Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 17 octobre 2005

2 [Audience d'appel]

3 [Audience publique]

4 [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

7 Madame la Greffière, veuillez appeler l'affaire, je vous prie.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

9 Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire

10 IT-98-34-A, le Procureur contre Mladen Naletilic et Vinko Martinovic.

11 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. J'aimerais savoir si

12 Messieurs Naletilic et Martinovic m'entendent et sont en mesure de suivre

13 l'audience dans une langue qu'ils comprennent ?

14 L'APPELANT NALETILIC : [aucune interprétation]

15 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je crois comprendre qu'il y a un petit

16 problème pour ce qui est du compte rendu d'audience.

17 Je crois comprendre que tout le monde peut maintenant consulter le compte

18 rendu d'audience. Je souhaiterais que les parties se présentent. Dans un

19 premier temps, l'Accusation.

20 M. FARRELL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

21 Messieurs les Juges. Bonjour à la Défense. Je suis Norman Farrell pour

22 l'Accusation. J'ai avec moi M. Peter Kremer. Je souhaiterais présenter aux

23 Juges M. Kremer qui est un nouveau substitut du Procureur au bureau du

24 Procureur, et qui va s'occuper de tout ce qui a trait à M. Naletilic. Nous

25 avons également, avec nous, Mme Marie-Ursula Kind, M. Steffen Wirth ainsi

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1 que M. Xavier Tracol. Notre commis aux affaires est Mme Lourdes Galicia.

2 Je souhaiterais dire que nous avons scindé l'affaire en deux, entre M.

3 Kremer et moi-même, ce qui fait que M. Kremer va essentiellement s'occuper

4 de l'appel de M. Naletilic et je vais essentiellement m'occuper de tout ce

5 qui a trait à M. Martinovic. Avec la permission de la Chambre d'appel,

6 Monsieur le Président, c'est ce que je souhaite présenter. J'espère que

7 cela ne posera pas de problèmes aux Juges de la Chambre.

8 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Je souhaite la

9 bienvenue à M. Kremer, nouveau membre de l'Accusation.

10 M. KREMER : [interprétation] Merci.

11 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je souhaiterais que la Défense de M.

12 Naletilic se présente.

13 M. HENNESSY : [interprétation] Bonjour. Matthew Hennessy ainsi que Me Chris

14 Meek, qui représentent les intérêts de M. Naletilic.

15 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Je souhaiterais

16 maintenant que la Défense de M. Martinovic se présente.

17 M. PAR : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, je suis Zelimir

18 Par et j'ai avec moi M. Kurt Kerns.

19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Il s'agit de l'audience relative à

20 l'appel dans l'affaire du Procureur contre Mladen Naletilic, également

21 connu sous le nom de Tuta, et Vinko Martinovic, également connu sous le nom

22 de Stela. Je vais brièvement résumer les moyens d'appel qui vont être

23 entendus par la Chambre d'appel ainsi que la procédure que nous allons

24 retenir aujourd'hui.

25 Cet appel traite des crimes afférant aux attaques du HVO, attaques menées

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1 contre Sovici, Doljani, Mostar et Rastani dans le sud-ouest de la Bosnie-

2 Herzégovine pendant la période comprise entre le mois d'avril 1993 et le

3 mois de janvier 1994.

4 Il a été interjeté appel du jugement prononcé le 31 mars 2003 par la

5 Chambre de première instance numéro I composée des Juges Liu qui est le

6 Président de la Chambre de première instance ainsi que des Juges Clark et

7 Diarra. Il s'agit d'un appel interjeté par

8 M. Naletilic, M. Martinovic, ainsi que par l'Accusation. La Chambre de

9 première instance a reconnu Mladen Naletilic coupable des chefs

10 d'accusation suivants : chef numéro 1, persécution pour des motifs

11 politiques, raciaux, et religieux; un crime contre l'humanité sanctionné

12 par l'Article 5 du Statut; il a également été reconnu coupable de torture,

13 un crime contre l'humanité, chef numéro 9; torture étant une infraction

14 grave des conventions de Genève de 1949, chef 10; il a également été

15 reconnu coupable du fait de causer intentionnellement de grandes

16 souffrances ou de porter intentionnellement des atteintes à l'intégrité

17 physique ou à la santé, une infraction grave des conventions de Genève de

18 1949, chef 12; il a également été reconnu coupable de transfert illégal

19 d'un civil, une infraction grave des conventions de Genève de 1949, chef

20 18; de destruction non justifiée par des exigences militaires, une

21 violation des droits ou coutumes de la guerre, chef 20; et de pillages de

22 biens publics ou propriétés constitutif d'une violation des droits ou

23 coutumes de la guerre, chef 21.

24 M. Naletilic a été condamné à une peine unique de 20 ans

25 d'emprisonnement.

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1 La Chambre de première instance a également reconnu M. Martinovic

2 coupable des chefs de persécution pour des motifs politiques, raciaux et

3 religieux, un crime contre l'humanité, chef 1; acte inhumain, un crime

4 contre l'humanité, chef 2; traitement inhumain, une infraction grave des

5 conventions de Genève de 1949, chef 3; travail illégal, une violation des

6 droits ou coutumes de la guerre, chef 5; le fait d'avoir causé

7 intentionnellement de grandes souffrances ou d'avoir porté des atteintes à

8 l'intégrité physique ou à la santé, une infraction grave des conventions de

9 Genève de 1949, chef 12; meurtre et assassinat, un crime contre l'humanité,

10 chef 13; le fait d'avoir commis un homicide intentionnel, une infraction

11 grave des conventions de Genève de 1949, chef 14; transfert illégal d'un

12 civil, une infraction grave des conventions de Genève de 1949, chef 18; et

13 pillage des biens publics et privés, une violation des lois aux coutumes de

14 la guerre, chef 21.

15 Martinovic a été condamné à une peine unique de 18 ans de

16 prison.

17 MM. Naletilic et Martinovic ont déposé leurs actes d'appel le

18 29 avril 2003. L'Accusation ayant fait de même le 2 mai 2003. Je vais

19 maintenant brièvement résumer les moyens d'appel.

20 Mladen Naletilic a présenté 40 moyens d'appel. Les moyens d'appel 1 à 39

21 font état d'erreurs alléguées dans les conclusions de faits présentées par

22 la Chambre de première instance pour ce qui est des déclarations de

23 culpabilité de M. Naletilic y compris les conclusions relatives à sa

24 fonction en tant que commandant.

25 M. Naletilic allègue également que l'acte d'accusation manque de précision

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1 pour certains incidents. Il soutient de plus qu'il y a des erreurs

2 alléguées dans l'admission et l'appréciation des éléments de preuve et dans

3 les décisions rendues par la Chambre de première instance par le truchement

4 de certaines requêtes.

5 Le moyen d'appel 40 est relatif à son appel.

6 Notamment, il faut savoir que par le moyen d'appel numéro 17, M. Naletilic

7 allègue que la Chambre de première instance a commis une erreur en

8 concluant que certains actes constituaient une torture parce que, d'après

9 lui, les éléments de preuve qui ont présentés ne sont pas suffisants pour

10 parvenir au degré requis de gravité. Le 2 septembre 2005, Mladen Naletilic

11 a demandé l'autorisation de présenter un mémoire relatif à la torture. La

12 Chambre d'appel a refusé cette autorisation le 13 octobre 2005 sur la base

13 du fait que ce mémoire préalable soulevait tout un nouveau moyen d'appel

14 qui ne faisait pas partie de l'acte d'appel de Mladen Naletilic et que cela

15 ne pouvait pas être amendé plus tard.

16 Vinko Martinovic a trois moyens d'appel. Dans le cadre du premier moyen

17 d'appel, Vinko Martinovic fait état d'erreurs de droit alléguées pour ce

18 qui est de la conclusion de la Chambre de première instance à propos de

19 l'existence d'un conflit international armé et pour ce qui est de

20 l'admissibilité des critères interchangeables, ou des qualifications

21 subsidiaires, ainsi que du cumul des déclarations de culpabilité.

22 Dans le cadre du deuxième moyen d'appel, Martinovic allègue que l'acte

23 d'accusation était imprécis par rapport à certains incidents et fait état

24 d'erreurs alléguées dans les conclusions factuelles de la Chambre de

25 première instance pour ce qui est de chacune de ces déclarations de

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1 culpabilité.

2 Le troisième moyen d'appel concerne son appel par rapport à la

3 condamnation.

4 L'Accusation avait, au départ, présenté quatre moyens d'appel. En

5 vertu, le 30 septembre 2005, l'Accusation a retiré son deuxième moyen

6 d'appel à propos du travail illégal.

7 Par son premier moyen d'appel, l'Accusation fait état d'erreurs

8 alléguées dans les conclusions de la Chambre de première instance en

9 indiquant que les éléments de preuve n'étaient pas suffisants pour ce qui

10 est de certains actes qui ont été commis pour des motifs raciaux politiques

11 ou religieux et ceux étant des éléments constitutifs de la persécution.

12 Par le troisième moyen d'appel, l'Accusation allègue que la Chambre

13 de première instance a conclu à tort que l'expulsion ou la déportation

14 exigeait le transfert de personnes au-delà de la frontière d'un Etat.

15 Dans son quatrième moyen d'appel, l'Accusation allègue des erreurs

16 commises par la Chambre de première instance qui a appliqué un cumul de

17 déclarations de culpabilité pour la persécution et pour un autre crime au

18 titre de l'Article 5.

19 Le 6 Octobre 2005, l'Accusation a déposé une requête confidentielle

20 pour l'admission d'éléments de preuve supplémentaires en appel conformément

21 à l'Article 115. La Chambre d'appel a accepté cela sur la base suivante :

22 les éléments de preuve n'étaient pas disponibles en première instance et,

23 s'ils avaient été disponibles, ils auraient pu montrer que la déclaration

24 de conviction de M. Naletilic, conformément à l'Article 7(3) du Statut,

25 pour la torture du Témoin Z n'était pas présentée avec toutes les

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1 garanties. Il serait utile que les parties puissent traiter de ces éléments

2 de preuve supplémentaires lors de leur présentation, en n'oubliant pas les

3 mesures de protection qui sont en place.

4 Lors de l'appel, les conseils des appelants peuvent présenter leurs

5 moyens d'appel dans l'ordre qu'ils jugeront le plus opportun à leur

6 présentation. Je souhaiterais, toutefois, indiquer que par l'ordonnance

7 portant calendrier du 16 septembre 2005 la Chambre d'appel a invité les

8 parties à développer davantage leur présentation sur les erreurs alléguées

9 suivantes qui ont été précisées par l'ordonnance portant calendrier : (1)

10 le manque de précision de l'acte d'accusation pour plusieurs incidents;

11 (2), la définition de la déportation ou expulsion; (3), l'admission des

12 éléments de preuve obtenus à la suite d'un mandat de perquisition; (4),

13 l'admission des éléments de preuve qui était la réplique de l'Accusation;

14 (5), le critère de la mens rea pour Mladen Naletilic en tant que supérieur

15 pour ce qui est des activités des unités ATG à Ljubuski et Mostar; (6), le

16 travail illégal dans la zone de responsabilité de l'ATG Vinko Skrobo; (7),

17 l'utilisation de boucliers humains le 17 [comme interprété] septembre 1993;

18 et (8), l'utilisation de détenus afin de piller des biens privés.

19 Les parties ont été invitées à préciser une liste de points plus

20 secondaires qui leur ont été communiqués le 16 septembre 2005 et que je ne

21 vais pas réitérer ici.

22 Il est évident que les parties peuvent soulever toutes questions

23 qu'ils souhaiteront également soulever.

24 J'aimerais rappeler les critères applicables aux erreurs de fait et

25 de droit qui ont été alléguées lors de l'appel. Cet appel n'est pas un

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1 nouveau procès et les appelants ne doivent pas se contenter de réitérer

2 leurs différents moyens à charge ou à décharge déjà entendus en première

3 instance. Plutôt, conformément à l'Article 24 du Statut du Tribunal, les

4 appelants doivent limiter leurs argumentations aux erreurs alléguées de

5 droit qui invalident la décision ou aux erreurs alléguées de faits qui

6 peuvent entraîner une erreur judiciaire. De plus, il faut rappeler que les

7 appelants doivent présenter des références précises aux éléments qu'ils

8 présentent pour étayer leurs arguments en appel.

9 Cette audience va procéder conformément à l'ordonnance portant

10 calendrier du 16 septembre 2005. Le conseil pour M. Naletilic va présenter

11 ses arguments ce matin jusqu'à 10 heures 45. A la suite d'une demi-heure de

12 pause, le conseil pour l'Accusation commencera à présenter sa réponse entre

13 11 heures 15 et 12 heures 45. Nous aurons ensuite une pause entre 12 heures

14 45 et 14 heures 45, puis le conseil pour Mladen Naletilic aura le temps de

15 répondre entre 14 heures 45 et 15 heures 15.

16 Le conseil pour M. Martinovic présentera, ensuite, ses arguments

17 entre 15 heures 15 et 16 heures 15. Nous aurons ensuite une demi-heure de

18 pause, puis il poursuivra sa présentation jusqu'à 17 heures 15. Le conseil

19 pour l'Accusation commencera à présenter sa réponse et ce jusqu'à 17 heures

20 45. Ensuite, nous lèverons l'audience pour la journée. Cette audience

21 continuera demain et se terminera à 17 heures 30.

22 Il sera extrêmement utile à Chambre d'appel que les parties puissent

23 présenter leurs différentes argumentations de façon précise et claire. Les

24 Juges pourront interrompre les parties à tout moment pour leur poser des

25 questions, ou ils pourront poser des questions à la suite de chaque

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1 présentation.

2 Je vous ai expliqué la procédure que nous allons suivre, j'aimerais

3 maintenant inviter le conseil pour M. Naletilic à présenter ses arguments.

4 Monsieur Farrell.

5 M. FARRELL : [interprétation] Je voulais juste indiquer que je

6 souhaiterais quitter le prétoire avec M. Xavier Tracol.

7 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je donnerais la parole au conseil

8 pour M. Naletilic.

9 M. MEEK : [interprétation] A titre préliminaire, je souhaiterais dire que

10 nous avons, en fait, demandé, la semaine dernière, qu'un interprète soit

11 présent dans le prétoire, et ce, afin de communiquer avec notre client,

12 Mladen Naletilic, car il ne parle pas l'anglais, ni le parlant le B/C/S.

13 Cet interprète que nous avons demandé était censé être ici, un peu avant 9

14 heures. Je ne sais pas où il se trouve. Peut-être qu'on ne l'a pas laissé

15 entrer. Il est évident que j'ai laissé mon téléphone cellulaire dans la

16 pièce -- ou la salle réservée au conseil de la Défense. Donc, s'il essaie

17 de m'appeler, je ne peux pas répondre au téléphone. Je souhaitais, en fait,

18 soulever cette question car il s'agit de pouvoir communiquer avec notre

19 client. Je suppose que notre client aura certainement, parfois, certaines

20 choses à nous dire.

21 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] J'aimerais demander à

22 Mme la Greffière d'audience de bien pouvoir préciser cela.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, je peux, tout à

24 fait, sortir et afin d'essayer de trouver cette personne. Je ne sais pas

25 absolument pas où est censé se trouver cet interprète.

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1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Voilà quelle est ma suggestion. Je

2 pense que la Greffière d'audience ou l'Huissier pourrait essayer de

3 chercher cet interprète. Entre-temps, le conseil pour l'accusé pourrait

4 commencer.

5 M. HENNESSY : [interprétation] C'était justement ma suggestion, Monsieur le

6 Président.

7 Donc, je rappelle que je suis Me Hennessy, que c'est pour moi un honneur de

8 représenter M. Naletilic en appel. Je vais, dans un premier temps, évoquer

9 ce que nous avons l'intention de présenter et il est évident que nous

10 tenons à notre mémoire d'appel, et nous n'avons rien retiré des éléments

11 qui ont été présentés.

12 Mais nous allons, en quelque sorte, indiquer quelles sont les

13 déclarations de culpabilité qui devront être laissées en l'état et quelle

14 est la peine qui devra être prononcée. La peine qui a été prononcée est une

15 peine unique de 20 ans. La conclusion de notre argumentation, aujourd'hui,

16 nous allons demander à la Chambre d'appel de réformer ce jugement et de

17 réviser la peine, qui ne devra pas être supérieure à huit ans

18 d'incarcération.

19 Je vais commencer par parler de commandement et du pouvoir hiérarchique de

20 M. Naletilic. Ensuite, j'aborderais les éléments de preuve, qui étaient ou

21 non le critère de la mens rea pour ce qui est de Ljubuski et Mostar. Pour

22 ce qui est de Ljubuski, comme la Chambre nous a invité à le faire, je vais

23 parler de l'incidence de la toute dernière requête présentée par

24 l'Accusation et au titre de l'Article 115. Ensuite, nous allons évoquer le

25 journal de Rados, la pièce PP928. Nous aborderons, ensuite, les sévices

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1 imposés aux prisonniers et nous allons essentiellement nous occuper de

2 tortures. Pour ce qui est du manque de précisions de l'acte d'accusation,

3 notamment, pour ce qui est de la déclaration de culpabilité de transfert

4 illégal à Mostar, nous allons présenter des arguments à ce sujet ainsi que

5 des événements qui se sont produits à la prison à Ljubuski.

6 Alors, nous indiquons -- nous avançons que cette peine de 20 ans ne cadre

7 pas, en fait, avec les déclarations de culpabilité qui ont été prononcées

8 par ce Tribunal.

9 M. Meek évoquera la question du mandat de perquisition et nous avons

10 également soulevé nos objections à propos de l'admission de la pièce à

11 conviction de l'Accusation PP704. Nous allons également aborder l'impact

12 des éléments de preuve ou l'incidence des preuves présentées par Falk

13 Simang. Pour ce qui est des éléments sur lesquels portaient donc, sa

14 déposition, le pillage, le travail forcé et il présentera, de façon plus

15 détaillée, des erreurs de faits qui ont été présentés.

16 Il y a également, en quelque sorte, un chevauchement entre l'appel de M.

17 Naletilic et de M. Martinovic, pour ce qui est de l'existence d'un conflit

18 armé international et du problème de la déportation, expulsion. Ces deux

19 points seront couverts par Mr Kerns.

20 Pour ce qui est du pouvoir hiérarchique, il faut savoir qu'au paragraphe 96

21 du jugement, la Chambre d'appel a estimé que

22 M. Naletilic n'était pas le commandant opérationnel, mais qu'il avait une

23 position de commandement général, pour ce qui est du bataillon

24 disciplinaire. Nous ne réfutons pas cette conclusion, bien que nous ne

25 soyons pas entièrement d'accord avec cette conclusion, nous ne réfutons pas

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1 le fait qu'il n'était pas le commandant opérationnel. Pour ce qui est de

2 l'Article 7(3) de la responsable du supérieur hiérarchique, tout se base

3 sur des opérations qui ont été menées à bien dans la zone visée par l'acte

4 d'accusation. La Chambre de première instance a déjà indiqué qu'il n'était

5 pas un commandant opérationnel, mais plutôt d'un "commandant général". Nous

6 ne sommes pas d'accord avec les éléments de preuve qui ont été présentés

7 par rapport au concept du commandement général parce que cela signifie

8 qu'il exerçait le contrôle effectif sur les personnes qui ont participé aux

9 opérations.

10 Ce qui est vrai et ce qui ne fait absolument pas l'objet de litiges,

11 c'est que M. Naletilic a créé le Bataillon disciplinaire. Nous ne sommes

12 pas d'accord lors ce que l'on avance qu'il a été commandant pendant toute

13 la période visée par l'acte d'accusation. Ce qui est toutefois vrai et ce

14 n'est pas quelque chose que nous remettons en cause, c'est que M. Naletilic

15 était un homme qui exerçait une certaine influence pendant cette période.

16 Mais étant donné qu'il n'était pas commandant opérationnel, nous indiquons

17 que les éléments de preuve n'étaient pas ce qu'avance l'Accusation, à

18 savoir qu'il était en position de savoir ou qu'il avait des raisons de

19 savoir ce que des membres du bataillon qu'il avait créé au départ, certes,

20 faisait pendant la période visée par l'acte d'accusation.

21 Ce qui m'amène, en fait, à l'élément moral au fait qu'il savait ou,

22 qu'il avait des raisons de savoir. Il s'agit de notre moyen d'appel numéro

23 21.

24 Je vais, en fait, commencer par les événements dans la prison de

25 Ljubuski. Au paragraphe 428 du jugement, la Chambre de première instance a

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1 attribué la responsabilité au titre de l'Article 7(3) à M. Naletilic parce

2 que la Chambre de première instance estime qu'il avait des raisons de

3 savoir qu'il existait un risque élevé que les membres du Bataillon

4 disciplinaire se rende à la prison de Ljubuski pour essayer de se venger

5 d'événements précédents.

6 A titre préliminaire, j'avance que, quand la Chambre de première

7 instance déclare que la responsabilité de l'accusé est engagé au titre de

8 l'Article 7(3), à cause de ce risque, il y a là une mauvaise application

9 des principes juridiques relatifs à l'élément moral, s'agissant de

10 l'Article 7(3), principes qui sont précisés dans l'arrêt Celebici. En fait,

11 il s'agit de savoir ou avait raison de le savoir. La trop forte

12 responsabilité ou le risque élevé, c'est contraire au degré de certitude

13 qu'un commandant doit posséder si on lui attribue la fonction de commandant

14 pour que sa responsabilité soit engagée au titre de l'Article 7(3).

15 Mais, examinons les éléments de preuve dont nous avançons qui ne vont

16 pas dans le sens de l'établissement de l'élément moral, s'agissant de

17 Ljubuski, de la prison de Ljubuski. Donc, il y avait ce soi-disant risque

18 élevé. D'autre part, la Chambre de première instance a conclu ce que savait

19 M. Naletilic. On peut appeler cela ainsi le fait qu'il savait que des

20 choses pouvaient arriver à la prison de Ljubuski, qu'il a appris cela sur

21 la route de Ljubuski à Sovici. Puisqu'un autocar a été coincé, s'est

22 embourbé et cet autocar a transporté des prisonniers de Sovici à Ljubuski.

23 Des soldats se sont mis -- se sont pris un des prisonniers, le Témoin Y. M.

24 Naletilic est arrivé alors qu'on était en train de s'en prendre à ce

25 prisonnier et il a mis un terme à ces agissements. J'avance que cet

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1 événement -- que tout ce fait dont le Chambre de première instance nous dit

2 qu'il aurait dû faire comprendre à M. Naletilic qu'il y avait un risque

3 élevé de mauvais traitements. En fait, ce fait -- cet événement qui s'est

4 passé sur la route de Ljubuski montre exactement le contraire, vous prouvez

5 exactement le contraire, puisqu'il a mis un terme à ces brutalités, et il

6 n'avait aucune raison de penser que les soldats allaient continuer. Le

7 concept du risque élevé n'a pas sa place ici, et n'est pas étayé par le

8 dossier.

9 Passons maintenant à la pièce PP704, M. Meek en parlera également, cette

10 liste des membres présumés du Bataillon des Condamnés qui date du novembre

11 1993. La raison pour laquelle j'en parle c'est que dans les conversations

12 de la Chambre de première instance au sujet de l'élément moral de M.

13 Naletilic pour les événements de Ljubuski, ces conclusions reposent,

14 notamment, sur le fait que selon la Chambre Romeo Blazevic, Ernest Takac,

15 Robo et Ivan Hrkac, et cetera. Donc, la Chambre a conclu que ces personnes

16 étaient responsables des crimes commis à la prison de Ljubuski.

17 Ce document, le document PP704, a été utilisé par la Chambre de première

18 instance pour établir que ces hommes que je viens de nommer avaient été,

19 pendant les faits, membres du Bataillon disciplinaire du KB. M. Meek

20 reviendra sur ce document et expliquera pourquoi ce document ne devrait pas

21 utiliser de la manière dont l'a fait la Chambre de première instance. M.

22 Meek également parlera de l'équité de l'utilisation de ce document, étant

23 donné que ce document a été trouvé suite à l'exécution -- au moment de

24 perquisition, et comme je l'ai déjà dit, Me Meek s'interrogera pour savoir

25 si ce document aurait dû être versé au dossier.

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1 Mais s'agissant de mon intervention au sujet de l'élément moral, il me

2 suffit de dire qu'il n'existait pas suffisamment de preuves pour établir

3 que ces 282 personnes, qui se trouvent sur la liste - c'est ce qu'a conclu

4 la Chambre de première instance, 282 personnes - donc, ces 282 personnes

5 étaient toutes membres du KB pendant les faits. La pièce PP704 n'indique

6 pas à quel moment les personnes qui figurent sur la liste sont devenues des

7 membres et on ne sait pas quand Romeo Blazevic, Ernest Takac, Robo ou Ivan

8 Hrkac sont devenus membres du KB pour faire porter sur

9 M. Naletilic la responsabilité des actes de ces personnes dont il était

10 censé connaître les agissements.

11 La pièce PP704 présente aussi un grand intérêt, j'ai dit que j'allais en

12 parler, d'ailleurs, c'est important aux regards des récentes pièces

13 déposées par l'Accusation en vertu de l'Article 115. C'est important selon

14 moi quand on regarde la conclusion de la Chambre de première instance au

15 sujet de l'élément moral de

16 M. Naletilic sur ce qui se passait à la prison de Ljubuski, entre mai et

17 septembre 1993. On ne nous a pas donné de périodes distinctes -- de

18 périodes précises, limitées, non, il s'agit de la période de mai à

19 septembre 1993. Vous constaterez, au paragraphe 428 et au paragraphe qui

20 précède, les deux ou trois paragraphes précédant dans le jugement de la

21 première instance, qu'on parle d'un certain Ivica Kraljevic, et la Chambre

22 de première instance a conclu, selon moi, il n'y a aucune autre

23 interprétation du jugement. Elle a conclu qu'il était membre du KB, du

24 Bataillon des Condamnés, pendant toute la période couverte par l'acte

25 d'accusation.

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1 Or, voici l'impact qu'a une telle conclusion -- une telle constatation. Si

2 un membre du KB était à la tête de la prison de Ljubuski et qu'à

3 l'intérieur de la prison, on trouve des gens qui figurent sur la liste

4 P704, d'ailleurs, je vous signale que Kraljevic figurait sur cette liste

5 P704. Donc, si le directeur du KB laisse entrer des gens dans la prison,

6 les gens qui figurent sur la liste pour y commettre des crimes, à ce

7 moment-là, on peut peut-être arriver à une conclusion, la conclusion qui a

8 été celle de la Chambre, au sujet de l'élément moral, et cela peut être

9 acceptable. Mais, en revanche - et nous savons que c'est vrai, et nous

10 savons que le directeur Kraljevic n'était pas un membre du KB parce que

11 c'est la vérité, il n'était pas membre du KB - c'est ce qui ressort des

12 éléments de preuve déposés par l'Accusation récemment en vertu de l'Article

13 115, donc, il n'était pas membre du KB. On voit également, grâce à ces

14 éléments de preuve que ce directeur de la prison, Kraljevic n'est devenu

15 directeur de la prison qu'à partir de juillet ou août 1993. C'est important

16 pourquoi ? Parce que pratiquement tout -- enfin, tous - à l'exception d'un

17 des crimes attribués à

18 M. Naletilic en vertu de l'Article 7(3) - les crimes commis à la prison de

19 Ljubuski, tous ces crimes à l'exception d'un seul, tous ces crimes ont eu

20 lieu, s'ils ont effectivement eu lieu, avant que ce Kraljevic ne devienne

21 directeur de la prison. Donc, les constations de la Chambre de première

22 instance au sujet de la prison de Ljubuski doivent être réformés dans leur

23 totalité parce que, selon nous, ce Kraljevic, le véritable directeur,

24 n'était pas membre du KB, et il n'a commencé à être directeur qu'à partir

25 de septembre et août, donc, on ne peut nullement dire qu'il était placé

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1 sous le commandement de M. Naletilic. Dans ces conditions, M. Naletilic

2 n'avait pas de raison de savoir -- n'était pas censé savoir comment cette

3 tierce personne dirigeait sa prison. Avant de devenir directeur -- avant

4 qu'il ne devienne directeur, lui, nous ignorons qui était le précédent

5 directeur, donc, entre mai et août 1993, on ne sait pas qui était à la tête

6 de cette prison. Il n'y a aucun élément de preuve nous l'indiquant.

7 Cependant, ce qu'a fait la Chambre de première instance c'est qu'elle a

8 engagé la responsabilité de M. Naletilic en vertu de l'Article 7(3) pour la

9 période de mai à septembre 1993. Pourquoi ? Bien, sur la base -- notamment,

10 en grande partie sur la base du fait que le directeur de la prison était un

11 membre du KB. Or, maintenant, nous savons que ce n'était pas le cas, que le

12 directeur n'était pas membre du KB.

13 Pour résumer la position de la Défense, s'agissant des éléments de preuve

14 relatifs à la prison de Ljubuski, c'est que des agissements criminels ont

15 eu lieu à l'intérieur de la prison de Ljubuski, des actes aléatoires, mais

16 il n'y a aucun élément de preuve -- en tout cas, les éléments de preuve

17 sont suffisants pour nous dire qui était à la tête de cette prison ou qui

18 commandait les individus qui ont commis ces actes. Quoi qu'il en soit,

19 l'élément moral de M. Naletilic n'a pas été établi.

20 Maintenant, je voudrais vous parler de Mostar, l'élément moral relatif aux

21 événements de Mostar.

22 Au paragraphe 88 du jugement de première instance, comme d'ailleurs, dans

23 la totalité du jugement, on utilise la pièce PP704 pour arriver à la

24 conclusion selon laquelle tous les membres qui figuraient sur cette liste,

25 tous les hommes qui figuraient sur cette liste, ont été membres du KB

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1 pendant toute la période visée à l'acte d'accusation. Je l'indique ici

2 parce que s'agissant de Mostar, j'aurais d'y revenir plus tard. Bien,

3 s'agissant de l'élément moral pour les événements de Mostar, cela a

4 entraîné deux déclarations de culpabilité pour transfert forcé, pour la

5 période d'abord du 12 au -- plutôt du 13 au 14 juin 1993, et pour la

6 période du 29 septembre 1993. Ce qu'a fait la Chambre de première instance

7 c'est de s'appuyer sur la pièce PP704 pour établir ce fait et ce qui

8 figurait sur la liste PP704 aurait pu forcer un certain nombre de personnes

9 à quitter Mostar en juin et septembre, et la Chambre a utilisé cette pièce

10 PP704 pour attribuer à M. Naletilic la connaissance de qui se passait et de

11 ce que faisaient ces individus pendant ces deux périodes distinctes.

12 Or, cette liste est de novembre 1993, et il n'y a rien qui indique sur

13 cette liste à quel moment les personnes concernées sont devenues membres du

14 KB, donc, la Chambre a ici fait une déduction un petit peu hasardeuse selon

15 nous avec tout le respect que nous lui devons pour conclure que les membres

16 de l'unité qui figuraient sur la liste PP704 étaient sous le contrôle de

17 Naletelic de juin à septembre 1993.

18 J'indique également que cette conclusion un petit peu hasardeuse est en

19 contradiction avec une conclusion que je trouve très juste, en revanche au

20 paragraphe 116 au sujet de l'élément moral, puisque la Chambre nous dit que

21 pour établir la responsabilité ou regarder l'Article 7(3), il est

22 nécessaire de déterminer, pour chaque fait reproché -- pour chaque fait

23 minime, si la personne savait ou avait une raison de savoir que le crime

24 était commis, et cetera, donc utiliser un document aussi général que le

25 document PP704, qui est une liste établie après les faits, ceci ne permet

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1 pas de déterminer qui étaient les membres de l'unité au moment des faits

2 incriminés.

3 De surcroît, la Chambre a conclu que M. Naletilic a contrôlé ces individus

4 de juin à septembre 1993 ou en juin et en septembre 1993, et ici, je parle

5 des transferts forcés à Mostar, cette conclusion selon laquelle il assurait

6 ce contrôle est contradictoire avec une autre conclusion de la Chambre de

7 première instance au paragraphe 84, puisque, là, la Chambre de première

8 instance a stipulé qu'une fois que les Unités ATG étaient envoyées sur une

9 ligne de front - et à Mostar c'était véritablement une ligne de front - une

10 fois qu'une Unité ATG a été envoyée sur cette ligne - bien, si je

11 m'interromps dans mon raisonnement, et je reviens sur la PP704 - qui nous

12 indique non seulement les membres présumés du KB, mais aussi les membres

13 des Unités ATG qui étaient soi-disant subordonnés au KB.

14 Bien, j'en viens ici à mon moyen d'appel numéro 7, je reviens à ce que je

15 disais précédemment, lorsque les Unités des ATG étaient activées et

16 envoyées dans un secteur donné, c'est le commandant de secteur qui en

17 prenait le contrôle. C'est le commandant de secteur qui leur donnait leurs

18 ordres, et c'est ce qui est conclu au paragraphe 84 du jugement, mais alors

19 qu'elle conclut cela, la Chambre de première instance parallèlement

20 attribue l'élément moral et la responsabilité au titre de l'Article 7(3) à

21 M. Naletilic au titre d'opérations menées après le déploiement des ATG sur

22 les zones de responsabilité des commandements de secteur. Ici, on voit

23 qu'il n'y a plus de relation -- de connexité entre l'élément de contrôle et

24 l'élément moral, ils sont disjoints pourtant.

25 En préliminaire à ce que va développer Me Meek plus avant, je vais passer à

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1 la déposition du témoin, Falk Simang, s'agissant de l'établissement -- ou

2 plutôt de la non établissement de l'élément moral pour les transferts

3 forcés. Ceci nous renvoie au paragraphe 571 du jugement, pour la date du 13

4 ou 14 juin, et du 29 septembre 1993, la Chambre de première instance nous a

5 -- ou plutôt la Chambre d'appel nous a posé une question par

6 l'intermédiaire de son Juriste, s'agissant de la participation au nom de

7 Falk Simang aux transferts du 13 et 14 juin à partir de Mostar, et la

8 question était de savoir si la Chambre de première instance avait conclu

9 que cet homme avait participé à ces transferts.

10 Je souhaiterais renvoyer la Chambre, et j'ai déjà transmis cela à

11 l'Accusation en réponse à une question qui a été posée, donc, je vous

12 renvoie au paragraphe 556 s'agissant du transfert du 13 et du 14 juin, ici

13 on renvoie à un autre paragraphe du jugement, paragraphe 91 du jugement, où

14 la Chambre de première instance a conclu -- enfin, elle s'est appuyée

15 expressément sur ce qu'on dit sur Ralf Mrachacz et Falk Simang, elle s'est

16 appuyée sur leurs dires pour conclure que M. Naletilic, à tout moment,

17 exerçait son contrôle sur la totalité de l'ATG et de tous les ATG plutôt.

18 Donc, en réponse à la question qui nous a été posée par la Chambre, la

19 Chambre de première instance dans son jugement n'a pas expressément déclaré

20 que Falk Simang avait participé à l'opération du 13 ou 14 juin à Mostar,

21 mais la déduction logique est la suivante, étant donné que la Chambre de

22 première instance s'est appuyée sur la déposition de M. Falk Simang pour en

23 déduire que M. Naletilic était le supérieur hiérarchique de ceux qui ont

24 mené cette opération, on peut dire que c'est une déduction que l'on peut

25 logiquement tirer, même si c'est quelque chose qui ne figure pas

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1 expressément dans le jugement.

2 Comme je l'ai déjà dit, Me Meek reviendra sur ceci plus en détail, il

3 reviendra de manière plus circonstancielle sur la crédibilité de la

4 déposition du témoin, Falk Simang.

5 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur le Juge Schomburg, est-ce que

6 vous voulez poser une question ?

7 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 En conclusion de vos arguments, est-il exact que, finalement, votre prise

9 de position subsidiaire serait qu'on trouve à la note de bas de page 233,

10 sur la base de la déposition des Témoins NQ et ML, selon lesquels le KB

11 était une unité aux effectifs limités ne comptant que quelque 60 hommes ?

12 Est-ce que vous êtes en désaccord avec la connaissance de la Chambre de

13 première instance au paragraphe 48, selon laquelle il existait quatre

14 unités professionnelles, l'Unité KB, l'Unité de Baja Kraljevic, l'Unité

15 Ludvig Pavlovic et l'Unité Ante Bruno Busic ?

16 M. HENNESSY : [interprétation] Non, je ne dirais pas que c'est une position

17 subsidiaire de retrait, disons. Notre position c'est qu'indéniablement M.

18 Naletilic était le fondateur charismatique du Bataillon des Condamnés, et

19 que ce bataillon a bénéficié de manière indirecte de son charisme pendant

20 toute la période visée à l'acte d'accusation, mais peu importe, que ce

21 bataillon est compté 282 ou 60 hommes, puisque, pour nous, il ne restait

22 pas moins que la question est de savoir si M. Naletilic savait ou avait des

23 raisons de savoir ce que les membres de cette unité faisaient. Comme je

24 l'ai indiqué au début de mon intervention au sujet de l'élément moral, la

25 Chambre de première instance a conclu qu'il n'était pas commandant

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1 opérationnel mais commandant en chef.

2 Peut-être il faudrait être plus clair, et indiquer ce qu'est un commandant

3 en chef. Selon nous, un commandant en chef ne peut pas être animé de la

4 même intention délictueuse. Il n'a pas -- il ne sait pas ou n'a pas raison

5 de savoir ce que les membres du KB, les membres d'autres Unités d'ATG, ce

6 qui étaient censés être subordonnés au KB. Donc, ici, nous ne sommes pas en

7 désaccord au niveau des effectifs mais au niveau du degré de contrôle de la

8 connaissance qu'il avait des activités de ces unités.

9 De plus, s'agissant de la preuve de l'établissement de l'élément

10 moral pour les agissements de Mostar. Ici, il faut parler de la déposition

11 de Falk Simang. Je souhaiterais maintenant, ici parler de la déclaration de

12 culpabilité pour pillage au terme de l'Article 7 (3), chef 20. S'agissant

13 des événements de 9 mai 1993. La Chambre de première instance a fondé ses

14 conclusions selon lesquelles, Naletilic Mladen était responsable de

15 pillage, en grande partie, sur les propos de Falk Simang, qui nous a dit

16 avoir vu Mladen Naletilic, Ivan Andabak et Mario Hrkac, alias Cikota. Il

17 les a vus ensemble ce jour-là, le 9 mai 1993, à Mostar. M. Simang dit avoir

18 vu des individus se livrer à des actes de pillage et le dossier indique de

19 manière, tout à fait, positive que Cikota était mort au rang et qu'il est

20 mort le 20 avril 1993. Donc, la déposition de Falk Simang est en

21 contradiction totale avec un fait complètement objectif. Si bien que

22 attribuer la responsabilité des pillages au titre de l'Article 7(3) à M.

23 Naletilic sur la base des dépositions de M. Falk Simang qui nous dit que

24 Naletilic était présent le 9 mai 1993 aux côtés d'un homme mort ne va dans

25 le sens d'une déclaration de culpabilité, d'une condamnation pour pillage.

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1 Ah, voici notre interprète. Merci beaucoup à la Chambre pour le

2 concours qui nous a été apporté pour obtenir son intervention.

3 Pour conclure, s'agissant de l'élément moral, les éléments de preuve

4 sur lesquels se sont appuyés la Chambre de première instance, c'est-à-dire,

5 la déposition de Falk Simang, ne permettent d'établir cet élément moral et

6 ne permettent de conclure que Mladen Naletilic savait ou avait des raisons

7 de savoir que quiconque était en train de commettre des pillages à Mostar,

8 le 9 mai 1993.

9 Je souhaiterais maintenant passer au journal de Rados. Ici, notre

10 grief est le suivant. Il est développé au moyen d'appels numéros 6 et 8.

11 Notre grief a deux volets. Premièrement, ce document n'aurait jamais du

12 être versé au dossier, même si on avait tenté de le verser au dossier au

13 cours de la présentation des moyens à charge. Deuxièmement, même si on

14 estime que ce document était recevable, il n'aurait en tout état de cause

15 pas du être versé au dossier au moment de la réplique de l'Accusation. Ici,

16 je ne veux nullement jeter l'opprobre sur mes éminents collègues de

17 l'Accusation mais je pense que s'agissant de ce journal de Rados, mais j'ai

18 toujours dit que c'était une déclaration de témoin. Je l'ai qualifié ainsi

19 en estimant que c'était l'Article 92 bis qui devait nous permettre de

20 déterminer si ce document était recevable ou pas. L'Accusation nous dit que

21 c'est un document qui, dont la recevabilité doit être déterminé par

22 l'Article 89 du Règlement.

23 Je pense que mon mal interprétation m'avise que ce document est la

24 plus juste. Je le dis sur la base dont la manière dont a été employé ce

25 document qui est mentionné dans tout le jugement de première instance. Ceci

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1 nous montre comment la Chambre de première instance a vu ce document.

2 Comment elle l'a interprété ? Elle a estimé que ce document était

3 équivalent à une déposition, la déposition d'un témoin dans le prétoire. Si

4 on devait avoir le moindre à ce sujet, je vous engage à vous pencher sur ce

5 qu'a dit le Juge Clark quand on l'a présenté le document à la Chambre.

6 Donc, ce compte rendu d'audience, elle dit que le journal de Rados était

7 présenté comme un journal tenu pendant les faits par un soldat se trouvant

8 dans la zone au sujet des événements figurant à l'acte d'accusation. Bien

9 entendu, nous le savons, M. Rados n'est jamais venu déposer au procès. Mais

10 ce qu'a dit le Juge Clark, en présentant le jugement, elle a dit que M.

11 Rados était un homme courageux, un homme humble. Comment peut-on juger cet

12 homme de la sorte ? Si nous avons à faire à un document qui est simplement

13 un document recevable au titre de l'Article 89.

14 Il faut voir comment ce document a été utilisé ? Il a été utilisé

15 comme la déposition d'un témoin étant venu dans le prétoire et ayant

16 contre-interrogé, et ceci, tout le long du jugement. J'estime -- j'avance

17 que ce document, c'est une déclaration au témoin qui n'est pas conforme aux

18 dispositions de l'Article 92 bis, ni d'ailleurs à la directive pratique

19 relative à l'application de l'Article 92 bis. Essayons de nous demander

20 comment l'Accusation aurait pu se conformer à l'Article 92 bis ? Si

21 l'Accusation avait présenté ce document à M. Rados, elle aurait pu lui

22 demander de vérifier le document en vertu de la pratique de l'application

23 de l'Article 92 bis, lui demandant de confirmer devant une personne

24 habilitée que ce document était bien conforme à la réalité. Or,

25 l'Accusation ne l'a fait pas fait. Étant donné que la Chambre de première

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1 instance a utilisé ce document comme l'équivalent de la déposition d'un

2 témoin ayant comparu dans le prétoire et ayant contre-interrogé. Dans ces

3 conditions, il faut se réinterroger sur la recevabilité de ce document au

4 titre de l'Article 92 bis. Comme je l'ai déjà dit, on n'a pas appliqué

5 l'Article 92 bis. Pour ce document, il n'a pas été respecté en tout cas. Ce

6 document n'aurait du être jamais versé au dossier à quelque moment que ce

7 soit de la présentation des éléments à charge.

8 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous avez fait référence à

9 une déclaration du Juge Clark suivant laquelle cet homme était un homme

10 vaillant, courageux mais modeste. Malheureusement, je n'ai pas trouvé dans

11 le jugement cette précision à propos du journal en question. Est-ce que

12 cela peut se trouver à la note en bas de page numéro 54 ? Ou est-ce qu'il

13 s'agissait d'une déclaration orale du Juge Clark ?

14 M. HENNESSY : [interprétation] Oui, tout à fait.

15 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Donc, cela ne se trouve pas dans le

16 jugement écrit.

17 M. HENNESSY : [interprétation] Non, non. J'ai utilisé, en fait, la

18 déclaration qu'elle a faite - et mon confrère vient de le confirmer - soit

19 s'est trouvée dans le résumé dont elle a donné au lecture au moment, donc,

20 où le jugement a été prononcé.

21 Mais je pense que cela est important car cela nous permet de comprendre

22 comment a réfléchi la Chambre de première instance et comment elle a

23 utilisé ce document ?

24 Comme je l'ai dit, cela n'aurait pas du être ainsi. Mais, si ce document

25 avait été recevable, il n'aurait pas été présenté comme cela a été fait

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1 lors de la réplique de l'Accusation car la Chambre d'appel dans l'arrêt

2 Celebici était très claire à ce sujet. Elle a indiqué, en fait, que les

3 éléments de preuve en réplique doivent porter sur une question importante

4 qui émane directement de la présentation des moyens à déchargé qui

5 n'auraient pas pu être prévus auparavant. Cela est important qu'il n'aurait

6 pas pu être prévu.

7 Je ne peux pas deviner ce que va répondre l'Accusation, mais je remarque à

8 l'intention de la Chambre de première instance que dans un premier temps,

9 l'Accusation savait que ce document existait, le document - donc, le

10 journal de Rados - PP928. Elle le savait au mois de mars 1998 et

11 l'Accusation a présenté un extrait de ce journal à la fin de la

12 présentation de leurs moyens à charge. Ce n'est pas qu'ils n'avaient pas

13 prévu l'utilité de ce document. Ils savaient que ce document existait des

14 années avant l'ouverture du procès et ils l'ont présenté lors de la

15 présentation de leurs moyens à charge. Il n'a pas été entièrement considéré

16 comme recevable et, si je ne m'abuse, je pense qu'il n'a pas été considéré

17 recevable dans la présentation des moyens à charge. Mais il y a un extrait

18 qui a été admis et l'intégralité du document n'a pas été acceptée jusqu'au

19 moment de la réplique.

20 Il faut reprendre l'arrêt dans l'affaire Celebici où il est stipulé

21 que lorsque des éléments de preuve en réplique peuvent prouver la

22 culpabilité de l'accusé et lorsqu'il est prévu ou lorsque l'Accusation peut

23 prévoir de façon raisonnable qu'il y a des oublis ou des éléments qui n'ont

24 pas été pris en considération, il n'est pas approprié d'admettre cela lors

25 de la réplique et l'Accusation ne peut pas présenter des éléments de preuve

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1 supplémentaires tout simplement parce que face à ses moyens à charge

2 certains éléments de preuve ont été présentés qui contredisent les moyens à

3 charge.

4 J'avance que c'est exactement ce que l'Accusation a essayé de faire

5 admettre à propos de ce journal PP928 puisqu'ils l'ont présenté après la

6 présentation de leurs moyens à charge. Ils l'ont présenté lors de la

7 réplique, donc après la présentation des moyens à décharge. Cela n'était

8 pas nouveau, ils connaissaient l'existence de ce journal depuis 1998. Ils

9 avaient prévu, de façon théorique en tous cas, son utilité. Ils ont

10 présenté un extrait lors de la présentation des moyens à charge. Donc si

11 cela avait été admissible, soit conformément à l'Article 89 ou à l'Article

12 92 bis, il n'aurait pas dû être présenté lors de la réplique. Il ne

13 s'agissait pas d'éléments de preuve relatifs à la réplique. Nous pensons

14 que cette Chambre devrait exclure le journal de Rados.

15 Puis, il y a quelque chose qui est pris en considération dans l'arrêt

16 Celebici, je vous ai déjà donné lecture d'une citation, mais il faut savoir

17 que la Chambre a indiqué que lorsque des éléments de preuve sont présentés

18 en réplique, ce sont des éléments qui sont présentés pour préciser les

19 moyens à charge, et lorsqu'il s'agit de cela, ce sont des éléments de

20 preuve qui doivent être présentés lors de la présentation des moyens à

21 charge et non pas lors de la réplique. Il faut savoir que la Chambre de

22 première instance a utilisé à maintes reprises ce journal de Rados pour

23 établir la responsabilité du supérieur hiérarchique. C'est un document qui

24 a été considéré par la Chambre de première instance comme une preuve

25 directe de la responsabilité et du pouvoir hiérarchique de M. Naletilic, et

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1 cela a également été utilisé pour avancer le critère de mens rea.

2 Pour aborder maintenant le thème des sévices faits aux prisonniers.

3 Il s'agit de notre moyen d'appel numéro 17. Je me concentre sur ce qui a

4 été indiqué dans le moyen d'appel, à savoir nous avançons que les moyens de

5 preuve relatifs à la torture ne sont pas suffisants. Je vais aborder la

6 déclaration de culpabilité pour torture au titre de l'Article 7(1) et non

7 pas au titre de l'Article 7(3). La déclaration de culpabilité de torture

8 conformément à l'Article 7(1) portait sur Fikret Begic, le Témoin TT, le

9 Témoin B, le Témoin F et le Témoin Z.

10 Premièrement, en ce qui concerne Fikret Begic, je remarque qu'il n'a

11 pas témoigné en première instance. Il n'y a pas d'éléments de preuve

12 directs qui ont été présentés à propos de la douleur physique ou du degré

13 de douleur physique ou de la durée de cette souffrance. Nous avançons que

14 les éléments de preuve présentés ne sont pas suffisants pour qualifier cela

15 de torture. Il faut également savoir que la Chambre de première instance a

16 déclaré M. Naletilic coupable au titre de l'Article 7(1) pour ce qui est de

17 la douleur psychologique et des souffrances imposées à Fikret Begic. Je

18 remarque qu'il n'y a absolument aucun élément de preuve déposé ou aucune

19 constatation qui porte sur le degré de souffrance de M. Begic ou la durée

20 de la souffrance qui lui a été imposée.

21 Il en va de même pour le Témoin T. M. Naletilic a également été

22 déclaré coupable au titre de l'Article 7(1) d'avoir infligé des souffrances

23 aiguës et psychologiques au Témoin TT, et même si le Témoin TT a déposé, il

24 n'y a aucun élément de preuve qui a été avancé pour ce qui est des dégâts à

25 long terme.

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1 La déclaration de culpabilité pour torture au titre de l'Article 7(1)

2 qui me perturbe le plus concerne le Témoin B. Le Témoin B était un jeune

3 homme, les éléments de preuve qui ont été présentés avance que des

4 questions lui ont été posées et qu'un pistolet se trouvait posé sur un

5 bureau et ce que j'avance ici, c'est que même si cela correspond à la

6 vérité, cela n'équivaut pas à une torture. La torture même dans la

7 jurisprudence de ce Tribunal et si l'on prend également tous les documents

8 historiques qui ont abouti au Statut de ce Tribunal, la torture est

9 considérée comme le pire des crimes. Le Témoin B, d'après ce qu'il indiqué

10 lors de sa déposition, n'a pas indiqué cela.

11 Pour ce qui est du Témoin FF, il a, lors de sa déposition, indiqué

12 qu'il avait été frappé trois fois et M. Naletilic a donné l'ordre que cela

13 cesse. Il n'y a pas eu d'éléments de preuve présentés à propos du degré de

14 peine, il n'y a pas eu d'éléments de preuve présentés pour ce qui est de la

15 durée de cela et nous considérons que pour ce qui est du Témoin FF, il n'y

16 a pas eu d'éléments de preuve présentés pour affirmer qu'il y a eu torture.

17 Il en va de même pour le Témoin Z, aucun élément de preuve relatif à

18 la durée, aucun élément de preuve relatif au degré.

19 Pour ce qui est de l'imprécision de l'acte d'accusation qui

20 correspond à notre moyen d'appel numéro 12, il faut savoir que la Chambre

21 nous avait demandé d'étoffer un peu ce que nous avancions à propos de

22 l'imprécision de l'acte d'accusation pour les allégations relatifs à la

23 prison de Ljubuski.

24 L'acte d'accusation -- je vais, dans un premier temps, commencer par

25 les événements de Mostar. Il y a allégation de transfert forcé, il s'agit

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1 du chef 18. Ce qui a été allégué au chef 18, au paragraphe 54, n'indique

2 pas que M. Naletilic devait répondre de transferts conformément à l'Article

3 7(3). Il s'agit de cette responsabilité qui lui a été attribuée au titre de

4 l'Article 7(3) et ce pour des transferts qui se sont déroulés les 13 et 14

5 juin, ainsi que le 29 septembre 1993.

6 Le libellé de l'acte d'accusation indique que Mladen Naletilic et Vinko

7 Martinovic étaient responsables et ont donné l'ordre du transfert forcé de

8 civils musulmans de Bosnie, lequel a commencé, le 9 mai 1993 et s'est

9 poursuivi au moins jusqu'en janvier 1994. Je saute quelques lignes, et il a

10 été indiqué que deux vagues importantes de transferts forcés ont eu lieu en

11 mai et en juillet 1993. Il n'est indiqué nulle part quelles étaient les

12 Unités ATG qui ont été responsables de quels transferts. Il n'est indiqué

13 nulle part non plus à quelle date M. Naletilic a été responsable, soit au

14 titre de l'Article 7(1) ou au titre de l'Article 7(3) d'ailleurs.

15 La Chambre d'appel est tout à fait consciente des conditions générales

16 relatives aux actes d'accusation qui ont été exposés dans l'arrêt Blaskic.

17 Je ne vais surtout pas revenir à la charge et embêter la Chambre d'appel à

18 ce sujet puisqu'elle en est consciente.

19 Il est indiqué que deux vagues importantes de transferts forcés ont eu lieu

20 en mai et en juillet 1993. Il y a eu quatre épisodes importants qui ont été

21 étudiés par la Chambre de première instance. Pour ce qui est des transferts

22 forcés à partir de Mostar, le 9 mai, le 25 mai, les 13 et 14 juin, ainsi

23 que le 29 septembre 1993.

24 M. Naletilic a été acquitté pour ce qui est des événements du mois de mai.

25 Voilà ce à quoi je souhaite parvenir, je dirais que la Défense aurait pu

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1 cibler les mois de mai et de juillet, en indiquant qu'il y a eu deux

2 grandes vagues de transferts qui se sont produites. Mais il faut savoir que

3 M. Naletilic a été acquitté pour ce qui est des événements du mois de mai.

4 Il n'y a aucun élément de preuve qui a été présenté pour les événements du

5 mois de juillet. Si ces événements ont eu lieu, il est indiqué, de façon

6 très générale, que ces événements ont eu lieu entre le mois de mai 1993 et

7 le mois de janvier 1994. Nous n'avons pas été suffisamment informés, et

8 cela ne suffit pas pour indiquer qu'il était possible qu'une déclaration de

9 culpabilité soit prononcée pour les événements qui se sont produits les 13

10 et 14 juin 1993 et le 29 septembre 1993.

11 Bien entendu, je peux admettre que s'il avait été déclaré coupable des

12 problèmes du mois de mai, nous aurions eu suffisamment d'informations à

13 propos des vagues de transferts du mois de mai. Mais il ne s'agit pas de

14 cela ici. Il s'agit du mois de juin et du mois de septembre qui dépassent,

15 ou qui vont au-delà de toute précision énoncée dans le paragraphe 54 de

16 l'acte d'accusation.

17 J'aimerais maintenant aborder le manque de précision de l'acte d'accusation

18 pour ce qui est de la prison de Ljubuski, ce qui correspond à ce que nous

19 avons soulevé dans le paragraphe 176 de notre mémoire. L'acte d'accusation

20 est entaché de vices pour ce qui est de la prison de Ljubuski et des

21 événements qui s'y sont déroulés. Ce que nous avançons, c'est qu'il faut

22 lire deux paragraphes de l'acte d'accusation pour pouvoir décoder tout

23 cela. Il faut savoir qu'au paragraphe 54 de l'acte d'accusation, il est

24 question de la période comprise entre le mois de mai et le mois de juillet

25 1993 -- mai 1993 jusqu'au mois de janvier 1994, et au paragraphe 50, il est

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1 indiqué que pendant cette période des sévices ont été infligés -- sévices

2 qui ont également infligés dans d'autres centres de détention et dans

3 d'autres camps placés sous l'autorité ou le contrôle du HVO, et non pas du

4 KB, par exemple, tels que les événements de la prison de Ljubuski et de

5 l'Heliodrom.

6 L'arrêt Blaskic, je paraphrase, indique que l'une des conditions pour ce

7 qui est de la responsabilité au titre de l'Article 7(3) est de savoir qui

8 avait le contrôle de l'accusé pendant la période en question. Il s'agit de

9 prisons qui étaient passées sous le contrôle du HVO, et non pas de prisons

10 qui étaient placées sous le contrôle du KB. Cela n'indique pas comment M.

11 Naletilic était responsable au titre de l'Article 7(3). Je vous parle de

12 l'Article 7(3) seulement parce qu'il n'a pas été considéré coupable au

13 titre de l'Article 7(1) pour les événements de la prison de Ljubuski. Mais

14 lorsqu'on lit l'acte d'accusation, il est absolument impossible de

15 déchiffrer à partir de quel moment pendant cette période si générale du

16 mois de mai 1993 au mois de janvier 1994, l'Accusation avance qu'il est

17 responsable au titre de l'Article 7(1) ou au titre de l'Article 7(3), et

18 pour ce qui est de l'Article 7(3), il faut savoir qui exerçait le pouvoir

19 sur les subordonnés allégués qui ont commis ces crimes.

20 Pour ce qui est de la prison de Ljubuski, nous pensons que le jugement a

21 été erroné lorsque Kraljevic a été identifié comme directeur de la prison

22 pendant toutes les périodes pertinentes. En sachant ce que vous savez, si

23 l'Accusation avait avancé que la prison de Ljubuski se trouvait placée sous

24 le contrôle d'un membre du KB, nous ne parlerions même pas de déclarations

25 de culpabilité pour la prison de Ljubuski. Car il faut savoir que, dans

Page 107

1 l'arrêt Blaskic, il est indiqué que l'Accusation ne doit pas avoir la

2 possibilité de faire évoluer la présentation de ses moyens à charge au fil

3 du procès, l'acte d'accusation définit ce qui est admissible, ce qui est

4 recevable, ce qui est pertinent, ce qui peut être considéré comme moyens de

5 preuve et il définit également ce pourquoi un accusé peut être déclaré

6 coupable. Il, j'entends par cela l'Accusation, l'Accusation n'a pas accusé

7 M. Naletilic avec aucun degré de précision pour le contrôle qu'il exerçait

8 à la prison de Ljubuski, et il n'est pas considéré comme étant responsable

9 des personnes qui ont pu commettre des crimes à l'intérieur de l'enceinte

10 de la prison de Ljubuski.

11 Je suis sûr que je devrais certainement répondre après la réplique de

12 l'Accusation. Je souhaiterais maintenant être concis et direct.

13 Je souhaiterais faire une remarque brève à propos de la peine qui a été

14 imposée, mais je reviendrais ultérieurement sur cette question.

15 Je vous demanderais juste une petite minute, je vous prie.

16 [Le conseil de la Défense se concerte]

17 M. HENNESSY : [interprétation] Je voudrais juste faire cette observation,

18 je m'excuse auprès de mon confrère, Me Kerns, parce qu'il s'agit

19 d'informations qu'il a partagées avec moi. Je souhaiterais donner matière à

20 réflexion à la Chambre d'appel.

21 Je pense que depuis le mois de février de cette année, il y a eu quelque 53

22 personnes qui ont été déclarées coupables et condamnées par le Tribunal.

23 Sur ces 53 personnes, sur ces 53 personnes, disais-je, il n'y a pas plus de

24 dix personnes qui ont reçu une peine supérieure à 20 ans, je pense qu'il y

25 a quelque cinq ou six personnes qui ont été condamnées pour une durée

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1 équivalente à celle de

2 M. Naletilic.

3 Compte tenu des éléments de preuve, compte tenu des constations et des

4 conclusions de la Chambre de première instance, même si nous ne marquons

5 pas toujours notre accord avec cela, mais compte tenu des constatations de

6 la Chambre de première instance, si l'on prend en considération l'évolution

7 des déclarations de culpabilité et des peines de ce Tribunal, 20 ans ne

8 correspond pas à cette évolution. Lorsque je l'ai dit au début, je pense

9 qu'une peine de huit ans serait beaucoup plus appropriée, et je suggère

10 même une peine moins lourde, cela, bien entendu, dépendra de la façon dont

11 la Chambre d'appel envisagera certains de nos moyens d'appel.

12 Ceci étant dit, j'aimerais maintenant donner la parole à

13 Me Meek.

14 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Maître Hennessy.

15 Maître Meek.

16 Auparavant, le Juge Guney souhaiterait vous poser une question. Vous avez

17 la parole.

18 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 [en français] Monsieur Hennessy, vous avez dit que votre client était

20 commandant en chef avec une personnalité charismatique, mais il n'était pas

21 un commandant opérationnel. Donc, il n'y avait pas de raison pour lui de

22 savoir ce qui s'était passé de l'autre côté; est-ce exact ? Vous avez

23 souligné plus d'une fois cela au cours de votre soumission. Je voudrais

24 avoir votre compréhension en ce qui concerne les relations entre le

25 commandant opérationnel et le commandant en chef, étant donné qu'il y a

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1 tant de moyens de faire rapport, ligne directe ou autre pour un commandant

2 opérationnel d'en faire ou pour un commandant en chef d'avoir des

3 informations adéquates à ce qui se passe dans d'autres endroits.

4 M. HENNESSY : [interprétation] La meilleure manière pour moi de répondre à

5 cette question, c'est que, selon moi, l'interprétation des éléments de

6 preuve, c'est qu'au mieux -- disons, au maximum, on peut dire que M.

7 Naletilic, une personnalité charismatique au sein du KB, peut même dire

8 qu'il a attiré des volontaires au sein du KB, même s'il n'était pas

9 commandant opérationnel de cette unité. Cela, c'est la première chose.

10 Deuxième chose, les éléments de preuve nous indiquent, peut-être aussi, que

11 certains commandants opérationnels ont eu, peut-être, des discussions avec

12 M. Naletilic. Ce type de relations, enfin, ils se connaissaient, ils

13 discutaient, peut-être, parfois, des faits. Cela, c'est différent du fait

14 d'être commandant opérationnel ou commandant des opérations qui se passent

15 sur le terrain.

16 Donc, la meilleure façon pour moi de répondre à votre question est la

17 suivante. Je dirais que ces relations sont les liens qui existaient entre

18 lui et ce qui s'est passé. En partant de l'hypothèse qu'il aurait eu le

19 type de pouvoir qui lui aurait permis s'il avait connu les événements, s'il

20 avait su ou avait raison de savoir de prévenir les événements, les crimes

21 ou de les sanctionner, mais, étant donné qu'il n'était pas commandant

22 opérationnel, il n'était pas en mesure de savoir ou d'avoir des raisons de

23 savoir que des crimes allaient, peut-être, être commis. Même ensuite, après

24 les crimes, il n'était pas en mesure, il n'était pas dans un chaîne

25 hiérarchique lui permettant de recevoir des rapports qui lui seraient

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1 parvenus s'il avait été commandant opérationnel.

2 Donc, il est indéniable qu'il était fondateur du KB. Pendant un

3 certain temps, il en a été l'élément moteur, mais cela était bien déjà

4 terminé au moment où le conflit faisait rage. Cela n'était plus le cas.

5 Est-ce que vous souhaitez me poser des questions supplémentaires sur

6 ce point, Monsieur le Juge ?

7 M. LE JUGE GUNEY : Selon notre compréhension, le commandant n'a aucun moyen

8 de savoir, soit avant les événements, soit après les événements, de ce qui

9 se passe dans le cadre des responsabilités du commandement opérationnel;

10 est-il exact ?

11 M. HENNESSY : [interprétation] La réponse directe à votre question est la

12 suivante. Si un commandant en chef est véritablement un commandant en chef,

13 à ce moment-là, je dirais que oui. Oui, à ce moment-là, il devrait savoir

14 ou avoir des raisons de savoir. Mais je ne suis pas en train de dire que

15 nous disons ici que M. Naletilic était ce type de commandant en chef. On

16 n'avait pas une chaîne de commandement bien fonctionnel, bien établi avec

17 M. Mladen Naletilic, des adjoints, et cetera, et où on aurait des rapports

18 qui seraient montés vers le haut et des ordres descendus vers le bas. Non,

19 ce n'était pas comme cela que cela se passait parce que les choses

20 n'étaient pas aussi bien organisées que cela.

21 Donc, pour répondre à votre question, si vous avez un commandant qui est

22 véritablement un commandant en chef, à ce moment-là, oui. Ce serait

23 saugrenu de ma part de dire qu'on ne peut pas lui attribuer une

24 responsabilité au titre de l'Article 7 (3). Ce n'était pas le cas dans ces

25 conditions. Ce que je conteste dans le jugement de première instance, c'est

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1 qu'ils ont qualifié M. Naletilic de commandant en chef sans disposer des

2 éléments de preuve pour indiquer qu'effectivement, il était commandant en

3 chef.

4 Je souhaiterais -- enfin, je ne vais pas répéter ce que j'ai déjà dit, mais

5 je souhaiterais vous renvoyer à l'élément moral pour Ljubuski et Mostar à

6 ce que je vous ai dit à ce sujet. Tout ceci nous indique qu'il ne pouvait

7 pas savoir. Il n'avait pas raison de savoir de ce qui se passait. Ceci nous

8 indique quoi ? Ceci nous indique qu'il n'était pas le type de commandant en

9 chef dont il a été qualifié par la Chambre de première instance.

10 J'espère avoir répondu à votre question.

11 M. LE JUGE GUNEY : Merci.

12 M. HENNESSY : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

13 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Maître Hennessy.

14 Maître Meek.

15 M. MEEK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Messieurs

16 les Juges. Je voudrais revenir très brièvement sur la question qui a été

17 posée par M. le Juge Guney à

18 M. Hennessy. Je crois que, si on regarde le jugement de première instance

19 et les comptes rendus d'audience, on voit que le charisme de M. Naletilic

20 dans la zone de Herzégovine qui est visée à l'acte d'accusation - donc,

21 ceci ou ce charisme, et cetera - cela découle de sa participation aux

22 activités du HVO 1992, quand les Bosniens, les Croates, quand les Musulmans

23 et les Croates combattaient côte à côte contre l'agresseur serbe dans la

24 vallée de la Neretva. Ils ont repoussé les Serbes. Ils les ont chassé de

25 Mostar et des éléments de preuve ont été produits dans ce sens et la

Page 112

1 Chambre de première instance a d'ailleurs évoqué ces opérations. En

2 conséquence,

3 M. Naletilic est devenu une sorte de légende. Les témoins à charge l'ont

4 d'ailleurs mentionné. D'autres témoins nous ont expliqué qu'il était une

5 sorte de mythe. Que tout le monde avait entendu parler

6 M. Naletilic, alias Tuta, et que ceci c'était le résultat des opérations de

7 juillet, août, du HVO, en 1992, juillet, août 1992, opérations auxquelles

8 avaient participé aussi bien les Musulmans que les Croates de Bosnie-

9 Herzégovine qui avaient chassé l'agresseur serbe pendant cette période.

10 D'ailleurs, nous y reviendrons sur ce point quand je parlerai des

11 circonstances atténuantes, peut-être, pas ce matin. En tout cas, ce sont

12 les faits dont ont été saisis la Chambre de première instance et des faits

13 totalement incontestés. La Chambre de première instance, cependant, a

14 conclu qu'il ne s'agissait absolument de circonstances atténuantes. Elle a

15 conclu qu'il n'y avait aucune circonstance atténuante. S'agissant de M.

16 Naletilic, j'y reviendrai cet après-midi. Je vois que nous disposons

17 également d'une heure demain, divisée en deux demi-heures.

18 Donc, je vais maintenant me présenter. Je suis avocat du Kansas, de Baxter

19 Springs. Je m'appelle Chris Meek, et j'ai le privilège d'avoir commencé à

20 intervenir dans l'intérêt de

21 M. Naletilic au cours du procès qui a commencé le 10 septembre 2001 et qui

22 s'est terminé le 31 octobre 2002.

23 C'est un privilège pour moi que d'être ici aujourd'hui, de prendre la

24 parole devant vous au sujet des moyens d'appel que nous avons soulevés.

25 Nous estimons qu'il y a de nombreux moyens d'appel, de nombreuses questions

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1 qui se posent, des questions importantes.

2 Comme l'a indiqué Mr Hennessy, j'ai l'intention de parler du travail

3 illégal, le projet du canal. Comme on a appelé, je voudrais également

4 parler de la question également des pillages, à Mostar. J'interviendrai

5 également sur les dossiers perdus du Tribunal de Mostar, ainsi que sur la

6 question du cumule, l'erreur qui a été commise par la Chambre de première

7 instance. La question du mandat de perquisitions, les dépositions de Falk

8 Simang et, en particulier, de Ralf Mrachacz. Les deux témoins allemands qui

9 ont déposé devant le Tribunal.

10 Nous pensons que la Chambre de première instance s'est appuyée sur

11 deux éléments de preuve, sur les pièces P704, tristement célèbre comme

12 dirais-je, pièce P704, la liste des membres du Bataillon disciplinaire. Une

13 liste non signée qui a été saisie à la coopérative de tabac de Siroki

14 Brijeg, qui a été utilisée de manière généralisée par l'Accusation après

15 avoir été versée au dossier, contrairement aux objections de la Défense,

16 objections soulevées relatives à la perquisition. Il y a également le

17 journal de Rados dont a parlé M. Hennessy, puis la déposition de Falk

18 Simang. Cela j'y reviendrai. Je parlerai également de l'autre témoin

19 allemand, Ralf Mrachacz. Mais, peut-être, un peu moins longuement.

20 Comme Mr Hennessy l'a indiqué, il y a un chevauchement entre tous ces

21 éléments, excusez-moi.

22 [Le conseil de la Défense se concerte]

23 M. MEEK : [interprétation] Je reviendrai à la pièce 704 dans quelques

24 instants.

25 La Chambre de première instance a déclaré M. Naletilic coupable du

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1 chef 5, travail illégal en violation des lois ou coutumes de la guerre au

2 terme de l'Article 3 du Statut, et ceci, en rapport avec le creusement

3 d'une tranchée, une tranchée creusée à proximité du domicile de Tuta à

4 Siroki Brijeg en Bosnie-Herzégovine.

5 Au paragraphe 322 du jugement, la Chambre a conclu à très juste titre

6 qu'il y avait des éléments de preuve contradictoires à ce sujet et elle a

7 dit qu'elle n'était pas convaincu que cette tranchée avait un objectif

8 privé, à savoir, l'installation d'un réseau de distribution d'eau pour la

9 villa. Nous sommes d'accord, mais il faut savoir qu'ici on en revient au

10 caractère très vague de l'acte d'accusation à l'imprécision de l'acte

11 d'accusation, problème qui surgit à nouveau dans tout le procès, et dans la

12 présentation des moyens à charge, les témoins qui sont venus déposer au

13 sujet de ce canal ont tous dit qu'on leur avait dit que cette creuse --

14 tranchée était creusée pour raccorder la villa comme on l'appelait au

15 réseau de distribution d'eau.

16 Un autre témoin, NH ou Ni, nous a dit finalement que la maison Tuta

17 c'était une maison tout à fait banale et que la moitié des maisons de

18 Siroki Brijeg étaient plus belles et plus grandes que cette maison. Donc,

19 ce n'était pas absolument pas une villa mais peu importe.

20 Ce qui est important, c'est que tout au cours du procès avec

21 l'imprécision de l'acte d'accusation nous n'avons jamais su exactement de

22 quoi on nous accusait. Dans l'acte d'accusation, nous avons été condamné

23 d'avoir employé des détenus pour construire une piscine dans la maison -

24 dans la villa de Tuta. La Chambre de première instance a conclu que Tuta

25 n'était pas coupable parce que la fameuse piscine c'était la piscine de la

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1 ville de Siroki Brijeg, elle ne se trouvait pas sur le terrain de mon

2 client.

3 S'agissant du chef 5, travail illégal, la Chambre de première

4 instance nous dit que certains éléments de preuve sont contradictoires,

5 mais pourtant ils déclarent mon client coupable au titre de l'Article 7(3)

6 à titre de supérieur hiérarchique, et elle s'appuie essentiellement sur les

7 dépositions de deux témoins, Témoin CC et Témoin DD.

8 La Chambre de première instance à partir des propos de ces témoin a

9 dit qu'elle était convaincu que Mladen Naletilic savait ou avait raison de

10 savoir que les détenus étaient soumis à des conditions qui étaient

11 susceptibles de rendre ces travaux illégaux.

12 Au paragraphe 325, la Chambre de première instance a conclu que les

13 conditions de travail tombaient -- que les conditions de travail

14 constituaient une relation suffisamment grave du droit humanitaire pour --

15 sous le coup de l'Article 3 du Statut. Ici encore, nous avançons que cette

16 affirmation repose uniquement sur les dépositions des Témoins CC et DD et,

17 si on garde à nouveau avec attention les dépositions de ces témoins, et

18 tous les éléments de preuve présentés en rapport avec ce projet du canal et

19 à la déclaration de culpabilité pour travail illégal, on voit qu'il n'y a

20 aucun élément qui indique la participation directe ou la responsabilité

21 pénale de M. Naletilic au titre de l'Article 7(1). On a conclu qu'il

22 s'était rendu sur le chantier à plusieurs reprises, on l'avait vu parler

23 avec les gardes alors que les prisonniers travaillaient. Cela figure au

24 paragraphe 326 du jugement.

25 Si on examine avec attention tous les éléments de preuve du dossier,

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1 tous les éléments de preuve qui ont été utilisés pour arriver à cette

2 conclusion, on voit que la Chambre de première instance ne dit mot -- sans

3 aucune explication, ne dit mot, de tous les éléments présentés par les

4 témoins à décharge -- deux témoins à décharge, NH et NI, la Chambre n'en

5 parle pas. En résumé, la Chambre de première instance a déclaré M.

6 Naletilic coupable au titre de l'Article 7(3) simplement parce que la

7 maison dans laquelle il résidait à Siroki Brijeg, malheureusement pour lui,

8 malheureusement pour M. Naletilic, cette maison se trouvait à 400 ou 500

9 mètres de l'endroit où était creusé la tranchée. L'Accusation a présenté sa

10 thèse de manière confuse en nous disant que cette tranchée était creusée à

11 la colline par les détenus pour rattacher la maison de Tuta au réseau de

12 distribution d'eau. Non, et finalement on a trouvé que ce n'était pas le

13 cas, on a conclu que ce n'était pas le cas et la Chambre de première

14 instance a d'ailleurs conclu dans ce sens.

15 Mais les témoins NH et Ni ont tous deux déposés, en particulier, NI,

16 qui était un interprète. Donc, il était interprète, donc, au sein de la 1ère

17 Brigade Siroki Brijeg, on lui a demandé d'aller voir les détenus, de leur

18 parler à la coopérative de les détenus qui se trouvaient là, on leur

19 demande s'il y avait, d'aller voir s'il y avait là des volontaires près à

20 participer au creusement du canal ou de la tranchée.

21 Il a déposé en disant qu'il n'y avait pas de mauvais traitement, M.

22 NI a dit qu'aucun détenu n'a été forcé à travailler, que, généralement, il

23 y en avaient dix à 15 qui allaient travailler chaque jour, NI a observé ou

24 a pu voir ces détenus pendant quelques six semaines. Il a dit qu'il veut y

25 arriver le matin qu'il faisait une pause à midi, qu'il revenait l'après-

Page 117

1 midi et qu'ils ont coupé les buissons environnants, dégagés toute sorte

2 d'éléments, enfin procédé à des travaux de terrassement. Il a dit qu'ils

3 avaient à manger les mêmes ratios qu'on distribue au soldats du HVO et que

4 cela venait du messe où étaient préparés les repas que les détenus

5 recevaient des cigarettes, parfois on donnait même de la bière. Il a dit

6 qu'il ne faisait pas très chaud, que généralement les gens pouvaient faire

7 une pause en milieu de journée.

8 Il a dit qu'à l'endroit où les travaux avaient commencé il était

9 impossible de voir la maison de M. Naletilic, on ne pouvait voir aucune

10 maison à partir de cet endroit.

11 Est-ce qu'on pourrait passer à huis clos pour quelques instants, je

12 vous prie -- huis clos partiel, excusez-moi ?

13 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, huis clos partiel.

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

15 [Audience à huis clos partiel]

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 [Audience publique]

Page 118

1 M. MEEK : [interprétation] Merci beaucoup.

2 Quelques mot au sujet du projet du canal encore, le témoin NH nous a dit

3 qu'au cours de l'été de 1973, il connaissait indirectement M. Martin Garrod

4 qui travaillait au sein du Bataillon britannique en Herzégovine, à

5 l'époque. Il a indiqué que lui-même et M. Martin Garrod avaient eu une

6 conversation et il avait demandé à Martin Garrod ce qu'il fallait faire

7 avec certains détenus. Qu'est-ce que ce qu'on pouvait faire de ces

8 détenus ? On ne pouvait pas les laisser à ne rien faire toute la journée et

9 Martin Garrod, qui était un témoin à charge, lui a dit que ce serait bien

10 de donner quelque chose à faire à tous ces gens pour que la journée passe

11 plus vite sans du moment que l'on ne portait pas atteinte à leurs droits

12 fondamentaux à leurs droits humains.

13 Garrod a dit à ce témoin que les prisonniers ne pouvaient pas être

14 contraints à travailler, mais qu'ils pouvaient travailler s'ils le

15 souhaitaient. Le témoin a confirmé que les détenus voulaient travailler et

16 il a confirmé qu'on leur avait donné des rations plus importantes,

17 notamment.

18 Le Témoin BB, note 873 du jugement, s'agissant de ce témoin, nous avançons

19 qu'un Juge du fait raisonnable ne peut conclure au-delà de tout doute

20 raisonnable que Tuta était coupable au titre de l'Article 7(3) pour un

21 travail illégal, pour deux raisons. Premièrement, ces témoins qu'est-ce

22 qu'ils ont dit, ils ont dit : "Pour l'essentiel, on nous a contraints à

23 travailler, la Chambre de première instance a conclu que ce type de travail

24 n'était pas forcément illégal, mais que vu les conditions de travail, les

25 conditions très difficiles, ce travail était illégal. Or, nous, nous

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1 estimons que tous ces témoins, qu'est-ce qu'ils nous ont dit ? Ils nous ont

2 dit, on nous emmenait travailler à 8 heures, on nous ramenait à la maison,

3 enfin, on nous ramenait à 5 heures, on nous donnait à manger, il faisait

4 chaud. C'était l'été en Bosnie. Il faisait chaud. Bon, voilà, tout."

5 Alors, à supposer, sans le reconnaître, sans l'admettre -- à supposer que

6 ceci soit assez grave pour donner lieu à une accusation de crimes de

7 guerre, à supposer que cela soit le cas, nous voudrions savoir où sont les

8 éléments de preuve nous montrant que M. Naletilic avait des informations

9 particulières et précises au sujet des conditions de travail ou au sujet de

10 ses subordonnées qui exigeaient ces travaux forcés. Les gardes de Siroki

11 Brijeg, les Domobrani des Siroki Brijeg et la municipalité, ce sont eux qui

12 ont organisé ces travaux; ce n'est pas le Bataillon des Condamnés. A

13 supposer sans l'accepter que M. Naletilic fût une sorte de commandant en

14 chef qui exerçait un contrôle effectif, nous estimons qu'aucun Juge du fait

15 raisonnable ne devrait confirmer cette déclaration de culpabilité.

16 Pourquoi ? Parce que, dans les dossiers, vous n'avez rien, vous n'avez

17 aucun élément nous indiquant que M. Naletilic était informé de ce fait, à

18 l'exception du Témoin BB ou DD qui dit : "On nous faisait monter dans

19 l'autocar, on allait partir, j'ai vu le chauffeur de l'autocar parler à M.

20 Naletilic à 15 mètres de là, je n'ai pas entendu ce qu'ils se disaient."

21 Puis, nous avons CC qui nous dit qu'il a vu Tuta une ou deux fois pendant

22 la période de six semaines pendant laquelle a eu lieu ce chantier.

23 DD a embelli sa déposition s'agissant de cette journée où il a vu Tuta,

24 dans sa première déclaration il a dit que Tuta était en civil quand il a

25 répondu aux questions de l'Accusation en 1996, alors que, quand il est venu

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1 déposer dans le prétoire, il a dit que Tuta était en uniforme quand il l'a

2 vu. Donc, il a modifié et embelli sa déposition, on ne peut pas y ajouter

3 foi.

4 Mais ce qu'a fait la Chambre de première instance, c'est qu'elle a fait une

5 déduction, elle a déduit que, de ce fait, Tuta savait ce qui se passait.

6 Alors, le simple fait de voir Tuta aux alentours du chantier, cela n'a

7 aucune importance, aucune pertinence. On peut tout à fait imaginer que

8 n'importe qui, à Siroki Brijeg, soit passé à côté de ce chantier pendant

9 que les détenus y travaillaient.

10 Qu'est-ce que Tuta aurait pu savoir pour le rendre coupable au titre de

11 l'Article 7(3) ? Est-ce qu'il y a des preuves suivant lesquelles M.

12 Naletilic connaissait ce qu'on leur demandait de faire ? Absolument aucun

13 moyen de preuve. Est-ce qu'il y a des éléments de preuve avancés suivant

14 lesquels M. Naletilic savait quelles rations étaient données aux détenus

15 qui travaillaient ? Non. Est-ce qu'il y avait des éléments de preuve

16 suivant lesquels M. Naletilic savait si ces personnes s'étaient portées

17 volontaires pour travailler ou étaient contraintes de travailler ?

18 Absolument pas. La seule chose véritablement que M. Naletilic pouvait

19 savoir, en supposant, bien entendu, que les témoins ont dit la vérité, les

20 témoins CC, BB, DD est que M. Naletilic, lorsqu'il a vu des détenus qui

21 s'apprêtaient à monter dans un bus, savait au moins si la température était

22 élevée ou n'était pas élevée, fondamentalement, c'est tout qu'il pouvait

23 savoir. La Chambre de première instance l'a déclaré coupable au titre de

24 l'Article 7(3) et la Chambre de première instance l'a fait à partir de

25 déductions.

Page 121

1 Nous allons revenir à la charge à ce sujet. Parce que nous indiquons que la

2 Chambre de première instance après la requête au titre de l'Article 98 bis,

3 parce que la Chambre de première instance s'est demandée s'il y avait

4 culpabilité. Ce qu'elle a fait, c'est qu'elle a retenu les éléments de

5 preuve qui étaient les plus favorables à l'Accusation, alors qu'en fait,

6 nous pensons que la norme juridique pendant cette phase est que les Juges

7 du fait doivent, lorsqu'il y a divergence entre les éléments de preuve,

8 considérer les éléments de preuve de la façon la plus favorable à l'accusé,

9 ce qu'ils n'ont pas fait.

10 En un mot, commençant -- je sais que nous sommes sur le point d'avoir une

11 pause, mais ils n'ont pas -- en fait, je pense que ce qu'ils ont fait,

12 c'est qu'il n'y avait absolument aucune preuve suivant laquelle Tuta était

13 en mesure d'exercer un contrôle effectif sur ces hommes ou était en mesure

14 de savoir ce qui se passait, hormis, le fait ou l'incident ou les deux

15 incidents à propos desquels il a été question de la température très

16 élevée. Je pense que, pour ce qui est du reste, cela est dénué de

17 fondement. Je pense que la Chambre lorsqu'elle a prononcé son jugement a

18 véritablement essayé de trouver cette culpabilité au titre de l'Article

19 7(3).

20 Je vous remercie.

21 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie, Maître Meek.

22 Avez-vous des questions ? Non.

23 Nous allons faire cette pause, et nous reviendrons dans une demi-heure à 10

24 heures 20. A 11 heures 20.

25 --- L'audience est suspendue à 10 heures 50.

Page 122

1 --- L'audience est reprise à 11 heures 23.

2 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous allons poursuivre l'audience

3 relative à l'appel de M. Naletilic, nous allons avoir la réponse de

4 l'Accusation qui a une heure et demie pour sa réponse.

5 M. MEEK : [interprétation] Pendant la pause, mon client a souhaité

6 présenter une demande, demande que la Chambre d'appel pourra considérer

7 d'ici à demain. On lui a accordé 15 minutes pour présenter une déclaration

8 et il souhaiterait avoir un peu plus de 15 minutes, si cela est possible.

9 Il nous a indiqué qu'il pense que Martinovic ne va utiliser que sept

10 minutes de son temps de parole. Donc, mon client m'a demandé de vous

11 transmettre ce message afin qu'il puisse bénéficier de 20 à 25 minutes de

12 temps de parole demain.

13 Je souhaiterais également dire que je souhaiterais aborder d'autres

14 éléments cet après-midi.

15 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] La Chambre d'appel envisagera

16 cela lorsqu'elle donnera le programme pour demain.

17 Monsieur Kremer, vous avez la parole.

18 M. KREMER : [interprétation] En réponse aux observations faites par

19 Me Meek, qui a indiqué qu'il voulait poursuivre la présentation de ses

20 arguments cet après-midi, cela nous pose un problème et j'espère que cela

21 vous posera un problème également à vous, Madame et Messieurs les Juges,

22 parce que cela ne me donnera pas la possibilité de réagir aux éléments

23 soulevés ce matin. J'espère que la réponse qu'il fera sera une réponse qui

24 portera sur les nouveaux éléments que j'aurai soulevés.

25 Pour ce qui est de la responsabilité du supérieur hiérarchique qui a

Page 123

1 été abordée par Me Meek ce matin, je peux vous indiquer que je vais aborder

2 le thème du pouvoir hiérarchique et du commandement, de l'élément moral, du

3 manque de précision de l'acte d'accusation, ainsi que du mandat de

4 perquisition. Mon collègue, M. Wirth, s'occupera du journal de Rados, de la

5 déposition du témoin, Simang, ainsi que du travail forcé et des sévices

6 imposés aux prisonniers.

7 Pour ce qui est de la responsabilité du supérieur hiérarchique, nous

8 pensons que suffisamment de preuves ont été avancées pour indiquer que

9 Mladen Nalelitic était le véritable commandant et le commandant effectif du

10 KB. Dans son jugement, la Chambre de première instance, au paragraphe 82,

11 fait état du KB et en fait état jusqu'au paragraphe 175. Aux paragraphes

12 160 à 163, il est question du rôle de M. Martinovic dans la structure de

13 commandement et pour ce qui est de l'ATG Vinko Skrobo qui est une sous-

14 unité du Bataillon disciplinaire.

15 La différence entre un commandant opérationnel et un commandant en

16 chef, différence à laquelle a fait référence Me Hennessy au début de ses

17 observations, a été sortie du contexte parce qu'il fait référence au mot

18 commandant opérationnel, au paragraphe 96, dans la deuxième phrase. La

19 Chambre de première instance parle du fait qu'Ivan Andabak a assumé le rôle

20 de commandant opérationnel à Siroki Brijeg et au KB de Siroki Brijeg et

21 qu'être le commandant opérationnel de cette unité ne signifie pas et ne

22 doit pas être considéré comme signifiant que le commandement opérationnel

23 de cette unité n'était pas de la responsabilité de M. Andabak.

24 Ce qui est important, c'est que les témoins de la Défense, les

25 témoins à décharge ont suggéré qu'une autre personne était également le

Page 124

1 commandant opérationnel, en sus de M. Andabak pour le KB de Siroki Brijeg.

2 Mais le commandant en chef du KB, M. Naletilic avait un bureau à la

3 coopérative de tabac à Siroki Brijeg. Il faut également savoir que pour ce

4 qui est des moyens de preuve, vous verrez à la note en bas de page, de la

5 note 207 à 491 qu'il est fait état des éléments de preuve qui font

6 référence à la constatation suivant laquelle le Bataillon disciplinaire

7 était contrôlé par Mladen Naletilic et il était le commandant en chef et le

8 véritable commandant et ce, à des fins opérationnelles et pour ce qui était

9 des situations relatives à des opérations qui ont été menées contre

10 différents endroits de la région de Mostar.

11 Pour ce qui est maintenant de la responsabilité du supérieur

12 hiérarchique, l'appelant indique que si nous devions examiner les dossiers,

13 nous pourrions être sceptiques à propos de la constatation ou la conclusion

14 portant sur la responsabilité du supérieur hiérarchique parce que cela se

15 fonde quasiment et essentiellement sur la pièce à conviction 704, qui est

16 la liste des membres du KB, liste dressée en novembre 1993. Cela s'est

17 fondé également sur la déposition de Falk Simang ainsi que le journal de

18 Rados qui correspond à la pièce à conviction 928. Il faut savoir que dans

19 les paragraphes 92 à 175 dans le jugement de la Chambre de première

20 instance, il est indiqué que cela n'est pas exact car il y a, en fait, un

21 malentendu pour ce qui est du poids accordé à ces documents et qu'il y a

22 d'autres témoins autres, hormis Falk Simang, qui sont venus témoigner à

23 propos de la responsabilité du supérieur hiérarchique, responsabilité qui a

24 été exercée par M. Naletilic. Il faut savoir que le compte rendu d'audience

25 est truffé en quelque sorte de documents qui confirment la responsabilité

Page 125

1 de commandement qui était exercée par M. Naletilic dans la pratique. Si

2 l'on examine avec circonspection les notes en bas de page qui sont

3 relatives à la pièce 704, la Chambre de première instance n'a pas utilisé

4 ces références, la référence de la liste des soldes de novembre pour

5 confirmer que ces personnes étaient membres du KB avant cette date. Ils ont

6 utilisé la référence pour confirmer qu'ils étaient toujours membres du KB

7 en jour-là, mais il y a d'autres témoignages présentés par d'autres témoins

8 qui ont indiqué que ces personnes étaient membres du KB au moment où les

9 crimes ont été commis. Si l'on examine les notes en bas de page qui font

10 référence au KB et, notamment, aux différentes personnes, notes en bas de

11 page qui commencent avec le paragraphe 96 et qui vont jusqu'à et qui

12 incluent également le paragraphe 115. Les notes en bas de page font état de

13 référence à des témoins, à des documents et parfois, occasionnellement, à

14 la liste des soldes pour confirmer que la personne en question était

15 toujours membre de l'unité en novembre 1993.

16 Donc, une analyse méticuleuse du jugement de la Chambre de première

17 instance va à l'encontre de ce qui a été avancé par l'appelant, à savoir,

18 la Chambre de première instance n'a pas utilisé à bon escient la pièce à

19 conviction 704 pour pouvoir déduire la culpabilité, pour pouvoir déduire

20 l'incorporation de ces personnes au moment où les crimes étaient commis. En

21 fait, cela ne correspond pas à la réalité. Cela a été utilisé pour

22 confirmer les preuves suivant lesquelles les témoins ont témoigné que les

23 membres du KB ont commis les crimes, y compris M. Naletilic. Ils ont

24 utilisé le document pour confirmer que ces personnes étaient toujours

25 membres du KB en novembre 1994.

Page 126

1 Cela confirme également la structure de l'unité en novembre 1994 qui

2 recoupe d'ailleurs la structure de l'unité présentée par les dépositions de

3 plusieurs témoins qui ont témoigné à ce sujet.

4 Pour ce qui est de la responsabilité du supérieur hiérarchique, un témoin

5 indépendant, mentionné ce matin par Me Meek, Sir Martin Garrod, a témoigné

6 à propos de la responsabilité du supérieur hiérarchique, la responsabilité

7 de M. Naletilic. Il a indiqué de façon très claire, que lorsqu'il a

8 rencontré M. Naletilic, il s'était présenté comme le commandant et il a eu

9 l'impression qu'il dirigeait le Bataillon disciplinaire. En fait, on lui a

10 dit qu'il s'occupait du Bataillon disciplinaire et il avait l'impression

11 qu'il avait une responsabilité importante dans la région.

12 Pour ce qui est du journal de Rados, si vous prenez les notes en bas de

13 page qui font référence à la structure du Bataillon disciplinaire, le

14 journal de Rados n'a pas véritablement été très utile pour déterminer la

15 structure du bataillon, pour déterminer quels étaient les membres du

16 bataillon et quelle était la responsabilité de M. Naletilic. En fait, le

17 journal de Rados ne fait que corroborer les éléments de preuve avancés par

18 les témoins, et il a été utile pour la Chambre de première instance car il

19 lui a permis de confirmer la déposition, et il lui a permis également de

20 comprendre ce qui s'était passé entre certains événements à propos desquels

21 les témoins n'avaient pas déposé, mais il faut savoir que ces détails n'ont

22 pas beaucoup d'importance pour ce qui est des constations et des

23 conclusions qui sous-entendent des déclarations de culpabilité.

24 Pour ce qui est de Falk Simang, si nous examinons la déposition de Falk

25 Simang, nous verrons qu'il s'agissait d'un témoin crédible, et mon collègue

Page 127

1 s'exprimera sur cette question. Je voudrais tout simplement dire à titre

2 d'analyse des notes en bas de page qui font référence à la responsabilité

3 du supérieur hiérarchique, que Falk Simang n'est pas souvent mentionné dans

4 ces notes en bas de page, la déposition d'autres témoins a été retenue. En

5 règle générale, lorsque l'on prend les notes en bas de page, Falk Simang

6 fait partie des multiples témoins qui ont déposé à propos des mêmes

7 événements. Donc il y a suffisamment de moyens de preuve qui confirment

8 qu'il y a eu crime, et il est indiqué que Falk Simang est un témoin qui est

9 a témoigné sur ce qui se passait à propos de ces événements en tant que

10 personne faisant partie de la structure.

11 Pour ce qui est maintenant de la question numéro cinq, à savoir

12 responsabilité du supérieur hiérarchique pour les événements de

13 Sovici/Doljani, il est suggéré que le rôle ou que la responsabilité de la

14 Brigade du HVO, Stjepan, n'est pas un facteur important qui a déterminé le

15 rôle de Naletilic par rapport aux différents soldats déployés pour

16 l'opération de Sovici/Doljani. Nous indiquons que les éléments de preuve

17 sont accablants, notamment, les preuves documentaires, et la Chambre de

18 première instance, au vu de tout cela, a estimé -- a constaté que M.

19 Naletilic était responsable des incidents de Sovici/Doljani, et cela est

20 expliqué de façon clair et incontestable. Je fais référence brièvement à

21 certains des documents, et nombreux de ces documents ont d'ailleurs été

22 utilisés par la Chambre de première instance pour corroborer et pour étayer

23 les constatations et les conclusions de la Chambre de première instance. Je

24 dirais que, dès le 15 avril 1993, trois jours avant l'opération contre

25 Sovici, nous avons la pièce à conviction P299.1, qui correspond à un ordre

Page 128

1 dans lequel il est déclaré que conformément à l'accord conclu avec le

2 commandent de la zone sud-ouest de la communauté HZ, le brigadier Miko

3 Lasic avec M. Naletilic, Tuta, qui représente l'état-major général, le

4 colonel Ivan Andabak, je donne l'ordre suivant, il s'agit d'une équipe de

5 reconnaissance et d'une section qui vont être déployées à un endroit à

6 Sovici le 15 avril 1993.

7 Il est manifeste qu'il faisait partie de l'attaque, et dans le rapport

8 suivant qui est adressé au poste de commandement avancé, il s'agit d'un

9 rapport adressé à la Brigade du HVO Kralj Tomislav, il s'agit de la pièce

10 P301.1 et dans cette pièce des détails sont apportés, il s'agit des étapes

11 préliminaires à l'attaque Sovici/Doljani. A la page 2, il est question de

12 la coordination effectuée avec Tuta qui a été effectuée et ce afin de

13 positionner certaines unités au niveau de l'Unité de Posusje de Sovicka

14 Vrata. C'est encore plus symptomatique, d'ailleurs, vous avez le document

15 auquel a fait référence la Chambre de première instance au paragraphe 130

16 du jugement, il s'agit d'un document confidentiel qui a été cité, et qui

17 indique -- et qui montre que l'offensive est dirigée par une personne qui

18 exerce une influence politique, économique et militaire considérable, une

19 personne, qui hélasse des signatures et des traités politiques et qui, par

20 conséquent, ne souhaite pas maintenir l'accord de cessez-le-feu, conclut

21 entre eux, l'ABiH et le HVO. Cette personne est appelée Tuta et a choisi

22 deux collaborateurs qui étaient avec lui dans l'opération, Bura, à savoir,

23 Ivan Andabak et le général de brigade Miko Lasic.

24 Le 7 mai, un rapport a été envoyé à la Brigade Herceg Stjepan, rapport qui

25 fait état des événements relatifs à Sovici, et l'auteur du rapport, Blaz

Page 129

1 Azinovic, indique au milieu de la pièce P368 : "Que sur ordre de Vlado

2 Seric, le commissaire de M. Tuta, le transport des prisonniers du plateau

3 de Sovicka Vrata, avec les civils, les femmes et les enfants, a commencé

4 aux alentours de 16 heures le 5 mai 1993. En présence de M. Vlado, ils ont

5 été emmenés sous bonne garde dans des bus qui les entendait."

6 Au paragraphe suivant, c'est le paragraphe essentiel : "Pendant toute

7 l'opération," - et il s'agit du 17 avril et 18 avril - "le comportement de

8 notre armée a été circonspect, ce qui fait que nous n'avons pas eu de

9 soldats morts ou blessés." Voilà la phrase importante : "M. Tuta a commandé

10 l'opération générale dans la zone à Risovac, Sovici et à Doljani, dont les

11 troupes ont également été positionnées telle que, par exemple, le KB, les

12 Grdani, les artilleurs de Posusje, et d'autres que je ne connais pas très

13 bien."

14 Ce document illustre, en fait, que si M. Naletilic avait une responsabilité

15 en tant que supérieur hiérarchique et la Chambre de première instance a

16 constaté cela pour l'opération de Sovici et les témoins ont également

17 confirmé ce fait.

18 Vous pouvez consulter le témoignage du Témoin E, à la page

19 4 513. Vous pourrez également consulter la déposition de

20 M. Mrachacz, à la page 2 698, qui confirme que c'était Tuta qui dirigeait

21 les réunions, ou utilisait ses adjoints pour le faire. Vous voyez que les

22 ordres d'utiliser les Bofors qui sont venus de Tuta; cela se trouve à la

23 page 2 729. Le Témoin RR, à propos de l'attaque contre Sovici, a dit : "Je

24 savais que c'était Tuta qui nous attaquait parce que Dzemal Ovnovic avait

25 dit que Tuta l'avait appelé pour qu'il se rende et qu'ils allaient tous

Page 130

1 nous capturer. Il a dit qu'il fallait nous rendre et nous donner à Tuta."

2 Cela se trouve à la page 2 730.

3 Il y a d'autres documents que je peux énumérer qui confirment tous que M.

4 Naletilic était le commandant des ATG et du Bataillon disciplinaire. J'en

5 ai pour preuve la pièce 418, qui correspond à un ordre donné par M.

6 Naletilic, qui autorise Stipo Polo : "A avoir ou à exercer le contrôle pour

7 prévenir toutes activités criminelles dans les régions de Doljani, de

8 Sovici, de Risovac et qui lui confère le droit de les arrêter et de les

9 liquider, et il indique qu'il faut prêter une attention particulière aux

10 vols de bétail."

11 Si M. Natelicic n'exerçait pas le contrôle, ce document n'aurait aucun

12 sens.

13 Puis, il y a d'autres documents. Tel que la pièce P474. La pièce 470, qui

14 est un rapport qui suggère que les hommes de Tuta ont participé à une

15 action -- une opération, en particulier. Vous avez également la pièce 548,

16 du mois de juillet 1993, dans laquelle il est indiqué que Bruno Stojic, le

17 chef du département de la Défense pour la Bosnie-Herzégovine, loue toute

18 une série de groupe pour leur vaillance, leur courage, leur disponibilité

19 au combat et qui a été montré dans les batailles couronnées de succès de

20 Gornji Vakuf et autour de Gornji Vakuf est indiqué : "Je loue publiquement

21 le Bataillon disciplinaire dirigé par Tuta."

22 Donc, il est absolument indubitable que M. Naletilic était bel et bien le

23 commandant du Bataillon disciplinaire pendant toute la période visée par

24 l'acte d'accusation.

25 Finalement, nous avons, à la pièce à conviction 611, autres documents qui

Page 131

1 louent la vaillance et la bravoure : "Extraordinaire qui a été démontrée

2 pendant les combats et pendant les combats à Rastani et les opérations pour

3 obtenir la centrale hydroélectrique de Mostar, là, une fois de plus, le

4 cadet et son commandant, Tuta, sont loués et félicités."

5 La pièce 602 corrobore le fait que les forces de Tuta devaient participer

6 aux attaques menées dans la zone de Mostar qu'ils avaient un rôle spécial à

7 jouer. Le document montre de façon très claire qu'il y a, en fait, de

8 nombreuses preuves qui avancent que le commandant pour les cadets ainsi que

9 pour les ATG était du ressort de M. Naletilic et, par conséquent, c'est la

10 base qui est utilisée pour déduire sa responsabilité en tant que supérieur

11 hiérarchique eu égard au chef relatif aux Articles 7(3). Nous avons

12 également, bien entendu, les dépositions des témoins.

13 Ce matin, Me Hennessy a évoqué le manque de connaissance -- le manque de

14 connaissance à propos de ce qui se passait dans la zone de la prison de

15 Ljubuski et dans la zone de Mostar. Il a également fait état des sévices et

16 passages à tabac qui se sont produits là. Je souhaiterais avancer que le

17 contexte relatif à la connaissance et à la responsabilité et dans un

18 premier temps exprimé dans le jugement, je vous demande une petite minute,

19 je pense que c'est au paragraphe 428, paragraphe qui a fait l'objet de

20 grief. Oui, effectivement, paragraphe 428, la base de la connaissance étant

21 le transport des prisonniers de Sovici à la prison de Ljubuski. Alors, le

22 fait ou la connaissance de M. Naletilic à propos du traitement imposé par

23 ses hommes et pris en considération à propos de l'incident dans le bus,

24 vous vous souviendrez qu'il s'agissait de prisonniers qui ont été passés à

25 tabac, le bus est tombé en panne. M. Naletilic trouve le bus qui a été

Page 132

1 retiré en quelque sorte de l'ornière, il dit à ses hommes de cesser et ils

2 poursuivent ensuite leur chemin.

3 Alors, bien entendu, cela peut être ambiguë ou ambivalent pour ce qui

4 est de l'incidence. Mais, le lendemain, à la ferme piscicole, le 20 avril,

5 M. Naletilic a donné un exemple à ses hommes en passant à tabac,

6 personnellement, des prisonniers qui se trouvaient à la ferme piscicole, et

7 il était présent. Il a observé comment ses hommes faisaient subir des

8 sévices à des hommes, à la ferme piscicole, et cela a, en quelque sorte,

9 donné le temps au corps pour la poursuite des sévices imposés par les

10 membres du [imperceptible] contre les détenus qui se trouvaient dans des

11 centres de détention placés sous le contrôle et le commandement de M.

12 Naletilic. Il ne s'agit pas tout simplement d'un incident, il y a toute une

13 série d'incidents.

14 Je peux donc évoquer l'incident de la ferme piscicole aux paragraphes

15 353 à 369. Il a été passif, il a même encouragé ce faisant, de façon

16 passive et de façon active, ces soldats qui étaient coupables de brutalité.

17 Il y a un incident de Mostar, le 10 mai, paragraphes 374 à 379, M.

18 Naletilic frappe quelqu'un dans la rue à Mostar, et ce, face à ses hommes,

19 et en fait, c'est lui qui, en quelque sorte, inculquait cette culture et --

20 on n'en peut pas tout simplement dire : il faut que vous nous montriez un

21 passage à tabac précis. En fait, il s'agissait d'une culture, d'un

22 environnement, en quelque sorte, de brutalité vis-à-vis des prisonniers, et

23 ces hommes savaient qu'ils n'encourraient aucune punition.

24 Je pense à la coopérative de tabac à l'été 1993, paragraphes 406 à

25 413, et à l'Heliodrom pendant toute la période, paragraphes 429 à 436.

Page 133

1 Tous ces exemples montrent qu'il a passé à tabac, lui-même, des gens,

2 qu'il a observé des sévices perpétrés sur des personnes et qu'il a n'a rien

3 fait pour arrêter ce genre de chose. Les éléments de preuve sont absolument

4 accablants. Il savait ou avait de bonnes raisons de savoir que ses hommes

5 participaient à ce genre de sévices, et en cas de sévices, en cas de --

6 pour ce qui est de ces sévices, pour ce qui est de ces passages à tabac et

7 des tortures, j'indique que pour ce qui est de l'élément moral, les

8 éléments de preuve sont absolument accablants. Nous pouvons, bien entendu,

9 voir tout le comportement, tous les messages qui ont été envoyés et qui ont

10 été utilisés pour étayer les constatations de la Chambre de première

11 instance, et la Chambre de première instance a fait un travail excellent,

12 je dois dire, pour ce qui est de l'analyse de ces éléments de preuve, et

13 pour ce -- lorsqu'elle a abouti à ces constatations.

14 J'aimerais maintenant aborder la question du mandat de perquisition.

15 Notre point de vue est très, très simple. Nous pensons que ce mandat de

16 perquisition est tout à fait valable et les décisions relatives au mandat

17 de perquisition sont des décisions qui ont été prises en bonne et due forme

18 car cela n'a pas permis à la Défense de contester ce mandat de

19 perquisition. Il faut savoir que les garanties pour le procès ont été -- La

20 Chambre de première instance n'a pas seulement pris en considération le

21 mandat de perquisition, mais, également, tous les documents précédents et

22 tous les documents qui y étaient relatifs et a décidé, en fait, que ces

23 documents n'étaient absolument pas utiles. Donc, il y a tout un historique

24 à propos de ce mandat de perquisition.

25 J'aimerais, en fait, aborder la question qui a été soulevée par la

Page 134

1 Chambre. Il s'agit de savoir si le manque de coopération avec les autorités

2 gouvernementales est pertinent. Nous pensons que l'Accusation n'est pas du

3 tout tenue de coopérer avec les pouvoirs locaux pour ce qui est de

4 l'exécution de mandats d'arrêt; c'est le contraire qui est valable. Les

5 autorités doivent prêter leur concours à l'Accusation en cas d'enquêtes de

6 ce style.

7 Donc, il y a une question permanente qui a été évoquée dans notre

8 mémoire. Je ne vais pas en parler car il est indiqué que, dans l'affaire

9 Tadic, il avait été décidé que cela aurait été autorisé même si la décision

10 à propos de Tadic a été prise sur une -- à partir d'un fondement différent.

11 Il n'y a pas de droit international coutumier indiquant que la

12 coopération avec les autorités ou les pouvoirs locaux est requise. Il n'y a

13 pas eu de griefs prononcés de la part du gouvernement de la Bosnie-

14 Herzégovine à propos des mesures que nous avons prises pour ce qui est de

15 faire exécuter le mandat de perquisition en Bosnie-Herzégovine et la

16 Chambre a abouti à une conclusion précise dans -- car elle a indiqué qu'il

17 n'y avait pas suffisamment de preuves qui avaient été avancés pour

18 démontrer qu'un usage excessif de la force avait été utilisé. Par

19 conséquent, ils n'ont pas autorisé que soient exclus les résultats obtenus

20 à la suite de la présentation du mandat de perquisition.

21 Alors, ce qui s'est passé, c'est qu'en fait, il y a eu admission des

22 éléments de preuve du document PPP704, la liste des soldes, nous pensons

23 que le document PP704 est un document pertinent qui a été présenté en bonne

24 et due forme et qui a été également admis en bonne et due forme, et qu'il

25 n'y a aucune raison pour laquelle on puisse exprimer que ce mandat de

Page 135

1 perquisition n'est pas valable, et qu'il n'y pas eu d'iniquité à l'égard de

2 l'accusé -- de l'appelant par le fait que ceci a été admis.

3 Veuillez m'accorder quelques instants, s'il vous plaît. Pour ce qui est de

4 l'acte d'accusation, la question a été posée concernant le caractère vague

5 de l'acte d'accusation. Notre position est claire, l'acte d'accusation

6 n'est pas vague, il était tout à fait approprié par rapport à Mladen

7 Naletilic et l'a tenu informé de toutes les infractions portées contre lui.

8 Les allégations contre lui, conformément aux allégations 7(3) exigeaient

9 qu'il soit tenu informé des infractions qu'on lui reprochait et les faits

10 contre lesquels il devait se défendre.

11 Le chef d'accusation numéro 18, à savoir, transfert forcé, il y a des

12 dates ici, entre le 9 mai 1993 et le mois de janvier 1994. Il s'agit de

13 crimes portant sur le transfert forcé de civils musulmans. L'endroit est

14 précisé et pour ce qui est des passages à tabac, ceci est précisé, les

15 dates sont précisées. Qui ont commis ces passages à tabac ? Ce sont les

16 membres du KB. Où ces passages à tabac ont-ils eu lieu ? Ils ont eu lieu à

17 différents endroits, dans les environs de Mostar. Les passages à tabac et

18 les actes de torture ont été commis à différents endroits par des membres

19 du KB à Mostar, à Ljubuski, à Siroki Brijeg et à d'autres endroits

20 également, hormis ce centre de détention.

21 Nous répondons en disant qu'étant donné l'historique de la procédure,

22 le fait qu'il y ait objection contre l'acte d'accusation, l'appel interjeté

23 à cet égard; l'objection, lorsqu'elle a été rejetée, indique clairement que

24 l'acte d'accusation a été examiné par la Chambre de première instance et a

25 été considéré comme approprié. On n'a pas fait appel devant cette Chambre

Page 136

1 d'appel mais dans le sens où l'acte d'accusation n'est pas considéré comme

2 comportant un vice, que la communication n'a pas été faite en temps et en

3 heures, notre position consiste à dire que pendant le processus préalable

4 au procès, l'Accusation, en particulier, a répondu à ses obligations de

5 dépôt d'écritures conformément au 65 ter et a communiqué, le 18 janvier

6 2000, sa liste de témoins conformément au 65 ter (E) et, le 11 octobre

7 2002, une liste modifiée des témoins conformément à l'Article 65 (E)(iv)

8 communiqué au mois d'août 2001.

9 La liste 65 ter, si vous vous penchez là-dessus et que vous regardez

10 la date du 18 juin de l'an 2000 --

11 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Le Juge Schomburg aimerait vous

12 poser une question, s'il vous plaît. Un instant.

13 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous avez déjà évoqué la

14 question de la précision de l'acte d'accusation par rapport aux actes

15 illégaux de transfert, quelle que soit l'appellation que vous lui donnez et

16 vous avez déclaré que la région a été précisée. D'après vous, les personnes

17 qui étaient responsables, tout ceci a été précisé clairement, mais qu'en

18 est-il du moment où cela s'est produit ? C'est ce que Me Hennessy a indiqué

19 ce matin. Le moment n'est-il pas venu de dire qu'il n'y a eu que deux

20 vagues de transferts éventuels et qu'en est-il de ces incidents qui ont eu

21 lieu, les 13 et 14 juin, et en particulier, à Mostar le 29 septembre 1993 ?

22 Est-ce que ceci a véritablement été couvert par l'acte d'accusation ?

23 M. KREMER : [interprétation] Cela s'est produit entre les dates qui sont

24 alléguées dans l'acte d'accusation. A savoir entre le 9 mai et le mois de

25 janvier 1994, entre ces dates, les allégations portent sur ces transferts

Page 137

1 qui ont eu lieu à ce moment-là. Il y a eu deux vagues. Il y a une vague au

2 mois de mai et une vague de transferts au mois de juillet.

3 Je souhaite apporter votre attention sur la liste 65 ter qui parlait

4 précisément des témoins qui avaient témoigné à l'appui des allégations de

5 l'acte d'accusation.

6 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je souhaite dire quelque chose,

7 lorsque -- il y a deux choses. La première, c'est qu'un témoin fait une

8 déposition et lorsqu'on avertit un accusé de la manière -- ou on l'informe

9 de la manière dont il peut se défendre contre une allégation particulière,

10 est-ce que votre position est bien celle-ci ? Est-ce que vous dites que

11 vous passez de X à Y, une période assez longue de temps s'écoule et vous

12 dites que tous les événements qui se sont produits au cours de cette

13 période sont couverts, en particulier, lorsqu'il s'agit d'un jour en

14 particulier comme le 29 septembre 1993 ? Ne s'agit-il pas là d'une cible

15 mouvante un petit peu, lorsqu'un témoin vient dire quelque chose et dit que

16 quelque chose s'est produit le 29 septembre 1993 et ensuite, vous dites,

17 cela fait partie du cadre temporel sur lequel portent les allégations, donc

18 cela suffit ? Est-ce véritablement votre position ?

19 M. KREMER : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois, il ne

20 s'agit pas d'une cible mouvante, ici.

21 L'accusé a été averti du fait qu'il y a eu des transferts forcés qui

22 ont eu lieu à une période de temps donné pour lesquels il pourrait être

23 tenu pour responsable. Il y a des cadres temporels bien précis, un endroit

24 bien précis qui est cité. Il s'agit ici de savoir combien d'incidents se

25 sont produits et quand ces incidents se sont produits.

Page 138

1 Ces détails, ils peuvent être fournis sous une autre forme. Aucune

2 demande eu égard aux détails n'a été faite. L'accusé, nonobstant le fait

3 qu'ils ont reprochés le caractère vague de l'acte d'accusation, nonobstant

4 ce fait, l'Accusation a remis à l'accusé des informations sur les détails

5 de cet incident sur lequel elle s'est reposée eu égard à ce chef

6 d'accusation. Non seulement l'Accusation a communiqué les éléments

7 d'informations concernant le témoin, mais les faits également dont le

8 témoin parlerait à une date précise et la date des évacuations, des

9 évictions et des transferts, et également, a clairement indiqué de quel

10 chef d'accusation il s'agissait et plus précisément à quels paragraphes ils

11 faisaient référence. Si vous n'estimez pas qu'il s'agit là de tenir

12 suffisamment informé l'accusé de tous les détails nécessaires, de surcroît,

13 la déposition du témoin est citée, toutes ces déclarations de témoins ont

14 été communiquées en B/C/S avant la communication de la liste conformément

15 au 65 ter. Donc, la Défense a disposé de tous les éléments d'information, à

16 savoir les questions qui seraient évoquées lors de la déposition de témoins

17 à l'appui de l'acte d'accusation et de la liste 65 ter. Je crois qu'il ne

18 peut pas s'agir d'un malentendu sur la question du caractère vague.

19 De surcroît, lorsque le témoin évoque les événements des 13 et 14

20 juin et du 29 septembre, l'accusé n'a pas soulevé d'objection en disant

21 qu'il s'agissait d'un fait qui n'était pas pertinent; et elle l'a même

22 contre-interrogé. Donc, il n'y a pas de caractère vague. S'il y a caractère

23 vague, ceci a été corrigé par la suite par d'autres communications.

24 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.

25 M. KREMER : [interprétation] La liste 65 ter de M. Naletilic répond à la

Page 139

1 question si M. le Juge Schomburg pense qu'il y a difficulté eu égard à la

2 précision de détails au niveau des chefs 18, 11 et 12 qui sont relatifs à

3 cet accusé. Je parlerai de M. Martinovic demain.

4 Je souhaite simplement faire un bref commentaire sur la peine, et je

5 passerai ensuite la parole à mon collègue.

6 Dans le prononcé de la peine dans ce Tribunal, il y a un certain nombre de

7 facteurs qui sont pris en compte. La responsabilité des supérieurs

8 hiérarchiques est un élément très important. Dans cette affaire-ci, le fait

9 que M. Naletilic ait été le commandant d'un groupe important d'hommes qui,

10 pendant plusieurs mois, comme le montre les moyens de preuve, cet homme a

11 permis, grâce à sa participation, de terroriser les prisonniers, de

12 terroriser l'ensemble de la communauté et ceci a eu pour conséquence le

13 transfert forcé de centaines de personnes. Cette conduite est sanctionnée

14 comme il se doit par une peine de 20 ans. Il peut estimer qu'il s'agit d'un

15 prononcé de peine très long à la lumière d'autres peines, mais je crois

16 qu'il faut tenir compte du rôle qu'il a joué, il a joué un rôle de chef et

17 a donné l'exemple. Il faut tenir compte du fait que les crimes ont été

18 commis à grande échelle par un grand nombre de ses collègues pour lesquels

19 il a été tenu pour responsable, et il semblerait qu'il y a un manque de

20 remords car il avance toujours malgré ces moyens de preuve accablants qui

21 démontrent clairement que M. Naletilic était responsable. Il avait la

22 responsabilité du supérieur hiérarchique, les crimes ont été commis, il a

23 participé à la commission de ces crimes également, et si vous êtes d'accord

24 pour maintenir cette peine, nous estimons que cela doit être le cas, il

25 peut effectivement présenter des arguments sur des faits raisonnables, mais

Page 140

1 il n'y a aucun fait raisonnable à l'appui de son argument en vertu de quoi

2 il n'assurait pas le commandement. C'est un fait très important ici qui

3 doit être pris en compte par la Chambre de première instance aux fins de

4 maintenir sa peine.

5 Je vais répondre à vos questions si vous le souhaitez.

6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur le Juge Shahabuddeen.

7 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN: [interprétation] Maître, les deux parties nous ont

8 présenté leurs arguments. Vous avez fait référence au commandement

9 opérationnel et au commandement général, mais ne sommes-nous pas en train

10 de chercher un critère peut-être plus fiable, à savoir si M. Naletilic

11 assurait le commandement. Ne devrions-nous pas être en quête d'une norme,

12 que vous êtes en droit de critiquer il est vrai, une norme qui permettrait

13 de savoir si, oui ou non, il assurait le contrôle effectif et qu'il avait

14 cette responsabilité de supérieur hiérarchique. N'est-ce pas là ce que nous

15 devrions rechercher ?

16 M. KREMER : [interprétation] Ecoutez, si vous appliquez le critère du

17 contrôle effectif et sur la base de vos conclusions et ce que vous avez

18 annoncé au début du jugement, ce qui est tout à fait approprié, différents

19 termes ont été utilisés pour évoquer cette structure ou le fonctionnement

20 du KB, mais, en conclusion, la Chambre a constaté que M. Naletilic exerçait

21 un contrôle effectif sur l'ensemble du KB et de toutes les unités.

22 LE JUGE SHAHABUDDEEN: [interprétation] C'est vous qui le dites. Vous

23 collègues néanmoins contestent cela. Il nous faut conclure à cet égard.

24 Veuillez nous dire, s'il vous plaît, ceci : ne diriez-vous pas que

25 vous pouvez utiliser l'expression "général" pour signaler le degré de

Page 141

1 contrôle exercé par quelqu'un et vous pouvez également utiliser ce terme-là

2 pour évoquer l'étendue de ce contrôle.

3 Je sais que je suis peut-être un peu opaque et que cela n'est peut-

4 être pas très clair pour vous, mais je souhaite vous citer un paragraphe

5 que vous avez évoqué vous-mêmes, le paragraphe 129 du jugement qui dit ceci

6 -- est-ce que vous me suivez ?

7 M. KREMER : [interprétation] Oui.

8 LE JUGE SHAHABUDDEEN: [interprétation] Un rapport d'un membre du HVO du 3e

9 Bataillon de Mijat décrit la position de commandant général dans la région

10 de Sovici et Doljani et dans cette opération, celle de Naletilic comme suit

11 : "M. Tuta commandait l'opération pour l'ensemble de cette région, Risovac,

12 Sovici et Doljani." Est-ce qu'on laisse entendre ici qu'on pourrait

13 utiliser le terme de pour "l'ensemble de" pour parler du degré de contrôle

14 exercé ou de l'étendue du contrôle exercé ? A savoir, dans ce cas,

15 l'opération pour l'ensemble de cette région de Risovac, Sovici et Doljani ?

16 M. KREMER : [interprétation] Je crois qu'il s'agit d'une référence élargie

17 par opposition à l'autre.

18 LE JUGE SHAHABUDDEEN: [interprétation] Oui.

19 M. KREMER : [interprétation] Ce chapitre, vous constaterez que la Chambre

20 de première instance est, par conséquent, convaincue que Mladen Naletilic a

21 joué un rôle central eu égard à la responsabilité du commandant supérieur

22 dans la région de Sovici et Doljani qui faisait partie d'une opération plus

23 importante aux fins de prendre la ville de Jablanica.

24 LE JUGE SHAHABUDDEEN: [interprétation] Très bien. Nous avons noté vos

25 arguments et nous y reviendrons.

Page 142

1 M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie.

2 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, ou votre

3 conseil.

4 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

5 M. WIRTH : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges, je

6 m'appelle Steffen Wirth. Ce matin, je vais aborder le quatrième motif

7 d'appel de l'appel de la Défense portant sur le témoin Falk Simang et, très

8 brièvement, je vais faire quelques remarques à propos de la question qui

9 porte sur le fait d'avoir provoqué des souffrances volontairement et je

10 vais parler d'Ivica Kraljevic en particulier et ensuite j'aborderai la

11 question du journal de Rados.

12 Madame, Messieurs les Juges, je vais commencer par le quatrième motif

13 d'appel y compris le témoin Falk Simang et le journal de Rados. La Défense

14 conteste le point de vue de la chambre d'Accusation à propos du témoin Falk

15 Simang dans bons nombres d'exemples. Tous ces points contestés sont évoqués

16 dans notre mémoire en réponse, donc je ne vais pas me répéter aujourd'hui.

17 Mais je propose, dans mon argument, de présenter quelque chose sous un

18 angle plus holistique et plus original. La raison pour laquelle la Chambre

19 de première instance a considéré que le témoin Falk Simang était crédible

20 et qu'il ne s'agit pas d'une erreur ici.

21 Pour ce faire, je vais évoquer cinq facteurs qui, d'après nous,

22 caractérisent le témoignage de Simang.

23 Dans la deuxième partie de mes arguments, je souhaitais aborder les

24 questions qui ont été soulevées par le juriste hors classe, mais nous

25 n'avons rien entendu à ce propos de la part du conseil de la Défense. Je ne

Page 143

1 sais pas si nous allons entendre des arguments sur ce point. Dans le cas où

2 nous recevrons ces arguments, je souhaite pouvoir avoir le temps nécessaire

3 pour y répondre une fois que ceux-ci seront en notre posession.

4 Je vais maintenant évoquer ces cinq facteurs. Madame, Messieurs les

5 Juges, la Chambre de première instance, au paragraphe 26, note en bas de

6 page 48, a estimé que le témoignage de Falk Simang était fiable et

7 cohérent. Nous avançons que les cinq facteurs qui caractérisent son

8 témoignage et qui le qualifie qu'il ne s'agit effectivement pas d'une

9 erreur.

10 Les facteurs sont les suivants : il était là sur les lieux au moment

11 où les crimes ont été commis. La plupart de son témoignage portait ou a été

12 confirmé par d'autres témoignages. Troisièmement, il ne parlait pas la

13 langue. Quatrièmement, il s'est emmêlé avec les dates, et cinquièmement, il

14 a été tout à fait honnête et aurait admis s'il y avait quelque chose dont

15 il n'était pas au courant.

16 Je vais maintenant aborder ces différents facteurs, un par un.

17 Premièrement, il se trouvait sur les lieux à l'époque, au moment où ces

18 crimes ont été commis. Il connaissait la ferme d'élevage de poissons à

19 Doljani. Il connaissait l'Heliodrom à Mostar. Il connaissait le ministère

20 de Mostar à partir duquel Naletilic donnait ses ordres. Il connaissait

21 également les différents acteurs sur le terrain. Il connaissait Naletilic

22 sous le nom du général Tuta. Il connaissait Naletilic et ses subordonnés.

23 Il connaissait leurs surnoms, Lija et Baja, Andabak et Mario Hrkac,

24 surnommé Cikota. Il connaissait -- car il y avait quelqu'un qui traduisait

25 pour lui, Mrachacz.

Page 144

1 Falk Simang avait des connaissances de l'intérieur. Il savait que le

2 KB s'est retiré après la mort de Cikota. Il savait que les Musulmans ont

3 été rassemblés dans le stade de Mostar, et il sait à quelle heure ces

4 attaques ont commencé.

5 Pour finir, Madame, Messieurs les Juges, Falk Simang avait une carte

6 d'identité du HVO, ce qui se trouve sur le compte rendu d'audience

7 référencé sous le numéro P354.1. Cela ne peut pas faire l'ombre d'un doute

8 qu'il s'agissait ici d'un initié qui avait une connaissance de première

9 main dans l'affaire qui le concerne.

10 Deuxième facteur. La plupart des éléments fournis par Falk Simang ont

11 été confirmés par d'autres témoignages. La Chambre de première instance a

12 remarqué ceci à plusieurs occasions. Celles-ci sont citées à la note en bas

13 de page numéro 167 [comme interprété] de notre mémoire en réponse. Par

14 exemple, la Chambre de première instance a remarqué aux paragraphes 28 à 58

15 que dans sa déposition, Saming a dit que le KB s'est retiré de Doljani

16 après la mort de Cikota. Ceci a été confirmé par un autre moyen de preuve,

17 autrement dit, le journal de Rados.

18 La Chambre de première instance a également noté au paragraphe 358

19 que le témoignage portant sur le mauvais traitement brutal des victimes à

20 la ferme d'élevage de poissons à Doljani a été confirmé par Falk Simang.

21 Simang a témoigné que les victimes ont dû se ramper sur le sol en direction

22 d'un abri en bois alors qu'on les rouait de coups et qu'on les passait à

23 tabac. Le même témoignage donné par un témoin indépendant d'être victime de

24 ces passages à tabac. Je vous renvoie au paragraphe 354 du jugement.

25 De surcroît, la Chambre de première instance a noté que le témoignage

Page 145

1 de Falk Simang a dit que Naletilic était le commandant général, a été

2 confirmé entre autres par le témoignage de Ralf Mrachacz, témoignage [comme

3 interprété] Q, et Témoin CC.

4 Le témoignage d'Andabak également, entre autres, le Témoin T, Sir Martin

5 Garrod.

6 La Chambre de première instance a également constaté que le témoignage de

7 Simang était corroboré par d'autres moyens de preuve, entre autres, le

8 témoignage de Témoins U, AB, AC, MG, GG, II, WW et Q. L'étendue de ces

9 témoignages concordant montre que la Chambre de première instance a eu

10 raison de conclure que le témoignage de Simang était crédible et fiable.

11 Troisième facteur. Falk Simang ne parlait la langue du pays. Il sait ce

12 qu'il avait vu. Par exemple, il n'a pas pu voir les logos du HV sur les

13 uniformes. Hormis cela, il connaissait d'autres personnes qui pouvaient lui

14 parler en allemand, comme Zdendko et Naletilic, qui parlaient l'allemand.

15 Ce qui explique la raison pour laquelle Falk Simang ne connaissait pas les

16 noms des unités du HV qui se trouvaient à Mostar, mais était en mesure de

17 dire qu'il y avait effectivement des Unités du HV car il était en mesure de

18 repérer les insignes sur les uniformes.

19 Je vais maintenant aborder le quatrième facteur. Falk Simang était

20 incapable de donner des dates précises, et ce qu'il a dit tout à fait

21 honnêtement : "Je suis en mesure de dire où les choses se sont passées, et

22 comment les choses se sont passées, mais pour ce qui est des dates, je n'en

23 suis pas si sûr des différentes opérations en question."

24 Au compte rendu d'audience, page 3 890. Des déclarations semblables se

25 trouvent aux pages 3 844, 3 856 du compte rendu d'audience.

Page 146

1 Comme nous l'avons indiqué au paragraphe 417 de notre réponse, la Chambre

2 de première instance a fait apprécier une attention particulière à ce

3 facteur en répondant à celle-ci. Elle tenu compte particulièrement des

4 éléments d'information supposés par Falk Simang et des dates qu'il a

5 fournies; par exemple, note en bas de page 426.

6 Pour ce qui est du cinquième facteur. Falk Simang a été tout à fait

7 honnête. Il a, à plusieurs reprises, reconnu qu'il ne savait pas. Par

8 exemple, il a reconnu qu'il ne savait pas qu'une mosquée minée avait

9 explosé par la suite, au compte rendu d'audience, 3 808.

10 Un autre exemple, il a admis qu'il ne savait pas comment les prisonniers de

11 la prison de Ljubuski ont été traités, au compte rendu d'audience numéro

12 3 838, d'autres références 3 809, 3 812 et 3 936.

13 Cette honnêteté de Simang contribue beaucoup à la valeur probante à son

14 témoignage. En conclusion, nous estimons que ces cinq facteurs indiquent

15 quel est la conclusion rendue par la Chambre de première instance à son

16 propos n'est pas une erreur. Il s'agissait véritablement d'un initié. Il y

17 a eu des différents témoignages qui se corroboraient les uns, les autres.

18 Il semble y avoir des lacunes dans la déposition due au fait qu'il ne

19 parlait pas la langue, et qu'il s'en allait complètement au niveau des

20 dates. Pour finir, il était très honnête, et admettait volontiers lorsqu'il

21 ne savait pas quelque chose.

22 Madame, Messieurs les Juges, on conclut, d'après les arguments, qu'il

23 s'agit là du caractère véritable de Falk Simang dans sa déposition. Je ne

24 vais pas d'abord aborder la question de la lettre envoyée du Juriste hors

25 classe, je vais passer directement à ce point suivant : comment il a

Page 147

1 provoqué volontairement une souffrance importante.

2 La réponse ce matin porte, d'après notre loi, sur la torture, qu'il y a des

3 moyens très clairs indiquant quels étaient le degré et la durée de la

4 souffrance imposée au témoin.

5 J'en resterai là puisque je pense que c'est suffisamment clair.

6 Vous nous avez également de nous prononcer sur l'affaire d'Ivica Kraljevic,

7 et notre position à ce sujet, elle est la suivante : pour les raisons qui

8 sont indiquées dans la requête aux fins d'éléments de preuve

9 supplémentaires en faveur de Naletilic, l'Accusation reconnaît que les

10 sévices imposés au Témoin Z dans la prison de Ljubuski n'ont pas été

11 établis véritablement, et ceci figure aux paragraphes 422 et 453 du

12 jugement.

13 S'agissant de l'impact sur le jugement de cette concession, nous noterions

14 à titre préliminaire qu'au paragraphe 4 de la requête, aux fins d'éléments

15 de preuve supplémentaires en faveur de Naletilic, nous avons dit, à tort,

16 que le sévice infligé au Témoin Z à la prison de Ljubuski était une

17 déclaration de culpabilité de torture. Au fait, il s'agissait d'une

18 déclaration de culpabilité pour avoir causé de grandes souffrances.

19 S'agissant de l'impact sur le jugement de notre concession, nous faisons

20 valoir que le fait d'avoir soustrait un seul incident de mauvais traitement

21 du comportement total de Naletilic, tout en tenant compte du fait qu'il a

22 été non seulement déclaré coupable pour avoir causé de grandes souffrances,

23 mais aussi pour tortures et d'autres chefs d'accusation, nous soumettons

24 que cette concession ne devrait avoir aucun impact sur sa sentence et ne

25 devrait pas entraîner une réduction de sa peine.

Page 148

1 Je reviens maintenant à la dernière partie de mes arguments, les moyens 6

2 et 8, qui ont trait au journal de Rados.

3 Dans notre réponse, nous avons répondu à la contestation par Naletilic du

4 journal de Rados en déclarant que les règles s'agissant de la recevabilité

5 des pièces au stade de la réplique ne s'appliquent pas, et la raison pour

6 laquelle nous avons répondu de la sorte c'est que l'Accusation a demandé

7 l'admission de ces éléments de preuve avant la présentation de ces moyens

8 en réplique. Cependant, la Chambre d'appel, dans son ordonnance portant

9 calendrier, a stipulé qu'il s'agissait là d'une question qui s'était posée

10 dans le cadre de la présentation des éléments à charge en réplique, et ceci

11 cadre avec la présentation du journal de Rados comme une pièce à conviction

12 présentée en réplique. Ceci figure dans la décision rendue par la Chambre

13 de première instance le 9 octobre 2002.

14 Nous maintenons ce que nous avons dit dans notre mémoire en réponse.

15 Cependant, je vais maintenant parler du journal de Rados en appliquant les

16 principes de droit relatifs aux éléments de preuve présentés en réplique.

17 Dans le cadre de mon argumentation, je vais d'abord expliquer si oui ou non

18 on a eu raison, ou plutôt, je vais expliquer que quel que soit le bien-

19 fondé de l'admission du journal de Rados, aucun préjudice n'en a résulté

20 pour l'accusé, et en deuxième lieu, je ferai valoir que le versement du

21 journal de Rados en tant qu'élément de preuve en réplique n'était pas

22 erroné.

23 Premièrement, la question du préjudice. Naletilic n'a pas subi de préjudice

24 suite au versement au dossier du journal de Rados pendant la phase de la

25 réplique. S'agissant de tout préjudice : la Défense a fait valoir qu'elle a

Page 149

1 été surprise par l'admission de ces éléments de preuve au cours de la

2 réplique; et deuxièmement, qu'elle n'a pas été en mesure de contre-

3 interroger l'auteur du journal de Rados.

4 Premier argument, la surprise, c'est un argument qui est sans fondement.

5 L'Accusation a communiqué, le 17 septembre 2000, c'est-à-dire près de deux

6 ans avant, le versement de cette pièce; elle l'a donc communiquée à la

7 Défense. Deuxièmement, le journal de Rados figurait dans la liste des

8 pièces à conviction de l'Accusation. De surcroît, le 7 décembre 2000, au

9 cours d'une Conférence de mise en état l'Accusation a mis en garde la

10 Défense de la manière suivante. Le conseil de l'Accusation a déclaré, je

11 cite : "Il est possible, bien que nous n'ayons pas l'intention de demander

12 le versement au dossier du journal, il est possible que ce document

13 présente une pertinence pendant le procès, deviennent pertinentes pour une

14 raison ou pour une autre."

15 Compte rendu page 395.

16 Si bien que la Défense savait pertinemment que l'Accusation avait

17 l'intention d'utiliser le journal de Rados au cours du procès, même si ce

18 n'était pas en tant qu'élément de preuve en tant que tel. La Défense avait

19 donc tout motif de passer en revue avec beaucoup de soin ce journal.

20 De plus, la Défense a reçu une autre mise en garde, une autre

21 identification, le 3 juin 2002. Puisque ce jour-là, l'Accusation a présenté

22 une requête aux fins d'admission du journal, il a fallu attendre quelque

23 quatre mois avant que le journal ne soit définitivement versé au dossier le

24 23 octobre 2002. Donc, on n'a un peu de mal à comprendre comment la Défense

25 peut se plaindre maintenant que deux ans après avoir reçu pour la première

Page 150

1 fois le journal, elle a été surprise par le versement au dossier de cette

2 pièce à conviction.

3 Cependant, même si la Défense estimait véritablement qu'elle a été surprise

4 par le versement au dossier de ce document, elle aurait pu demander un

5 délai supplémentaire à la Chambre pour remédier au versement tardif de

6 cette pièce.

7 Le fait que la Défense ne l'ait pas fait, cela montre, d'une part, que la

8 Défense n'a nullement été surprise, et d'autre part, la Défense a renoncé à

9 son droit de se plaindre à ce moment-là.

10 J'en viens maintenant à la deuxième affirmation de la Défense s'agissant du

11 préjudice subi; la Défense nous dit qu'elle n'a pas été en mesure de

12 contre-interroger Rados, l'auteur de ce journal.

13 A titre préliminaire, il faut savoir que ce préjudice allégué n'a rien à

14 voir avec le moment précis auquel le journal a été versé au dossier.

15 D'autre part, j'avancerais que la Défense n'avait nullement le droit de

16 demander la comparution de Rados.

17 Avant de poursuivre mon intervention, je souhaiterais demander que nous

18 passions brièvement à huis clos partiel.

19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

21 [Audience à huis clos partiel]

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20 [Audience publique]

21 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bien.

22 M. WIRTH : [interprétation] Merci.

23 En conclusion, nous faisons valoir que le versement au dossier par la

24 Chambre de première instance du journal de Rados n'a causé aucun préjudice

25 et que l'appel pourrait être rejeté pour cette seule et unique raison.

Page 152

1 Cependant, il est inutile de se demander si Naletilic a subi un préjudice

2 étant donné que la Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur

3 manifeste en acceptant le versement au dossier. Les principes juridiques

4 qui s'appliquent s'agissant du pouvoir discrétionnaire de la Chambre ont

5 été édictés dans l'arrêt Milosevic au paragraphe 5. On voit, en appliquant

6 ces principes, que la Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur

7 dans l'application de ces principes et dans l'appréciation des facteurs en

8 question.

9 Je reviens maintenant au droit qui s'applique dans ce contexte. La Chambre

10 de première instance n'a pas commis d'erreur en appliquant ces principes

11 juridiques. Dans ses décisions du 9 et du 23 octobre 2002, elle a

12 correctement appliqué l'Article 89(C). Contrairement à ce qu'affirme la

13 Défense, ce n'est pas ici l'Article 92 bis qui s'applique.

14 La Chambre d'appel, dans la décision interlocutoire Galic du 7 juin 2002 au

15 paragraphe 31, a déclaré que : "L'Article 92 bis ne s'appliquait pas aux

16 éléments de preuve indirects qui n'avaient pas été préparés dans un but

17 juridique pour être présentés lors d'un procès." Or, il est manifeste que

18 le journal en question n'a pas été préparé aux fins d'être présenté lors

19 d'une audience, donc nous avançons que c'est l'Article 89(C) qui

20 s'applique.

21 D'autre part, la Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur

22 s'agissant du droit applicable à l'admission des éléments de preuve au

23 stade de la réplique. Ces principes juridiques sont édictés notamment au

24 paragraphe 273 et 275 de l'arrêt Celebici. La Chambre de première instance

25 a précisé que "les éléments de preuve présentés au moment de la réplique

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1 devaient avoir trait à des éléments de preuve à décharge qu'on n'aurait pas

2 pu anticiper." Paragraphe 273 de l'arrêt Celebici.

3 La Chambre de première instance a été encore plus stricte que l'arrêt

4 Celebici puisqu'elle a exigé, comme d'autres Chambres de première instance,

5 que "seuls les éléments de preuve à caractère probant pouvaient être

6 acceptés." Je cite ici la décision du 23 octobre 2002.

7 Nous faisons donc valoir que la Chambre de première instance n'a pas commis

8 d'erreur s'agissant du droit applicable. J'en viens maintenant à

9 l'appréciation par la Chambre de première instance des facteurs pertinents.

10 Tout d'abord, le journal de Rados est un élément de preuve qui a une grande

11 valeur probante. Il n'a pas été préparé en vue du procès. C'est un document

12 qui est totalement indépendant des autres éléments de preuve présentés au

13 cours du procès, mais qui est cohérent, qui s'inscrit dans le cadre de tous

14 les éléments de preuve présentés. Il est impossible de penser que ce

15 document soit un faux. Le témoin a même dit avoir entendu parler du journal

16 de Rados par un prisonnier pendant la guerre et il en a entendu également

17 parler dans les médias plus tard.

18 Une personne --

19 L'INTERPRÈTE : Dont le nom était prononcé de manière incompréhensible --

20 M. WIRTH : [interprétation] -- a déclaré qu'il connaissait l'écriture de

21 Rados parce qu'il avait souvent travaillé à partir de documents manuscrits

22 préparés par Rados. Un autre témoin --

23 L'INTERPRÈTE : Dont le nom était prononcé de manière incompréhensible --

24 M. WIRTH : [interprétation] -- a reconnu l'écriture sur la pièce 928C.

25 Il y a d'autres raisons qui expliquent pourquoi il ne peut pas s'agir d'un

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1 faux. Je souhaiterais vous renvoyer à nos écritures du 15 octobre 2002,

2 pages 5790 à 5779.

3 En conclusion, il est indéniable que le journal de Rados a une très forte

4 valeur probante.

5 Maintenant, l'autre exigence, les éléments de preuve présentés en

6 réplique doivent contredire les éléments de preuve présentés par la Défense

7 et doivent avoir une grande importance.

8 Le journal de Rados a été utilisé par l'Accusation pour contester la

9 crédibilité de trois témoins à décharge, Témoins NE, NW et NL.

10 L'Accusation avait les preuves pour démontrer que Naletilic

11 commandait les unités qui ont participé aux opérations de Sovici et de

12 Doljani. La Défense a essayé d'ébranler la thèse de l'Accusation grâce aux

13 témoignages de NL. NL a essayé d'expliquer comment Naletilic était présent

14 dans la région pour des raisons tout à fait banales qui n'avaient rien à

15 voir avec la guerre. NL a déclaré que Naletilic passait les journées avec

16 ses enfants et rendait visite à de vieux amis, au père de NL à Risovac,

17 dans la maison de celui-ci, au moment de Pâques. De plus, il a dit que

18 Naletilic était allé à Sovici et Doljani, mais qu'il y était allé pour

19 récupérer le corps d'un ancien camarade qui était tombé au cours des

20 combats et qu'il était immédiatement retourné chez lui.

21 NL a également déclaré que Naletilic n'avait pas de Motorola et qu'il

22 n'avait pas les moyens de communiquer avec ses soldats.

23 Ces éléments de preuve, ils s'inscrivaient en faux des éléments de

24 preuve présentés par l'Accusation pour établir la responsabilité du

25 supérieur hiérarchique de l'accusé, et l'Accusation, à très juste titre, a

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1 contredit ces éléments en utilisant le journal de Rados pour mettre à mal

2 la crédibilité du Témoin NL. La Chambre de première instance n'a pas cru

3 que Naletilic s'était rendu sur place uniquement pour rendre visite à de

4 vieux amis, pour voir ses enfants, ou qu'il n'avait pas de Motorola pour

5 communiquer avec ses troupes.

6 Le journal de Rados fait également planer un grand doute sur la

7 crédibilité des témoins de la Défense de manière générale et en

8 particulier, sur le Témoin NL. Je souhaiterais vous renvoyer aux pages du

9 compte rendu d'audience 12 703 à 12 704, Témoin NL, page 14 988 et suivant

10 pour le Témoin NW, et page 1 138 pour le Témoin NE.

11 Étant donné le caractère très convaincant du journal de Rados, on se

12 rend compte de l'incohérence de certaines dépositions des témoins à charge

13 et d'ailleurs, leurs dépositions étaient rejetées par la Chambre de

14 première instance à de nombreuses reprises. Vous pouvez vous en convaincre

15 en consultant le paragraphe du jugement, paragraphe 325 [comme interprété],

16 paragraphe 88, note de bas de page, 233.

17 En conclusion, nous faisons valoir que la Chambre de première

18 instance n'a pas abusé de son pouvoir discrétionnaire en estimant que le

19 journal de Rados pouvait contredire, infirmer et mettre à mal la

20 crédibilité des témoins à décharge, et la Chambre de première instance

21 était tout à fait en droit d'estimer que la crédibilité de ces témoins,

22 c'était une question extrêmement importante qui se dégageait de la

23 présentation des moyens à décharge et que le journal de Rados constituait

24 un élément de preuve approprié au moment de la présentation des éléments en

25 réplique.

Page 156

1 La Défense semble également nous faire croire que le journal de Rados

2 n'aurait pas dû être versé au dossier puisque Rados n'a pas été contre-

3 interrogé. A ce sujet, nous avons déjà fait valoir que la Défense elle-même

4 a montré qu'elle ne se sentait pas victime d'un préjudice suite à la non-

5 comparution du témoin Rados.

6 Mais ce journal était recevable que Rados soit venu déposer ou non.

7 J'ai déjà indiqué que c'est l'Article 89(C) et pas l'Article 92 bis qui

8 devait s'appliquer pour déterminer la recevabilité du journal de Rados.

9 Nous l'indiquons dans notre mémoire, au paragraphe 454, qu'il n'est pas

10 obligatoire aux termes de l'Article 98(C), il n'est pas nécessaire, pour

11 admettre un document, que l'accusé puisse contre-interroger son auteur.

12 En l'espèce, l'Accusation a pris un certain nombre de mesures pour

13 faire comparaître Rados. Nous nous sommes interrogés sur son lieu de

14 résidence, nous avons demandé l'aide de la Chambre de première instance, et

15 on pourra s'en convaincre en prenant connaissance des écritures

16 confidentielles déposées à ce sujet par l'Accusation le 13 septembre et le

17 15 octobre 2002.

18 Quoiqu'il en soit, les témoins par le truchement desquels

19 l'Accusation a finalement déposé ce document, ces témoins permettent

20 d'ajouter foi au journal de Rados et de ne pas douter de son authenticité.

21 Il y a aussi d'autres éléments qui sous-tendent la crédibilité de ce

22 document. C'est que le journal de Rados, en grande partie, a très largement

23 été confirmé par d'autres témoins.

24 Nous faisons valoir que, vu ces circonstances, la Chambre de première

25 instance n'a pas commis d'erreur dans l'exercice de son pouvoir

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1 discrétionnaire en décidant que le journal avait un intérêt, que cette

2 preuve avait un grand intérêt, même si son auteur n'était pas disponible et

3 ne pouvait pas être contre-interrogé.

4 J'en ai terminé de mon intervention et, bien entendu, je suis prêt à

5 répondre à toute question que vous souhaiteriez me poser.

6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Madame le Juge Vaz souhaite poser une

7 question.

8 Mme LE JUGE VAZ : Je vous remercie, Monsieur le Président. Je voudrais

9 demander à M. le Procureur s'il est en mesure de nous préciser à quelle

10 date Simang est devenu membre du KB. Il nous a dit tout à l'heure qu'il

11 disposait d'une carte d'identité du HVO, et s'il peut nous donner cette

12 précision donc en ce qui concerne le KB. Merci.

13 M. WIRTH : [interprétation] Merci de cette question.

14 Falk Simang a déposé qu'il était devenu membre du Bataillon des Condamnés

15 en février 1993. Est-ce que j'ai répondu à votre question ?

16 Mme LE JUGE VAZ : Vous avez répondu. Pouvez-vous donner un peu plus de

17 précisions ? Y a-t-il des documents qui attestent qu'effectivement il est

18 devenu membre en février 1993 ou nous avons simplement ses déclarations ?

19 Ses déclarations, sont-elles corroborées par d'autres témoins ?

20 M. WIRTH : [interprétation] Nous nous appuyons sur ses déclarations. Je

21 n'ai pas connaissance d'éléments de preuve confirmant que Falk Simang était

22 devenu membre du KB en février 1993. Cependant, nous avançons qu'il est

23 manifeste qu'il était membre du KB au cours de la période qui a fait

24 l'objet de sa déposition.

25 Mme LE JUGE VAZ : Je vous remercie.

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1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur le Procureur, si j'ai bien

2 compris ce que vous nous avez dit, c'est que le journal de Rados a été

3 utilisé par l'Accusation uniquement pour mettre en cause la crédibilité de

4 certains témoins, si bien que l'Accusation souhaitait demander le versement

5 au dossier de ce journal uniquement dans le cadre de l'évaluation de la

6 crédibilité de certains témoins.

7 M. WIRTH : [interprétation] Oui, c'est exact. Nous faisons valoir que le

8 journal de Rados a été versé au dossier pour permettre d'apprécier la

9 crédibilité du Témoin NL et que ce journal a permis d'aider la Chambre de

10 première instance à évaluer les déclarations de ce témoin, les déclarations

11 extrêmement prégnantes au sujet des motivations et de la raison de la

12 présence de Naletilic dans la région.

13 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Est-ce qu'en dehors de ce fait vous

14 avancez que la Chambre de première instance a utilisé ce journal uniquement

15 dans le sens où cela a été entendu par l'Accusation, bien qu'elle l'ait

16 utilisé différemment et est allée un peu plus loin ?

17 M. WIRTH : [interprétation] Est-ce que j'ai bien compris ? Est-ce que la

18 Chambre de première instance a uniquement utilisé le journal de Rados pour

19 contredire les témoins à décharge; c'est votre question ?

20 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, tout à fait.

21 M. WIRTH : [interprétation] Non, la Chambre de première instance a

22 également utilisé le journal de Rados à d'autres fins.

23 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

24 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

25 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] S'il n'y a pas d'autres interventions,

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1 nous pouvons en terminer pour l'audience de ce matin. Nous nous

2 retrouverons dans deux heures, j'essaie de ne pas me tromper, ce qui nous

3 mène à 14 heures 45 pour la réplique de

4 M. Naletilic.

5 L'audience est levée.

6 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 47.

7 --- L'audience est reprise à 14 heures 48.

8 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour à tous. Nous pouvons reprendre

9 l'audience. Je vais maintenant donner la parole au conseil de M. Naletilic

10 pour sa réponse. Vous avez une demi-heure.

11 M. HENNESSY : [interprétation] Plaise à la Chambre, je vais parler très

12 brièvement du journal de Rados et donner la parole à mon confrère, Me Meek.

13 Très honnêtement, j'ai été quelque peu surpris d'entendre que notre requête

14 aux fins de l'Article 115 a été utilisée contre nous. J'ai entendu

15 l'Accusation dire ceci : C'est parce que nous sommes allés chercher M.

16 Rados et parce qu'il n'a pas voulu coopérer avec nous, par voie de

17 conséquence d'une manière ou d'une autre, les moyens de preuve de

18 l'Accusation sont devenus davantage recevables, ce qui ne l'aurait pas été

19 par ailleurs. Je dois dire que ceci me pose problème. Cette logique, à mon

20 avis, ne peut pas être appliquée. Autrement dit, que nos efforts ont

21 rencontré le même manque de coopération que l'Accusation lorsqu'ils sont

22 allés chercher M. Rados. Je ne comprends pas comment ceci peut-être utilisé

23 contre M. Naletilic.

24 Hormis cela, il s'agit d'une remarque tout à fait simple, mais si on va au-

25 delà de cela, l'Article 115 auquel a fait référence l'Accusation ce matin,

Page 160

1 ils se sont battus au mieux et ont réussi. Donc, nous sommes face à une

2 situation, un argument présenté par la Défense qui a été contesté par

3 l'Accusation, qui a reçu la même réponse du même témoin et d'une manière ou

4 d'une autre est à leur avantage. Je fais valoir que cette logique n'est pas

5 une logique qui peut être retenue.

6 Une autre remarque concernant les déclarations de l'Accusation par rapport

7 au journal de Rados. Je pense que la Chambre de première instance a tenu

8 compte du fait que l'Accusation dit maintenant que le journal de Rados a

9 été présenté seulement aux fins de réfuter le Témoin NL, pour autant que ce

10 soit le cas. Je vous demande de revenir un petit peu en arrière et de vous

11 reporter au mémoire en clôture de l'Accusation. Ils l'ont utilisé à des

12 fins plus importantes que cela. Nous estimons que si la Chambre de première

13 instance a commis une erreur en admettant le journal de Rados et au cours

14 du jugement, chose que nous savons, cela a été du ressort ou, en tous cas,

15 a été grâce à la manière dont l'Accusation a présenté les choses. Je vais

16 maintenant donner la parole à Me Meek. Donc, si la Chambre de première

17 instance a commis une erreur en admettant ces moyens de preuve, le journal

18 de Rados, et de l'utiliser ensuite comme moyen de preuve de façon

19 alternative, ceci a été effectivement présenté dans le jugement comme tel.

20 M. MEEK : [interprétation] Plaise à la Chambre d'appel, je souhaite

21 brièvement évoquer la question de Falk Simang et de ce que nous prétendons

22 être un poids peu normal qui a été accordé à son témoignage compte tenu des

23 circonstances de celui-ci. L'Accusation a indiqué, par exemple, lorsqu'elle

24 a parlé de Falk Simang, l'Accusation a dit que ce témoin ne parlait pas la

25 langue et n'avait qu'une très mauvaise mémoire. C'est une autre façon de

Page 161

1 dire qu'il ne savait absolument pas ce qui s'est passé, il ne sait pas

2 comment cela s'est passé.

3 L'Accusation, en revanche, n'a pas évoqué cette question-ci parce que je

4 pense que l'Accusation ne souhaite pas aborder cette question-là, à savoir,

5 notre demande qui a été faite aux fins de déposer une citation à

6 comparaître rendue par la Chambre de première instance pour un Procureur

7 dont nous n'allons pas citer le nom. Chacun a déjà lu le mémoire et nous

8 avons lu les comptes rendus d'audience et nous savons qu'il y a un

9 Procureur du TPY qui s'est intéressé très tôt à cette affaire et qui a

10 suivi les enquêteurs du Tribunal, a rendu visite à Falk Simang et Ralf

11 Mrachacz à plusieurs reprises en prison en Allemagne. Au cours du contre-

12 interrogatoire de Ralf, nous avons présenté un nombre important de

13 documents sous la forme de lettres envoyées aux enquêteurs à l'époque et au

14 Procureur dont je ne citerai pas le nom. Certaines de ces lettres

15 précisent, par exemple, que M. Simang avait l'impression que le bureau du

16 Procureur pourrait l'aider étant donné qu'il y avait une réouverture

17 imminente du procès et les gens à La Haye ne pouvaient que hocher la tête

18 par rapport à ce qui s'était passé. "Le Procureur de la République a dit

19 que nous avons été très mal traités."

20 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître Meek, pourriez-vous être plus

21 précis, s'il vous plaît, et nous dire de quels documents il s'agit ? Vous

22 citez des documents qui ont été présentés, vous parlez de lettres,

23 pourriez-vous nous donner les numéros de référence ou les numéros des

24 pièces ?

25 M. MEEK : [interprétation] DD123.6.

Page 162

1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous pouvez poursuivre et nous

2 donner le numéro un peu plus tard.

3 M. MEEK : [interprétation] Je pense que c'était D123.27, tel que cela a été

4 consigné au compte rendu d'audience, D1/23.2, D1/23.3, D1/23.4, D1/23.5,

5 D1/23.6, D1/23.3. J'ai déjà cité celui-ci. D1/23.7 encore une fois.

6 D1/23.10. D1/23.11. D1/23.25. D1/23.12. D1/23.13. D1/23.26. D1/23.14,

7 D1/23.16. 23.17. 23.18. La pièce 23.19. M. Falk Simang écrit aux enquêteurs

8 du bureau du Procureur le 8 mars 2000 : "vous demandant votre assistance

9 et votre aide."

10 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Tous ces documents ont-ils été

11 présentés lors du procès ?

12 M. MEEK : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] D'accord.

14 M. MEEK : [interprétation] C'est simplement quelques exemples que je vous

15 cite. Ils ont tous été versés par l'intermédiaire du témoignage de Falk

16 Simang, D1/23.22. Il y a en d'autres, Monsieur le Président, 23.24, 23.27.

17 Il y avait une liasse entière, c'était très choquant. Il y avait une liasse

18 de lettres de Falk Simang envoyées à un Procureur et l'enquêteur en chef.

19 Il a témoigné en audience publique sur les promesses en vertu de quoi ce

20 serait le principal témoin dans l'affaire contre le général Tuta.

21 A juste titre, nous avons demandé le droit d'interroger l'Accusation et de

22 savoir si un quelconque accord avait été signé entre ce témoin et Ralf

23 Mrachacz en échange de ce témoignage, et on nous a refusé ce droit. Madame,

24 Messieurs les Juges, l'enquêteur du bureau du Procureur, Van Hecke, il a

25 également reçu des lettres, il a également subi un contre-interrogatoire.

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1 En tout cas, du pays dont je viens et je crois que toutes les juridictions

2 du monde fonctionnent de la même façon, un enquêteur ou un officier de

3 police n'est pas en droit de signer un accord avec un témoin pour qu'il

4 témoigne contre une autre personne. Cela ne peut venir que du Procureur.

5 C'est ce que nous voulons savoir. Nous voulons savoir si des promesses ont

6 été faites. Car il y a des suggestions faites par Falk dans ces documents,

7 et cela semble indiquer que le bureau du Procureur, avec les pouvoirs dont

8 il dispose, aurait pu rouvrir son procès en Allemagne, car il avait eu une

9 peine lourde, et nous pensons que nous devrions être autorisés par la

10 Chambre de première instance d'envoyer une citation à comparaître, ce qui

11 aurait été autorisé par la Chambre d'entendre cette personne et de savoir

12 si des accords avaient été signés. Ceci nous a été refusé.

13 Falk Simang, Monsieur le Président, Falk Simang, pièce P354.1 la pièce

14 d'identité de Falk Simang a été présentée et versée au dossier le 9

15 novembre 2001, il est daté du 27 avril 1993. Quinze jours environ après que

16 Falk Simang ait allégué qu'il était à Sovici et Doljani -- pardonnez-moi à

17 Doljani.

18 Ce qui me fait aborder un autre point. Son témoignage est tellement

19 incroyable et incohérent qu'il n'aurait pas dû être admis ou, en tout cas,

20 qu'on ne lui accorde aucun poids. Il a dit qu'il n'avait jamais entendu

21 parler de Sovici. Il a été établi par la Chambre que Sovici et Doljani sont

22 deux petits villages dans les montagnes faisant partie de la municipalité

23 de Jablanica. De Siroki Brijeg, où se trouvait le Bataillon disciplinaire,

24 pour parvenir à Doljani, il faut passer en voiture, il faut emprunter une

25 route qui traverse Sovici. Mais Falk Simang n'avait jamais entendu parler

Page 164

1 de Sovici, il ne s'est jamais rendu à Sovici. Des témoins de la Défense ont

2 témoigné pour dire que c'était tout à fait impossible, que des gens y

3 habitaient et qu'il était impossible d'aller de Doljani à Sovici sans

4 passer par Siroki Brijeg pour aller à Sovici. Encore une fois, ce qui s'est

5 passé dans cette affaire d'après nous, la Chambre de première instance a

6 fait ses déductions à la fin de la présentation des moyens, déductions

7 faites en faveur de l'Accusation. Encore une fois, la Défense estime qu'ils

8 ne peuvent statuer que sur la requête aux fins d'acquittement lorsqu'il

9 s'agit de traiter la phase de la culpabilité au-delà de tout doute

10 raisonnable, c'est ce qui est dit dans le Statut. Les déductions sont

11 faites sur la base et des moyens de preuve convaincants, et cela a été

12 décidé en faveur de l'accusé dans cette affaire.

13 Un autre point intéressant à propos de Falk Simang : Falk Simang a témoigné

14 qu'à Mostar au mois de mai, le 10, il a même été le témoin oculaire, mon

15 client et Ivan Andabak ont tiré sur deux prisonniers. Que mon client a tué

16 un prisonnier, qu'Ivan Andabak a tué un prisonnier. C'était le seul qui a

17 témoigné à cet effet. Personne d'autre n'a parlé de ces événements-là et

18 n'en a témoigné. L'Accusation apparemment n'y croyait pas puisqu'ils n'ont

19 pas accusé mon client d'assassinat, ceci c'est produit à Mostar le 10 mai.

20 Un autre exemple que je trouvais intéressant, c'est que Falk Simang a

21 témoignage à propos de Doljani, et les soldats qui emmenaient des

22 prisonniers dans les bois et qu'ils ont entendu des coups de feu et que les

23 soldats sont rentrés et qu'ils ont rechargé leurs armes. Les déductions qui

24 ont été faites à cet égard, c'est qu'ils avaient été assassinés. Néanmoins,

25 c'était le seul témoin. Aucun des autres témoins de l'Accusation n'a

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1 témoigné à propos de cet événement-là. L'Accusation a dû penser qu'ils ne

2 pouvaient pas croire ce qu'il avait dit puisqu'ils n'ont pas accusé mon

3 client d'assassinat, néanmoins, il a témoigné à cet effet.

4 L'autre élément important évoqué par l'Accusation ce matin, c'est qu'il ne

5 parlait pas la langue et qu'il avait besoin d'un interprète. Si vous

6 regardez le compte rendu d'audience, (expurgé), le

7 Procureur l'a même évoqué ce matin. Pendant le procès, on lui a demandé

8 d'étudier le témoignage du témoin de la Défense NK. C'était l'interprète de

9 Falk Simang. NK a témoigné très clairement et a dit que Falk Simang était

10 avec lui pendant 99 % du temps parce qu'il ne parlait pas la langue.

11 Lorsqu'on lui a demandé s'il était à Sovici et Doljani, le 17 septembre et

12 le 20 septembre, il a dit qu'il n'était pas là et qu'il n'en faisait pas

13 partie.

14 Où était Ralf, alors ?

15 Ralf était avec moi. Ralf était toujours avec moi.

16 Encore une fois, la Chambre de première instance n'a pas tenu compte de ce

17 témoignage.

18 Pour ce qui est de l'Accusation et de ses allégations, Falk Simang, vous

19 savez, son témoignage est tout à fait crédible parce qu'il a parlé de

20 Cikota qui a été tué à Sovici à côté de Doljani dans les montagnes, et

21 qu'il était présent au moment de l'enterrement de Cikota le 20 avril.

22 J'avance qu'il y a un certain nombre de témoins qui ont parlé de

23 l'enterrement de Cikota qui était le commandant du Bataillon disciplinaire

24 à ce moment-là. Certains moyens de preuve indiquent dans le compte rendu

25 d'audience qu'il y avait des milliers de personnes qui ont pris part à cet

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1 enterrement. C'était un fait de notoriété publique. De dire qu'il faut

2 croire ce gars-là parce qu'il savait que Cikota avait été tué à Doljani et

3 qu'il était au courant de son enterrement, Madame, Messieurs les Juges, il

4 s'agit simplement d'éléments dont tout le monde avait connaissance en

5 Bosnie-Herzégovine à ce moment-là dans la région de Mostar et Siroki

6 Brijeg. Donc, ce n'est rien de particulier.

7 L'Accusation -- la note en bas de page 54 du jugement a indiqué que le

8 témoignage de Falk Simang a été confirmé par d'autres témoignages. Devinez

9 par qui ? Par le journal de Rados.

10 Si vous regardez le jugement de près, vous verrez qu'à plusieurs endroits

11 le PP704, P704, le journal, semble-t-il, le journal, ou pardonnez-moi, le

12 Bataillon ou en tout cas le Bataillon disciplinaire, cette liste qui est

13 datée du mois de novembre 1993 et qui a été confirmée par Falk Simang et le

14 journal de Rados. Ceci a été confirmé par la pièce P704. Tous ces trois, le

15 témoin Falk Simang et Ralf Mrachacz -- Ralf Mrachacz a indiqué dans son

16 témoignage, lorsqu'on lui a posé la question directement à savoir si ces

17 membres avaient été punis, que ces membres de ce Bataillon disciplinaire

18 avaient été punis d'après lui. Pendant tout le temps où il était ici, il

19 n'avait jamais su ou avait raison de savoir qu'il aurait dû être puni,

20 indiquant clairement qu'il n'y a jamais eu aucun crime commis, ni de

21 mauvais agissements ou de mauvais comportements.

22 Je vais maintenant parler de la question des pillages. Mon client a

23 été déclaré coupable en vertu du 7(3) pour pillage. J'avance que cela se

24 fonde uniquement sur le témoignage de Falk Simang. Il a témoigné le 10 mai

25 à Mostar, qu'il était en présence de mon client, M. Naletilic, et qu'Ivan

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1 Andabak et Cikota étaient des membres du Bataillon disciplinaire et que

2 semble-t-il, ils déplaçaient des meubles et d'autres objets d'une maison à

3 bord d'un camion. Et devinez quoi ? Comment cela est-ce possible ? Cikota a

4 été tué. Cela a été clairement indiqué dans le jugement, et ne pouvait donc

5 pas être mis en accusation puisqu'il est décédé le 20 avril 1993, que Dieu

6 le bénisse. Comment se fait-il qu'il ait pu être à Mostar en présence de

7 Falk Simang et mon client et d'autres personnes alors qu'ils étaient en

8 train de se livrer à des pillages sous ses yeux ? Il s'agit d'une

9 impossibilité factuelle, mais la Chambre de première instance continue

10 d'avancer cet argument disant que mon client savait qu'il y avait des gens

11 du KB qui se livraient à des pillages.

12 M. Kremer a parlé de Martin Garrod qui a parlé à propos de la

13 responsabilité des supérieurs hiérarchiques. Dans sa déposition, il a dit

14 qu'il se trouvait dans la maison de quelqu'un qui s'appelait Siroki Brijeg,

15 qui était un témoin à décharge, et qu'il s'est entretenu avec mon client

16 qui se trouvait dans la même maison en même temps. La maison dans laquelle

17 cette réunion semble s'être tenue, ce qui a été confirmé par la personne

18 qui était propriétaire de cette maison, il a dit : Oui, je connais M.

19 Martin Garrod et je connais Mladen Naletilic. Ces deux personnes sont

20 venues chez moi à différentes reprises, mais jamais ces personnes ne sont-

21 elles venues en même temps.

22 Martin Garrod a également témoigné, et ceci se retrouve dans un

23 document. Je n'ai pas la citation exacte, mais dans son témoignage, il a

24 dit que par l'intermédiaire de ces rapports sur les renseignements dont il

25 disposait, deux villages musulmans avaient été placés sous la protection de

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1 M. Naletilic. Si M. Naletilic a tellement de préjugés contre les Musulmans

2 et qu'il les persécute, très honnêtement, pourquoi protège-t-il alors des

3 villages musulmans ? Récemment, Martin Garrod a confirmé cela, ceci a été

4 établi, et il a dit qu'il s'était occupé effectivement de ces villages et

5 qu'il n'y a pas eu de combats à ces endroits-là et que personne n'a été

6 blessé et personne n'a été évacué.

7 Je vais essayer de répondre au mieux aux questions qui ont été

8 présentées par la Chambre d'appel. Nous avons évoqué certaines d'entre

9 elles, mais je souhaite simplement vous dire, au paragraphe 89 de notre

10 mémoire en appel revu et corrigé, nous estimons que d'après nous, Falk

11 Simang n'était pas un membre du KB, du Bataillon disciplinaire, le 19 et le

12 20 avril et que ceci a été démantelé à la fin de 1993. Vous trouverez ceci

13 à la note en bas de page, numéro 261 du jugement. La Chambre de première

14 instance a estimé que ce bataillon a été démantelé à la fin de l'année

15 1993. Nous avons NN et NP qui ont témoigné en ce sens, et sa carte

16 d'identité a clairement indiqué que ce n'était même pas un membre officiel

17 du HVO avant la date du 27 avril.

18 A la question numéro 3, nous avançons que le stade de Velez à Mostar

19 où bon nombre de preuves ont été présentées en vertu de quoi, le 10, un

20 nombre important de civils ont été emmenés à l'Heliodrom et au stade Velez

21 en premier, nous avançons que Falk Simang a dit dans son témoignage qu'ils

22 ont été emmenés au gymnase. La Chambre de première instance dit simplement

23 dans le jugement qu'il voulait parler du stade, mais ce n'est pas ce qu'il

24 a dit. Il a parlé du gymnase. Il y a une différence importante entre un

25 stade et un gymnase.

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1 Vous voulez avoir des éléments d'information sur le PP360 dans notre

2 mémoire en appel revu et corrigé. Il s'agit du fait que des civils aient

3 été expulsés de Sovici. Le PP360 est le même document que le document 1426.

4 Il s'agit de documents identiques qui évoquent les négociations entre le

5 général Petkovic et le général Halilovic de l'ABiH eu égard à ce qui devait

6 être fait des civils qui se trouvaient à Sovici. Egalement, d'autres moyens

7 de preuve que la Chambre de première instance a ignorés, car d'après nous,

8 cela ne correspondait pas à la période présentée ou faisant partie des

9 moyens de preuve de l'Accusation.

10 Au numéro 6, Madame, Messieurs les Juges, la décision de la Chambre

11 d'appel, 30e motif d'appel, le 4 juin 2002 -- pardonnez-moi, il s'agit du 5

12 juin. Une décision qui ne faisait pas droit à notre demande en vertu de

13 quoi nous puissions avoir accès aux archives de l'ABiH et d'avoir accès à

14 leurs archives. Ceci nous a été refusé.

15 Peut-être l'élément le plus important et le plus intéressant à mon

16 sens, à savoir, les détails concernant la mauvaise santé de M. Mladen

17 Naletilic au cours du procès, à savoir, si cela a été présenté comme

18 facteur atténuant. Ceci a été évoqué par nous le 21 février 2003, avant que

19 le jugement ne soit rendu. Des arguments ont été présentés par écrit à cet

20 effet.

21 Nous avons également déclaré qu'effectivement, il avait une mauvaise

22 santé, qu'il a dû venir ici en avion depuis Zagreb et qu'il a été

23 transportée en ambulance. Il est venu à La Haye en 1999 et 2000, et

24 écoutez-moi pendant quelques instants. Si vous estimez que l'accusé n'a pas

25 coopéré avec la Chambre tout au long du procès, il faut à ce moment-là vous

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1 pencher sur les dates.

2 Avant de le faire, je ne vais pas parler de PP704.

3 Ceci n'aurait jamais dû être versé au dossier, mais cela a été le

4 cas. L'Accusation l'a utilisé tout au long du procès. La Chambre de

5 première instance s'en est servie pour constater que certaines personnes

6 étaient membres du Bataillon disciplinaire à des dates antérieures, des

7 gens qui s'appelaient, Robi, R-o-b-i, Robijaj [phon], Robert. Bien, parce

8 qu'il y a eu des passages à tabac qui, semble-t-il, s'étaient passés au MUP

9 à Siroki Brijeg au mois de mai ou au mois d'avril. Si vous regardez les

10 comptes rendus d'audience, il s'agit de PP704, et dans un des documents

11 qu'ils ont utilisés pour indiquer que Robi, Rabo, Robert Medic, on ne

12 connaît pas son nom, mais c'était un membre du KB.

13 Au mois de novembre 2001, au cours du contre-interrogatoire du témoin

14 PP, compte rendu d'audience 6 149 à 6 150. M. PP demandait à ce que la

15 pièce P704 soit placée sur le rétroprojecteur de façon à ce qu'on puisse le

16 montrer au témoin, à savoir, si une certaine personne dont le nom figurait

17 sur la liste faisait partie de l'unité de Vinko Skrobo. Le Juge Clark est

18 intervenu à la page 6 150, et M. Par a dit : "Pourquoi est-ce pertinent ?

19 Parce que cela s'est passé six à cinq mois plus tard. C'est le mois de

20 novembre 1993, et nous, nous parlons du mois de juillet, août et

21 septembre."

22 Donc, novembre 1993, c'est la date qui correspond au PP704 et M. Par

23 n'a pas pu contre-interroger le témoin, mais tout au long du procès, et ce,

24 de façon régulière, le bureau du Procureur a pu utiliser cette pièce P704

25 pour la placer devant les témoins pour dire la personne qui se trouvait sur

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1 cette liste, ce qui s'est passé au mois d'avril, mars, avril et mai pour

2 que cela corresponde. C'est une façon un peu schizophrène de mener une

3 affaire. Autrement dit, l'Accusation est en droit de faire une chose et

4 nous, nous ne pouvons pas. M. Scott, compte rendu d'audience 2 690 et 91,

5 parle aussi de la pertinence et cela s'est passé un mois avant cela,

6 Monsieur le Juge.

7 Tout le long de ce procès, M. Naletilic avait des problèmes

8 cardiaques, des problèmes de santé. La Chambre de première instance

9 souhaitait que ce procès soit expédié le plus rapidement possible, ne me

10 méprenez pas, c'est tout à fait compréhensible. Le 26 novembre, ils

11 déclarent cela fait une semaine que nous ne vous avons pas vu. Il n'était

12 pas chez lui parce qu'il devait suivre le procès.

13 Je vais vous donner des dates. Le 8 avril 2002, le Juge Liu à M.

14 Krsnik : Où se trouve M. -- l'absence de M. Naletilic ?

15 Oui, il est allé chez le médecin, mais nous sommes disposés à

16 poursuivre cette procédure, car il nous a autorisés à le faire.

17 Le 25 avril. Naletilic est présent au procès à ce moment-là et le

18 Juge Liu dit : Nous sommes très préoccupés par votre santé, prenez soin de

19 vous.

20 Le mercredi 8 mai 2002. Naletilic est encore parti pour des raisons

21 de santé, et encore une fois, le procès s'est poursuivi grâce à son accord.

22 Le 9 mai, il n'est pas présent non plus à son procès.

23 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître Meek, je souhaite attirer votre

24 attention sur le fait qu'il vous reste encore une minute.

25 M. MEEK : [interprétation] Très bien.

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1 Le 13 mai, parti, malade et le procès se poursuit.

2 Le 28 mai 2002, il est absent, le procès se poursuit.

3 Le 17 juillet, il est parti, le procès se poursuit.

4 Le 23 juillet, il n'est pas là, le procès se poursuit.

5 Le 24 juillet, le procès poursuit.

6 Le 12 septembre, il n'est pas là, le procès se poursuit.

7 Le 17 septembre, même chose. Le Juge Liu de dire : "Nous souhaitons

8 un prompt rétablissement à votre client."

9 C'est un fait de notoriété publique qu'il était malade et qu'il avait

10 permis au procès de se dérouler en son absence. Nous pensons qu'il s'agit

11 là des circonstances atténuantes.

12 Le 19 septembre, le procès se poursuit.

13 Le 10 octobre également.

14 Nous estimons que la Chambre de première instance a commis une erreur en ne

15 nous permettant pas à entendre le Procureur, dont nous n'avons pas cité le

16 nom, pour découvrir quel type d'accord avait été entendu entre Falk Simang

17 pour son témoignage et Ralf Mrachacz. Encore une fois, j'avance que si vous

18 regardez le jugement, si vous regardez de près, cela semble tout à fait

19 évident P704, que cela c'est fondé sur le journal de Rados et de Falk

20 Simang.

21 Merci beaucoup. Je n'ai pas, je crois, pris plus de temps que le

22 temps qui m'était imparti.

23 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Monsieur Meek.

24 M. KREMER : [interprétation] Au cours de la présentation des

25 arguments de la Défense, on a peut-être révélé l'identité du Témoin NK, il

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1 y a peut-être lieu de procéder à des expurgations.

2 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci beaucoup.

3 M. MEEK : [interprétation] Pardonnez-moi. Excusez-moi pour cela.

4 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous avons terminé avec la réponse du

5 conseil de Naletilic.

6 Nous allons maintenant entendre les arguments présentés par M.

7 Martinovic -- M. Kremer.

8 M. KREMER : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interromps, peut-être

9 que nous pourrons faire une pause de cinq minutes car M. Farrell doit venir

10 pour entendre l'appel de Martinovic. Je crois qu'il est à l'extérieur, il

11 s'agit simplement de le laisser entrer et de laisser partir M. Wirth.

12 M. MEEK : [interprétation] Ecoutez, je peux prendre la parole pendant cinq

13 minutes encore, vous savez.

14 Je n'ai pas encore parlé du mandat de perquisition, je peux en parler

15 en quatre minutes et demie.

16 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Il aurait dû entrer entre-temps.

17 M. KREMER : [interprétation] Je crois qu'il ne souhaitait pas interrompre

18 la présentation des arguments de la Défense.

19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bien. Nous allons poursuivre.

20 Le conseil de M. Martinovic va à présent disposer d'une heure 30 pour

21 son exposé, mais au bout d'une heure, nous ferons une pause d'une demi-

22 heure, à 16 heures 20, par conséquent. Après la pause, le conseil de M.

23 Martinovic disposera de 30 minutes complémentaires.

24 Vous pouvez parler jusqu'à 16 heures 20.

25 M. PAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 174

1 La Défense de Vinko Martinovic a l'intention d'exposer ses arguments dans

2 les conditions suivantes : je vous présenterai les éléments relatifs au

3 dépôt de notre plainte en appel et mon confrère, Me Kerns, traitera de

4 l'appel interjeté par l'Accusation.

5 Dans la partie dont je me charge et que je considère comme très importante,

6 j'aborderai les trois motifs d'appel, le premier étant les erreurs de

7 droit, et je parlerai notamment de l'existence d'un conflit international

8 armé en rapport avec M. Martinovic.

9 Deuxième motif d'appel, les erreurs sur les faits. J'ai l'intention de

10 discuter de ces questions et notamment des événements liés à l'assassinat

11 de Nenad Harmandzic et de ce qu'il est convenu d'appeler l'incident des

12 fusils de bois.

13 J'ai également l'intention de parler du verdict de la peine qui a été

14 prononcé et, probablement après la pause, je répondrai aux questions des

15 Juges.

16 S'agissant du premier motif d'appel, les erreurs en droit, la Défense

17 revient sur deux points. D'abord, elle soutient que la Chambre de première

18 instance a commis une erreur en affirmant qu'il existait un conflit

19 international armé au moment couvert par l'acte d'accusation. Deuxièmement,

20 elle affirme que la Chambre de première instance a commis une erreur en

21 concluant qu'il était permis de prononcer des qualifications subsidiaires

22 et des déclarations de culpabilité cumulées en rapport avec l'accusé

23 Martinovic. Je vais à présent dire quelques mots du conflit armé

24 international, mais je m'en tiens, bien entendu, à l'intégralité des

25 écritures déposées à cet égard.

Page 175

1 S'agissant du conflit international armé, la Défense a défendu deux thèses.

2 Première thèse, que l'existence d'un tel conflit international armé n'était

3 pas prouvée; et deuxième thèse, que l'accusé Vinko Martinovic ne serait

4 être responsable d'une participation à un confit international armé

5 puisqu'il n'était pas consciemment au courant de l'existence de celui-ci et

6 n'avait pas l'intention d'y participer. Donc, toute existence éventuelle

7 d'un conflit international armé se situait totalement en dehors de la

8 conscience et de la connaissance de Vinko Martinovic.

9 J'aimerais insister un peu sur cette thèse de la Défense, car je considère

10 que c'est un point très important pour la Défense puisqu'elle sous-tend la

11 responsabilité invoquée pour tous les actes couverts part l'Article 2 du

12 Statut. Je renvoie au jugement Kordic, paragraphe 311, où cette question

13 est abordée sous un angle un peu différent, mais la position de la Chambre

14 d'appel a été très claire à cet égard, à savoir que s'agissant des actes

15 commis par l'accusé, la Chambre d'appel a déclaré qu'il fallait que soit

16 prouvée la connaissance que l'accusé avait du contexte et des événements

17 qui l'entouraient et qui justifiaient l'existence d'un conflit

18 international armé.

19 Je connais la position de la Chambre de première instance sur ce point

20 particulier s'agissant de Kordic, donc je n'insisterai pas davantage.

21 S'agissant de cet aspect du conflit international armé plus

22 précisément lié à M. Martinovic, la Défense de ce dernier affirme qu'à

23 l'époque des faits, Vinko Martinovic ne savait pas et ne pouvait savoir

24 qu'il y avait et qu'il existait un conflit international armé, et qu'en

25 conséquence, il n'avait aucune conscience de cette réalité.

Page 176

1 Sur quoi s'appuie la Défense pour défendre cette thèse ? Martinovic n'a

2 appris qu'il était mis en accusation dans le cadre d'un conflit armé qu'au

3 moment où il a été informé de l'existence de l'acte d'accusation dressé à

4 son encontre. Ceci, bien entendu, a provoqué chez lui un véritable choc,

5 car il est incontesté et cela a été prouvé au cours du procès en première

6 instance au-delà du moindre de doute, il est incontestable que Vinko

7 Martinovic était un simple soldat et qu'il ne commandait qu'un groupe d'à

8 peine 50 soldats. Il est incontestable qu'accompagné de ces 50 soldats, il

9 a passé toute la guerre à tenir une seule et même ligne de défense au

10 niveau de la voie de circulation appelée le Bulevar à Mostar, qui s'étend

11 sur à peine une centaine de mètres. Il est contesté également que les

12 hommes de Vinko Martinovic n'ont jamais bougé de cet endroit. Ils n'ont

13 jamais participé à la moindre opération armée ailleurs qu'à cet endroit. Il

14 est incontesté que Vinko Martinovic n'a participé à aucune réunion

15 politique ou militaire de la moindre importance.

16 Il est incontesté qu'il n'appartenait à aucun parti politique et

17 qu'il n'avait aucun contact avec les représentants les plus responsables de

18 la vie politique.

19 Il est également incontesté que Martinovic s'est battu à Mostar au

20 seuil de sa maison, et que par ailleurs, il a commencé à combattre les

21 Serbes, et que c'est seulement dans un deuxième temps qu'il s'est battu

22 contre les Musulmans après que ceux-ci aient attaqué cette partie de la

23 ville. Pour lui, ce conflit était un conflit local. Ni lui-même, ni les

24 soldats qui l'accompagnaient n'auraient pu imaginer qu'ils participaient à

25 un conflit international armé, car ils n'avaient pas la moindre information

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1 leur indiquant qu'un tel conflit existait. La Défense affirme que pendant

2 toute la durée du procès, le Procureur n'a pas fait la moindre tentative de

3 démontrer que Martinovic avait, d'une façon ou d'une autre, conscience de

4 l'existence d'un conflit international armé et qu'il y aurait participé.

5 Pendant toute la durée du procès, nous n'avons pas vu la moindre preuve de

6 la thèse de l'Accusation à cet égard.

7 Celui qui a le mieux parlé de cette conscience ou de cette absence de

8 conscience de Martinovic par rapport à l'existence d'un conflit

9 international armé est Martin Garrod qui a bien dit qu'en tant que chef de

10 mission à Mostar, il était particulièrement bien placé pour expliquer la

11 situation qui régnait à Mostar, et notamment, la situation particulière de

12 Vinko Martinovic. M. Garrod savait très bien ce qu'il en était. Alors,

13 comment est-ce que cet homme, qui est à présent à la retraite, qui est un

14 homme responsable, qui a passé une période très longue à Mostar, comment

15 parle-t-il du soldat qui était Martinovic à l'époque dans les conditions

16 bien connues de M. Garrod sur cette voie de circulation appelée le Bulevar

17 à Mostar ? Il a dit très clairement dans sa déposition que 24 heures sur 24

18 un soldat comme Martinovic ne pouvait faire qu'une seule chose, c'était

19 pensé à la meilleure façon de sauver sa peau, par tous les moyens

20 possibles, et qu'en dehors de cela, il n'avait absolument aucun moyen

21 d'accéder à la moindre information complémentaire.

22 Par conséquent, je considère que j'ai démontré que Martinovic ne savait pas

23 et ne pouvait pas savoir qu'il existait un conflit international armé, et

24 qu'en conséquence, il ne serait en être tenu responsable.

25 La position de la Défense consiste également à dire qu'il est impossible de

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1 reprocher à l'accusé l'existence d'un conflit international armé alors que

2 ce fait n'a été établi que plus tard, même s'il constitue en l'espèce un

3 élément très important des infractions criminelles reprochées à l'accusé.

4 La Défense est d'avis que pour tenir une personne responsable d'une

5 infraction criminelle, il faut que cette dernière ait connaissance de tous

6 les éléments constitutifs de cette infraction et qu'elle ait eu l'intention

7 de commettre l'infraction en question. Martinovic ne pouvait connaître

8 l'existence du conflit international armé et n'a jamais eu la moindre

9 intention d'y participer. Il se battait devant sa maison contre d'autres

10 citoyens qui habitaient en face de chez lui, de l'autre côté de la rue. Or,

11 il a été condamné comme s'il était l'agresseur, comme s'il était quelqu'un

12 qui avait participé et qui avait compté au nombre des forces armées de

13 l'agresseur. Ceci n'est pas le cas. Ceci n'a été démontré par aucun élément

14 de preuve.

15 Nous considérons que la Chambre d'appel s'agissant de l'existence du

16 confit international armé doit se repencher sur cette situation, réexaminer

17 les faits, car ils constituent un fondement très significatif des crimes

18 pris en compte dans l'Article 2 du Statut. La Défense est d'avis que des

19 poursuites criminelles quelles quel soient ne sont jamais en droit de tenir

20 quelqu'un pour responsable pénalement dans des conditions comme celles-ci,

21 et que le conflit international armée était une réalité objective qui

22 empêche toute poursuite automatique à cet égard engagée contre Martinovic

23 du point de vue de sa responsabilité pénale. Il ne peut y avoir en droit de

24 responsabilité pénale si la personne concernée n'est pas consciente et n'a

25 pas l'intention de commettre l'acte qui lui est reproché. Dans ce cas, il

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1 ne peut y avoir de responsabilité.

2 Voilà notre position au sujet de ce fait.

3 Par ailleurs, s'agissant de la première partie du mémoire d'appel qui

4 traite des erreurs de droit, nous avons déjà présenté nos objections par

5 rapport aux qualifications subsidiaires et au cumul de déclarations de

6 culpabilité. Je reviendrai sur ce point si les Juges de la Chambre le

7 souhaitent au moment où ils poseront leurs questions.

8 Je vais maintenant aborder le deuxième motif d'appel, à savoir, les erreurs

9 de faits en rapport avec les chefs 13 et 14 qui reviennent sur l'assassinat

10 de Harmandzic.

11 La partie centrale du jugement est constituée de la condamnation de

12 M. Vinko Martinovic pour le meurtre de Nenad Harmandzic. Je fais appel à la

13 Chambre d'appel pour qu'elle réexamine en détail nos écritures à cet égard.

14 Trois éléments sont abordés par la Défense pour contester le jugement rendu

15 en première instance sur ce point. D'abord, la Défense affirme que la

16 Chambre de première instance a commis une erreur en concluant que les

17 documents présentés par la Défense étaient inexacts. Deuxièmement, la

18 Chambre de première instance a conclu une erreur en excluant un certain

19 nombre d'éléments de preuve ou, en tout cas, en ne tenant pas compte de la

20 déposition d'un certain nombre de témoins de la Défense considérés comme

21 insuffisamment crédibles. Troisièmement, la Chambre de première instance a

22 commis une erreur en concluant que l'identification de Nenad Harmandzic

23 avait été faite comme il se doit. Ce sont trois erreurs sur lesquelles

24 j'aimerais m'exprimer plus en détail.

25 Au paragraphe 503 du jugement, la Chambre de première instance

Page 180

1 conclut que Nenad Harmandzic a été vu, pour la dernière fois, au sein de

2 l'unité de Vinko Martinovic et ceci constitue la base de la conclusion de

3 la Chambre de première instance selon laquelle Nenad Harmandzic aurait

4 trouvé la mort au sein de cette unité.

5 Or, le seul fait incontestable dans tout cela, c'est que Nenad

6 Harmandzic avait fait partie de l'unité de Vinko Martinovic. Mais, il est

7 permis de se demander si, à partir d'un certain moment, il n'aurait pas été

8 admis dans une autre unité. S'il était démontré qu'après avoir fait partie

9 de l'unité de Martinovic, Nenad Harmandzic a fait partie d'une autre unité,

10 Vinko Martinovic devrait être acquitté pour tous les chefs d'accusation

11 liés à cet événement.

12 Pendant toute la durée du procès, c'est exactement ce que la Défense a

13 affirmé, elle a soutenu que Nenad Harmandzic, après avoir fait partie de

14 l'Unité de Martinovic, était retourné à l'Heliodrom et avait été versé au

15 sein d'une autre unité.

16 La Défense a fondé ses affirmations à ce sujet sur les éléments de preuve

17 de l'Accusation, exclusivement sur les documents de l'Accusation. Quels

18 étaient ces éléments de preuve ? Le Témoin AD de l'Accusation, le plus

19 proche de Nenad Harmandzic a affirmé devant la Chambre de première instance

20 que, le 12 juillet, elle avait vu Harmandzic au sein de l'unité de Vinko

21 Martinovic et qu'ensuite, il était retourné à l'Heliodrom.

22 Ce jour-là, le 12 juillet, est-ce qu'on a perdu la trace de Harmandzic et

23 est-il exact qu'il n'est pas sorti vivant de l'unité de Martinovic ?

24 L'Accusation nous a fourni des documents dans lesquels on constate que le

25 lendemain, Nenad Harmandzic était vivant le 13 juillet. Il était vivant à

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1 l'Heliodrom et le 13 juillet, il a quitté l'Heliodrom à bord d'un véhicule

2 de la police militaire pour aller travailler, police militaire qui n'a

3 aucun rapport avec Martinovic.

4 Dans ce même document, on voit, parce que c'est écrit, que Nenad Harmandzic

5 s'est évadé de ce véhicule de la police militaire et que c'est à partir de

6 ce moment-là que l'on ne trouve plus trace de Nenad Harmandzic. Donc, un

7 témoin de l'Accusation et des documents de l'Accusation racontent tout ce

8 qu'il y a à dire au sujet de la disparition de Nenad Harmandzic. Ce récit

9 s'achève, malheureusement, le 13 juillet au sein d'une unité du 1er

10 Bataillon d'assaut de la police militaire. C'est là qu'on perd la trace de

11 Nenad Harmandzic.

12 C'est la seule conclusion que l'on peut tirer au vu des éléments de preuve

13 de l'Accusation, à savoir que Vinko Martinovic ne peut avoir le moindre

14 lien avec cet assassinat.

15 Examinons maintenant rapidement comment la Chambre de première instance a

16 pu en arriver à condamner Vinko Martinovic pour cet acte. Qu'est-il advenu

17 de ces éléments de preuve présentés par l'Accusation ? D'abord, la Chambre

18 a déclaré que les documents en question avaient un contenu inexact et qu'en

19 conséquence, ces documents ne devraient pas être pris en compte. C'est là

20 que nous situons la première erreur de la Chambre de première instance.

21 Maintenant, nous nous demandons comment la Chambre a tiré cette conclusion.

22 Personne, pas le moindre témoin, n'a dit cela à la Chambre. Ce sont les

23 Juges de la Chambre qui ont tiré cette conclusion d'eux-mêmes. Ils ont, sur

24 leur propre initiative, décidé que le contenu de ces documents était

25 inexact et ont éliminé ces éléments de preuve au plus grand mépris de la

Page 182

1 déposition du Témoin AD, qui s'est exprimé dans un sens identique à celui

2 du contenu des documents de l'Accusation.

3 Or, le droit en vigueur ici implique qu'un accusé doit être jugé sur la

4 base d'éléments de preuve. La Défense affirme, par conséquent, que la

5 Chambre de première instance n'avait pas le droit de conclure à

6 l'inexactitude des documents de l'Accusation, que les Juges de première

7 instance n'avaient pas le droit de se prononcer sans fondement, comme ils

8 l'ont fait et que, par conséquent, ils ont commis une erreur.

9 Voyons maintenant quelles sont les suppositions erronées qui ont été prises

10 en compte par la Chambre de première instance. Revenons sur le paragraphe

11 491 du jugement où nous lisons ce qui suit, dans le document PP774 [comme

12 interprété], il est écrit que le 13 juillet, Milenko a emmené Harmandzic

13 auprès de l'unité de police militaire. La Chambre de première instance

14 suppose que Harmandzic n'a pas été amené jusqu'à cette unité comme le

15 stipule le document, mais plutôt jusqu'à l'unité de Martinovic. D'où vient

16 cette supposition ? La Chambre de première instance affirme que c'était une

17 pratique couramment répandue et qu'il a dû être emmené dans une autre

18 unité. Mais ceci n'est pas exact. Ce n'était pas une pratique répandue.

19 Dans le document, on voit très bien qui a escorté Martinovic et jusqu'où il

20 l'a escorté. Ceci ne peut être discuté.

21 Dans le paragraphe 492 du jugement, on revient sur l'élément de preuve

22 PP774, et il est dit que Harmandzic s'est évadé de cette unité, dans cet

23 élément de preuve. La Chambre conclut à l'inexactitude de ce document, mais

24 elle a, encore une fois, commis une erreur arbitraire en déclarant que ce

25 document ne contenait que des contrevérités. Elle va même plus loin

Page 183

1 puisqu'elle utilise ce document en tant qu'élément de preuve contre Vinko

2 Martinovic, en disant que ce document a été utilisé pour couvrir les actes

3 commis par lui. Alors, y a-t-il quoi que ce soit à prendre en compte dans

4 ces conclusions de la Chambre de première instance ?

5 L'INTERPRÈTE : Il y a peut-être un petit problème technique, mais je vais

6 poursuivre.

7 M. PAR : [interprétation] Je vais maintenant dire quelques mots de cette

8 hypothèse qui a été prise en compte par la Chambre de première instance, à

9 savoir que des informations mensongères ont été introduites et consignées

10 dans le document dont je viens de parler. C'est l'hypothèse sur laquelle

11 s'appuie la Chambre de première instance.

12 D'où vient cette idée des Juges de première instance ? La Chambre de

13 première instance affirme que le chauffeur de Martinovic a reçu l'ordre, à

14 son arrivée à l'Heliodrom, d'informer le personnel chargé de l'Heliodrom du

15 fait que Harmandzic se serait évadé, alors que ceci n'était pas vrai, et

16 que c'est dans ces conditions que le document dont nous parlons a été

17 construit de toutes pièces.

18 Qu'est-ce qui est exact dans tout cela ? Que voit-on dans tous les

19 documents ? On voit que Milenko est nommé comme étant l'homme qui a escorté

20 Harmandzic, le membre de la police militaire qui l'a escorté jusqu'à

21 l'unité de la police militaire. Donc, si l'hypothèse de la Chambre de

22 première instance était exacte, à savoir que le chauffeur de Martinovic

23 avait transmis des informations mensongères au personnel de l'Heliodrom, il

24 n'aurait pas pu répondre du lieu où il avait emmené Harmandzic et un

25 document existerait qui ferait mention de l'évasion qui a suivi, l'évasion

Page 184

1 ultérieure de Harmandzic, un document dans lequel on trouverait également

2 l'unité dans laquelle il a fini par arriver. Par conséquent, les hypothèses

3 de la Chambre de première instance sont erronées et la déposition du Témoin

4 AD a été tout simplement ignorée par la Chambre en tant que construction de

5 toutes pièces sur la base de cette hypothèse erronée de la Chambre de

6 première instance.

7 La Défense affirme que la Chambre de première instance a émis des

8 hypothèses qui viennent d'elle, et uniquement d'elle, des hypothèses

9 arbitraires qui l'ont amenée à des conclusions erronées, à savoir que le

10 contenu du document dont nous discutons était inexact, et ceci a jeté le

11 discrédit sur un certain nombre de pièces à conviction. Si nous éliminons

12 cette hypothèse de base, que nous reste-il ? Bien, il nous reste des

13 éléments de preuve objectifs qui parlent d'eux-mêmes, de documents qui nous

14 disent comment les choses se sont passées, ainsi que la déposition du

15 Témoin AD de l'Accusation qui confirme les dates que l'on peut lire dans

16 ces documents.

17 Si nous éliminons cette hypothèse de départ, nous arrivons à la conclusion

18 très claire que Nenad Harmandzic a disparu le 13 juillet 1993 d'une unité

19 de la police militaire et que ceci ne peut être considéré comme ayant le

20 moindre rapport avec la responsabilité de Martinovic. Cependant, la Chambre

21 de première instance a tiré une conclusion tout à fait différente.

22 Ceci n'est qu'une erreur parmi d'autres dans les documents en question. La

23 Chambre de première instance s'est efforcée d'expliquer toutes ses

24 conclusions. Au paragraphe 507, en résumant les motifs de culpabilité de

25 Martinovic. Il est dit dans ce paragraphe qu'il aurait incité ses soldats à

Page 185

1 infliger des mauvais traitements à Harmandzic lorsqu'il se trouvait dans

2 son unité et que Harmandzic aurait été empêché de retourner à l'Heliodrom.

3 Il y est dit que des instructions erronées ont été données au chauffeur qui

4 aurait été incité à dire que Harmandzic s'était enfui et qui aurait raconté

5 des mensonges lors de l'enterrement de Harmandzic afin de couvrir toutes

6 ces actions.

7 La question que nous posons au sujet de ce deuxième motif d'erreur de

8 la part de la Chambre de première instance, c'est sur quoi reposent ces

9 conclusions de la Chambre au sujet du fait que le chauffeur aurait raconté

10 des mensonges à l'enterrement, et cetera, et cetera. Bien, ceci repose sur

11 un témoin important de l'Accusation qui a témoigné en public, à savoir

12 Halil Ajanic. Tout repose sur un seul témoignage et c'est sur ce témoignage

13 que la Chambre appuie ses conclusions et se fait une idée de la situation

14 d'ensemble. Qui est ce témoin, Halil Ajanic ? La Chambre de première

15 instance déclare que c'est un témoin sincère et fiable qui n'aurait

16 aucunement tenté de dissimuler son passé psychiatrique. Il a eu des

17 problèmes psychiatriques et c'est la raison pour laquelle nous avons cité à

18 la barre, un témoin expert, le Dr Begic, psychiatre qui nous a parlé du

19 dossier médical du Témoin Ajanic, et nous avons demandé à cet expert le Dr

20 Begic quel était l'état mental exact du témoin et est-ce que ce témoin

21 pouvait être considéré comme fiable ? Le psychiatre, le Dr Begic a déclaré

22 que cet homme souffrait de psychose alcoolique qui impliquait des

23 hallucinations et une pensée très perturbée. Il souffrait également

24 d'autres syndromes, pertes de mémoire, difficultés de concentration et

25 affaiblissement frisant le retard mental, ce qui a une influence importante

Page 186

1 sur son caractère. Voilà ce qu'a dit notre expert, le psychiatre, au sujet

2 de ce témoin.

3 Quelles sont les objections de la Défense par rapport aux conclusions

4 tirées par la Chambre de première instance ? La Chambre de première

5 instance a rejeté toutes ces conclusions de l'expert. Elle a estimé que le

6 témoin était un témoin sincère en dépit des problèmes psychologiques et

7 mentaux qui étaient les siens. La Chambre constituée de juristes ne doit

8 pas, de l'avis de la Défense, éliminer ainsi l'avis d'un expert au sujet de

9 l'état mental d'un témoin. Car selon la Chambre de première instance, cet

10 expert, ce témoin expert, psychiatre, aurait émis des conclusions qui

11 n'étaient pas dignes de foi.

12 Je ne vais pas rentrer dans le détail des motifs qui ont poussé la

13 Chambre à laisser de côté les conclusions du Dr Begic, mais en tout cas, la

14 Chambre a déclaré que le Dr Begic n'avait pas examiné le témoin, qu'il

15 avait tiré ses conclusions sur la base de la simple documentation médicale,

16 qu'on lui avait donné le diagnostic, qu'il l'avait lui et qu'il était venu

17 devant la Chambre reproduire le même avis. La Chambre de première instance

18 a estimé qu'il n'a travaillé que sur la base de documents et a donc

19 considéré que ceci n'était pas acceptable.

20 C'est là que se situe notre deuxième objection, à savoir qu'un témoin-clé,

21 un témoin important qui présente des théories argumentées devant la Chambre

22 au sujet d'une personne mentalement perturbée, ne doit pas, à notre avis,

23 voir sa déposition négligée de cette façon et le témoin perturbé ne peut

24 avoir plus d'importance qu'un témoin expert qui expose son avis d'expert

25 devant la Chambre.

Page 187

1 Autre question qui nous préoccupe grandement et qui est à la base

2 d'une nouvelle erreur de la Chambre de première instance, à savoir la

3 vérification de l'identité de Nenad Hamandzic. Nous avons entendu parler de

4 la situation. Nous savons que Nenad Hamandzic a disparu et qu'il y a eu

5 ensuite une exhumation à Mostar dans des fosses communes où son corps

6 serait présumé avoir été identifié suite à cette exhumation. Aucune analyse

7 d'ADN n'a été réalisée et la Défense soutient qu'une identification sans

8 ADN ne peut donner lieu à des conclusions fiables. C'est en tout cas ce

9 qu'a dit l'autre expert de la Défense, un médecin légiste qui a décrit les

10 conditions dans lesquelles le corps de Nenad Hamandzic aurait été exhumé.

11 Qu'est-ce qui est important ici ? Si cela se produit dans le cas de

12 ce cadavre, on peut se demander ce qu'il en est d'autres dépositions à

13 l'encontre de Martinovic. C'est une question qui n'est peut-être pas la

14 plus importante mais qui est, tout de même, d'une certaine importance car

15 elle présente, sous un jour un peu différent, l'ensemble de l'histoire.

16 Le médecin légiste cité par l'Accusation déclare que le cadavre

17 exhumé était bien celui de Nenad Hamandzic. La Défense a, pour sa part,

18 cité à la barre en première instance un autre expert, le Dr Skavic, qui a

19 procédé à de nombreuses autopsies en Europe car il était dirigeant d'une

20 équipe qui a travaillé dans un certain nombre de pays, en condition de

21 guerre.

22 Nous avons appelé cet expert, le Dr Skavic, pour confronter ses

23 conclusions à celles de l'expert de l'Accusation et nous dire si

24 l'identification s'est faite en bonne et due forme ou pas. Le Dr Skavic a

25 déclaré que des erreurs nombreuses avaient été commises dans le cadre de

Page 188

1 cette indentification, car aucune identification ne peut être considérée

2 comme fiable lorsqu'elle est menée dans ces conditions. En effet,

3 Harmandzic mesurait 1,92 m et lorsque son squelette a été mesuré, il a été

4 établi que la personne dont le corps a été exhumé mesurait entre 1,82 m et

5 1,85 m. Une différence importante de 16 cm qu'il importe de prendre en

6 compte pour décider s'il s'agit bien de la personne en question. Skavic a

7 déclaré qu'une différence aussi importante montre bien que l'identification

8 ne peut être considérée comme fiable et qu'on ne peut être sûr qu'il

9 s'agisse de la personne en question. Une erreur de 3 ou 4 cm est tolérable,

10 mais pas une erreur de 16 cm.

11 La Défense dit que l'identification n'a pas été menée dans de bonnes

12 conditions. En dehors des témoignages et des positions qui ont été faites

13 au sujet de la découverte de ce cadavre, c'est sur cette erreur de la

14 Chambre de première instance que la Défense met l'accent devant la Chambre

15 d'appel. La Chambre de première instance a déclaré que tout allait bien,

16 que les propos de l'expert de l'Accusation étaient acceptables, que les

17 propos de l'expert Skavic ne l'étaient pas.

18 La Défense se demande une nouvelle fois s'il est permis à la Chambre

19 de première instance de se prononcer au sujet de l'expertise de la

20 déposition d'un témoin expert relative à l'identification d'une personne de

21 cette façon et s'il est acceptable que deux experts aient des avis aussi

22 différents. Comment est-ce que la Chambre de première instance peut

23 trancher entre ces deux avis d'experts. La Chambre n'a pas rempli ses

24 obligations lorsqu'elle a décidé que l'un des deux avait raison aux dépens

25 de l'autre.

Page 189

1 Ceci est la base de toutes les erreurs qui ont suivi.

2 J'aimerais maintenant rapidement revenir sur ces trois erreurs qui

3 sont à la base de l'appel interjeté par la Défense, erreur documentaire,

4 erreur de témoignage de la part d'un témoin et témoignages contradictoires

5 de deux experts au sujet de l'identification.

6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je suis un peu perdu avec vos

7 calculs lorsque vous discutez de cette identification. Vous avez parlé de

8 1,92 m puis d'un 1,82 m à 1,85 m et vous parlez d'une différence de 16 cm.

9 Quels sont les chiffres exacts ?

10 M. PAR : [interprétation] Oui, oui, d'accord. C'est, tout à fait, possible,

11 Monsieur le Président. Je vais vous donner les chiffres exacts.

12 Le Dr Skavic, témoin expert de la Défense, a mis en cause

13 l'identification réalisée en déclarant que le cadavre mesurait entre 1,82 m

14 et 1,85 m. Nenad Hamandzic, lorsqu'il était vivant mesurait 1,92 m ou

15 plutôt, voyons, non, 1,96 m.

16 M. PAR : [interprétation] Donc, 196 moins 182, cela fait 14 cm selon

17 moi. Excusez-moi, je suis très mauvais en arithmétique. J'ai fait une

18 erreur de calcul.

19 N'est-il pas absurde pour prouver le meurtre de Nenad Harmandzic que

20 l'Accusation conteste son propre document, le réfute et discrédite son

21 propre témoin ? Qu'a fait la Défense ? Elle a cité à comparaître deux

22 témoins experts, qui ont été écartés par la Chambre de première instance,

23 et c'est la raison pour laquelle nous demandons l'acquittement de

24 Martinovic sur ce point.

25 Je souhaiterais à présent évoquer un deuxième incident, à savoir, l'affaire

Page 190

1 dite des fusils en bois. Nous en avons parlé pendant le procès en première

2 instance. Ceci touche aux chefs d'accusation 2, 3, 4 et 5.

3 La Chambre de première instance a conclu à la culpabilité de Martinovic

4 parce que le 17 septembre 1993, il a dirigé une offensive du HVO sur le

5 Bulevar et plusieurs détenus placés sous son commandement se sont vus

6 remettre des fusils en bois factice et ont été contraints de marcher à côté

7 d'un char afin de déterminer où se trouvaient les positions ennemies.

8 S'agissant de ce chef d'accusation, la Défense a affirmé dès le début du

9 procès que cet épisode a eu lieu au sein d'une autre unité. Cela s'est bien

10 produit, mais au sein d'une autre unité. Mais on reproche cela à Martinovic

11 pour une raison bien simple, parce que M. Martinovic est le seul de Mostar

12 ici pour les événements en question. Cet épisode a effectivement eu lieu

13 mais au sein d'une autre unité. Nous avons Vinko Martinovic dans le

14 prétoire, il y a un épisode, on fait le lien, et voilà ce qui s'est

15 produit. C'est ce qu'affirme la Défense.

16 Pourquoi disons-nous cela ? Là encore, voyons les documents de

17 l'Accusation. Nous n'avons pas nos propres documents sur la question.

18 D'après les documents à charge, cette attaque, survenue le 17 septembre, il

19 ressort de ce document que Vinko Martinovic n'a pas dirigé cette opération,

20 car il a refusé, et c'est quelqu'un d'autre qui s'en est chargé. Ce

21 document PP606 décrit ce qui s'est passé ce jour-là, et ainsi de suite.

22 Mais il n'est pas du tout question de prisonniers de guerre, ni de chars.

23 Rien de ce qui est reproché à Martinovic ne figure dans ce document.

24 Dans le document de l'Accusation P601.1, il est indiqué que toutes les

25 personnes, qui ont été amenées le 17 à l'unité de Martinovic, ont été

Page 191

1 ramenées par la suite à l'Heliodrom. Le Procureur n'affirme pas que

2 certaines se sont enfuies, que d'autres ont été blessées.

3 Dans le document P601.1 et le document P601.12, il en va de même.

4 La Chambre de première instance m'a demandé où j'avais trouvé dans ce

5 document que ces prisonniers de guerre avaient été ramenés. J'ai amené avec

6 moi le document en question. J'ai procédé aux vérifications nécessaires et

7 j'ai vu que dans le dossier, il est question de la pièce P601.1 C'est un

8 élément difficile à trouver, car il se trouve dans un registre qui comporte

9 de nombreuses pages. La page qui m'intéresse, c'est la page 01535273. Il

10 est question du 17 septembre 1993. S'agissant de l'unité de Vinko

11 Martinovic appelée l'Unité Vinko Skrobo, on précise quels prisonniers ont

12 été amenés au sein de son unité pour y travailler et lesquels ont été

13 ramenés, retour le 17 septembre à 19 heures 40. Donc, ces prisonniers ont

14 été amenés au sein de l'unité de Martinovic le 17 et ont été ramenés à

15 19 heures 40 le 27 septembre.

16 Le deuxième document auquel j'ai renvoyé porte la cote P55612.1 et il

17 est dit que les prisonniers ont été amenés à l'unité de Martinovic.

18 Ensuite, il est question du 27 septembre, les 12 prisonniers restants ont

19 été ramenés. Je ne vais pas m'attarder sur cela. La Chambre d'appel aura la

20 possibilité de se pencher plus avant sur ces documents. On m'a demandé de

21 fournir les références, et c'est ce que j'ai fait.

22 Donc, l'événement en question ne s'est pas produit au sein de l'unité

23 de Martinovic. Tous les prisonniers ont été ramenés, et l'épisode des

24 fusils en bois n'a pas eu lieu au sein de l'Unité de Vinko Martinovic;

25 c'est ce qu'affirme la Défense.

Page 192

1 La Chambre de première instance, elle n'a pas accepté cela. Nous

2 espérons que la Chambre d'appel l'acceptera. La Chambre de première

3 instance a déclaré qu'il y avait des déclarations de témoins ---

4 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Le Juge Schomburg voudrait vous poser

5 une question.

6 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Vous parlez de certains documents, de certaines pièces à conviction et j'y

8 reviens brièvement pour ce qui est du meurtre allégué. Vous avez renvoyé à

9 un document D2/14. D'après le Greffe, aucune pièce n'a été versée au

10 dossier sous la cote D2/14 ou D14/2. De quel document voulez-vous parler ?

11 Je vous remercie.

12 M. PAR : [interprétation] Le document D2/14 porte une cote différente avec

13 la mention P. Ce document a été versé au dossier sous une cote différente.

14 Je vais me pencher sur la question pendant la pause et je vous en parlerai

15 ensuite.

16 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie.

17 M. PAR : [interprétation] La référence est différente, et je vais procéder

18 aux vérifications nécessaires.

19 Revenons-en à l'affaire des fusils en bois. Selon la Défense, il ressort

20 des documents que cet épisode n'a pas eu lieu au sein de l'unité de

21 Martinovic. L'Accusation affirme qu'elle dispose de déclarations de témoins

22 sur ce point. Il y a les témoins PP, J, OO, Q, et d'autres qui ont parlé,

23 dans leurs dépositions, des circonstances dans lesquelles cet épisode

24 s'était déroulé.

25 Au paragraphe 282, la Chambre de première instance indique qu'il y a des

Page 193

1 incohérences nombreuses dans les dépositions de ces témoins. La Chambre est

2 d'avis que ces témoins ont sans doute été impliqués dans un autre épisode

3 qui a eu lieu le même jour et où des prisonniers ont pris part également.

4 Cette déclaration a surpris la Défense. Il s'agissait d'une déduction tout

5 à fait arbitraire de la part de la Chambre de première instance. Personne

6 n'a jamais affirmé que plusieurs événements de ce type avaient eu lieu le

7 même jour. Le Procureur a cité à comparaître des témoins afin de témoigner

8 au sujet d'un seul et unique épisode. Etant donné que les témoignages ne se

9 regroupaient pas et que les personnes citées auraient participé à

10 l'incident en question, la Chambre de première instance en a conclu que

11 certains témoins voulaient sans doute parler d'un autre épisode similaire

12 qui aurait eu lieu le même jour à un autre endroit.

13 C'est absolument ce qu'affirme la Défense, à savoir que cet épisode a

14 bien eu lieu, mais ailleurs. Pour préciser encore davantage nos objections

15 par rapport aux déductions tirées par la Chambre de première instance, je

16 dirais la chose suivante : comment la Chambre de première instance a pu

17 fonder une telle déduction comme quoi d'autres épisodes similaires ont dû

18 avoir lieu ce jour-là ? Comment a-t-elle pu tirer une déduction sur la base

19 de témoignages qui ne se regroupaient ? Car certains témoins ont déclaré

20 qu'un autre épisode similaire avait eu lieu. Voilà une autre erreur qu'on

21 ne peut pas ignorer. Nous admettons qu'un épisode similaire a eu lieu

22 ailleurs, mais pas qu'il y a eu plusieurs épisodes similaires, comme

23 l'affirme la Chambre de première instance. Le Procureur avance cette thèse

24 pour essayer de faire cadrer des témoignages discordants. Le Procureur

25 avance que certains ont pu se trouver ailleurs, et nous trouvons cela

Page 194

1 inacceptable

2 Il existe des pièces à conviction à charge qui attestent notre thèse.

3 Pourquoi y a-t-il autant de divergences dans les dépositions de témoins ?

4 Nous nous sommes attachés à la crédibilité des témoins à charge. Nous avons

5 avancé que ces témoins avaient été préparés au préalable par la police

6 secrète. Nous n'avons pas inventé cela en tant qu'équipe de la Défense

7 simplement parce qu'il s'agissait de témoins à charge. Ce n'est pas pour

8 cette raison que nous avons affirmé que ces témoins avaient été préparés

9 par la police secrète avant leur témoignage. A un moment donné, lorsque

10 l'Accusation a manqué d'éléments de preuve à l'appui de la thèse de

11 l'affaire des fusils en bois, elle a présenté un de ces fusils dans le

12 prétoire en disant qu'il avait été utilisé pendant cette épisode, car un de

13 ces témoins a dit qu'il avait gardé ce fusil. Mais dans le cadre de sa

14 déposition, le témoin n'a pas voulu dire comment il avait obtenu ce fusil,

15 pourquoi il l'avait gardé, comment ? C'est ainsi que tout à coup, on a vu

16 apparaître un fusil en bois dans le prétoire à l'appui de la thèse de

17 l'Accusation, comme par miracle.

18 C'est la raison pour laquelle nous avons dit que la police secrète avait

19 joué un rôle. Puis, l'enquêteur de l'Accusation, Apolonia Bos, est venu

20 témoigner au sujet de cet incident. On lui a posé des questions et on lui a

21 demandé comment elle avait obtenu ce fusil. Elle a répondu qu'elle l'avait

22 reçu d'un représentant de la police secrète et que ce fusil venait d'un

23 témoin non identifié. A l'époque, nous avons demandé pourquoi on ne citait

24 pas à comparaître cette personne à qui appartenait le fusil en question

25 pour qu'elle témoigne dans le prétoire. Apolonia Bos a répondu que cette

Page 195

1 personne ne voulait pas témoigner à moins que certaines de ses demandes

2 soient satisfaites, c'est-à-dire qu'elle soit réinstallée dans un autre

3 pays, qu'elle se voit attribuer une nouvelle identité, et ainsi de suite.

4 Donc, ces informations à charge paraissent très vagues. La Chambre de

5 première instance aurait dû remarquer ces détails et parvenir à la bonne

6 conclusion plutôt que de déduire que plusieurs épisodes de ce type avaient

7 dû avoir lieu.

8 Nous nous élevons contre cette déduction, car nous la trouvons

9 inacceptable.

10 En conséquence, s'agissant de l'affaire de fusils en bois, nous estimons

11 que la Chambre de première instance a commis une grave erreur, que la

12 déduction doit être annulée et que la déclaration de culpabilité sur ce

13 point doit être réformée et l'accusé acquitté.

14 J'ai des commentaires supplémentaires concernant les chefs 2 à 8. Ensuite,

15 je parlerai du troisième moyen d'appel, des questions touchant à la peine,

16 et je reviendrai sur certaines questions après la pause.

17 Pour ce qui est de la fixation de la peine, qui est notre troisième moyen

18 d'appel, nous faisons valoir que la Chambre d'appel doit acquitter l'accusé

19 de tous ces chefs d'accusation. Nous avons interjeté appel contre la peine,

20 car nous avons estimé que la Chambre de première instance n'a pas apprécié

21 comme il convient les circonstances aggravantes et atténuantes en ce qui

22 concerne l'accusé. La Chambre de première instance n'a pas retenu comme

23 circonstance atténuante le fait qu'il se soit rendu volontairement au

24 Tribunal. La Chambre de première instance n'a pas retenu non plus comme

25 circonstance atténuante l'assistance que Martinovic a donné aux Musulmans

Page 196

1 qui avaient été faits prisonniers, à ses voisins, ainsi que son attitude

2 général à l'encontre des membres de la communauté musulmane. Cela n'a pas

3 été retenu comme une circonstance atténuante et c'est un tort.

4 Nous pensons également que la Chambre de première instance a eu tort de

5 retenir ses fonctions de commandement comme une circonstance aggravante. A

6 la question de savoir si Vinko Martinovic s'est effectivement rendu

7 volontairement au TPIY, la Chambre de première instance a répondu par la

8 négative. Selon nous, la reddition volontaire implique une certaine volonté

9 de la part de l'accusé, et des mesures prises par lui. Ce qui doit

10 également être pris en considération ce sont les circonstances générales,

11 la situation dans laquelle se trouve l'accusé à l'époque où il apprend

12 l'existence de cet acte d'accusation dressé contre lui. Martinovic, à

13 l'époque, était détenu suite à un jugement rendu par le Tribunal de canton

14 de Zagreb. C'est là qu'il a appris l'existence d'un acte d'accusation

15 dressé par le TPIY à son encontre. Et de savoir si une personne en

16 détention peut volontairement se rendre au TPIY.

17 La Défense s'élève contre la déduction faite par la Chambre de première

18 instance sur ce point. Un détenu est tout à fait en mesure d'exprimer sa

19 volonté de façon claire et de prendre les mesures qui s'imposent pour

20 faciliter son extradition et son transfert vers le Tribunal. Il peut

21 également indiquer qu'il ne souhaite pas répondre à une convocation du

22 Tribunal. Il peut entraver l'extradition. Il existe plusieurs exemples de

23 tels comportements. Deux cas similaires ont été examinés par la Chambre de

24 première instance, et la Chambre de première instance a conclu qu'aucun des

25 deux accusés en l'espèce ne s'était volontairement rendu.

Page 197

1 Pour ce qui est de Vinko Martinovic, ce dernier a déclaré clairement qu'il

2 souhaitait se rendre volontairement au Tribunal de La Haye. Il a déclaré

3 qu'il souhaitait être transféré à La Haye dès qu'il a eu connaissance de

4 l'acte d'accusation dressé contre lui. Il a déclaré qu'il ne se sentait pas

5 coupable des crimes qu'on lui reprochait et qu'il voulait prouver son

6 innocence devant le Tribunal sans retarder davantage son extradition.

7 Le ministère public de la République de Croatie était opposé à

8 l'extradition de Vinko Martinovic à La Haye et a fait appel devant la Cour

9 suprême afin d'empêcher cette extradition. Vinko Martinovic avait également

10 le droit de faire appel de la décision relative à son extradition, d'autant

11 plus que le ministère public de Croatie y était opposé.

12 Qu'a fait Vinko Martinovic ? Il a renoncé à son droit d'interjeter appel et

13 a demandé à être transféré à La Haye dans les plus brefs délais. Dans de

14 telles circonstances Vinko Martinovic a clairement exprimé sa volonté

15 d'être transféré à La Haye et a pris toutes les mesures en son pouvoir pour

16 faciliter son extradition. Qu'entend-t-on par reddition volontaire si ce

17 que je viens de décrire ne peut pas être qualifié de reddition volontaire ?

18 Il y a une autre question très importante que je souhaiterais soulever sur

19 ce point. Si on considère que la reddition volontaire est une circonstance

20 atténuante ayant pour objet d'encourager d'autres accusés à se rendre de

21 façon volontaire, l'exemple de Vinko Martinovic est important, car le

22 public en Croatie et en Bosnie-Herzégovine suit ce qui se passe à La Haye

23 dans les médias et a suivi cette affaire et s'est demandé si Martinovic

24 allait aller à La Haye ou non, et le public a bien compris que Martinovic

25 souhaitait se rendre à La Haye. Cela ne faisait aucun doute.

Page 198

1 La Chambre de première instance a douté de cette volonté, mais nous pensons

2 que cela doit être retenu comme une circonstance atténuante en faveur de

3 l'accusé Martinovic.

4 Une autre circonstance atténuante que nous pensons importante mais

5 qui n'a même pas été examinée par la Chambre de première instance est la

6 suivante : il s'agit de l'attitude de Vinko Martinovic et de son

7 comportement à l'égard des prisonniers musulmans et de ses voisins

8 musulmans pendant la guerre. La Défense a cité à comparaître des dizaines

9 de témoins musulmans pour essayer de changer la description caricaturale

10 qui a été faite de Martinovic. Tous les témoins que nous avons cités

11 étaient victimes de persécution, MA, MB, et ainsi de suite. Nous avons

12 entendu quels traitements leur a été infligés. Ceci n'est contesté par

13 personne. La Chambre de première instance a conclu que Martinovic a aidé

14 ces personnes et a choisi de ne pas aider d'autres personnes.

15 Notre raisonnement est le suivant : si je dois être déclaré coupable de ne

16 pas avoir aidé certaines personnes, il faut que l'on retienne en ma faveur

17 l'assistance que j'ai fournie à d'autres personnes.

18 Je ne souhaite pas entrer dans les détails au sujet de ces dépositions. Il

19 y avait une famille musulmane que Martinovic a cachée sa cave pour les

20 protéger de l'armée croate. Nous avons entendu leurs témoignages sur la

21 façon dont Martinovic leur a sauvé la vie. Malheureusement, je n'ai pas le

22 temps de parler de cela en détail.

23 J'ai une question à poser aux Juges. Il me faut encore cinq minutes pour

24 traiter de la fixation de la peine. Peut-être que je pourrais faire avant

25 la pause et continuer après la pause sur d'autres sujets.

Page 199

1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Veuillez poursuivre.

2 M. PAR : [interprétation] La Défense est d'avis qu'il existe des

3 circonstances atténuantes importantes, notamment l'assistance fournie aux

4 prisonniers et aux voisins musulmans dont certains sont venus témoigner ici

5 devant le Tribunal. Selon nous, tous ces témoignages constituent des

6 circonstances atténuantes importantes qui doivent être prises en

7 considération.

8 Pour ce qui est des circonstances aggravantes, la Chambre de première

9 instance a commis une erreur en concluant que les fonctions de commandement

10 de Vinko Martinovic représentaient des circonstances aggravantes. Selon la

11 Défense, le simple fait qu'une personne soit un commandant ou exerce des

12 fonctions de commandement ne serait être retenu comme une circonstance

13 aggravante surtout si cette personne a déjà été tenue responsable au regard

14 de l'Article 7(3). Dans la cas d'un commandant qui a véritablement exercé

15 des fonctions de commandement, on pourrait retenir effectivement une telle

16 circonstance aggravante. Mais, lorsqu'une personne occupe des fonctions de

17 commandement moins importantes, ses responsabilités sont moindres que

18 celles d'un colonel, je pense, ou d'un général. Je pense que la Chambre de

19 première instance a eu tort de conclure qu'il s'agissait là d'une

20 circonstance aggravante, cela ne tient pas.

21 Comparons à présent les peines. Pour ce qui est des peines prononcées dans

22 le cadre d'affaires similaires à celle-ci, il semblerait que la peine

23 infligée à M. Martinovic soit injuste. Je ne souhaite pas m'attarder sur

24 cette question, car nous l'évoquons en détail dans notre mémoire d'appel.

25 Il y a une autre remarque importante que je souhaiterais faire ici. Dans le

Page 200

1 cadre de la fixation de la peine, la Chambre de première instance a

2 apprécié de façon erronée le rôle joué par Martinovic. Ce rôle a été

3 exagéré et a eu une incidence sur la peine prononcée.

4 A l'époque du procès qui a été mené contre Naletilic et Martinovic, ces

5 derniers ont été présentés comme les responsables de tous les maux, de tous

6 les drames qui se sont déroulés à Mostar. Lorsque le Procureur a établi un

7 nouvel acte d'accusation pour ce qui est de Mostar impliquant six Croates

8 de Bosnie auxquels on reprochait des agissements dans le cadre d'une

9 entreprise criminelle commune. Mais, qu'en est-il de Martinovic ? On ne le

10 trouve nulle part. S'ils avaient su à l'époque du procès quelle forme de

11 responsabilité était encourue, les peines prononcées n'auraient pas été

12 aussi lourdes.

13 Le Procureur se préparait à cette peine depuis sept ou huit ans. La peine

14 infligée à l'encontre de Martinovic est excessive, injuste et

15 disproportionnée. Martinovic est venu ici pour être jugé de façon

16 équitable, pour que la peine qui lui soit infligée soit juste. Ses attentes

17 sont les mêmes devant la Chambre d'appel. C'est tout ce qu'il demande. Il

18 veut un procès équitable et une peine juste. Les moyens de preuve

19 supplémentaires que nous voulions présenter au stade de l'appel ont été

20 rejetés, et je sais que mon client est mécontent de cela. Néanmoins, le

21 procès est à présent équitable et nous espérons que la peine sera, elle

22 aussi, juste et équitable.

23 Selon nous, cette peine doit être liée à une déclaration de culpabilité se

24 fondant sur des allégations établies au-delà de tout doute raisonnable, et

25 c'est tout ce que j'avais à dire pour le moment.

Page 201

1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie, Maître Par. Nous

2 allons faire une pause de 30 minutes.

3 Mais, avant de ce faire, je souhaite informer les parties qu'on m'a dit que

4 les expurgations faites antérieurement dans le compte rendu d'audience ont

5 été divulguées car la question a été soulevée trop tard, nous n'avons que

6 30 minutes pour effectuer des expurgations avant que le public ait

7 connaissance des débats. J'enjoins aux parties d'être prudent pour ce qui

8 est des informations confidentielles, et je souhaite leur demander qu'ils

9 signalent immédiatement à la Chambre s'ils remarquent que des informations

10 confidentielles ont été divulguées.

11 Nous allons faire une pause jusqu'à 16 heures 55.

12 --- L'audience est suspendue à 16 heures 25.

13 --- L'audience est reprise à 16 heures 59.

14 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous reprenons nos travaux, et je donne

15 la parole pour environ 25 minutes à la Défense.

16 M. PAR : [interprétation] Je crains de devoir annoncer que je n'entends pas

17 l'interprétation vers le croate. Est-ce que vous l'entendez vous

18 l'interprétation vers le croate ? Peut-on faire un essai ? Nous pouvons

19 poursuivre, si les Juges me comprennent, c'est le principal.

20 Dans la deuxième partie de mon exposé, j'ai l'intention de répondre avant

21 tout aux questions qui avaient été posées par la Chambre durant la

22 préparation de cette audience. Ces questions se répartissent en deux

23 groupes dont le premier porte sur les éléments que nous avons soulignés

24 dans l'acte d'accusation comme absence de précision de l'acte d'accusation

25 et ce genre d'éléments. Dans un deuxième groupe de questions, nous

Page 202

1 aborderons les éclaircissements demandés au sujet d'un certain nombre de

2 points du mémoire d'appel.

3 Alors, je commence par les questions relatives à l'imprécision de certains

4 points de l'acte d'accusation. S'agissant des paragraphes 143, 184, 417 et

5 408 du jugement, ainsi que des paragraphes 431, 434, et 453 de notre

6 mémoire d'appel.

7 Nous disons, au sujet de l'ensemble de ces paragraphes, que les actes qui

8 sont mentionnés dans ces paragraphes n'étaient pas mentionnés dans l'acte

9 d'accusation. La position de la Défense à cet égard consiste à dire, nous

10 ne sommes pas mis en Accusation pour ces actes, donc la Défense ne peut

11 répondre à ceci. La Chambre, en tous cas c'est ainsi que j'ai compris la

12 question posée par la Chambre, a posé la question de savoir si l'accusé se

13 considérait mis en accusation pour des actes déterminés après en avoir

14 compris la nature. C'est de ce point que je vais traiter maintenant en

15 revenant sur les paragraphes précis qui sont concernés.

16 Dans chacun des paragraphes évoquant un événement qui ne figure par dans

17 l'acte d'accusation, nous estimons que notre client n'est pas en accusation

18 eu égard à cet événement ou à cet incident particulier. Je reviens sur les

19 paragraphes précis qui sont concernés.

20 Mais tout d'abord, je pose la question suivante : pourquoi est-ce que

21 je m'exprime ainsi ? Pourquoi est-ce que cette position est la nôtre et

22 sous quelle forme avons-nous reçu les informations requises ? Pour répondre

23 à cette question, nous nous fondons sur la pratique légale en vigueur dans

24 notre pays, sur l'école juridique que nous connaissons et qui dispose que

25 l'acte d'accusation doit être communiqué à l'accusé avec la plus grande

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1 clarté ainsi qu'à ses conseils de la Défense. Ceci ne souffre aucune

2 discussion.

3 Lorsque nous sommes arrivés devant ce Tribunal, nous avons compris qu'en

4 fait les choses étaient un peu différentes car les formulations que l'on

5 trouve dans l'acte d'accusation du TPI sont assez générales et il convient

6 de prêter la plus grande attention au libellé des charges. Nous n'avons

7 jamais pensé que toutes les dépositions de tous les témoins qui viennent

8 devant la Chambre peuvent être incluses dans l'acte d'accusation, cela

9 c'est quelque chose à quoi nous avons été confronté à la lecture du

10 jugement et nous nous sommes rendus compte que les dépositions de témoins

11 pouvaient devenir des espèces de mini actes d'accusation et c'est cela qui

12 me préoccupe car je dois dire que j'en ai été un petit peu surpris. En

13 particulier, si nous parlons d'un certain nombre d'incidents spécifiques,

14 par exemple, les expulsions du 29 septembre. En effet, prenons un exemple,

15 je suis poursuivi pour des actes datant du 13 et du 14, ou pour tout autre

16 date, la date n'est pas importante ici, mais en tous cas ce qui est

17 important c'est que je ne vois pas comment, dans ces conditions, on peut

18 parler du 29 septembre, date pour laquelle je ne suis pas accusé, et date

19 qui n'a été évoquée que par un seul témoin, un peu au hasard. Je ne sais

20 pas si mes arguments sont justes ou pas, mais je tiens beaucoup à vous

21 faire connaître mon point de vue sur cette question. Donc, ceci est notre

22 position du côté de la Défense, mais c'est également ce que nous avons

23 expliqué à notre client.

24 C'est le point de départ de la façon dont notre client se défende par

25 rapport à l'acte d'accusation, et sur des dates de ce genre, il dit, Je ne

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1 suis pas mis en accusation. Je ne suis pas poursuivi en justice. Ensuite,

2 on voit des témoins défiler dans le prétoire et on entend le Procureur

3 déclarer que la déposition de tel témoin a été fournie par écrit en temps

4 utiles, que la Défense a pu se préparer, que les différents chefs de l'acte

5 d'accusation qui ont un rapport avec telle ou telle déposition ont été

6 indiqués clairement et que c'est la Défense qui n'a pas bien fait son

7 travail. Alors, tout cela se résumerait à une erreur de la Défense.

8 Nous disons que ceci est une stratégie de la part de l'Accusation,

9 qui place la Défense dans une position très difficile. L'Accusation déclare

10 que les dépositions de témoins ont été fournies à temps. Or, nous n'avons

11 pas reçu cette déposition. On nous a transmis des milliers de pages de

12 déclarations préalables de témoins au début de la procédure, dont 80 % ne

13 devaient pas être utilisés pendant le procès. Donc, nous nous sommes

14 trouvés confronter à des tonnes de papier, à des piles énormes de papier,

15 dont certains seulement concernaient les témoins qui devaient déposer dans

16 le prétoire.

17 Lorsqu'on dit, du côté de l'Accusation, que la Défense a reçu les

18 dépositions à temps, je ne crois pas que ce soit la bonne manière de

19 communiquer des informations aussi importantes que celles-la, car nous nous

20 sommes véritablement trouvés enterrés sous les tonnes de papier. Ceci a

21 duré pratiquement jusqu'à hier. L'Accusation sait que la Défense est de

22 toute façon dans une position plus faible que ne l'est l'Accusation. Nous

23 ne sommes que deux du côté de la Défense. Nous recevons en permanence des

24 documents.

25 Par exemple, je vous citerais le cas d'une déposition de témoin qui

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1 nous est parvenue à un moment. On nous disait que c'était peut-être un

2 témoin important. Ce témoin capital s'est avéré être un témoin anonyme,

3 vous voyez, et sa déposition est prise en compte par la Chambre en rapport

4 avec l'acte d'accusation. Je ne suis pas en mesure d'accepter un argument

5 de ce genre, un argument selon lequel nous n'aurions pas été assez clairs,

6 où lorsqu'on voit des témoins venir déposer par rapport à l'ensemble des

7 chefs contenus dans l'acte d'accusation, donc pratiquement par rapport à

8 100 % de l'acte d'accusation, on voit ce témoin entrer dans le prétoire, on

9 l'écoute, on l'écoute pendant un jour. J'ai un cas précis à l'esprit, mais

10 je ne me souviens plus si c'était au printemps ou à l'automne dernier. En

11 tout cas, ce témoin a déclaré, Quelqu'un m'a passé à tabac. Je ne sais plus

12 bien si c'était ici ou si c'était là. Je ne me souviens plus de qui était

13 cette personne. Je ne sais pas si Martinovic était présent ou pas. Peut-

14 être l'était-il, mais je n'en suis pas sûr. Tout cela me préoccupe un petit

15 peu. C'est un témoin qui accuse l'accusé, et moi, du côté de la Défense, je

16 ne peux me concentrer sur rien de précis.

17 En effet, dans l'acte d'accusation, on a des centaines d'incidents

18 mentionnés, peut-être pas une centaine, mais en tout cas un grand nombre.

19 C'est un acte d'accusation qu'on peut qualifier de cumulatif, avec des

20 qualifications subsidiaires, avec le même acte commis par la personne mise

21 en accusation qui est pris en compte, au titre de différents chefs

22 d'accusation, et je ne vois vraiment pas comment ce témoin qui, parait-il,

23 était professeur et qui déclarait avoir été passé à tabac, pouvait

24 s'exprimer de façon aussi vague au sujet de qu'il a vécu, en effet.

25 Souvenez-vous où il a dit, Je ne connais pas l'endroit. Je ne connais pas

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1 la date exacte. Je ne sais pas très bien ce qui s'est passé et qui était

2 présent.

3 Alors, moi du côté de la Défense, comment est-ce que je peux

4 m'organiser pour travailler sans savoir exactement de quoi il s'agit, sans

5 même savoir quel jour les choses se sont passées ? Je n'ai rien. Je ne

6 reçois absolument aucun élément précis. Pour moi, le problème est venu

7 particulièrement du fait qu'on se trouvait face à des témoins parlant d'une

8 queue de personnes en file indienne, entendues les unes après les autres,

9 dans un seul et même endroit, toutes membres d'une unité militaire. Mais

10 comment est-ce que les dépositions ont été reçues ? On ne le sait pas

11 exactement. Le témoin ne le sait pas non plus.

12 Donc, je considère que je n'ai pas été informé pour préparer mon

13 travail d'une manière satisfaisante. Je crois que tout cela ne va pas. Je

14 pense que l'on ne doit pas pouvoir considérer les dépositions de témoins

15 comme des espèces d'actes d'accusation et qu'il n'est pas acceptable que je

16 doive moi-même faire des recherches pour comprendre de quoi mon client est

17 accusé exactement. Voilà les raisons pour lesquelles, par rapport à tous

18 les chefs d'accusation liés au paragraphe que j'ai évoqué tout à l'heure,

19 nous estimons qu'aucune méthode de défense ne peut être développée, car les

20 éléments pertinents sont manquants.

21 Maintenant, j'aurais encore quelques mots à dire au sujet d'un point

22 particulier.

23 Le paragraphe 143 du jugement évoque un ordre destiné à transformer

24 une installation privée en poste de commandement de Vinko Skrobo. On trouve

25 ce fait mentionné dans un document sur la centaine que nous avons eue sous

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1 les yeux ici. Un témoin a déclaré un jour, J'étais là, je faisais des

2 travaux de réparation, de nettoyage, je réparais des bâtiments endommagés.

3 Je ne sais pas s'il s'agit de travail illégal. Puis tout d'un coup, on

4 m'apprend, après l'audition de ce témoin, que le bâtiment en question était

5 censé contenir des bureaux de commandement. Je découvre cela à la fin de la

6 présentation des preuves par rapport à l'acte d'accusation et je le lis

7 dans le jugement. Je lis que Martinovic aurait donné l'ordre de transformer

8 des installations privées en bâtiments destinés à servir d'installations

9 militaires. Or, nous estimons, du côté de la Défense, que notre client

10 n'était pas mis en accusation par rapport à ce fait.

11 Paragraphe 184, il est question de trois incidents impliquant des

12 sévices infligés à des prisonniers. Là encore, je considère que mon client

13 n'a pas été mis en accusation pour ces actes. Pourquoi ? Ceci est

14 d'ailleurs un exemple type montrant bien dans quelle situation se trouvait

15 la Défense. Nous ne savons pas quand cela s'est passé. Nous ne savons pas

16 dans quelles conditions. Nous ne savons pas où et nous ne savons pas qui

17 l'a fait. Nous ne disposons pas des informations les plus élémentaires dont

18 nous aurions besoin. Pourquoi est-ce que cela ne figurait pas dans l'acte

19 d'accusation ? Personne ne peut le dire exactement. On pourrait écrire tout

20 un acte d'accusation autour ce cet acte. Est-ce que l'Accusation était en

21 mesure de le faire ou pas ? Je pense que n'importe qui de censée et de

22 raisonnable s'exprimerait comme moi et dirait comment est-ce que l'on peut

23 travailler pour organiser une défense sans avoir les éléments les plus

24 élémentaires pour organiser cette défense ? Nous ne savons pas de quoi

25 notre client est accusé exactement. Et des témoignages comme celui-ci, il y

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1 en a un très grand nombre, et tout cela finalement revient à une situation

2 dans laquelle quelqu'un est accusé de faits qui ne sont pas explicités, qui

3 ne sont pas décrits précisément.

4 A mes yeux, c'est tout à fait inacceptable. Je tenais à le dire et je

5 répète que nous considérons ne pas être accusés pour tous ces actes.

6 Paragraphe 417, transferts illégaux. Même situation. L'événement en

7 date du 29 septembre 1993. Je ne me sens pas accusé ou poursuivi par

8 rapport aux actes liés à cet événement, mais un seul témoin a été entendu à

9 ce sujet et il a dit avoir été expulsé et déporté de l'autre côté du front.

10 Ceci devient une mise en accusation. Le Procureur déclare que 600 personnes

11 ont été expulsées et déportées de l'autre côté des lignes. Où sont ces

12 témoins ? Nous n'en avons entendu qu'un. Où sont les 600 personnes en

13 question ? Pour des chefs d'accusation moins importants, dix témoins ont

14 été entendus. Alors où sont les témoins qui traiteront de ce fait En dehors

15 de leur présence, tout cela devient non pertinent. Ils n'ont pas été

16 convoqués. Ils ne sont pas venus à la barre pour témoigner devant la

17 Chambre.

18 De toute façon, de quelle accusation est-il question ici ? 600

19 personnes prétendent avoir été expulsées par Martinovic et il est ensuite

20 condamné sur la base d'une seule déposition qui traite de ce point sans

21 qu'il soit dit, à aucun moment, où il aurait commis une erreur. Parce que,

22 comme tout être humain, il peut commettre des erreurs. Il était ailleurs.

23 Il n'était pas à l'endroit évoqué. Il n'était pas dans la zone de

24 responsabilité de son unité à ce moment-là. Le témoin a commis une erreur;

25 c'est une possibilité aussi. La Chambre de première instance a également

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1 commis une erreur. Mais pourquoi l'a-t-elle fait ? Le témoin a déclaré,

2 Nous avons été expulsés vers un autre quartier de la ville non loin de

3 l'hôpital qui s'occupe des maladies pulmonaires.

4 Rappelons-nous bien cet hôpital. Martinovic tenait la ligne qui avoisinait

5 un centre médical. On parle de centre médical, donc ce sont deux instances

6 tout à fait différentes. Le témoin dit avoir été transféré dans l'hôpital

7 chargé des maladies pulmonaires. Je pense que cet hôpital dépendait de

8 l'unité de Benko Penavic. Mais qui s'occupe de cela ?

9 La Chambre de première instance ne s'en est pas occupée. Elle a confondu

10 l'hôpital chargé des maladies pulmonaires et le centre médical et a tiré la

11 conclusion qu'elle a tirée sur la base de la déposition de ce témoin qui

12 disait qu'il y a eu déportation, expulsion d'un certain nombre de

13 personnes. Donc, la conclusion a été tirée par la Chambre que tout cela

14 s'est passé dans la zone de responsabilité de Martinovic. C'est un exemple

15 type des erreurs commises par la Chambre et de la façon dont ont été

16 traitées dans ce dossier les expulsions de 600 personnes.

17 Paragraphe 431 du jugement et de deux autres paragraphes liés au chef de

18 pillage commis par les soldats de Martinovic, et voilà la preuve qui a été

19 prise en compte. Pillage systématique, trois témoins ont été entendu sur ce

20 chef d'accusation, le Témoin F, qui a également témoigné pour d'autres

21 chefs d'accusation, l'incident des fusils de bois, le travail illégal et

22 pratiquement tous les chefs retenus dans l'acte d'accusation. Il s'est

23 concentré sur l'incident des fusils de bois et en quelques phrases, il a

24 parlé d'incidents de pillage, de vol, et tout cela est repris mot pour mot

25 dans le jugement.

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1 Alors, voyez-vous ce qui s'est passé effectivement. Retrouvons ce point. Le

2 témoin qui, selon ses propres déclarations, tient Martinovic pour

3 responsable de pillage, dit-il, affirme qu'il était avec des soldats à un

4 endroit indéterminé. Il ne sait pas exactement où. Il ne connaît pas la

5 ville en question, et cetera, et cetera.

6 Le Procureur lui demande s'il y a vu Martinovic.

7 Il dit, Non.

8 Le Procureur lui demande si les hommes de Martinovic étaient dans cette

9 unité.

10 Il dit, Oui, je pense que oui.

11 Est-ce qu'il les connaissait ?

12 Il dit, Je ne peux pas le dire avec certitude. Bien sûr, il ne peut pas

13 être sûr. Rien dans tout cela n'est sûr. Par exemple, la déposition en

14 question manque totalement de certitude.

15 Puis, il y a un autre témoin, le Témoin OO. Il dit : Je n'ai pas de

16 précisions au sujet des informations en question. Des pillages ont eu lieu

17 quelque part. Les soldats se sont trouvés quelque part. Mais il n'y a pas

18 eu de vérification. Quand ? Où ? Comment les choses se sont passées ? On ne

19 sait pas. Puis, bien entendu, tout cela a abouti à des conclusions erronées

20 de la part de la Chambre, qui sont tout à fait manifestes.

21 Le Témoin F a déclaré, J'affirme que les hommes de l'unité de Martinovic

22 m'ont emmené piller un certain nombre de propriétés. Je les ai accompagnés

23 pour ce faire. On lui demande, est-ce qu'il connaît le nom du soldat qui

24 les a emmenés ?

25 La réponse est : Oui - et il cite un nom - je le connaissais

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1 personnellement, dit-il.

2 Est-ce que vous saviez d'où il était originaire ?

3 Il répond, Non, je ne sais pas.

4 Est-ce que vous connaissez l'endroit ? On lui demande de le montrer sur la

5 carte, et il montre un endroit sur la carte.

6 Voyons de plus près la liste des soldats, membres de l'unité de Martinovic.

7 On ne trouve pas de Zubac, le nom prononcé par le témoin. Il y a un certain

8 cuisinier qui s'appelait Stafkac [phon], mais cela n'a sans doute pas le

9 moindre rapport. Puis, le lieu qui est censé être celui du pillage était en

10 fait dans la zone de responsabilité de Benko Penavic et de son unité, où un

11 soldat nommé Mario Zubac faisait partie de cette unité, et c'est sans doute

12 à lui que pensait le témoin qui a été interrogé au cours de cette

13 déposition.

14 C'est peut-être pour cela qu'il a dit, Je le connaissais, mais je ne peux

15 pas vous donner de précision.

16 Car il a été très, très vague au sujet du lieu où on lui aurait ordonné de

17 commettre un pillage. Tous les paragraphes de l'acte d'accusation relatifs

18 à ce fait sont imprécis, je le répète. Donc, notre client estime qu'il n'a

19 pas été mis en accusation dans les conditions requises. N'importe qui, même

20 un non spécialiste, aboutirait à cette même conclusion. Je ne sais pas si

21 les critères requis ont été respectés. Voilà ce que j'avais à dire au sujet

22 de ces incidents.

23 De combien de temps est-ce que je dispose encore ? Cinq minutes sans doute.

24 Par rapport aux autres points, j'aimerais expliquer ce que la Défense

25 entend par déclarations de culpabilité cumulatives et preuves de

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1 l'intention, preuves de l'élément moral. Nous n'avons peut-être pas été

2 suffisamment clairs à ce sujet. Depuis le début, nous nous sommes opposés

3 aux déclarations de culpabilité cumulatives et aux qualifications

4 subsidiaires. Nous savons que c'est la pratique ici. Nous l'avons accepté

5 tout en faisant connaître notre position sur ce point.

6 Je ne vais pas m'appesantir puisqu'il ne me reste que peu de temps, mais un

7 certain nombre d'assassinats ont fait l'objet de charges retenues dans des

8 actes d'accusation et dans celui qui nous intéresse, les chefs 13 et 14

9 sont concernés ainsi qu'un autre chef qui traite d'homicide volontaire. Les

10 éléments constitutifs de cet acte criminel sont toujours les mêmes. On a

11 l'assassinat, et à mon avis, on ne peut pas poursuivre en justice une

12 personne au titre de plusieurs chefs pour une seule et même action. Nous

13 estimons qu'il est éventuellement possible d'alléguer de circonstances

14 aggravantes, mais dans la situation précise dont nous parlons, la Chambre

15 de première instance a estimé qu'il lui était loisible de condamner une

16 personne au titre de l'Article 5 en même temps qu'au titre de l'Article 2.

17 Nous estimons que lorsqu'une situation de ce genre se présente, seul le

18 crime le plus grave doit donner lieu à condamnation. Le crime moins grave

19 devant être considéré comme compris dans le crime plus grave. Nous estimons

20 que ce point est très important et il est également très important dès lors

21 que l'on discute de la nature internationale du conflit. Nous voyons que

22 l'intention de notre client n'a pas été prouvée, pas plus que ne l'a été

23 l'existence d'un conflit international armé. En tout cas, l'intention de

24 participer à un conflit international armé n'a pas été prouvée. En

25 l'absence de preuve de cet élément moral, nous demandons à la Chambre

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1 d'appel d'annuler le cumul des déclarations de culpabilité, car un acte

2 plus grave doit englober l'acte moins grave.

3 Pourquoi est-ce que nous insistons sur cet aspect des déclarations de

4 culpabilité cumulées ? Lorsqu'il est question d'expulsions et de

5 persécution, nous sommes un peu dans la même situation. Je vais y revenir.

6 Ce n'est pas très compliqué de se demander quelles sont les qualifications

7 juridiques et d'entendre un certain nombre de témoins. Or ici, on a entendu

8 des témoins qui ont traité d'un certain nombre de faits, d'événements

9 factuels, et on a ensuite constaté que leurs dépositions étaient cumulées,

10 si je puis m'exprimer ainsi, pour finalement donner globalement une image

11 synthétique qui est un nouvel acte d'accusation. Un acte d'accusation

12 beaucoup plus étendu, beaucoup plus important que l'acte d'accusation

13 d'origine qui avait été dressé à l'encontre de Martinovic. Nous ne voyons

14 pas, du côté de la Défense, comment Martinovic peut être condamné pour deux

15 meurtres sur la base d'un seul et même acte.

16 Je vois que le temps court, donc je pense que je vais m'arrêter ici, mais

17 je voudrais vérifier si j'ai encore quelques points à aborder.

18 Ah, oui. Il y a une question que j'estime d'une certaine importance au

19 sujet des qualifications subsidiaires.

20 Pourquoi est-ce que nous sommes tellement contre ces

21 qualifications subsidiaires ? Parce que nous voyons qu'en l'espèce, aux

22 chefs 13 et 14, l'Accusation parle d'un certain nombre de charges retenues

23 contre notre client, donc meurtre sous forme d'assassinat, chef numéro 13,

24 ou subsidiairement, chef 16, traitement cruel et chef 17, le fait

25 d'infliger de grandes souffrances. Nous voyons une chose au début et une

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1 chose à la fin du passage concerné dans l'acte d'accusation. Des éléments

2 de preuve sont sollicités du côté de l'Accusation. Puis, cette façon de

3 mettre en accusation sur un mode subsidiaire demeure dans le texte.

4 Pourquoi est-ce que nous sommes préoccupés par ces qualifications

5 subsidiaires ? Nous disons que si l'Accusation avait levé certaines de ces

6 accusations subsidiaires, les choses seraient encore acceptables. Mais j'ai

7 l'impression que le Procureur a encore des doutes quant à son attitude

8 définitive par rapport à un certain nombre d'actes criminels invoqués par

9 lui. Nous pensons que si la Chambre de première instance n'est pas mise

10 dans une situation où elle peut juger l'accusé pour le crime plus grave,

11 lorsqu'il y a plusieurs crimes en concurrence, il implique, en tout état de

12 cause, adopter une attitude qui sera le plus favorable à l'accusé dès lors

13 qu'il y a le moindre doute par rapport à l'importance des charges. Cela,

14 c'est un critère juridique qui doit être appliqué, à notre avis. Lorsque

15 l'Accusation poursuit une personne un peu dans le doute, la Chambre de

16 première instance doit s'efforcer de déterminer quel est le crime le moins

17 grave et quel est le crime le plus grave, et le plus grave doit englober le

18 moins grave; c'est notre position.

19 J'en ai terminé ici. Je suis arrivé au bout du temps qui m'était imparti.

20 J'ai encore un certain nombre d'éléments que je considère importants, mais

21 je vous remercie de votre attention pour le moment.

22 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Maître Par.

23 Y a-t-il un problème d'interprétation ?

24 M. FARRELL : [interprétation] Monsieur le Président, l'interprétation du

25 B/C/S en anglais est disponible sur le canal 4, et apparemment sur le canal

Page 215

1 1, on a l'anglais sans interprétation. Je ne sais pas si cela vous aidera.

2 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

3 Donc, je disais que nous pouvons maintenant entendre la réponse de

4 l'Accusation qui disposera d'une demi-heure cet après-midi pour entamer la

5 présentation de sa réponse, et elle poursuivra cette présentation demain

6 matin. Monsieur Farrell, vous avez la parole.

7 M. FARRELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, je répondrai à deux

9 moyens d'appel évoqués ce matin. J'espère que je terminerai ma réponse

10 concernant le conflit armé international avant la suspension d'audience

11 aujourd'hui. Si nécessaire, je parlerai du meurtre de Nenad Harmandzic

12 demain matin, et mes collègues aborderont les questions restantes.

13 S'agissant du moyen d'appel soulevé par rapport à l'existence d'un conflit

14 armé international, j'évoquerais une question soulevée par l'appelant, à

15 savoir l'allégation concernant les faits présentés dans leur mémoire selon

16 laquelle M. Martinovic ne savait pas ou n'était pas animé de l'intention

17 requise par ce Tribunal pour être déclaré coupable des crimes sanctionnés

18 par l'Article 2.

19 J'évoquerai deux questions à titre préliminaire. Premièrement, la question

20 du moyen d'appel qui porte sur les faits, selon l'Accusation, et non pas

21 sur le droit. La question soulevée à ce stade résulte de la décision rendue

22 par la Chambre d'appel dans l'affaire Kordic et Cerkez. A l'issue de mes

23 arguments présentés sur cette question, l'Accusation précise que ni dans le

24 mémoire de l'appelant, ni dans la réponse de l'Accusation, ni dans la

25 décision rendue par la Chambre d'appel dans l'affaire Kordic en 2004, il

Page 216

1 était question de cela, mais j'aborderai ces questions sous forme résumée

2 afin de vous présenter la position de l'Accusation sur ce point. Mais nos

3 arguments seront brefs sur ce point.

4 La question que j'avais dit qui se pose à titre préliminaire est de savoir

5 s'il est bien nécessaire qu'il y ait des éléments contextuels pour

6 l'existence d'un conflit armé international et pour que l'on conclue à

7 l'élément moral requis en matière de connaissance. Cette question, d'après

8 l'appelant, a été tranchée au paragraphe 311 de l'arrêt Kordic.

9 Je souhaiterais simplement indiquer que l'arrêt Kordic se fondait sur des

10 arguments se fondant sur le principe nullum crimen sine lege, le principe

11 de la légalité.

12 Dans cette affaire, il n'y avait pas d'argument soulevé sur l'élément moral

13 requis dans le cas d'un conflit armé international. Dans les arguments

14 avancés par le conseil de M. Kordic le 17 mai 2004, à la page 319 du compte

15 rendu d'audience en appel, l'argument avancé par l'appelant sur le principe

16 de la légalité est que la Défense, en vertu de l'Article 2, l'infraction ne

17 tombe sous le coup de la compétence du Tribunal que si elle était reconnue,

18 en droit international coutumier, comme forme de responsabilité existante à

19 l'époque où l'infraction a été commise. L'appelant n'a pas avancé qu'il y

20 avait un élément moral exigé dans le cadre d'un conflit armé international.

21 La décision rendue dans Kordic, d'après l'Accusation, annule les décisions

22 rendues précédemment par cette Chambre d'appel. La Chambre d'appel dans

23 l'affaire Tadic n'a pas directement établi la responsabilité de M. Tadic

24 sur un critère objectif. Dans l'arrêt Celebici, la Chambre d'appel a

25 déterminé que l'existence d'un conflit armé international avait été établie

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1 de façon objective et ensuite a estimé que le régime prévu par les

2 conventions de Genève en vertu de l'Article 2 s'appliquaient et a déclaré

3 les appelants coupables sur la base de l'Article 2 sans qu'il y ait eu de

4 conclusions relatives à une connaissance factuelle des circonstances

5 relatives au conflit armé.

6 Il est intéressant de noter que dans l'arrêt Kordic et Cerkez, si on

7 accepte l'argument de l'appelant exposé au paragraphe 211, M. Cerkez a été

8 déclaré coupable du chef 30 sur la base de l'Article 2 et a été déclaré

9 coupable de crimes commis dans la municipalité de Vitez pour ce qui est de

10 la détention. La Chambre d'appel toutefois n'a jamais conclu que M. Cerkez

11 avait connaissance des circonstances factuelles entourant la nature du

12 conflit. Et la question de savoir s'il s'agissait d'un conflit

13 international ou non, d'après mon examen du jugement, je n'ai rien trouvé

14 qui était la conclusion que les conclusions exposées au paragraphe 311

15 exigeaient de telles constatations.

16 Au paragraphe 311, l'élément moral a été établi dans le contexte du

17 principe de la légalité. Selon l'Accusation, le principe de la légalité

18 comporte deux éléments : premièrement, l'interdiction d'ex post facto;

19 deuxièmement, le caractère prévisible ou la connaissance qu'avait l'accusé

20 du droit en vigueur.

21 Il s'agit là d'un élément objectif. Il s'agit de savoir si la personne

22 accusée aurait pu savoir que son comportement était répréhensible et si la

23 nature de l'infraction même aurait pu être prévue. Mais je ne vois pas en

24 quoi cela constituera un élément subjectif, en quoi cela a trait à la mens

25 rea, l'élément moral. L'élément moral requis est qu'un accusé aurait dû

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1 raisonnablement savoir à l'époque que son comportement était considéré

2 comme répréhensible. Les composantes de cet élément moral n'ont pas été

3 établies, mais il aurait dû avoir une certaine connaissance de ces éléments

4 pour que l'Accusation puisse conclure à sa culpabilité.

5 Je noterais sur ce point que pour qu'un accusé puisse être tenu

6 responsable, il vous faut voir quelle était la nature du conflit armé.

7 Dans le Statut de la CPI, Article 8, il est expressément indiqué, dans

8 l'introduction relative aux éléments : "Il n'est pas nécessaire que

9 l'auteur ait connaissance des faits qui permettent de conclure que le

10 conflit armé était international ou non. Les commentaires relatifs au

11 Statut de la CPI indiquent que le fait d'exiger qu'un auteur ait

12 connaissance du caractère du conflit et demander au Procureur de prouver

13 qu'il en ait eu connaissance constituerait un critère trop élevé qui ne

14 doit pas être prouvé en vertu du droit existant."

15 "L'exigence que l'auteur d'un crime ait eu connaissance du caractère

16 international d'un conflit armé a été rejetée par un nombre de personnes,

17 par toutes les délégations."

18 Si la Chambre nous l'autorise, l'Accusation présentera ces questions par

19 écrit ainsi que les documents y afférant. Sinon, nous présenterons nos

20 arguments à l'oral.

21 Troisièmement, la Chambre de première instance a conclu qu'il n'y avait pas

22 de mens rea particulière requise dans le cadre d'un conflit armée

23 international. Comme vous le savez, la décision relative à l'Article 98 bis

24 a fait état de cette question soulevée par l'appelant, la question de

25 savoir s'il avait connaissance ou conscience de l'existence d'un conflit

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1 armé international. Dans cette décision relative à l'acquittement daté du

2 28 février 2002, la Chambre de première instance a déclaré que cet élément

3 moral n'était pas requis. Ceci a été la position de l'Accusation pendant

4 toute cette affaire.

5 Donc, la qualification de mon confrère, selon laquelle l'Accusation n'a pas

6 présenté de preuve du fait que M. Martinovic avait connaissance du

7 caractère du conflit armé, est quelque peu surprenante.

8 La Chambre d'appel Blaskic a conclu que lorsque la Chambre de première

9 instance a commis une erreur de droit, la Chambre devient juge du fait. Il

10 importe d'appliquer le critère du doute raisonnable. Il s'agit de savoir

11 s'il y avait suffisamment de faits pour confirmer les déclarations de

12 culpabilité sanctionnées par l'Article 2.

13 Je vous renvoie à certains éléments de preuve produits devant la Chambre de

14 première instance et certaines constatations ou conclusions indiquant que

15 les appelants avaient tous deux connaissance des circonstances factuelles

16 du caractère international du conflit armé. Je suis certain que la Chambre

17 d'appel appréciera que ce n'est si cette Chambre suit les conclusions dans

18 Kordic que cela sera nécessaire.

19 Je vais à présent présenter mes arguments au sujet des appelants, et

20 j'indique à la Défense de M. Naletilic et à la Défense de M. Martinovic que

21 je ferai référence à certains faits. Je n'ai pas d'objection à ce que

22 l'appelant ait la possibilité de répondre, dans un souci d'équité.

23 Je vais vous donner quelques éléments de contexte, si vous voulez bien. La

24 Chambre, aux paragraphes 192 et 193 du jugement, fait état de 36 pièces à

25 conviction et de 12 témoins, et estime que la présence et l'intervention

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1 directe de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine, notamment dans la région

2 de Mostar, est prouvée en 1993 sur cette base, armée croate qui donne en

3 abrégé HV. La Chambre de première instance, au paragraphe 193, déclare que

4 les troupes de l'armée croate ont participé à la commission de crimes

5 visant les Musulmans, en particulier à Mostar. 14 témoins différents ont

6 été entendus et ont dit qu'une brigade de l'armée croate connue sous le nom

7 de Tigres se trouvait dans la région de Mostar, et en particulier, au

8 niveau du centre de détention de l'Heliodrom.

9 Un certain nombre de témoins ont dit dans leur déposition, qu'une brigade

10 de l'armée croate, connue sous le nom de l'unité de l'Eclair, se trouvait

11 également dans la région de Mostar.

12 La Chambre, au paragraphe 193 du jugement, a fait observer qu'un certain

13 nombre de témoins ont dit que ces unités étaient stationnées à l'Heliodrom

14 pendant la période couverte par l'acte d'accusation. On fait remarquer que

15 certaines victimes sont les mêmes pour cette unité et pour le Bataillon des

16 Condamnés, y compris pour le groupe de Martinovic.

17 Je vous demande de vous rappeler que M. Martinovic et M. Naletilic, eux-

18 mêmes en personne, se sont rendus à plusieurs reprises à l'Heliodrom et ont

19 été identifiés par plusieurs personnes qui s'y trouvaient en détention. On

20 trouve cela mentionné dans les paragraphes 432 à 436 du jugement. Je dirais

21 qu'il serait assez illogique que les détenus de l'Heliodrom aient eu

22 connaissance de faits liés aux unités de l'armée croate et que si ces

23 unités de l'armée croate n'étaient pas stationnées à l'Heliodrom et

24 n'opéraient pas dans la région de Mostar, alors que le chef bien connu du

25 Bataillon des Condamnés et son sous-commandant dans la région de Mostar

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1 n'auraient pas eu connaissance de ces faits.

2 J'aimerais maintenant revenir sur un certain nombre de passages du

3 jugement. Je me rends bien compte que le temps court.

4 Page 194 du jugement d'abord, si vous voulez bien.

5 Paragraphe 193, page 65 dans la version anglaise du jugement. On y lit que

6 : "De nombreux témoins ont vu des troupes de l'armée croate en plusieurs

7 endroits pertinents et ont corroboré cette déclaration. Ces soldats

8 appartenaient à diverses unités et étaient stationnés en différents lieux

9 et ont parfois pris part aux crimes commis contre la population musulmane."

10 Maintenant, si vous lisez la note en bas de page 533, qui se trouve à la

11 page suivante de la version anglaise du jugement, elle se lit comme suit,

12 je cite : "Le témoin a déclaré qu'en début de matinée, le 9 mai 1993, des

13 civils musulmans ont été arrêtés par des soldats qui portaient des

14 uniformes et des insignes de la HV armée croate et du HVO." On y lit

15 également, je cite : "La HV a participé au conflit à Mostar le 9 mai 1993."

16 Un ancien membre du Bataillon des Condamnés, le témoin Falk Simang, a

17 témoigné en disant que des soldats de l'armée croate ont participé aux

18 expulsions de Musulmans de Mostar en même temps, aux côtés du HVO." Cela se

19 passait le 9.

20 A la note en bas de page 534, la Chambre fait également observer, au milieu

21 de la note, s'agissant de la pièce à conviction PP373, que selon le témoin

22 à l'origine de cette pièce, l'armée croate a participé au conflit à Mostar

23 le 9 mai 1993 et un certain nombre de listes de pièces à conviction

24 viennent à l'appui de cette conclusion.

25 Alors, je demanderais maintenant aux Juges de la Chambre d'appel de se

Page 222

1 pencher sur la conclusion relative à l'attaque qui a eu lieu le 9, celle

2 dont il a été question un peu plus haut. Paragraphe 145 du jugement où il

3 est question de deux témoins qui faisaient partie du Bataillon des

4 Condamnés et qui opéraient à Mostar le 9 mai. La dernière phrase de ce

5 paragraphe se lit comme suit, je cite: "Selon le témoin Ralf Mrachacz,

6 Mladen Naletilic exerçait un pouvoir de commandement sur le KB, Bataillon

7 des Condamnés, pendant toutes ces opérations à Mostar."

8 Maintenant, prenons la note en bas de page 427, la toute dernière

9 phrase où nous voyons que la Chambre de première instance considère comme

10 fiables et crédibles les dépositions du témoin Falk Simang et du témoin

11 Ralf Mrachacz."

12 Prenons la note 428 qui porte sur la déposition de ces deux témoins

13 estimés fiables et crédibles. Le témoin Falk Simang a également parlé dans

14 sa déposition d'une deuxième opération à Mostar. Il a déclaré que Mladen

15 Naletilic l'avait affecté au groupe de soldats croates avec lesquels il a

16 marché jusqu'à la ville de Mostar afin de nettoyer un quartier de la ville.

17 Il ajoute également dans sa déposition : "Toutes les unités placées sous

18 les ordres du général Tuta participaient aux opérations aux côtés de

19 l'armée croate et que le commandement était pour nous, dit-il, le général

20 Tuta."

21 La Chambre a estimé qu'il y avait des troupes de l'armée croate à

22 Mostar, mais à mon avis, et je le dis avec tout le respect que je dois à la

23 Chambre, elle est même allée plus loin que cela. Car elle a estimé que des

24 troupes de l'armée croate étaient stationnées à l'Heliodrom, ce qui permet

25 à l'Accusation d'en déduire que ces troupes opéraient aux côtés du

Page 223

1 Bataillon des Condamnés et notamment, au cours d'une opération placée sous

2 le commandement du général Tuta.

3 Un certain nombre d'autres conclusions pertinentes ont été faites sur

4 lesquelles je ne vais pas revenir, que l'on trouve dans le jugement, mais

5 je les ferai simplement remarquer rapidement. Au paragraphe 199 du jugement

6 de première instance, note en bas de pas 548, on lit que le témoin Mrachacz

7 confirme que la plupart des éléments d'équipement du Bataillon des

8 Condamnés provenaient de Croatie. Alors, je demanderais aux Juges de la

9 Chambre d'appel de se rappeler que Mrachacz était un mercenaire, membre du

10 Bataillon des Condamnés. Il ne parlait pas très bien la langue parlée dans

11 la région, et ceci n'a pas empêché ses dires d'être admis, acceptés par la

12 Chambre de première instance, à savoir qu'il savait que les éléments

13 d'équipement de ces hommes venaient de Croatie. C'est quelque chose qu'il

14 est assez incroyable de penser qu'un soldat du Bataillon des Condamnés

15 pouvait connaître, mais son sous-commandant, lui, en aurait été informé.

16 En note en bas de page 553, où il est toujours question de la

17 déposition Mrachacz, on voit que celui-ci dans son témoignage, qu'en tant

18 que membre du Bataillon des Condamnés, il était payé en devise croate

19 venant de Croatie par les bons soins de Naletilic. Pièce à conviction P327.

20 (expurgé) qui

21 stipule que Naletilic a demandé à Boban et à Tudjman l'autorisation de

22 créer sa propre unité antiterroriste.

23 Enfin, l'Accusation, dans sa mémoire de clôture, fait état de la

24 pièce à conviction P558, lettre manuscrite apparemment due à Naletilic et

25 envoyée au ministre de la Défense de Croatie, Gojko Susak, en vue de

Page 224

1 demander que certains soldats soient autorisés à le rejoindre dans des

2 actions armées.

3 Avec le respect que je dois à la Chambre, je dis que la seule

4 conclusion raisonnable sur la base de ces éléments de preuve, mais

5 également des faits, consiste à dire que Naletilic avait connaissance des

6 circonstances factuelles impliquées, et je fais remarquer que l'arrêt

7 Kordic n'indique pas ce que l'on entend par les mots circonstances

8 factuelles. S'agit-il simplement des faits ou de certaines circonstances

9 particulières, ce n'est pas mentionné. En tous cas, c'est ce critère qui a

10 été utilisé pour juger de la présence des troupes d'un pays étranger. Comme

11 vous le savez, l'existence d'un conflit international armée ne peut être

12 déterminée que sur deux bases, à savoir, la participation de troupes d'un

13 pays étranger, mais également le commandement général de ces troupes, et

14 que ces deux éléments suffisent à démontrer en l'espèce que ce conflit

15 était bien un conflit international armé et que M. Naletilic était

16 impliqué.

17 Je consacrerai cinq minutes à la fin, si vous me le permettez, à

18 discuter des faits retenus contre M. Martinovic.

19 Excusez-moi, j'entends le B/C/S, que je ne connais pas très bien.

20 Puis-je poursuivre ?

21 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Est-ce que le problème est réglé

22 maintenant ?

23 M. FARRELL : [interprétation] Oui, Merci Monsieur le Président.

24 Comme je le disais, je vous demanderais de bien vouloir prendre en

25 compte tous les arguments que je viens de développer ainsi que les

Page 225

1 conclusions tirées précédemment auxquelles j'ai fait référence. A présent,

2 je me pencherai sur certains éléments supplémentaires qui portent

3 exclusivement sur M. Martinovic.

4 D'abord, je rappellerais à la Chambre d'appel qu'au paragraphe 195 du

5 jugement en première instance, la Chambre de première instance conclut que

6 la République de Croatie a organisé l'envoie d'une grande majorité des

7 troupes de son armée en Bosnie-Herzégovine. Rappelez-vous que le Témoin

8 Simang, le Témoin Knudsen et le Témoin QQ ont également été envoyés sur

9 place en provenance de Croatie et qu'ils se sont tous retrouvés au sein du

10 Bataillon des Condamnés. Deux d'entre eux se retrouvant dans le bataillon

11 de M. Martinovic.

12 Le Témoin Knudsen, dans sa déposition, pages 5591 à 5599 du compte

13 rendu d'audience, déclare qu'il se trouvait à Zagreb avec le Témoin Q et

14 qu'ils ont été abordés au sujet de la possibilité d'être envoyés en Bosnie.

15 Ils avaient déjà participé à des combats dans la période antérieure, et

16 c'est un homme qui s'appelle Branko Barbic qui, dit-il, les a contactés au

17 sujet d'un départ éventuel pour la Bosnie-Herzégovine. M. Barbic est un

18 attaché militaire qui est à l'origine d'une lettre envoyée au parlement

19 croate. Le Témoin Knudsen indique qu'il les a emmenés dans son bureau au

20 parlement croate et qu'il a ensuite décidé de les envoyer à Mostar en leur

21 confiant une lettre adressée qui était la même que celle qu'avaient tous

22 les membres des unités de l'armée croate en Bosnie et qui était destinée à

23 les aider à se retrouver à Mostar et à rejoindre les rangs du HVO. En fait,

24 M. Knudsen dit dans déposition, que l'armée croate a fourni le logement et

25 les moyens de transport pour se rendre jusqu'à Mostar.

Page 226

1 Et qu'à leur arrivée à Mostar au début du mois de septembre, M.

2 Knudsen a produit ce document signé émanant de Branko Barbic et du

3 parlement de Croatie devant Vinko Martinovic, et comme le dit le témoin QQ

4 dans sa déposition, il n'était pas très sûr que ce document serait accepté,

5 mais c'est sur la base de ce document, qui a finalement été admis, qu'il a

6 reçu un certain nombre d'avantages et notamment, un appartement à Mostar.

7 M. Knudsen dit également dans sa déposition, qu'à la mi-septembre il

8 a été blessé et qu'il est retourné au Danemark. Après s'être remis de ses

9 blessures, il est revenu au mois d'octobre devant le parlement croate où il

10 a rencontré M. Barbic. Il a reçu une lettre de lui qui l'autorisait à

11 retourner sur place, et il a repris sa place dans la brigade de M.

12 Martinovic. A son deuxième retour, il a conservé la lettre qui lui avait

13 été fournie, qui constitue la pièce à conviction 658. Cette lettre de M.

14 Barbic est adressée à l'armée des Croates de Bosnie et à l'armée de

15 Croatie, et stipule que M. Knudsen doit être envoyé dans l'une de "nos"

16 unités de Mostar. Il est tout à fait manifeste, au vu de ces éléments de

17 preuve contextuels que je viens d'évoquer, que M. Martinovic était tout à

18 fait au courant de la participation de l'armée de Croatie aux opérations de

19 Mostar le 9 et que c'est un fait que ses troupes étaient stationnées à

20 l'Heliodrom et que M. Martinovic envoyait ses hommes récupérer les

21 prisonniers. Des éléments de preuve nombreux l'attestent. Ces éléments de

22 preuve montrent bien qu'il était au courant de la présence des troubles de

23 l'armée croate à Mostar et de leur participation à la guerre aux côtés des

24 Croates de Bosnie.

25 Comme vous le savez, la Chambre a conclu à la participation de M.

Page 227

1 Martinovic aux actions du 9 mai et aux expulsions auxquelles il a été

2 procédé ce jour-là. Les unités de l'armée croate qui combattaient à Mostar

3 l'ont fait au mois de mai, et des soldats de l'armée de Croatie ont

4 participé à ces expulsions. La Chambre n'a pas conclu que ces expulsions

5 étaient identiques à celles auxquelles a participé M. Martinovic, en toute

6 justice.

7 Mais je fais remarquer que s'agissant des unités de l'armée de

8 Croatie stationnées à l'Heliodrom, nous avons l'élément de preuve P601.1 où

9 on trouve une référence à la date du 17 septembre 1993. Le jour où les

10 détenus ont été emmenés à effectuer des travaux forcés. La Chambre a conclu

11 que c'était bien la date de l'incident que l'on connaît sous le nom

12 d'incident des fusils de bois.

13 Dans le registre, on trouve une entrée où il est question de détenus

14 emmenés par la Brigade Vinko Skrobo qui est la brigade de M. Martinovic et,

15 à l'entrée suivante, juste en dessous, on voit une mention faite d'une

16 brigade de l'armée de Croatie, les Tigres, et du fait que des détenus ont

17 été emmenés faire des travaux forcés ce même jour. Ce qui indique

18 clairement la participation de ces hommes au même endroit et au même lieu à

19 ces actions.

20 Le Témoin OO a dit dans sa déposition, page 5 939 du compte rendu

21 d'audience, qu'il a fait des travaux forcés dans la rue Santiceva qui est

22 une rue qui se ne trouve pas dans la zone de responsabilité de M.

23 Martinovic, mais que dans la rue suivante, des unités de l'armée de Croatie

24 étaient stationnées et cela c'était bien dans sa zone de responsabilité. Si

25 des unités de l'armée croate étaient stationnées dans la zone de

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1 responsabilité tout près du quartier opérationnel de M. Martinovic, je

2 soutiens qu'il serait inconcevable que ce dernier n'ait pas été au courant

3 du fait que des troupes étaient stationnées tout à côté de chez lui.

4 M. Knudsen dit également dans sa déposition avoir vu des véhicules de

5 l'armée de Croatie devant le QG de Vinko Martinovic. Ceci figure au

6 paragraphe T5662. Mrachacz témoigne également, je l'ai déjà dit tout à

7 l'heure, que des équipements du Bataillon des Condamnés provenaient de

8 Croatie. Or, des hommes de M. Martinovic se trouvaient dans ce Bataillon

9 des Condamnés.

10 C'est sur la base des éléments de preuve soumis à la Chambre que la

11 seule conclusion raisonnable pouvait être que Martinovic avait eu

12 connaissance des circonstances factuelles entourant sa mise en accusation.

13 L'Accusation affirme et maintient sa déposition

14 initiale : (1), à savoir que ceci est un critère qui doit être respecté; et

15 (2), que si la Chambre Kordic a estimé que c'était une exigence, l'arrêt

16 repris d'ailleurs dans l'arrêt Aleksovski, nous voyons qu'il faut qu'il y

17 ait connaissance des conditions contextuelles. L'arrêt Kordic doit être

18 interprété comme mes confrères l'ont interprété, à savoir qu'aucun élément

19 ne doit être fourni pour justifier la présence de l'élément moral, aucun

20 élément n'est requis à cet égard, c'est ce qui ressort des arrêts Tadic et

21 Celebici. Je répète que ces arguments que je vous présente aujourd'hui

22 oralement sont des arguments élémentaires car nous n'avons pas encore

23 étudié la question de façon très approfondie.

24 Ce sera tout pour ce soir, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Farrell.

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1 Il y a un élément qui doit être expurgé du compte rendu d'audience. En

2 effet, un document a été mentionné qui est conservé sous pli scellé.

3 M. FARRELL : [interprétation] Je vous prie de m'excuser.

4 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous nous occuperons de cela.

5 Nous sommes arrivés au terme de l'audience d'aujourd'hui. Nous allons

6 suspendre et poursuivre demain à partir de 9 heures où nous entendrons la

7 suite de la réponse de l'Accusation. Ensuite, nous entendrons la réponse de

8 M. Martinovic. Ensuite, nous parlerons de l'ordonnance portant calendrier

9 du 16 septembre 2005.

10 L'audience est suspendue.

11 --- L'audience d’appel est levée et reprendra le mardi 18 octobre 2005, à

12 9 heures 00.

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