Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 29 août 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 32.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame la Greffière, veuillez citer

7 l'affaire.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. L'affaire

9 IT-05-88-T, le Procureur contre Vujadin Popovic et consorts.

10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Aux accusés, si jamais vous n'entendez

11 pas l'interprétation, veuillez nous en aviser sans tarder.

12 Monsieur Zivanovic.

13 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pardonnez-moi, j'ai oublié de vous dire

14 hier que notre assistante juridique, Mme Verena Juebner, est avec nous.

15 Merci.

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, et soyez la bienvenue, Madame.

17 Est-ce qu'il y a d'autres observations ? Je voyais qu'il y a un membre de

18 votre équipe qui n'est pas là, Monsieur McCloskey ?

19 M. McCLOSKEY : [interprétation] M. Nicholls et Mme Soljan ne sont pas

20 présents, en effet.

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Aujourd'hui, notre programme

22 est quelque peu différent. Nous devons terminer à 18 heures 30. Nous aurons

23 deux pauses. Je propose quelles soient aussi courtes que possible.

24 Y a-t-il d'autres remarques ? Cela ne semble pas être le cas.

25 Monsieur Thayer, vous avez la parole.

26 En fait, un instant, je vais d'abord souhaiter la bienvenue au témoin

27 et lui rappeler ses obligations.

28 LE TÉMOIN: MEVLUDIN ORIC [Reprise]

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1 [Le témoin répond par l'interprète]

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Oric, bonjour à vous.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Soyez la bienvenue. J'espère que vous

5 avez pu vous reposer. Nous allons continuer avec l'interrogatoire principal

6 et puis, entamer les contre-interrogatoires. Je formulerai les mêmes

7 recommandations qu'hier. Vous avez très bien fait. Continuez, s'il vous

8 plaît, à formuler des réponses concises. Je vous rappelle que vous avez

9 prononcé une déclaration solennelle hier et que cette déclaration est

10 toujours valable aujourd'hui, vous n'avez donc pas besoin de la prononcer

11 une deuxième fois.

12 Monsieur Thayer, vous avez la parole.

13 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, bonjour.

14 J'aimerais aborder une question préliminaire. Si cela vous convient, nous

15 pourrions l'aborder à la fin du témoignage de M. Oric. Il s'agit de

16 questions se rapportant au tribunal électronique. Je ne pense pas qu'il

17 faudrait en discuter tout de suite, mais il y a une question que j'aimerais

18 soulever devant la Chambre.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Combien de temps cela prendrait-

20 il ?

21 M. THAYER : [interprétation] Je pense quelques minutes, simplement pour

22 attirer l'attention de la Chambre sur une question ou un problème que nous

23 essayons de régler.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Allez-y, Monsieur Thayer.

25 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 Interrogatoire principal par M. Thayer : [Suite]

27 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, bonjour.

28 R. Bonjour.

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1 Q. A la fin de l'audience, hier, vous étiez en train de décrire à la

2 Chambre votre expérience lorsque vous étiez dans un bus stationné devant

3 l'école Vuk Karadzic. Lorsque nous nous sommes vus la semaine passée, est-

4 ce que je vous ai montré un dessin de Bratunac que vous aviez esquissé pour

5 les enquêteurs au mois d'août 1995 ?

6 R. Oui, en effet.

7 Q. La semaine passée, est-ce que vous avez identifié pour moi, sur ce

8 dessin, l'emplacement des événements que vous venez de décrire hier, en

9 d'autres termes.

10 R. Oui.

11 M. THAYER : [interprétation] Pourrions-nous avoir la pièce à conviction

12 2094 montrée sur le tribunal électronique, s'il vous plaît ?

13 Q. Est-ce que vous voyez une image apparaître à l'écran devant vous ?

14 R. Oui.

15 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre, sans entrer dans les détails, de quoi

16 il s'agit au juste. Que représente l'image que vous voyez à l'écran ?

17 R. On voit l'école Vuk Karadzic, les bus, là où ils étaient stationnés,

18 l'endroit où on aurait dû me tirer dessus et me tuer, l'endroit où je suis

19 descendu du car, le terrain de foot, quelques maisons, et voilà.

20 Q. Est-ce le dessin que vous avez fait pour les enquêteurs au mois d'août

21 1995 et que nous avons passé en revue la semaine passée ?

22 R. Oui.

23 Q. En regardant ce dessins, est-ce que vous voyez -- ou pouvez-vous

24 identifier l'école Vuk Karadzic ?

25 R. L'école est devant les bus.

26 M. THAYER : [interprétation] J'aimerais demander à l'Huissière de nous

27 aider.

28 Q. Il y a un stylo attaché à l'ordinateur. On va vous montrer comment vous

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1 en servir. Est-ce que vous voudriez bien annoter, mettre le chiffre 1 au-

2 dessus du dessin que vous avez fait de l'école Vuk Karadzic.

3 [Le témoin s'exécute]

4 Q. Est-il possible d'effacer sur l'image ? Très bien. En fait, Monsieur,

5 je vous demanderais d'inscrire le chiffre au-dessus de l'école.

6 R. [Le témoin s'exécute]

7 Q. Merci. Maintenant, est-ce que vous voudriez bien inscrire le chiffre 2

8 à côté de l'entrée de l'école ?

9 R. [Le témoin s'exécute]

10 Q. Vous avez témoigné que vous avez également dessiné l'emplacement où les

11 bus étaient stationnés, autant que vous vous en souveniez. Est-ce que vous

12 voudriez bien apposer le chiffre 3 sur la gauche du bus où vous vous

13 souvenez avoir passé la nuit ?

14 R. [Le témoin s'exécute]

15 Q. Il y a beaucoup de choses sur ce dessin, alors je vous demanderais de

16 dessiner une flèche qui indique l'endroit où vous étiez assis sur ce bus.

17 R. [Le témoin s'exécute]

18 M. THAYER : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, cela se

19 trouve dans le coin en bas à droite, le coin du troisième rectangle à

20 partir de l'école Vuk Karadzic, dans une colonne.

21 Q. Maintenant, est-ce que vous voudriez bien marquer d'un X au lieu où

22 vous vous souvenez qu'un homme souffrant de troubles mentaux a été abattu ?

23 M. KRGOVIC : [interprétation] Objection à cela, c'est manifestement une

24 question qui oriente le témoin.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pourquoi formulez-vous une objection,

26 Monsieur Krgovic ?

27 M. KRGOVIC : [interprétation] Parce que le substitut du Procureur a parlé

28 de l'endroit où il a été tué.

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Krgovic, le témoin n'a, en

2 fait, jamais confirmé qu'il a vu l'homme, qu'il a vu qu'on tirait sur cet

3 homme.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc, l'objection est retenue, Monsieur

6 Krgovic. Le témoin n'a jamais dit hier, en fait, il présume tout d'abord

7 que cette personne était invalide, il ne le sait pas. On le lui a dit et,

8 en deuxième lieu, qu'il a été fusillé, il s'agit de deux présomptions,

9 donc, il faut les traiter en tant que tel. Il ne faut pas les considérer

10 comme des faits avérés.

11 M. THAYER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je comprends bien.

12 Je me souviens que la Chambre a exprimé des préoccupations similaires hier,

13 mais, en fait, j'aurais deux choses à dire. Tout d'abord, j'ai parlé d'un

14 coup de fusil, en fait, qu'il avait été fusillé et non pas tué. Je crois

15 qu'hier, M. Oric a dit qu'il avait vu un groupe de gens encercler cet

16 homme. Il se souvient d'une rafale et il se souvient que c'était la

17 séquence des événements. Donc, je ne veux pas suggérer qu'il a vu qui a

18 tiré sur cet homme, mais a entendu le coup de feu.

19 Mme FAUVEAU : Il n'a jamais dit qu'il l'a vu. C'est à la page 82, ligne 12.

20 M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

21 Mme FAUVEAU : [hors micro]

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mme Fauveau, est-ce que vous voulez

23 bien juste répéter parce que l'interprète n'a pas saisi.

24 Mme FAUVEAU : C'est à la page 82, de la ligne 12 qu'il a entendu le coup de

25 feu. Il n'a jamais dit qu'il l'a vu.

26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Meek.

27 M. MEEK : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une objection quant

28 au fait que le substitut du Procureur fait un résumé de la déposition, une

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1 objection a été faite, elle a été retenue et plutôt que d'aller de l'avant,

2 il fait un résumé du témoignage. Je pense que cela ne convient pas.

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Meek.

4 Avez-vous d'autres observations ?

5 Je propose que, Monsieur Thayer, vous respectiez notre décision et

6 que vous ne la contestiez pas.

7 M. THAYER : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Je vais donc

8 aller de l'avant.

9 Q. Est-ce que vous vous souvenez du dernier endroit où vous avez vu cet

10 homme dont on vous a dit qu'il souffrait de troubles mentaux ? Vous l'avez

11 vu avant qu'il n'ait été traîné vers l'école. Est-ce que vous voudriez bien

12 nous indiquer cet endroit sur le dessin ne y apposant un X ?

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 Q. Je vois que vous avez mis un X sur un des rectangles.

15 R. Oui, j'ai vu cet homme à la porte lorsqu'ils l'ont traîné pour le faire

16 descendre et c'est la dernière fois que je l'aie vu, et je ne l'ai pas vu

17 en fait traîner par terre. La dernière fois que je l'aie vu, c'est quand on

18 le faisait descendre du bus en le traînant.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Oric, est-ce que vous

20 comprenez un peu l'anglais ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Très peu.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très peu. Mais est-ce que vous pouvez

23 lire l'anglais et le comprendre, du moins quelques mots ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, non.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Si vous regardez ce dessin que vous

26 avez sous les yeux, sur la droite de l'endroit où vous avez marqué un X, il

27 y a une case ou un rectangle avec le mot "Kuc". Il y a aussi des mots

28 anglais qui sont inscrits. Est-ce que vous pouvez les lire et comprendre ce

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1 que cela veut dire ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] "Streetlight".

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, en effet. Qu'est-ce que cela veut

4 dire ? Que veut dire "Streetlight" ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Au-dessus de ces mots-là, il y a encore

7 d'autres mots. Est-ce que vous arrivez à les lire ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous crois sur parole et je n'en

10 dirai pas plus pour le moment. Cela dit, je reviendrai sur cette question,

11 j'en reparlerai à l'Accusation. Je pense que vous devinez ce que je veux

12 dire. Si un témoin pouvait -- un autre témoin pouvait comprendre les mots

13 écrits en anglais, que ce soit en anglais ou dans une autre langue, ou même

14 dans sa propre langue, cela serait une manière de lui suggérer la réponse

15 qu'il est censé donner lorsque vous indiquez un certain endroit sur le

16 dessin lors de votre interrogatoire. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.

17 Je comprends que c'est son propre dessin, mais il est évident qu'il n'a pas

18 lui-même écrit les mots en anglais. C'est vous-même qui l'avez fait. Donc,

19 vous auriez pu utiliser le dessin qu'il avait créé lui-même sans complément

20 et lui permettre de donner ses explications -- plutôt de lui soumettre un

21 dessin qui comporte des réponses toutes prêtes que certains témoins, en

22 tout cas, sinon, ce témoin pourrait comprendre.

23 M. THAYER : [interprétation] Oui, vous avez tout à fait raison, Monsieur le

24 Président, il s'agit bien de son propre dessin. Nous avons passé en revue

25 ce dessin avec lui dans sa propre langue. Je n'ai jamais cru qu'il

26 comprenait l'anglais écrit. C'est bien son document, mais nous comprenons

27 la préoccupation de la Chambre concernant le fait que certains documents,

28 qui s'agissent de dessin ou de carte, pourraient suggérer des choses au

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1 témoin. Mais étant donné que c'était son dessin -- c'est son dessin, on lui

2 avait déjà montré, il l'avait identifié en tant que tel. Nous pensions que

3 nous nous confirmions au souhait de la Chambre et nous comprenons la

4 préoccupation de la Chambre et nous la respecterons par la suite.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien, il a maintenant apposé un X en

6 rouge sur le dessin. Mais, sur ce diagramme ou ce dessin, il y a déjà un

7 autre X en noir. A partir de ce X, il a un trait qui mène aux mots :

8 "Retarded men shot" - "Hommes handicapés fusillés" - ce sont des mots en

9 anglais. Il n'y a pas de mot correspond en serbo-croate sur l'esquisses.

10 Alors, si tout ce qu'il a fait c'était apposer un X vous auriez dû en

11 rester là et ne pas rajouter les mots : "Hommes handicapés fusillés," et

12 lui poser une simple question. Il n'a pas prononcé "Streetlight" de façon

13 différente que le prononcerait une personne connaissant l'anglais. Je me

14 mets en doute ce qui nous a affirmé, mais ce n'est pas la pratique que nous

15 aimerions adopter. Nous n'allons pas nous appesantir sur ce point puisque

16 nous sommes d'accord, il s'agit bien de son propre dessin, mais, encore une

17 fois, il y a des indications en anglais et qui ne sont pas une simple

18 traduction de ce que le témoin lui-même a écrit. Par exemple, les termes

19 qui ont été traduits en anglais par "immeuble."

20 M. THAYER : [interprétation] Je vous comprends bien, Monsieur le Président.

21 Malheureusement, il s'agit d'un dessin qu'il a fait au mois d'août 1995, et

22 nous vous soumettons qu'il s'agit d'un dessin très précis.

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Cela n'a rien à voir, Monsieur Thayer.

24 C'est une question de pratique que l'on souhaite adopter. Il faudrait avoir

25 deux documents. Un document pour vous qui indique les différents

26 emplacements et l'autre étant son diagramme d'origine et tout ce qui y

27 serait ajouté ou inséré -- ajouté à ce que le témoin lui-même a dessiné

28 devrait être laisser de côté surtout des ajouts qui indiquent ce qui est

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1 décrit sur le dessin lui-même. Mais, bon, restons-en là. La Chambre en est

2 d'accord. Nous allons donc poursuivre. Je pense que vous m'avez bien

3 compris.

4 M. MEEK : [interprétation] Monsieur le Président, pour expliciter quelque

5 chose. Auparavant, le témoin avait dessiné une flèche que l'on ne trouve

6 plus sur cette pièce, pièce 2094, une flèche qu'il avait dessinée lorsqu'on

7 lui a demandé où il était assis dans le bus et il avait dessiné une flèche

8 que l'on ne voit plus, n'est-ce pas ?

9 En deuxième lieu, un autre point que je souhaiterais expliciter. Nous ne

10 savons pas pour l'heure qui a inscrit des mots dans ces rectangles. Par

11 exemple, le témoin induit qu'il l'avait vu pour la dernière fois cet homme

12 supposément handicapé qu'il l'avait vu pour la dernière fois dans le bus

13 mais en fait le X se trouve à l'extérieur du bus.

14 En troisième lieu, nous ne savons pas --

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je pense que vous pouvez soulever ces

16 questions lors de votre contre-interrogatoire.

17 M. MEEK : [interprétation] Très bien.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Thayer.

19 M. THAYER : [interprétation] Oui, nous avons remarqué que cette flèche a

20 disparu.

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien, demandez-lui de la dessiner à

22 nouveau.

23 M. THAYER : [interprétation] Très bien.

24 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous voudriez bien nous indiquer où vous

25 vous souvenez avoir été assis dans le bus et le faire en dessinant une

26 flèche ?

27 R. [Le témoin s'exécute]

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] La flèche n'avait pas disparu c'est

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1 jusque le X avait été dessiné par-dessus la flèche. Poursuivons. Parce que

2 là, nous sommes entrés dans une impasse.

3 M. THAYER : [interprétation] Bien. J'aimerais bien quand même lui demander

4 si la flèche est bien là ou lui demandez si la flèche est bien parce que je

5 ne la vois pas sur mon écran.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Il y a deux flèches. La flèche

7 que M. Meek ne voyait plus, mais qui est toujours là, et l'autre flèche à

8 l'autre extrémité du bus n'a fait que semer encore plus de confusion parce

9 qu'auparavant, nous avions une indication d'où était l'arrière du bus.

10 Bien, maintenant, il semblerait que le bus est derrière -- devant et

11 l'arrière -- derrière.

12 M. THAYER : [interprétation]

13 Q. Vous avez dit qu'il y avait un lampadaire près de votre bus, est-ce que

14 vous voulez bien mettre un cercle à l'endroit où d'après vos souvenirs ce

15 lampadaire était situé ?

16 R. [Le témoin s'exécute]

17 Il y en avait pas ni devant le bus ni autour. Il y avait un

18 lampadaire derrière le bus. A peu près ici.

19 Q. Merci. Si j'ai bien compris d'après la procédure du prétoire

20 électronique, une fois que nous avons effectué les modifications

21 définitives, nous devons les sauvegarder.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Thayer, je parle en mon nom

23 personnel. Je comprends bien que c'est le témoin qui a fait ce dessin. Cela

24 dit, est-ce que nous avons vraiment besoin de passer du temps à lui

25 demander d'annoter des choses sur son propre dessin ?

26 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Juge, je comprends bien votre

27 souci.

28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons déjà passé une demi-heure sur

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1 ce point.

2 M. THAYER : [interprétation] Je voulais faire cela très rapidement afin

3 qu'il puisse nous donner des explications concernant le document et établir

4 devant la Chambre que ces connaissances - ces souvenirs sont actuels. Il ne

5 s'agit pas simplement de chose qu'il a écrite au mois d'août 1995 et dont

6 il ne se souviendrait plus. C'est pour cela que je voulais passer en revue

7 avec lui ce dessin afin qu'il puisse montrer à la Chambre qu'il se souvient

8 sur la base de ce dessin des différents événements qui ont eu lieu et de

9 pouvoir les structurer pour la Chambre -- situer comment et où ces

10 manifestations ont eu lieu.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

12 M. THAYER : [interprétation] Je ne pensais que cela prendrait aussi

13 longtemps. Si j'avais su que nous aurions confronté à de tels obstacles

14 j'aurais peut-être adopté une autre approche.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] On voit ici qu'il est écrit "Skola Vuk

16 Karadzic, VK;" est-ce l'écriture du témoin ou l'écriture de quelqu'un

17 d'autre ?

18 M. THAYER : [interprétation]

19 Q. Est-ce que vous avez compris la question du Président ? Qui a écrit ces

20 mots "Skola VK" ?

21 R. C'est moi.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ce qui est écrit en anglais, est-ce que

24 ces mots ont été écrits en anglais sur le dessin en votre présence à ce

25 temps, et qui a écrit ces mots en anglais.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela a été écrit en 1995, à Tuzla, pendant

27 l'interrogatoire que j'ai subi. Je ne me souviens pas de qui étaient

28 présents de la commission, mais ce sont eux qui l'ont écrit en anglais.

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] En votre présence ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en ma présence, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Thayer, oui, continuez.

4 M. THAYER : [interprétation]

5 Q. Vous avez dit, Monsieur, que vous avez passé la nuit 13 juillet dans ce

6 bus. Est-ce que vous avez dormi pendant cette nuit ?

7 R. Non.

8 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre de première instance ce dont vous vous

9 souvenez qui se soit passé en premier le matin du 14 juillet.

10 R. La première chose qui s'est passée est que l'un des hommes de la police

11 militaire est venu et nous a dit que nous repartirions bientôt vers

12 Kladanj, et c'est ce qui s'est produit. Peu de temps après, nous sommes

13 partis vers Kladanj où nous devions être échangés.

14 Q. Donc, votre bus a-t-il fini par quitter l'école Vuk Karadzic ?

15 R. Oui. Le dernier bus est parti en premier et mon bus était le deuxième

16 de la file quand nous avons pris la direction de Konjevic Polje. Les autres

17 bus ont suivi, les deux autres bus ont continué.

18 Q. Lorsque vous étiez donc en train de prendre la direction de Konjevic-

19 Pulje, que vous alliez dans cette direction, votre bus s'est-il arrêté ?

20 R. Nous nous sommes arrêtés sur le parking de la compagnie Vihor. Sur la

21 gauche, il y avait un endroit, un espace qui s'appelle Rakovica. Nous nous

22 sommes arrêtés là et il nous a dit qu'on attendait la FORPRONU. Nous leur

23 avons demandé si nous pouvions sortir pour aller aux toilettes à un canal.

24 Ils nous ont laissé y aller un par un, et nous avons attendu que la

25 FORPRONU arrive.

26 Q. Je vais vous arrêter ici, Monsieur. Vous souvenez-vous de quel type de

27 société était Vihor ?

28 R. Il s'agit d'une société qui exploite des bus, des cars, des camions, et

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1 c'est là qu'ils gardaient les vieux cars.

2 Q. Est-ce qu'à ce moment-là, on vous a dit combien d'autres véhicules

3 étaient là-bas, en plus de votre bus ?

4 R. Quand nous sommes sortis, nous avons vu que deux autres cars étaient

5 arrivés et puis, quatre camions recouverts de toile qui étaient garés

6 derrière nous. Je n'ai pas pu voir ce qu'il y avait dedans en raison de la

7 toile qui était dessus, je n'ai pas pu voir s'il y avait des gens, mais ces

8 quatre camions nous suivaient. Donc, il y avait six bus et quatre camions

9 au moment où nous sommes repartis vers Konjevic Polje.

10 Q. Vous avez dit dans votre déposition, concernant ces trois membres de la

11 police militaire qui sont restés avec vous tout le temps de Konjevic Polje,

12 à partir de Konjevic Polje jusqu'à Vihor, ont-ils été remplacés à un moment

13 ou à un autre ?

14 R. Oui, lorsqu'un camion plus petit est arrivé, un autre camion plus petit

15 est arrivé, des hommes armés -- des soldats armés sont sortis et ont

16 remplacés les hommes de la police militaire. Lorsqu'ils ont été remplacés,

17 un blindé de transport de troupes est arrivé, ils se sont salués et j'ai pu

18 voir qu'il ne s'agissait pas d'hommes de la FORPRONU, mais de soldats

19 serbes parce qu'ils se sont salués en se tenant les doigts et ils sont

20 partis en premier et puis, nous avons suivi. Nous sommes partis vers

21 Kladanj pour être échangés là-bas.

22 Q. Y avait-il quoi que ce soit concernant ce blindé de transport de

23 troupes qui vous suggérait qu'il ne s'agissait, en fait, d'un blindé

24 transport de troupes de la FORPRONU ?

25 R. Je sais que le transporteur de la FORPRONU était en blanc et que les

26 lettres UN sont écrites en noir. Donc, je pensais qu'il s'agissait d'un

27 blindé transport de troupes de la FORPRONU parce que je les voyais -- je

28 les ai vus pendant trois ans à Srebrenica, donc, je suis sûr à 100 % qu'il

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1 s'agissait d'un blindé de transport de troupes de la FORPRONU.

2 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce que portait comme vêtements ces

3 soldats qui étaient dans le blindé transporteur de troupes ?

4 R. Des gilets pare-balles bleus, des gilets pare-balles de la FORPRONU et

5 puis, ils avaient aussi des uniformes camouflages.

6 Q. Est-ce que votre convoi a fini par repartir du garage de Vihor ?

7 R. Oui, nous sommes repartis dans la direction de Konjevic Polje.

8 Q. Vous avez dit, dans votre déposition, que le blindé transport de

9 troupes était le premier, il montrait la route. Dans quelle direction est-

10 il parti quand il a pris la route qui va de Bratunac à Konjevic Polje ?

11 R. Cette direction passe par Glogova, Kravica, Sandici et Konjevic Polje.

12 Q. Lorsque vous êtes arrivés à l'intersection à Konjevic Polje dont vous

13 nous avez parlé hier dans votre déposition, quelle direction a pris votre

14 bus ?

15 R. Quand nous sommes arrivés à l'intersection, le blindé transport de

16 troupes a tourné vers la droite, a pris la droite. C'est la route qui va de

17 Drinjaca à Zvornik. Bien sûr, les bus ont suivi le blindé de transport de

18 troupes quand il a tourné.

19 Q. Maintenant, si vous aviez --

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur

21 Thayer. J'aimerais que les choses soient claires tout au moins pour moi. Ce

22 que le témoin semble dire, c'est que ce dernier groupe qui était arrivé, le

23 blindé transport de troupes n'était, en fait, pas du personnel de la

24 FORPRONU dans un blindé transport de troupes des Nations Unies, mais des

25 soldats dans un blindé transport de troupes de la FORPRONU ?

26 M. THAYER : [interprétation] Oui, c'est exact.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien, je vous remercie. Je voulais

28 juste m'assurer de cela.

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1 M. THAYER : [interprétation]

2 Q. Dans la mesure où vous connaissez cette zone et les routes, si vous

3 étiez vraiment parti vers Kladanj pour être échangé, dans quelle direction

4 auriez-vous dû tourner à ce carrefour, à cette intersection à Konjevic

5 Polje ?

6 R. Si nous étions partis vers Kladanj, nous serions partis vers la gauche

7 en passant par Kasaba, Miljevici [phon].

8 Q. Je remarque que le compte rendu d'audience dit : "Miljevici", il y a

9 quelques secondes. Cela est-il exact où s'agit-il d'un autre village ou

10 d'un autre endroit que vous souhaitiez nommer ?

11 R. Non. Il s'agit d'une M-i-l-e-c-i.

12 Q. Est-ce que vous pouvez le prononcer ?

13 R. Milici.

14 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète. Ils se saluaient avec les

15 doigts, mais ils ont fait un signe en levant les trois doigts.

16 M. THAYER : [interprétation]

17 Q. Pouvez-vous décrire pour les Juges de la Chambre de première instance

18 l'itinéraire qu'a pris le bus -- le car dans lequel vous étiez ?

19 M. THAYER : [interprétation] J'aimerais faire remarquer que je pense

20 utiliser la carte avec M. Oric. Je pense utiliser la carte de façon à

21 montrer à la Chambre de première instance le chemin qui a été pris de

22 Bratunac à Zvornik. Je vais y arriver tout à l'heure. Tout d'abord, il va

23 décrire ce qui s'est passé, ensuite, nous nous servirons de la carte.

24 Q. Pouvez-vous nous décrire ce dont vous vous souvenez, c'est-à-dire, par

25 où le bus est passé une fois que vous avez tourné à droite à Konjevic

26 Polje ?

27 R. Nous sommes partis vers Zvornik en partant de Konjevic Polje vers

28 Drinjaca, c'est-à-dire, c'est un endroit où il y a des rochers de chaque

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1 côté, à cet endroit, on nous a dit de mettre nos mains entre nos jambes et

2 de nous couvrir les yeux avec les mains et de façon à ne pas voir où nous

3 allions, où nous étions, où nous étions emmenés. C'est comme cela que nous

4 avons continué vers Zvornik.

5 Q. Est-ce que vous avez pu voir où le bus allait malgré l'ordre qui vous

6 avait été donné ?

7 R. Oui. J'ai tout vu. J'ai regardé à travers mes doigts, j'ai vu que nous

8 traversions Drinjaca, Zvornik, Karakaj, que nous tournions à gauche vers

9 Kalesija et vers Karakaj.

10 Q. Après cela, quelle direction a pris votre car ?

11 R. Dans la direction de Karakaj-Kalesija, nous n'avons pas fait beaucoup

12 de route. Le bus a tourné à droite à nouveau, puis juste après le car s'est

13 arrêté, et comme je regardais à travers mes doigts, j'ai vu que nous

14 arrivions dans un hameau, dans un petit village où il y avait une école

15 puis un monument devant l'école. Nous avons donc tourné là, ils et nous ont

16 dit que nous pouvions relever la tête puis de sortir du bus en courant et

17 de courir vers l'école. Une fois que le car a été vidé, on nous a dit de

18 courir dans la direction de l'école, vers l'école, et c'est ce que nous

19 avons fait.

20 Q. Avez-vous été en mesure de voir quoi que ce soit d'autre concernant

21 cette école entre le moment où le car est arrivé devant l'école et le

22 moment où vous êtes sorti du car en courant ?

23 R. J'ai pu voir qu'il y avait un monument devant l'école à côté de la

24 route et j'ai vu un terrain de football que nous avons traversé en courant

25 puis il y avait un filet pour empêcher que le ballon sorte du terrain de

26 football. Sur la droite et sur la gauche, j'ai vu qu'il y avait des

27 bâtiments également aux alentours. C'est ce que j'ai vu en courant vers

28 l'école pendant que j'étais encore dans le bus -- que j'étais assis.

Page 937

1 Q. Vous parlez d'un terrain de football, Monsieur, de quoi était-il fait

2 ce terrain de football ? En quoi était-il ?

3 R. En béton. C'était un terrain de football en béton.

4 Q. Avez-vous également vu des véhicules à cet endroit-là dans le coin au

5 moment où votre car est arrivé ?

6 R. Il n'y avait que le blindé de transport de troupes qui était devant

7 nous qui donnait la direction, qui était garé sur le côté, puis il y avait

8 un soldat qui était assis sur le dessus. Puis j'étais également -- pu voir

9 le convoi qui avait suivi le blindé de transport de troupes et les cars.

10 Q. Quand on vous a fait courir vers l'école - pendant que vous courriez

11 vers l'école étiez-vous gardé par des soldats ?

12 R. Il y avait des soldats de chaque côté sur la droite et sur la gauche du

13 terrain de football.

14 Q. Vous a-t-on permis d'emmener quoi que ce soit avec vous dans l'école ?

15 R. Non. Il faisait très chaud dans le bus donc les gens avaient retiré

16 leur veste ou leur pull et les tenaient dans leurs mains. Il avait fallu

17 que nous les laissions. Il y avait une prairie sur la droite entre l'école

18 et les marches et il a fallu que nous laissions toutes nos affaires. Puis,

19 les personnes qui portaient également des bérets, par exemple, ont dû les

20 laisser, les jeter à terre. C'est comme cela qu'on nous a fait rentrer dans

21 le gymnase.

22 Q. Vos affaires et les affaires des personnes de votre groupe étaient-

23 elles les premières choses qui avaient été posées à cet endroit-là, ou est-

24 ce qu'il y avait déjà des choses à cet endroit-là ?

25 R. Il y avait d'autres choses que j'ai pu voir.

26 M. THAYER : [interprétation] Avant que nous continuions avec les événements

27 suivants, Monsieur le Président, j'aimerais que nous passions en revue la

28 carte de la même manière que nous l'avons fait hier tel que la proposer la

Page 938

1 Cour.

2 Il s'agit de la carte numéro 5 de l'atlas, du recueil de cartes. Je vais la

3 donner à l'Huissière de façon à ce qu'elle la place sur le rétroprojecteur.

4 Le point n'est pas très bon. Je ne sais pas si c'est le cas pour les

5 autres.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Effectivement, c'est flou pour tout le

7 monde. Je suis sûr qu'on va arranger les choses.

8 M. THAYER : [interprétation] Est-ce que le point pourrait être fait un peu

9 mieux ? Je ne sais pas si cela pourrait aider les choses.

10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois qu'on peut s'arrêter là pour

11 l'instant parce que je crois que l'on voit Bratunac sur la droite

12 complètement. Puis, peut-être que nous pourrions avoir un point un tout

13 petit peu plus précis.

14 Non, non. Je vous demande de faire le point et non pas de rapprocher

15 l'objectif. Ce n'est pas un problème de zoom, c'est un problème de point.

16 M. THAYER : [interprétation] Puis-je demander si le point est suffisamment

17 bien fait -- suffisamment clair pour tout le monde ?

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien, écoutez, pour moi, c'est flou. Je

19 ne sais pas si on comprend ce que je suis en train de dire. En général, ce

20 genre de problème est résolu. On me dit que c'est ce qu'il y a -- qu'on ne

21 peut pas faire mieux. Donc, remercions le ciel pour le tribunal

22 électronique parce qu'on n'aurait pas pu avoir les choses mieux auparavant.

23 Je ne sais pas ce qui est en train de se passer. Au moins, on peut tout au

24 moins distinguer les noms plus ou moins. Donc, ne perdons pas plus de temps

25 et poursuivons.

26 M. THAYER : [interprétation]

27 Q. Vous avez dit, dans votre déposition il y a quelques instants, que la

28 route qui allait à Bratunac -- que lorsque vous la suiviez, vous passez pas

Page 939

1 Glogova et Kravica; est-ce que vous voyez ces points sur cette carte ?

2 R. Oui.

3 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, si je peux me

4 permettre, nous entendons de la musique.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, moi aussi, de la musique. C'est

6 bon, on ne l'entend plus. C'est encore les mêmes problèmes comme

7 d'habitude.

8 Poursuivons tout de même.

9 M. THAYER : [interprétation]

10 Q. Pouvez-vous nous citer les noms que vous voyez sur cette carte et donc,

11 de cette manière, tracer le chemin -- l'itinéraire qu'a suivi votre car

12 après avoir quitté Bratunac ?

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 Q. Pouvez-vous nous donner à voix haute les noms qui apparaissent sur

15 cette carte telle que vous vous en souvenez ?

16 [Le témoin s'exécute]

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pouvez-vous peut-être rendre les choses

18 un peu plus rapide ? Peut-il simplement indiquer le long de la carte et

19 puis simplement indiquer pour le compte rendu d'audience quel itinéraire il

20 a indiqué, pour savoir si c'est celui qui passe par Karakaj ou peut-être

21 s'il s'agit de celui qui passe par Kladanj ou Milice. Allons-y. Avec le

22 pointeur, suivez la route que vous avez suivie ce jour-là.

23 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Il faut que la carte soit

25 déplacée vers le bas, un peu plus bas, s'il vous plaît. C'est bon. Merci.

26 Donc, nous, voici à Konjevic Polje. Pouvez-vous continuer à partir de là ?

27 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, le

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1 témoin vient de montrer avec le pointeur la route qui part de Bratunac,

2 amène d'abord à Konjevic Polje, ensuite à Karakaj et ensuite à Orahovac. Il

3 a également indiqué les villages suivants : Glogova, Kravica, Sandici,

4 Karakaj et Orahovac; Konjevic Polje est au milieu.

5 Continuez, Monsieur Thayer.

6 M. THAYER : [interprétation]

7 Q. Nous repassons à l'école. Après que vous ayez déposé ce qui vous

8 restait, les affaires qui vous restaient, où êtes-vous allé ?

9 R. Nous sommes allés dans l'entrée et puis, nous sommes allées vers la

10 gauche, vers le gymnase. Nous sommes rentrés dans une petite pièce, quelque

11 chose qui ressemble à un vestiaire et puis, nous sommes rentrés dans le

12 gymnase.

13 Q. Si vous avez vu quelque chose; avez-vous vu quelque chose au moment où

14 vous êtes rentré dans le gymnase ?

15 R. J'ai vu un groupe de personnes, un groupe plus nombreux au bout du

16 couloir qui était arrivé avant nous. Ils étaient du car qui avait été vidé

17 en premier, ils étaient assis au fond.

18 Q. Pouvez-vous estimer, donner dans votre estimation pour la Chambre de

19 première instance le nombre de personnes approximativement qu'il y avait

20 dans le gymnase lorsque vous êtes arrivé ?

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un moment, Monsieur Thayer. Je suis

22 désolé de vous interrompre, mais, aux lignes 11 et 12, il parle d'un petit

23 couloir, d'une petite pièce. Donc, visiblement, il s'agit de quelque chose

24 qui le sépare du gymnase. Il en parle à la ligne 13. Ensuite, vous lui avez

25 posé une question qui semble bien sûr correcte : "Si vous avez vu quelque

26 chose, qu'avez-vous vu lorsque vous êtes rentré dans le gymnase ?" Ensuite,

27 il dit : "Dans le gymnase, j'ai vu la chose suivante," - il dit - "j'ai vu

28 un groupe de personnes plus nombreux au fond du couloir."

Page 941

1 M. THAYER : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, en fait, je voulais juste faire en

3 sorte que les choses soient claires. Je pense qu'il parle du gymnase, si je

4 comprends bien. Je veux simplement être sûr que c'est bien le cas de façon

5 à ce qu'il n'y ait pas de confusion entre le couloir et une pièce qui soit

6 différente du gymnase. Est-ce que vous pouvez lui poser la question de

7 savoir dans quelle partie du bâtiment il a vu ces autres personnes qui

8 étaient arrivées auparavant ?

9 M. THAYER : [interprétation]

10 Q. Lorsque vous êtes rentré dans l'école, vous avez dit, dans votre

11 témoignage, que vous avez vu un groupe de personnes dont vous avez dit dans

12 votre témoignage qu'ils provenaient du premier bus. Dans quelle partie du

13 bâtiment étaient ces personnes ?

14 R. Ils étaient dans le gymnase ou dans la salle de sports, à l'arrière,

15 derrière. Ils étaient descendus en premier et c'est pour cela qu'ils

16 étaient assis dans la salle de sports, dans le gymnase au fond par rapport

17 à l'entrée. Il ne s'agissait pas des personnes qui étaient dans notre bus.

18 Je pense qu'ils étaient arrivés auparavant. C'était un groupe de personnes

19 qui était assez nombreux.

20 Q. Lorsque vous dites "le fond", vous voulez dire la partie la plus

21 éloignée de la pièce, lorsque vous regardiez la pièce de l'entrée ?

22 R. A l'autre bout du gymnase.

23 Q. Quelles instructions vous ont été données ? Comment vous a-t-on dit de

24 vous placer dans le gymnase ?

25 R. Donc, nous sommes entrés, nous nous sommes assis, les gens sont rentrés

26 au fur et à mesure qu'ils descendaient du bus, donc, ce qui fait qu'il y

27 avait de plus en plus de monde dans le gymnase. Donc ils nous ont dit de

28 nous asseoir plus près les uns des autres et si on ne le faisait pas, ils

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1 nous auraient tiré dessus. Ils nous ont dit de mettre nos genoux sous nos

2 mentons, ils nous ont dit de le faire et que si nous ne le faisions pas,

3 ils allaient nous tirer dessus.

4 Q. Vous souvenez-vous approximativement pendant combien de temps les

5 prisonniers ont continué à arriver dans le gymnase ?

6 R. Cela s'est passé assez vite parce qu'on courait. Une partie de la salle

7 n'était pas pleine au début et puis, après, 15, 20 -- dix, 15, 20 minutes

8 plus tard, des personnes supplémentaires sont arrivées et les choses -- la

9 situation est devenue un peu folle parce qu'il fallait que nous nous

10 poussions les uns et les autres pour pouvoir tous tenir. La salle était

11 complètement pleine et il n'y avait vraiment plus de place.

12 Q. Est-ce qu'à un moment ou à un autre on vous a dit de vous repositionnez

13 autrement ?

14 R. Oui. Un homme est venu, je pense qu'il s'agissait d'un commandant. Il

15 avait les cheveux bruns. Il était grand, il avait des lunettes de soleil et

16 il nous a dit de regarder le mur -- les quatre premiers rangs devaient

17 regarder le murs, ensuite les quatre rangs suivants devaient regarder vers

18 la droite, les quatre rangs suivants, vers la gauche, et cetera, et cetera,

19 ce qui fait qu'à la fin, il y avait certaines personnes qui regardaient

20 vers le mur, d'autres personnes avaient le dos tourné au mur, certaines

21 personnes regardaient vers la droite, certaines personnes regardaient vers

22 la gauche. J'étais plutôt au milieu de la salle et, donc, je regardais dans

23 la direction de la porte de l'entrée par laquelle nous étions rentrés dans

24 cette salle de sports. C'est comme cela qu'il nous a dit de nous

25 positionner et c'est comme cela que nous nous sommes positionnés.

26 Q. Monsieur, est-ce que vous pouvez nous dire combien il y avait de

27 prisonniers dans cette pièce, dans cette salle de gymnastique ?

28 R. Plus de 2 000 personnes. De la façon dont nous étions assis et si l'on

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1 tient compte de la taille de la salle, je pourrais dire qu'on était 2 000.

2 Q. Vous souvenez-vous de l'heure qu'il était ? A quelle heure êtes-vous

3 arrivé au gymnase ?

4 R. Je n'avais pas de montre sur moi, mais je crois que c'était vers midi

5 que nous sommes arrivés.

6 Q. Est-ce qu'il faisait chaud dans ce gymnase ?

7 R. Oui, c'était absolument affreux. C'était le mois de juillet, il faisait

8 très chaud et les plus vieilles personnes s'évanouissaient, perdaient

9 connaissance, mais comme on n'avait pas où tomber dans cette position

10 assise, on pouvait apercevoir leur tête simplement tomber sur l'épaule de

11 l'autre personne à côté de laquelle ces personnes étaient assises. Donc, on

12 ne pouvait aider personne, on ne pouvait venir en aide à personne, il était

13 interdit de se lever, par exemple, et d'aider quelqu'un. Les personnes qui

14 étaient âgées de plus de 70 avaient surtout beaucoup de mal à supporter

15 cette chaleur.

16 Q. Monsieur, dites-nous : pourquoi est-ce qu'il était impossible de

17 tomber, comme vous nous l'avez expliqué ?

18 R. C'est parce qu'ils n'avaient pas d'endroit où tomber. Ils étaient assis

19 avec les genoux pliés et les mentons sur les genoux et il était absolument

20 impossible de tomber car tout le monde était assis de cette façon-là. On

21 était entassé les uns contre les autres.

22 Q. Monsieur, est-ce qu'il y avait de jeunes hommes dans cette pièce ?

23 R. Oui, j'avais vu de jeunes hommes, il y avait trois ou quatre, je ne

24 sais pas, il y en avait peut-être plus. Plus tard, ils nous ont apporté de

25 l'eau. Il y avait des sceaux avec de l'eau et des grosses bouteilles et ces

26 jeunes garçons, ces hommes, jeunes hommes, garçons, venaient nous porter de

27 l'eau et j'en ai compté quatre.

28 Q. Est-ce que tout le monde était en mesure d'avoir de l'eau ?

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1 R. Non. La partie du gymnase du fond, il était absolument impossible

2 d'avoir de l'eau -- de prendre de l'eau. Les gens qui étaient assis

3 complètement au fond de la salle, l'eau n'arrivait pas à eux, c'est-à-dire

4 que les garçons transportaient cette eau et lorsqu'ils arrivaient vers la

5 moitié de la salle, tout le monde avait déjà bu l'eau. Donc, il était

6 impossible que les personnes qui étaient assises au fond de la salle aient

7 un goûte d'eau.

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Thayer, nous aurons une pause

9 dans cinq minutes.

10 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 Q. Pourriez-vous nous décrire, Monsieur, quel effet la chaleur avait sur

12 vous pendant votre séjour dans ce gymnase dans cette salle ?

13 R. Il m'en a fallu de peu pour que je ne m'évanouisse également. Mais mon

14 oncle, Haris, qui était avec moi pendant toute cette période, m'a quelque

15 peu encouragé, il m'a dit : "Soit fort." La température était tellement

16 épouvantable, il faisait tellement chaud à l'intérieur, on avait tellement

17 peu d'air, tout le monde était entassé, il était absolument impossible de

18 respirer. D'ailleurs, non pas seulement parce qu'il faisait tellement

19 chaud, mais aussi parce qu'on était assis de cette façon-là, les genoux

20 pliés contre le menton, donc, notre cage thoracique était quelque peu

21 écrasée par cette position.

22 Q. Pendant toute la période pendant laquelle vous étiez dans ce gymnase,

23 est-ce que quelqu'un a offert de vous donner des soins médicaux ?

24 R. Non.

25 Q. Qu'en est-il de la nourriture ? Est-ce que vous avez pu manger quelque

26 chose ?

27 R. Non.

28 Q. Est-ce que vous avez vu si certains prisonniers s'étaient fait sortir

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1 du gymnase ?

2 R. J'ai vu un homme qui n'en pouvait plus, il était complètement perdu à

3 cause de toute cette chaleur. Donc, il s'est levé et il a dit : "N'ayez pas

4 peur, nous sommes très nombreux et personne ne peut rien nous faire."

5 Alors, le commandant est arrivé et lui a dit : "Pourquoi tu t'es levé,

6 c'est qui s'est levé ?" Il a dit oui, il a dit alors : "Sortez-le à

7 l'extérieur; sinon, on va vous tirer dessus," alors tout le monde a fait en

8 sorte qu'il puisse sortir et puis à la même entrée ou la sortie du gymnase,

9 c'est là qu'on a tiré une rafale sur lui, c'est-à-dire, les soldats qui

10 étaient là l'on tué sur place. Je ne sais plus où ils l'ont emmené et ils

11 ont demandé : "Y a-t-il quelqu'un d'autre qui partage son opinion ? Si oui,

12 levez-vous." Alors, nous on a rien dit et puis voilà, cela s'est terminé

13 ainsi.

14 Q. Je souhaiterais vous arrêter ici pour vous poser quelques questions sur

15 ce même sujet avant la pause.

16 Il y a quelques instants, vous avez dit que le commandant était venu

17 et avait dit : "Qui a dit cela" et ensuite au compte rendu d'audience, on

18 peut lire qu'il n'a pas fait cela. C'est-à-dire, est-ce que vous avez dit :

19 "Il n'a pas fait cela." Est-ce que vous pourriez nous dire ce qu'il voulait

20 dire exactement, c'est ce qu'on peut lire au compte rendu d'audience,

21 alors, qui ne voulait pas faire quoi ?

22 R. Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que le commandant qui était

23 la personne principale là, on voyait très bien que c'était lui qui donnait

24 des ordres à ses soldats et, donc, il est entré dans la pièce et il a dit :

25 "Y a-t-il quelqu'un d'autre qui partage son opinion ? Si oui, levez-vous."

26 Est-ce que c'est cela la question que vous posez, Monsieur ?

27 Q. Pour revenir à l'événement, vous nous avez expliqué comment les choses

28 se sont déroulées lorsque le commandant ou la personne que vous avez

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1 identifiée comme étant le commandant est entrée dans la salle, le compte

2 rendu d'audience se dit comme suit : "Il n'a pas voulu faire cela" lorsque

3 vous avez dit : "Il n'a pas voulu faire cela," je ne sais pas à qui vous

4 aviez fait référence.

5 R. Je n'ai pas dit cela. J'ai dit : "Il est entré dans la salle et il a

6 dit : "Faites-le sortir de la pièce." Il n'a pas voulu sortir par lui-même,

7 alors, lui il a dit : "Je vais tirer sur vous tous si vous ne poussez pas

8 cette personne -- si vous ne vous assurez pas que cette personne soit

9 placée à l'extérieur de la pièce, c'est ainsi que tout le monde l'a poussé

10 et donc il s'est retrouvé devant l'entrée."

11 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que l'heure

12 est opportune pour prendre la pause.

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien, Monsieur Thayer, Monsieur

14 Oric. Nous aurons une pause de 20 minutes et nous nous retrouverons ici

15 dans 20 minutes et essayez d'être ponctuels, je vous prie, pour ce qui est

16 des parties, donc, je m'adresse aux parties.

17 --- L'audience est suspendue à 15 heures 40.

18 --- L'audience est reprise à 16 heures 03.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous écoute, Monsieur Thayer. Vous

20 pouvez continuer.

21 M. THAYER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 Q. Vous souvenez-vous s'il y avait des officiers serbes hauts gradés qui

23 étaient arrivés à un moment donné dans le gymnase ?

24 R. A un moment donné, j'étais en train de m'entretenir avec mon oncle et

25 j'ai entendu des personnes dire : "Voilà, Mladic arrive." J'ai relevé ma

26 tête, nous l'avons vu. Il était dans le hall d'entrée juste devant la porte

27 d'entrée du gymnase et il était en train de parler avec le mec qui portait

28 des lunettes, et il était en train de regarder les personnes assises dans

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1 la salle pendant quelques minutes, peut-être trois à quatre minutes.

2 Ensuite, il est ressorti à l'extérieur. Il s'est éloigné.

3 Q. Que vous est-il arrivé ensuite, Monsieur ?

4 R. Je ne sais pas combien de temps s'était écoulé entre ce moment-là et le

5 prochain incident, mais la personne avec des lunettes de soleil nous a dit

6 de nous préparer parce que nous allions être transférés au camp de

7 Batkovici et de sortir assis, pour ne pas nous lever. La porte était à

8 droite, il y avait une pièce qui était -- c'était des vestiaires et il y

9 avait une sortie vers l'extérieur depuis ce vestiaire, et il y avait des

10 grilles, il y avait comme une porte en bois, en fait, c'était des grilles

11 en bois, cela ressemblait à un instrument de gymnastique. Donc, voilà, nous

12 avons vu cette chose-là -- cette grille-là et, ensuite, nous nous sommes

13 préparés pour aller au camp de Batkovici.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que le nom de Batkovici voulait

15 dire quelque chose au témoin ? C'est-à-dire, est-ce que le témoin en avait

16 jamais entendu parler? Est-ce que le témoin avait entendu parler de

17 Batkovici, du camp de Batkovici ou de l'endroit appelé Batkovici ? Est-ce

18 que le témoin pourrait nous dire si les personnes qui étaient avec lui

19 avaient également connaissance de l'existence de ce camp ?

20 M. THAYER : [interprétation]

21 Q. Est-ce que vous avez compris la question, Monsieur ?

22 R. Oui, Monsieur. C'est le camp de Batkovici à Bijelina et c'était bien

23 connu comme camp.

24 Q. Lorsque vous parlez de camp, de quel type de camp parlez-vous ?

25 R. Je parle d'un camp dans lequel étaient situés des Bosniaques détenus.

26 Q. Selon vous, quelle était votre compréhension de ce qui allait vous

27 arriver et ce qui allait arriver aux prisonniers du camp ?

28 R. Je n'ai pas très bien saisi votre question.

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1 Q. Selon vous, qu'est-ce que vous aviez pensé ? Pourquoi est-ce que vous

2 alliez au camp de Batkovici ou quel était le but de l'existence du camp de

3 Batkovici ?

4 R. Lorsqu'on nous a dit que nous irons au camp de Batkovic, nous avons cru

5 que ce camp de Batkovici était un camp enregistré, donc nous estimions

6 qu'il y avait une possibilité d'échange, mais lorsqu'ils ont emmené près de

7 la porte de sortie des tables et lorsqu'ils ont emmené des boites, des

8 seaux d'eau, des canisses avec de l'eau. Lorsqu'ils ont commencé à sortir,

9 ils leur ont d'abord bandé les yeux et on leur donnait une tasse d'eau à

10 boire, une gamelle d'eau à boire et ces personnes sortaient. Alors, nous,

11 nous nous sommes dits : mais pourquoi est-ce qu'ils leur bandent les yeux ?

12 C'est ainsi que les choses se sont passées.

13 Q. Permettez-moi de vous arrêter ici, Monsieur, et dites-nous si vous

14 pourriez expliquer aux Juges de la Chambre de quelle façon est-ce que vous-

15 même et les autres prisonniers avaient été sortis du gymnase ?

16 R. Lorsqu'ils ont placé cette table et ces chaises, deux personnes se sont

17 faites sortir de la salle. Je connaissais l'un d'eux qui s'appelait Mezir

18 Gusic, et c'est lui qui bandait les yeux. Mais il ne fallait absolument pas

19 se lever. Il fallait ramper jusqu'à la table, ensuite, lorsqu'on arrivait à

20 la table, on avait le droit de se relever, on nous donnait une gamelle

21 d'eau et on nous emmenait -- tous d'ailleurs, on nous emmenait une gamelle

22 d'eau, on bandait les yeux des prisonniers et, ensuite, on plaçait les

23 prisonniers à bord de l'autobus, et ce, jusqu'à ce que j'en arrive. Lorsque

24 je suis arrivé, cinq groupes étaient avant moi, et je faisais partie du

25 sixième groupe.

26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ligne 5, page 29 du compte rendu

27 d'audience, pourrait-on demander au témoin de répéter le nom de la personne

28 qui bandait les yeux des prisonniers ? C'était Mezir quoi ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était Mezir Gusic, G-U-S-I-C Mezir --

2 prénom, Mezir.

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Fort bien. Pourriez-

4 vous décrire le lieu où on bandait les yeux des détenus ? Est-ce que

5 c'était dans le gymnase ou était-ce à l'extérieur du gymnase ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit, il y avait une toute

7 petite pièce qui se trouvait en plein milieu de la salle à droite. Je crois

8 que c'était un vestiaire de plus petite taille et ce vestiaire était

9 quelque peu éloigné du gymnase, c'est-à-dire qu'il ne faisait plus vraiment

10 partie du gymnase, mais on pouvait y accéder par le gymnase et c'est là que

11 l'on bandait les yeux de prisonniers. C'est de là depuis cette pièce que

12 nous montions à bord des camions.

13 Q. Dans ce vestiaire, est-ce qu'il y avait d'autres soldats serbes ?

14 R. Oui. Il y avait dans le coin gauche une jeune femme. Elle portait un

15 uniforme de camouflage et elle portait sur elle un fusil automatique prêt à

16 tirer, et il y avait quatre ou cinq hommes armés, soldats armés à côté

17 d'elle.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Thayer, je demanderais que vous

19 posiez une question en guise de précision au témoin. J'aimerais savoir ce

20 qu'il entend par le mot "soldat," et je souhaiterais également que le

21 témoin nous décrive en détail l'aspect du commandant outre le fait qu'il

22 nous ait dit que le commandant avait des cheveux foncés et portaient des

23 lunettes foncées, eu égard à son expérience en tant que soldat, je crois

24 qu'il serait plutôt en mesure de nous décrire la tenue vestimentaire de ce

25 commandant.

26 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

28 M. THAYER : [interprétation]

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1 Q. Monsieur, est-ce que vous pourriez nous décrire ce commandant que vous

2 avez décrit un peu plus tôt comme étant la personne qui a fait éruption

3 dans le gymnase ? Pourriez-vous nous donner un peu plus de détail quant à

4 son apparence -- de son uniforme, y avait-il des signes distinctifs, et

5 cetera ? Quel rang il appartenait ? A quel détachement ?

6 R. Cette personne qui selon moi est un commandant n'est jamais entré dans

7 la salle de gymnastique. Il était très grand de taille. Il faisait peut-

8 être deux mètres et portait un uniforme noir. Il n'avait pas d'uniforme de

9 camouflage mais bien un uniforme foncé noir avec des lunettes de soleil

10 noires. Il avait des cheveux très foncés. Je n'ai vu aucune autre insigne,

11 aucun autre signe distinctif me permettant de voir quel était son rang

12 parce qu'il ne s'ait jamais suffisamment rapproché. Selon ce que j'ai pu

13 remarquer il était le commandant. C'est lui qui donnait des ordres aux

14 autres soldats serbes. C'est lui qui leur disait quoi faire.

15 Q. Pourriez-vous nous dire à quelle distance vous étiez assis par rapport

16 à l'entrée au gymnase ?

17 R. J'étais assis vers le milieu de la pièce et je ne sais pas à quelle

18 distance en mètres, j'étais de la porte d'entrée donc j'étais vers le

19 milieu de la salle. J'étais au centre de la salle et je n'ai pas non plus

20 mesuré la salle, donc, je ne peux pas vous dire à quelle distance je me

21 trouvais de la porte d'entrée.

22 Q. Fort bien. Maintenant, concernant les soldats, vous nous avez dit que

23 ces soldats étaient dans ce vestiaire, alors que l'on vous bandait les

24 yeux. A ce moment-là, est-ce que vous étiez en mesure de nous dire de

25 quelle façon ils étaient vêtus ? Est-ce que vous avez pu comprendre quelle

26 unité ils appartenaient ? A quel détachement, ou et cetera, et cetera ? A

27 quel brigade ? Est-ce que vous avez pu le remarquer ?

28 R. Je n'ai pas pu le remarquer, donc, je ne veux pas vous en parler

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1 puisque dès que l'on se relevait on nous bandait les yeux immédiatement et

2 on était immédiatement emmené vers le camion. Je n'ai pas pu voir comment

3 ils étaient habillés, donc je ne peux pas vous dire à quelle unité ils

4 appartenaient.

5 Q. Pour revenir à la question du Juge Kwon, est-ce que le témoin pourrait

6 nous expliquer comment fait-il pour dire qu'il s'agissait de soldats ?

7 Qu'est-ce qui le porte à croire qu'il s'agissait de soldat ?

8 R. Monsieur le Président, je n'ai pas vu à quelle unité ces hommes

9 appartenaient puisqu'ils portaient des uniformes de camouflage et portaient

10 des armes, ils étaient armés. S'agissant de leur insigne, je ne peux pas

11 vous le dire puisque je ne sais pas à quelle unité ils appartenaient. Mais

12 selon les uniformes de camouflage et les fusils qu'ils avaient je pourrais

13 -- j'étais certain qu'il s'agissait de soldats.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce qu'ils portaient des bérets ?

15 M. THAYER : [interprétation]

16 Q. Est-ce que ces personnes, que vous avez identifiées comme étant des

17 soldats, portaient-ils des couvre-chefs ?

18 R. Non, non, ils ne portaient rien sur la tête. En tout cas, je n'ai rien

19 vu.

20 Q. Est-ce que vous pouvez décrire à la Chambre quelle a été votre

21 expérience pendant que vous aviez les yeux bandés et que vous vous trouviez

22 dans ce gymnase ? Qu'est-ce que vous avez entendu ? Qu'est-ce que vous avez

23 pu observer ?

24 R. Ils nous ont simplement dit de ne pas trop se pousser les uns les

25 autres et que personne ne devrait se lever et c'est tout. Si vous me

26 demandez ce dont nous discutions entre nous je peux vous dire que nous

27 étions en train de nous demander si on nous emmènerait dans un camp, si on

28 allait nous tuer, nous trouvions très suspect le fait qu'on nous bandait

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1 les yeux, si on allait nous emmener dans un camp pourquoi est-ce qu'on nous

2 bandait les yeux ? Je ne me souviens de rien d'autre.

3 Q. Est-ce que les prisonniers ont été appelés et réunis en groupes, ou

4 est-ce que c'était un prisonnier après l'autre ?

5 R. Un prisonnier après l'autre et lorsque nous approchions de la porte

6 nous sortions. Il n'y avait aucun moyen pour quelqu'un qui était à

7 l'arrière de passer à l'avant de la queue. Nous n'avions pas le droit de

8 nous lever avant d'être appelés et les gens n'étaient pas appelés par leurs

9 noms ou par groupes. Nous avons quitté la salle de sports un à un.

10 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire environ combien de personnes il y

11 avait près de vous pendant que vous attendiez avec les yeux bandés ?

12 R. Près de moi, il y avait mes parents et les voisins que je connaissais.

13 A côté de moi, il y avait Nurif Hodzic. Il y avait aussi Ehrem Hasanovic,

14 Haris Hasanovic, mes parents; et il y avait aussi Hakija et Eso Malic, un

15 père et son fils. Nous étions convenus de rester ensemble si on nous

16 emmenait à Batkovici, de ne pas nous séparer. Nous avons tenté de sortir en

17 un seul groupe et c'est comme cela qu'on a réussi à sortir de la salle de

18 sports tous ensemble, bien que quelques autres personnes aient rejoint

19 notre groupe. Douze ou 13 personnes montaient dans un camion, ensuite, on

20 entendait le camion suivant, mais tout s'est passé très rapidement. Les

21 camions revenaient très vite. On se demandait comment cela se faisait que

22 ces camions pouvaient revenir aussi vite. Nous étions près de Zvornik et

23 donc nous n'étions pas près de Bijelina, donc, ce n'était pas possible que

24 ces camions reviennent aussi vite.

25 Q. Comment savez-vous que ces camions revenaient, puisque vous aviez les

26 yeux bandés ?

27 R. Je ne sais pas. Je pense -- je me suis dit qu'il ne pouvait pas y avoir

28 tant de camions au même endroit en même temps. Nous entendions partir et un

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1 autre arriver, nous pouvions les entendre partir et arriver, se stationner,

2 donc, c'est ce que j'ai déduit les nombres très élevés. En fait, les

3 nombres étaient très élevés.

4 Q. En fait, est-ce que vous vous souveniez de qui vous a bandé les yeux ?

5 R. C'est Mezir Gusic qui nous a bandé les yeux. Il était originaire de

6 Klizevci. Il nous a bandé les yeux. Lorsque je me suis levé, je lui ai

7 demandé : "Qu'est-ce que vous pensez ? Où est-ce qu'on va nous emmener ?"

8 J'avais les yeux pleins de larmes, il m'a dit : "Je ne sais pas," il m'a

9 bandé les yeux. Quelqu'un m'a saisi par le bras et je suis monté dans le

10 camion et j'ai pu voir, en regardant sous le bandeau, qu'il y avait un gros

11 pneu sur le camion. Je suis passé à côté de ce pneu, il y avait des bancs

12 des deux côtés du camion, je me suis assis et mes parents m'ont rejoint.

13 Q. Je me suis vous arrêter. Le compte rendu indique que vous avez demandé

14 à M. Gusic : "Que pensez-vous ? Où est-ce qu'on va nous emmener," et votre

15 témoignage dit : "J'avais les yeux pleins de larmes." Est-ce que c'est

16 exact ? Est-ce que vous aviez les yeux pleins de larmes ?

17 R. Non, ses yeux, ses yeux.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant.

19 M. MEEK : [interprétation] J'ai une objection à cette question. Elle a déjà

20 été posée, c'est répétitif et il n'y a aucune raison pour laquelle

21 l'Accusation la reposerait.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Sa réponse montre bien que c'était une

23 question nécessaire parce que cela précise le compte rendu. Donc, allons de

24 l'avant.

25 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Thayer.

26 Merci, Monsieur Meek.

27 M. THAYER : [interprétation]

28 Q. Est-ce que vous vous souvenez exactement quels étaient vos parents qui

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1 étaient près de vous dans ce camion ?

2 R. Tout ceux que j'ai mentionnés, Haris Hazanovic, Edhem Hazanovic, Esad

3 Hakija, Malic, donc, le père et le fils. Nurif Hodzic. Ils étaient avec moi

4 et il y avait encore d'autres gens qui nous ont rejoint, mais je ne les

5 connaissais pas. Ils ont rempli notre camion avec encore d'autres personnes

6 que je ne connaissais pas.

7 Q. Une fois que vous étiez dans le camion, est-ce que vous avez interagi

8 avec l'un ou l'autre des parents que vous venez de citer ?

9 R. Dans la salle de sports, un parent a eu la possibilité d'échanger

10 quelques mots avec les soldats serbes. Je ne le voyais pas bien, je suppose

11 qu'il demandait une cigarette. Mais une fois que nous étions dans le

12 camion, il m'a dit : "Tiens, prends une cigarette." Je suppose qu'il a

13 allumé la cigarette dans le camion, il a donné la cigarette et j'ai soulevé

14 le bandeau pour prendre la cigarette et j'ai vu qu'il y avait une voiture

15 rouge qui nous suivait derrière nous et il y avait un soldat serbe portant

16 un fusil qui regardait par la fenêtre. Il m'a dit de remettre le bandeau.

17 La bâche était ouverte au fond, donc, il pouvait me voir depuis la voiture.

18 Alors, j'ai réajusté mon bandeau.

19 Q. Duquel de vos parents s'agissait-il ? De quel parent avez-vous eu cette

20 interaction concernant la cigarette ?

21 R. Haris Hazanovic.

22 Q. A peu près combien de temps vous a-t-il fallu pour arriver à votre

23 destination, Monsieur ?

24 R. Quatre ou cinq minutes.

25 Q. Est-ce que vous voudrez bien décrire à la Chambre ce qui s'est passé

26 une fois que vous êtes arrivé sur place ?

27 R. Lorsque nous sommes arrivés à cet endroit, lorsque les camions se sont

28 arrêtés, ils nous ont dit de descendre, de nous dépêcher. Nous sommes

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1 descendus, il fallait sauter, le camion n'était pas si élever et c'était un

2 assez petit camion et j'ai pu voir sous le bandeau que je me trouvais dans

3 une clairière. Un de mes parents m'a appelé, il est aussi descendu du

4 camion, je me suis retourné et ensuite ils nous ont demandé de nous

5 aligner. Je suppose que nous étions dans un groupe, nous formions un groupe

6 compact et puis, ce parent, par la main, il m'a dit : "Ils vont nous tuer."

7 Je lui ai répondu : "Non, ce n'est pas vrai, ne t'inquiète pas." C'est à ce

8 moment-là les rafales ont commencées. Les camions sont repartis et ils ont

9 commencé à tirer sur nous. Mon parent a été tué tout de suite, il hurlait,

10 il me serrait la main très fort. J'ai écarté sa main, je me suis jeté par

11 terre et il est tombé sur moi, sur mon dos -- le bas de mon dos, et à

12 partir de ce moment-là, j'ai fait le mort. Son corps tremblait, son corps

13 était sur moi et tremblait et puis, il est devenu rigide, donc, il est mort

14 sur moi. Les autres membres du groupe -- ou peut-être deux ou trois d'entre

15 eux, ont commencé à gémir, à hurler parce qu'ils étaient blessés et, donc,

16 ces autres hommes sont venus les achever. C'est comme cela que cela s'est

17 passé. On emmenait les gens sur place et on les tuait.

18 Q. Avez-vous été blessé par les tirs ?

19 R. Non.

20 Q. Vous avez indiqué que cela a continué -- que l'on continuait à emmener

21 des gens et qu'ils étaient tués. Comment avez-vous pu parvenir à cette

22 conclusion que c'est cela qui se passait ?

23 R. C'est ce que j'ai déduit de l'arrivée des camions en entendant ces

24 mêmes mots, alignez-vous, en entendant les rafales, en entendant les

25 blessés hurler et puis, être achevés. Cela a continué, cela s'est

26 poursuivi. Je sentais les balles siffler juste au-dessus de moi, j'ai eu

27 peur qu'un de ces balles ne me blesserait. Ils ont alignés ces autres gens

28 devant notre groupe et ils continuaient à tomber et je pouvais entendre

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1 tout cela.

2 Q. Est-ce que vous avez entendu les soldats serbes dire quoi que ce soit

3 au cours de ce processus ?

4 R. Si quelqu'un était blessé, on l'appelait par le nom de ou le terme

5 Zulfo, ils disaient : "Voilà encore un Zulfo qui se débat." Ensuite,

6 j'entendais des coups de feu, j'ai entendu des gens qui leur demandaient :

7 "Tuez-moi," et puis ils les injuriaient, ils leur disaient : "Souffrez

8 encore un peu, Oustachi" ou "Musulmans" et parfois, ils ne les achevaient

9 pas tout de suite, mais les laissaient là à souffrir et à agoniser pendant

10 quelque temps.

11 Q. Est-ce qu'ils ont bien utilisé le terme "Musulmans" ? Est-ce que c'est

12 le terme que vous les avez entendu utiliser ou s'agit-il d'un autre terme ?

13 R. "Zulfo" est un nom musulman et c'est le terme qu'ils utilisaient le

14 plus souvent. Zulfo était la personne qui achevait les personnes blessées.

15 Ils l'appelaient, ce Zulfo, et ils lui disaient : "Zulfo, en voilà encore

16 un qui n'est pas encore mort."

17 Q. Outre les camions que vous avez entendus, est-ce que vous avez entendu

18 d'autres véhicules encore ?

19 R. Oui. Alors que j'étais allongé par terre, à ma droite, j'entendais les

20 moteurs qui marchaient, il y avait quelque chose qui se passait,

21 j'entendais le bruit de ces moteurs.

22 Q. Sur la base du bruit des moteurs, est-ce que vous aviez une idée quant

23 au type de moteur dont il s'agissait ?

24 R. D'après le son, je pouvais identifier qu'il s'agissait de moteurs plus

25 gros, et lorsque je me suis levé et que je les ai vus, j'ai vu qu'il

26 s'agissait de matériel de construction que l'on utilise pour des

27 excavations et pour charger du matériel sur les camions.

28 Q. Très bien. Nous y reviendrons dans quelques instants. Pourriez-vous

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1 évaluer pour la Chambre pendant combien de temps ce processus de va et

2 vient des camions et de tirs a continué ?

3 R. Jusqu'au moment où certaines personnes se sont enfuies, une personne a

4 commencé à fuir vers la forêt, ils lui ont tiré dessus et puis, un autre

5 s'est levé dans leur dos et a pris la fuite. Ils n'ont pas réussi à le

6 tuer, mais ils ont dit qu'ils le tueraient plus tard dans une embuscade.

7 L'un d'entre eux a juré, a dit : "Vous n'avez pas fait ce qu'il fallait. Il

8 faut les achever par des coups de feu à la tête." C'est ce qu'ils ont fait,

9 ils sont passés de l'un à l'autre et, quand ils sont venus vers moi, cette

10 même personne a tiré un coup de feu dans la tête de mon parent. A ce

11 moment-là, je ne sais plus, peut-être que je m'étais endormi et je m'étais

12 évanoui, mais, à partir de là, je ne me souviens plus de rien.

13 Q. Très bien. Est-ce que vous vous souvenez à peu près jusqu'à quel moment

14 de la journée ces exécutions ont continué, autant que vous vous en

15 souveniez ?

16 R. Je ne peux pas vous dire avec exactitude, mais je dirais à un moment de

17 l'après-midi, peut-être 13 heures ou 14 heures, je ne sais pas exactement,

18 mais le soleil était assez haut dans le ciel, donc, à un moment de l'après-

19 midi, entre 13 heures et 15 heures, je dirais.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne pense pas que la réponse soit

21 assez claire.

22 M. THAYER : [interprétation] Je comprends bien, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Merci.

24 M. THAYER : [interprétation] J'y arrive.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Si le témoin a besoin d'une courte

26 pause, on peut la lui accorder. Il faudrait peut-être lui poser la

27 question.

28 M. THAYER : [interprétation]

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1 Q. Monsieur Oric, si à moment donné vous avez l'impression que vous auriez

2 besoin d'une pause, je suis sûr que la Chambre sera disposé à vous

3 l'accorder, donc, n'hésitez pas à nous le dire. Est-ce que vous êtes prêt à

4 poursuivre ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que vous pourriez donner une estimation du temps pendant lequel

7 ces exécutions ont duré pendant cette journée alors que vous faisiez le

8 mort ?

9 R. Cela a pris un certain temps, peut-être une heure environ. Ils ont

10 continué à faire venir ou à emmener des gens et puis, je me suis évanoui.

11 Entre le moment où je suis tombé à terre et où j'ai commencé à faire le

12 mort, et le moment où je me suis évanoui, je crois que cela a duré une

13 heure. Pendant tout ce temps, ils amenaient des gens sur place et les

14 tuaient. Peut-être que cela a duré moins de temps, je ne sais pas.

15 Q. Vous nous dites qu'à un certain moment, vous vous êtes évanoui. Pouvez-

16 vous dire à la Chambre ce dont vous vous souvenez après cela ?

17 R. Je me suis réveillé en fin d'après-midi, il pleuvait, j'étais à moitié

18 déshabillé, je n'avais plus de chemise. Il a commencé à pleuvoir, je pense

19 que c'est la pluie qui m'a réveillé. J'ai enlevé mon bandeau, il faisait

20 déjà nuit, je voyais des lumières, je n'ai pas osé lever la tête et je suis

21 resté allongé par terre, et ils ont continué à amener des gens. J'ai aussi

22 entendu des gens qu'on faisait descendre des camions et qui suppliaient :

23 "Ne nous tuez pas, nous ne sommes coupables de rien." Mais ils faisaient

24 déjà nuit quand cela se passait.

25 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était la source de la lumière qui vous

26 éclairait lorsque vous vous êtes réveillé ?

27 R. Sans doute ces grandes machines qui travaillaient à côté, sans doute

28 leurs lumières qui m'éclairaient. Quand je me suis levé, j'ai vu une

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1 chargeuse, un excavateur et je suppose que ce sont leurs lumières qui

2 m'éclairaient. Peut-être qu'avant il y avait encore autre chose dont les

3 lumières étaient allumées et que cette machine est repartie, mais j'ai bien

4 vu un excavateur avec ses phares illuminés.

5 Q. Très bien. Maintenant, juste pour être précis, lorsque vous êtes revenu

6 à vous et qu'il pleuvait, vous avez témoigné que vous avez enlevé votre

7 bandeau. Est-ce que vous vous êtes levé, à ce moment-là, ou à un autre

8 moment ?

9 R. J'ai enlevé le bandeau très lentement, je n'ai pas osé lever la tête et

10 je ne me suis certainement pas levé. Je suis resté allongé au sol et je

11 voyais qu'il y avait des lumières qui m'éclairaient et c'est la raison pour

12 laquelle je n'osais pas me lever parce qu'ils m'auraient vu tout de suite.

13 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce dont vous vous souvenez, après ce

14 moment-là ?

15 R. Après, la tuerie a continué, je ne sais pas pendant combien de temps. A

16 un moment donné, je me souviens que quelqu'un a dit -- enfin, tout d'abord,

17 un véhicule est arrivé et lorsqu'on a entendu ce véhicule, il n'y avait

18 plus de tirs et j'ai entendu quelqu'un dire : "Voilà, nous en avons fini.

19 Il nous faudra laisser des gens derrière nous." Ils ont commencé à se

20 dispute, en disant qu'il n'était pas nécessité que quelqu'un reste sur

21 place puisque nous étions tous morts, qu'ils allaient se rendre ailleurs,

22 se reposer un peu et que, le lendemain, ils allaient jeter nos corps dans

23 une fosse. Ils ont donc éteint les moteurs et puis, je les ai entendu

24 partir. Je suis resté à terre pendant dix ou 15 minutes, environ, peut-être

25 plus, et j'écoutais pour voir si quelqu'un était peut-être resté et si ce

26 n'était pas simplement une tactique ou une stratégie.

27 Q. Permettez-moi de vous arrêter. Pendant que vous entendiez ces

28 conversations, est-ce que vous vous souvenez des mots qu'ils ont utilisés

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1 pour décrire les prisonniers morts ? S'ils ont utilisé de tels mots.

2 R. Ils ont utilisé des termes péjoratifs, des injures. Ils ont dit : "-- 1

3 : 15, ils sont tous morts, il n'y a pas de raison qu'on reste." C'est ce

4 qu'ils se disaient en discutant entre eux.

5 Q. Est-ce qu'il y avait un terme en particulier, un terme péjoratif qu'ils

6 utilisaient pour décrire les prisonniers morts ?

7 R. Pendant la journée, avant que je ne perde conscience, ils utilisaient

8 les mots -- le mot "Turcs." Ils injuriaient nos mères turques, ils disaient

9 que nous serions mieux morts. Beaucoup de choses ont été dites alors que

10 j'étais encore conscient.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous interromps parce que, sinon,

12 nous allons oublier une chose. Il y a une chose que nous n'avons pas

13 entendu le témoin dire. Pendant le temps où il était encore conscient et il

14 entendait l'arrivée des camions, il entendait les tirs et puis, il

15 entendait les camions repartir et ainsi de suite, est-ce qu'il pourrait

16 nous dire aussi précisément que possible à quelle fréquence les camions

17 arrivaient ? Vous avez dit que cela a duré avant une heure avant que vous

18 ne perdiez conscience et, pendant cette heure, ces camions arrivaient et

19 repartaient, arrivaient et repartaient. A quel rythme, à quelle fréquence

20 est-ce qu'un camion suivait un autre ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être toutes les

22 quatre ou cinq minutes. Comme je suis arrivé, les autres sont arrivés à

23 toutes les quatre ou cinq minutes et je pense qu'ils utilisaient deux

24 camions. Un camion amenait les gens alors qu'à l'autre bout, on chargeait

25 un deuxième camion. Donc, cela se passait très vite. Toutes les quatre ou

26 cinq minutes, un camion arrivait, les gens descendaient, ils étaient tués.

27 Le camion repartait et cela continuait.

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Si j'ai bien compris, vous nous avez

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1 dit que, lorsque vous avez repris conscience, l'arrivée des camions et les

2 coups de feu continuaient; est-ce exact ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que l'arrivée des camions

5 pendant la nuit était au même rythme à la même fréquence que plus tôt,

6 c'est-à-dire, toute les quatre ou cinq minutes ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pendant combien de temps est-ce que

9 cela a duré, jusqu'à ce que vous n'entendiez plus de coups de feu ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'était pareil, c'était

11 toutes les quatre, cinq minutes, mais, à ce moment-là, les gens savaient ce

12 qui se passaient, les gens pleuraient et les suppliaient de ne pas être

13 tués et, donc, cela a duré encore une heure et puis, enfin, ce véhicule est

14 arrivé et puis, j'ai entendu prononcer les mots : "C'est bon, c'est

15 terminé."

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y, Monsieur Thayer.

17 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Q. Vous avez dit, dans votre témoignage, qu'après que vous ayez entendu

19 les soldats quitter cet endroit, vous avez attendu un petit peu. Pouvez-

20 vous reprendre à partir de ce point-là et dire aux Juges de la Chambre ce

21 qui s'est passé après ?

22 R. Dix ou 15 minutes plus tard, j'ai essayé de bouger, mais mon corps

23 était engourdi. Donc, d'abord, j'ai essayé de bouger mes bras et puis,

24 après je me suis relevé, je me suis mis à genoux. J'ai déplacé le corps de

25 mon cousin qui était sur moi, je me suis levé. Le ciel était nuageux, on

26 voyait quand même le clair de lune. Donc, quand j'ai vu le champ, la

27 prairie couverte de corps, j'ai eu très peur. J'ai commencé à pleurer, je

28 ne pouvais pas m'arrêter. Quelqu'un m'a demandé si j'étais blessé et je me

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1 suis dis peut-être que c'est un fantôme ou un soldat serbe. Je ne me

2 rendais pas compte qu'il y avait d'autres gens qui étaient en vie à cet

3 endroit-là. J'ai vu que cette personne ne tirait pas et, donc, j'en ai

4 conclu que c'était quelqu'un qui était vivant et je me suis dirigé vers

5 cette personne-là. C'était difficile de le rejoindre parce qu'il y avait

6 beaucoup de sang, c'était très glissant, il a fallu que je marche sur des

7 corps. Je suis donc arrivé près de lui et je lui ai demandé s'il était

8 blessé. Il a dit que non. Sur notre droite, sur le côté, deux autres

9 personnes ont commencé à crier, à gémir de douleur. Je suis allé les voir

10 et j'ai vu que tous les deux étaient blessés, qu'ils étaient criblés de

11 balles, l'un d'entre eux dans la région de l'estomac et l'autre dans la

12 jambe. L'un d'entre eux m'a dit qu'il n'avait pas de chemises et qu'il

13 avait froid, donc, j'ai pris la chemise d'un autre, d'un corps et je l'ai

14 mise sur lui et puis, je lui ai dit : "Je ne peux pas vous porter, je ne

15 peux pas vous aider parce que je peux à peine marcher moi-même." Il a dit :

16 "Et bien, partez, fuyez." Il m'a demandé une chaussure qui était sur les

17 corps et c'est à ce moment-là que nous avons commencé à partir. Nous avons

18 traversé un vignoble et puis une forêt. Nous ne savions pas où nous

19 allions.

20 Q. Vous avez dit : "Il a demandé une chaussure." Quand vous avez dit : "Il

21 a demandé une chaussure," de qui parliez-vous ?

22 R. Je parle de Hurem Suljic qui était l'un des survivants. Il m'a dit que

23 c'était son nom, Hurem Suljic de Suceska.

24 Q. S'agit-il de l'homme que vous avez vu après que vous ayez pu vous

25 lever ?

26 R. Oui. Oui, c'est lui.

27 Q. Avant que vous et M. Suljic aviez pu quitter cette prairie, avez-vous

28 vu quoi que ce soit dans la prairie ?

Page 964

1 R. Nous avons vu la fosse, la tombe qui était creusée, et derrière, on

2 voyait l'excavateur et la chargeuse. L'excavateur et la chargeuse, c'était

3 les deux engins qui étaient là et la fosse était très profonde. On ne

4 pouvait pas en sortir, elle faisait de cinq mètres de profondeur.

5 Q. Pouvez-vous nous donner une estimation de la longueur de cette fosse ?

6 R. Je ne sais pas. Peut-être plus de dix mètres, peut-être plus. Je ne

7 sais pas. Je ne peux pas vous dire précisément.

8 Q. Je vais vous poser des questions sur ces engins que vous avez vus près

9 de la fosse. Vous étiez en train de fuir, de quitter cette prairie et vous

10 souvenez-vous si les phares de ces engins étaient allumés ou éteints ?

11 R. Au moment où nous étions en train de nous enfuir les phares étaient

12 éteints.

13 Q. Monsieur, vous souvenez-vous d'avoir fait un croquis de ces engins ?

14 Est-ce que cela va ? Est-ce que vous avez besoin d'une pause ?

15 Pouvez-vous continuer ou pas ?

16 R. Cela va. Merci.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons faire une pause dans moins

18 de 20 minutes. A dix minutes après -- 17 heures 10. Je vous le dis de façon

19 à ce qu'il le sache, donc, s'il préfère faire une pause maintenant, cela ne

20 pose pas de problème.

21 C'est à vous de choisir, Monsieur Oric.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous pouvons continuer.

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Continuez, Monsieur Thayer. Très

24 bien.

25 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 Q. Vous souvenez-vous d'avoir fait un croquis des deux engins que vous

27 avez décrits aux Juges de la Chambre tout à l'heure ? Un croquis que vous

28 avez fait en 1995 ?

Page 965

1 R. Oui.

2 Q. La semaine dernière dans mon bureau je vous ai remontré ce croquis.

3 Nous l'avons regardé ensemble.

4 R. Oui.

5 M. THAYER : [interprétation] Pouvez-vous voir afficher la pièce 2093 sur le

6 système e-court, s'il vous plaît ?

7 Q. Voyez-vous une image sur votre écran, s'il vous plaît ?

8 R. Oui.

9 M. THAYER : [interprétation] Peut-on le confirmer que cette pièce apparaît

10 bien sur l'écran tout de le monde ? Je vois des hochements de tête. Très

11 bien.

12 Q. Très bien, Monsieur, continuons. S'agit-il du croquis que vous avez

13 dessiné pour les enquêteurs en 1995 ?

14 R. Oui.

15 Q. Regardons le véhicule - l'engin qui est situé sur la gauche, pouvez-

16 vous nous décrire ce type d'engin et ce à quoi il sert ?

17 R. Le véhicule sur la gauche c'est un engin qui est utilisé sur les

18 chantiers. C'est utilisé pour faire des trous très profonds, et cela sert à

19 creuser de la terre.

20 Q. Le véhicule sur la droite qu'est-ce que c'est ? A quoi cela sert-il ?

21 R. Le véhicule sur la droite c'est aussi un engin qui est utilisé sur les

22 chantiers et c'est utilisé pour charger. En fait, cela a deux fonctions

23 cela peut charger la terre ou pousser le sol ou être rempli.

24 Q. Lorsque vous avez fait ce croquis en 1995, est-ce que vous connaissiez

25 le nom du fabricant de ces machines, de ces deux engins ?

26 R. Je ne connais pas le fabricant. Je sais qu'ils sont utilisés dans les

27 chantiers et qu'ils étaient probablement fabriqués en Serbie mais je ne

28 connais pas la marque en particulier.

Page 966

1 Q. Avez-vous utilisé d'autres termes plus généraux pour parler de ces

2 engins ?

3 R. Le croquis sur la droite, on l'appelle ULT - c'est une abréviation -

4 sur la gauche c'est un excavateur. Certaines sociétés font des véhicules à

5 moteur.

6 Q. Je vous prie de bien vouloir m'excuser, mais le compte rendu d'audience

7 -- la dernière partie de votre réponse n'apparaît pas sur votre compte

8 rendu d'audience et je n'ai pas entendu non plus. Vous avez dit que

9 certaines sociétés fabriquent des véhicules à moteur.

10 R. Ils font -- ils fabriquent des moteurs et des engins à moteur.

11 Q. ULT c'est le terme que vous connaissiez pour ce type d'engin celui qui

12 est cité sur la droite en 1995.

13 R. Oui.

14 Q. Comment se fait-il que vous connaissiez ce type d'engin et les marques

15 et leurs fonctions ?

16 R. Je connais ces engins à cause d'une société, GP Radnik, qui travaillait

17 à Srebrenica et qui utilisait ces machines et je les voyais sur les

18 chantiers, sur la côte et dans d'autres types de chantier.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit la peine de

20 passer plus de temps sur ce point. Je pense que tout le monde sait ce que

21 c'est un excavateur, un bulldozer. Continuons.

22 M. THAYER : [interprétation]

23 Q. Est-ce que vous avez pu voir la couleur de ces deux véhicules ?

24 R. En général, ils sont en jaune, c'est une nuance de jaune.

25 Q. Ce soir-là avez-vous pu voir la couleur de ces engins ?

26 R. Je ne me souviens pas. Ils étaient certainement jaunes.

27 Q. Alors que vous et M. Stojic étiez en train de quitter la prairie,

28 qu'avez-vous vu aux alentours ?

Page 967

1 R. Alors que nous étions en train de nous enfuir, que nous traversions la

2 forêt, nous n'avons rien vu de particulier. Nous étions en train de fuir.

3 Puis, quand nous avons tourné, nous avons pu voir la prairie et au moment

4 où j'étais en train de marcher sur les corps. Cela, c'était vraiment

5 horrible. La prairie était couverte de corps. Au moment-là où je me suis

6 levé, je me suis retourné et j'ai vu une voie ferrée, le remblai de la voie

7 ferrée.

8 Q. Avec M. Suljic --

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, Monsieur Thayer, s'il vous

10 plaît. Il ne nous a pas dit pour l'instant à quel moment de la soirée ou de

11 la nuit il a fini par décider de se lever et de partir avec M. Suljic.

12 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] La question suivante

14 était : lorsqu'il a décidé de partir avec M. Suljic, est-ce qu'il y avait

15 des Serbes ou est-ce qu'il y avait un mouvement quelconque du côté des

16 Serbes, parce qu'ils ont décidé comme cela de parler entre eux dans un

17 endroit ouvert où même le moindre chuchotement pouvait s'entendre ? Donc,

18 est-ce que vous pourriez aborder ces questions-là avec lui ?

19 M. THAYER : [interprétation] Oui, bien sûr, Monsieur le Président.

20 Q. Donc, Monsieur, vous avez dit dans votre témoignage que vous avez

21 attendu que les personnes que vous aviez entendu parler entre elles partent

22 pour décider de vous lever. En dehors de

23 M. Suljic et des deux personnes blessées que vous avez vues, avez-vous vu

24 d'autres personnes vivantes avant de décider de vous enfuir ?

25 R. Non, nous n'avons pas vu -- nous n'avons vu personne. Il n'y avait

26 personne, il n'y avait pas de soldats serbes non plus. Il n'y avait que

27 nous deux, moi et Suljic, et puis deux personnes blessées qui sont restées

28 là-bas.

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1 Q. Vous avez dit qu'il faisait nuit, qu'il y avait des nuages, mais qu'il

2 y avait quand même un clair de lune. Avez-vous une idée de quelle heure il

3 était ce soir-là au moment où vous et M. Suljic avez enfin décidé de

4 quitter la prairie ?

5 R. D'après le froid, j'en conclu qu'il était tard et qu'il était après

6 minuit parce qu'après minuit, la nuit devient très froide, il a fallu que

7 je remette ma chemise. J'avais encore froid même une fois que j'avais remis

8 ma chemise. Ce qui me fait conclure qu'il était très tard.

9 Je n'ai pas vu l'heure, mais je peux en juger d'après ce que je viens

10 de décrire.

11 Q. Vous souvenez-vous de combien de temps cela a pris avant que le

12 soleil ne se lève à partir du moment où vous et M. Suljic avez quitté la

13 prairie ?

14 R. Nous sommes arrivés à une maison incendiée, nous nous sommes cachés

15 dans les buissons. Nous nous sommes endormis. Je ne sais pas quelle heure

16 il était, mais, lorsque nous nous sommes réveillé dans les buissons, le

17 soleil était déjà levé, il faisait déjà chaud.

18 Nous sommes monté en haut d'une colline et nous avons vu des villages

19 autour, des villages habités, Karakaj et d'autres. Je ne peux pas vous dire

20 quelle heure il était quand nous nous sommes réveillés, mais quand nous

21 sommes montés en haut de la colline, nous avons entendu quelqu'un qui

22 criait, qui demandait de l'aide. Je ne sais pas qui c'était, je n'ai pas pu

23 voir qui c'était à cause de la forêt, mais quelqu'un a dit : "Où allez-

24 vous ?" Ils ont crié des injures. Donc, nous avons à nous enfuir parce que

25 nous étions très près de cet endroit-là.

26 Nous sommes arrivés près d'un poirier. Nous nous sommes arrêtés.

27 Hurem a grimpé dans l'arbre et a essayé de cueillir des fruits. Un vieil

28 homme est arrivé, il portait des vêtements civils et il était couvert de

Page 969

1 sang et il est apparu comme cela devant nous et je lui ai demandé qui il

2 était. Il nous a dit que son nom était Smajil Hodzic Cerski et je lui ai

3 demandé que s'est-il passé. Il a dit qu'il y avait un peloton d'exécutions,

4 qu'il y avait une fusillade à côté et qu'il avait réussi à survivre et que,

5 pendant la nuit, il s'était enfui parce que la lumière ne l'avait pas

6 éclairé et qu'il était dans un coin, ce qui fait que pendant la fusillade,

7 il a été en mesure de partir en courant, de s'enfuir parce qu'il était près

8 de la forêt. Donc, il a traversé la forêt, il est rentré dans un tunnel, il

9 l'a traversé et il s'est retrouvé dans une embuscade près de Kalesija.

10 Puis, il est arrivé jusqu'où nous étions et puis, tous les trois, nous

11 sommes partis, nous ne savions pas où nous allions, nous avancions, tout

12 simplement.

13 Q. Est-ce que vous-même et ces deux personnes avez, en fin de

14 compte, réussis à atteindre un territoire libre ?

15 R. Oui, le 21 juillet, nous sommes arrivés à Nezuk, en territoire libre.

16 Q. Je vous remercie.

17 M. THAYER : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions pour l'instant,

18 Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Thayer.

20 Nous allons donc faire une pause de 20 minutes à partir de maintenant et

21 nous commencerons les contre-interrogatoires, Monsieur Zivanovic. Je vous

22 remercie.

23 --- L'audience est suspendue à 17 heures 08.

24 [Le témoin se retire]

25 --- L'audience est reprise à 17 heures 32.

26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] On m'a informé que Mme Fauveau

27 souhaitait dire quelque chose concernant les questions de procédure. Madame

28 Fauveau, nous vous écoutons.

Page 970

1 Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, pendant la session précédente, je suis

2 tombée par hasard en cherchant un document sur une interview que le témoin

3 qu'on a devant nous a donné à un journal bosniaque. C'est une interview qui

4 est évidemment en possession du Procureur puisqu'il porte numéro ERN que je

5 ne peux pas lire parce qu'il est illisible sur le document, qui ne nous a

6 jamais été communiqué. Ce document, pour le moment, nous, on l'a en Serbo-

7 croate et je pense que beaucoup de mes collègues ne l'ont pas vu.

8 Evidemment, aucun des accusés ne l'a vu. Je voudrais demander, au nom de

9 mes collègues qui doivent commencer aujourd'hui le contre-interrogatoire,

10 d'ajourner le contre-interrogatoire jusqu'à demain matin pour que tout le

11 monde puisse prendre connaissance de cette interview et pour que les

12 accusés puissent aussi prendre la connaissance de cette interview.

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Que dit l'Accusation concernant ce

14 point ? J'aimerais les entendre et, ensuite, nous délibérerons.

15 M. McCLOSKEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Monsieur le

16 Président, nous avons de très bons contacts avec

17 Mme Fauveau qui nous a expliqué ce qu'elle a trouvé, c'est-à-dire que nous

18 ne pouvons pas lire le numéro ERN, donc, nous ne pouvons pas retracer le

19 document. Nous avons essayé de retrouver ce document, nous avons fait des

20 recherches très approfondies, mais, lorsque nous avons des interviews dans

21 les journaux, des entretiens publiés dans les journaux, nous essayons

22 toujours de les trouver. Nous avons normalement toujours tout ceci dans nos

23 dossiers. Etant donné qu'il est tard et que le témoin devient également

24 fatigué, eu égard également à l'évaluation du temps, je crois que nous ne

25 perdrions pas trop de temps si nous ajournions pour la journée de demain.

26 Je crois que cela pourrait se passer tout à fait bien et pour ce qui est de

27 M. Ruez, de toute façon, il était censé témoigner mercredi car --

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Je vous interromps pour vous

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1 dire très bien.

2 M. McCLOSKEY : [interprétation] Donc, je crois que, eu égard aux

3 circonstances, je n'ai absolument aucun problème à agir de la sorte.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Je vous remercie également

5 de votre coopération, Monsieur McCloskey. Au même moment, je ne crois pas

6 que le problème a été tout à fait résolu puisque vous n'avez pas été en

7 mesure de retracer le document, n'est-ce pas ?

8 Madame Fauveau, est-ce que vous avez le document sur vous ? Car il vous

9 semblerait et vous comprenez également la langue dans laquelle a été écrit,

10 c'est en Serbo-croate, n'est-ce pas ?

11 Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, je l'ai seulement dans mon ordinateur.

12 Je l'ai regardé un peu rapidement, je ne l'ai pas lu en entier.

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous l'avez dans votre ordinateur en

14 tant que numéro -- c'est-à-dire, cela fait partie du

15 e-court ou est-ce que vous l'avez sur le système EDS ?

16 Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, il fait partie du système EDS, mais il

17 n'est pas mis dans la collection Srebrenica. Il se trouve dans la

18 collection générale, la collection générale que nous, en général, nous ne

19 regardons pas.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Donc, je souhaiterais faire

21 une suggestion. Vous pourriez peut-être vous entendre avec l'Accusation.

22 Nous allons certainement lever la séance. Je crois que -- un instant, je

23 vous prie.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Le point de vue de nos collègues, sans

26 préjudice, bien sûr, est le suivant car nous ne voudrons certainement pas

27 perdre l'heure, en réalité, qu'il nous reste et nous aimerions commencer

28 avec le contre-interrogatoire -- tout du moins avec le premier contre-

Page 972

1 interrogatoire en tenant à l'esprit que, bien sûr, s'il est possible de

2 trouver ce document, si l'Accusation arrive à retrouver ce document et si

3 l'Accusation le communique au conseil de la Défense, à ce moment-là, Me

4 Zivanovic ainsi que M. Meek seraient en mesure de poser d'autres questions

5 supplémentaires à la lumière de ce document, puisque nous n'avons pas non

6 plus connaissance du document -- de la teneur du document.

7 Entre-temps, Madame Fauveau, je vous demanderais d'entrer en contact

8 avec M. Thayer et M. McCloskey pour pouvoir peut-être leur donner des

9 détails plus précis qui leur permettrait de retrouver le document car si

10 c'est un document qui figure dans le fichier EDS, à ce moment-là, il est

11 certainement facile de le retrouver.

12 Puis-je compter sur votre coopération, Madame Fauveau ?

13 Mme FAUVEAU : Oui, bien entendu, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Donc, faisons entrer

15 le témoin et nous verrons que nous pourrons faire. Pour ce qui est du reste

16 de la journée d'aujourd'hui, nous continuerons demain avec possiblement ce

17 document entre les mains et j'espère que l'Accusation pourra entre-temps

18 retrouver le document. Je ne crois pas qu'il y ait plusieurs témoins ou

19 personnes qui s'appellent Mevludin Oric, donc, je présume que c'est bien

20 l'entretien qu'a accordé notre témoin à ce journal. Merci.

21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

22 LE TÉMOIN: MEVLUDIN ORIC [Reprise]

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Monsieur Oric, de nouveau.

25 Maître Zivanovic, je vois que vous vous êtes levé. C'est le conseil

26 principal de l'équipe qui représente l'intérêt de M. Popovic, de Vujadin

27 Popovic, et c'est lui qui vous posera des questions en guise de contre-

28 interrogatoire. On continuera demain.

Page 973

1 Contre-interrogatoire par M. Zivanovic :

2 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Oric. Je m'appelle Zoran Zivanovic,

3 je représente les intérêts de Vujadin Popovic.

4 Je souhaiterais vous ramener aux événements liés à Bratunac le 14 juillet

5 1995 et je souhaite que l'on parle du convoi de véhicules qui a été créé

6 pour transporter ou transférer vous et d'autres détenus vers Zvornik. Avant

7 cela, vous vous êtes trouvé dans le quatrième bus qui était garé devant la

8 porte principale de l'école Vuk Karadzic à Bratunac, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. C'est quatre autocars se sont déplacés pour se garer devant le garage

11 Vihor.

12 R. Non, ce n'est pas un garage, c'est un terrain de stationnement.

13 Q. Oui, excusez-moi. C'est donc l'entreprise Vihor et leur terrain de

14 stationnement.

15 R. Oui, le parking, c'était pour les véhicules défectueux. Ce n'était pas

16 un stationnement principal. C'était des vieilles remorques, ainsi de suite,

17 qui se trouvaient sur ce terrain-là.

18 Q. Très bien. Donc, vous avez attendu à cet endroit-là, un blindé

19 transport de troupes de couleur blanche avec l'indication Nations Unies sur

20 ce blindé. Donc, c'est ce blindé qui était à la tête du convoi et derrière

21 le blindé, dans ces véhicules, vous avez fait une colonne et vous vous êtes

22 dirigés vers Zvornik.

23 R. C'est exact.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Zivanovic et Monsieur Oric, je

25 vous demanderais de ménager des pauses entre les questions et les réponses

26 puisque vous parlez la même langue.

27 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vous remercie.

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je m'adresse à tous les deux, n'est-ce

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1 pas ?

2 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Monsieur Oric, vous avez été mobilisé au sein de l'ABiH, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. C'est après la proclamation de l'état de guerre émis par l'état de

6 Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous étiez le commandant d'une unité, n'est-ce pas ?

9 R. Oui. J'étais le commandant - ou komandir, en B/C/S - d'un peloton.

10 Q. Le 12 juillet 1995, vous vous êtes trouvé à Susnjari, n'est-ce pas ?

11 R. Non, le 11 juillet.

12 Q. D'accord. Le 12 juillet, dans la matinée, vous étiez également à

13 Susnjari, est-ce que je me trompe ?

14 R. Le 12 juillet j'étais à Jaglici. C'est de là que nous sommes partis en

15 direction de Tuzla.

16 Q. D'accord. Très tôt le matin du 12 juillet, on a procédé à un

17 regroupement de personnes par brigade.

18 R. C'est arrivé dans la soirée du 11.

19 Q. Vous avez déclaré autre chose auparavant, mais ce n'est pas tellement

20 important. S'agissant de votre unité, elle a reçu pour tâche de se trouver

21 à la tête de la colonne qui venait de se créer, n'est-ce pas ?

22 R. Ma brigade à moi et mes voisins, les voisins de mon village, enfin, les

23 gens qui habitaient dans les villages avoisinants, nous faisions partie de

24 l'arrière de la colonne.

25 Q. Est-ce que vous aviez un but particulier ? Est-ce que vous deviez par

26 exemple protéger la tête de la colonne -- est-ce que vous deviez protéger

27 l'arrière de la colonne ?

28 R. Non. Pour pouvoir passer en file indienne et pour ne pas marcher sur

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1 des mines antipersonnel, il y avait une autre unité, une unité avec des

2 armes qui était placée à l'arrière, complètement à l'arrière de la colonne.

3 Q. Ils étaient derrière vous ?

4 R. Oui, ils étaient derrière.

5 Q. Leur mission était de protéger l'arrière de la colonne, c'est cela ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce qu'ils étaient armés ?

8 R. Oui.

9 Q. Etant donné que vous n'aviez pas suffisamment d'armes, vous deviez

10 remplacer ceux qui étaient fatigués et ceux qui avaient des armes sur eux,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Non.

13 Q. Vous ne faisiez pas ce genre de relais ?

14 R. Non.

15 Q. Sur la ligne de front, vous ne donniez pas des armes, c'est-à-dire vous

16 n'aviez pas les armes qui étaient censées toujours être sur la ligne de

17 front et ne vous relayiez pas les personnes qui se trouvaient là et vous ne

18 tiriez pas toujours des mêmes armes, mais avec des hommes différents ?

19 R. Non.

20 Q. Est-ce que votre unité avait subie des pertes pendant la retraite de la

21 colonne ?

22 R. De quelle retraite parlez-vous ?

23 Q. Lorsque vous vous dirigiez vers Susnjari et Jaglici en direction de

24 Tuzla, la colonne qui se déplaçait, alors qu'elle se déplaçait, votre unité

25 avait subi des pertes, n'est-ce pas ? Vous aviez été exposés au tir, n'est-

26 ce pas ?

27 R. Oui.

28 Q. Est-ce que pendant toute cette période là, jusqu'à votre rédition, est-

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1 ce que vous êtes toujours resté au sein de la même unité, de votre unité ?

2 R. Non.

3 Q. Vous avez quitté votre unité ?

4 R. Non, l'unité a été démantelée, c'est-à-dire que nous ne savions plus où

5 était quelle personne. C'était des groupes de personnes. Nous nous

6 déplacions par groupes et l'unité a été dissoute d'une certaine façon.

7 Q. Les groupes qui se sont rendus, ce n'était pas des hommes de votre

8 unité qui s'étaient rendus avec vous ?

9 R. Oui.

10 Q. Donc, c'était des hommes de votre unité.

11 R. Oui.

12 Q. Personne n'avait des armes au moment où vous vous êtes rendu, il n'y

13 avait plus d'armes, ces personnes n'avaient pas d'armes sur elles ?

14 R. Non.

15 Q. Vous vous souviendrez sans doute que vous avez donné un certain nombre

16 de déclarations aux représentants de la police de Bosnie-Herzégovine.

17 C'était en date du 22 juillet, c'est-à-dire, environ une semaine après

18 l'événement en question.

19 R. C'était le MUP de Tuzla, c'est cela ?

20 Q. Oui. Est-ce que vous leur avez donné le même genre de déclaration que

21 vous venez de faire maintenant ? Est-ce que vous leur avez dit la même

22 chose ?

23 R. Je ne me souviens pas.

24 Q. Vous ne vous souvenez pas, d'accord.

25 R. Peut-être que j'ai donné une version abrégée des faits.

26 Q. Mais en réalité, vous n'avez rien changé pour ce qui est des faits.

27 R. Non.

28 Q. Vous n'avez pas dit, par exemple, à ce moment-là que vous étiez tous

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1 des civils.

2 R. Oui, des civils sans armes.

3 Q. C'est ce que vous leur avez dit, que vous étiez des civils ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous n'avez pas dit toutefois que vous aviez reçu un ordre de Ramiz

6 Becirevic vous disant de vous déplacer, de vous rendre quelque part ?

7 R. Oui, nous avions reçu un ordre de Ramiz.

8 Q. Mais ce n'est pas ce que vous avez dit aux autorités de Bosnie-

9 Herzégovine le 22 juillet ?

10 R. Ils ne m'ont pas posé cette question.

11 Q. Bon, ils ne vous ont pas posé cette question, je vois très bien, je

12 n'ai pas d'autres question, Monsieur le Président, merci.

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Maître Zivanovic.

14 Comme je l'ai dit un peu plus tard, je vais donc reprendre le contre-

15 interrogatoire du témoin demain -- ou plutôt, vous pouvez

16 -- étant donné qu'il y a un document qui n'a pas été encore trouvé, vous

17 allez pouvoir poser d'autres questions à la suite des lectures de ce

18 document, comme nous l'a annoncé Mme Fauveau.

19 Alors, Monsieur Meek, je suis vraiment navré, bien sûr. La même règle

20 s'applique à vous, Maître Meek, bien sûr.

21 M. MEEK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Oric, je voudrais vous

23 informer que M. Meek représente les intérêts de M. Beara.

24 Monsieur Meek, c'est à vous.

25 Contre-interrogatoire par M. Meek :

26 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.

27 R. Bonjour, Monsieur. Vous --

28 Q. Je souhaiterais vous poser un certain nombre questions concernant votre

Page 978

1 service au sein de diverses armées. Si j'ai bien compris, vous avez servi

2 dans les rangs de la JNA, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. C'était le service obligatoire.

5 R. Oui.

6 Q. C'était en quelle année, s'il vous plaît ?

7 R. 1998, le 19 décembre. C'est en cette date-là que j'ai été mobilisé.

8 Q. Le 19 décembre 1988, c'est la date à laquelle vous avez commencé ou

9 terminé votre service obligatoire dans l'armée ?

10 R. C'est à cette date-là que j'ai commencé mon service militaire.

11 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la date à laquelle vous avez terminé

12 votre service militaire ?

13 R. J'ai terminé mon service militaire en mars 1989.

14 Q. 1989 ?

15 M. LAZAREVIC : [interprétation] Pour venir en aide à mon collègue, Monsieur

16 le Président, à la page 58, ligne 12, on peut lire l'année 1998.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Effectivement, on devrait lire 1988 et

18 non pas 1998. Je vous remercie, Maître Lazarevic.

19 M. MEEK : [interprétation] Monsieur Lazarevic, merci.

20 Q. Vous avez commencé votre service militaire le 19 décembre 1989, et vous

21 avez terminé votre service militaire en mars 1989; est-ce exact ?

22 R. Oui.

23 Q. Qui était votre commandant ?

24 R. Le commandant s'appelait Hajrudin Grabovica. C'était le capitaine

25 supérieur.

26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Meek, de vous

27 interrompre.

28 Monsieur le Témoin, est-ce que votre mandat était de quatre mois le

Page 979

1 service obligatoire ? Le service militaire obligatoire a duré quatre mois,

2 à ce moment-là; est-ce que c'est exact ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge. Le service militaire

4 durait un an, mais je suis parti parce que -- enfin, quand je suis parti --

5 quand j'ai rejoint les rangs de la JNA pour faire mon service militaire, je

6 n'étais pas encore âgé de 18 ans, donc, je suis parti après quatre mois et

7 je suis revenu quatre ans plus tard pour terminer mon service militaire.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

9 M. MEEK : [interprétation] Je vous remercie.

10 Q. En 1988, j'imagine que vous avez dû remplir des documents pour

11 rejoindre les rangs de la JNA; est-ce que c'est exact ?

12 R. Non, je n'avais pas de document à remplir. J'ai simplement reçu une

13 convocation de me présenter à Srebrenica. C'est une convocation selon

14 laquelle on nous convoquait à me présenter pour faire mon service militaire

15 dans la JNA où j'étais mobilisé.

16 Q. Au moment où vous avez été appelé pour faire votre service militaire

17 obligatoire, est-ce que les autorités ou vous est-ce que vous aviez compris

18 que vous n'étiez pas en âge de faire votre service militaire, vous n'aviez

19 pas encore l'âge requis ?

20 R. Oui, je suis allé me plaindre mais ils ont refusé ma plainte et on m'a

21 obligé de faire mon service militaire.

22 Q. Si j'ai bien compris, vous avez informé les autorités que vous n'aviez

23 pas l'âge requis mais ils vous ont dit que vous alliez quand même devoir

24 faire votre service militaire et quatre mois plus tard ils vous ont laissé

25 aller; est-ce que c'est exact ?

26 R. Oui.

27 Q. Vous n'avez pas essayé de tromper qui que ce soit pour rentrer dans la

28 JNA, j'imagine.

Page 980

1 R. Non.

2 Q. Si j'ai bien compris, après avoir fait votre service militaire, vous

3 avez rejoint les rangs de l'armée croate; est-ce que c'est exact ?

4 R. Non, pas immédiatement.

5 Q. Quand est-ce que vous avez rejoint les rangs de l'armée croate alors

6 Monsieur ?

7 R. En 1992, j'ai rejoint les rangs du MUP.

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est justement ce qui m'intéressait.

9 Justement c'est ce que je voulais dire. Le témoin ne nous n'a jamais

10 expliqué qu'il avait rejoint les rangs de l'armée croate. Il a seulement

11 dit qu'il ait allé travailler pour le MUP en Croatie, ensuite, il a

12 déménagé pour vivre à Zagreb.

13 M. MEEK : [interprétation]

14 Q. Merci, Monsieur le Témoin, de nous avoir rapporté cette précision.

15 Merci tous les deux. Je vous remercie. Je remercie aux deux personnes

16 d'avoir précisé ce point. Merci.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je reconnais M. Krgovic qui s'est

18 levé. Je vous écoute.

19 M. KRGOVIC : [interprétation] Petite correction. Le témoin avait dit

20 qu'il avait rejoint les rangs de la HV.

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Que le témoin nous expliquer alors ce

22 parcours. Il est un fait qu'hier le témoin nous a parlé du MUP.

23 M. MEEK : [interprétation]

24 Q. Monsieur, permettez-moi de vous poser la question suivante. D'abord,

25 combien de temps est-ce que vous avez travaillé au MUP en Croatie ?

26 R. Même pas un mois, ensuite je suis allé à Zagreb.

27 Q. D'accord. Pendant votre service qui a duré presque un mois au MUP,

28 qu'est-ce que vous aviez pour tâche et mission ?

Page 981

1 R. Nous sommes allés à Capljina pour essayer d'empêcher le pillage des

2 maisons et on nous avait donné pour ordre d'empêcher le pillage dans les

3 maisons.

4 Q. Maintenant, pour préciser le compte rendu au cours des activités de

5 combat pourriez-vous nous dire de quel -- à quel côté vous -- c'était de

6 quel côté ? C'était qui ces activités de combat ? C'était le côté croate ?

7 L'armée serbe ? Ou l'armée croate ? Ou le HVO ?

8 R. Il y avait l'armée serbe de la JNA dans les casernes ensuite il y avait

9 toute sorte il y avait toute sorte d'armée. C'est à ce moment-là que les

10 activités de combat avaient lieu. Je sais que les gens étaient partis de

11 leurs demeures et notre tâche était d'observer, de nous assurer que le

12 pillage n'ait pas lieu.

13 Probablement que ces troupes appartenaient à l'armée croate.

14 Q. Pour expliciter votre dernière réponse, est-ce que vous protégiez les

15 maisons du pillage, pillage qui était le fait du HVO et de l'armée croate ?

16 Est-ce bien cela votre réponse ?

17 R. Quelle que soit la personne qui avait l'intention de piller. Il y avait

18 de nombreux civils qui restaient en ville.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je fais preuve de beaucoup de patience.

20 M. MEEK : [interprétation] Oui, je sais bien.

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais quelle est la pertinence de toutes

22 ces questions ?

23 M. MEEK : [interprétation] Je vais passer à autre chose.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

25 M. MEEK : [interprétation]

26 Q. Quelle est votre date de naissance, très brièvement?

27 R. Le 1er février 1970.

28 Q. Après avoir été -- après avoir rejoint le MUP - et vous êtes rendu à

Page 982

1 Zagreb - vous avez rejoint le HVO à Capljina et aux alentours; est-ce

2 exact ?

3 R. Non. Quand je suis arrivé à Zagreb, je suis allé chez mon oncle à

4 Kutina et, de là, je voulais rentrer à Tuzla.

5 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez rejoint le HVO à Capljina et ou

6 à Mostar ?

7 R. Non, je suis resté à Orasje un mois. J'ai essayé de me rendre à Tuzla,

8 mais on m'en a empêché. Il y avait des obstacles sur la route et c'est la

9 raison pour laquelle j'ai dû passer un mois à Orasje.

10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne sais pas si tout cela sera

11 pertinent, mais si vous étiez -- le 1er février 1970, si vous avez été

12 recruté au sein de la JNA au mois de décembre 1988, comment cela se fait-il

13 que vous affirmez que vous n'aviez pas encore 18 ans ? Parce qu'en fait,

14 vous aviez presque 19 ans, 19 moins un mois ou un peu moins d'un mois

15 même ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'avais deux ou trois

17 mois de moins que 18 ans, en février 1989, j'aurais eu 18 ans.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bon, je ne vais pas insister.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est votre année de naissance ?

20 Est-ce 1970 ou 1971 ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, 1970.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bon, je ne pense pas que nous devrions

23 nous appesantir.

24 Vous avez de nouveau la parole, Monsieur Meek.

25 M. MEEK : [interprétation]

26 Q. Monsieur le Témoin, hier, vous avez dit - c'est au compte rendu, page

27 56, ligne 13 - vous avez répondu à une question qui vous a été posée par le

28 substitut du Procureur et vous avez donné comme réponse : "Oui, il savait

Page 983

1 que je m'étais rendu en Croatie, que j'avais rejoint le HV pendant quelques

2 temps. Il savait aussi que j'avais servi dans ma propre armée." Je crois

3 que vous étiez en train de parler de votre cousin, Naser Oric.

4 Vous souvenez-vous d'avoir dit cela ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire combien de temps vous avez passé au

7 sein du HV et quelles étaient vos obligations ?

8 R. Je n'étais pas au sein de la HV, mais au sein du MUP.

9 Q. Dites-moi, Monsieur Oric, quand vous en aviez terminé avec vos

10 obligations à Capljina, quand êtes-vous rentré en Bosnie, à peu près quel

11 mois et quelle année ?

12 R. Dans le courant du mois de mai à peu près en tout cas. En 1992, je suis

13 arrivé à Tuzla.

14 Q. Est-ce que vous êtes resté à Tuzla ou est-ce que vous êtes reparti

15 ailleurs ?

16 R. J'y suis resté un petit moment et puis, je me suis rendu à Srebrenica.

17 Q. Est-ce que vous avez été membre d'un quelconque groupe militaire

18 pendant la période que vous avez passée à Tuzla après le mois de mai 1992

19 et avant de partir pour Srebrenica ?

20 R. Oui. C'était la Défense territoriale à l'époque, c'est ce qu'on

21 l'appelait à l'époque et j'étais membre de cette Défense territoriale.

22 Q. Encore une fois, c'était à Tuzla, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Lorsque vous avez voyagé de Tuzla à Srebrenica, est-ce que vous étiez

25 seul ou accompagné d'autres personnes ?

26 R. J'ai fait le voyage avec un voisin ainsi qu'un guide, il y avait aussi

27 quelques personnes de Zvornicka Kamenica. Nous étions environ 40, tous

28 ensemble. Là je ne les connaissais pas. Ils ont poursuivi leur route pour

Page 984

1 aller jusqu'à Zvornicka Kamenica, et nous trois, nous sommes allés à

2 Srebrenica.

3 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Srebrenica, est-ce que vous avez tout de

4 suite rejoint l'ABiH ou tout autre organisation militaire ?

5 R. Non. J'ai pris le temps de me reposer.

6 Q. Pendant combien de temps à peu près que vous vous êtes reposé ?

7 R. Environ dix jours.

8 Q. Je pars du principe qu'après dix jours environ vous avez rejoint les

9 rangs de l'ABiH ?

10 R. Oui. C'est à ce moment-là que j'aie rejoint cette armée.

11 Q. Quel groupe ou bataillon avez-vous rejoint ?

12 R. La Division 281.

13 Q. Combien de temps avez-vous passé au sein de cette Division 281 ?

14 R. Jusqu'à l'arrivée de la FORPRONU.

15 Q. Pour le compte rendu d'audience, est-ce que vous pourriez me dire à peu

16 près pendant quel mois et en quelle année cela s'est passé ?

17 R. Mi-avril 1993. Je ne connais pas la date exacte, mais c'était aux

18 alentours de mi-avril 1993 que la FORPRONU est arrivée.

19 Q. Après mi-avril 1993, après l'arrivée de la FORPRONU, vous avez de

20 nouveau rejoint l'ABiH à un moment donné; est-ce que c'est exact ?

21 R. Oui.

22 Q. Cela s'est passé à quelle date, à quel moment et de quelle unité ou

23 brigade êtes-vous devenu membre ?

24 R. Les brigades ont été transformées en compagnie qui patrouillait les

25 lignes entre la FORPRONU et Zupa.

26 Q. Merci. A peu près pendant quel mois et en quelle année est-ce que cela

27 s'est passé ?

28 R. En 1993.

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1 Q. Est-ce que vous vous souvenez du mois ?

2 R. Je crois que c'était au mois de mai ou au mois de juin. Les brigades

3 ont été réorganisées en compagnies, et comme il y avait de nombreuses

4 incursions d'Unités serbes, nous avons surveillé les trous entre les

5 lignes.

6 Q. A un moment donné, vous êtes devenu commandant de brigade de la Brigade

7 283 de l'ABiH; est-ce exact ?

8 R. Non.

9 Q. Etes-vous devenu commandant d'une autre brigade autre que la 283e

10 Brigade ?

11 R. Oui, mais c'était une compagnie de manœuvre.

12 Q. Merci. Quand êtes-vous devenu commandant de cette compagnie de

13 manoeuvre ?

14 R. A un moment donné au mois de juin, comme je viens de vous dire. Je ne

15 me souviens pas de façon précise.

16 Q. Est-ce que vous êtes resté en fonction en tant que commandant de cette

17 compagnie jusqu'au 11 juillet 1995 ?

18 R. Oui.

19 Q. Combien de soldats y avait-il dans votre compagnie ?

20 R. Il y avait neuf soldats, j'étais le dixième.

21 Q. Combien d'armes aviez-vous, vous et vos soldats, pendant cette

22 période ?

23 R. Il y avait un certain nombre de fusils qu'on ne ramenait pas à la

24 maison, qu'on utilisait sur la ligne. Nous n'avions qu'un seul fusil que

25 nous ramenions à la maison.

26 Q. Bon, très brièvement, j'aimerais expliciter. Vous dites : "Un certain

27 nombre de fusils." Qu'est-ce que vous entendez par là ?

28 R. Dix.

Page 986

1 Q. Donc, vous aviez dix fusils que vous utilisiez régulièrement, que votre

2 compagnie utilisait régulièrement; est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous aviez un fusil que vous rameniez à la maison ou est-ce que chaque

5 membre de la compagnie rentrait avec un fusil ?

6 R. Non. Seul un fusil était ramené à la maison.

7 Q. Donc, pendant cette période, de 1993 au 11 juillet 1995, est-ce que la

8 plupart des compagnies et des brigades avaient ce type d'armes, c'est-à-

9 dire, une arme par soldat, comme c'était le cas pour vous ?

10 R. Je ne sais pas. On ne m'en a pas informé.

11 Q. Pour vous ramener au 11 juillet 1995, si j'ai bien compris votre

12 déposition, vous avez appris la chute de Srebrenica au moment où vous êtes

13 allé voir votre sœur, n'est-ce pas ?

14 R. Je suis arrivé dans la maison où elle habitait, oui.

15 Q. Quelle était la distance entre cette maison, la maison de votre sœur,

16 et Susnjari ?

17 R. Elle vivait à Susnjari.

18 Q. Quand vous avez appris que Srebrenica était tombée, quelle a été la

19 première chose que vous ayez faite, où êtes-vous allé ?

20 R. Je me suis rendu vers ma maison, chez-moi, pour voir où était ma

21 famille et où ils allaient aller. Mais avant cela, j'ai informé mes hommes

22 sur la ligne que Srebrenica était tombée et que nous étions censés nous

23 retirer.

24 Q. Où étiez-vous censés vous retirer ?

25 R. Vers nos maisons, Susnjari et Lihovici. Essayer de trouver le

26 commandement et de voir ce que nous pouvions faire.

27 Q. Qui vous a dit de vous retirer, de rentrer chez vous ?

28 R. Personne. C'est moi qui ai dit qu'il fallait que nous nous retirions.

Page 987

1 Q. Donc, vous avez dit à votre compagnie, aux membres de votre compagnie,

2 de rentrer chez eux, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Pouvez-vous me dire devant cette Chambre de première instance ce qui

5 est advenu des dix fusils que vous avez lorsque tout le monde s'est retiré

6 et qu'ils sont rentrés chez eux, le 11 juillet ?

7 R. Ces armes étaient utilisées avant l'attaque sur Srebrenica. Après cela,

8 elles ont été déployées sur la ligne. Ce jour-là, nous étions venus pour

9 aider parce que la FORPRONU s'était retirée, donc nous sommes venus sans

10 armes. Nous avions un fusil, nous avions quelques grenades, et puis nous

11 avons la série de dix fusils que nous utilisions avant l'attaque de

12 Srebrenica. Après, ils ont été déployés le long de la ligne et puis il y

13 avait également ce trou où la FORPRONU était située. L'ordre qui nous a été

14 donné, c'était de tenter de maintenir, de conserver cette zone où était

15 positionnée la FORPRONU.

16 Q. Vous avez dit qu'après, les dix fusils ont été déployés le long de la

17 ligne. Pouvez-vous être plus précis et me dire où était cette ligne et à

18 qui vous avez donné ces dix fusils ?

19 R. Ces dix fusils ont été laissés à Buljim, sont restés en arrière, parce

20 que à ce moment-là nous étions en train de nous reposer. C'était notre tour

21 de garde et donc on nous a dit de maintenir la ligne et les fusils ont été

22 laissés sur la ligne. Donc, nous sommes revenus, nous sommes partis de chez

23 nous pour conserver la ligne.

24 Q. Monsieur Oric, si je comprends bien ce que vous dites, le 11 juillet

25 1995, vous et votre compagnie étiez au repos, en permission, n'est-ce pas ?

26 Est-ce que j'ai bien compris ?

27 R. Non, c'était un peloton, ce n'était pas une compagnie.

28 Q. Bien, votre peloton, vous étiez en permission, vous étiez au repos,

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1 n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Donc, est-il exact de dire, lorsque votre peloton était au repos, était

4 en permission, vos dix fusils étaient utilisés par dix autres soldats de

5 l'armée de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ? C'est bien comme cela que les

6 choses se passaient ?

7 R. Oui.

8 Q. N'est-il pas exact de dire que c'était un -- qu'il était normal, à cet

9 endroit et aux environs, et à ce moment-là, à cette époque-là, que

10 lorsqu'un peloton ou une compagnie qui avait dix fusils comme vous allait

11 se reposer, ces fusils allaient être utilisés par dix soldats de l'ABiH, ce

12 qui faisait qu'en quelque sorte, ils étaient tout le temps utilisés ?

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il a déjà répondu à cette question,

14 Monsieur Meek.

15 M. MEEK : [interprétation]

16 Q. Dans certaines de vos déclarations et lors de votre déposition, ce qui

17 m'intéresserait de savoir, c'est lorsque vous avez cessé d'être un soldat

18 de l'armée de Bosnie-Herzégovine, lorsque vous êtes revenu à la vie civile

19 en 1995 et plus précisément en juillet.

20 R. Je n'ai pas compris la question.

21 Q. Alors, au moment où vous vous êtes rendu, en juillet 1995, après la

22 chute de Srebrenica, étiez-vous soldat ou étiez vous civil ?

23 R. J'étais un civil et je portais des vêtements civils.

24 Q. Très bien. Pour vous ramener au 11 juillet, vous avez dit dans votre

25 témoignage sous serment que vous étiez soldat de l'ABiH et que vous étiez

26 au repos, que vous étiez en permission, que votre compagnie était en

27 permission; cela est-il exact ?

28 R. Notre peloton était au repos, était en permission.

Page 989

1 Q. Donc, que vous étiez un soldat et que votre peloton était en train de

2 se reposer, était en permission. Je vous prie de bien vouloir m'excuser

3 donc. Est-ce que c'est cela qui est exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Lorsque vous vous êtes rendu le 12 juillet, est-ce que cela n'était pas

6 le cas ?

7 R. [aucune interprétation]

8 Q. Le 13 juillet ?

9 R. Non. J'ai été capturé le 13 juillet.

10 Q. Très bien. Maintenant, entre le 11 juillet, lorsque vous étiez

11 commandant de votre peloton qui avait dix armes et le moment où vous avez

12 cessé d'être un soldat de l'ABiH ?

13 R. Au moment où je suis parti de Jaglici pour me rendre et que je suis

14 parti en direction de Tuzla.

15 Q. Y avait-il quoi que ce soit qu'il fallait faire ? Comme par exemple,

16 informer votre commandant direct que vous n'étiez plus un soldat de

17 l'ABiH ?

18 R. Non.

19 Q. Donc, si je comprends bien, à un moment comme cela, vous avez décidé de

20 devenir civil et c'est ce que vous avez fait tout simplement ?

21 R. Oui.

22 Q. En tant que civil, est-ce que c'est normal de transporter une ou deux

23 grenades sur vous ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-il normal pour un civil à Srebrenica, pour un civil musulman à

26 cette époque, qui a entre 16 et 70 ans, ou 60 ans, de transporter des

27 grenades alors qu'ils sont civils ?

28 R. Non.

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1 Q. Alors, faisiez-vous exception à la règle, le fait que vous portiez des

2 grenades alors que vous étiez en civil ? Cela faisait de vous une

3 exception ?

4 R. Je l'ai emmenée avec moi dans les bois au cas où il faudrait que je me

5 défende ou que je me tue moi-même si nécessaire.

6 Q. Donc, lorsque vous êtes arrivé à Susnjari, il y avait un grand

7 rassemblement de personnes. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

8 R. Oui.

9 Q. Aux alentours de dix heures, peut-être un peu plus tard, il y a une

10 décision qui a été prise que tout le monde parte vers Tuzla. Est-ce que

11 c'est bien cela que vous nous avez dit hier ?

12 R. Oui.

13 Q. Qui a pris cette décision, Monsieur ?

14 R. Le commandement.

15 Q. Pouvez-vous donner précisément le nom du commandement ou des

16 commandants qui ont pris cette décision ?

17 R. La décision a été prise par Becirevic.

18 Q. Becirevic était un commandant militaire, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ramiz Becirevic ou un autre Becirevic ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agissait de Ramiz

22 Becirevic.

23 M. MEEK : [interprétation]

24 Q. Donc, à environ dix heures, le 11 juillet 1995, vous étiez encore en

25 train de prendre des ordres, d'exécuter les ordres d'un commandant

26 militaire de l'ABiH; cela est-il bien exact ?

27 R. Oui.

28 Q. N'est-il pas exact de dire que vous estimez qu'il y avait environ 15

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1 000 autres personnes qui ont obéi à cet ordre ?

2 R. Tous ceux qui étaient armés, les soldats devaient obéir aux ordres de

3 leurs supérieurs et les civils devaient simplement suivre derrière l'armée.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Meek, lorsque le moment sera

5 opportun pour vous, il faudra que nous nous arrêtions d'ici deux à trois

6 minutes au maximum.

7 M. MEEK : [interprétation]

8 Q. Donc, vous avez à nouveau estimé, hier, vous avez dit dans votre

9 témoignage qu'il y avait jusqu'à un total de 15 000 personnes et que cette

10 colonne a pris la direction de Tuzla; ai-je raison de penser cela ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous qui étiez l'un d'entre eux, et dans la mesure où vous étiez un

13 soldat de l'ABiH, vous avez exécuté l'ordre et vous avez pris la direction

14 avec la colonne de Tuzla, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous êtes donc obligé de convenir que la majorité des hommes qui

17 étaient dans cette colonne étaient aussi les soldats de l'ABiH qui ont

18 exécuté le même ordre que vous et qui ont commencé à se diriger de Tuzla ?

19 R. Oui. Ils ont reçu le même ordre et nous avons pris la direction de

20 Tuzla, mais nombre d'entre eux n'étaient pas armés. Il s'agissait de

21 soldats non armés.

22 Q. Merci, Monsieur Oric, pour aujourd'hui. Je pense avoir d'autres

23 questions à vous poser demain.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Je vous remercie, Monsieur Meek.

25 Monsieur Oric, nous allons nous arrêter ici. Nous allons continuer demain

26 après-midi à partir de 14 heures 15, comme aujourd'hui.

27 En attendant, nous allons essayer de clarifier les choses concernant ce

28 document non identifié.

Page 992

1 Je vous remercie. Bonne soirée à tous. La séance est levée.

2 --- L'audience est levée à 18 heures 29 et reprendra le mercredi 30 août

3 2006, à 14 heures 15.

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