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1 Le jeudi 4 décembre 2008
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans ce
7 prétoire et autour de celui-ci.
8 Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame et Monsieur le Juge.
10 Bonjour à toutes et à tous. Affaire IT-04-81-T, le Procureur contre M.
11 Perisic.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
13 Est-ce que les parties peuvent se présenter à commencer par
14 l'Accusation.
15 M. THOMAS : [interprétation] Bonjour, Madame et Monsieur. Barney
16 Thomas, Rafael La Cruz et Carmela, au nom de l'Accusation.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
18 Et pour la Défense, ce sera.
19 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes. Milos
20 Androvic, Tina Drolec, sont nos assistants. Daniela Tasic et Novak Lukic
21 défendent les intérêts de l'accusé.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Lukic.
23 Permettez-moi de noter ceci : le Juge David avait d'autres engagements
24 aujourd'hui, ce qui fait qu'aujourd'hui nous appliquerons l'applique 15 bis
25 du Règlement et que nous siégerons en formation complète.
26 Bonjour, Monsieur Koster.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un simple rappel. Vous êtes toujours
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1 sous le coup de la déclaration solennelle que vous avez faite en début
2 d'audition. Vous devez dire la vérité, toute la vérité et rien que la
3 vérité.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le sais et je m'en souviens. Je vous
5 remercie.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
7 LE TÉMOIN: EELCO CHRISTIAN MARTIN JODOCUS KOSTER [Assermenté]
8 [Le témoin répond par l'interprète]
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez la parole, Maître Lukic.
10 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Contre-interrogatoire principal par M. Lukic : [Suite]
12 Q. [interprétation] Monsieur Koster, bonjour. Mon interrogatoire ne va pas
13 durer encore longtemps aujourd'hui. Si vous vous en souvenez, avant-hier, à
14 la fin de l'audience, je vous ai posé quelques questions au sujet de votre
15 entretien avec le général Mladic et vous avez dit quelles étaient les
16 instructions que vous avez reçues de votre centre d'Opérations, à savoir
17 qu'il fallait les transmettre au général Mladic pour que celui-ci entre en
18 contact avec votre officier supérieur, M. Karremans.
19 Ma première question est la suivante : avez-vous appris si ces deux hommes
20 étaient entrés en contact effectivement ? L'avez-vous appris par la suite ?
21 R. Lorsque j'ai dit au général Mladic qu'il devait contacter mon
22 commandant, le commandant Karremans, il a décidé --
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous ne recevons pas d'interprétation.
24 Je pense que le témoin avait dit beaucoup plus de choses que ces simples
25 mots.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Koster, désolé, mais je vous
28 demande de répéter.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas de problème. Pour répondre à votre
2 question, je dirais ceci : j'ai dit au général Mladic qu'il devait
3 contacter mon commandant. Il a décidé de ne pas le faire, il est resté sur
4 place avec moi. Je ne sais pas donc pas si par la suite il a établi ce
5 contact mais quand il était avec moi, il n'a pas établi de contact avec mon
6 commandant.
7 M. LUKIC : [interprétation]
8 Q. Pendant les journées à suivre, est-ce que Karremans est venu à Potocari
9 ?
10 R. Le commandant Karremans, effectivement, à un moment il est venu à ma
11 position mais à ce moment-là le général Mladic, lui, il n'y était plus.
12 Q. Le jour même lorsque vous avez rencontré M. Mladic, je parle de la
13 première rencontre ?
14 R. Non. Le commandant Karremans n'est pas venu ce jour-là à la position
15 que j'occupais. En tout cas, ils n'ont pas eu de contact là, là où j'étais
16 sur ma position.
17 Q. Non. Ma question était la suivante : Ce jour-là, lorsque vous avez eu
18 ce premier contact avec M. Mladic et lorsque vous lui avez dit qu'il
19 fallait qu'il entre en contact avec M. Karremans, dites-moi si par la suite
20 M. Karremans s'était rendu à Potocari, donc dans la journée même après le
21 départ de Mladic ?
22 R. Oui, le commandant Karremans, à un moment donné, est venu là où
23 j'étais. Je ne sais plus si c'était le même jour ou si c'était le
24 lendemain.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je veux être sûr que je suis bien les
26 échanges.Monsieur Koster, n'est-il pas vrai que M. Karremans se trouvait
27 dans la même base à Potocari que vous, mais qu'il se trouvait dans un autre
28 bâtiment ailleurs que là où vous étiez avec le général Mladic, ou est-ce
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1 que je saisis mal la situation ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que vous dites est tout à fait juste. Moi,
3 je me trouvais avec les réfugiés de la base, et j'étais à l'extérieur et
4 lui il était à l'intérieur, ce qui veut dire qu'il n'était pas sur la
5 position que j'occupais, moi.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et nous parlons de la base de Potocari
7 ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Juge.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Parce que ce n'est pas comme ça que
10 j'avais compris votre question. Quand vous avez dit, est-ce qu'il est venu
11 à Potocari, c'est ça que je n'avais pas compris.
12 M. LUKIC : [interprétation] Parce qu'après avoir vu d'autres comptes rendus
13 d'audience, j'avais compris que M. Karremans à l'époque se trouvait à
14 Srebrenica. Mais nous venons d'apprendre du témoin quelle était la
15 situation et c'est pour ça que j'ai posé cette question. Mais maintenant
16 les choses ont été tirées au clair.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
18 M. LUKIC : [interprétation]
19 Q. Monsieur Koster, vous avez quitté l'enclave de Srebrenica, à savoir
20 Potocari avec le dernier convoi; je pense que c'était le 21 juillet, n'est-
21 ce pas ? Mais ma question, n'est-ce pas ?
22 R. Effectivement, j'ai quitté l'enclave avec le dernier convoi, mais quant
23 à vous dire la date exacte, là je ne m'en souviens plus.
24 Q. Ce n'est pas très important. Ma question est la suivante : est-ce que
25 vous vous souvenez si M. Karremans avait quitté l'enclave avec vous avec ce
26 dernier convoi ?
27 R. Oui.
28 Q. Maintenant j'aimerais vous montrer une partie du compte rendu
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1 d'audience de votre déposition, lorsque vous avez déposé pour certifier et
2 confirmer l'acte d'accusation dressé à l'encontre de MM. Karadzic et
3 Mladic. Et j'aimerais que ce document soit affiché dans le système de
4 prétoire électronique. Il s'agit de la page 16, et la pièce P383. Donc vous
5 avez répondu à la question du juge Odio Beneto. C'est en bas de la page :
6 "Est-ce que votre équipe avait demandé de l'aide à ses supérieurs ou aux
7 supérieurs de l'OTAN et de la FORPRONU de façon à faire face à cette
8 situation d'urgence ?"
9 Et votre réponse était : "Je ne le savais pas."
10 Question : "Est-ce que vous avez reçu du renfort avant ou après le 11
11 juillet ?"
12 Vous avez répondu par la négative.
13 R. Est-ce qu'il y a un petit problème en matière de traduction. Je suis
14 désolé, il y avait un petit problème, je n'ai pas vraiment compris la
15 question. Auriez-vous l'obligeance de la répéter.
16 Q. Voilà. Vous avez le compte rendu d'audience qui figure à l'écran devant
17 vous, à la ligne 16 il est dit : "Avez-vous, votre équipe, demandé de
18 l'aide auprès de vos supérieurs ou auprès du commandement supérieur ou
19 auprès de l'OTAN ou auprès de la FORPRONU afin de faire face à cette
20 situation d'urgence ?"
21 Votre réponse était : "Je ne le savais pas non -- je ne l'ai pas demandé,
22 non."
23 Et question : "Avez-vous demandé d'aide additionnelle avant ou après le 11
24 juillet ?"
25 Et votre réponse était : "Non."
26 R. Oui, maintenant je m'en souviens d'avoir répondu cela.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais quelle était votre question,
28 Maître ?
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1 M. LUKIC : [interprétation] Justement, je voulais poser la question. Mais
2 je voulais d'abord citer cette partie du compte rendu d'audience.
3 Q. Ma question est la suivante : est-ce que M. Karremans ou un autre de
4 vos supérieurs au sein de votre unité, est-ce que quiconque vous a dit
5 qu'après le 11 on avait demandé une intervention de la part de l'OTAN
6 compte tenu de la situation - et je pense surtout au nombre de réfugiés qui
7 étaient venus à Potocari.
8 R. Je ne me souviens pas. A l'époque, j'étais très occupé avec la
9 situation que j'avais sur ma position, je ne me souviens pas si j'en ai
10 parlé avec mes supérieurs.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'est pas la question. Ce n'est pas
12 de savoir si vous avez eu des contacts avec vos supérieurs. La question qui
13 vous a été posée c'est de savoir si un quelconque de vos supérieurs, que ce
14 soit Karremans ou quelqu'un d'autre de l'unité, vous a dit qu'à l'époque,
15 lorsqu'on parle de cette période du 11 juillet, on demande ou on avait
16 cherché à obtenir l'intervention de l'OTAN ou de la FORPRONU vu la
17 situation. Est-ce que Karremans vous a fait rapport, vous a parlé du fait
18 qu'il aurait demandé de l'aide à quelqu'un d'autre ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens plus aujourd'hui, j'en suis
20 désolé, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
22 Poursuivez, Maître.
23 M. LUKIC : [interprétation]
24 Q. Maintenant, j'aimerais vous poser une question portant sur un autre
25 sujet et cela a trait à votre déposition déjà faite et cela a trait aux
26 documents qui sont déjà versés en l'espèce.
27 Vous avez dit que le 13 dans l'après-midi, vous avez appris qu'à proximité
28 de la base se trouvait environ neuf cadavres, ensuite vous vous êtes rendu
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1 sur place avec votre collègue, Van Shaik. Est-ce que vous vous souvenez, où
2 étiez-vous physiquement parlant lorsque vous avez appris cette information
3 ?
4 R. Cette information je l'ai obtenue de deux façons. J'en ai entendu
5 parler quand je me suis trouvé brièvement sur la base et aussi lorsque par
6 la suite je me trouvais sur ma position avec les réfugiés.
7 Q. Est-ce que vous vous souvenez si c'était les réfugiés qui vous l'avait
8 dit ou c'était quelqu'un de vos collègues, c'est-à-dire l'un des membres de
9 votre unité qui vous l'avait dit ?
10 R. Je me souviens que j'ai eu des contacts à la base même avec mes
11 collègues qui me l'ont dit à ce moment-là. Ils ont dit qu'il y avait des
12 rumeurs qui circulaient à ce propos. Je ne sais plus de façon sûre si
13 j'étais après lorsque j'étais de retour à ma position avec les réfugiés à
14 l'extérieur de la base, si les réfugiés me l'ont dit également en plus de
15 ce que m'avaient dit mes collègues.
16 Q. Vous êtes resté dans la base de Potocari jusqu'au dernier jour, lorsque
17 le dernier convoi est parti - nous n'allons pas maintenant fixé la date
18 précise lors de votre déposition précédente - c'est vous qui avez en fait
19 mentionné la date du 21 juillet, mais ce n'est pas important.
20 Ma question est la suivante : une fois que l'évacuation de civils était
21 terminée, est-ce que vous vous souvenez quand est-ce que tous les civils
22 étaient partis de la base de Potocari ?
23 R. Une précision. Vous parlez des réfugiés qui se trouvaient à l'extérieur
24 de la base ou vous parlez de tous les réfugiés, ceux qui étaient à
25 l'intérieur comme à l'extérieur ?
26 Q. Je pense à l'évacuation complète, y compris ceux qui étaient au sein de
27 la base.
28 R. Ceux qui se trouvaient à l'extérieur de la base, bien, je me souviens
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1 que c'est le 13 que ça s'est passé. A ce moment-là je suis retourné dans la
2 base, puis quand on m'a dit ou lorsque j'étais revenu à l'extérieur de la
3 base, on m'a dit qu'ils avaient été évacués à ce moment-là. Mais pour ce
4 qui est de ceux qui se trouvaient à l'intérieur, je ne sais plus exactement
5 quand les derniers sont partis.
6 Q. Mais par rapport à votre départ, dites-moi, est-ce que pendant
7 plusieurs jours vous vous êtes retrouvé tout seul dans la base ou pas ?
8 R. Non. Non.
9 Q. Est-ce que vous vous souvenez qu'il y avait un groupe de personnes
10 blessées qui, une fois que les réfugiés étaient évacués, ces personnes
11 blessées étaient évacuées également grâce à l'aide de certaines
12 organisations internationales ?
13 R. Oui, je m'en souviens.
14 Q. Et après cette évacuation, donc la majorité de ces gens étaient à
15 l'extérieur de la base, donc le 13, et une fois que l'évacuation a été
16 finie vous avez repris vos travaux afin d'organiser le départ définitif de
17 la base, n'est-ce pas ?
18 R. Exact.
19 Q. Avant de partir définitivement de l'enclave, avez-vous eu des séances
20 d'information régulières telles que vous aviez eues avant ces événements ?
21 R. Je ne sais pas si ça c'est passé tous les jours. J'ai été gardé au
22 courant de la situation, mais je ne sais pas si ça c'est fait tous les
23 jours ces briefings.
24 Q. Lorsque vous dites que vous étiez informé j'imagine que vous avez une
25 sorte de réunion où les commandants s'étaient réunis et vous procédiez à un
26 échange d'information. C'est ainsi que je conçois le terme de "briefing."
27 R. Effectivement, mais je ne peux pas vous dire si nous avons eu un
28 briefing journalier.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais est-ce que c'est comme ça que ça
2 s'est passé ? Est-ce qu'il y a eu un groupe d'officiers qui étaient
3 informés par quelqu'un d'autre, mais éventuellement un supérieur
4 hiérarchique, ou bien est-ce que vous avez reçu des informations par voie
5 écrite sous forme de notes où que vous fussiez trouvé ? Parce que je pense
6 que c'était là la quintessence de la question qui vous a été posée.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être que je dois préciser. Effectivement,
8 il y a eu des informations qui nous ont été données sous forme de briefing,
9 si c'est ça que vous voulez dire, Monsieur. Mais aussi oralement, et je ne
10 peux pas vous dire à quelle fréquence j'ai eu ces briefings ni combien de
11 fois où à quelle fréquence j'ai eu ces contacts verbaux avec mes
12 supérieurs.
13 M. LUKIC : [interprétation]
14 Q. Avant ces événements, vous aviez tous les jours, deux fois par jour, en
15 fait, des briefings, une fois avant-midi et l'autre fois dans l'après-midi,
16 donc vous procédiez à ces briefings régulièrement, n'est-ce pas ?
17 R. Oui, je me souviens de cela.
18 Q. Lors de ces briefings, vous procédiez à un échange d'information et
19 donc les officiers présentaient des informations, et les officiers
20 supérieurs également confiaient des missions à leurs subalternes, n'est-ce
21 pas ?
22 R. Effectivement.
23 Q. Lorsque vous étiez dans l'enclave après ces événements et jusqu'au jour
24 où vous avez quitté définitivement l'enclave avec le dernier convoi et avec
25 les membres de votre unité, vous n'avez jamais entendu parler de massacres,
26 de meurtres, ou d'autres crimes commis sur le territoire de Potocari,
27 Srebrenica, et dans toute l'enclave, n'est-ce pas ?
28 R. Pendant cette période, il y a eu diverses rumeurs qui ont circulé, mais
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1 officiellement, s'agissant de rapports officiels qui nous auraient été
2 donnés pendant le briefing, rien, si ce n'est ce que moi j'ai vécu moi-même
3 en ma propre expérience, par exemple, ces neuf corps que j'ai trouvés.
4 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche à l'écran de
5 nouveau une partie de la pièce P383, page 17.
6 Q. Où vous avez répondu à la question posée de Mme le Juge Beneto, ligne
7 6. Je donnerai lecture en anglais. "Avez-vous entendu parler de massacre
8 commis par des soldats serbes sur des Musulmans à Potocari, Bratunac,
9 Srebrenica ou aux alentours de ces endroits à l'époque ?
10 Réponse : Non, c'est seulement le mercredi que j'ai appris qu'il y avait
11 des rumeurs qui concernaient huit ou neuf cadavres.
12 Question : A l'issue de ces journées-là est-ce que vous avez entendu parler
13 de massacre qui aurait été commis ?
14 Réponse : Non, c'est seulement quand je suis rentré que je l'ai appris par
15 les nouvelles."
16 Et ma question est la suivante : est-ce que vous voulez dire lorsque vous
17 êtes rentré aux Pays-Bas que vous en avez entendu
18 parler ? C'est ça ma question.
19 R. Oui.
20 M. LUKIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le Juge.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Lukic.
22 Monsieur Thomas, avez-vous des questions supplémentaires ?
23 M. THOMAS : [interprétation] Oui.
24 Nouvel interrogatoire par M. Thomas :
25 Q. [interprétation] Rebonjour, Mon Colonel.
26 R. Bonjour.
27 Q. Mardi, mon estimé confrère vous a posé une question.
28 M. THOMAS : [interprétation] Elle se trouve à la page 22 554 du compte
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1 rendu d'audience, Madame et Monsieur le Juge, ligne 18.
2 Q. On vous a demandé si au cours de la réunion que vous avez eue ou de la
3 rencontre que vous avez eue avec le général Mladic, vous aviez eu une
4 quelconque raison de soupçonner qu'il n'allait pas emmener les réfugiés en
5 lieu sûr. Vous avez répondu que vous aviez des raisons de douter de ce
6 qu'il allait effectivement les installer ailleurs dans de bonnes
7 conditions.
8 Vous vous souvenez de cette question qui vous a été posée
9 mardi ?
10 R. Oui, je me souviens de cette question.
11 Q. Est-ce que vous ou d'autres éléments du DutchBat saviez que vous aviez
12 ces préoccupations ?
13 R. Oui. Nous avons exprimé ces préoccupations d'ailleurs. Et finalement
14 ces soucis on a pu les matérialiser lorsque, effectivement, il y a eu
15 séparation des femmes et des hommes parmi les réfugiés. Nous avons essayé
16 dans la mesure du possible de faire monter le plus d'hommes possibles dans
17 les camions et dans les autocars.
18 Q. Quand vous dites "des hommes," vous parlez de quels hommes que vous
19 avez essayé de faire monter dans les camions et les
20 autocars ?
21 R. C'était les hommes qui avaient été sélectionnés parmi les réfugiés et
22 par les soldats serbes de Bosnie, et là, nous avons essayé d'en faire
23 monter le plus possible dans les camions et dans les autocars.
24 Q. Comment vous y êtes-vous pris pour le faire ?
25 R. Ce n'est pas facile, parce que c'est seulement oralement, en discutant,
26 que nous avons essayé de libérer ces hommes, de les éloigner des soldats,
27 de les faire éloigner des soldats serbes de Bosnie pour les diriger vers la
28 masse de réfugiés, pour les mélanger. Ça réussit parfois, mais malgré tout
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1 quelquefois ces hommes ont été repris de la masse pour être emmenés à cette
2 maison appelée la "maison blanche" et c'était difficile.
3 Q. Quand vous dites discussion, quel genre d'arguments avez-vous utilisés
4 ?
5 R. Par exemple, en ce qui me concerne, c'était un peu plus facile pour mes
6 collègues militaires, parce que j'ai pu utiliser mon grade et j'ai pu dire
7 que j'étais pas d'accord pour qu'on sépare, pour qu'on amène ces hommes. Et
8 quelquefois la discussion était assez animée et ça a quand même eu un
9 certain effet sur les soldats serbes de Bosnie. Et en utilisant aussi les
10 doutes qu'avaient ces soldats serbes de Bosnie, j'ai réussi à ce que des
11 hommes plus jeunes et quelques-uns plus âgés soient dégagé, puis que je
12 puisse les faire aller dans la direction des bus. Parce que j'ai essayé de
13 faire comprendre que je n'étais pas d'accord pour qu'on sépare les hommes
14 des femmes.
15 Q. Est-ce que vous ou d'autres soldats du DutchBat vous aviez des
16 préoccupations, vous vous inquiétiez du sort qu'allait être celui des gens
17 qui se trouvaient déjà dans les autocars ?
18 R. Oui, de deux façons. Il y avait d'abord ce souci, qu'est-ce qui va
19 arriver à ces gens, parce que ce n'était vraiment pas très clair. On ne
20 savait pas où ces gens allaient être emmenés, dans quelle direction ces
21 autocars allaient aller. Puis la deuxième source, c'est de savoir qu'est-ce
22 qu'on allait faire d'autre, parce qu'on ne nous a rien dit et c'est pour ça
23 qu'on était inquiet.
24 Q. Est-ce que vous ou d'autres officiers du DutchBat vous avez entrepris
25 quoi que ce soit pour essayer de remédier à ces préoccupations ?
26 R. Oui. On a essayé de veiller à ce que dans chaque autocar, dans chaque
27 camion il y ait au moins un soldat du DutchBat qui permettait d'avoir un
28 certain contrôle de la direction qu'allait prendre ces véhicules et de ce
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1 qu'on allait faire de ces gens. Je me souviens que ça a marché pour un des
2 premiers autocars. Mais que pour les autres véhicules après, mes hommes,
3 ils ont simplement été conduits. On ne les a pas laissés rester dans les
4 autocars.
5 Q. Qui est-ce qui les a éconduits ?
6 R. Les soldats serbes de Bosnie les ont éloignés. Ils ne voulaient pas
7 qu'il y ait avec ces transports de réfugiés des soldats du DutchBat.
8 Q. Vous avez essayé de veiller à ce qu'il y ait des éléments du DutchBat.
9 Est-ce que outre cette mesure vous en avez pris
10 d'autres ?
11 R. Oui. Finalement, nous avons essayé d'escorter les réfugiés avec le plus
12 d'ordre possible en direction des bus. Une fois sur place, près des
13 autocars ou des camions, et lorsqu'ils ont commencé à quitter la position,
14 on a essayé de les accompagner. Pourquoi ? Parce que d'abord les Serbes,
15 les soldats serbes de Bosnie les ont frappés, leur ont asséné des coups, et
16 nous avons essayé de nous interposer pour éviter cela et pour être le plus
17 possible sur place pour créer une espèce de contrôle. Ce n'était pas
18 facile, parce qu'on n'avait pas beaucoup d'hommes.
19 Q. Lorsque les gens étaient déjà dans les véhicules et que les véhicules
20 s'apprêtaient à partir, est-ce que vous ou d'autres éléments du DutchBat
21 vous avez fait quelque chose à ce stade ?
22 R. Je n'ai pas bien compris la question, excusez-moi. Est-ce que vous
23 pourriez la répéter ?
24 Q. Une fois les bus remplis, les autocars remplis, alors qu'ils étaient
25 prêts à partir ou certains étaient déjà partis, est-ce que vous ou d'autres
26 éléments du DutchBat, vous avez fait quelque chose d'autre ?
27 R. Oui, effectivement. On a fait un rapport du fait que les autocars
28 s'apprêtaient à partir. En plus de ça, on a essayé d'escorter l'évacuation.
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1 Il y avait une Jeep ou deux qui pouvaient le faire, puis nous avons
2 protesté auprès du commandant local des Serbes de Bosnie qui était présent.
3 Nous avons dit qu'il fallait attendre qu'on puisse escorter ce convoi de
4 réfugiés, qu'on soit présent, mais ça ne s'est pas fait.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ici je vois un terme, "opsum" [phon].
6 Vous avez dit quelque chose, Monsieur Koster, dans votre réponse page 13,
7 ligne 6, si vous regardez l'écran que vous avez devant vous.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, nous avons fait rapport à "ops room."
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La salle des opérations. Merci
10 beaucoup.
11 M. THOMAS : [interprétation]
12 Q. Soyons clairs. Vous dites qu'il y avait des jeeps qui essayaient
13 d'escorter les autocars, c'étaient quelles jeeps, elles appartenaient à qui
14 ces jeeps ?
15 R. Les nôtres, celles du DutchBat.
16 Q. Est-ce qu'il y a des jeeps qui ont réussi à partir en même temps que
17 les autocars ?
18 R. On n'avait pas beaucoup de jeeps ni non plus de chauffeurs, vraiment on
19 n'en avait très, très peu. Si je me souviens bien, on a essayé - mais je ne
20 sais plus si nous avons réussi - je pense qu'on a essayé pour le premier
21 convoi. Pour ce qui est des autres convois, on a, en fait, empêché les
22 jeeps de les accompagner.
23 Q. Qui les empêchait de partir ?
24 R. Par les soldats serbes de Bosnie qui n'aimaient pas que les jeeps
25 puissent escorter les camions et les autocars.
26 Q. Savez-vous ce qu'il est advenu de ces jeeps une fois qu'elles ont été
27 arrêtées par les soldats serbes de Bosnie ?
28 R. Non, tout ce que je sais c'est qu'ils les ont retenus, mais je ne sais
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1 pas quel sort leur a été réservé.
2 M. THOMAS : [interprétation] Je vous remercie infiniment, Mon Colonel, je
3 n'ai pas d'autres questions à poser.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
5 Questions de la Cour :
6 Mme LE JUGE PICARD : Monsieur Koster, j'ai une ou deux autres questions au
7 sujet des cadavres que vous avez vus. Vous avez dit que vous aviez vu huit
8 à neuf cadavres ?
9 R. C'est tout à fait juste, Madame le Juge.
10 Mme LE JUGE PICARD : C'était avant que les réfugiés arrivent ou au moment
11 où ils étaient avec vous déjà ?
12 R. Deuxième option, pendant que les réfugiés se trouvaient déjà là où je
13 me trouvais.
14 Mme LE JUGE PICARD : Et ces cadavres, c'étaient des cadavres de soldats ou
15 civils ?
16 R. C'était les corps de civils.
17 Mme LE JUGE PICARD : Vous avez une idée de la façon ils avaient été tués ou
18 c'était impossible de le savoir ?
19 R. J'ai trouvé ces civils et il y avait des traces ou de coups de fusil,
20 de balle dans le dos, mais je ne sais pas exactement de quelle façon ils
21 ont été tués.
22 Mme LE JUGE PICARD : D'accord. Je vous remercie.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce qu'il y a des
24 questions qui découlent des questions posées par Mme le Juge ?
25 M. THOMAS : [interprétation] Une seule question, peut-être pour apporter
26 une précision sur le sujet.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y.
28 M. THOMAS : [interprétation] Vous avez plusieurs documents relevant de
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1 l'article 92 ter qui ne contiennent pas ce qui a été dit dans une audition
2 précédente à propos des neuf cadavres. Ce n'est pas une question qui a été
3 posée au colonel Koster pendant l'interrogatoire principal. La raison en
4 est que ceci est un des faits admissibles que vous trouvez dans la liste
5 des faits admis à propos de Srebrenica qui était déposée auprès de la
6 Chambre. Je voulais simplement vous en aviser, vous expliquer pourquoi vous
7 n'allez pas trouver cette question dans la liasse des documents. En ce qui
8 concerne les parties, ceci ne nécessite pas la présentation d'élément de
9 preuve puisque ça a été admis.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
11 Vous êtes en mesure de le confirmer, Maître Lukic ?
12 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous êtes probablement
13 au courant du fait que pour ce qui est de la Défense, nous avons toujours
14 un problème non résolu, à savoir quelle est la version finale de l'accord
15 conclu portant sur les faits admis. Et vous savez que ces faits ont été
16 traités en tant que faits adjugés. Mais je souhaite encore en parler avec
17 le Procureur et cet incident est avant -- nous voudrions en fait que cet
18 incident soit traité en tant que fait adjugé.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc vous n'êtes pas d'accord pour le
20 dire de façon brève avec votre confrère pour dire qu'il s'agit d'un fait
21 admis ? Ceci doit être réglé entre les parties.
22 M. THOMAS : [interprétation] Est-ce que je pourrais intervenir sur ce point
23 ? Ce sera très court.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'il convient que vous nous
25 entendions ? Allez-y.
26 M. THOMAS : [interprétation] Manifestement, il y aura quelques difficultés
27 qui vont se poser, Madame et Monsieur le Juge, si la Défense souhaite
28 maintenant laisser entendre que ce qui avait été déposé au dossier comme
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1 étant un fait admis ne l'est plus. Par exemple, on a le colonel Koster
2 qu'on présente, parce qu'on se dit qu'il n'est pas nécessaire que le témoin
3 parle de ces faits puisqu'ils ont été convenus.
4 Maintenant, il me semble comprendre que la Défense - d'ailleurs on en a
5 discuté - elle veut changer son fusil d'épaule, elle veut que ce fait
6 convenu devienne un fait adjugé ou admis, mais pour le moment rien n'a été
7 présenté à cet égard. Qu'est-ce qu'il nous reste dès lors ? Ce sont des
8 faits convenus qui ont été déposés au dossier.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous interromps, Monsieur Thomas,
10 et je vais vous dire pourquoi je le fais. Parce que si les parties
11 discutent encore de la question de savoir si le statut de ces faits doit
12 être modifié, je veux croire qu'à ce stade les parties n'ont pas
13 l'intention d'en informer la Chambre. Et je pense que la Chambre ne tient
14 pas à être informée de ces discussions. A ce stade de la procédure, la
15 question qui se pose c'est celle-ci : le Juge Picard a posé des questions.
16 Vous expliquez pourquoi vous n'avez pas abordé ce sujet quelle abordait,
17 elle, pendant votre interrogatoire principal, et vous avez dit parce que
18 c'était un fait convenu, ce sur quoi la Défense n'est pas d'accord. La
19 seule chose à régler maintenant, voilà : regardez, nous avons déposé des
20 faits convenus. Ce qui va se passer entre les parties, si elle veut le
21 changer le statut donné à ces faits, c'est quelque chose qui reste à régler
22 entre les parties et la Chambre ne veut pas en être avisée.
23 M. THOMAS : [interprétation] Je comprends. Je voudrais simplement dès lors
24 consigner que pour l'heure, nous disons qu'il s'agit de faits convenus.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est ce que vous dites. Votre
26 confrère dit autre chose. C'est tout ce qu'on peut faire pour le moment.
27 M. THOMAS : [interprétation] Sauf que ceci, le dossier montre que ce sont
28 des faits convenus, ce sont des écritures déposées conjointement.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si vous voulez en parler, si vous
2 voulez déposer des écritures, faites-le, vous avez toute latitude pour le
3 faire, que ce soit maintenant ou à un moment qui vous convient.
4 M. THOMAS : [interprétation] Ce que j'essayais de dire, c'est que dans
5 l'éventualité où le statut de ces faits convenus en viendrait à être
6 modifié, l'Accusation se réserve le droit de rappeler le colonel Koster.
7 Par exemple, la question des neuf corps devient une question en litige.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Tout à fait. Mais je suis sûr que vous
9 allez en discuter avec Me Lukic.
10 M. THOMAS : [interprétation] Tout à fait.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
12 Maître Lukic, est-ce que vous avez des questions à poser au témoin à la
13 suite des questions posées par les Juges.
14 M. LUKIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
16 Monsieur Koster, je vous remercie. Vous en avez fini avec votre témoignage.
17 Je souhaite vous remercier d'avoir fait le déplacement pour témoigner
18 devant ce Tribunal. Je vous libère. Je vous souhaite bon voyage. Je sais
19 que vous êtes déjà dans votre pays. Ça sera d'autant plus facile, mais il
20 neige dehors.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
23 [Le témoin se retire]
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Thomas.
25 M. THOMAS : [interprétation] Nous n'avons pas d'autres témoins sur la liste
26 d'aujourd'hui. Voilà tout ce que nous pouvons vous proposer aujourd'hui. Je
27 comprends du greffe qu'il y a peut-être des questions de procédure que vous
28 souhaiteriez évoquer suite au témoignage de M. Koster, en tout cas c'est le
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1 message qui nous avait été transmis dans la semaine.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je me souviens en avoir parlé,
3 effectivement, mais je dois dire que je ne sais plus ce que c'était. Je
4 suis sûr qu'on y reviendra en temps et en heure. Merci.
5 Monsieur Lukic, vous voulez nous dire quelque chose ?
6 M. LUKIC : [interprétation] Je ne peux que vous rappeler, Monsieur le
7 Président, que la Défense devait faire connaître sa position sur les trois
8 questions de la Chambre relativement au 98 bis. Nous avons présenté une
9 motion en réponse, je ne pense pas qu'il faille en parler maintenant.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais de quoi parlez-vous ? Quelles
11 trois questions ? Les visites sur les sites; c'est ça les 98 bis ? Ecoutez,
12 je pense que les Juges de la Chambre reviendront sur le sujet
13 ultérieurement. Dans ce cas-là, je ne sache pas qu'il y ait grand-chose de
14 plus à traiter ce jour. Dans ce cas-là, la séance est levée jusqu'au mardi
15 9, 14 heures 15, salle d'audience numéro II. La séance est levée.
16 --- L'audience est levée à 14 heures 58 et reprendra le mardi 9 décembre
17 2008, à 14 heures 15.
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