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1 Le vendredi 25 juin 2010
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes
7 présentes dans le prétoire et hors du prétoire.
8 Monsieur le Greffier d'audience, veuillez citer la cause, je vous prie.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de l'affaire
10 IT-04-81-T le bureau du Procureur contre Momcilo Perisic. Merci.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
12 Est-ce que les parties peuvent se présenter, en commençant par
13 l'Accusation.
14 M. THOMAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à tous
15 dans le prétoire et en dehors du prétoire. Carmela Javier et Barney Thomas
16 pour l'Accusation.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
18 Et qu'en est-il de la Défense ?
19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Bonjour à tous. Bris Zorko, Chad Mair, Alex
20 Fielding, Novak Lukic, et Gregor Guy-Smith du côté de la Défense de M.
21 Perisic.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Monsieur Vuksic, et
23 simplement pour vous rappeler que vous êtes toujours tenu par la
24 déclaration solennelle que vous avez prononcée.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
26 M. THOMAS : [interprétation] Je sais que mon collègue a laissé en suspens
27 une question relative à un document que nous avons utilisé hier et nous
28 aimerions en traiter en premier.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vous en prie.
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je demande le versement au dossier du tout
3 dernier document que nous avons discuté hier, c'est le document qui portait
4 la cote 1056D de la liste 65 ter.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous allons le verser au
6 dossier.
7 Est-ce qu'on peut lui donner une cote.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, le document
9 est maintenant versé au dossier sous la cote D374.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons donc
12 traité de ce point, et je répète ce que j'ai dit à la fin de la séance
13 d'hier, je vous remercie, Monsieur Vuksic. Je vais maintenant confier le
14 témoin aux bons soins de M. Thomas.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
16 LE TÉMOIN : DRAGAN VUKSIC [Reprise]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 Contre-interrogatoire par M. Thomas :
19 Q. [interprétation] Monsieur Vuksic, je m'appelle Barney Thomas. Je
20 représente l'Accusation. J'ai maintenant l'occasion, Monsieur, de vous
21 poser quelques questions suite à votre déposition des quelques derniers
22 jours. Je n'ai pas beaucoup de questions à votre intention. La plupart
23 d'entre elles seront des questions très simples, j'en suis sûr. Je vous
24 demande simplement, comme on vous l'a déjà demandé cette semaine, d'écouter
25 ma question au mieux, très attentivement. Si vous ne comprenez pas un ou
26 plusieurs aspects de cette question, n'hésitez pas à demander des
27 explications, je vous les donnerai, bien sûr, et je vous demanderais aussi
28 qu'à ne répondre qu'à la question qui vous aura été posée.
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1 Est-ce que vous me comprenez bien ?
2 R. Bonjour, Monsieur Thomas. Je vous ai compris et je tenterai de faire
3 comme vous me l'avez indiqué.
4 Q. Merci, Monsieur le Témoin.
5 M. THOMAS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur le
6 Juge, j'aimerais que nous commencions par le document qui porte la cote
7 D360. Est-ce qu'il possible, je vous prie, de l'afficher à l'écran.
8 Q. Monsieur Vuksic, je suis désolé, mais je vais attendre qu'une version
9 dans votre langue apparaisse à l'écran.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.
11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Si ça peut aider M. Thomas, je ne sais pas
12 s'il veut que vous utilisiez le classeur qui se trouve sous vos yeux ou
13 pas, sinon, je peux vous dire de quel onglet il s'agit. Si vous voulez,
14 vous pouvez aussi utiliser l'écran.
15 M. THOMAS : [interprétation] Merci, je vous en suis reconnaissant. Si nous
16 avons le numéro de l'intercalaire c'est encore plus simple, M. Vuksic aura
17 l'avantage d'avoir le document juste sous les yeux.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Il s'agit de l'onglet numéro 11 du classeur
19 jaune.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, je n'ai pas ce classeur sous
21 les yeux.
22 M. THOMAS : [interprétation]
23 Q. Monsieur, est-ce que vous êtes en mesure de voir suffisamment de quoi
24 il s'agit en lisant le document à l'écran, celui qui se trouve devant vous
25 ?
26 R. Avec beaucoup d'effort, je peux en prendre connaissance.
27 Malheureusement, je ne peux pas enlever mes lunettes pour le lire, le texte
28 est un peu loin. Ce n'est pas une distance appropriée, j'ai du mal à
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1 déchiffrer. Voilà, c'est un petit peu mieux maintenant, mais il faut que je
2 me rapproche de l'écran pour bien voir.
3 Q. A ce moment-là, nous allons procéder d'une manière différente. Si vous
4 pensez que vous avez besoin d'avoir le document sous les yeux alors que je
5 vous pose ces questions, faites-le-moi savoir. En tout cas, ce document est
6 un rapport qui a été rédigé suite à des entretiens avec les services du
7 Renseignement italien, c'est un document dont vous avez parlé hier. Vous
8 souvenez-vous avoir parlé de ce document hier, Monsieur le Témoin ?
9 R. Oui.
10 Q. Nous voyons qu'il porte la date du 25 décembre 1993. Voyez-vous cette
11 date ?
12 R. Oui, je la vois.
13 Q. Hier, Monsieur le Témoin, vous avez fait une remarque tout à fait
14 pertinente alors que vous discutiez de ce document, et j'aimerais vous
15 rappeler cette remarque à vous et aux autres personnes présentes.
16 M. THOMAS : [interprétation] C'était, en fait, à la page
17 12 129, à la ligne 20 du compte rendu d'audience.
18 Q. Vous étiez en train de parler du contexte général, vous étiez en train
19 de discuter de la description par les Italiens de la guerre comme d'une
20 guerre civile, et votre commentaire est le suivant et je cite :
21 "Ce qui se passait dans certaines parties de l'ex-Yougoslavie n'était pas
22 seulement une guerre civile et religieuse, il s'agissait également d'un
23 conflit ethnique. A différentes périodes, différents aspects de ce conflit
24 étaient mis en avant en fonction de l'intensité de la haine exprimée dans
25 certaines parties du pays."
26 Puis-je vous demander en premier lieu, Monsieur le Témoin, ce que vous
27 entendez par le commentaire suivant "à différents moments, différents
28 aspects du conflit se présentaient en fonction de l'intensité de la haine
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1 exprimée dans différentes parties du pays."
2 Qu'entendez-vous par là ?
3 R. Je crois que j'ai parlé à la fois de haine et d'intolérance. Ce que je
4 voulais dire par là, c'est qu'il y avait à différent degré une forme
5 d'opposition. La haine va plus loin que l'intolérance puisqu'il s'agit
6 d'opposition mutuelle, si je puis dire. Je voulais simplement dire qu'il y
7 avait une certaine relativité qui se rattachait à ce phénomène. C'est-à-
8 dire qu'à certaines périodes, dans certains domaines, certains aspects
9 dominaient, ces aspects d'intolérance mutuelle et d'opposition mutuelle
10 n'étaient pas toujours dominants de la même façon.
11 Au début de mon témoignage, nous avons dit que les armées
12 nouvellement formées étaient - initialement, en tout cas - pluriethniques,
13 en tout cas, relativement pluriethnique. Côté "serbe," serbe entre
14 guillemets, bien sûr, ou dans l'ancienne JNA, vous aviez des membres
15 d'autres communautés ethniques de très haut niveau qui occupaient des rangs
16 de généraux. Dans l'armée musulmane, lorsqu'on a l'a organisée de façon
17 militaire au tout départ, il y a le colonel Jovo Divjak, qui a rejoint les
18 rangs de cette armée, or il est Serbe, il est vient de Belgrade. C'est en
19 ce sens que je voulais dire que dans un village en particulier, il y a eu
20 pu y avoir des phénomènes d'intolérance religieuse, alors que dans d'autre
21 villages, on pouvait interpréter la tension comme issue d'une intolérance
22 ethnique. Dans d'autres parties, au contraire, il a pu y avoir des tensions
23 de type idéologique ou politique. On parle d'un pays qui est socialiste et
24 communiste au départ. D'autres auraient préféré qu'il s'agisse d'un pays.
25 Q. Pour ce qui concerne le commentaire que vous avez fait hier, Monsieur
26 le Témoin, est-ce qu'en fonction de l'intensité de la haine exprimée, il y
27 avait plutôt une partie qui prenait le dessus au dépend d'une autre partie
28 ?
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur Thomas, je
2 crois que ce que le témoin a dit c'était le sentiment ethnique ou religieux
3 qui pouvait prendre le dessus. Il n'a pas parlé de parti prenant le dessus,
4 mais de sentiment prenant le dessus.
5 M. THOMAS : [interprétation] Permettez-moi de reformuler, je vous prie.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Faites donc.
7 M. THOMAS : [interprétation]
8 Q. Vous avez dit que, hier, à différentes périodes, différents aspects
9 prenaient le dessus dans le conflit. Que voulez-vous dire par différents
10 aspects ?
11 R. Je crois que j'ai déjà répondu à cette question. Si un chef local dans
12 une zone particulière, disons, dans un village, soulignait que nous étions
13 des Serbes et seulement des Serbes ou Musulmans et seulement Musulmans, ou
14 Croates et seulement Croates, voilà pourquoi il pouvait naître une
15 opposition contre certaines personnes venant d'autres villages - et là je
16 dirais que c'est alors l'aspect ethnique qui était le plus marqué, l'aspect
17 ethnique ou d'animosité ou d'intolérance. En fait, c'est bien l'aspect
18 religieux qui primait ou l'aspect civil en l'occurrence.
19 Q. Votre remarque, par conséquent, portait-elle sur certaines parties du
20 pays où s'exprimait une haine religieuse ou une intolérance religieuse ? Ce
21 serait l'aspect dominant, si on veut. Alors que dans d'autres parties du
22 pays, ce qui prime, ce ne serait pas justement cet aspect de l'intolérance
23 ethnique ou de la haine.
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je crois que notre témoin a déjà bien
25 répondu à la question. Il a déjà dit, il a fait référence à certaines
26 parties du pays.
27 M. THOMAS : [interprétation] Bien, moi, j'aimerais simplement que mon
28 collègue se rapporte à la ligne 24 de la page 12 129, Monsieur le
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1 Président, Messieurs les Juges, c'est exactement les mots qu'il a utilisés,
2 il a dit :
3 "A différentes périodes, différents aspects, primaient ou avaient le dessus
4 de ce conflit en fonction de l'intensité de la haine qui s'exprimait dans
5 certaines parties de l'ancien pays."
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne comprends pas ce que Me Guy-
7 Smith nous dit.
8 M. GUY-SMITH : [interprétation] A ce moment-là, je retire mon objection.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
10 M. THOMAS : [interprétation]
11 Q. Je veux être sûr de bien vous comprendre, Monsieur Vuksic. Est-ce que
12 vous nous dites que dans certains endroits ça pouvait être, par exemple,
13 l'intolérance religieuse ou la haine qui opposait les deux parties en
14 présence, alors que dans d'autres endroits, c'était plutôt une intolérance
15 ethnique ou une haine ethnique qui dominait et qui montait les uns contre
16 les autres ?
17 R. Monsieur Thomas, d'après mes souvenirs, toute la remarque sur ce point
18 que j'ai faite hier venait du fait que j'essayais d'exprimer quelque chose,
19 je voulais ajouter qu'il s'agissait d'une guerre qui était religieuse,
20 ethnique et civile à la fois. Je crois que j'ai déjà répondu à cette
21 question. Cependant, si vous souhaitez avoir le fond de vos sentiments sur
22 la question, il va falloir commencer avec la Slovénie, avec la Macédoine,
23 et il va falloir parler de conflits individuels survenus dans certaines
24 parties, par exemple, de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. Je crois
25 que ce serait une bonne question pour un séminaire ou une longue
26 conférence, et je ne suis pas sûr de ce que je pourrais en dire, ici, sous
27 serment, au prétoire.
28 Q. Très bien. Alors, je vais être un peu plus direct. C'est une question à
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1 laquelle vous pouvez répondre par oui ou par non. Je vais juste
2 m'interrompre un instant dans le compte rendu d'audience.
3 Ma question est la suivante : affirmez-vous qu'en certains endroits, c'est
4 la haine religieuse ou l'intolérance religieuse qui montait les parties
5 l'une contre l'autre, alors qu'en d'autres endroits cette opposition
6 pouvait être motivée par une haine ethnique ou une intolérance ethnique ?
7 C'est une question à laquelle vous pouvez répondre par oui ou par non,
8 Monsieur le Témoin.
9 R. Oui. J'ajouterai une chose, cependant, il faut l'ajouter, à savoir que
10 j'ai dit qu'il y avait un aspect, mettons, un aspect ethnique ou religieux
11 qui pouvait primer, qui pouvait être plus marqué. Je n'ai jamais dit qu'il
12 n'y avait qu'un de ces aspects qui avait pour résultat les conflits qui
13 sont survenus sur les territoires de l'ancienne Yougoslavie, parce que je
14 sais que ce n'était pas la réalité. Et étant donné que je suis là sous
15 serment pour vous dire la vérité, j'ai prêté serment de dire la vérité.
16 Q. Nous comprenons très bien la nuance que vous apportez à votre réponse.
17 Elle est tout à fait claire.
18 Quel était l'aspect qui primait sur l'autre, simplement, pour le
19 savoir ? Est-ce que c'était l'aspect religieux ou est-ce que c'était
20 l'aspect ethnique ?
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je remarque certaines difficultés dans
22 cette question. C'est une question qui est vague en ce qui concerne la
23 période considérée, en ce qui concerne l'endroit considéré, puis ça appelle
24 de la part du témoin de se lancer dans des conjectures.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Thomas.
26 M. THOMAS : [interprétation] Bien, dans votre réponse précédente, Monsieur
27 Vuksic, vous avez dit :
28 "Je n'ai jamais dit que c'était l'un de ces aspects qui avait pour résultat
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1 les conflits qui survenaient dans les territoires de l'ex-Yougoslavie,
2 parce que je sais que cela n'était pas la réalité…"
3 Mais juste avant, il avait dit :
4 "Oui, mais il faut ajouter qu'il n'y avait pas qu'un aspect qui était
5 présent, par exemple, l'aspect ethnique ou l'aspect religieux, mais qu'il y
6 avait un aspect qui était plus marqué que les autres."
7 Et je voulais savoir simplement ce qu'il voulait dire par, quel aspect est
8 le plus marqué que les autres.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais le problème, Monsieur Thomas,
10 c'est que, ce que nous dit M. Vuksic, c'est que certaines personnes étaient
11 motivées par des croyances religieuses, d'autres étaient mues par des
12 préoccupations d'ordre ethnique, pour promouvoir la guerre, encourager la
13 haine, et cetera. Et ces aspects pouvaient être plus importants les un que
14 les autres à un moment particulier, ou en un lieu particulier, et il ne
15 sera pas en mesure de vous dire, Je peux vous dire que dans tel endroit,
16 c'était tel aspect qui primait. C'est une question qui est extrêmement
17 difficile.
18 M. THOMAS : [interprétation] Oui. Très bien. Je comprends. Alors, si c'est
19 ce qu'il a voulu dire, d'accord. Je n'étais pas sûr d'être tout à fait sûr
20 de ce qu'il a dit, alors.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous confirmer,
22 Monsieur Thomas, que c'est bien là le sens de votre réponse. Est-ce que
23 j'ai bien interprété vos dires ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais vous
25 remercier. C'est exactement ce que j'essayais de dire.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
27 M. THOMAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Monsieur
28 les Juges.
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1 Q. Maintenant, la situation que vous avez décrite, c'est une situation qui
2 correspond à la date de cette lettre de décembre 1993. Est-ce que cela
3 reflète votre interprétation de la situation dans votre ancien pays à
4 l'époque, c'est-à-dire au mois de décembre 1993 ?
5 R. Je ne peux pas répondre à cette question.
6 Q. Vous avez décrit la guerre motivée par des motifs religieux et
7 ethniques, vous nous avez présenté cette description ce matin. Est-ce que
8 c'était la façon dont vous voyiez le conflit ou dont vous compreniez les
9 caractéristiques du conflit à la date de décembre 1993 ? Est-ce qu'à
10 l'époque, cela était apparent en votre esprit ?
11 R. Une fois encore, je ne peux pas répondre à votre question.
12 Q. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous ne pouvez répondre à cette
13 question, Monsieur le Témoin ?
14 R. Si je vous répondais, je devrais, à ce moment-là, me montrer critique
15 de ce que vous me dites et je n'ai pas le droit de le faire, je n'ai pas
16 envie de vous critiquer.
17 Q. Je suis habitué aux critiques. Et moi, ce que je recherche c'est une
18 réponse sur cette question. Est-ce que cela reflète bien votre appréhension
19 de la situation au mois de décembre 1993 ?
20 R. Monsieur Thomas, si vous voulez me poser cette question ou n'importe
21 quelle autre question dans ce domaine, il faudrait, à ce moment-là,
22 remonter au début de la crise yougoslave. Et une fois encore, je devrais, à
23 ce moment-là, vous donner mon point de vue de façon circonstanciée. Le
24 récit serait long, et je ne crois pas qu'il ait sa pertinence ici au
25 prétoire, parce que j'ai aussi parlé de guerre civile, et on n'a pas fait
26 mention de la guerre civile ici. Par conséquent, mon avis est peut-être un
27 peu plus complexe. A l'époque, je n'étais pas en mesure de dire ou d'écrire
28 quoi que ce soit sur le sujet. Je parle là de décembre 1993. Or, j'avais
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1 mon propre avis sur la question.
2 Q. Laissez-moi vous poser cette question : en décembre 1993, il y a eu des
3 crimes contre les civils et des atrocités commises contre les civils par
4 toutes les parties en guerre. Etait-ce là une conséquence tragique de la
5 guerre ?
6 R. Si vous voulez que je sois sincère, je dois vous répondre que sur la
7 base de mes connaissances actuelles dans le territoire de l'ancienne
8 Yougoslavie, que j'appellerais le théâtre de l'absurde et un pays tout à
9 fait étrange où sont survenues différentes pièces de théâtre et tragédies,
10 ce que je peux dire aujourd'hui c'est que je suis convaincu que les parties
11 en guerre avaient commis des crimes de guerre.
12 Q. Et comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion que toutes les
13 parties en guerre avaient commis des crimes de guerre ?
14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Désolé, mais cette question, vous l'avez
15 posée et il y a été répondu, puisqu'il a dit :
16 "Si vous voulez que je sois sincère…" c'est à la page 11, ligne 5,
17 "alors ce que je dois vous dire c'est que sur la base de ce que je sais
18 aujourd'hui…" a dit le témoin.
19 M. THOMAS : [interprétation] Je ne suis pas sûr qu'il ait dit ça.
20 M. GUY-SMITH : [interprétation] "Maintenant." Il a dit "maintenant."
21 M. THOMAS : [interprétation] Oui.
22 Ce que je vous demande, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,
23 c'est quand il a compris cela.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, je vous en prie. Merci de
25 répondre à cette question.
26 M. THOMAS : [interprétation]
27 Q. Alors, quand avez-vous compris que toutes les parties au conflit
28 avaient commis ces crimes ?
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1 R. Je ne peux pas préciser la période exactement, parce qu'il s'agit d'une
2 question fort complexe.
3 M. THOMAS : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. Je n'ai
4 plus de questions.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur Thomas.
6 Est-ce qu'il y a des questions supplémentaires, Maître Guy-Smith ?
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 Questions de la Cour :
10 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Monsieur le Général, au vu de votre
11 expérience en tant qu'officier chargé de la liaison avec les organisations
12 internationales, y compris des Nations Unies, étiez-vous au courant que le
13 Conseil de sécurité, en 1993, au 16 avril, avait adopté une résolution
14 réaffirmant une ordonnance de la Cour internationale du justice demandant
15 au gouvernement fédéral de Yougoslavie d'empêcher que ne soit commis des
16 génocides dans le territoire de la Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que vous
17 étiez au courant de cette résolution adoptée par le Conseil de sécurité des
18 Nations Unies en 1993 ?
19 R. Monsieur le Juge David, je ne suis pas général, je ne suis que colonel.
20 J'étais au courant de cette résolution.
21 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Etant donné votre connaissance de cette
22 résolution, savez-vous, d'après votre expérience, si une quelconque enquête
23 en ce qui concerne la gravité de ces allégations a été menée dans votre
24 service ou au sein de l'état-major général de l'armée yougoslave ou au sein
25 d'une quelconque autre organisation ou service de votre gouvernement à
26 l'époque ? Et j'aimerais répéter cette question.
27 Est-ce que vous étiez au courant qu'étant donné la gravité de ces
28 allégations, une enquête, une demande d'information pour vérifier ces
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1 allégations avait été menée dans votre service, dans un service connexe ?
2 Et comme le Président Moloto vous l'a dit, vous pouvez répondre par oui,
3 non ou je ne sais pas.
4 R. Je ne suis pas au courant de cela.
5 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Vous n'êtes pas au courant qu'il y ait
6 eu une enquête d'amorcée de quelque nature que ce soit ?
7 R. Je ne suis pas au courant de son existence ou non. Je ne sais rien à ce
8 sujet.
9 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Dans le cadre de votre témoignage, vous
10 avez parlé du principe de relativité, vous vous êtes référé à Einstein, et
11 vous avez dit que tout était relatif. A l'époque, estimiez-vous que ces
12 allégations de génocide commis faisaient partie aussi de la relativité de
13 la situation, à savoir que cela dépendait un petit peu de différentes
14 choses. On pouvait accorder plus ou moins d'importance à ces allégations.
15 Je vais répéter ma question : vous-même, vous ne preniez pas en
16 considération ces allégations parce que vous pensiez qu'elles n'avaient
17 aucune importance ou qu'elles étaient toutes relatives et que vous pensiez
18 cela d'expérience ? Vous venez de me dire que vous étiez au courant de
19 l'existence de ces résolutions. Donc les allégations, vous n'en teniez pas
20 compte vu le caractère tout a fait relatif de la situation ? Oui, non ou je
21 ne sais pas. Ou souhaitez-vous éventuellement formuler un commentaire à ce
22 sujet ?
23 R. Monsieur David, je ne pourrais que commenter. Au vu de la théorie de la
24 relativité, je souhaite dire qu'à l'époque, sur le territoire de l'ex-
25 Yougoslavie, que j'ai appelé pays des merveilles et théâtre de l'absurde,
26 tout était très, très relatif là-bas à ce moment-là. Et si vous souhaitez
27 entendre mon opinion, je vais vous la donner mon opinion de l'époque, mais
28 je tiens à vous dire également que ce sujet pourrait faire l'objet d'un
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1 séminaire ou d'une conférence.
2 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Je suis tout à fait d'avis que tout
3 pourrait faire l'objet d'un séminaire. Un séminaire peut être convoqué
4 autour de n'importe quel sujet. Mais compte tenu de la nature grave de ces
5 allégations et en l'absence du fait que vous n'êtes pas au courant d'une
6 enquête qui aurait été menée, j'aimerais savoir si vous pensez que ces
7 allégations ne méritaient pas que l'on diligente une enquête ? En fait, il
8 y a eu une résolution de prononcée qui concernait des actes allégués de
9 génocide sur l'ex-territoire de Bosnie-Herzégovine.
10 R. J'étais pleinement conscient de l'importance des mesures prises par les
11 Nations Unies, lorsque les Nations Unies ont adopté cette résolution et
12 lorsqu'ils ont décidé de créer un Tribunal international chargé de
13 poursuivre les crimes commis en ex-Yougoslavie. J'avais d'autres éléments
14 là-dessus. Je pourrais même dire que j'étais mieux informé. Mais je n'ai
15 jamais changé d'avis. Vous m'avez posé la question, et je souhaite
16 commenter ce que je viens de dire, mon opinion. Vous vouliez savoir si
17 j'avais entrepris moi-même quoi que ce soit en ma qualité et vu mon poste.
18 Bien sûr que non, j'étais à la tête du groupe opérationnel, puis j'étais à
19 la tête de l'administration dont la mission était celle dont la seule
20 mission était de soutenir toute initiative de paix en ex-Yougoslavie, et en
21 particulier si cela était mené par les Nations Unies. Il va de soi que moi-
22 même et mon personnel ne pouvions pas nous trouver dans une situation où
23 nous serions éventuellement amenés à commettre des actes tels que ceux que
24 vous venez de mentionner.
25 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] J'aurais une question de suivi : hier,
26 vous avez dit au sujet d'une réunion où le général Perisic était présent,
27 vous-même et un représentant français, vous avez dit que le représentant
28 français a dit : Je ne souhaite pas rencontrer le général Mladic, parce
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1 qu'il serait coupable de crimes de guerre. A l'époque, saviez-vous que
2 c'était le cas ?
3 R. Monsieur David, à l'époque, le général Mladic avait déjà été accusé de
4 crimes de guerre, donc peu importe de savoir si j'étais au courant ou non.
5 Et je tiens à vous remercier de m'avoir posé cette question, car ce sont
6 des choses qui me perturbent, qui me font mal. Je pense que nous ne
7 pourrions pas aborder cette question ici dans ce prétoire, mais j'aimerais
8 bien avoir l'occasion de l'aborder avec des interlocuteurs appropriés. Et
9 vous venez de me rappeler la relativité de toute chose, de tout ce qui se
10 produisait en ex-Yougoslavie et lorsque la priorité était accordée à
11 d'autres problèmes.
12 Comme je l'ai dit hier, le président Chirac a dépêché son envoyé spécial,
13 dans un premier temps c'était le général De Laprelle, ensuite le général
14 Douin, et il tenait compte avant tout de l'importance que la France
15 accordait à la libération des pilotes. C'était la première année du mandat
16 du président Chirac, et peu après son élection et son entrée en poste, il a
17 dû faire face à des manifestations d'agriculteurs qui sont sortis dans la
18 rue. Donc il s'est senti interpellé, il sentait qu'il fallait qu'il apporte
19 un certain nombre de réponses. Donc il voulait libérer les pilotes pour
20 démontrer son efficacité.
21 Donc vous compreniez, c'est cela qu'il faut replacer aussi dans le
22 contexte des événements de l'ex-Yougoslavie. Je ne tiens absolument pas à
23 remettre en question les actions du président Chirac, que j'ai en grande
24 estime. Est-ce que je dois poursuivre ? Puisque vous semblez accepter que
25 j'apporte des explications détaillées. Est-ce que cela vous intéresse ?
26 Même s'il a dit qu'il --
27 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Je vous remercie. Non, non, vous
28 nous avez fourni suffisamment de détails. Je vous remercie de nous avoir
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1 répondu.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Y a-t-il des questions qui
3 découlent des questions posées par la Chambre ? Maître Guy-Smith.
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
5 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Guy-Smith :
6 Q. [interprétation] Monsieur Vuksi, s'agissant de la résolution mentionnée
7 par le Juge David, je pense qu'il s'agit de la Résolution 819, le mois
8 d'avril 1993 a été mentionné. Pourriez-vous nous dire qui était le chef de
9 l'état-major au mois d'avril 1993 ?
10 R. En avril 1993, le chef de l'état-major général de l'armée de
11 Yougoslavie était le général Zivota Panic.
12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
13 [Le conseil de la Défense se concerte]
14 M. GUY-SMITH : [interprétation]
15 Q. Je vous remercie, Monsieur Vuksic.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Thomas.
17 M. THOMAS : [interprétation] Non, je n'ai plus de questions.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Vuksic, je tiens à vous
19 remercier d'être venu témoigner devant ce Tribunal. Votre déposition est
20 terminée. Nous vous remercions d'être venu apporter votre assistance au
21 Tribunal. Vous pouvez disposer. Rentrez bien chez vous.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous êtes libre de partir.
24 [Le témoin se retire]
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.
26 M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous en avons terminé avec les dépositions
27 pour cette semaine. Je pense que, comme prévu, le témoin suivant pourra
28 commencer sa déposition lundi le 5 juillet, c'est ce dont nous avons parlé
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1 hier.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, je m'en souviens.
3 Mais Me Lukic allait nous apporter une réponse --
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, tout à fait.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] -- et je ne me souviens plus
6 exactement sur quoi.
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense qu'il y a deux points. En fait,
8 une chose, puis une question de suivi. La question était de savoir si on
9 allait pouvoir faire venir un témoin avant cette date-là, donc la question
10 était de savoir si nous allions pouvoir avoir des témoins la semaine
11 prochaine. Mais, en fait, la réponse est non. Le premier jour où nous
12 pourrions reprendre les auditions serait le 5 juillet.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et quel était l'autre point ?
14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous devrions passer à huis clos partiel
15 pour aborder l'autre question.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
18 [Audience à huis clos partiel]
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5 [Audience publique]
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'audience est suspendue. Nous
7 reprendrons nos travaux le lundi 5 juillet. Nous reprendrons dans la salle
8 d'audience numéro II à 9 heures du matin.
9 --- L'audience est levée à 9 heures 48 et reprendra le lundi 5
10 juillet 2010, à 9 heures 00.
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