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1 (Jeudi 20 mars 2003.)
2 (Audience sur requête de la défense.)
3 (Audience publique.)
4 (L'audience est ouverte à 16 heures 50.)
5 (L'accusé Martinovic est absent du prétoire.)
6 M. le Président (interprétation): Bonjour, Mesdames et Messieurs.
7 Madame la Greffière, pourriez-vous appeler l'affaire, s'il vous plaît?
8 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames
9 les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-98-34-T, le Procureur contre
10 Naletilic et Martinovic.
11 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
12 Pour les besoins du compte rendu d'audience, pourrions-nous avoir la
13 présentation des parties? L'accusation, s'il vous plaît?
14 M. Scott (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. M. Scott,
15 représentant le Bureau du Procureur, ainsi que M. Poriouvaev et M. Bos et
16 Mme Fleming.
17 M. le Président (interprétation): Très bien, merci. La défense?
18 M. Krsnik (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les
19 Juges. Je m'appelle Me Krsnik et je suis accompagné de M. Meek qui est mon
20 co-conseil.
21 M. le Président (interprétation): Monsieur Naletilic, entendez-vous la
22 procédure dans une langue que vous comprenez?
23 M. Naletilic (interprétation): Oui.
24 M. le Président (interprétation): Nous nous sommes quasiment pas vus
25 depuis cinq mois. Comment vous sentez-vous? Quel est votre état de santé?
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1 M. Naletilic (interprétation): Je vous remercie de vous en acquérir. Je
2 vais très bien.
3 M. le Président (interprétation): Avez-vous eu quelques soucis du côté de
4 votre santé?
5 M. Naletilic (interprétation): Non, du tout.
6 M. le Président (interprétation): Très bien, merci. Veuillez vous asseoir.
7 Il s'agit d'une audience un petit peu particulière portant sur
8 l'ordonnance qui a été rendue par cette Chambre, le 18 mars 2003. Cette
9 Chambre a reçu une requête pour surseoir aux délibérations sur la base
10 d'éléments de preuve et d'éléments qui ont été fournis nouvellement par le
11 Bureau du Procureur, déposés par le conseil de la défense de M. Naletilic,
12 le 12 mars 2003. Et dans cette requête, la défense pense que ces documents
13 auraient été utiles voire même essentiels à la défense. Ces documents
14 auraient, s'ils avaient été disponibles pendant le procès, eu une
15 incidence sur la préparation de l'affaire, de même que sur le contre-
16 interrogatoire de certains témoins.
17 Le 14 mars 2003, cette Chambre a obtenu la réponse de l'accusation.
18 L'accusation prétend que les documents ont été passés en revue et ne
19 semblaient pas relever de l'Article 68. L'accusation a, néanmoins, décidé
20 de fournir ces documents à la défense par prudence excessive et bonne foi.
21 Hier, nous avons reçu la réponse de l'accusation en précisant qu'une
22 partie de ces documents ont été communiqués à la défense le 22 mai 2002.
23 Il s'agit du document… de la pièce de l'accusation P424.1, utilisée dans
24 le témoignage d'un des témoins de la défense le 3 septembre 2002, et
25 utilisé encore une fois par un témoin à charge.
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1 De façon générale, des éléments de preuve, hormis des éléments de preuve à
2 décharge, ne peuvent pas être versés au dossier après la clôture du
3 procès. En vertu de l'Article 68, l'accusation a l'obligation de
4 communiquer à la défense, sans délai particulier, tout élément de preuve à
5 décharge porté à la connaissance de l'accusation.
6 Le but de cette audience est d'affirmer la position des deux parties en ce
7 qui concerne la nature de ces éléments de preuve à décharge. L'accusation
8 doit également dire pourquoi elle a soumis ces documents, si l'accusation
9 n'estimait pas qu'il s'agissait d'éléments de preuve à décharge. Et, pour
10 ce qui est de la défense, la défense doit établir à prima facie que ces
11 documents tombent sous l'Article 68 en démontrant comment ces documents
12 contiennent des éléments de preuve à décharge.
13 Etant donné que le conseil de la défense a déposé cette requête, nous
14 aimerions entendre Me Krsnik sur ce point, en premier lieu. Maître Krsnik,
15 vous avez la parole.
16 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, ce que vous venez de
17 dire est tout à fait conforme à la réalité. Il s'agit donc de
18 communication des documents susceptibles d'être des documents à décharge.
19 Et j'admets m'être éventuellement légèrement trompé dans la version écrite
20 que j'ai remise, car cette requête a été rédigée très rapidement, et mon
21 anglais n'est peut-être pas tout à fait suffisant. Mais, le 5 mars, j'ai
22 reçu ces documents dans mon bureau en langue croate, et malheureusement,
23 il n'y a pas encore de traduction. Je pense que nous sommes tous un peu
24 handicapés à cause de cela. Et je vais essayer de donner lecture de
25 certaines parties importantes du document, à haute voix et lentement, de
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1 façon que vous puissiez également, Monsieur le Président, Mesdames les
2 Juges, vous convaincre du caractère de ces documents qui donnent une idée
3 tout à fait nouvelle –ça, c'est une certitude- au sujet des événements de
4 Sovici et Doljani dont nous avons abondamment discuté pendant deux ans.
5 Je tiens à dire avant tout que ce recueil de documents provient du 3e
6 Bataillon, le Bataillon "Tomic" qui était donc stationné à Sovici et à
7 Doljani. Et, pour que vous puissiez en avoir une idée graphique, je vous
8 les présente ici, vous voyez, on y trouve des rapports qui vont du 9
9 février 1993 jusqu'au 25 juillet 1993.
10 Ce qui inquiète la défense, c'est que certains éléments sont absents de
11 cette liasse. Car si quelqu'un est dépositaire de tous les renseignements,
12 il doit les remettre tous.
13 Monsieur le Procureur a déclaré qu'un de ces documents qui font donc
14 partis du recueil en sa possession nous a été communiqué. C'est tout à
15 fait exact. Mais ceci prouve que tous ces documents existaient déjà à
16 l'époque, puisque tout cela émane d'un seul et même calepin. Maître Meek
17 va d'ailleurs vous parler d'un document que nous avons trouvé nous-mêmes.
18 Donc nous sommes conscients que l'ensemble de ces documents existe bien et
19 que le Procureur qui me fait face -et auquel je dois le respect que je
20 dois à tous les membres de ce Tribunal- est en possession de ces documents
21 depuis 1996. Si tel n'était pas le cas, il n'aurait pas pu agir comme il
22 l'a fait s'agissant du document relatif au témoin NV.
23 Ces documents confirment tout ce que le conseil de la défense déclare
24 depuis deux ans, ils sont conformes à l'Acte d'accusation qui a été publié
25 par le Tribunal de Konjic. Et nous avons d'ailleurs eu les plus grandes
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1 difficultés à obtenir cela de l'accusation. Nous n'avons pas tout obtenu
2 encore. Ces documents montrent donc, je le répète, ce que la défense
3 affirme depuis deux ans: à savoir que des éléments du 4e Corps d'armée
4 existaient à Sovici, de l'armée de Bosnie-Herzégovine, que ces hommes
5 étaient armés et qu'ils ont creusé des tranchées.
6 Mais je vais vous donner lecture d'un certain nombre de passages qui vous
7 indiqueront qui a fait prisonniers les civils, qui les a alimentés. Tout
8 est écrit dans ces documents. Mais, bien entendu, mon client n'a vu cela
9 nulle part. D'ailleurs, cela n'a pas non plus été présenté à Konjic.
10 Mais ce qui nous ennuie, c'est que le fameux journal de bord de Lazarevic
11 ne fait pas figurer tous ces éléments. Et, d'après les signatures que nous
12 voyons sur ces documents, nous avons le sentiment que c'est bien Alojz,
13 c'est-à-dire le même homme qui a consigné ces notes par écrit dans les
14 deux cas.
15 Je sais bien que nous sommes un peu fatigués de tout cela. Nous sommes
16 venus ici pour rendre la justice, le Procureur avant tout; l'institution
17 au sein de laquelle nous nous trouvons n'est pas une institution qui punit
18 uniquement, c'est une institution qui recherche la justice.
19 La défense n'est pas, cela étant, dans la même position que l'accusation
20 et nous n'avons aucune intention d'attaquer l'accusation. Je l'ai déjà dit
21 à plusieurs reprises, ce n'est en aucun cas mon intention, et ma position
22 sur cet aspect des choses est tout à fait claire.
23 J'ai dit, à de très nombreuses reprises, que le Procureur, dans la
24 présente affaire, n'agit pas en toute bonne foi et n'a pas de bonnes
25 intentions; ce qui est démontré jour après jour. Mais, je le répète, je
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1 n'avais aucunement l'intention d'attaquer l'accusation avant de venir ici.
2 Mais nous sommes ici parce que nous aimerions savoir pourquoi ces
3 documents n'ont pas été soumis à la défense pendant le procès. La défense
4 a, en de très nombreuses occasions, demandé au Procureur de lui remettre
5 tous les documents liés à l'Acte d'accusation, notamment en rapport avec
6 Sovici et Doljani. Et vous savez très bien, Monsieur le Président, que
7 nous l'avons fait par tous les moyens qui étaient les nôtres au cours de
8 la procédure. Je ne puis en aucun cas être d'accord avec les propos tenus
9 par nos collègues d'en face, qui affirment que les documents que je viens
10 de recevoir, à savoir les documents relatifs à ces éléments du Bataillon
11 "Mijat Tomic", que ces éléments donc correspondent entièrement au contenu
12 des autres documents, et notamment conformes aux documents qu'un certain
13 Rados a établi, comme l'affirme le Procureur.
14 Donc, ce qui est démontré ici, c'est qu'il y a contradiction entre ces
15 différents documents; ce qui, à son tour, contredit la thèse de
16 l'accusation qui souhaite, dit-elle, porter ces documents à la
17 connaissance de la Chambre afin de s'approcher de la justice.
18 L'accusation accepte ces documents, elle affirme que ces documents émanent
19 d'un certain Rados; la défense n'était pas en possession de ces documents,
20 ce qui donc contredit d'emblée la thèse de l'accusation selon laquelle il
21 s'agissait de civils sans armes à Sovici, etc., etc., tout ce que vous
22 avez entendu pendant deux ans. Ces documents établissent la réalité des
23 choses de la façon la plus claire qui soit pour ce qui concerne la période
24 qui nous intéresse.
25 Mme Clark (interprétation): Maître Krsnik?
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1 M. Krsnik (interprétation): Oui, je vous en prie.
2 Mme Clark (interprétation): Je pense que le Président vous a demandé
3 d'être plus concis et de nous dire de façon très précise ce qui, dans ces
4 documents, n'est pas de caractère disculpatoire; donc ce qui fait de ces
5 documents des documents qui ne sont pas à décharge, et ce qui a existé à
6 Sovici et Doljani à l'époque des faits. Donc il vous est demandé de nous
7 indiquer, avec la plus grande précision qui soit, quel est le contenu de
8 ces documents qui … (Geste de Me Krsnik qui montre la liasse de
9 documents.)
10 Très bien. Dans ces conditions, nous attendrons que vous nous disiez ce
11 que vous avez à dire à ce sujet.
12 M. Krsnik (interprétation): Merci, Madame la Juge. Vous savez, les
13 documents sont très nombreux mais j'avais besoin de présenter une
14 introduction à ce propos. Et j'espère que, maintenant, que chacun est
15 conscient de ce qui se passe réellement.
16 Vous voyez, je vous présente cette liasse que j'ai préparée pour
17 l'audience d'aujourd'hui, une liasse très volumineuse. Mais je souhaitais
18 apporter quelques commentaires au sujet des derniers propos du Procureur,
19 donc je ne suis pas entré dans le vif du sujet immédiatement. Ces
20 documents, que je vous présente ici, nous les avons reçu cinq minutes
21 avant midi aujourd'hui, et je crois que ceci non plus n'est pas trop
22 juste, en dépit de ce que dit le Procureur qui affirme avoir été en leur
23 possession depuis le mois de janvier, alors que d'autres éléments
24 indiquent qu'il était en possession de ces documents depuis 1996.
25 Et, Madame la Juge, il m'a fallu rédiger rapidement une traduction de ces
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1 documents, et puis les soumettre immédiatement. Vous savez qu'il y a une
2 plainte éventuelle qui est en cause ici, et le volume de ces documents est
3 très important; il y a plus de 153 pages.
4 Mais passons aux choses concrètes: pourquoi ces documents sont importants?
5 Je vais vous donner lecture de quelques passages qui sont consignés par
6 écrit et qui sont tout à fait précis. Je cite… Les documents sont
7 importants parce que, contrairement à ce que dit le Procureur et le témoin
8 qui, s'agissant de Doljani et Sovici, a déclaré qu'à Sovici, il y avait
9 l'armée de Bosnie-Herzégovine et qu'à Sovici, ainsi que dans les environs,
10 des tranchées ont été creusées par des membres de l'armée de Bosnie-
11 Herzégovine avant le mois d'avril, c'est-à-dire dès le 9 février 1992, et
12 que ces tranchées ont été creusées à l'aide d'engins lourds.
13 Donc "le 12 février 1992, une réunion", dit-il, "s'est tenue; réunion de
14 l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO à Jablanica et Zajko Sahirlic a
15 participé à cette réunion. Marko Zelenika étant présent avec Stipe Pole…"
16 -je vais aller lentement- "ainsi qu'Alojz Rados. Durant cette réunion, il
17 a été question du conflit qui opposait l'armée de Bosnie-Herzégovine et le
18 HVO sur le territoire de Doljani et Sovici."
19 J'ai de nombreux passages à citer, Monsieur le Président. Je ne vais pas
20 vous imposer la lecture de tous ces passages en une seule fois. Vous
21 n'avez pas ce document en anglais malheureusement, donc cela crée un
22 problème pour vous. Si vous aviez pu lire ces documents à l'avance, vous
23 auriez été dans une situation différente et j'aurais pu m'exprimer
24 différemment, Monsieur le Président. Mais, malheureusement pour vous, vous
25 êtes dans l'obligation, puisque vous n'avez pas pu encore lire ces
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1 documents, d'écouter ce que je devrais vous citer, et j'aurais plusieurs
2 citations à faire.
3 Donc Dzemal Ovnovic admet également que ces tranchées étaient bien celles
4 de ce corps d'armée de l'Armée de Bosnie-Herzégovine; ce qui va à
5 l'encontre de ce qu'a dit le Procureur. A Sovici, le 25 mars 1993, il est
6 affirmé que les personnes présentes étaient désarmées. Et puis, il y a
7 toutes sortes d'autres éléments. Mais je vais être très précis et je vais
8 lire, pour être plus concret, un passage d'un texte qui montre de façon la
9 plus absolue, Monsieur le Président, qu'à Sovici et Doljani il était
10 absolument question de forces armées, d'hommes en armes et non de
11 population civile désarmée; et qu'il s'agissait -c'est une certitude- d'un
12 affrontent entre le HVO et l'Armée de Bosnie-Herzégovine. Si nous avions
13 disposé de ces éléments au moment de l'audition des témoins de
14 l'accusation -je ne reviendrai pas là dessus, nous savons quels sont les
15 témoins qui ont parlé de Sovici et de Doljani-, si nous avions pu poser
16 des questions sur le contenu des documents qui nous sont soumis
17 maintenant, je crois que notre contre-interrogatoire aurait pris un aspect
18 tout à fait différent.
19 Les documents, dont la date est ultérieure au 16 avril, indiquent, de la
20 façon la plus claire qui soit que le Bataillon "Mijat Tomic" s'intéressait
21 à l'approvisionnement en aliments et en pain pour les prisonniers
22 militaires, qu'à Sovici des civils étaient regroupés, que l'on s'est
23 occupé du bétail, etc., etc., de tout ce qu'il fallait pour assurer la vie
24 des civils faits prisonniers. Il est question également de la façon dont
25 ils étaient traités, de toutes les décisions qui ont été prises et de la
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1 façon dont elles ont été appliquées par le Bataillon Tomic. Et il est
2 indiqué également que ce n'est pas M. Naletilic qui a fait tout cela,
3 contrairement à ce qu'implique l'Acte d'accusation. L'alimentation des
4 civils faits prisonniers est également décrite; d'ailleurs il ne s'agit
5 pas que de nourriture, mais également de l'approvisionnement en
6 médicaments, en articles d'hygiène quotidienne. Il est question de la
7 façon dont le bétail était déplacé d'un lieu à un autre pour assurer
8 l'alimentation des prisonniers. Le problème de pillage etc., etc. est
9 évoqué. Des excuses sont d'ailleurs présentées. Et, ce qui est également
10 très important, c'est qu'il est question des départs des civils de Sovici,
11 de Doljani, de l'organisation de ces départs. Il est dit qui a organisé
12 ces départs, qui a escorté les civils, etc.; et le nom de mon client
13 n'apparaît nulle part.
14 L'accusation affirme aujourd'hui que nos arguments ne se justifient pas.
15 Nous ne pouvons pas vous donner tous les détails sur tous les sujets que
16 je viens d'évoquer. Je me contenterai de parler de quelques-uns de ces
17 éléments.
18 La défense est d'avis que le simple fait qu'à Sovici et à Doljani il se
19 soit trouvé des éléments du 4e Corps d'armée de l'Armée de Bosnie-
20 Herzégovine, donc, selon la défense, cela indique qu'il n'était absolument
21 pas question de population civile. Et nous estimons que cet élément est
22 d'une telle importance qu'il aurait, en tout état de cause, dû être
23 utilisé au cours du contre-interrogatoire.
24 La défense n'a pas changé d'avis au sujet du journal de Rados; la défense
25 a affirmé que ce journal pouvait servir à confirmer les thèses des
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1 Musulmans. Ça, nous l'avons bel et bien établi. Regardez ce qu'il est
2 advenu de ce journal, Monsieur et Mesdames les Juges. Vous aussi, vous
3 avez assisté à tout cela. La défense a d'abord reçu une version tapée à la
4 machine; après quoi, elle a reçu une soi-disant photocopie de l'original;
5 et c'est seulement lorsque le dernier témoin de l'accusation a été entendu
6 que la défense a reçu l'original de ce journal. Donc aujourd'hui, il n'y a
7 rien de nouveau par rapport à ce qui s'est passé durant le procès.
8 Monsieur le Président, la défense ne peut pas non plus dire que ce
9 document est authentique ou véridique. Elle ne peut pas se prononcer sur
10 la question, ni dans un sens ni dans l'autre. Elle doit tout simplement,
11 pour se prononcer, faire des recherches. Mais ce qu'on trouve dans ce
12 document démontre qu'il est en contradiction complète avec toutes les
13 déclarations des témoins présentés à la Chambre par le Procureur. Et, dans
14 le même ordre d'idées, nous estimons que le Procureur n'a pas raison de
15 comparer les derniers documents soumis au contenu de ce journal.
16 Le journal, oui, nous avons eu pleinement la possibilité d'y réfléchir, de
17 l'examiner de très près. Mais les documents dont nous parlons aujourd'hui,
18 nous n'avons pu que les lire très rapidement. Et d'ailleurs, il nous a
19 fallu faire ça très, très vite, de façon à respecter les délais imposés
20 par la Chambre.
21 Alors regardez, pendant plus d'un an et demi nous avons affirmé quelque
22 chose et nous avons apporté des preuves à l'appui de ce que nous disions,
23 alors que ce document, pendant tout ce temps-là, était entre les mains de
24 l'accusation qui ne nous l'a remis qu'à la toute dernière minute.
25 Et puis, j'ajouterai -si vous me le permettez-, j'ajouterai que Mladen
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1 Naletilic a le droit d'être informé de tous les événements et de toute la
2 réalité des faits liés aux accusations portées contre lui. Il a le droit
3 de recevoir ces documents puisqu'ils sont liés au procès qui lui a été
4 intenté; et ces documents sont en possession de l'accusation depuis 1996.
5 L'Acte d'accusation date de 1998. Est-il possible de dire devant ce
6 Tribunal qui cherche à établir la vérité, est-il possible réellement de
7 défendre l'argument selon lequel le Procureur serait inondé de documents
8 et que ceci justifierait que la défense n'ait pas été en possession de ces
9 documents? L'argument consistant à dire "nous sommes noyés sous les
10 documents" est un argument que mon client entend depuis des années. Or,
11 ces documents, la défense n'a pas pu les utiliser pour la défense de son
12 client.
13 Eh bien, maintenant, je vais vous citer un certain nombre de passages que
14 je considère comme les plus importants.
15 Par exemple, ici, nous avons un document émanant d'une réunion tenue le 30
16 mars 1993 en présence de tous les commandants du bataillon; et, au point
17 33, il est dit que le territoire de Jablanica est entièrement encerclé. Et
18 puis, il y a un certain nombre d'autres endroits qui sont cités, que
19 l'armée de Bosnie-Herzégovine a envahis. Et puis, Sovici et Doljani sont
20 encerclés. Ensuite, il est question des mesures qui devraient être prises
21 afin d'obtenir un accord avec l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il est dit
22 que des discussions devraient donc être menées avec l'armée de Bosnie-
23 Herzégovine pour lever les postes de contrôle, notamment le poste de
24 contrôle de Sovici. Vous savez, suite au débat nourri sur le sujet, qu'il
25 n'y a jamais eu de poste de contrôle à Sovici.
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1 Ensuite, il est question du fait que l'armée de Bosnie-Herzégovine ainsi
2 que la direction du HVO doivent être informés de cela. Et ces documents
3 indiquent également, de la façon la plus claire qui soit, qui était le
4 commandant, quel était le poste de commandement suprême de Sovici et
5 Doljani.
6 Ici, nous lisons -et c'est tout à fait clair- que "c'est la zone de
7 Tomislavgrad, que le commandant est M. Siljeg, qu'il faut l'informer de
8 tout ce qui se passe". Et tout cela va totalement à l'encontre de ce
9 qu'affirme le Procureur. Tout cela est dans l'intérêt de mon client,
10 puisque le nom de mon client n'est mentionné nulle part dans ces
11 documents; tout cela est écrit noir sur blanc.
12 Et puis, voyez, le 10 avril, donc six jours avant le début du conflit, une
13 réunion est également organisée, et il est question des problèmes en cas
14 de conflit.
15 Je cite-: "En cas de conflit, les objectifs militaires qui devraient être
16 assignés au Bataillon Tomic sont les suivants: d'abord, s'occuper des
17 opérations des Musulmans à Sovici et Doljani, empêcher la jonction des
18 forces de Jablanica avec celle de Doljani et Sovici et, troisièmement,
19 défendre nos possessions à Sovici et à Doljani." Ceci va à l'encontre de
20 l'affirmation du Procureur selon lequel quelqu'un est arrivé le 16 avril
21 pour attaquer des civils sans arme et les expulser de cette zone. Et ceci
22 est en contradiction, notamment, en raison des dates.
23 Je ne vais pas vous ennuyer avec trop de citations, mais voilà un autre
24 passage: "Nous sommes ici après le conflit le 21 avril. Il est question
25 d'organisation, de l'alimentation des prisonniers, il est question du
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1 transport des vivres." (Fin de citation.)
2 Et puis, regardez: là, il y a encore quelque chose d'intéressant, il est
3 question du terrain, il est question de Sovici. Contrairement à ce qu'a
4 dit le Procureur, qui a dit que le ratissage du terrain avait été l'œuvre
5 du bâtiment des condamnés, eh bien, ici, on voit très bien qui a effectué
6 ce ratissage du terrain.
7 Donc, lors de cette rencontre tenue le 21 avril, les tâches qui sont
8 assignées aux personnes chargées de les accomplir sont le ratissage du
9 terrain qui doit se poursuivre, et puis l'enregistrement du nom de tous
10 les blessés, de tous les morts, enterrement des morts, etc., etc. Tout
11 cela, cela fait partie, très manifestement, des tâches habituelles que
12 l'on trouve dans le ratissage du terrain; et je pense que c'est un élément
13 très important qui contredit grandement les affirmations du Procureur à
14 l'heure d'aujourd'hui.
15 Compte rendu d'une réunion en date du 6 mai 1993, Monsieur le Président
16 -je cite-: "Les autres civils capturés seront transférés en d'autres
17 lieux. Ceci sera fait en coordination avec Ivan Rogic." (Fin de citation.)
18 Il n'est pas question ici de Vinko Martinovic. "Les chefs de la police
19 militaire escorteront ce convoi"; et le nom de Mladen Naletilic n'est pas
20 mentionné non plus. Ce nom que l'on trouve ici, c'est celui de Ivan Rogic.
21 Il est donc question du transport, de l'escorte des prisonniers, et on
22 parle -je le répète- de police militaire.
23 Mais le Procureur, que dit-il, pour sa part? Il dit ce que c'est le
24 Bataillon des condamnés qui a été chargé de cette tâche; d'ailleurs, nous
25 avons entendu des témoins aller dans le même sens.
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1 Ensuite, la police militaire est chargée également de prévenir et
2 d'empêcher le pillage, les vols, etc. Mais mon confrère, Me Meek, va vous
3 parler d'autres éléments importants à mon avis. Et, ici, je parle d'un
4 document que j'ai reçu aujourd'hui et que le Procureur a présenté durant
5 l'audition du témoin NV.
6 Monsieur le Président, voilà ce que je voulais vous dire très rapidement
7 en m'efforçant d'être aussi concret que possible. Et, bien sûr, il est
8 question d'autres événements, les événements survenus avant le 16 avril,
9 comme par exemple celui du 22 mars. D'ailleurs, je vais vous le citer à
10 titre d'exemple.
11 Dzemal Ovnovic, commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Doljani et
12 Sovici. Il faut traduire ce document; je ne l'avais pas au moment du
13 contre-interrogatoire. Vous voyez, voilà ce qui est dit ici -je cite-:
14 "Les tranchées qui sont creusées, eh bien, elles n'ont qu'à être
15 creusées." Il parle de Sovici. On constate que des engins lourds sont
16 utilisés pour creuser des tranchées à Sovici, etc., etc.
17 Excusez-moi, je m'efforce de réfléchir pour être aussi concret que
18 possible. On constate donc de ce qu'il en est des tranchées. Je cite: "Le
19 problème des tranchées pourrait être réglé si vos hommes pouvaient aller
20 jusqu'à Borovnik parce que personne n'a rien contre vous à Donja Mahala,
21 mais je n'ai pas confiance dans les gens de l'extérieur. Parce que comment
22 peut-on expliquer cela aux nôtres si c'est un commandant de l'extérieur
23 qui donne des ordres à l'armée? Nous avons des gens qui viennent de
24 l'extérieur-quand on dit de l'extérieur, venant d'autres lieux que Sovici
25 et Doljani-. Comment est-ce que l'on pourrait expliquer cela aux nôtres si
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1 c'étaient des gens de l'extérieur qui tenaient ce barrage, ce poste de
2 contrôle?" (Fin de citation.)
3 Il s'ensuit une discussion, tous les problèmes évoqués à la réunion sont
4 repris, les positions des uns et des autres sont exprimées de la façon la
5 plus claire qui soit en termes militaires. Et Marko Zelenika déclare -je
6 cite-: "Tous ces problèmes nous ont été exposés par le haut commandement,
7 plus précisément par le commandement, plus précisément par le commandant
8 Siljeg." (Fin de citation.)
9 Donc, je ne voudrais pas abuser de votre temps, maintenant, Monsieur le
10 Président. Je pense que j'ai signalé quelques exemples tout à fait clairs
11 à l'appui des arguments de la défense. Donc ces documents contredisent la
12 thèse de l'accusation; ça, c'est une chose.
13 Et puis, la deuxième chose importante, c'est que ces documents étaient en
14 possession de l'accusation depuis très longtemps.
15 Et, dernier point tout aussi important, il n'est pas permis de remettre à
16 la défense ces documents à midi moins cinq lors d'une journée comme celle
17 d'aujourd'hui.
18 Mon confrère, Me Meek, va maintenant reprendre la suite de la présentation
19 de nos arguments.
20 Je vous remercie de votre compréhension et je vous remercie de l'attention
21 que vous m'avez accordée, Monsieur le Président, Mesdames les Juges.
22 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je
23 rentre du Kansas, et je dois dire que je suis ravi d'être à nouveau à La
24 Haye. Je ne vais pas prendre beaucoup de votre temps. Je n'ai pas vraiment
25 eu l'occasion de regarder tout ceci, tout est en serbo-croate, et je m'en
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1 tiens aux discussions que j'ai eues avec Me Krsnik et Mme Pinter.
2 Et, pour ce qui est du contenu de ce document, je crois que -d'après Me
3 Krsnik- succinctement ce document, ces 153 pages, indiquent qu'il semble
4 avoir été écrit par Rados, contredit la théorie de l'accusation à l'égard
5 de Sovici et Doljani. D'après moi, les éléments de preuve à décharge
6 constituent des éléments qui semblent indiquer l'innocence de l'accusé ou
7 qui auraient tendance à atténuer la peine ou la punition de l'accusé;
8 c'est la définition de ce terme.
9 Si vous regardez l'Acte d'accusation de M. Naletilic, vous voyez que
10 l'accusation l'a accusé dans trois domaines: à savoir Sovici, Doljani en
11 avril, Mostar et également Rastani.
12 Certainement, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, si on avait pu
13 démontrer le rôle actif de M. Naletilic ou en tout cas aussi actif que
14 c'est affirmé par l'accusation, à Doljani, à ce moment-là, on pourrait
15 estimer que ceci ne pourrait pas atténuer sa peine s'il avait été présent
16 lors du conflit.
17 Par conséquent, ces documents, comme je vous l'ai indiqué auparavant
18 -comme je vous l'ai déjà dit, je ne lis pas le serbo-croate-, il y a eu 33
19 extraits que l'accusation a jugés suffisamment importants pour les faire
20 traduire, mais ils n'ont pas utilisé ces documents-là, dans l'espoir de
21 l'utiliser dans le contre-interrogatoire du témoin de la défense.
22 Ils n'ont pas utilisé, en fait, le 421.1, je pense. En regardant ce
23 document, Monsieur le Président, je vois que l'original, donc un
24 exemplaire de ces 153 pages, deux pages en fait qui ont été traduites et
25 qui sont devenues la pièce de l'accusation 421.1, contient un tampon qui
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1 porte le n°02181733734. Mais si vous regardez le tampon qui figure sur ces
2 deux mêmes éléments qui auraient correspondu au procès-verbal du 30 mai
3 1993, on peut voir que le tampon indique le n°01174465556. Autrement dit,
4 le numéro des tampons ne concordent pas, ce qui semble indiquer dans ce
5 cas -peut-être M. Scott peut-il éclaircir ce point?-, il me semble qu'il y
6 ait deux exemplaires -et deux exemplaires entre les mains de l'accusation-
7 de ce document de 153 pages. Sinon, c'eût été tout à fait impossible
8 d'avoir deux tampons comportant deux numéros différents puisqu'il s'agit
9 du compte rendu d'audience du 30 mai 1993. Lorsque l'accusation a déposé,
10 le 19 mars 2003, en annexe, la version en BCS des comptes rendus de la
11 réunion portant le n°733734655656 de ces 153 pages, que le conseil de la
12 défense vient de recevoir récemment, très honnêtement, Monsieur le
13 Président, Mesdames les Juges, je trouve que c'est assez difficile
14 lorsqu'il s'agit de traiter ces différents points.
15 L'accusation admet tout à fait ouvertement, au paragraphe 2, qu'ils ont
16 effectivement reçu cette compilation de documents de 153 pages du compte
17 rendu de Mijat Tomic. Effectivement, quand ont-ils reçu ceci? Maître
18 Krsnik prétend que c'était en 1996. Peut-être que M. Scott ou quelqu'un de
19 l'accusation pourrait éclaircir ce point? A quel moment et combien de
20 temps ont-ils eu ces documents en leur possession?
21 Au paragraphe 3 qui est la requête d'hier, dans leur réponse, ils parlent
22 du mois d'avril 2002: il y a un an environ qu'une copie papier de ce
23 compte rendu a été examinée par certains membres de l'équipe de
24 l'accusation et des enquêteurs; et il précise: quatre passages ont été
25 sélectionnés dans le but de les utiliser dans le contre-interrogatoire. Et
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1 ces membres de l'équipe de l'accusation/enquêteurs ont examiné ce document
2 de 153 pages en avril 2002, et ont décidé que quatre extraits seraient
3 traduits en anglais pour être présentés lors de l'audition d'un témoin de
4 la défense.
5 Pour finir, au paragraphe 5, ils indiquent que deux pages seulement de
6 P421.1 ont été communiquées à la défense et à la suite d'un appel de
7 l'accusation. Si vous tournez au paragraphe 4 de la requête d'hier,
8 l'accusation déclare que ceux qui ont examiné le document à l'époque
9 -encore une fois, nous aimerions savoir de qui il s'agit, qui a examiné ce
10 document puisque ce sont des personnes extrêmement qualifiées, des avocats
11 qui représentent l'accusation dans le cadre de cette affaire-, ils ont
12 également déclaré au paragraphe 4 qu'ils ont estimé que ces documents ne
13 relevaient pas de l'Article 68, et par conséquent qu'il ne s'agissait pas
14 d'éléments de preuve à décharge et qu'ils n'avaient pas l'obligation de
15 nous communiquer ceci.
16 Ceci est un problème qui a surgi plus d'une fois au sein de cette Chambre,
17 à savoir l'accusation choisit et sélectionne les éléments de preuve qu'ils
18 estiment être à décharge. Nous avons fait une demande -je ne me souviens
19 plus exactement à quel moment- d'avoir le droit de voir tous les
20 documents, quand bien même il faut les regarder dans le Bureau du
21 Procureur, et c'est à nous de décider si ce sont les éléments à décharge
22 pour notre client, en tant qu'équipe de la défense. Je pense que la seule
23 règle qui puisse être appliquée par cette Chambre est que le conseil de la
24 défense est seul à même de pouvoir sélectionner les documents et de juger
25 quels éléments constituent des preuves à décharge. Il s'agit d'une
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1 procédure contradictoire et nous ne pouvons pas demander à l'accusation de
2 protéger nos intérêts; il s'agirait ici d'une situation où l'accusation a
3 estimé, à un moment donné, que certains éléments n'étaient pas considérés
4 comme des éléments à décharge. Et une semaine avant le prononcé du
5 jugement… Ah mon Dieu! Si nous avions ce document en notre possession, ces
6 153 pages qui semblent avoir été rédigé de la même main que celle qui a
7 rédigé le journal de Rados qui… Souvenez-vous, nous nous sommes battus
8 pied à pied au sujet de ce journal, nous nous sommes battus bec et ongles.
9 Je ne sais pas si vous vous souvenez, Monsieur le Président, Mesdames les
10 Juges? C'est ce que dit l'accusation dans sa requête.
11 Dans la requête, en toute bonne foi et avec toute prudence jugée
12 nécessaire, nous avons remis ces documents pour lesquels nous n'avions pas
13 l'obligation de communication ici. Et j'ai le droit de consulter mon
14 client ainsi, en présence de Me Krsnik, et de savoir ce que contient ce
15 journal, ainsi que ce document de 153 pages qui aurait été rédigé par la
16 même personne qui a rédigé le journal et qui a été versé au dossier après
17 maintes objections.
18 Quelle est la bonne foi en la matière de l'accusation? Si l'accusation
19 sait à combien de reprises nous nous sommes opposés au versement au
20 dossier du journal de Rados; et ensuite, ils avaient en leur possession un
21 document de 153 pages qui représentait les réunions du HVO, du Bataillon
22 Tomic, et qui portait sur une période qui précédait le mois d'avril, le
23 conflit du 17 et 18 avril et jusqu'au mois de mai. Et notre client n'est
24 pas évoqué, ça n'était pas un coordinateur, ça n'était pas quelqu'un qui
25 était commandant présent avant le 17 avril.
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1 Ceci ne contredit aucunement les éléments de preuve de l'accusation,
2 Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les Juges. Ceci, au
3 contraire, ne démontre pas l'innocence de M. Naletilic. Et si vous ne
4 pensez pas que cela pourrait atténuer le tort ou la sentence éventuelle
5 que puisse recevoir ce monsieur, même en excluant Sovici, je ne sais pas
6 quels autres éléments pourraient le faire. Si le fait que mon client ait
7 été absent à Sovici à l'époque n'est pas un élément qui permet d'atténuer
8 la peine qui pourrait lui être imposée ou un élément susceptible de faire
9 la preuve de son innocence, alors je ne sais pas ce qui pourrait le faire.
10 Nous ne savons pas sur quel critère l'accusation a décidé que ces
11 documents étaient des documents à décharge. Nous ne savons pas quelles ont
12 été les motivations de l'accusation, mais nous avons déposé une réponse à
13 la requête du Procureur dans les délais les plus brefs possible.
14 Nous pensons qu'une décision définitive dans la présente affaire doit être
15 reportée à une date ultérieure. Il faut que nous ayons la possibilité de
16 faire des recherches. Il faut que nous ayons la possibilité de voir quels
17 sont les témoins de l'accusation que nous pourrions peut-être souhaiter
18 contre-interroger de façon différente de celle que nous avons appliquée
19 lors du procès. Il faut que nous voyons quelles sont les parties des
20 éléments qui viennent de nous être soumis et que nous pourrions
21 éventuellement utiliser à cette fin.
22 La conduite du Procureur a été une conduite tout à fait choquante,
23 Monsieur le Président, Mesdames les Juges. Il n'a pas communiqué à la
24 défense les éléments qu'il aurait dû communiquer une semaine avant le
25 jugement; et il s'agit ici de Sovici et Doljani. Donc nous estimons que
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1 dans le cadre de la présente affaire, toutes les affirmations, toutes les
2 preuves relatives à Sovici et Doljani devraient être laissées de côté.
3 Nous estimons, Monsieur le Président, que vous aurez peut-être des
4 questions à poser au Procureur, d'une part, mais également à la défense.
5 En effet, des questions se posent depuis hier notamment.
6 Moi, je vous dis que je suis très sincèrement choqué, choqué et ébahit.
7 Mais ce qui est pertinent et même extrêmement pertinent, c'est la nature à
8 décharge de ces documents que nous avons démontrée, je pense, dans les
9 délais requis. Et je me contenterai donc, Monsieur le Président, de vous
10 remercier.
11 M. le Président (interprétation): Je me tourne vers le Procureur.
12 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je ne vais pas
13 abuser du temps de la Chambre pour revenir sur les faits qui ont déjà été
14 présentés à la Chambre s'agissant de l'historique du document; nous en
15 avons traité dans nos écritures. J'espère que les Juges de la Chambre
16 constateront que pendant toute cette période, y compris d'ailleurs pendant
17 les premiers moments de la communication des pièces, donc dès le mois de
18 février, deux réponses ont été déposées par l'accusation à des demandes
19 qui lui ont été soumises.
20 Dans la deuxième, l'accusation établissait très clairement le processus
21 suivi dans le cadre de la communication des pièces et disait que tout ce
22 que l'accusation avait pu faire pour aider la Chambre avait été fait.
23 Entre les deux dépôts de documents, Monsieur le Président, nous disons -et
24 cela ne peut pas être contesté- que des documents sont arrivés au Bureau
25 du Procureur. Cela se passe à peu près au mois de mars 1996. S'il y a eu
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1 erreur humaine, c'est quelque chose qui peut arriver: le document en
2 question n'a pas été introduit dans notre base de données électroniques et
3 un certain temps s'est passé avant qu'un membre de notre équipe
4 d'enquêteurs ne soit informé à la chose.
5 Je dois m'opposer à ce qu'a dit la défense. Je ne crois pas que divulguer
6 le nom de la personne en question puisse être d'une quelconque utilité. Ce
7 que nous disons aux Juges de la Chambre, et nous le disons sans détours,
8 c'est qu'il s'agit effectivement d'un membre de l'équipe du Bureau du
9 Procureur, en fait un enquêteur. Les documents étaient examinés de plus
10 près à ce moment-là. Il a été déterminé qu'il ne s'agissait pas de
11 documents relevant de l'Article 68. Il ne s'agissait pas non plus de
12 documents relevant de l'Article 66-B) du Règlement de procédure et de
13 preuve s'agissant des obligations qui incombent à l'accusation en matière
14 de communication de preuve dans les premières étapes d'un procès.
15 Aucun problème ne se pose s'agissant de la nature de ces documents et de
16 la communication de pièces. Mais ce que l'on peut discuter, c'est ce que
17 je discute dans l'appréciation que je fais du document en janvier et en
18 février. C'est pourquoi ce document était considéré comme un document à
19 communiquer à la défense dans une étape ultérieure. En effet, il n'y avait
20 aucune obligation pour le Procureur de communiquer ce document. Il n'avait
21 pas été sélectionné en tant que pièce à conviction par l'accusation, et il
22 ne relevait pas de l'Article 66-B), il ne relevait pas de l'Article 68. Le
23 Bureau du Procureur, comme vous le savez, est en possession de millions et
24 de millions de documents, et c'était simplement qu'il n'avait pas été
25 choisi pour servir d'éléments de preuve dans la présente affaire, il
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1 aurait donc pu être très facilement mis de côté.
2 Mais certains extraits ont été choisis pour utilisation éventuelle en
3 contre-interrogatoire? et un seul de ces passages a été utilisé
4 effectivement dans le prétoire, comme je l'ai indiqué par écrit; il s'agit
5 de la pièce à conviction de l'accusation 424.1.
6 Ce qui s'est passé par la suite -et nous en parlons dans nos écritures-,
7 c'est qu'une copie papier de ce document a refait surface au mois de
8 janvier. Notre attention a été appelée sur la chose, nous avons réexaminé
9 les choses de plus près, nous avons découvert que ce document relevait
10 effectivement de l'Article 68 et, dans la lettre que nous avons adressée à
11 M. Krsnik, nous disons à plusieurs reprises que, le 17 février, nous avons
12 donc examiné ce document et que c'est par souci et même par excès de
13 précaution et en toute bonne foi, que nous avons communiqué ce document à
14 la défense. En effet, c'est pour différentes raisons déjà signalées par Me
15 Meek à l'instant, notamment l'importance du journal de Rados, et le fait
16 que le journal en question a effectivement fait l'objet d'une contestation
17 très vive dans le prétoire, donc en raison de tout cela et en raison du
18 fait que ce document relevait de l'Article 68, donc dans ces conditions
19 très particulières, nous avons estimé qu'il serait bon de faire excès de
20 précaution et nous avons décidé de communiquer le document à la défense.
21 Vous me pardonnerez, Monsieur le Président, ce que je vais vous dire à
22 l'instant, mais je crois que c'est nécessaire à des fins explicatives. La
23 Chambre sait que, lorsqu'on peut couvrir deux miles à pied, on peut
24 également en couvrir un.
25 Je vous dirais que, lorsque le jugement a été remis à une date ultérieure,
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1 j'ai dit à ma femme: "Eh bien, apparemment j'aurais quelque mal à couvrir
2 le deuxième mile". Et je parle de cela en rapport avec la communication de
3 ce document à la défense. L'accusation n'était pas dans l'obligation de le
4 communiquer; c'est simplement par souci de précaution et parce qu'il
5 semblait y avoir un certain déséquilibre, compte tenu de l'importance et
6 de la vivacité des débats au sujet du journal de Rados que l'accusation a
7 décidé d'agir comme elle l'a fait.
8 La défense -et j'ai écouté avec soin ce qui vient d'être dit-, les membres
9 de la défense ont peut-être vu le journal intitulé "Chicago", où l'on voit
10 une scène de claquettes. Avec tout le respect que je dois à la Chambre, je
11 pense que c'est exactement à cela que nous avons assisté cet après-midi.
12 Ni Me Krsnik ni Me Meek, bien qu'ayant été invités à le faire par le Juge
13 Clark notamment et par le Président, donc aucun de ces deux conseils n'a
14 répondu précisément à la question de savoir en quoi ce document était un
15 document à décharge et en quoi il aurait pu affecter, dans un sens ou un
16 autre, le contre-interrogatoire au moment de l'audition des témoins.
17 Alors, la charge de la preuve repose sur la défense dans la situation
18 précise: c'est à la défense qu'il appartient de démontrer le caractère à
19 décharge de ce document et de convaincre les Juges de la Chambre de la
20 nature à décharge de ce document, et de la façon dont la défense aurait pu
21 être lésée par l'absence de communication de ce document à une étape
22 ultérieure.
23 Je vais prendre un exemple, et je dis bien "un exemple". Je vais
24 m'exprimer sur un plan hypothétique. Supposons, dis-je bien, que Me Krsnik
25 ait bien décrit les éléments qu'il a cités, comme il l'a fait, éléments
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1 qu'il a vus et dont il parle à première vue, n'est-ce pas, en affirmant
2 qu'il s'agit d'éléments à décharge. Il nous a dit qu'il y avait des
3 défenseurs armés au voisinage de Sovici à la mi-avril 1993. Personne n'a
4 jamais contesté cela, cela n'a pas fait l'objet de débats. Il a été prouvé
5 qu'il s'agissait d'hommes musulmans armés qui ont mis en place une défense
6 du village avec les moyens du bord au moment où le village a été attaqué
7 le 16 avril. Il y a eu des coups de feu tirés, vous vous en souviendrez,
8 et les armes ont été confisquées par le HVO, elles ont été remises dans
9 une maison dont il a été question. Ceci n'a jamais été contesté. Il y
10 avait des soldats musulmans armés dans le secteur et, du point de vue du
11 caractère à décharge du document, il faut bien se pencher sur un autre
12 aspect, à savoir les crimes liés à l'attaque de Sovici: autrement dit, les
13 événements de Sovici, Doljani qui font l'objet des débats.
14 Nous allons revenir à l'essentiel, Monsieur le Président. Lisez l'Acte
15 d'accusation; l'Acte d'accusation ne parle pas d'attaque illégale sur une
16 population civile. Ce qui est considéré comme une charge dans cet Acte
17 d'accusation, c'est le transfert forcé de civils qui a eu lieu après
18 l'attaque, après la destruction des biens dans le village, après la
19 destruction de la mosquée notamment. Tout ce que Me Krsnik a dit n'a
20 simplement donc aucune pertinence et aucune valeur en décharge en
21 l'espèce.
22 Et je vais vous donner un autre exemple. Un homme a été tué au cours d'un
23 combat -ceci n'a jamais été contesté-, des combats ont eu lieu entre les
24 deux forces armées à l'époque et Cikota a été tué. La défense n'arrive pas
25 à se décider, elle n'arrive pas à décider qu'elle admettra la véracité du
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1 document en même temps que celle du journal Rados ou si, au contraire,
2 elle voudrait utiliser ce document à l'appui de cette thèse en le
3 présentant sous un jour différent. Donc d'un côté la défense souhaiterait
4 se débarrasser de ce document, d'un autre côté elle veut l'utiliser.
5 Mais nous avons les comptes rendus des réunions tenues par les dirigeants
6 des bataillons locaux, et ceci est évoqué également dans le journal, il ne
7 s'agit pas simplement d'observation rapide faite par M. Rados, il y a un
8 compte rendu officiel de ces réunions, qu'il s'agisse de réunions des
9 dirigeants ou de réunions d'organisation ou de réunions à un autre niveau,
10 et ces éléments ne sont pas des éléments à décharge. Ils n'indiquent pas,
11 de quelque façon que ce soit, que M. Naletilic n'ait pas participé à ces
12 réunions ou qu'il n'ait pas participé à la direction au niveau de ces
13 localités dans la période allant de février à juillet 1993. Même si
14 c'était le cas, ceci n'irait pas contre la thèse du Procureur puisque le
15 Procureur n'a jamais affirmé, jamais -je répète- que Naletilic ait été
16 commandant local sur le terrain de la Brigade "Mijat Tomic", ceci n'a
17 jamais été affirmé par l'accusation.
18 Et puis, permettez-moi maintenant de revenir sur les chiffes qui ont été
19 cités par Me Meek, et ma réponse sera complète.
20 Les éléments du document qui sont devenus la pièce à conviction de
21 l'accusation 424.1 ont été sélectionnés après un tri effectué en avril
22 2002 à peu près, et ceci s'est fait selon la pratique habituelle du Bureau
23 du Procureur, avec une numérotation, l'affectation d'un certain nombre de
24 numéros de référence qui concordent tout à fait avec ce que le Bureau du
25 Procureur fait dans tous les cas. Et puis, lorsque ce document de 153
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1 pages a été élaboré en janvier, ce document a été traité une fois qu'il a
2 été obtenu; c'était donc un autre document et il a été considéré comme un
3 document différent avec affectation d'un numéro de référence différent
4 pour l'ensemble de la liasse. Voilà pourquoi les deux numéros sont
5 différents. Il y a eu plusieurs attaques mentionnées dans le journal. Et
6 le problème dont nous discutons, ce n'est pas le journal de Rados, mais
7 les comptes rendus de réunion. La question qui se pose donc, c'est de
8 savoir si, s'agissant des questions qui font l'objet de débats dans
9 l'affaire qui nous intéresse, ces comptes rendus de réunions sont
10 pertinents ou pas.
11 Ce qui nous a été dit ici cet après-midi par la défense n'est pas exact
12 car l'évaluation faite en avril 2002 et en janvier 2003, par l'accusation,
13 est effectivement correcte et conforme à la réalité. Ces documents ne sont
14 pas des documents à décharge, ils concordent absolument avec la thèse de
15 l'accusation. Y compris aujourd'hui, Monsieur le Président, je dirai qu'il
16 est regrettable que Me Krsnik affirme que le nom de M. "Tuta" n'apparaît
17 pas dans ces documents et que cela suffise pour qu'il déclare ces
18 documents comme étant "des documents à décharge".
19 Monsieur le Président, le conseil nous a lu quelques extraits, mais il
20 aurait dû également appeler l'attention des Juges de la Chambre sur une
21 rubrique que l'on trouve dans ces documents à la date du 23 avril 1993
22 dans la soirée. Je cite le passage en question: "Terminé, arrivée du
23 commandant "Tuta", début des activités militaires." (Fin de citation.)
24 Monsieur le Président, il n'y a rien d'autre à ajouter. Une seule chose
25 peut être dite très simplement, c'est qu'il ne s'agit pas de documents à
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1 décharge, la thèse de l'accusation n'est pas contredite, la thèse de la
2 défense étant erronée.
3 M. le Président (interprétation): Y a-t-il une réponse de la part de la
4 défense?
5 M. Meek (interprétation): Je serai très bref. Mais, voyez-vous, Monsieur
6 le Président, nous sommes ici dans une situation très désavantageuse. Je
7 ne sais pas si M. Scott parle couramment le serbo-croate et s'il comprend
8 donc tout à fait bien ces 153 pages, mais ce n'est pas mon cas. Comment
9 peut-il se lever ici dans le prétoire et vous dire que je ne sais pas de
10 quoi je parle? Je vous ai dit que je ne parlais pas la langue en question
11 et que ces documents n'ont été pas traduits complètement anglais; donc je
12 sais très bien de quoi je parle et je ne peux parler que de ce que je
13 sais.
14 Mais, ici, une hypothèse a été évoquée, à savoir qu'il appartient au
15 Procureur de ce Tribunal de rendre une décision quant au caractère à
16 décharge ou pas d'un document. C'est ce qui se passe devant cette Chambre
17 de première instance et devant d'autres.
18 Mais, maintenant, je vais demander à Me Krsnik de reprendre la parole.
19 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Krsnik?
20 M. Krsnik (interprétation): Ecoutez, ce que je viens d'apprendre après
21 avoir entendu le Procureur, c'est qu'il faut que je regarde avec le plus
22 grand soin la distribution des Oscars -les Oscars, ces récompenses
23 cinématographiques aux Etats-Unis- puisqu'on nous a donné l'exemple d'un
24 film américain et qu'apparemment c'est le cinéma américain qui est la base
25 de tout.
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1 Mais, écoutez… regardez, Monsieur le Président, le compte rendu d'une
2 réunion du bataillon, au QG de ce bataillon, en date du 6 mai 1993. La
3 réunion commence en présence de Stipe Pole, Stipe Kopilas, Vlado
4 Antunovic, Berislav Srdo (phon.), Ivica Tomic, Ivan Rajic, Jure Groznica,
5 Ivo Zelenika, etc., etc., à 15 heures 15. La liste des noms se poursuit.
6 Stipo Pole préside la réunion.
7 Et au point 3 de ce document, nous lisons… Souvenez-vous, il s'agit du 6
8 mai, je ne vais pas revenir là-dessus. Il s'agit de la date à laquelle
9 l'accord a été conclu entre Petkovic et Halilovic au sujet de l'échange de
10 personnes. Au point 3 -je cite-: "S'agissant des civils faits
11 prisonniers…" Et je répète ce qui est écrit ici en croate: "S'agissant des
12 civils faits prisonniers, ceux qui sont encore prisonniers seront
13 transférés en un autre lieu. L'accomplissement de ces tâches et leur
14 coordination seront la responsabilité de Ivan Rajic. Le transport sera
15 réalisé à l'aide d'un véhicule motorisé, plus précisément un camion bâché,
16 et l'escorte sera assurée par le commandant de la police militaire." (Fin
17 de citation.)
18 Et un peu plus loin dans ce même document, nous lisons -je cite-: "Y
19 compris au sein de notre armée, il existe des éléments isolés qui
20 commettent des actes illicites. C'est la raison pour laquelle la police
21 militaire sera présente.". (Fin de citation.)
22 Puis, là, on a un passage illisible, mais je ne vais pas essayer de
23 deviner. Mais je pense que l'on peut lire -je cite-: "Afin d'empêcher le
24 pillage et le vol.".(Fin de citation.)
25 Ce n'est pas écrit dans un langage très étudié, mais enfin les mots sont
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1 très simples. Je cite: "Aucune manipulation ne doit être autorisée." (Fin
2 de citation.)
3 Alors je vous demande qu'est-ce que cela confirme depuis 1998? Qu'est-ce
4 que le Procureur nous dit? Je vous demande qui était responsable des
5 persécutions et de l'expulsion de civils? Qui a fait cela? Que nous dit ce
6 texte? Je ne comprends vraiment pas ce que dit le Procureur. Il ne s'est
7 pas prononcé sur la question et, aujourd'hui, il nous dit que tout ce qui
8 est dans ces documents n'est pas important. Et pendant tout ce temps,
9 c'est mon client qui est lésé.
10 Alors qu'est-ce qui permettrait éventuellement un tel comportement?
11 Comment peut-on dire que ce document n'est pas capital? C'est bien ce
12 qu'il dit, n'est-ce pas? Un seul exemplaire de 153 pages. Qu'est-ce que
13 nous dit ce document, s'agissant des civils? Qui a persécuté les civils?
14 Qui les a enfermés? Qui les a remis dans la maison de cet homme dont nous
15 avons parlé? Qu'est-ce qu'affirme le Procureur à ce sujet?
16 Regardez ce qui est écrit dans le document. Et là, je prends un deuxième
17 document. Le Procureur dit que tout cela est le fait de M. Naletilic. Mais
18 je vais vous lire ce deuxième document et, vraiment, je ne devrais pas
19 lire parce ce n'est pas juste, il aurait dû être écrit en anglais. Je
20 cite: "Le 21 avril 1993, réunion du commandement. La réunion commence à 17
21 heures 00. Présents: Stipe… S. Pole -sans doute Stipe Pole-, donc S. Pole,
22 Slaven, en rapport… l'officier de liaison chargé des mortiers, Zrinko
23 Dzaric, A. Milicevic, Blaz Azinovic, Stipe Kopilas, Matan Zaric, le Dr V.
24 Ljuban, Ivo Zelenika. Et encore un, deux, trois, quatre, cinq, six noms,
25 que je ne vous lirai pas pour ne pas perdre de temps. "Stipe Pole préside
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1 la réunion."
2 Nous lisons ensuite -je cite-: "Installation des soldats, cuisine et
3 alimentation, sécurité par le biais de A. Rogic, horaires de distribution
4 des petits déjeuners, des déjeuners avec nourriture en sauce". Et puis,
5 ensuite, nous lisons: "Pas", suivi d'un mot illisible. Ensuite, nous
6 lisons les mots "distribution de dîners avec plats en sauce et de petits
7 déjeuners sans plats chauds". (Fin de citation.)
8 Un peu plus loin, nous lisons: "Organisation de la distribution de vivres
9 aux prisonniers de Sovici, transport de la nourriture". (Fin de citation.)
10 Etc., etc.
11 Ceci n'est qu'un exemplaire d'un document, Monsieur le Président, Mesdames
12 les Juges, où il est question, en détail, de la distribution de repas, du
13 transport des vivres, de l'installation des prisonniers, etc., etc.
14 Et puis, je ne vous soumettrai qu'un autre exemple avant de conclure. Qu'a
15 dit le Procureur -avec un certain nombre de témoins d'ailleurs-, qu'ont-
16 ils prétendu, pendant tout le temps du procès, au sujet du ratissage de
17 terrain à Sovici, des destructions, des propriétés incendiées? Il a
18 toujours été dit par le Procureur et ses témoins qu'il s'agissait du
19 Bataillon des condamnés, et donc, ipso facto, de M. Naletilic.
20 Mais, si vous lisez ce compte rendu de réunion, un peu plus bas dans le
21 texte –et je n'ai pris qu'un seul exemplaire, il en existe plusieurs-,
22 donc: "24 avril 1993. Début de la réunion à 11 heures.". Encore une fois,
23 liste des participants: une douzaine de noms qui font rapport sur la
24 situation sur le terrain. Je lis -je cite-: "Sovici, la plupart des
25 combats sont terminés. Poursuivre avec le ratissage du terrain,
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1 enregistrer tous les morts, tous les hommes tombés au combat –entre
2 parenthèses- 'Dr Ljuban' –fermer la parenthèse- et les enterrer". (Fin de
3 citation.)
4 Et parmi tous ces noms de personnes présentes que je n'ai pas citées, si
5 vous lisez ces noms, vous vous souviendrez le nombre de témoins que nous
6 avons entendus. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on aurait pu interroger
7 ces témoins au sujet de la véracité de ce document? Est-ce qu'on n'aurait
8 pas pu demander à ces témoins si ce document était authentique? Est-ce
9 qu'on n'aurait pas pu les interroger au sujet de ces personnes présentes à
10 la réunion?
11 Ecoutez, quelle explication peut fournir le Procureur à ce sujet? Même
12 dans mon tout petit village au bout du monde, une telle chose n'aurait pas
13 pu être faite.
14 Je ne voudrais pas abuser de votre temps; je vous remercie de votre
15 attention.
16 M. le Président (interprétation): Madame, si vous souhaitiez prendre la
17 parole.
18 Mme Clark (interprétation): Peut-être que nous sommes ici depuis un
19 certain temps, peut-être qu'il faut faire une pause, mais ma question va
20 peut-être susciter des questions de part et d'autre. Je vais laisser de
21 côté, pour l'instant, la question de Me Krsnik et Me Meek, à savoir s'il y
22 a eu malversation ou si M. Scott est responsable en vertu de l'Article 7.1
23 ou 7.3. Vous devez nous aider par rapport aux allégations que vous
24 proposez.
25 Y a-t-il quelque chose dans ce document que vous avez lu qui serait de
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1 nature à fournir des éléments à décharge, eu égard à la destruction de la
2 mosquée, des maisons, du traitement des prisonniers sur le lieu d'élevage
3 de poissons, sur le traitement des prisonniers civils? Parce que j'ai
4 quelques difficultés à cet égard. D'après ce que vous avez dit il y a
5 quelques instants, vous avez dit qu'il y avait, dans ce document, certains
6 éléments qui indiquent que Mijat Tomic, la Brigade "Mijat Tomic" assurait
7 la garde de civils dans ce hameau; et, par conséquent, ceci constitue
8 peut-être matière à réflexion.
9 Y a-t-il des éléments à décharge en relation avec la mosquée, l'incendie
10 des maisons, les prisonniers dans la ferme piscicole?
11 C'est à cela qu'il faut répondre parce que, Maître Krsnik, on peut dire
12 une chose: nous ne voulons pas et nous ne souhaitons pas que, lors de
13 l'examen de ces documents, vous fassiez intervenir quelque chose par la
14 petite porte en renforçant les éléments et les moyens de l'accusation,
15 parce que ceci ne serait pas très équitable.
16 Faites très attention. Faites très attention. Si ce document confirme
17 quelque chose ou qui serait à même de fournir une confirmation à
18 l'accusation, ce qui a déjà été fait après tout, ce Bataillon de Mijat
19 Tomic, alors s'il y a eu des réunions qui se sont tenues, il est fort peu
20 probable que ces réunions portent sur les instructions qui auraient été
21 données au commandant de ce bataillon. Est-ce que vous comprenez bien ce
22 que je veux dire? J'entends par là: cela n'est pas inhabituel qu'un
23 commandant de la Brigade Mijat Tomic traite de la responsabilité des
24 soldats.
25 M. Krsnik (interprétation): Eh bien, je dois vous dire que je vous suis
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1 très reconnaissant. Cela fait des jours que je lis ces documents, depuis
2 le 5 mars; ça fait 15 jours à peu près. Et, bien sûr, je ne serais pas du
3 tout content que le Procureur se moque de moi ou puisse se moquer de moi
4 un jour, à l'avenir, au cas où je commettrais une erreur dans la
5 compréhension du contenu de ce document.
6 Donc je peux vous dire que je les ai lus avec la plus grande attention et,
7 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, j'ai compris, après avoir lu
8 ces documents, à quel point nous avons été lésés, et j'ajouterais même, à
9 quel point nous avons été lésés de la manière la plus grossière qu'il
10 soit. Imaginez ce que nous aurions pu faire dans notre contre-
11 interrogatoire si nous avions disposé de ces documents à l'époque de ces
12 contre-interrogatoires, si nous avions pu interroger les cinq premiers
13 témoins de l'accusation sur la base de ces documents, eux qui prétendaient
14 que les personnes en question n'avaient pas un seul fusil entre les mains.
15 Imaginez-vous ce que nous aurions pu faire avec ces témoins si nous avions
16 disposé des éléments contenus dans ces documents, s'agissant de tranchées.
17 Imaginez! Alors, pourquoi nous n'avons pas pu interroger ces témoins de
18 cette façon-là?
19 S'agissant maintenant de la valeur à décharge de ces documents, nous avons
20 ici un commandant de bataillon qui émet des ordres à ses subordonnés en
21 leur disant ce qu'il convient qu'ils fassent; si je comprends bien le
22 croate. Mais il faut prendre ces documents comme un tout et, Monsieur le
23 Président, Mesdames les Juges, j'affirme qu'il manque des documents ici,
24 la liasse n'est pas complète. On aurait dû nous fournir la liasse complète
25 et pas simplement une sélection. Je le dis de la façon la plus catégorique
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1 qu'il soit; et n'hésitez pas à me punir si je dis la moindre contrevérité.
2 Pourquoi certaines dates manquent ici? Que s'est-il passé le 23 mars, et
3 puis le 28, et le 29, alors que des réunions se tenaient tous les jours?
4 On passe du 23 au 28. Mais des réunions, il y en avait tous les jours.
5 Pourquoi est-ce qu'on a là deux numéros de référence différents du Bureau
6 du Procureur pour le même texte?
7 Ecoutez! Un seul et même texte, deux numéros de référence, comment est-ce
8 que cela est possible? J'affirme que cette liasse n'est pas complète, que
9 nous n'avons pas ici tous les documents. Je ne peux qu'en déduire -c'est
10 mon sentiment très ferme, en tout cas- qu'il y a d'autres documents à
11 décharge qui existent et qui ne nous ont pas été remis. Et, Madame la
12 Juge, j'ajouterai, je n'ai aucune crainte quant à la possibilité pour ces
13 documents de confirmer la moindre thèse de l'accusation, puisqu'il a été
14 dit ici -et ça m'étonne un peu que le Procureur l'ait repris parce que
15 j'ai dit ce que j'ai dit-, mais le 24 avril, le nom de mon client est
16 mentionné, on peut lire dans le texte qu'il est arrivé. Mais est-ce que
17 c'est interdit? Est-ce que c'est interdit? Est-ce que cela signifie pour
18 autant qu'il était présent pour les dates qui sont pertinentes par rapport
19 aux charges que vous retenez contre mon client?
20 Madame la Juge, j'ai dit moi-même ce qui est écrit dans ce document qui a
21 été cité, quant à l'arrivée de mon client. Et je crains que le Procureur
22 ne voie les choses d'une autre façon. Mais si mon client s'était trouvé le
23 16 à Sovici, qu'est-ce qui lui serait arrivé? Et est-ce que moi, j'aurais
24 également fini par être mis en accusation?
25 Mesdames les Juges, Monsieur le Président, j'aimerais que ces documents
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1 soient traduits, qu'ils puissent être examinés de plus près et que
2 l'intégralité du carnet soit remis à la défense.
3 Vous savez, je n'admettrai jamais que l'on puisse dire que mon client doit
4 être condamné parce que l'accusation était noyée sous une pile trop
5 importante de documents et qu'elle n'a pas pu répondre à ses obligations
6 vis-à-vis de la défense. Je ne l'accepterai jamais.
7 Mme Clark (interprétation): Nous allons écarter ce point-là pour
8 l'instant, Maître Krsnik. Cela dit, vous avez déjà évoqué un certain
9 nombre de documents qui semblent indiquer que les présidents dans les
10 villages, dans les hameaux où les femmes civiles et les enfants ont été
11 détenus, ont été gardés par "Mijat Tomic", et non pas par "Tutici" et le
12 Bataillon de condamnés. Pourriez-vous nous parler de cela, s'il vous
13 plaît?
14 M. Krsnik (interprétation): Je recherche la citation. Si nous pourrions
15 peut-être faire une pause, Mesdames les Juges, Monsieur le Président, pour
16 avoir quelques minutes pour rechercher la citation. Monsieur le Président,
17 je ne sais pas si vous avez l'intention de faire une pause ou non? Je
18 recherche ces phrases, s'il vous plaît.
19 (Les Juges se concertent sur le siège.).
20 M. le Président (interprétation): Bien. Je pense que nous approchons de la
21 fin de cette audience. Est-ce que nous allons poursuivre ou rester ici
22 jusqu'à ce que nous ayons terminé?
23 M. Krsnik (interprétation): Oui. Permettez-moi de trouver le passage en
24 question parce que j'ai tout indiqué, j'ai indiqué tous les passages
25 pertinents.
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1 Mme Clark (interprétation): Je crois qu'il s'agit, en fait, du point n°5
2 ou du point n°6.
3 M. Krsnik (interprétation): Eh bien, je recherche la citation aux
4 questions et je souhaite vous donner la citation exacte.
5 (Maître Krsnik recherche la citation exacte sur le document.)
6 Mme Clark (interprétation): Vous avez dit quelque chose de l'ordre: "Après
7 le 16 avril, Mijat Tomic s'est occupé de l'approvisionnement en vivres des
8 personnes. Et ensuite, les personnes…". Vous avez dit que les citoyens ont
9 été logés dans les maisons et Mijat Tomic… Ça n'était pas M. Naletilic qui
10 s'en est occupé?
11 M. Krsnik (interprétation): Oui, c'est tout à fait exact, Madame la Juge.
12 J'essaye simplement de retrouver le jour de la réunion, lorsque ce sujet a
13 été abordé, parce que je me suis trompé dans mes dates, les dates des
14 réunions. Mais ne vous inquiétez pas, je vais les retrouver.
15 Le 6 mai…
16 M. le Président (interprétation): Dans ce cas, nous allons faire une
17 courte pause. Nous allons reprendre à 18 heures 30.
18 (L'audience, suspendue à 18 heures 13, est reprise à 18 heures 31.)
19 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Krsnik, avez-vous trouvé le
20 passage que vous cherchiez?
21 M. Krsnik (interprétation): Oui, absolument, j'ai trouvé deux documents où
22 il s'agissait de la question posée par le Juge Clark. Je devrais peut-être
23 être un peu plus clair. Je crains toujours un petit peu la traduction,
24 donc je vais être très clair.
25 De quoi s'agit-il ici? Ces documents constituent une collection, c'est un
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1 ensemble de procès-verbaux, de réunions. Ils comportent la date du
2 commandement du Bataillon de Mijat Tomic. Chaque réunion est consignée
3 dans un document séparé. Et cela émane évidemment d'un journal. Nous
4 n'avons pas l'original, mais c'est ce que je suppose, en fait, un calepin,
5 cela vient d'un calepin.
6 Et, pour répondre à la question du Juge Clark, nous avons deux réunions
7 qui sont indiquées ici. La première réunion a eu lieu le 29 avril 1993 et
8 a commencé à 10 heures. Et tous les commandants et commandants adjoints
9 étaient présents à cette réunion. Je ne sais pas si c'est nécessaire que
10 je lise les différents noms. Stipe Pole, Milicevic, Ivo Zelenika, Ivica
11 Tomic, le Dr Vlado Ljuban, Darinko Azinovic, V. Antunovic, A. Rados, M.
12 Krtic, et il est indiqué qu'était également présent M. Zaric, et Rogic
13 également et Jure Zelenika.
14 Bien évidemment ces noms sont importants ici, et je les ai lus pour que
15 nous nous souvenions de nos témoins. Et on lit comme suit…
16 Mme Clark (interprétation): S'agit-il de Rogic ou de Rodic?
17 Il s'agit de I. Rogic, E. Rogic, E ou I. Rogic.
18 M. Krsnik (interprétation): I. Rogic. Il ne s'agit pas d'un I, mais d'un
19 E, pardonnez-moi.
20 Mme Clark (interprétation): C'est pour cela, faites attention. Il s'agit
21 de I. Rogic.
22 M. Krsnik (interprétation): Il s'agit ici de I. Rogic. Je ne sais pas
23 comment la partie adverse a traduit les différents éléments, (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
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1 (expurgé)
2 Et comme suit, on peut lire également: Sovici, 14 soldats de l'armée de
3 Bosnie-Herzégovine se sont rendus, se sont organisés en vue d'activités
4 futures et en vue de s'occuper des familles. Doljani, les gardes doivent
5 être vigilants lorsqu'ils s'occupent de ces familles, ils doivent trouver
6 des logements pour ces familles.
7 Qu'est-ce qui est important dans ce document daté du 20 avril? Mention est
8 faite d'autres tâches: Ivan Zelenika en compagnie de ces hommes a visité
9 et fouillé toute la région de Doljani jusqu'à Ilinja Gruda. C'est ce que
10 contient ce document.
11 Ensuite le 21 avril, et ce document poursuit et porte sur les questions
12 que vous m'avez posées. Le document n'est pas très loin, ce serait peut-
13 être une bonne idée de lire à haute voix l'ensemble du document. Et cela
14 ne prendrait pas beaucoup de temps. Cela pourrait être traduit d'ici
15 demain. C'est un document de deux pages. C'est un document distinct et ce
16 qu'il dit: une réunion du commandement s'est tenu le 21 avril 1993 à 17
17 heures.
18 Les personnes suivantes étaient présentes: S. Pole, Slaven, officier de
19 liaison, Darinko Azinovic, commandant chargé des mortiers, A. Milicevic,
20 Blaz Azinovic, V. Antunov… c'est sans doute Antunovic, mais on ne peut
21 lire qu'Antunov. Ici, nous ne pouvons pas lire la suite. Stipe Kopilas,
22 Matan Zaric, le Dr V. Ljuban, Ivo Zelenika, Jure Groznica, Andelko Rogic.
23 Je ne peux pas lire la suite. Et le nom suivant est Marko Rozic, Andrija
24 Perkovic, et Jure Zelenika. Stipe Pole était le Président. Un logement
25 fourni aux soldats, Marko Rozic a soumis le rapport". La cantine et la
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1 nourriture étaient assurées en passant par Posusje. A. Rogic. La
2 distribution des vivres pour le petit déjeuner, un déjeuner lyophilisé.
3 Et… je ne vois pas ce qui suit. Il est indiqué distribution de rations
4 lyophilisées pour le dîner ainsi qu'un petit déjeuner lyophilisé, ainsi
5 que l'organisation de l'approvisionnement en vivres pour les prisonniers à
6 Sovici, transport de vivres.
7 Et le point suivant: le commandant Berka -Juka et Ivo remettent chaque
8 matin à l'assistant du commandant le nombre exact de troupes. Je vois
9 qu'il y a un point. Je crois que le nom de famille est Antunovic. Donc le
10 nombre d'hommes doit être calculé sur-le-champ. M. Rozic, le nombre de
11 prisonniers civils. Ivica; le nom de famille est illisible… Blaz Azinovic.
12 Tous les matins, d'après les différentes catégories, les femmes et les
13 enfants doivent être logés dans la maison de Memica; et la sécurité
14 assurée pour Krkac, fournir des vivres et eux-mêmes doivent
15 s'approvisionner en bétail et garder les prisonniers."
16 Telles étaient les tâches qui leur ont été assignées: "De fournir des
17 vivres, de rassembler le bétail et d'assurer la garde des prisonniers.
18 Tout homme en âge de porter les armes devait se rendre dans la maison de
19 Boljane. Les hommes et les femmes devaient se rendre dans la maison de
20 Juzunovici et les personnes âgées à Sovici. Ils devaient s'occuper du
21 bétail. Toutes les armes doivent être enregistrées auprès du service
22 logistique en fonction de leurs différentes caractéristiques. Et il ne
23 doit y avoir aucun abus. Et s'il y a des abus, ces abus seront sévèrement
24 punis. Intégrer dans une grande mesure les autorités civiles à ce genre
25 d'activité. Il est important de comptabiliser les effectifs concernés et
Page 16918
1 de les regrouper". (Fin de citation.)
2 Ensuite, nous lisons plus tard… je ne suis pas très sûr de ce qui est
3 écrit ici, mais un peu plus loin, nous lisons: "Coordination, assurer la
4 coordination des positions à investir. Et un médecin est chargé des soins
5 médicaux à dispenser aux personnes âgées". (Fin de citation.)
6 Et puis… Selon la ponctuation, j'ai l'impression qu'il manque un passage
7 avant la deuxième page; je ne peux cependant pas l'affirmer avec
8 certitude. Il ressort, de la façon la plus claire qui soit à la lecture de
9 ce document, que l'on sait exactement qui a donné l'ordre, qui a distribué
10 les responsabilités, qu'il s'agisse de s'occuper des civils, de soigner
11 les civils, d'interroger ces mêmes civils. Il n'y a aucun commandement
12 suprême, aucun ordre donné par un commandement suprême. On voit très bien
13 ici: qui distribue les différentes tâches, qui affecte les différentes
14 responsabilités. Ce document doit pouvoir sûrement être traduit d'ici à
15 demain. Vous pouvez le lire, il s'agit de la date du 21 avril 1993. Et,
16 dans ce même document, on donne pour tâche à certains de transférer les
17 civils en un autre lieu.
18 Mais souvenez-vous des témoins: une femme en particulier qui a témoigné
19 ici, vous savez qu'elle a prétendu exactement le contraire et qu'elle a
20 même prononcé le nom de mon client. Ici, dans ce document, nous voyons
21 très clairement que nous sommes en présence d'un ordre donné par une
22 personne bien précise. Nous voyons donc qui est l'auteur de cet ordre, qui
23 a réparti les responsabilités, et nous pouvons voir qui sont les personnes
24 qui ont participé à la réunion en question. La date étant celle du 21
25 avril.
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1 Alors, si ce document n'est pas un document à décharge, je ne sais pas
2 quel document peut être un document à décharge. Parce que si, au moment où
3 le Procureur rédigeait l'Acte d'accusation, il avait disposé de ce
4 document, il n'aurait certainement pas pu déclarer que c'était le
5 Bataillon des condamnés qui avait assuré la garde des civils, que c'était
6 le Bataillon des condamnés qui avait mis les civils en prison parce que ce
7 que prétend l'Acte d'accusation est exactement cela -un témoin de
8 l'accusation l'affirme également, mais ce texte dit le contraire.
9 Alors, regardons maintenant ce qui est écrit ici. C'est un autre texte. Il
10 faut, évidemment, traduire tous ces documents, mais nous pouvons vous
11 donner quelques petites brèves traductions de deux ou trois d'entre eux.
12 Enfin, prenons donc le document du 20 avril et le document du 6 mai. Je
13 vais maintenant vous lire un passage de celui du 6 mai. Toujours dix
14 personnes présentes: Stipe Pole préside, c'est le commandant, et il
15 distribue les tâches. Je cite: "Les autres prisonniers civils seront
16 transférés en des lieux précis". (Fin de citation.)
17 Là encore, c'est un ordre tout à fait déterminé qui stipule où les civils
18 doivent aller, et l'identité de ceux qui gardent ces civils est mentionnée
19 dans le texte également. Il s'agit de la police militaire. Nous avons
20 entendu cela dans un témoignage. Ce n'était pas le Bataillon des condamnés
21 qui assurait la garde de ces civils, lorsque le sort très regrettable de
22 "Cikota" a été évoqué, on nous a dit qu'il était mort à 10 kilomètres de
23 cet endroit et nous savons quand il a été tué également.
24 Jusqu'au 24 avril, par conséquent, tout ce que le Procureur déclare dans
25 l'Acte d'accusation, tous les événements qui sont censés être déjà
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1 survenus, le problème de la mosquée, etc., etc., eh bien, ces documents
2 sont d'une importance tout à fait extrême parce que c'est seulement à 10
3 kilomètres de Sovici que tout cela s'est passé, à vol d'oiseau. C'est là-
4 haut dans les collines et, si vous regardez qui a reçu pour tâche
5 d'accomplir telle et telle chose, vous voyez quelles étaient les personnes
6 qui ont effectué tout cela à Sovici.
7 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je ne peux pas, en quelques
8 minutes, vous parler de tout ce que contiennent ces documents. Je n'ai
9 parlé que de trois réunions, celle du 20 avril, celle du 21 avril, celle
10 du 6 mai; trois pages donc en format 21x29,7 qui peuvent être traduites
11 sans difficulté très rapidement. Oublions les autres, si vous voulez.
12 Evidemment, en fait, tout doit être traduit. En tout cas, ces trois
13 documents que je viens d'évoquer peuvent l'être très rapidement d'ici à
14 demain peut-être, pour que vous ayez un exemple au moins de ces éléments
15 de preuve à décharge qui contredisent ce que dit l'Acte d'accusation.
16 Et si ces documents ne contredisent pas ce qui figure dans l'Acte
17 d'accusation, alors je ne sais pas ce qui peut le faire. Et si cela ne
18 contredit pas le témoignage de certains témoins, je ne sais pas ce qui
19 peut le faire.
20 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je n'ai rien d'autre à ajouter
21 à moins qu'il y ait des questions que vous souhaitiez me poser, mais…
22 Ah! J'ai oublié une chose! Tout cela figure dans l'Acte d'accusation, tout
23 ce qui figure dans l'Acte d'accusation figurait également devant les
24 tribunaux de Konjic. Tout cela est évoqué dans les documents officiels du
25 Tribunal de Konjic, et j'ai demandé les comptes rendus de ce Tribunal. Les
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1 mêmes faits ont été évoqués devant le Tribunal de Konjic que ceux qui
2 figurent dans l'Acte d'accusation avec les mêmes noms de personnes. Nous
3 avons demandé à l'accusation les documents en question. Nous avons reçu
4 seulement certains de ces comptes rendus d'audience parce qu'encore une
5 fois on nous a dit qu'aux yeux du Procureur ce n'était pas important.
6 Mme Clark (interprétation): Maître Krsnik, nous pourrions passer sans
7 doute très longtemps, ici, à discuter compte tenu des différences entre le
8 témoignage -différences pertinentes, je veux dire- et ce qui figure dans
9 ces documents. Mais tout cela ne prouve pas la nature à décharge de ceci.
10 Ce que vous avez lu -peut-être pas l'intégralité, mais en partie en tout
11 cas- confirme ce que nous avons entendu de la bouche de certains témoins,
12 et cela ne nous fait pas avancer beaucoup parce que les prisonniers ont
13 été maintenus en détention à partir du 20 avril et selon ce qu'on nous a
14 dit jusqu'au 6 mai. Nous lire quelque chose ce qui s'est passé le 21 avril
15 ne prouve pas la nature à décharge de ces documents même si c'est
16 pertinent. Mais j'ai quelques questions, avec l'autorisation du Président,
17 à poser à l'accusation.
18 Monsieur Scott, pouvez-vous nous dire quels ont été les critères de
19 l'accusation pour déterminer si un document était à décharge ou pas et
20 pour déterminer s'il convenait de le traduire ou pas? Comment est-ce que
21 vous vous prononcez sur ce point?
22 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, ce
23 document a été examiné par quelques membres du Bureau du Procureur, de
24 l'équipe qui travaille dans la présente affaire; et je dirai donc, pour
25 commencer, que pas mal de documents en serbo-croates ont été examinés par
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1 ces enquêteurs.
2 Deuxièmement, il est tout à fait courant que le Bureau du Procureur
3 examine les documents avec l'aide d'un assistant juridique qui aide à la
4 lecture rapide de ces documents à haute voix.
5 Par ailleurs, comme on vous l'a dit hier, des passages ont été choisis,
6 certains extraits ont été traduits et ont été examinés de plus près. Donc
7 il y a plusieurs façons de procéder, Madame la Juge, qui sont toutes de
8 pratique courante. Cela se passe tous les jours.
9 Le Procureur, un conseiller juridique, un enquêteur s'assoient ensemble
10 autour d'une table avec un document qui n'est pas traduit et il bénéficie
11 de l'aide d'un interprète pour le parcourir. C'est de cette façon que la
12 chose a été faite.
13 Mme Clark (interprétation): Très bien. La question suivante que je
14 souhaitais poser est la suivante: j'aimerais avoir une réponse quant à
15 l'affirmation très valable de Me Krsnik selon laquelle le contenu de ce
16 journal, non ce n'est pas un journal, c'est plutôt une série de procès-
17 verbaux de réunions indiquerait qu'il n'y a rien qui permette d'appuyer la
18 thèse du Procureur selon laquelle des prisonniers civils, femmes et
19 enfants, auraient été maintenus en détention dans la maison de cet homme
20 dont on a parlé sous la garde de KB qui a joué un rôle actif dans leur
21 transfert?
22 M. Scott (interprétation): Excusez-moi, Madame la Juge Clark, j'essaie de
23 bien comprendre votre question.
24 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, là encore le Procureur est
25 d'avis que ces procès-verbaux de réunions correspondent tout à fait à la
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1 thèse de l'accusation. Comme vous l'avez constaté d'ailleurs il y a un
2 instant vous-même, Madame le Juge, ce sont des documents qui confirment la
3 thèse de l'accusation. Le fait que différentes maisons aient été utilisées
4 pour garder des prisonniers qui étaient donc sous bonne garde à des
5 moments différents n'a rien avoir avec cela.
6 Me Krsnik nous a dit qu'il a lu ces documents tous les jours depuis le 5
7 mars. Les Juges de la Chambre ont été très patients avec lui ce soir, ils
8 lui ont accordé une pause, 15 minutes supplémentaires. Malgré tout cela,
9 tout ce qu'il a lu depuis le 5 mars et malgré les 15 minutes
10 supplémentaires qu'il a obtenues pour retrouver le passage qui
11 l'intéressait, aucun des passages dont il a donné lecture ne réfute la
12 thèse de l'accusation.
13 Il est tout à fait clair que le Bataillon "Mijat Tomic" a agi dans la
14 région. Bien sûr qu'il a agi; c'était le Bataillon local de la région. Et
15 les procès-verbaux de réunions établis par ce Bataillon indiquent que
16 c'est lui qui a fourni la logistique, qui a aidé les civils, et je
17 remarque que cela ne s'est pas passé une fois mais à plusieurs reprises.
18 Il y avait des civils croates dont on devait s'occuper également.
19 Mme la Juge Clark, Monsieur le Président, Madame la Juge, si les exemples
20 qui ont été donnés au mieux des capacités de la défense font une chose,
21 elle confirme la thèse de l'accusation selon laquelle rien dans ces
22 documents n'est à décharge.
23 Et puis, pour être précis, je répondrai ce qui suit: le 6 mai, la Chambre
24 se souviendra que c'est à la date du 4 mai que la plupart des femmes et
25 des enfants ont été mis à bord d'autobus et expulsés. Il y a eu quelques
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1 prisonniers qui sont restés sur place.
2 Pendant la pause, j'ai rapidement regardé un document relatif à Sovici-
3 Doljani. Et, en page 73 de ce mémoire final, on trouve une mention du fait
4 que le 4 ou le 5 mai, 470 femmes et enfants ainsi que des personnes âgées
5 musulmanes ont été regroupés dans un certain nombre de maisons et
6 ailleurs, pour être emmenés dans un autre endroit. Le fait que certains
7 civils soient restés dans la zone le 6 mai, sous bonne garde ou pas, du
8 Bataillon "Mijat Tomic" n'a rien à voir là-dedans.
9 Mme Clark (interprétation): Je pense que vous avez raison au sujet du 4
10 mai. J'ai été surprise par cela également et j'ai pensé que c'était une
11 erreur.
12 Maître Krsnik semble déclarer que les documents dont il a fait état, parce
13 qu'ils ne mentionnent pas le nom du Bataillon des condamnés ou le nom de
14 M. "Tuta", sont des documents à décharge. Mais, dans mon souvenir, un
15 document que vous avez présenté comme élément de preuve en même temps que
16 votre deuxième requête est un document que nous avons vu dans le prétoire
17 et qui mentionne le nom de M. "Tuta". Mais enfin, sur le plan temporel, il
18 se situe en dehors de la période pertinente dans l'Acte d'accusation. Donc
19 il est inexact de dire que le nom de M. "Tuta" n'a jamais été évoqué.
20 Mais ce que dit Me Krsnik, si j'ai bien compris, c'est que contrairement
21 aux charges retenues dans l'Acte d'accusation de Konjic, l'absence de
22 mention du Bataillon des condamnés dans les lieux dont nous parlons peut
23 être un élément à décharge. Est-ce que j'ai bien compris votre argument en
24 le paraphrasant?
25 M. Meek (interprétation): Je pense que vous avez raison, Madame la Juge,
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1 c'est le premier argument. Et le deuxième argument...
2 M. le Président (interprétation): Votre micro, je vous prie.
3 M. Meek (interprétation): Oh! Excusez-moi. Je pensais que je l'avais
4 allumé.
5 Je crois donc que ce premier point est exact. Et puis, Madame la Juge,
6 nous avons également d'autres éléments à décharge parce que vous parlez
7 bien d'éléments de preuve qui doivent être à décharge -si je reprends les
8 mots utilisés par vous, Madame la Juge, je note qu'en page 37, vous en
9 avez parlé au compte rendu d'audience- donc éléments de preuve à décharge
10 qui doivent être purement à décharge, parce que la charge de la preuve
11 dans la présente affaire repose sur le Procureur au-delà de tout doute
12 raisonnable. Nous, nous n'avons à apporter la preuve de rien du tout. Nous
13 pouvons présenter des éléments de preuve qui sont liés à ceux de
14 l'accusation et qui sont des éléments à décharge parce qu'ils créent un
15 doute raisonnable quant à la nature des éléments de preuve présentés par
16 l'accusation. Donc j'ai le sentiment que certains des commentaires qui ont
17 été faits au sujet de la charge de la preuve reposant sur la défense qui
18 devrait prouver l'innocence de son client ne concorde pas avec la réalité.
19 Nous savons tout cela, Monsieur le Président, Mesdames les Juges. Je sais
20 que vous le savez également. Mais je parle donc des différentes formes
21 d'éléments de preuve à décharge qu'il est possible de prendre en compte et
22 sur lesquels nous nous penchons. Il y a différents types d'éléments de
23 preuve de cette nature qui peuvent contredire la partie adverse, mais la
24 charge de la preuve quelle qu'elle soit, au-delà de tout doute
25 raisonnable, repose sur le Procureur. Et tant que celle-ci n'a pas été
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1 satisfaite, aucune culpabilité ne peut-être prononcée.
2 Mme Clark (interprétation): Il faut que nous ne perdions pas de vue que le
3 Président a déclaré, au début de la présente affaire, que c'est seulement
4 à la fin du procès, donc au moment du délibéré, que nous allions nous
5 prononcer sur cette question.
6 Par conséquent, c'est à vous, à la défense donc, qu'il appartient de nous
7 prouver que cette série de documents récemment communiqués par
8 l'accusation ont une quelconque valeur à décharge pour que nous mettions à
9 terme nos délibérations déjà entamées. La question est donc tout à fait
10 différente de celle qui se pose pendant le procès -et c'est une question
11 technique, bien entendu- et nous sommes dans une situation un peu
12 inhabituelle.
13 Enfin, merci de votre réponse. Je pense que M. Scott essayait de répondre.
14 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les
15 Juges, pendant la pause, j'ai regardé encore une fois une partie du
16 mémoire final Sovici-Doljani. Et manifestement, je l'ai fait très
17 rapidement, mais le problème de la durée de notre audience aujourd'hui est
18 important. Nous pourrions être encore là demain matin et il nous faut
19 terminer quand même plus rapidement! Donc les trois documents évoqués par
20 Me Krsnik, ce sont les seuls que je vais aborder -nous ne pouvons pas
21 faire davantage ce soir malgré nos meilleurs efforts-, eh bien, dans aucun
22 de ces trois documents, et même après relecture de la partie du mémoire
23 final relative à Sovici-Doljani, je n'ai rien trouvé qui aille à
24 l'encontre de la thèse de l'accusation.
25 Vous savez, je le répète, nous n'allons pas regarder toutes les
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1 déclarations des témoins, nous n'allons pas relire toutes les dépositions
2 des témoins qui ont parlé de Sovici et Doljani. Mais vous savez qu'il n'y
3 a pas de contradiction avec la thèse de l'accusation; je n'ai rien trouvé
4 à cet égard.
5 Madame la Juge Clark, je vous assure que je pensais réellement ce que j'ai
6 dit lorsque nous avons examiné ces documents retrouvés au mois de janvier;
7 nous les avons examinés avec la plus grande attention, nous les avons
8 parcourus d'un bout à l'autre. Il s'agissait d'éléments de preuve; nous
9 avons relu les charges, entre autres, et nous avons fait bien d'autres
10 choses encore. Nous pourrions vous donner bien d'autres détails quant aux
11 différents endroits où M. Naletilic était ou n'était pas tel ou tel jour;
12 il n'était sans doute pas à Sarajevo un jour X ou un jour Y, il n'était
13 probablement pas à Zagreb un jour X ou un jour Y. Mais cela n'a rien à
14 voir avec la question. Il n'y a rien dans ce document qui contredise la
15 thèse de l'accusation et qui puisse permettre d'exonérer M. Naletilic de
16 sa responsabilité.
17 Mme Clark (interprétation): Mais quel est votre objectif, Monsieur Scott?
18 Quel était votre objectif lorsque vous avez décidé de communiquer ces
19 éléments à la défense? Je veux dire: pourquoi est-ce que, s'ils n'avaient
20 pas d'importance avant, ils pouvaient en acquérir une tout d'un coup? S'il
21 ne s'agit pas de documents à décharge, pourquoi est-ce que vous les avez
22 communiqués? Qu'est-ce que Me Krsnik pouvait raisonnablement faire avec
23 ces documents?
24 M. Scott (interprétation): Eh bien, sans doute rien. En fait, il n'a rien
25 à voir avec ces documents. La question n'a rien à voir. J'ai dit, à
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1 plusieurs reprises, aux Juges de cette Chambre que nous avons communiqué
2 ces documents à la défense par souci extrême de précaution. Maître Meek,
3 lui-même, nous a dit, il y a une heure et demie à peu près, que le journal
4 de Rados était un document qui a fait l'objet d'un débat très animé dans
5 le prétoire lorsque nous avons, une nouvelle fois en janvier/février, relu
6 ce document d'Alojz Rados qui portait donc sur la même personne avec la
7 même écriture, et qui n'est manifestement pas un document à décharge -le
8 journal, je veux dire. Maintenant, nous en avons un autre. Le journal a
9 été très vivement discuté et donc il fallait se déterminer.
10 Je ne vais pas vous dire que je vais couvrir encore un mile de plus pour
11 vous dire: "Non, non, je ne pense pas que c'était un document à décharge.
12 Mais nous avons décidé tout simplement, de façon opportuniste, de le
13 donner à la défense".
14 Non, ce n'était opportuniste. C'était un document que nous avons retrouvé.
15 Il y a deux heures dans le prétoire, j'ai essayé de présenter nos
16 arguments et de convaincre la Chambre quant à la nature non à décharge de
17 ces documents.
18 La faute, si elle existe, n'incombe pas à l'accusation; l'accusation a
19 fait plus, bien plus que ce qu'elle était censée faire. La Chambre a donné
20 toute possibilité à Me Krsnik de présenter ses arguments et nous pensons
21 que cela a été fait.
22 Monsieur le Président, je dois dire que je vois que Me Krsnik se lève de
23 nouveau. Il est 19 heures à présent. J'ai des obligations personnelles ce
24 soir. Je ne sais pas du tout pendant combien de temps nous pouvons
25 poursuivre. Je pense qu'il faudrait prévoir une nouvelle audience,
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1 Monsieur le Président, si nous devons poursuivre. Nous serons à la
2 disposition de la Chambre, bien entendu.
3 Si nous devons poursuivre, Monsieur le Président, je demande une nouvelle
4 audience.
5 M. le Président (interprétation): Eh bien, Maître Krsnik, vous savez que
6 notre horaire est très limité. Nous avons entendu vos arguments.
7 Est-ce que je pourrais vous poser une question? Une seule?
8 Je comprends, Monsieur Scott, que vous avez parlé de souci extrême de
9 précaution, à plusieurs reprises d'ailleurs, mais il est question
10 également de bonne foi. Est-ce que cela suffit; c'est la question qui se
11 pose. Il est possible que, malgré ce que vous avez dit, il y a ici
12 violation du Règlement de procédure et de preuve.
13 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je suis tout à fait déçu
14 et très chagriné d'entendre ces soupçons exprimés par les Juges de la
15 Chambre. Je pensais que l'accusation avait fait son travail au cours des
16 18 mois qui viennent de s'écouler, et avait fait tout ce qu'il lui
17 incombait de faire pour essayer de présenter sa thèse de la façon la plus
18 fiable et la plus crédible qu'il soit. Et je suis profondément attristé
19 d'entendre ce qui vient d'être dit.
20 La seule réponse que je peux faire est la suivante. J'ai travaillé un jour
21 dans une affaire fédérale à Denver où je travaillais avant que je vienne
22 ici, et on m'a dit à un certain moment: "Maître Scott, vous êtes quelqu'un
23 qui ne vous contentez pas de porter une ceinture, vous tenez également à
24 porter des bretelles". C'est une expression anglaise qui signifie que vous
25 avez besoin de beaucoup de sécurité. Alors -je dois dire que, ici, nous
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1 avons eu des contacts avec le jeune conseiller juridique de la Chambre, M.
2 Bos- et j'ai dit à M. Bos: "Je suppose que la morale de cette histoire,
3 c'est qu'il ne faut jamais faire plus que ce à quoi l'on est absolument
4 tenu.". (Fin de citation.)
5 Donc si c'est cela la morale de l'histoire, c'est tout à fait regrettable,
6 vraiment très regrettable.
7 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez lu l'Article 66-C)
8 du Règlement? Est-ce que vous pourriez nous dire, par rapport à la
9 jurisprudence de ce Tribunal et par rapport à cet Article du Règlement,
10 quelles autres situations du même genre vous pouvez nous remettre en
11 mémoire? Je pense que, là, il s'agissait d'une affaire jugée par le Juge
12 May.
13 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas étudié de
14 très près la jurisprudence du Tribunal. J'ai écouté mon coeur quand je
15 vous ai parlé, et j'ai écouté mon coeur lorsque j'ai décidé de communiquer
16 ces pièces à la défense. Il s'agissait de communication de pièces. Et,
17 apparemment, maintenant nous avons le très grand regret de devoir
18 constater que la Chambre estime qu'en communiquant ces pièces nous n'avons
19 pas, absolument et strictement, respecté nos obligations.
20 M. le Président (interprétation): Merci.
21 Je pense que le moment est venu de suspendre l'audience. Nous réservons
22 nos décisions jusqu'à la fin du délibéré dans la présente affaire.
23 Suspension de l'audience.
24 (L'audience est levée à 19 heures 09.)
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