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1 Le mardi 29 septembre 2009
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à tout le monde. Monsieur le
7 Greffier, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
9 Bonjour à tous et à toutes. Affaire IT-04-81-T, le Procureur contre Momcilo
10 Perisic.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Qui est présent aujourd'hui à
12 l'audience.
13 M. SAXON : [interprétation] Dan Saxon, April Carter et Carmela Javier au
14 nom de l'Accusation.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
16 Pour la Défense, ce sera.
17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
18 Bonjour à tous. Daniela Tasic, Chad Mair, Tina Drolec, Novak Lukic, Gregor
19 Guy-Smith; nous représentons les intérêts de M. Perisic.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
21 Monsieur le Témoin, Monsieur Tucker, je vous rappelle simplement que vous
22 êtes toujours sous le coup de la déclaration que vous avez faite hier, qui
23 était de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
24 Je vous remercie d'avance.
25 Maître Guy-Smith, hier juste au moment où nous levions l'audience, vous
26 vous êtes adressé à nous. Je voulais confirmer ceci. Est-ce que je vous ai
27 bien compris ? Vouliez-vous que le témoin vous remette un exemplaire des
28 renseignements qu'il a reçus ?
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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour quelle raison demandez-vous cela
3 ?
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] Afin que je sois à même de juger si les
5 informations --
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non pas à quelle fin mais pour quelle
7 raison ?
8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Parce que ce sont des informations
9 essentielles pour la préparation de notre Défense et pour le contre-
10 interrogatoire.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien --
12 M. GUY-SMITH : [interprétation] En application de l'article 21 du Statut,
13 la Défense a le droit de recevoir des éléments d'information, notamment ce
14 qu'a témoigné le témoin. Et s'il est nécessaire de procéder au contre-
15 interrogatoire sur ces sujets, il faut prendre les éléments. La seule façon
16 d'avoir ces éléments, c'est d'avoir des éléments qui sont à la base, et le
17 témoin affirme avoir ces éléments de renseignement.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais vous ne savez pas si on lui
19 a donné ces éléments oralement, par écrit, sous forme d'un enregistrement.
20 Vous ne pouvez pas établir cela. Il vous a donné la teneur de ces
21 renseignements; c'est tout.
22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Si je comprends votre décision --
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous dis ce n'est pas une décision.
24 C'est une discussion. Nous avons un débat.
25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Et si je vous ai bien compris, je n'ai pas
26 le droit d'avoir des renseignements. Je ne comprends ce que vous voulez
27 dire, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin vous a dit avoir reçu des
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1 renseignements. Vous pouvez vous demander ce que c'est, mais vous aviez dit
2 que vous vouliez une copie de ces renseignements.
3 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pourrais en parler au moment du contre-
4 interrogatoire, mais j'ai une question et je vous demande des instructions.
5 A supposer que les renseignements qu'il a reçus - et je ne vais pas parler
6 de "renseignements," je vais parler d'"information" pour le moment, parce
7 que je pense que des renseignements, dans le monde militaire, c'est quelque
8 chose de bien particulier - mais les renseignements qu'il a reçus, s'ils ne
9 sont pas simplement oralement, je vais demander à les avoir pour vérifier
10 si ce qu'il a dit dans son témoignage est exact.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et moi ce que je vous dis, c'est qu'à
12 moins que le témoin n'ait lu un document pour raviver ses souvenirs, dans
13 le prétoire ou pas, vous n'avez pas le droit de les avoir. Il vous dit
14 simplement ce qu'il a reçu, à moins que vous ne me donniez des raisons
15 juridiques.
16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je veux être tout à fait clair, parce que
17 je pense que c'est assez important.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, tout à fait. C'est très
19 important.
20 M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que si un témoin parle, pendant son
21 audition, de documents qu'il a lus - que ne possède pas la Défense et ne
22 peut pas avoir à sa disposition, l'Accusation n'a pas non plus - vous
23 n'avez pas droit de voir ce document ?
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous n'avez pas le droit d'utiliser un
25 document que le témoin n'a pas utilisé à l'audience, à moins que vous me
26 donniez des raisons juridiques.
27 M. GUY-SMITH : [interprétation] Prolongeons le raisonnement.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, ici on ne peut pas
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1 se lancer dans des conjectures.
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce qui m'inquiète, c'est ceci --
3 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] -- c'est parce que si la question surgit,
5 s'il y a effectivement un document de ce genre, vu ce que vous avez dit,
6 plutôt que d'avoir de nouveau une longue discussion, à ce moment-là, je
7 pense que, vu ce que vous avez dit jusqu'à présent, si je vous comprends
8 bien, ceci restreint directement la portée du contre-interrogatoire.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non. Vous avez le droit de le contre-
10 interroger sur tout ce qui était soumis à l'examen des Juges. Si le témoin
11 apporte un document, vous avez parfaitement le droit de l'examiner, mais
12 s'il l'a utilisé d'une façon ou d'une autre.
13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais je pense que votre décision entrave la
14 capacité que nous avons à contre-interroger ce témoin. Je pense que la
15 question se posera. Au moment du contre-interrogatoire, nous verrons si
16 c'est bien un document ou des documents ou d'autres formes par lesquelles
17 il a reçu ces informations qu'il utilise aujourd'hui.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Effectivement. Je me rends compte
19 qu'hier quand vous avez formulé cette requête, je me suis rendu compte que
20 la Chambre avait énoncé un précédent dangereux, semblait donner
21 l'autorisation à la Défense de demander au témoin ou si nous lui avons
22 demandé de mettre à disposition ce journal.
23 Je vais vérifier ceci avec vous. Lorsque Mme Carter vous interrogeait hier,
24 est-ce que vous avez lu une partie de votre journal ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous n'avez pas l'obligation de donner
27 ce journal dès lors à qui que ce soit.
28 Madame Carter, poursuivez.
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1 Mme CARTER : [interprétation] Pouvons-nous passer quelques instants à huis
2 clos partiel, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
5 [Audience à huis clos partiel - [Confidentialité levée par une ordonnance
6
7 Mme CARTER : [interprétation] Vu ce que vous venez de déclarer, Monsieur le
8 Président, je ne suis plus très sûre. Est-ce que ce journal doit être
9 communiqué à Me Guy-Smith ?
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non.
11 Mme CARTER : [interprétation] Non. Très bien.
12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je tiens à donner acte du fait que nous
13 faisons vigoureusement objection à cela, parce que j'ai déjà plaidé dans
14 d'autres procès ici, notamment aussi dans les procès où a plaidé Me Lukic,
15 lorsqu'il y a eu des questions portant sur des journaux évoqués par un
16 témoin, indépendamment de cette question d'après mes souvenirs - je dis
17 d'après mes souvenirs, parce que ici je ne veux pas faire d'erreur de droit
18 ni de fait - chaque fois que ce fut le cas, la Défense a été autorisée aux
19 fins du contre-interrogatoire --
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais indépendamment de quelle
21 question?
22 M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez moi. Qu'est-ce que vous disiez
24 là ?
25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Indépendamment de la question que vous avez
26 présentée qui était de savoir si le témoin avait utilisé telle ou telle
27 mention ou rubrique dans ce journal. S'il y a un document qui a un effet
28 direct sur les faits que doit trancher la Chambre, un effet direct sur les
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1 circonstances de la déposition du témoin, à ce moment-là, à votre humble
2 avis --
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, la Chambre a pris
4 une décision
5 M. GUY-SMITH : [interprétation] A notre humble avis, ce serait une
6 violation flagrante des droits de l'accusé.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre a pris une décision.
8 M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre a pris une décision.
10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
12 Poursuivez, Madame Carter.
13 Mme CARTER : [interprétation] Votre décision n'est pas [comme interprété]
14 très claire. Il ne sera pas nécessaire de demander le huis clos partiel. Un
15 instant, s'il vous plaît, Monsieur le Président. Est-ce que vous me donnez
16 l'autorisation de consulter mon confrère ?
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
18 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
19 Mme CARTER : [interprétation] Vu la décision de la Chambre, nous ne
20 demandons pas de huis clos partiel. Nous demandons la poursuite de
21 l'interrogatoire du témoin en audience publique. Et nous allons demander à
22 ce que l'échange qui vient d'avoir lieu soit rendu public, parce que si
23 nous demandions le huis clos partiel, c'était pour évoquer toute éventuelle
24 question de sécurité et défense d'intérêt national. Mais vu votre décision,
25 ce ne sera pas nécessaire.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Fort bien.
27 Nous pouvons revenir en audience publique. Et la Chambre ordonne que
28 les échanges qui se sont déroulés à huis clos partiel soient rendus
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1 publics.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience
3 publique.
4 [Audience publique]
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, Madame Carter.
6 LE TÉMOIN : PYERS TUCKER [Reprise]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 Interrogatoire principal par Mme Carter : [Suite]
9 Q. [interprétation] Hier au moment où nous nous sommes arrêtés, vous étiez
10 en train de discuter du sujet du convoi auquel vous avez participé, le
11 général Morillon et vous. Pourriez-vous nous expliquer comment a pris
12 naissance ce convoi ?
13 R. Pourriez-vous me rappeler de quel convoi vous parlez ?
14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Il s'agit du convoi des 27 et 28 mars.
15 Mme CARTER : [interprétation] Merci.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De quelle année ?
17 Mme CARTER : [interprétation] 1993.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
19 Mme CARTER : [interprétation]
20 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire comment s'est créé ce
21 convoi ?
22 R. Le convoi d'aide du HCR qui était arrivé à Srebrenica le 27 ou le 28,
23 c'était un convoi transportant des produits alimentaires venant de Belgrade
24 qui était passé par Zvornik pour arriver à Srebrenica. Il a vu le jour en
25 raison des pressions exercées sur les Serbes de Bosnie pour que ceux-ci
26 autorisent l'acheminement de l'aide humanitaire à Srebrenica.
27 Q. À quel genre de pressions pensez-vous ?
28 R. Il y a d'abord les réunions, les demandes formulées par le général
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1 Morillon aux dirigeants serbes de Bosnie; et deuxièmement, il y avait de
2 très fortes pressions internationales qui s'exerçaient en même temps qu'un
3 vif intérêt des médias dans le monde entier. A l'époque, les médias
4 s'intéressaient beaucoup à la situation qui prévalait dans l'enclave et
5 autour de l'enclave, aux événements qui s'y déroulaient, surtout autour de
6 Srebrenica.
7 Q. Je parlerai d'abord de la pression internationale pour voir ensuite les
8 médias. Pour ce qui est de la pression internationale, qu'est-ce qui se
9 passait en mars 1993 ?
10 R. N'oubliez pas que j'étais à Belgrade ou à Srebrenica. Alors pour ce qui
11 est de la pression internationale, je pouvais uniquement lire la presse. Et
12 j'avais beaucoup de travail, donc je n'ai pas pu tout lire. Pour ce qui est
13 des détails, bien sûr, il faudra que vous voyiez ce qu'il en est de la
14 pression internationale. Je ne peux pas vous en parler personnellement,
15 mais ce que je sais, c'est qu'à Belgrade, l'ambassadeur de France,
16 l'ambassadeur de Grande-Bretagne et l'ambassadeur des Etats-Unis ont fait
17 valoir au gouvernement de Belgrade que celui-ci devait exercer toute
18 l'influence qui était la sienne sur les Serbes de Bosnie pour encourager
19 ces derniers à autoriser le passage de ces convois d'aide humanitaire.
20 Q. Depuis quand essayait-on de faire passer ce convoi ?
21 R. Celui qui est arrivé les 27 et 28, il est passé assez vite et assez
22 aisément, à l'inverse du convoi qui a essayé de passer vers le 13 mars.
23 Celui-là avait été retenu à Zvornik pendant deux ou trois semaines, je
24 pense.
25 Q. Vous avez dit que les médias s'intéressaient aussi aux événements de
26 Srebrenica. Quels étaient les sujets évoqués dans ces reportages et qui les
27 faisaient ?
28 R. Tout ce que je peux dire, c'est que personnellement j'ai vu plusieurs
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1 journaux, le "London Times," un journal américain dont je ne me souviens
2 plus de son titre et j'ai vu, en tout cas, des résumés de presse réalisés
3 par l'Ambassade de France à Belgrade. Mais je ne faisais pas très attention
4 à la question à l'époque.
5 Q. Au sein du commandement de Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous faisiez
6 le suivi de la presse ?
7 R. Oui.
8 Q. Comment ?
9 R. Il y avait une petite équipe, je ne sais pas comment on appelait les
10 gens de cette équipe, les gens qui se chargeaient des informations de la
11 presse. Et lorsque nous sommes arrivés en Bosnie en octobre 1992, cette
12 équipe suivait les médias internationaux. Mais vers janvier ou février, on
13 a aussi recruté des gens de la région, de gens qui parlaient le serbo-
14 croate, de façon à suivre ce que disaient les médias locaux, dirais-je.
15 J'entends par là les médias à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine ainsi
16 que les médias -- je parle de la presse écrite et aussi de la radio de
17 Belgrade et de Zagreb aussi.
18 Q. L'enclave de Srebrenica, est-ce qu'on en parlait dans les médias
19 nationaux et internationaux ?
20 R. Oui.
21 Q. J'ai relu le compte rendu de votre audition d'hier et je parlais
22 effectivement du convoi dont vous venez de parler du 18 mars. Nous allons
23 remonter un peu dans le temps.
24 Vous disiez hier que c'était la troisième fois précise que l'aide
25 arrivait à Srebrenica. Pourriez-vous nous parler des incidents qui ont
26 émaillé cette arrivée ?
27 R. C'était la deuxième fois. La première fois, ç'avait été début décembre
28 1992. La deuxième fois, c'était vers le 18 mars. La troisième fois, vers le
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1 27 ou 28 mars.
2 Q. Pour que tout soit précis, vous avez dit qu'il y avait aussi des
3 largages aériens, effectivement, la deuxième fois ?
4 R. Oui.
5 Q. Pour ce qui est de l'aide arrivée le 18 mars, de quelle façon est-elle
6 arrivée et pourquoi est-elle arrivée ?
7 R. C'est parce que le général Morillon s'était rendu sur la ligne de front
8 au Pont jaune de Srebrenica, parce qu'il voulait poursuivre les
9 négociations qu'il menait avec les Serbes de Bosnie. Et alors qu'il était
10 en route vers le Pont jaune, j'ai reçu de façon intermittente des contacts
11 radio avec le convoi qui était bloqué à Zvornik. On disait de ce convoi
12 qu'il était arrêté là depuis plusieurs semaines et qu'il faisait l'objet
13 d'un blocus ininterrompu.
14 C'était la première fois que les Musulmans de Bosnie nous avaient autorisés
15 à aller au Pont jaune avec deux véhicules, un véhicule transporteur de
16 troupes dont j'ai parlé hier et une jeep. Arrivé à la ligne de
17 confrontation au Pont jaune, le général Morillon a dit, Pyers, tu restes
18 ici. Gardes la ligne de front ouverte. Je vais prendre la jeep et aller à
19 Zvornik pour essayer de débloquer le convoi et je vais rentrer.
20 Le général Morillon est parti. Je dois ajouter que l'excuse donnée,
21 c'était qu'il y avait "des combats en cours." Ce genre d'excuse était
22 souvent utilisé par toutes les parties belligérantes pour justifier le
23 blocage de convois d'aide humanitaire.
24 Q. Dans votre réponse, vous avez dit que c'était la première fois que vous
25 aviez la possibilité de quitter l'enclave. Qu'est-ce que vous voulez dire
26 exactement ?
27 R. Les autres membres de notre groupe avaient été retenus dans l'enclave
28 par les Musulmans de Bosnie. Le reste du groupe n'était pas autorisé à
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1 quitter l'enclave.
2 Q. De quoi avaient peur les Musulmans ?
3 R. Ce qui les inquiétait, c'est qu'il y avait plusieurs milliers de
4 réfugiés affamés dans l'enclave et on empêchait l'arrivée de nourriture.
5 Beaucoup de gens mouraient de leurs blessures occasionnées pendant des
6 combats, beaucoup de gens mouraient de faim. Les Musulmans de Bosnie
7 voulaient attirer l'attention du monde sur la détresse des gens à
8 Srebrenica. C'est pour ça qu'ils avaient empêché le général Morillon et le
9 groupe des Nations Unies de partir de Srebrenica lorsque nous avons essayé
10 de sortir de Srebrenica le 11 ou le 12 mars.
11 Q. Vous avez dit qu'il y avait beaucoup de gens qui mouraient à la suite
12 des combats. Qu'est-ce que vous voulez dire exactement ?
13 R. Il y avait des combats intenses autour de la poche. Dans le bâtiment
14 qui était en face du bâtiment des PTT, le bâtiment où les Musulmans de
15 Bosnie avaient placé le général Morillon et le groupe des Nations Unies, ce
16 bâtiment d'en face était l'hôpital de Srebrenica. Vers cette époque, nous
17 parlons de dix ou 20 personnes qui mouraient chaque nuit de blessures
18 subies pendant des combats. On voyait chaque matin des gens qui creusaient
19 des tombes dans le cimetière qui n'était pas loin de là.
20 Q. Est-ce que nous parlons de combattants, de civils ou des deux ?
21 R. Je ne sais pas. Dans cette contrée, presque tout le monde portait un
22 élément de vêtement militaire.
23 Q. Vous parlez de l'hôpital qui était juste en face du bâtiment de la
24 poste. Est-ce qu'il y avait d'autres caractéristiques particulières à ce
25 bâtiment ?
26 R. Lorsque nous sommes arrivés à Srebrenica, en face du bâtiment de la
27 poste, en bas de ce versant de colline, il y avait un tas de détritus
28 recouvert de neige quand nous sommes arrivés --
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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je demande à Mme Carter de contrôler son
2 témoin, parce que la question portait sur d'autres caractéristiques de ce
3 bâtiment.
4 Maintenant, le témoin parle de tout à fait autre chose.
5 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
6 Mme CARTER : [interprétation]
7 Q. Je vais reformuler ma question.
8 Est-ce qu'il y avait d'autres éléments caractéristiques à côté de ce
9 bâtiment qui vous ont frappé ?
10 R. Je vous parlais de ce tas de détritus. Le soleil a percé les nuages et
11 la neige a fondu, et on voyait que c'était un détritus de membres, de
12 jambes, de mains, de doigts coupés; c'étaient, en fait, là les déchets de
13 l'hôpital. Le personnel hospitalier se contentait de jeter tous ces
14 morceaux d'êtres humains sur ce tas.
15 Q. Et comment est-ce que ça vous a frappé ?
16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection.
17 Mme CARTER : [interprétation] Mais nous parlons ici des conditions de vie
18 de la population musulmane à Srebrenica. C'est un élément pertinent, comme
19 est pertinent le fait que c'est une des raisons pour lesquelles les
20 Musulmans de Bosnie essayaient d'attirer l'attention des médias sur cette
21 détresse.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Essayez d'être plus précise dans votre
23 question pour obtenir ces éléments d'information.
24 Mme CARTER : [interprétation] C'est ce que je vais faire.
25 Q. Pourriez-vous décrire les conditions de vie de la population musulmane
26 à Srebrenica ?
27 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. Question déjà posée qui a déjà
28 trouvé réponse hier, la réponse ayant été longue, d'ailleurs.
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1 Mme CARTER : [interprétation] Je vais reformuler une troisième fois.
2 Q. Qu'est-ce qu'il y avait de significatif dans ce détritus de déchets
3 humains ?
4 R. Ce qui est significatif, c'est que les gens de Srebrenica avaient perdu
5 tout espoir, la décence humaine la plus élémentaire, l'hygiène la plus
6 élémentaire. Tout ceci avait été abandonné. Les gens s'étaient perdus. Il
7 suffisait de les regarder dans les yeux. On voyait qu'ils étaient déjà
8 morts.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous parlez ici de ces déchets
10 humains. D'où venaient-ils ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose qu'ils venaient de l'hôpital qui
12 était juste un peu plus haut. Quand je dis juste un peu plus haut, on était
13 simplement à 10 mètres sur le versant de la colline. Lorsque Larry
14 Hollingsworth du haut-commissariat qui était avec nous s'est rendu compte
15 de ce que c'était, il a vraiment accablé de reproches le comité de guerre
16 de Srebrenica. Il leur a dit qu'il fallait nettoyer tout ça.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous parlez d'un comité de guerre,
18 mais de quelle armée ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous parlons du maire de Srebrenica ainsi que
20 des personnes qui avaient été élues parmi les Musulmans de Bosnie, les
21 personnalités les plus représentatives, pour faire partie de ce comité.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce qu'on pouvait voir ? Qu'est-
23 ce que vous avez pu voir autour de ce tas de déchets humains ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait une puanteur qui s'en dégageait
25 quand le soleil brillait.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et quand ce n'était pas le cas ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] A la tombée de la nuit, quand il avait neigé,
28 ça ressemblait à un autre tas de détritus.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, Madame Carter.
2 Mme CARTER : [interprétation] Merci.
3 Q. Lorsque vous étiez retenu à Srebrenica pendant cette période, est-ce
4 que vous ou d'autres membres de votre équipe avez eu des contacts avec la
5 population civile ?
6 R. Oui.
7 Q. Vous avez dit qu'une de vos préoccupations, c'était aussi une des
8 préoccupations de la population civile, était d'attirer l'attention du
9 monde. Est-ce que c'était la seule inquiétude de la population ?
10 R. Non. Sa préoccupation la plus importante était de survivre et de
11 trouver de quoi manger. Le fait d'attirer l'attention du monde, c'était
12 simplement une façon d'obtenir de quoi manger, une façon de survivre, de ne
13 plus être attaqué et d'avoir un avenir.
14 Q. Lorsque vous avez parlé à la population civile, est-ce que vous avez
15 parlé de la présence de la FORPRONU dans d'autres
16 villages ?
17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection à la question en raison de la
18 pertinence.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je n'ai pas compris votre question,
20 mais je ne pense pas qu'elle soit sans pertinence. Mais veuillez clarifier
21 cela. Je ne sais pas ce que vous voulez demander auprès du témoin. Essayez
22 d'être plus claire.
23 Mme CARTER : [interprétation] La question précise, enfin si je fournis un
24 autre élément d'information pour que ça ressorte plus clairement, ce serait
25 une question directrice. J'essaie de procéder pas à pas.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais ce que vous venez de demander, je
27 n'ai pas compris ce que vous disiez.
28 Mme CARTER : [interprétation] Bien, Monsieur le Président.
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1 Q. Est-ce que la population civile a décrit les incidents qui se sont
2 déroulés pendant la présence de la FORPRONU dans d'autres villages ?
3 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, mais il y a deux problèmes
4 liés à cette question. Mon objection principale concerne la pertinence.
5 Deuxièmement, ce que dit la population civile ne peut être que ouï-dire
6 sans source indiquée. A qui a-t-il parlé ? Quand ? De quoi ? Il s'agit
7 vraiment des manières fondamentales permettant de poser des questions et de
8 poursuivre le travail, s'agissant du ouï-dire. Et Mme Carter essaie
9 d'obtenir des ouï-dire sans que l'on indique la source au sujet de quelque
10 chose qui est, à son avis, relativement crucial, et la réponse qu'elle
11 obtiendra mettrait la Défense dans la position d'impossibilité de mener à
12 bien de manière raisonnable un contre-interrogatoire au sujet des
13 informations concernant lesquelles le témoin dira qu'il les a entendues
14 sans pouvoir identifier les auteurs.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
16 Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, il est impossible de
17 demander qui avait fait cette déclaration avant de savoir de quelle
18 déclaration nous parlons. Nous avons déterminé que le témoin avait parlé
19 avec la population musulmane. Maintenant, nous essayons de voir de quoi il
20 leur a parlé, donc l'objection de la Défense est prématurée.
21 Et puis, la Défense suppose qu'elle ne pourra pas procéder au contre-
22 interrogatoire concernant cela. Or, faire ce genre d'objection à ce stade
23 n'est pas approprié. La Défense pourra contester la thèse de l'Accusation
24 et présenter sa propre thèse au témoin. Mais compte tenu du comportement et
25 des objections que l'on a eus à répétition pendant ces deux derniers jours,
26 le conseil de la Défense essaie d'immiscer sa propre thèse dans
27 l'interrogatoire principal de l'Accusation.
28 M. GUY-SMITH : [interprétation] Tout d'abord, je ne pense pas que c'était
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1 une réponse à mon objection. Deuxièmement, je n'essaie pas d'immiscer ma
2 propre thèse dans l'interrogatoire principal de l'Accusation. Ce que
3 j'essaie de faire, c'est de faire régner l'ordre dans la présentation des
4 éléments de preuve de l'Accusation.
5 Mme Carter met le bœuf avant la charrue. Il faut lui demander avec
6 qui il a parlé, quand il a parlé, de quoi, et cetera.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, nous n'allons pas
8 maintenant entendre une conférence sur la manière de poser des questions.
9 Votre objection est rejetée. Elle est prématurée. Si le témoin nous dit
10 qu'il ne peut pas dire avec qui il avait parlé, à ce moment-là, vous pouvez
11 faire votre objection.
12 Madame Carter, compte tenu de la manière dont vous avez formulé la
13 question, je ne sais pas ce que vous dites. Revenons à la question. Il va
14 falloir la reformuler de manière qui sera compréhensible non seulement pour
15 le témoin mais aussi la Chambre.
16 Mme CARTER : [interprétation] Très bien.
17 Q. Monsieur, est-ce que les membres de la FORPRONU ou les troupes de la
18 FORPRONU ont été présents dans des villages autour des enclaves ?
19 R. Les seuls membres de la FORPRONU qui étaient dans des villages de
20 l'enclave étaient les observateurs militaires de l'ONU que j'ai mentionnés
21 hier.
22 Q. Que s'est-il produit lorsque les observateurs militaires de l'ONU ont
23 quitté les villages ?
24 R. Lorsque les observateurs militaires de l'ONU ont quitté les villages,
25 ils ne pouvaient plus observer ce qui se déroulait dans les villages. Cette
26 question me rend perplexe.
27 Q. Lorsque vous étiez en train de parler des événements avec la population
28 à l'intérieur de Srebrenica, que vous disaient-ils au sujet des événements
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1 qui se déroulaient, une fois les observateurs militaires de l'ONU partaient
2 des villages ?
3 R. Excusez-moi, je n'arrive pas à suivre votre question, car je n'ai pas
4 entendu parler de ce qui s'était passé avant ou après le départ des
5 observateurs militaires de l'ONU. En fait, c'étaient les observateurs de
6 l'ONU qui m'informaient de ce qu'ils avaient observé pendant leur
7 patrouille.
8 Deuxièmement, les réfugiés à Srebrenica m'ont dit, par le biais de
9 Mihailov, le garde du corps du général Morillon, ils ont relaté leurs
10 expériences. Nous en avons parlé hier. Une chose qui se déroulait, ceci ne
11 concerne pas les villages, c'est que --
12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ceci ne répond pas à la question.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Tucker. Que
14 voulez-vous dire ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous étions à Konjevic Polje, si vous vous
16 souvenez, cinq jours auparavant, approximativement. On nous avait dit que
17 le général Morillon avait quitté Konjevic Polje, que la ville avait été
18 lourdement pilonnée et a essuyé une attaque de la part des Serbes de Bosnie
19 qui l'ont capturée. Et on en a conclu qu'à chaque fois que le général
20 Morillon ou l'ONU quittait de manière visible une zone, cette zone était
21 lourdement pilonnée.
22 Mme CARTER : [interprétation]
23 Q. Merci. Au moment où le général Morillon et vous-même avez pu quitter
24 Srebrenica, où êtes-vous allés ?
25 R. Tout d'abord, nous sommes allés à Zvornik. Et après Zvornik, nous
26 sommes allés à Tuzla. Ensuite nous sommes revenus à Zvornik, puis à
27 Srebrenica.
28 Q. Bien. Lorsque vous êtes revenus à Srebrenica, que s'est-il passé ?
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1 R. Nous avons essayé de revenir à Srebrenica, mais on a été arrêté à un
2 pont surplombant la Drina à Bratunac et nous avons dû dormir dans notre
3 véhicule 4 X 4 à côté de la route. Le lendemain matin, on nous refusait
4 encore l'autorisation de revenir à Srebrenica et ce jour-là, l'évacuation
5 en hélicoptère des personnes blessées de Srebrenica s'est déroulée.
6 Q. Est-ce que vous pourriez décrire l'évacuation en hélicoptère qui a eu
7 lieu ? Comment est-ce que ceci s'est déroulé ?
8 R. Parmi les éléments dont j'ai parlé hier, j'ai indiqué que les Serbes de
9 Bosnie insistaient pour questionner tout homme en âge de combattre avant
10 d'évaluer si, oui ou non, il s'agissait de criminels de guerre, comme ils
11 les décrivaient, qui auraient été coupables des attaques lancées contre les
12 villages des Serbes de Bosnie en janvier de cette année-là. Ceci rendait
13 l'évacuation des blessés de la poche de Srebrenica impossible. C'est la
14 raison pour laquelle le général Morillon avait organisé des hélicoptères de
15 l'ONU qui sont arrivés de Tuzla à Srebrenica afin d'évacuer ces personnes
16 grièvement blessées. Pour la plupart, ils venaient de l'hôpital dont je
17 parlais il y a dix minutes environ.
18 Nous avons vu les hélicoptères, car nous étions bloqués sur le pont. Donc
19 nous avons vu les hélicoptères survoler la vallée de Srebrenica. Et
20 lorsqu'ils ont atterri, l'endroit où ils atterrissaient a été pilonné par
21 l'artillerie et deux membres du personnel de l'ONU, des soldats canadiens,
22 ont été blessés, alors que nombre de Musulmans de Bosnie ont été tués.
23 Q. Est-ce qu'à un moment donné une enquête a été lancée au sujet de ce
24 pilonnage ?
25 R. Oui. Je suis allé personnellement à la zone d'atterrissage lorsque je
26 suis retourné à Srebrenica après un passage par Belgrade, autrement dit,
27 vers le 27 ou 28 mars.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et c'était combien de jours après le
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1 pilonnage ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Quatre jours environ. Je suis allé examiner
3 les cratères d'obus afin de voir s'il était possible de déterminer quelque
4 chose.
5 Mme CARTER : [interprétation]
6 Q. Avez-vous pu déterminer quelque chose sur la base des cratères d'obus ?
7 R. Tout d'abord, les personnes ayant reçu un entraînement en matière
8 d'artillerie, lorsqu'ils se penchent sur un cratère d'artillerie, notamment
9 sur les "marques de dispersion," peuvent identifier avec quelques degrés de
10 déviation la direction des tirs. Deuxièmement, sur la base de la taille du
11 cratère d'obus, il est possible d'avoir une idée du type d'obus tiré.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Tucker, il va falloir
13 raccourcir votre réponse.
14 "Est-ce que vous avez pu établir quelque chose au sujet du cratère d'obus
15 ?"
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, l'obus avait été tiré de la direction de
17 Bratunac, autrement dit, c'était l'endroit le plus proche du côté de la
18 rivière de la Drina et de la Serbie elle-même. Deuxièmement, j'ai vu que la
19 taille des trous laissés par des obus étaient un peu plus grands que ceux
20 que je voyais d'habitude en Bosnie. Lorsque je me tenais dans le trou
21 laissé par l'obus, ma tête dépassait le niveau de la terre d'un mètre
22 environ. Le trou était large, alors que le terrain était gelé. Donc il
23 s'agissait d'un obus d'artillerie de calibre extrêmement grand tiré de la
24 direction de Bratunac.
25 Mme CARTER : [interprétation]
26 Q. Après avoir examiné le cratère de l'obus, est-ce que vous avez mené
27 d'autres enquêtes concernant l'origine du pilonnage ?
28 R. Non.
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1 Q. Est-ce que vous avez des indices ou des opinions sur la base de votre
2 requête concernant la partie qui a tiré cet obus ?
3 R. Je crois, et encore une fois je dis je crois, que ceci avait été tiré
4 par un canon d'artillerie de grand calibre, au moins 155, et je n'ai jamais
5 vu ce type d'armes chez les Serbes de Bosnie. Je crois que c'était tiré du
6 nord de la rivière Drina.
7 Q. Qu'est-ce qui vous a poussé à cette opinion ?
8 R. Le fait que je n'avais pas vu de canon d'artillerie de grand calibre
9 déployé par les militaires serbes de Bosnie.
10 Q. Est-ce que c'était le seul incident concernant lequel, d'après vos
11 indices, la Serbie elle-même participait aux tirs d'artillerie ?
12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vais faire objection à la question. Nous
13 n'allons pas élever une opinion à un indice suite à des examens extrêmement
14 limités.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que le témoin a dit que ceci
16 venait du nord de la Drina. Je ne me souviens pas qu'il ait mentionné la
17 Serbie précisément. Peut-être que je me trompe.
18 Mme CARTER : [interprétation]
19 Q. Vous croyez que ceci avait été tiré de quel côté de la rivière de Drina
20 ?
21 R. Du côté de la Serbie même.
22 Q. A votre avis, quelle était l'armée qui avait tiré cet obus d'artillerie
23 ?
24 R. L'armée dont le quartier général était à Belgrade.
25 Q. Est-ce que c'était le seul incident qui comportait un indice selon
26 lequel la Serbie même utilisait l'artillerie ?
27 M. GUY-SMITH : [interprétation] Même objection.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Eh bien, c'est le seul incident
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1 concernant lequel il le croyait.
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est une croyance; c'est différent par
3 rapport à un indice. Les deux termes sont très différents. Leur
4 signification est différente.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter, est-ce que vous voulez
6 répondre ?
7 Mme CARTER : [interprétation] Avez tout le respect que je vous dois, je
8 pense qu'il faudrait faire des objections juridiques.
9 M. GUY-SMITH : [interprétation] L'objection juridique est que la question,
10 telle qu'elle a été posée, est directrice, premièrement; et deuxièmement,
11 elle prend pour un fait un élément qui n'a pas été établi. Il s'agit de la
12 question d'indice. Un indice n'est pas la même chose qu'une croyance. Un
13 indice est potentiellement quelque chose qui peut servir de détermination
14 objective. Ce monsieur a parlé de ce qu'il croyait. Il n'y a pas eu de
15 discussion au sujet de déterminations objectives. Il peut croire ce qu'il
16 veut. Je n'ai pas d'objection à ce qu'il dépose au sujet de ce qu'il croit.
17 Mais la question de savoir si c'est exact ou pas est une autre chose, ce
18 qu'il croit.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
20 Mme CARTER : [interprétation] Je vais reformuler la question.
21 Q. Monsieur, mis à part cet obus de 155 millimètres, est-ce qu'il y a eu
22 d'autres incidents semblables ?
23 R. Oui, je suis au courant d'une autre situation dans laquelle l'ONU avait
24 une équipe d'observateurs de l'ONU qui avaient été hébergés à l'hôtel
25 Yugoslavia, qui se trouve en Serbie de l'autre côté de la rivière de
26 Zvornik, environ cinq kilomètres au nord de la rivière depuis Zvornik. Ils
27 m'ont informé du fait que fréquemment ils avaient vu des canons
28 d'artillerie sur des positions du côté de la Serbie même de la rivière de
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1 Drina, les canons qui étaient pointés dans la direction ouest, autrement
2 dit, vers Tuzla. Or, il s'agit là des rapports factuels qui ont été soumis.
3 Puis ils ont également parlé du fait qu'ils avaient entendu des tirs
4 d'artillerie provenant de cette zone, mais ils n'ont jamais pu voir le
5 moment où l'on procédait aux tirs d'artillerie et, bien sûr, ils n'ont pas
6 vu la direction dont on tirait.
7 Sur la base de ces deux rapports, je crois que ces canons ont tiré dans la
8 direction de la Bosnie-Herzégovine vers la zone de Tuzla, car je ne vois
9 pas d'autre explication logique du fait qu'à cet emplacement on tirait en
10 utilisant les canons. Il n'y avait pas de polygones d'entraînement à cet
11 endroit. C'est ce que je crois.
12 Q. Est-ce que les observateurs militaires de l'ONU étaient les seules
13 personnes qui parlaient du fait que l'on tirait du côté serbe vers la
14 Bosnie-Herzégovine ?
15 R. Il y a eu des récits de paysans avec lesquels on avait parlé dans
16 l'enclave de Srebrenica qui disaient eux aussi qu'ils avaient entendu des
17 tirs de canon en provenance de la partie au nord de la rivière de la Drina,
18 autrement dit, en provenance de la Serbie.
19 Q. Merci. Nous allons revenir maintenant au convoi que vous essayez de
20 faire acheminer vers Srebrenica. Vous nous avez dit que vous avez passé la
21 nuit dans vos camions, car vous n'aviez pas reçu la permission de passer.
22 Que s'est-il produit le lendemain matin ?
23 R. Nous sommes rentrés à Zvornik, car nous n'avions pas pu revenir à
24 Srebrenica.
25 Q. Que s'est-il produit à Zvornik ?
26 R. Nous avons rencontré d'autres personnalités militaires, des Serbes de
27 Bosnie et les représentants de leurs autorités, afin d'obtenir leur réponse
28 concernant la question de savoir pourquoi on ne pouvait pas passer et afin
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1 de protester. Je crois que c'est à ce moment-là que l'on s'est retrouvé
2 dans le bureau du commandant Pandurevic, j'en ai parlé un peu hier, et
3 c'est à ce moment-là que j'ai vu la carte sur le mur.
4 Q. Lorsque vous êtes parti de Zvornik, où êtes-vous allé ?
5 R. Je crois que nous sommes allés à Belgrade. C'est à ce moment-là que
6 nous avons traversé le pont pour revenir en Serbie, donc du côté serbe de
7 la rivière, et nous avons rencontré plusieurs véhicules de police venant de
8 la Serbie même qui nous ont escortés jusqu'à Belgrade pour que l'on
9 rencontre Milosevic.
10 Q. Et ces réunions avec Milosevic, c'étaient les réunions que vous avez
11 décrites lorsque vous avez parlé de la première réunion avec Milosevic et
12 la deuxième avec Mladic ?
13 R. Oui.
14 Q. Que s'est-il passé après ces réunions ?
15 R. Ensuite nous sommes rentrés à Zvornik, puis à Srebrenica. A cette
16 époque-là, j'ai mené une enquête au sujet des obus d'artillerie tombés sur
17 un terrain de football à Srebrenica dont j'ai parlé il y a quelques
18 minutes.
19 Q. Lorsque vous êtes rentrés à Srebrenica, comment avez-vous été accueilli
20 ?
21 R. C'était glorieux. Les gens étaient très reconnaissants. De nouveau, ils
22 avaient de l'espoir dans les yeux. C'était un retour extraordinaire.
23 Q. Lorsque vous dites qu'ils étaient pleins de reconnaissance, est-ce que
24 vous pouvez décrire la scène ?
25 R. Il y avait un grand nombre de personnes qui étaient rassemblées devant
26 le bâtiment PTT. C'est le bâtiment dans lequel nous avions été hébergés.
27 Ils nous saluaient. Ils étaient extrêmement heureux de nous voir de retour.
28 Ils ont déclaré Morillon le sauveteur de Srebrenica, et ainsi de suite.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Afin que les choses soient claires,
2 dites, s'il vous plaît, à la Chambre qui étaient ces personnes. C'étaient
3 les soldats serbes de Bosnie qui avaient été bloqués lorsque vous essayez
4 d'entrer à Srebrenica ou bien s'agissait-il des villageois qui vous avaient
5 tenu en otage afin d'attirer l'attention de la communauté internationale
6 sur eux ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient des réfugiés qui campaient à
8 l'extérieur du bâtiment de la poste, en fait, à tous les espaces découverts
9 de Srebrenica.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Au départ, vous ne pouviez pas
11 quitter Srebrenica, car ils vous bloquaient, car ils voulaient attirer
12 l'attention internationale sur eux. Quelle était la raison de ce changement
13 d'attitude ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Le changement d'attitude résultait du fait que
15 le général Morillon avait démontré à ces personnes qu'il avait tenu sa
16 promesse lorsqu'il avait dit qu'il allait revenir - effectivement il est
17 revenu - car ils étaient très anxieux après le départ de Morillon. J'ai
18 déjà décrit ce qu'il avait fait à Konjevic Polje et comment on avait
19 pilonné cet endroit. Donc ils avaient peur des mêmes événements. Et le fait
20 qu'il soit revenu et qu'il ait obtenu le passage des convois d'aide
21 humanitaire qui avaient été bloqués depuis des mois, tout ceci les a
22 soulagés.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous dites qu'entre l'atterrissage des
24 hélicoptères et votre retour de Belgrade, c'est-à-dire pendant les quatre
25 jours, l'aide humanitaire n'arrivait pas ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Si nous pouvons revenir un peu en arrière
27 dans le temps. Nous sommes arrivés à Srebrenica vers le 11 ou le 12 mars.
28 Ensuite nous avons été bloqués pendant trois, quatre jours. Ensuite nous
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1 avons pu aller jusqu'au Pont jaune, juste le général Morillon et moi-même.
2 Ensuite, à la fin, ils nous ont permis de partir avec deux véhicules, et le
3 général Morillon a retrouvé son premier convoi et a pu le faire arriver à
4 Srebrenica. Donc nous y étions vers le 18.
5 Lorsque ce convoi est rentré à Srebrenica, c'était la première fois que le
6 général Morillon avait fait acheminer de manière efficace l'aide dans la
7 poche. Ensuite nous sommes sortis de la poche pour aller à Tuzla, puis à
8 Zvornik, puis à Srebrenica, puis à Tuzla et de nouveau à Zvornik, et puis à
9 Belgrade. Lorsque nous étions à Belgrade, un autre convoi est arrivé.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. C'est ce que je souhaitais
11 savoir.
12 Poursuivez, Madame Carter.
13 Mme CARTER : [interprétation] Merci.
14 Q. Nous allons revenir maintenant à la différence de l'accueil qui vous a
15 été réservé entre les deux fois. Il s'agit de la page 14, ligne 3. Vous
16 avez dit que les gens à Srebrenica avaient abandonné tout espoir. Comment
17 est-ce que vous le savez ?
18 R. Je ne sais pas que les gens de Srebrenica avaient abandonné tout
19 espoir. C'est ce que je croyais, d'après l'expression de leurs visages.
20 Lorsque j'ai vu qu'ils empilaient les morceaux humains, j'ai vu qu'ils
21 étaient affamés, qu'ils vivaient dans des conditions effrayantes. Ils ne
22 faisaient pas d'efforts de respecter la défense ni de s'organiser. Ils
23 étaient tout simplement passifs. Ces gens ne faisaient tout simplement
24 rien. Ils étaient à Srebrenica. En réalité, il y avait trois groupes de
25 personnes à Srebrenica. Il y avait des réfugiés qui sont --
26 Q. Monsieur, je vais vous arrêter là et nous allons reparler de ce tas de
27 morceaux humains. Quelle était la distance entre la rue principale de
28 Srebrenica et ce tas de restes humains ?
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1 R. Il ne s'agissait pas d'un tas de cadavres, mais un tas de morceaux
2 humains. C'était à côté de la rue. Donc c'est pratiquement sur le passage
3 pavé.
4 Q. Est-ce que vous voulez dire, géographiquement, que c'était dans la rue
5 principale ou une rue latérale ?
6 R. C'était sur la rue principale de Srebrenica, la rue qui traverse, qui
7 va immédiatement à l'extérieur du bâtiment des PTT et va jusqu'au centre de
8 la ville. C'était sur la route qui se trouve entre le bâtiment PTT et
9 l'hôpital de Srebrenica.
10 Q. Bien. Est-ce que les réfugiés que vous avez décrits se trouvaient là et
11 passaient près de ce tas ?
12 R. Les réfugiés n'allaient pas ni venaient en grand nombre. Les réfugiés
13 étaient simplement là, plus ou moins accroupis à côté de ce tas, parce
14 qu'ils n'avaient nulle part où aller. Ils n'avaient nulle part ailleurs où
15 vivre. Ils restaient sur place.
16 Q. Vous avez indiqué ce que vous avez vu en ce qui concerne cet air vide
17 absent d'espoir. Est-ce que vous avez discuté de la situation des réfugiés
18 avec eux ?
19 R. Oui. Nous leur avons demandé pourquoi ils ne faisaient rien et leurs
20 réponses variaient, qui étaient de dire "bon, ils vont nous tuer de toute
21 manière" ou "qu'est-ce que nous pouvons faire ?" ou "nous n'avons rien." En
22 d'autres termes, la population d'origine de Srebrenica "ne fait rien pour
23 nous aider" et "dès que nous allons dans leur jardin ou quelque chose, à ce
24 moment-là, ils nous chassent," et cetera.
25 Q. Vous avez dit que vous aviez reçu presque une ovation de bienvenue
26 comme des héros lorsque vous êtes revenus à Srebrenica. Qu'est-ce que le
27 général Morillon a fait une fois qu'il a été de retour à Srebrenica ?
28 R. Nous avons commencé par nous installer dans le bâtiment des PTT, je
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1 veux dire par "nous installer," c'est qu'à l'origine il y avait eu le
2 comité de guerre qui s'était installé dans ce bâtiment des PTT et, en fait,
3 ils se trouvaient prisonniers là. Lorsque le général Morillon est revenu
4 après la première visite qu'il a faite au front et qu'il a prouvé aux
5 réfugiés que l'on pouvait lui faire confiance, qu'il avait tenu sa
6 promesse, qu'il était revenu et qu'il ne les avaient pas abandonnés, à ce
7 moment-là, les Musulmans ont enlevé les gardes qu'il y avait au bâtiment
8 des PTT et nous avons apporté nos bagages, nos sacs, nos sacs de couchage
9 et le matériel du véhicule. Nous les avons débarqués du véhicule et nous
10 les avons mis dans le bâtiment comme montrant notre intention d'y rester.
11 Q. Est-ce qu'à un moment donné au cours de la semaine pendant laquelle ce
12 convoi devait être constitué et emmené, est-ce que le général Morillon a
13 fait une déclaration à la population de
14 Srebrenica ?
15 R. Oui, il a fait une déclaration à la foule rassemblée qui entourait le
16 bâtiment des PTT. Il a fait une déclaration à partir d'une fenêtre du
17 bâtiment des PTT. Il a décrit les efforts qu'il déployait pour faire en
18 sorte que l'enclave puisse recevoir de l'aide humanitaire. Et à la fin de
19 cela, il a déclaré que Srebrenica était sous la protection des Nations
20 Unies.
21 Q. Est-ce que la déclaration du général Morillon en ce qui concerne la
22 protection de Srebrenica par l'ONU a jamais donné lieu à un compte rendu ?
23 R. Oui. J'ai rédigé cette déclaration. C'était donc dans mon cahier. Il
24 l'a lue à partir de mon cahier. Et ceci, phrase par phrase, avait été
25 traduit par Mihailov en serbo-croate, phrase par phrase, de sorte que la
26 population puisse la comprendre. Et le général Morillon avait ajouté de sa
27 propre main une phrase à la fin du texte. Verbalement, il a fait la
28 dernière déclaration concernant Srebrenica qui était maintenant sous la
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1 protection des Nations Unies. Il a ajouté ceci oralement, parce que je ne
2 l'avais pas mis par écrit.
3 Q. Est-ce que le discours du général Morillon a jamais été diffusé ou
4 discuté en dehors de Srebrenica ?
5 R. Oui, il l'a été. Il y avait plusieurs journalistes présents qui en ont
6 rendu compte. Et à ce que j'ai compris, après le discours, il a donné lieu
7 à une attention très soutenue dans le monde entier, et plus
8 particulièrement la dernière phrase concernant le fait que Srebrenica était
9 désormais sous la protection des Nations Unies.
10 Mme CARTER : [interprétation] Pouvez-vous m'accorder un instant, s'il vous
11 plaît, que je puisse m'entretenir avec mon équipe.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y.
13 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
14 Mme CARTER : [interprétation] Je voudrais demander qu'on présente le
15 document 9216 de la liste 65 ter.
16 Q. Monsieur, est-ce que vous reconnaissez le document qui est devant vous ?
17 R. Oui, c'est un document que j'ai vu une fois de retour à Sarajevo.
18 Q. Vous avez dit que le quartier général de l'ABiH était à Kiseljak et que
19 vous aviez rendu compte là-bas. Est-ce que ce rapport était compatible avec
20 la pratique qui était de rendre compte ?
21 R. Ce qui se passait, c'est que de Srebrenica je rendais compte de façon
22 régulière, parfois toutes les deux heures, parfois toutes les six heures,
23 et certainement au moins une fois par radio à hautes fréquences. Ceci était
24 diffusé vers une radio à hautes fréquences à Kiseljak, donc je fournissais
25 un rapport. Ça ne fonctionnait pas toujours, parce que les communications
26 HF étaient parfois difficiles. Nous utilisions parfois aussi le système
27 américain TacSat dont j'ai parlé hier.
28 Q. Bien. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Maintenant, les
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1 renseignements contenus concernant l'évacuation de Srebrenica, qui aurait
2 donc fourni ces renseignements ?
3 R. Moi-même.
4 Mme CARTER : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page 2.
5 Q. Monsieur le Témoin, qui aurait fourni les renseignements qui ont
6 conduit aux appréciations qui sont énumérées aux paragraphes 8 et 9 et
7 enfin à la troisième page aux points 10 et 11 ? Qui les a fournis, ces
8 renseignements ?
9 R. Les renseignements de base, c'est moi qui les ai donnés à partir d'un
10 rapport que j'avais communiqué par radio. Je dois souligner que, bien
11 entendu, les rapports que je communiquais par radio par le truchement de
12 Kiseljak étaient toujours approuvés par le général Morillon. Je ne les
13 envoyais pas de mon propre chef simplement parce je les ai écrits.
14 Q. Je voudrais maintenant qu'on passe à la troisième page en ce qui
15 concerne plus particulièrement le paragraphe 11, si on peut se concentrer
16 là-dessus. Est-ce que c'était votre appréciation et l'appréciation du
17 général Morillon que :
18 "Si un passage en toute liberté avec du transport ne pouvait pas être
19 arrangé pour les réfugiés dans la poche de Srebrenica dans les 7 à 14 jours
20 qui suivaient, les indications étaient que les Serbes allaient procéder à
21 un nettoyage génocidaire pour l'ensemble de l'enclave qui aurait pour
22 résultat la mort potentielle d'environ 80 000 personnes. En tout état de
23 cause, il y a peu d'espoir que les efforts actuellement déployés pour
24 empêcher les Serbes d'arrêter leurs attaques réussissent. Il est peu
25 probable qu'ils arrêtent cette offensive jusqu'à ce que l'enclave ait été
26 vidée d'une façon ou d'une autre."
27 R. L'essentiel du message, c'est ce que j'ai transmis par Kiseljak.
28 Toutefois, je ne me rappelle pas avoir employé le terme de "nettoyage
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1 génocidaire."
2 Q. Qu'est-ce que vous pensiez qui se passait dans les
3 enclaves ?
4 R. Nous pensions que les enclaves -- enfin que les Serbes de Bosnie
5 avaient décidé de faire un tri et régler la question des enclaves une fois
6 pour toute et qu'ils étaient absolument décidés à les rayer de la carte.
7 Mme CARTER : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement de
8 document 9216 de la liste 65 ter comme élément de preuve.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de faire cela, je souhaiterais
10 que l'on jette un coup d'œil à la première page du document. Pourriez-vous,
11 s'il vous plaît, expliquer cette date qui figure en haut du document. Je
12 vois que ça dit "20/2355A mars" [comme interprété].
13 R. La date, c'est le 20 mars. Quant à 2355, c'est l'heure à laquelle le
14 rapport a été transmis. Alpha, c'est donc la zone d'heure dans laquelle le
15 rapport était envoyé. L'heure Alpha, c'est notre heure ici aujourd'hui.
16 C'est une heure en avance de l'heure GMT.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Maintenant, vous
18 avez dit que vous ne vous rappelez pas d'avoir employé le terme "nettoyage
19 génocidaire." Qu'est-ce que vous vous rappelez avoir employé comme
20 expression ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] De mémoire, je dirais que si les Serbes de
22 Bosnie continuaient leurs actions, cela aurait les conséquences les plus
23 redoutables pour la population et les réfugiés se trouvant dans la poche de
24 Srebrenica.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez utilisé, il y a quelques
26 minutes, le fait qu'ils allaient être rayés de la carte. Que vouliez-vous
27 dire par "les rayer de la carte" ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'essaie de décrire, c'est qu'ils
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1 prendraient de force la poche et que la population en serait, à ce moment-
2 là, enlevée. Maintenant, je parle de ce que je croyais, parce que c'est
3 quelque chose qui est du domaine des conjectures.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous étiez en train de faire une
5 prédiction.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, parce que c'est une conjecture basée sur
7 l'expérience précédente, les connaissances acquises, à savoir qu'il y
8 aurait partiellement transport de la population quand ils seraient
9 repoussés de l'autre côté de la frontière dans le secteur musulman de
10 Bosnie et qu'il y aurait également partiellement des meurtres.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Tuerie partielle -- est-ce que le
12 propriétaire de ce téléphone pourrait, s'il vous plaît, l'éteindre. Merci.
13 Merci.
14 Madame Carter, vous pouvez poursuivre.
15 Mme CARTER : [interprétation] Je voudrais demander, s'il vous plaît, que le
16 9216 de la liste 65 ter soit admis au dossier comme élément de preuve.
17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Avant que la Chambre n'admette ce document
18 comme élément de preuve, il faudrait noter que la traduction en B/C/S
19 indique une date de mars 1999. Il faudrait sans doute la corriger aux fins
20 du compte rendu.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Guy-Smith.
22 Madame Carter, vous pourrez veiller à cela, s'il vous plaît. Je
23 souhaiterais que tous nos téléphones soient bien contrôlés, s'il vous
24 plaît, et éteints. Pouvez-vous veiller à ce que la traduction soit la
25 bonne.
26 Mme CARTER : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons donner une cote provisoire
28 MFI à cette fin jusqu'à ce que ce soit corrigé.
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1 Mme CARTER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc le 9216 est admis comme élément
3 de preuve. Je demande qu'on lui donne un numéro.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci devient la pièce numéro P2694.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
6 Mme CARTER : [interprétation] Ceci est la fin de mon interrogatoire
7 principal. Toutefois, je souhaiterais que l'on puisse passer brièvement en
8 audience à huis clos partiel.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Je suis désolé, mais nous ferons
10 cela après la suspension de la séance.
11 Mme CARTER : [interprétation] Certainement.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
13 Mme CARTER : [interprétation] Non, ça ne peut pas attendre en raison de la
14 diffusion qui pourrait avoir lieu.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce qui ne peut pas attendre ?
16 Mme CARTER : [interprétation] Le fait d'aller en audience à huis clos
17 partiel pour ce que j'ai à dire à la Chambre. Je m'excuse.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne vous comprends pas, Madame.
19 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est une question d'expurgation, je pense,
20 qu'elle souhaite évoquer.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que vous dites ?
22 Mme CARTER : [interprétation] Il y aura une question d'expurgation, mais je
23 souhaiterais qu'on en traite en audience à huis clos partiel.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais, nous ne sommes pas en audience à
25 huis clos partiel.
26 Mme CARTER : [interprétation] Je demande à ce que l'on aille en audience à
27 huis clos partiel.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Alors que la Chambre aille en
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1 audience à huis clos partiel.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos
3 partiel, Monsieur le Président.
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16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Oui, Maître Guy-Smith.
17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.
18 Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith :
19 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je vais vous poser une question de
20 courtoisie. Je vous ai appelé témoin; je vous ai appelé M. Tucker; colonel
21 Tucker; je ne suis pas sûr de la façon dont vous souhaitez qu'on s'adresse
22 à vous ou si vous avez des préférences. Je voudrais, en tous les cas,
23 savoir où nous en sommes de façon à être à même de pouvoir traiter de la
24 façon la plus polie possible entre nous.
25 R. Colonel Tucker ou Mon Colonel, ce serait bien.
26 M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'excuse. Moi aussi je vous ai
28 appelé Monsieur Tucker. Maintenant, c'est noté, je ne le ferai plus.
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1 M. GUY-SMITH : [interprétation]
2 Q. Nous allons passer à des sujets de fond, mais auparavant, abordons deux
3 questions précises déjà évoquées, car je voudrais quelques éclaircissements
4 pour que je sache de quoi je parle.
5 Vous avez avec vous plusieurs documents et je crois qu'on peut dire de ces
6 documents, sans risque de se tromper, que ce sont des notes que vous avez
7 prises pendant que vous vous trouviez dans la région en 1992 et en 1993;
8 est-ce exact ?
9 R. C'est exact.
10 Q. Vous avez également fourni à l'Accusation, et je ne sais pas si c'est
11 en sus de ces notes ou à part de ces notes, des notes que vous avez prises
12 pendant cette même période ?
13 R. Non, les seules copies que j'ai fournies au TPIY, ce sont les copies de
14 ces notes que vous venez d'évoquer. Personnellement, je n'ai pas fourni
15 d'autres documents ni de copies de documents à l'Accusation ou au TPIY.
16 Q. Donc j'ai raison de penser que les notes que vous avez apportées, ce
17 sont des notes que vous aviez auparavant fournies à l'Accusation en
18 l'espèce ?
19 R. Est-ce que ces notes ont été fournies à la présente équipe de
20 l'Accusation ? Ça, je ne sais pas, parce que j'ai déposé dans plusieurs
21 procès en tant que témoin à charge. J'ai fourni ces notes, elles ont été
22 photocopiées. Chaque page photocopiée a reçu un numéro d'enregistrement
23 pour d'autres procès. Je ne sais pas si ces documents ont été remis à la
24 présente équipe. Ça, je ne sais pas.
25 Q. S'agissant des notes que vous aviez déjà remises auparavant, c'était
26 pour le procès Galic, n'est-ce pas, tout d'abord.
27 R. Exact.
28 Q. Dans le procès Oric.
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1 R. Oui.
2 Q. Et dans d'autres procès ou est-ce que c'était tout ?
3 R. On m'a posé une question à propos d'un autre procès, mais je n'ai pas
4 pu répondre à cette demande.
5 Q. Pour ce qui est des notes que vous avez prises, si j'ai bien compris ce
6 que vous avez déclaré ici, vous étiez l'assistant du général Morillon,
7 n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous avez été son assistant pour plusieurs raisons, notamment parce
10 que, si j'ai bien compris, vous êtes bilingue, voire plus, et vous parlez
11 français, n'est-ce pas ?
12 R. Je parle anglais, français, allemand et néerlandais.
13 Q. Vraiment, vous avez un avantage sur moi.
14 S'agissant de la fonction que vous avez exercée d'assistant du général
15 Morillon, vous avez fait plusieurs choses et vous avez notamment pris des
16 notes à l'occasion de réunions auxquelles a participé le général Morillon ?
17 R. Oui.
18 Q. Et vous avez dit que vous aviez pris des notes ou fait des procès-
19 verbaux d'une kyrielle de réunions, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. S'agissant des informations contenues dans ces notes, si j'ai bien
22 compris vos dires ici - et ce n'était peut-être qu'une supposition que je
23 vais vérifier auprès de vous - lorsque le général Morillon s'entretenait,
24 par exemple, avec le général Mladic, ces deux hommes ne parlaient pas la
25 même langue, n'est-ce pas ?
26 R. Non, le général Morillon parlait anglais et il y avait toujours un
27 interprète qui interprétait. Et si le général Morillon a choisi Mihailov
28 comme garde du corps, c'était notamment parce qu'il voulait avoir une
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1 information en retour sur l'exactitude des traductions faites, parce qu'on
2 avait eu certaines expériences où des interprètes avaient pris quelques
3 latitudes par rapport au travail de traduction.
4 Q. Donc Mihailov, c'était le garde du corps du général Morillon et
5 c'était, en fait, votre support de sécurité pour être sûr qu'en tout cas,
6 lorsqu'il y avait un échange entre le général Morillon et quelqu'un d'autre
7 - ici, par exemple, avec le général Mladic - ce qui se disait était bien
8 traduit ?
9 R. Oui.
10 Q. Je suppose que ce qui s'est passé, c'est que vous avez aussi discuté
11 avec Mihailov pendant ce processus de prise de notes pour être bien sûr que
12 les notes que vous étiez en train de prendre étaient les plus exactes
13 possibles.
14 R. Oui, en général, on le faisait pendant les interruptions. Je me
15 souviens d'un seul cas où Mihailov, pendant les conversations de
16 négociation même, a toussé très fortement pour me faire comprendre qu'il se
17 passait quelque chose d'incorrect.
18 Q. Et je pense que la situation était réglée ?
19 R. Oui.
20 Q. Est-il juste de dire que de par le passé, notamment quand vous étiez
21 témoin dans le procès Galic et dans le procès Oric, vous vous êtes reposé
22 sur vos notes, vous en êtes servi pour vous raviver les souvenirs que vous
23 aviez de ce qui s'était dit à l'occasion de réunions ?
24 R. Exact. C'est une lapalissade. Ces réunions ont eu lieu il y a 17 ans.
25 Q. Et pour ce qui est de ce procès-ci, avant de venir à la barre des
26 témoins, est-ce que vous avez eu l'occasion de revoir ces notes pour vous
27 rafraîchir la mémoire, disons, ce qui vous permettrait d'être le plus exact
28 possible lorsque vous alliez transmettre à la Chambre des informations
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1 portant sur les souvenirs que vous aviez de ce qui s'était passé à ces
2 réunions ?
3 R. Exact.
4 Q. Et ça porte notamment sur les dates des réunions ?
5 R. Oui.
6 Q. Ainsi que les personnes ayant participé à ces réunions et leurs sujets
7 ?
8 R. Exact.
9 Q. En plus de ces notes, vous avez aussi fourni plusieurs déclarations
10 préalables au bureau du Procureur concernant bon nombre, sinon la totalité
11 des sujets que vous avez évoqués ici hier et aujourd'hui ?
12 R. Exact.
13 Q. Avant de venir déposer ici aujourd'hui, est-ce que vous avez eu
14 l'occasion de revoir ces notes pour être bien sûr que vous alliez être le
15 plus exact possible dans ce que vous alliez dire à la Chambre s'agissant de
16 ces informations ?
17 R. Oui, je crois qu'on parle de récolement ici. Ça s'est fait dimanche.
18 Q. Et au moment du récolement, je suppose que vous avez examiné vos
19 déclarations préalables. Il y en avait plus qu'une, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Vous avez eu le temps et la possibilité de les relire ?
22 R. Oui.
23 Q. Après avoir relu vos notes et vos déclarations préalables, avez-vous
24 ressenti la nécessité de corriger ce que vous aviez écrit à propos de
25 dates, de participants à des réunions, des sujets de réunions ?
26 R. Non, pas les déclarations précédentes.
27 Q. Fort bien. Ceci termine un des volets que je voulais évoquer avec vous,
28 parce que je pense qu'on vient de recopier vos notes. Je ne suis pas tout à
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1 fait sûr, mais encore.
2 Mais pour ce qui est de votre déclaration ici, hier vous avez dit que vous
3 aviez reçu des renseignements en matière de paiement. Vous parliez de
4 paiements, de salaires ou de soldes.
5 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif du témoin.
6 M. GUY-SMITH : [interprétation]
7 Q. Aujourd'hui vous avez fait une distinction entre information et
8 renseignement. Sur le plan militaire, les informations, c'est précisément
9 ce que quelqu'un reçoit. Souvent, c'est un analyste qui reçoit ces
10 informations, et une fois analysées, ces informations deviennent ce qu'on
11 appelle des renseignements. Est-ce bien qualifier la situation ?
12 R. Oui.
13 Q. Donc ici quand on dit qu'on a reçu des renseignements, "intelligence"
14 en anglais, il se peut qu'il y ait un certain décalage sans doute entre
15 information et intelligence. Quand vous parliez de renseignements,
16 "intelligence," est-ce que vous parliez de rapports, d'analyses, de
17 synthèses ou de faits concrets que vous aviez reçus ?
18 R. Je parle du personnel chargé des renseignements qui m'avait fourni ces
19 informations que j'ai décrites. Personnellement, je n'ai pas vu la matière
20 brute. Je ne connaissais même pas la source de ces informations. Qu'est-ce
21 qui s'est passé, c'est que les personnes chargées du renseignement m'ont
22 dit ceci et cela.
23 Q. Quand vous dites que des personnes chargées du renseignement vous ont
24 dit cela, je suppose que des informations que vous avez reçues étaient sous
25 forme de conclusions, les conclusions résultant de rapports ou d'autres
26 sources qui avaient été analysées. On avait dit, partant des documents
27 analysés, les conclusions sont celles-ci.
28 R. Exact.
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1 Q. Et si, en occurrence, pour que tout soit clair, disons-le, vous n'avez
2 pas vu de données concrètes.
3 R. Non.
4 Q. Mais vous avez parlé à des gens ?
5 R. Il y a eu un briefing portant sur la totalité de la situation en Bosnie
6 et bon nombre de sujets y ont été abordés. Ça fait l'espace de deux phrases
7 dans le cadre d'un briefing beaucoup plus général.
8 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quand cette réunion a eu lieu de
9 façon plus précise ?
10 R. En fait, il y a eu deux réunions d'information : l'une vers le mois
11 d'avril ou de mai 1996; l'autre, juin ou début juillet 1996.
12 Q. Parlons de votre mission --
13 R. J'étais au quartier général permanent conjoint qui se trouvait au QG de
14 gestion de crise britannique en avril 1996.
15 Q. Quand vous travailliez avec le QG de gestion de crise, est-ce que vous
16 avez là aussi essayé de consigner par écrit, grâce à des notes, ces
17 réunions que vous aviez ?
18 R. Oui, mais je n'ai plus les notes concernant ces réunions-là.
19 Q. D'accord. Vous êtes ici aujourd'hui et je vais poser la question en
20 deux étapes, car vous allez peut-être me répondre d'abord par la négative.
21 Est-ce que vous pouvez nous dire qui était l'officier ou les officiers
22 chargés du renseignement avec qui vous avez parlé à propos de cette
23 question du paiement de salaires ?
24 R. Non, je ne me souviens du nom de ces personnes.
25 Q. Et ça c'est passé en 1996 ?
26 R. Exact.
27 Q. Il y a 13 ans, si je compte bien ?
28 R. Oui.
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1 Q. Très bien. Vous nous avez dit être arrivé à Sarajevo fin octobre; est-
2 ce exact ?
3 R. Oui.
4 Q. Vous êtes arrivé le 25 ou le 26; c'est bien ça ?
5 R. À peu près.
6 Q. Vous dites "à peu près." Est-ce que c'est un jour ou deux près avant ou
7 plus tôt avant le 26 ?
8 R. Il faudrait que je vérifie mes notes. C'était le 25 ou le 26. Je ne
9 pense pas que je sois arrivé le 27.
10 Q. Quand vous êtes arrivé, la question d'une réunion de Mladic avec, si je
11 ne m'abuse, le général Tus ou le général Bobetko à propos d'un éventuel
12 accord de cessation d'hostilités; c'était bien ça qui était en jeu à ce
13 moment là ?
14 R. Oui.
15 Q. Et pour bien cadrer tout ceci, ce qui c'était passé, c'est que Mladic
16 avait demandé à ce que se tienne une réunion, et le sujet allait être la
17 cessation des hostilités. Ç'avait été prévu avec Bobetko ?
18 R. Mladic avait voulu rencontrer le général Tus au départ, mais à l'insu
19 du général, ou plus exactement Mladic ne savait pas. Le général Tus avait
20 pris sa retraite. Il avait été remplacé par le général Bobetko. Mladic a
21 refusé de le croire pendant plusieurs semaines. En fait, il a cru qu'on
22 voulait le leurrer quand on parlait de Bobetko. Mais finalement, c'est ce
23 dernier qu'il a rencontré.
24 Q. Je voudrais revenir sur cette question quand vous dites de leurrer
25 Mladic, non pas parce que je ne crois pas ce que vous avez dit, mais
26 normalement on se rencontre entre pairs. Donc si vous avez un haut gradé
27 d'une armée, il est peu probable qu'il avait à rencontrer quelqu'un qui a
28 un grade inférieur au sien. Les généraux se rencontrent entre eux, les
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1 colonels entre eux, les commandants. C'est bien comme ça que se déroule le
2 protocole militaire ?
3 R. Oui, et c'était tout à fait appliqué. Ce n'était pas tellement par
4 parité au niveau des grades, c'était plutôt une priorité dans les
5 fonctions. Un commandant d'armée rencontre le commandant de l'autre armée
6 ou un adjoint du commandant. Ils n'avaient pas toujours le même grade.
7 Q. À cet égard, par exemple, et c'est un compliment que je vous fais, par
8 exemple, à bien des égards, Morillon et vous étiez vraiment comme des
9 frères siamois. Vous étiez très proches. Mais vous, vous n'alliez pas
10 rencontrer le général Mladic, n'est-ce pas ?
11 R. Non, non, j'ai toujours été au service du général Morillon.
12 L'interlocuteur du général Mladic était le général Morillon. Je n'ai jamais
13 rencontré un membre de droit en raison de ma fonction avec qui que ce soit,
14 sauf quelques très rares exceptions. Effectivement, j'étais le scribe.
15 Q. Je ne voulais vous humilier.
16 R. C'est un fait.
17 Q. Souvent les scribes jouent un rôle clé.
18 En passant, pour ce qui est de l'importance de la parité des
19 fonctions et des grades, une chose qui est apparue à vous, donc au général
20 Morillon et à vous, je pense que le général Mladic vous a dit un moment
21 donné que c'était lui le Napoléon des Balkans, n'est-ce
22 pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Il n'allait pas rencontrer des gens dont il pensait qu'ils n'avaient
25 pas la fonction requise pour répondre à ses demandes, revendications et
26 inquiétudes. Il ne cherchait pas à trouver un autre Napoléon, parce qu'il
27 n'y en a jamais qu'un, mais il demandait à avoir quelqu'un de son rang ?
28 R. Mladic était animé de deux motifs : l'un, c'était qu'il voulait
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1 toujours rencontrer des gens de son niveau qui pourraient obtenir des
2 résultats concrets; deuxième motivation, c'est que tous les autres
3 représentants de nos rangs de la Republika Srpska n'avaient de cesse
4 chercher à se faire reconnaître en tant qu'entité indépendante, donc ils
5 insistaient et étaient très pointilleux pour ce qui est des formalités, des
6 appellations, parce que par là, pensaient-ils, c'était reconnaître
7 l'indépendance et l'existence de la Republika Srpska comme entité
8 indépendante.
9 Q. Et c'était un thème utilisé par Mladic mais aussi par Karadzic, n'est-
10 ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Et pour le moment, je suis toujours dans les généralités concernant ces
13 réunions. Ce qui s'est passé au moins une fois, si pas plus, c'est que si
14 on demandait que quelque chose soit fait à Mladic, il s'en remettait à son
15 président ?
16 R. Tout à fait exact.
17 Q. Et parfois lorsqu'on faisait une demande précise à Karadzic, il s'en
18 remettait à son assemblée ?
19 R. Tout à fait exact.
20 Q. De cette façon, ces hommes vous indiquaient qu'il existait un processus
21 interne politique qu'il fallait respecter ?
22 R. Il n'avait de cesse essayer d'insister là-dessus.
23 Q. Il y avait aussi un rapport qui existait entre la composante militaire,
24 avec à sa tête le général Mladic, et la composante exécutive politique qui
25 était dirigée par Karadzic ?
26 R. Oui, c'est ce qu'ils ont essayé de maintenir.
27 Q. À l'évidence, en ce qui concerne les réunions que vous avez eues avec
28 des personnes comme Mladic et Karadzic, il était essentiel d'en rendre
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1 compte au moyen de notes ou le procès-verbal de ces réunions ?
2 R. Exact.
3 Q. Si j'ai bien compris votre déposition, vous avez dit que la première
4 fois que vous avez rencontré Mladic, Karadzic et d'autres, ce fut le 27
5 octobre; est-ce exact ?
6 R. Oui.
7 Q. Si j'ai bien compris, non pas par ce que vous avez dit hier, mais grâce
8 à d'autres documents que j'ai lus, cette réunion portait notamment sur le
9 sujet de la cessation des hostilités ?
10 R. Oui, en fait, il y avait toute une panoplie de sujets, vous
11 l'imaginerez.
12 Q. C'est bon. Le 26 avril, vous aviez rencontré Mladic, n'est-ce pas ?
13 R. Non, je pense que le 25 ou le 26, c'est à ce moment-là que nous sommes
14 arrivés à Sarajevo.
15 Q. D'accord.
16 R. Donc c'est le lendemain que nous avons eu une première réunion avec
17 Mladic. Ceci étant dit, je pense que le général Morillon avait déjà
18 rencontré Mladic quand il était commandant adjoint de la FORPRONU en
19 Krajina, mais je ne connais pas de détails à ce propos.
20 Q. Parlons de votre première réunion à vous avec Mladic. Est-ce que
21 c'était en présence de Karadzic ? Ils étaient tous ensemble, n'est-ce pas ?
22 R. Oui, je pense qu'ils étaient ensemble. Il faudrait que je vérifie dans
23 mes notes. Je me souviens surtout de ceci à propos de cette réunion à
24 Lukavica : Mladic insistait et nous avons commencé la réunion en insistant
25 pour dire que toutes les communications devaient être adressées à la
26 Republika Srpska de Krajina. Et le général Morillon a dit qu'il avait
27 envoyé une lettre à Mme Plavsic pour accélérer le processus de déploiement
28 du Bataillon canadien et avoir la permission de déployer le Bataillon
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1 français à Petrovac. Mladic a dit à Morillon qu'ils avaient fait une erreur
2 grave lorsqu'ils avaient envoyé une lettre à Mme Plavsic --
3 Q. Est-ce que je peux vous interrompre. C'est tout à fait intéressant ce
4 que vous dites, mais ma question était plus circonscrite. Je vous ai
5 demandé si Karadzic était présent.
6 R. Là, il faudrait que je vérifie pour vous le confirmer pour être précis
7 s'agissant de cette date-là, parce que je vous ai dit que ça s'est passé il
8 y a 13 ans [comme interprété].
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,
10 Maître, mais là on vient d'avoir des dates sans arrêt, les 26, 27 octobre.
11 Pour éviter de relire le compte rendu pour voir quelle année c'était,
12 c'était en quelle année ?
13 M. GUY-SMITH : [interprétation]
14 Q. C'était en 1992 tout ceci, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Vous nous avez dit que toutes les communications lui étant adressées
17 devaient être envoyées à la RSK --
18 R. Pas la Krajina.
19 Q. -- vous parliez de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, du général Morillon qui lui a dit, Mais qu'en est-il de la Krajina
21 ? Et Mladic a répondu, C'est une République distincte; c'est la Republika
22 Srpska Krajina.
23 Q. Rappelez-vous ce que vous avez dit hier. Vous avez dit que Karadzic
24 était présent à la première réunion. Et j'essaie que nous nous entendions,
25 parce que c'était bien la réunion de Lukavica ?
26 R. La réunion avec Mladic le 27 était à Lukavica. La réunion où Karadzic
27 était présent ainsi que le président [comme interprété] Koljevic, où j'ai
28 parlé de la carte du recensement, c'était à Pale.
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1 Q. Et c'était à quelle date ? Le lendemain, le 28 ? Est-ce que je peux
2 vous aider ? Je vais vous lire quelque chose et vous allez me dire si ceci
3 vous est utile. C'est simplement pour vous permettre de mieux vous
4 souvenir. Une déclaration que vous fournissez les 6 et 7 septembre 2000, le
5 27 juillet 2001 et les 5 et 6 mars 2002. Voici ce que vous dites :
6 "Le général Morillon a demandé la première fois aux dirigeants de la RS
7 d'assurer le déploiement du CanBat, du Bataillon canadien, par lettre
8 envoyée à Mme Plavsic le 27 octobre 1992."
9 Vous venez d'en parler.
10 "A ce moment-là, elle avait plus de l'influence, ce que nous n'avons
11 compris que plus tard. C'est ce que nous pensions en tout cas. Ce jour-là,
12 j'étais à une réunion du général Mladic avec le général Morillon à
13 Lukavica. J'ai amené des photos prises à la fin de la réunion. C'était la
14 première fois que je rencontrais Mladic. Karadzic était à Genève."
15 Est-ce exact ?
16 R. Oui, je pense que Karadzic a passé au moins dix jours à Genève et nous
17 pensions que Mladic a profité du fait que Karadzic était à Genève pour
18 lancer une dernière attaque sur Sarajevo pour essayer de capturer Sarajevo,
19 en tout cas, de diviser la ville en deux.
20 Q. Si je comprends bien cette première réunion, elle concernait le
21 déploiement du CanBat dans la zone de Banja Luka, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Mladic vous a dit qu'il n'avait pas le pouvoir requis pour donner son
24 approbation, mais qu'il allait en discuter avec le gouvernement ?
25 R. Je pense qu'il a dit que c'était l'assemblée des Serbes de Bosnie qui
26 devait en discuter.
27 Q. Pendant cette réunion, Mladic et Morillon ont discuté aussi de la
28 liberté de mouvement de la FORPRONU, de ses convois et de ceux du HCR, de
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1 façon générale ?
2 R. Oui.
3 Q. Ainsi que la question de la démilitarisation ?
4 R. Oui.
5 Q. Vous dites qu'on a discuté de la démilitarisation. Pourriez-vous en
6 quelques mots, dans un premier temps, car nous allons revenir à ce sujet
7 plus tard, pourriez-vous dire en quelques mots ce qui s'est dit en matière
8 de démilitarisation dans cette réunion ?
9 R. Il y a eu deux dimensions. Il y avait Sarajevo et la levée du siège.
10 Mladic a refusé d'accepter de parler d'encerclement ou de siège. Il se
11 contentait de tenir son propre terrain, de protéger ses gens à lui sur son
12 terrain à lui. Si les Musulmans étaient soit prêts à remettre toutes leurs
13 - nous parlons de Sarajevo même - de remettre leurs armes aux Nations
14 Unies, soit à permettre aux Serbes de Bosnie d'entrer dans Sarajevo, à ce
15 moment-là, il voulait bien assurer la liberté de mouvement pour entrer ou
16 sortir de Sarajevo, liberté qu'il donnerait à tous.
17 La deuxième question, c'était les armes. Lorsque le général Morillon - je
18 parle des armes lourdes - lorsqu'il a dit à Mladic qu'il devait retirer ses
19 armes lourdes, les enlever des environs de Sarajevo, il a dit, D'accord,
20 Mladic, mais pour autant que les Musulmans remettent toutes leurs armes aux
21 Nations Unies et se désarment. Si vous voulez des détails plus précis --
22 Q. Non, non, ça me suffit pour le moment. Nous savons tous les deux qu'il
23 y aurait une discussion plus poussée avec Oric en matière de
24 démilitarisation à Srebrenica. Et avec le comité de guerre, là où on
25 cherche une solution ainsi à Srebrenica.
26 R. Oui.
27 Q. Mais là c'est une facette différente de la question.
28 Ici vous évoquez un des sujets de tension, et l'analyse faite après
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1 l'examen de vos documents, c'est que Mladic a fait une équation entre
2 l'utilisation qu'il faisait de son armement lourd et la force de
3 l'infanterie de l'ABiH ?
4 R. Exact.
5 Q. Véritablement, ce qui se passait à l'époque, c'est que l'armée des
6 Serbes de Bosnie avait plus d'armement lourd, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Alors que l'ABiH, elle avait plus d'hommes d'infanterie ?
9 R. Ils avaient beaucoup plus d'hommes, mais ils n'avaient pas beaucoup
10 d'armes lourdes.
11 Q. Lorsqu'il y a eu cette toute première réunion, est-ce qu'on a discuté
12 du concept de la Défense territoriale qui existait en ex-Yougoslavie ?
13 R. Je me souviens que Mladic avait dit qu'il avait des positions pour
14 garder son propre territoire.
15 Q. Pardon ?
16 R. C'était sa revendication. Il voulait pouvoir défendre son peuple à
17 l'époque. Si je me souviens bien, il n'a pas parlé de Défense territoriale
18 ni de milices; c'est apparu bien plus tard.
19 Q. Avant que vous n'arriviez à Sarajevo, est-ce que vous saviez comment
20 l'ex-Yougoslavie avait décidé d'assurer sa défense face à une éventuelle
21 incursion après la Deuxième Guerre mondiale ? Je suis vraiment très
22 schématique, parce que je ne veux pas -- Tito avait créé son armée, mais en
23 plus de ça, il avait aussi instauré le concept de la Défense territoriale
24 où tout homme ayant un certain âge devait être prêt à combattre pour
25 défendre non seulement son pays mais sa région; exact ?
26 R. Tout à fait exact. Ceci aussi dans ce contexte que la Bosnie-
27 Herzégovine était, en fait, l'arsenal de l'ex-Yougoslavie en raison de son
28 relief montagneux et du fait qu'elle se trouve au cœur même de l'ex-
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1 Yougoslavie. Les renseignements pensaient que l'essentiel des munitions et
2 des armes étaient entreposées dans des bunkers et des arsenaux souterrains
3 se trouvant en Bosnie-Herzégovine. C'était une des raisons pour lesquelles,
4 d'après les renseignements occidentaux, la VRS avait suffisamment de
5 munitions pour poursuivre les opérations de combat en Bosnie-Herzégovine à
6 l'intensité qui était celle du moment pendant dix ans encore.
7 Q. Vous parlez maintenant des agences de renseignement occidentales, nous
8 parlons d'informations qui ont été rassemblées, analysées et suivies de
9 conclusions portant sur la capacité de faire la guerre ?
10 R. Oui.
11 Q. C'étaient les rapports que vous avez examinés ?
12 R. C'étaient les informations que nous avons reçues avant notre
13 déploiement en Bosnie-Herzégovine.
14 Q. Ça ressemblait --
15 R. C'est en septembre 1992.
16 Q. Ça ressemblait à l'autre situation, je suppose qu'il n'y avait pas de
17 notes. Ça s'est passé verbalement et vous ne vous souvenez pas de la
18 personne qui vous a donné cette information, n'est-ce pas ?
19 R. Non, je pense que c'étaient les réunions de formation que nous avons
20 eues avant notre départ, qui étaient fournies par les officiers de
21 renseignement qui étaient bien renseignés. Comme vous pouvez vous imaginer,
22 les renseignements occidentaux ont été rassemblés afin d'obtenir autant
23 d'information que possible.
24 Q. Pardon, ma question était de savoir si vous n'aviez pas de notes ou
25 d'identification de personnes.
26 R. Oui, c'est exact.
27 Q. Après la réunion avec Mladic au sujet de la cessation des hostilités et
28 autres choses, mais je vais d'abord me concentrer sur la cessation des
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1 hostilités, car si j'ai bien compris, c'est quelque chose qui a été soulevé
2 pendant la première réunion. Et même si Mladic avait été convoqué à la
3 réunion, c'est Bobetko qui a signé, et pas Mladic ? Je parlais de l'accord
4 de cessation des hostilités.
5 R. S'agissant de la première réunion à laquelle j'ai assisté avec Mladic
6 le 27 octobre, rien n'a été signé. Il y a eu une autre réunion à laquelle
7 Bobetko a signé, vers la fin novembre, et Mladic a refusé de signer. Il est
8 parti de la réunion sans avoir signé l'accord.
9 Q. Est-ce qu'à un moment donné Mladic a signé ?
10 R. Je crois. Il faudrait que je vérifie, mais je crois qu'au bout d'un ou
11 deux jours, Mladic a signé, ou lors de la réunion suivante.
12 Q. Dites à la Chambre, s'il vous plaît, quels sont les effets d'un accord
13 de cessation d'hostilités ?
14 R. Eh bien --
15 Q. Bien sûr, il y a deux aspects. Je vais vous expliquer ma question, car
16 je vois que vous êtes en train de rire.
17 Tout d'abord, quel devait être l'effet d'un accord de cessation des
18 hostilités à l'époque ?
19 R. Je suppose que l'officier ou le dirigeant, ayant signé un accord de
20 cessation des hostilités, allait ensuite donner des ordres au sein de sa
21 propre chaîne de commandement afin de faire en sorte que ses forces ne
22 mènent pas d'activités de combat.
23 Q. En matière générale, est-ce que vous pourriez dire à la Chambre de
24 première instance, d'après votre évaluation, combien d'accords de cessation
25 des hostilités ou de cessez-le-feu ont été négociés pendant votre mandat ?
26 R. Ils étaient nombreux. Combien ? Dix, 20, 30, je ne sais pas. Ils
27 étaient tellement nombreux et ils n'ont jamais été respectés.
28 Q. Lorsque vous dites "ils n'ont jamais été respectés," peut-on dire que
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1 les deux parties - et je veux dire par là à la fois les Serbes de Bosnie et
2 la présidence comme vous l'appelez - violaient ces cessez-le-feu ?
3 R. Oui. A mon avis, les trois parties, les Musulmans de Bosnie, les
4 Croates de Bosnie et les Serbes de Bosnie, violaient les accords de cessez-
5 le-feu lorsque ça les arrangeait.
6 Q. Bien. Pour ce qui est des violations des cessez-le-feu, je pense que
7 vous êtes arrivé à une position concernant les accords de cessez-le-feu de
8 façon générale, et je souhaite faire référence à quelque chose que vous
9 avez dit au préalable lors de votre déposition lorsque vous avez dit :
10 "Nous avons essayé de négocier le cessez-le-feu, et depuis notre arrivée en
11 Bosnie-Herzégovine, très souvent, les dirigeants des Serbes de Bosnie
12 souhaitaient que l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine soit couverte par le
13 cessez-le-feu. Autrement dit, ils voulaient consolider leurs gains,
14 consolider ce qu'ils avaient capturé, alors que les dirigeants bosniens
15 déclaraient qu'ils voulaient les cessez-le-feu."
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
17 Mme CARTER : [interprétation] Peut-on avoir la référence ?
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi. Il s'agit de la page 5 795,
19 ligne 129 [comme interprété].
20 "En réalité, ils se comportaient de façon à ce que chaque fois qu'ils
21 étaient sous la pression militaire de la part des Serbes, ils voulaient les
22 cessez-le-feu locaux, mais ensuite ils essayaient de les violer et de
23 provoquer les Serbes."
24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Et ce qui se déroulait, c'est que
25 les Serbes de Bosnie, comme je l'ai déjà décrit dès le début lorsque je
26 parlais de la première réunion avec Mladic et Karadzic, ils disaient et
27 soulignaient toujours, Nous voulons être notre propre entité; nous voulons
28 être reconnus comme Etat; nous voulons la reconnaissance; nous voulons un
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1 cessez-le-feu portant sur l'ensemble des lignes de front.
2 La présidence a déclaré qu'ils soutenaient l'idée d'un cessez-le-feu
3 aussi, mais la réalité pratique était qu'ils ne reconnaissaient pas le
4 statu quo et souhaitaient reprendre les territoires dont les Serbes de
5 Bosnie s'étaient emparés. Par conséquent, ils lançaient des attaques
6 locales. Lorsque les Serbes de Bosnie ripostaient à ces attaques locales et
7 les repoussaient au bout d'un jour ou deux en moyenne, car les Serbes de
8 Bosnie n'étaient pas suffisamment nombreux à tous les endroits de cette
9 longue ligne de front, les Musulmans avançaient jusqu'à ce que les Serbes
10 de Bosnie n'utilisent les armes lourdes contre eux. Deuxièmement, s'il
11 s'agissait d'une irruption assez importante, les forces régulières les
12 repoussaient afin de rétablir la ligne de front.
13 M. GUY-SMITH : [interprétation]
14 Q. Très bien. Et je suppose que vous avez eu cette expérience lorsque vous
15 êtes arrivé en Bosnie en octobre 1992 et jusqu'à votre départ en 1993 ?
16 R. Oui, il y a une autre dimension, c'est-à-dire le déploiement de l'ONU
17 en Bosnie en vertu de l'article 6. Nous étions là afin de fournir l'aide
18 humanitaire, mais notre mandat ne nous permettait pas de participer aux
19 combats. Et la présidence essayait sans cesse de changer cela et d'obtenir
20 que les forces des Nations Unies se battent avec eux contre les Serbes.
21 Q. Lorsque vous parlez de cette tentative, c'étaient les tentatives de la
22 présidence, autrement dit, des Musulmans de Bosnie.
23 R. C'est exact.
24 Q. Ils essayaient d'obtenir que les forces des Nations Unies se battent
25 avec eux contre les Serbes. Je souhaite maintenant parler d'un autre
26 incident, les tirs de mortiers en provenance de l'hôpital de Kosevo, à
27 Sarajevo; vous savez de quoi je parle ?
28 R. Je crois que vous parlez d'un incident lors duquel des membres du
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1 personnel de l'ONU fournissaient le diesel à l'hôpital et ils ont vu un
2 détachement mobile de mortiers légers qui avait été déployé là-bas. Il
3 s'agissait des militaires musulmans de Bosnie à l'intérieur de Sarajevo qui
4 avaient été déployés dans l'hôpital et qui tiraient depuis l'hôpital sur
5 les forces qui encerclaient Sarajevo, et ensuite se retiraient rapidement
6 de l'hôpital. Il était connu que les Serbes de Bosnie encerclaient Sarajevo
7 et qu'ils avaient un radar permettant de localiser les mortiers. Et ce
8 radar capable de voir les obus de mortiers dans l'air pouvait calculer
9 l'emplacement d'où les obus étaient tirés. La preuve en est que les Serbes
10 de Bosnie ont immédiatement riposté, dès qu'ils pouvaient, dans la
11 direction de l'emplacement dont les tirs provenaient.
12 Cependant, cet emplacement était l'hôpital de Kosevo, alors la contre-
13 attaque des Serbes a eu pour cible, finalement, l'hôpital de Kosevo. Et si
14 je me souviens bien, il y a eu une conférence de presse qui a été organisée
15 par la présidence à l'hôpital au bout d'une demi-heure. Effectivement, à ce
16 moment-là, pendant la conférence de presse, les obus serbes tombaient sur
17 l'hôpital.
18 Q. Lorsque vous dites une conférence de presse, qui l'avait convoquée ?
19 R. Je ne me souviens pas des détails.
20 Q. C'était une question plutôt générale, quelqu'un de la présidence, je
21 crois.
22 R. Oui, quelqu'un de la présidence.
23 Q. Vous avez eu des informations, à moins que je ne me trompe, indiquant
24 que le directeur de l'hôpital, qui était une personne qui non seulement
25 soutenait la cause générale de la présidence, mais je crois que c'était un
26 extrémiste aussi ?
27 R. Je ne me souviens pas de cela.
28 Q. Bien. Je fais référence -- j'indique pour l'Accusation à la page 10 022
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1 dans le compte rendu de IT-98-29-T. C'est le conseil qui parlait. En fait,
2 c'est le Juge qui vous a posé la question par rapport à ce que vous nous
3 avez dit au sujet des tirs en provenance de l'hôpital de Kosevo. Vous nous
4 avez dit que vous aviez reçu des informations de deux sources. Est-ce que
5 vous vous souvenez avoir reçu l'information de deux sources ? Tout d'abord
6 un sergent britannique, ensuite des journalistes ?
7 R. Je pense que l'on est en train de confondre des éléments qui sont --
8 Q. Bien. Il y a eu plusieurs incidents de tirs depuis l'hôpital de Kosevo.
9 Traitons-en successivement.
10 R. Nous avons reçu des rapports non confirmés, il s'agissait plutôt de
11 rumeurs, selon lesquels des obus de mortiers avaient été tirés depuis
12 l'hôpital de Kosevo de temps en temps. Et c'est seulement lorsque ce
13 sergent britannique a physiquement vu cela pendant qu'il était en train de
14 faire une livraison, c'est à ce moment-là que nous avons considéré que nous
15 avions eu une preuve confirmant cela.
16 Et en ce qui concerne le journaliste, c'était un événement tout à fait
17 différent. Je crois que vous faites référence aux tirs de mortiers tirés
18 contre le quartier général du général Morillon à Sarajevo. En fait, ce
19 terrain s'appelle la "Résidence," par opposition à la "Présidence," et
20 c'est là que se trouvait le gouvernement des Musulmans de Bosnie.
21 Q. Et en ce qui concerne l'incident lié au général Morillon, c'était chez
22 lui ou dans son quartier général ?
23 R. Au quartier général. Mais c'est là qu'il vivait aussi.
24 Q. Les deux.
25 R. C'était les deux.
26 Q. En ce qui concerne l'incident lié à la résidence lorsque les Bosniaques
27 ont tiré, est-ce que vous pouvez nous dire quelle était la date ?
28 R. Il y a eu deux incidents : l'un a eu lieu le 24 décembre 1992; et le
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1 deuxième a eu lieu le jour de Noël, c'est-à-dire le 25 décembre 1992.
2 Q. Bien. Pour ce qui est de l'hôpital de Kosevo et de cette question liée
3 à l'hôpital de Kosevo, le Juge vous a posé des questions concernant si vous
4 saviez s'il y avait des tirs de mortiers en provenance d'autres hôpitaux de
5 Sarajevo et je crois que vous avez dit que vous ne le saviez pas. Ensuite
6 vous avez expliqué que le cas de l'hôpital de Kosevo était plutôt unique en
7 son genre. Est-ce que vous pouvez nous dire, si vous vous souvenez,
8 pourquoi l'hôpital de Kosevo était unique dans son genre par rapport à la
9 possibilité de tirer ?
10 R. Je ne sais pas si c'est un cas unique, mais j'avais l'impression que,
11 s'agissant des autres hôpitaux, il s'agissait plutôt de grands bâtiments,
12 et entre les bâtiments, il y avait des parkings, il y avait des espaces
13 larges et découverts entre les bâtiments. Et c'est de ces espaces-là qu'il
14 était possible de tirer, conformément à ce que disait le sergent
15 britannique.
16 Q. Bien. Puis il y avait un troisième élément que j'ai mentionné
17 concernant l'extrémiste.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je fais référence à la page
19 10 024.
20 Q. Vous avez répondu à la question du Juge. En fait, tout d'abord, le juge
21 vous a posé une question concernant votre hôpital, et vous avez commencé la
22 réponse à la ligne 4 :
23 "Je dois savoir plusieurs choses. Il faut répondre en plusieurs
24 parties. Tout d'abord, je peux dire que je n'ai pas de connaissance
25 concernant de tels tirs à proximité d'autres hôpitaux à Sarajevo."
26 "Deuxièmement, les autres hôpitaux de Sarajevo sont des bâtiments
27 très différents."
28 C'est pour ça que j'ai dit que le cas du Kosevo était unique.
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1 "L'hôpital de Kosevo est le seul qui s'étendait sur une mesure assez large.
2 Les autres hôpitaux sont des bâtiments uniques et solides avec des
3 bâtiments militaires à côté, donc peut-être leur tactique n'aurait pas
4 marché."
5 Ensuite vous dites :
6 "La troisième chose que je souhaite dire est que le directeur de
7 l'hôpital de Kosevo était connu comme extrémiste, comme quelqu'un de
8 radical et quelqu'un qui croyait qu'il fallait soutenir cette tactique dans
9 l'intérêt plus grand du soutien, d'après lui, à la cause bosniaque, alors
10 que les directeurs des autres hôpitaux, à notre avis, étaient concentrés
11 plus sur les intérêts médicaux et refusaient d'avoir ce genre d'actions."
12 Et c'est ce à quoi je faisais référence lorsque j'ai mentionné qu'il
13 était extrémiste. Est-ce que vous vous souvenez maintenant ?
14 R. Oui, vous m'avez rafraîchi la mémoire. Je me souviens qu'il y
15 avait quelque chose concernant le directeur de l'hôpital de Kosevo. Je ne
16 me souviens pas maintenant de son nom. Peut-être ç'a été mentionné dans mes
17 notes, mais vous savez, ça s'est passé il y a longtemps, donc je ne me
18 souviens plus.
19 Q. Pendant que l'on parle encore de la question des hôpitaux, parmi
20 les élément au sujet desquels on a attiré votre attention, il y avait aussi
21 le trafic d'explosifs dans les bouteilles d'oxygène que l'on transportait
22 aux hôpitaux; est-ce exact ?
23 R. Oui.
24 Q. Les bouteilles d'oxygène, si je ne me trompe, constituent certainement
25 une forme d'aide humanitaire, et c'est certainement quelque chose qui est
26 crucial et nécessaire pour le bon fonctionnement d'un hôpital, n'est-ce pas
27 ?
28 R. Oui, c'est exact.
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1 Q. À votre avis, est-ce qu'il serait approprié que les explosifs fassent
2 l'objet de contrebande vers l'hôpital en utilisant les bouteilles d'oxygène
3 alors que, soi-disant, c'était livré aux fins d'aide humanitaire ?
4 R. Il s'agirait certainement d'une violation de l'accord entre les parties
5 belligérantes et avec les Nations Unies si l'on trafiquait les explosifs ou
6 les armes sous forme cachée dans le cadre de l'aide humanitaire.
7 Q. Pour ce qui est de la question des explosifs qui étaient trouvés dans
8 le cadre de ce qui se faisait passer pour de l'aide humanitaire, est-ce que
9 vous considérez que, sachant cela, est-ce qu'il aurait été raisonnable de
10 procéder aux fouilles d'un convoi. Et un convoi qui prétendait, et je ne le
11 dis pas dans le sens péjoratif, mais qui prétendait d'avoir uniquement un
12 but humanitaire ?
13 R. Maintenant, je vais parler en mon nom personnel. J'aurais pu comprendre
14 ce souhait, mais je considère également que peu importe la forme de ces
15 fouilles, leur effet était le fait qu'elles empêchaient l'acheminement de
16 toute aide humanitaire.
17 Q. J'apprécie cela, mais ce n'était pas ma question.
18 R. Oui, mais c'est ce que je voulais dire. C'est ce que je pense.
19 Q. Je comprends. Mais voilà ma question. Ma question est de savoir s'il
20 était inapproprié et irraisonnable de fouiller les convois de l'aide
21 humanitaire, sachant qu'ils étaient utilisés à de telles fins ?
22 R. À partir du moment où ceci n'était pas utilisé comme excuse afin
23 d'empêcher l'acheminement de l'aide humanitaire.
24 Q. Monsieur, si vous savez qu'un convoi d'aide humanitaire contenait des
25 armes, à votre avis, vous considérez qu'il fallait laisser passer ces
26 convois --
27 R. Non.
28 Q. -- avec les armes ?
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1 R. Non, c'était notre position. D'après nous, aucune arme ne devait être
2 autorisée dans le cadre de convois humanitaires. Il y a eu des situations
3 où nous avons trouvé des armes dans le convoi d'aide humanitaire. Dans ce
4 cas là, nous avons protesté de la manière la plus ferme possible auprès de
5 la partie qui était responsable de cela.
6 Q. Mais, en réalité, les fortes protestations étaient formulées vis-à-vis
7 des parties en question, mais ce qui se passait ressemblait à la situation
8 liée au cessez-le-feu, n'est-ce pas ? Finalement, c'était souvent violé ?
9 R. Oui, tout comme la plupart des demandes d'aide humanitaire.
10 Q. Je vois.
11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Le moment est-il opportun pour
12 procéder à une pause ?
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Nous allons faire une pause
14 et reprendre notre travail à 12 heures 30.
15 --- L'audience est suspendue à 11 heures 57.
16 --- L'audience est reprise à 12 heures 29.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Vous me permettez, Monsieur le Président ?
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je croyais bien l'avoir dit,
20 Maître Guy-Smith.
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Puis-je procéder ?
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je crois avoir dit oui, Maître Guy-
23 Smith.
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie.
26 M. GUY-SMITH : [interprétation]
27 Q. Je voudrais que nous revenions un instant pour traiter de certains
28 aspects de chronologie de dates, si possible. D'après ce que j'ai compris,
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1 du côté du 31 octobre 1992, c'est le moment où l'armée serbe de Bosnie a
2 tenté, comme vous l'avez dit, de couper en deux Sarajevo; c'est exact ?
3 R. C'est exact.
4 Q. Maintenant, après ce moment-là, si nous passons au mois de novembre. Au
5 cours du mois de novembre, comme vous vous en souvenez, y a-t-il eu des
6 convois qui sont sortis de Sarajevo aux fins de livrer ou d'emmener ou bien
7 des personnes ou bien de l'aide ?
8 R. Oui, il y a eu des convois qui sortaient de Sarajevo vers Gorazde.
9 Q. Bien.
10 R. Il y avait bien d'autres convois que le HCR
11 certaines livraisons en Bosnie-Herzégovine, mais je ne me rappelle pas tous
12 ces convois.
13 Q. Très bien. Maintenant, juste du côté du 4 ou du 5 novembre, vous
14 rappelez-vous qu'il y ait eu des négociations entre la présidence,
15 représentée, je le pense, par Izetbegovic; Pale étant représentée, à ce que
16 je crois, par M. Karadzic; et la Croatie représentée, je n'en suis pas sûr
17 par qui, en ce qui concerne les convois de cars de Serbes et de Croates, de
18 Serbes quittant Sarajevo pour aller à Belgrade, de Croates quittant
19 Sarajevo pour aller à Split ?
20 R. Oui, c'est exact.
21 Q. En ce qui concerne les représentants de la partie croate que nous avons
22 juste abordés très légèrement, mais qui, en fait, avaient une importance
23 certaine à l'époque, le représentant de la partie croate aurait été Bobetko
24 ?
25 R. Non, Bobetko, à ce moment-là, appartenait à l'état-major général de
26 l'armée croate, autrement dit, il était hors de Zagreb. Les négociations à
27 partir de Pale -- la première chose à dire, c'est que les négociations pour
28 cette action particulière ont été menées entre les quartiers généraux du
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1 secteur de Sarajevo ou par le quartier général du secteur Sarajevo, plutôt
2 que par mon propre quartier général.
3 Q. Je vois.
4 R. Et ils s'occupaient, les gens du secteur du quartier général de
5 Sarajevo, ils avaient un officier de liaison, un Serbe de Bosnie, qui était
6 basé au bâtiment des PTT de Sarajevo, qui constituait le quartier général
7 du secteur de Sarajevo ayant des communications par le truchement de
8 Lukavica, qui était le quartier général militaire à cet endroit-là. Le
9 Serbe -- non, excusez-moi, le négociateur pour les Croates, lui, je ne sais
10 pas qui c'était. Je supposerais que c'était le colonel Siber.
11 Q. Très bien. Maintenant, après les négociations qui ont eu lieu au début
12 de novembre, je crois qu'il y a eu une autre réunion que vous avez eue le
13 14 novembre, et c'est une réunion que vous avez eue avec le général Galic.
14 Vous vous rappelez cela ?
15 R. Je ne pourrais pas vous dire aujourd'hui ici, Oui, c'était le 14. Mais
16 oui, certainement, il y a eu un certain nombre de réunions avec le général
17 Morillon. En fait, c'est le général Morillon qui a eu des réunions avec le
18 général Galic à l'époque.
19 Q. Je voulais relire la déclaration avant de voir si ceci pourrait vous
20 rafraîchir la mémoire en ce qui concerne ce que vous avez dit précédemment
21 concernant la réunion que vous avez eue avec le général Galic le 14. Ce
22 serait à la page 10 :
23 "Le 14 novembre, nous avons eu une première réunion avec Stanislav Galic au
24 quartier général à la caserne de Lukavica" -- excusez-moi, "… à l'extérieur
25 de Sarajevo, près de l'aéroport. Galic n'était pas au niveau avec qui
26 Morillon se serait normalement réuni."
27 Je pense que là vous vous référez encore à une question de rang dont nous
28 avons parlé déjà précédemment, c'est-à-dire des hommes ou femmes militaires
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1 de grade égal qui se réunissaient sans avoir affaire à un supérieur ou à un
2 subalterne ?
3 R. C'est exact.
4 Q. "Je crois que Morillon essayait de se mettre en rapport avec Mladic en
5 ce qui concerne le déploiement du 2e Bataillon canadien dans le secteur de
6 Banja Luka, mais Morillon avait des difficultés à se mettre en rapport avec
7 Mladic."
8 Maintenant, c'est la même chose. La discussion pour le 2e Bataillon
9 canadien qui se déroulait probablement depuis le mois d'octobre ?
10 R. Oui, c'est exact. Et si vous vous rappelez, en mars, j'ai parlé d'un
11 bataillon canadien qui était bloqué à l'extérieur de Zvornik, et c'était le
12 même bataillon cinq mois plus tard.
13 Q. Vous aviez dit qu'il y avait un bataillon canadien qui était bloqué à
14 l'extérieur de Zvornik. Est-ce que c'était près du pont de Zvornik ?
15 R. Oui. En se rendant en traversant le pont de Zvornik du côté de la
16 Bosnie, en entrant du côté serbe, si vous vous teniez immédiatement à
17 gauche, il y avait une longue route et une aire de stationnement, et il y
18 avait le bataillon canadien qui était aligné là avec toute une rangée de
19 véhicules et des soldats qui, littéralement, vivaient sur ces véhicules et
20 dans des petites tentes qui étaient dressées le long de leurs véhicules.
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je voudrais voir, s'il vous plaît, le
22 document 1D00-2594, qui est une vue aérienne d'un pont.
23 Q. J'aimerais --
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, D22. Excusez-moi. La pièce D22
25 de la Défense. Je me suis trompé.
26 Q. Est-ce que vous l'avez devant vous ?
27 R. Oui.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, je crois que cette
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1 pièce est sous pli scellé.
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi. Je ne sais pas pourquoi c'est
3 le cas, mais je suppose qu'il faut que nous allions en audience à huis clos
4 partiel.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que nous allions en audience à huis
6 clos partiel.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos
8 partiel, Monsieur le Président.
9 [Audience à huis clos partiel]
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24 [Audience publique]
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Greffier.
26 Oui, Maître Guy-Smith.
27 M. GUY-SMITH : [interprétation]
28 Q. Ce pont semble avoir une qualité un peu fuyante --
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que la Chambre peut partir de
4 l'hypothèse que l'image, telle qu'elle est présentée, est orientée nord,
5 sud, est, ouest --
6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, je crois que c'est le cas.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous pouvons partir de cette idée.
8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.
9 Q. Alors Mladic, que Morillon essayait de contacter en ce qui concerne la
10 question du déploiement du Bataillon canadien, n'était pas disponible; on
11 n'arrivait pas à le trouver ?
12 R. C'est exact.
13 Q. Et vous avez appris que Mladic, en l'occurrence, était engagé dans des
14 combats, n'est-ce pas ?
15 R. Ceci était dans les conséquences, et la suite de la dernière tentative
16 pour attaquer Sarajevo.
17 Q. Bien. Et est-ce que vous comprenez que c'est là que Mladic se trouvait
18 le 14 ? Parce que vous dites ici, je cite :
19 "Je pense que Mladic était préoccupé pour ce qui est de traiter de cette
20 urgence dans le sud-est de la Bosnie, où ses forces, je crois, avaient subi
21 une attaque de la part des Croates."
22 R. Ça, c'est une question tout à fait différente. C'était l'attaque qui,
23 en fait, je ne peux pas me rappeler le nom de l'endroit, mais je l'ai dans
24 mes notes. Je peux le désigner sur la carte.
25 Q. Bien. Mais en ce qui concerne la partie sud-est de la Bosnie où cette
26 attaque avait lieu, c'est-à-dire une attaque impliquant seulement des
27 forces croates, était-ce cela ou est-ce que c'était une attaque qui
28 impliquait une combinaison de forces croates et d'autres forces, si vous le
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1 savez ?
2 R. Nous n'avions pas de personnel dans le secteur de façon à vérifier ceci
3 ou cela. Ce que Mladic nous a dit, c'est que c'était une combinaison de
4 forces croates de Bosnie renforcées par les forces de la République de
5 Croatie. En d'autres termes, des forces commandées depuis Zagreb.
6 Q. Est-ce qu'il y aurait eu -- enfin, je mentionne un secteur pour voir si
7 ceci vous rafraîchit la mémoire --
8 R. Trebinje.
9 Q. Maintenant, en ce qui concerne ce combat particulier, si j'ai bien
10 compris les choses, Mladic avait à combattre deux groupes distincts de
11 forces à ce moment-là. L'un devait être les forces croates; et l'autre
12 était l'ABiH, les forces de Bosnie-Herzégovine; c'est bien cela ? Il
13 combattait sur deux fronts ?
14 R. Oui, effectivement. Il y avait là ces fronts, parce que --
15 Q. Trois fronts.
16 R. -- il y avait l'armée musulmane de l'ABiH de Bosnie-Herzégovine et, de
17 temps en temps, il avait aussi été engagé à combattre contre le HVO, qui
18 était croate -- non, excusez-moi, je voulais dire les militaires croates de
19 Bosnie qui, je crois, à ce moment-là, étaient commandés par le général de
20 brigade Petkovic. Donc trois fronts. Troisièmement, il était avec le HV qui
21 était l'armée de la République de Croatie, en d'autres termes, l'armée
22 commandée qui avait son quartier général à Zagreb.
23 Q. En ce qui concerne les renseignements que vous aviez - et je vais
24 revenir un moment à la question qui avait été évoquée pour ce qui était
25 d'une inégalité en ce qui concerne, d'une part, les armes lourdes et,
26 d'autre part, l'infanterie - est-ce que vous aviez des renseignements
27 concernant l'importance des effectifs de ces diverses forces, et par cela
28 je veux dire le HVO, l'armée croate, tel que vous avez explicité les
Page 9248
1 choses, et l'ABiH.
2 R. De la même façon, nous avions des appréciations faites au niveau des
3 renseignements qui avaient été préparées avant notre déploiement et qui
4 continuaient d'être développées pendant que nous étions déployés en Bosnie-
5 Herzégovine, à savoir que l'ABiH avait un très grand nombre d'hommes qui,
6 par définition, parce qu'ils étaient yougoslaves, avaient fait leur service
7 militaire et, par conséquent, qui savaient se servir des armes. Tous, pour
8 la plupart, pratiquement tout homme adulte en Bosnie-Herzégovine savait
9 comment se servir d'armes de poing ou d'armes légères. Toutefois, ils
10 n'avaient pas tant de petites armes que cela et ils avaient très peu
11 d'armes lourdes.
12 Le HVO, qui est la milice croate à l'intérieur de Bosnie, par comparaison,
13 était beaucoup mieux équipé, et ils étaient équipés par le HV. Il était
14 clair qu'il y avait une ligne de communication depuis la direction de Split
15 jusqu'au centre de la Bosnie pour laquelle le HVO avait un accès facile au
16 matériel, que les autorités croates à Zagreb auraient remis à leur
17 disposition.
18 Le HV lui-même, les forces militaires de la République de Croatie étaient
19 encore mieux équipées que le HVO, pouvaient acheter du matériel sur le
20 marché international et ils pouvaient avoir du matériel qui était mis à
21 leur disposition dans le cadre de ventes d'armes internationales.
22 Q. En ce qui concerne le nombre de ces armées pour ce qui est notamment
23 des hommes, des combattants, seriez-vous à même de nous donner des chiffres
24 ?
25 R. C'est une question qui est un peu dépourvu d'intérêt, parce que,
26 littéralement, tout homme adulte pouvait prendre une arme et tous avaient
27 des effets d'uniformes militaires. Il était très difficile d'identifier ce
28 qu'est un soldat, par rapport à un soldat de métier qui a été formé par
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1 rapport à quelqu'un qui est, en fait, un civil qui a fait son service
2 militaire et qui sait se servir d'une arme de poing ou d'une arme légère.
3 Q. Bien. Donc ceci simplement pour mieux comprendre quelle était la
4 situation en ce qui concerne les villages qui subissaient cette pression
5 dont vous nous avez parlé, pouvez-vous nous dire, dans ces villages,
6 combien de villageois étaient ou bien directement impliqués avec l'ABiH,
7 disons sous l'autorité d'Oric qui, je crois, était le commandant de
8 l'enclave de Srebrenica, ou qui étaient les compagnons qui se déplaçaient,
9 et par là je veux dire ceux qui étaient des sympathisants pour la cause de
10 Bosnie ?
11 R. Là encore, je fais des estimations. Ceci n'est pas parce que j'ai des
12 renseignements précis. La réalité, c'était qu'à l'intérieur de l'enclave de
13 Srebrenica, les Musulmans avaient un très petit nombre de petites armes.
14 Naser Oric --
15 Q. Excusez-moi, je vous pose une question qui concerne les combattants
16 capables de porter des armes, et non pas les armes elles-mêmes.
17 R. Pourriez-vous répéter la question ?
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
19 Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, je dois objecter. La
20 question posée est précisément celle à laquelle le colonel Tucker essayait
21 était en train d'essayer de répondre. Elle a été reformulée maintenant.
22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non, non, ce n'est pas le cas. Pourriez-
23 vous nous dire dans ces villages combien de villageois étaient soit
24 directement impliqués avec l'ABiH, par exemple, sous l'autorité d'Oric, ou
25 qui étaient ceux qui se déplaçaient ? Ceci n'a rien à voir avec la question
26 des armes.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce qui est distinct de la force
28 numérique du HV, du HVO et de l'ABiH.
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1 Mme CARTER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Toutefois,
2 lorsqu'elle est reformulée, il demande simplement qui étaient les hommes en
3 état de porter des armes pour essayer de limiter encore les choses. Je
4 pense que le témoin devrait avoir la possibilité de répondre à la première
5 question telle qu'elle a été posée en ce qui concerne qui se trouvait
6 présent à l'intérieur de Srebrenica.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous objectez à cause de la
8 séquence des questions ou est-ce que vous objectez parce que la question
9 elle-même soulève des objections ?
10 Mme CARTER : [interprétation] J'objecte au fait que le témoin n'ait pas la
11 possibilité de répondre à la question posée.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] S'il n'est pas en mesure de répondre
13 aux questions posées et qu'il dit, Je ne suis pas en mesure de répondre,
14 est-ce que c'est un motif d'objection ?
15 Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'il a dit
16 qu'il ne pouvait pas répondre à la question ? Il a commencé à répondre à la
17 question, mais Gregor Guy-Smith l'a coupé et a lui a posé une question
18 distincte. Donc nous demandons que le témoin puisse --
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question précédente où on lui a
20 coupé la parole, pouvez-vous, s'il vous plaît, vous référer au compte rendu
21 où ça s'est passé ?
22 Mme CARTER : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président, 76
23 commence -- non, ça c'est une répétition. Excusez-moi.
24 La question initiale se trouve à la page 75 commençant à la ligne 15. Il
25 commence par une réponse à la ligne 22, puis on y coupe la parole et on lui
26 pose une question distincte commençant à la ligne 25. Je voudrais demander
27 que le témoin soit autorisé à répondre aux questions telles que posées.
28 M. GUY-SMITH : [interprétation] En ce qui concerne la question que j'ai
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1 posée, la réponse du colonel Tucker, ce n'était pas une réponse. Je suis
2 heureux de reposer la même question, telle que je l'ai posée à la page 75,
3 sous sa forme mot à mot.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Posez-là. Pourriez-vous juste
5 poser la question au lieu de nous donner le cadre général de renseignements
6 autour. Si on pose des questions brèves et que l'on obtient des réponses
7 brèves, la communication fonctionnera beaucoup mieux --
8 M. GUY-SMITH : [interprétation]
9 Q. Vous avez témoigné qu'il y avait des villages qui subissaient des
10 pressions et vous nous avez dit ce que vous avez appris quant à la façon
11 dont les forces serbes de Bosnie attaquaient, n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 Q. En ce qui concerne ces villages dont vous avez dit à la déposition
14 qu'ils subissaient des pressions, pourriez-vous nous dire combien
15 d'habitants des villages se trouvaient sous le commandement de l'ABiH dans
16 ce secteur commandé par Oric, Naser Oric ?
17 R. A l'évidence, je n'ai pas de renseignement des services de
18 renseignement en ce qui concerne les nombres. Je n'étais pas dans ces
19 villages. Ce que je peux dire, c'est qu'à ce que je comprends, ceci a été
20 confirmé aussi par Naser Oric lorsque Morillon lui a parlé, c'est que ces
21 villages contenaient des villageois, plus souvent des réfugiés qui
22 s'étaient enfuis de certains villages. Toutefois, il n'y avait pas de
23 combattants dans ces villages. Il y avait un deuxième groupe de personnes
24 qui étaient des combattants et qui étaient, pour les décrire, il y avait
25 une hiérarchie de commandement avec Naser Oric et le point déterminant,
26 c'étaient les armes qui étaient disponibles.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais combien de ces combattants y
28 avait-il qui se trouvaient sous les ordres de Naser Oric ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'estimais que c'était probablement plusieurs
2 milliers autour du périmètre de l'enclave de Srebrenica. Mais c'est une
3 estimation purement personnelle. Ce n'est pas quelque chose que je me sois
4 préoccupé d'essayer d'évaluer, parce que, pour nous, c'étaient des
5 informations dépourvues de signification.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et dans quels villages y avait-il
7 précisément ces personnes ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces personnes ne se trouvaient pas dans les
9 villages. Ces personnes se trouvaient sur la ligne de front, et la ligne de
10 front était déplacée quand elle était repoussée. Evidemment, ces personnes
11 se sont retirées --
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je comprends que vous dites
13 que votre réponse concernant plusieurs milliers de combattants sous les
14 ordres de Naser Oric, en fait, ce n'est pas une réponse à la question de Me
15 Guy-Smith, parce que maintenant vous nous parlez d'une estimation
16 concernant la ligne de front, non pas une estimation des nombres de
17 personnes dans les villages ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] L'estimation concernant plusieurs milliers
19 concerne l'ensemble de la poche de Srebrenica. Je ne suis pas à même de
20 vous dire combien de combattants il peut y avoir eus ou non dans tel ou tel
21 village à un moment donné.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith. J'espère ne
23 pas avoir ajouté de la confusion à la question.
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci. Je ne pense pas que ce soit le cas,
25 Monsieur le Président.
26 Q. Vous rappelez-vous la question des convois qui avaient été envoyés à
27 Srebrenica le 17 novembre et le problème discuté entre Morillon et Mladic ?
28 R. Si je me souviens --
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1 Q. 1992 ?
2 R. Si je m'en rappelle bien, c'était lorsque Mladic avait dit à Morillon
3 de présenter un itinéraire et lorsqu'il a lui-même, ou son état-major ou
4 son personnel, avait modifié l'itinéraire de façon à essayer de s'assurer
5 qu'ils court-circuitaient des zones où il y aurait des difficultés. C'était
6 une réunion vers cette époque entre le général Morillon et le général
7 Mladic que je me rappelle que Mladic s'est levé et est sorti de la réunion
8 alors qu'il y avait des renseignements qu'il recevait de son propre
9 personnel concernant la progression du convoi.
10 Q. Et c'était à cette réunion que vous avez commenté, vous avez vu que
11 ceci n'est pas exact. Encore une fois me référant à votre déclaration, vous
12 dites à la page 11, je cite :
13 "Le général de corps d'armée Mladic a pratiquement fait aucun effort pour
14 cacher que le fait que rien n'arriverait si les Serbes de Bosnie tenaient
15 la BiH sans son approbation spécifique. Il était très apparent qu'il
16 prenait toutes les décisions militaires en pratique, et c'étaient ces
17 seules décisions qui comptaient."
18 R. Oui, c'était très évident.
19 Q. En ce qui concerne la réunion à laquelle assistaient Mladic et Morillon
20 concernant les convois, il y a quelque chose qui, je crois, est assez
21 spectaculaire qui s'est passé le 17 novembre. C'était que le fait que le
22 HCR de l'ONU a suspendu toute les livraisons d'aide à la Bosnie orientale,
23 à la fois aux Serbes de Bosnie et autres communautés; est-ce exact ?
24 R. Oui, je me rappelle que ça a eu lieu. Ceci a été déclenché par deux ou
25 trois éléments.
26 Q. Avant que nous arrivions à cela, pour replacer les choses dans un
27 contexte, qu'est-ce qui s'était passé avant cela pour que le HCR
28 suspende les fournitures d'aide humanitaire ? Mladic avait imposé les
Page 9255
1 conditions particulières à ce convoi, ses facultés de se déplacer; c'est
2 bien cela ?
3 R. Oui, il avait imposé un certain nombre de contraintes.
4 Q. Donc, indépendamment ou en réaction à ces contraintes, le HCR
5 avait décidé qu'ils suspendraient la livraison de l'aide humanitaire, parce
6 que de leur point de vue, il était nécessaire d'avoir une appréciation
7 globale des besoins ainsi qu'une intention manifestée de façon plus claire
8 d'une plus grande coopération par les autorités au niveau central et au
9 niveau local; c'est bien cela ?
10 R. C'est une description assez vague.
11 Q. Je me réfère à ce que vous avez dit dans votre déclaration, en fait, je
12 viens de vous citer ce que vous avez dit, qui était, je cite :
13 "Le HCR suspend, le 17 novembre, toute livraison de secours à la Bosnie
14 orientale, à la fois aux Serbes de Bosnie et à d'autres communautés, en
15 attendant une évaluation globale des besoins ainsi qu'une coopération plus
16 sérieuse par les autorités au niveau central et au niveau local."
17 R. Oui, mais il y avait plus que cela.
18 Q. Bien. Alors, je ne veux pas [comme interprété] traiter de la question
19 maintenant sur cette question de la suspension. Mais d'après ce que je
20 comprends de ce qui s'est passé, il y a une eu une lettre qui avait été
21 écrite par le HCR de l'ONU qui a indiqué qu'une suspension de l'aide aurait
22 lieu.
23 R. Oui, je pense que c'est exact.
24 Q. Et quand cette lettre a été rédigée, elle indiquait qu'une suspension
25 aurait lieu à tel moment. Quelle a été votre réaction - je dis "votre" en
26 parlant de Morillon et de vous, évidemment - lorsqu'il s'agissait de
27 suspendre cette action indépendante du HCR
28 bien sûr, il faut en ce moment, à la lumière de ce qu'ils avaient compris
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1 qu'étaient les exigences de Mladic ?
2 R. Je me souviens que Morillon était vraiment très fâché. Ça l'avait
3 vraiment choqué.
4 Q. Est-ce que c'était à la suite de cette suspension, cette réunion de
5 Morillon avec le chef du HCR et que c'était l'organisation même qui était
6 censée fournir cette aide qui a décidé de la suspendre ?
7 R. Morillon croyait qu'il lui revenait d'essayer de faire passer l'aide
8 humanitaire quelles que soient les difficultés l'en empêchant. Le Haut-
9 commissariat aux réfugiés partageait ces convictions, mais il croyait, et
10 là je me base sur des souvenirs que j'ai de cette période éloignée, le HCR
11 pensait qu'ils devraient afficher une position pour essayer de parvenir à
12 cet objectif à plus long terme qui était de parvenir à une liberté de
13 mouvement. Et c'était effectivement l'accord de Morillon et du HCR de
14 parvenir à cette fin, de faire passer l'aide humanitaire.
15 Q. Et vous avez maintenant trois façons de voir comment on peut faire
16 passer l'aide humanitaire : l'avis de Mladic, de Morillon, qui est de faire
17 passer à tout prix l'aide -- pas à tout prix, mais de la faire passer coûte
18 que coûte ?
19 R. Oui, oui.
20 Q. Et vous avez l'avis du Haut-commissariat aux réfugiés, lequel, ici
21 c'est une supposition que je pose, dit nous sommes une organisation
22 indépendante et personne ne va nous dicter quelque modalité que ce soit
23 quant à la façon de faire parvenir de l'aide humanitaire ?
24 R. Oui, je pense que vous avez bien résumé la situation.
25 Q. Quelle fut la durée de la suspension de la fourniture d'aide
26 humanitaire de la part du Haut-commissariat vu la décision du Haut-
27 commissariat d'afficher une position sur la question ?
28 R. Je ne me souviens pas exactement, mais avant la fin du mois de
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1 novembre, les convois d'aide humanitaire recommençaient à passer.
2 Q. Et nous parlons là du convoi du 27 novembre ?
3 R. Ça, c'est un convoi qui finalement n'est pas arrivé à Srebrenica. Mais
4 il me faut souligner ceci ici : nous nous sommes surtout intéressés sur les
5 convois destinés aux enclaves, c'est clair, mais il y a des dizaines
6 d'autres convois qui étaient destinés à d'autres contrées de la Bosnie. Et
7 ne perdons pas de vue qu'il y a beaucoup d'autres activités du Haut-
8 commissariat aux réfugiés. Celui-ci n'a pas fait que s'occuper des convois
9 dont nous parlons ici.
10 Q. Vous avez parlé de ceci et j'en parle tant que tout le monde l'a encore
11 à l'esprit. Vous avez dit que votre mandat relevait du chapitre 6, n'est-ce
12 pas ?
13 R. Oui.
14 Q. A cet égard, vous n'étiez pas censé vous engager dans des combats. Vous
15 dites combats, ce sont vos propres termes. Vous avez dit :
16 "Notre mandat, c'était de ne pas participer à des combats, aucun engagement
17 combatif."
18 Je voudrais vous poser quelques questions supplémentaires pour savoir si
19 vous le savez, lorsque le mandat a cessé de relever du chapitre 6 pour
20 relever du chapitre 7, est-ce qu'à ce moment-là le mandat ne restait pas le
21 même s'agissant de l'interdiction d'engagement ? Est-ce que ça ne devait
22 pas être encore un mandat de maintien de la paix plutôt que d'un mandat
23 assorti d'autres conditions, ce qui a peut-être fini par semer la
24 confusion, mais que jamais la FORPRONU n'était censée s'engager dans des
25 combats ?
26 R. La différence essentielle, c'est qu'en application du chapitre 6 pour
27 réaliser votre mandat, vous ne pouvez pas utiliser la force. Mais au titre
28 du chapitre 7, les forces des Nations Unies ont le droit d'utiliser la
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1 force pour réaliser leurs objectifs. C'est la différence clé existant entre
2 le chapitre 6 et le chapitre 7. C'est l'autorisation qu'avaient les Nations
3 Unies d'utiliser la force.
4 Q. Donc vous estimez que les forces de la FORPRONU ont le droit d'utiliser
5 une forme d'action agressive pour réaliser son mandat de fourniture d'aide
6 humanitaire ?
7 R. Au titre du chapitre 7, mais nous relevions encore du chapitre 6,
8 lequel l'interdit.
9 Q. Et si je vous disais, Mon Colonel, que c'est une interprétation assez
10 nouvelle dans le cadre de ce procès que vous nous livrez ici, que nous
11 avons entendu pas mal de témoins venus nous dire que le mandat en
12 application du chapitre 7, c'était le maintien de la paix, et que si on
13 pouvait utiliser l'agression, c'était uniquement en situation de légitime
14 défense, seriez-vous d'accord avec l'interprétation ainsi livrée du
15 chapitre 7 ?
16 R. D'après le chapitre 6, la légitime défense était, bien sûr, autorisée,
17 mais le chapitre 6 ne nous autorisait pas à entreprendre d'actions, ni dans
18 un sens ni dans l'autre.
19 Q. Je ne pense pas que vous avez répondu à ma question --
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
21 Mme CARTER : [interprétation] Je pense qu'on demande ici au témoin de
22 donner un avis d'expert sur la portée du chapitre 7. C'est inadéquat. Il a
23 dit que son expérience personnelle est relative au chapitre 6, alors
24 maintenant on lui demande de fournir un avis sur le chapitre 7. C'est en
25 dehors de la portée admissible de la déposition du témoin.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.
27 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que le témoin a établi une
28 distinction très nette entre ce qui est le chapitre 6 et le 7 et il a
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1 reconnu qu'il aurait une position différente en application du chapitre 7.
2 C'est pour ça que je pose la question, parce que dans sa première réponse,
3 il a dit qu'il n'avait pas le mandat nécessaire d'engagement dans des
4 combats. J'ai trouvé ça assez étrange étant donné que le mandat énoncé du
5 chapitre 7 n'autorisait pas la participation de la FORPRONU à des combats
6 non plus.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suppose, Maître, mais ce qui est
8 dit ici --
9 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je m'excuse.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je le dis à M. Tucker. Le colonel
11 Tucker n'est pas expert pour parler du mandat de la FORPRONU. Il vous dit
12 la façon dont il le comprend.
13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais c'est tout ce que je peux demander
14 aussi. Je lui demandais ce qu'il comprend --
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais c'est ce qu'il a dit. Par
16 exemple, le chapitre 7 dit qu'on peut utiliser la force, c'est-à-dire
17 utiliser un bulldozer, c'est-à-dire forcer son chemin pour acheminer
18 l'aide, alors que le chapitre 6 --
19 M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand je dis utiliser un bulldozer, je
21 veux dire l'agression, bien entendu, alors que pour le chapitre 6, c'est
22 uniquement la légitime défense.
23 M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est ce qu'il comprend.
25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ceci, c'est ce que le témoin comprend.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, c'est ce que je comprends.
27 M. GUY-SMITH : [interprétation]
28 Q. Lorsque vous êtes rentré au QG, est-ce qu'on vous a dit quelles avaient
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1 été les règles d'engagement imposées aux forces de la FORPRONU à l'époque à
2 Sarajevo et dans la région ?
3 R. Quand j'étais au QG de la gestion de crise, 1996, après le déploiement,
4 à ce moment-là, les règles d'engagement étaient tout à fait différentes.
5 Quand j'étais en Bosnie en 1992 et 1993, c'était le chapitre 6 --
6 Q. Lorsque vous étiez au QG de la gestion de crise, est-ce qu'on vous a
7 communiqué les règles d'engagement qui existaient à Sarajevo s'appliquant à
8 la FORPRONU ?
9 R. Non, ça n'en faisait pas partie et ce qui nous intéressait, c'était les
10 règles d'engagement s'appliquant aux forces de l'OTAN déployées en Bosnie.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce serait utile que vous répondiez à
12 la question et de ne rien ajouter. N'offrez pas d'information, par exemple,
13 à propos de l'OTAN, parce qu'on ne vous pose pas de question là-dessus. La
14 question porte sur la FORPRONU. Donc on ne vous a pas communiqué les règles
15 d'engagement à ce moment-là ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation]
19 Q. Parlons maintenant encore de la réunion de Mladic, Karadzic et du
20 général Morillon le 27 novembre 1992. Et là, une fois de plus, la question
21 du Bataillon canadien et de son déploiement s'est posée. Vous vous en
22 souvenez ?
23 R. Oui.
24 Q. Karadzic a réaffirmé la position déjà affichée par Mladic la veille, à
25 savoir que la question du déploiement du Bataillon canadien à Banja Luka
26 devait être débattue à une réunion de l'assemblée ?
27 R. Exact.
28 Q. Et il dit qu'une fois que ce parlement se serait prononcé, il nous
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1 ferait part de ses décisions; n'est-ce pas ?
2 R. Exact.
3 Q. Lors de cette réunion, Karadzic et Morillon se sont mis d'accord sur un
4 itinéraire à prévoir pour ce convoi jusqu'à Srebrenica ?
5 R. Exact.
6 Q. Et à la suite de cet accord conclu par Morillon et Karadzic, je suppose
7 que Morillon est reparti voir le Haut-commissariat pour lui dire, Voilà,
8 maintenant, nous avons trouvé une façon de faire passer l'aide humanitaire
9 par cette région. Est-ce que vous pourriez cesser votre suspension et
10 remettre les moteurs en marche ?
11 C'est une façon un peu ordinaire de le dire, mais vous me comprenez.
12 R. Je ne peux pas vous dire exactement à quelle date le Haut-commissariat
13 a levé cette suspension dont vous venez de parler, mais je peux vous
14 confirmer qu'un convoi du Haut-commissariat aux réfugiés est parti et a
15 fini par arriver à Srebrenica.
16 Q. Est-ce que Karadzic a fini par vous faire rapport de la question du
17 déploiement du CanBat ?
18 R. Oui.
19 Q. Ce qui s'est passé, c'est que l'assemblée, si j'ai bien compris, n'a
20 pas approuvé le déploiement du CanBat selon les modalités qui avaient été
21 évoquées dans les discussions et avait imposé d'autres conditions par
22 rapport au gouvernement qui pourrait participer au transfert du CanBat 2 ?
23 R. Je ne me souviens plus exactement, mais ce que je sais, je peux vous
24 confirmer que ce fut une réponse négative et que d'autres conditions ont
25 été suggérées.
26 Q. Vous avez précédemment dit que le 28 novembre, c'était le premier
27 convoi du HCR qui était arrivé à Srebrenica depuis le début de la guerre.
28 R. Oui.
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1 Q. Et :
2 "L'impression générale à ce moment-là, par rapport aux objectifs des
3 Serbes de Bosnie, c'était que ceux-ci voulaient maintenant la paix. Ils
4 pensaient que la guerre était finie et ils étaient surtout intéressés à la
5 consolidation et à la reconnaissance de ce que ces Serbes de Bosnie avaient
6 obtenu."
7 R. Exact.
8 Q. Et ceci correspondrait assez bien avec ce dont on a parlé dans le cadre
9 de cet accord de cessation des hostilités, n'est-ce
10 pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Et ça s'intègre bien dans la discussion que nous avons eue sur la façon
13 dont les différentes parties, les Serbes de Bosnie, la présidence, voyaient
14 la question du cessez-le-feu et de la paix, n'est-ce pas ?
15 R. Exact.
16 Q. Il serait assez juste de dire que manifestement, suite à ce qui s'est
17 passé dans les jours qui ont suivi, en très peu de temps autrement dit, la
18 présidence n'a pas la même opinion pour ce qui est de la paix, puisqu'on
19 commence de nouveau des actions agressives par rapport au fait de faire une
20 percée depuis Sarajevo au début de décembre 1992 ?
21 R. Exact.
22 Q. Et il y a une voix qui me rappelle que c'est bien et que c'est utile de
23 rappeler l'année, 1992. Et c'est, ma foi, fort utile.
24 Qu'avons-nous maintenant ? Il y a une certaine partie d'aide humanitaire
25 qui parvient à destination. Là on a certaines réussites et je suppose que
26 vous êtes content, si par parfaitement content, vous dites que c'est un pas
27 dans la bonne direction, un certain progrès ?
28 R. Oui.
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1 Q. Et après les réunions que vous avez eues avec Mladic et Karadzic, vous
2 avez nettement l'impression que ces hommes veulent à ce moment-là une
3 solution de paix ?
4 R. Exact.
5 Q. Et vous avez un avis catégoriquement différent de la présidence qui dit
6 que la présidence n'est pas tout à fait prête à faire la paix ?
7 R. Oui. La présidence n'est pas prête à faire la paix, parce que la paix
8 qu'essayaient d'imposer les Serbes de Bosnie, c'était une paix à la force
9 des armes, et la présidence ne voulait pas la paix par les armes. C'est
10 pour ça que la présidence voulait essayer de corriger la situation.
11 Q. Et que se passait-il au sujet du contingent croate ?
12 R. La partie croate restait tranquille à l'époque et observait ce qui se
13 passait. Il y avait des combats assez violents entre les Croates de Bosnie
14 et les Musulmans de Bosnie en septembre et octobre vers Vitez, donc vers le
15 sud, mais ceci avait fini avant novembre.
16 Q. Et pour ce qui est de la situation à Sarajevo, je crois que c'est ce
17 dont on est en train de parler, vous avez dit, je crois, que c'était
18 extrêmement froid ?
19 R. Oui.
20 Q. Et qu'il était difficile d'approvisionner la ville en électricité et
21 gaz; est-ce exact ?
22 R. Oui, c'est exact.
23 Q. S'agissant de cette question-là et de la même manière que celle où --
24 plutôt, je vais reformuler. Excusez-moi.
25 Tout comme des actes agressifs avaient été commis en utilisant les camions
26 avec des mortiers près de l'hôpital de Kosevo, les Bosniaques avaient pris
27 une décision locale à Sarajevo visant à limiter l'approvisionnement en
28 électricité et en carburant. Vous en avez parlé avec le Juge Orie en disant
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1 qu'il s'agissait d'une forme d'exploitation de la misère. Vous vous en
2 souvenez ?
3 R. Oui.
4 Q. Bien. En ce qui concerne cela --
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez. Madame Carter.
6 Mme CARTER : [interprétation] Je souhaite simplement connaître la
7 référence à la page en question.
8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je lirai.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que le témoin a parlé avec le
10 Juge Orie de cela dans les couloirs ou dans le
11 prétoire ?
12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne pense pas que cette discussion avec
13 le Juge Orie ait eu lieu dans le couloir, mais je pense que c'était lors du
14 procès.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que ce soit consigné au compte rendu
16 d'audience que cette discussion avec le Juge Orie a eu lieu dans le
17 prétoire.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est ce que j'allais faire.
19 Q. Je fais référence maintenant à l'affaire IT-98-29-T et je vais traiter
20 de plusieurs pages différentes. Tout d'abord, page 10 030, le Juge Orie
21 vous a posé des questions et vous avez fourni des réponses.
22 A la ligne 9, le Juge Orie disait :
23 "J'essaie de comprendre. L'approvisionnement en eau, électricité et gaz
24 servait leur propre population aussi," et là il fait référence aux
25 autorités de la présidence. "Pour quelle raison exactement est-ce qu'ils
26 jouaient ce jeu alors que les résultats en seraient la souffrance de leur
27 propre population ? Est-ce que vous avez une explication à cela ?"
28 Et vous avez répondu, Colonel Tucker :
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1 "J'ai une explication et la voici : il existait des éléments au sein de la
2 direction bosniaque qui considéraient que la seule manière de reprendre ce
3 dont les Serbes de Bosnie s'étaient emparés était en obtenant
4 l'intervention internationale en Bosnie ou l'approvisionnement en armes et
5 munitions en Bosnie, ce qui n'était pas possible à l'époque en raison de
6 l'embargo sur les armes. Ces personnes considéraient que la seule manière
7 d'obtenir cette aide internationale était de décrire la situation à
8 Sarajevo comme tellement sévère que la communauté internationale soit prête
9 à intervenir. Par conséquent, il n'était pas dans leur intérêt de voir la
10 situation s'améliorer à Sarajevo. Il n'était pas dans leur intérêt de voir
11 le sort de leur population civile amélioré. Pour l'exprimer directement,
12 plus il y avait de souffrance, mieux c'était, car ceci pouvait être montré
13 devant les caméras de télévision et servirait comme moyen de pression pour
14 finir par obtenir une intervention internationale."
15 Le Juge Orie :
16 "Est-ce qu'en trois mots ce serait l'exploitation de la misère ?"
17 Et vous avez répondu, Colonel Tucker :
18 "Est-ce que vous pouvez le redire ?"
19 Le Juge Orie :
20 "Est-ce qu'en trois mots on pourrait dire qu'il s'agirait là d'une
21 exploitation de la misère ?"
22 Et vous avez répondu :
23 "Absolument, Monsieur."
24 Est-ce que vous le maintenez encore ?
25 R. C'est exact. La seule chose est que je considère qu'il y avait certains
26 éléments qui pensaient ainsi mais pas tout le monde.
27 Q. Je comprends. Je comprends. Donc l'année 1992 s'est terminée et l'année
28 1993 est arrivée. A ce moment-là, vous avez commencé à recevoir des
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1 plaintes assez fermes de la part des Serbes de Bosnie à l'égard des
2 attaques contre eux, des attaques contre les villageois serbes dans des
3 zones telles que l'enclave de Srebrenica ?
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Et ces attaques étaient des attaques qui provenaient des forces placées
6 sous le commandement de Naser Oric; est-ce exact ?
7 R. Je ne sais pas si cela relevait du commandement de Naser Oric. Je ne
8 peux pas le confirmer, mais je peux confirmer que les Serbes de Bosnie
9 affirmaient que ces attaques provenaient de l'extérieur des enclaves et que
10 Naser Oric commandait ces enclaves, à l'intérieur.
11 Q. En réalité, ils attiraient votre attention sur un massacre des civils
12 serbes. Je crois que c'était à Kravica ?
13 R. C'est exact.
14 Q. Peu après, vous avez commencé à recevoir des informations de la
15 présidence. Mais tout d'abord, je suppose qu'au sujet de cette information-
16 là, est-ce que vous ou Morillon avez fait des arrangements en janvier
17 lorsque vous avez reçu ces informations, à savoir d'aller sur place et de
18 déterminer l'exactitude ou la validité de ces plaintes, à l'époque en
19 janvier ?
20 R. Non, pas en janvier, car en janvier la Bosnie centrale s'est embrasée
21 dans le conflit entre les Croates et les Musulmans.
22 Q. Effectivement. En février, vous avez reçu certaines informations, entre
23 autres, de la part du président Izetbegovic et Ganic à l'égard d'un
24 massacre à Cerska, et il a été également dit, c'étaient des allégations
25 assez fermes indiquant que des gens avaient été placés dans des maisons et
26 les maisons ont été incendiées, que l'ensemble du village a été incendié et
27 rasé, qu'il y avait plus de 700 blessés. Je ne suis pas sûr du nombre --
28 R. C'est exact.
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1 Q. -- et que vous deviez tourner votre attention vers ce village ?
2 R. C'est exact, plus ou moins.
3 Q. Bien. Et le président Izetbegovic et Ganic ont fait des arrangements.
4 Ils ont organisé un comité de guerre à Srebrenica afin de faciliter votre
5 entrée à Srebrenica, au moins de leur point de vue ?
6 R. Je ne sais pas si c'étaient eux qui avaient organisé cela et avec qui
7 ils avaient fait des arrangements, mais simplement ils ont dit au général
8 Morillon qu'ils allaient informer les gens dans l'enclave du fait que le
9 général Morillon allait essayer de venir dans l'enclave pour voir lui-même
10 à quoi ressemblait la situation.
11 Q. Et à ce moment-là, je veux dire par là en février 1993, avez-vous vu le
12 centre de communication radio au bâtiment de la poste à Sarajevo ?
13 R. Je pense que vous parlez du centre de communication par radio dans le
14 bâtiment de la présidence. C'était le local, et la réponse est oui.
15 Q. Merci. Et s'agissant de ce centre de communication en particulier,
16 comme vous l'avez déjà dit je crois, il était bien équipé, solide et
17 pouvait utiliser les systèmes de communication les plus modernes et
18 sophistiqués ?
19 R. C'est exact.
20 Q. Et c'était à Sarajevo ?
21 R. Dans le bâtiment de la présidence à Sarajevo.
22 Q. Maintenant, je vais aller un peu plus loin. Lorsque vous êtes arrivé à
23 Srebrenica, à un moment donné, on vous a montré le même type de centre de
24 communication par radio qui se trouvait, je crois, dans le bâtiment de la
25 poste à Srebrenica, qui était en même temps le quartier général du comité
26 de guerre; est-ce exact ?
27 R. C'est exact. Ce n'était pas organisé de la même manière qu'à Sarajevo,
28 mais c'était assez semblable et assez complexe, mais moins grand que celui
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1 dans le bâtiment de la présidence.
2 Q. En réalité, ce qui se passait c'est que vous avez appris l'existence de
3 ce centre de communication par radio, et lorsque la décision a été prise,
4 décision selon laquelle Morillon devait faire un discours auquel vous avez
5 fait allusion lorsque vous avez parlé avec Mme Carter, certains
6 journalistes vous ont dit que ce centre de communication par radio existait
7 alors que vous ne le saviez pas, cette information ne vous avait pas été
8 donnée par le comité de guerre ou Naser Oric, n'est-ce pas ?
9 R. C'est exact. Si je me souviens bien, le journaliste avait reçu la
10 permission du comité de guerre d'utiliser les équipements radio afin
11 d'envoyer leurs dépêches à Sarajevo pour que celles-là soient publiées par
12 la suite par la presse, la radio, et cetera.
13 Q. Lorsque vous avez décidé d'aller dans le secteur de Srebrenica, vous
14 avez fait des arrangements pour y arriver par hélicoptère, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Bien. Alors, d'où est-ce que l'hélicoptère est parti et où s'est-il
17 posé dans l'enclave de Srebrenica ?
18 R. Nous avions l'aide d'un hélicoptère français qui avait été attribué aux
19 Nations Unies et qui a décollé à Kiseljak et est allé jusqu'à Tuzla et
20 s'est posé à Tuzla. Et c'était là que nous avons quitté l'hélicoptère, à
21 Tuzla.
22 Q. Maintenant, en ce qui concerne - je ne suis pas sûr de la façon dont
23 vous l'appelez, je crois que ce serait les coordonnées ou l'itinéraire -
24 est-ce qu'il y avait à l'époque un itinéraire reconnu, je ne sais pas si
25 vous l'appelez route aérienne ou pont aérien ?
26 R. C'est un corridor aérien ou un couloir aérien.
27 Q. Couloir aérien, je vous remercie beaucoup. Y avait-il un couloir aérien
28 reconnu pour entrer dans Srebrenica ?
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1 R. Non. Il y avait seulement un couloir aérien à Tuzla, et c'est la raison
2 pour laquelle c'est là que nous avons quitté l'hélicoptère.
3 Q. Bien. Est-ce que c'était un couloir aérien que vous utilisiez ou que la
4 FORPRONU utilisait fréquemment ?
5 R. Non, c'était la première fois qu'il a été utilisé lorsque nous sommes
6 allés de Kiseljak à Tuzla de façon à pouvoir entrer à Konjevic Polje. La
7 deuxième fois que le couloir aérien a été utilisé, c'était quand nous
8 sommes allés de Kiseljak à Tuzla de façon à pouvoir entrer dans Srebrenica
9 proprement dit. C'est la première et c'est la deuxième fois où l'on a
10 utilisé ce couloir.
11 Q. Maintenant, en ce qui concerne la question, parce qu'il y a bien
12 d'autres questions qui se posent sur ce vol, mais je crois qu'il y en a
13 deux qui sont des questions essentielles qui ont été portées à notre
14 attention des différents côtés. L'un, c'est le massacre à Kravica; et
15 l'autre, le massacre à Cerska ?
16 R. Il y a deux massacres à Cerska que j'ai mentionnés. Le premier, c'est
17 une allégation faite par Izetbegovic et Ganic que des personnes ont été
18 enfermées dans des maisons, que ces maisons ont été incendiées et qu'ils
19 ont été tués dans ces maisons. Le deuxième, c'est une allégation par les
20 Serbes de Bosnie que les Serbes ont été massacrés par des Musulmans à
21 Cerska.
22 Q. Bien. Maintenant, je vais passer à quelque chose d'autre au point de
23 vue chronologique. Je crois que c'était le 22 mars que vous avez assisté à
24 des obsèques, mais à un moment quelconque du côté du 22 mars, on vous a
25 montré toute une série de corps en décomposition que les Serbes de Bosnie
26 vous ont dit être des personnes qui avaient été massacrées; c'est bien cela
27 ?
28 R. On nous a d'abord montré le site où on avait creusé des excavations et
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1 où il y avait des équipes médicolégales qui procédaient à des
2 investigations. Nous avons vu ces recherches qui avaient lieu. Nous avons
3 vu un certain nombre de corps en décomposition et on nous a montré le
4 bâtiment dans lequel l'un des survivants au massacre a soutenu qu'il avait
5 vu des Musulmans de Bosnie tuer ces villageois serbes de Bosnie.
6 Quand ensuite nous nous sommes trouvés aux obsèques qui, en fait, avaient
7 lieu juste à l'extérieur de Bratunac --
8 Q. En ce qui concerne cet incident en particulier, par ça je veux dire le
9 fait que vous ayez vu ces corps et que vous soyez allés sur les lieux du
10 crime en question, vous n'avez pas fait de rapport particulier en ce qui
11 concerne cette visite que vous avez faite à ce lieu de crime à Kravica,
12 parce que ça ne faisait pas partie de votre mission ou de vos tâches,
13 n'est-ce pas ?
14 R. J'ai rendu compte de ce qui s'était passé et de ce que nous avions vu,
15 et ça encore, ça fait partie de la communication adressée par radio que
16 j'ai précédemment décrite. Et nous avons effectivement rendu compte de cela
17 au quartier général, au commandement de l'ABiH à Kiseljak.
18 Q. Juste pour que nous soyons bien au clair, d'après ce que je comprends
19 en ce qui concerne les lieux du crime dans lesquels vous êtes allés, vous
20 n'avez pas fait de rapport précis à ce sujet, n'est-ce pas ?
21 R. Non. J'ai rendu compte du fait que nous étions allés à Kravica sur les
22 lieux, que les Serbes avaient fait ces allégations devant nous sur ce qui
23 s'était passé, et j'ai répété ces allégations et elles ont ensuite été
24 transmises à Kiseljak.
25 Q. Bien. Peut-être que vous pourriez m'aider à cet égard. Indépendamment
26 de la première déclaration où il y a discussion au cours d'une déclaration
27 du 20 au 21 septembre 2002 et le 1er et le 2 novembre 2002, dans laquelle
28 vous dites à la page 16 de cette déclaration :
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1 "Je n'ai pas fait de rapport particulier en ce qui concerne la visite que
2 nous avons faite au lieu de crime à Kravica. La raison de cela était que
3 notre mission et nos tâches en Bosnie n'étaient pas de réunir les éléments
4 de preuve, mais de nous assurer que l'aide humanitaire parvenait à ceux qui
5 en avaient besoin, de soutenir tous les efforts pour réduire les effusions
6 de sang et veiller à la sécurité de la population civile dans la région."
7 Vous continuez pour dire que :
8 "En outre, de mon point de vue, il y avait peu de substance en ce qui
9 concerne ces comptes rendus. D'une façon générale, j'envoyais des rapports
10 à Kiseljak tous les jours, et je ne crois pas qu'on avait des détails
11 particuliers dans ces rapports."
12 D'après ce que j'ai compris en ce qui concerne la question du rapport
13 concernant ce qui a été qualifié de massacre des villageois serbes, vous
14 n'avez pas retenu cela d'une façon quelconque quant aux événements qui
15 avaient eu lieu, le compte rendu verbal que vous aviez fait ?
16 R. Ce que j'ai fait, si je m'en souviens bien, c'était de fournir un
17 rapport sur ce qui s'était passé ce jour-là. Ce jour-là, cette visite avait
18 eu lieu et j'ai rendu compte du fait que nous avions procédé à cette
19 visite, ce qui avait été vu, le théâtre de ce massacre allégué. Puis le
20 fait que nous avions vu des cadavres, je n'ai pas essayé de, comme je l'ai
21 dit, réunir des éléments de preuve juridiques de savoir si ça s'était passé
22 ou non, parce que le fait de réunir des éléments de preuve de façon à
23 étayer par la suite des poursuites, je disais que ça ne faisait pas partie
24 de ma tâche et de mes objectifs à l'époque.
25 Q. J'essayais de comprendre ce que vous vouliez dire lorsque vous
26 disiez vous n'aviez pas écrit de rapport précis sur ce point. Vous l'avez
27 éclairci.
28 R. Je n'ai pas fait quelque chose de juridiquement --
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une inspection du point de vue
2 juridique.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, une inspection du point de vue juridique.
4 M. GUY-SMITH : [interprétation]
5 Q. En ce qui concerne l'autre endroit, le secteur de Cerska, vous n'êtes
6 pas allé à Cerska, n'est-ce pas ?
7 R. Je suis allé dans la périphérie de Cerska, et c'est Morillon lui-même
8 qui est allé en personne au village proprement dit.
9 Q. Avant qu'il n'aille à ce village, vous avez, indépendamment de la
10 réunion avec Izetbegovic et Ganic qui vous avaient parlé des horreurs qui
11 ont eu lieu, vous avez également parlé, je crois, à Naser Oric de cela
12 lorsque vous étiez à Srebrenica. Oric, serait-il juste de dire qu'il a fait
13 écho à la même chose, c'est-à-dire que les personnes avaient été brûlées
14 dans leurs maisons et qu'il y en avait des centaines, 700 ou davantage, qui
15 avaient été blessées; c'est exact ?
16 R. Je crois que vous mélangez deux événements distincts. La question des
17 personnes brûlées dans les maisons, Naser Oric a fait écho à cela. La
18 question de la prétention selon laquelle il y avait 700 blessés environ à
19 Konjevic Polje, c'était quelque chose qui avait été dit par Izetbegovic et
20 Ganic. Et c'était une des raisons qui avaient conduit le général Morillon à
21 prendre une décision d'aller là-bas pour enquêter, pour voir quelle était
22 effectivement la situation sur le terrain, de le faire lui-même.
23 Q. Au-delà d'Izetbegovic, Ganic et Oric, vous avez également eu la
24 l'occasion, en plus de ces personnes, de parler avec un commandant
25 bosniaque à Tuzla ?
26 R. Exact.
27 Q. Qui vous a donné les mêmes renseignements ?
28 R. Oui, il était également très précis concernant les accusations
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1 concernant les personnes qui avaient été brûlées dans leurs maisons.
2 Q. Bien. Indépendamment de ces personnes que vous avez mentionnées, est-ce
3 que quelqu'un d'autre de la partie bosniaque - je dirais qu'il s'agit du
4 côté de la présidence - vous a donné des renseignements complémentaires
5 concernant les personnes qui ont brûlé dans les maisons ou est-ce qu'il
6 nous reste qu'Izetbegovic, Ganic --
7 R. Je pense qu'Izetbegovic, Ganic et le commandant bosniaque à Tuzla et
8 Oric.
9 Q. Morillon est allé à Cerska et a examiné le secteur, n'est-ce pas ?
10 R. C'est exact.
11 Q. Il a fait un certain nombre de constatations sur ce qui s'était passé,
12 notamment qu'il y avait eu des combats très lourds, n'est-ce pas ?
13 R. Exact.
14 Q. Deuxièmement, le nombre de blessés n'était pas du tout de l'ordre de
15 700, mais bien moins ?
16 R. C'est le nombre de blessés que nous avons trouvés à Konjevic Polje. Ce
17 n'était pas, d'ailleurs, le général Morillon qui avait constaté cela.
18 C'était quelqu'un qui est allé voir les maisons à Konjevic Polje de façon à
19 voir, pour le tri, l'évacuation de personnes blessées. Quelqu'un est venu
20 et a dit à ce moment-là qu'il n'y en avait pas 700, qu'il y en avait
21 environ 70. 700, c'est un chiffre précis par rapport au 70 --
22 Q. C'était 73 environ, tout au moins.
23 R. Quelque chose comme ça.
24 Q. En ce qui concerne la question des personnes qui ont brûlées dans leur
25 maison, Morillon a dit --
26 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je prie les membres de la Chambre et le
27 conseil de se référer à IT-03-68, page 5 835 [comme interprété] commençant
28 à la ligne 15 de votre interrogatoire par M. Di Fazio du bureau du
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1 Procureur :
2 "Question : Est-ce qu'il a rendu compte du fait qu'il y avait des corps
3 dans les maisons qui avaient brûlées ?
4 "Réponse : Général Morillon a dit que, malheureusement, il connaissait
5 l'odeur de la chair humaine brûlée. Il avait parcouru le village et il
6 n'avait pas senti cette odeur et il n'avait rien vu qui indiquait que
7 quelqu'un ait été brûlé ou qu'il y a eu des personnes qui aient brûlées à
8 l'intérieur des maisons."
9 R. C'est exact.
10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que ceci serait le moment qui
11 convient pour suspendre l'audience ?
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Pour ce qui est de la pièce ID00-
13 8093, vous n'avez pas demandé le versement de cette pièce. Vous vouliez le
14 faire ?
15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Manifestement, la déposition n'est pas
17 terminée. Elle était censée se terminer aujourd'hui, mais nous allons peut-
18 être éprouver quelques difficultés pour ce qui est des interprètes. Mais il
19 se peut que nous n'ayons pas la totalité de l'audition. Quelle devrait être
20 la durée du reste de votre contre-interrogatoire ?
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] De ce que j'ai fait jusqu'à présent, disons
22 un volet d'audience, ça suffirait. Une heure et demie ou une heure et un
23 quart.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vais réfléchir. La nuit porte conseil.
26 Je vais voir ce que je peux faire pour que mes rêves deviennent réalité.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je vous en prie, réfléchissez
28 bien.
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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je le ferai.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons reprendre demain, mais
3 auparavant, Monsieur le Témoin, je vous rappelle, c'est là le devoir que
4 j'ai, mais vous le savez parfaitement, vous n'êtes censé parler à personne
5 de votre déposition, pas même au conseil, tant que vous n'aurez pas terminé
6 la déposition.
7 L'audience reprendra demain matin, 9 heures, en salle II. L'audience
8 est levée.
9 [Le témoin quitte la barre]
10 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mercredi 30
11 septembre 2009, à 9 heures 00.
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