant que

6 vous étiez à vos fonctions?

7 Réponse: Oui, pendant que j'étais à exécuter ces fonctions, les personnes

8 partaient vers des pays tiers. Certaines personnes s'en allaient de leur

9 propre initiative, suivant un arrangement qui était le leur. Peut-être

10 avaient-elles des membres de leurs familles respectives à l'étranger? Ces

11 gens-là leur envoyaient des lettres de garantie, de prise en charge.

12 En Allemagne, on ne pouvait pas y aller sans avoir de garanties analogues.

13 Et à plusieurs reprises, il y a eu des cas comme, par exemple, les Pays-

14 Bas, le Danemark qui avaient envoyé des trains spéciaux où plusieurs

15 milliers de personnes ont été choisies pour être emmenées vers ces pays-

16 là.

17 Question: Monsieur le Témoin, vous nous avez dit aujourd'hui que la

18 plupart de ces personnes-là s'en allaient vers des pays tiers et que, ce

19 faisant, ces personnes traversaient le territoire de la République de

20 Croatie?

21 Réponse: Oui, c'est exact.

22 M. Poriouvaev (interprétation): Quels étaient les documents requis pour

23 ces personnes aux fins de leur permettre un passage de la frontière pour

24 entrer en Croatie, puis sortir de la Croatie par la suite?

25 M. Zoric (interprétation): Il fallait également qu'ils aient une sorte de

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1 lettre de garantie s'ils voulaient être hébergés en Croatie. Et nous

2 confirmions, par exemple, ce qu'ils déclaraient vouloir faire. Si

3 quelqu'un nous disait: "Je pars d'une ville X pour aller à Budapest", nous

4 rédigions un courrier en disant que telle personne allait se rendre à

5 Budapest. Cela signifiait que la personne n'allait pas nous tromper et ne

6 resterait pas le lendemain, par exemple, à Split en nous disant: "Vous

7 savez, j'ai une maladie chronique. Vous êtes tenus de m'héberger en ma

8 qualité de réfugié et de m'installer dans un hôpital, de m'hospitaliser".

9 Et nous ne pouvions pas le faire parce que nous avions déjà 700.000

10 personnes qui avaient bénéficié d'un statut analogue!

11 Vers la mi-1992, le gouvernement croate a fait appel aux pays occidentaux

12 pour leur demander de recevoir un certain nombre de réfugiés. Je ne suis

13 pas un stratège militaire, mais j'ai l'impression que l'agresseur avait

14 souhaité, pour ce qui est des parties qui n'étaient pas à la portée de ses

15 canons, eh bien, il voulait que ces parties-là soient étouffées ou

16 asphyxiées par des réfugiés, donc paralyser ses arrières. Par exemple, à

17 Makarska, qui se trouve sur le littoral croate et qui se trouve à

18 proximité de la frontière, nous avions dans certaines périodes deux fois

19 plus de réfugiés que d'habitants locaux!

20 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Krsnik?

21 M. Krsnik (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

22 Je tiens à signaler que le compte rendu d'audience n'a pas noté le chiffre

23 mentionné par le témoin: il avait en effet parlé de 700.000 réfugiés et

24 cela ne figure pas au compte rendu d'audience.

25 M. le Président (interprétation): Oui, en effet, je ne vois pas ce

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1 chiffre-là sur le compte rendu.

2 M. Poriouvaev (interprétation): Monsieur le Témoin, je voudrais vous poser

3 des questions au sujet de ce que l'on appelait les visas de transit.

4 Est-ce que vous aviez des visas de transit à l'époque? Et si oui, pendant

5 combien de temps ces visas de transit étaient-ils en vigueur?

6 M. Zoric (interprétation): Non, il n'y avait pas de visa de transit et il

7 n'y a aucun papier où il est question de visa de transit. Je sais, pour

8 avoir effectué ce type de tâche au niveau de nos bureaux chargés des

9 affaires consulaires, ce qu'est un visa de transit.

10 Il y avait, par exemple, des lettres de recommandation ou quelque chose de

11 ce genre où la famille de quelque personne expliquait le statut de leurs

12 parents, nous expliquait de qui il s'agissait, où cette personne devait

13 aller, pourquoi elle voulait y aller et ainsi de suite. C'était une

14 situation très étrange parce que, en une journée, vous aviez par exemple

15 10.000 réfugiés, et puis, le lendemain, vous receviez une délégation

16 d'affaires qui venait, par exemple, signer certaines affaires. Il fallait

17 donc quand même faire une distinction entre les uns et les autres.

18 Mais je tiens à vous dire, Monsieur, que nous étions fort conscients du

19 fait que nous étions le pays du premier asile; et je savais très bien ce

20 que cela signifiait: je l'ai appris parce que les gens du HCR me l'avaient

21 expliqué. Le pays du premier asile, en effet, a des obligations que

22 d'autres pays n'ont pas forcément; et les pays voisins avaient énormément

23 craint cette vague de réfugiés. Par exemple, la France n'avait pas voulu

24 accepter l'accueil de quelque réfugié que ce soit originaire de Bosnie-

25 Herzégovine.

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1 Et aux conférences internationales à Genève, cela avait été posé comme

2 étant un grand problème. J'y avais pris part, je sais ce qu'on avait

3 demandé: l'Allemagne avait accueilli le plus de personnes de ce genre et

4 l'Allemagne avait exigé des autres pays de la Communauté européenne de

5 partager le fardeau.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, attendez.

7 Monsieur le Procureur, je suis en train de me demander si cette question

8 est pertinente pour l'affaire ou pas.

9 M. Poriouvaev (interprétation): Je pense que toutes ces questions sont

10 pertinentes pour l'affaire en question, étant donné qu'elles concernent la

11 période de temps qui nous intéresse, l'année 1993, année du début de cette

12 guerre.

13 Il s'agit, en outre, d'une période qui avait été la fin du séjour du

14 témoin présent ici, aux fonctions qu'il avait exercées. Il nous a expliqué

15 que, par la suite, il était possible que la situation ait évolué avec le

16 début du conflit armé entre le HVO et l'armée de la Bosnie-Herzégovine, et

17 c'est la raison pour laquelle nous souhaiterions nous pencher sur la

18 question.

19 M. le Président (interprétation): Je sais qu'il y avait eu beaucoup de

20 réfugiés à cette période-là et qu'il y en avait beaucoup qui provenaient

21 de Bosnie-Herzégovine pour s'installer en Croatie. C'est une chose que

22 nous savons, nous ne contestons pas ce fait-là. Je ne vois donc pas quelle

23 est la finalité de votre contre-interrogatoire à ce sujet.

24 M. Poriouvaev (interprétation): Monsieur le Président, compte tenu de la

25 période de temps pendant laquelle le témoin avait exercé ses fonctions au

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1 sein de ce bureau chargé des personnes déplacées et des réfugiés, je me

2 propose de mener à terme mon contre-interrogatoire. Les questions qui

3 seront pertinentes pour d'autres périodes de temps pourront être posées si

4 d'autres témoins venaient à comparaître ici, et cela me permettrait de

5 comparer les dires des uns et des autres; c'est aussi la finalité de mon

6 contre-interrogatoire d'aujourd'hui.

7 M. le Président (interprétation): Maître Seric?

8 M. Seric (interprétation): Très brièvement. Vous avez parlé de ce que je

9 voulais justement souligner, vous avez parlé par anticipation, Monsieur le

10 Président. L'Article 90H) dit que le conseil, lors du contre-

11 interrogatoire, est tenu de préciser la nature de la partie; donc s'il

12 s'agit de mettre en question la teneur de ces dires ou de le discréditer,

13 il doit dire qu'il conteste l'affirmation au terme de laquelle la Croatie

14 aurait reçu des réfugiés ou qu'il ne serait pas d'accord avec la teneur de

15 ces dires.

16 Vous venez de dire que cela n'était pas contesté et que vous ne voyez pas

17 où ce contre-interrogatoire nous menait. Merci de votre attention.

18 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.

19 Monsieur le Procureur, veuillez continuer.

20 M. Poriouvaev (interprétation): Puis-je répondre d'abord à l'objection

21 présentée par la défense?

22 M. le Président (interprétation): Vous pouvez le faire mais nous ne sommes

23 pas en train de débattre des questions juridiques.

24 M. Poriouvaev (interprétation): Eh bien, si cela avait été une objection,

25 la réponse serait peut-être de demander quelle était la finalité de

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1 l'interrogatoire principal du témoin.

2 M. le Président (interprétation): Je crois que le conseil de la défense

3 avait soulevé une objection concernant la teneur de votre contre-

4 interrogatoire sur ce point, mais je vous demande de continuer, d'aller de

5 l'avant.

6 M. Poriouvaev (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je pense

7 avoir terminé avec mon contre-interrogatoire.

8 M. le Président (interprétation): Y a-t-il besoin de poser des questions

9 supplémentaires?

10 M. Seric (interprétation): Non merci, Monsieur le Président.

11 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez des questions,

12 Mesdames les Juges?

13 (Questions de Mme la Juge Diarra au témoin, M. Damir Zoric.)

14 Mme Diarra: Merci, Monsieur le Président.

15 Au cours de votre interrogatoire, Monsieur le Témoin, vous avez parlé de

16 quelques insanités ou injures que les réfugiés ont pu échanger entre eux.

17 Je voudrais plutôt me baser sur votre formation d'anthropologie culturelle

18 pour vous demander le sens de "balija", un mot que j'ai souvent entendu

19 ici, que vous n'avez pas prononcé aujourd'hui, mais que vous êtes censé

20 pouvoir connaître, me donner des indications et me dire aussi si ce mot a

21 été prononcé entre les réfugiés que vous avez eus à encadrer, et s'il y

22 avait une animosité entre Musulmans et Croates habitant ensemble dans ce

23 camp de réfugiés?

24 M. Zoric (interprétation): Je connais le terme en question et je crois

25 connaître l'origine du terme aussi. Du point de vue historique, ce terme

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1 avait eu une signification différente par rapport à la signification qu'on

2 lui a attribuée récemment.

3 Auparavant, il y a peut-être plusieurs siècles, ce terme-là regroupait un

4 ensemble de communautés musulmanes locales au sein de l'Herzégovine et

5 désignait une sorte de couche des plus basses dans la société, à savoir

6 les personnes qui avaient été dans l'élevage, qui avaient travaillé dans

7 l'élevage des moutons. Les Musulmans des villes, eux, les appelaient

8 "balija". Cela avait une signification péjorative; mais à l'origine cela

9 désignait un statut social.

10 Par la suite, cette signification péjorative ou dénigrante avait été

11 reprise par la population des autres peuples ou des autres groupes

12 ethniques et c'est de cette façon-là que l'on s'exprimait de façon

13 péjorative à l'égard des Musulmans.

14 D'une manière générale, dans ces différentes régions, il n'y a pas de

15 communauté ethnique, d'ethnicum, qui n'ait pas à sa disposition

16 d'appellation dénigrante pour les autres communautés ethniques qui les

17 entourent et cela avait peut-être été un terme utilisé par une population

18 un peu plus primitive parlant des Musulmans. Je crois vous avoir fourni la

19 genèse.

20 C'est un terme qui provient de leur élite, de leur propre élite il y a

21 plusieurs siècles et je crois que la racine étymologique doit se situer

22 dans la langue persane.

23 Maintenant, s'agissant des conflits, vous avez posé une question à ce

24 sujet, je dirais que oui, il y a eu des conflits, mais il y en a eu fort

25 peu de façon surprenante, fort peu par rapport aux conflits qui avaient

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1 prévalus dans leurs pays d'origine respectifs. Ces gens n'avaient pas été

2 isolés au point de ne pas pouvoir suivre les informations et ignoraient ce

3 qui passait dans leur région d'origine. Très souvent, ils étaient

4 installés ensemble ou très près les uns des autres et je vous ai indiqué

5 les raisons pour lesquelles il fallait les séparer parfois, ce qui fait

6 que parfois il y a eu des tensions que nous avons dû nous efforcer

7 d'apaiser.

8 Si je puis ajouter par rapport à ce que M. le Procureur m'avait demandé,

9 me semble-t-il, à savoir si après les conflits en Bosnie-Herzégovine entre

10 les Musulmans et les Croates, il y a eu changement de notre attitude à

11 l'égard des réfugiés, je dois vous dire catégoriquement que ce n'est pas

12 le cas; il n'y a pas eu de changement à l'attitude de leur égard parce que

13 toute la logistique allait depuis la Croatie vers chez eux pendant toutes

14 ces années jusqu'à la fin de la guerre.

15 Personnellement, en ma qualité de député au parlement, j'avais été à la

16 tête de plusieurs convois se dirigeant vers Tuzla. Or Tuzla n'a jamais été

17 une ville majoritairement croate ou sous le contrôle du HVO. C'était

18 l'armée de la Bosnie-Herzégovine qui avait exercé le contrôle sur cette

19 ville, et je tiens à préciser que l'itinéraire était très risqué.

20 Je dois donc dire que s'il y avait eu changement d'attitude de ma part à

21 l'égard des réfugiés, j'aurais été mal vu, à Sarajevo ou ailleurs. Il

22 convient de dire qu'il y avait trois partis en présence. Si vous vous

23 mettiez plus du côté des uns que des d'autres, vous étiez par mal vu

24 automatiquement des seconds ou des tiers. J'estime avoir effectué cette

25 tâche de façon honorable, ainsi que les gens qui étaient sous ma

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1 responsabilité, en dépit de tous ces fardeaux psychologiques.

2 Parce qu'il n'avait pas été facile ni chose aisée de regarder, par

3 exemple, des émissions informant des massacres perpétrés à l'égard de

4 Croates; il y en a eu beaucoup des émissions de ce genre. Nous nous étions

5 efforcés d'apaiser la situation. A plusieurs reprises, j'avais été chargé

6 de missions parlementaires en Bosnie centrale et j'avais été le premier

7 député du Parlement croate qui ait eu accès à Bugojno, et ce, précisément

8 dans l'objectif de...

9 Mme Diarra: Merci. J'estime que vous avez répondu à la question qui me

10 préoccupait. Merci bien.

11 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez des questions suite

12 aux questions des Juges?

13 M. Poriouvaev (interprétation): Non merci, Monsieur le Président.

14 M. le Président (interprétation): Bien.

15 Monsieur le Témoin, je vous remercie d'être venu à La Haye pour nous

16 fournir votre témoignage. Je vous souhaite le mieux pour votre avenir et

17 je demanderai à M. l'huissier de vous raccompagner hors de ce prétoire.

18 (Le témoin, M. Damir Zoric, est reconduit hors du prétoire.)

19 (Questions relatives à la procédure.)

20 Oui, Maître Krsnik?

21 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, je vous demanderai ou

22 j'adresserai à M. le Procureur, par votre biais, une petite requête: à

23 savoir que le P556.3, nous aimerions savoir comment M. Rizvanbegovic

24 Fahrudin a pris possession de ce document. Et s'il y a eu une déposition

25 de ce M. Rizvanbegovic, nous aimerions l'avoir. Nous aimerions savoir

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1 comment ce monsieur-là est entré en contact avec le Procureur pour obtenir

2 ce document, parce que le témoin s'est prononcé s'agissant de ce document

3 en disant qu'il s'agissait d'un faux.

4 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, vous savez, je pense que

5 le Procureur va vous fournir davantage d'informations en ce qui concerne

6 l'origine de ce document. Pour qu'un document soit utilisé dans ce

7 prétoire, il suffit que soient établies des conditions minimales de

8 fondement parce qu'ici, nous sommes au contre-interrogatoire pour le

9 Procureur.

10 Mais je vais me tourner vers ce dernier pour qu'il me dise s'il en sait

11 davantage.

12 M. Poriouvaev (interprétation): Tout ce que je peux vous dire, Monsieur le

13 Président, c'est que nous avons reçu ce document de la personne mentionnée

14 dans le document. Je ne pense pas devoir dire si nous avons recueilli une

15 déclaration préalable de cette personne ou pas.

16 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, étant donné que ce nom

17 a été mentionné dans ce prétoire, je pense que c'est effectivement le cas.

18 Parce que ce que la défense affirme depuis longtemps, c'est qu'il serait

19 très intéressant de voir pourquoi cet homme a donné cette attestation-là

20 et voir ce qu'il a dit, car j'affirme depuis longtemps que les documents

21 qui sont présentés dans ce prétoire abondent de faux, c'est-à-dire que les

22 faux abondent parmi les documents et il s'agit de faux qui émanent de

23 l'A.I.D., notamment.

24 M. le Président (interprétation): C'est une allégation des plus sérieuses

25 que vous venez de proférer, Maître Krsnik. Si vous vous opposez au

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1 versement de ces documents, libre à vous de formuler de telles objections.

2 M. Krsnik (interprétation): Je le ferai.

3 M. le Président (interprétation): Je voudrais vous demander maintenant si

4 vous voulez verser certains documents par l'intermédiaire du témoin que

5 nous venons d'entendre?

6 M. Krsnik (interprétation): Juste les deux documents proposés: D1-326 et

7 D1-327. C'est tout. Merci.

8 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur le Procureur?

9 M. Poriouvaev (interprétation): Je pense que cette photographie est sans

10 aucun intérêt. Quant au deuxième document, il n'a pas été traduit: je n'ai

11 pas pu le lire.

12 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, je crois vous avoir fait

13 part de mon avis en ce qui concerne ces documents. D'abord, il n'y a pas

14 de traduction, on en attend la traduction et, pour ce qui est de l'autre

15 document, je pense que ces photographies, en fait, ont très peu de valeur

16 probante en l'espèce.

17 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

18 fort heureusement, j'ai une bonne mémoire et je sais ce que les témoins de

19 l'accusation sont venus dire. Cette pièce-là a une grande valeur probante,

20 à moins que la Chambre, s'agissant des témoins qui ont parlé d'Obonjan,

21 n'ait déjà une position établie.

22 Mais je crois savoir qu'un… non, que deux témoins ont parlé de leurs

23 déplacements vers l'île en question et que l'île en question avait été un

24 camp de concentration.

25 Je vais retrouver l'endroit et je vais présenter une requête pour vous

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1 dire quel est le témoin qui a déclaré cela. Donc je voulais montrer à la

2 Chambre de quoi a l'air le camp de concentration dont a parlé le témoin ou

3 dont ont parlé les témoins en question.

4 Je tiens à préciser que ces gens-là ont menti et que, s'ils ont menti pour

5 Obonjan, tous leurs témoignages doivent être remis en question. Parce que,

6 quelle est la finalité de présenter ces installations-là comme étant un

7 camp de concentration dans ce prétoire-ci?

8 C'est du moins ainsi que ma petite tête d'avocat voit les choses et c'est

9 de cette façon-là que j'estime devoir me comporter en ma qualité d'avocat.

10 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, à en juger par ces

11 photographies, ces photographies ont été prises en 2002, pratiquement dix

12 ans après la période couverte par l'Acte d'accusation.

13 M. Krsnik (interprétation): Mais le témoin a précisé que les lieux avaient

14 la même apparence, exactement la même apparence au moment où il y avait un

15 camp de réfugiés, à l'époque. Et le témoin d'aujourd'hui vous l'a

16 confirmé. Donc l'apparence avait été identique que sur les photographies

17 actuelles. Et le témoin qui vient de partir vient de le témoigner sous

18 déclaration solennelle.

19 Mme Clark (interprétation): Je ne pense pas que vous ayez raison. Je pense

20 que le témoin a dit que les locaux étaient les mêmes. Mais vous pourrez

21 prendre n'importe quel camp de concentration, le remplir de 20.000

22 personnes, puis les faire sortir, le nettoyer et n'y mettre que 100

23 personnes et dire que ce n'est plus un camp de concentration. Tout est

24 fonction de l'usage que vous faites de ces installations.

25 Si vous avez un dortoir où, normalement, on peut avoir six lits alors

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1 qu'en temps de guerre, il y aurait 60 personnes qui y seraient logées,

2 effectivement, ce n'est pas la même chose.

3 Cela n'a aucun intérêt. On ne peut pas voir des locaux où se trouvent des

4 étudiants en langue étrangère ravis de leur sort, on ne peut pas comparer

5 ces étudiants dix ans après avec les personnes qui se trouvaient dans ces

6 endroits en 1993!

7 Est-ce que vous me comprenez? C'est inévitable, vous devez me comprendre.

8 Je partage l'avis du Président. Ces photographies nous montrent des gens

9 heureux, en bonne santé, qui ne sont pas en situation d'encombrement, de

10 surpeuplement, qui ont toute liberté de circulation.

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 M. Krsnik (interprétation): Madame la Juge Clark, je tiens d'abord à

18 préciser qu'il n'y avait pas de gardiens. Ces gens-là étaient venus de

19 leur propre gré et l'Etat avait pris soin d'eux. Si quelqu'un vous enferme

20 contre votre gré à l'Hôtel Intercontinental, vous pourriez donc appeler

21 cet Hôtel Intercontinental "camp de concentration"; mais si l'on vous y a

22 mis et que vous étiez d'accord, vous ne pouvez pas l'appeler ainsi. La

23 personne qui avait parlé de ce camp n'avait donc pas parlé de gardiens, et

24 on pouvait aller et venir comme on voulait.

25 Mon idée n'avait donc pas été de montrer des gens heureux, souriants, mais

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1 je voulais montrer le site, l'apparence des lieux. On voit des

2 maisonnettes, on voit des piscines, on voit une école. Ce n'est pas pour

3 les enfants contents que j'ai apporté ces photographies. A l'époque,

4 l'Etat croate avait fait tout ce qu'il pouvait, et il l'avait fait au sens

5 de l'hébergement de ces réfugiés, mais pas en plaçant des gardiens et en

6 les plaçant là contre les volontés.

7 Mais si vous estimez que cela n'est pas pertinent, je me plierai à votre

8 opinion et votre volonté, comme je le ferai à toute occasion à l'avenir

9 également.

10 Mme Clark (interprétation): Moi, je crois franchement que ceci ne présente

11 vraiment aucun intérêt, qu'il y a très peu de pertinence pour l'effet de

12 cette cause. Je crois qu'on y a consacré trop de temps.

13 M. le Président (interprétation): En guise de compromis, voilà ce que je

14 dis. Ce ne sera pas versé au dossier; de toute façon, il a reçu une cote

15 d'identification: ce sera simplement un document servant de référence à

16 l'avenir, pour autant que le sujet resurgisse.

17 Je me tourne vers le Bureau du Procureur. Est-ce que le Procureur veut

18 demander le versement de certains documents?

19 M. Poriouvaev (interprétation): Si vous me le permettez, je vais mettre de

20 l'ordre dans mes documents et, demain, avec votre autorisation, je vous

21 présenterai une liste de pièces, pour autant qu'il y en ait, et j'en

22 demanderai le versement.

23 M. le Président (interprétation): Merci.

24 M. Krsnik (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président. Si je

25 comprends bien le Règlement du Tribunal, on ne peut verser au dossier que

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1 des documents qui ont été montrés au témoin. Et au témoin, on ne lui a

2 montré de la part du Bureau du Procureur que trois documents. C'est tout,

3 pas plus que cela.

4 M. le Président (interprétation): Je crois que nous allons appliquer les

5 mêmes critères que ceux qui président au versement au dossier pour les

6 deux parties.

7 Nous sommes au terme de cette audience. Nous aurons un nouveau témoin

8 demain après-midi. Est-ce que c'est bien le témoin n°1 dans la liste que

9 vous avez déposée?

10 M. Krsnik (interprétation): Oui, il s'agit de M. Milan Kovac qui

11 témoignera en session publique.

12 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Je vous remercie.

13 L'audience est suspendue. Elle reprendra demain après-midi.

14 (L'audience est levée à 19 heures.)

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