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1 Le lundi 12 juillet 2010
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes
6 présentes dans le prétoire ainsi qu'à l'extérieur du prétoire.
7 Monsieur le Greffier d'audience, veuillez citer l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame
9 Monsieur les Juges. Il s'agit de l'affaire
10 IT-04-81-T, le Procureur contre Momcilo Perisic. Merci.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Je souhaiterais que
12 les parties se présentent, en commençant par l'Accusation.
13 M. HARMON : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je suis
14 Marc Harmon accompagné de Mme Carmela Javier pour l'Accusation.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'en est-il de la Défense.
16 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges et bonjour
17 à toutes les personnes présentes dans le prétoire et à l'extérieur du
18 prétoire. Je suis Maître Novak Lukic. Je représente les intérêts de M.
19 Perisic et je suis accompagné de Mlle Drolec.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Lukic.
21 M. LUKIC : [interprétation] Avant que nous ne fassions entrer le témoin
22 suivant, je souhaiterais soulever une question, mais pour ce faire je
23 voudrais passer à huis clos partiel.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Je souhaiterais que la Chambre
25 passe à huis clos partiel.
26 [Audience à huis clos partiel]
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10 [Audience publique]
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
12 Je vous prie de bien vouloir faire entrer le témoin dans le prétoire.
13 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je souhaiterais que le témoin prononce
15 la déclaration solennelle.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
17 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
18 LE TÉMOIN : DUSAN KOVACEVIC [Assermenté]
19 [Le témoin répond par l'interprète]
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez prendre
21 place. Et bonjour à vous, Monsieur.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic.
24 Interrogatoire principal par M. Lukic :
25 Q. [interprétation] Vous êtes bien installé, Monsieur ? Bien. Est-ce que
26 vous pourriez nous donner votre nom pour le compte rendu d'audience.
27 R. Dusan Kovacevic.
28 Q. Quelle est votre date et lieu de naissance ?
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1 R. Le 25 décembre 1942, dans le village d'Ervenik, dans la municipalité de
2 Knin, en République de Croatie.
3 Q. Monsieur Kovacevic, nous allons étudier rapidement votre curriculum
4 vitae. Je vais donner certains renseignements que j'ai déjà vérifiés
5 d'ailleurs auprès de vous. Vous me direz si tout est exact et corrigez-moi
6 si je me trompe.
7 Vous avez fait l'académie militaire, vous l'avez terminée en 1965; c'est
8 exact ?
9 R. Oui.
10 Q. Et en 1980, vous avez fait l'académie pour le commandement de l'état-
11 major; c'est cela ?
12 R. Oui.
13 Q. Puis l'école de la Défense nationale, qui est l'école militaire suprême
14 ou l'institution militaire suprême de la JNA. Vous l'avez terminée en 1988
15 et ainsi qu'en 1989; est-ce exact ?
16 R. Oui.
17 Q. Puis pendant votre carrière militaire, vous avez parallèlement obtenu à
18 Zagreb un diplôme -- ou une licence, plutôt, en génie, n'est-ce pas ?
19 R. Oui, c'est exact, à Zagreb.
20 Q. Alors, ce qui nous intéresse plus particulièrement, c'est votre
21 spécialisation, votre spécialité, car il s'agissait de l'industrie
22 militaire spécialisée, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. En quelle année avez-vous obtenu votre licence
25 d'ingénieur ?
26 R. En 1984.
27 Q. Et en 1984, vous étiez ministre, donc je suppose que --
28 R. Non, non. Je m'excuse. C'est un lapsus de ma part. En 1974.
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1 Q. Monsieur Kovacevic, j'ai attiré votre attention lors de la séance de
2 récolement que nous parlons la même langue. Nous nous comprenons donc très
3 bien, vraiment. Mais toutefois, nous avons ici des interprètes qui doivent
4 interpréter nos propos de façon exacte, donc ménagez un temps d'arrêt de
5 quelques secondes à la fin de mes questions, et je ferai de même lorsque
6 vous aurez terminé votre réponse, et je pense que cela sera beaucoup mieux.
7 Donc après l'académie militaire, après votre formation militaire, quand
8 est-ce que vous avez été promu au rang de sous-lieutenant ?
9 R. C'était en juillet 1965, lorsque j'ai terminé cette académie militaire.
10 Q. Et lors de votre carrière militaire, vous avez donc occupé tous les
11 postes, et ce, depuis le simple soldat jusqu'à la fonction la plus
12 importante au sein d'un corps d'armée. Est-ce que je peux avancer cela ?
13 R. Oui, tout à fait.
14 Q. Je ne vais pas parler ou évoquer toute votre carrière militaire
15 maintenant, mais je peux vous dire que tout ce que vous avez fait au sein
16 de la JNA en tant qu'officier d'active avait à voir avec la logistique et
17 les services, n'est-ce pas ?
18 R. Oui, c'est exact. Mais avec le fil des ans, cela concernait également
19 tous les aspects globaux de la logistique.
20 Q. Je vous remercie.
21 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais demander l'affichage de la pièce
22 P1906. Il s'agit du dossier personnel de M. Kovacevic, page 7 pour la
23 version B/C/S et 7 et 8 pour la version anglaise. C'est surtout, pour ce
24 qui est de la période qui nous intéresse, la fin de cette page que nous
25 allons étudier.
26 Vous avez remarqué certaines inexactitudes, et j'aimerais que nous
27 tirions tout cela au clair auprès du témoin, avec son aide. En fait,
28 Madame, Messieurs les Juges, je vous demande juste un petit moment, je vous
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1 prie. Je pense qu'il y a des problèmes au niveau de la version anglaise.
2 Oui, je vois ce qui correspond aux promotions. En fait, j'ai besoin de la
3 page suivante de la version anglaise. Oui, page 7 de la version anglaise,
4 comme je vous l'ai dit. Bien. C'est la troisième rubrique qui m'intéresse.
5 Q. En juillet 1990, vous étiez commandant de la 744e base de logistique.
6 Vous le voyez, cela ?
7 R. Oui.
8 Q. Il est indiqué "Tuzla," alors que comme vous l'avez dit, la base se
9 trouvait ailleurs. Est-ce que vous pourriez apporter la correction
10 nécessaire.
11 R. Oui. C'est une erreur, évidemment, car la 744e base de logistique et
12 son commandement se trouvait dans la garnison de Sarajevo, au centre de
13 l'école militaire, dans la caserne du maréchal Tito.
14 Q. Et je vois ensuite qu'il est question du 1er District militaire, e puis
15 après, dans la rubrique suivante, en 1992, il est indiqué que vous étiez
16 chef du service technique et logistique, et ce, au commandement du 2e
17 District militaire de Sarajevo. Alors, nous allons revenir là-dessus
18 ultérieurement, mais est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi est-ce
19 qu'il s'appelle maintenant le 2e District militaire ?
20 R. Parce qu'il y a eu une restructuration au sein de l'ex-JNA, et il y
21 avait certains éléments du 1er et du 5e District militaire qui avaient été
22 en quelque sorte fusionnés pour composer le 2e District militaire, dont le
23 commandement se trouvait dans la garnison de Sarajevo. C'est le 3 janvier
24 que j'ai été nommé à ce poste. Le 3 janvier 1990 donc j'ai été nommé chef
25 des services techniques. Alors, je ne vois pas pourquoi il est question du
26 8 février 1992 sur cette page. Ceci étant dit, il y a quand même un certain
27 nombre d'erreurs dans ce dossier.
28 Q. Pendant que vous vous trouviez au commandement du 2e District
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1 militaire, est-ce que vous vous êtes acquitté d'autres fonctions pendant
2 que vous vous trouviez à Sarajevo ?
3 R. J'ai également été en fonction du commandement du 2e District
4 militaire, mais on avait également confié la fonction de commandant de la
5 744e base logistique à l'époque. Et pendant un mois, il y a eu quand même
6 un chevauchement entre ces deux fonctions, et pendant ce mois, j'ai occupé
7 les deux postes.
8 Q. Est-ce que vous avez été nommé par une décision précise, et je pense à
9 cette fonction que vous avez assumée en février et en mars 1992, et ce,
10 jusqu'au mois de votre départ ?
11 R. Oui, oui. J'ai été nommé commandant adjoint en exercice pour le 2e
12 militaire -- pour la logistique, plutôt, et ce, pour le 2e District
13 militaire de la garnison de Sarajevo.
14 Q. Mais qui était le commandant du 2e District militaire à l'époque ?
15 R. Le colonel Milutin Kukanjac, qui était également la personne qui avait
16 demandé que je sois nommé à ce poste.
17 Q. On voit qu'il y a deux autres rubriques. Alors, j'aimerais savoir ce
18 qu'il en a été de cette mutation à la 1ère garnison de Belgrade le 6 février
19 1992. Qu'est-ce que cela signifiait ?
20 R. Ecoutez, cela, je ne l'avais même pas vu avant que vous ne me montriez
21 le document il y a un ou deux jours. Je ne sais absolument pas ce que ça
22 veut dire.
23 Q. Alors, pour que tout soit bien clair, nous avons identifié un certain
24 nombre de postes que vous avez occupés à ce moment-là; vous étiez chef du
25 service technique tout en étant commandant adjoint chargé de la logistique
26 pour le 2e District militaire. Est-ce que vous avez occupé ces postes
27 jusqu'au moment où vous avez quitté le territoire de Sarajevo ?
28 R. Oui, c'est exact. Jusqu'au 3 mai 1992. Et pour ce qui est de cette
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1 première nomination mentionnée au sein de la 1ère Armée, personne ne m'en
2 avait informé. Alors bon, personne ne m'a jamais donné de document sur ce
3 sujet. Comme je vous l'ai dit, je ne suis absolument pas au courant.
4 Q. Est-ce qu'à moment donné vous êtes devenu membre de la VRS et est-ce
5 que vous pourriez nous dire où et quand ? Quelles étaient exactement vos
6 fonctions ? Nous allons en parler de façon plus détaillée par la suite.
7 Pour le moment, nous sommes en train d'examiner votre curriculum vitae.
8 R. C'était au début du mois de septembre 1992. Il y a un ordre qui a été
9 donné par le commandant de l'état-major de la VRS, le général Ratko Mladic,
10 qui m'a nommé à l'état-major principal de la VRS, plus précisément au sein
11 de l'organe de la logistique. J'ai travaillé comme administrateur du
12 général Djukic.
13 Q. Très bien. Et par la suite, quel fut le poste suivant auquel vous avez
14 été nommé, si je peux m'exprimer de la sorte ?
15 R. C'était l'état-major de la VRS. Si vous regardez cet ordre et voyez
16 donc l'organigramme, je suis resté en fonction jusqu'au mois de janvier
17 1993. M. Lukic, qui avait été nommé par le gouvernement, a présenté mon nom
18 au parlement de la Republika Srpska comme pour le poste de candidat à la
19 fonction du ministre de la Défense. Le parlement et l'assemblée de la
20 Republika Srpska m'ont élu à cette fonction, à la suite de quoi le
21 président de la Republika Srpska, Radovan Karadzic, a publié un décret
22 portant nomination pour que je puisse devenir ministre de la Défense au
23 sein du gouvernement de la Republika Srpska.
24 Q. Quelle fut la durée de votre mandat à ce poste, Général ?
25 R. Jusqu'au mois d'août. J'y suis resté jusqu'au mois d'août 1994. J'ai
26 ensuite été démis de mes fonctions, et c'est un poste que je n'ai plus.
27 Q. Et que s'est-il passé après, est-ce que vous avez assumé une autre
28 fonction au sein de l'armée ou au sein d'organes exécutifs de la Republika
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1 Srpska ?
2 R. Il y a eu un autre décret présidentiel du président Karadzic qui m'a
3 nommé au sein du gouvernement de la Republika Srpska ministre de la Défense
4 adjoint.
5 Q. Alors, nous avons deux rubriques. Regardez le 14 juin 1995, là, il y a
6 eu un autre décret présidentiel de la République fédérale de Yougoslavie,
7 et de toute façon -- alors nous voyons -- tout cela, nous allons revenir
8 là-dessus de façon détaillée, mais ensuite nous voyons sur le document
9 qu'il est écrit mis à la retraite par le président de la RFY le 16 janvier
10 1996; est-ce exact ?
11 R. Oui, c'est exact.
12 Q. Très bien. Nous reviendrons sur ces documents par la suite, mais bon,
13 ensuite vous avez été promu par le président Karadzic au grade de général
14 de division le 19 janvier 1993; c'est bien cela, n'est-ce pas ?
15 R. Oui, c'est exact.
16 Q. Alors, nous n'allons pas nous pencher à nouveau sur cette page, mais
17 elle fait partie de votre dossier personnel d'ailleurs. Vous avez également
18 été promu à la VJ par un décret du président Lilic, et là, vous aviez été
19 nommé général de division. Le 10 novembre 1993, ce fut bien la date de
20 cette promotion, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Et vous aviez ce grade lorsque vous avez pris votre retraite ?
23 R. Oui, c'est exact.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Harmon.
25 M. HARMON : [interprétation] Ecoutez, je soulève une objection parce que ce
26 sont quand même des questions très directrices. Il s'agit des questions que
27 l'on peut poser de façon préliminaire pour que le témoin marque son
28 assentiment et il s'agit de différentes affirmations que Me Lukic présente
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1 au témoin, et là, je n'ai pas d'objection. Mais ce qui me préoccupe quand
2 même, c'est le concept de la question directrice en règle générale, et je
3 suppose qu'il s'agit de questions préliminaires seulement. Je vois que Me
4 Lukic semble acquiescer, donc je vais retirer mon objection. Et je pense
5 que nous pouvons poursuivre.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Lukic.
7 M. LUKIC : [interprétation] Je pense que c'est une pratique qui a été bien
8 établie jusqu'à présent, donc je vais m'évertuer de ne pas prendre la
9 tangente et de ne pas justement poser de véritables questions directrices.
10 Maintenant, je vais faire ce que le Règlement m'oblige à faire. Enfin,
11 c'était quand même le curriculum vitae du témoin. De toute façon, je n'ai
12 plus besoin d'avoir ce document à l'écran.
13 Q. Monsieur Kovacevic, j'aimerais maintenant que nous abordions notre
14 premier sujet aujourd'hui -- ou plutôt, dans un premier temps, j'aimerais
15 vous demander une précision, car nous avons parlé de votre carrière, nous
16 avons vu que vous étiez le commandant de la 744e base logistique, ensuite
17 vous avez travaillé auprès des services techniques du 1er et du 2e District
18 militaire.
19 J'aimerais savoir si le territoire de ce qui était à l'époque la RSFY était
20 entièrement couvert - enfin, si je puis me permettre de m'exprimer de la
21 sorte - par votre poste pendant les années 1989 et 1990, à partir de 1989 ?
22 R. Lorsque j'ai été commandant de la 744e base logistique,
23 l'infrastructure de cette base était telle qu'elle englobait effectivement
24 tout le territoire ou quasiment tout le territoire de la Bosnie-
25 Herzégovine. Et lorsque j'ai assumé mes nouvelles fonctions au sein du
26 commandement du 2e District militaire, l'autorité que j'avais pour ce qui
27 est de la logistique englobait Zadar, Knin, Bihac, Bakrac, certaines
28 parties de la Slovénie, la frontière yougoslave jusqu'à la côte, et cela
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1 s'arrêtait juste avant Trebinje, mais Sibenik et Split étaient inclus, et
2 c'est là que se trouvait basée la marine. Donc c'était un territoire
3 beaucoup plus vaste que ceux qui étaient représentés à l'heure actuelle par
4 la Serbie et le Monténégro.
5 Q. Selon la doctrine de la Défense nationale, pourriez-vous nous dire que
6 quelle façon on avait déployé -- ou plutôt, permettez-moi d'abord de vous
7 poser une question s'agissant des bases de logistique. Dites-nous, de
8 quelle façon est-ce que les réserves de la JNA et de la Défense
9 territoriale étaient distribuées dans la RSFY, donc je parle de la période
10 avant le démantèlement de la RSFY ?
11 R. La majorité des réserves de l'ancienne JNA et le matériel de
12 reproduction, le matériel, les réserves et les manufactures étaient situés
13 dans les entrepôts de la 744e base logistique. Selon un déploiement
14 stratégique, elle se trouvait dans la partie centrale de la RFY. En même
15 temps, s'agissant de cette partie centrale de la RFY, elle se trouvait sur
16 le territoire de Bosnie-Herzégovine, et c'est là qu'il y avait le plus
17 grand nombre d'usines à production spécialisée. Il y avait également
18 d'autres bases logistiques qui étaient situées en direction de la
19 périphérie de l'Etat, mais elles avaient moins de réserves et moins de
20 territoires étant donné la mobilité du front et une possibilité plus
21 difficile de mobilisation de ces bases, en Slovénie et en Macédoine, vers
22 l'intérieur, en fait.
23 Q. Dites-moi maintenant, s'agissant de votre 744e base logistique, elle
24 était placée sous le commandement de qui exactement et quelle était la
25 chaîne de commandement dans ce groupe ?
26 R. Avant la création du 1er District, la 744e base logistique était
27 subordonnée au commandement du 1er District militaire de Belgrade. A
28 l'exception de questions strictement techniques, c'est le service technique
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1 du SSNO à qui elle était subordonnée.
2 Q. Et à la suite de la formation du 2e District militaire, que s'est-il
3 passé avec cette base logistique, quel a été son sort ?
4 R. Lorsqu'on a procédé à la création du 2e District militaire, la 744e base
5 logistique a commencé à faire partie du 2e District militaire placé sous le
6 commandement du général de corps d'armée Milutin Kukanjac.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] A la page 13, ligne 15, vos propos ont
8 été interprétés comme suit :
9 "Lorsque la 2e base logistique a été établie…"
10 Alors, est-ce que vous parlez de la 2e base logistique effectivement, ou
11 parliez-vous du 2e District militaire ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais dit ceci : lorsque qu'on a procédé à
13 la formation du 2e District militaire --
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une erreur. Ce n'est pas la 2e base
16 logistique, mais le 2e District militaire.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
18 M. LUKIC : [interprétation]
19 Q. Pour être peut-être un peu plus clair, dites-nous, s'il vous plaît,
20 combien y avait-il d'entrepôts placés sous le commandement de cette base
21 logistique ? Lorsque je parle d'"entrepôts," je parle d'installations dans
22 lesquelles on conservait le matériel technique.
23 R. Je ne peux pas vous le dire avec certitude pour ce qui est des
24 chiffres. Je ne me souviens réellement pas du nombre d'entrepôts. Mais il y
25 avait certainement 20 unités d'entrepôts indépendantes, qui étaient
26 indépendantes de façon à ne pas avoir à dépendre les unes des autres.
27 Q. Tout à l'heure, vous nous avez parlé de l'industrie militaire à
28 l'époque de la RSFY avant le démantèlement de l'ex-Yougoslavie et vous avez
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1 dit que l'industrie militaire était principalement située dans cette
2 partie-là, la partie centrale de l'ex-Yougoslavie, et qui se trouvait en
3 Bosnie-Herzégovine. Mais j'aimerais savoir, quel était le lien entre
4 l'industrie militaire et les installations ?
5 R. Dans l'ancienne JNA, l'industrie militaire, toutes les entreprises qui
6 se trouvaient dans la chaîne de l'industrie militaire sur le territoire de
7 l'ancienne Yougoslavie faisaient partie d'une chaîne. Aucune ligne ne
8 pouvait produire toute seule un produit final. S'agissant de la
9 finalisation d'un produit, de l'armement, par exemple, ou de la création
10 d'armes militaires, il y avait plusieurs usines à production spécialisée
11 qui s'y mettaient et elles se trouvaient sur l'ensemble des territoires de
12 la RSFY. Tout était fait selon le principe du partenariat et de la
13 collaboration dans le sens technologique du terme, alors que le financement
14 était fait par le Ministère de la Défense, ou pour être plus précis, le
15 secrétariat chargé de la Défense nationale. Chacun des participants qui
16 participaient à la production du produit final obtenait sa part financière
17 d'après les contrats qui avaient été faits avant le début de la production.
18 Q. Nous vous avons déjà entendu parler dans ce prétoire des témoignages
19 selon lesquels nous avons appris qu'à partir de l'été 1991, avec la JNA
20 quittant d'abord la Slovénie et ensuite la Croatie, il y a eu certains
21 changements. Donc j'aimerais savoir, après le départ de la JNA du
22 territoire de la Slovénie et de la Croatie, s'agissant du secteur
23 logistique et de votre travail à vous, de quelle façon est-ce que ceci
24 s'est reflété sur votre travail ?
25 R. Lorsque la guerre a commencé en Slovénie et en Croatie, toutes les
26 unités sur le territoire de 1er District militaire se trouvant sur le
27 territoire de Bosnie-Herzégovine et certains territoires de la Croatie
28 étaient placés en état d'alerte au combat, et moi, en tant que commandant
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1 de la base logistique, je recevais des ordres provenant de l'état-major
2 principal des forces armées de la RSFY, et ces ordres avaient trait à
3 l'aide que je devais fournir à l'ancienne JNA, à l'ex-JNA, quant au
4 transport des armes et principalement de la munition des entrepôts de la
5 JNA de Slovénie et de Croatie et de faire en sorte qu'une partie de ces
6 réserves soit transférée à la 744e base logistique alors qu'une autre
7 partie de ce que j'avais trouvé dans ces entrepôts devait passer par le
8 territoire de Bosnie-Herzégovine et de la République fédérale de
9 Yougoslavie. Et je le faisais chaque fois que l'on me donnait l'ordre.
10 J'organisais le transport, j'organisais les colonnes de transport dans
11 lesquelles on pouvait trouver des centaines de camions et de camions à
12 remorque, et c'est la direction chargée de la circulation de l'état-major
13 principal de la JNA qui effectuait ce transport. En tant que commandant de
14 la base logistique, moi-même, j'avais déployé mes propres véhicules qui,
15 par la suite, faisaient partie de ce convoi.
16 Je fournissais également l'aide suivante --
17 Q. Parlons maintenant de convois avant de passer à la deuxième partie de
18 l'aide que vous aviez faite ou donnée. J'aimerais savoir si vous-même aviez
19 jamais participé au convoi; et si oui, dites-nous, où êtes-vous allé et
20 quelles étaient vos activités s'agissant de ce convoi ou de ces convois, et
21 à quelle époque tout ceci a eu lieu, si vous vous en souvenez.
22 Q. Je me souviens de la chose suivante : en fait, je ne me souviens pas du
23 temps ou du mois exact ou de la date exacte, mais c'était vers la fin de
24 1991. Je suis allé à Plitvice avec une équipe et j'ai attendu la colonne
25 qui transportait des munitions. Je ne sais pas de quel entrepôt ces
26 munitions provenaient mais je sais que c'était du territoire de la Croatie
27 et de Slovénie, et donc je me suis occupé de prendre la charge d'une partie
28 de ces convois, donc des véhicules et des véhicules motorisés, et je les ai
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1 dirigés vers l'entrepôt de la base logistique, et c'est là que nous avons
2 placé ces munitions alors que le reste des munitions et du convoi s'étaient
3 dirigés en direction de la Serbie-et-Monténégro.
4 Q. Lorsque vous parlez de "Plitvice," pourriez-vous nous dire, s'il vous
5 plaît, où est situé cet endroit.
6 R. En Croatie.
7 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, combien y avait-il de
8 camions, approximativement ?
9 R. Il y avait environ 45 camions.
10 Q. Quelles étaient vos activités, quelles étaient d'autres tâches qui vous
11 incombaient dans le cadre de cette activité ?
12 R. Je devais m'occuper des familles des membres de la JNA qui étaient soit
13 chassées de la garnison de Slovénie et Croatie, donc je devais m'occuper de
14 leurs familles et d'eux afin de pouvoir trouver un logement pour les
15 familles et d'inscrire les enfants dans les écoles, et ainsi de suite, afin
16 de permettre à ces familles de pouvoir vivre correctement.
17 Et c'est ainsi, qu'à cette fin, j'ai pris -- ou j'ai réquisitionné un
18 hôtel à Pale dans lequel on pouvait placer environ 300 membres de 300
19 familles, environ. L'hôtel disposait d'une cuisine, et c'est là que j'avais
20 placé ces familles, et il y avait suffisamment de nourriture également, qui
21 provenait de l'armée. Et c'est là que vivaient toutes ces familles. Mais
22 malheureusement, ce n'était pas suffisant, donc on a pris un bâtiment de la
23 caserne du maréchal Tito. C'était le bâtiment dans lequel des jeunes
24 recrues étaient cantonnées autrefois, et on avait placé ces familles dans
25 ces installations. Il y avait des familles entières qui pouvaient
26 maintenant y vivre. Donc c'étaient des familles d'officiers supérieurs
27 provenant de la Croatie et de Slovénie, et tous les meubles et les
28 vêtements étaient placés dans une très grande salle. En fait, c'était une
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1 sorte de gymnase.
2 Je pouvais également aider de la façon suivante. J'ai recueilli les
3 unités qui étaient armées, qui étaient équipées et qui avaient quitté le
4 territoire de Croatie. Il y avait un centre à Zadar à la tête duquel se
5 trouvait le colonel Momcilo Perisic à l'époque. J'y ai assuré un espace
6 pour lui et ses membres dans la caserne du maréchal Tito, et ils s'y sont
7 installés.
8 Après un certain temps, le colonel Perisic m'a appelé et m'a dit
9 qu'il était promu au grade de général. Je l'ai félicité. Il y avait
10 d'autres personnes qui étaient également présentes sur place, et ils nous
11 ont informés qu'il allait prendre le poste de commandement de corps d'armée
12 à Bileca.
13 Q. Permettez-moi de préciser quelque chose. Vous avez mentionné à
14 plusieurs reprises la caserne du général Tito. Vous ne pourriez pas
15 expliquer dans quelle ville se trouve cette caserne.
16 R. J'ai déjà dit un peu plus tôt que la caserne du maréchal Tito était
17 située à Sarajevo. En fait, c'était une très grande caserne. Pour ce qui
18 est de l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine, c'était la plus grande caserne
19 qui pouvait exister.
20 Q. Mon Général, dites-moi, s'il vous plaît, où habitiez-vous à l'époque ?
21 R. A l'époque, j'habitais dans la garnison de Sarajevo.
22 Q. Votre famille se trouvait où exactement ?
23 R. A Sarajevo également. Ma famille se trouvait à Sarajevo dès 1986 ou
24 1987. C'est à ce moment-là que j'ai eu un appartement à Sarajevo.
25 Q. Est-ce que votre famille habitait dans la caserne ou bien elle habitait
26 dans un appartement ?
27 R. Non, non. Ma famille habitait dans un appartement.
28 Q. Très bien. Excusez-moi. Est-ce que vous viviez vous-même avec votre
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1 famille pendant cette période ? Je parle de l'année 1992. Je voulais, en
2 fait, avoir plus de précisions.
3 R. Jusqu'au 1er mars 1992, je me rendais de façon tout à fait régulière au
4 travail le matin et je rentrais à la maison le soir, avec quelques
5 exceptions, s'il y avait certaines nécessités de séjourner plutôt dans la
6 caserne. Pas seulement moi, mais plusieurs personnes. Et nous avions chacun
7 d'entre nous une arme personnelle et il nous fallait toujours avoir sur
8 nous cette arme de service, parce que la situation dans la ville était
9 quelque peu tendue. Mais le 1er mars, après l'incident de Sarajevo,
10 l'incident lors duquel on a tiré sur un groupe de personnes qui célébraient
11 un mariage et qu'on a tué le père du marié --
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Harmon.
13 M. HARMON : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, puisqu'on ne
14 répond pas à la question. Le témoin est en train de donner une réponse qui
15 ne répond pas à la question qui lui est posée. Donc, le Procureur élève
16 cette objection.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En fait, la question était de savoir :
18 "Habitiez-vous avec votre famille pendant la période en question,
19 pendant l'année 1992. Pourriez-vous, je vous prie, nous donner les détails
20 ? Pouvez-vous être un peu plus précis."
21 Vous savez, c'est une question qui est très ouverte, qui est très
22 générale. Cette question permet au témoin de dire tout ce qu'il souhaite
23 dire et tout ce qui lui passe par la tête, puisque de toute façon on lui
24 donne un champ libre de parler de ce qu'il souhaite dire.
25 M. HARMON : [interprétation] De la façon dont je lis la question est
26 la façon suivante : enfin, on demande au témoin de dire s'il habite avec sa
27 famille à Sarajevo pendant l'année 1992, au cours de l'année 1992. On lui
28 demande d'être un peu plus précis, à savoir s'il habite avec sa famille.
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1 Donc maintenant, on parle d'un mariage qui s'est déroulé là-bas, un mariage
2 serbe. Donc j'estime que ce n'est pas une réponse à la question --
3 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
4 M. LUKIC : [interprétation] Je crois qu'effectivement le témoin a bien
5 répondu à ma question. Je ne peux pas parler du nom du témoin, mais je
6 crois que le témoin voudrait nous expliquer, enfin, il a des raisons pour
7 lesquelles il parle de cet incident. Donc je pourrais demander au témoin de
8 nous dire exactement…
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez. Il y a eu une objection, et
10 là je n'ai pas encore statué sur l'objection. Donc vous dites que le témoin
11 est en train de répondre à votre question. Je me demande bien ce que ce
12 mariage serbe a bien à voir avec la question qui vous est posée, à savoir
13 s'il habitait avec sa famille.
14 M. LUKIC : [interprétation] En fait, je crois que cette réponse est tout à
15 fait pertinente, mais je ne veux pas mettre les paroles dans la bouche du
16 témoin, mais je peux certainement poser la question au témoin, à savoir si
17 cet incident lors duquel on a tué quelqu'un, est-ce que cet incident qui a
18 eu lieu le 1er mars, est-ce que ceci a eu une incidence particulière sur le
19 déplacement, le mouvement libre dans la ville de Sarajevo. Si vous le
20 souhaitez, vous comprendrez peut-être mieux de quoi il en est.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic, avec tout le respect que
22 je vous dois, l'incident du 1er mars n'a absolument rien à voir avec le fait
23 de savoir si ce témoin vivait avec sa famille dans sa maison familiale avec
24 sa famille.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non. Bien sûr, ça a tout à fait un
26 rapport tout à fait concret.
27 M. LUKIC : [interprétation] Je crois que, Monsieur le Président, vous avez
28 tort.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais s'il a vécu avec sa famille
2 jusqu'au 1er mars, et à cause d'un événement qui s'est déroulé le 1er mars
3 quelque chose a changé, il peut certainement nous le dire. Il peut nous
4 dire : J'ai habité avec ma famille jusqu'au 1er mars, et le 1er mars quelque
5 chose est arrivé. Il y a eu un incident et j'ai cessé d'habiter avec eux.
6 Donc de toute façon, nous pouvons comprendre ce qu'il souhaite dire, mais
7 la façon dont il nous raconte ceci, nous ne pouvons absolument pas
8 comprendre de quelle façon est-ce que le 1er mars et le mariage serbe a
9 trait avec le lieu de résidence de la personne qui répond à votre question,
10 puisque ce sont des faits qui nous sont lancés comme ça, qui nous sont
11 donnés, mais nous n'avons pas une phrase entière. Nous ne comprenons pas
12 exactement ce qu'il en est.
13 Donc j'aimerais que le témoin nous dise ceci de façon logique comment
14 tout ceci est en rapport avec ce que vous lui posez comme question.
15 M. LUKIC : [interprétation]
16 Q. Monsieur Kovacevic, dites-nous s'il vous plaît, jusqu'à quand avez-vous
17 habité dans le même appartement avec votre famille ?
18 R. Je vivais avec ma famille jusqu'au 1er mars 1992.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis vraiment désolé, Monsieur
20 Kovacevic, mais vous ne répondez pas à la question. La question est de
21 savoir : Vous avez habité avec votre famille pendant combien de temps ?
22 Vous pouvez nous dire, par exemple, j'ai vécu avec ma famille pendant
23 trois ans, pendant quatre ans, pendant 100 ans, ensuite arrêtez-vous là.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai vécu avec ma famille environ dix ans.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] A partir de… ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] A partir de 1972. C'est là que j'étais sur le
27 territoire de Sarajevo, et dans l'appartement en question à partir de 1983
28 ou 1984.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez. Je ne sais absolument pas
2 ce que l'année 1983 ou 1984 à a voir avec tout ceci.
3 M. LUKIC : [interprétation] Non. En fait, Monsieur le Président, voilà.
4 C'est qu'il y a un problème d'interprétation, et c'est peut-être la raison
5 pour laquelle vous n'avez pas compris exactement de quoi il en était.
6 Alors, je vais essayer de ralentir le débit et j'espère que vous allez
7 avoir l'interprétation juste.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord.
9 M. LUKIC : [interprétation]
10 Q. A quelle distance se trouvait l'appartement de votre lieu de travail à
11 l'époque ?
12 R. Il est éloigné environ 2 kilomètres de l'endroit où je trouvais.
13 Q. Où était situé votre appartement, puisque les Juges de la Chambre
14 connaissent très bien la ville de Sarajevo et les quartiers de Sarajevo ?
15 R. J'habitais à Dolac Malta.
16 Q. C'est dans quel quartier ?
17 R. Hrasno.
18 Q. Très bien. Où alliez-vous travailler à l'époque ? Votre lieu de travail
19 se trouvait où ?
20 R. Je travaillais au commandement du 2e District militaire à Bistrik, et
21 l'adresse est Square du 6 avril.
22 Q. Pourquoi est-ce qu'à partir du 1er mars vous ne pouviez plus vous renre
23 au travail ?
24 R. Parce que les Serbes, pour réagir à ce meurtre qui a eu lieu, avaient
25 érigé des barricades dans l'ensemble de la ville de Sarajevo, et tout
26 autour de la ville, parce qu'ils s'étaient révoltés, car cet événement les
27 a révoltés. Les Musulmans ont fait la même chose, et donc ils ont érigé des
28 barricades aux endroits qui étaient sous leur contrôle dans des rues, dans
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1 des quartiers. C'est la raison pour laquelle les forces musulmanes ont
2 effectué un blocus du commandement du 2e District militaire à Bistrik.
3 Personne ne pouvait ni entrer ni sortir sans en avoir préalablement
4 l'approbation du MUP de l'ABiH. Et si quelqu'un tentait de sortir du
5 commandement, on ouvrait le feu sur cette personne. Donc c'est la raison
6 pour laquelle je n'habitais plus avec ma famille à partir du 1er mars, et
7 ce, jusqu'à la date à laquelle je suis sorti de la ville de Sarajevo, à
8 savoir jusqu'au moment où j'ai réussi à faire évacuer ma famille de la
9 ville de Sarajevo, en juillet ou en août 1992.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic, je ne comprends
11 pas la réponse du témoin à la page 22, ligne 11. Il me semble qu'il doit
12 manquer quelque chose dans cette réponse, dans cette phrase, puisque votre
13 question suivante ne se rapporte pas à ce que vous avez peut-être entendu
14 comme réponse, et donc vous vous êtes peut-être entendus et compris, parce
15 que vous dites :
16 "Merci. Et qu'en est-il de votre lieu de travail ? Où était-il situé ?"
17 La réponse est : "Le commandement du 2e District militaire, situé sur le
18 Square 6 avril était situé au pied de…"
19 Donc il me semblerait qu'il manque quelque chose, n'est-ce pas, au compte
20 rendu d'audience, puisqu'il nous a expliqué pourquoi il a quitté sa famille
21 autour de cette date.
22 M. LUKIC : [interprétation] C'est l'adresse le Square du 6 avril. Ce n'est
23 pas une adresse. C'est pas l'adresse de l'événement. C'est la rue. Donc je
24 lui ai posé cette question pour savoir à quel moment il ne pouvait plus
25 retourner à la maison. Alors, la traduction est bonne. L'interprétation est
26 juste. Donc il est resté au commandement, donc le témoin a resté au
27 commandement. Au commandement, voilà, "at the command" en anglais, et son
28 lieu de travail est situé au Square 6 avril.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Où est-il dit qu'il était resté, ou
2 qu'il devait demeurer ou rester au commandement ? Pouvez-vous me citer
3 l'endroit au compte rendu, s'il vous plaît.
4 M. LUKIC : [interprétation] Alors, ligne 10, j'ai demandé au témoin où
5 était son lieu de travail, à la ligne 10. Le témoin nous a répondu -- en
6 fait, la réponse était la ligne 11.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Justement, on en a parlé il y a
8 quelques instants. Mais moi, j'aimerais savoir, à la ligne 13, vous avez
9 posé une question et qu'est-ce qu'il vous a répondu à cette question à la
10 ligne 13 ? Qu'est-ce qu'elle provoquait, cette question ?
11 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
12 Juges, ma question est tout à fait logique. Elle se rapporte à la question
13 précédente que j'avais posée, à savoir jusqu'à quand vivait-il dans son
14 appartement avec sa famille.
15 Voilà, c'est à la page 21, ligne 5 : "Pendant combien de temps avez-
16 vous habité avec votre famille --"
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle page ?
18 M. LUKIC : [interprétation] Page --
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle page, s'il vous plaît, les
20 interprètes n'ont pas entendu.
21 M. LUKIC : [interprétation] Page 21, ligne 5.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ligne 5, d'accord. Très bien. Je vous
23 remercie.
24 M. LUKIC : [interprétation]
25 Q. Alors, pour revenir à la question que je vous ai posée, pour revenir à
26 cette ligne de questions, dites-nous, s'il vous plaît, les forces de
27 l'armée de la RSFY, que faisaient-elles avant la guerre ?
28 R. Les forces armées de la RSFY étaient composées d'unités de la JNA, de
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1 la Défense territoriale, de républiques et de districts.
2 Q. Qui assurait le commandement des provinces et de la république ?
3 R. Chaque république avait son propre état-major et son commandant, et le
4 commandant de la Défense territoriale de la république en question.
5 Q. S'agissant de la Défense territoriale de la Bosnie-Herzégovine, que se
6 passait-il avec elle à partir de l'année 1991 ?
7 R. Elle a été complètement démantelée pendant qu'on a procédé à la
8 formation des unités paramilitaires, des trois côtés d'ailleurs. Les
9 membres de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine ne voulaient plus
10 obéir, déjà en 1991, à l'ancienne RSFY et refusaient de se placer sous le
11 commandement des forces armées de la RSFY. C'était la décision de l'ancien
12 gouvernement du ministre Jerko Doko, qui avait demandé d'interdire l'envoi
13 des recrues dans les unités de la JNA et de prendre les effectifs de la
14 Défense territoriale depuis les forces armées de la RSFY.
15 Q. Lorsque vous parlez de "government," de quel gouvernement parlez-vous,
16 à la page 25, ligne 12 ? Quel gouvernement a pris cette décision ?
17 R. Le gouvernement de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine, à la
18 fin 1991.
19 Q. Mais à qui envoyaient-ils les appels à mobilisation, ces soi-disant
20 appels qui avaient été envoyés aux conscrits de la TO lorsqu'ils ont décidé
21 finalement de ne pas y répondre ?
22 R. J'ai dit qu'il avait été interdit d'envoyer des appels à la
23 mobilisation aux recrues dans toute la Bosnie-Herzégovine pour qu'ils
24 soient envoyés aux unités et institutions de JNA. Mais la Défense
25 territoriale, qui ne faisait plus partie des forces armées de la RSFY, des
26 trois camps, Musulmans, Croates et Serbes, ils ont organisé leur propre
27 Défense territoriale, chacun le sien.
28 Q. Une minute. J'aimerais prendre les choses petit à petit. Tout d'abord,
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1 comment se sont-ils organisés leur propre Défense territoriale ? Que savez-
2 vous, et qui leur a donné des armes ?
3 R. La plupart des membres de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine
4 à l'époque étaient Croates ou Musulmans, pour l'essentiel. Les Musulmans
5 sont partis suite à une demande faite à leur propre direction pour
6 rejoindre les unités de la Ligue patriotique ou d'autres unités de ce type.
7 Les Croates, eux, ont rejoint les rangs du Conseil de la Défense croate.
8 Quant aux Serbes, ils se sont rendus dans différentes régions et dans
9 différentes municipalités pour rejoindre les rangs des unités de la TO qui
10 se trouvaient sous le contrôle des autorités serbes locales.
11 Q. Vous dites des "autorités serbes," d'après vous, qui contrôlait
12 politiquement ces autorités locales ?
13 R. C'était le Parti démocratique serbe qui était au pouvoir dans toutes
14 ces régions qui représentaient une majorité serbe.
15 Q. Qu'en est-il de ces nouvelles unités de la TO ? Savez-vous si ces
16 unités de la TO, les nouvelles unités, fonctionnaient selon les
17 dispositions de la constitution de la RSFY ?
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Harmon.
19 M. HARMON : [interprétation] Avant que Me Lukic ne pose la question, il y a
20 une question qui n'a pas eu de réponse. Page 26, ligne 6, Me Lukic a
21 demandé :
22 "Comment organisaient-ils leur Défense territoriale ? D'après vos
23 informations, qui leur fournissait des armes ?"
24 Bon, il a dit qui leur fournissait les armes, mais il n'a pas répondu
25 à la totalité de la question.
26 M. LUKIC : [interprétation] Oui, c'est vrai. C'est vrai. Ma question était
27 un peu compliquée. Mais je reprends.
28 Q. Monsieur Kovacevic, savez-vous d'où ces trois types de Défense
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1 territoriale avaient obtenu leurs armes ?
2 R. Il y avait une directive du secrétaire fédéral de la Défense nationale,
3 du général Veljko Kadijevic, qui avait été rendue en 1991 et qui disposait
4 que les unités et institutions de la JNA à l'époque ou du commandement de
5 la 2e Région militaire devaient réagir à la directive. Et donc la directive
6 exprimait la chose suivante : les unités devaient être équipées en vue
7 d'assurer la défense. Ça disposait aussi qu'il convenait de mobiliser les
8 effectifs dans le but de préserver la Yougoslavie en l'état. S'il s'avérait
9 que conserver la Slovénie et la Croatie au sein de la Yougoslavie devenait
10 impossible, la JNA devait faire tout son possible pour conserver au moins
11 le reste des républiques au sein de la Yougoslavie. La ligne de front, en
12 ce qui concerne sa décision, se trouvait en territoire de Bosnie-
13 Herzégovine.
14 Le côté serbe de Bosnie-Herzégovine s'est engagé à conserver la
15 Bosnie-Herzégovine au sein de la RSFY et d'employer toutes ses ressources
16 pour pouvoir aider la JNA à atteindre cet objectif. Il n'y a eu que la JNA
17 qui a demandé la mobilisation de tous ceux qui devaient servir sous les
18 drapeaux en temps de guerre, Serbes, Croates ou Musulmans. Donc dans 99 %
19 des cas, ce sont les Serbes qui ont répondu à la mobilisation. Donc les
20 unités ont été complétées par des Serbes, des Serbes de souche, soit ils
21 faisaient déjà partie de la Défense territoriale ou alors ce sont des
22 personnes qui se sont portées volontaires. En ce qui concerne ces
23 volontaires, on préparait leurs dossiers et on leur donnait des dotations
24 en tant qu'unités de la JNA, donc chaque unité devait être complétée selon
25 les dispositions qui étaient prévues par la loi en ce qui concerne les
26 Défenses territoriales au cours de la guerre.
27 Q. Une minute, Monsieur Kovacevic, je vois que le Président de la Chambre
28 veut prendre la parole, mais restons précis. Vous dites que la Défense
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1 territoriale au niveau local était gouvernée par des structures politiques
2 de la direction serbe qui les armait; c'est bien cela ? Mais d'où
3 obtenaient-ils leurs armes ? Ensuite, on passera au reste des questions.
4 R. Les unités de la Défense territoriale sous le commandement des
5 autorités serbes étaient armées par les autorités locales serbes, non pas
6 par la JNA. De toute façon, les trois camps, y compris les TO serbes,
7 avaient attaqué les entrepôts de la JNA.
8 Q. On va y arriver. Mais savez-vous qui a armé les unités de la TO, les
9 autres, par exemple, ceux qui relevaient des Croates, le HVO ou le Conseil
10 de la Défense croate ?
11 R. Ecoutez, ceux-là, ils ont été armés directement par l'état-major
12 principal de Croatie puisqu'ils étaient sous le commandement -- le HVO
13 était sous le commandement de l'état-major principal de la Croatie.
14 Q. Bien. Et maintenant, parlons des TO que l'on va appeler TO musulmanes.
15 Qui les armait ?
16 R. D'après ce que je sais, ils ont créé la Ligue patriotique, qui
17 comprenait des unités de la TO et des unités de volontaires, et donc les
18 armes leur ont été données par les autorités musulmanes, celles qui étaient
19 au pouvoir à l'époque, et par le parti politique SDA.
20 Q. Donc nous avons trois TO, une TO croate, une TO musulmane et une TO
21 serbe. Laquelle était reconnue, si tant est qu'il y en ait une, par la
22 constitution de la RSFY ?
23 R. Il y avait donc ces trois peuples, trois systèmes, trois TO, trois
24 camps. Il n'y a que les Serbes qui respectaient la constitution de la RSFY.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Désolé, la question est la suivante :
26 on demande qui de ces trois TO reconnaissait la constitution de la RSFY.
27 Mais la question n'était pas cela. On voulait savoir : parmi ces trois TO,
28 laquelle était reconnue par la constitution de la RSFY ?
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1 M. LUKIC : [interprétation] Oui. La question n'a pas été bien interprétée,
2 je pense, surtout.
3 Mais je vais la répéter. Mais je pense que le témoin et moi-même nous
4 sommes compris. Mais je vais reprendre la question. Et je m'excuse auprès
5 des interprètes.
6 Q. Donc parmi les trois formes de TO, laquelle était parfaitement reconnue
7 par la constitution de la RSFY ?
8 R. Il n'y avait que la TO serbe.
9 Q. Bien. Passons à autre chose. Vous avez parlé de la mobilisation. Donc
10 lorsqu'on appelle les réservistes, de qui s'agit-il, en fait ?
11 R. Il n'y avait que les Serbes qui ont répondu. Les autres, les Musulmans
12 et les Croates, n'ont pas eu le droit de répondre. Le gouvernement de
13 l'époque et le ministre de la Défense de l'époque du gouvernement leur ont
14 interdit de répondre à l'appel de mobilisation.
15 Q. Mais s'ils répondaient à l'appel de la mobilisation, dans ce cas-là,
16 ils auraient reçu des armes par la JNA et on les aurait affectés à leur
17 poste, n'est-ce pas, au sein de l'élément de réserve de l'armée ?
18 R. Oui. Il n'y avait que les membres qui acceptaient de faire partie de la
19 JNA et qui acceptaient le commandement de la JNA et ses emblèmes qui ont pu
20 composer ces unités, sections, bataillons et ces régiments et recevoir leur
21 dotation de temps de guerre.
22 M. LUKIC : [interprétation] Je pense qu'il est temps de faire la pause.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En effet, largement. Donc nous allons
24 faire la pause et nous reprendrons à 16 heures.
25 --- L'audience est suspendue à 15 heures 29.
26 --- L'audience est reprise à 16 heures 00.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y, Monsieur Lukic.
28 M. LUKIC : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Kovacevic, avant que ces nouveaux types de [inaudible] de la
2 TO soient créés, les anciennes TO au sein de la JNA avaient-elles leurs
3 propres armes, avaient-elles la disposition des entrepôts, des
4 installations, et cetera ?
5 R. Oui, tout à fait. Ils disposaient de leur propre stock de munitions et
6 d'armes pour en équiper les TO au niveau des républiques et des provinces.
7 Donc ils disposaient de leurs propres entrepôts. En fait, ces entrepôts
8 faisaient partie de toute la logistique de la JNA en tant que telle.
9 Q. Mais qu'est-il arrivé à ces entrepôts dont ils disposaient, entrepôts
10 de munitions et d'armes ? Lorsqu'il y a eu la désintégration des
11 différentes TO en trois TO, l'éclatement des TO, que s'est-il passé ?
12 R. Les trois camps ont chacun essayé de s'emparer d'armes en attaquant des
13 installations -- des entrepôts, que ce soit les entrepôts de la TO ou les
14 entrepôts de la JNA.
15 Q. Est-ce qu'ils y ont réussi ? Ont-ils réussi à s'emparer d'armes et de
16 munitions ?
17 R. Au cours de l'année 1991, ils n'ont pas réussi à grand-chose. Enfin,
18 c'était très marginal, les réussites ont été marginales, parce que
19 l'essentiel des entrepôts avait été créé en application des missions de
20 guerre, et donc les personnels qui devaient garder ces entrepôts étaient
21 maintenant totalement déployés en effectifs complets. Donc lorsque ces
22 entrepôts étaient assiégés, des unités ont été mises sur pied pour briser
23 le siège fait de ces installations afin de pouvoir les recontrôler.
24 Mais plus tard, au cours des mois de mars et d'avril 1992, lorsque
25 les fameuses directives ont été publiées par le gouvernement de l'époque de
26 Bosnie-Herzégovine et portant sur les attaques contre la JNA et contre la
27 TO serbe, qui avait été déclarée à l'époque ennemi principal de la Bosnie-
28 Herzégovine, nous avons fait l'objet d'un blocus au sein du commandement de
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1 la 2e Région militaire. Toutes les unités de la JNA et tous les entrepôts
2 de la JNA ont fait l'objet d'un blocus de la part de formations armées qui
3 n'hésitaient pas en plus à attaquer les unités de la JNA et les entrepôts.
4 Q. Nous y reviendrons, nous y reviendrons. Mais j'aimerais savoir si vous
5 avez été impliqué dans le cadre de négociations à propos d'entrepôts de
6 munitions, entrepôts de munitions qui auraient été attaqués par ces
7 structures ?
8 R. Oui, oui, j'ai participé aux négociations lorsque l'usine d'armes de
9 Novi Travnik a été attaquée.
10 Q. C'est bien. Nous allons nous arrêter ici car j'ai quelques points à
11 aborder à ce propos. D'abord, vous parlez d'une usine d'armes de Novi
12 Travnik. Que fabriquait-elle et qui a essayé d'y rentrer par effraction ?
13 R. C'était l'usine d'armes appelée "fraternité," Bratstvo, à Novi Travnik.
14 C'était une usine d'armes spécialisées venant de l'ex-Yougoslavie qui
15 fabriquait des pièces d'artillerie, des pièces d'armement antiaérien, des
16 mortiers, des canons, des obusiers, des canons antiaériens de 20 et de 30-
17 millimètres de calibre. Ils contrôlaient tout le processus de fabrication,
18 mis à part le montage des visées optiques. Ça, ça se faisait ailleurs.
19 Au début de février 1992, le vice-premier ministre du gouvernement de
20 l'époque de Bosnie-Herzégovine, M. Cengic, a informé le général Kukanjac
21 qu'un certain nombre de mortiers avaient été dérobés de cette usine
22 Bratstvo. Donc il a demandé l'aide de Kukanjac pour que l'on restitue ces
23 armes. M. Cengic, le général Kukanjac et moi-même, nous nous sommes rendus
24 au bâtiment municipal de Novi Travnik, et pour la première fois j'ai pu
25 voir les forces du HVO en grand uniforme, équipées des pieds à la tête
26 paradant dans la ville. Ils avaient creusé des tranchées et ils avaient
27 installé des pièces d'artillerie dans ces tranchées.
28 Le directeur de l'usine Bratstvo, le colonel Pavelic, nous attendait
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1 dans le bâtiment municipal et nous a dit que le HVO était entré par la
2 force dans l'usine Bratstvo et s'était emparé de trois semi-remorques de
3 mortiers de 82, 60 et 120-millimètres. Et ils se sont emparés de canons, je
4 ne sais pas combien, mais des 20/1 et des 20/3. Je ne sais pas combien il y
5 en avait de ce type de canons. Et il m'a dit que les forces armées du HVO
6 étaient sous le commandement de Dario Kordic.
7 Donc on a attendu l'arrivée de Dario Kordic, on a attendu une bonne
8 heure. Il est arrivé avec d'autres, et nous avons commencé à négocier. Mais
9 c'est principalement Cengic, le vice-premier ministre, qui s'est adressé à
10 Kordic, quoique le général Kukanjac, parfois, s'interposait aussi dans la
11 discussion. Alors, ils lui ont bien dit que c'était illégal, qu'il était en
12 dehors des lois, qu'il fallait absolument qu'il restitue les armes, sinon,
13 la zone ne serait plus sûre, et surtout, le sentiment général de sécurité
14 dans cette région n'existerait plus, puis les autres ethnicités allaient se
15 sentir menacées par cet acte par lequel il s'était emparé des armes.
16 Or, Dario Kordic a dit que de toute façon son état-major était
17 cantonné à Zagreb et qu'il n'allait obéir qu'à Zagreb. Il les a donc
18 renvoyés vers Zagreb puisqu'il a dit qu'en ce qui le concernait, il
19 n'obéirait à aucun ordre venant ni des autorités de Bosnie-Herzégovine ni
20 même de la JNA.
21 Q. Vous nous avez dit quel était le poste de M. Cengic. Mais pouvez-vous
22 nous dire à quel parti il appartenait, puisqu'il représentait l'autorité,
23 lui, le général Kukanjac.
24 R. Au sein du gouvernement de Bosnie-Herzégovine à l'époque, il y avait
25 des représentants des trois groupes ethniques. Le premier ministre était
26 Croate, son adjoint était Musulman et il y avait plusieurs ministres qui
27 étaient Serbes.
28 Q. Oui, mais Cengic, moi j'aimerais savoir quel était son poste de police.
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1 R. Cengic était le vice-premier ministre de ce gouvernement conjoint, et
2 il représentait les Musulmans.
3 Q. Donc, finalement, les armes avaient été dérobées et il y a eu
4 négociations avec ce Kordic et, en fin de compte, est-ce que les armes ont
5 été restituées ?
6 R. Non. Pendant toute la période où j'étais au commandement de la 2e
7 Région militaire, je n'ai jamais eu vent qu'on ait restitué ces armes à qui
8 que ce soit. Le HVO les a conservées de par lui.
9 Q. Comment était l'ambiance autour des casernes dans cette 2e Région
10 militaire à l'époque, donc vers février 1992 ?
11 R. Ecoutez, ce qui s'est passé là a énormément troublé les gens, surtout
12 les Serbes. Ils se sont dit qu'ils allaient tout simplement s'organiser
13 eux-mêmes, organiser leur propre armée, et s'équiper en armes.
14 Q. Oui. J'ai une petite correction à apporter à vos propos - à la page 34,
15 ligne 10, le témoin a dit qu'il n'y avait pas que les Serbes qui étaient
16 troublés, les Musulmans aussi; est-ce exact ?
17 R. Oui, tout à fait, c'est ce que j'ai dit. Dans cette région-là, les
18 Serbes et les Musulmans ont été très troublés par ce qu'avaient fait les
19 Croates.
20 Q. Merci.
21 R. Cengic et Kakanjac ont ensuite été jusqu'à Zenica; je suis allé avec
22 eux. Ils ont parlé sur Radio Zenica pour essayer de persuader les gens de
23 se calmer, parce qu'il y avait des gens qui étaient déjà descendus dans la
24 rue. Ils ont essayé de calmer le jeu, si je puis dire. Mais la situation
25 n'était pas du tout maîtrisée à l'époque.
26 Q. Je vous ai demandé comment étaient la situation dans les casernes et
27 l'ambiance dans les casernes.
28 R. Ecoutez, les casernes et toutes les installations militaires en Bosnie-
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1 Herzégovine, suite à ce qui s'est passé à Novi Travnik, ont commencé à être
2 attaquées ou à être assiégées elles aussi. Donc il est vrai qu'il y a
3 certaines casernes où la situation a mal tourné. Les trois camps se sont
4 engagés dans différentes actions --
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous parliez des casernes, votre
6 question portait sur les casernes. Mais dans votre réponse à vous, on parle
7 plutôt des entrepôts plutôt que des casernes.
8 Alors, on parle d'entrepôts ou de casernes ?
9 M. LUKIC : [interprétation]
10 Q. Monsieur Kovacevic, nous avons déjà parlé des entrepôts, et j'aimerais
11 maintenant que vous vous concentriez sur les casernes et que vous nous
12 indiquiez ce que vous saviez des casernes. Quelle était la situation à ce
13 moment-là dans les casernes ?
14 R. En fait, il y avait un blocus en vigueur pour toutes les casernes. Les
15 membres de la JNA qui se trouvaient dans ces casernes qui étaient assiégées
16 étaient visés par les tirs embusqués. Le commandant du centre de formation
17 militaire à Sarajevo, le général Baros, a téléphoné au général Kukanjac et
18 lui a dit qu'ils ne pouvaient plus supporter les tirs auxquels étaient
19 exposées les casernes. Kukanjac a pris un véhicule de combat d'infanterie
20 motorisé, m'a invité à venir avec lui, et nous avons réussi justement à
21 briser le siège dont faisait l'objet le bâtiment du commandement. Nous
22 sommes arrivés au portail du complexe de l'école militaire, nous somme
23 entrés dans le complexe et le général Baros nous a indiqué quels étaient
24 les emplacements utilisés par les tireurs embusqués pour tirer sur les
25 enseignants du centre de formations militaire ainsi que les aspirants, les
26 cadets. Il y avait trois ou quatre immeubles du côté nord de la caserne.
27 Ils avaient quelque dix étages, et dans tous ces immeubles, il y avait donc
28 des tireurs embusqués et des emplacements qui étaient utilisés par ces
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1 tireurs embusqués. Il y avait deux grues qui avaient été utilisées pour des
2 travaux de construction, et moi, personnellement, j'ai vu un tireur
3 embusqué qui se trouvait dans la cabine d'une de ces grues. Toutefois, tout
4 le personnel qui se trouvait à l'intérieur du complexe de formation
5 militaire avait reçu la consigne de ne pas riposter aux tirs.
6 Lorsque nous sommes revenus de cette mission, nous avons informé
7 l'état-major à Belgrade de la situation, mais personne n'a véritablement
8 donné suite, et la situation est devenue de plus en plus difficile.
9 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quand est-ce que cela s'est passé,
10 plus ou moins ?
11 R. C'était, de toute façon, après la publication de la directive; en
12 d'autres termes, c'était au début du mois d'avril.
13 Q. Mais d'avril 1992, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, 1992.
15 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais que nous étudiions avec le témoin
16 deux documents, et je n'oublie pas ce que vous nous avez dit à propos des
17 documents qui n'ont pas été placés sur la liste 65 ter de la Défense, ce
18 qui fait que je souhaiterais demander que le document 3379D, le premier de
19 ces documents, soit placé sur la liste 65 ter. Il s'agit d'un document qui
20 nous a été communiqué par l'Accusation conformément à l'article 68 vendredi
21 dernier, et lors de la séance de récolement j'ai posé les questions au
22 témoin à propos de ce document. J'aimerais maintenant que nous nous
23 intéressions à ce document. Il s'agit du rapport que le témoin, Dusan
24 Kovacevic, a envoyé au nom du 2e Commandement militaire chargé du secteur
25 de la logistique de l'état-major de la RFY. C'est un document qui porte la
26 date d'avril 1992 --
27 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le jour qui a été indiqué.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
Page 12557
1 Monsieur Harmon.
2 M. HARMON : [interprétation] Non, je n'ai pas d'objection.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien.
4 Donc nous pouvons nous intéresser à ce document.
5 M. LUKIC : [interprétation] Les deux documents qui sont affichés à l'écran
6 sont en anglais. Est-ce que nous pourrions avoir une version B/C/S
7 également. Nous attendons la version anglaise. Voilà.
8 Est-ce que nous pourrions agrandir la version. Je vous remercie. Et
9 est-ce que l'on pourrait afficher le bas du document B/C/S -- ou est-ce
10 que, plutôt, la page numéro 3, la page de la signature, pourrait être
11 affichée, ainsi nous verrons quel est l'auteur du document, quelle est la
12 signature, ensuite nous reviendrons sur cette première page. Voilà. Merci.
13 Q. Général, est-ce que vous connaissez l'auteur du document ? Est-ce que
14 vous connaissez cette signature ?
15 R. Oui, c'est moi qui ai écrit le document.
16 Q. Bien.
17 M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que nous allons pouvoir maintenant
18 revenir à la première page du document.
19 Q. Je vous inviterai à faire des observations à propos de ce document. Je
20 ne veux pas vous donner lecture du document, mais je vais vous demander de
21 lire ce document pour vous, et prenez votre temps.
22 M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait revenir à la première
23 page en B/C/S.
24 Q. Mais avant, est-ce que vous pourriez nous dire quelle est la nature de
25 ce document ?
26 R. C'est un document qui présente la situation opérationnelle logistique
27 pour les unités de la 2e Région militaire, et ce type de documents étaient
28 présentés tous les jours, et ce, sous forme de rapports quotidiens. En
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1 d'autres termes, il s'agit d'un rapport quotidien qui a été élaboré sur
2 ordre du Grand état-major des forces armées de la RSFY. Et avec ce type de
3 documents, nous exécutions donc les consignes qui nous étaient données et
4 nous décrivions tout ce que nous étions censés décrire.
5 Q. Deuxième paragraphe. Est-ce que vous pouvez lire, cela commence par les
6 mots "les déplacements sur la route," et cetera.
7 R. Oui.
8 Q. Est-ce que vous pourriez lire à partir de cette phrase.
9 R. Ce n'est pas la peine que je lise le document. Je connais la teneur de
10 ce document. Et de toute façon, je l'ai lu.
11 Q. Bien. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle était la situation qui
12 prévalait en matière de déplacement sur les routes de Bosnie-Herzégovine
13 jusqu'à cette date, et à partir de ce jour-là ?
14 R. Le 1er mars, des barrages ont été érigés sur tout le territoire de la
15 Bosnie-Herzégovine, et ce, par les trois armées de Défense territoriale.
16 Puis la direction de Belgrade a conclu un accord avec le président Alija
17 Izetbegovic. Alors en fonction de cet accord, les colonnes militaires de la
18 JNA qui passaient par le territoire de la Bosnie-Herzégovine pouvaient se
19 déplacer seulement sous escorte de la police, et cette escorte de la police
20 était fournie par le MUP de Bosnie-Herzégovine, ainsi que par la police
21 militaire de la JNA. Donc tous les convois, tout déplacement devait être
22 annoncé au MUP de Bosnie-Herzégovine, ensuite ils approuvaient le passage
23 de ces convois et ils vérifiaient si effectivement le véhicule était bel et
24 bien la compagnie escortée par la police. C'est un accord qui a fonctionné
25 -- qui est était en vigueur, en fait, jusqu'au début du mois d'avril. Puis
26 il y a eu une interdiction de déplacement pour ces véhicules, parce que les
27 autorités de Bosnie-Herzégovine ont refusé de fournir l'escorte pour
28 accompagner ces véhicules.
Page 12559
1 Et les barrages sur les routes justement empêchaient le déplacement
2 de ces colonnes, ce qui fut un énorme problème pour la JNA.
3 Q. Fort bien. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, la dernière phrase
4 du 1er paragraphe, la phrase qui commence par "les forces du SDS…" Vous
5 voyez cela ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous pourriez nous faire des observations à propos de ces
8 forces ? Qui étaient-elles et qu'est-ce qu'elles ont fait ?
9 R. Le dépôt Filipovic Foca faisait partie de la 744e base logistique,
10 était placé sous le commandement. Et je connais très bien cette situation,
11 car il s'agissait d'un nouveau dépôt, un dépôt flambant neuf. Il y avait
12 donc des chars qui étaient placés sous terre. Il y avait également certains
13 espaces au-dessus, en surface. Les forces du SDS
14 contrainte dans ce dépôt. Ils ont capturé les membres de la JNA qui
15 montaient la garde, qui étaient de faction auprès de ce dépôt, et ils ont
16 assumé le contrôle de ces dépôts. Il n'y a pas eu d'intervention de ma part
17 ni de la part du général Kukanjac. Nous avons réussi à faire en sorte que
18 le dépôt soit à nouveau placé sous le contrôle de la 2e Région militaire.
19 Q. Mais est-ce que vous pouvez nous dire combien de carburant se trouvait
20 dans ce dépôt à ce moment-là ?
21 R. Ecoutez, je ne peux pas vous le dire exactement, mais comme je vous
22 l'ai déjà dit, je pense -- bon, c'était un nouveau dépôt que l'on était en
23 train de remplir. Donc je pense qu'il avait à peu près un tiers de sa
24 capacité à ce moment-là.
25 M. LUKIC : [interprétation] Je souhaiterais que l'on accorde une cote à ce
26 document.
27 M. HARMON : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Ce document sera versé au
Page 12560
1 dossier. Est-ce qu'une cote pourrait être attribuée.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la cote D399.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
4 M. LUKIC : [interprétation] Donc un document semblable - et nous avions
5 d'ailleurs suivi la même approche - c'est un document qui a été reçu par
6 nous le vendredi dernier en fonction de -- ou conformément à l'article 68.
7 Il s'agit donc du document 03380D de la liste 65 ter, et ce document ne
8 figure pas sur notre liste 65 ter. J'aimerais vous demander de bien faire
9 en sorte que ce document puisse être inclus sur cette liste, et nous
10 allions inviter le témoin à nous présenter des observations à ce sujet.
11 C'est un rapport qui a été fait le même jour.
12 M. HARMON : [interprétation] Une fois de plus, Monsieur le Président, nous
13 n'avons pas d'objection.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Je vous remercie, Monsieur
15 Harmon.
16 M. LUKIC : [interprétation] Nous allons attendre la version anglaise. Est-
17 ce que la version anglaise pourra être présentée à côté de la version
18 B/C/S. Merci.
19 Alors, est-ce que la page 3 de la version B/C/S pourrait être
20 affichée, je vous prie, afin que nous puissions voir le nom de l'auteur du
21 document, ensuite je vais demander au témoin s'il est en mesure de
22 reconnaître la signature de l'auteur.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui ai écrit le document et c'est
24 moi qui ai signé le document.
25 M. LUKIC : [interprétation]
26 Q. Merci.
27 M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,
28 revenir à la première page du document, je vous prie.
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1 Q. Et je vais vous inviter à nous faire des observations à ce sujet. En
2 fait, je vais attirer votre attention sur quelques éléments de la première
3 page. Vous voyez, où il est dit "situation au sein des unités," et au
4 milieu de ce paragraphe il est écrit :
5 "A partir de 17 heures, le 28 avril 1992, toutes les lignes
6 militaires des PTT du commandement de la 2e Région militaire ont été
7 interrompues et toutes les communications ont été interrompues. Il y a
8 maintenant un petit nombre de branchements ou de communications qui ont été
9 établis pendant la journée, mais nous ne pouvons plus établir la
10 communication avec la plupart des unités, ce qui fait que nos efforts en
11 matière de supervision et de contrôle sont beaucoup plus complexes."
12 Il s'agit de votre rapport, Général, c'est votre information. Je ne
13 veux pas vous poser des questions directrices, mais là il s'agit du
14 commandement de la 2e Région militaire auquel il est fait référence. Donc
15 est-ce que vous vous trouviez dans votre poste de travail au sein du
16 commandement de la 2e Région militaire lorsque ce rapport a été rédigé ?
17 R. Oui, je me trouvais à mon poste de travail au commandement de la
18 2e Région militaire, et ce qui était indiqué là est absolument exact. Les
19 lignes de communication ont effectivement été interrompues entre le
20 commandement de la 2e Région militaire et les unités subordonnées, ce qui
21 représentait un énorme problème pour nous, parce que nous ne pouvions plus
22 établir la communication avec nos unités subordonnées. Il était impossible
23 d'établir la communication de façon physique à cause des barrages qui
24 avaient été érigés. Nous ne pouvions pas communiquer par téléphone, parce
25 que les autorités locales, ainsi que le gouvernement de Bosnie-Herzégovine
26 avait donné l'ordre d'interrompre toutes les communications des postes et
27 télégraphes.
28 Q. Je vous remercie.
Page 12562
1 M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir la page
2 suivante en B/C/S et en anglais. Vous verrez qu'il s'agit du paragraphe
3 intitulé "Soutien pour la circulation routière."
4 Q. Est-ce que vous pourriez vous pencher sur le premier paragraphe. Vous
5 voyez, c'est ce qui est intitulé, "Logistique de la circulation routière."
6 R. Oui, comme je vous l'ai déjà dit, à partir du 1er mars l'intégralité du
7 territoire de Bosnie-Herzégovine était couverte de barrages qui avaient été
8 érigés par les trois populations en quelque sorte sur leurs territoires
9 respectifs, et là, dans mon rapport, j'indique que des barrages avec 20 à
10 30 personnes armées avaient été érigés sur la route Tuzla-Doboj-Prnjavor,
11 ainsi que sur la route, d'ailleurs, qui relie Doboj par Gracanica et
12 Brijesnica. Donc ces deux barrages avaient été érigés par le SDA, à savoir
13 par la partie musulmane, et dans le village de Stanari, il avait été érigé
14 un barrage par le SDS, à savoir par les Serbes. Les convois de la JNA ne
15 pouvaient plus avancer du fait de ces barrages qui avaient été érigés par
16 les trois populations.
17 M. LUKIC : [interprétation] Bien. Est-ce que nous pourrions voir la page 3
18 de la version B/C/S. Je suppose que cela correspond à la même page, numéro
19 3 donc, pour le document en anglais.
20 Q. Et là, vous faites référence à la ville de Sarajevo et aux voies
21 d'accès vers la ville de Sarajevo. Général, est-ce que vous pourriez nous
22 donner lecture du paragraphe qui se trouve sous le titre "Demande" ou
23 "Requête."
24 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais demander au témoin de faire des
25 observations à ce sujet, au sujet de ce paragraphe.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre, mais
27 à la page 42, lige 6, le compte rendu d'audience indique que "les convois
28 de la JNA ne pouvaient pas passer à cause des barrages érigés par les trois
Page 12563
1 populations."
2 Or là, dans ce document, nous voyons qu'il est question du SDA et du
3 SDS. Donc je me demande si le témoin a fait référence à deux populations ou
4 à trois populations, et s'il a fait référence à trois populations, quel est
5 le troisième groupe ethnique, alors ?
6 M. LUKIC : [interprétation]
7 Q. Général, vous avez entendu la question du Président de la Chambre. Est-
8 ce que vous pourriez nous préciser un peu vos propos et nous dire qui
9 étaient ces trois groupes ethniques ou ces trois populations, lorsque vous
10 avez parlé des barrages ?
11 R. Je fais référence aux barricades qui ont été érigées par les Serbes, et
12 sur ces barrages se trouvaient seulement des Serbes qui étaient placés en
13 faction. Puis il y avait également des barrages qui avaient été établis par
14 les Musulmans, et sur ces barrages, il y avait à la fois des Musulmans et
15 des Croates qui montaient la garde, bien que les Croates soient en beaucoup
16 plus petit nombre.
17 Q. Général, je voulais, en fait, que vous nous fassiez des observations à
18 propos de la phrase qui commence par :
19 "Les limites sont mises en vigueur en Bosnie centrale…" J'aimerais
20 vous inviter, Monsieur Kovacevic, à regarder ce qui est écrit à propos de
21 Sarajevo, là où il est dit :
22 "On peut s'approcher de la ville lorsque l'on provient de Pale en
23 passant par Lukavica."
24 J'aimerais vous poser une question à ce sujet : qui c'est qui n'autorisait
25 pas l'entrée dans la ville de Sarajevo, quel que soit le côté dont on
26 venait ?
27 R. La présidence de l'époque de la Bosnie-Herzégovine, dont les membres
28 étaient des représentants des Musulmans et des Croates. Stjepan Kljujic et
Page 12564
1 Ejub Ganic, donc respectivement. Et je dois dire que tous les autres
2 membres de l'état-major de la Défense territoriale les soutenaient. Ils
3 avaient établi le commandement Suprême des forces armées de Bosnie-
4 Herzégovine. Ils utilisaient leurs forces qui, en fait, étaient organisées
5 en Ligue patriotique. Il y avait également les Bérets verts, les forces
6 territoriales et des unités de volontaires, et ce, pour mettre sur pied
7 leur propre armée. Et ils déployaient ces unités de leur armée qui était
8 armée, et ainsi, ils ont pu effectuer le siège de Sarajevo, et ce, sous
9 tous les angles.
10 Q. Je vous remercie.
11 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier de
12 ce document, Monsieur le Président.
13 M. HARMON : [interprétation] Pas d'objection.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est versé au dossier. Je
15 vous remercie, Monsieur Harmon. Est-ce qu'une cote pourrait être attribuée
16 au document.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document D400.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier
19 d'audience.
20 M. LUKIC : [interprétation]
21 Q. Monsieur Kovacevic, est-ce qu'à un moment donné le commandement de la
22 2e Région militaire a essuyé des tirs; et si tel est le cas, quand est-ce
23 que cela s'est passé et qu'est-ce qui s'est passé exactement ?
24 R. Oui, oui, il y a eu des tirs, il y a eu une attaque. Je peux répondre à
25 toutes les questions qui vous souhaiteriez me poser. Toutefois, est-ce que
26 nous pourrions procéder par étapes.
27 Q. Oui. Bien. Est-ce que vous pourriez nous dire quand est-ce que le
28 commandement de la 2e Région militaire a été attaqué ? Vous vous souvenez
Page 12565
1 de la date ?
2 R. Il a été attaqué le 2 mai 1993.
3 Q. Un petit moment. Vous dites "1993" ?
4 R. Non, non, non, non, excusez-moi. 1992, excusez-moi.
5 Q. Et avant cela, est-ce qu'il y a d'autres structures, d'autres
6 installations militaires de Sarajevo qui auraient été attaquées ?
7 R. Je vais essayer de vous fournir une réponse en vous présentant une
8 chronologie des événements, une chronologie concise. Donc il y avait le
9 général Kukanjac, et nous tous, d'ailleurs, qui étaient au commandement de
10 la 2e Région militaire. Nous attendions, en fait, une solution pacifique à
11 la crise qui régnait en Bosnie-Herzégovine. D'ailleurs, cela s'est passé,
12 effectivement, car il y a eu l'accord que l'on a appelé l'accord de
13 Lisbonne qui fut signé. Cet accord était très favorable à la JNA, et cet
14 accord signifiait qu'il n'y aurait plus de guerre en Bosnie-Herzégovine.
15 Mais les Musulmans n'étaient pas satisfaits, ils n'étaient pas satisfaits
16 du fait qu'Izetbegovic avait signé l'accord en question. Donc ils ont
17 décidé de commencer une guerre en lançant une attaque contre la JNA.
18 Et le 2 mai, vers midi, les forces croates et les forces musulmanes placées
19 sous le commandement de la présidence de Bosnie-Herzégovine ont lancé une
20 attaque contre le bâtiment où se trouvait le club militaire de la JNA à
21 Sarajevo. Bon, ce n'était pas une installation militaire. C'était un club
22 culturel, en quelque sorte. Donc les gardes, c'étaient des civils, et il y
23 a eu quelques soldats, au nombre de trois ou quatre, peut-être, à ce
24 moment-là, qui étaient et de charger des véhicules et qui étaient en train
25 de les charger avec du matériel qui venait du bâtiment en question. Donc
26 nous, nous avons reçu une information suivant laquelle le bâtiment,
27 justement, avait fait l'objet d'attaques, et le général Kukanjac a envoyé
28 le colonel Suput avec une unité et plusieurs véhicules justement pour
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1 qu'ils prêtent main-forte à ces hommes et pour qu'ils leur permettent de se
2 retirer du bâtiment en question.
3 Mais avant que cette unité n'ait atteint l'immeuble, l'immeuble a fait
4 l'objet d'une attaque particulièrement féroce et le commandant, le colonel
5 Suput, a transmis un message radio au général Kukanjac et dans son message,
6 il lui a dit qu'il y avait des soldats morts, blessés et emprisonnés.
7 Alors, le général Kukanjac a pris une autre décision, et il a donné l'ordre
8 qu'une partie de l'unité qui se trouvait à l'hôpital militaire à Sarajevo
9 devrait être envoyée vers ce lieu avec deux véhicules de l'unité médicale,
10 et il avait demandé également à ce qu'ils soient escortés par un certain
11 nombre de policiers militaires armés. L'objectif était d'évacuer les morts
12 et les blessés et toute autre personne, d'ailleurs, qui se trouvait là.
13 Les hommes ont fait l'objet d'une embuscade à Skenderija avant qu'ils
14 n'arrivent sur les lieux où on les avait envoyés. Je dois dire qu'ils ont
15 essuyé des tirs particulièrement agressifs, des tirs lourds. La plupart,
16 d'ailleurs, ont péri sur le champ. Ils ont été incendiés dans les véhicules
17 alors qu'ils étaient vivants dans ce véhicule. Ils ont été brûlés vifs,
18 parce qu'il y avait les rails de tramway qui étaient électrisés, et donc
19 ils ont été électrocutés.
20 Peu de temps après, il y a eu une attaque très violente effectuée sur le
21 bâtiment du commandement du 2e District militaire. Des effectifs qui se
22 trouvaient déjà autour du bâtiment, c'est eux qui ont procédé à ces
23 attaques. Ils ont attaqué avec toutes sortes d'armes d'infanterie, toutes
24 les armes d'infanterie à leur disposition, ainsi qu'avec les lance-
25 mortiers, les lance-mortiers multiples, avec les Zolja, avec toutes les
26 armes sur lesquelles ils pouvaient se mettre la main.
27 Q. Est-ce que à un certain moment donné, y a-t-il eu des discussions de
28 négociation et est-ce qu'on a cessé cette attaque pendant cette période, au
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1 cours de cette date du 2 mai ?
2 R. Cette attaque a duré jusqu'à 18 heures, peut-être jusqu'à 20 heures. Le
3 général Kukanjac a reçu une information selon laquelle le commandant de
4 l'aéroport, je crois qu'il s'agissait du colonel Magazin, c'était son nom,
5 puisque l'aéroport était tenu par la JNA, donc il a reçu l'information
6 selon laquelle le président Alija Izetbegovic venait d'atterrir à
7 l'aéroport en question, que personne ne l'avait accueilli des représentants
8 des autorités de la FORPRONU, il n'y avait personne de la FORPRONU qui
9 l'ait accueilli non plus. Kukanjac a dit "Dis-lui d'attendre. Je veux voir
10 de quoi il en est."
11 Plus tard, il a appris et il nous a donné l'information à nous, le
12 général Kukanjac, que les dirigeants musulmans de Sarajevo, qui étaient des
13 extrémistes, n'étaient pas contents avec la signature qu'avait apposée
14 Alija Izetbegovic concernant l'accord de Lisbonne et qu'ils avaient préparé
15 un attentat parce qu'ils voulaient le tuer sur la ligne qui était contrôlée
16 par la JNA et accuser la JNA pour ce meurtre, et donc essayer de justifier
17 de cet acte qui était arrivé justement avec cela.
18 Et donc le général Kukanjac a transmis le message au général
19 Djurdjevac, qui était à Lukavica, qui était le commandant du 3e Corps
20 d'armée. Il lui a dit d'expliquer la situation à Izetbegovic --
21 M. HARMON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. En fait,
22 la question qui était posée :
23 "Est-ce que à un certain moment donné on a essayé d'arrêter l'attaque ?"
24 Et je crois que cette question s'écarte de la question principale.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic.
26 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que nous sommes
27 encore en train de parler du même sujet. La question se poursuit encore et
28 le témoin est en train d'expliquer qui a mené les négociations et qui était
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1 présent, et cetera. Donc il essaye de nous expliquer la situation. Nous ne
2 pourrions pas comprendre la totalité de la réponse, à savoir qui sont les
3 parties qui menaient les négociations, si nous n'avions pas obtenu
4 l'information du témoin, à savoir où se trouvait à ce moment-là M.
5 Izetbegovic.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous savez ce qui serait utile ? Si
7 vous voulez poser une question sur l'endroit où se trouvait Alija
8 Izetbegovic, ça aurait été beaucoup plus pratique si, par exemple, vous
9 auriez dit où se trouvait Alija Izetbegovic, plutôt que de poser des
10 questions sur les négociations visant à cesser les attaques. C'est peut-
11 être vous qui êtes en train de semer la confusion dans l'esprit du témoin
12 si vous vous attendez à ce que le témoin nous parle d'Izetbegovic en
13 réponse à la question qui lui est posée s'agissant des pourparlers, n'est-
14 ce pas, Maître Lukic. Vous savez -- parce que nous ne savons pas ce que
15 vous essayez d'obtenir du témoin. Nous pouvons seulement nous fonder sur
16 les questions que vous lui posez. Et lorsque la réponse ne semble par
17 répondre à la question, nous sommes quelque peu perplexes.
18 M. LUKIC : [interprétation] Très bien. Alors, je vais tenter de poser des
19 questions de façon à ne pas de causer de confusion dans l'esprit de qui que
20 ce soit; c'est certainement ce que j'essaie de faire le moins possible.
21 Q. Dites-nous, Monsieur le Témoin, s'il vous plaît, qu'est-ce qui s'est
22 passé avec Alija Izetbegovic, et je vais revenir à ma question par la
23 suite.
24 R. Le général Kukanjac, lorsqu'il a su qu'Izetbegovic serait tué, il a
25 demandé de l'amener au commandement du 4e Corps d'armée à Lukavica.
26 Q. Est-ce qu'on a effectivement mené des pourparlers dans la soirée ? Quel
27 était l'objet de ces pourparlers ?
28 R. Le général Kukanjac a demandé à Izetbegovic d'arrêter l'attaque qui a
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1 été menée sur le bâtiment du commandement. Izetbegovic était en contact
2 téléphonique avec Ganic et il a convaincu les dirigeants d'arrêter
3 l'attaque, et l'attaque a cessé effectivement. Un accord a été conclu, à
4 savoir que les négociations allaient se poursuivre le lendemain.
5 Q. Et le lendemain, qui a pris part aux négociations et quel était
6 l'objectif principal de ces négociations ?
7 R. A la suite d'un accord téléphonique entre Kukanjac et Izetbegovic,
8 l'objectif était de faire en sorte que les membres de la JNA puissent
9 quitter le bâtiment du commandement du 2e District militaire sans problème
10 afin qu'ils puissent partir sans qu'on leur cause quelque problème que ce
11 soit. Izetbegovic avait accepté. Et le 3 mai, les négociations ont eu lieu
12 entre Ejub Ganic, membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine, d'une
13 part, et avec le général Aksentijevic, qui était le négociateur accrédité
14 au nom de la JNA et pour le 2e Commandement militaire.
15 Doyle et Santos étaient présents à ces négociations, ce sont des
16 représentants de la communauté internationale. Et le général MacKenzie
17 était également présent, c'est le commandant des forces de la FORPRONU.
18 Q. Un instant, s'il vous plaît. A-t-on conclu un accord à ce moment-là et
19 que s'est-il passé par la suite ?
20 R. Oui, un accord été conclu selon lequel que le général Kukanjac devait
21 quitter de son propre chef le bâtiment du commandement tout seul et aller à
22 Lukavica et ordonner un cessez-le-feu au coté serbe, aux unités de la JNA,
23 donc de donner cet ordre-là. En même temps, Izetbegovic se devait d'aller
24 au bâtiment de la présidence et d'ordonner un cessez-le-feu aux Musulmans.
25 En principe, Kukanjac avait accepté cet accord. Il m'avait nommé en tant
26 qu'adjoint pour être la personne qui le remplacerait lorsqu'il quitterait
27 le bâtiment du commandement.
28 Toutefois, j'ai posé une condition. J'ai voulu que trois membres de la
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1 FORPRONU restent avec moi et m'accompagnent, parce que je savais que les
2 soldats qui se trouvaient autour de nous, autour du bâtiment, allaient
3 tenter de lancer une attaque contre nous. Kukanjac a accepté, il a dit à
4 Aksentijevic : "Va voir Ganic et dis-lui ceci." Aksentijevic est allé le
5 voir effectivement, mais en attendant qu'il ne revienne, nous avons appris
6 par le biais d'un Motorola qu'on avait demandé aux forces musulmanes de ne
7 pas laisser Kukanjac -- de ne pas lui permettre d'arriver à Lukavica, mais
8 de l'arrêter et d'en faire prisonnier.
9 Q. Où se trouvait Izetbegovic ?
10 R. Encore à Lukavica.
11 Q. Je vous remercie. Poursuivez, je vous prie.
12 R. Kukanjac n'avait pas voulu respecter le plan, et donc il est arrivé et
13 il nous a dit à nous : Ganic n'accepte pas ce plan. Ganic demande que sa
14 première demande soit respectée. Et il a dit : "Kukanjac n'a pas besoin de
15 demander quoi que ce soit puisque vous êtes tous prisonniers de la BiH. Si
16 vous ne vous pliez pas aux ordres, nous allons agir autrement avec vous."
17 Kukanjac a donc cessé à ce moment-là les pourparlers avec Ganic et il
18 est entré en contact avec Izetbegovic. Par la suite, un accord est conclu
19 entre Izetbegovic et Kukanjac, et Izetbegovic a accepté tout ce que
20 Kukanjac lui a demandé de faire. Il a laissé passer 20 camions pour arriver
21 à Lukavica, du 2e District de commandement militaire, camions avec lesquels
22 nous serions transférés à Lukavica. Il s'est présenté lui-même chez
23 Kukanjac, de son propre chef, pour lui garantir que cette colonne allait
24 passer sans problème.
25 Q. Lorsque vous dites "lui," c'est qui ?
26 R. Izetbegovic a dit c'est lui, c'est Izetbegovic. Il a dit : "Je vous
27 donne l'assurance que personne ne sera attaqué. Je suis là." Il était
28 accompagné de certaines personnes de la FORPRONU.
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1 Q. Un instant, s'il vous plaît. Est-ce qu'il y avait des membres de la
2 FORPRONU qui étaient présents également ?
3 R. Oui, le général Mackenzie était présent. Il y avait également les
4 représentants de la communauté internationale, je crois que Santos était
5 là, d'après ce que je sache, et il restait à Lukavica.
6 Q. Très bien. Merci. Que s'est-il passé ensuite ?
7 R. Kukanjac avait donné l'ordre que les membres de la JNA qui étaient dans
8 la colonne n'avaient pas le droit d'ouvrir le feu, même s'ils étaient
9 attaqués. La colonne a commencé son chemin. Conformément à l'accord, à la
10 tête se trouvait Mackenzie. Dans le transporteur de troupes, il y avait
11 Kukanjac et Izetbegovic. Par la suite, il y avait un commandant de l'armée
12 de Izetbegovic. Lorsque la colonne a commencé à faire sa marche, ils ont
13 été coupés dans la rue de Dobrovoljacka et ont été attaqués de tous les
14 côtés. Moi, j'étais dans une ambulance.
15 Q. Un instant, s'il vous plaît. Dans quel véhicule
16 étiez-vous ?
17 R. J'étais à peu près dans le dixième ou le onzième véhicule à partir de
18 la tête de la colonne.
19 Q. Combien y avait-il de personnes dans le véhicule dans lequel vous étiez
20 ?
21 R. Il y avait huit personnes dans mon véhicule.
22 Q. Que s'est-il passé ensuite ?
23 R. Lorsque nous nous sommes immobilisés, nous avons été arrêtés. Les
24 personnes qui nous ont attaqués ont ouvert la porte avec leurs armes et ils
25 ont pris nos armes. J'ai vu qu'ils faisaient sortir les membres de la JNA
26 des véhicules qui se trouvaient derrière nous. Ils confisquaient les armes,
27 ils leur faisaient enlever leurs vêtements jusqu'aux sous-vêtements, ils
28 les battaient à coup de matraque, ils faisaient en sorte qu'ils soient
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1 allongés par terre, ils mettaient leurs bottes sur leurs nuques et ils leur
2 tiraient dessus. Ils ont demandé que l'on sorte du véhicule dans lequel
3 j'étais, du véhicule d'ambulance, mais j'ai refusé.
4 Un deuxième groupe est arrivé, et l'une de ces personnes qui
5 portaient un fusil automatique, il a ouvert le feu -- il y avait ce colonel
6 croate qui était assis à ma droite, et il ouvert le feu sur lui. C'était le
7 colonel Miro Sokic. Son cerveau s'est retrouvé sur ma tête et tout le sang
8 s'est retrouvé sur mon visage. J'étais particulièrement traumatisé. C'était
9 affreux. Ensuite, ils ont également tiré le colonel Radulovic, qui était
10 assis devant à coté du conducteur.
11 J'ai donné l'ordre au chauffeur d'aller à l'hôpital militaire. Nous
12 nous sommes dirigés vers le début de la colonne. J'ai vu le général
13 Mackenzie juste à côté du deuxième véhicule, il était là, et il y avait
14 également Izetbegovic et Kukanjac. Et j'ai vu le colonel Jovo Divjak, et il
15 avait dit : "Ne tire pas, ne tire pas." Ensuite, j'ai entendu des
16 conversations, mais je ne me souviens que du fait que j'ai entendu
17 Izetbegovic dire --
18 L'INTERPRÈTE : Inaudible.
19 Q. Un instant, s'il vous plaît. Qui était le colonel Jovo Divjak à
20 l'époque ?
21 R. Jovo Divjak était un colonel de la JNA et il était déployé dans la
22 Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine. En 1991, à cause d'armement
23 secret d'une compagnie de l'armée croate du HVO dans le village de Doglodi,
24 tout près de Sarajevo, il a été trouvé coupable et condamné à huit mois de
25 prison par le tribunal militaire de Sarajevo. On attendait le jugement de
26 la Cour suprême de Belgrade.
27 Q. Excusez-moi de vous interrompre, mais à l'époque, Jovo Divjak occupait
28 quel poste; est-ce que vous savez ? Alors que les événements se
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1 déroulaient, quel poste occupait-il ?
2 R. J'avais entendu dire qu'il était commandant adjoint du QG de la Défense
3 territoriale de Bosnie-Herzégovine.
4 Q. D'accord. Merci. Que s'est-il passé ensuite, s'il vous plaît, pour
5 entendre la fin de l'histoire ?
6 R. A bord de l'ambulance, nous nous sommes dirigés vers l'hôpital. Nous
7 n'avions plus d'armes et il y avait des morts dans notre véhicule. Nous
8 nous sommes dirigés vers l'hôpital militaire. Lorsque nous nous sommes
9 trouvés sur le carrefour de Skenderija jusqu'à l'institut médical, nous
10 avons fait l'objet de tirs croisés. A droite, il y avait un véhicule de
11 "dzamija" [phon]; et à gauche, il y avait un véhicule provenant de
12 l'institut appelé "Knizera [phon] ." Donc nous étions en plein milieu d'un
13 tir croisé, et j'ai réussi à m'allonger par terre. Heureusement, ils n'ont
14 pas atteint le chauffeur et nous sommes passés assez rapidement à ce
15 carrefour.
16 Nous sommes arrivés à l'hôpital militaire, nous sommes passés par le
17 blocus de l'ABiH, et lorsque nous sommes arrivés à l'intérieur de
18 l'hôpital, nous avons constaté -- mais d'abord, je dois dire que sur le
19 chemin avant d'arriver à l'hôpital militaire, lorsque je me suis redressé,
20 j'ai vu que la femme qui était dans l'ambulance, elle s'appelait Sukro
21 Nurmela, elle était Musulmane et elle avait été atteinte en plein milieu du
22 front. A l'hôpital militaire, on a constaté que le colonel Miro Sokic était
23 tué et que le colonel Budimir Radulovic était mort, une femme du nom de
24 Sikro Nurmela, dont je viens de vous parler, avait été grièvement blessée
25 avec cette balle au dos. Ensuite, il y avait un soldat, Dragan Kovacevic,
26 qui, heureusement, avait un gilet pare-balles. La qualité de ce gilet
27 n'était pas exceptionnellement bonne, mais il avait été blessé légèrement
28 et moi aussi, j'étais blessé légèrement à l'épaule droite.
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1 Q. Je vous remercie, Mon Général. Je sais que ce n'est pas facile de
2 parler de ce qui est arrivé ce jour-là.
3 M. LUKIC : [interprétation] Mais je demanderais que l'on affiche une pièce,
4 s'il vous plaît, et il s'agit de la pièce 00654D.
5 Q. Mon Général, lors de la séance de récolement, je vous ai déjà montré ce
6 document et vous avez déjà mentionné certains noms de ce document dans le
7 cadre de votre déposition. Nul besoin d'énumérer les noms répertoriés ici,
8 mais j'aimerais savoir si vous savez si d'autres personnes se trouvant sur
9 cette liste avaient également trouvé la mort lors de l'attaque qui a eu
10 lieu dans la rue Dobrovoljacka le 3 mai 1992.
11 R. Outre les personnes que j'ai énumérées, je peux vous dire que le
12 colonel Petrovic Gradimir a été -- ou plutôt, le colonel Petrovic, Radomir
13 Petrovic, qui était au commandement du 2e District militaire à ma place, il
14 était chef du service technique du commandement, ainsi que le colonel Busko
15 Mihajlovic, ces deux personnes avaient été tuées à même l'asphalte, la
16 route. Ils ont dû enlever leurs vêtements jusqu'aux sous-vêtements. Ils
17 étaient allongés par terre. Les soldats avaient placé leurs bottes sur leur
18 nuque et on leur a tiré dessus ensuite. Mais je connais également d'autres
19 personnes sur cette liste.
20 Q. D'après les informations que vous aviez obtenues à l'époque et peut-
21 être même ultérieurement, est-ce que le chiffre de 29 personnes se trouvant
22 sur cette liste correspond au nombre de personnes décédées lors de cet
23 incident ?
24 R. Il y avait 42 membres de la JNA tués les 2 et 3 mai à Sarajevo.
25 Q. Combien de personnes ont été constituées prisonniers et membres de la
26 JNA lors de cet incident ?
27 R. D'après ce que je me souvienne, d'après les informations que j'avais
28 reçues ultérieurement, on avait fait prisonniers environ 160 ou peut-être
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1 190 personnes. Je ne me souviens pas exactement.
2 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que l'on pourrait
3 avoir une cote pour ce document, s'il vous plaît.
4 M. HARMON : [interprétation] Aucune objection, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Le document est versé au
6 dossier. Quelle en sera la cote, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur
8 le Juge, cette pièce portera la cote D401.
9 M. LUKIC : [interprétation]
10 Q. Monsieur Kovacevic, s'agissant des périodes après le 2 mai, dites-nous,
11 jusqu'à quand êtes-vous resté sur le territoire de la ville de Sarajevo ?
12 R. A partir du 3 mai 1992 jusqu'au 8 mai 1992, j'étais à l'hôpital
13 militaire de Sarajevo. Le 8 mai, je suis sorti de l'hôpital militaire de
14 Sarajevo avec une colonne qui était dirigée par le général McKenzie, et
15 dans cette colonne on avait transporté les personnes qui étaient gravement
16 blessées de l'hôpital Kosevo et des personnes qui étaient grièvement
17 blessées de l'hôpital militaire de Sarajevo. Etant donné que je connaissais
18 le général McKenzie et étant donné que le général Kukanjac lui avait dit de
19 me sortir de l'hôpital militaire, je suis sorti à bord de ce convoi et je
20 suis allé à Lukavica.
21 Q. Est-ce que vous connaissez ou est-ce que vous savez la date, jusqu'à
22 quand êtes-vous resté à Lukavica, ou est-ce que vous savez jusqu'à quand
23 vous êtes resté à Lukavica ?
24 R. Lorsque je me suis trouvé à Lukavica, j'ai appelé ma famille qui se
25 trouvait dans l'appartement à Sarajevo, et c'est là que j'ai appris que ma
26 famille se trouvait dans un camp particulier qu'à plusieurs reprises deux
27 membres de la police militaire de l'armée de la BiH étaient venus dans
28 l'appartement, avaient fouillé l'appartement, avaient procédé à des mauvais
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1 traitements --
2 M. HARMON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je
3 souhaiterais élever une objection quant à la réponse que donne le témoin.
4 La question est très simple.
5 "Combien de temps êtes-vous resté à Lukavica, connaissez-vous les
6 dates, est-ce que vous savez la date à laquelle vous êtes parti…"
7 Et maintenant, je crois que l'on fait une digression. On est en train
8 d'aborder d'autres éléments.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic.
10 M. LUKIC : [interprétation] Oui, j'accepte tout à fait l'objection et je
11 vais reposer ma question.
12 Q. Alors, je vais maintenant vous poser différentes questions. Je vais
13 vous poser d'autres questions, des questions dont nous avons parlé lors de
14 la séance de récolement, alors essayez de répondre aux questions que je
15 vous pose de façon plus succincte, s'il vous plaît.
16 R. D'accord.
17 Q. Donc jusqu'à quand êtes-vous resté à Lukavica ?
18 R. A Lukavica, des fois à Pale, et de temps en temps je séjournais
19 également à l'état-major principal qui avait été formé à ce moment-là, créé
20 à ce moment-là. J'ai séjourné avec le but principal de --
21 Q. Nous y arriverons. Mais essayez simplement de répondre succinctement à
22 ma question. Jusqu'à quand êtes-vous resté à
23 Lukavica ? Voilà, c'est ce que je vous ai posé comme question.
24 R. Vers la fin du mois de mai.
25 Q. Très bien. Merci. Alors, s'agissant du territoire, lorsque vous étiez
26 sur le territoire de la ville de Sarajevo, est-ce que vous êtes resté plus
27 longtemps ? Vous avez parlé de Pale. Vous avez également parlé, si je ne
28 m'abuse, de l'état-major principal Han Pijesak. Nous allons y revenir plus
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1 tard. Mais je ne veux pas compliquer les choses, effectivement.
2 Voilà, je vous pose une question : est-ce que vous êtes resté encore un
3 certain temps sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, et jusqu'à quand
4 ?
5 R. Oui, j'y suis resté jusqu'à la fin du mois d'août 1992.
6 Q. Quelle est la raison pour laquelle vous êtes resté sur ce territoire ?
7 R. L'objectif principal était de faire sortir ma famille qui était
8 prisonnière dans l'appartement de Sarajevo.
9 Q. Alors, dites-moi, s'il vous plaît, qu'est-ce que vous aviez obtenu
10 comme information lorsque vous parlez de votre famille ? Qui étaient les
11 membres de votre famille à ce moment-là ?
12 R. Il y avait ma femme, ma fille qui a 16 ans. Voilà, ma femme et ma
13 fille.
14 Q. Et elles vivaient dans quelles conditions à l'époque, pendant cette
15 période ?
16 R. Autour de la maison, on entendait des obus. Donc on pilonnait. On
17 pilonnait tout autour du bâtiment, très souvent, et avec d'autres
18 locataires, elles devaient aller se réfugier dans la cave. Elles n'avaient
19 pas non plus de nourriture ni d'eau potable. A plusieurs reprises, il y
20 avait des policiers de la police militaire de l'armée de la BiH. Ils
21 étaient toujours au nombre de deux, donc ils venaient assez souvent frapper
22 à la porte et se présenter pour dire qu'ils étaient des membres de la
23 police. Ils ont dit à ma
24 femme : "Madame, vous êtes Serbe, votre mari est un Serbe, un Chetnik, et
25 nous avons le droit de faire de vous ce que nous voulons. "Et en plus, nous
26 n'allons répondre à personne de cela."
27 Ils ont voulu emmener ma fille dans un abri nucléaire pour en faire
28 une prostituée, car il y avait là une maison de prostitution, un bordel.
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1 Elles ont tellement pleuré, crié, et je dois dire qu'au rez-de-chaussée, il
2 y avait une Musulmane, c'était une femme, elle empêchait toujours que ce
3 genre de chose arrive. Elle disait à cette police que le père de cette
4 fille et le mari de cette femme est une bonne personne, je n'accepte pas,
5 je ne le permettrais jamais que les membres de la famille de cette bonne
6 personne souffre de la sorte ou subisse un sort pareil. Et je dois dire
7 également que le mari de cette femme travaillait également à l'institution
8 où j'étais commandant -- ou qui était placé sous mon commandement.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'acronyme MP, c'est
10 quoi ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
11 M. LUKIC : [interprétation]
12 Q. Vous avez parlé de la police militaire de l'armée de la BiH. Donc votre
13 famille vous disait qu'il s'agissait de personnes qui venaient chez vous,
14 dans l'appartement, n'est-ce pas ?
15 R. J'ai dit qu'il y avait très souvent des hommes qui venaient en tenue
16 militaire. Et ces personnes se présentaient toujours pour dire, "Bonjour
17 Madame, nous sommes des membres de la police militaire de l'ABiH."
18 Q. Très bien. Merci.
19 M. LUKIC : [interprétation] Je crois que l'heure de la pause est arrivée.
20 Monsieur le Président, si vous le souhaitez ou si vous avez besoin de plus
21 d'éclaircissement, aimeriez-vous que je termine cette ligne de questions ?
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, merci, Maître Lukic. Prenons une
23 pause maintenant. Nous allons reprendre nos travaux à 17 heures 45.
24 --- L'audience est suspendue à 17 heures 15.
25 --- L'audience est reprise à 17 heures 45.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic, c'est à vous. La Chambre
27 de première instance ne voudrait surtout pas intervenir dans le cadre de
28 votre interrogatoire principal, mais la Chambre est un petit peu inquiète à
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1 propos de la direction que nous empruntons. Où allons-nous avec toutes ces
2 questions ? Nous sommes inquiets.
3 M. LUKIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, à partir de
4 maintenant, sachez que nous allons enfin arriver au cœur de ce qui nous
5 intéresse. Cela dit, tout ce que nous avons abordé jusqu'à présent était
6 important pour notre thèse. Nous voulions entendre la version de ce témoin
7 à propos de cet événement. C'est important en ce qui concerne notre thèse.
8 Mais sachez que maintenant nous allons enfin attaquer le cœur de ce qui
9 nous intéresse, et donc des éléments qui relèvent directement de la thèse
10 de la Défense par rapport à l'acte d'accusation.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y.
12 M. LUKIC : [interprétation]
13 Q. Général, voici ma question : dans la période qui a suivi les événements
14 dont nous avons parlé précédemment, avez-vous à nouveau rencontré le
15 général Kukanjac ?
16 R. Oui, je l'ai vu une fois -- non, deux fois, en fait.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Lorsque vous dites, "dans la période
18 qui s'en est suivie," donnez-nous, s'il vous plaît, des indications claires
19 à propos de la période de temps.
20 M. LUKIC : [interprétation] Oui, je m'excuse. Donc je voulais parler de la
21 période correspondant au moment où le témoin était à Lukavica, où il a
22 quitté l'hôpital militaire en mai 1992.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, la première fois que j'ai rencontré le
24 général Kukanjac, c'était le 19 ou le 20 mai 1992, après ce qui s'est
25 passé, bien sûr.
26 M. LUKIC : [interprétation]
27 Q. [aucune interprétation]
28 R. Et en ce qui concerne ma deuxième rencontre avec Kukanjac après tout
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1 cela, c'était en 1993, le 3 mai 1993, lorsque Kukanjac a organisé une
2 rencontre des volontaires survivants, et c'était une rencontre qui a eu
3 lieu à Belgrade, c'était une réunion des survivants de la rue
4 Dobrovoljacka.
5 Q. Ce qui m'intéresse c'est la première réunion. Une fois la Republika
6 Srpska créée, le 19 mai, comment vous souvenez-vous de cette date du 19 mai
7 1992 ?
8 R. Je m'en souviens, parce qu'à ce moment-là j'ai appris qu'un ordre avait
9 été donné à propos de la création d'une armée de Serbie-et-Monténégro, et
10 dans cet ordre, il était écrit que tous les ex-membres de la JNA qui
11 étaient nés sur le territoire de la Serbie-et-Monténégro devaient rejoindre
12 les rangs de l'armée de Yougoslavie, appelée à l'époque la RFY.
13 Q. Vous avez fait une erreur page 59, ligne 9. Vous avez parlé de l'armée
14 de la Serbie-et-Monténégro, et ce n'était pas ça.
15 R. Oui, oui, je suis désolé, j'ai fait un lapsus. A l'époque, toute
16 personne faisant partie de la JNA - c'est un ordre d'ailleurs, c'est un
17 ordre d'ailleurs pour toute personne de la JNA sous le commandement de la
18 2e Région militaire - devait quitter le territoire de la Bosnie-Herzégovine
19 pour rejoindre les rangs de l'armée de la République fédérale de
20 Yougoslavie.
21 Q. M. Kukanjac, le 19 mai, était-il seul ou était-il accompagné de
22 quelqu'un lorsque vous l'avez rencontré ?
23 R. Kukanjac est venu par hélicoptère et il était accompagné du le général
24 Mladic dans le même hélicoptère que lui.
25 Q. Une minute. Vous êtes-vous entretenu avec lui; et de quoi avez-vous
26 parlé, le cas échéant ?
27 R. On est entrés dans un bureau au 4e Commandement du Corps d'armée de
28 Lukavica. Il y avait le général Kukanjac, le général Mladic, le colonel
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1 Gagovic et moi-même.
2 Q. Quel était le poste du colonel Gagovic à l'époque ?
3 R. C'était le commandant adjoint chargé de la logistique du 4e Corps
4 d'armée. Le général Kukanjac voulait me voir, il m'a vu, il a vu que
5 j'allais bien, que j'étais vivant, et quand il m'a vu vivant, il a fondu en
6 larmes. C'est assez étrange vu le type d'homme qu'était le général
7 Kukanjac. Mais il était heureux de me voir en vie. Cela dit, il déplorait
8 aussi la perte de tous les hommes qui avaient été tués. Il l'a dit. Il a
9 dit qu'il avait été leurré par les autorités --
10 M. HARMON : [aucune interprétation]
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] M. Harmon s'est levé.
12 M. HARMON : [interprétation] La question était quand même, quel était le
13 poste du colonel Gagovic. C'est tout ce qu'on lui a demandé, et le témoin
14 parle dans le détail.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic.
16 M. LUKIC : [interprétation] Je suis désolé. Page 59, ligne 24, j'avais
17 demandé de quoi ils s'étaient entretenus lorsqu'ils s'étaient vus. Et
18 j'avais aussi demandé qui donc était le colonel Gagovic, puisque c'était le
19 quatrième intervenant de cette conversation, et je trouve que le témoin
20 répond parfaitement bien.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic, la question qui a
22 déclenché une objection chez M. Harmon était la suivante :
23 "Quel était le poste du colonel Gagovic à l'époque ?"
24 Donc ce n'était pas du tout une question portant sur le sujet de
25 votre conversation éventuelle, si tant est qu'il y en ait eu une, parce que
26 cette question a été posée.
27 Et il a répondu en disant :
28 "Nous sommes rentrés dans une pièce, ou plutôt, un bureau au commandement
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1 du 4e Corps d'armée de Lukavica. Il y avait Kukanjac, le général Mladic,
2 Gagovic et moi-même…" C'est à ce moment-là que vous auriez dû insister pour
3 qu'il réponde à votre question : Mais de quoi avez-vous parlé ? Avant qu'il
4 ne réponde à votre question suivante. Nous sommes perdus s'il ne répond pas
5 totalement à vos questions avant que vous ne passiez à autre chose.
6 M. LUKIC : [interprétation] Certes, mais je pense que ce serait encore plus
7 compliqué pour vous si vous ne saviez pas qui était ce Gagovic ? Je voulais
8 que vous sachiez qui était ce Gagovic, qui était le quatrième
9 interlocuteur. On a parlé de Gagovic, et c'est pour cela que j'ai posé la
10 question au témoin.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez, organisez bien vos questions
12 dans votre tête. Demandez-lui d'abord qui est Gagovic et après vous
13 demandez, "De quoi avez-vous parlé ?" Soyez organisé. Parce que s'il
14 commence à nous parler de Gagovic et de son poste alors qu'il est censé
15 nous relater la teneur de la conversation, on ne sait plus où on en est.
16 Donc, Maître Lukic, je suis désolé de vous faire la leçon, mais il faut
17 bien que vous écoutiez vos questions et que vous écoutiez bien les réponses
18 du témoin. Et vérifiez à chaque fois s'il répond à votre question, si vous
19 avez obtenu la réponse que vous vouliez. Sinon, revenez à la charge. C'est
20 essentiel pour que nous puissions bien suivre.
21 M. LUKIC : [interprétation] Mais je n'essaie pas de compliquer encore les
22 choses, sachez-le.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
24 M. LUKIC : [interprétation] J'avais des raisons pour lesquelles je posais
25 des questions et j'ai l'impression de suivre mon idée. Bon, je vais essayer
26 d'être efficace.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y. Faites des efforts. Nous vous
28 en serons reconnaissants.
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1 M. LUKIC : [interprétation]
2 Q. Monsieur Kovacevic, de quoi avez-vous parlé avec Kukanjac, Mladic et
3 Gagovic ?
4 R. Le général Kukanjac nous a rapidement parlé du massacre qui avait eu
5 lieu dans la rue Dobrovoljacka. Le général Mladic m'a offert le poste de
6 commandant du 4e Corps d'armée pour remplacer le général Djurdjevac, qui
7 quittait son poste parce qu'il était né au Monténégro.
8 Q. Mladic vous a dit quel était le sort réservé au 4e Corps d'armée ?
9 R. Pas à l'époque. Il a juste parlé de ce poste vaquant qui était libéré
10 et du fait que Djurdjevac partait.
11 Q. Connaissiez-vous le poste qu'occupait le général Mladic à l'époque ?
12 Est-ce que vous saviez quel était son poste ?
13 R. Oui, oui. Par les médias, je savais quel était son poste - d'ailleurs,
14 il s'est présenté ainsi - il a dit que la VRS venait d'être créée et qu'il
15 avait été nommé commandant de l'état-major principal justement de cette
16 nouvelle armée de la VRS. Il a dit qu'il était donc en droit de me nommer
17 au poste approprié.
18 Q. Quand vous dites "poste approprié," vu le poste qu'il occupait à la VRS
19 et vu le discours qu'il tenait, à quoi pensait-il, d'après vous, comme
20 poste pour vous, au sein de quelle armée ?
21 R. Il m'a proposé le poste de commandant du 4e Corps d'armée de la JNA,
22 qui, dans l'intervalle, avait été rebaptisé et s'appelait maintenant le
23 Corps Sarajevo-Romanija. Lorsque ce corps d'armée a été intégré au sein de
24 la VRS, c'est à ce moment-là qu'il a été rebaptisé Corps Sarajevo-Romanija,
25 et c'est le nom qu'il a eu pendant toute la guerre. Donc il m'a offert le
26 poste de commandant de ce Corps Sarajevo-Romanija.
27 Q. Et qu'avez-vous répondu ?
28 R. J'ai refusé le poste et je me suis expliqué d'ailleurs. J'ai dit que je
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1 ne pouvais prendre aucun poste au sein d'aucune armée avant de pouvoir
2 évacuer ma famille de Sarajevo. Sarajevo, à l'époque, était assiégée.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc il vous a proposé un poste au
4 sein du 4e Corps de la JNA et vous nous dites que ce 4e Corps de la JNA
5 correspond au Corps Sarajevo-Romanija de la VRS. Il vous proposait donc le
6 poste; c'est ça ? J'ai bien compris.
7 M. LUKIC : [interprétation]
8 Q. Votre famille a enfin pu quitter Sarajevo en août, mais avant août,
9 avez-vous pu vous rendre à Belgrade -- non, procédons différemment. Vous
10 aviez des informations à l'époque à propos des postes offerts aux anciens
11 officiers de la JNA qui venaient de Bosnie-Herzégovine. Qu'en saviez-vous
12 exactement par rapport aux propositions qu'on faisait à ce type d'officiers
13 dans le sein de la VRS ?
14 R. J'avais les mêmes informations que tous les officiers de la JNA qui
15 quittaient le territoire de Bosnie-Herzégovine, des informations dont
16 disposaient d'ailleurs aussi ceux qui restaient. L'essentiel était ce qui
17 suit : tout membre de la JNA qui était né sur le territoire de la Bosnie-
18 Herzégovine ainsi que tout volontaire qui voulait rester parmi les rangs de
19 la VRS et qui faisait précédemment partie de la JNA verraient leurs états
20 de service organisés de la façon envisagée par la direction politique de la
21 République fédérative de Yougoslavie d'un côté et de l'ancienne présidence
22 de la RSFY de l'autre côté. En fait, la République fédérative de
23 Yougoslavie était le successeur de l'ex-JNA, et du fait de l'accord qui
24 avait eu lieu entre les différents pays qui maintenant existaient, il y
25 avait une solution qui avait été élaborée pour tout membre de l'ex-JNA qui
26 voulait être versé dans les rangs de la VRS, cet accord permettant à ces
27 militaires de conserver leurs soldes et de conserver aussi tous leurs
28 avantages qu'ils avaient obtenus précédemment lors de leur service au sein
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1 de la JNA. Donc c'était la République fédérale de Yougoslavie qui
2 garantissait que ces contrats seraient honorés sous l'autorité du conseil
3 suprême de la Défense et du gouvernement fédéral.
4 Q. Vous dites que tout ex-membre de la JNA. Vous parlez de tout le monde
5 absolument ?
6 R. Non, je parle uniquement des officiers et sous-officiers.
7 Q. Vous dites qu'il y a eu un accord. Vous parlez de la direction de la
8 République fédérative de Yougoslavie. Vous dites "accord," est-ce que
9 c'était un accord qu'ils avaient conclu de leur propre chef ? Qu'en savez-
10 vous exactement de cet accord ? Avec qui est-ce qu'ils s'étaient mis
11 d'accord ?
12 R. L'accord impliquait la direction de Bosnie-Herzégovine, surtout Alija
13 Izetbegovic, parce que l'accord était censé réglementer les états de
14 service des officiers et des sous-officiers qui servaient dans les rangs de
15 l'ex-JNA. Donc je parle de ceux qui ont rejoint les rangs de l'ABiH d'un
16 côté et ceux qui ont rejoint les rangs du HVO de l'autre. A ma
17 connaissance, il y a eu un accord qui a été conclu entre la République
18 fédérative de Yougoslavie et l'Etat de Bosnie-Herzégovine, qui, à l'époque,
19 avait été reconnu par la communauté internationale, accord qui avait été
20 cosigné donc par les représentants des autorités appartenant aux trois
21 communautés ethniques de Bosnie-Herzégovine.
22 Q. Alors, qu'est-il arrivé aux officiers et sous-officiers ex-membres de
23 la JNA qui ont rejoint les rangs soit de l'ABiH, soit de l'armée du HVO ?
24 R. Selon l'accord, ils avaient le droit de toute façon de choisir où ils
25 voulaient aller. Donc ils avaient droit, au titre de l'accord, de décider
26 soit d'aussi rejoindre les rangs de la VJ et recevoir leurs soldes suite à
27 leur service au sein de la VJ, mais ils avaient aussi le droit de rester
28 plutôt dans les rangs de l'ABiH, et dans ce cas-là, ils seraient payés par
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1 le Bosnie-Herzégovine, avec la réserve suivante, cela dit. Ceux qui étaient
2 en âge de prendre leur retraite avec toutes les années de cotisation
3 nécessaires, qu'ils soient Musulmans ou Croates, mais qui étaient membres
4 de la JNA, ils avaient maintenant le droit de bénéficier de leur retraite
5 qui serait payée par la Yougoslavie ou alors de décider de laisser tomber
6 ce droit et de demander plutôt à ce que leur retraite soit payée par la
7 Bosnie-Herzégovine. Voilà l'accord entre les deux pays.
8 Q. Vous avez vu cet accord ? D'où savez-vous tout cela ?
9 R. Je n'ai pas lu l'accord en tant que tel. Cela dit, chaque fois qu'on
10 abordait le sujet lors de toute réunion du commandement Suprême de la
11 Republika Srpska, on parlait toujours de cet accord ou on y faisait
12 allusion.
13 Q. Oui, on va parler du commandement Suprême de la Republika Srpska un peu
14 plus tard. Mais je pense qu'à l'époque vous faisiez partie de ce
15 commandement Suprême, mais bon, essayons de ne pas nous perdre. Donc de
16 quel moment parlons-nous, et faisiez-vous bel et bien partie du
17 commandement Suprême de la Republika Srpska ?
18 R. J'y ai été nommé ministre de la Défense, donc du fait de mon poste, je
19 participais automatiquement au commandement Suprême.
20 Q. Très bien. Nous y reviendrons. Savez-vous si la presse ou les médias ou
21 qui que ce soit relataient le fait que la direction de la Republika Srpska
22 demandaient aux ex-officiers de la JNA qui venaient de Bosnie-Herzégovine
23 de rejoindre les rangs de la VRS ?
24 R. Oui, oui, j'en suis au courant.
25 Q. Que s'est-il passé avant que vous ne puissiez évacuer votre famille et
26 la mettre à l'abri ? Est-ce que vous êtes allé à Belgrade entre mai 1992 et
27 août 1992 ?
28 R. Oui.
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1 Q. J'ai un petit peu mélangé, et voilà, j'ai semé la confusion parmi la
2 Chambre. Soyons clairs donc. Qui avez-vous été voir à Belgrade et à quel
3 moment ?
4 R. J'ai contacté le général Sljivic, le chef des services techniques du
5 SSM à Belgrade.
6 R. A quel moment ?
7 R. C'état en juin, si je ne m'abuse, juin 1992, à un moment ou un autre.
8 Q. Très bien.
9 R. Donc lorsqu'il a entendu quelle était ma situation, il m'a offert un
10 poste qui correspondait à un grade de général au sein de la VJ, et il
11 s'agissait, en fait, d'être basé à Podgorica, la garnison de Podgorica.
12 J'ai refusé et j'ai expliqué que je n'étais absolument pas en mesure
13 d'accepter une nomination où que ce soit, et d'ailleurs quelle que soit
14 l'offre en question, parce qu'il fallait - et c'était ma priorité absolue -
15 il fallait absolument que ma famille soit hors de Sarajevo, soit en
16 sécurité, parce qu'ils étaient complètement pris au piège là-bas.
17 Q. Un petit moment, je vous prie. Quand est-ce que votre famille a
18 finalement pu quitter Sarajevo ? Ce n'est pas la peine de nous donner la
19 date précise et exacte, mais de façon approximative.
20 R. Je pense que c'était le 9 juillet, ou peut-être le 9 août 1992.
21 Q. Qu'est-il advenu ensuite --- ou est-ce que vous pouvez nous dire
22 premièrement où vous avez pu mettre votre famille à l'abri pendant le reste
23 de la guerre ?
24 R. Ils ont été logés chez des amis qui se trouvaient à Pale. Ils ont passé
25 un certain temps chez moi, en fait, ce n'était pas vraiment habitable
26 pendant l'hiver. Mais j'ai quand même réussi à obtenir les documents
27 idoines pour que ma fille puisse continuer à bénéficier d'un enseignement à
28 Belgrade. Et là, ils ont été logés par ma sœur et son mari à Belgrade --
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1 Q. A Belgrade, ils y ont été pendant toute la guerre; c'est cela ?
2 R. Oui, ils ont été essentiellement à Belgrade. Par la suite, mon épouse a
3 passé un certain temps avec moi à Pale, pendant la guerre et après la
4 guerre également.
5 Q. Général, qu'est-il advenu de votre appartenance à Sarajevo; est-ce que
6 vous pourriez nous dire brièvement ?
7 R. C'était mon appartement. J'en étais propriétaire. Je l'avais acheté. Il
8 y avait un contrat en bonne et due forme qui avait été absolument certifié
9 par le tribunal. Nous avons suivi une procédure tout à fait en bonne et due
10 forme. Et jusqu'au jour d'aujourd'hui, je n'ai toujours pas récupéré mon
11 appartement.
12 Q. Est-ce que vous avez jamais revu le général Mladic après cela ?
13 R. Oui. J'ai vu Mladic à maintes reprises. Je l'ai d'ailleurs supplié de
14 faire en sorte de m'aider à faire sortir ma famille de Sarajevo. Et je
15 dirais qu'il m'a dit qu'il ne pouvait absolument rien faire pour moi. C'est
16 ce qu'il m'a dit. Toutefois, il m'a demandé de bien vouloir accepter un
17 poste qu'il choisirait pour moi, et ce, à l'état-major de la VRS. Il m'a
18 dit que se serait un poste qui aurait à voir avec la logistique et que je
19 travaillerais avec le général Djukic. Et j'ai refusé à nouveau, et j'ai
20 refusé parce que je voulais absolument m'assurer de mettre ma famille à
21 l'abri, en tout sécurité. Alors, cela, il me l'a dit à chaque fois que nous
22 nous voyions, en fait, il demandait à ce que je ne sois pas nommé à la VJ,
23 mais plutôt à la VRS.
24 Q. Et à qui adressait-il cette requête ou cette demande ?
25 R. Ecoutez, je ne sais pas à qui il pensait, mais je suppose qu'il voulait
26 entendre que c'était le Conseil suprême de la Défense, qui, après tout,
27 était responsable de ce genre de choses. Donc c'était, en fait, le Conseil
28 suprême de la Défense qui adoptait ce type de décisions pour moi et pour
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1 toutes les personnes qui avaient été nommées au Grand état-major et à
2 l'armée de la Republika Srpska jusqu'à ce moment. Je parle de la décision à
3 propos de mon état de service, n'est-ce pas.
4 Q. Est-ce que vous saviez à l'époque quel était l'état de service de ces
5 officiers de l'état-major de l'armée de la Republika Srpska ?
6 R. Oui, je le savais.
7 Q. Et comment est-ce que cela a été organisé et réglé ?
8 R. Le général Mladic me l'a dit personnellement. Il me l'a d'ailleurs
9 expliqué à plusieurs reprises. Il m'a dit que c'est en Yougoslavie que l'on
10 gérerait en quelque sorte mon état de service, tout comme cela avait été le
11 cas pour Djukic, Gvero et Milovanovic, et d'autres également. Et il m'a
12 expliqué qu'il y avait eu un accord conclu entre les Etats. Il a toutefois
13 omis certains détails. Il avait lu cela à Belgrade alors qu'il se trouvait
14 au bureau du président Milosevic, et il y avait d'autres dirigeants de
15 l'ex-Yougoslavie. Il m'a dit que cela était une solution pour eux et que
16 c'était également une solution pour moi, si tant est que nous acceptions
17 d'être payés par la Yougoslavie et que nous acceptions que notre sécurité
18 sociale et nos allocations médicales soient payées en Yougoslavie. Et il
19 m'a dit que mes années de service qui comptaient pour la retraite étaient
20 comptées en Yougoslavie et que pendant ce temps-là nous pouvions tous être
21 membres de l'armée de la Republika Srpska, seulement de cette armée-là.
22 Q. Vous avez mentionné qu'on vous avait offert de faire partie du secteur
23 de la logistique avec le général Djukic. Vous connaissiez auparavant le
24 général Djukic ?
25 R. Non, je ne le connaissais pas très, très bien. Il était à Belgrade et
26 il a participé à plusieurs colloques professionnels, à des réunions, et
27 c'est à ce moment-là que j'ai eu la possibilité de les voir et de lui
28 parler un peu.
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1 Q. Est-ce que Mladic vous a dit pourquoi est-ce qu'il insistait absolument
2 pour que vous ralliez les rangs de la VRS ?
3 R. Oui, il me l'a dit.
4 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qu'il vous a dit ?
5 R. Lorsque des membres de l'ex-JNA se sont ralliés à la VJ, j'étais le
6 seul responsable de la logistique qui était originaire du territoire de la
7 Bosnie-Herzégovine et qui, de ce fait, connaissait toute l'infrastructure
8 dans les moindres détails, parce qu'il ne faut pas oublier que j'avais
9 travaillé dans cette région pendant 20 ans. Si le général Djukic, son
10 adjoint chargé de la logistique, étaient arrivés -- ou plutôt, il avait dit
11 que Djukic venait de Belgrade et qu'il ne connaissait absolument pas
12 l'infrastructure, les dépôts, les unités, qu'il ne savait rien et que tout
13 était absolument nouveau pour lui et pour tous les autres. Alors que moi,
14 par ailleurs, non seulement je connaissais toute l'infrastructure, mais je
15 la connaissais comme ma poche.
16 Q. Bien. Donc est-ce qu'à un moment donné vous avez rallié les rangs de la
17 VRS ?
18 R. J'ai écrit à l'état-major de la Republika Srpska, et dans ma lettre,
19 j'ai expliqué ma demande et je leur ai dit que j'accepterais un poste au
20 sein de l'état-major de la VRS à condition que mon état de service soit
21 pris en considération en Yougoslavie, tout comme tous les autres officiers.
22 Q. Et avez-vous pris contact avec un représentant de l'administration du
23 personnel de l'armée de la Yougoslavie ?
24 R. Non, je ne l'ai pas fait. Je n'ai pris contact avec personne tant que
25 je n'avais pas reçu de réponse à ma demande écrite.
26 Q. Très bien. Alors, est-ce que vous pourriez nous parler de cette
27 réponse, quand l'avez-vous reçue et quelle fut la réponse en question ?
28 R. Mladic m'a dit que ma demande avait été acceptée et que mon état de
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1 service serait donc pris en considération en Yougoslavie, et conformément à
2 ma lettre d'acceptation, il a donné un ordre à propos de ma nomination en
3 tant que membre de l'état-major de la VRS. Ma fonction n'avait pas été
4 définie à ce moment-là. Toutefois, j'ai travaillé dans le secteur de la
5 logistique avec le général Djukic et je considérais qu'à l'époque, j'étais
6 officier, officier qui n'était par sur le terrain.
7 Q. Bien. Pour revenir à ma question précédente, vous avez reçu cette
8 information de Mladic, et est-ce que vous avez pris contact alors avec
9 quelqu'un, avec un représentant de l'armée de la Yougoslavie ?
10 R. Oui, enfin, par le truchement de l'administration du personnel de
11 l'état-major de la VRS, il m'a été demandé de me rendre auprès de
12 l'administration du personnel dans ce même document, et ledit document
13 était mon acceptation en ce qui concernait mon état de service qui était
14 pris en considération par l'armée de la Yougoslavie, et c'est ce que j'ai
15 fait.
16 Q. Donc nous allons essayer d'éviter tout malentendu. Je vous ai demandé
17 si vous avez pris contact avec quelqu'un de l'armée de Yougoslavie, et vous
18 m'avez dit que vous l'avez fait par le truchement de l'administration du
19 personnel de la VRS et qu'ainsi, vous aviez pris contact avec
20 l'administration du personnel de la VRS. Est-ce que je vous ai bien compris
21 ?
22 R. Oui, tout à fait. Personnellement, je n'ai jamais pris contact
23 directement avec l'administration du personnel ou avec l'armée de la
24 Yougoslavie à propos de mon état de service. C'est quelque chose qui a été
25 fait en mon nom par le général Mladic.
26 Q. Très bien.
27 R. Et lorsque la question de mon état de service a été réglée,
28 l'administration du personnel de l'état-major de la VRS m'a informé que je
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1 devais me rendre auprès de l'administration du personnel de l'armée de la
2 Yougoslavie pour signer un document qui fut la décision relative à mon état
3 de service en Yougoslavie.
4 Q. Général, nous avons entendu au début de votre déposition que vous étiez
5 originaire de la Croatie, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous savez -- est-ce que vous savez, disais-je, ce qu'il est
8 advenu des anciens officiers de la JNA qui étaient originaires de la JNA ?
9 Et je pense à ce que vous venez de nous relater par rapport à la Bosnie ?
10 R. Une fois de plus, c'est le général Mladic qui m'a fourni des
11 renseignements à ce sujet, lorsqu'il a essayé de me persuader de rester --
12 ou plutôt, de me rallier à l'armée de la Republika Srpska. Il m'a à ce
13 moment-là indiqué quelle était la situation -- quel était le point de vue,
14 plutôt, des dirigeants de la Yougoslavie, leur point de vue étant que tous
15 les membres de la JNA qui étaient originaires de la Croatie devraient se
16 rallier à l'armée de la Krajina Republika Srpska et que tous ceux qui
17 étaient natifs du territoire de Bosnie-Herzégovine devaient se rallier à
18 l'armée ce la Republika Srpska.
19 Donc c'était en fonction de leur lieu de naissance, et en fonction de ce
20 lieu de naissance ils étaient censés participer au système de défense et à
21 la défense de leur territoire, la défense de la population, de leurs
22 foyers, de leurs amis, des membres de leurs familles. Et ce qui m'avait été
23 dit, c'est qu'indépendamment du fait que mon état de service avait été pris
24 en considération en Yougoslavie, je ne pouvais être membre que de la VRS ou
25 de l'armée de la Krajina Republika Srpska. Et au vu de ces deux offres --
26 bon, j'ai mûrement et longuement réfléchi à ces deux offres et j'ai
27 finalement pris ma décision compte tenu de tous les critères que je viens
28 de vous expliquer.
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1 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui suit : deux possibilités vous
2 ont été offertes, donc comment est-ce que vous avez fini par décider ?
3 Comment est-ce que vous avez pris votre décision pour réagir de façon
4 positive à l'invitation de Ratko Mladic ?
5 R. Il y a plusieurs éléments, en fait. Premièrement, je voulais rester un
6 officier de métier. Je voulais rester au sein de l'armée de la Republika
7 Srpska parce que -- bon, je connaissais cette armée, je connaissais tout
8 cela comme ma poche, et si j'étais allé ailleurs, tout aurait été nouveau,
9 et je ne savais pas, en fait, c'était très incertain, je ne savais pas
10 comment est-ce que je m'en serais tiré dans d'autres lieux, comment est-ce
11 que j'aurais pu assumer mes fonctions et m'acquitter de mes fonctions.
12 Puis deuxièmement, c'était un élément d'ordre humain et patriotique,
13 en quelque sorte, car moi, j'avais eu -- ou j'avais, en fait, un contact
14 avec mes officiers, et cela, en quelque sorte, était une raison impérieuse
15 qui faisait que je devais rester avec mon peuple. C'est pour cela que j'ai
16 participé avec eux afin de défendre le territoire qui était menacé. Mais je
17 ne pouvais pas véritablement -- je n'envisageais pas d'aller en
18 Yougoslavie, de devenir un déserteur, et je ne pouvais absolument pas
19 imaginer d'être vu comme un déserteur par mes amis, ma famille et mes
20 proches.
21 J'avais mes parents qui étaient très âgés qui résidaient dans le
22 territoire de la Croatie. Ils vivaient seuls, ils étaient menacés par la
23 guerre, et je ne pensais pas qu'il aurait été humain de les laisser. Je
24 pensais que mon devoir m'obligeait à m'occuper d'eux et à participer ainsi
25 à leur défense et à une opération de sauvetage, si cela avait été
26 nécessaire. Puis il y avait tous ces biens fonciers qui étaient très
27 importants. Donc j'avais des biens fonciers en Bosnie-Herzégovine à
28 l'époque, et je me suis rendu compte -- bon, bien qu'ils aient eu une
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1 valeur très relative, c'était ma propriété privée, et je me suis rendu
2 compte que j'allais perdre tout cela à moins de rester sur le territoire et
3 à moins de protéger tout cela de par ma présence.
4 Donc tous ces facteurs, tous ces paramètres font que je me suis
5 rallié à l'armée de la Republika Srpska lorsque j'ai voulu le faire.
6 Q. Je vous remercie.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, quelle armée avez-vous fini par
8 rallier, si tant est que vous ayez rallié une armée ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit à deux reprises que j'avais accepté
10 un poste, une fonction au sein de l'armée de la Republika Srpska auprès de
11 l'état-major de l'armée de la Republika Srpska, le commandant de cette
12 armée étant Mladic, et j'étais le subordonné du général Djukic.
13 M. LUKIC : [interprétation]
14 Q. Général, quelles ont été vos fonctions au sein de l'état-major, pour ce
15 qui était du secteur de la logistique ? Je suppose que vous avez fini par
16 rallier le secteur de la logistique, étant donné que vous avez dit que vous
17 étiez subordonné au général Djukic ?
18 R. A l'époque, nous devions véritablement mettre sur pied les unités et
19 les institutions de l'armée de la Republika Srpska. Donc en tant que --
20 enfin, j'ai été nommé, plutôt, membre de la commission de l'état-major
21 principal de l'armée de la Republika Srpska, et cela était dirigé par le
22 colonel Ilic. Il y a un ordre également, un ordre portant création de la
23 commission, qui définissait justement la tâche précise de cette commission
24 qui avait été signée par le général Mladic.
25 Q. Un petit moment, je vous prie.
26 Donc quel était le mandat de cette commission ?
27 R. Le mandat de la commission consistait à inspecter toutes les unités et
28 les institutions de l'armée de la Republika Srpska, et ce, sur tout le
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1 territoire. Il s'agissait également d'aider à l'établissement des unités.
2 Et moi, en tant que responsable de la logistique, et les autres dont la
3 mission consistait à empêcher l'existence de paramilitaires au sein des
4 unités de la Republika Srpska, donc [inaudible] pour n'importe quel
5 paramilitaire.
6 Q. Mais comment est-ce que la logistique ou le secteur de la logistique
7 était organisé dans l'armée de la Republika Srpska ?
8 R. Dans un premier temps, il y a eu plusieurs façons de procéder. Il y a
9 eu beaucoup de problèmes. Bon, par la suite, il y a quand même un certain
10 ordre qui a commencé à régner. Toutefois, et en principe, chaque brigade
11 disposait de son propre appui logistique et de ses propres réserves. Chaque
12 corps disposait de sa propre unité d'appui logistique et de ses propres
13 réserves. Et l'état-major principal de la VRS avait sous son commandement
14 des bases logistiques ainsi que des institutions de réparation et de remise
15 à neuf qu'elle commandait directement.
16 Q. Mais combien de bases logistiques existait-il pour l'armée de la VRS ?
17 R. Pour autant que je m'en souvienne, il y en avait trois, ou peut-être
18 quatre, d'ailleurs. Non, je pense finalement qu'il y en avait trois plutôt
19 que quatre.
20 Q. Et qu'en était-il de la 744e base logistique de la JNA ? Que lui est-il
21 arrivé, celle qui avait donc existé jusqu'au début des années 1990 ? Bon,
22 je ne vais pas mentionner de date, mais j'aimerais quand même savoir ce qui
23 est advenu de la base.
24 R. Lorsque l'armée de la Republika Srpska a été mise sur pied - et je
25 pense que cela s'est passé le 12 mai 1992 - l'état-major principal a
26 renommé, a donné un nouveau nom à cette base logistique, et son nouveau nom
27 était la 27e base logistique; et son commandement se trouvait à Sokolac.
28 Q. Bien. Nous allons maintenant être très précis. Il s'agissait de la 27e
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1 base logistique de quelle armée ?
2 R. De l'armée de la Republika Srpska.
3 Q. Est-ce que vous pourriez maintenant expliquer à la Chambre de première
4 instance ce que vous entendez lorsque vous nous dites que la 27e base
5 logistique était subordonnée à l'état-major ? Qu'est-ce que cela signifie ?
6 R. Je vais corriger votre première question. Parce qu'il y avait une base
7 logistique à Banja Luka, une autre à Bijeljina, et la 30e se trouvait à
8 Bileca, et la 27e se trouvait à Sokolac. En d'autres termes, il y avait
9 quatre bases logistiques. Est-ce que vous pouvez maintenant nous répéter
10 votre dernière question ?
11 Q. Vous avez dit tout à l'heure que les bases logistiques étaient
12 subordonnées à l'état-major principal. Vous venez de nous dire qu'il y en
13 avait quatre. Qu'est-ce que cela veut dire exactement, lorsque vous nous
14 dites qu'elles sont subordonnées à l'état-major principal ? Qui peut venir
15 et prendre quoi que ce soit de la base logistique ?
16 R. D'après le règlement, d'après les ordres et d'après la Loi sur l'armée
17 -- l'état-major principal était la seule entité qui pouvait donner des
18 ordres pour que quelle que soit la base logistique, pour qu'elle donne de
19 ces propres entrepôts des moyens à n'importe quelle unité de l'armée de la
20 Republika Srpska, ou à quiconque, et il en vaut de même pour la réception
21 des moyens dans les entrepôts de la base logistique.
22 Q. Merci bien. Vous nous avez donné une image complète de la façon dont
23 les moyens techniques sont répartis en allant de la brigade jusqu'à l'état-
24 major principal. Mais pour revenir maintenant à la question de tout à
25 l'heure, j'aimerais savoir s'agissant de la commission que vous avez
26 mentionnée tout à l'heure lorsque vous avez inspecté les unités, pourriez-
27 vous nous dire qu'est-ce que vous avez remarqué s'agissant de la question
28 de la logistique ?
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1 R. J'ai remarqué plusieurs choses importantes qui étaient très importantes
2 pour moi, et qui étaient importantes pour l'état-major principal aussi.
3 D'abord et avant tout, ce que j'ai remarqué, c'était que la plupart des
4 unités au niveau des bataillons et des brigades ont commencé à faire partie
5 de la JNA -- ou plutôt, faisaient partie de la JNA en tant qu'unités de la
6 Défense territoriale des régions serbes.
7 Q. Un instant, s'il vous plaît. Vous avez dit qu'elles ont fait partie de
8 la JNA ?
9 R. Non. Excusez-moi. Sont entrées dans la composition, ont commencé à
10 faire partie de l'armée de la Republika Srpska, plutôt, en tant que membres
11 de la Défense territoriale serbe et en tant qu'unités de volontaires qui,
12 jusqu'alors, était considéré comme étant des volontaires. Mais ils ont tous
13 accepté de porter des insignes de l'armée de la Republika Srpska et
14 d'effectuer ou de se placer sous le commandement des officiers supérieurs
15 appartenant à la chaîne de commandement, de l'armée de la Republika Srpska.
16 Pour parler d'entrepôts qui leur appartenaient et qui étaient pleins
17 d'équipement militaire, de munitions, et cetera, la plupart du temps tout
18 ceci était confisqué des unités de la JNA, et lorsque ces unités se
19 retiraient du territoire de Bosnie-Herzégovine où ils s'appropriaient ces
20 biens en effectuant des attaques sur les entrepôts qui étaient placés sous
21 le contrôle du côté serbe, à ce moment-là, ils pouvaient confisquer
22 l'ensemble du dépôt et s'approprier toutes les réserves. Donc c'était tout
23 à fait l'ex - je vais vous donner un exemple drastique de Rudo, Visegrad,
24 Ustikolina, Vardiste, Manje [phon], Foca - alors, j'ai effectué une
25 inspection de ces unités chargées des arrières, et ils n'étaient pas très
26 professionnels. Ils ne savaient pas de quelle façon on pouvait établir des
27 listes d'armes et armements, et cetera. Il n'y a pas lieu du tout. Ce
28 qu'ils faisaient, c'est qu'ils faisaient entrer toutes les données dans des
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1 cahiers. Ils inscrivaient que ce que le commandant leur disait d'inscrire,
2 alors que ce que ce commandant estimait être sa réserve, il ne permettait
3 pas que l'on fasse état de sa réserve à lui dans ces cahiers.
4 Q. Lorsque vous dites pour ce qui est "du matériel qu'il estimait être son
5 matériel, sa réserve," qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
6 R. Je suis toujours intervenu, et j'ai toujours demandé au commandant
7 d'inscrire chaque balle, chaque pièce, équipement, que tout ceci doit être
8 établi, figuré sur de listes, et cetera. Mais il me disait : "Non,
9 absolument pas. C'est moi qui me suis emparé ces armes. C'est à moi. C'est
10 moi qui les ai confisquées. Je me suis battu pour avoir cet équipement et
11 il est à moi. Et je ne veux absolument pas permettre à qui que ce soit de
12 savoir que j'ai dans mon inventaire."
13 Q. Vous avez demandé qu'une commission soit fondée pour qu'elle aille
14 inspecter ces unités ?
15 R. Oui. Ceci a duré plus de deux mois. En fait, nous avons procédé à la
16 création d'un rapport conjoint, la rédaction d'un rapport conjoint. Moi,
17 personnellement, dans ce rapport, j'ai décrit de façon détaillée les
18 problèmes que j'ai rencontrés concernant ces propositions, à savoir que le
19 commandant de l'état-major principal de l'armée de la Republika Srpska,
20 selon sa ligne de commandement, qu'il donne l'ordre pour que l'inventaire
21 soit fait de tout ce qui figure dans les dépôts. J'avais demandé que le
22 système de commandement soit respecté, que la chaîne hiérarchique soit
23 respectée, de l'état-major principal jusqu'aux unités les plus subalternes,
24 pour que les autorités locales ne s'immiscent pas dans la chaîne
25 hiérarchique et dans le système de commandement ainsi que dans le système
26 d'approvisionnement.
27 Q. Un instant, s'il vous plaît. Je vous interromps ici. Pourriez-vous nous
28 expliquer, je vous prie, ceci : vous avez mentionné le fait que les organes
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1 d'autorités locales s'immisçaient dans le fonctionnement dans l'armée. Vous
2 faisiez référence à quoi, exactement ?
3 R. Les autorités locales, le SDA, voulait avoir un contrôle complet de la
4 brigade qui était créée sur le territoire de leurs municipalités, ou ils
5 voulaient absolument avoir un contrôle complet sur toutes les questions, y
6 compris les questions du commandement.
7 Q. Mais est-ce que ces brigades faisaient partie de la Republika Srpska et
8 faisaient partie de la composition de l'armée de la Republika Srpska ?
9 R. Oui, tout à fait, je fais allusion à ces brigades.
10 Q. De quelle façon ces autorités locales voulaient établir leur autorité
11 sur ces unités ?
12 R. Ils voulaient pouvoir ordonner des activités de combat, dire aux
13 brigades ce qu'elles doivent attaquer, piller.
14 Q. Et est-ce qu'ils avaient effectivement une influence quelconque ?
15 R. Oui, dans une grande mesure, oui.
16 Q. L'état-major principal avait quelle attitude envers ceci ?
17 R. Je sais que Mladic donnait des ordres. Mais sans l'aide des autorités
18 locales, ils estimaient qu'ils ne pouvaient pas procéder à la création
19 d'une armée.
20 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais que l'on se penche sur la pièce de
21 la Défense D50, s'il vous plaît.
22 C'est un document du 1er Corps de Krajina signé par le général Talic. Le
23 document est du 22 février 1993.
24 Q. Mon Général, dans la première partie, effectivement, ce document parle
25 pour lui-même. Mais ce qui m'intéresse c'est plutôt le troisième
26 paragraphe, alors j'aimerais appeler votre attention sur le troisième
27 paragraphe du document. Ici, on parle du fait que les donateurs de
28 l'assemblée municipale du 1er Corps de Krajina -- le général Talic pense à
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1 quoi exactement, à quoi faisait-il allusion ?
2 R. Ce document est exact, il reflète la situation telle qu'elle était à
3 l'époque. Le commandant, le général Talic dans ce cas-ci, demande que ces
4 munitions, ces quantités en question énumérées ici, soient achetées par le
5 gouvernement de la Republika Srpska, don, la VRS, et il demande de lui
6 permettre de recueillir les moyens par le truchement des notateurs et
7 qu'avec ces donateurs, il puisse achever ce travail.
8 Q. Voici ce qui m'intéresse : s'agissant de ce niveau local, lorsqu'on
9 parle de "donateurs," qui sont ces donateurs ? Comment pouvait-on
10 s'approprier les moyens, comment peut-on assurer les biens pour se procurer
11 des munitions ?
12 R. Les autorités au niveau local, au niveau de la municipalité, ces
13 autorités étaient les plus puissantes. En fait, c'est eux qui étaient
14 donateurs et c'est eux qui assuraient les moyens pour leurs unités et leurs
15 brigades. Pour ce qui est maintenant de l'autorité politique, on a formé
16 des donateurs qui étaient des particuliers qui avaient des moyens, et les
17 autorités politiques leur ordonnait de se procurer des biens pour l'armée
18 de la Republika Srpska et qu'ils seraient payés par la suite.
19 Q. Très bien. Nous allons en parler un petit plus tard, mais parlons
20 maintenant de ce niveau local. Dites-moi, Mon Général, est-ce que vous
21 savez quelle était l'influence qu'avaient les autorités locales sur les
22 unités et les donateurs ? Est-ce que ce système de fonctionnement existait
23 en 1993 et pendant toute la durée de la guerre ?
24 R. Oui. Pendant toute la durée de la guerre, à partir du tout début de la
25 guerre, et ce, jusqu'à la signature de l'accord de Dayton.
26 M. LUKIC : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, avoir le
27 document P1067 à l'écran.
28 Q. C'est un document qui date de 1995, qui date donc d'une date
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1 ultérieure, mais je voudrais que nous en parlions pour savoir quelle est la
2 procédure dont on parlait précédemment à propos des pouvoirs délégués à
3 différentes autorités, qui faisaient quoi. Pourriez-vous nous parler de ce
4 document en ce que concerne l'achat des matériels et comment des munitions
5 sont arrivées dans différents dépôts.
6 R. Dans ce document, on voit quelle est la procédure à suivre. C'est la
7 procédure officielle. L'état-major de la VRS donne l'ordre à ses
8 différentes bases logistiques, donc à la 27e base logistique
9 principalement, de mettre à disposition du Corps Sarajevo-Romanija les
10 munitions énumérées. Et l'entreprise Pretis à Vogosca était aussi censée
11 intervenir car c'est une entreprise qui est censée mettre à disposition,
12 différents produits qui sont énumérés dans cet ordre.
13 Q. Donc c'est un document, ici, qui est envoyé à la 27e base logistique,
14 et vous dites qu'il y avait quatre bases logistiques qui recouvraient la
15 zone géographique, n'est-ce pas ? Donc le Corps de la Krajina allait
16 s'approvisionner auprès de la 27e base logistique ? C'est ainsi que ça
17 fonctionnait ?
18 R. Non, pas du tout, les bases logistiques n'étaient pas liées à un corps
19 précis. Toutes les bases logistiques s'occupaient de toutes les unités de
20 la VRS. C'était le principe, mais les dépôts logistiques se trouvaient là
21 où ils étaient, tout simplement. Et s'il y avait un corps d'armée qui était
22 dans le coin, bien entendu, ils s'approvisionnaient auprès de cette base
23 logistique. Mais en principe, toutes les bases logistiques devaient
24 répondre aux ordres des états-majors principaux et approvisionner toute
25 unité de la VRS où qu'elle se trouve sur le territoire.
26 Q. Dans ce document, on trouve un passage qui a été encadré; une personne
27 a dû le trouver très intéressant sans doute. Ici, il est fait allusion à
28 l'entreprise Pretis et au Corps Sarajevo-Romanija, qui est censé être
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1 autorisé à aller chercher directement le matériel qui l'intéresse à
2 l'entreprise Pretis. On en parlera plus tard de Pretis. Mais donc le Corps
3 Sarajevo-Romanija pouvait obtenir et aller chercher ses munitions
4 directement à l'usine Pretis, sans en avoir été préalablement autorisé par
5 l'état-major principal ?
6 R. Oui, et d'ailleurs, lorsque j'ai été ministre c'est une difficulté que
7 j'ai rencontrée.
8 Q. Comment cela ?
9 R. Parfois, le général Mladic se rendait à l'usine Pretis et ordonnait au
10 directeur de l'usine de ne plus fournir quoi que ce soit à quiconque, en
11 disant que la production ne devait être envoyée qu'à l'unité qu'il aurait
12 spécifiée. Donc il amenait avec lui ses gardes et menaçait le directeur en
13 disant que s'il n'obéissait pas, il allait être remplacé, viré, voire
14 liquidé. Il obligeait donc Pretis à fournir des munitions pour une unité
15 bien précise.
16 Et d'autres commandants locaux du Corps Sarajevo-Romanija avaient
17 tendance à utiliser exactement cette pratique. Ils savaient que s'ils
18 allaient en section armée et avaient suffisamment d'hommes en armes, ils
19 pouvaient tout simplement assiéger la chaîne de production, attendre que
20 les produits soient fabriqués, les confisquer, les mettre à bord de leurs
21 camions et s'en aller tranquillement. Le directeur de Pretis me faisait
22 remonter ce type d'information. C'est la raison pour laquelle nous n'avons
23 jamais pu faire en sorte que Pretis fonctionne normalement. Il y avait
24 toujours quelqu'un qui arrivait à l'usine et, par force, prenait ce qu'il
25 voulait.
26 Q. Nous en sommes arrivés trop vite au cœur de ce qui nous intéresse, mais
27 donc : en ce qui concerne l'industrie de la Republika Srpska, à qui était-
28 elle subordonnée ?
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1 R. Toutes les entreprises industrielles faisaient partie du ministère de
2 l'Industrie et du gouvernement de la Republika Srpska. C'étaient des
3 entreprises nationalisées. Le ministère de la Défense, lui, disposait du
4 droit de demander à ces entreprises de fabriquer certains produits qui lui
5 étaient nécessaires pour l'armée de la Republika Srpska, par exemple, les
6 munitions. Mais ceci était basé sur des contrats de production et, bien
7 sûr, il fallait acheter ces produits.
8 Q. On reviendra au travail que vous faisiez dans le cadre de votre
9 commission, mais nous allons en finir avec le sujet qui nous intéressait
10 précédemment. Vous avez fait l'inspection de toutes ces unités -- vous avez
11 fait le tour de toutes ces unités. D'après vous, quel était -- pouvez-vous
12 nous donner vos commentaires à propos de la façon dont les munitions
13 étaient distribuées parmi les différentes unités de la Republika Srpska ?
14 Est-ce que tout le monde était bien servi ou est-ce qu'il y avait des
15 différences ?
16 R. Au niveau local, la distribution se faisait de façon équitable. Au
17 niveau plus élevé, des brigades ou des corps d'armée, là, la distribution
18 n'était plus aussi équitable. Certains en recevaient plus que d'autres, et
19 certains étaient d'ailleurs trop bien servis, beaucoup trop bien servis. Le
20 commandement interne de l'état-major principal de la VRS a pris en compte
21 le rapport. Le général Mladic, le général Milanovic et le général Djukic
22 ont principalement lu le rapport et c'est eux qui décidaient à qui prendre
23 le surplus et à qui donner le surplus. C'est eux qui étaient chargés de la
24 distribution de la munition. Le général Djukic m'a ensuite donné ordre de
25 rédiger des documents avec l'aide de mes services, donc de donner des
26 ordres qui suivraient justement la ligne de conduite qui avait été adoptée
27 par Mladic, Milovanovic et Djukic. Ces ordres sur la distribution des
28 munitions étaient signés soit par Mladic, soit par Milovanovic. Et parfois,
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1 il y avait des équipements militaires pour lesquels l'ordre pouvait être
2 signé également par le général Djukic. Donc l'ordre permettait d'obtenir
3 les équipements qui étaient ensuite distribués parmi les unités.
4 Q. Merci.
5 M. LUKIC : [interprétation] Je pense qu'il est l'heure d'en terminer.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Lukic.
7 Monsieur Kovacevic, nous n'allons pas pouvoir terminer votre déposition
8 aujourd'hui. Vous devrez revenir demain. Je tiens juste à vous avertir
9 qu'avant la fin de votre déposition, que vous soyez en prétoire ou hors
10 prétoire, vous n'avez le droit de parler à personne de ce dont vous avez
11 parlé jusqu'à présent et de ce que vous vous apprêtez à dire demain.
12 Donc la séance est levée et nous reprendrons demain à 9 heures, dans
13 ce prétoire.
14 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mardi 13 juillet
15 2010, à 9 heures 00.
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