Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 1

1 Le jeudi 17 février 2005

2 [Audience sur requêtes]

3 [Audience publique]

4 --- L'audience est ouverte à 8 heures 36.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, à tous.

6 Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

8 de l'affaire IT-04-78-PT, l'Accusation contre Rahim Ademi et Mirko Norac.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

10 La présentation des parties, s'il vous plaît.

11 M. SCOTT : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Ken Scott du

12 bureau du Procureur, accompagné ce matin d'Ann Sutherland et Laurie

13 Sartorio, et notre commis aux audiences Lakshmie Walpita.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Scott.

15 Pour la Défense.

16 M. PRODANOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. La Défense

17 représentant M. Ademi, je suis accompagné de Mme Jadranka Slokovic.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Prodanovic.

19 Pour M. Norac.

20 M. OLUJIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je représente

21 ici M. Norac. Je suis un avocat et je travaille en République de Croatie.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

23 Je remercie les deux parties. Nous avons ce matin des invités qui sont des

24 représentants de la République de Croatie. Veuillez vous présenter, s'il

25 vous plaît.

Page 2

1 M. HORVATIC : [interprétation] Je représente l'Etat croate. Je suis le

2 président de l'Académie des sciences croate et je suis conseiller auprès du

3 ministère de la Justice.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel est votre nom, s'il vous plaît ?

5 Vous pouvez nous le rappeler.

6 M. HORVATIC : [interprétation] Zeljko Horvatic.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous êtes accompagné de --

8 M. MULJACIC : [interprétation] Je suis Jaksa Muljacic. Je représente la

9 République croate ici. Je suis l'adjoint au ministre de la Justice. Je suis

10 accompagné de Sinisa Milevoj qui représente l'ambassade de Croatie ici.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs. Nous avons

12 un amicus curiae présent parmi nous ce matin.

13 M. KRAPAC : [interprétation] Bonjour. Je travaille en tant que professeur à

14 la faculté de droit de Zagreb.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que le professeur Damaska n'a

16 pas pu venir ce matin, comme vous nous l'avez indiqué dans un court

17 courrier de l'amicus curiae que nous avons reçu.

18 M. KRAPAC : [interprétation] Précisément.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Merci beaucoup.

20 Nous sommes dans le prétoire aujourd'hui pour entendre vos arguments ainsi

21 que différentes requêtes qui ont été présentées par l'Accusation aux fins

22 de renvoyer cette affaire concernant M. Norac et M. Ademi de renvoyer cette

23 affaire devant un tribunal croate. Avant de poursuivre dans cette voie, je

24 souhaite demander à la Défense, étant donné que les accusés ne sont pas

25 présents dans le prétoire, si les accusés sont d'accord pour que cette

Page 3

1 audience se tienne en dehors de leur présence. Nous savons que M. Ademi a

2 été mis en liberté provisoire. Nous savons que M. Norac est détenu en

3 Croatie. Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous exprimer sur ce point, à

4 savoir, l'absence des accusés à l'audience de ce matin, et nous dire s'ils

5 sont d'accord que cette audience se tienne malgré cela.

6 M. PRODANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, lorsque le général

7 Ademi était le seul accusé dans cette affaire il y a un an et demi environ,

8 il a eu l'occasion de s'exprimer à propos du renvoi anticipé de cette

9 affaire devant un tribunal croate et il est d'accord avec le contenu de

10 cette requête. Il est également d'accord avec le fait que cette affaire

11 soit renvoyée auprès d'un tribunal croate. Il ne souhaitait pas être

12 présent au cours de cette audience.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

14 Monsieur Olujic.

15 M. OLUJIC : [interprétation] Monsieur le Président, comme vous le savez, M.

16 Mirko Norac, mon client, a été condamné à 12 ans d'emprisonnement et il

17 purge sa peine dans l'établissement approprié. C'est la raison pour

18 laquelle, avec votre permission, j'ai pu prorogé le délai, me permettant de

19 répondre plus tardivement à la Chambre. J'ai donc consulté mon client

20 entre-temps et il est d'accord et n'a mis aucune réserve sur la question.

21 Il est tout à fait d'accord pour que ces deux audiences se tiennent sans

22 qu'il ne soit présent aujourd'hui. Il est tout à fait d'accord que cela

23 peut se dérouler sans lui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, nous allons donc mener cette

25 audience sans que les deux accusés en question ne soient présents. C'est la

Page 4

1 première fois que ce Tribunal entend une requête en audience publique sur

2 un renvoi d'une affaire devant un autre Tribunal. C'est la première fois

3 que nous ne parlons pas des différentes questions qui découlent des

4 arguments consignés par écrit des deux parties.

5 Je souhaite demander aux deux parties de, ceci va nous mener jusqu'à la

6 première pause, je demande aux deux parties de résumer brièvement leurs

7 positions, les positions qu'ils ont adoptées jusqu'à ce jour, puisque c'est

8 est la première fois que ce sujet est traité en audience publique. Donc, un

9 bref résumé, s'il vous plaît, des positions de parties d'autres et, bien

10 sûr, s'il y a des points supplémentaires qui doivent être abordés c'est

11 l'occasion de le faire, car, comme vous le savez et vous connaissez la

12 position des Amici Curiae et de la position de la République de Croatie qui

13 en fait part au tribunal de première instance.

14 Je vais commencer par donner la parole à l'Accusation, lui donner environs

15 20 ou 25 minutes de temps de paroles. Ensuite, je me tourne vers les

16 conseils de M. Ademi et vers le conseil de M. Norac, et vous aurez

17 également un temps de parole.

18 Monsieur Scott, vous avez la parole.

19 M. SCOTT : [interprétation] Plaise au Tribunal de première instance,

20 conseil, représentants de la République de Croatie, et Amici Curiae.

21 Il s'agit aujourd'hui d'une situation difficile. Pour bon nombre d'entres

22 nous, envoyer une affaire de crimes graves pour qu'elle soit jugée ailleurs

23 va à l'encontre de son sentiment naturel. Nous voulons terminer ce qui a

24 été commencé, nous voulons terminer ce qui a été commencé ici. Mais nous

25 nous ne méprenons pas si nous aurions les ressources nécessaires et le

Page 5

1 temps nécessaire, Mme Carla Del Ponte souhaiterait, bien évidemment, juger

2 cette affaire ici; moi-même, personnellement, aussi, je préférais juger

3 cette affaire ici. Je préférais poursuivre ces deux accusés ici, eu égard

4 aux crimes épouvantables dont on leur fait leurs reproches si nous avions

5 le temps nécessaire et les ressources nécessaires à cet effet. Mais en même

6 temps, nous sommes tous ici membres du Tribunal. Nous nous trouvons dans

7 une position qui est une position que nous connaissions dès le début de la

8 création de ce Tribunal. Nous savions que cela se passe, les choses

9 évolueraient ainsi. Nous savions toujours et nous savons toujours au jour

10 d'aujourd'hui, que ce Tribunal ne pourra jamais poursuivre tous les

11 criminels de guerre pour les crimes graves qui ont été commis au cours de

12 cette épouvantable guerre des Balkans.

13 Ce que je dis résume la situation dans laquelle nous nous trouvons : Nous

14 voulons terminer ce que nous avons commencé, nous voulons terminer ce que

15 nous avons commencé ici. C'est là que le dilemme se pose à nous. Nous

16 voulons terminer ce que nous avons commencé, nous voulons terminer ce que

17 nous avons commencé ici. Mais nous voulons clore ces affaires, et parfois

18 il s'agit de cas graves et d'affaires importantes - mais puis-je ajouter, y

19 a-t-il des affaires qui le sont moins que d'autres ? - même les affaires

20 qui sont relativement importantes doivent être jugées ailleurs et décidées

21 par quelqu'un d'autre. Telle est la réalité des choses.

22 Cela étant dit, l'Accusation affirme, et Messieurs les Juges, j'affirme

23 encore une fois qu'on ne peut pas transférer une affaire qui aurait pour

24 conséquence ultime une décision d'impunité. Ces Juges, ou ce collège de

25 Juges, doivent décider du transfert d'une affaire. Une affaire ne peut pas

Page 6

1 être transférée si on compromet l'intérêt de la justice. Pour ce cas-là,

2 l'affaire doit être jugée ici.

3 Si je regarde vers l'avenir un petit peu, je relis les instructions de

4 consignes données par le conseil de Sécurité et la Résolution 1534,

5 paragraphe 4, le conseil de Sécurité a déclaré que : "Ils ont demandé au

6 TPIY et au Procureur d'examiner la charge de travail du TPIY, en

7 particulier aux fins d'examiner les affaires en question qui pourront être

8 renvoyées vers d'autres juridictions, et ce aux fins de réaliser les

9 objectifs qui ont été fixés pour la stratégie d'achèvement dans cette

10 Résolution 1503."

11 Dans cette Résolution 1503, en 2003, le conseil de Sécurité a affirmé ce

12 qui avait déjà été dit le 23 juillet 2003 [comme interprété] : "Le

13 président du conseil de Sécurité qui cautionnait la stratégie d'achèvement

14 du TPIY aux fins de terminer les enquêtes d'ici l'an 2004, et tous les

15 procès en première instance à la fin de 2008, et les appels en 2010, aux

16 fins de poursuivre les dirigeants les plus haut placés, ceux qui sont

17 considérés comme étant les plus responsables pour les crimes qui ont été

18 commis, et ceux qui sont jugés devant le Tribunal en transférant ceux qui

19 n'ont pas ce niveau de responsabilité, de renvoyer ces personnes là devant

20 leur juridiction nationale, tout en renforçant évidemment les structures de

21 telles juridictions nationales."

22 Le président et le Procureur de ce Tribunal se sont engagés dans des

23 déclarations similaires. Comme nous l'a dit le président Meron, au mois de

24 juin l'année dernière : "Comme le conseil a reconnu dans ces Résolutions

25 1503 et 1534, sa capacité à renvoyer des affaires des accusés de rang

Page 7

1 intermédiaire et subalterne de devant des juridictions nationales et

2 également vers la chambre spéciale créée en Bosnie-Herzégovine est une

3 condition sine qua non à la réalisation de notre stratégie d'achèvement."

4 Le président Meron a également rappelé la déclaration de l'OSCE: "Il n'y a

5 aucune raison de croire" - et je sais que certaines questions ont été

6 posées à cet égard, quelque chose que nous allons certainement aborder au

7 cours de la journée, le président Meron a déclaré au mois de juin l'année

8 dernière - "nous n'avons aucune de croire que le système judiciaire en

9 Croatie ne pourrait pas gérer ces affaires de façon juste et équitable, en

10 particulier eu égard à ses juges et à ses procureurs qui ont reçu une

11 formation spéciale ainsi que des ressources qui leur sont dédiées."

12 Le président Meron, le 23 novembre 2004, a fait une autre déclaration et a

13 insisté encore une fois sur l'importance du transfert de ces affaires ce

14 faisant partie de la stratégie d'achèvement de ce Tribunal. Je ne vais pas

15 lire ses commentaires dans le détail dans l'intérêt de gagner du temps.

16 Néanmoins, le président Meron a déclaré et a reconnu : "Qu'en utilisant

17 cette procédure 11 bis, permettant de renvoyer ces affaires vers les

18 tribunaux de Bosnie-Herzégovine, Serbie-et-Monténégro, et de Croatie, ceci

19 permet pour beaucoup de les intégrer dans ce processus judiciaire, ce qui

20 évidemment va bien au-delà de la stratégie d'achèvement de ce Tribunal et

21 permet de décharger le Tribunal d'une partie de sa charge de travail. Ceci

22 permet évidemment d'impliquer les gouvernements nationaux dans ce processus

23 de traduire en justice certaines personnes et permet également d'assurer la

24 mise en application de la règle de droit.

25 "Des juridictions nationales peuvent également jouer un rôle, mais si les

Page 8

1 tribunaux sont utilisés à des fins politiques, cela ne sera pas approprié,

2 il faut également que le respect du contradictoire et de cette procédure

3 soit mis en place."

4 En particulier, à Zagreb, une lettre a été envoyée par le président Meron

5 en déclarant: "Je suis optimiste sur la capacité croissante que vous avez à

6 juger certaines affaires conformément aux droits de l'homme et aux droits

7 internationaux et des normes d'une procédure contradictoire. J'ai émis

8 quelques réserves quant à la mission de l'OSCE en Croatie dans une lettre

9 datée du mois de novembre 2004. Il faut limiter le nombre d'affaires qui

10 sera transféré. Ceci pourrait être géré par un petit nombre de tribunaux en

11 Croatie."

12 Madame le Procureur, Mme Del Ponte, s'est faite l'écho de ces propositions

13 et a souligné l'importance du transfert de ces affaires aux fins de

14 réaliser la stratégie d'achèvement. Elle reconnaît également qu'au-delà de

15 l'assistance attribuée au Tribunal pour compléter ses travaux, une

16 poursuite des crimes de guerre et de ces affaires dans différents pays de

17 l'ex-Yougoslavie constitue une étape importante et permet de favoriser la

18 réconciliation et le progrès, qui ont déjà été faits, compris dans ce

19 domaine-là, comme je vous l'ai dit. Comme je l'ai dit, il y a quelques

20 instants, le bureau du Procureur comprend très bien l'importance que revêt

21 le transfert de ces affaires et on a pris bien compte, en analysant

22 certains facteurs qui pourront être analysés lorsque certaines décisions

23 sont prises.

24 Je retourne à notre affaire, Monsieur le Président, Messieurs les

25 Juges, cette affaire Norac/Ademi, nous remarquons, dès le but, comme nous

Page 9

1 l'avons fait déjà, dans nos premiers arguments, qu'il s'agit d'une affaire

2 qui pourrait aller dans un sens ou dans un autre. L'Article 11 bis, il est

3 vrai que ces accusés sont des candidats potentiels. Nous considérons qu'il

4 s'agit d'accusés de rang subalterne, mais cela ne minimise en rien les

5 chefs d'accusation qui leur sont reprochés, si nous pouvons utilisés ce

6 type de terminologie, étant donné les types de crimes devant ce Tribunal.

7 On ne peut pas considérer qu'il s'agit de crimes plus sérieux ou moins

8 sérieux. Il s'agit ici des accusés, de la gravité des infractions commises.

9 On peut envisager également qu'il soit approprié que ces personnes soient

10 jugées par le TPIY. Quoi qu'il en soit, il faudra arriver à la meilleure

11 solution dans cette procédure, et c'est vrai que cela tient à une loterie

12 en quelque sorte. Certaines affaires seront peut-être renvoyés plutôt vers

13 une juridiction que celle-ci.

14 Quoi qu'il en soit, les affaires que le Tribunal va analyser et que

15 cette formation de renvoi va analyser, va couvrir un certain nombre

16 d'accusés et des situations différentes. L'Accusation devra en juger, le

17 Procureur devra en juger et considérer quels seront ceux qui sont les plus

18 importants ou non. Dans notre argument initial dans cette affaire, nous

19 avons estimé qu'il s'agit tout à fait d'une affaire qui peut être jugée par

20 le TPIY et qui peut également être transférée ou considérée comme une

21 affaire qui peut être transférée. Ce sera aux Juges d'en décider.

22 L'Article 11 bis déclare : "En décidant si oui ou non une affaire

23 devra être renvoyée, la Chambre de première instance, conformément à la

24 résolution du conseil de Sécurité des Nations Unies 1534, doit considérer

25 ou prendre en compte la gravité des crimes commis et le niveau de

Page 10

1 responsabilité de l'accusé."

2 Encore une fois, la plupart d'entre nous qui sont parties prenantes à

3 cette procédure estiment qu'il est difficile et parfois un petit artificiel

4 de classer ces affaires dans certaines catégories, si on part des crimes

5 les plus horribles à ceux qui le sont moins. Le meurtre ou l'abus de

6 personnes de ce qu'elles soient au nombre de 5 ou 100, voire encore moins

7 de 1 000 ne peut, en aucune façon, être quelque chose que l'on approuve et

8 ne peut être minimisée en aucune façon non plus. Le conseil de Sécurité,

9 dans sa résolution par rapport à la stratégie d'achèvement, exige qu'une

10 telle procédure soit lancée en tout cas.

11 Nous estimons qu'il est important d'observer ceci avant de parler des

12 questions plus spécifiques relatives à cette affaire. Je me rends compte

13 que mes commentaires sont surtout des commentaires en guise d'introduction

14 qui pourront être débattus au cours de la journée.

15 Nous pensons qu'il est important de noter dès le départ, Monsieur le

16 Président, Messieurs les Juges, que dans cette requête, cette requête

17 devant la Chambre, n'a qu'un lien limité avec les violations qui seront

18 faites par rapport au système juridique et judiciaire dans l'ensemble de la

19 République de Croatie. Nous savons, bien sûr, que différents rapports,

20 études et évaluations ont été faites y compris celles de l'OSCE. A cet

21 égard, néanmoins, la question qui a été soumise au collège des Juges

22 concerne cet averti en question et le renvoi de cette affaire vers les

23 meilleurs tribunaux de Croatie. Il existe des tribunaux spécialisés qui ont

24 été désignés pour entendre des affaires difficiles comme celle-ci. On nous

25 a donné les assurances que les Procureurs, en tout cas, pour ce qui

Page 11

1 concerne les questions de procédure et de pratique connaissent fort bien la

2 loi. Des réformes ont été adoptées dans le système juridique et cela

3 signifie aussi que ces tribunaux sont en mesure de recevoir et d'adamettre

4 les éléments de preuve donnés par le TPIY.

5 La Chambre, avec tout le respect, n'a besoin de prendre en compte

6 notre point de vue sur l'éventualité de ce renvoi vers les tribunaux

7 Croates à Split ou à Vukovar, quelle que soit la région dans laquelle le

8 crime a été commis, ou quelles que soient les circonstances. Si le renvoi

9 de cette affaire se fait sous condition des engagements qui ont été donnés

10 par le gouvernement de Croatie. Néanmoins, cela va s'en dire et cela n'est

11 un secret pour personne que la Croatie sait et saura que cette affaire sera

12 suivie de très près du début à la fin. Si le TPIY n'est pas satisfait avec

13 la manière dont se déroule cette affaire, avec la procédure appliquée en

14 Croatie, le TPIY pourra ordonner, en tout cas, le bureau du Procureur

15 demandera à ce que ce renvoi soit retiré et que l'affaire revienne ici.

16 Je vais maintenant me tourner brièvement vers deux sujets. Il s'agit

17 de la gravité des crimes reprochés et le niveau de responsabilité de

18 l'accusé. Encore une fois, aux fins de gagner du temps, je dois vous dire

19 que la gravité des infractions commises a été soulignée et indiquée dans

20 nos différents arguments par écrit, en particulier, les conclusions du mois

21 de novembre. Il s'agit effectivement de crimes très graves. Ce qui s'est

22 passé dans la poche de Medak en septembre 1993 était franchement

23 épouvantable. Cela, il est vrai, portait sur une petite région environ de 5

24 kilomètres sur 5, mais ce qui a complètement ravagé des régions serbes, des

25 maisons, des zones, des villages de toute la région; et nous avançons que

Page 12

1 ceci a été fait avec une intention délibérée de façon systématique, ce qui

2 a provoqué la mort d'un bon nombre de personnes, 29 au total, ce qui est un

3 chiffre assez conservateur, 29 victimes serbes, bon nombre d'entre les

4 victimes, des femmes, des personnes âgées sur lesquelles on a tiré avec une

5 arme de courte portée et on leur a tiré dans le dos. La plupart dans des

6 bâtiments qui se trouvent dans la poche de Medoc, environ 168 foyers. Ces

7 maisons et ces bâtiments ont tous été détruits par le feu et par des engins

8 explosifs. L'enquête a montré que malheureusement ces crimes, ces crimes

9 que l'on allègue, se sont commis après l'application d'un cessez-le-feu;

10 c'est-à-dire que ceci ne s'est passé au cours des opérations de combat mais

11 après la fin du combat. De l'essence a intentionnellement été versée

12 partout, et des animaux morts ont été jetés dans les puits aux fins de les

13 polluer. L'enquête a également montré que ces crimes allégués se sont

14 passés alors que les forces des armées croates tentaient délibérément

15 d'empêcher les forces du maintien de la paix des Nations Unies de rentrer

16 dans la région, FORPRONU, ainsi que d'autres organisations. En conséquence,

17 il y a eu une campagne généralisée systématique dans la poche de Medak, ce

18 qui a rendu cet endroit totalement invivable. Ce qui a été fait à dessein,

19 le but était de chasser les Serbes de cette poche et de cette région et de

20 rendre les conditions tellement difficiles, quelles étaient devenues

21 inhabitables, que les personnes ne pouvaient pas retourner. C'est

22 effectivement, une affaire très grave.

23 En matière de responsabilité des accusés, nous avançons Messieurs les

24 Juges, encore une fois, nous en avons parlé dans nos arguments qu'à la fois

25 M. Ademi et M. Norac se trouvent dans les échelons supérieurs, non pas les

Page 13

1 échelons supérieurs hiérarchiques, mais les échelons intermédiaires. En

2 tout cas, la première partie de cet échelon intermédiaire. Comme différents

3 accusés qui ont été traduits ici et contre lesquels les actes d'accusation

4 ont été rédigés devant ce Tribunal. Je ne pense pas qu'on puisse même

5 imaginer honnêtement qu'il s'agisse ici d'accusés ayant un niveau

6 subalterne. M. Ademi était, en réalité, un représentant de haut rang et

7 supérieur, et il occupait un poste élevé dans la chaîne de commandement. Il

8 était le commandant en juin, ensuite, il a été nommé commandant par intérim

9 du district militaire de Gospic, une position qu'il tenait au moment où ces

10 crimes lui ont été reprochés. M. Norac était commandant de la 6e Brigade

11 des gardes HV, ce qui par la suite s'est appelée la 9e Brigade motorisée

12 des gardes. Ce qui était la principale unité motorisée qui a été impliquée

13 dans ces atrocités, semble-t-il, commises.

14 Nous avons établi un tableau qui montre la position relative de

15 l'accusé dans la hiérarchie militaire croate. Dans ce tableau figure

16 évidemment le Président Tudjman, au sommet, en tant que commandant en chef.

17 Ensuite, le tableau descend jusqu'au niveau du simple soldat. Par ailleurs,

18 sur ce tableau, nous avons établi une comparaison par rapport aux autres

19 affaires jugées par le TPIY y compris 11 affaires que le TPIY jugera à

20 l'avenir.

21 En résumé, le niveau hiérarchique occupé par l'accusé Ademi peut se

22 comparer en autres aux accusés Krstic, Blaskic, et Stanislav Galic. Nous

23 estimons que M. Ademi occupait un poste comparable au leur. Tant qu'à M.

24 Norac, on peut le comparer à Cerkez et "Tuta." Ce tableau montre également

25 que de nombreuses personnes mises en jugement par ce Tribunal à tort ou à

Page 14

1 raison occupaient des niveaux inférieurs que M. Ademi et M. Norac.

2 Je pense que je suis probablement arrivé aux limites du temps qui m'est

3 imparti, mais j'aimerais ajouter quelques commentaires sur quelques autres

4 questions qui seront discutées durant la journée. Bien sûr, une question

5 importante pour la Chambre a été évoquée s'agissant du droit sur le fond et

6 des affaires qui seront considérées comme envisageables pour un renvoi

7 devant la Croatie. Il nous apparaît ainsi qu'à toutes les parties, et aux

8 Amici Curiae que notre accord est nécessaire pour cette décision dans le

9 cadre de l'application d'une loi de 1993, avec quelques variantes, une loi

10 qui s'applique à l'époque où les crimes ont été commis. Il peut y avoir

11 certaines variantes, je viens de le dire, si la convention européenne de

12 Protection des droits de l'homme Article 7(2) s'applique, elle prévoit des

13 exceptions à l'interdiction générale de rétroactivité du jugement par la

14 loi de certains crimes, je cite : "Le procès et la sanction de toute

15 personne pour un acte ou une omission qui à l'époque où il a été commis

16 était criminel selon les principes généraux du droit est reconnu par les

17 nations civilisées."

18 Nous affirmons, Monsieur le Président, que la nature des crimes dont nous

19 parlons ici et les théories de responsabilité que nous invoquons relèvent

20 du droit international à l'époque des événements, c'est-à-dire en 1993.

21 Encore une fois, en quelques mots --

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Scott, avant de poursuivre,

23 vous avez sans doute remarquer qu'il semble y avoir un désaccord assez

24 important tant à l'applicabilité des normes du droit international ou du

25 droit coutumier entre le bureau du Procureur et les Amici Curiae et le

Page 15

1 gouvernement croate. Je viens d'entendre, une nouvelle fois, l'expression

2 de votre position mais, pour l'instant, il n'y a pas de réponse fondée sur

3 les motifs pour lesquels les Amici et le gouvernement croate ont des doutes

4 à cet égard. Il serait bon de savoir s'il peut y avoir décisions

5 divergentes au sujet de ces normes du droit international. Pourriez-vous

6 répéter ce que vous venez de dire ?

7 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, oui. Je pensais que nous

8 y viendrions à un certain moment au cours de l'exposé détaillé.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous le faire un peu plus tard

10 dans ce cas ?

11 M. SCOTT : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Il me semble,

12 s'agissant de la responsabilité hiérarchique, en particulier, que la

13 question de la responsabilité hiérarchique en tant que théorie de

14 l'Accusation a été déjà suffisamment traitée par les tribunaux croates

15 jusqu'à présent.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai rien contre que vous reveniez

17 sur le sujet de la responsabilité hiérarchique, cela me semble un sujet

18 tout à fait urgent. Veuillez procéder.

19 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, pour répondre à vos

20 questions et en prévision des débats qui vont venir, il nous semble que les

21 Amici de l'Etat de Croatie préférait une solution équilibrée au problème du

22 droit national croate qui pourrait prendre la forme de statut du code pénal

23 en vue de mettre en œuvre ce statut afin de répondre aux dispositions de

24 l'Article 7(3) du Statut du TPI sur la responsabilité hiérarchique. Dans

25 l'ensemble, l'Accusation est d'avis, comme nous l'avons savoir il y a

Page 16

1 quelques jours, que c'est à la Chambre qu'il appartient de traiter des

2 questions d'application du droit international qui fournirait une base

3 fiable pour le renvoi de telles affaires devant les tribunaux croates. Nous

4 estimons qu'il faut qu'il y ait une prise en compte complète du Protocole 1

5 de la convention de Genève qui était en vigueur à l'époque, ainsi que des

6 dispositions du droit coutumier où la responsabilité hiérarchique est un

7 aspect qui est pris en compte comme l'appel interlocutoire Hadzihasanovic

8 l'a admis.

9 Monsieur le Président, certaines applications du droit national et,

10 notamment, la question de l'intention délictueuse du mens rea joue un rôle

11 important à cet égard. L'intention indirecte et la négligence non-

12 intentionnelle, je suppose, feront l'objet de nos débats durant la journée

13 d'aujourd'hui. Faute de temps, je suis empêché de vous présenter les autres

14 commentaires que j'aurais pu vous présenter en ce moment même.

15 A moins que les Juges n'aient des questions à me poser, j'en arrive à la

16 conclusion de mon propos en disant que, pour l'essentiel, l'Accusation a

17 examiné la question, a pris en compte les nouveaux actes d'accusation, a

18 examiné le droit croate; et il serait malhonnête de dire que nous n'avons

19 aucune préoccupation sur toutes ces questions, ce sont des questions qui

20 légitiment peuvent susciter une certaine préoccupation, mais dans

21 l'ensemble nous pensons qu'il existe un fondement justifié et de bonnes

22 conditions en Croatie apparemment pour que des tribunaux spéciaux, à savoir

23 ceux qui ont été créés, et compte tenu de la nouvelle législation qui a été

24 adoptée, nous pensons que les conditions sont satisfaisantes pour un tel

25 renvoi. Merci, Monsieur le Président.

Page 17

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Scott.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous pouvons poursuivre. Nous allons, à

4 présent, donner la possibilité à la Défense de

5 M. Ademi de s'exprimer.

6 M. PRODANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président,

7 Messieurs les Juges, collègues de l'Accusation, représentants du

8 gouvernement, à savoir, Amici Curiae.

9 Je dirais avant tout, et c'est la position générale de la Défense du

10 général Ademi, que nous sommes d'accord avec la proposition de

11 l'Accusation, à savoir que l'affaire Ademi/Norac soit renvoyée devant la

12 justice croate, compte tenu, bien sûr, de la stratégie d'achèvement comme

13 on l'appelle du TPI, et de tout ce qui a été fait depuis une date récente,

14 en particulier, compte tenu de la Résolution 1534 des Nations Unies. Je ne

15 souhaite pas répéter ce que l'Accusation vient de dire, bien que, j'y serai

16 contraint dans une certaine mesure. Bien sûr, les crimes jugés par le

17 Tribunal, dans les locaux duquel nous nous trouvons, se divisent en crimes

18 de gravité variable. Nous nous exprimons, bien sûr, en termes relatifs, et

19 c'est ce qui nous pousse à utiliser ce terme. Bien sûr, certaines personnes

20 ont été jugées qui étaient de rang inférieur, soit par leur grade, soit par

21 leur position dans la hiérarchie militaire.

22 Cependant, nous sommes guidés par des critères qui reposent sur les

23 conditions invoquées par l'Accusation, à savoir la connaissance de la

24 situation et, selon ces critères, tous les procès ne sont pas à juger par

25 ce Tribunal. Nous estimons, dans ces conditions, qu'il serait juste de les

Page 18

1 renvoyer devant la justice croate. Pourquoi ? Parce qu'à notre avis, dans

2 l'affaire qui nous intéresse, certains crimes ne sont parmi les plus

3 graves, ils peuvent se situer, dirons-nous, à un niveau intermédiaire de

4 responsabilité et de gravité, ils n'impliquent pas des responsables

5 officiels de plus haut rang, que ce soit sur le plan politique ou

6 militaire, et par conséquent, les critères du tribunal sont respectés.

7 Mon introduction n'était qu'un début, je pense qu'il faut tout de même être

8 conscient qu'il est question de crimes importants; d'accusés qui avaient un

9 certain niveau de responsabilité et des positions d'une certaines

10 importance; mais il faut en même temps être conscient du fait que ces

11 procès ne peuvent être jugés dans les délais requis compte tenu des

12 capacités réduites de ce Tribunal à l'heure actuelle. Par conséquent il est

13 indispensable d'en arriver à la solution dont il était question, il y a

14 quelques minutes. S'agissant de la teneur de l'Article 11 bis, et j'ai

15 mentionné un certain nombre de limites de ce Tribunal, mais dès lors que

16 nous parlons de la sentence, la Défense n'est pas toujours d'accord avec

17 les allégations contenues dans les actes d'accusation dressés par

18 l'Accusation, nous reviendrons sur ce point lorsque les plaidoiries

19 commenceront, mais la Défense tient à dire d'emblée que nous pensons que,

20 compte tenu de la période réduite qui fait l'objet de l'acte d'accusation,

21 il est question d'opérations militaires justifiées. La seule chose qui

22 n'est pas encore très certaine, c'est est-ce que les victimes ont été le

23 résultat d'actions militaires ou le résultat d'actions répréhensibles comme

24 l'affirme le Procureur de la part de leurs auteurs. Ces questions devront

25 être résolues au cours du procès.

Page 19

1 Quand au niveau de responsabilité, donc à l'importance de la position

2 occupée par le général Ademi, la Défense reviendra sur la position qu'elle

3 a déjà exposée au moment de son propos liminaire, à savoir que le général

4 Ademi n'a jamais, dans la réalité, exercé un control effectif sur toutes

5 les unités militaires présentes dans la région pendant les actions

6 concernées. L'Accusation affirme que lorsque nous avons parlé du grade du

7 général Ademi, nous nous sommes laissé aller à un débat théorique ou

8 virtuel. Mais regardons ce qui s'est passé en 1993, le général Ademi, bien

9 entendu, agissait en corrélation avec d'autres accusés, autrement dit avec

10 d'autres personnes. Nous avons affirmé, et ceci confirmait les propos du

11 Procureur d'une certaine façon, que l'accusé Ademi, au moment évoqué dans

12 l'acte d'accusation, n'occupait pas un rang supérieur aux autres officiers

13 militaires présents sur le territoire des opérations. Au moment des

14 opérations, il y avait quatre généraux dans la région dont chacun occupait

15 des fonctions tout à fait précises et participait du point de vue de

16 l'émission des ordres et de la réalisation des opérations d'une façon tout

17 à fait spécifique. Donc, l'accusation admet d'ailleurs que le général

18 Bobetko a été mis en accusation pour des actes tout à fait similaires

19 compte tenu du fait qu'il était celui qui avait conçu, ordonné et supervisé

20 l'opération. Or deux autres généraux sont en cause également pour ces mêmes

21 opérations, ils se trouvaient dans la poche de Medak à l'époque des faits

22 et chacun d'entre eux, à sa façon, y a joué un rôle déterminé.

23 Je me résume, à l'époque des faits, le général de brigade Ademi n'était que

24 théoriquement le suppléant du commandant. Donc il avait un contrôle sur les

25 unités de jure, mais étant donné que c'est le Grand quartier général qui a

Page 20

1 planifié les opérations, on le voit dans l'ouvrage dont le général Bobetko

2 est l'auteur, compte tenu du fait qu'au moment des opérations il y a eu

3 communication directe entre le Grand quartier général et les unités de rang

4 inférieur alors que le général Adémi n'était pas au courant, compte tenu de

5 tout cela il est absolument indubitable que le général Ademi n'était pas le

6 point de départ de toutes ces opérations contrairement aux affirmations et

7 allégations de l'Accusation.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Prodanovic, je comprends qu'afin

9 de déterminer le niveau de gravité des crimes et le niveau de

10 responsabilité, s'en tenir à la lettre de l'acte d'accusation peut ne pas

11 permettre d'interpréter à juste titre ou d'interpréter correctement les

12 allégations retenues contre votre client. Par ailleurs, si nous entrons

13 exagérément dans les détails de l'affaire sur le fond, je tiens à vous dire

14 que les Juges de cette Chambre n'ont pas lu l'ouvrage dont le Général

15 Bobetko est l'auteur. Ils n'ont pas entendu les témoins parlant de cela.

16 Nous ne parlons pas ici du détail des motifs qui pourraient justifier un

17 renvoi devant d'autres tribunaux. Je vous prierais, par conséquent, de vous

18 en tenir aux faits pour le moment et de vous prononcer sur ce qui est

19 indispensable afin de déterminer la gravité des crimes et le niveau de

20 responsabilité tels qu'indiqué dans l'acte d'accusation. Veuillez procéder.

21 M. PRODANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'en ai

22 terminé d'ailleurs sur l'exposé des faits. J'ai dit à l'avance que j'allais

23 me permettre d'entrer dans ce sujet même s'il est tout à fait clair qu'en

24 ce moment même ce n'est pas l'aspect le plus important des choses. Mais je

25 voulais répondre à l'Accusation d'une certaine façon puisque le Procureur a

Page 21

1 lu le livre du général Bobetko. Pour moi, il est tout à fait clair

2 également qu'il n'existe aucun réel critère qui, en droit, permet de

3 déterminer exactement la gravité d'un acte déterminé, car il n'existe pas

4 dans le Statut du Tribunal pénal international un barème des sentences

5 selon la gravité des actes. C'est la raison pour laquelle, nous avons

6 essayé de trouver des critères auxiliaires puisqu'il est dit ici que les

7 actes dont notre client est tenu responsable sont d'une telle gravité qu'il

8 est indispensable d'agir de cette façon. Je souhaitais dire cela s'agissant

9 de la gravité du crime, mais du niveau de responsabilité de mon client

10 l'accusé, le général Ademi.

11 S'agissant du cadre juridique qui préside à ce procès, la Défense aimerait

12 joindre sa voix à celle des Amici Curiae et du représentant du gouvernement

13 qui affirme que le principe de la légalité et l'interdiction de la

14 rétroactivité sont des principes de base dans nos débats.

15 J'ai lu l'ordre du jour de l'audience d'aujourd'hui et j'ai constaté qu'il

16 serait largement question des possibilités concrètes de jugement devant une

17 instance judiciaire croate. J'ajouterais simplement à ce qui a été dit

18 jusqu'à présent, que vu les conditions réelles en Croatie il existe des

19 possibilités effectives de juger de tels crimes, notamment ceux qui

20 résultent de l'Article 3.7 du Statut, à savoir des procès intentés pour

21 responsabilité hiérarchique. Nous sommes tout à fait d'accord avec les

22 Amici Curiae et les représentants du gouvernement qu'en au fait que

23 s'agissant de l'omission de prévention d'un crime, il faut la considérer

24 selon les dispositions du code pénal applicable tel que prescrit en 2003.

25 Autrement dit, dès lors qu'un crime a été commis, son auteur doit être

Page 22

1 traduit en justice avec application des sentences prévues dans le code

2 pénal à l'époque. Je tiens à appeler votre attention sur l'Article 18 du

3 code pénal ainsi que sur les dispositions de la convention internationale

4 dont l'application est envisageable lorsque des sentences ne sont pas

5 prévues dans les codes pénaux nationaux pour punir certains crimes.

6 Je vois que le temps qui m'est imparti s'écoule très rapidement, donc j'en

7 arriverais d'emblée à un certain nombre de questions qui nous ont été

8 posées auxquelles nous avons déjà répondues par écrit, et je m'efforcerai,

9 bien entendu, d'être le plus concis possible. Les Tribunaux de la

10 République de Croatie ont, d'une certaine façon, appliqué déjà les

11 conditions prévues par ce Tribunal. Je rappelle, ici, que Dinko Sakic a été

12 jugé en Croatie pour son activité dans le camp de Jasenovac, et qu'il a été

13 condamné entre autres pour le fait de n'être pas intervenu au moment où un

14 certain nombre de crimes ont été commis dans ce camp de Jasenovac à

15 l'époque.

16 S'agissant des problèmes éventuels que pourraient poser la protection des

17 témoins, autrement dit, la protection des victimes, tout ce que je puis

18 dire, c'est qu'en Croatie, le problème est relativement bien réglé grâce

19 aux dispositions du code de procédure pénal, du code de la police, et

20 d'autre acte législatif. Je l'ai déjà dit au moment de mon propos

21 liminaire; je n'y reviendrai pas. Bien sûr, la condition préalable c'est

22 que dans toutes ces affaires les témoins puissent être protégés, et un juge

23 de la Cour suprême de Croatie a été nommé pour se charger exclusivement de

24 cette tâche dans le cadre d'une commission qu'il préside. Je sais bien que

25 les victimes et les témoins ont quelques craintes par rapport à leur

Page 23

1 protection qui pourrait ne pas être totalement assurée. Ils craignent un

2 certain danger, mais je ne crois vraiment pas que cette question puisse

3 intervenir de façon significative et s'écarter grandement des dispositions

4 prises à cet égard par le TPIY.

5 Quant à l'assistance judiciaire internationale, elle est réglementée par

6 des dispositions tout à fait précises. Elle intervient dans de nombreuses

7 circonstances dès le début du processus, c'est-à-dire, dès l'audition

8 préalable des témoins. Etant donné que la Yougoslavie, l'ancienne RSFY,

9 n'existe plus, un grand nombre de témoins résident hors du territoire de la

10 République de Croatie, des problèmes concrets peuvent se poser. Cela étant

11 la pratique, de l'aide judiciaire internationale a déjà été utilisée

12 largement par la République de Croatie qui est très accoutumée à y avoir

13 recours.

14 L'Accusation a évoqué, il y a quelques instants, le rapport de l'OSCE

15 relatif aux sentences prononcées à l'issu de procès pour crimes de guerre

16 dans la République de Croatie. Ce rapport est assez négatif par rapport à

17 la justice croate, mais dans notre réponse nous avons dit que nous

18 estimions que la situation était dépeinte de façon déformée dans ce

19 rapport, car ce rapport traite d'une période de dix ans, et la plupart des

20 objections sont directement dirigées vers des procès qui avaient lieu au

21 début de la période, c'est-à-dire, avant le début des évolutions

22 judiciaires en République de Croatie. Ces critiques très virulentes à

23 l'égard du système judiciaire de la République de Croatie existent, mais

24 elles sont formulées également, et ce de façon tout à fait publique sur le

25 territoire de la République de Croatie. Nous avons, en République de

Page 24

1 Croatie, émis certaines critiques qui ont fait l'objet d'ailleurs de

2 jugement différent de la part de la Cour suprême en dernière instance.

3 Certains procès, par ailleurs, ont été menés de la meilleure façon qui soit

4 conformément aux normes les plus élevées du droit international et du droit

5 voulu par la communauté internationale. Le président Meron a dit son avis

6 tout à fait favorable par rapport à la situation actuelle, en République de

7 Croatie, et par conséquent, je pense que le renvoi des affaires dont nous

8 parlons ne poserait aucun problème. Le système judiciaire croate mènera ces

9 procès comme il se doit. C'est déjà ce qui s'est passé dans l'affaire

10 Gospic, que nous connaissons tous.

11 J'en arrive à la fin du temps qui m'est imparti. J'espère que j'ai évoqué

12 les points les plus importants qu'il était indispensable que j'évoque. Bien

13 sûr, il existe certains risques qu'il faut prendre en compte, mais ils ne

14 sont absolument pas d'une importance suffisante pour justifier une décision

15 négative par rapport au renvoi de cette affaire devant les tribunaux

16 croates.

17 Je vous remercie.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Prodanovic, vous avez évoqué

19 l'Article 18 du code pénal croate lorsque vous parliez de l'application du

20 droit international. Je ne suis pas sûr que les Juges de cette Chambre

21 disposent du code pénal croate. Pourriez-vous, je vous prie, donner lecture

22 de cet Article 18.

23 M. PRODANOVIC : [interprétation] Très franchement, j'ai mentionné cet

24 article après avoir lu un certain nombre d'articles du code pénal. Or, je

25 n'ai pas le code pénal croate sur moi aujourd'hui, mais c'est lorsque j'ai

Page 25

1 fait une comparaison entre divers articles du code et l'interprétation

2 qu'en faisaient d'auteurs que j'ai décidé de citer cet article. Je n'ai pas

3 le code pénal sur moi aujourd'hui.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous nous en donner la teneur ?

5 M. PRODANOVIC : [interprétation] La teneur de cet article est la suivante :

6 à savoir que si certains actes ne sont pas sanctionnés par le code pénal de

7 la République de Croatie, grâce au fait qu'un certain nombre de conventions

8 internationales ont été adoptées par la République de Croatie, les

9 incriminations peuvent être reprises au titre de ces conventions

10 internationales.

11 Je n'ai pas fait d'erreur.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vois que le représentant du

13 gouvernement croate et les Amici Curiae procèdent en ce moment un exercice

14 de vérification. Je crois comprendre, Maître Prodanovic, que vous n'avez

15 rien contre à vous faire aider par ces juristes.

16 M. PRODANOVIC : [aucune interprétation]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais que l'on nous donne la teneur

18 de l'Article 18 du code pénal. Maître Prodanovic, vous avez parlé du

19 paragraphe 2, n'est-ce pas ?

20 M. HORVATIC : [interprétation] Monsieur le Président, il n'est pas question

21 de l'Article 18. D'ailleurs, il faut bien que nous sachions que nous

22 mettons en balance deux articles du code pénal; l'un qui réglementait les

23 sanctions prononcées dans le cadre des sanctions appliquées aux actes dont

24 M. Ademi et M. Norac sont accusés dans le cadre de la loi 1993. Par

25 ailleurs, il y a une autre loi qui est entrée en vigueur le 1er janvier

Page 26

1 1998, lorsque le nouveau code pénal a été adopté. Il ne peut y avoir

2 rétroactivité dans l'affaire qui nous intéresse, mais les principes qui

3 régissent le nouveau code pénal font que, le droit international dans

4 certains cas peut être considéré comme source droit national croate, ce

5 principe s'appliquera à tous les procès pour crimes de guerre commis avant

6 l'entrée en vigueur de la loi de 1998, étant donné l'application de l'état

7 de droit. Ceci ne figure pas à l'Article 18. C'est un principe général qui

8 sous-tend le système judiciaire croate à l'heure actuelle.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Professeur Horvatic, bien sûr vous aurez

10 la possibilité plus tard d'expliquer la position du gouvernement que vous

11 représentez, mais en ce moment nous aimerions simplement savoir ce que

12 contient l'article du code cité par Me Prodanovic.

13 Maître Prodanovic, je dois dire que dans vos écritures nous avons eu

14 quelques problèmes à déterminer les sources des positions défendues par vos

15 arguments écrits. La Chambre aimerait vraiment recevoir le texte de

16 l'article du code que vous avez cité ce matin. Donc, nous aimerions

17 recevoir par écrit, l'Article 18, paragraphe 2, puisque vous l'avez évoqué

18 dans vos arguments oraux ce matin. Cela serait-il possible, peut-être, au

19 cours de la pause ?

20 M. PRODANOVIC : [interprétation] Je crains fort que cela ne soit pas

21 possible aujourd'hui.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayez tout de même de le faire

23 aujourd'hui, parce que cela pourrait être un élément important par rapport

24 aux arguments qui seront développés plus tard dans la journée. Nous

25 aimerions, donc, beaucoup avoir ce texte sous les yeux.

Page 27

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le passage en question est disponible en

2 page 4 de vos propos du 3 février. Je vous le dis à titre d'information.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 Maître Prodanovic, merci, de votre exposé. Auriez-vous quelque chose à

5 ajouter, parce que le temps passe. Vous avez encore quelque temps, mais si

6 vous en avez terminé --

7 M. PRODANOVIC : [interprétation] Vous m'avez accordé 20 minutes, si je ne

8 m'abuse.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais si vous regardez la montre,

10 vous verrez que le temps passe très vite. Pas mal de temps a été utilisé

11 dans cette discussion.

12 M. PRODANOVIC : [interprétation] En tout cas, j'en ai terminé, Monsieur le

13 Président. Merci.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Maître Olujic, je vous donne à

15 présent la parole.

16 M. OLUJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaite

17 remercier mes éminents confrères également et saluer toutes les personnes

18 présentes dans le prétoire; des représentants de la République de Croatie,

19 les Amici Curiae, ainsi que mes collègues de la Défense.

20 Au cours des propos liminaires de mes confrères ainsi que des conseils de

21 la Défense, je constate qu'il est très difficile lorsqu'on évoque une

22 question comme celle que nous évoquons aujourd'hui, de ne pas aborder les

23 faits par rapport aux crimes qui sont allégués dans l'acte d'accusation.

24 Bien évidemment, je vais essayer d'éviter le sujet, mais je dois néanmoins

25 évoquer les arguments présentés par mes confrères, lorsque M. Scott a dit

Page 28

1 que cette affaire pourrait être jugée soit devant le TPIY, soit devant les

2 tribunaux croates. Avec tout le respect que je lui dois, j'estime qu'il

3 s'agit là d'un stratagème rhétorique, car aujourd'hui nous parlons d'une

4 affaire qui a été lancée à l'origine par l'Accusation, et à propos de

5 laquelle l'Accusation demande le renvoi devant un tribunal croate.

6 Les craintes exprimées par mes confrères à propos des tribunaux

7 croates et de leur fonctionnement sont des craintes tout à fait infondées.

8 Si l'Accusation souhaite avoir les meilleurs procureurs pour juger cette

9 affaire, ce sera chose faite; mais nous avons besoin également des

10 meilleurs conseils de la Défense qui soit, évidemment, car nous voulons

11 tous que la vérité, que la lumière soit faite sur la vérité. Nous savons

12 tous qu'aux termes de l'Article 11 bis, non seulement il y a possibilité de

13 suivre le procès à tout moment, mais la possibilité de désaisir ce Tribunal

14 et de le renvoyer auprès de ce Tribunal s'il existe toujours, si le cas se

15 présente, et si quelque chose qui n'est pas conforme à la loi ait commis.

16 Je suis sûr que l'intention derrière cette disposition est une intention

17 tout à fait louable. Autrement dit, un procès ne doit pas être mené au

18 détriment de l'accusé. Là, il s'agit encore d'une question tout à fait

19 théorique. Les droits de la Défense peuvent être violés également si

20 l'affaire est renvoyée devant le TPIY.

21 Messieurs les Juges, vous avez déjà une certaine garantie. Nous, en

22 tant qu'équipe de la Défense, nous sommes tout à fait d'accord avec la

23 requête qui a été déposée par l'Accusation, comme l'atteste l'ensemble de

24 notre correspondance avec ce Tribunal ainsi que toutes les requêtes que

25 nous avons déposées. Quoi qu'il en soit, nous sommes entièrement convaincu

Page 29

1 que la Chambre en République de Croatie sera une Chambre tout à fait

2 objective [comme interprété], si vous décidez de renvoyer cette affaire

3 devant un tribunal croate. Nous sommes tout à fait certain qu'une chambre

4 croate ne sera pas bien disposée envers mon client, étant que mon client a

5 été déjà condamné à 12 ans d'emprisonnement. Ceci a été décidé par la Cour

6 d'appel de Croatie. C'est un des arguments, Monsieur le Juge, que vous

7 allez certainement examiner lorsque vous allez procéder à vos délibérations

8 et rendre une décision.

9 Je souhaite, Messieurs les Juges, parler très brièvement de la

10 question de la responsabilité hiérarchique, ou de son niveau de la

11 responsabilité plutôt, car j'estime que l'Accusation n'a pas suffisamment

12 décrit la position qu'occupait mon client. Comme l'Accusation l'a décrit,

13 nous devrions le faire de toute façon de deux façons, mais l'Accusation n'a

14 pas suffisamment indiqué la différence qui existait entre un grade

15 militaire et le rôle joué par un commandant en matière de tempore criminus

16 suspecti qui est la position qu'occupait mon client. Je crois qu'avec tout

17 le respect que je dois à mes éminents confrères, il ne faut pas confondre

18 la position de mon client, Mirko Norac, qui était colonel à l'époque. Nous

19 ne devrions pas confondre sa position avec ce rang dans d'autres armées. La

20 Défense a étudié les différents rangs dans les différentes armées, allant

21 du rang de colonel à celui de général. Entre ces grades, entre les grades

22 de colonel et de général, il y a également un général de brigade et un

23 brigade détaché au près de l'état-major. Des brigadiers détachés auprès de

24 l'état-major sont des grades qui sont au-dessus des grades de colonel dans

25 l'armée croate. Les grades dans l'armée croate, si on les compare avec les

Page 30

1 armées occidentales, sont maréchal de campagne, général, général de

2 division, et lieutenant général ---.

3 L'INTERPRÈTE : Il s'agit de la traduction proposée par le conseil de

4 la Défense.

5 M. OLUJIC : [interprétation] La position du général de brigade Ademi,

6 à l'époque, n'a pas été clairement précisée. Il y avait d'autres supérieurs,

7 Yoracic [phon], le général Bobetko, par exemple, qui était sous le

8 commandement direct du ministère de la Défense. Entre le ministère de la

9 Défense et le général de brigade Ademi, il y avait un certain nombre de

10 généraux et de brigadiers détachés à l'état-major, sans parler de cette

11 relation qui existait avec le colonel Norac.

12 Pour ce qui est de la position de l'Accusation, nous ne contestons pas le

13 fait que le conseil de Sécurité a adopté la Résolution 1534 et que suite à

14 cette résolution ou conformément à celle-ci cette Chambre spéciale

15 considère qu'il s'agit là d'une définition des critères qui doivent être

16 appliqués. Dans le cas Aleksovski, par exemple, quel que soit le grade

17 occupé, cette affaire ne serait pas jugée devant ce Tribunal-ci

18 conformément ou en application de cette Résolution 1534. J'estime qu'il

19 n'est pas nécessaire de revenir en arrière, mais qu'il faut plutôt prendre

20 en compte les requêtes qui sont déposées à l'heure actuelle à lumière de la

21 Résolution 1534 et en faisant cela, Messieurs les Juges, vous allez

22 certainement comprendre qu'il s'agit d'une affaire qui peut absolument être

23 renvoyée devant les tribunaux croates.

24 Messieurs les Juges, en réponse aux questions que vous avez posées à la

25 Défense, votre première question portait sur le droit applicable dans cette

Page 31

1 affaire, à savoir si la loi de 1993 ou si c'est le code pénal de 2004 qui

2 devait être appliqué ? La Défense est d'avis qu'il ne peut y avoir aucun

3 doute sur la question et l'ad tempore criminus suspecti est la loi qui

4 s'applique ici et qui est davantage en faveur de l'accusé. Je constate que

5 c'est également la position adoptée par la République croate ainsi que les

6 Amici Curiae, c'est la loi de 1993 qui doit être appliquée ici, car le code

7 pénal de la République de la Croatie ainsi que tout le droit romano-

8 germanique, tous ces systèmes se fondent sur le nullum crimen sine lege et

9 la Défense considère que cette question en juridique ne peut pas jouer un

10 rôle prépondérant lorsqu'il s'agit de décider de renvoyer cette affaire

11 devant les tribunaux croates. Si vous deviez décider qu'il était important

12 que cette procédure soit conforme à la loi et lorsque la Chambre va rendre

13 sa décision, de savoir quel type de peine va être appliquée ou s'il y aura

14 un acquittement, ceci doit être fait conformément à la loi.

15 La deuxième question portait sur les mesures de protection qui sont

16 disponibles en Croatie pour les victimes et les témoins et comment de

17 telles mesures pourraient-elles être accordées ? Encore une fois, je

18 souhaite vous parlez des débats auxquels j'ai assisté en Croatie lorsque le

19 général Norac a été accusé et condamné à 12 ans d'emprisonnement, ce qui

20 est une peine très lourde. Au cours de ce procès, il y avait des dizaines

21 de témoins qui n'avaient rien de particulier à dire à propos de l'acte

22 d'accusation mais qui ont témoigné néanmoins devant la Chambre, mais cela

23 n'a posé aucune difficulté particulière.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez fait part de vos

25 observations dans votre argument par écrit, vous avez critiqué la procédure

Page 32

1 telle qu'elle a été organisée dans cette affaire contre

2 M. Norac, ce n'est pas quelque chose que nous pouvons examiner ici, à

3 savoir si ce témoin a menti ou n'a pas menti dans le cadre de ces débats-

4 là. Cela va bien au-delà de ce que cette Chambre de première instance est

5 en mesure de traiter. Je crois que vous n'auriez même pas dû en parler dans

6 votre conclusion par écrit, car ici vous répétez ce qui s'est produit au

7 cours d'une audience orale, et ceci n'est pas approprié.

8 M. OLUJIC : [interprétation] Je vais être bref, et je crois que quoi qu'il

9 en soit, si je soutiens ce qu'on dit mes éminents confrères au cours de

10 leur requête, je crois que les arguments des Amici Curiae ainsi que des

11 représentants de la République croate, je crois que cette affaire a tous

12 les éléments nécessaires et peut être renvoyée sans aucune réserve devant

13 la République de Croatie qui mènera les débats contre M. Norac et M. Ademi

14 conformément à la loi. Merci.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Olujic.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite donner l'occasion aux Juges

18 de la Chambre de poser d'autres questions, des points de clarification si

19 les Juges de la Chambre le souhaite. Nous n'avons pas besoin d'aborder ceci

20 en détail, mais peut-être qu'il y a des questions.

21 Le Juge Kwon.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Scott, simplement une remarque.

23 Vous avez parlé de l'éventualité qui existait pour les tribunaux croates

24 d'appliquer le droit international, entre autres le Protocole numéro 1 de

25 la convention de Genève et vous avez également indiqué que vous étiez

Page 33

1 soucieux à propos de l'application du droit national dans certains domaines

2 comme le mens rea, l'intention délictueuse. Est-ce que cette demande dépend

3 des réponses que vous allez obtenir à cette question. Autrement dit, votre

4 position est bien connue des parties et la Chambre pourrait répondre

5 davantage si elle entendait les réponses du gouvernement croates et des

6 Amici Curiae.

7 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Monsieur Juge

8 Kwon.

9 L'Accusation évalue l'acte d'accusation actuel, cette affaire contre cet

10 accusé en estimant qu'il ne s'agit pas de quelque chose qui porte

11 uniquement sur la question de la responsabilité hiérarchique en vertu du

12 7(3). Cela étant dit, nous aimerions tenir compte d'une composante

13 importante, à savoir que l'Accusation nous souhaitons ici être prudent et

14 c'est la position du Procureur du TPIY. En Croatie, il est important que

15 cette théorie de la responsabilité hiérarchique telle qu'elle est pratiquée

16 en matière de droit international et par le TPIY. Donc, c'est la pratique

17 du TPIY, la jurisprudence du TPIY qui autorise des poursuites, si vous

18 voulez sur le principe de "avait raison de" ou "devait savoir", ce critère-

19 là qui est utilisé et qui porte sur le mens rea, l'intention délictueuse,

20 Monsieur le Juge Kwon, c'est une question que j'ai déjà évoquée.

21 Avant de parler davantage de la question du mens rea, de l'intention

22 délictueuse, je crois que votre question porte pour l'essentiel sur ceci.

23 Oui, il est vrai que l'Accusation au bout du compte estime que c'est ni

24 l'Accusation, ni les Juges de la Chambre n'étaient suffisamment sûrs et

25 n'avaient les assurances nécessaires qui lui permettaient de croire que les

Page 34

1 tribunaux croates allaient juger de cette question de la responsabilité

2 hiérarchique en bonne et du forme, je crois pose la question de savoir si

3 cette affaire doit être transférée. Bien sûr, nous avons posé nos

4 conditions, nous avons évalué la situation et je crois que c'est ici le

5 droit international qu'il faudrait appliqué. Mais nous estimons qu'il y

6 aurait un fondement ici et ce fondement est celui que nous avons exposé. Ce

7 sera important pour nous, et c'est ce que nous avons indiqué dans votre

8 requête mais je suis d'accord, Monsieur le Juge Kwon, si la question

9 portait là-dessus, je crois qu'effectivement nous serions très inquiets.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Scott.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai quelques questions à vous poser,

12 Monsieur Scott, étant donné que vous êtes debout. Je souhaite attirer votre

13 attention à la page 2 de la dernière écriture, datée du 20 janvier.

14 M. SCOTT : [interprétation] C'est l'écriture de l'Accusation ?

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. A la page 224.

16 J'essaie de comprendre vos commentaires à la lumière de l'Article 28, au

17 paragraphe 2. "Article 28, paragraphe 2, précise qu'un manquement a la

18 possibilité d'empêcher, s'il existe, la capacité juridique d'empêcher, 'si

19 un tel manquement correspond à une commission des crimes en agissant.'"

20 J'essaie de comprendre cette phrase. J'ai deux questions à cet égard à vous

21 poser. Deux fois, nous avons ici le terme "si", si nous avons le devoir

22 juridique d'empêcher quelle est la conséquence ? Si un tel manquement

23 équivaut en termes juridiques à la commission du crime en agissant en même

24 temps.

25 S'il y a manquement à agir de par sa nature même, cela ne correspond pas à

Page 35

1 dire qu'il s'agit d'un acte en tant que tel, c'est la raison pour laquelle

2 nous avons besoin ici d'arguments juridiques à l'appui, aux fins de nous

3 prémunir contre ce genre de situations. Mais dans la dernière partie de la

4 phrase : "Si de tels manquements et agissements correspondent à la

5 commission d'un crime par ces actes." Vous dites que cela veut dire la même

6 chose." Nous essayons ici de signaler les différences. Pourriez-vous nous

7 préciser ceci, s'il vous plaît ?

8 M. SCOTT : [interprétation] Je vais tenter de le faire. Je crois que les

9 termes utilisés sont une traduction de l'Article 28, c'est ainsi que je

10 comprends les choses. Peut-être qu'il s'agit d'une question de traduction

11 ou cela correspond, je ne sais pas, au statut croate. Bien, évidemment, il

12 y a une omission ici, dans la plupart des systèmes juridiques, y compris en

13 Croatie, on parle d'omission, et l'omission n'est considérée que criminelle

14 si la personne qui a omis d'agir avait l'obligation d'agir d'une manière ou

15 d'une autre. Autrement dit, il ou elle avait l'obligation de faire quelque

16 chose, elle ne l'a pas fait -- ou devait faire quelque chose. Dans ce sens-

17 là, il y a un manquement à avoir agi ou avoir fait quelque chose

18 conformément à la loi ou de quelques cas juridiques qui lui demandaient

19 d'agir.

20 C'est ainsi que l'on définit l'infraction pour ce qui est des termes

21 utilisés si de tels manquements en sens et en acte correspondent à la

22 commission des crimes en agissant, j'interprète ceci, et les représentants

23 de la République croate et les Amici Curiae peuvent me corriger ici, mais

24 j'interprète ceci, pensant qu'une personne qui participe à la commission

25 d'un crime en manquement ou ne l'empêche pas a une responsabilité qui est

Page 36

1 identique à celle qui commet le crime en question. Je ne pense que ceci

2 soit forcément un concept inusité où les co-auteurs, ou l'entreprise

3 criminelle commune, ou aider et encourager. Si l'on contribue au crime, on

4 contribue en omettant d'empêcher, cela correspond à mon sens à ce que

5 commettent les auteurs sur le terrain. C'est ainsi que je l'entends.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En même temps, il y avait un "si." Tous

7 les manquements ne sont pas classés dans cette catégorie. Tous les

8 manquements ne sont pas identiques. La question juridique est celle-ci : de

9 quel côté cela se penche-t-il ? Si c'est oui ou si c'est non. Je crois que

10 la question se pose en ces termes-là. Comme je vous l'ai dit précédemment

11 lorsqu'on le lit, si c'est vrai, c'est vrai.

12 M. SCOTT : [interprétation] Encore une fois, je suis d'accord avec vous,

13 Monsieur le Président. J'accepte que mes collègues croates me contredisent.

14 Je crois qu'il s'agit là des termes adoptés dans le statut de la République

15 de Croatie. Je crois qu'il s'agit là de points importants et c'est ce qui

16 fait que nous nous écartons de ce droit national, et nous essayons de

17 trouver la réponse dans le droit national, et c'est la raison pour laquelle

18 nous préférons nous tourner vers le droit international de façon à avoir un

19 meilleur fondement.

20 Pour répondre davantage à votre question, y a-t-il une obligation d'agir et

21 tous les manquements ne sont pas forcément criminels ? On revient à la

22 question du mens rea, de l'intention délictueuse. A moins que l'on ne

23 puisse arriver au point où nous sommes satisfait du fait que la notion du

24 mens rea dans le droit croate existe dans la même mesure où il est appliqué

25 par le TPIY, à ce moment-là, nous pourrions nous reposer là-dessus. Je

Page 37

1 crois que les différents statuts du droit croate ont été cités par les

2 Amici

3 Curiae et par les représentants.

4 Il me semble qu'aucun crime commis par négligence ne figure dans la loi

5 croate, on parle ici de négligence avérée, de négligence involontaire. J'ai

6 remarqué en même temps qu'il y a un statut qui évoque très précisément la

7 question de la négligence dans un cadre pénal et peut-être que le conseil

8 souhaite aborder cette question-là. Mais cela est toute la série de

9 questions qui nous posent problèmes.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Scott, je crois que l'Article

11 28, au paragraphe 3, présente quelques difficultés pour vous. Au paragraphe

12 11, page 4 de cette même écriture, vous nous donnez une interprétation,

13 bien sûr, ce qui pose la question évidemment de l'autre interprétation.

14 Avant tout, le texte de l'Article 28 ici. Donc l'Article 18, s'il vous

15 plaît, des conseils de la Défense, et l'Article 28 de l'Accusation, s'il

16 vous plaît.

17 M. SCOTT : [interprétation] Oui, je vais certainement vous remettre le

18 texte de ces articles.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, s'il vous plaît. Je n'ai peut-être

20 pas terminé mes questions, mais nous allons maintenant faire la première

21 pause. Nous allons d'abord faire une pause et ensuite, nous aurons peut-

22 être d'autres questions à poser aux parties après la pause. Une fois que

23 nous aurons entendu les parties, nous entendrons les arguments des Amici

24 curiae et du gouvernement croate.

25 Nous allons suspendre l'audience jusqu'à 10 heures 30.

Page 38

1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 01.

2 --- L'audience est reprise à 10 heures 35.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprenons l'audience. J'ai

4 quelques questions à poser.

5 Maître Prodanovic, d'abord, je vous demande si l'Article 18 du code pénal

6 est disponible ou pas ?

7 M. PRODANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je crains

8 fort de ne pas pouvoir vous en dire beaucoup sur ce point, car il me semble

9 que dans notre désir d'illustrer l'une des exceptions prévues par la loi,

10 nous avons évoqué un exemple qui existe dans un article du code. Mais j'ai

11 discuté de cela avec les professeurs présents ici, et ils considèrent que

12 ce n'est pas un bon exemple pour la situation que je souhaitais illustrer.

13 Donc, j'ai l'intention de revenir sur ce que j'ai dit, il y a un instant,

14 qui d'ailleurs, n'était pas un point fondamental. Je m'en remets à l'avis

15 des professeurs que j'ai consultés. De toute façon, je n'avais cité cet

16 exemple qu'à titre d'illustration pour vous donner une source de droit qui

17 montrait dans quel cas on pouvait s'écarter de certains principes légaux.

18 Cela dit, je n'ai peut-être pas choisi le meilleur exemple s'agissant

19 d'illustrer ce point.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est le seul exemple que vous avez

21 donné. Si vous dites que ce n'est pas le meilleur, nous en attendrons un

22 autre si vous pouvez nous le soumettre. Sinon, il n'y aura pas d'exemple.

23 M. PRODANOVIC : [interprétation] Merci.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Scott, après l'Article 18 du

25 code pénal de la république de Croatie, je vous deamnde si vous le libellé

Page 39

1 de l'Article 28 ?

2 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je ne voudrais pas

3 m'exprimer en lieu et place du conseil de la Défense, au risque de

4 présenter la position de la Défense sous un jour déformé, mais nous

5 disposons du texte de l'Article 18. Cela dit, je ne sais pas si le conseil

6 de la Défense estime que c'est un bon exemple ou pas, nous pouvons lui

7 remettre ce texte en tout état de cause. Nous ne ferons pas de commentaires

8 sur la position adoptée par le conseil de la Défense. Nous pourrons

9 simplement fournir un exemplaire de ce texte de loi à la Chambre.

10 Nous avons discuté avec le représentant de la république de Croatie et nous

11 croyons comprendre que pour le moment, ce texte est retiré mais nous

12 pourrons obtenir des éclaircissements plus précis ultérieurement.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous vous entendrons sur ce

14 point à une date ultérieure. Je crois comprendre également, indépendamment

15 du fait que c'est un bon exemple ou pas, que l'Article 18 du code de 1993,

16 porte sur les restrictions statutaires et pas sur l'application positive

17 des dispositions du droit pénal.

18 M. SCOTT : [interprétation] C'est effectivement ce qui semble être le cas.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je ne sais pas si de votre côté

20 vous considérez cela comme un bon ou un mauvais exemple. Pour l'instant,

21 nous laissons la question de côté jusqu'à ce qu'un meilleur exemple puisse

22 être fourni. Oui.

23 Très bien, Monsieur Scott, je pense qu'il y a une autre question sur

24 laquelle je n'insisterai pas pour obtenir une réponse immédiate, mais elle

25 me semble d'un caractère tout à fait capital. En tout cas, c'est une

Page 40

1 question qui divise le gouvernement croate et les Amici, par rapport au

2 bureau du Procureur. Nous aimerions tout de même que sur les questions

3 essentielles vous ayez un point de vue identique. Il s'agit de

4 l'application du droit international, du droit des traités, du droit

5 coutumier par un tribunal national. D'abord, je me demande s'il ne

6 conviendrait pas que nous distinguions entre la situation où un Etat est

7 lié par les obligations qu'il a acceptées en signant un traité ou même

8 qu'il n'aurait pas accepté éventuellement, mais en tout cas, une situation

9 dans laquelle l'Etat est lié par ces traités, par le droit international

10 coutumier, et par les principes du droit international et la situation dans

11 laquelle un tribunal applique directement les dispositions de ces traités

12 et du droit coutumier.

13 Je vous lis une ordonnance, non pas parce qu'elle apporte une réponse à

14 cette question, mais parce qu'elle pose très clairement le problème. Le

15 président dans cette institution se trouve dans un ouvrage de droit pénal

16 international qui dit ce qui suit, je cite : "En tant normal, les tribunaux

17 nationaux n'entament pas des procédures pour crimes commis au niveau

18 international sauf sur la base du droit coutumier international, à savoir,

19 dès lors qu'un crime ait évoqué dans ce corps du droit. Ils ont tendance à

20 exiger qu'un statut national émanant d'une juridiction pénale nationale

21 traite de ce crime, ou qu'un traité ait été ratifié sur ce point par l'Etat

22 concerné qui, en conséquence, accepte la mise en œuvre et le

23 dessaisissement des tribunaux nationaux afin de mieux prendre mieux en

24 compte les dispositions de ce traité." C'est en page 303.

25 C'est en page 305 qu'on trouve un phénomène assez semblable qui prévoit

Page 41

1 donc que "les tribunaux nationaux se dessaisissent au profit de tribunaux

2 internationaux."

3 Vous avez déclaré, pour votre part, que la Croatie ne se contentait d'avoir

4 la possibilité, si je vous ai bien compris, mais que les tribunaux croates

5 avaient le devoir d'appliquer le droit international. Vous n'avez pas cité

6 de sources pour cette affirmation si la Chambre a bien compris, mais vous

7 avez évoqué l'aspect non monolithique de cela en regard du droit

8 international et des systèmes judiciaires en indiquant qu'en général,

9 c'étaient les règles du droit constitutionnel qui permettaient de trancher.

10 Mais le problème c'est que dans certains cas tel ou tel pays adopte une

11 démarche plus monolithique par rapport à la question, et applique tous les

12 aspects du droit international, alors que dans d'autres systèmes

13 judiciaires l'applicabilité du droit international ou d'un traité résulte

14 d'une décision des cours constitutionnels. Par exemple, dans le système

15 constitutionnel allemand, que j'ai bien en tête, les principes généraux du

16 droit international peuvent s'appliquer directement, alors que les

17 dispositions des traités ne s'appliquent pas directement au niveau des

18 tribunaux allemands. Ceci est juste un exemple, mais c'est là que vient le

19 problème. A moins que vous consacriez quelques minutes à votre convenance

20 pour soumettre une solution en droit international, je considérerais que

21 vous n'avez pas expliqué dans quelles conditions le droit constitutionnel

22 croate rend la chose possible. A cet égard, le bureau du Procureur a une

23 position assez différente de celles des représentants du gouvernement

24 croate et de celles des Amici. Il a pour tâche de revenir plus en détail

25 sur ce problème.

Page 42

1 J'ai également d'autres questions à vous poser. En page 7 de vos écritures,

2 vous adoptez une position qui est également adoptée par les conseils, en

3 tout cas, les conseils y souscrivent, à savoir que des ordonnances

4 secondaires peuvent être émises par le Tribunal, et ceci semble indiquer

5 que, selon vous, une décision de renvoi ne voudrait pas dire que le

6 Tribunal international est totalement exclu de l'affaire dont le Tribunal

7 international est dessaisi. Pourriez-vous, je vous prie, vous expliquer

8 plus avant sur votre position quant au rôle du Tribunal pénal pour assurer

9 la coopération internationale sur des procès au pénal.

10 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vais essayer de

11 le faire. Je pense que le paragraphe 18 de nos écritures peut permettre de

12 dire en mots notre idée sur ce point. Les dispositions du 11 bis et le

13 rapport avec le statut et les autres documents régissant la procédure,

14 telle que l'assistance des Etats, les ordonnances potentiellement

15 exécutoires, les injonctions à comparaître ou à délivrer des documents, et

16 cetera, si nous prenons tous ces textes, il nous ait venu à l'idée, et je

17 l'ai peut-être déjà dit, d'ailleurs, qu'il pourrait être la base permettant

18 de combler des lacunes du code de procédure sur les questions liées en

19 particulier à la coopération internationale. Je vais simplement prendre un

20 exemple qui me vient à l'esprit; la Croatie pourrait ne pas obtenir en cas

21 de nécessité l'assistance demandée à la

22 Serbie-et-Monténégro, par exemple, et dans ce cas, le Tribunal pénal

23 international pourrait, je suppose, souhaiter jouer les intermédiaires afin

24 d'apporter l'assistance nécessaire qui ne pourrait pas être obtenue par

25 ailleurs. La transparence, encore une fois, me force à dire que c'est une

Page 43

1 idée qui m'est venue quant à une possibilité qui existe dans une situation

2 de ce genre, rien de plus.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La médiation ne relève pas

4 d'ordonnance secondaire. La Défense a utilisé le terme de médiation

5 également. Est-il possible pour le bureau du Procureur de ce Tribunal

6 international, même si l'affaire est renvoyée sans être reprise par le

7 TPIY, est-il possible pour le TPIY d'utiliser ses compétences au terme des

8 dispositions du chapitre 7 de la charte des Nations Unies éventuellement ?

9 Est-ce que nous avons le pouvoir d'agir dans ce sens ?

10 M. SCOTT : [interprétation] Il me semble, Monsieur le Président, notamment

11 si l'on tient compte des Etats issus de l'ex-Yougoslavie, qui, je crois,

12 ont un rapport particulier au TPIY, il me semble que s'il devait y avoir un

13 problème dans lequel le Tribunal pourrait apporter son aide -- je cherche

14 des exemples. On a les ordonnances au titre de l'Article 54, du Règlement

15 de procédure et de preuve, adressés aux Etats, qui pourraient être un

16 véhicule utile en l'espèce. La Croatie pourrait se faire représenter devant

17 le TPIY, et dire, par exemple : cette affaire a été renvoyée devant nos

18 tribunaux, mais nous avons un problème pour obtenir des éléments de preuve.

19 Pourriez-vous nous aider ou intervenir au titre de médiateur en émettant

20 des ordonnances qui nous permettraient d'accéder aux documents que nous

21 n'avons pas pu obtenir, par exemple, au titre des traités d'assistance

22 mutuelle. Encore une fois, c'est une idée qui me vient, une idée créative

23 pour tenter de résoudre ce problème.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois une difficulté à cet égard,

25 Monsieur Scott. C'est que les pouvoirs d'évolue au TPI si je ne m'abuse

Page 44

1 doivent être compris comme permettant d'apporter une aide ou d'exercer sa

2 compétence dans la situation dont nous parlons, c'est-à-dire, dès lors

3 qu'une affaire serait renvoyée devant le tribunal d'un autre Etat. Je

4 dirais que nous n'avons pas de fondement juridictionnel pour émettre un

5 ordre de la nature dont vous venez d'évoquer.

6 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge Parker,

7 je pense que cet argument est tout à fait valable, mais nous évoquons dans

8 nos écritures une situation plus définie au titre de l'Article 11 bis. Je

9 pense qu'il est permis de discuter, la Chambre ne serait peut-être pas

10 d'accord, mais il est permis de discuter de la signification exacte de

11 l'Article 11 bis, qui semble disposer implicitement qu'il faudrait une

12 supervision permanente des procédures dans l'Etat nouvellement saisi de

13 l'affaire. Si vous examinez les paragraphes (F) et (G) de l'Article 11 bis,

14 il y est question du dessaisissement possible de l'affaire des tribunaux

15 nationaux. Je pense que cette supervision est tout à fait raisonnable. Je

16 n'aime pas utiliser le mot compétence trop souvent, mais il y a une espèce

17 de compétence permanente dans le sens où il y a possibilité d'intervenir et

18 de reprendre l'affaire, le cas échéant. Je pense que le règlement le

19 prévoit. Dans ce sens, si vous parlez de compétence des Chambres du

20 Tribunal, au moins dans cette mesure restreinte, il est possible d'arguer

21 du fait qu'une action permettrait d'aider à la solution du problème.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais vous poser une question peut-

23 être plus délicate. Monsieur Scott, est-ce que le bureau du Procureur

24 estime qu'une affaire serait mieux jugée si le témoin X comparaissait ou si

25 le Procureur local ne citait pas ce témoin à la barre, est-ce que

Page 45

1 l'Accusation pourrait demander une ordonnance au Tribunal pour que le

2 témoin soit tout de même cité devant le Tribunal national ? Je veux dire,

3 est-ce que votre position consiste à dire : puisque nous avons toujours

4 compétence de reprendre l'affaire devant le TPI, certains pouvoirs peuvent

5 être exercés par nous. Si vous dites que vous reprenez l'affaire et que

6 vous tenez à entendre le témoin, est-ce que ce pouvoir ne pourrait pas

7 également être exercé sous forme d'instruction donnée aux tribunaux croates

8 pour citer un témoin à la barre ?

9 M. SCOTT : [interprétation] Je pense que c'est un point tout à fait

10 intéressant. Il est possible d'arguer à mon avis que nous aurions le

11 pouvoir de faire pas mal de choses, et éventuellement, le pouvoir de faire

12 moins de choses. Si la Chambre a le pouvoir de retirer l'affaire aux

13 tribunaux nationaux, il est permis d'arguer du fait qu'il ne serait

14 intervenir dans d'autres domaines. Ce serait dans ce cas une démarche de

15 tout ou rien. Si le Tribunal ne peut rien faire, ne peut avoir aucune

16 intervention à moins que quelqu'un ne juge cette intervention acceptable,

17 nous reprendrions l'affaire. On pourrait envisager une intervention

18 possible en tout état de cause, ou une intervention possible de façon plus

19 ponctuelle, ceci est à discuter.

20 Nous sommes dans un territoire neuf, et nous pensons que le Tribunal

21 devrait tout de même avoir des moyens d'apporter son aide à la résolution

22 de ces affaires. Certains auront des points de vue différents sur l'étendue

23 des compétences, mais à notre avis, le paragraphe (F) de l'Article 11 bis,

24 prévoit très clairement la possibilité de reprendre une affaire à un

25 Tribunal national.

Page 46

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela est certain. Je pense à une période

2 ultérieure nous entendrons le gouvernement croate quant à sa perception de

3 ses compétences et de la perte de compétence du Procureur tel qu'exposée il

4 y a quelques instants.

5 Encore une question, Monsieur Scott. Est-ce que l'Accusation, parce que je

6 regarde la page 7 de vos écritures où vous parlez des documents que vous

7 adressez aux tribunaux nationaux, le cas échéant, est-ce que le Procureur

8 estime qu'il y a pour obligation de communiquer tous les documents à

9 décharge qui sont encore en sa possession dans le cadre de l'affaire

10 concernée ?

11 M. SCOTT : [interprétation] Bien sûr. Je pense que ceci est une de nos

12 premières responsabilités par rapport à l'affaire dans son ensemble. C'est

13 une obligation pour nous.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, vous renverriez au tribunal

15 national saisi de l'affaire les documents en question, mais vous ne les

16 enverriez pas directement à la Défense.

17 M. SCOTT : [interprétation] Cela dépend du système qui sera adopté. S'il y

18 a un juge d'instruction ou un procureur, nous enverrions ces documents au

19 procureur ou au juge d'instruction.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, d'accord. Bien. J'en arrive à ma

21 dernière question. Page 10 de vos écritures des arguments discutables sont

22 évoqués quand à la responsabilité hiérarchique, à savoir est-ce qu'il

23 s'agit d'une responsabilité, non, non, il n'y a pas de divergence sur ce

24 point; c'est plutôt sur le problème de la gravité du crime qu'on trouve une

25 différence sur le plan des principes. J'appelle votre attention sur la note

Page 47

1 en bas de page 9 où non trouvons les sanctions qui pourraient être imposées

2 pour responsabilité hiérarchique aux termes du droit actuel. Cinq à huit

3 ans selon la gravité au titre de l'Article 7(3) du Statut avec des niveaux

4 de peine bien inférieurs lorsque la responsabilité est inférieure. Mais il

5 y a là quelques divergences de points de vue sur le fait que selon le

6 grade, la peine doit être égale ou inférieure. Alors ma question est la

7 suivante : les tribunaux croates, peut-on s'attendre d'eux qu'ils

8 appliquent et qu'ils se plient à la tradition dans le cadre de leur

9 nouvelle législation où une sanction inférieure est envisagée pour des

10 niveaux de responsabilité hiérarchique inférieurs. Ou est-ce qu'on peut

11 s'attendre à ce qu'ils s'en tiennent totalement à l'interprétation de

12 l'Article 7(3) du Statut dès lors que la gravité du crime est la même quel

13 que soit le niveau hiérarchique, la peine est la même. On trouve cela

14 également à l'Article 7(1) du Statut.

15 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Juge Orie, je ne m'attends vraiment

16 pas à ce que le système judiciaire croate accorde la moindre attention à

17 mon avis dans un sens ou dans un autre.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais est-ce qu'il serait conseillé

19 ou pas --

20 M. SCOTT : [interprétation] Je pense que le point crucial c'est

21 l'application à un degré plus ou moins important du Statut par rapport au

22 prononcé de la sentence et là nous avons quelques préoccupations. Cela nous

23 ramène à cette question du droit international. Je suppose que les Juges

24 croates devront appliquer le droit international, mais peut-être

25 accepteront-il éventuellement d'appliquer les peines prévues au droit

Page 48

1 international, mais bien entendu, je vois là un sujet de discussion, vous

2 avez tout à fait raison, Monsieur le Juge Orie.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de votre réponse, Monsieur Scott.

4 J'aimerais voir s'il y a des questions supplémentaires du côté de la

5 Défense. Nous en avons déjà entendu pas mal.

6 Maître Olujic, vous avez parlé des grades militaires dans votre exposé il y

7 a quelques instants. Sur notre écran, nous avons reçu un message des

8 interprètes qui indiquait qu'il y avait quelques problèmes de traduction de

9 ces grades que nous devions prendre en compte et qui a été soumis à notre

10 attention.

11 Je vous demanderais donc de répondre à ma question sous une formulation un

12 peu différente. Je ne sais pas s'il y a des accords entre votre position et

13 celle du Procureur, mais combien d'hommes étaient sous le commandement de

14 votre client, donc sous le commandement de M. Norac dans la période visée à

15 l'acte d'accusation dans la poche de Medak ?

16 M. OLUJIC : [interprétation] En cet instant, je ne saurais vous le dire,

17 mais en tout état de cause, ce sont les hommes de sa brigade qui étaient

18 sous son commandement, c'est-à-dire les hommes sur lesquels il avait

19 compétence et personne d'autre. Sinon, nous entrons sur le territoire

20 d'autres unités militaires qui relevaient du ministère de l'Intérieur à

21 savoir des unités spéciales. Quant à M. Norac, il était commandant de

22 l'unité qui lui était affectée, si je puis m'exprimer ainsi. Quand au

23 nombre d'hommes précis placés sous ses ordres au moment des crimes visés à

24 l'acte d'accusation, Monsieur le Président, je suis incapable de vous citer

25 le chiffre exact aujourd'hui.

Page 49

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, beaucoup. Maître Olujic, il

2 semble qu'en page 2 de vos dernières écritures, vous exprimez l'avis que le

3 Tribunal doit s'en tenir strictement aux principes de non-rétroactivité.

4 Quel qu'en soit le résultat et que ce résultat n'a aucune incidence sur la

5 décision de renvoi. Alors, je vous pose une question pour vous comprendre

6 parfaitement bien. Dites-moi si je me trompe, mais il me semble qu'à cet

7 instant il est déjà clair que certains comportements ne sont pas pris en

8 compte par le droit matériel applicable en Croatie et que, néanmoins, il

9 peut y avoir renvoi devant les tribunaux croates sans manquement à

10 l'équité. Dites-moi ce que vous pensez de cela.

11 M. OLUJIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je considère que

12 tous les chefs d'accusation peuvent être pris en compte et jugés par les

13 textes de loi de la République de Croatie, en ce moment.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Même la responsabilité hiérarchique, eu

15 état à la disposition très spécifique qui prévoit de ne pas punir dès lors

16 qu'une personne ne savait ou n'était pas tenue de savoir que des crimes

17 étaient sur le point de se commettre ou que des crimes avaient été commis ?

18 Cette disposition, à votre avis, peut être prise en compte par le code

19 pénal de Croatie applicable en 1993 ?

20 M. OLUJIC : [interprétation] Je pense que oui, je pense que oui, Monsieur

21 le Président.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si nous avons besoin de davantage

23 d'informations sur ce point, nous demanderons à l'obtenir. En tout cas, des

24 renseignements complémentaires pourraient grandement aider les Juges de la

25 Chambre. C'était, pour le moment, la seule question que j'avais sur ce

Page 50

1 sujet.

2 A présent, j'aimerais donner la possibilité aux Amici Curiae, à commencer

3 par le Pr Krapac, de s'exprimer devant la Chambre. Professeur, pourriez-

4 vous dire ce que vous aimeriez ajouter au mémoire que vous avez déposé,

5 mémoire rédigé par vous-même et par le Pr Damaska.

6 M. KRAPAC : [interprétation] Monsieur le Juge, Messieurs les Juges --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous dire qu'il y a une bonne

8 tradition ici, à savoir que l'homme qui doit prendre la parole n'a pas de

9 pupitre. Ceux qui en ont un peuvent le lui confier, mais si vous ne voulez

10 pas de pupitre vous pouvez y aller.

11 M. KRAPAC : [aucune interprétation]

12 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

13 M. KRAPAC : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais d'abord vous

14 remercier au nom du Pr Damaska et en mon nom propre pour nous avoir

15 autorisés à venir faire figure ici d'Amici Curiae. Le Pr Damaska est l'un

16 des experts éminents en matière de droit pénal comparatif et de droit

17 international comparé qui traite depuis assez longtemps de droit pénal et

18 de justice pénale depuis fort longtemps. Moi-même, je suis, depuis assez

19 longtemps, les efforts déployés par la communauté internationale, à savoir

20 la communauté de droit pour que cette justice pénale internationale

21 contribue au développement du droit international et notamment aux fins de

22 la réalisation des objectifs de ce Tribunal tel qu'indiqué au Statut.

23 Permettez-moi de le dire, je me trouve dans une situation, une position

24 assez inconfortable, ce que nous avons rédigé, je me dois de l'exposer au

25 travers d'une voix seulement parce que le Pr Damaska n'a pas pu se déplacer

Page 51

1 vu son état de santé. Il ne me reste rien d'autre que de parler plus fort

2 ou de parler plus longtemps que nous l'aurions fait tous les deux ensemble,

3 aussi vous demanderais-je de faire preuve d'un peu de patience.

4 Ce que nous avons indiqué dans nos écritures en présentant l'opinion des

5 Amici Curiae, se répartit en trois questions fondamentales que vous avez

6 déjà eu l'occasion de voir, à savoir déterminer si cette affaire peut être

7 renvoyée aux autorités de la République de la Croatie; aux fins de savoir

8 si le droit croate satisfait aux conditions normatives, aux fins de

9 conduire avec succès et en temps utile le procès là-bas; et parler des

10 problèmes qui pourraient survenir dans la coopération entre la justice

11 croate et le bureau du Procureur de ce Tribunal-ci.

12 Je me dois de dire dès le départ que la première question, pour moi du

13 moins en personne, a été l'une des questions les plus difficiles qu'il nous

14 ait été donné d'essayer de résoudre, à savoir la question du grade occupé

15 ou du niveau occupé par les accusés et de leur responsabilité pénale

16 individuelle. La réponse, en tout état de cause, constitue un précédent au

17 sujet duquel nous nous sommes efforcés de trouver une solution au travers

18 d'un courrier que le président du Tribunal pénal pour le Rwanda a adressée

19 au conseil de Sécurité au mois de mai de l'an passé. Il y figure une liste

20 de critères qui doivent être pris en considération pour déterminer quels

21 sont les critères à conserver et quels sont les critères à éliminer. Le

22 président de ce Tribunal pour le Rwanda a indiqué qu'il s'agissait des

23 critères suivants :

24 "Pour ce qui est du statut des individus pour ce qui est de la perpétration

25 de crimes; la corrélation entre les individus et d'autres affaires; la

Page 52

1 nécessité de couvrir de grandes zones géographiques dans lesquelles les

2 crimes ont été perpétrés; la disponibilité des éléments de preuve pour ce

3 qui est des individus concernés; la responsabilité concrète pour ce qui est

4 de l'arrestation des individus et la disponibilité de la documentation

5 afférentes aux enquêtes diligentées pour ce qui est de la transmission à

6 l'Etat qui est chargé de poursuivre en justice au niveau national."

7 Ceci est une série de critères qui ne peut pas s'appliquer automatiquement,

8 mais peut servir pour ce qui est de la prise de décision pour ce qui est du

9 renvoi de ces affaires devant les autorités croates. La plus grande

10 difficulté réside dans l'application des critères parce que le bureau du

11 Procureur est l'instance qui, s'agissant de toutes les parties en présence

12 dans cette affaire, se trouve être la mieux informée des circonstances

13 concrètes qui peuvent être citées au niveau des critères dont j'ai parlé et

14 qui pourraient permettre de procéder à une classification des délits au

15 pénal. Nous avons entendu M. Scott nous dire qu'il a été établi un tableau

16 comparatif dont il découle une réponse partielle à la question de ce niveau

17 occupé et de la gravité du crime. Maintenant, s'agissant de la gravité du

18 crime, je crois que nous avons présenté, peut-être pour le mieux, cet

19 élément en nous référant à une déclaration faite par le Procureur général,

20 Mme Del Ponte, qu'elle a fourni devant le conseil de Sécurité, où elle a

21 dit que ce Tribunal, de son avis, se devait de maintenir dans ses

22 attributions toutes les affaires qui se rapportaient aux accusés qui ont

23 commis les crimes les plus graves relevant de ses attributions. Nous

24 allons, une fois de plus, citer en anglais : "Qui ont, s'agissant de leur

25 plan criminel, réalisé énergiquement dans ce domaine en se couvrant les

Page 53

1 mains de sang," cette métaphore se trouve être probablement la plus

2 appropriée pour exprimer, pour élaborer ce qu'il est entendu dans ce

3 courrier du président du Tribunal du Rwanda, et où il est fait état des

4 critères dont le Tribunal devrait tenir compte lorsqu'il s'agit de renvoyer

5 des affaires devant les autorités nationales.

6 S'agissant maintenant des critères mentionnés dans ce courrier, je pourrais

7 ensuite dire que nous avons tiré la conclusion aux termes de laquelle les

8 critères relatifs à la corrélation entre ces affaires et les crimes

9 perpétrés sur le territoire de la République de Croatie pourraient

10 constituer un argument en faveur du renvoi des affaires, étant donné que la

11 conduite de cette affaire sur le territoire de la République de Croatie

12 permettrait ce qui est d'habitude qualifiée de communication plus aisée des

13 parties en présence avec la population locale avec toutes les connotations

14 qui en découle et que je ne vais pas traiter dans le détail. Cela

15 permettrait une présentation plus aisée des éléments de preuve portant sur

16 des faits déterminés par rapport à l'un et à l'autre des deux accusés, tant

17 pour ce qui est des crimes qui leur sont reprochés que pour ce qui est de

18 leurs circonstances familiales respectives, comportement et activités

19 déployées au poste de commandement; et pour finir, dans le cas d'un

20 prononcé de peine éventuelle. Il y aurait, bien entendu, les renseignements

21 relatifs au comportement des condamnés qui durant la purgation de la peine,

22 chose qui doit être prise en compte pour ce qui est du prononcé des peines.

23 Je me dois de souligner, en particulier, le fait qu'un cas de renvoi de

24 cette nature permettrait un rôle plus important aux victimes de ces délits

25 au pénal. Parce que le droit procédurier croate fournit, par rapport à

Page 54

1 d'autres droits, un rôle assez important à cet intervenant-là au procès, ce

2 droit permet aux victimes, aux endommagés, de prendre un rôle actif sous la

3 forme de propositions d'éléments de preuve; interrogatoires des témoins et

4 des accusés; ainsi que présentation d'allocutions devant les Juges de la

5 Chambre. Sans parler du droit que peut avoir, par exemple, la victime en sa

6 qualité de personne endommagée, peut faire figure de procureur par

7 substitution, cette partie lésée donc peut se substituer au procureur pour

8 présenter sa plainte.

9 S'agissant, maintenant, des autres éléments, Messieurs les Juges, l'étude

10 de nos écritures comme vous avez pu le voir se rapporte à la question de la

11 responsabilité du commandant. Nous sommes conscients du fait que c'est là

12 une notion centrale du droit pénal international, et que c'est précisément

13 grâce à la juridiction et aux activités de ce Tribunal-ci que cette notion

14 juridique a connu un développement très important. Toutefois, nous nous

15 devons de tenir compte, d'autre part, du fait que la pratique de ce

16 Tribunal-ci pour ce qui est de la définition et du développement de la

17 notion de la responsabilité du commandant pour l'intégrer à une notion

18 sophistiquée sur le plan juridique a rencontré de l'incompréhension au

19 niveau de la Croatie. Ceci en raison d'une divergence notable entre ce

20 droit national et le droit international. Je me dois de mentionner, chemin

21 faisant, et pour cette raison précise le fait des nécessités sur le plan

22 national que le législateur national, avec ces innovations toutes récentes

23 du droit pénal, il a été introduit des dispositions nouvelles emménageant

24 trois types de responsabilités de commandement. Il y a les dispositions de

25 l'Article 167(A), paragraphe 1, 2 et 3. Cela n'a pas de pertinences pour

Page 55

1 cette affaire-ci, mais je le mentionne pour illustrer la disposition qui

2 existe au niveau des autorités croates et, notamment, au niveau du

3 parlement croate pour que cette question de responsabilité de commandement,

4 en sa qualité de l'une des questions clées du droit pénal international,

5 soit résolue, d'un côté, du point de vue de cette notion, telle

6 qu'enregistré par la pratique de ce Tribunal, et d'autre part, en

7 contradiction avec les éléments clés qui constituent le droit national en

8 la matière.

9 Bien entendu, c'est qu'il vous appartient à vous de vous pencher sur

10 le fait de savoir si les formes de responsabilité de commandement qui

11 existaient en vertu de la législation pénale croate en 1993, peuvent être

12 harmonisées ou peuvent-elles être mises en œuvre pour ne pas être en

13 désharmonie avec les requêtes présentées par le bureau du Procureur

14 aujourd'hui, ainsi que dans sa requête du 7 février de cette année ? Dans

15 les pages 10, 11 et 12, nous avons indiqué les points préalables où nous

16 estimons que le bureau du Procureur trouve les divergences les plus grandes

17 pour ce qui concerne la notion de responsabilité et de commandement telle

18 qu'appliquée et telle que citée dans la législation croate de 1993. Nous

19 avons conclu que les divergences n'étaient pas insurmontables. Je vais

20 compléter mes propos en disant qu'indépendamment du fait de voir pour cette

21 solution être appliquée, la première des possibilités que nous avons

22 laissées entendre, à savoir, l'application des normes du droit

23 international, des normes pertinentes du droit international qui existaient

24 avant la loi croate de 1993, ou alors, la solution pourrait-elle être

25 recherchée au travers d'une application créative des dispositions du code

Page 56

1 pénal de 1993, voire d'une façon et d'une autre. De l'une quelconque de ces

2 façons, pour reprendre les termes du Procureur, aux fins d'assurer au cas

3 où les accusés seraient jugés effectivement coupables, l'application de

4 cette notion de responsabilité de commandement pourrait être reprise

5 suivant des modalités qui satisferaient le bureau du Procureur.

6 Troisième élément de nos écritures ou nous nous sommes référés --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krapac, si vous ne voyiez

8 pas d'inconvénient, j'aimerais vous poser deux petites questions. Dans vos

9 écritures à la note de bas de page, j'ai trouvé qu'il est fait mention de

10 l'Article 167(A), et en page 21, vous nous avez fourni le texte du 167(A).

11 Quoique nous ne sachions que ce n'est pas là des articles pertinents en

12 matière de droit, nous avons remarqué qu'en page 21, il est fait état de la

13 version de 2003, or dans la note de bas de page 15, il est fait état de la

14 version adoptée en juin 2004. Je me demande, à présent, s'il y a une

15 différence entre ces deux versions. Même si ce ne sont pas des dispositions

16 de droit pertinentes, je crois qu'il serait utile de le préciser pour qu'il

17 n'y ait pas de confusion entre 2003, 2004 et le reste.

18 M. KRAPAC : [interprétation] Monsieur le Juge, en effet il y a une

19 erreur dans la rédaction. L'innovation dans la législation portait le

20 numéro 167(A). Cependant, suite à une décision de la Cour constitutionnelle

21 de la République de Croatie au mois de novembre 2003, elle a été proclamée

22 non-constitutionnelle, parce qu'à l'occasion du vote au parlement, il y a

23 eu moins de délégués à voter que la loi ne le prévoyait. C'est la raison

24 pour laquelle, en 2004, le nouveau gouvernement élu a repris ces deux

25 procédures d'adoption de cette innovation, et la même norme, le 167(A), est

Page 57

1 désormais entrée dans le texte de loi, parce que cette fois-ci le

2 législateur a bien réalisé la procédure d'adoption de la loi. Ce qui fait

3 que la formation que vous avez à la note de bas de page 15, en page 9, se

4 trouve être exacte, Messieurs les Juges.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Professeur Krapac. Le texte

6 est le même, mais il y a seulement une version qui a été promulguée de

7 façon appropriée, et l'autre non. J'ai bien compris.

8 Vous pouvez continuer, je vous prie.

9 M. KRAPAC : [interprétation] Permettez-moi alors de prononcer

10 quelques propos encore au sujet de cette troisième et dernière partie de

11 nos écritures; un bref aperçu des caractéristiques principales de la

12 justice pénale en Croatie. Cela nous permet de voir que la procédure au

13 pénal est règlementée par une loi de procédure pénale très vaste de 1997.

14 Ce n'est pas la seule source du droit pénal. Il est une source que nous

15 avons cité comme étant pertinente et qui serait appliquée ici. Ce serait un

16 droit continental de type mixte avec des dispositions développées

17 concernant la procédure préalable; concernant le bien fondé ou le mal fondé

18 des éléments de preuve; le rôle des différents éléments de la procédure,

19 que je ne vais pas mentionner dans le détail ici. S'agissant maintenant de

20 l'élaboration de la procédure, nous nous trouvons convaincus du fait que

21 les Tribunaux et le procureur du ministère public se trouvent être capables

22 de réaliser la procédure de façon équitable et efficace, comme on le dit en

23 anglais : fair and efficient.

24 D'autres part, dans la rédaction de ces écritures, nous avons été

25 certes conscients des objections formulées à l'encontre de la jurisprudence

Page 58

1 croate, notamment pour ce qui concerne la période précédente de son

2 intervention qui pourrait être englobée par les années mi-1990 et la fin

3 des années 1990. C'est un fait qui découle de bon nombre de témoignages et

4 on y fait, dans une certaine mesure, référence dans la lettre que le

5 représentant de l'OSCE en Croatie, M. Semneby, a envoyée au président de ce

6 Tribunal-ci. Les faits mentionnés dans un autre rapport de printemps de

7 l'an passé, en font également état pour ce qui est de la situation dans la

8 justice croate. Nous pensons, cependant, partant de l'expérience acquise à

9 ce jour dans les procès qu'on diligentait pour ce qui est -- de guerre

10 perpétrée dans la région de Gospic, et dont on a parlé aujourd'hui la

11 Défense, pour ce qui est de l'affaire de Dinko Sakic, qui a également été

12 mentionnée par la Défense, partant également des faits auxquels s'est

13 référé le représentant de l'Accusation ici, à savoir que les tribunaux

14 croates peuvent être identifiés de façon aisée comme étant qualifiés ou

15 non, étant donné que ces procédures seront conduites par les meilleurs des

16 Juges, nous estimons que votre décision finale pour ce qui est du renvoi de

17 l'affaire, il ne devrait pas y avoir de doutes d'exprimés pour ce qui est

18 de la possibilité de voir l'affaire renvoyée, réalisée, et achevée devant

19 le tribunal croate de la plus grande qualité, certaines questions de

20 procédure.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'espère que vous ne me voudrez pas de

22 vous interrompre en ce moment-ci, Professeur. J'ai essayé de voir quel est

23 le cadre législatif qui serait à même d'assurer que l'affaire concrète

24 aboutisse auprès de tel ou tel autre tribunal concret. Je n'ai pas très

25 bien compris. Vous avez indiqué que nous pouvions être certains du fait que

Page 59

1 cette affaire serait poursuivie et conduite devant une cour spéciale. Y a-

2 t-il une structure législative à même d'assurer cela ?

3 M. KRAPAC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Juge. Cette structure

4 existe. Elle figure dans la loi portant application du statut du Tribunal

5 pénal international, et pour ce qui est de la poursuite des délits aux

6 pénales relatifs aux crimes de guerre, cela a été adopté le 24 septembre

7 2003. Cela se rapporte notamment à la coopération de la République de

8 Croatie avec la Cour pénale internationale, la CGI [comme interprété]. Mais

9 dans une partie de cette réglementation, il est des dispositions qui sont

10 applicables avec le TPIY. Je me réfère notamment à l'Article 49 de cette

11 loi, qui, explicitement, indique que : dans la coopération réalisée avec ce

12 Tribunal-ci, il sera mise en application l'Article 28. Au cas où les Juges

13 disposeraient de la traduction de cette Article 28, je me proposerais de ne

14 pas en donner lecture ici à présent.

15 M. LE JUGE PARKER : [Interprétation] Merci. Je l'ai, mais je n'ai pas

16 compris sa signification pendant que je l'ai lue. Je vous remercie de votre

17 aide. Merci. Je m'excuse de vous avoir interrompu.

18 M. KRAPAC : [interprétation] Si les Juges de la Chambre me le permettent,

19 je me proposerais de conduire à un terme cette partie de mon exposé et,

20 bien entendu, je m'attends à ce que les détails soient pris en

21 considération ultérieurement. Nous avons conclu notre mémoire en indiquant

22 qu'en réalité les questions cruciales qui seront posées à l'occasion du

23 renvoi de cette affaire vers la République de Croatie sont des problèmes et

24 questions susceptibles d'être résolus moyennant coopération et moyennant

25 interprétation créative de certaines dispositions du droit pénal matériel

Page 60

1 et procédurier en République de Croatie.

2 Si vous me le permettez, j'aimerais me référer également à un texte du Juge

3 Orie, qui a fait un commentaire des Statuts du Tribunal de la Cour pénale

4 internationale, où il est dit que l'interprétation de la part des Juges

5 pour ce qui est des normes du droit statutaire, un élément-clé pour ce qui

6 est de leur mise en œuvre réussie. Je m'excuse si je n'ai pas cité à la

7 lettre, mais c'est ainsi que j'ai compris.

8 Je plaiderais, pour finir, en faveur de ce que nous avons présenté

9 comme conclusion dans notre mémoire, à savoir que cette Chambre-ci devrait

10 prendre une décision dans le sens du renvoi de l'affaire vers la République

11 de Croatie, en concluant qu'il n'y a pas d'obstacles majeurs à ce que ce

12 renvoi se fasse. Nous sommes convaincus qu'une décision de cette nature se

13 situerait sur, et dans le contexte, dès la résolution du conseil de

14 Sécurité, le 1503, notamment, de l'an 2003, qui indique que le renforcement

15 des organisations et du jurisprudence nationale revêtent une importance

16 majeure pour le règne du droit.

17 Je mentionnerais, en chemin faisant, un rapport présenté par le

18 secrétaire général des Nations Unies pour ce qui est du règne du droit et

19 pour ce qui est de la justice en matière de transition dans les sociétés

20 issues ou sortant de conflits armés. Je vais dire qu'en août 2004, on a

21 tiré bon nombre de conclusions demandant que ces accords-là, et les

22 résolutions appropriées du conseil de Sécurité au point (H), où il est dit

23 :

24 "D'éviter d'imposer des modèles extérieurs aux fins d'assurer un

25 processus de coopération nationale, sous-entendant une participation

Page 61

1 significative du gouvernement de la société civile, et des éléments

2 cruciaux au niveau national, pour développer la justice nationale et

3 restaurer l'état de droit."

4 Suivant ces propos, conformément à ces propos du secrétaire général,

5 nous estimons qu'une décision portant renvoi de cette affaire vers la

6 République de Croatie aurait satisfait à la finalité de celle-ci.

7 Je vous remercie, Messieurs les Juges, de l'opportunité que vous nous

8 avez fournis de présenter les arguments des Amici devant le Tribunal.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le

10 Professeur Krapac, pour votre intervention.

11 Je souhaite maintenant donner l'occasion aux représentants du

12 gouvernement croate de s'exprimer. Monsieur le Professeur Horvatic, vous

13 avez la parole.

14 M. HORVATIC : [interprétation] Pour moi, ceci est une occasion qui

15 m'est donnée pour vous saluer, Messieurs les Juges, les représentants de

16 l'Accusation, les représentants de la Défense, et le Professeur Krapac, qui

17 est un de mes collègues depuis un certain nombre d'années.

18 Ceci a été très clairement dit au début de cette audience. Nous parlons ici

19 d'un point qui revêt une importance capitale, car nous allons décider pour

20 la première fois sur une question de renvoi, conformément à l'Article 11

21 bis, renvoi d'une affaire devant un autre tribunal. En ce qui me concerne,

22 et en tant qu'homme de science et un homme d'expérience en la matière, je

23 pense que ceci est quelque chose qui me tient beaucoup à cœur en tant que

24 représentant de la République croate et en tant que représentant de mon

25 pays qui, suite à une décision prise par cette Chambre de première

Page 62

1 instance, aura l'occasion pour la première fois de gérer cette affaire.

2 Dans mon curriculum vitae, il s'agit d'une journée capitale, d'un J en ce

3 qui me concerne.

4 Le droit pénal international a véritablement été mis en œuvre et a été

5 confronté à un certain nombre de difficultés, il s'agissait de questions

6 d'interprétation et de compréhension en matière juridique. Il s'agit

7 également d'évaluer la situation au plan politique. En ce qui concerne

8 l'application du 11 bis qui nous concerne ici, je souhaite vous faire part

9 de mes observations, et j'espère pouvoir vous convaincre du bien-fondé de

10 tout ceci.

11 La deuxième observation que j'aimerais faire en m'adressant à vous, Juges

12 de la Chambre, il est très rare que l'Accusation; la Défense; et un Amicus

13 Curiae tombent d'accord devant un tel Tribunal; et les points de vue de la

14 République de Croatie concordent également. La République de Croatie serait

15 tout à fait disposée à juger cette affaire. Il n'y a aucun conflit ou

16 différend en la matière, les différentes parties, les Amici Curiae, ainsi

17 que l'Etat croate vers lequel sera renvoyé l'acte d'accusation comprend

18 qu'il s'agit là d'une application de l'Article 11 bis, ce qui rend ceci

19 possible. Bien, évidemment, il y a toute une série de questions qui sont

20 liées à tout ceci et qui doivent être débattues, car la décision rendue par

21 le Tribunal ne se fonde pas sur des éléments contenus dans un accord

22 général, car cette Chambre de première instance a le devoir de remplir ses

23 obligations, chose, je suis sûr dont elle va s'acquitter, elle doit

24 appliquer l'Article 11 bis comme elle l'entend et le comprend, ceci sera la

25 première fois que ceci sera appliqué de cette façon.

Page 63

1 Eu égard aux demandes qui ont été déposées par le Tribunal et aux fins

2 d'adopter la demande déposée par l'Accusation en vertu de l'Article 11 bis,

3 à savoir le renvoi de l'acte d'accusation vers un autre tribunal dans le

4 cadre de l'affaire Ademi/Norac, précisément la République de Croatie dans

5 cette affaire, la République de Croatie a répondu, de façon très complète,

6 à toutes les questions posées dans deux mémoires, le 20 janvier et un autre

7 mémoire daté du mois de novembre. Ce qui justifie d'autant les demandes ou

8 les requêtes faites par l'Accusation. Nous nous en tenons à notre position

9 et nous estimons qu'il n'y aucun obstacle qui se pose ici, le Tribunal

10 devrait pouvoir rendre une ordonnance aux fins de renvoyer cette affaire

11 vers un autre tribunal conformément à l'Article 11 bis, autrement dit, de

12 le renvoyer devant les tribunaux de la République de Croatie.

13 Néanmoins, toute une série de questions ont été posées ce matin au cours de

14 cette audience, et j'aimerais pouvoir en parler. Mais j'aimerais, plus

15 particulièrement, pouvoir aborder quelque chose qui m'a semblé quelque peu

16 controversé. Autrement dit, l'application de la notion de responsabilité

17 hiérarchique tel que l'interprète ce Tribunal. Evidemment, l'acte

18 d'accusation fait état de cette notion et le code pénal croate de 1993 en

19 tient compte, le nouveau code pénal néanmoins ne tient pas compte de cette

20 notion et ne parle pas de la question de la responsabilité hiérarchique.

21 Néanmoins, la position prise par le procureur de la République, la position

22 adoptée est celle-ci, cette question est évoquée et je souhaite vous faire

23 part de quelques remarques supplémentaires à cet égard. Je souhaite ici

24 citer en anglais et ajouter quelques remarques par rapport à ce qu'a dit M.

25 Scott de l'Accusation. Si on ne peut pas suffisamment bien comprendre tout

Page 64

1 ceci parce que cela porte sur des questions d'interprétation.

2 "A préciser que des difficultés pourraient être rencontrées à cause de la

3 différence des dispositions des différents statuts respectifs et des

4 Règlements de procédure et de preuve ainsi que de la présentation des

5 moyens de preuve, des moyens de preuve fournit par le TPIY par rapport au

6 droit pénal croate. Un des points abordés a évoqué…" les points

7 susmentionnés ont été abordés au cours de séminaires. Il s'agissait de

8 séminaires qui avaient été organisés aux fins de former les Juges et

9 Procureurs qui allaient participer à ce Tribunal et qui seraient les futurs

10 Procureurs appelés à juger ce type d'affaire, "a évoqué la question de la

11 responsabilité hiérarchique ce qui est contenu dans l'Article 7(3) du

12 Statut et ceci n'est pas stipulé dans le code pénal de la République de

13 Croatie à l'époque où les crimes que l'on reproche aux accusés dans cette

14 affaire ont été commis.

15 "A ces séminaires, un point de vue a été adopté, les points de vue des

16 juges de la Cour suprême ainsi que des procureurs de la république ont

17 donné leur opinion : est-ce que la question de la responsabilité

18 hiérarchique peut, dans la plupart des cas, être remplacée par

19 l'application de l'Article 28 du code pénal croate, le code pénal de 1993,

20 j'entends, qui régit la question de la commission d'un crime par omission.

21 "Le procureur de la république estime que l'Article 28 de ce code pénal en

22 même temps que l'application des conventions de Genève et des Protocoles

23 additionnels pourraient, dans la plupart des cas, remplacer la notion de

24 responsabilité hiérarchique telle que c'est indiqué à l'Article 7(3) du

25 Statut du Tribunal de La Haye."

Page 65

1 Messieurs les Juges, nous avons entendu le procureur aujourd'hui, et vous

2 avez, Monsieur le Juge, posé une question qui portait sur l'application du

3 droit international par les tribunaux croates, et ce trois manières : peut,

4 doit et devrait.

5 On ne peut pas dire "devrait", je reste convaincu que les tribunaux pénaux

6 de Croatie appliqueront ce droit pénal international. Les critères

7 applicables et les sources de droit non seulement seront appliqués dans le

8 cadre de cette affaire-ci, mais également dans le cadre d'autres affaires.

9 Je vais maintenant parler croate avec vous. Telle est la position de la

10 République croate conformément à ce que nous avons entendu aujourd'hui, les

11 arguments présentés par le Procureur, les questions posées par les Juges de

12 la Chambre, et les arguments présentés par les conseils de la Défense, je

13 crois le mot-clé est le mot "créativité", une situation nouvelle étant

14 donné qu'un acte d'accusation est renvoyé vers un autre tribunal. Je crois

15 qu'une grande souplesse en matière d'interprétation ici, de façon à ce que

16 l'on se rapproche davantage des critères appliqués en matière de droit

17 international. Ce droit international qui évolue beaucoup sur la question

18 du fond et du contenu, choses qui nous auraient paru tout à fait impossible

19 il y a quelque 20 ou 50 ans, sans parler de la question de l'appartenance à

20 une communauté internationale, comment chaque Etat appartient à la

21 communauté internationale et le lien de souveraineté qui existe non

22 seulement par le biais de la ratification de conventions, mais

23 l'application des critères du droit coutumier et les droits de chaque Etat

24 qui reconnaissent les principes de Jean- Jacques Rousseau, en réalité, ou

25 les principes à l'origine de la création d'un système de droit pour

Page 66

1 éradiquer le totalitarisme.

2 Nous regardons et analysons la question de la souveraineté et nous

3 rattachons ce principe de souveraineté à celui de l'intérêt de la

4 communauté internationale au sens large, sans parler de crime organisé, ni

5 de terrorisme, mais lorsqu'il s'agit de traduire devant la justice des

6 individus pour les actes qu'ils ont commis. Le système, ou la justice

7 croate est tout à fait au courant de cela. Quand bien même il y a des

8 individus qui ne sont pas d'accord avec cela, certaines personnes qui ont

9 été élues, juges ou avocats doivent respecter la constitution croate et les

10 décisions prises par les autorités croates.

11 L'Article 11 bis constitue le fondement ici de cette décision, cette

12 décision et peut être interprétée au sens large ou non. Si cela était

13 interprété au sens large, cela peut étendre trop le champ, l'inverse est

14 également vrai. Ceci peut également trop limiter le champ d'application.

15 Est-ce qu'on parle du paragraphe (G) ou (F).

16 Ici, si la Chambre de première instance où les Juges souhaitent me

17 demander des questions particulières, je serais tout à fait disposé à y

18 répondre. Mais, si vous me posez la question comme la question que

19 l'Accusation a posée : dans quelle mesure et dans quel cas -- que se

20 passerait-il si un témoin X ou Y était disposé à témoigner, est-ce au

21 gouvernement croate d'intervenir ou est-ce à vous d'intervenir, ou la

22 Chambre de première instance devrait-elle intervertir ? Quelle serait sa

23 responsabilité à cet égard ? Je dois dire que si l'on interprète l'Article

24 11 bis correctement, et à la lumière des observations déjà présentées, les

25 paragraphes (G) et (H) donnent toute latitude ici pour le faire et nous

Page 67

1 également que nous pouvons agir dans ce sens.

2 Mais ce dont il s'agit ici, nous sommes en train de préparer quelque

3 chose qui sera appliqué à l'avenir. Nous faisons cela ensemble et il faudra

4 anticiper sur la manière dont ceci sera organisé plus tard. C'est la

5 première fois qu'il y a renvoi d'une affaire devant un tribunal croate et

6 je crois qu'il s'agira d'une première, quelque chose qui nous permettra de

7 comprendre quelles sont les possibilités offertes à nous. Le président de

8 ce tribunal, M. Meron a parlé de cela, l'Accusation l'a cité en ses propres

9 termes. Il a parlé de l'assurance et de la confiance que l'on plaçait ici

10 dans ces nouveaux tribunaux précisés par les Amici Curiae également.

11 Comment l'Etat de droit peut être appliqué dans ces Etats. Nous verrons que

12 cet Article 11 bis n'était pas seulement une éventualité, mais un

13 instrument de grande valeur qui permettra à la juridiction de ce Tribunal

14 d'être entendue à d'autres Etats lorsque les actes d'accusation seront

15 renvoyés devant les tribunaux de ces autres Etats. Il faut trouver un

16 équilibre entre une interprétation au sens large et une interprétation plus

17 étroite de l'Article 11 bis.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous ralentir un petit peu,

19 s'il vous plaît, car notre compte rendu d'audience en souffre.

20 M. HORVATIC : [interprétation] Pardonnez-moi. Je suis quelque peu

21 surpris.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Malheureusement, vos propos ne

23 seront pas consignés sur le compte rendu d'audience, nous sommes arrêtés à

24 la ligne 19. La Chambre voudrait savoir si le compte rendu peut fonctionner

25 à nouveau.

Page 68

1 M. HORVATIC : [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais tels ne sont pas vos propos.

3 M. HORVATIC : [interprétation] Je me souviens pas de mes propos

4 exactement.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons recommencer ou

6 redémarrer le programme informatique. Je peux relire vos propos tels qu'ils

7 sont consignés au compte rendu d'audience.

8 "La première affaire renvoyée devant les tribunaux croates sera une

9 première et nous permettra de voir quelles sont les possibilités qui nous

10 sont offertes. Le Président de ce tribunal M. Meron" et c'est là où le

11 compte rendu n'est plus lisible.

12 M. HORVATIC : [interprétation] En anglais, je pense que cela sonne

13 mieux qu'en croate.

14 Oui, effectivement, c'est là où je voulais en venir. Je souhaite

15 reprendre à partir de ce moment-là. En réalité, la question du droit pénal

16 portant sur l'intention ici, le système pénal en Croatie consiste à

17 reconnaître que cela est possible, que cela doit et devra s'accomplir de

18 cette mission si elle doit remettre cette affaire entre les mains du

19 système judiciaire croate.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Professeur

21 Horvatic.

22 Si nous regardons l'ordre du jour, le point suivant de notre ordre du

23 jour est quelque chose qui a été prévue pour après la pause. Une

24 intervention faite par le greffier. Je crois que M. le Greffier n'est pas

25 encore présent dans le prétoire étant donné que notre journée est très

Page 69

1 chargée, peut-être qu'il serait préférable de faire une pause maintenant et

2 consacré davantage de temps après, parce que vous vous êtes conformés

3 tellement au temps qui vous était imparti que nous reconnaissons que tout

4 ceci a été organisé ainsi.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience

7 jusqu'à une 1 heure moins quart, ce qui nous donne quasiment, nous avons

8 quasiment 65 minutes pour la pause de déjeuner.

9 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 11 heures 52.

10 --- L'audience est reprise à 12 heures 52.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprenons nos débats.

12 On me dit que mon micro n'est pas allumé. Je vois une lumière rouge sur mon

13 micro, donc je pense qu'il est allumé. Tout va bien ? Bien.

14 Nous avons à l'ordre du jour une intervention prévue au titre de l'Article

15 33(B) du Règlement de procédure et de preuve, une intervention du Greffe,

16 car cette question n'est pas nouvelle simplement pour l'ensemble d'entre

17 nous, mais également pour le Greffe, compte tenu de ses implications

18 pratiques dont nous devons sans doute prendre connaissance. Qui va

19 s'exprimer au nom du Greffe ? Est-ce M. Christian Rohde ?

20 M. ROHDE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, avec l'aide de

21 ma collègue.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, Monsieur Rohde. Une liste

23 résumée des questions à traiter a été distribuée. J'espère qu'elle a bien

24 été distribuée aux parties.

25 M. ROHDE : [interprétation] Je ne sais pas exactement ce qu'elle en est,

Page 70

1 Monsieur le Président, mais en tout état de cause, je m'en tiendrais aux

2 éléments figurant sur cette liste qui devrait avoir été distribuée aux

3 parties.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder. Abordez les questions

5 dans l'ordre qui vous convient. Vous vous exprimez ici en tant que

6 représentant du Greffe, donc il serait normal que vous exposiez les

7 positions qui sont celles du Greffe.

8 M. ROHDE : [interprétation] Au nom du Greffe, nous aimerions aborder

9 quelques points pratiques qui s'ajouteront à la teneur de nos débats

10 jusqu'à présent. Ces éléments sont ceux qui pourraient être examinés en cas

11 de transfert éventuel d'un accusé. Nous avons réfléchi à la question, et

12 nous avons déterminé un certain nombre de points qui fera l'objet de notre

13 exposé ici. Nous espérons qu'ils seront utiles aux Juges de la Chambre.

14 Première question : le transfert des dossiers et des documents

15 confidentiels. Manifestement, le transfert des dossiers joue un rôle tout à

16 fait déterminant dans le fonctionnement sans erre de l'ensemble du

17 processus. Nous parlons, par exemple, de la responsabilité du responsable

18 qui sera chargé de conserver les dossiers fournis par le Tribunal. La

19 question qui se pose consiste à savoir qui dans le nouveau système

20 judiciaire devra être le destinataire de ces dossiers de façon à ne pas

21 retarder la procédure ?

22 Autre question : selon quelle modalité ces dossiers seront remis aux

23 nouvelles équipes d'Accusation et de Défense, dans l'état devant laquelle

24 l'affaire sera renvoyée ?

25 Troisième question : comment traiter les documents ex parte ?

Page 71

1 Par exemple, quant aux comptes rendus établis par le TPI, la question se

2 pose de savoir comment après leur transfert ils pourront être accessibles

3 aux parties concernées. Je parle notamment des parties des comptes rendus

4 d'audience qui ont un aspect confidentiel, et qui reprennent des propos

5 tenus en audience à huis clos partiel. Il y a également eu parfois des

6 expurgations qui doivent être prises en compte, et se pose également le

7 problème de la disponibilité éventuel des enregistrements audio en B/C/S,

8 si je ne m'abuse. La solution de toutes ces questions aidera, j'en suis

9 sûr, tant les parties que les Juges du nouveau système judiciaire concerné

10 par ces affaires. Les documents à l'appui de l'acte d'accusation doivent

11 être pris en compte également. Je parle des premiers documents à l'appui de

12 l'acte d'accusation. Une autre question se pose au sujet des éléments de

13 correspondance et autres documents divers qui peuvent intéresser les

14 nouveaux tribunaux saisis de l'affaire.

15 Nous pensons, je le répète, que le contrôle de l'accès aux documents

16 confidentiels est une question particulièrement importante, compte tenu du

17 fait qu'il faudra peut-être s'écarter des dispositions prises en matière de

18 protection. C'est donc manifestement une question capitale. L'aspect

19 administratif de la question a également son intérêt. Je parle en

20 particulier du coût de production des copies des dossiers et du coût du

21 transfert de ces dossiers, qui constitue un volume non négligeable de

22 papier. Je suppose qu'il sera plus facile d'effectuer ce transfert par

23 voies électroniques. Cela facilitera la tâche du TPI.

24 Voilà ce que j'avais à dire au sujet des dossiers et des documents.

25 Le deuxième point sur notre liste concerne la protection des témoins --

Page 72

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Rohde, permettez-moi de

2 vous interrompre. Au titre de l'Article 11 bis du Règlement, sous-

3 paragraphe (D)(iii), il semblerait que ce soit le Procureur qui assume la

4 responsabilité primordiale de l'établissement des liasses de documents. Le

5 Greffe et l'Accusation, ont-ils discuté de la question de leur

6 responsabilité relative dans cette tâche complémentaire pour ces deux

7 instances, par exemple, est-ce le Greffe qui est chargé de fournir les

8 originaux des dossiers d'audience ? La question a-t-elle été examinée ?

9 M. ROHDE : [interprétation] Monsieur le Président, suite aux premières

10 discussions entre les représentants du Greffe et les représentants du

11 bureau du Procureur, à cet égard, je dirais que les détails n'ont pas

12 encore été abordés, mais le Greffe est très certainement d'avis que

13 l'Accusation a un rôle important à jouer en la matière. Le Greffe, n'étant

14 qu'une espèce de détenteur des documents, donc nous proposons la plus large

15 coopération à la matière.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

17 M. ROHDE : [interprétation] Merci. Je m'apprêtais à prononcer quelques mots

18 au sujet du problème de la protection des documents. Cette question, bien

19 sûr, comptera au nombre des questions que la Chambre aura à superviser. Il

20 importe de ne pas perdre de vue que le Tribunal est chargé de fournir

21 certains services au témoin, d'apporter une certaine aide au témoin, car,

22 bien entendu, certains témoins se voient proposer une réinstallation. Je ne

23 sais pas si c'est le cas dans l'affaire qui nous intéresse, mais c'est une

24 question qui, à notre avis, doit être prise en compte. Les témoins

25 bénéficiant des mesures de protection, si nous n'allons pas jusqu'à parler

Page 73

1 de mesures de réinstallation, doivent également faire l'objet d'une

2 réflexion attentive. Nous proposons que le bureau du Procureur, ainsi que

3 la section chargée des Victimes et des Témoins interviennent avec le

4 Greffe pour contribuer à la solution de ces problèmes, de façon à ce que

5 les témoins soient placés dans des conditions leur permettant de témoigner

6 dans le nouveau système judiciaire concerné dans des bonnes conditions,

7 c'est-à-dire, en ayant pleine assurance que la sécurité de leurs familles,

8 et leur sécurité personnel, sera garantie.

9 Il y a d'autres questions que nous considérons dignes d'intérêt, même si

10 elles sont moins importantes dans la présente affaire. Au nombre de ces

11 questions, il y a la nécessité éventuelle de déterminer à quel moment la

12 responsabilité de détention des documents et de l'accusé du TPI peut être

13 transférée sur une autre instance judiciaire. S'agissant des

14 responsabilités respectives des uns et des autres, c'est une question qui

15 manifestement a son importance.

16 Le troisième point le Greffe aimerait en parler, car c'est une question

17 fondamentale pour l'accusé, à savoir, le transfert de sa Défense, qui

18 implique de se pencher sur un certain nombre de questions. Le Greffe estime

19 que la garantie d'une défense appropriée dans le nouveau système judiciaire

20 pour l'accusé est un point essentiel, à savoir que l'accusé doit, devant le

21 nouveau tribunal saisi de l'affaire, tribunal national, bénéficier de la

22 même qualité de défense qu'auprès du TPI. Si tel n'était le cas, cela

23 posera un problème important, notamment en raison du transfert des

24 dossiers.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être pouvez-vous nous dire

Page 74

1 brièvement quelles sont les questions qui vous intéressent, et peut-être

2 pourrais-je interroger la Défense brièvement, car j'ai cru comprendre, et

3 j'espère que ma mémoire ne me trahit pas,

4 Maître Prodanovic et Maître Olujic, que vous continuerez à représenter les

5 intérêts de M. Ademi et de M. Norac, respectivement; c'est exact ?

6 M. PRODANOVIC : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Olujic ?

8 M. OLUJIC : [interprétation] Oui, absolument, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, dans ces conditions, Monsieur

10 Rohde, je suppose que les problèmes des rémunérations des conseils, si

11 elles doivent poser problème ne le feront qu'à l'avenir. S'agissant de

12 l'affaire qui nous intéresse le problème ne se posera pas, je suppose. Je

13 crois savoir que c'est également la position adoptée pour le gouvernement

14 croate dans ses récentes écritures.

15 Veuillez poursuivre.

16 M. ROHDE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Sur le dernier

17 point que vous venez d'évoquer, je rebondis en vous disant que le problème

18 que nous pensons devoir examiner est également celui de la commission

19 d'office d'un conseil de la Défense, ce sera également un point important.

20 Je vais maintenant passer à deux questions qui ont peut-être déjà été

21 abordées par la Chambre. J'en traiterai rapidement. La première est la

22 suivante : le nouveau système judiciaire concerné pourrait avoir un rôle à

23 jouer dans l'examen des immunités accordées à tel ou tel témoin ou à tel ou

24 tel représentant des Nations Unies, par exemple, selon les accords sur les

25 privilèges et immunités existant à l'heure actuelle, et qui devront faire

Page 75

1 l'objet d'une dérogation pour permettre à un représentant du bureau du

2 Procureur de témoigner éventuellement.

3 Je suppose que la question des documents relevant de l'Article 70 du

4 Règlement a déjà été traitée.

5 En conclusion, j'ajouterais quelques mots sur le principe, bien sûr, tous

6 les problèmes susceptibles de surgir peuvent être réglés par des

7 ordonnances de la Chambre. Cependant, il est possible que certaines

8 difficultés administratives puissent se régler par d'autres voies, et dans

9 ce cas, le Greffe, bien sûr, pourra examiner ces questions au nom des

10 Nations Unies avec les responsables croates pour régler toutes difficultés

11 administratives dans le rôle de liaison qui est le sien compte tenu de

12 l'existence de point de contact qui, en général, sont très utiles en la

13 matière. Voilà le dernier mot de mon exposé. Je vous remercie, Monsieur le

14 Président.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Rohde. S'agissant de ce

16 que vous venez de dire au sujet des documents relevant de l'Article 70 du

17 Règlement, je crois me rappeler que le procureur a traité de la question du

18 transfert des documents à la nouvelle juridiction concernée et que, pour

19 l'instant, nous n'avons encore entendu aucune réponse, en tout cas aucun

20 commentaire ou aucune observation négative à cet égard. Je vous remercie

21 beaucoup, Monsieur Rohde.

22 Point suivant à l'ordre du jour, il s'agit des questions éventuelles

23 que les Juges pourraient avoir à poser aux Amici Curiae, aux représentants

24 du gouvernement croate ou aux représentants du Greffe.

25 J'aurais pour ma part quelques questions à adresser en premier lieu aux

Page 76

1 Amici. Professeur Krapac, j'aimerais appeler votre attention sur la page 4

2 de vos écritures, dans votre mémoire je remarque qu'un certain nombre de

3 faits sont évoqués. Vous savez certainement que cette Chambre n'a pas

4 entendu de témoignages sur la réalité des événements. Je ne vois pas très

5 bien sur quel fondement vous vous appuyez pour invoquer ces faits. Vous

6 comprendrez, j'en suis sûr, qu'il nous faudra éventuellement les laisser de

7 côté si nous n'obtenons pas d'explication claire quant à l'aspect notoire

8 de ces faits, qui est le seul cas où les faits concernés ne justifient pas

9 l'audition d'un témoin. Si ce qui figure dans vos écritures n'est que

10 l'expression d'une hypothèse de votre part ou de vos idées personnelles,

11 les choses sont loin d'être claires. Je vous demanderais si vous avez des

12 fondements particuliers pour évoquer ces faits dans votre mémoire.

13 M. KRAPAC : [interprétation] Puis-je répondre immédiatement ?

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.

15 M. KRAPAC : [interprétation] Monsieur le Président, certaines des

16 affirmations qui se trouvent dans notre mémoire, si tel est le terme qu'il

17 faut appliquer, à moins que l'on appelle cela déclarations, sont le

18 résultat d'informations qui sont arrivées jusqu'à nous à partir de moyen

19 des médias, mais ces médias sont des médias croates. Nous n'avons pas voulu

20 nous appuyer exclusivement sur ces articles de presse. Mais puisqu'il est

21 question de faits de notoriété publique pour l'Accusation et pour la

22 Défense, nous avons pensé pouvoir en évoquer certains, car je suppose, bien

23 entendu, qu'au cours de cette affaire toutes les parties ont suivi les

24 publications des médias.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci d'avoir éclairci les Juges sur la

Page 77

1 source des faits que vous avez cités.

2 Page 4, toujours de votre mémoire, dans les dernières lignes de cette page.

3 Vous écrivez, je cite : "Cela concerne l'éventualité que des condamnations

4 prononcées par les tribunaux croates en l'espèce pourraient contribuer dans

5 une grande mesure à la réconciliation entre les groupes ethniques

6 affectés."

7 Une condamnation pourrait avoir l'effet que vous évoquez, mais un

8 acquittement n'aurait-il pas l'effet inverse ? Pour que ma question soit

9 plus claire, j'ajoute : que dans vos écritures mais également dans un

10 certain nombre d'autres écritures, nous nous trouvons en présence

11 d'attentes assez clairement exprimées quant aux résultats du procès et,

12 dans la plupart des cas, cette attente évoque la possibilité d'une

13 condamnation à l'issue du procès qui, bien sûr, doit être envisagée

14 également par la juridiction nationale.

15 Voulez-vous répondre, Monsieur Krapac ?

16 M. KRAPAC : [interprétation] Nous sommes partis de l'idée que le procès, au

17 cas où il y avait renvoi devant des tribunaux croates, nous avons estimé en

18 raison de la haute qualité des dispositions prises d'ores et déjà, un tel

19 procès serait efficace et équitable. Au cas où le verdict rendu à l'issue

20 d'un tel procès était un verdict de condamnation ou un verdict

21 d'acquittement, il devra jouir de l'appui de l'opinion publique, nonobstant

22 le fait que cette opinion publique, parce que vous avez parlé de

23 l'affrontement interethnique, donc nonobstant le fait que cette opinion

24 publique soit l'opinion publique croate ou l'opinion publique serbe. Bien

25 entendu, il ne peut que s'attendre à l'expression d'un certain

Page 78

1 mécontentement des deux côtés. Mais j'ajouterais qu'à notre avis ce qui est

2 tout à fait fondamental, c'est que le verdict soit conforme aux

3 dispositions du code pénal croate ainsi qu'aux dispositions des documents

4 de base de ce Tribunal, le TPIY, dispositions applicables en vertu de

5 l'Article 28 du code pénal de la république de Croatie. Mais la réaction de

6 l'opinion publique sera la même donc, indépendamment, du fait que le

7 verdict est un verdict de condamnation ou d'acquittement. A mon avis, c'est

8 cela, l'aspect principal de la question.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Puis-je reprendre la question posée par

10 le Président et vous poser quelques questions supplémentaires sur le même

11 sujet.

12 Dans vos arguments oraux, Professeur Krapac, vous avez parlez du rôle

13 des victimes entre autres questions abordées par vous. En page 4 de votre

14 mémoire, vous évoquez l'éventualité que des verdicts de condamnation s'ils

15 étaient prononcés par les tribunaux croates aient le pouvoir de contribuer

16 grandement à la réconciliation entre les groupes ethniques. Ce qui nous

17 préoccupe un petit peu, le Juge Orie et moi-même, c'est l'autre face de la

18 médaille. En effet, si à l'issue d'un procès équitable, l'accusé est

19 acquitté, en vertu du fait que le droit pénal international ne s'applique

20 pas au procès qui lui est intenté et si en revanche devant un tribunal

21 international, le verdict aurait été un verdict de condamnation, alors la

22 situation est aggravée de ce point de vue-là. Pouvons-vous traiter cette

23 question, je vous prie ?

24 M. KRAPAC : [interprétation] Si nous évoquons les questions qui

25 seront débattues de façon plus détaillées dans quelques instants, à savoir

Page 79

1 la contradiction qui existe du point de vue de la prise en compte de la

2 responsabilité hiérarchique entre le Tribunal pénal international et un

3 tribunal croate. Si nous parvenons à l'issue de nos débats à découvrir une

4 traduction créative du code pénal croate sur ce point, dans ce cas, le

5 problème que vous venez d'évoquer, m'apparaît tout à fait théorique. Ce qui

6 est absolument concevable mais je répète, qu'à l'issue d'un procès mené

7 dans le plein respect du droit et de la façon la plus efficace que ce soit,

8 ce risque est véritablement à mes yeux un risque minime. En effet, le

9 Procureur quittera à la barre un certain nombre d'éléments de preuve à

10 charge, ce processus sera repris par le procureur public du tribunal croate

11 et à l'issue du procès, c'est le code pénal de la République de Croatie qui

12 s'appliquera pour prononcer un verdict déterminé à l'encontre de l'accusé.

13 Je tiens à vous rappeler que la législation de la République de

14 Croatie qui, s'agissant de l'appréciation des éléments de preuve est

15 absolument au même niveau que les législations mises en œuvre dans d'autres

16 pays occidentaux, cette libre appréciation des éléments de preuve qui est

17 prévue dans tous ces systèmes judiciaires n'autorisent en aucun cas une

18 décision arbitraire. Il existe effectivement un processus grandement

19 structuré qui doit être appliqué dans le cadre de cette appréciation.

20 Lorsqu'un tribunal prononce un verdict qu'il s'agisse d'un verdict de

21 condamnation ou d'un verdict d'acquittement. Il est tenu au préalable,

22 d'examiner avec le plus grand soin, la situation de fait à prendre en

23 compte avant de prononcer un verdict et il doit également rendre compte

24 dans les détails de la façon dont il est parvenu à l'appréciation faite par

25 lui, de tous les éléments de preuve. Il doit donc exposer dans le plus

Page 80

1 grand détail selon quelles modalités, il a décidé de prononcer un verdit de

2 culpabilité ou d'acquittement. La situation est absolument transparente et

3 toute erreur de la part du tribunal qui risquerait de nuire à la

4 transparence de ce processus est considérée selon le droit pénal croate

5 comme une faute grave dans l'application du droit.

6 Les juristes de la République de Croatie craignent comme la peste,

7 oserais-je dire, une telle situation, c'est-à-dire l'éventualité de

8 commettre une erreur en droit dans le prononcé d'un verdict. Donc, ils

9 tirent avantage de tout ce qui est à leur disposition pour éviter de

10 commettre une telle erreur. Dès lors que le verdict est rendu par une

11 Chambre de première instance, le jugement peut être examiné par une Chambre

12 de niveau supérieur qui en l'espèce serait un jugement de Cour suprême de

13 la République de la Croatie qui, elle-même, joue un rôle tout à fait

14 comparable à celui de la Chambre d'appel au TPI. La Cour suprême va

15 examiner les différents éléments du dossier pour établir éventuellement

16 l'existence d'une faute et se prononcer sur la base d'un réexamen des

17 éléments de preuve.

18 Je répète une fois encore, que je comprends tout à fait votre

19 inquiétude, les craintes qui sont les vôtres, mais que je crois à l'heure

20 actuelle que des dispositions suffisantes existent sur le plan de la

21 procédure pour réparer toute erreur éventuelle ou en réduire au maximum le

22 risque.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Professeur, pour le compte rendu

24 d'audience, en anglais, j'indique qu'en page 69, ligne 20, nous lisons en

25 anglais le mot "pre-evaluation", alors qu'il s'agissait de "free

Page 81

1 evaluation".

2 M. KRAPAC : [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krapac, à la page 6 de

5 votre mémoire, vous parlez de l'Article 120 et des articles suivants en ce

6 qui concerne le code pénal de la Croatie. Je ne vois pas dans l'annexe

7 l'Article 123. Pourrait-on obtenir cet Article 123, s'il vous plaît, je

8 pense que cet article et sa lecture pourraient être utiles à la Cour. Je

9 vois que vous vous inquiétez, ceci ne figure pas évidemment sur le compte

10 rendu mais je souhaite que votre réponse soit néanmoins reflétée.

11 Ma question suivante portera sur la page 9 de votre mémoire. Vous

12 nous expliquez la définition des instigateurs et vous nous dites que, tout

13 comme des complices ou des coauteurs, ces instigateurs sont responsables

14 seulement dans les limites de l'intention qui est la leur. Vous nous

15 dites : "Toutefois, en ce qui concerne des crimes très graves, et ceux

16 relatifs au chapitre 15 du code pénal de Croatie, il faut établir une ligne

17 de démarcation entre la perpétration et la complicité."

18 Je ne sais pas très bien comment le droit croate traite cette

19 question. Est-ce qu'il y a une disposition statutaire particulière ? Est-ce

20 qu'il y a des antécédents ? Comment le droit croate se distingue-t-il

21 exactement de cette ligne généralement acceptée, par ailleurs, entre la

22 perpétration et la complicité ?

23 M. KRAPAC : [interprétation] En ce qui concerne la première question, je ne

24 sais pas si cette Chambre me permettra de vous donner lecture de l'Article

25 123 que j'ai ici avec moi. Nous ne l'avons pas ajouté à dessein car son

Page 82

1 titre est : "L'organisation d'un groupe et instigation de la commission de

2 génocide et de crimes de guerre." Nous pensons que cet article ne

3 s'appliquerait pas en l'espèce. Toutefois, si le membres de cette Chambre

4 le souhaite, je peux vous donner lecture de sa disposition particulière, ou

5 peut-être pourrait-on vous photocopier cet article et vous le soumettre en

6 croate.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, peut-être que ce serait là le

8 meilleur moyen de procéder. Nous ferons traduire ce document. Je comprends,

9 vous n'avez pas souhaité inclure ce document, puisque en l'espèce il ne

10 s'agit pas d'une responsabilité de groupe ou d'une entreprise criminelle

11 conjointe quel que soit le terme que vous choisissiez, mais il ne s'agit

12 pas d'une conduite collégiale ou collective qui entraîne une responsabilité

13 pénale individuelle pour ceux ayant contribué à cette entreprise. Si telle

14 est votre raison et vous souhaitiez simplement dire que dans cette

15 situation le droit croate se distingue un peu mais que la disposition

16 néanmoins pas applicable, nous aimerions toutefois recevoir cet Article

17 123, s'il vous plaît.

18 Veuillez poursuivre.

19 M. KRAPAC : [interprétation] La deuxième question -- je dois vous dire que

20 je ne suis pas sûr de bien avoir compris. Pourriez-vous la répéter, s'il

21 vous plaît ?

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. Je crois que

23 m'intéressait --

24 M. KRAPAC : [interprétation] A quelle page, Monsieur le Président, faisiez-

25 vous référence ?

Page 83

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A la page 9, et je crois que j'ai parlé

2 du droit croate qui s'est distingué un petit peu d'autres dispositions, et

3 j'ai essayé de savoir de quelle manière il le faisait, mais peut-être que

4 la réponse à ma question se trouve dans l'Article 123 : "Vous parlez de co-

5 auteurs, comme les co-auteurs, les instigateurs sont responsables seulement

6 dans la limite de l'intention qui est la leur, l'intention qu'ils

7 poursuivent; toutefois, dans le cas de crimes extrêmement graves qui sont

8 énumérés dans la section ou le chapitre -- du FCSC, le droit croate se

9 démarque quelque peu de la division adoptée par ailleurs entre perpétration

10 et complicité."

11 Vous continuez : "Comme nous l'avons indiqué, une personne occupant un

12 poste d'autorité qui ordonne à une autre personne de commettre un crime est

13 traité comme auteur plutôt que comme complice."

14 M. KRAPAC : [interprétation] Le concept de co-auteur est défini à l'Article

15 20 du texte des droits positifs de la République de Croatie, et il est

16 question d'un certain nombre d'individus comme étant un acte en tant que

17 complice, donc ces personnes commettent ensemble un acte criminel. Chacun

18 est condamné à une peine prévue pour le crime en question. En Croatie, les

19 experts ayant commenté cette disposition sont d'accord pour dire qu'elle

20 est fondée sur la théorie de la responsabilité ou de l'autorité vis-à-vis

21 d'un acte particulier, qui dans le cas d'une perpétration conjointe exige

22 une composante subjective et une composante objective. La composante

23 subjective est la volonté collective des co-auteurs qui se sont avérés

24 auteur d'un acte particulier. En ce qui concerne la deuxième composante

25 objective, il s'agit de leur contribution à l'exécution de l'acte en

Page 84

1 particulier qui est d'une importance particulière. Donc, un co-auteur ne

2 doit pas nécessairement participer à la commission de l'acte lui-même, à la

3 commission du crime lui-même, mais il peut contribuer à sa mise en œuvre en

4 quelque sorte en agissant de manière concrète au cours de la période au

5 cours de laquelle un tel acte est commis.

6 Chaque auteur doit être tenu responsable vis-à-vis de l'intention qui est

7 la sienne. Les experts ayant commenté notre droit sont d'accord pour

8 reconnaître que le texte d'un autre article, l'Article 23, paragraphe 1, de

9 notre code de 1993 envisage la possibilité de co-perpétration avec une

10 intention consciente de la part des auteurs du crime en question, et il

11 envisage également la non-perpétration de crime.

12 Par conséquent, si plusieurs personnes participent à un acte en

13 particulier, ceci nous renvoie à la question de l'instigation. Dans

14 l'Article 21, paragraphe 1 du code de 1993, il est prévu une forme de co-

15 perpétration par un certain nombre d'individus qui ont l'intention de

16 commettre un crime avec d'autres. En ce qui concerne l'individu en

17 question, il y a donc décision de sa part de commettre un crime, et il y a

18 également commission de l'acte ou du crime en particulier. C'est la raison

19 pour laquelle dans le droit croate, lorsque l'on parle d'instigation,

20 l'instigateur doit avoir perpétré un acte criminel et cet acte doit être

21 jugé comme étant un crime. La sentence prescrite est la sentence prévue

22 pour l'auteur d'un acte commis, d'un acte criminel.

23 Troisième forme, il s'agit de la question d'aider et d'encourager, abordée

24 à l'Article 22 de la loi de 1993. On y définit le fait d'aider et

25 d'encourager en tant que forme de co-perpétration de la part d'un certain

Page 85

1 nombre de personnes ayant l'intention de le faire, et contribuant de facto

2 à la commission par une autre personne, donc d'un acte criminel. La

3 personne qui aide et qui encourage peut se voir sanctionner par une peine

4 similaire ou identique. La loi de 1993 prévoit une définition relativement

5 large du fait d'aider et d'encourager, et il peut s'agir d'un encouragement

6 ou d'une aide intellectuelle, d'une aide physique, il peut s'agir de

7 l'octroi de conseil, d'instructions, de tentatives visant à masquer le

8 crime commis, et cetera, et cetera, ou également la possibilité de fournir

9 les moyens nécessaires à la commission d'un crime, et j'en passe.

10 Afin qu'il y ait de la part de la personne en question l'existence d'une

11 aide ou d'un encouragement qui ait été donné un crime doit avoir été

12 commis, ou en tout cas, il doit y avoir eu tentative et les auteurs eux-

13 mêmes ne seront pas nécessairement considérés comme pénalement

14 responsables. Il peut y avoir également aide et encouragement par omission.

15 Voilà, j'ai essayé de vous expliquer comment les choses fonctionnent,

16 comment la loi croate fonctionne. Je parle de la loi 1993 et les

17 différences qui peut y avoir entre ce texte et la manière dont les choses

18 sont faites ici dans ce Tribunal.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Professeur Krapac. Ceci nous aide

20 à comprendre votre mémoire. J'aimerais, maintenant, vous renvoyez à la page

21 10 de ce même mémoire. Presque en bas de cette page : "Une autre manière

22 d'encourager les tribunaux croates à reconnaître la responsabilité

23 indirecte du supérieur hiérarchique c'est d'affirmer que le Protocole

24 numéro 1 de la convention européenne pour la Protection des droits de

25 l'homme, incriminant la négligence et autres ou plutôt le manquement dû à

Page 86

1 la négligence visant à empêcher ces crimes."

2 Ce Protocole numéro 1 de la convention européenne a pris séance sur le

3 droit croate. Je ne vois pas très bien ce à quoi vous faites référence dans

4 ce Protocole numéro 1 pour la Protection du droit de l'homme et des

5 libertés, qui porte surtout sur des questions liées à des questions de

6 propriétés pas nécessairement à des questions pénales.

7 M. KRAPAC : [interprétation] Non. Il y a une erreur ici. Ce n'est pas le

8 Protocole numéro 1 de la convention européenne, mais c'est le Protocole

9 numéro 1 de la convention de Genève. Effectivement, c'est une erreur

10 typographique, et je vous remercie d'avoir attirer mon attention sur ce

11 lapsus qui a été fait dans le cadre de ce mémoire.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de cet éclaircissement.

13 A la page 11, vous nous expliquez que si un manquement ou la non sanction

14 contribue à perpétuer l'activité criminel par des subordonnés, dans ce cas,

15 le supérieur peut être tenu responsable en sa qualité de complice, c'est-à-

16 dire, dans la mesure où il aura aidé à la perpétration de telle ou telle

17 activité.

18 Je pense que vous avez eu accès à l'acte d'accusation modifié, renforcé,

19 déposé contre M. Norac et M. Ademi. Je suppose également que vous savez que

20 les crimes allégués ont été commis au cours d'une période relativement

21 brève au cours de l'opération qui a eu lieu dans la poche de Medak. Cette

22 brève période de temps au cours de laquelle il y a eu perpétration des

23 crimes, et au cours de laquelle les personnes responsables n'ont pas été

24 punies, la brièveté, en quelque sorte, de cette période, pourrait-elle

25 réduire la probabilité de voir une responsabilité pénale démontrée quant à

Page 87

1 l'incidence du comportement d'un supérieur sur la perpétuation d'activités

2 criminelles qui, finalement, se sont étalés sur une période de temps

3 extrêmement brève; nous parlons de quelques jours, à peine.

4 M. KRAPAC : [interprétation] Notre avis est le suivant, Monsieur le

5 Président : Nous avons une troisième approche afin d'apporter une solution

6 à la question, afin d'appliquer de manière créative les dispositions de la

7 loi en 1993 de manière créative, ce qui veut dire en d'autres termes --

8 mais j'aimerais aborder la question de manière prudente, puisqu'il s'agit

9 d'une question ouverte à un certain nombre de spéculations, qui dépend d'un

10 certain nombre de choses; la quantité, la qualité des pièces à conviction,

11 des éléments de preuve dont dispose l'Accusation à l'appui de l'acte

12 d'accusation. Si le Procureur, l'Accusation, devait permettre à un

13 Procureur croate de démontrer devant le Tribunal que ces lacunes peuvent

14 être mises en perspective vis-à-vis du dolus eventualis de la part de

15 l'accusé, dans ce cas -- et là encore, il ne s'agit que d'une hypothèse, il

16 pourrait y avoir condamnation sur la base de l'Article 28, paragraphe 2,

17 cette condamnation serait certaine, serait définitive. Mais là, une fois de

18 plus, je le répète, cela dépend de la quantité et de la qualité des

19 éléments de preuve disponibles. Je ne peux pas malheureusement, ici et

20 maintenant, apporter une réponse dans un sens ou dans un autre à cette

21 question. Si le Procureur dispose de suffisamment d'éléments de preuve pour

22 convaincre le tribunal saisi, pour convaincre qu'il y a dolus eventualis

23 même au cour d'une période très brève, qu'il s'agisse de deux jours, de

24 quelques heures même, période donc au cour de laquelle les événements

25 décrits dans l'acte d'accusation se sont déroulés.

Page 88

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien entendu. Nous apprécions la

2 créativité dans le cadre de nos vies personnelles respectives. Je ne suis

3 pas tout à fait sûr que nous devions faire preuve d'une telle créativité

4 dans le domaine de l'interprétation du droit. Ne pensez-vous pas d'ailleurs

5 que ceci soit contraire à un certain nombre de principes de droit, dont

6 celui de in dubio pro

7 reo ?

8 M. KRAPAC : [interprétation] Monsieur le Président, nous parlons ici d'une

9 interprétation de dispositions juridiques, conformément à la doctrine de in

10 dubio pro reo en Croatie et dans d'autres pays également. Le principe de in

11 dubio pro reo est appliqué dans des cas où le doute existe en ce qui

12 concerne un certain nombre de positions factuelles. Ces doutes peuvent être

13 résolus par un autre principe, le principe de in dubio mitius. Par

14 conséquent, résoudre une question juridique, telle que celle-ci, à notre

15 avis exige de la créativité de notre part, parce qu'il s'agit ici de

16 concept de droit qui nous renvoie à la pratique et aux concepts appliqués

17 par un Tribunal, et qui nous renvoie également à la législation croate, à

18 la pratique. Il nous faut trouver le juste milieu. Il nous faut trouver un

19 équilibre entre ces différents éléments. Pour ce faire, il nous faut faire

20 preuve de la créativité à laquelle nous venons de faire référence. Par

21 conséquent, je crois que ce Tribunal ne doit pas craindre d'appliquer le

22 principe de in dubio pro reo, dans la mesure où le tribunal croate,

23 lorsqu'il appliquera ce concept ou ce principe dans une situation

24 déterminée, vis-à-vis, par exemple, d'un élément de preuve ne répondant pas

25 nécessairement aux normes appliqués par la Croatie dans une situation donc

Page 89

1 qui pourrait mener à un éventuel acquittement. Bien entendu, le Procureur

2 de ce Tribunal coopérera en étroite collaboration avec le bureau du

3 Procureur de la République de Croatie. Les choses ne se feront pas de

4 manière unilatérale. Ce sera également un processus qui s'inscrira dans le

5 temps, qui aura lieu d'ailleurs, qui s'inscrira pendant toute la durée du

6 procès qui aura lieu en première instance. Dans ce cas, toutes lacunes,

7 toutes difficultés qui sera ressenties par le Procureur vis-à-vis de la

8 qualité, ou éventuellement de la quantité d'éléments de preuve fournis à

9 l'appui de l'acte d'accusation, toutes ces lacunes pourront être comblées

10 rapidement par le biais d'une action conjointe, dirais-je, entre les deux

11 bureaux du Procureur.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Professeur,

14 mais vous nous apprenez tant de choses que je suis tenté de vous poser

15 davantage de questions. Je vous renvois à l'Article 28 du code de 1993,

16 paragraphe 2 de cet article. On nous dit qu'un acte criminel est commis par

17 omission seulement si l'auteur s'abstient d'effectuer un acte qu'il avait

18 pour obligation d'effectuer.

19 Pour vous, d'où provient cette obligation au sein du droit national croate,

20 obligation dont nous savons qu'elle correspond à la responsabilité du

21 supérieur hiérarchique aux termes de notre Article 7(3), où il est question

22 d'empêcher les crimes commis par un subordonné et de les sanctionner.

23 Alors, d'où émerge cette obligation dans le cadre du droit national croate,

24 obligation dont il est question dans le sous-paragraphe dont j'ai donné

25 lecture ?

Page 90

1 M. KRAPAC : [interprétation] Permettez-moi de répondre à cette question --

2 ou enfin, pour répondre à cette question, j'aimerais que vous lisiez : "Les

3 crimes reprochés qui sont pertinents en la matière." Nous avons énuméré une

4 série de ces crimes lorsque nous avons rédigé la partie relative aux

5 éléments matériels du crime, notamment, en ce qui concerne les crimes de

6 guerre. Il est question des crimes contre les populations, crimes contre

7 les personnes malades et les personnes blessées, crimes contre les

8 prisonniers de guerre, et cetera, et cetera. Dans cette liste d'éléments de

9 crimes, si vous voulez, nous abordons le comportement de la personne qui

10 commet cet acte. Nous parlons également de l'acte consistant à émettre un

11 ordre visant dans la commission d'un tel acte, la violation des normes du

12 droit international, et cetera. Vous voyez quelles sont les obligations en

13 terme de garantie, obligations d'un commandant d'une unité militaire. Il a

14 pour obligation de faire tout ce qui est en son pouvoir, tout ce qui doit

15 être fait pour prévenir la commission d'un crime, ou plutôt, pour réagir de

16 manière appropriée, face à une situation telle que celle-ci.

17 Nous pourrions en parler de manière extrêmement détaillée. Il y a ces

18 obligations dans le droit croate, nous pourrions en parler. Dans le droit

19 croate et comme dans d'autres systèmes juridiques, il y a un certain nombre

20 de dispositions qui ont trait à certains postes, commandants militaires,

21 commandants des forces de police, et cetera; on peut également déduire ces

22 obligations d'un certain nombre de principes plus généraux. Dans le cadre

23 de la pratique, des tribunaux croates, vous trouverez un certain nombre de

24 décisions au terme desquelles, omission en tant que forme de commission

25 d'un acte. Lorsqu'il y a omission des personnes sont sanctionnées,

Page 91

1 personnes responsables du comportement d'autres personnes. Je parle,

2 notamment, des parents qui sont responsables des actes ou des omissions de

3 leur progéniture, également responsables lorsqu'ils ont manqué à leurs

4 devoirs de prévenir la commission de tel ou tel acte par les enfants, bien

5 que ceci ne figure pas dans le droit pénal, bien entendu. Si un enfant, et

6 je reprends cet exemple à dessein, si un enfant ou un mineur n'est pas tenu

7 pénalement responsable, alors qu'il a commis un acte et que le parent n'a

8 pas fait ce qu'il fallait pour prévenir la commission d'un acte, que ce

9 parent sera tenu responsable conformément à l'Article 28, paragraphe 1.

10 Cette obligation n'est pas nécessairement exprimée mais elle existe

11 pourtant.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dois-je comprendre que vous êtes

13 d'avis qu'un commandant a une obligation et ce, en vertu du droit

14 international coutumier ?

15 M. KRAPAC : [interprétation] Cela découle du droit international coutumier,

16 mais aussi des crimes reprochés. Vous allez toujours retrouver, lorsque

17 vous vous pencherez sur les crimes reprochés, vous allez trouver les

18 commandants qui -- ou l'énoncé qui dit : celui qui aurait donné l'ordre. A

19 mon avis, c'est plus simple et plus efficace de procéder ainsi pour

20 déterminer la responsabilité dans ce cas concret, c'est-à-dire passer par

21 le biais de cet Article 28, plutôt que de passer par les dispositions du

22 droit international.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Professeur Krapac. Soyons clair, les

25 crimes reprochés que vous mentionnez, quand est-ce que cela a-t-il été

Page 92

1 énoncé comme texte ?

2 M. KRAPAC : [interprétation] En 1993.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Professeur, vous nous avez expliqué

5 qu'en vertu de la législation croate des accusations cumulatives ne

6 sauraient être permises. Dois-je comprendre, par exemple, qu'il ne serait à

7 advenir qu'un accusé soit accusé de meurtre en tant que crime contre

8 l'humanité, et du même crime en sa qualité de violation des lois et

9 coutumes de la guerre. Vous ai-je bien compris ?

10 M. KRAPAC : [interprétation] [inaudible]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question suivante s'adresse à vous,

12 Monsieur Scott. Croiriez-vous que cette impossibilité de reprocher dans cet

13 acte d'accusation modifié les chefs d'accusation 2 et 3 pourraient

14 constituer un problème du point de vue du bureau du Procureur ou pas --

15 M. SCOTT : [interprétation] Je crois, Monsieur le Président, que je devrais

16 plutôt me pencher sur l'énoncé du texte de loi croate pour voir dans quelle

17 mesure il y a divergences d'éléments et quels sont les problèmes pratiques

18 que cela pourrait engendrer. La raison en est que nous ici, au TPIY, voyons

19 l'existence d'éléments différents en vertu de chefs d'accusation basés sur

20 l'Article 3 et sur l'Article 5. C'est la raison pour laquelle lorsqu'il y a

21 charge ou chefs d'accusation cumulatifs, nous voulons couvrir les deux sous

22 l'Article 50. Je voudrais maintenant en parler en terme abstrait. Je ne

23 peux pas vous dire jusqu'à quelle divergence il peut être abouti si nous

24 reprenons des éléments en vertu de l'Article 50 et de l'Article 51, et s'il

25 s'agit là d'éléments différents, si nous pouvons couvrir l'un et l'autre

Page 93

1 des chefs par ces éléments cumulatifs. Je ne sais pas si cela est le cas en

2 Croatie, et je ne sais pas quelle est la situation à laquelle va avoir à

3 faire face le procureur local.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, certainement. Il découle des

5 exposés précédents qu'au cas où l'acte d'accusation ne couvre pas de façon

6 acceptable tous les chefs d'accusation qui seraient effectués de façon

7 adéquate, à notre avis, nous ne savons pas dans quelle mesure cela serait

8 acceptable. Nous pourrions avoir une situation où le ministère public local

9 ne pourrait pas être en possibilité de poursuivre quelqu'un pour crime,

10 pour meurtre en tant que crime contre l'humanité, et crime en tant que

11 violation des lois et coutumes de la guerre. Qu'allez-vous demander ?

12 Allez-vous peut-être demander le renvoi vers cette instance-ci ?

13 M. SCOTT : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Président, je n'ai

14 peut-être été suffisamment clair. Je crois comprendre ici que le procureur

15 croate se doit de se pencher sur les modalités suivant lesquelles il devra

16 se comporter dans ce cas. Il se peut que le problème ne se pose pas du tout

17 pour ce qui est des chefs d'accusation alternatifs.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous poursuivez quelqu'un pour cause

19 de meurtre en tant que crime de l'humanité et que vous avez des difficultés

20 à le prouver, à savoir vous ne pouvez pas prouver l'élément d'attaque

21 systématique et de grande envergure, vous pouvez recommencer et essayer de

22 prouver cela comme étant un crime contre l'humanité et comme étant un

23 meurtre en sa qualité de violation de lois et coutumes de la guerre.

24 M. SCOTT : [interprétation] Je ne connais pas suffisamment la loi croate

25 pour vous dire quel est le scénario suivi par les confrères locaux. Est-ce

Page 94

1 qu'ils vont suivre ce scénario plutôt qu'un autre ? Je ne sais pas du tout

2 si cette situation est réaliste. S'il y a une seule modalité de dresser un

3 acte d'accusation en Croatie soit l'on procédera en vertu de cette loi,

4 soit on ne dressera pas d'acte d'accusation du tout. Là, la question de

5 l'acte d'accusation alternative ne se pose pas à la différence d'ici où

6 nous avons l'Article 3 et l'Article 5, et on ne peut reprocher à quelqu'un

7 des faits suivant l'un et l'autre de ces articles.

8 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

9 M. SCOTT : [aucune interprétation]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Très bien. Monsieur Krapac, si nous

11 ne pouvons pas dresser un acte d'accusation contre quelqu'un pour des

12 raisons de crime contre l'humanité tout simplement parce que cela

13 n'existait pas dans la législation à l'époque, que pensez-vous du fait de

14 devoir prendre en considération la présence de comportements systématiques

15 et de grandes envergures qui ont amené à la perpétration de crime ? Allez-

16 vous considérer que c'est là une circonstance aggravante ? Je ne sais pas

17 du tout ce que vous seriez à même de nous dire à ce sujet. Peut-être qu'un

18 représentant du gouvernement croate voudrait-il et pourrait-il nous

19 répondre ?

20 M. KRAPAC : [interprétation] Je vais peut-être essayer de répondre

21 brièvement à cette question, et peut-être le représentant du gouvernement

22 vous apportera-t-il son élément de réponse ? Ce que M. Scott, en sa qualité

23 de représentant du Procureur, a dit c'est que l'essentiel réside dans la

24 phrase qui figure à la page 12, et qui s'énonce, je vais vous donner

25 l'énoncé en anglais : "L'acte d'accusation se doit d'englober une

Page 95

1 description concrète pour ce qui est du fondement factuel des chefs

2 d'accusation."

3 Si le ministère public en Croatie, au début de la procédure, dans son acte

4 d'accusation place des fondements factuels suffisamment larges, alors, dans

5 le courant des débats, il sera possible aux Juges de la Chambre de prendre

6 en considération l'acte d'accusation pour fonder leurs décisions sur les

7 éléments juridiques qui correspondent à la qualification juridique et à

8 l'énoncé du texte de la loi. Ce qui importe, c'est que le ministère public

9 puisse entamer sa procédure, qualifions cela brièvement de base factuelle,

10 de plus grande envergure.

11 Alors que la qualification juridique de l'acte en tant que tel, en matière

12 de droit croate, relève des attributions du Tribunal, seul, et c'est le

13 Tribunal qui décidera alors si, ce délit au pénal, est un délit suivant le

14 code pénal ordinaire, alors s'il s'agit de meurtre, de meurtre grave ou

15 s'il s'agit d'un délit au pénal, de crime contre l'humanité, de crime

16 contre le droit humanitaire et ainsi de suite. Il est important pour le

17 Tribunal de disposer de cette base factuelle, parce que si la base

18 factuelle n'est pas suffisante, aucune condamnation, ni en vertu du droit

19 pénal ordinaire, ni en vertu de ces responsabilités particulières qui

20 découlent des crimes de guerre, ne sera possible. Par conséquent, c'est là

21 qu'on peut entendre la présence des questions les plus importantes, les

22 questions cruciales pour ce qui est des modalités de comportement des

23 autorités croates. Ce n'est pas au niveau de la question de savoir si cette

24 matière va être qualifiée de crime de guerre contre une population civile

25 ou crime de guerre à l'égard des dispositions du droit humanitaire

Page 96

1 international et ainsi de suite, ou alors, qualifiera-t-on cela de meurtre

2 ou de meurtre grave en application des dispositions du code pénal général.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Merci.

4 Le Professeur Horvatic.

5 M. HORVATIC : [interprétation] Comme le dirait les Amis de la Chambre, je

6 pense que le gouvernement saurait ajouter quelque chose. Il me semble que

7 le débat qui s'est déroulé jusqu'à présent, nous montre que le problème est

8 bien moindre de taille que l'on ne penserait, partant des interventions du

9 Procureur et des Amis de la Chambre. En effet, partant de l'opinion

10 formulée par un juge de la Cour suprême, que je me suis procuré en arrivant

11 ici, je dirais qu'il y a une analyse comparée avec laquelle que je suis

12 tout à fait d'accord. Cette analyse comparée des délits au pénal contre

13 l'humanité relevant de la loi de 1993, puis des statuts de ce Tribunal-ci,

14 il est une conclusion à tirer, à savoir que les descriptions des délits au

15 pénal, vu que cela se réfère aux conventions de Genève et leurs Protocoles

16 sont, soient identiques, soient presque identiques. La question de la

17 technique de l'élaboration de l'acte d'accusation, à la lecture, par

18 exemple, de l'acte d'accusation contre Ademi et Norac, dressé par le

19 présent Tribunal, seront des éléments, certes, dont le ministère public

20 tiendra compte, pour les adapter aux besoins croates. Je suis convaincu du

21 point de vue juridique, que cette documentation factuelle qui figure ici,

22 peut faire partie des modalités de la rédaction de l'acte d'accusation

23 devant les tribunaux croates en fonction de la loi de 1993, tout en ayant

24 recours aux articles pertinents de cette loi et très certainement, celle

25 qui figure au chapitre 15, crimes contre l'humanité et le droit coutumier

Page 97

1 international.

2 Il y a des analogies pour ce qui est de la perception du droit régissant

3 contre les crimes contre l'humanité et le droit international, ainsi que

4 les mœurs individuelles, qui résultent des activités déployées par la

5 jurisprudence des tribunaux croates. Lorsqu'il y a des crimes reprochés,

6 pour ce qui est de délits contre l'humanité, en vertu de la loi existant en

7 1993, peut être utilisé pour juger un individu et au cas où il serait

8 prouvé, ce que l'on s'efforce de prouver avec cet acte d'accusation,

9 présenté et rédigé devant ce Tribunal, il n'est aucune raison pour le

10 tribunal en Croatie de ne pas procéder de façon identique.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Professeur Horvatic. Oui,

12 Monsieur Scott.

13 M. SCOTT : Monsieur le Juge, si je puis intervenir pour quelques instants.

14 Je vais me référer au débat qui se déroule au fil des quelques dernières

15 minutes et des questions que vous avez soulevées, Monsieur le Juge Orie,

16 puisque j'en ai entendu davantage. Maintenant, si la question se pose de

17 savoir si le procureur croate dans un même acte d'accusation peut accuser

18 de meurtre, en tant que crime ordinaire et de meurtre en tant que violation

19 des lois et coutumes de la guerre envers l'application de l'Article 120, je

20 ne sais pas si l'un quelconque des représentants croates pourrait nous dire

21 qu'il y aurait là chefs d'accusation cumulatifs, ce serait le scénario. Par

22 exemple, si le Procureur nous dit : Je vais l'accuser de meurtre et je vais

23 l'accuser de crimes de guerre contre la population civile. Je ne sais pas

24 si cela serait possible en application de la législation croate.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mis à part l'exemple que j'ai indiqué

Page 98

1 pour ce qui est des limites d'éléments d'accusation cumulatifs, je voulais

2 dire que toutes les charges, que tous les chefs à charge devaient être liés

3 à un même comportement, à une même région et à une même période.

4 M. SCOTT : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

5 La deuxième partie de l'élément soulevé par la Chambre et que vous

6 nous avez demandée d'examiner, c'est ce qui suit : en nous penchant sur les

7 écritures des Amis de la Chambre, en page 12, je me pose la question et je

8 dis bien, que je me pose seulement la question, de savoir si j'interprète

9 bien, parce qu'ici on dit: "Il n'est pas autorisé de dresser des chefs

10 d'accusation à titre cumulatif." Quelques lignes plus bas, on dit : "Au cas

11 où les éléments de preuve présentés au procès indiquent qu'il y a une autre

12 sorte de faits par rapport aux faits énoncés dans l'acte d'accusation, le

13 procureur a même et a le droit d'amender son acte d'accusation."

14 Je ne suis sûr si on peut nous conformer au système de "common law"

15 pour ce qui est des éléments de preuve à charge. Si on arrive à la fin du

16 procès et qu'on n'a pas réussi à prouver le meurtre mais qu'on a réussi à

17 prouver l'existence d'un crime de guerre, dans ce cas-là, nous allons

18 modifier l'acte d'accusation pendant le procès, avant d'aboutir à un

19 jugement. Si cela est la situation qui existerait en Croatie, je ne vois

20 pas en quoi cela diffèrerait de chefs d'accusation cumulatifs. Dans l'un et

21 l'autre cas, on arrive à un même résultat; qu'on le fasse dès le début ou

22 qu'on ait la possibilité de modifier l'acte d'accusation vers la fin du

23 procès.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que je voulais dire, c'est que si

25 vous arrivez à la fin du procès et il vous a été modifié l'acte

Page 99

1 d'accusation, vous allez avoir un problème avec les avocats de la Défense.

2 La Défense ne vous laissera pas modifier l'acte d'accusation vers la fin du

3 procès.

4 M. SCOTT : [interprétation] Je comprends tout à fait, Monsieur le

5 Président, je comprends et je réalise que la façon d'aborder la question

6 varie d'un système à l'autre. Je sais également que dans certains systèmes,

7 il n'est pas impossible de procéder à une modification de l'acte

8 d'accusation vers la fin du procès.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Entendons ce que le M. Juge Parker veut

10 nous dire.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne sais pas si l'expérience de

12 l'Australie peut vous aider dans la solution de ce problème, mais je vais

13 vous indiquer ce qu'il est possible de faire. Il est possible à la fin de

14 la présentation des éléments au cours du procès qu'il y ait modification de

15 l'acte d'accusation, pour l'adapter aux éléments de preuve, mais seulement

16 suivant les différents chefs d'accusation déjà existant. Ce qui fait que si

17 un certain détail, ou un élément de preuve particulier, venait à être

18 modifié, l'acte d'accusation pourrait être modifié pour être harmonisé.

19 Mais on ne peut pas d'un coup énoncer de nouveaux chefs d'accusation et

20 modifier l'acte d'accusation de façon significative. Nous avons dans le

21 système des éléments de preuve à charge cumulatifs et alternatifs. Dans

22 certains cas, on applique un système, dans d'autres cas on applique l'autre

23 système.

24 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Juge Orie, je ne sais pas si j'ai

25 été utile, mais je me suis efforcé de vous apporter une forme d'assistance.

Page 100

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vais pas encore m'exprimer.

2 Monsieur Horvatic, avez-vous quelque chose à ajouter ?

3 M. HORVATIC : [interprétation] Mon expérience de juriste me pousse à dire

4 que je ne vois pas de problèmes pour ce qui est de l'alternatif et du

5 cumulatif, tels qu'on les mentionne ici. Je veux bien que des juristes qui

6 en savent plus long que moi me prennent pour un ignare. Si je prends

7 lecture de l'Article 120 qui parle du délit au pénal ou crimes contre la

8 population civile, et je crois que vous devez certainement l'avoir en

9 langue anglaise dans ce registre des crimes reprochés, on y dit :

10 "Quiconque violerait, pendant un conflit international et/ou en temps en

11 guerre, est une violation des règles, et que cela aurait pour conséquence

12 des décès," il me semble que si le décès est interprété, tout comme

13 blessure grave ou atteinte grave à la santé, cela peut constituer une

14 modalité de surmonter cet élément de cumulatif à l'acte d'accusation.

15 Mais ce qui a été dit pour ce qui est de la modification à apporter à

16 l'acte d'accusation, cela, d'après la pratique de nos tribunaux, ne

17 constitue pas un problème majeur, parce que le débat, dans toute sa

18 continuité, dispose d'une certaine dynamique, et ont raison ceux qui disent

19 qu'il serait difficilement réalisable, ou difficilement acceptable pour un

20 tribunal que de voir à la fin des débats ou vers la fin de ces débats, voir

21 arriver des éléments, des faits nouveaux qui influeraient de façon

22 significative sur la modification de l'acte d'accusation. Mais ici, nous

23 avons un fondement factuel qui, dès le départ, dès le début du procès

24 devant la jurisprudence croate en cas de disposition positive de cette

25 Chambre-ci, peut suffire pour l'adapter aux besoins du droit pénal matériel

Page 101

1 et pénal croate. Donc, toute cette construction de renvoi est entamée et

2 dure depuis ce matin, de façon concertée, et je crois que nous nous

3 entendons bien pour dire qu'il n'y a pas de problème majeur pour ce qui est

4 de l'application du droit tel que fait par ce Tribunal-ci et celle qui

5 serait présente devant les tribunaux nationaux en Croatie.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Professeur Krapac, vouliez-vous ajouter

7 quelque chose, peut-être ?

8 M. KRAPAC : [interprétation] Je voulais seulement ajouter une chose. Le

9 représentant du bureau du Procureur, M. Scott, a, à très juste titre,

10 remarqué que dans la phrase avant la fin du paragraphe en page 12, on dit,

11 le Procureur se doit de procéder à la modification à l'acte d'accusation.

12 Je vous rappelle que le droit procédurier croate a un principe qui est

13 appliqué. C'est le principe de la légalité de poursuite judiciaire au

14 pénal. C'est le principe de poursuite obligatoire. Donc, dès que le

15 ministère public se rend compte du fait qu'il y a modification des éléments

16 de preuve, il doit compléter et amender, l'acte d'accusation.

17 Bien entendu, il se pose la question que vous avez soulevée. Comment va

18 réagir la Défense ? Dans ces cas-là, la loi portant procédure au pénal dit

19 que le débat est rapporté pour une période prolongée parfois, afin que la

20 Défense ait la possibilité de se préparer vis-à-vis de ce nouvel acte

21 d'accusation. Mais je vous rappelle que le débat principal en Croatie est

22 quelque peu différemment structuré que cela n'est le cas dans le procès

23 réalisé en application du droit anglo-saxon. Le débat se déroule assez

24 rapidement depuis le début et jusqu'à la fin, donc depuis la présentation

25 de l'acte d'accusation, la présentation des éléments de preuve et le

Page 102

1 jugement. Le débat et le procès en tant que tel, dans la procédure croate,

2 dure quelque peu plus longtemps, avec la possibilité d'avoir des reports

3 prolongés pour étudier certaines questions, ou se procurer de nouveaux

4 éléments de preuve, voire encore réagir à ce type de situation précis,

5 lorsqu'il s'agit d'un crime autre, ou de qualification de crime différente.

6 Si on dit qu'à première vue les divergences semblent être grandes, parce

7 qu'on n'a pas de cumulatif dans notre système, je dirais que compte tenu de

8 ces éléments-là, cette divergence n'est pas si grande que cela.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Krapac, nous sommes

10 presque arrivés au moment où il nous aura été donné d'entendre les

11 participants, les parties en présence, et autres participants. Cela fait

12 une heure et demi que nous travaillons. Nous allons très rapidement revenir

13 aux questions de corrélation entre le droit national et le droit

14 international. Aussi, vous demanderais-je vous-même, ou aux représentants

15 du gouvernement croate, pour se référer aux aspects constitutionnels de ces

16 questions ? La règle nulla pena, nullum crimen si elle est alléguée, si

17 j'ai bien compris, cela a été repris à l'Article 31 de la constitution

18 croate ? Je vous vois opiner du chef. Je vois que tout le monde opine du

19 chef.

20 Alors, je demande si cette disposition constitutionnelle a été modifiée

21 récemment, ou alors a-t-elle été formulée précisément aux fins de refléter

22 la situation telle qu'elle se présente en matière de droit international ?

23 Je veux demander par là, est-ce que cette disposition existait dès 1993 ?

24 Je vais vous dire ce que dit le texte que j'ai sous les yeux, Article 31,

25 paragraphe 1. On dit que :

Page 103

1 "Personne ne serait être puni pour un acte qui, avant sa commission, n'a

2 été défini en tant que délit passible d'une peine en vertu de la loi ou de

3 la loi internationale, et ne serait être puni au cas où une peine n'aurait

4 pas été prévue par la loi si la loi précédente en vigueur prévoyait une

5 peine inférieure, de moindre importante."

6 Tout d'abord, je vous vois opiner de la tête. Je le dis pour les fins du

7 compte rendu d'audience.

8 Vous faites référence à ce droit international en application de l'Article

9 31. Est-ce que cela existait déjà en 1993 ?

10 M. HORVATIC : [interprétation] Oui. C'est la constitution de 1990 qui était

11 en vigueur lors de l'application de ce code pénal. Bien entendu, la

12 constitution l'emportait sur le code pénal. Avec la loi de 1997, qui est

13 entrée en vigueur en 1998, on reprend cela à la lettre. Il y avait pour

14 fondement une disposition constitutionnelle qui reprend nullum crimen sine

15 lege a été interprété sur les bases dont vous avez donné lecture à partir

16 de l'Article 31.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ma question porte sur ce que je

18 pense pouvoir être fourni par l'Article 140 de la constitution croate que

19 j'ai sous les yeux où on y lit : "Les accords internationaux conclus et

20 ratifiés en conformité avec les dispositions de la constitution, et qui ont

21 été rendus publics, ils sont donc entrés en vigueur, font partie intégrante

22 de l'ordre juridique interne à la République de Croatie, et auront des

23 effets légaux. Leurs dispositions peuvent être changées seulement suivant

24 les modalités indiquées dans l'énoncé des textes analogues au droit

25 international."

Page 104

1 Est-ce que je me réfère bien, Monsieur Horvatic ?

2 M. HORVATIC : [interprétation] Oui, c'est cela.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question porte sur ce qui suit :

4 l'Article 140 se réfère seulement aux accords internationaux, mais ne se

5 réfère pas aux principes généraux du droit international, pas plus qu'au

6 droit coutumier international. Devons-nous comprendre par là une limite,

7 est-ce que cela limite les effets ou la portée de l'Article 140 seulement

8 aux accords internationaux ?

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez brancher votre micro, s'il vous

10 plaît, Monsieur Horvatic.

11 M. HORVATIC : [interprétation] Est-ce une question que vous posez à

12 l'Amicus Curiae ou à la Croatie ?

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A toute personne apte à répondre à la

14 question.

15 M. MULJACIC : [interprétation] Monsieur le Président, la disposition de la

16 constitution qui porte sur les conventions et accords internationaux

17 l'emporte sur le droit, et elles sont appliquées de manière systématique,

18 particulièrement dans un certain nombre de cas dans lequel les dispositions

19 prescrites dans les conventions de Genève et dans d'autres Protocoles, est

20 que la République de Croatie, alors qu'elle était encore au sein de

21 l'ex-Yougoslavie et après son indépendance, le 8 octobre 1992 ont signé. La

22 Croatie était donc liée et devait respecter ces conventions par le droit

23 international. Cette disposition constitutionnelle, je parle de la

24 disposition contenue dans la constitution de 1990, elle fait référence à la

25 force de ces accords et de ces conventions internationales qui est

Page 105

1 supérieure à celle du droit national.

2 Voici le sens qu'il faut lui donner dans un cas particulier, par le biais

3 de l'Article 28(2) du code pénal de 1993, et aux termes de l'application

4 des conventions de Genève qui sont en vigueur, et nous incluons dans ce

5 cadre le droit coutumier international. Nous pensons que ces dispositions

6 doivent être appliquées en l'occurrence puisque le système de ces

7 dispositions exprime l'esprit particulier de quelque chose. Ces

8 dispositions expriment l'esprit du droit et des conventions conformément à

9 la constitution de 1990, par conséquent, elles doivent être appliquées

10 directement par le biais des dispositions pertinentes existantes du code

11 pénal de 1993, qui ne prévoit pas la responsabilité du commandant, du

12 supérieur hiérarchique, comme nous l'avons dit, mais les tribunaux croates

13 appliquent, néanmoins, tiennent compte de cette responsabilité. Nous avons

14 parlé de l'affaire Sakic, notamment, il a été condamné à la peine la plus

15 lourde, conformément ou sur la base de l'Article 28, paragraphe 2, et

16 conformément, également, aux conventions de Genève parce que la Croatie

17 était partie à ces conventions.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur. Votre intervention

19 m'est d'un grand secours. Mais je voudrais savoir si cette interprétation

20 est cohérente avec la disposition de l'Article 28, paragraphe 2, où il est

21 question de l'assignation d'un certain nombre de procédures par la Cour

22 pénale internationale, où il est dit : "Les procédures au sein de la

23 République de Croatie doivent être menées conformément à la mise en œuvre

24 du droit matériel pénal national et la procédure pénale."

25 M. MULJACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

Page 106

1 Il suffit qu'un juge applique les conventions internationales qui sont

2 également en vigueur. Un juge ne peut pas se contenter d'appliquer le code

3 pénal de l'année en question applicable à un moment donné. Il y a un

4 certain nombre de dispositions qui doivent être appliquées. Il y a les

5 dispositions contenues dans la constitution, il y a également les

6 dispositions des conventions de Genève. Il y a également les dispositions

7 du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Voici notre

8 position.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur Horvatic.

10 M. HORVATIC : [interprétation] Comme je l'ai dit ce matin, la position du

11 ministère public de la République de Croatie correspond tout à fait à la

12 position qui vient d'être exposée. Une position commune a été obtenue par

13 le biais de discussions lors de séminaires, et il y a été dit que l'Article

14 28 du code pénal de 1993, qui régit un certain nombre d'éléments, que cet

15 article s'applique tout comme les conventions de Genève et les Protocoles

16 additionnels de ces dernières, et que c'est sur cette base que la

17 responsabilité du supérieur hiérarchique telle que définie dans l'Article

18 7(3) peut être invoquée. Voici le document officiel qui a été produit par

19 le ministère public de la République de Croatie en juillet 2004, là encore,

20 je me sentais le devoir de vous en redonner lecture, ici, dans le cadre de

21 cette audience.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

23 Une dernière question, brève question avant que nous ne concluions cette

24 séance.

25 La voici : dans l'interprétation de l'Article 21 [comme interprété] de

Page 107

1 l'Article 141 [comme interprété] de la constitution, la Cour

2 constitutionnelle aurait-elle un quelconque rôle à jouer, ou les tribunaux

3 pénaux se chargeraient-ils exclusivement de cette tâche ? La Cour

4 constitutionnelle aurait-elle une quelconque contribution à faire en

5 matière d'interprétation de ces dispositions ?

6 M. HORVATIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne peux pas

7 répondre à cette question. Si cette question devait être posée à la Cour

8 constitutionnelle, cette dernière devrait y accorder une attention

9 particulière, conformément à l'intention qui sous-tend le texte de la

10 constitution. La séquence de la constitution lui est tout à fait propre,

11 mais elle exprime également un certain esprit. Cet esprit consiste à

12 consacrer la loi internationale comme un droit l'emportant sur le droit

13 national parce que la Croatie, en venant rejoindre la communauté

14 internationale, a épousé cette position qui accepte que le droit

15 international l'emporte sur le droit national. Par conséquent, il est

16 difficile de prédire ce qui se passerait à ce moment-là, mais je pense que

17 la Cour constitutionnelle tiendrait compte de tous les éléments qui ont été

18 débattus dans le cadre de nos débats aujourd'hui, je ne vois pas comment la

19 Cour constitutionnelle pourrait adopter une position contraire au principe

20 énoncé, donc les choses sont assez difficiles à prédire quant aux choses

21 qui se produiraient si tel était le cas.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause et je pense

23 qu'il serait bon que nous nous tournions quelques instants supplémentaires

24 vers le Procureur de cette Cour -- de ce Tribunal sur les frictions ou les

25 tensions qui semblent se faire jour entre le droit coutumier international

Page 108

1 et le droit national.

2 L'une des questions qui n'a pas été abordée suffisamment au cours de notre

3 discussion c'est les applications ce qui dans la pratique se ferait en

4 matière de protection de témoin conformément au nouveau applicable en

5 Croatie. Je crois que c'est une question qui mérite une attention

6 supplémentaire de notre part.

7 Enfin, je crois que nous avons entendu un certain nombre de critiques qui

8 portaient sur le rapport de l'OSCE, à savoir qu'il ne se concentrait que

9 sur ces dix dernières années et qui, finalement, ne couvrait qu'une

10 pratique passée et qui ne reflétait pas la situation actuelle. J'ai

11 remarqué que dans le rapport du novembre 2004, on y trouve davantage

12 d'informations plus actuelles, ce qui est encourageant, mais ce qui n'est

13 pas peut-être totalement satisfaisant. Peut-être que les parties

14 souhaiteraient s'exprimer sur la question, y a-t-il amélioration ou pas ?

15 Il y a la question thématique des points 3 et 4. Je pense qu'un certain

16 nombre de ces points ont déjà été couverts d'une manière ou d'une autre.

17 J'aimerais savoir si au cours de nos prochaines discussions, et nous allons

18 séparer jusqu'à 15 heures, et j'espère que nous pourrons conclure nos

19 travaux. Nous levons la séance jusqu'à 15 heures.

20 --- L'audience est suspendue à 14 heures 26.

21 --- L'audience est reprise à 15 heures 02.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprenons nos travaux. Nous

23 espérons pouvoir les conclure au cours de l'heure ou l'heure et demie à

24 venir. Tout d'abord, je donnerais la possibilité aux représentants du

25 Procureur de bien vouloir conclure ces arguments et nous rappeler, entre

Page 109

1 autre chose, l'importance de la responsabilité du supérieur hiérarchique

2 et, notamment, l'importance de cette responsabilité dans les cas où ces

3 derniers n'auraient pas empêché la commission d'un crime ni sanctionner les

4 auteurs des dits crimes.

5 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai essayé de

6 faire la synthèse des différents éléments qui ont été présentés aujourd'hui

7 au cours de la journée, en tout cas, la plupart d'entre eux, y compris ce

8 qui a été dit par les représentants de la Croatie.

9 Ce matin, le Procureur avait l'opinion que, dans le cadre d'une

10 procédure nationale, la base essentielle, à l'existence de la

11 responsabilité d'un supérieur hiérarchique, serait à trouver dans le droit

12 international, en partie à cause des raisons exprimées par le Juge Kwon

13 lors de notre séance de travail précédente, lorsqu'il a fait référence à

14 l'application créative, ou l'interprétation créative du droit national.

15 Toutes les choses pourraient effectivement se produire, et les Juges

16 croates pourraient interpréter leurs droits dans ce sens. Mais toutefois,

17 nous pensons que l'application du droit international fournira une des

18 meilleures bases dans ce domaine, base donc nécessaire à la conduite de

19 procédure et de poursuite.

20 J'ai fourni au Greffier un exemplaire de l'Article 140 de la

21 Constitution croate. Nous l'avions fait au cours de la pause du déjeuner.

22 J'aimerais qu'une copie de cet article soit fournie à l'ensemble des

23 participants présents. Vous en avez déjà parlé, Monsieur le Président Orie.

24 Je ne souhaitais pas interrompre les débats de la Chambre en distribuant

25 cet Article, mais je souhaite que cela soit fait dès maintenant. Pour les

Page 110

1 conseils de la Défense, ce texte est disponible en croate en haut de la

2 page et, en anglais, sur le bas de la page.

3 Comme l'a indiqué notre Président déjà, il s'agit-là de la base

4 fondamentale de la réponse à apporter à la question qui a été posée par

5 vous, Monsieur le Président, un peu plus tôt aujourd'hui, sur quoi repose

6 véritablement notre position. Il s'agit-là de la base fondamentale de notre

7 position. Il s'agit de la disposition dont il est question dans cet

8 article, de la constitution en vigueur en 1990, avant l'exécution de crimes

9 rapprochés en l'espèce. Il s'agit donc d'une disposition qui fait référence

10 aux accords internationaux, ratifiés selon la procédure appropriée, et

11 qu'il est dit, notamment, dans cette disposition, que les accords

12 internationaux ont force de droit à l'échelle nationale. Non seulement

13 cela, mais qu'ils ont précédence sur le droit national au sein du système

14 national croate. J'ai également attaché ou joint à ce document un certain

15 nombre de commentaires, qui ont trait à un certain nombre de questions,

16 notamment sur la différence entre un certain nombre de systèmes de droit.

17 Il me semble que les conseils de la partie adverse se corrigeront, si j'ai

18 tort, mais il me semble que le système croate est assimilable à un système

19 monoiste [phon], en ce qui concerne l'application du droit international,

20 par rapport à un système dualiste. Nous pensons que cette disposition de la

21 constitution à l'Article 140 fournit une base solide, qui permet

22 d'appliquer le droit des traités, tout du moins les conventions de Genève,

23 dans le cadre de procédures engagés devant des tribunaux croates et,

24 notamment, les dispositions concernant la responsabilité du supérieur

25 hiérarchique. Nos recherches indiquent que les conventions de Genève et les

Page 111

1 Protocoles additionnels et, notamment, le Protocole additionnel numéro 1,

2 sont des éléments de droit contraignants dans le droit national croate. En

3 tout cas, dès octobre 1991, en tant qu'Etat successeur à l'Etat de l'ex-

4 Yougoslavie, qui a été consacrée dans une décision relative à l'Article 90

5 bis [comme interprété], dans le cadre du procès Milosevic.

6 L'Article 86 du Protocole additionnel 1, paragraphe 2, précise que le

7 fait qu'une violation des conventions ou de ce Protocole, était commis par

8 un subordonné n'absout pas les supérieurs de ce dernier d'une incrimination

9 de sa responsabilité au pénal, ou de mesures disciplinaires en fonction du

10 cas concerné, s'ils savaient ou avaient des informations qui lui auraient

11 permis de conclure dans le contexte de l'époque, qu'ils étaient en train de

12 commettre, ou qu'ils étaient sur le point de commettre ce type de

13 violation, et qu'il n'a pas pris toutes les mesures envisageables qui

14 étaient entre ses moins ou en son pouvoir pour empêcher ou réprimer la dite

15 violation.

16 De même l'Article 87, où il est question des devoirs des commandants,

17 section 1 précise que les hautes parties contractantes, et les parties au

18 conflit doivent demander aux commandants militaires, en ce qui concerne les

19 membres de leurs forces armées sous leur commandement et d'autres personnes

20 sous leur contrôle, de prévenir -- et lorsque cela s'avère nécessaire, de

21 faire rapport aux autorités compétences des violations des conventions, et

22 de ce Protocole.

23 Il pourrait s'agir ici en réalité d'un manquement à l'obligation de

24 prévenir. La section 3 poursuit, en disant : "Les hautes parties contractes

25 et les parties au conflit doivent demander à tous commandants conscients

Page 112

1 que des subordonnés, ou d'autres personnes placées sous son contrôle, sont

2 en train de commettre ou ont commis une violation des conventions ou de ce

3 Protocole, de prendre les mesures nécessaires pour prévenir la dite

4 violation des conventions ou de ce Protocole et, le cas échéant, à engager

5 des poursuites disciplinaires ou pénales contre les auteurs de cette

6 violation," qui est ici donc un manquement à l'obligation de punir.

7 Voilà donc, à notre avis, qu'elles sont les dispositions les plus

8 applicables. Il s'agit du Protocole additionnel numéro 1 de l'Article 86 et

9 de l'Article 87. Etant donné que ces dispositions ont été adoptés ou

10 transposés en quelque sorte par la Croatie, au moins avant 1992, et étant

11 donné l'Article 140 de la Constitution de la République de Croatie, nous

12 pensons que ces différentes dispositions fournissent une base de poursuite

13 à l'échelle nationale, et pas seulement les poursuites lorsqu'il y a

14 responsabilité du supérieur hiérarchique. Mais, si l'on reprend l'Article

15 86, paragraphe 2, dès qu'une personne avait des raisons de savoir, ou

16 disposait d'information qui aurait du lui permettre de conclure, et cetera,

17 dans le contexte donné.

18 Donc, nous pensons que, là aussi, cet élément particulier est abordé

19 dans les dispositions.

20 Brièvement, j'aimerais mentionner la convention de Vienne sur les

21 traités de 1969, Article 66 [comme interprété]. L'article nous dit que tout

22 traité en vigueur est contraignant pour les parties à ce traité, et ces

23 traités doivent être appliqués en toute bonne foie. L'Article 27 dit qu'une

24 partie ne peut évoquer les dispositions de son droit national pour

25 justifier son manquement à l'obligation d'appliquer lesdits traités.

Page 113

1 Par conséquent, voilà la base fondamentale que nous voyons. Il s'agit donc

2 de la convention sur le droit du traité. Il s'agit des conventions de

3 Genève, bases fondamentales qui à notre avis devrait permettre au ministère

4 publique croate de fonctionner.

5 En ce qui concerne maintenant le droit coutumier international,

6 conformément à la décision qui était prise dans le cadre de l'affaire

7 Hadzihasanovic, nous pensons qu'à l'époque concernée, en tout cas, au

8 milieu des années 1990, la responsabilité du supérieur hiérarchique faisait

9 partie -- était englobée dans le droit coutumier. Maintenant, je pense que,

10 puisque l'Article 140 fait référence direct aux traités ou aux accords

11 internationales, peut-être que quelques questions vont se poser concernant

12 le droit coutumier. Peut-être que, dans cette situation, le droit coutumier

13 ne nous aide pas beaucoup, parce qu'il y a les conventions de Genève, et

14 ses dispositions ont été adopté, ont été mises en œuvre dans le cadre du

15 droit des traités. Donc, peut-être que dans ce contexte particulier, ce

16 droit coutumier ne nous aide pas beaucoup. Toutefois, nous ne le rejetons

17 pas entièrement. Il y aura peut-être des discussions supplémentaires sur ce

18 point. Quoi qu'il en soit, sous pensons que l'application directe des

19 conventions de Genève, telles que ratifiées et adoptées par la Croatie,

20 constituent la principale base de travail.

21 En outre, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, sur la base des

22 écritures de la Croatie, et sur la base de la discussion que nous avons eu

23 aujourd'hui, il nous semble que la Croatie semble être en faveur de

24 l'application du droit croate. J'entendu tous les représentants s'exprimer

25 cet après-midi, et je crois que tout le monde a été d'accord sur ces

Page 114

1 principes, l'ami de la cour également. Je crois qu'il y a eu une réponse

2 qui a été apportée à une question du Juge Parker. Je crois que l'Ami de la

3 Cour a répondu à cette question que l'une d'ailleurs des sources ayant

4 rendue obligatoire le devoir d'agir. Cette source, c'était justement le

5 droit international coutumier.

6 Je crois que notre position est renforcée en examinant les dispositions

7 croates relatives aux crimes de guerre. En ce qui concerne ceux-ci, la

8 Croatie nous a fourni un certain nombre de documents, lorsqu'on examine

9 l'Article 120, l'Article 121, l'Article 122, l'Article 124, et cetera, tous

10 sont exprimés de la sorte : "Toute personne, en violation des règles du

11 droit international."

12 Il semble que d'après les dispositions adoptées par la Croatie et en

13 vigueur depuis 1993 qu'il y ait incorporation très explicite de la part de

14 la Croatie du droit international dans ces dispositions. A la page 3, ceci

15 a été mentionné un peu plus tôt dans des échanges entre le Juge Orie et les

16 conseils, il est mentioné que le protocole additionnel 1 de la convention

17 européenne pour la Protection des droits de l'homme, qui d'après ce que

18 nous avons compris était une citation erronée en référence au protocole 1

19 des conventions de Genève.

20 Ceci a été précisé sans rentrer dans davantage de détail, il s'agit des

21 points essentiels que nous souhaitions soulever s'agissant de l'application

22 du droit international pour ce qui est de la responsabilité des supérieurs

23 hiérarchiques.

24 Pour en revenir à une question posée par le Juge Orie, nous avons mentionné

25 brièvement ce matin, mais à la lumière des discussions d'aujourd'hui, il

Page 115

1 nous faudrait revenir sur l'Article 7(2) de la convention européenne sur

2 les droits de l'homme, où il est question du principe de la rétroactivité,

3 ceci s'applique à toute personne ayant commis un acte ou une omission qui,

4 à l'époque, était considéré comme un acte criminel à l'époque selon les

5 principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées. Il y a eu

6 certains commentaires à cet égard, selon lesquels ces actes pouvaient être

7 jugés même s'ils n'étaient pas couverts par le droit national de l'époque.

8 Nous pensons pour ce qui est de la rétroactivité que ceci ne se pose pas

9 étant donné que toutes les dispositions y afférant étaient en vigueur en

10 1993. Nous renvoyons à la Chambre, si elle souhaite se pencher davantage

11 sur la question à l'Article 7(1) de la convention européenne sur les droits

12 de l'homme.

13 Monsieur le Juge Orie, en réponse à votre question sur l'importance de la

14 théorie de la responsabilité du supérieur hiérarchique pour l'Accusation.

15 Il me faut dire que ceci est très important. Il est important de poursuivre

16 les personnes responsables de ce type d'acte, nous l'avons appris au TPIY,

17 il est important que ces personnes soient poursuivies, plus la

18 responsabilité est diluée entre les simples exécutants et les personnes

19 exerçant une responsabilité importante, il est important que les

20 dispositions visées à l'Article 7(3) s'appliquent. Toutes les personnes

21 pouvant être tenues responsables en leur qualité de supérieur hiérarchique

22 doivent être poursuivies. Comme nous l'avons dit ce matin, il s'agit d'une

23 question importante.

24 Voilà, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

Page 116

1 Je souhaite vous poser une question au sujet des arguments que vous venez

2 d'avancer. Vous dites, que le droit coutumier ne jouit peut-être pas un

3 rôle aussi important, car il existe au protocole 1 aux conventions de

4 Genève, il existe aux conventions de Genève. Pourriez-vous me préciser la

5 chose suivante. Dans l'acte d'accusation consolidé, les crimes reprochés

6 ont eu lieu dans le contexte d'un conflit armé, et non pas dans le cadre

7 d'un conflit armé international. Si je ne me trompe, le protocole

8 additionnel 1 s'applique aux conflits internationaux, par conséquent, est-

9 ce que nous ne devrions pas nous fonder sur le droit coutumier plutôt que

10 sur l'Article 86 qui ne s'applique pas directement à ce type de conflit ?

11 M. SCOTT : [interprétation] C'est exact. C'est la raison pour laquelle j'ai

12 précisé dans ma réponse que nous ne souhaitions pas complètement abandonner

13 la question du droit coutumier, car dans certains cas, et notamment, en

14 l'espèce, je pense que ceci serait important. Dans d'autres affaires qui

15 pourraient être éventuellement renvoyées par la suite, les crimes reprochés

16 auraient pu avoir lieu dans le cadre d'un conflit armé international. Je

17 suis d'accord que si nous avons uniquement un conflit armé sans l'aspect

18 international, il s'agit d'une préoccupation supplémentaire que nous

19 devrons nous efforcer de résoudre sur la base du droit coutumier.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Nous nous pencherons sur ce type

21 de problèmes par la suite s'ils surgissent dans d'autres affaires de

22 renvoi.

23 Ceci, étant dit, j'invite les conseils de la Défense à présenter leurs

24 arguments en clôture. Maître Prodanovic, c'est vous qui allez commencer. Je

25 souhaite souligner que dans les rapports supplémentaires joints au dernier

Page 117

1 mémoire de l'Accusation, le représentant de l'OSCE exprime ses

2 préoccupations concernant des pressions qui pourraient être plus fortes

3 aujourd'hui qu'elles ne l'ont été dans le passé. Dans le passé, la

4 situation était inverse, aujourd'hui, les accusés croates ont peur que les

5 pressions pourraient être telles sur le Tribunal devant lequel ils seront

6 jugés, qu'ils risqueraient d'être déclarés coupables plus facilement que

7 dans le passé. Qu'avez-vous à nous dire, Maître Prodanovic ?

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je souhaiterais savoir si vous êtes

9 d'accord avec l'application directe du droit international en tant que

10 conseil de la Défense ?

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous vouliez parler du

12 conseil de l'Accusation et non pas du conseil de la Défense ?

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voulais avoir le point de vue du

14 conseil de la Défense, si le conseil de la Défense pensait que le droit

15 international pouvait s'appliquer en l'espèce ?

16 M. PRODANOVIC : [interprétation] Juste une question, Monsieur le Président,

17 Messieurs les Juges. Est-ce que je vous ai bien compris ? Est-ce qu'il

18 s'agit là de mes arguments en clôture ? Est-ce qu'il me faut exposer tous

19 les faits, les résumer, ou est-ce que je dois répondre aux questions que

20 vous venez de me poser ?

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après avoir entendu les arguments

22 présentés aujourd'hui, vous avez la possibilité de faire vos commentaires à

23 présent. Il est inutile de réitérer les arguments qui ont été présentés par

24 écrit, mais si vous souhaitez souligner certains points vous êtes en mesure

25 de le faire. Nous vous avons simplement demandé de prêter une attention

Page 118

1 toute particulière aux deux questions que nous venons de soulever.

2 M. PRODANOVIC : [interprétation] Bien, je vais commencer par répondre aux

3 deux questions que vous venez de poser. Dans notre mémoire, nous avons

4 traité de la question qui vient d'être posée par le Juge Kwon, nous pensons

5 que les Amicus ont invoqué trois manières de résoudre les problèmes

6 juridiques, y compris la possibilité d'appliquer directement le droit

7 international en invoquant certaines dispositions de notre constitution et

8 les conventions signées par la République de Croatie avant l'époque où les

9 crimes reprochés ont été commis. Il est inutile de répéter ce que j'ai dit

10 ce matin. Nous pensons que la législation croate et le droit croate, je

11 veux parler du droit matériel, fournissent un fondement suffisant pour que

12 les crimes soient poursuivis en vertu du droit croate applicable, qu'il

13 s'agisse du code pénal lui-même ou des dispositions relatives à la

14 responsabilité du supérieur hiérarchique ou de la responsabilité indirecte

15 tel que prévu à l'Article 3, le manquement et l'obligation de punir peut

16 entrer dans le cadre du fait d'aider et encourager un crime après que

17 celui-ci ait été commis. L'Article 28 porte sur les omissions, et c'est

18 l'une des manières dont on pourrait traiter de cette question.

19 Pour ce qui est du rapport de l'OSCE et des pressions qui peuvent être

20 présentes dans l'opinion publique, et des sentiments des accusés qui sont

21 censés être jugés devant des tribunaux croates, je dois dire que,

22 personnellement, ils ne se sentiront pas plus mal qu'ils ne se sentent

23 maintenant; à savoir, tout procès, quelle que soit la situation, lorsqu'on

24 vous reproche des crimes aussi graves, et quelle que soit la juridiction

25 devant laquelle vous êtes traduit, donne lieu à des sentiments d'inquiétude

Page 119

1 et d'anxiété. Toutefois, la situation sociale dans la République de Croatie

2 a beaucoup changé au cours des dernières années. Les procès menés contre

3 des membres de la minorité Serbe sont du passé; nous pouvons présenter les

4 choses ainsi. Il s'agissait là de procès qui étaient assez courants avant

5 et qui ne respectaient pas les normes minimales acceptables pour la

6 conduite d'un procès. Nous avons déjà déclaré ce matin que l'OSCE avait

7 présenté certains faits qui sont erronés. Je pense que l'aspect temporel

8 doit être gardé à l'esprit, à savoir que certains éléments qui nuisaient au

9 bon fonctionnement du système judiciaire croate n'existent plus. Les

10 nouvelles affaires entendues par les tribunaux croates aujourd'hui montrent

11 que nous avons fait du progrès. Nous ne prendrons pas de risques plus

12 importants si l'affaire devait être renvoyée devant le tribunal de Zagreb,

13 justice sera faite, bien sûr. Ceci ne signifie pas que nous savons quelle

14 sera la sentence, il y aura un verdict de culpabilité ou un acquittement.

15 Mais nous sommes convaincus que le procès sera équitable et que la justice

16 sera faite de façon professionnelle.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tels étaient vos arguments, Maître

18 Prodanovic ? En avez-vous terminé ?

19 M. PRODANOVIC : [interprétation] Si je ne me vois pas fournir d'autres

20 possibilités de m'exprimer, peut-être ajouterais-je quelque chose; sinon,

21 peut-être pourrais-je faire quelques déclarations en clôture.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y, je vous en prie.

23 M. PRODANOVIC : [interprétation] Je ne vais pas me répéter. Je ne vais pas

24 dire grand-chose de nouveau, non plus. Toujours est-il qu'après l'audience

25 d'aujourd'hui, je suis tout à fait convaincu que les conditions préalables

Page 120

1 sont toutes remplies pour que cette affaire soit renvoyée aux autorités de

2 la Croatie, que ce soit en ce qui concerne la gravité des crimes reprochés

3 ou que ce soit en ce qui concerne la position hiérarchique occupée par le

4 général de brigade Ademi à l'époque des faits reprochés. Ce Tribunal est en

5 pleine stratégie d'achèvement, ce qui veut dire que le Tribunal ne sera pas

6 en mesure de juger toutes les affaires dont il est saisi. Je souscris

7 pleinement à la proposition faite par l'Accusation qui a présenté des

8 arguments à l'appui de sa demande. Je comprends la position ambivalente

9 dans laquelle se trouve l'Accusation. D'une part, il leur faut défendre

10 l'acte d'accusation et la gravité des accusations qui y sont portées.

11 D'autre part, ces nouveaux critères doivent être remplis. Malgré tout, il

12 me semble que la Chambre de première instance, notamment, après avoir

13 entendu les représentants de la République de Croatie et les Amici Curiae,

14 a été rassurée sur le fait de savoir que le système judiciaire croate était

15 tout à fait capable de connaître de cette affaire de façon satisfaisante.

16 Le cadre juridique est également satisfaisant, c'est-à-dire, qu'il

17 permettrait de juger cette affaire en Croatie.

18 Je vous remercie.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Prodanovic.

20 Maître Olujic, je vous écoute.

21 M. OLUJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Dans nos conclusions écrites, nous avons expliqué en détail les raisons

23 pour lesquelles nous pensons que cette affaire devrait être renvoyée devant

24 une juridiction croate pour y être jugée. Nous sommes d'accord avec les

25 arguments généraux présentés par l'Accusation.

Page 121

1 Lorsque nous nous sommes préparés pour cette audience, nous avons entendu

2 une synthèse juridique tout à fait intéressante. Nous avons entendu le Pr

3 Krapac qui nous a parlé de droit processuel et nous avons eu le

4 représentant du gouvernement de la République de Croatie, qui est un

5 spécialiste du droit matériel. Tous les arguments que nous avons entendus,

6 aujourd'hui, disent qu'il faut renvoyer cette affaire devant les tribunaux

7 croates.

8 L'un des Juges de la Chambre, et le Président de la Chambre m'ont posé la

9 question de savoir mon opinion. Je vais m'efforcer de répondre. Nous sommes

10 des juristes; la théorie est une chose, la pratique en est une autre. Il y

11 a toujours cette ombre du doute. Je crois que le dilemme qui se pose, et

12 j'entends cela comme une question d'ordre académique, ne devrait être

13 présente, cette ombre du doute, j'entends. Si nous nous penchons sur les

14 formes de culpabilité au sujet desquelles des questions ont été soulignées

15 par les Juges de la Chambre à l'intention du ministère public, ainsi qu'à

16 l'intention des représentants du gouvernement de la République de Croatie,

17 ce souci a fait partie de la question posée. Vous me permettrez d'apporter

18 mon grain de sel en quelque sorte avec ma réponse.

19 Bien sûr, dirais-je, Messieurs les Juges, juridiquement parlant, il ne

20 saurait être condamné qui que ce soit pour une culpabilité qui tempore

21 criminus suspecti n'aurait pas été qualifiée comme telle dans son pays.

22 Toutefois, la juridiction pénale de la République de Croatie a repris les

23 sanctions prévues par toutes les juridictions ou par toute la législation

24 internationale. A chaque fois qu'il y a une peine de prévue, il en est

25 prévu dans la législation croate pour les auteurs et pour ceux qui n'ont

Page 122

1 pas empêché la perpétration.

2 Maintenant, on se pose la question de savoir ce qui se passe avec le 7(3),

3 ce n'est pas explicitement mentionné. Mais, Messieurs les Juges, de la part

4 la logique des choses, non seulement en temps de guerre, et je dirais

5 surtout en temps de guerre, cela fait partie de l'institut ou de la notion

6 de co-perpétration. Ceux qui ont des attributions sont tenus d'empêcher les

7 actes de leurs soldats, et s'ils ne l'ont pas fait, ils sont devenus quoi,

8 ils sont devenus co-auteur. Pourquoi le punir ? Le punir en sa qualité de

9 co-auteur, et cela est prévu par la législation de mon pays. Le fait de ne

10 pas punir un crime fait partie du fait d'encourager la perpétration

11 d'autres crimes, et cela est aussi passible de sanctions que la

12 perpétration elle-même, notamment lorsqu'il s'agit de crimes de guerre

13 lorsque bon nombre de soldats, par exemple, voient ce que font leurs

14 commandants. Bien sûr que cela est passible d'une peine et, bien sûr, que

15 cela fait partie de la totalité de la législation sur le plan pénal en

16 Croatie.

17 Le Tribunal, les Juges ont posé la question de savoir quelle est la

18 position de la Défense concernant les rapports de l'OSCE dont nous avons

19 parlés. En ma qualité de conseil de Défense, je voudrais dire au sujet de

20 ces rapports, qu'il s'agit d'extraits de rapports en réalité, qui nous font

21 perdre la qualité de la totalité des positions parce que tout est présenté

22 sous forme de statistiques. Il n'y a pas de contexte réel. Je ne vais pas

23 être trop long, je ne vais pas vous priver de votre temps précieux, mais il

24 me semble que tous les préalables sont là pour que cette affaire au pénal,

25 qui est unique et qui comporte un acte d'inculpation à l'encontre de M.

Page 123

1 Ademi et de M. Norac, devrait être renvoyée aux tribunaux croates. Je ne

2 vais pas, pour ma part, me faire répétitif par rapport à l'énoncé des

3 motifs pour ce qui est de la surveillance à exercer qui pourra toujours, en

4 cas de besoin, faire en sorte que l'affaire soit reprise. Je ne pense pas

5 que cela soit nécessaire.

6 Bien entendu, les lois de 1993 qui sont applicables se trouvent être tout à

7 fait compatibles pour ce qui est des éléments à charge de mon client, à

8 toute réserve formulée au sujet, bien entendu, des faits et du reste,

9 choses qui s'avèreront et se révèleront dans le courant de la procédure qui

10 sera réalisée quelle que soit la sentence au final, qu'elle soit une

11 sentence d'acquittement ou de jugement.

12 Merci.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krapac, je souhaite vous

14 fournir la possibilité d'ajouter tout ce que vous jugez nécessaire à cet

15 égard. Je souhaiterais vous poser la question suivante : on nous a fourni

16 des rapports ultérieurs de l'OSCE dans lesquels il y ait fait référence à

17 la jurisprudence de la Cour suprême croate. L'affaire République de Croatie

18 contre Milijan Strunjas et une autre affaire appelée Vila Vidiva [phon].

19 Il apparaît que la Cour suprême invoquait les Articles 86 et 87 du

20 Protocole 1 des conventions de Genevève, ou plutôt, j'en ai déduit qu'ils

21 faisaient référence au Protocole plutôt qu'aux conventions elles-mêmes,

22 afin d'établir l'obligation d'agir, mais ne s'en ont pas servis comme

23 fondement direct pour engager la responsabilité pénale. Est-ce que vous

24 pourriez inclure cette question dans vos observations finales, je vous

25 prie, la Chambre vous en serait très reconnaissante.

Page 124

1 M. KRAPAC : [interprétation] Messieurs les Juges, vous êtes en train de

2 parler d'un jugement rendu par la Cour suprême de la République de Croatie

3 qui est mentionné dans le rapport de l'OSCE. Je me suis efforcé pour ma

4 part, après avoir reçu un exemplaire du rapport du procureur daté du 7

5 février, je me suis efforcé de trouver des renseignements au sujet de ce

6 jugement rendu par la Cour suprême, et la Cour suprême a une base de

7 données électroniques qui a été mise en œuvre il y a un an et demi, comme

8 cela n'a pas été complété, je n'ai pas pu retrouver le jugement en

9 question. Je n'ai pas eu le temps de me trouver un exemplaire noir sur

10 blanc, couché sur papier. Je n'ai pas ce jugement, à moins que le

11 gouvernement de la République de Croatie n'en dispose elle-même d'un

12 exemplaire.

13 Pour me préparer à intervenir, j'ai trouvé une autre décision, une décision

14 du tribunal de première instance à Bijelovar qui a été confirmée par la

15 suite par la Cour suprême de la République de Croatie et qui date de 1999.

16 Cette décision-là est étoffée de commentaires dans la littérature

17 professionnelle qui traite du droit pénal. A vrai dire, cela ne se rapporte

18 pas à la construction de la responsabilité hiérarchique eu égard à des

19 crimes de guerre, mais cela se rapporte à un délit au pénal de privation de

20 liberté grave ou de grave privation de liberté d'individus, dans laquelle

21 affaire, la culpabilité du commandant a été fondée sur les dispositions de

22 manque d'agir, à savoir, de l'omission. Cela illustre le fait que les

23 tribunaux en Croatie, tant les tribunaux de première instance que les Cours

24 suprêmes, mettent en œuvre effectivement ces dispositions relatives à la

25 responsabilité hiérarchique. Dans l'affaire en question, c'est un directeur

Page 125

1 de prison qui est condamné parce qu'il n'a pas remis en liberté une

2 personne qui a été auparavant arrêtée de façon illicite au mois de novembre

3 1991, et cette personne a fait l'objet de traitements cruels de la part des

4 gardiens. L'individu en question a été sanctionné pour un délit pénal par

5 omission.

6 Le tribunal a constaté que cet homme qui a effectivement exercé une

7 autorité au niveau de cette prison où des peines au pénal étaient purgées,

8 la victime a été détenue, et à un certain moment l'intéressé a fait cesser

9 les mauvais traitements à l'égard de personnes qui ont été attraper par les

10 gardiens alors qu'elles essayaient de fuir, mais l'individu en question a

11 omis de stopper les mauvais traitements. Quand cette deuxième personne, une

12 deuxième fois, a essayé de s'enfuir, le détenu en question a été blessé et

13 envoyé à l'hôpital.

14 Dans le jugement rendu à l'égard de ce directeur de la prison, le tribunal

15 a constaté qu'il a ignoré les avertissements relatifs à ces mauvais

16 traitements, et au fait de privation illicite de la liberté, et il a omis

17 de faire cesser ce type d'activités. Partant de ces responsabilités au

18 niveau de la police, il avait pour mission d'empêcher la perpétration

19 d'acte au pénal de la part de ses subordonnés. Comme il ne l'a pas fait, le

20 tribunal a constaté qu'il devait en répondre comme s'il en était auteur par

21 omission d'entreprendre ceux qui relevaient de ses attributions. Les

22 auteurs même, qui ont procédé à ces mauvais traitements, n'ont pas été

23 identifiés et n'ont pas pu être poursuivis eux-mêmes. Ceci est un exemple

24 de pratique judiciaire que j'ai pu me procurer en ce peu de temps qui m'a

25 été disponible.

Page 126

1 Pour ce qui est du rapport de l'OSCE, je crains que je ne puisse pas le

2 commenter, parce que je ne l'ai pas.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Y a-t-il d'autres questions que

4 vous souhaiteriez aborder ?

5 M. KRAPAC : [interprétation] Est-ce une sorte de propos de clôture de la

6 part de l'ami de la Chambre ?

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Veuillez prendre le temps

8 nécessaire pour évoquer toutes les questions que vous jugerez utile de

9 soulever.

10 M. KRAPAC : [interprétation] Peut-être me suis-je trompé dans la façon dont

11 je me suis exprimé, parce que dans le droit en matière de procédure, les

12 propos de clôture sont une forme d'allocution qui est donnée, la

13 possibilité de prononcer aux parties, et c'est ensuite aux Juges qu'il

14 appartient de décider. Pour ce qui est des amis de la Chambre, cela n'est

15 pas du tout nécessaire. Il n'est définitivement pas nécessaire de

16 convaincre quelqu'un ou d'essayer de convaincre quelqu'un de quelque chose,

17 alors que c'est un ami qui essaie de le faire savoir. Je vais essayer de

18 faire passer le message sur deux segments, très brièvement.

19 Notre opinion, Messieurs les Juges, c'est que la décision du Procureur de

20 proposer l'application, la mise en œuvre de l'Article 11 bis, ne signifie

21 pas la mise en œuvre de critères nouveaux pour ce qui est de sélectionner

22 les poursuites judiciaires de ceux qui seront poursuivis ici, et de ceux au

23 sujet desquels l'on renoncera aux poursuites. Le représentant du bureau du

24 Procureur, M. Scott, a dit lui-même, aujourd'hui, qu'au cas où il y a

25 aurait une décision de renvoi, il sera procédé de façon très attentive de

Page 127

1 la part du bureau du Procureur une surveillance de ce qui se passe au

2 niveau de l'affaire et des modalités suivant lesquels le ministère public

3 en Croatie agit dans le traitement de cet affaire. Pour ce qui est des

4 préoccupations aux termes desquels on pourrait comprendre qu'il s'agit-là

5 d'une renonciation à l'affaire aux fins d'aboutir à des économies dans le

6 traitement des affaires, je crois que cela ne tient pas debout. Il faut le

7 dire, non pas seulement pour nous ici, mais plus encore pour l'opinion

8 publique d'une manière générale. Cela, c'est d'un.

9 De deux, Messieurs les Juges, j'ai pour opinion, toujours et encore, celle

10 que j'ai essayé de vous laisser entendre lorsque j'ai cité l'opinion du

11 Juge Orie pour ce qui est des commentaires des statuts de Rome. Je suis

12 toujours de l'avis suivant : votre décision de renvoi éventuel de cet

13 affaire vers les autorités de la République de Croatie en application du 11

14 bis, ne constituera que, et je vais citer en anglais :

15 "Dont le bon fonctionnement dépendra, en définitive, des principaux

16 protagonistes, notamment des Juges." Par conséquent, si aujourd'hui, au

17 travers de ces débats, nous avons parlé des éléments de confiance à l'égard

18 des juges en République de Croatie, notamment, à l'égard des juges au sein

19 de ces quatre tribunaux spécialisés qui ont suivi une formation appropriée,

20 qui ont suivi des stages avec des représentants du TPIY et autres

21 participants, je serais alors d'avis que la décision que vous prendrez,

22 Messieurs les Juges, dans cette affaire, la décision que vous êtes appelés

23 à prendre devrait, à mon avis, être aisée à prendre.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai oublié de poser quelques petites

25 questions au cours de la séance précédente.

Page 128

1 Monsieur Krapac, je suis désolé de vous avoir posé autant de questions,

2 peut-être que la représentant de la Croatie souhaitera répondre également à

3 mes questions.

4 Page 8, fin du premier paragraphe, vous faites référence au crime qui

5 consiste à aider l'auteur d'un crime, après que le crime a été commis, et

6 le manquement à l'obligation de rendre compte de ce crime. Pourriez-vous

7 nous dire quelle est la grille des peines envisageables pour ce type de

8 crime d'après les dispositions en vigueur ?

9 M. KRAPAC : [interprétation] Si je puis me le permettre, Monsieur le Juge

10 Kwon, j'aimerais citer les dispositions de cette loi de 1993, et dans

11 l'affirmative, je proposerais de me référer à l'Article 22 qui s'énonce

12 comme suit : "A toute personne qui aiderait quiconque dans l'exécution d'un

13 délit pénal, cette personne serait punie comme si elle l'avait perpétré

14 elle-même ou pourrait bénéficier d'une peine moins lourde."

15 Au cas où le tribunal déclarait quelqu'un coupable d'avoir aidé --

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Krapac, vous parlez de la loi

17 pénale de Croatie, la FCSC, Article 116, et au code pénal de la Croatie,

18 Article 176. Si vous ne pouvez pas trouver ces Articles, vous pouvez nous

19 les transmettre plus tard.

20 M. KRAPAC : [interprétation] J'avais l'intention de me référer à l'Article

21 120, justement, que vous venez de mentionner. Mais l'Article 22 qui se

22 rapporte à l'aide à la perpétration fait partie des dispositions générales

23 de la loi, or le 120 et les articles suivants font parties du segment, du

24 volet, qui parle des peines imparties.

25 Si vous me permettez, j'aimerais ajouter une phase : "Le juge, qui déclare

Page 129

1 quelqu'un coupable d'avoir aidé quiconque à perpétrer un délit au pénal, a

2 la possibilité de prononcer à son encontre une peine égale à celle de

3 l'auteur lui-même." Si l'Article 120, pour l'auteur, prévoit au moins cinq

4 ans ou 20 ans de prison, le juge peut le sanctionner de quelque peine que

5 ce soit dans cette intervalle-là.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez votre mémoire d'ami

7 de la Chambre sous les yeux ?

8 M. KRAPAC : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je souhaiterais attirer votre attention

10 sur la page 8 de votre rapport. Premier paragraphe dans la version en

11 anglais, vous parlez de l'Article 116 du FCSC, et vous mentionnez également

12 l'Article 176 du CAC du code pénal croate.

13 M. KRAPAC : [interprétation] C'est exact. Je me suis concentré sur la

14 question principale qui se rapportait à ceux qui aidaient les auteurs de

15 crimes, et la possibilité de les sanctionner. S'il est possible d'établir

16 une relation de causalité, il y a cette référence qui j'ai faite.

17 Maintenant, vous vous référez à l'autre cas où cela n'est pas possible.

18 Dans cet autre cas, le comportement de la personne concernée tombe sous la

19 coupe d'un autre délit au pénal, et je me réfère notamment à l'Article 116

20 que vous avez mentionné précisément vous-même. Si vous ne l'avez pas sous

21 les yeux ou si vous n'en disposez pas, je peux vous en donner lecture. Or,

22 si vous estimez que cela n'est point nécessaire, nous pouvons vous le

23 communiquer ultérieurement. J'ajouterais que la peine en application de

24 l'Article 116 va de un an à dix ans d'emprisonnement.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

Page 130

1 Ma question suivante, s'agissant de la période maximale de phase préalable

2 au procès ou de détention préventive, si j'ai bien compris, et corrigez-moi

3 si je me trompe, cette limite s'applique également à la période de 12

4 mois ?

5 M. KRAPAC : [interprétation] Oui. En application de la réglementation

6 actuelle de procédures pénales, il y a des limites de temps imparti pour la

7 durée totale de ce que vous qualifiez la détention préalable au procès

8 jusqu'au prononcé de verdict. Ce qui fait que ces délais de détention

9 provisoire sont comptés à double titre. Dans cette procédure préalable, il

10 y a un délai, et pour le procès tout entier, depuis le début de la

11 procédure jusqu'au prononcé de sentence, il y a un délai final et total

12 pour la durée de l'affaire. A notre avis, nous avons dû suggérer que ce

13 délai dans la procédure préalable, s'agissant de la détention avant le

14 début du procès, on pourrait le compter ou le décompter en application des

15 dispositions de la loi portant sur les obstacles à poser ou les entraves à

16 poser à la corruption et au comportement criminel, cela serait ce qui se

17 rapporterait à la procédure préliminaire.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soyons clairs : est-ce qu'il faut que le

19 procès se termine dans des délais précis à compter de l'arrestation de

20 l'accusé ?

21 M. KRAPAC : [interprétation] Non.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ma dernière question est la suivante :

23 pourriez-vous, je vous prie, examiner la page 17 de votre mémoire, ou

24 plutôt, le passage qui m'intéresse commence en bas de la page 16. Ceci

25 entre dans le cadre du résumé de vos arguments. Là, vous dites :

Page 131

1 "Cependant, il n'y aurait aucun problème en vertu du droit croate existant

2 à l'époque pour condamner un commandant en raison du manquement à son

3 obligation d'empêcher un crime si tant est qu'il connaissait, qu'il savait

4 que le crime était en préparation. Même s'il ne le savait pas, mais si le

5 crime commis par ses subordonnés était prévisible, sa responsabilité peut,

6 malgré tout, être engagée sur le fondement du type de culpabilité appelé

7 négligence délibérée."

8 M. KRAPAC : [interprétation] Je pense que oui parce que nous nous sommes

9 efforcés, en deux ou trois phrases, de résumer ce que nous avons rédigé au

10 sujet de l'actus reus du mens rea pour ce qui est de la responsabilité du

11 supérieur hiérarchique.

12 Si je puis me permettre d'ajouter autre chose. La question cruciale qui se

13 posera ici est celle des éléments de preuve. Le ministère public de Croatie

14 aura-t-il à sa disposition des éléments de preuve qui démontreront qu'il y

15 a possibilité de déterminer le fait que le commandant savait que des délits

16 étaient en cours de préparation ou en cours d'exécution, voire, même s'il

17 ne le savait pas, avait-il pu le savoir, avait-il pu prévoir que les délits

18 de cette nature pourraient être commis. Si le Procureur dispose d'éléments

19 de preuve illustrant cette possibilité, le tribunal n'aura aucune entrave

20 pour ce qui est de la prise d'une décision en ce sens.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

22 Professeur.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krapac, j'ai un peu honte de

24 moi. Vous avez attiré notre attention à deux reprises sur des déclarations

25 que j'ai faites. Je pense que les parties sont en droit de connaître le

Page 132

1 contexte. Je souhaite préciser dans quelle circonstance j'ai déclaré cela,

2 ce qui a été cité. Cela m'aidera également quand mes souvenirs ne seront

3 pas très clairs à ce sujet, non plus. Je suis sûr que la citation était

4 exacte. Je souhaiterais enfin demander aux représentants de la République

5 de Croatie de s'adresser à la présente Chambre de première instance, et je

6 m'adresse au Pr Horvatic.

7 Peut-être pourrais-je vous demander d'être plus précis s'agissant d'une

8 déclaration que vous avez faite. Vous avez fait référence à une déclaration

9 ou à un document que je ne connais pas, mais à deux reprises, vous avez dit

10 : En grande partie, ces problèmes sont couverts par le droit croate. Ce qui

11 me préoccupe, c'est : qu'est-ce qui se passe pour ceux qui ne sont pas

12 couverts par le droit croate. Je vous ai invité un peu plus tôt à nous

13 fournir un complément d'information concernant les statistiques relatives

14 au fonctionnement des tribunaux croates eu égard aux critiques exprimées

15 par l'OSCE. Nous avons pris connaissance de votre approche générale, mais

16 si vous disposez d'information plus détaillée, je vous ai demandé de nous

17 fournir des informations supplémentaires concernant l'application pratique

18 de la législation adoptée en terme de protection de témoins. Veuillez

19 poursuivre.

20 M. HORVATIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie pour

21 votre question.

22 Pour ce qui est des statistiques, personnellement, et en tant que

23 représentant du gouvernement, je pense que des données statistiques sont

24 parfois présentées de telle façon qu'elles ne sont pas toujours fiables, ne

25 permettent pas toujours de fournir une réponse. A chaque fois, cela

Page 133

1 constituait pour moi des éléments d'information. Je suis tout à fait contre

2 les données statistiques, surtout si je regarde le chiffre des

3 condamnations ou des acquittements. Si on utilise ceci pour fonder un

4 jugement, je ne suis pas d'accord. Vous savez qu'en regardant le dossier

5 dans son ensemble, et ce n'est qu'au vu du jugement d'un tribunal, est-ce

6 qu'on peut faire des commentaires de type scientifique sur la manière dont

7 la loi est appliquée, surtout lorsque certains rapports, comme ceux qui

8 sont précisés ici, par le jugement en première instance. Dans la République

9 de Croatie, ces jugements en deuxième instance, c'est-à-dire, les jugements

10 rendus par la Cour suprême sont annulés ou infirmés. Je crois qu'il ne

11 s'agissait pas là d'une critique contre le jugement rendu par le tribunal

12 de première instance, mais plutôt l'expression de la manière dont

13 fonctionne le système judiciaire en Croatie, et que la décision finale

14 revient à la Cour suprême.

15 Le nombre d'affaires qui ont été jugées par les tribunaux croates

16 pourraient être divisées, comme nous l'avons entendu ce matin et au début

17 de l'après-midi, en deux phases. La deuxième phase qui couvre les deux ou

18 trois dernières années, il est difficile d'être plus précis à cet égard en

19 matière de jours et de mois. Là, je crois qu'il s'agit d'une approche tout

20 à fait différente, dans ce cas-ci, qui est la conséquence directe ou qui

21 résulte directement d'un niveau d'étude de l'accomplissement du système, et

22 je crois que la Croatie, en ces termes-là, est disposée à répondre aux

23 exigences de l'état de droit. Même si c'est un jeune pays, dès le jour de

24 son accession à l'indépendance, a clairement indiqué que c'était un pays

25 mûr en matière de pouvoirs exécutifs et de pouvoirs législatifs en

Page 134

1 particulier.

2 Pour ce qui est de la protection de témoins, je prends la liberté d'attirer

3 votre attention sur ce rapport. Le 2 janvier de cette année, et à la page

4 15, sous le titre, je cite ici le texte de loi : "La loi portant sur la

5 protection des témoins datant du 1er octobre 2003, et de la Gazette du

6 peuple, 163." Tous les articles contiennent, ici, je dois dire, et je suis

7 tout à fait convaincu que du fait que cette loi est non seulement conforme

8 à d'autres actes semblables dans d'autres pays, mais il s'agit, là, d'un

9 texte de loi qui est conforme à l'esprit et au comportement et aux sources

10 sur lesquelles s'appuie ce Tribunal.

11 Ce texte de loi portant sur la protection de témoins --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai peut-être pas été assez précis

13 lorsque je vous ai posé la question. La loi est très claire en ce sens.

14 Ceci a été présenté de façon très détaillée, c'est un annexe qui cite

15 toutes les mesures de protection provisoires et définitives, ou lorsqu'il

16 s'agit de l'appliquer dans un autre pays. Mais la question porte surtout

17 sur ceci, et je ne sais pas si je vous ai déjà posé la question, Monsieur

18 le Professeur Krapac, parce que je n'en ai pas parlé beaucoup, je parle de

19 l'application de la loi, ce qui est utilisé dans la pratique, quelles en

20 sont les conséquences et les résultats. C'est cela qui m'intéresse

21 davantage, c'est l'application de ceci.

22 M. HORVATIC : [interprétation] Oui. Je dois dire que le ministère de

23 l'Intérieur et le ministère de la Justice, qu'à l'intérieur de ceci, un

24 service particulier a été mis en place aux fins de veiller à l'application

25 de cette loi. Différentes affaires liées à des cas de crimes organisés,

Page 135

1 d'autres affaires liées à des crimes de guerre ont été étudiées. Je suis

2 sûr que ces affaires sont renvoyées devant nos tribunaux, je suis sûr que

3 si la question de la protection de témoins se pose, c'est alors que cette

4 loi sera véritablement appliquée. L'Etat croate a donné ses assurances, et

5 a dit que cette loi sera appliquée dans les faits et concrètement. Cela est

6 dans notre intérêt, par opposition à d'autres textes de loi qui sont peut-

7 être moins importants. Nous avons quelques difficultés à mettre en place

8 certaines lois portant sur les questions financières et économiques. Cette

9 loi est certainement une priorité pour nous.

10 Je puis saisir l'occasion pour répondre à d'autres questions qui m'ont été

11 posées par le Greffe.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que j'ai cru comprendre, d'après

13 ce que vous dites, que l'Accusation, à la page 5, dans ses écritures du

14 mois de janvier, a précisé que ce système législatif n'avait pas encore

15 fait ses preuves ? Autrement dit, ceci pourrait être vrai jusqu'à un

16 certain point. Il s'agit ici du premier cas de renvoi d'une affaire, et

17 qu'il s'agit de faire les preuves et de voir si ce texte législatif sur la

18 protection de témoins peut effectivement être appliqué. Vous étiez assez

19 vague lorsque vous avez répondu à mes questions en disant que des affaires

20 de crimes organisés ou des crimes de guerre avaient déjà été traitées,

21 j'entends par là, si le système fonctionne ou si ceci a été appliqué, mis

22 en œuvre par ce comité. Combien de demandes de renvoi vers vos tribunaux

23 portant sur les crimes de guerre ont été déposées ?

24 M. HORVATIC : [interprétation] A mon sens, il y a deux demandes de ce type,

25 ces demandes ont ensuite été rejetées car les témoins ne sont pas

Page 136

1 présentés, pour autant que je m'en souvienne à propos des affaires de

2 crimes de guerre.

3 Mais le service de Protection des témoins qui a été créé, qui permet de

4 protéger l'identité de ces mêmes témoins, ce service fait partie du

5 ministère de l'Intérieur et du ministre de la Justice, et est disponible et

6 peut fonctionner normalement si une telle requête, comme dans cette

7 affaire, est déposée. L'Etat croate garantie que la loi sera mise en œuvre.

8 Nous n'avons pas suffisamment de recul pour comprendre si, oui ou non,

9 cette loi a été appliquée ou non. Nous avons eu trois cas de prévention

10 contre les crimes au moment où cette loi a été appliquée. Je crois que nous

11 savons exactement ce qui nous reste à faire le moment venu.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

13 M. HORVATIC : [interprétation] Pour ce qui est de la question posée par le

14 Greffe sur le transfert du dossier, ainsi que tous les moyens de preuve,

15 une réponse a été donnée, réponse partielle. Il s'agit ici de l'Article 11

16 bis qui est visée ici, et comme vous l'avez dit à juste titre, l'Accusation

17 est tenue de fournir au tribunal en question tous les éléments et, en

18 particulier, les éléments à l'appui de l'acte d'accusation. A savoir à qui

19 ces éléments seront remis, et de quelle manière, nous répondons aujourd'hui

20 en disant que ceci sera remis au procureur de la République de Croatie.

21 Nous sommes, néanmoins, quelque peu septique à l'égard de communication de

22 moyens de preuve par des moyens électroniques, car ceci peut poser un

23 certain nombre de difficultés, difficultés auxquelles nous sommes déjà

24 confrontés. L'équipe de la Défense nous en a déjà fait part, l'équipe de la

25 Défense qui travaille dans ce Tribunal. Parfois, il y a tellement de

Page 137

1 documents, que la communication, la photocopie, et la sélection de ces

2 documents peut être un problème. Ce que je propose, c'est que l'Accusation

3 et nos procureurs puissent tomber d'accord là-dessus, et peut-être par

4 l'intermédiaire d'un officier de liaison pour voir comment ceci peut être

5 effectué.

6 Pour finir, la question des témoignages de personnes bénéficiant d'une

7 immunité. Cela n'est peut-être pas quelque chose qui agré à ce Tribunal si

8 je dis que : si ce cas devait se présenter, nous avons des instruments

9 juridiques que nous pourrons utiliser dans ce cas. Mais je pense que le

10 système judiciaire croate, comme l'a fait par le passé avec des personnes

11 qui avaient l'immunité diplomatique qui auraient pu témoigner dans d'autres

12 affaires qui n'ont aucun lien avec celle-ci, la justice croate a été très

13 prudente et a préféré ne pas appeler ce témoin et le mettre dans une

14 position où il ne bénéficiait pas de sa diplomatie ou de l'entendre dans un

15 contexte où il ne bénéficiait pas de cette immunité diplomatique. Je pense

16 que l'affaire doit être débattue si la question se présente.

17 Pour finir, je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit le Pr Krapac,

18 l'Amicus est encore représentant du gouvernement. Je souhaite également

19 proposer comme plaidoirie à la fin de cette journée fatigante, et pour

20 vous, et pour nous, j'aimerais dire dans ce prétoire, que quel que soit

21 l'aboutissement de tout ceci, et la décision que vous allez rendre,

22 j'espère que la décision que vous allez rendre ce sera une décision en

23 faveur de l'Accusation, à ce moment-là, nous pourrions faire un pas en

24 avant en direction de l'application de ce droit pénal international, et je

25 puis vous assurer que toutes les personnes qui s'intéressent à la question,

Page 138

1 et cette Chambre de première instance, en particulier, je puis vous assurer

2 que la République croate reprendra l'acte d'accusation et reprendra cette

3 affaire en ayant pleine connaissance de toutes ces responsabilités. Nous

4 sommes dans l'obligation d'agir ainsi, mais l'élément, qui à mes yeux,

5 revêt la plus grande importance est celui qui figure au paragraphe (F) de

6 l'Article 11 bis, à savoir : "A aucun moment après qu'une ordonnance ait

7 été rendue conformément à cet article et avant que tribunal national ne

8 condamne ou n'acquitte l'accusé en question, la Chambre de première

9 instance peut à la requête du Procureur -- et à la demande du Procureur, et

10 après avoir donné aux autorités de l'état en question les assurances que

11 cette personne a été entendue," révoquer cette ordonnance et faire une

12 demande formelle de dessaisissement -- de renvoi au terme de l'Article 10 -

13 - si ceci -- annuler l'ordonnance et demander officiellement le

14 dessaisissement au terme de l'Article 10. Si ceci devait se produire et que

15 le gouvernement croate et son système judiciaire fera tout ce qui est en

16 son pouvoir pour éviter ceci, car ceci enverrait des signaux très négatifs

17 au Tribunal de La Haye, avec tout le respect que je vous dois, ceci serait

18 très mauvais pour l'image de la justice croate. C'est avec de façon très

19 sérieuse et en étant tout à fait conscient de la responsabilité qui nous

20 incombe nous prenons part à cette initiative à laquelle nous nous sommes

21 engagés et ces différentes affaires seront réparties entre nos différents

22 tribunaux. J'espère que ceci contribuera au progrès de l'humanité, nous

23 espérons ainsi que les atrocités qui ont été commises au cours de ces

24 crimes de guerre et ces crimes contre l'humanité ne se reproduiront pas.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup Professeur Horvatic.

Page 139

1 Puis-je vous demander un point de clarification ? Vous avez dit eu égard à

2 l'immunité et en réponse à une des observations qui ont été faites par le

3 représentant du Greffe, vous avez dit : "La question du témoignage par des

4 personnes bénéficiant de l'immunité, si cela n'est pas acceptable pour ce

5 Tribunal je dois dire que nous utiliserions les instruments juridiques à

6 notre disposition pour ce faire."

7 Je n'ai pas très bien compris ce que vous avez dit lorsque vous avez fait

8 référence à ce tribunal s'il s'agit du tribunal croate, et je ne sais pas

9 quels sont ces instruments juridiques dont vous disposez. Pourriez-vous

10 nous en fournir une explication, s'il vous plaît ?

11 M. HORVATIC : [interprétation] Un représentant du Greffe de ce tribunal a

12 posé un certain nombre de questions, parmi ces questions qui portaient sur

13 la question du renvoi a cité le témoignage de certaines personnes

14 bénéficiant d'immunité de ce tribunal quand bien même ces témoins devaient

15 venir témoigner devant un tribunal croate dans le cadre de ces affaires. Ma

16 réponse a été de dire qu'il y a certains cas où ces témoins bénéficiaient

17 d'une immunité mais pas dans les cas des crimes de guerre aux crimes contre

18 l'humanité, car quelque fois, ils font l'objet d'insultes, et nous avons

19 tout fait pour que les questions soient posées à les personnes qui

20 bénéficient d'une immunité. Je pense qu'il ne faut pas insister là-dessus,

21 et il ne faut pas insister pour que de tels témoins viennent témoigner à

22 moins que cela revête une importance capitale pour établir soit la

23 culpabilité soit l'innocence de l'accusé en question. Nous n'allons pas

24 demander la levée de l'immunité des personnes qui vont venir témoignage. Je

25 dois également préciser qu'on ne peut pas anticiper sur tout mais que nous

Page 140

1 agirions conformément à notre loi. Donc c'est quelque chose qui ne m'est

2 jamais venu à l'esprit jusqu'à présent, mais comme le représentant du

3 Greffe l'a précisé, j'estimais que c'était de mon devoir d'en parler.

4 Il y avait d'autres questions administratives comme la question de

5 l'officier de liaison, je crois que tout ceci peut être résolu de façon

6 assez simple. Je crois qu'il suffit simplement d'entrer en contact avec le

7 ministère de la Justice ainsi que le procureur de la république, et nous

8 avons déjà coopéré de cette manière. Nos avocats se sont rendus utiles et

9 ont échangé des informations avec le Procureur. Je crois qu'avec le

10 téléphone et la messagerie électronique, on peut facilement régler ce genre

11 de problème.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, il y a peut-être un malentendu.

13 Monsieur Rohde, j'ai peut-être mal interprété vos commentaires. Si c'est le

14 cas, dites-le moi, s'il vous plaît.

15 Je comprends fort bien que c'est la politique des Nations Unies que

16 d'inscrire tout ceci dans des instruments et des salariés des Nations Unies

17 pour -- s'il s'agit des salariés des Nations Unies c'est important

18 d'assurer la sécurité, c'est important qu'ils ne soient pas gêner

19 lorsqu'ils doivent remplir leurs obligations à l'avenir. Il est important

20 que les Nations Unies demandent avant de citer à la barre un témoin qui est

21 un membre des Nations Unies que la levée de l'immunité soit faite. C'est ce

22 qui s'est passé dans ce Tribunal si vous faites attention aux intérêts des

23 uns et des autres, les Nations Unies, en général, font très attention et

24 tiennent compte des besoins du Tribunal lorsqu'ils entendent les témoins.

25 C'est ce que nous avons -- c'est l'expérience que nous avons ici au sein de

Page 141

1 ce Tribunal, et c'est en général -- on constate qu'on parvient à un accord

2 et que le Tribunal rendra ou communiquera les éléments nécessaires à la

3 prise de décision et dans -- il fera particulièrement attention pour

4 sauvegarder la sécurité de ces salariés des Nations Unies. Monsieur Rohde,

5 si j'ai mal compris votre position, faites-le-moi savoir, s'il vous plaît.

6 M. ROHDE : [interprétation] Vous avez tout à fait interprété ceci

7 correctement. Ce qui est important néanmoins c'est que la Croatie reconnaît

8 l'immunité et c'est eux -- également que la possibilité existe de déroger

9 à cette immunité.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Rohde.

11 Je pense que tout a été dit, toutes les questions ont été posées. On a

12 répondu à toutes les questions qui ont été posées. Tout ce que nous avons

13 jugé utile, questions et réponses ont été posées et données.

14 Etant donné que je ne vois personne qui dit "non," je souhaite terminer

15 cette audience. Nous avons prêté attention à toutes les exigences inscrites

16 dans l'Article 11 bis de ce Tribunal, en particulier, la gravité et le

17 niveau de responsabilité. Il y a d'autres points que nous n'avons pas

18 abordés car il semble être découlés de source. Nous avons également prêté

19 une attention particulière à la question de l'application du droit positif

20 croate, si dans le cas où, cette affaire serait renvoyée devant ce tribunal

21 croate, à savoir si ce droit peut -- substantif, en mesure de tenir compte

22 du type de comportement, type de responsabilité de l'accusé en question,

23 qui est accusé devant ce Tribunal-ci. Nous avons passer beaucoup de temps

24 et à discuter du droit pénal croate, à niveau théorique et à niveau

25 concret, et nous avons abordé la question de savoir s'il avait atteint le

Page 142

1 niveau qui permettrait à ce Tribunal de renvoyer des affaires devant ces

2 juridictions-là, eu égard aux rapports qui existent entre cette

3 institution, le TPIY, et les tribunaux croates une fois qu'un affaire

4 serait renvoyé devant un tribunal croate. Mais, pour l'instant, aucun

5 jugement définitif n'a été rendu à cet égard. La Chambre de première

6 instance remercie les différentes parties pour leurs arguments, permettant

7 ainsi à la Chambre de préparer sa décision. Je remercie également les

8 représentants du gouvernement croate, le Pr Horvatic, M. Muljacic, et M.

9 Milevoj. Nous vous remercions d'avoir répondu aux questions qui vous

10 avaient été posées par la Chambre de première instance, et finalement la

11 Chambre de première instance souhaite remercier le Pr Krapac pour avoir

12 accepté de jouer le rôle d'amicus aujourd'hui. Nous le remercions pour ses

13 observations. Il comprend fort bien l'importance de son rôle, à savoir,

14 celui d'un Ami de la Chambre. Il ne s'agit pas de plaidoiries, il s'agit

15 simplement des arguments définitifs qui permettent d'attirer l'attention

16 des Juges de la Chambre sur ces questions-là.

17 Nous vous invitions, Monsieur le Professeur Krapac, ainsi qu'au Pr Damaska.

18 Nous vous remercions d'avoir ainsi contribué à la préparation du mémoire de

19 l'Amicus Curiae.

20 Je souhaite également attirer l'attention des parties, ainsi que des

21 représentants du gouvernement croate, et des Amici Curiae, que l'Article 11

22 bis a été modifiée le 11 février, et cette modification a été publiée le 15

23 février. Donc, il n'est pas encore entré en vigueur. Ce serait le 22

24 février. Simplement pour votre information.

25 La Chambre va se pencher sur la question, et va délibérer. Elle vous fera

Page 143

1 savoir si une décision a été rendue ou non, ou si la Chambre de première

2 instance a besoin d'autres éléments complémentaires avant de rendre sa

3 décision.

4 L'audience est levée.

5 --- L'audience est levée à 16 heures 28.

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25