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1 Le mardi 28 octobre 2003
2 Audience sentencielle
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 15 heures 04.
6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pourriez-vous annoncer l'affaire, s'il
7 vous plaît, Monsieur le Greffier.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
9 Messieurs les Juges, il s'agit de l'affaire IT-0260/1-S, le Procureur
10 contre Momir Nikolic.
11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.
12 Comme nous l'avons prévu cet après-midi, nous continuons l'audience et nous
13 allons entendre les témoins de la Chambre de première instance.
14 Je voudrais à nouveau vous répéter que le but de cette audience -- de
15 l'audience -- de l'audition de ces témoins sert uniquement à établir la
16 crédibilité. Cela ne veut pas dire que la Chambre de première instance a
17 quelque doute que ce soit concernant la base factuelle qui corrobore ce
18 plaidoyer de culpabilité.
19 Cet après-midi, nous allons entendre trois témoins. Tout d'abord, moi, en
20 tant que Président de la Chambre, je veux poser quelques questions aux
21 témoins pour commencer. Ensuite, la Défense va pouvoir poser ses questions
22 et ensuite le Procureur sera autorisé éventuellement à poser des questions.
23 Ensuite, à la fin, les deux autres Juges de la Chambre de première instance
24 seront en mesure de poser leurs questions à ce témoin.
25 Le premier témoin est M. Deronjic. Cette Chambre de première instance a
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1 fait une ordonnance demandant qu'il comparaisse en tant que témoin en
2 l'espèce. Nous avons ici présent son conseil. Il est dans le prétoire, et
3 il va pouvoir observer et suivre la procédure.
4 Monsieur, pourriez-vous vous présenter, s'il vous plaît.
5 M. CVIJETIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, je
6 m'appelle Slobodan Cvijetic. Je suis le conseil de l'accusé ou plutôt du
7 témoin Miroslav Deronjic, enfin, qui comparaît ici en tant que témoin.
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien. Vous pouvez vous asseoir.
9 Le Conseil du témoin peut intervenir si le besoin se présente et c'est
10 aussi au sujet des questions juridiques qui relèvent des droits de son
11 client; cependant, le conseil n'a pas le droit d'intervenir au sujet des
12 questions factuelles. Est-ce que vous avez compris cela, Maître ?
13 M. CVIJETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien, merci.
15 Avant que le témoin ne pénètre dans le prétoire, est-ce qu'il y a quoi que
16 ce soit -- quelque question que ce soit, les parties souhaitent soulever ?
17 Monsieur Nikolic.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je ne
19 reçois pas de traduction. Quand vous parlez, je ne reçois aucune
20 traduction. Je ne comprends absolument pas ce que vous dites. Je ne reçois
21 pas de traduction en B/C/S.
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] M'entendez-vous à présent ?
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président, je vous
24 entends.
25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir, Monsieur
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1 Nikolic.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je viens d'expliquer aux parties quelle
4 sera la procédure de l'audience d'aujourd'hui.
5 Oui ?
6 M. KIRSCH : [interprétation] Cher Monsieur le Président, je voudrais
7 simplement apporter une correction par rapport au compte rendu d'hier à un
8 moment où Maître Londrovic questionnait les témoins d'hier. Je pense qu'il
9 s'agit de la page 43, ligne 19, au moment où il a demandé s'il était membre
10 du SDS. Dans le compte rendu d'audience, on peut lire "SDA", c'est-à-dire,
11 que Me Londrovic a demandé s'il était membre du SDA. Evidemment, Me
12 Londrovic faisait référence au SDS et je voudrais que ceci soit bien clair
13 pour tout le monde, y compris, pour le Procureur. Donc je vous demande de
14 bien vouloir corriger et vérifier cela.
15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien. Merci. Merci d'avoir attirer
16 notre attention là-dessus, mais je pense que vous n'avez subi aucun dommage
17 juridique par rapport à cette petite erreur -- à cause de cette petite
18 erreur, et je pense que tout le monde comprends cela. Donc il n'y a pas eu
19 de préjudice. Je pense que le témoin -- le premier témoin peut entrer dans
20 le prétoire.
21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. M'entendez-
23 vous ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je vous entends. Bonjour.
25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pourriez-vous lire la déclaration
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1 solennelle qui figure sur les papiers que l'Huissier va vous présenter.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
4 LE TÉMOIN: MIROSLAV DERONJIC [Assermenté]
5 [Le témoin répond par l'interprète]
6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir.
7 Questions de la Cour :
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vais vous poser un certain nombre de
9 questions. Pour le compte rendu d'audience, je vais vous demander de vous
10 présenter.
11 R. Je m'appelle Miroslav Deronjic.
12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Quelle est la date de votre naissance ?
13 R. Je suis né le 6 juin 1954.
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Quelle était votre adresse avant de venir
15 à La Haye ?
16 R. J'habitais à Bratunac dans la rue de Gavrilo Princip, numéro 22.
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que vous avez un quelconque lien
18 de parenté avec M. Nikolic ?
19 R. Non. Je n'ai pas vraiment de lien de parenté directe; cependant, ma
20 femme -- mon épouse et M. Nikolic ont un lien de parenté.
21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Quelle était votre fonction au mois de
22 juillet 1995 ?
23 R. Jusqu'au 11 juillet 1995, j'étais au poste du président du Bord
24 municipal du SDS à Bratunac. A partir du 11 juillet 1995, je suis nommé au
25 poste du commissaire civil pour Srebrenica et ceci par une décision émanant
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1 de la présidence de la Republika Srpska. Je voudrais expliquer -- dire
2 qu'ici, dans un certain nombre de documents, on parle de "représentants
3 civils". Moi, je ne pense pas qu'il s'agit là d'une fonction exacte. La
4 vraie fonction que j'avais, c'était "commissaire civil".
5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pouvez-vous nous dire quelle est la
6 différence entre les deux fonctions ?
7 R. Et bien, les commissaires civils, c'était une fonction bien connue dans
8 l'ex-Yougoslavie et dans la Republika Srpska. Il s'agit d'une fonction qui
9 est bien définie et la fonction de "représentant civil" ou de "député
10 civil", en tant que fonction, n'existait pas. En tout cas, je n'en ai
11 jamais entendu parler.
12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je voudrais attirer votre attention sur
13 la date du 13 juillet 1995. Est-ce qu'à cette date-là, une réunion s'est
14 tenue dans la nuit de ce jour-là et ceci dans votre bureau ?
15 R. Monsieur le Président, je vais vous corriger. Ce n'est pas une réunion
16 qui s'est tenue. Il ne s'agissait pas d'une réunion officielle; cependant,
17 il s'agissait d'une rencontre qui, ensuite, s'en est suivie d'une
18 discussion autour d'un thème précis.
19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Et qui étaient les personnes qui avaient
20 participé à cette discussion-là ?
21 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, à plusieurs
22 reprises, j'en ai parlé jusqu'à présent. J'ai évoqué cet événement, qui
23 s'est produit le 13 au soir, dans le bureau du SDS. Avec votre permission,
24 je pourrais vous donner une explication plus détaillée, mais, si vous le
25 voulez, je peux tout simplement vous dire quels étaient les participants à
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1 la réunion.
2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Oui. Allez-y.
3 R. Je ne vous ai pas compris. Est-ce qu'il convient mieux de vous donner
4 une explication plus détaillée ou bien d'énumérer les représentants, les
5 personnes qui ont participé à cette réunion ?
6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Donnez-nous les participants tout
7 d'abord.
8 R. Lors de cette réunion ou plutôt de cet incident, j'étais présent, moi,
9 Miroslav Deronjic. À l'époque, j'étais donc le commissaire civil. Ensuite,
10 M. Ljubisa Beara était présent. À l'époque, je ne connaissais sa fonction
11 exacte. Je pense qu'il est colonel, qu'il a le grade du colonel de l'armée
12 de la Republika Srpska. Je sais qu'aujourd'hui, il travaille au niveau du
13 renseignement du QG de l'armée de la Republika Srpska. Ensuite, M. Ljubisav
14 Simic a été présent, mais, pendant une petite partie de la réunion, qui, à
15 l'époque, était le président de la municipalité de Bratunac. Au cours de ma
16 déposition au préalable, j'ai dit qu'il me semblait qu'à un moment donné,
17 M. Vasic était présent également, mais je ne sais pas pendant combien de
18 temps qui, à l'époque, était le chef du centre de Sécurité publique de
19 Zvornik dont fait partie la municipalité de Bratunac, fait partie de cette
20 région-là, la région de Zvornik. Et je ne pense pas qu'il y ait eu d'autres
21 participants à l'incident.
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] M. Nikolic était-il présent à la
23 réunion ?
24 R. J'ai bien dit, dans ma déclaration au préalable, que je ne me souvenais
25 pas si M. Nikolic était présent lors de cette réunion.
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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Qui avait organisé la réunion ? Qui avait
2 présidé la réunion ?
3 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, permettez-moi de
4 vous donner quelques explications plus générales au sujet de cette réunion.
5 Cette réunion n'a jamais été organisée. Proprement dit, il ne s'agissait
6 pas d'une réunion officielle avec des convocations, l'ordre du jour ou un
7 thème bien établi. Cette réunion a eu lieu après un événement, à savoir,
8 vers 8 heures du soir par la transmission militaire. Depuis le poste de
9 commandement de la Brigade de Bratunac, j'ai eu un entretien avec le
10 président de la Republika Srpska, le Dr Radovan Karadzic, et ceci au sujet
11 de la présence de détenus musulmans dans la ville de Bratunac. Et donc j'ai
12 voulu lui raconter quelle était la situation dans la ville après l'arrivée
13 -- après cet afflux des détenus musulmans dans la ville de Bratunac. Et il
14 a fallu que je sache comment traiter ces détenus.
15 J'avais beaucoup de raisons pour m'entretenir avec lui à ce sujet. Vous
16 savez il s'agissait des questions de sécurité, et qui étaient en jeu,
17 ensuite beaucoup d'entre eux avait été enfermé dans des écoles, dans des
18 bâtiments civils, dans des conditions qui n'étaient pas convenables à
19 l'époque. Dans la ville de Bratunac, il n'y avait pas d'hommes car la
20 plupart d'hommes en âge de combattre étaient sur les ponts. Donc il y avait
21 un vrai danger à cause de la présence en groupe nombre de ces Musulmans
22 capturés et qui se trouvaient partout aussi bien dans les rues, que dans
23 les autocars -- des situations fort désagréables auraient pu survenir, des
24 vengeances, des tentatives de fuite, et cetera. D'ailleurs, la nuit même,
25 j'ai pris connaissance d'un certain nombre de meurtres, d'assassinats qui
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1 se sont produits dans la ville même. La situation était dramatique,
2 alarmante, et c'est pour cela même que j'ai décidé de consulter directement
3 le président Karadzic pour recevoir des instructions quant aux actions à
4 prendre par rapport à ces détenus, à ces personnes qui étaient capturées.
5 Donc nous avons eu cet entretien vers 8 heures du soir. Cet entretien a été
6 enregistré, d'ailleurs le bureau du Procureur possède un enregistrement --
7 enfin une copie de cet enregistrement. Je dois dire que, dans toute ma
8 déclaration préalable, j'ai parlé de cet entretien. J'ai donné des détails
9 de l'entretien, ne sachant pas que l'entretien avait été enregistré.
10 Evidemment, je ne me rappelle pas de toutes les phrases de l'entretien,
11 mais celles dont je me souviens, et bien, je les ai communiquées au bureau
12 du Procureur, et là il s'agissait des instructions concernant la façon de
13 traiter ces Musulmans. Je me souviens qu'à un moment donné, Monsieur
14 Karadzic m'a dit que quelqu'un allait venir pour nous donner des
15 instructions exactes, qui allait s'occuper de ces Musulmans détenus dans la
16 ville de Bratunac, et quelqu'un qui allait les prendre en charge, en
17 quelque sorte.
18 Donc, après cette réunion qui a eu lieu vers 8 heures du soir
19 -- après cet entretien qui a eu lieu vers 8 heures du soir, je ne savais
20 pas que quelqu'un allait venir. D'ailleurs, on ne me l'a pas dit car cet
21 entretien a été enregistré, et on peut vérifier tout cela. Donc personne ne
22 m'a dit que quelqu'un allait venir chez moi avec les instructions, donc moi
23 je suis revenu dans mon bureau, je suis resté dans mon bureau pour
24 continuer à suivre la situation qui prévalait dans la ville de Bratunac. Et
25 j'ai voulu savoir comment tout cela allait se résoudre, d'ailleurs je n'ai
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1 pas exclu la possibilité que quelqu'un vienne me voir dans mon bureau, mais
2 je ne me fie pas à cela, et je n'ai pas organisé une quelconque réunion
3 avec qui que ce soit. Et d'ailleurs ce n'était pas possible parce que
4 personne ne m'a dit qui allait venir. Je ne pouvais pas savoir à quel
5 moment cette personne pourrait éventuellement venir. Cette personne aurait
6 pu venir le lendemain et pas dans la nuit même, donc, dans ce sens-là, je
7 n'ai pas organisé la réunion proprement dite. Evidemment, il est possible
8 que quelqu'un ait dit à M. Bara qu'il fallait qu'il se rende dans mon
9 bureau puisque moi j'ai posé la question au sujet de la présence de ces
10 détenus. Donc, quand il est venu, quand il est arrivé dans mon bureau, et
11 bien, je peux dire que j'étais surpris. Je n'étais pas choqué, mais j'ai
12 été tout de même surpris de le voir dans mon bureau car je ne m'attendais
13 vraiment à ce qu'il arrive à ce moment-là, car il se faisait déjà tard dans
14 la nuit. Donc moi je n'ai pas organisé cette réunion. Je n'ai pas convoqué
15 cette réunion.
16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Attendez, je vais vous interrompre. Vous
17 avez parlé de quelqu'un, mais vous faites référence à qui exactement quand
18 vous parlez de lui -- de quelqu'un, et cetera.
19 R. J'ai pensé à M. Ljubisa Beara, et j'ai dit que ce n'était pas moi qui
20 avais organisé cette réunion, qui l'avais convoqué pour participer à cette
21 réunion, puisque je ne le connaissais pas -- je ne savais même pas à quel
22 moment il allait venir à Bratunac, donc j'ai été dans mon bureau, en train
23 de suivre la situation après avoir reçu les instructions de M. Karadzic.
24 J'ai voulu voir de quelle façon toute la situation allait se résoudre et, à
25 partir du moment où il est entré dans mon bureau, quand je dis que j'étais
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1 surpris de le voir entrer dans mon bureau, je voulais dire que j'étais
2 surpris de voir entrer M. Beara dans mon bureau puisque personne ne m'a dit
3 qu'il allait venir me voir.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Et vous nous avez dit que vous êtes rendu
5 au poste de commandement de la Brigade de Bratunac, et que vous avez parlé
6 par le biais de transmission militaire avec le président Karadzic, qui vous
7 a permis de vous rendre à cet endroit.
8 M.McCLOSKEY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Il a dit
9 qu'il s'est rendu -- qu'il est allé voir le commandant de la Brigade de
10 Bratunac, mais je pense qu'il a voulu dire qu'il s'est rendu dans le poste
11 de commandement de la Brigade de Bratunac. Il s'agit d'une correction au
12 niveau du compte rendu d'audience.
13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, effectivement.
14 Voilà ma question : qui vous a autorisé à vous rendre là-bas, pour
15 téléphoner à M. Karadzic ?
16 R. Monsieur le Président, je n'ai pas eu d'occasion de vous dire cela.
17 Mais le 11 au soir, d'après l'ordre reçu du président Karadzic, j'ai été
18 obligé de l'appeler depuis le commandement de la Brigade de Bratunac, et
19 c'est à ce moment-là qu'il m'a dit que j'étais nommé au poste de
20 commissaire civil de Srebrenica. Et donc là-bas, il y avait un officier
21 d'un grade inférieur, qui était présent. Je lui ai dit que j'avais l'ordre
22 du président Karadzic de l'appeler -- de lui parler. Et le président
23 Karadzic m'a dit, si les besoins se présentaient pour que l'on parle, que
24 l'on s'entretienne, qu'il serait mieux d'utiliser les transmissions
25 militaires plutôt que d'utiliser la ligne téléphonique ordinaire, qui était
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1 moins protégée. Il m'a dit que c'était tout simplement plus sûre, et donc
2 j'ai pu entrer au poste de commandement et je pourrai tout simplement leur
3 dire que j'avais besoin de rentrer en contact avec le président Karadzic.
4 Et à chaque fois que j'étais là-bas, il n'y avait aucun officier important
5 qui était présent. J'ai trouvé un officier inférieur qui était présent --
6 il s'appelle Milomir Stankovic -- il m'a laissé entrer dans le QG et parler
7 avec le président.
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Et pourquoi pensez-vous que M. Karadzic
9 vous a demandé de vous rendre au poste de commandement de la Brigade de
10 Bratunac ?
11 R. Je n'ai pas dit qu'il m'a demandé de le faire -- de lui faire un
12 rapport. Moi je suis allé sur ma propre initiative. Le 11 au soir, quand
13 nous avons parlé pour la première fois, et quand il m'a dit que j'ai été
14 nommé au poste du commissaire pour les affaires civiles, il m'a dit que, si
15 jamais -- si j'avais des questions importantes à lui soumettre, et qui
16 étaient confidentielles où il fallait faire attention, et bien, que dans ce
17 cas-là, il fallait que je rentre en contact avec lui par le biais des
18 transmissions militaires, et que je pouvais faire ceci, à partir du poste
19 de commandement de la Brigade de Bratunac, comme il n'y avait pas d'autre
20 possibilités.
21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous revenons à la question de la
22 réunion. Est-ce qu'il y avait d'autres questions dont vous auriez débattus
23 ce soir-là ?
24 R. Lors de la réunion qui a eu lieu dans le bureau du SDS, au
25 moment où M. Beara est venu. Nous avons tout d'abord commencé à parler. Il
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1 ne s'agissait pas d'une véritable discussion. Il ne s'agissait pas d'une
2 véritable réunion. Nous n'avons pas suivi un ordre de jour pré-établi. Je
3 l'ai déjà dit, dans ma déclaration au préalable, il est venu et j'ai eu
4 l'impression et je pense que les autres participants ont eu exactement la
5 même impression que moi, donc il est venu en état d'ébriété si j'ose dire.
6 Evidemment, il savait ce qu'il faisait, mais on voyait bien qu'il avait bu
7 un verre de trop. Donc, au moment où il pénètre dans ce bureau et, vous
8 savez, dans les bureaux du SDS, il y avait deux bureaux, enfin, il y avait
9 deux pièces. Donc, quand il est entré dans la première pièce, je ne l'ai
10 pas vu, mais ensuite il est entré dans mon bureau et là je l'ai vu à la
11 porte. Je dois dire que c'était la première fois de ma vie que je le
12 voyais. Je l'ai vu le lendemain et je ne l'ai plus jamais revu, et je ne
13 savais rien à son sujet. Il s'est approché de moi évidemment quelqu'un dans
14 le premier bureau aurait dû lui dire que j'étais présent. Toujours est-il
15 qu'il est apparu à la porte de mon bureau, moi j'étais assis à l'époque
16 avec M. Simic et je vous ai dit aussi que M. Vasic était présent d'après
17 mon meilleur souvenir. Donc il s'est approché et il m'a salué et il m'a dit
18 -- il s'est présenté en disant qu'il était le colonel Beara du QG. Je ne
19 suis pas sûr d'ailleurs si, à l'époque, s'il avait vraiment ce grade de
20 colonel. Mais c'est dont je me souviens. J'ai l'impression qu'il avait dit
21 cela.
22 Alors, évidemment, il y avait toute une série de détails que j'ai pus
23 remarquer, son apparence physique, la façon dont il est entré dans mon
24 bureau. Je lui ai demandé de s'asseoir. Nous avons échangé quelques
25 civilités. Nous nous sommes même félicités de la conquête de Srebrenica. On
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1 lui a proposé de prendre un verre ou du café sans doute, je ne me souviens
2 pas exactement, mais souvent on proposait du café à chaque personne qui
3 entrait dans le bureau. Et je me souviens qu'il voulait boire un verre de
4 boisson alcoolisé, un verre d'alcool, et j'ai demandé, à la secrétaire ou à
5 la personne présente, ce que nous pouvions lui proposer. Et nous n'avions
6 que de la vodka et je me souviens très bien que nous avons pris chacun un
7 verre de vodka peut-être Ljubisav Simic, mais, pour Vasic, je ne suis
8 vraiment pas sûr, mais c'était les débuts -- donc les débuts de l'entretien
9 à l'échange des civilités, on s'est présenté, et cetera.
10 Ensuite, l'entretien est parti dans une direction peu habituelle. Il a
11 commencé à parler de façon peu cohérente. Il a parlé des détenus et il a
12 dit quelque chose comme quoi il fallait les tuer. J'ai été très étonné
13 qu'il aborde un thème aussi sérieux de cette façon-là. Et j'en ai profité
14 pour sortir avec M. Ljubisav Simic, le président de la municipalité de
15 Bratunac, en dehors de ces bureaux. Je dois dire qu'il n'a pas dormi
16 pendant deux nuits, qu'il avait effectué un voyage. Il était assez fatigué
17 et il venait de rentrer de ce voyage, et je me suis dit qu'il fallait qu'il
18 entende des choses pareilles car cet homme ne se contrôlait plus. Et donc
19 je me suis approché de M. Simic. Je lui ai demandé de quitter le bureau et
20 je lui ai dit que moi je voyageais le lendemain matin à Pale, que j'avais -
21 - je devais rencontrer M. Karadzic -- le président Karadzic, et qu'il
22 serait fort utile qu'il rentre plus tôt ce soir-là, si jamais -- si on
23 avait besoin de lui demain pour qu'il me remplace parce que moi j'allais
24 voyager. Et puisque lui, il était tout de même le président de la
25 municipalité.
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1 Et donc moi je suis revenu dans le bureau et j'ai dit d'ailleurs que je
2 n'étais pas sûr si c'était moi ou quelqu'un d'autre qui avait ramené M.
3 Ljubisav Simic lui. Mais je ne pense que c'était moi. Je pense que j'ai
4 demandé à quelqu'un d'autre de le faire.
5 Ensuite, donc je reviens dans le bureau et à deux reprises je quitte ce
6 bureau encore et j'ai donné les raisons pour cela. A l'époque, il y avait
7 pas mal de gens dans ce bureau, surtout dans la première pièce des bureaux
8 du SDS, là où se trouvait la secrétaire. Si cela vous intéresse, je peux
9 vous expliquer les circonstances à l'époque et vous appelez comprendre que
10 les gens venaient nous voir spontanément dans le bureau pour différents
11 raisons. Ils avaient différentes raisons de venir nous voir, de nous poser
12 des questions, et cetera.
13 Toujours est-il qu'une des raisons de sa sortie -- de ses sorties
14 relevaient du fait qu'à un moment donné, j'ai entendu dire qu'un certain M.
15 Lukic était venu chercher M. Beara. Donc on a insisté pour que je quitte
16 tous les bureaux pour que je sorte et je pense que c'était la secrétaire
17 qui insistait là-dessus. Et donc moi je sortis pour demander qui était ce
18 monsieur Lukic et c'est là que j'ai compris qui c'était.
19 En effet, il y a un Lukic dont je ne me souviens pas le prénom à l'instant.
20 Je sais que c'est quelqu'un qui a été mis en accusation par ce Tribunal et
21 c'est bien de ce Lukic qu'il s'agit. Quelqu'un m'a dit que c'était de ce
22 Lukic qu'il s'agissait. Donc quelqu'un est venu chercher Beara dans mon
23 bureau et j'ai prié le secrétaire en question de ne pas entrer dans la
24 pièce. Je lui ai dit qu'il pouvait attendre M. Beara et je lui ai proposé
25 d'aller l'attendre à l'hôtel Fontana et je suis ensuite revenu dans le
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1 bureau.
2 Et une fois encore par la suite, je suis sorti de la réunion. En effet, je
3 me souviens très bien qu'il y a eu un petit problème parce qu'un soldat
4 insistait pour pénétrer dans la pièce où je me trouvais avec Beara, avec
5 éventuellement quelques autres personnes. Donc je lui ai dit qu'il ne
6 fallait pas qu'il entre dans le bureau et je me souviens très bien d'avoir
7 vu un homme qui portait une barbe, quelqu'un que je ne connaissais
8 absolument pas et dont je me suis vite rendu compte qu'il n'était pas
9 originaire de Bratunac. J'ai même pensé à ce moment-là qu'il s'agissait
10 peut-être de ce Lukic dont j'ai parlé tout à l'heure. Ensuite, je me suis
11 rendu compte que ce n'était pas lui.
12 Enfin cet homme-là aussi voulait rencontrer Beara. Il voulait discuter avec
13 Beara et je lui ai dit à lui aussi qu'il fallait qu'il aille à l'hôtel
14 Fontana attendre Beara, que nous n'en avions pas pour longtemps, que nous
15 terminerions notre réunion rapidement. Donc, à ce moment-là, je rentre une
16 nouvelle fois dans le bureau et je dis à Beara ce qui suit, je lui dit :
17 "M. Beara, j'ai reçu instruction du président Karadzic parce que, pendant
18 la soirée un peu avant, j'ai discuté avec le président Karadzic et j'ai
19 reçu des instructions très précises quant à la façon de se comporter avec
20 les prisonniers." Je lui ai dit que l'ordre donné par le président Karadzic
21 était qu'il fallait transférer ces prisonniers à Bijelina et je me souviens
22 très bien qu'il fallait les emmener à Batkovici. Pourquoi je me souviens si
23 bien du nom de Batkovici ? Parce que, lors de ma conversation téléphonique
24 avec le président Karadzic, quand il a parlé d'installations de ces
25 prisonniers un peu plus au sud dans des entrepôts, j'en ai déduit que cet
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1 endroit devait être Batkovici. Il n'a pas prononcé le nom, mais j'avais
2 déduit qu'il s'agissait de Batkovici.
3 Donc j'ai dit à M. Beara que j'avais reçu instruction et d'ailleurs même
4 ordre du président Karadzic et que je l'informais donc du fait que les
5 prisonniers devaient être emmenés dans la direction de Bijelina et de
6 Zvornik et, plus précisément, à Batkovici.
7 A ce moment-là, il m'a dit : "J'ai des ordres d'emmener ces prisonniers à
8 Bratunac," et il a dit qu'il avait reçu ses ordres d'en haut. J'ai continué
9 à insister sur le fait qu'il ne fallait pas que les prisonniers soient tués
10 et qu'il ne faille qu'il y ait autres prisonniers tués à Bratunac. J'avais
11 des raisons pour insister de la sorte, je lui ai dit que j'avais reçu donc
12 ces instructions du président Karadzic. Et j'ai insisté pour que ces
13 instructions soient respectées, et qu'aucun assassinat ne soit autorisé à
14 Bratunac. J'ai dit que ces personnes devaient être emmenées là où il était
15 prévu de les emmener. Que j'avais reçu donc, ces instructions du président.
16 Je ne sais pas exactement combien de temps a duré notre dialogue, notre
17 conversation. Mais en tout cas, je lui ai parlé de ces instructions, et il
18 m'a fait part de son intention d'emmener ces prisonniers à Bijeljina. Je
19 pense que nous avons encore échangé quelques avis sur le sujet. Mais en
20 tout cas, la conversation était assez tendue. Pratiquement, nous avons fini
21 par nous quereller.
22 Et à un certain moment, je me suis rendu compte qu'il admettrait d'agir
23 comme cela lui était dit, même si c'était avec réticence. Le lendemain, je
24 lui ai dit : "Je vais voir M. Karadzic, et je lui dirai tout ce que vous
25 m'avez fait savoir. Je vous serai très reconnaissant de bien vouloir
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1 respecter les instructions qu'il a données."
2 A ce moment-là donc, il a accepté avec réticence d'agir comme il était
3 prévu de le faire. Il a dit : "Très bien, je vais emmener là-bas, ces
4 prisonniers."
5 Je ne me souviens pas exactement des mots qu'il a utilisé. Je ne le cite
6 qu'aux mots près. J'admets qu'il est possible que nous ayons encore échangé
7 quelques phrases en rapport avec la sécurité des prisonniers à Bratunac,
8 cette nuit-là. Mais en tout cas, j'avais de nombreuses informations qui me
9 parvenaient -- qui m'étaient parvenues pendant la nuit avant notre réunion,
10 quant au fait que la sécurité de ces personnes n'était pas suffisamment
11 assurée; qu'il y avait eu des actes de vengeance, des assassinats et
12 également des tentatives d'évasion. Donc voilà comment s'est achevée cette
13 conversation, selon les grandes lignes que je viens d'indiquer. En tout
14 cas, je me suis efforcé de vous faire savoir ce qui me paraissait
15 intéressant, pour vous.
16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Etes-vous sûr que M. Nikolic n'a pas
17 assisté à cette réunion, à cette rencontre ?
18 R. Monsieur le Président, une question assez semblable m'a été posée par
19 le Procureur. Et voilà ce que j'ai répondu au Procureur, que je vais vous
20 redire ici. L'atmosphère dans mon bureau était tout à fait inhabituelle.
21 S'il s'était agi d'une réunion régulière que j'aurais pu qualifier de
22 réunion officielle, je serais aujourd'hui dans la capacité pleine et
23 entière de vous dire si M. Nikolic était présent ou pas. Mais puisque la
24 réunion s'est déroulée dans les conditions que je viens brièvement de vous
25 décrire, j'ai, lorsque j'ai répondu au Procureur, admis la possibilité
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1 éventuelle que M. Nikolic se soit trouvé dans mon bureau. Mais en tout cas,
2 ce qui est sûr et certain, c'est que moi, je ne me souviens pas de sa
3 présence dans mon bureau.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Voici ma dernière question. Le 13 ou le
5 14 juillet 1995, à combien de reprises avez-vous rencontré M. Nikolic ?
6 R. Le 13 juillet, à part la réunion dont je viens de parler, pour laquelle
7 j'admets une possibilité éventuelle qu'il ait été présent, je ne l'ai pas
8 revu. En effet, le 14, je suis parti pour Pale très tôt le matin, et je
9 n'ai pas eu la possibilité de rencontrer M. Nikolic, puisque j'ai passé
10 pratiquement toute la journée à Pale. Mais je me souviens simplement d'une
11 rencontre avec lui, le 17 dans le camp de la FORPRONU. Je crois que M.
12 Nikolic m'avait emmené là-bas. Il s'agissait de travailler sur un document,
13 et ma présence était requise. Je m'en souviens très bien. Lors d'une visite
14 que j'ai rendue, le 12, à l'hôtel Fontana, à dix heures, je sais que M.
15 Nikolic n'était pas présent. En tout cas, je ne l'ai pas rencontré, ce
16 jour-là.
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup.
18 Je m'adresse au conseil de la Défense. Maître Londrovic, avez-vous des
19 questions à poser au témoin ?
20 M. LONDROVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
21 Questions de la Défense, M. Londrovic :
22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Deronjic.
23 R. Bonjour.
24 Q. Je suis le conseil de la Défense de M. Momir Nikolic. Et je vais donc
25 vous poser un certain nombre de questions, dans l'espoir de recevoir des
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1 réponses de votre part.
2 Monsieur Deronjic, il y a un instant, lorsque le Président vous a posé une
3 question, vous avez répondu en disant que vous admettiez éventuellement la
4 possibilité que M. Momir Nikolic ait également été présent à cette
5 rencontre ?
6 R. Exact.
7 Q. Mais que vous n'aviez pas de souvenir précis, à cet égard. Pourriez-
8 vous expliquer aux Juges de cette Chambre, sur quoi vous vous fondez pour
9 admettre éventuellement la possibilité d'une présence de M. Momir Nikolic,
10 alors que vous dites ne pas avoir de souvenir précis, à ce sujet.
11 R. J'ai compris votre question. Je vais m'efforcer d'y répondre.
12 L'atmosphère était telle, comme je l'ai déjà dit, que l'arrivée de M.
13 Beara, accompagné de plusieurs soldats, a donc provoqué un certain trouble
14 dans -- un certain désordre dans mon bureau. Et je ne me souviens pas au
15 moment où M. Beara est entré dans le bureau accompagné de ces hommes, je ne
16 me souviens pas exactement si M. Momir Nikolic est entré en même temps que
17 lui. Donc, j'admets éventuellement cette possibilité. Parce que lorsque M.
18 Beara a pénétré dans le bureau, mon attention était concentrée sur lui. Et
19 je n'ai pas prêté particulièrement attention à ceux qui l'accompagnaient.
20 C'était la première fois que je voyais M. Beara. C'est sans doute la raison
21 pour laquelle toute mon attention était concentrée sur lui. Quant à
22 l'entrée de M. Momir Nikolic, elle n'aurait pas été considérée comme
23 étonnante par moi. Donc, c'est la raison pour laquelle je n'exclus pas la
24 possibilité que M. Momir Nikolic ait pu entrer dans le bureau en même temps
25 que M. Beara, mais je n'ai pas de souvenir précis à cet égard. Mais il
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1 aurait peut-être pu entrer avec les autres hommes qui accompagnaient M.
2 Beara.
3 Q. Monsieur Deronjic, j'ai ici entre les mains une transcription des
4 propos que vous avez tenus lors de votre interrogatoire par l'un des
5 représentants du bureau du Procureur. Et à un certain moment vous dites ce
6 qui suit. Je cite :
7 "Mais je pense que le colonel Beara a dit -- enfin j'ai remarqué quelque
8 chose d'autre, et j'aimerais vous en parler. Un certain nombre de soldats
9 étaient en train de pénétrer dans le bureau. Ils arrivaient derrière lui.
10 J'ai vu cela, mais une certaine confusion régnait dans le bureau. Vous
11 comprenez ? J'ai remarqué qu'ils étaient en train d'entrer, mais je ne sais
12 pas qui exactement entrait dans le bureau. Je suppose que c'étaient des
13 responsables de la sécurité chargés d'assurer sa sécurité."
14 Est-ce que cette citation est exacte ? Est-ce bien ce que vous avez dit
15 lors de votre interrogatoire par des représentants du bureau du Procureur ?
16 R. Oui. C'est absolument exact.
17 Q. Donc, lorsque les soldats sont entrés dans le bureau à la suite de M.
18 Beara, vous pensez que M. Nikolic aurait peut-être pu faire partie de ce
19 groupe de soldats ?
20 R. Lorsque j'ai fait cette déclaration, j'ai simplement dit ce qui s'était
21 passé, sans faire particulièrement référence à telle ou telle personne. Et
22 ce que je dis aujourd'hui, c'est qu'il est possible, qu'éventuellement
23 Momir Nikolic ait fait partie de ce groupe, parce que cela n'aurait rien eu
24 d'inhabituel.
25 Q. Merci, Monsieur Deronjic.
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1 Monsieur Deronjic, est-il exact que lors de votre interrogatoire par des
2 représentants du bureau du Procureur, vous avez déclaré que le 13, un grand
3 nombre d'autobus et de camions sont arrivés à Bratunac, avec à bord des
4 prisonniers musulmans, en provenance de Konjevic Polje. Et que cela s'est
5 passé dans l'après-midi ou en début de soirée.
6 R. Oui, c'est exact.
7 Q. Répondant aux questions de Monsieur le Président, vous avez parlé de
8 l'état de la sécurité de ces prisonniers, et je crois vous avoir entendu
9 dire que cette sécurité n'était pas parfaite.
10 R. En effet. J'ai eu des renseignements selon lesquels la sécurité de ces
11 prisonniers était insuffisante. Compte tenu du fait qu'un certain nombre de
12 personnes avaient été mobilisées, et que des mineurs avaient été mobilisés,
13 ainsi que des hommes en état de porter des armes. Et que ces mineurs et ces
14 hommes en état de porter les armes, étaient chargés de les garder.
15 Q. Dans votre interrogatoire par des représentants du bureau du Procureur,
16 vous avez déclaré que ces prisonniers étaient gardés par des membres de la
17 police militaire et de la police civile. Ceci est-il exact ?
18 R. Oui.
19 Q. Et vous avez ajouté que des hommes mineurs d'âge ainsi que des hommes
20 en âge de porter les armes avaient été mobilisées pour garder la maîtrise
21 de la situation, n'est-ce pas ?
22 R. Oui. Ceci est exact.
23 Q. Monsieur Deronjic, est-il exact que pendant la nuit du 13, vous avez
24 été informé du fait que des autobus, avec à bord des prisonniers musulmans,
25 avaient quitté Bratunac dans la direction de Zvornik ?
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1 R. Oui. Je pense qu'à deux reprises, j'ai reçu ces informations selon
2 lesquelles des autobus allaient en sens inverse de ceux qui arrivaient à
3 Bratunac, dans la soirée. D'ailleurs, c'était l'une des raisons pour
4 laquelle j'avais souhaité parler à M. Karadzic car tout cela me semblait
5 assez confus. Je ne comprenais pas très bien ce qui se passait.
6 Q. Monsieur Deronjic, si je me souviens bien, vous avez dit que cette
7 nuit-là, c'était la première fois que vous rencontriez M. Beara.
8 R. Exact.
9 Q. Et vous avez dit que vous l'avez revu le lendemain.
10 R. Exact.
11 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges de cette Chambre dans quelle
12 circonstance vous avez eu une nouvelle rencontre avec M. Beara ?
13 R. Le 14, dans la matinée, je ne me rappelle plus exactement à quelle
14 heure, quelqu'un m'a réveillé. Car, bien entendu, le 13 dans la soirée,
15 après les entretiens dont je viens de parler, j'étais rentré chez moi.
16 Donc, quelqu'un m'a réveillé et m'a appris que M. Beara, nous parlons donc
17 de M. Ljubisa Beara que j'avais déjà vu dans mon bureau la veille, que M.
18 Beara était parti en direction d'une entreprise de Bratunac qui se trouve
19 dans la banlieue de Bratunac. C'est une entreprise qui fabrique des
20 briques. Donc, quelqu'un l'avait vu partir en direction de cette entreprise
21 et supposé qu'il allait emmener les prisonniers là-bas. A moins qu'il ne
22 l'ait déjà fait, ça, je ne peux pas le dire avec certitude. Compte tenu de
23 la conversation que nous avions eu la veille, dans mon bureau, je me suis
24 rendu compte qu'il ne s'apprêtait pas à agir selon les termes de notre
25 accord, accord conclu à la fin de notre entretien. Donc, très rapidement,
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1 je suis monté à bord de ma voiture et je suis parti pour voir ce qui se
2 passait. Je suis allé droit vers cette entreprise sans même passer par mon
3 bureau. Et alors que j'étais au volant de ma voiture, je suis arrivé au
4 niveau d'un pont qui se trouve à la sortie de Bratunac et j'ai croisé un
5 véhicule dont je me suis rendu compte que c'était un véhicule militaire et
6 j'ai remarqué que M. Beara était à bord de ce véhicule. Donc, je me suis
7 arrêté et je lui ai demandé ce qui se passait. Je lui ai demandé pourquoi
8 vous allez dans cette briqueterie, pourquoi est-ce que vous avez
9 l'intention d'y emmener des prisonniers alors qu'hier, nous nous sommes
10 entendus sur le fait que ce n'était pas ce qu'il fallait faire. Il m'a
11 répondu avec une grande tension.
12 Il était assez fâché. Il m'a dit que là-bas, il y avait des entrepôts et
13 qu'il allait enfermer des gens là-bas. Il m'a dit cela, sans doute, pour me
14 calmer. Je lui ai dit qu'il n'en était pas question, que j'allais
15 directement aller à Pale pour en informer le président. Et plein de colère,
16 à ce moment-là, il est rentré dans sa voiture en disant : Bon. Je vais
17 quitter Bratunac ou quelque chose de ce genre. Donc, voilà quelles ont été
18 les circonstances dans lesquelles j'ai rencontré M. Beara, le 14 dans la
19 matinée. Après quoi, je ne l'ai plus revu.
20 Q. Monsieur Deronjic, cette fabrique de produits associés à la brique, on
21 l'appelle en général, Ciglana, n'est-ce pas à Bratunac ? C'est une
22 briqueterie ?
23 R. Oui. Oui. C'est la Ciglana, la briqueterie mais j'ai utilisé une autre
24 expression pour les interprètes croyant leur faciliter la tâche.
25 Q. Monsieur Deronjic, si je fais erreur, dites-le moi. Est-il exact que
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1 lors de cette rencontre qui a eu lieu le 13 dans la soirée, dans votre
2 bureau, il a été question, très ouvertement, d'assassinats, de prisonniers
3 musulmans ? Et est-il exact que vous y êtes opposé de toutes vos forces ?
4 R. Maître Londrovic, je dois absolument apporter une correction à ce que
5 vous avez dit, car encore une fois, je répète qu'il ne s'agissait pas d'une
6 réunion. J'insiste là-dessus.
7 Q. Très bien. Très bien. Pendant cet entretien, dans ces conditions ?
8 R. Oui. J'admets que c'est bien le cas.
9 Q. Lorsque vous avez dit qu'il avait été ouvertement question
10 d'assassinats, de prisonniers musulmans, ceci peut être interprété de
11 diverses façons. J'ai décrit très exactement ce que M. Beara avait dit à ce
12 sujet.
13 Je vous prie de m'excuser. Je vais reformuler ma question. Lors de cet
14 entretien qui a eu lieu dans votre bureau, est-ce que le colonel Beara vous
15 a dit ouvertement que tous les prisonniers musulmans allaient être tués et
16 est-ce que vous vous y êtes opposé ?
17 R. En dehors du mot "tous", associé aux prisonniers, je confirme ce que
18 vous avez dit car je ne suis pas sûr de l'avoir entendu parler de "tous"
19 les prisonniers. Il a dit qu'il avait des ordres selon lesquels les
20 prisonniers devaient être tués et je m'y suis opposé. Oui, ça c'est exact.
21 Q. Monsieur Deronjic, est-il exact que vous avez insisté pour que les
22 prisonniers musulmans soient transférés de Bratunac, un peu plus au sud,
23 c'est-à-dire, dans la direction de Zvornik et de Bijeljina ?
24 R. Oui. Ceci est absolument exact. Je l'ai déjà dit et je maintiens cette
25 déclaration.
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1 Q. Monsieur Deronjic, vous avez dit que vous aviez rencontré M. Beara pour
2 la première fois cette nuit-là.
3 R. Oui. C'est exact.
4 Q. Et si je me souviens, bien, vous avez appris par la suite, qu'il était
5 officier chargé de la sécurité au sein du grand quartier général.
6 R. C'est ce que j'ai dit bien que je n'ai pas une connaissance exacte de
7 la nature des fonctions qu'il exerçait, sécurité, renseignements, je ne
8 sais pas exactement. Mais enfin, je sais qu'il travaillait dans ce genre de
9 secteur.
10 Q. Monsieur Deronjic, est-il exact que vous connaissez M. Momir Nikolic
11 depuis avant ces événements ?
12 R. Oui. Je connais M. Momir Nikolic depuis avant ces événements.
13 Q. Etiez-vous au courant du fait que M. Momir Nikolic était chef d'un
14 organe chargé de la sécurité et du renseignement au sein de la Brigade de
15 Bratunac ?
16 R. Oui. J'étais au courant de cela dans la mesure où je pouvais l'être.
17 J'insiste là-dessus.
18 Q. D'accord. Dans le mesure de vos connaissances de ce qui se passait au
19 sein de l'armée ?
20 R. Oui.
21 Q. Monsieur Deronjic, est-il exact que M. Momir Nikolic connaissait bien
22 Bratunac ? Connaissait bien la ville ?
23 R. Oui, absolument. Lorsque vous dites "la ville", en fait, à l'intention
24 des Juges, je dirais que c'était une toute petite ville, une bourgade de
25 3 000 habitants environ. Elle n'avait pratiquement que deux rues.
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1 Q. Oui. C'est une petite ville.
2 R. Oui, une toute petite ville.
3 Q. Monsieur Deronjic, est-il exact que M. Nikolic savait depuis pas mal de
4 temps où se trouvait votre bureau ?
5 R. Oui. Ça, c'est tout à fait exact.
6 Q. Monsieur Deronjic, n'est-il logique, dans ces conditions, que le
7 colonel Beara, officier chargé de la sécurité, représentant donc le service
8 de la sécurité au grand quartier général, arrive, lorsqu'il vient rendre
9 visite à la Brigade de Bratunac, arrive donc, dans votre bureau, dans
10 l'endroit où vous travaillez officiellement, escorté par un certain nombre
11 d'hommes ? Ceci n'est-il pas logique, notamment, si l'on pense au fait que
12 vous ne connaissiez pas M. Beara. Et donc, que le colonel Beara ne vous
13 connaissait pas, lui non plus ?
14 R. Excusez-moi, mais pouvez-vous me dire où se trouve votre question ?
15 Q. La question, Monsieur Deronjic, est la suivante : Ceci n'est-il pas
16 logique ?
17 R. Si, c'est logique.
18 Q. Il est donc logique, n'est-ce pas, que le colonel Beara, officier
19 chargé de la sécurité, représentant le service chargé de la sécurité au
20 sein du grand quartier général de l'armée de la Republika Srpska, il est
21 donc logique, n'est-ce pas, qu'il arrive escorté par un officier de la
22 Brigade de Bratunac, à savoir, Monsieur Nikolic, et ceci n'est-il pas
23 particulièrement logique si l'on tient compte du fait que le colonel Beara
24 ne vous connaissait absolument pas ?
25 Et que par ailleurs, M. Beara ne connaissait pas aussi bien la ville de
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1 Bratunac que M. Nikolic ?
2 R. Je suis d'accord pour dire que tout ce que vous venez de dire est assez
3 logique mais j'ajouterais un commentaire.
4 Q. Je vous en prie.
5 R. Estimez-vous que dans la vie, il n'arrive que des choses logiques ?
6 Q. Il ne fallait pas de commentaires suite à votre réponse.
7 M. LONDROVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Deronjic et je
8 n'ai pas d'autres questions, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
10 Monsieur McCloskey, avez-vous des questions à poser à ce témoin ?
11 M. McCLOSKEY : [interprétation] Je demanderais, Monsieur le Président, que
12 l'on fasse une pause car je dois dire que j'ai besoin d'une pause. J'ai
13 sans doute bu un peu trop d'eau tout à l'heure.
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Fort bien.
15 ---L'audience est suspendue à 15 heures 59.
16 ---L'audience est reprise à 16 heures 26.
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien, Monsieur McCloskey, vous avez des
18 questions à poser à ce témoin ?
19 M. McCLOSKEY : [interprétation] Quelques unes, Monsieur le Président.
20 Questions de l'Accusation, M. McCloskey :
21 Q. [interprétation] Monsieur Deronjic, vous avez dit aujourd'hui que M.
22 Karadzic vous avait dit qu'il vous enverrait quelqu'un en ce qui concerne -
23 - pour savoir ce qu'il fallait faire avec les prisonniers musulmans. Est-ce
24 exact ?
25 R. Oui, c'est exact. Mais je voudrais dire, il n'a pas dit qu'il enverrait
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1 quelqu'un à moi, qu'il m'enverrait quelqu'un. Il a dit qu'il enverrait
2 quelqu'un avec des instructions sur ce qu'il fallait faire avec ces
3 prisonniers.
4 Q. Et d'après ce que vous avez compris, qui était la personne qui
5 viendrait avec des instructions et qui devait aller trouver qui ?
6 R. La personne qui était sensée venir, je n'avais pas exclut la
7 possibilité que cette personne pourrait venir me voir et me donner
8 certaines instructions, certains ordres que je pourrais recevoir de la part
9 de Karadzic.
10 Q. Est-ce que vous avez l'impression qu'une personne est venue
11 conformément à ce qui vous avait été dit, de ce que Karadzic vous avait
12 dit ?
13 R. Oui. M. Beara est apparu et semblait donc indiqué que c'était cela et
14 je croyais que c'était lui qui venait avec des instructions du président
15 Karadzic, comme il m'a parlé de ces instructions.
16 Q. Qui vous a parlé de ces instructions ? Est-ce que vous vous référez à
17 Beara ou à Karadzic maintenant ?
18 R. Je veux dire M. Karadzic.
19 Q. Est-ce que Beara vous a indiqué quelque chose qui vous est mis en
20 mesure de comprendre de quel homme Karadzic voulait parler ?
21 R. Je n'étais pas en mesure de tirer une telle conclusion. Je n'étais pas
22 en mesure d'établir un lien direct parce que les instructions du président
23 Karadzic étaient que les prisonniers devaient être envoyés dans la
24 direction de Zvornik ou Bijeljina d'après ce que j'avais compris. Et il a
25 commencé à dire que les prisonniers devaient être tués sur place. Pour être
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1 sûr, à un moment j'ai dit : "Mais j'ai des ordres d'en haut." Je ne savais
2 pas ce qu'il voulait dire. Il n'a pas donné de noms et j'ai pensé que ces
3 instructions venaient peut-être du Grand état major général ou de
4 M. Karadzic.
5 Q. Est-ce que vous avez eu une discussion avec M. Karadzic avant cette
6 soirée qui aurait pu vous donner quelque idée de ce que M. Karadzic aurait
7 pu vouloir faire avec d'éventuels prisonniers musulmans ?
8 R. Oui. J'ai eu une conversation avec M. Karadzic. Dans mon rapport, il
9 est dit que j'ai parlé à M. Karadzic, le 8 ou le 9, je ne suis pas sûr de
10 la date. Et qu'au cours de cet entretien, j'ai dit exactement ce que
11 m'avait dit le président Karadzic, et j'ai pu tirer certaines conclusions
12 de tout cela et même établir un lien avec le fait que cet homme est apparu
13 et ce qui m'a été dit à Pale.
14 Q. Bien. Alors, pourriez-vous nous dire ce que le président Karadzic vous
15 a dit à Pale, le 8 ou le 9, et qui vous permet d'établir un lien avec
16 l'apparition de ce colonel Beara ?
17 R. Oui. J'ai dit au bureau du Procureur pourquoi j'étais allé voir le
18 président Karadzic, le 8 ou le 9, à Pale. Et j'ai expliqué que j'avais eu
19 une belle rencontre avec lui devant le bâtiment de la présidence. Et j'ai
20 dit que je pouvais citer une des phrases qu'il avait dites, à savoir, le
21 principe d'une Slavonie occidentale au moment où il parlait de ce qui se
22 passerait à Srebrenica. Avant cela, il a dit : "Miroslav, ces personnes qui
23 se trouvent là, doivent être tuées." C'était sa phrase précédente. Et il a
24 dit : "Quoique vous puissiez faire, il faut tuer." Et il a ajouté ensuite
25 une phrase que je peux citer et je suis sûr, c'est le "principe de la
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1 Slavonie occidentale". Il m'a demandé si j'avais compris cela. J'ai dit
2 que : "Oui, je vous comprends."
3 Q. Et qu'est-ce que vous compreniez qu'il voulait dire par "le principe de
4 la Slavonie occidentale" ?
5 R. C'est un fait très connu que, si je me souviens bien, l'armée croate
6 avait monté une offensive en Slavonie occidentale et la Slavonie
7 occidentale est tombée aux mains de l'armée croate. Or, c'était une zone
8 qui précédemment avait été tenue par des Serbes. Et cet événement attire
9 beaucoup d'attention des chefs de la Republika Srpska, des dirigeants de la
10 Republika Srpska. Et lors de plusieurs réunions, nous avons discuté de
11 cette opération et les conclusions avaient été que l'armée croate, en
12 attaquant cette zone qui était essentiellement habitée par des Serbes,
13 avait expulsé l'ensemble de la population de cette zone et qu'au cours de
14 ces expulsions, un très grand nombre de civils et, bien entendu, des
15 soldats avaient été tués, et j'ai tiré comme conclusion, enfin, je ne dis
16 pas que ce sont des faits avérés. Je dis simplement que c'est ce qui a été
17 dit. Et c'étaient nos conclusions au sujet de cette opération. Et j'ai
18 compris que le président Karadzic voulait dire cela par la phrase qu'il a
19 employée.
20 Q. Mais que pensez-vous ce qu'il voulait dire, très précisément, par le
21 "principe de la Slavonie occidentale" par rapport à d'éventuels prisonniers
22 musulmans de Srebrenica au cours de cet entretien qui a eu lieu le 8 ou le
23 9 ?
24 R. Quand M. Karadzic a prononcé cette phrase, comme je l'ai dit au bureau
25 du Procureur, je n'y avais rien qui pouvait me donner à penser si
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1 Srebrenica serait prise par les militaires ou non. Le président Karadzic a
2 dit que c'était une possibilité et j'ai supposé que c'était une possibilité
3 assez réelle, réaliste. Mais je ne pouvais pas voir quelle serait la suite
4 au sens militaire. Quelle serait le comportement de l'armée musulmane dans
5 la zone de Srebrenica ne m'était pas connue et je ne pouvais pas savoir ce
6 qu'il ferait, s'il combattrait, s'il espérait de faire une percée, de s'en
7 aller. Je n'ai même pas réfléchi à cela parce que je n'avais pas d'éléments
8 qui puissent m'indiquer comment la situation pourrait évoluer. Et, c'est ce
9 que j'ai dit au président Karadzic lorsqu'il m'a demandé ce que nous avions
10 l'intention de faire là-bas. Mais par la suite, ayant réfléchi à ces mots
11 qu'il avait prononcés, cette phrase, j'ai supposé que ce qu'il voulait dire
12 c'était que lorsque l'armée entrerait dans Srebrenica, donc notre armée, et
13 lorsque l'armée musulmane de Srebrenica serait battue, ils évacueraient. Et
14 j'ai cru, j'en ai conclu qu'il pensait que nous, nous devrions tuer tous
15 ceux sur lesquels nous pourrions mettre les mains.
16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur McCloskey, j'espère que vous
17 pourrez vous centrer sur le sujet essentiel de ces débats. Bien entendu,
18 vous aurez une autre possibilité d'interroger dans l'interrogatoire ce
19 témoin au cours d'un autre procès, dans une autre affaire.
20 M. McCLOSKEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
21 rappelle la déposition, le témoignage de M. Nikolic, est-ce que c'était à
22 un moment où il a dit : "Nous allons tous parler de cela à nos supérieurs,
23 de ce qu'ils allaient faire aux Musulmans." Et, donc à ce stade, par
24 rapport à ce que disait M. Deronjic et ses supérieurs, notamment, je
25 voulais voir si c'était vrai parce que la façon dont cette déposition s'est
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1 présentée, ce n'était pas très clair.
2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
3 M. McCLOSKEY : [interprétation]
4 Q. Donc, lors de cet entretien avec le président Karadzic, le 8 ou le 9,
5 a-t-il dit qu'il "faudrait les tuer, Miroslav." Il "faudra les tuer" en se
6 référant à des prisonniers musulmans éventuels ? Est-ce cela ?
7 R. Oui. C'est quelque chose que j'ai dit au bureau du Procureur. Je ne
8 suis pas absolument sûr de chaque mot. Le mot "tuer", oui, ça, je m'en
9 souviens. J'ai entendu dire : "Tous ceux qui sont là-bas devront être tués.
10 Tous ceux que l'on pourra réussir à tuer ou réussira à tuer." C'est ça que
11 j'arrive à me rappeler pour le moment.
12 Q. Donc, dans l'entretien que vous avez eu avec le président Karadzic au
13 QG de Bratunac, au QG de la brigade, dans la soirée du 13, est-ce que vous
14 saviez que vous pourriez être entendu, écouté, enregistré lorsque vous
15 parliez sur cette ligne ?
16 R. Non. Je n'ai pas d'idée bien claire sur les écoutes de conversations.
17 En ce qui vous concerne, je suis totalement profane en la matière. Je ne
18 pourrais même pas supposer qu'on aurait pu être enregistré et que Karadzic
19 aurait pu, lui-même, faire une telle hypothèse parce qu'à un moment donné,
20 il a dit : "Ne parlez pas trop de cela." Je me souviens qu'il a dit une
21 phrase de ce genre et que lui ou quelqu'un d'autre à l'intérieur a dit
22 quelque chose que "il y a autre chose dont je dois vous informer, je crois
23 qu'il était question de transmettre, il faudrait mieux le dire par
24 téléscripteur militaire." Je crois que c'est ça qu'il a dit. Et pour moi,
25 il n'était pas nécessaire de clarifier les choses. Et donc, je n'ai pas
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1 donné d'éclaircissements supplémentaires.
2 Q. Et lorsque le président vous a dit dans cet entretien, lorsque vous
3 vous trouviez à la Brigade de Bratunac, "Faites évacuer les prisonniers de
4 Bratunac" ou quelque chose dans ce genre, quelles étaient à votre avis ses
5 intentions à l'époque en ce qui concerne ces prisonniers ?
6 R. Je dois dire qu'à ce moment-là, j'ai pensé il devait aller à Bratunac.
7 Ça avait été dit d'une façon très précise. C'est vrai que c'était codé,
8 mais pour ce code, pour moi, c'était tout à fait compréhensible. Il fallait
9 qu'ils aillent de Bratunac et "là-bas", cela voulait dire hors de Bratunac,
10 il fallait les garder dans des entrepôts, dans des hangars. Donc ça
11 servirait de prison. J'ai tiré la conclusion qu'il y avait une prison
12 militaire à Bratunac, -- j'ai tiré cette conclusion parce qu'il n'y avait
13 pas de prison militaire à Bratunac, ni de caserne, ni d'installation
14 militaire à Bratunac, ni à Zvornik d'ailleurs. J'ai supposé qu'il parlait
15 de Bijeljina et j'ai transmis ces instructions à M. Beara. Mais quant à ces
16 véritables intentions, il n'était pas nécessaire pour moi d'essayer même
17 d'en tirer des conclusions. Ceci d'ailleurs ne m'était pas demandé.
18 J'aurais pu avoir certains soupçons, j'aurais pu tirer certaines
19 déductions. Mais je ne voudrais pas faire d'hypothèse sur ce que j'aurais
20 pu penser qu'il fallait comprendre entre les lignes ou -- je ne crois pas
21 avoir entendu dire comme une vanne "Ne les tuer pas ici ou à un autre
22 endroit." Je n'ai pas entendu prononcer des mots dans ce sens. Je ne peux
23 pas soutenir que je l'ai fait.
24 Q. Et après avoir rencontré M. Beara, quelles ont été vos conclusions, en
25 ce qui concernait les intentions du président Karadzic, pour ce qui est du
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1 sort de ces prisonniers musulmans ?
2 R. Si Karadzic transmettait des ordres à M. Beara, alors ses intentions
3 étaient parfaitement claires, parce qu'il a parlé de tuer ces gens. Mais je
4 ne peux pas confirmer, parce que je n'ai pas de renseignements à ce sujet
5 qui puissent démontrer que Karadzic a donné ces ordres à M. Beara.
6 Q. Après la réunion, ou plutôt, après l'entretien que vous avez eu dans la
7 nuit du 13 au 14, au bureau, dans les premières heures du matin du 14, est-
8 ce que vous avez parlé à M. Nikolic de cette réunion, ou de cet entretien,
9 est-ce que vous lui avez dit ce qui s'était dit à cette réunion, du fait
10 que Beara vous avait parlé de tuer des prisonniers ?
11 R. Vous vous référez, vous voulez parler de M. Momir Nikolic ?
12 Q. Oui.
13 R. J'ai dit que le jour suivant je n'ai pas vu M. Momir Nikolic. Je ne me
14 rappelle pas quand je l'ai vu la fois suivante. Et jusque au 17 avril,
15 lorsque l'atmosphère a beaucoup changé et que nous étions en train de
16 rédiger un document concernant l'évacuation par rapport à la situation à
17 Potocari. A cette occasion je n'ai rien mentionné, je ne lui ai rien dit de
18 ma conversation avec M. Beara. Je n'ai pas du tout parlé de ce sujet.
19 Q. Et est-ce qu'à un moment quelconque, jusqu'au moment où vous avez été
20 arrêté, avez-vous parlé à M. Momir Nikolic de ce que Beara avait dit cette
21 nuit-là dans votre bureau ?
22 R. C'est quelque chose que je peux affirmer devant la Chambre, M. Nikolic
23 est également présent. Après ces événements, je n'ai pas parlé à M. Nikolic
24 des événements de Srebrenica. Je savais que M. Nikolic faisait l'objet
25 d'une enquête. J'avais ces renseignements. Depuis 1998, j'avais été
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1 convoqué par les enquêteurs du bureau du Procureur. Et je pensais qu'il
2 avant le droit de dire ce qu'il avait à dire. J'ai également dit ce que je
3 me rappelais, mais je n'ai jamais parlé à Momir d'aucun événement qui avait
4 trait à Srebrenica. Je crois qu'au cours de cette période, puis la fin de
5 la guerre jusqu'au moment de mon arrestation, je crois que je suis allé
6 chez lui une seule fois, pour différentes raisons. C'est la seule fois que
7 je suis allé chez lui. Nous n'avons pas parlé de cette question.
8 Q. Est-il exact que la première fois que vous avez parlé au bureau du
9 Procureur du fait que Beara, en fait, avait directement -- vous avait
10 directement parlé de tuer les prisonniers musulmans, ça a été l'ordre de
11 votre récente interview précédent -- de votre toute dernière interview
12 avant que vous ne plaidiez coupable ?
13 R. Peut-être que je n'ai pas pleinement compris votre question à cause de
14 l'interprétation. Voulez-vous répéter votre question.
15 Q. Serait-il juste de dire que la première fois que vous avez prévenu le
16 bureau du Procureur qu'en fait, il vous avait parlé personnellement de la
17 tuerie des prisonniers musulmans, est-ce que c'était lors de votre toute
18 dernière interview, juste avant que vous ne plaidiez coupable ?
19 R. Oui, c'est exact. C'est ce que j'ai dit lors de ma dernière interview.
20 M. McCLOSKEY : [interprétation] Il n'y a rien d'autre, Monsieur le
21 Président.
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
23 Y a-t-il des questions des Juges ? Juge Vassylenko ?
24 Questions de la Cour :
25 M. LE JUGE VASSYLENKO : [interprétation] Monsieur Deronjic, vous avez dit
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1 dans votre déposition que vous connaissiez Momir Nikolic depuis très
2 longtemps. Est-ce que vous seriez, est-ce que vous pourrez être plus précis
3 ? Depuis combien de temps connaissez-vous Momir Nikolic ?
4 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je connais beaucoup
5 de monde à Bratunac. Je suis né à Bratunac. Je suis né dans un village
6 proche de Bratunac, mais j'ai passé la plus grande partie de ma vie à
7 Bratunac. C'est également le cas de Momir Nikolic. C'est un endroit que
8 n'est pas très grand -- pas un très grand village. Je n'ai pas eu beaucoup
9 de contacts avec Momir Nikolic jusqu'à la guerre. Nous nous connaissions,
10 mais je ne me rappelle pas m'être trouvé avec lui assis, à parler de
11 quelque chose d'important. Et c'est quelque chose qui n'apparaît peut-être
12 pas logique, mais peut-être que M. Momir Nikolic pourra le confirmer.
13 Quelle en était la raison ? Je pense que j'avais un autre groupe d'amis,
14 une différente perspective, et je suppose que c'était cela la raison. Mais
15 je connaissais sa famille; je connaissais son père. Je pense que je
16 connaissais son père mieux que Momir lui-même, parce que souvent nous
17 allions en fait à un club de retraités que son père a visité de temps à
18 autres. Et de temps à autres nous jouons aux échecs, c'est une personne
19 dont j'ai une excellente opinion. J'ai appris à connaître Momir mieux au
20 cours de la guerre, au cours de la période pendant laquelle le SDS a été
21 créé, mais avant cela je ne connaissais pas Momir. Il n'était pas membre du
22 SDS, ça je l'ai vérifié et il n'a pas participé aux activités qui ont
23 concerné la création du SDS à Bratunac. Il n'a pas participé à un organe de
24 ce parti non plus.
25 Au début de la guerre, j'ai commencé à le connaître mieux au cours d'une
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1 période pendant laquelle l'Armée populaire Yougoslave avait des effectifs
2 présents à Bratunac, et c'est la période pour laquelle je suis accusé
3 devant ce Tribunal. Ceci donc concerne la période qui commence à la fin du
4 mois d'avril et qui se poursuit jusqu'à la fin du mois de mai. Au cours de
5 cette période, j'ai rencontré Momir Nikolic plusieurs fois, mais ce n'était
6 pas une relation de subordonné à supérieur, parce que l'armée était
7 présente à Bratunac et Momir Nikolic établirait un contact avec eux, et il
8 était présent à certaines réunions de la cellule de Crise au cours de cette
9 période. Je me rappelle sa présence à cette époque.
10 Après ces événements pour autant que je le sache, parce qu'il y eut un
11 conflit avec des extrémistes à Bratunac, est parti après -- drôle
12 d'incident après qu'un très grand nombre de soldats de notre côté ont été
13 tués, et il avait des problèmes avec les extrémistes. Il a donc quitté
14 Bratunac et je ne l'ai pas vu pendant assez longtemps, autant que je me
15 souvienne. Je n'insiste pas sur le fait que tout ceci soit exact, mais il
16 est revenu à Bratunac, autant que je sache, au début de l'automne 1992.
17 C'était à l'automne. Je peux me rappeler qu'il travaillait dans l'armée. Il
18 avait un poste là. Mon attitude à l'égard de l'armée est bien connue. Je
19 pourrais en parler pendant des jours et des jours. J'allais très rarement
20 au commandement. J'ai rencontré Momir Nikolic assez fréquemment -- très
21 fréquemment, mais nous n'avons jamais parlé de cela de façon officielle. Et
22 je ne pense pas qu'il y ait eu quoi que ce soit, dont j'ai dû l'informer.
23 Je connaissais sa famille, je connaissais ses fils, sa femme, mais souvent
24 on se rencontrait dans des situations officielles après la guerre, mais,
25 dans la période antérieure à la guerre, je ne me souviens pas m'être trouvé
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1 ensemble avec lui quelque part.
2 M. LE JUGE VASSYLENKO : [interprétation] Vous étiez le président de la
3 cellule de Crise de la municipalité de Bratunac, oui ou non ?
4 R. Oui.
5 M. LE JUGE VASSYLENKO : [interprétation] Vous venez de dire que Momir
6 Nikolic avait participé à certaines séances de la cellule de Crise. Quel
7 était son rôle à la cellule de Crise ? Est-ce qu'il était invité à y
8 participer, ou est-ce qu'il faisait -- est-ce qu'il était là d'office, ex
9 officio?
10 R. Je crois que la guerre a éclaté à un moment où M. Momir Nikolic était à
11 la Défense territoriale à Bratunac. J'ai expliqué cela à l'Accusation.
12 Après que les municipalités -- les Musulmans aient quitté les organes
13 municipaux, mon intention était de former des effectifs de Défense
14 territoriale en utilisant les Serbes qui étaient restés dans cet organe, à
15 l'état major de la Défense territoriale à Bratunac. Et, en ce sens, j'ai
16 organisé une réunion de l'état major de la Défense territoriale. Je
17 n'arrive pas à me rappeler si Momir Nikolic a assisté à cette réunion. Je
18 suppose qu'il l'a fait. Nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord pour
19 transformer cela en organe municipal et, à un moment donné, lorsque l'armée
20 est arrivée du côté du 20 avril à Bratunac, à ce moment-là, les choses ont
21 commencé à changer. C'était encore la JNA, l'armée populaire yougoslave,
22 c'est bien connu. J'espère que c'est quelque chose dont Momir Nikolic est
23 également conscient.
24 L'armée a mis en place une administration militaire à partir de ce moment-
25 là et, vers la fin du mois d'avril, nous avons continué. Nous avons
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1 poursuivi nos activités concernant la création d'une cellule de Crise. A
2 l'époque, je ne faisais pas très attention à ces questions militaires ou à
3 l'organisation de la Défense territoriale, mais je me rendais compte que le
4 commandant, le capitaine Reljic, était constamment présent dans cet organe
5 -- dans cet état major. Il avait son bureau ici, et il avait formé un état
6 major de Défense territoriale, service sélectif.
7 Je ne sais pas quand exactement il l'a fait et je ne sais pas quand il a
8 désigné ou nommé Momir Nikolic comme étant le commandant de cet état major.
9 En sa qualité, Momir Nikolic a participé à plusieurs réunions de la cellule
10 de Crise.
11 M. LE JUGE VASSYLENKO : [interprétation] Ma question suivante est : dans
12 les interviews que vous avez eues avec les enquêteurs du bureau du
13 Procureur, en février 1998, vous avez déclaré que Momir Nikolic avait
14 effectivement participé à l'opération d'évacuation, les questions de
15 sécurité, et d'autres tâches différentes, pourriez-vous être, s'il vous
16 plaît, plus précis ? Quelles autres tâches, en l'occurrence ? Et quel a été
17 le rôle de Momir Nikolic dans cette opération ?
18 R. Je dois dire que j'avais des renseignements qui m'avaient été fournis
19 par quelqu'un. J'en ai parlé au bureau du Procureur. J'avais des
20 renseignements selon lesquels en plus d'autres officiers et supérieurs, et
21 de hauts fonctionnaires de la police, à Potocari, au moment de l'évacuation
22 de la population civile. Au moment où elle débutait, j'ai eu des
23 renseignements selon lesquels Momir Nikolic était présent. Je pensais que
24 c'était logique qu'il soit présent sur place parce qu'il avait des
25 responsabilités -- certaines responsabilités de commandement en ce qui
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1 concernait la police militaire, et je n'ai pas trouvé curieux qu'il soit
2 présent à ce moment-là sur place. Le général Mladic était là aussi. Il y
3 avait des officiers très supérieurs de la Republika Srpska qui se
4 trouvaient là. Et je n'ai pas pensé que c'était particulièrement curieux
5 que M. Nikolic fût là. J'avais ces renseignements. C'est à cela que je
6 faisais référence. Je sais qu'il a participé au transfert des civils parce
7 qu'ils avaient pour tâche de les emmener avec la police militaire. Ils
8 devaient prendre en charge ces personnes, les faire monter sur des cars et
9 les emmener dans la direction de Kladanj dans les territoires qui se
10 trouvaient sous le contrôle de l'armée musulmane. Ce sont des choses au
11 courant desquelles j'étais. Je sais que dans cette situation -- enfin, je
12 sais que ces renseignements qui m'avaient été fournis. Je sais que cela a
13 été dit et que Momir Nikolic avait quelque chose à voir avec le fait
14 d'assurer la sécurité des prisonniers qui arrivaient à Bratunac le 13, dans
15 l'après-midi, et que l'on en avait prévu des hébergements dans différents
16 endroits, à Bratunac.
17 J'ai été informé du fait que la police militaire était également en train
18 d'assurer la sécurité de ces autocars, et j'ai supposé que Momir Nikolic
19 avait joué un rôle dans cette opération. Si j'ai mentionné d'autres tâches,
20 et bien, j'ai supposé qu'il avait d'autres fonctions, d'autres obligations,
21 mais, en fait, je n'ai jamais entendu parler de façon précise de ce qu'il
22 aurait pu avoir d'autre à faire, donc je ne sais pas ce quelles étaient ces
23 autres obligations.
24 M. LE JUGE VASSYLENKO : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai pas
25 d'autres questions.
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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
2 Madame le Juge Argibay.
3 Mme. LE JUGE ARGIBAY : [interprétation] Oui. Bonjour, Monsieur le Témoin,
4 j'ai une ou deux questions à vous poser.
5 Lors de la même déclaration ou conversation que vous avez eue avec
6 l'enquêteur du bureau du Procureur, Jean-René Ruez, c'est-à-dire, le 12
7 mars 2001, lorsque vous avez parlé de la manière dont vous auriez pu
8 établir un lien avec le colonel Beara, ou lorsque vous attendiez que Beara
9 vienne, l'enquêteur vous a dit qu'il y avait une autre possibilité plus
10 facile, qui serait de convoquer Momir Nikolic et de lui demander d'établir
11 ce contact.
12 Et vous avez répondu : "Au cours de ces nuits, vous auriez plus facilement
13 trouvé Kissinger que Momir Nikolic à Bratunac." Donc pourquoi était-il si
14 difficile de trouver Nikolic dans cette nuit de juillet ? Pourquoi n'êtes-
15 vous sûr maintenant qu'il se trouvait à cette réunion ?
16 R. Je n'ai pas été correctement traduit. L'interprétation que j'ai reçue
17 était que ça aurait été plus facile pour moi de trouver Nikolic. J'ai dit
18 qu'il aurait probablement été plus facile pour moi de trouver Kissinger sur
19 place à Bratunac ce soir-là. C'est ça que j'ai dit. J'ai dit que ce serait
20 plus facile de trouver Kissinger que M. Nikolic. Pourquoi est-ce que j'ai
21 dit cela ? A plusieurs reprises M. Ruez a essayé d'établir un lien entre
22 moi et M. Nikolic. Notamment, lorsqu'il m'a dit, je crois m'être souvenu
23 même de la façon dont il l'avait dit. Il était assez tendu, et assez fâché
24 : "N'auriez-vous pas pu convoquer M. Nikolic ?" Je me souviens de son ton
25 irrité. "N'auriez-vous pas pu convoquer M. Nikolic pour lui demander
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1 combien de prisonniers étaient arrivés sur place, au cours de cette période
2 à Bratunac ?" Et je lui ai dit que je n'y étais pas allé, que je n'avais
3 pas ces renseignements, qu'on m'avait donné divers éléments d'information,
4 que je n'étais pas rendu et qu'il était situé à différents endroits. Il
5 faisait nuit. Je n'avais pas envie de sortir pour aller voir combien de
6 personnes se trouvaient là et je lui ai dit comment je communiquerais avec
7 M. Nikolic. J'ai dit qu'il n'était pas dans son bureau et, dans de telles
8 circonstances, cela voulait dire qu'il était sur le terrain. Je supposais
9 qu'il utiliserait des Motorola pour communiquer avec ses supérieurs et,
10 personnellement, je n'en avais pas un. Je ne pouvais pas lui téléphoner. Je
11 ne savais pas où il était. Je n'ai pas dit toutes ces choses, mais
12 puisqu'ils ont continué à mentionner M. Nikolic, j'ai dit, à ce moment-là,
13 qu'il serait plus facile pour moi de rencontrer M. Kissinger à Bratunac que
14 M. Nikolic.
15 J'étais moi-même très tendu qu'il suppose qu'il était facile pour moi de
16 trouver M. Nikolic dans tout ce désordre, dans tout ce chaos, et qu'il y
17 avait une possibilité pour moi de le trouver. Il n'y avait aucune
18 possibilité pour moi de le faire et pas un seul officier de la Brigade de
19 Bratunac, du commandement de la brigade, pas un seul officier du Grand état
20 major de l'armée de la Republika Srpska, bref je n'avais aucun contact avec
21 aucun des officiers qui se trouvaient dans ces endroits. Aucun de ces
22 officiers n'est jamais entré dans mon bureau pour me confier une tâche et
23 je n'avais aucun moyen de communiquer directement avec eux.
24 Mme LA JUGE ARGIBAY : [interprétation] Mais vous nous avez dit que vous
25 aviez été en mesure d'utiliser les installations téléphoniques de
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1 commandement de la brigade, les communications téléphoniques. Si vous ne
2 pouviez pas utiliser cela pour communiquer avec Karadzic, il n'était pas
3 plus facile de trouver un officier subalterne dans cette même brigade, de
4 moindre importance dans cette brigade ?
5 R. Je suis allé au commandement de la Brigade de Bratunac à deux reprises.
6 Le commandement de la Brigade de Bratunac se trouve à une certaine distance
7 de mon bureau et je devais m'y rendre en voiture.
8 Deuxièmement, je n'ai vu qu'une seule fois un officier de service qui était
9 tellement subalterne que cela n'avait pas d'intérêt. Je ne suis pas sûr que
10 je me fusse conscient du fait que c'était un officier de la Brigade de
11 Bratunac. Je connais cet homme, mais je n'avais même pas remarqué que ce
12 fût un officier de la Brigade de Bratunac. Si vous me demandez maintenant
13 de vous dire quelle était la composition de la Brigade de Bratunac, je peux
14 vous dire sous serment que je suis incapable de le faire. C'était un
15 Subalterne, et je ne pensais pas que je devais lui demander d'essayer de
16 trouver un officier supérieur auquel je pourrais parler. Je n'ai pas pensé
17 qu'il était nécessaire que ces officiers se trouvent là à ce moment-là.
18 Tous étaient en train de participer à des opérations militaires diverses
19 et, comme je l'ai déjà expliqué, il y avait des combats -- des combats
20 étendus qui se poursuivaient dans le secteur de Konjevic Polje et je ne les
21 ai jamais contacté directement pour leur demander quoi que ce soit ou pour
22 leur donner des ordres. C'est quelque chose qui était tellement exclu, ça
23 ne se faisait pas. Excusez-moi, mais, naturellement, j'aurais pu
24 probablement dire à cet officier, j'aurais pu lui dire : est-ce qu'il
25 pourrait m'aider à trouver Momir ? Est-ce qu'il saurait me retrouver
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1 Momir ? Mais je ne sais pas pourquoi j'aurais eu le besoin de contacter
2 Momir à ce moment-là ?
3 Mme LA JUGE ARGIBAY : [interprétation] Non. La question a trait au point de
4 savoir pourquoi vous pouvez dire qu'il était impossible de trouver Nikolic
5 au cours de ces nuits et le fait que vous n'êtes pas sûr qu'il ait
6 participé à cette conversation dans votre bureau.
7 R. Je ne comprends pas, ou ouï-dire, comment se fait-il que je ne l'ai pas
8 informé de cette réunion. Est-ce là votre question ? Je n'ai pas bien
9 compris la question, excusez-moi.
10 Mme LA JUGE ARGIBAY : [interprétation] Je ne comprends pas vos réponses,
11 c'est ça le problème. Vous dites que vous n'êtes pas sûr si Nikolic avait
12 participé à cette réunion qui a eu lieu dans votre bureau le 13 juillet,
13 dans la soirée -- dans la nuit du 13 juillet et de l'autre côté, dans votre
14 déclaration au préalable, vous dites que vous êtes sûr qu'il n'était
15 absolument pas possible de trouver Nikolic ce jour-là. Et là, vous nous
16 donnez deux réponses absolument contradictoires puisque d'un côté vous
17 n'êtes pas sûr s'il était là et de l'autre côté vous êtes sûr, vous dites.
18 Vous affirmez qu'il était impossible de le trouver.
19 Et je voudrais savoir laquelle des deux réponses correspond mieux
20 aujourd'hui à votre meilleur souvenir de l'époque.
21 R. Madame la Juge, je vous ai compris, mais aidez-moi encore un petit peu.
22 Donc, quand je dis que je n'étais pas sûr, ceci implique qu'il était peut-
23 être présent. C'est pour cela que vous avez un doute, n'est-ce pas ? Parce
24 qu'avant, j'ai exclu cette possibilité, n'est-ce pas ? Est-ce que je vous
25 ai bien compris ? Est-ce que j'ai bien compris votre question ?
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1 Voilà, je veux dire -- je vais vous expliquer pourquoi j'ai dit que je ne
2 suis pas sûr si Momir était présent lors de cette réunion-là. Je vous
3 réponds précisément de façon très concrète. Je ne connais aucun fait --
4 aucune raison qui rendrait ceci impossible. Par exemple, si moi -- si je
5 savais que, ce jour-là, M. Nikolic était à Belgrade, par exemple, et bien,
6 aujourd'hui, je pourrais vous affirmer en toute certainté [sic] que M.
7 Nikolic n'était pas présent lors de cette réunion-là.
8 Puisqu'il s'agit d'un thème très délicat et d'un événement malheureusement
9 plus que tragique, beaucoup de gens ont été impliqués et, puisque je suis
10 responsable pour ce que je vais dire, j'essaie d'être le plus objectif
11 possible. Et donc je n'exclut pas cette possibilité justement parce que je
12 ne connais aucun fait qui exclurait cette possibilité-là. C'est pour cela
13 que j'ai dit que ce n'était pas exclu.
14 Mme LA JUGE ARGIBAY : [interprétation] Merci. Je n'ai pas d'autres
15 questions.
16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien. Il me semble qu'il n'y a pas
17 de questions des parties à présent.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous vous remercions d'être venu déposer ici.
19 Je considère que le fait que vous soyez venu ici pour déposer démontre
20 suffisamment votre volonté de coopérer avec le Tribunal.
21 L'Huissier va vous escorter pour quitter ce prétoire.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. J'espère que je vous ai aidé autant que
23 j'ai pu.
24 [Le témoin se retire]
25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pourriez-vous faire venir le prochain
Page 1580
1 témoin, s'il vous plaît ?
2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
4 M. LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pourriez-vous faire la déclaration
6 solennelle, s'il vous plaît.
7 M. LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 LE TÉMOIN: MILE PETROVIC [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 Questions de la Cour :
12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur le Témoin, pourriez-vous
13 décliner votre identité, nous donner votre date de naissance et lieu de
14 votre naissance ?
15 R. Je m'appelle Mile Petrovic. Je suis né le 25 février 1967 à Srebrenica.
16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Où résidez-vous à présent ?
17 R. J'habite dans le village de Bjelovac dans la municipalité de Bratunac.
18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Quelle était votre fonction au mois de
19 juillet 1995 ?
20 R. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous demande si vous avez été soldat,
22 par exemple, de la Brigade de Bratunac ?
23 R. Oui, en effet.
24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Et quand cela ?
25 R. Vous voulez dire depuis le début, enfin, pendant quelle période ?
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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
2 R. J'ai commencé au mois de mars, à peu près au mois de mars 1993 et j'y
3 suis resté jusqu'en 1996.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Et quelle était votre fonction au centre
5 de la brigade et, plus précisément, au mois de juillet 1995 ?
6 R. J'étais policier militaire.
7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Aviez-vous un grade, une fonction plus
8 précise ?
9 R. Non. Non.
10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous souvenez-vous avoir fait une
11 déclaration au poste de police de Bratunac, soit pour les besoins de la
12 Défense ou pour qui que ce soit d'autre, concernant les incidents qui se
13 sont produits pendant cette période-là ?
14 R. Oui. J'ai fait une déclaration au poste de police tout d'abord et,
15 ensuite, j'en ai fait une à l'enquêteur, mais je ne me souviens plus de son
16 nom. Oui, je pense qu'il s'appelait Dugonjic.
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous souvenez-vous du contenu de cette
18 déclaration ?
19 R. Je pense que oui.
20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Dites-nous quelque chose au sujet de
21 cette déclaration.
22 R. Et bien, il m'a posé une question au sujet de ces événements qui se
23 sont produits au mois de juillet 1995 et, plus précisément, au sujet de ma
24 rencontre avec M. Nikolic et au sujet de ce qu'il a dit ici devant ce
25 Tribunal. Il m'a demandé si j'en ai entendu parler, et cetera. Et moi je
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1 lui ai répondu que, oui, j'en ai entendu parler que j'ai lu à ce sujet
2 quelque chose dans les journaux, dans le Dnevni Avaz. Je pense que c'est
3 cela le nom du journal. Et, ensuite, il m'a demandé de lui raconter tous
4 ces événements. Et moi je lui ai répondu que je marchais vers le poste de
5 police en quittant mon domicile et que j'ai rencontré M. Momir Nikolic sur
6 le chemin et il m'a dit de me rendre au poste, de l'attendre là-bas. C'est
7 ce que j'ai fait. Je suis arrivé au poste et j'ai demandé au policier des
8 gardes où se trouvait le commandant (expurgée) car j'ai voulu me présenter
9 devant lui, car il m'avait laissé aller voir mon enfant qui était malade, à
10 l'époque. Le policier des gardes m'a dit qu'il était dans l'arrière-cour du
11 bâtiment là où se trouvent les véhicules. Donc j'y suis allé, j'ai vu
12 (expurgée), je me suis présenté et je lui ai dit que c'est que Momir Nikolic
13 m'avait demandé de faire savoir de venir au poste de police et de
14 l'attendre là-bas. A peu près une demie heure, une heure plus tard, Momir
15 Nikolic est arrivé et il a demandé à (expurgée) de démarrer les
16 transporteurs de l'ONU. Et il m'a dit que nous allions à Konjevic Polje, et
17 donc nous l'avons fait. Donc nous nous sommes dirigés vers Konjevic Polje
18 en empruntant la route. Nous étions trois, Momir Nikolic, (expurgée) et
19 moi-même. Momir Nikolic était à la place du commandant, moi j'étais à la
20 place de la mitrailleuse antiaérienne et (expurgée) était au volant -- aux
21 commandes du transporteur. Donc nous nous dirigions vers Konjevic Polje en
22 suivant la route et, juste avant Konjevic Polje, du côté gauche de la
23 route, nous avons rencontré deux civils qui étaient descendus sur la route,
24 et Momir Nikolic a demandé à (expurgée) d'arrêter le véhicule. Ce qu'il
25 a fait et il m'a dit de sortir et de fouiller ces deux personnes et de les
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1 faire entrer dans le transporteur. Donc j'ai fait ce qu'il m'a dit de faire
2 et, en entrant dans ce transporteur, Momir Nikolic a asséné un coup de
3 fusil sur la tête de l'un des deux. Et, ensuite, nous avons continué en
4 direction de Konjevic Polje. En arrivant à Konjevic Polje, nous avons
5 arrêté les véhicules. Nous sommes sortis. Momir Nikolic a pris ces deux
6 personnes, il les a emmenés du côté gauche de la route et il y avait une
7 espèce de plaque là. Il a parlé avec eux, donc, pendant qu'il parlait avec
8 eux à cet endroit-là, il m'a appelé. Il m'a demandé de les escorter
9 jusqu'au bâtiment qui se trouvait en face. Je suis arrivé. Il y avait
10 quelques autres soldats là-bas, je ne sais pas à quelle brigade ils
11 appartenaient. Toujours est-il que je me suis dirigé donc dans ces
12 bâtiments, en escortant ces deux personnes, et ces hommes, qui se tenaient
13 debout là-bas devant, m'ont dit que je n'avais rien à faire la dedans, que
14 j'étais libre de partir, de revenir sur mes pas. Ils m'ont dit qu'ils
15 allaient les escorter eux en compagnie des autres personnes -- de tous les
16 autres soldats -- de toutes les autres personnes qui se trouvaient là-bas,
17 il y en avait encore cinq ou six. Ils étaient en train de les interroger.
18 Et donc je fais demi tour. En réalité Momir Nikolic est sorti juste avant
19 et il est allé parler de quelque chose avec des étrangers qui étaient venus
20 -- des étrangers en uniforme -- en uniforme des Nations Unies. Donc je suis
21 passé à coté et je les ai entendu discuter en langue anglaise, et moi j'ai été
22 avec (expurgée) près du transporteur et, à ce moment-là, Momir Nikolic s'est
23 approché du transporteur, et il nous a demandé d'emmener ces deux soldats
24 partout où ils voulaient aller. Et donc nous les avons mis dans ce
25 transporteur, dans ce blindé transporteur de troupes, et nous avons
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1 parcouru à peu près deux kilomètres en direction de Bratunac. Ils nous ont
2 dit ensuite de revenir, et nous l'aurons fait. Ensuite une jeep s'est
3 approchée. Ils sont entrés dans cette jeep, il y avait un chauffeur dans la
4 jeep.
5 Donc à peu près une demie heure ou une heure plus tard, nous sommes revenus
6 à Bratunac.
7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que vous avez fait usage d'un
8 microphone, ou d'un mégaphone dans ce blindé de transport des troupes ?
9 R. Non, il n'y avait pas de mégaphone ou de microphone là dedans, et nous
10 ne l'avons pas utilisé.
11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que vous savez ce qui s'est passé
12 à la fin avec ces deux Musulmans qui s'étaient rendus à la fin ?
13 R. De cette maison-là, la maison où on les a amenés.
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
15 R. Et bien, ils les ont emmenés en face, avec les autres de l'autre coté
16 de la route, dans cet autre bâtiment.
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Et, quand vous avez regagné le véhicule,
18 est-ce que vous avez dit quoique ce soit à M. Nikolic ?
19 R. A M. Nikolic, non, je ne lui ai rien dit à ce sujet. Je ne lui ai rien
20 dit.
21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que vous avez entendu des tirs à
22 cet endroit ?
23 R. Il y avait des tirs qui venaient de partout, on pouvait les entendre de
24 partout. Partout autour de nous.
25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.
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1 L'équipe de la Défense souhaite-t-elle poser de questions au témoin ?
2 Questions de la Défense, M. Londrovic :
3 M. LONDROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Q. Bonjour, Monsieur Petrovic.
5 R. Bonjour
6 Q. Je m'appelle Veselin Londrovic. Je suis le conseil de M. Momir Nikolic
7 et c'est en cette qualité que je vais vous poser un certain nombre de
8 questions.
9 Monsieur Petrovic, pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre combien
10 des déclarations avez-vous faites en tout jusqu'à jour d'aujourd'hui, qu'il
11 s'agisse du poste de police de Bratunac, de l'enquêteur ou bien des
12 enquêteurs du Tribunal ?
13 R. Et bien, au SUP de Bratunac, j'en ai fait une, j'en ai donné une à
14 Dugonjic, et puis une autre à vous.
15 Q. Mais moi je n'ai jamais reçu de déclaration écrite, signée de votre
16 part ?
17 R. Non, pas écrite, mais nous avons parlé.
18 Q. Monsieur Petrovic, en répondant à la question posée par le président de
19 la Chambre, vous avez dit qu'en juin 1995 vous étiez policier militaire,
20 est-ce qu'exact ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce que vous aviez une fonction quelconque au sein de la police
23 militaire de la Brigade de Bratunac ?
24 R. Non, je n'avais pas fonction. On m'a dit oralement pourtant que je
25 remplaçais les commandants, mais je n'avais pas du tout ces impressions là.
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1 Q. Monsieur Petrovic, étiez-vous le remplaçant du commandant de la police
2 militaire de la Brigade de Bratunac ?
3 R. Je n'étais pas nommé à ce poste, c'est oralement que Nikolic m'a dit
4 que je remplaçais les commandants.
5 L'INTERPRÈTE : (expurgée), quand il n'était pas là.
6 M. LONDROVIC : [interprétation]
7 Q. Est-ce que je peux interpréter votre réponse comme une réponse
8 affirmative à savoir que vous étiez le remplaçant du commandant de la
9 police militaire de la Brigade de Bratunac ?
10 R. Et bien, oui, mais il y avait pas d'ordre à cette fin.
11 Q. Monsieur Petrovic, de fait avez-vous été le remplaçant du commandant de
12 la police militaire de la Brigade de Bratunac au mois de juillet 1995 ?
13 R. Oui.
14 Q. Pouvez-vous expliquer aux Juges de la Chambre, pour quelles raisons
15 dans la déclaration préalable que vous avez fournie au poste de police,
16 ainsi que dans la déclaration préalable fournie aux enquêteurs, vous avez
17 affirmé avoir été un simple policier militaire ?
18 R. Parce que je ne le sentais pas comme cela. De toute façon ils ne
19 m'écoutaient pas quoique je dise.
20 Q. Est-il exact que vous avez envie de dissimuler votre véritable
21 fonction, celle qui était la votre au sein de police militaire de la
22 Brigade de Bratunac au mois de juillet 1995 ?
23 R. Non, ce n'est pas vrai. Pourquoi voulez-vous que je le cache, tout le
24 monde le savait. (expurgée) savait très bien que je n'avais jamais reçu
25 de nomination. On m'avait dit oralement que j'allais remplacer (expurgée) de
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1 temps en temps, quand il n'était pas là.
2 Q. Monsieur Petrovic, pourquoi alors, n'avez-vous pas dit à l'époque que
3 vous étiez bien le remplaçant du commandant de la police militaire de la
4 Brigade de Bratunac au mois de juillet, et que telle était la situation du
5 point de vue officiel, tout au moins officiellement, mais que vous vous
6 n'avez pas l'impression avoir exercé une telle fonction ? Pourquoi vous
7 n'avez pas dit tout au moins officiellement sur les papiers que vous aviez
8 cette fonction, que vous auriez pu dire que vous n'aviez aucune autorité,
9 alors que vous persistez à dire que vous n'étiez qu'un simple soldat ?
10 R. C'est comme cela que je me sentais, c'est ce que je disais, je ne sais
11 pas.
12 Q. Monsieur Petrovic, je vais vous donner lecture d'une partie de
13 l'interview de (expurgée). En B/C/S donc là il s'agit de l'interview
14 qu'il a fourni, qu'il a eu avec les enquêteurs donc la page R0078311, M.
15 (expurgée) dit ce qui suit, je cite : "Je m'appelle (expurgée). Je suis
16 caporal; cependant, ici il est écrit que je suis lance caporal. Je ne sais
17 pas d'où ils tiennent cela. Il s'agit là d'un grade relevant de la police
18 civile alors que moi, j'ai été employé par la police militaire. Ensuite,
19 vous avez mon remplaçant, Mile Petrovic."
20 Si (expurgée) dit que vous avez été son remplaçant. Et maintenant vous,
21 vous dites que vous ne l'étiez pas. Est-ce que cela veut dire que
22 (expurgée), ment ou bien qu'il ne dise pas la vérité ?
23 R. Mais, oui, il dit la vérité. Je vous ai dit que j'avais suit cet ordre
24 oralement et je ne sais pas moi comment il comprenait cela.
25 Q. Monsieur Petrovic, en répondant à la question du président de la
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1 Chambre, vous avez dit que, dans ce blindé de transports de troupes, vous
2 vous êtes dirigé vers Bratunac et Konjevic Polje. Qui conduisait ce
3 blindé ?
4 R. (expurgée).
5 Q. Vous avez dit que vous, vous étiez à la place de cette mitrailleuse
6 antiaérienne, n'est-ce pas ? Pourriez-vous nous dire où se trouvait
7 exactement, dans ce blindé, Momir Nikolic ?
8 R. A la gauche, au poste du commandant.
9 Q. Très bien. Et à part de ce blindé, pourriez-vous nous dire s'il y avait
10 d'autres véhicules devant vous ou derrière vous sur cette route que vous
11 avez empruntée pour vous rendre de Bratunac à Konjevic Polje ?
12 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne m'en souviens pas.
13 Q. Mais n'y avait-il pas deux blindés ?
14 R. C'est possible. Je n'en sais rien. C'est possible, mais je ne m'en
15 souviens pas parce que c'est vrai qu'à un moment donné, il y en avait deux,
16 mais je ne sais plus si c'est le premier ou le deuxième jour. Je n'arrive
17 pas à situer cela dans le temps.
18 Q. Vous vous souvenez-vous bien de cette route qui relit Bratunac-Konjevic
19 Polje, que vous avez empruntée dans ce blindé ? Vous vous en souvenez bien,
20 oui ou non ?
21 R. Je me souviens de la route.
22 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce qui s'est passé, là-bas, au moment
23 où vous avez emprunté cette route-là ?
24 R. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
25 Q. Je vous demande ce qui s'est passé ? Quels étaient les faits, les
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1 événements ? Est-ce qu'il y avait un blindé, deux blindés ? Est-ce qu'il y
2 avait un véhicule des transports des passagers ? Qu'est-ce vous avez vu sur
3 cette route-là ?
4 R. C'était il y a longtemps. Je ne me souviens plus si c'était le premier
5 jour. Je sais qu'à un moment donné, un de ces deux jours, il y avait deux
6 blindés, mais je ne me souviens plus si cela s'est produit le premier ou le
7 deuxième jour.
8 Q. En répondant à la question du président de la Chambre, vous avez dit
9 que, dans ce blindé des transports de troupes, il n'y avait pas de
10 mégaphone.
11 R. Comment voulez-vous que je sache s'il y a en un ou non ? Je sais que
12 moi, je n'appelais personne. Je ne l'ai pas utilisé. Vous parlez du micro,
13 c'est cela, enfin, des trucs qu'on utilise là, le truc rond, pour parler ?
14 Moi, je ne l'ai pas trouvé à l'intérieur du blindé.
15 Q. Monsieur Petrovic, je vais tenté de vous citer -- de citer vos propos,
16 votre réponse. Quand le président vous a posé la question au sujet du
17 mégaphone, vous avez dit, je vous cite : "Il n'y en avait pas et je ne l'ai
18 pas utilisé."
19 R. C'est vrai que moi je ne l'ai pas vu, mais, vous savez, ce sont des
20 engins que je ne connais pas -- matériel que je ne connais pas. Je ne
21 pouvais pas vous dire s'il y en avait à l'intérieur ou non.
22 Q. Est-ce que vous savez exactement ce que c'est ce mégaphone et à quoi
23 cela ressemble ?
24 R. Oui, je sais. Une espèce de tuyau tout rond où l'on tient devant la
25 bouche et on parle.
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1 Q. Est-ce qu'il était dans le transporteur ou non ?
2 R. Mais non. Moi, je ne l'ai pas vu.
3 Q. Et s'il y en avait un ? Est-ce que vous pensez que vous auriez pu le
4 voir, que vous auriez été en mesure de le voir ?
5 R. Mais moi, je n'ai rien cherché là-dedans. Je n'ai pas cherché quoi que
6 ce soit dans ce blindé. Même s'il y en avait un, on a rien fait de monter
7 là-dedans. Ensuite, on s'est levé debout et on regardait autour de nous.
8 Q. Monsieur Petrovic, dans quelle qualité avez-vous fourni cette
9 déclaration au préalable dans le poste de police de Bratunac ?
10 R. Dans quelle qualité ?
11 Q. Oui. Est-ce qu'en tant que suspect, que témoin ?
12 R. Et bien, j'ai été convoqué pour dire ce que je sais au sujet de ces
13 événements. On m'a convoqué au poste de police, donc j'y suis allé. Je me
14 suis présenté au poste et j'ai répondu aux questions qu'on m'a posées.
15 Q. Est-ce que vous avez fourni votre déclaration devant le fonctionnaire
16 du poste de police de Bratunac en tant que suspect ou que témoin ?
17 R. En tant que témoin, bien sûr, mais comment voulez-vous que le sache ?
18 Q. Mais est-ce qu'ils vous l'ont dit en quelle qualité vous étiez là, au
19 poste de police ?
20 R. Ils m'ont dit qu'ils étaient en train de recueillir des informations au
21 sujet de ces événements et qu'il fallait que je dise ce que je savais. Et
22 c'est là que j'ai dit ce qui a été écrit.
23 Q. Vous souvenez-vous s'ils vous avaient dit que vous aviez le droit de
24 vous faire représenter par un avocat ?
25 R. Un avocat ?
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1 Q. Oui, un avocat, un conseil ?
2 R. Oui. Oui. Je ne m'en souviens pas.
3 Q. Vous ne vous souvenez pas ? Je peux vous lire ce passage de la
4 déclaration où on peut lire, je cite : "Il a été informé du fait qu'il
5 avait le droit à un avocat." Et puis il y a là un sigle avec des lettres et
6 des chiffres qui signifie que les questions de procédure pénale en
7 Republika Srpska et le texte se poursuivent de la façon suivante : "Il a
8 dit qu'il n'avait pas besoin de l'aide d'un avocat professionnel." Vous
9 souvenez-vous avoir été informé de cela ?
10 R. Et bien, peut-être je ne suis pas allé à l'université, donc je ne peux
11 pas toujours comprendre tout ce qu'on me dit. Il y a certaines choses que
12 je comprends et d'autres choses que je ne comprends pas.
13 Q. Monsieur Petrovic, avez-vous dit la vérité à ce représentant officiel
14 du poste de police dans votre déclaration du 25 août 2003 ?
15 R. Je lui ai dit tout ce dont je me souvenais et ce que j'ai dit
16 correspond à la vérité.
17 Q. En réponse à une question des Juges de la Chambre de première instance,
18 vous avez déclaré que, dans votre déclaration, vous aviez dit que Momir
19 Nikolic avait frappé l'un des prisonniers à la tête ?
20 R. Oui.
21 Q. Est-ce que vous affirmez toujours que c'est bien ce que vous avez dit
22 dans les locaux du poste de police ?
23 R. Dans les locaux du poste de police, non. Ce n'est pas ce que j'ai dit à
24 cet endroit, pas dans les locaux du poste de police.
25 Q. Comment vous souvenez-vous que vous n'avez pas dit cela dans les locaux
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1 du poste de police ?
2 R. Et bien, je n'ai pas dit cela. Comment est-ce que je sais que ce que je
3 sais, je le sais ?
4 Q. Que vous avez -- mais, dans ces conditions, qui est-ce qui a à qui, et
5 devant qui avez-vous dit cela ?
6 R. Devant M. Dugonjic, c'est-à-dire, l'enquêteur.
7 Q. Il est permis de dire que vous avez fait cette déclaration à M.
8 Dugonjic, le 22 septembre 2003, après avoir fait une déclaration dans les
9 locaux du poste de police ?
10 R. Tout ce que je sais, c'est que j'ai d'abord fait une déclaration dans
11 les locaux du poste de police et ensuite que j'ai fait une deuxième
12 déclaration.
13 Q. Vous avez d'abord fait une déclaration dans les locaux du poste de
14 police et ensuite vous avez fait une déclaration à M. Dugonjic. Vous avez
15 dit la vérité au poste de police. Pourquoi est-ce que vous n'avez pas dit
16 au responsable habilité du poste de police de Bratunac à l'époque que Momir
17 Nikolic avait frappé un prisonnier avec une crosse de fusil à la tête ?
18 R. Si j'avais su que c'était important --
19 Q. Donc pourquoi est-ce que tout d'un coup cela est devenu important et
20 pourquoi l'avez-vous dit à M. Dugonjic ?
21 R. Si j'avais su que c'était important, je l'aurais dit dans l'autre
22 déclaration également.
23 Q. Monsieur Petrovic, est-ce que vous savez que -- est-ce qu'on vous a dit
24 que vous étiez dans l'obligation de dire la vérité au poste de police ?
25 R. Oui, oui.
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1 Q. Est-ce qu'on a appelé votre attention sur la nécessité de dire la
2 vérité ?
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce qu'on vous a dit qu'il ne fallait rien omettre ?
5 R. Je ne me souviens pas. Comment est-ce que j'aurais pu le savoir.
6 Q. Est-ce qu'on vous a dit que faire un faux témoignage était un délit
7 passible de poursuite ?
8 R. Oui.
9 Q. Alors, une fois qu'on vous a dit tout cela, après qu'on a appelé votre
10 attention sur tout ces faits, c'est-à-dire qu'il fallait que vous disiez la
11 vérité, que vous ne deviez rien omettre et qu'un faux témoignage était un
12 délit passible de poursuite, pourquoi est-ce que vous n'avez pas dit cela
13 au responsable, habilité du poste de police de Bratunac -- dans les locaux
14 du poste de police alors que vous l'avez dit à M. Dugonjic ?
15 R. Et bien, comment est-ce que je peux le savoir si j'avais su -- si
16 j'avais su que je comparaîtrais ici, parce que c'est la première fois que
17 je comparais devant une Chambre de première instance. Je ne sais pas même
18 comment je dois me tenir, comment je dois me comporter ici.
19 Q. Puis-je appeler votre attention sur le fait que vous n'avez pas dit la
20 vérité, pleine et entière, au responsable du poste de police de Bratunac ?
21 Vous avez omis d'évoquer un certain nombre de faits.
22 R. Si j'avais du que cela deviendrait si important, je l'aurais dit.
23 Comment est-ce que je peux m'expliquer ?
24 Q. Monsieur Petrovic, écoutez-moi avec attention. Ecoutez bien ma
25 question. Est-il vrai que vous avez omis de mentionner un certain nombre de
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1 choses lorsque vous avez parlé au responsable habilité du poste de police
2 de Bratunac au moment où vous faisiez votre déclaration ? Vous n'avez pas
3 dit la pleine vérité. Veuillez, je vous prie, répondre à ma question par un
4 "oui" ou par un "non"
5 R. Et bien, oui, mais, si j'avais su, je l'aurais dit.
6 Q. Monsieur Petrovic, dans la déclaration que vous avez faite au poste de
7 police de Bratunac, vous avez dit, je cite : "Le lendemain, moi-même et
8 (expurgée) avons reçu l'ordre de Momir Nikolic d'escorter un certain
9 nombre d'autobus et de camions à bord desquels se trouvaient des Musulmans
10 et ce jusqu'à Zvornik. J'ai donc supposé qu'ils allaient se rendre à cet
11 endroit pour que ces Musulmans soient remis entre les mains de quelqu'un
12 sur ce territoire dans la direction de Tuzla. Je me souviens qu'à la tête
13 de la longue colonne, il y avait un véhicule de marque Golf, et Momir
14 Nikolic se trouvait à bord de ce véhicule de marque Golf." Est-ce bien ce
15 que vous avez déclaré ?
16 R. Oui.
17 Q. Est-il permis de dire, en interprétant vos propos, que, le 14 juillet
18 1995, M. Momir Nikolic escortait un convoi de prisonniers musulmans de
19 dirigeant vers Zvornik ?
20 R. Et bien, je suppose que c'est vrai.
21 Q. Est-ce que vous supposez que c'est vrai ? Ou ceci est-il vrai ? Selon
22 ce qui est écrit ici, ceci est vrai.
23 R. Et bien, il était là lorsque ce convoi était organisé, lorsqu'il y a eu
24 ce déplacement, et cetera.
25 Q. Monsieur Petrovic, je vous demande d'essayer de vous concentrer pour
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1 répondre le plus précisément possible aux questions que je vous pose et
2 nous irons ainsi un peu plus vite. Je vous ai lu ce qui est écrit dans
3 votre déclaration, et je le répète, je cite : "Je me souviens qu'à la tête
4 de cette longue colonne se trouvait un véhicule de marque Golf et Momir
5 Nikolic était à bord de ce véhicule." Vous m'avez dit que ceci
6 correspondait à la réalité, que c'était exact ?
7 R. Oui.
8 Q. Lorsque je vous ai demandé si ceci était vrai, à savoir que le 14
9 juillet 1995, Momir Nikolic se trouvait également dans ce convoi de
10 prisonniers musulmans qu'on emmenait à Zvornik, qu'il escortait ces
11 prisonniers en votre compagnie et en compagnie de (expurgée). Je vous
12 repose la question : ceci est-il exact ?
13 R. Oui, c'est exact, mais je pense qu'il est resté à Konjevic Polje. Il
14 n'était pas avec nous pendant tout le voyage.
15 Q. Maintenant vous affirmez qu'il est resté à Konjevic Polje ?
16 R. Dans cette voiture Golf, il y avait lui et un autre homme qui avait des
17 moustaches, je ne sais pas qui c'était.
18 Q. Monsieur Petrovic, nous parlons du 14 et pas du 13 -- de la journée du
19 14, pas du 13.
20 R. Il était dans cette voiture -- dans cette Golf.
21 Q. M. Momir Nikolic a-t-il escorté les prisonniers jusqu'à Zvornik,
22 jusqu'à l'école, vous vous souvenez ?
23 R. Pas jusqu'à l'école.
24 Q. Jusqu'où les a-t-il escorté ?
25 R. Jusqu'à Konjevic Polje. Je crois qu'il est resté là-bas et c'est moi et
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1 (expurgée) qui les avons escortés jusqu'à l'école avec quelqu'un qui
2 est arrivé à ce moment-là, mais je ne me souviens pas qui c'était.
3 Q. Jusqu'à quel endroit Momir Nikolic a-t-il escorté cette colonne de
4 réfugiés musulmans, selon vous, le 14 juillet 1995 ?
5 R. Je pense qu'il les a escortés jusqu'à Konjevic Polje.
6 Q. Est-ce que vous le pensez, vous le supposez, ou est-ce que vous le
7 savez ?
8 R. Jusqu'à Konjevic Polje.
9 Q. Jusqu'à Konjevic Polje. Connaissez-vous (expurgée) ?
10 Est-ce que c'est un ami à vous ?
11 R. Un ami.
12 Q. Est-ce que (expurgée) est un ami à vous ? Est-ce que vous avez de
13 bons rapports ? Est-ce que vous avez des rapports d'amitié ?
14 R. Oui.
15 Q. Considérez-vous que (expurgée) dit la vérité ?
16 R. Pourquoi est-ce qu'il mentirait. Tout ce qu'il sait, il le dira, tout
17 ce dont il se souvient aussi.
18 Q. Monsieur Petrovic, je vais vous donner lecture d'une partie de la
19 déclaration de (expurgée), qui a trait à ces réfugiés musulmans qui ont
20 été escortés le 14 juillet. Dans cette déclaration, il dit ce qui suit, je
21 cite : "Vous nous avez dit que cette ordre vous avait été donnée par
22 Popovic Mladic ?"
23 (expurgée) : "Oui."
24 L'Accusation : Vous avez également déclaré que vous aviez informé de
25 cela, Nikolic."
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1 (expurgée) : "Oui."
2 L'Accusation : "Quand avez-vous informé votre officier, Nikolic ?"
3 (expurgée) : Lorsque nous sommes arrivés ou lorsque je suis arrivé,
4 je pense. Je ne sais pas exactement. Mais, lorsque je suis arrivé, je pense
5 que je l'ai vu. Je ne sais pas exactement. Je ne sais pas s'il était là,
6 mais je ne me souviens pas."
7 Donc, selon cet échange entre le Procureur et (expurgée), M. Momir
8 Nikolic n'était pas présent dans le convoi des réfugiés musulmans. Il est
9 resté à Bratunac et (expurgée) l'a informé du fait que les réfugiés
10 musulmans avaient été escortés une fois qu'il est revenu de Zvornik à
11 Bratunac. Donc qui est-ce qui dit la vérité ? Est-ce que vous dites la
12 vérité ou est-ce que (expurgée) dit la vérité ?
13 R. Je sais qu'il était dans cette Golf blanche. Il était accompagné d'un
14 homme dont je ne connais pas le nom, mais qui portait une moustache et, par
15 la suite, cette Golf est revenue à Zvornik à l'endroit où nous avons laissé
16 ces autobus et tout ça.
17 Q. A la question du juge qui présidait l'audience, vous avez dit que Momir
18 Nikolic a parlé avec deux représentants des Nations Unies en langue
19 anglaise. Je cite : "J'ai entendu qu'il parlait anglais." Ce sont les mots
20 que vous avez utilisés dans votre réponse à la question du président.
21 R. Il parlait une langue étrangère. Je ne sais pas exactement laquelle,
22 mais c'était une langue étrangère.
23 Q. M. Petrovic, nous pouvons revoir le compte rendu d'audience, mais, à la
24 question posée par le président, vous avez répondu, je cite : "Je les ai
25 entendus parler anglais." Monsieur Petrovic, êtes-vous en train d'affirmer
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1 que M. Momir Nikolic parle la langue anglaise ?
2 R. Ce n'est pas lui qui parlait l'anglais, mais ces deux étrangers qui ne
3 parlaient pas le serbo-croate.
4 Q. Monsieur Petrovic, répondant à la question du Juge Président, vous avez
5 dit que Momir Nikolic parlait avec ces deux hommes en langue anglaise. Ce
6 que vous venez de dire au Président de la Chambre, n'est-il pas exact ?
7 R. Je ne pensais pas que je disais cela. M. Momir ne parle peut-être pas
8 l'anglais. Je ne l'ai pas entendu lui parler l'anglais, mais, de ces deux
9 hommes, il y en avait un qui parlait un peu le serbe. Alors, ils ont parlé
10 ensemble. Je parle de ces deux hommes qui étaient là des Nations Unies.
11 Q. Donc, aujourd'hui, vous affirmez que vous n'avez pas dit au Président
12 de la Chambre que Momir Nikolic a discuté avec les deux représentants des
13 Nations Unies en langue anglaise ?
14 R. Et bien, peut-être que j'ai dit ça, sans m'en rendre compte. Je n'avais
15 pas l'intention de dire que Momir parlait l'anglais. Je voulais dire que
16 c'étaient ces deux hommes qui étaient là qui parlaient en langue anglaise.
17 Q. Monsieur Petrovic, avez-vous fait une déclaration devant les enquêteurs
18 du Tribunal, le 25 mai de l'année 2000 ?
19 R. Le 25 mai ?
20 Q. Oui, le 25 mai 2000.
21 Je prierais, Madame la Huissière, de vous montrer cette déclaration. Celle
22 que j'ai entre les mains est en langue anglaise. Je n'en dispose pas en
23 langue serbe.
24 Mais vous pouvez vérifier votre signature, pour dire s'il s'agit bien de
25 votre signature.
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1 R. Oui, c'est ma signature.
2 Q. Votre prénom est bien Mile ?
3 R. Oui.
4 Q. Votre nom de famille est bien Petrovic ?
5 R. Oui.
6 Q. Le prénom de votre père est bien Milan ?
7 R. Oui.
8 Q. Vous êtes bien né le 25 février 1967 ?
9 R. Oui.
10 Q. Avez-vous eu un entretien le 25 mai 2000 avec les enquêteurs de ce
11 Tribunal ?
12 R. Moi je ne me souviens pas.
13 Q. Vous ne vous souvenez pas ? L'interprète était Mihajlo Lukic.
14 Au bas de cette déclaration, c'est bien votre signature ? Cela ne fait pas
15 -- n'est pas contesté. Vous ne le contestez pas ?
16 R. Oui. C'est ma signature, mais je n'ai parlé avec personne.
17 Q. Vous affirmez que vous ne vous êtes entretenu avec personne
18 aujourd'hui ?
19 R. Peut-être que je me suis entretenu avec quelqu'un, mais je ne sais pas
20 si c'était un enquêteur. Je ne m'en souviens pas. Je ne crois pas. Mihajlo
21 Lukic, à quel endroit est-ce que nous aurions parlé ?
22 Q. Je vous prie de m'excuser. Moi non plus, je ne connais pas l'anglais.
23 Je vais demander de l'aide.
24 [Le conseil de la Défense se concerte]
25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Londrovic, je propose que nous
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1 fassions une pause de 10 minutes, et puis nous reviendrons. Pendant cette
2 pause, vous pourriez consulter votre co-conseil au sujet de ce document.
3 Vous êtes d'accord, Maître Londrovic ?
4 M. LONDROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Reprise des débats à 18 heures 05. Dix
6 minutes de pause.
7 --- L'audience est suspendue à 17 heures 54.
8 --- L'audience est reprise à 18 heures 08.
9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Maître Londrovic, voulez-vous
10 poursuivre.
11 M. LONDROVIC : [interprétation]
12 Q. Monsieur Petrovic, juste pour être bien sûr, est-ce qu'il -- c'est bien
13 votre signature qui figure sur ce document ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous avez dit très souvent : "Je pense que oui." Pourriez-vous être
16 plus précis ?
17 R. Oui, c'est ma signature.
18 Q. Grâce à mes collègues de l'Accusation, j'ai réussi à obtenir des
19 renseignements. Il a dû y avoir une interview de vous à Srebrenica
20 concernant les crimes commis par les Bosniens ou les Musulmans contre les
21 Serbes. Et dans votre déclaration, vous dites que le grand-père (expurgée)
22 avait été blessé, que votre maison avait été incendiée ?
23 R. Ça s'est passé à Milici.
24 Q. A Milici ?
25 R. Oui. Maintenant, je me souviens, c'était à Milici.
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1 Q. Est-ce que j'ai réussi à rafraîchir votre mémoire. Vous avez parlé aux
2 enquêteurs du Tribunal à Milici et il s'agit bien de votre signature ?
3 R. Oui. C'est exact. Ça eu lieu à Milici en 2000.
4 Q. Vous vous rappelez cet événement ?
5 R. Oui.
6 Q. Monsieur Petrovic, est-il vrai que votre frère est décédé ?
7 R. Oui.
8 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre quand cela s'est passé ? Qui l'a tué ?
9 Comment ça s'est passé exactement ?
10 R. Le 14 décembre lorsque Bjelovac a été attaquée, c'est à ce moment-là
11 que mon frère a été tué et le frère de mon oncle également ainsi que mon
12 grand-père.
13 Q. Le 14 décembre, vous n'avez pas dit l'année. Quelle était l'année ?
14 R. En 1992.
15 Q. Votre frère est mort -- votre cousin est mort, votre grand-père est
16 mort, qui les a tués ?
17 R. Qui ? Comment pourrais-je savoir qui les a tués ? Les Musulmans l'ont
18 fait. C'étaient des unités qui ont attaqué Bjelovac.
19 Q. Est-ce que c'étaient des unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui
20 attaquaient Bjelovac à cette époque ? Est-ce que c'est exact ?
21 R. Oui.
22 Q. En ce qui concerne votre frère (expurgée) et votre grand-père et votre
23 cousin, pourquoi n'avez-vous pas mentionné ce fait, le fait qu'ils avaient
24 été tués lorsque vous avez parlé aux enquêteurs du Tribunal à Milici ?
25 R. Qu'est-ce que vous voulez dire que je n'ai pas mentionné ?
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1 Q. Dans l'interview que vous avez eu avec les enquêteurs du bureau du
2 Procureur, lorsque vous avez fait votre déclaration, pourquoi n'avez-vous
3 pas dit aux enquêteurs du bureau du Procureur que lors de cette attaque
4 contre Bjelovac, votre frère (expurgée), votre cousin ont été tués ?
5 Pourriez- vous me mentionner son nom ?
6 R. Subota [phon].
7 Q. Et votre grand-père et votre cousin ont été tués ?
8 R. (expurgée).
9 Q. Pourquoi n'avez-vous pas mentionné ces faits en mai 2000 lorsque vous
10 avez parlé ?
11 R. Et bien, comment pourrais-je savoir ? Peut-être ils ne m'ont même pas
12 posé la question ? Je ne sais pas.
13 Q. Mais ici, vous dites même que votre grand-père (expurgée) a été blessé.
14 R. Il a été blessé.
15 Q. Vous dites qu'il a été légèrement blessé ?
16 R. Oui. Il a eu des fragments de balle. Il y a quelque chose qui l'a
17 touché aux reins.
18 Q. Est-il exact de dire qu'en mai 2000, lorsque vous avez été interviewé
19 par les enquêteurs du bureau du Procureur, vous saviez que votre frère,
20 votre cousin, votre grand-père avaient été tués ? Vous le saviez ? Vous
21 n'avez pas mentionné ces faits en l'an 2000. Vous aviez connaissance de
22 cela ?
23 R. Oui. Pourquoi est-ce que j'aurais dû en parler ?
24 Q. Mais pourquoi est-ce que vous n'avez pas mentionné cela aux enquêteurs
25 du Tribunal ?
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1 R. Bien. Je ne sais pas. Je ne cachais rien.
2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Londrovic, vous avez posé cette
3 question plusieurs fois. Je pense qu'il faudrait quand même passer à autre
4 chose.
5 M. LONDROVIC : [interprétation]
6 Q. Monsieur Petrovic, est-il exact de dire que, si vous le dites devant
7 cette Chambre, que vous êtes responsable de la liquidation ou le meurtre de
8 deux, trois, cinq, six, le nombre importe peu, Musulmans, prisonniers ? Que
9 si vous répondez oui à cela, vous seriez à ce moment-là, vous pourriez à ce
10 moment-là faire l'objet de poursuites, d'être traduit en justice ?
11 R. Je ne comprends pas votre question.
12 Q. Monsieur Petrovic, si vous reconnaissiez devant les Juges, vous
13 avouiez, vous dites "c'est vrai", moi, Mile Petrovic, je suis responsable
14 du meurtre de deux ou trois prisonniers musulmans, est-ce qu'en faisant une
15 réponse affirmative de ce genre, est-ce que vous vous exposeriez à des
16 poursuites au pénal ? Répondez par "oui" ou par "non", s'il vous plaît.
17 R. Je n'ai tué personne.
18 Q. Je ne dis pas que vous avez tué quelqu'un, Monsieur Petrovic. Mais si
19 vous disiez cela devant les Juges de cette Chambre, si vous disiez:
20 "Oui, c'est exact, moi, Mile Petrovic, je suis responsable de la
21 liquidation de deux ou trois, le nombre importe peu, ou soldats musulmans."
22 Est-ce que vous vous exposeriez à des poursuites au pénal ?
23 R. Comment pourrais-je dire cela puisque je ne l'ai pas fait.
24 Q. Je vous dis, une fois encore, que je ne soutiens pas cela.
25 R. Mais pourquoi en parler maintenant ?
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1 M. LONDROVIC : [interprétation] Très bien. Monsieur le Président, Madame et
2 Monsieur le Juge, je n'ai pas d'autres questions à poser.
3 Avec votre permission, mon co-conseil souhaiterait s'adresser à la Chambre.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Monsieur Kirsch. Vous pouvez prendre
5 la parole mais il faut que vous soyez très concis.
6 M. KIRSCH : [interprétation] Je vous remercie. Je comprends, Monsieur le
7 Président, Madame et Monsieur le Juge. Mais parce que Maître Londrovic ne
8 parle pas anglais ou français et que nous n'avons pas eu la possibilité de
9 nous consulter après l'audience de ce matin, je voudrais poser certaines
10 questions à ce témoin. Je serai très bref si vous le permettez. Je demande
11 l'indulgence de la Chambre.
12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
13 M. KIRSCH : [interprétation] Je vous remercie.
14 Questions de la Défense, M. Kirsch :
15 Q. [interprétation] Monsieur Petrovic, je voudrais appeler votre
16 attention, une fois de plus, sur les événements du 13 juillet. Pourriez-
17 vous, s'il vous plaît, dire aux Juges de la Chambre si vous vous rappelez
18 si M. Popovic se trouvait également dans le secteur lorsque vous êtes parti
19 dans le véhicule blindé du commandement de la Brigade de Bratunac ?
20 R. Quel Popovic ?
21 Q. Je ne sais pas. Est-ce que vous connaissez plus d'un Popovic ?
22 Pourriez-vous nous éclairer ?
23 R. Il y avait Nikola Popovic qui était avec moi dans la police. Qui
24 voulez-vous dire ?
25 Q. Est-ce que c'était ce Nikola Popovic qui était de la police militaire
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1 qui se trouvait avec vous ce jour-là, est-ce qu'il était avec vous ce jour-
2 là ?
3 R. Quel jour dites-vous ?
4 Q. Le 13 juillet. C'est du 13 juillet que je veux parler.
5 R. Non. Non.
6 Q. Est-ce que le nom de Vujadin Popovic évoque quelque chose pour vous ?
7 R. Vujadin Popovic ?
8 Q. Je crois qu'il était colonel d'un Corps de la Drina à l'époque.
9 R. S'agirait-il de la personne qui était dans la Golf blanche, l'homme à
10 la moustache ? Je ne me rappelle pas son nom.
11 Q. Ma question était, est-ce que vous connaissez d'un officier supérieur
12 de la Drina qui porte le nom de Vujadin Popovic et se serait trouvé
13 probablement dans la zone de Bratunac à cette époque, en juillet 1995 ?
14 R. J'ai entendu parler d'un Popovic mais je ne sais pas si c'est celui
15 dont vous voulez parler ou si c'est quelqu'un d'autre.
16 Q. Donc, vous ne connaissez pas personnellement M. Vujadin Popovic. Si
17 vous le rencontriez aujourd'hui, est-ce que vous seriez capable de dire,
18 voici c'est cet homme-ci ou pas ? Est-ce que vous seriez capable de
19 l'identifier ?
20 R. Je pourrais identifier l'homme qui était dans la Golf blanche mais je
21 ne sais pas qui d'autre vous voulez dire.
22 Q. Vous parlez de l'homme qui se trouvait dans la Golf blanche. Est-ce que
23 vous parlez des événements qui ont eu lieu le 13 juillet ou des événements
24 qui se sont produits le 14 juillet ?
25 Q. Est-ce que vous vous rappelez le témoin -- une escorte ? Est-ce que
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1 vous vous rappelez avoir vu cet homme le 13 juillet ? Je suis en train de
2 parler de Vujadin Popovic à nouveau.
3 R. J'avais vu précédemment cet homme. Mais je ne connais pas son nom. Je
4 veux parler de celui qui se trouvait le 14 dans la Golf blanche.
5 Q. Est-ce que M. Popovic vous a ordonné, ou est-ce que votre supérieur
6 vous a ordonné de prendre le véhicule blindé, de mettre le moteur en route,
7 et de vous rendre à Konjevic Polje, le 13 juillet ?
8 R. Je ne me rappelle pas.
9 Q. Bien, je vous remercie. Est-ce que vous vous rappelez lorsque vous
10 étiez en train de conduire votre véhicule vers Konjevic Polje, le 13
11 juillet, qu'on vous a attaqué ? C'était probablement un tir de Musulmans,
12 sur la rue ?
13 R. Je ne m'en souviens pas.
14 Q. Vous ne vous rappelez aucun incident de ce genre ?
15 R. Alors que nous progressions vers Konjevic Polje ?
16 Q. Oui, le 13 juillet.
17 R. Je ne me rappelle pas cela. C'était dans la direction de Konjevic Polje
18 que ceci s'est passé.
19 Q. Lorsque vous vous rendiez à Konjevic Polje, est-ce qu'il y avait un
20 véhicule devant ou derrière vous ? Un véhicule blindé, de transport de
21 troupes ?
22 R. Je ne me souviens pas si ceci a eu lieu ou pas, non.
23 Q. Vous n'êtes pas sûr, ou vous étiez seul sur cette rue, dans votre
24 transport de troupes, dans votre blindé ?
25 R. Je ne suis pas sûr. Je ne sais pas. Je ne me rappelle pas. Si je me
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1 souvenais, je le dirais.
2 Q. Compte tenu des déclarations que vous avez faites à la police de
3 Bratunac et aux enquêteurs de Me Karnavas, il me semble que c'était
4 seulement le véhicule de transport de troupes qui se trouvait sur cette
5 route ce jour-là. Est-ce exact ?
6 R. Bien, c'est comme cela que je me rappelle les faits. Quant à savoir
7 s'il y avait d'autres véhicules de transport militaire sur la route, je
8 n'en ai aucune idée.
9 Q. Mais si vous aviez eu des doutes sur la question de savoir s'il y avait
10 peut-être un autre véhicule sur cette route, vous l'auriez dit à la police
11 ou à l'enquêteur Me Karnavas, n'est-ce pas ?
12 R. Oui. Si je m'en étais souvenu, je l'aurais dit, bien sûr. Pourquoi pas.
13 Comment saurais-je ?
14 Q. Dans le secteur de Konjevic Polje, est-ce que vous vous souvenez d'un
15 véhicule de la police qui avait un projecteur, peut-être un gyrophare et un
16 haut-parleur sur le toit, le 13 juillet ?
17 R. Je m'en souviens.
18 Q. Pourriez-vous nous en parler un peu plus, de développer un peu ?
19 R. Alors que nous progressions vers Konjevic Polje, la police civile
20 demandait, ordonnait aux Musulmans de se rendre.
21 Q. Est-ce que vous parlez maintenant du 13 ou du 14 juillet ?
22 R. C'est le premier jour que nous nous sommes rendus là-bas, c'est-à-dire
23 le 13.
24 Q. Pourriez-vous nous dire exactement où cette voiture de police se
25 trouvait, quand cette voiture de police que vous avez remarquée vous est
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1 apparue, quand l'avez-vous vue pour la première fois ?
2 R. Nous approchions de Konjevic Polje, et ils étaient sur la rue. Et on a
3 entendu les haut-parleurs. Ils étaient chacun dans leur véhicule.
4 Q. Lorsque vous dites, "Lorsque nous approchions de Konjevic Polje," je
5 veux dire, est-ce que nous parlons bien de la route de Bratunac à Konjevic
6 Polje. Est-ce exact ?
7 R. Oui. Tout près de Konjevic Polje, tout ce qui -- tout ceci appartenait
8 à Konjevic Polje. C'était à quelques kilomètres de là, près des carrefours,
9 des croisements.
10 Q. Donc, lorsque vous êtes pour la première fois rendu compte qu'il y
11 avait ce véhicule de la police, est-ce que c'était dans le secteur de
12 Lolici, de Sandici ? Est-ce que vous avez un souvenir à ce sujet ?
13 R. Je crois que c'était plus près de Konjevic Polje. Il y avait cet
14 itinéraire qui était là. Mais comment pourrais-je me rappeler cela
15 maintenant. Ils étaient là, à Konjevic Polje.
16 Q. Est-ce que vous avez doublé, dépassé ce véhicule de la police avec
17 votre transport de troupes ?
18 R. Bien, ils étaient à l'arrêt. Nous les avons dépassés. Et nous avons, à
19 ce moment-là, progressé vers le croisement, et jusqu'à Konjevic Polje.
20 Q. Est-ce que votre déposition, aujourd'hui, est que cette voiture de
21 police était à l'arrêt sur la route, et qu'elle se trouvait, disons, à
22 environ deux kilomètres peut-être avant Konjevic Polje ? Quand je parle de
23 Konjevic Polje, je veux dire le carrefour là où il y a une rue qui va à
24 Zvornik, et une autre qui va à Milici.
25 R. Avant ce carrefour, c'est la première fois que j'ai aperçu ce véhicule
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1 de la police.
2 Q. Donc, c'était tout près du carrefour de Konjevic Polje, en fait ?
3 R. Oui, c'était tout près du croisement.
4 Q. Pourriez-vous nous dire à Konjevic Polje, avec ce véhicule militaire,
5 est-ce que vous avez fait un autre trajet dans ce secteur, le 13 juillet,
6 dans votre transport de troupes ?
7 R. Est-ce que c'est dans la direction de Bratunac que vous voulez dire ?
8 Q. Dans n'importe quelle direction.
9 R. Je ne me souviens pas.
10 Q. Pour autant que je me souvienne, vous nous avez dit que vous êtes allé
11 avec le véhicule blindé. Vous avez atteint Konjevic Polje. Vous avez pris
12 deux de ces étrangers dans votre véhicule. Vous avez parcouru deux ou trois
13 kilomètres en direction de Bratunac. Puis, vous êtes revenu à Konjevic
14 Polje. Et ensuite, vous êtes retourné [Inaudible] avec votre supérieur et
15 avez M. Nikolic, à Bratunac. Est-ce exact ?
16 R. C'est exact.
17 Q. Bien. Je vous demande si vous avez fait d'autres trajets avec votre
18 véhicule militaire en plus de celui que vous avez fait avec les soldats
19 étrangers dont vous nous avez parlés ? Soit dans la direction de Milici,
20 soit dans la direction de Zvornik.
21 R. Ce jour-là ?
22 Q. Je me réfère seulement, je veux seulement parler du 13 juillet
23 maintenant.
24 R. Je ne me rappelle pas.
25 Q. Est-ce que vous connaissez un homme du nom de Nenad Deronjic ?
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1 R. Deronjic. Nenad ?
2 Q. Deronjic.
3 R. Deronjic -- Nenad Deronjic. C'est un agent -- c'est un policier de la
4 police civil. Oui, je me le rappelle.
5 Q. Est-ce que vous le connaissiez. C'est une personne que vous connaissez.
6 Vous pourriez l'identifier ?
7 R. Oui. Je le connais.
8 Q. Est-ce que vous avez vu ou rencontrer M. Deronjic dans la journée du 13
9 juillet dans les environs de Konjevic Polje ?
10 R. Je ne me rappelle pas. Je ne parviens pas à me rappeler.
11 M. KIRSCH : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce que vous avez
13 des questions, Monsieur McCloskey.
14 M. McCLOSKEY : [interprétation] Très brièvement, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Aujourd'hui, oui.
16 Questions de l'Accusation, M. McCloskey :
17 Q. [interprétation] Ces soldats de l'ONU qui se trouvaient donc dans le
18 véhicule blindé, transport de troupes, est-ce qu'ils étaient sur le
19 véhicule tout en haut ou est-ce qu'ils étaient à l'air libre ou est-ce
20 qu'ils se trouvaient à l'intérieur quand ils vous ont rejoint ?
21 R. Ils étaient sur le toit, sur le toit du véhicule. Ils sont montés puis
22 on pouvait les voir de la tête jusqu'à la taille.
23 Q. Et est-ce que vous leur avez donné des fusils ? Est-ce que vous leur
24 avez dit de tirer alentour sur le côté de la rue ? Est-ce qu'il y avait des
25 Musulmans armés ?
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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Et bien, Monsieur le Témoin, il faut que
2 vous répondiez à cette question par oui ou par non, parce que nous n'avons
3 pas entendu votre réponse.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
5 M. McCLOSKEY : [interprétation]
6 Q. Il y avait des Musulmans armés dans les bois tout autour de cette route
7 à ce moment-là, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Ces soldats néerlandais auraient très facilement pu se faire tuer par
10 l'un d'entre eux ?
11 R. Oui, ils auraient pu facilement être tués.
12 Q. Est-ce que vous avez exigé ou demandé à ces soldats néerlandais de
13 rester à l'extérieur du véhicule sur le toit du véhicule dans cette zone de
14 guerre ?
15 R. Non. Nous n'avons pas demandé où ils iraient. Ils ont fait ce qu'ils
16 volaient.
17 Q. Après avoir appris ce que récemment a dit M. Nikolic au sujet des
18 allégations indiquant que vous avez tué des prisonniers musulmans, est-ce
19 que vous en avez parlé avec (expurgée) ?
20 R. Si j'en ai parlé à (expurgée) ? Question, mais de quoi ? De ces
21 actes d'accusation, vous voulez dire ? De ces charges, de ces allégations ?
22 Q. Je vous ai posé une question simple. Après avoir appris ce que Momir
23 Nikolic a dit, est-ce que vous en avez parlé avec (expurgée) de ce
24 qu'il a dit ?
25 R. Oui.
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1 Q. Est-ce que vous en avez parlé avant de faire votre déclaration au
2 préalable dans le SUP de Bratunac ? Est-ce que vous en avez parlé avec
3 (expurgée) avant cela ?
4 R. Mais oui. J'ai -- on en a parlé dès que je l'ai lu dans le journal.
5 Q. Donc avant de donner de faire votre déclaration au préalable dans le
6 SUP de Bratunac, avant cela vous en parlez avec (expurgée), n'est-ce
7 pas ?
8 R. Oui, oui. C'est vrai. Avant.
9 M. McCLOSKEY : Je n'ai pas d'autres questions.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur le Témoin, j'ai une question à
12 vous poser.
13 Questions de la Cour :
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation]
15 Quelle est la taille de ce blindé transport de troupes ?
16 R. Vous voulez dire quelle est sa longueur, sa largeur, ses dimensions ?
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. J'ai voulu savoir combien de
18 personnes pouvaient s'asseoir à l'intérieur de ce blindé transport de
19 troupes ?
20 R. Y compris la place du chauffeur, vous voulez dire tout le monde en
21 tout.
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
23 R. Six, sept personnes, je dirais.
24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Et dans ce véhicule, est-ce qu'il y avait
25 de matériel technique ? Ou bien est-ce que ce véhicule était vide ?
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1 R. Oui, il y avait de matériel mais moi je ne savais pas ce que c'était.
2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mais si je ne m'abuse, ce matériel prend
3 de la place, n'est-ce pas ? Beaucoup de place ?
4 R. Oui, c'est certain.
5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.
6 Et bien, merci, Monsieur le Témoin, d'être venu déposer. L'huissier va vous
7 escorter.
8 [Le témoin se retire]
9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
10 L'INTERPRÈTE : Notez le signal qu'il conviendrait mieux de dire "matériel"
11 à la place de "l'équipement"
12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Le témoin suivant a demandé à bénéficier
13 des mesures de protection à cause de la situation qui concerne sa
14 déposition et par mesures de précaution, la Chambre de première instance
15 décide proprio motu, de lui accorder un témoignage en audience à huis clos.
16 Maître Londrovic.
17 M. LONDROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la déclaration
18 préalable que M. Mile Petrovic a fourni à l'enquêteur du bureau du
19 Procureur au mois de mai l'an 2000, je propose de la verser au dossier en
20 tant que pièce à conviction de la Défense DS20. Cependant, nous n'avons
21 qu'un seul exemplaire en langue anglaise qui est sur le bureau là-bas, soit
22 je me propose de faire des photocopies de cet exemplaire demain, ou bien
23 vous pouvez l'admettre tel quel.
24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien, de façon générale, les déclarations
25 préalables ou les interviews des témoins qui ont déposé de vive voix dans
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1 le prétoire ne sont pas versées au dossier car justement les parties ont la
2 possibilité de contre-interroger ces témoins, de tels témoins.
3 M. LONDROVIC : [interprétation] Si je vous ai bien compris, vous venez de
4 refuser ma proposition ?
5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, en effet.
6 M. LONDROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Maître McCloskey.
8 M. McCLOSKEY : [interprétation] Et bien en attendant, Monsieur le
9 Président, si j'ai bien compris, ce qui a été dit hier et après avoir
10 discuté avec les membres de votre bureau, et bien, j'ai compris que je
11 devrais verser les documents -- les déclarations qui font partie de
12 documents qui -- accompagnent les documents que nous avons versés pour
13 cette audience. Mais je vois que le témoin s'approche.
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien. Et nous allons passer à huis
15 clos.
16 [Audience à huis clos]
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24 --- L'audience est levée à 19 heures 04.
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