Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 6 février 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Madame la Greffière. Veuillez,

7 s'il vous plaît, appeler la cause.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. C'est

9 l'affaire IT-05-88-T, le Procureur contre Vujadin Popovic et consorts.

10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

11 Je vois tous les accusés sont là. Toutes les équipes de la Défense sont

12 présentes au complet, sauf Me Bourgon pour l'équipe Nikolic.

13 Pour l'Accusation, je vois Me McCloskey et Mlle Soljan.

14 Je comprends qu'il n'y a pas de questions à évoquer avant d'entendre

15 le témoin. Nous voulons simplement faire une déclaration. Nous avons vu les

16 demandes présentées par l'Accusation concernant les pièces à conviction

17 proposées pour le Témoin numéro 47 qui arrive, en fait, dans le siège de ce

18 débat, discussion que nous avons tenue hier à la fin de l'audience.

19 Monsieur McCloskey, la Chambre de première instance souhaite exprimer

20 sa gratitude pour la manière de procéder que vous avez choisie. Je vous

21 remercie.

22 Il y a une requête présentée par l'Accusation demandant des mesures

23 de protection pour un autre témoin. J'y viendrais juste après que nous

24 ayons entendu ce témoin, que ce témoin ait fini de faire sa déposition.

25 Dans l'intervalle, je vous demanderais de bien vouloir vous préparer pour

26 nous tenir au courant de la situation, pour savoir s'il y a des

27 oppositions, des objections à ces mesures de protection.

28 Bien, Madame -- oui, Maître Nikolic.

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1 Mme NIKOLIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Avant cette

2 audience, nous avons consulté les autres équipes de la Défense et nous

3 n'avons pas d'objection à présenter contre les mesures de protection pour

4 le prochain témoin. Je vous remercie.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Je pense que nous pouvons rendre

6 une brève décision verbale ici maintenant.

7 La Chambre de première instance saisit d'une requête de l'Accusation

8 visant à obtenir des mesures de protection pour le témoin 36, requête

9 déposée le 5 février. A l'absence d'objection de la part des équipes de la

10 Défense, elle fait droit à la requête et autorise l'attribution d'un

11 pseudonyme et la déformation des traits du visage à l'écran pour le Témoin

12 numéro 36.

13 LE TÉMOIN: ESMA PALIC [Reprise]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien, Madame Palic, bonjour, et

16 je vous souhaite la bienvenue.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous ai expliqué qu'hier comment les

19 choses allaient se dérouler. Mme Soljan va vous poser un certain nombre de

20 questions, ensuite, je donnerais la parole aux équipes de la Défense.

21

22

23 Mme SOLJAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

24 Madame, Messieurs les Juges.

25 Interrogatoire principal par Mme Soljan :

26 Q. [interprétation] Madame Palic, comment allez-vous ? Pourriez-vous, s'il

27 vous plaît, dire notre prénom, votre nom ?

28 R. Mon nom est Esma Palic.

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1 Q. Votre date de naissance ?

2 R. 21 mars 1967.

3 Q. Où êtes-vous née ou avez-vous fait vos études -- été élevée ?

4 R. Je suis née à Zepa et j'ai vécu 15 années de ma vie à Zepa.

5 Q. Est-ce que vous êtes Musulmane de Bosnie, Madame ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous avez rencontré votre mari pendant que vous étiez en train de faire

8 des études à Sarajevo à l'université; c'est exact, tous deux ?

9 R. C'est exact.

10 Q. Votre mari était Avdo Palic ?

11 R. C'est exact.

12 Q. En juillet 1995, il était colonel dans l'ABiH et il commandait la 28e

13 Brigade de Partisans qui était responsable de l'encore de Zepa; est-ce

14 exact ?

15 R. De la Brigade de Partisans.

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, oui, parce que -- excusez-

17 moi, est-ce que c'était la 285e Brigade de Partisans ou juste la Brigade de

18 Partisans ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y avait pas de Brigades de Partisans au

20 cours de cette guerre. Il était le commandant de la 285e Brigade légère de

21 Montagne -- troupes de Montagnes.

22 Mme SOLJAN : [interprétation]

23 Q. Je vous remercie, Madame. Avant la guerre, votre mari était ingénieur

24 de profession; c'est bien cela ?

25 R. C'est exact.

26 Q. Quelle est votre profession ?

27 R. Je suis psychologue.

28 Q. Madame Palic, je vais vous demander de vous reporter à Zepa dans les

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1 années -- au début des années 90. Vous vous êtes installée à Zepa en 1992

2 et êtes restée jusqu'en 1995; c'est exact ?

3 R. C'est en partie vrai. Je ne me suis pas déplacée, en fait, avant la

4 guerre je vivais à Sarajevo. Le 29 mars, je suis allée à Zepa pour rendre

5 visite à mes parents et j'y suis restée parce que je n'ai pas pu retourner.

6 Parce que le 4 avril, Zepa - il y avait la fête de Bajram, c'est pour cela

7 que j'étais allée voir mes parents - Zepa était bloqué à partir de cette

8 date et plus personne ne pouvait en sortir. Je suis restée jusqu'à la fin,

9 c'est-à-dire jusqu'à ce que soit déportée -- expulsée la opération de Zepa.

10 Q. Pendant que vous vous trouviez à Zepa en 1992 et ce jusqu'en juillet

11 1995, où viviez-vous exactement ? Pourriez-vous nous le dire ?

12 R. Je vivais dans la maison de mes parents, sauf pour la période que j'ai

13 passée dans les bois et dans les grottes. Je vivais dans la maison de mes

14 parents.

15 Q. Où cela dans la ville de Zepa se trouvait situer la maison de vos

16 parents ?

17 R. Au centre de la ville.

18 Q. Quelle était la composition ethnique de Zepa entre mars -- entre 1992

19 et 1995 ?

20 R. Il y avait là des Musulmans à l'exception de deux enseignants, qui

21 étaient d'origine ethnique serbe.

22 Q. Est-ce que tous ceux qui vivaient à Zepa entre 1992 et 1995 étaient des

23 gens du cru ?

24 R. Non. Jusqu'en 1992 c'étaient des gens du cru, à l'exception des

25 personnes qui venaient y travailler, mais la plupart de ces personnes sont

26 parties lorsqu'elles ont senti que la guerre approchait. Mais pendant la

27 guerre, en 1992, un tiers de la population était local et deux tiers

28 étaient des réfugiés des villes et village avoisinants, des villages

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1 alentour. Qui avaient été obligés de quitter leurs maisons, leurs villes et

2 villages dès 1992 forcés de le faire par l'armée serbe. Il s'agissait de

3 personnes qui étaient de Visegrad, de Rogatica, Vlasenica et tous ces

4 villages qui se trouvaient dans la région.

5 Q. En juillet 1995, approximativement combien y avait-il de personnes qui

6 vivaient à Zepa ?

7 R. Au début de 1992, je ne peux pas vous donner de chiffre exact. Mais

8 s'il y avait 5 000 personnes qui étaient des locaux, on disait -- il y

9 avait des gens qui disaient qu'il y avait 15 000 personnes vivant à Zepa.

10 Mais en 1992, il y a eu trois offensives qui ont été lancées contre Zepa.

11 Zepa était en danger de tomber entre les mains ennemies, un grand nombre de

12 personnes qui venaient de l'extérieur n'avaient pu de raison de rester à

13 Zepa.

14 Un très grand nombre sont partis dans la direction de Srebrenica parce que

15 Srebrenica avait un couloir -- constituait un couloir conduisant à Tuzla.

16 Un très grand nombre de personnes ont essayé de passer par les bois, de

17 traverser les bois, Han Pijesak, Vlasenica, pour aller à Kladanj. Donc, le

18 nombre exact de personnes qui sont parties, je ne peux pas vous donner le

19 chiffre exact. Je sais qu'à la fin de 1995 il y avait plus de 8 000

20 personnes qui y vivaient.

21 Q. Madame Palic, y a-t-il eu des tirs d'obus de pilonnages à Zepa tout au

22 long de la guerre ?

23 R. C'était terrible. Le pilonnage était terrible, en particulier en 1992,

24 comme je l'ai déjà dit. En 1992, il y a eu deux offensives lancées contre

25 Zepa; une en juillet lorsque Zepa était bombardée par des obus, de chars,

26 de mortiers, et ainsi que de frappes aériennes pendant une période

27 prolongée sur juin, juillet, août, septembre, octobre; et après cette

28 période, le bombardement a continué, mais il n'y avait plus de frappes

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1 aériennes. La situation a persisté jusqu'en mai 1993, lorsque Zepa a été

2 déclarée zone protégée et le bombardement s'est arrêté jusqu'en mars 1995.

3 Q. A partir du mois de mars 1995, est-ce que la fréquence de bombardement

4 a changé ?

5 R. Si vous comparez avec les périodes précédentes il n'y avait pas de

6 pilonnage, et en mars les obus ont commencé à nouveau à tomber sur les

7 zones limites aux franges, pas un trop grand nombre, peut-être un ou deux

8 tombaient à différentes extrémités de la ville. Mais en juin déjà, avant

9 que l'occupation des enclaves ne commencent, c'est à ce moment-là que les

10 tirs d'obus ont vraiment commencé à être très sérieux, très intenses.

11 Q. Pourriez-vous nous dire dans quelles parties de Zepa ces obus étaient

12 tirés pour la plus grande partie en commençant en mars 1995 ?

13 R. Si nous parlons du mois de mars, les obus ont touché les abords de la

14 ville, des zones inhabitées, les zones boisées. Je sais qu'un obus a touché

15 une zone habitée et à ce moment-là les habitants se sont immédiatement

16 rendus à un point de contrôle de la FORPRONU et ont rendu compte de cela.

17 Mais lorsque les tirs ont commencé en juin, les obus ont commencé à toucher

18 des zones habitées, un grand nombre d'obus ont touché le centre de la

19 ville, et d'autres zones qui étaient habitées.

20 Q. Pendant ce temps où une intensification des tirs d'obus, y a-t-il eu

21 des victimes ?

22 R. Oui.

23 Q. S'agissait-il de victimes civiles ou militaires ?

24 R. De civils.

25 Q. Maintenant, vous avez mentionné le fait que les tirs ont commencé --

26 les tirs d'obus ont commencé en juin, un pilonnage. Pourriez-vous décrire

27 quelle était la fréquence de ce pilonnage ? Il y a eu un changement, à ce

28 moment-là ?

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1 R. En juillet, le pilonnage était plus intense qu'au cours de la période

2 précédente, mai, avril, mars. Mais lorsque Srebrenica est tombée et

3 lorsqu'une offensive a été lancée contre Zepa, à ce moment-là, on ne peut

4 pas vraiment décrire ceci comme étant des tirs d'obus. C'était un chaos

5 complet. Des obus pleuvaient partout.

6 Q. Au cours de cette intensification des tirs d'obus, de cette attaque

7 contre Zepa, avez-vous eu une possibilité, eu l'occasion d'entendre le

8 général Mladic ou quelqu'un qui se présentait comme étant le général Mladic

9 parler sur des haut-parleurs ?

10 R. Lorsque Srebrenica est tombée -- lorsque le chaos s'est déclenché à

11 Zepa, parce que nous savions que nous étions les prochains sur la liste et

12 qu'il y avait ce pilonnage très intense qui constituait un signe très clair

13 de ce qui nous attendait, l'armée a encerclé Zepa. Quelques jours après la

14 chute de Srebrenica, peut-être deux ou trois jours, j'ai entendu -- j'ai eu

15 l'occasion d'entendre un jour où je me trouvais sur le balcon de ma maison,

16 j'ai osé sortir. Bon, c'était quelque chose d'un peu hardi, mais je ne

17 pouvais pas -- je ne supportais plus de rester dans l'abri. J'ai entendu

18 cette voix. J'ai entendu cette voix qui venait des collines rocheuses, qui

19 se trouvent au nord-ouest de ma maison, zone que nous appelons Borovacke

20 Stijene, où se trouvaient les positions de l'armée serbe.

21 De là, nous avons pu entendre une voix là-bas, une voix qui disait : "La

22 population -- population de Zepa, ceci c'est -- ici Ratko Mladic qui vous

23 parle. Vous ne pouvez pas rester à Zepa. Prenez des drapeaux blancs et

24 mettez-vous en route vers Brezova Ravan, où des cars vous attendent pour

25 vous emmener dans un territoire contrôlé par Alija Izetbegovic. N'écoutez

26 pas les folles paroles d'Avdo. Vous êtes ses otages et il vous conduira à

27 la mort."

28 Plusieurs fois pendant la journée, il a répété ce message, nous demandant

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1 de nous rendre, parlant de drapeau blanc, et je n'oublierai jamais ce qu'il

2 a dit, cette phrase, lorsqu'il a parlé d'écouter ce fou d'Avdo.

3 Q. Quelle a été votre réaction à ce message ?

4 R. Ce n'était pas quelque chose d'agréable à entendre parce que c'était

5 mon mari. Je ne me trouvais pas -- je n'avais pas peur seulement pour ma

6 vie. A ce moment-là, la chose la plus difficile pour moi, c'était la

7 situation concernant mon mari et un grand nombre d'autres personnes de Zepa

8 que nous savions que ce qu'Avdo c'était la seule chose à faire. J'avais

9 très peur, mais j'ai été obligée de me calmer et j'ai dû attendre sur ce --

10 pour voir ce qui allait se passer.

11 Q. Est-ce que vous avez pu observer comment d'autres habitants de Zepa ont

12 réagi à ces messages qui venaient de la montagne ?

13 R. Les gens étaient inquiets. D'aucun venait chez nous, à la maison. Ils

14 savaient que chaque fois qu'il y avait une crise à Zepa, les gens allaient

15 trouver le commandant pour lui demander ce qu'il fallait faire. Avdo

16 rentrait à la maison depuis le quartier général et je lui demandais ce qui

17 se passait et je savais qu'il y avait des réunions qui se déroulaient à la

18 municipalité et au quartier général de Zepa et que les gens étaient très

19 effrayés, avaient très peur. Certains demandaient : "Devons-nous nous

20 rendre ?" D'autres disaient : "Avdo, dis-nous ce qu'il faut faire, parce

21 que nous dirons ce que tu -- nous ferons ce que tu nous dis de faire, parce

22 que c'est toi qui sait ce qui est le mieux pour nous."

23 Alors, une décision a été prise. Avdo l'a proposée. La population l'a

24 acceptée, à savoir que nous nous défendrions parce que, si nous nous

25 rendions, nous finirions comme la population de Srebrenica. C'était une

26 certitude. Je sais qu'à ce moment-là, Avdo était très préoccupé, tourmenté.

27 Il voulait restaurer la paix.

28 Il voulait calmer la population parce que si quelqu'un vous dit qu'on

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1 est victime de l'un des siens, alors bien entendu, les tensions se lèvent,

2 les gens commencent à douter. Mais à cause des années précédentes, ils

3 avaient appris qu'il pouvait faire confiance à Avdo et Avdo est

4 immédiatement allé à la FORPRONU, a demandé son aide pour protéger la

5 population de Zepa.

6 Q. Maintenant, je voudrais vous poser quelques questions concernant le

7 pilonnage qui avait lieu pendant ce temps-là. Vous avez mentionné le fait

8 qu'il y avait des victimes civiles. Vous rappelez-vous -- savez-vous quel

9 était le nombre de ces victimes au cours des jours pendant lesquels le

10 pilonnage s'est intensifié en juillet ?

11 R. Je ne sais vraiment pas. Non, je ne sais pas. Mais je sais qu'il y

12 avait des gens qui mourraient, des civils qui mourraient. Je ne connais pas

13 le chiffre exact simplement parce que je me suis trouvé dans un état

14 particulier et, en fait, je ne me préoccupais que de mes propres problèmes

15 sans accorder beaucoup d'attention à la question de savoir combien de

16 personnes fussent mortes ou mourraient. Je sais qu'un de mes voisins a été

17 tué. Voilà ce que sais. Je sais que des gens étaient tués un peu partout

18 dans Zepa. J'ai entendu dire qu'il y avait un garçon qui s'était enfui dans

19 les bois. Il était mentalement handicapé, retardé. Il a été tué alors qu'il

20 s'enfuyait dans les bois.

21 Q. En ce qui concerne votre propre maison, elle a été pilonnée pendant

22 cette période, n'est-ce pas ?

23 R. Oui. Cela a été fait exprès, elle a été prise pour cible exprès. Tandis

24 que Simon Dudnik, le commandant de la FORPRONU, se trouvait encore à Zepa,

25 il a été fait prisonnier quelques jours plus tard par Mladic. Tout au

26 moins, c'est cela qui a été dit -- rapporté, et il est resté là pendant que

27 le quartier général de Mladic était en train d'être établi. Il servait en

28 quelque sorte de liaison entre les autorités civiles à Zepa, et Avdo et les

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1 forces de Mladic étaient positionnées à une colline qui dominait Zepa. Je

2 sais qu'un jour Dudnik est venu chez nous et il a parlé à Avdo, qui était

3 sur le balcon.

4 Q. Je voulais obtenir des détails sur le pilonnage proprement dit, s'il

5 vous plaît. Pourriez-vous nous dire quand ceci a eu lieu ?

6 R. La maison où je vivais a été prise pour cible par les obus. C'était

7 peut-être le 17 ou le 18.

8 Q. Pourriez-vous décrire exactement comment ceci s'est passé ? Ce qui

9 s'est passé et combien d'obus ont touché votre maison et qui se trouvait

10 dans la maison à ce moment-là ?

11 R. Nous avions un abri dans la maison. C'était un abri assez exigu utilisé

12 par moi-même et les bébés. Ma mère et ma sœur s'y trouvaient aussi. Nous

13 nous trouvions dans l'abri parce qu'il y avait un pilonnage ininterrompu.

14 Mon bébé, qui avait moins de quatre mois à ce moment-là, pleurait. J'ai

15 quitté l'abri. Je suis allé dans le salon. J'ai essayé de calmer le bébé.

16 Ma sœur est sortie au même moment et il se peut que nous soyons restées à

17 l'extérieur une minute ou deux.

18 Puis, un obus a frappé le mur de la maison et il y a eu une immense

19 détonation et la -- j'ai pu sentir que la porte de l'entrée de la maison

20 avait été brisée. Nous sommes retournés à l'abri. Cinq obus ont frappé la

21 maison. Premier obus a touché le mur du salon où se trouvaient ma sœur, mon

22 bébé où je me trouvais moi-même. Deuxième obus a frappé une partie du mur

23 où se trouvait l'abri et je pouvais entendre les buffles qui se trouvaient

24 ranger contre ce mur, j'ai pu les entendre dégringoler. Troisième obus, a

25 frappé le deuxième étage juste à côté du précédent. Le cinquième obus a

26 touché le toit.

27 Q. Ce n'était pas la première fois que votre maison a été prise pour

28 cible, par les obus ?

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1 R. Non.

2 Q. Quand a été la première fois que votre maison a été bombardée, s'il

3 vous plaît ?

4 R. La première fois, elle a été touchée par les obus en décembre 1992. La

5 deuxième fois, c'était le 8 mars 1993. C'est à ce moment-là qu'elle a subi

6 de graves dommages, qu'elle a été gravement endommagée.

7 Q. Maintenant, une fois que votre maison a été pilonnée en juillet 1995,

8 pourriez-vous continuer à y vivre ?

9 R. Non, on ne pouvait pas continuer à y vivre. Nous étions dans l'abri. En

10 fait, on suffoquait à cause de la poussière qui entrait dans l'abri. On

11 pouvait voir la fumée depuis notre abri. On voyait cela lorsque l'on

12 pouvait sortir. On essayait de choisir un bon moment pour pouvoir sortir.

13 Nous nous mettions d'accord sur le moment où je sortis avec l'un des bébés

14 et ma mère sortirait avec l'autre bébé et je pourrais emprunter le couloir,

15 enfin, tout était

16 -- il y avait des gravins [comme interprété] partout répandus à terre à

17 l'extérieur.

18 Q. Où est-ce que vous avez fini par aller habiter après cela ?

19 R. Nous sommes donc sortis de l'abri. Nous avons attendu la tombée de la

20 nuit, plus tard dans la nuit j'ai emmené les bébés et Avdo est venu. Il

21 avait eu très peur pour nous. Nous sommes allés à un village, Stitkvo Dol,

22 qui était un peu abrité.

23 Q. Quelle était la distance de cet endroit par rapport au centre de Zepa ?

24 R. Environ une demi-heure à pied.

25 Q. Pourquoi avez-vous choisi cet emplacement ?

26 R. Car naturellement c'était à l'abri par rapport au centre. Donc

27 s'agissant de la position géographique. Puis c'étaient les routes que l'on

28 prenait tous en 1992, qui menaient vers la montagne de Zepa. Si la détresse

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1 était vraiment grande, c'est à partir de là qu'il fallait poursuivre notre

2 chemin à travers les forêts.

3 Q. Y a-t-il eu d'autres personnes de votre quartier qui ont fait la même

4 chose que vous, et qui se déplaçaient vers Stitkov Dol ?

5 R. Tout le monde du centre se dirigeait vers Stitkov Dol, de même que

6 d'autres quartiers qui étaient à gauche du centre. En règle générale, il y

7 avait une règle non écrite pendant la guerre, mais les choses se

8 déroulaient de telle manière que un grand nombre de citoyens, de civils

9 allaient là où la famille d'Avdo allait.

10 Q. Combien de personnes y avait-il avec vous qui se déplaçaient vers

11 Stitkov Dol ?

12 R. Environ 2 500.

13 Q. Qui étaient ces personnes, quelle était la composition, la proportion

14 des hommes par rapport aux femmes et aux enfants, les personnes âgées ?

15 R. Il y a eu des femmes et des enfants. Quelques personnes âgées, pour la

16 plupart, des femmes et des enfants, des femmes âgées et quelques

17 vieillards.

18 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Stitkov Dol, est-ce que cette zone était

19 suffisamment grande pour héberger tous ces gens qui arrivaient ?

20 R. Dans ce village, il y a une dizaine de maisons et de constructions

21 auxiliaire, mais les gens étaient dans les champs. Tout était tout à fait

22 normal. Il était normal de dormir dans les champs. Tout était rempli sur

23 les champs et dans les cours des maisons.

24 Q. Est-ce que le pilonnage s'est poursuivi pendant que vous vous déplaciez

25 vers Stitkov Dol et pendant que vous y étiez ?

26 R. Oui. Mais au moment où nous on sortait, je ne me souviens pas qu'il y

27 ait eu des pilonnages. Car parfois, c'était le cas pendant la nuit aussi.

28 Mais je ne me souviens pas avoir eu des problèmes à ce moment-là, je ne me

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1 souviens pas que l'on ait eu à nous cacher. À Stitkov Dol, il y avait des

2 obus qui tombaient de l'autre côté de la colline, mais pas directement sur

3 la population.

4 Q. Combien de temps êtes-vous resté à cette localité ?

5 R. Le 23 juillet, pendant la nuit, tard vers 2 heures 00 peut-être, nous

6 nous sommes dirigés vers la montagne car Brezova Ravan était tombé; c'est

7 l'un des points vitaux pour la défense de Zepa. Il y avait un risque réel

8 que l'armée serbe entre dans Zepa. Alors qu'il n'était toujours pas

9 possible de sauver la population civile et d'arriver à un accord sur les

10 civils, nous nous sommes donc dirigés à 2 heures du matin vers les

11 montagnes et il faisait déjà jour lorsque nous sommes arrivés le 24

12 juillet.

13 Q. Ce matin-là, vous avez entendu dire que les femmes, les enfants, et les

14 personnes âgées allaient être évacuées de Zepa, n'est-ce pas ?

15 R. Oui. Nous avons reçu l'information qu'il fallait retourner et même

16 avant notre départ, il y avait des accords concernant la reddition de Zepa,

17 l'évacuation des civils, la reddition des soldats. Mladic était mécontent

18 du développement de la situation. Il insistait qu'Avdo vienne lui parler

19 mais Avdo ne voulait pas venir négocier avec lui, il attendait que quelque

20 chose soit résolu à Sarajevo. Compte tenu du fait que la situation était

21 horrible, j'avais l'information selon laquelle allait se rendre aux

22 négociations si aucun signe n'ait envoyé de Sarajevo.

23 Lorsque nous avons reçu l'information qu'il fallait revenir le 24, j'ai su

24 qu'Avdo avait participé aux négociations.

25 Q. Qu'avez-vous fait ensuite, lorsque vous avez appris que vous étiez

26 censé être évacué de Zepa ?

27 R. Lorsque j'ai appris qu'il fallait qu'on nous transfère de Zepa.

28 Q. Oui, lorsque vous avez reçu cette information le matin du 24 au moment

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1 où vous étiez hors de Zepa avec ces autres personnes, hors du centre-ville,

2 qu'avez-vous fait ?

3 R. Tout d'abord, nous sommes retournés de la montagne au centre-ville de

4 Zepa.

5 Q. Est-ce que vous pourriez décrire à la Chambre de première instance ce

6 que vous avez remarqué lorsque vous êtes rentrée à Zepa ?

7 R. J'étais vraiment effrayée, j'avais peur pour mon mari. Car il avait

8 accepté de se retrouver en compagnie de ceux qui n'arrêtaient pas de le

9 menacer tout au long de la guerre. Les cars étaient garés les uns derrière

10 les autres dans le centre-ville. Les gens se déplaçaient en masse. J'ai vu

11 un endroit où des soldats serbes se tenaient près d'un bar et mon mari y

12 était avec eux.

13 Q. Vous avez parlée des masses de gens; des gens qui se déplaçaient en

14 masse. Qui était-il ?

15 R. C'étaient des enfants, des femmes, des personnes âgées, pour la

16 plupart des enfants et des femmes.

17 Q. De quoi avaient-ils l'air à ce moment-là ?

18 R. C'était horrible. Je pense qu'il n'est pas possible de décrire cela. A

19 ce moment-là, je les trouvais tous normaux car j'étais comme cela aussi.

20 Les gens étaient affolés, effrayés, terrifiés. Ils avaient perdu des

21 membres de leur famille. Ils s'inquiétaient pour les leurs qui étaient sur

22 les lignes de front. Tout simplement la situation était affreuse,

23 épouvantable, personne ne savait où ils allaient. Les cars étaient sur

24 place, mais ceci ne nous satisfaisait pas moralement et ne nous aidait pas

25 à croire que nous allions survivre.

26 Q. Que s'est-il passé ensuite ? Est-ce que vous êtes montée à bord d'un

27 des cars du convoi ?

28 R. Oui. Je faisais partie de ce même groupe de gens. Puisque j'avais vu

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1 Avdo qui se tenait là, j'ai commencé à m'approcher de lui. Il m'a vu et il

2 s'est approché de moi, et il m'a dit : "Ne t'inquiète pas." Il a essayé de

3 me consoler. Il regardait les enfants. Il a dit quelque chose qui à ce

4 moment-là m'a fait très peur. Il a dit que Zdravko Tolimir était là. Il me

5 l'a montré, je l'ai vu. Il m'a dit qu'il s'était mis d'accord avec lui.

6 Compte tenu du fait qu'Avdo ne croyait pas en la sécurité de l'évacuation,

7 Tolimir lui avait dit qu'ils allaient s'asseoir avec lui dans sa voiture,

8 et qu'il allait être assis derrière, qu'il pouvait garder son pistolet et

9 que s'il y avait quoi que ce soit de suspect, qu'il n'avait qu'à tirer

10 directement dans sa tête sans poser de question et qu'ils allaient être à

11 la tête du convoi.

12 J'avais peur. Je lui ai dit qu'il ne fallait pas croire Tolimir, que

13 c'était fou, qu'il fallait mieux qu'on se fasse tuer sur place que de faire

14 quelque chose de ce genre. Avdo était calme. Il savait à quoi ressemblait

15 la situation, mais il a dit que les civils devaient être sauvés. Je suis

16 entrée dans le bus, dans le car numéro 2. Je sais que j'étais assise sur le

17 deuxième siège. J'avais ma fille aînée dans mes bras, et ma fille cadette

18 était chez ma sœur cadette.Je ne faisais que regarder pour voir où Avdo

19 était, et à

20 7 heures, nous sommes partis.

21 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nombre de cars sur place ?

22 R. Je ne sais pas.

23 Q. Le car dans lequel vous étiez, il était rempli dans quelle mesure ?

24 R. Le car était plein. Tous les sièges étaient pris. Il y a des personnes

25 qui étaient assises devant. Ce sont de vieux cars, qui ont -- c'étaient des

26 vieux cars avec le capot devant. Ma mère, qui était assez âgée à l'époque,

27 était plus près de la partie devant du car, elle était assise par terre, et

28 tout au fond, il y avait un siège long, et je me souviens qu'il y avait des

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1 gens qui étaient assis là-bas.

2 Q. Vous avez dit que vous êtes partie à 7 heures. Est-ce que vous savez si

3 c'était le premier convoi qui a quitté Zepa ?

4 R. Non, le premier convoi était parti plus tôt. Il transportait les

5 personnes blessées et malades, et il est allé à Sarajevo.

6 Q. Comment le savez-vous ?

7 R. J'en ai entendu parler. On me l'a dit, Avdo me l'a dit. Je connaissais

8 aussi certaines personnes blessées qui y étaient.

9 Q. Pendant que vous partiez, est-ce qui que ce soit vous a dit où votre

10 convoi ou votre car allait ?

11 R. Je savais. Je ne sais pas comment d'ailleurs qu'on allait à Kladanj.

12 Q. Avez-vous eu l'occasion de parler avec votre mari à quelque moment que

13 ce soit entre le moment où vous êtes montée à bord du car à Zepa et votre

14 arrivée à la destination finale ?

15 R. Oui. Un endroit entre Rogatica et Sokolac, les cars se sont arrêtés de

16 nouveau. Donc ils se sont arrêtés en face d'un hôtel à Borike, et ils l'ont

17 fait à cet endroit et c'est là que j'ai été prise de panique pour la

18 première fois de ma vie, et que j'ai eu un traumatisme que je n'ai jamais

19 surmonté. A ce moment-là, lorsqu'ils se sont arrêtés, j'ai vu Avdo.

20 Il faisait nuit; les lumières s'étaient allumées. Il est sorti et j'ai eu

21 très peur je me demandais ce qui se passait cependant il a marché vers mon

22 car et il est entré dans mon car. A ce moment-là, il s'est approché des

23 enfants, et à ce moment-là, nous tous les deux ont s'est assis sur les

24 marches à côté de la porte et c'est là que nous avons parlé pendant tout le

25 trajet jusqu'au moment où nous sommes sortis du car à Kladanj.

26 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'observer son comportement ? De

27 quoi avait-il l'air à ce moment-là selon vous ?

28 R. En règle générale, Avdo gardait toujours son calme.

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, Madame Palic. Est-ce que

2 vous souhaitez que l'on fasse une petite pause ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Si à n'importe quel moment

5 vous souhaitez que l'on procède à une pause, n'hésitez pas.

6 Oui, Madame Soljan.

7 Mme SOLJAN : [interprétation]

8 Q. Oui, continuez à nous raconter comment il se comportait, de quoi il

9 avait l'air selon vous ?

10 R. Avdo était quelqu'un qui gardait toujours son calme, et sur un plan

11 télépathique, j'ai ressenti qu'il était conscient de la situation critique

12 dans laquelle il se trouvait, mais j'ai également ressenti sa détermination

13 de faire son travail jusqu'au bout. C'est ce qu'il m'a dit d'ailleurs. Je

14 lui ai simplement demandé de faire attention à lui, et il m'a répondu :

15 "Esma, je vais faire ce travail jusqu'au bout, quoiqu'il m'arrive."

16 Q. Est-ce que vous savez ce qu'il voulait dire par : "Je vais faire ce

17 travail jusqu'au bout, quoiqu'il m'arrive" ?

18 R. Il a été déterminé à sauver nous, les gens de Zepa. C'était cela son

19 travail. En même temps, il était profondément conscient du fait qu'il était

20 la victime et que son rôle, dans tout cela, n'allait pas lui être pardonné.

21 Q. Pourriez-vous nous décrire ce qui s'est passé lorsque vous êtes arrivés

22 à votre destination finale dans les cars ? Tout d'abord, à quel moment est-

23 ce que vous y êtes arrivés ?

24 R. Nous avons voyagé pendant très longtemps. J'étais contente car j'étais

25 avec Avdo, mais, en même temps, je ne comprenais pas. On n'allait pas au

26 bout du monde. J'avais ma montre. J'ai regardé -- pour des raisons

27 émotionnelles, j'ai regardé ma montre au moment où nous nous sommes

28 séparés. Il était 4 heures. Les cars se sont arrêtés. Il y avait une route.

Page 6923

1 Sur la droite, il y avait des cabanes en bois et nous sommes sortis. On

2 nous a dit qu'il fallait que l'on continue à pied. A partir de ce moment-

3 là, Avdo et moi, nous nous sommes dits au revoir. Il m'a dit simplement de

4 prendre le milieu de la route. J'ai commencé à marcher. Je ne souhaitais me

5 retourner. Je sais que nous avons traversé un ruisseau.

6 J'avais deux bébés avec moi, c'était horrible. Nous étions vraiment

7 exténués, mais mis à part ces deux bébés, le problème, c'était notre

8 vieille mère qu'il fallait porter. On l'a tirée sur une branche. Les gens

9 faisaient preuve de solidarité. Ils me proposaient de l'aide, c'est vrai,

10 mais chacun avait suffisamment de ses propres affaires. Les miennes, je les

11 avais oubliées dans le car en raison du stress. De toute façon, j'ai marché

12 pendant très très longtemps. Je sais que nous sommes arrivés à 9 heures à

13 l'endroit où nous étions attendus par une Unité des Pakistanais, qui nous

14 ont offert des rafraîchissements. Je me posais qu'une seule question.

15 C'était de savoir comment Avdo allait retourner à Zepa.

16 Q. Madame Palic, avez-vous souhaité quitter Zepa le 24 juillet 1995 ?

17 R. Dans de telles conditions, non. Non. Au fond, je ne suis pas un

18 véritable paramètre. C'est vrai que je suis née à Zepa. C'est vrai que Zepa

19 était un endroit où j'allais toujours volontiers, un endroit où mes parents

20 et ma famille vivaient, mais, au fond, je ne vivais pas à Zepa; cependant,

21 à ce moment-là, personne ne souhaitait quitter Zepa, et surtout pas d'une

22 manière aussi humiliante.

23 Q. Est-ce que vous avez eu l'impression que vous aviez un choix ?

24 R. Nous avions deux choix. D'un côté, quitter Zepa dans des conditions

25 bien cruelles et humiliantes, et le deuxième choix était de rester, et

26 ensuite, il y avait l'option soit de se faire tuer ou souffrir d'autres

27 manières. Il n'y avait pas d'autres choix.

28 Q. Madame Palic, est-ce que vous avez jamais revu ou entendu votre mari

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1 depuis cette dernière conversation, lorsqu'il est entré dans le bus, dans

2 le car ?

3 R. Je ne l'ai plus revu, mais le 24 ou 25 -- le 26, j'étais a Visoko,

4 donc, le 25 au matin, nous étions à Kladanj. Le 26 au matin, on était à

5 Visoko, et à ce moment-là, un homme qui connaissait mon frère est arrivé.

6 Il m'a dit qu'Avdo -- qu'il l'avait contacté par le biais des radios

7 amateurs, en envoyant le message qu'il était rentré à Zepa vivant. Il

8 savait que je m'inquiétais. Pour moi, le pire, c'était l'idée de son retour

9 avec eux. Je me demandais comment il allait le faire.

10 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu des nouvelles de votre mari

11 depuis ?

12 R. Après, Avdo, il a été capturé le 27. Le 28, j'ai entendu la nouvelle

13 qu'il était capturé. C'est ce que j'ai entendu dire à son sujet.

14 Q. Vous ne l'avez plus jamais revu depuis ?

15 R. Non. Non. Mais il y a des témoins qui l'ont vu dans des prisons

16 secrètes.

17 Q. Madame Palic, est-ce que vous pourriez nous décrire quel était l'impact

18 de cela sur vous et votre famille ?

19 R. Après les persécutions et la déportation de Zepa, ma vie a simplement

20 été détruite. Psychologiquement et physiquement torturée, je suis arrivée

21 sur ce territoire contrôlé par Alija Izetbegovic, mais mis à part les deux

22 bébés, je n'avais rien. J'avais mon mari qui était capturé et que je devais

23 rechercher. Je devais prier et supplier pour qu'il soit libéré. Je savais

24 qu'il était vivant. Pendant des années, je me battais pour qu'il soit

25 libéré. En juillet, cela fait 12 ans depuis sa captivité, alors que je ne

26 sais pas du tout ce qui lui est arrivé, ni quelles sont les conséquences

27 véritables. Tout ce que je peux dire, c'est que je vis dans le noir, dans

28 des souffrances constantes avec deux enfants qui ont quand même besoin

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1 d'une mère saine.

2 Je vis la vie que Mladic a choisie pour moi, et pas moi-même. Mladic

3 a décidé de nous expulser. Mladic a capturé mon mari. Mladic a fait qu'à 28

4 ans, je reste seule avec deux enfants. C'est une vie qui n'est pas mon

5 choix. Je pense qu'il n'y a pas besoin de parler des conséquences, c'est

6 trop. Je vous demanderais que l'on fasse une pause maintenant, s'il vous

7 plaît.

8 Mme SOLJAN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

9 questions.

10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons faire une pause de 25

11 minutes -- ou plutôt, aussi longue que nécessaire. L'Unité chargée des

12 Témoins et des Victimes va coordonner cela, et nous en informer s'il vous

13 plaît. Merci.

14 --- L'audience est suspendue à 9 heures 57.

15 --- L'audience est reprise à 10 heures 28.

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc, Madame Palic, nous allons

17 continuer. Lorsque vous aurez besoin d'une pause, je vous dirais de nous le

18 dire si vous avez besoin d'une pause.

19 En fait, qui sera le premier conseil à contre-interroger le témoin ? C'est

20 Maître Zivanovic.

21 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

22 Contre-interrogatoire par M. Zivanovic :

23 Q. [interprétation] Bonjour, Madame. Si j'ai bien compris, vous avez été à

24 Zepa pas pendant la durée de la guerre, n'est-ce

25 pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Pourriez-vous me dire la chose suivante : votre mari, en tant que

28 commandant de la brigade, et les autres personnes qui faisaient partie de

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1 la brigade, est-ce que vous savez s'ils étaient sur les lignes de front qui

2 se trouvaient devant l'armée de la Republika Srpska ?

3 R. Pour quelle période ?

4 Q. Pendant que vous étiez à Zepa ?

5 R. Avant l'arrivée des Nations Unies à Zepa, oui, lorsque les forces de

6 Mladic sont attaquées Zepa en 1995 et quand la FORPRONU a refusé de créer

7 une défense de Zepa, c'est à ce moment-là qu'ils sont retournés sur la

8 ligne de front.

9 Q. C'est à ce moment-là qu'on a procédé au pilonnage de Zepa, n'est-ce

10 pas, je présume ?

11 R. Oui.

12 Q. Dites-moi, je vous prie : votre mari ainsi que les autres membres de

13 son unité ont passé un certain temps lorsqu'ils n'étaient pas sur la ligne

14 de front, alors qu'ils étaient de repos, ils étaient chez eux, ils

15 rentraient chez eux, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. S'agissant de Zepa, y avait-il un immeuble -- bâtiment ou un endroit où

18 ces derniers pouvaient dormir ou rester, enfin, manger et se reposer

19 pendant qu'ils n'étaient pas sur les lignes de front ?

20 R. Je n'ai pas connaissance de l'existence d'un tel bâtiment ou

21 installation.

22 Q. Merci.

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Maître Zivanovic.

24 Monsieur Meek.

25 M. MEEK : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas de

26 questions pour Mme Palic.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

28 Madame Nikolic, est-ce que vous des questions pour ce témoin ?

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1 Mme NIKOLIC : [interprétation] Non, merci, Monsieur le Président. Nous

2 n'avons pas de questions pour ce témoin.

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Madame Nikolic.

4 Monsieur Lazarevic.

5 M. LAZAREVIC : [interprétation] Non, nous n'avons pas de questions pour ce

6 témoin.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Lazarevic, merci.

8 Madame Fauveau. Monsieur Josse, plutôt, je vous écoute.

9 Contre-interrogatoire par M. Josse :

10 Q. [interprétation] Madame Palic, j'aurais un certain nombre de questions

11 pour vous. Mais pourrais-je d'abord commencer avec votre permission de vous

12 poser cette question, confirmant ce que vous avez dit tout à l'heure. Si je

13 ne m'abuse vous avez passé les dix dernières années dans les efforts de

14 présenter au public le sort de votre mari, n'est-ce pas ?

15 R. Oui, presque 12 ans, en fait.

16 Q. Vous vous êtes livré à cette bataille avec beaucoup de ténacité et

17 beaucoup -- vous avez obtenu des résultats, n'est-ce

18 pas ?

19 R. Non, pas encore. Tout ce que j'ai -- tout ce je connais est encore

20 incertain. Pour vous parler des faits ou de résultats, il y a en décision

21 de la Commission des droits de l'homme sur papier. Je me suis rendue

22 partout pour rencontrer des membres des autorités de la Republika Srpska de

23 Sarajevo. Je m'étais rendue auprès de la communauté internationale pour

24 essayer - pour être plus précise, le OHR - pour essayer d'obtenir une

25 décision du centre des Doits de l'homme. Mais pour tout ce qui est, pour

26 tout ce que j'ai su, c'est moi qui ai dû trouver les témoins, c'est moi qui

27 ai trouvé toutes les personnes.

28 Pendant quatre ans, je n'ai pas eu de résultat, je n'ai pas eu de décision.

Page 6928

1 Ensuite, j'ai fait une demande auprès de la Cour constitutionnelle car la

2 décision n'avait pas encore été mise en œuvre. Ensuite, j'ai reçu une autre

3 décision de la cour, et de la commission, que la commission travaille très

4 fort de cacher les informations, de dissimuler les informations, de ne pas

5 me permettre de savoir ce qui s'est vraiment passé. Ensuite, ils m'ont dit

6 que le corps de mon mari -- que mon mari avait été tué, mais comment

7 voulez-vous que je sache qu'il a été tué, qui est l'auteur de son meurtre

8 lorsque ses ossements n'ont pas encore été trouvés. J'ai su qu'il avait été

9 enfermé par les Nations Unies. J'ai su qu'il avait été maltraité par les

10 hommes de Mladic.

11 Qu'il avait fait l'objet de mauvais traitements. Que quelqu'un

12 l'avait tué avec une machette. Mais comment voulez-vous que je croie

13 quelqu'un lorsque ceci n'est pas confirmé. Je crois que mon mari est peut-

14 être encore en vie, pourquoi ne croirais-je pas que mon mari est encore en

15 vie. Il n'y a aucun résultat. Jusqu'à ce que mon mari ne me soit remis

16 vivant ou jusqu'à ce que je n'aie eu ses ossements, je ne pourrais pas être

17 tranquille. Je voudrais alors, s'il ait été tué, voir l'auteur de ce

18 meurtre devant les tribunaux.

19 Q. J'y reviendrai dans quelques instants, avec votre permission. Mais pour

20 l'instant, je voudrais revenir à ce que vous avez dit un peu plus tôt ce

21 matin. Vous avez mentionné que, dans l'enclave la population était composée

22 de Musulmans de Bosnie, à l'exception de deux professeurs serbes ou deux

23 enseignants serbes, n'est-ce pas, c'est cela que vous avez dit ?

24 R. Oui, c'est exact.

25 M. JOSSE : [interprétation] Nous pourrions peut-être demander aux

26 assistants de placer à l'écran un document qui porte la cote 6D27.

27 Q. C'est un document que nous avons déjà commencé à examiner hier. Ce qui

28 m'intéresse c'est la page 3, avec votre permission, Monsieur le Président,

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1 je souhaiterais vous rappeler que c'est le document qui décrit le rapport

2 du service du renseignement émanant de diverses sources serbes.

3 Madame, je vais vous montrer un certain nombre de documents, certains

4 documents n'ont pas été traduits toutefois. Je demanderais que l'on place

5 la page 4 à l'écran. Vous allez devoir m'aider, Madame, car je ne lis pas

6 le B/C/S. Je vais devoir vous demander de bien vouloir nous lire des

7 parties du texte lentement.

8 C'est le troisième paragraphe qui m'intéresse et qui commence avec le

9 mot : "Medju", "parmi." Alors, veuillez, je vous prie, nous donner lecture

10 de ce paragraphe composé de trois lignes, mais lentement, je vous prie,

11 pour le bénéfice des interprètes. Madame, lisez, je vous prie, à haute

12 voix.

13 R. "Parmi les enseignants à Zepa, il y avait également deux femmes de

14 nationalité serbe. L'enseignante, Jelenka Cesko, mariée avec Sarija Cesko,

15 et une enseignante à la retraite, qui s'appelle Rosa." Le nom de famille ne

16 figure pas sur cette liste, mais je peux vous dire qu'elle s'appelait

17 Lazarevic.

18 Q. Donc, vous confirmez que l'information que contient ce document qui

19 fait partie d'un rapport est exacte; est-ce que c'est cela ?

20 R. Ce que je viens de lire est vrai, mais je ne sais pas pour le reste. Je

21 n'ai pas lu l'ensemble du document.

22 Q. Non, non, Madame. Je ne vous demande pas de confirmer la totalité du

23 document, mais simplement cette partie-là -- cette partie-là qui

24 m'intéressait. Nous pouvons maintenant passer à autre chose.

25 La prochaine question est la suivante : vous avez dit aux Juges de la

26 Chambre, un peu plus tôt, que le pilonnage s'est arrêté au mois de mai

27 1993, pour ce qui est de la région de Zepa. C'est exact de dire, n'est-ce

28 pas, que la raison pour laquelle le pilonnage a cessé, c'est parce que Zepa

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1 était devenue, à ce moment-là, une enclave protégée par les Nations Unies ?

2 R. Probablement que oui. C'est probablement la raison.

3 Q. Je veux vous demander, Madame, de prendre connaissance de la pièce

4 6D31. Le problème inverse se présente. Je crois que ce texte n'est

5 disponible qu'en anglais, donc, c'est moi qui vais devoir vous donner

6 lecture du passage pertinent. Prenons l'article 3. C'est un accord qui a

7 été signé entre Mladic, Halilovic, le général Morillon également, le 10 mai

8 1993, transformant Srebrenica et Zepa en enclave.

9 Nous pouvons voir le document sous les yeux. Nous pouvons lire ici

10 l'article 3 qui dit : "Chaque unité militaire ou paramilitaire devront soit

11 se retirer de la zone démilitarisée ou remettre leurs armes, munitions,

12 mines antipersonnel, explosifs et fournitures de combat se trouvant dans la

13 zone démilitarisée à la FORPRONU." Par la suite, on explique la façon de

14 laquelle ce processus devrait se faire. Nous n'allons pas entrer en détail.

15 Maintenant, Madame, quel est -- qu'est-ce que vous savez, s'agissant des

16 efforts déployés par votre mari et d'autres destinés à se procurer les

17 armes en 1994 et 1995 à Zepa ?

18 R. Je n'ai pas bien compris votre question. En 1994, il n'était pas

19 nécessaire d'avoir des armes. Je vous demanderais de me poser une question

20 plus concrète.

21 Q. J'y arrive justement, mais avec votre permission, je voudrais

22 reformuler cette phrase. Nous pouvons voir, de par cet accord, que Zepa

23 était censé être une zone démilitarisée. Selon vous, et vous étiez

24 présente, est-ce que la zone de Zepa est restée une zone démilitarisée

25 avant que -- avant la reprise du pilonnage en mars 1995 ?

26 R. Zepa est restée une zone démilitarisée jusqu'au moment où la FORPRONU a

27 dit à Avdo qu'il ne pouvait pas défendre Zepa. Ils ont simplement retourné

28 ou ils ont rendu les armes que la FORPRONU gardait.

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1 Q. C'était quand ?

2 R. Srebrenica était déjà tombée et c'était lorsque les forces de Mladic

3 ont commencé à se concentrer autour de Zepa. Avdo avait d'abord demandé la

4 protection des Nations Unies, c'est-à-dire de la FORPRONU à Zepa. Il a

5 constamment eu des pourparlers, il a négocié, et cetera. Je sais que Dudnik

6 est allé à Boskanica pour rencontrer Kusic, qui était un commandant local.

7 Il avait demandé que Zepa ne fasse pas l'objet de pilonnage.

8 Mais lorsque ce qui est arrivé était arrivé à Srebrenica, nous étions --

9 nous avions déjà reçu l'information le 12 que Srebrenica était tombée. Cela

10 ne devait pas arriver, puisqu'il s'agissait d'une zone protégée, donc, cela

11 veut dire que les Nations Unies ne l'avait pas protégée. Donc, Avdo a

12 compris, au même moment que le même sort nous était réservé, et donc il

13 avait demandé de quelle façon : est-ce qu'ils allaient nous défendre ? Mais

14 il était tout à fait clair que cette petite unité des Nations Unies

15 n'allait pas pouvoir nous défendre. C'est une petite Unité du Bataillon

16 ukrainien qui se trouvait à Zepa et alors, ils leur ont dit : "Voilà, nous

17 vous rendons vos armes. Défendez-vous vous-même."

18 Q. C'était en juillet 1995, n'est-ce pas ? Vous venez de nous décrire les

19 événements qui se sont déroulés en juillet 1995 ?

20 R. Oui.

21 Q. Du meilleur de votre connaissance, il n'y a pas eu d'efforts déployés

22 par la population musulmane de l'enclave de Zepa pour procéder à un nouvel

23 armement après cette période ? Ils n'ont pas essayé de s'armer de nouveau;

24 est-ce que c'est ce que vous nous dites ?

25 R. Non. Je ne comprends pas d'abord votre question. Qu'est-ce que vous

26 voulez dire par "s'armer de nouveau" ou "s'armer" ?

27 Q. De prendre possession de quelque type d'armes militaires : canons,

28 artillerie, fusils, mines antipersonnel, munitions, et cetera. En fait,

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1 tout ce qui constitue l'armement militaire.

2 R. Non. Aucun effort de ce type n'avait été déployé, mais d'après ce que

3 je sais, ce n'était pas nécessaire non plus, puisque nous étions une zone

4 protégée. Il s'agissait d'une zone protégée.

5 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au témoin la

6 pièce 5D7, je vous prie ? Ce document, Monsieur le Président, a été

7 traduit. Je suis entre vos mains à savoir si vous aimeriez le voir sur

8 l'écran de façon bilingue.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] En fait, nous l'avons déjà en anglais

10 sur l'autre écran.

11 M. JOSSE : [interprétation]

12 Q. Madame, il s'agit d'un document qui nous permet de voir, si nous nous

13 rendons jusqu'au bas du document, de la deuxième page, en fait, que ce

14 document émane -- l'anglais est en deux pages, mais le B/C/S se trouve sur

15 une page, en fait. Nous voyons que ce document émane du général de brigade

16 Hadzihasanovic. Si nous prenons la date, c'est une date en février. En

17 haut, nous pouvons voir que le document a été envoyé à l'armée de la

18 Republika Srpska.

19 Plus loin, nous pouvons voir que le vœu est allé à Zepa, il faut le

20 préparer pour le voyage. Si nous descendons un peu plus bas, nous voyons

21 une description de diverses armes. Donc, nous pouvons voir une livraison

22 quant à la livraison des armes livrées à un héliport le jour suivant et au

23 point 4, plus précisément, nous pouvons voir que l'on parle -- qu'on le

24 préparer donc pour ce voyage. Il y a une certaine énumération. Donc, on

25 voit 100 pièces de fusils automatiques de 7,62 millimètres. A Zepa, par

26 exemple, mortiers, obus, balles et également du sel comestible et ainsi que

27 certaines cigarettes.

28 Est-ce que vous avez connaissance de tout cela ?

Page 6933

1 R. Vous savez, le sel était une denrée rare. Je n'avais pas plus de celle

2 comestible pendant toute la durée de la guerre.

3 Q. Madame Palic, tranquillisez-vous, je vous prie. Vous savez très bien

4 que je ne vous pose pas des questions concernant le sel. Je vous pose des

5 questions concernant les armes.

6 R. Non. Non, non, bien sûr, pour les armes. D'accord. Je n'ai pas

7 connaissance de cette question d'armes. Vous savez, cette histoire de sel,

8 mais particulièrement -- m'a fait revivre ces moments difficiles parce que

9 c'était une denrée très rare, je n'ai pas vu une seule graine de sel

10 pendant la guerre.

11 Q. Excusez-moi, si j'ai été un peu arrogant, j'en suis désolé. Permettez-

12 moi maintenant de vous poser une question. M. Ismet Ljeskovica, puisqu'on

13 fait référence à lui au point 4 --

14 R. Oui, justement c'est ce que j'allais dire. Ismet Ljeskovica.

15 Ce nom-là je n'ai jamais entendu parler de cette personne. Il n'était non

16 plus nécessaire de connaître tous les noms, mais, vous savez, il n'y a

17 personne qui portait ce nom de famille. Même les personnes qui arrivaient

18 de l'extérieur ne s'appelaient pas comme cela. C'est un patronyme un peu

19 inhabituel.

20 Q. Je peux vous montrer d'autres documents qui ressemblent à celui-ci et

21 qui porte une date -- qui portent des dates autour de cette période du 20

22 février, un autre document du 20 mars, par exemple. Ces documents parlent

23 de votre mari qui était général de brigade, donc, général -- les deux

24 documents ont adressé à votre mari et ces deux documents provenaient du

25 général de brigade, le général Hadzihasanovic et ces documents traitent de

26 la livraison d'armes. Est-ce que vous pouvez nous confirmer si vous avez

27 connaissance de cela ?

28 R. Non. Aucune connaissance de cela.

Page 6934

1 Q. Est-ce que vous avez vu d'autres hommes autres les soldats de la

2 FORPRONU avec des armes ?

3 R. Pourriez-vous être un peu plus précis ?

4 Quand, avant l'attaque sur Zepa ?

5 Q. Plus spécifiquement, je parle de la période avant le mois de mars 1994

6 lorsque vous dites avoir -- vous dites que le pilonnage a repris après une

7 trêve assez brève -- a pris une trêve de deux ans.

8 R. Non.

9 Q. Est-ce que vous savez si votre mari avait organisé des attaques à

10 l'extérieur de l'enclave ? En d'autres mots, est-ce que vous savez s'il

11 avait organisé depuis la position de l'enclave en attaquant les positions

12 serbes de l'extérieur de l'enclave en 1994 et 1995 avant que les pilonnages

13 ne soient repris ? Est-ce que vous avez quelques connaissances que ce soit

14 sur ce sujet ?

15 R. Non. Ce que je peux vous dire toutefois c'est que mon mari prônait la

16 stratégie de la défense et non pas de l'attaque.

17 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au témoin la

18 pièce 6D26 ? Je vous prie, de nouveau, Monsieur le Président, c'est un

19 document que les Juges de la Chambre ont pu déjà voir et donc vous l'avez

20 sans doute déjà vu.

21 Q. Madame Palic, puisque nous n'avons pas de traduction de ce document, ce

22 document a déjà été lu au compte rendu d'audience il y a quelque temps. Je

23 vous demanderais d'en prendre connaissance dans votre fort intérieur.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Voyez-vous, je sais que vous nous

25 teniez très haut dans votre estime, nous, Juges de la Chambre de première

26 instance, cette Chambre de première instance, mais nous ne pouvons nous

27 souvenir exactement de la teneur de ce document sans avoir la traduction en

28 anglais.

Page 6935

1 M. JOSSE : [interprétation] Je vais vous en donner un résumé.

2 Q. Madame Palic, le 20 décembre 1994, on avait parlé d'une certaine

3 insurrection ou attaque supposément organisée par votre mari depuis

4 l'intérieur de l'enclave en direction de l'endroit qui s'appelle Laze-

5 Mislovo. Ce document nous dit que l'unité de votre mari n'a pas souffert de

6 perte ou de mort et qu'il s'agissait d'une action de sabotage. Est-ce que

7 vous vous rappelez de cela ?

8 M. JOSSE : [interprétation] Ou plutôt, Monsieur le Président, voilà c'est

9 pour vous que je résume ces propos.

10 Q. Madame, est-ce que vous êtes d'accord avec mon résumé, le résumé de ce

11 document ?

12 R. J'en prends connaissance, mais je n'ai jamais entendu parler de ceci.

13 Q. Est-ce que vous êtes étonnée - et permettez-moi de vous expliquer ce

14 que je veux dire par là - vous n'avez absolument aucune idée si votre mari

15 avait pris part à une telle activité, à ce moment-là. En fait, c'est ce que

16 je veux dire par là. Est-ce que cela vous étonne ? Vous ne saviez pas que

17 votre mari avait pris part à une telle activité, n'est-ce pas ?

18 R. Je ne crois pas que ce soit la vérité. Vous l'avez décrit, comme vous

19 l'avez fait, mais j'ignore ces faits.

20 Q. Fort bien. Vous avez décrit la situation dans l'enclave comme étant une

21 situation désespérée. Maintenant, je parle de la période allant de mai à

22 juillet 1995. Vous en avez parlé un peu plus tôt ce matin, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Il semblerait que l'argent était une denrée très rare également.

25 R. Il n'avait absolument pas d'argent de toute façon, je n'en avais pas.

26 Il y avait peut-être des personnes qui pouvaient avoir de l'argent -- qui

27 avaient de l'argent, je ne le sais pas, mais nous n'avions pas d'argent.

28 C'était ainsi, mais nous avions appris à vivre sans argent. Nous étions

Page 6936

1 habitués à vivre sans argent.

2 Q. Est-ce que vous savez dans quel était financier se trouvait la Brigade

3 de Zepa à cette époque-là peu de temps après la chute de l'enclave ?

4 R. Non.

5 Q. Est-ce que vous savez que la Brigade de Zepa a fait un prêt à votre

6 mari pour qu'il puisse sortir de sa situation financière qui était plutôt

7 désespérée ?

8 R. Non.

9 M. JOSSE : [interprétation] Pourrait-on examiner la pièce 6D32 ?

10 De nouveau, Monsieur le Président, encore une fois, nous n'avons pas de

11 traduction en langue anglaise. Il s'agira de la pièce 6D32.

12 Q. En fait, si vous prenez la deuxième page vous verrez que ce document

13 émane du commandant général Rasim Delic.

14 R. Je voudrais le voir de l'écran.

15 M. JOSSE : [interprétation] Oui, allez un petit peu plus haut, je vous

16 prie.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, voilà, voilà, c'est là.

18 M. JOSSE : [interprétation]

19 Q. Merci. Est-ce que vous avez déjà vu ce document par avant ? C'est un

20 document qui semblerait avoir été produit par un ordinateur, est-ce que

21 vous aviez déjà vu auparavant des documents de ce type-là à l'époque ?

22 R. Non. Non, absolument pas. Il est clair qu'ici, étant donné le montant

23 qui est indiqué en 2003, lorsque Zepa a été proclamé zone neutre ou

24 défendue par les Nations Unies, il y avait une délégation de Zepa avec la

25 permission du côté serbe, qui s'était rendue par hélicoptère à Sarajevo et

26 je ne sais trop -- je ne sais pas quel était le congrès, mais, en tout cas,

27 il y avait une conférence ou un congrès. C'est à ce moment-là, étant donné

28 la situation qui prévalait à Zepa, Avdo avait reçu des moyens qu'il était

Page 6937

1 censé partager avec l'armée, 5 000 marks, puisqu'ici on parle de 5 000

2 marks allemands. Avdo avait demandé un prêt pour venir en aide à sa sœur et

3 à sa famille qui se trouvait à l'extérieur de Sarajevo, ils habitaient à

4 Hrasanica. Etant donné qu'il n'y avait pas eu de document là-dessus,

5 lorsqu'il est retourné à Zepa, il apporté cet argent, en fait, ce n'était

6 pas qu'Avdo, mais c'était une délégation du président de la présidence de

7 guerre et d'autres personnes, c'était l'argent qui était destiné aux

8 soldats. Il y avait également quelques cigarettes. Pour venir en aide aux

9 familles qui étaient restées sans abri, ils n'avaient pas su où habiter et

10 qui étaient restées sans hommes pour subvenir à leurs besoins, c'est ainsi

11 que l'on a procédé à la construction de petites cabanes de bois pour ces

12 familles-là. Avdo avait demandé qu'on lui remette une attestation, un

13 certificat selon lequel il avait remis 5 000 marks allemands à ses sœurs

14 qui se trouvaient dans une situation très difficile.

15 Mais pour ce qui est du 2 juillet, ce n'était pas en date du

16 2 juillet, j ne sais pas pourquoi on parle de cette date-là. Mais l'argent

17 qu'il a reçu, il a donné 100 marks, il avait distribué l'argent aux membres

18 de son armée. Lui-même a pris 100 marks allemands. Pour le reste, cela a

19 été pour la construction des cabanes de bois pour les familles qui étaient

20 restées sans aide, sans hommes pour subvenir à leur besoin.

21 Q. Je ne vous ai pas arrêté parce que indépendamment du reste, si je peux

22 l'éviter, je n'arrête pas un témoin au milieu de sa réponse. Mais tel que

23 je comprends les choses, d'après ce que vous venez de dire, vous vous

24 référez en 1993. Ce document-ci a trait à 1995 ou n'est-ce pas le cas,

25 n'est-ce pas vrai ?

26 R. La date me surprend et crée de la confusion parce que c'était en 1993,

27 donc, je suis un peu dans la confusion en ce qui concerne la date. Pourquoi

28 est-ce qu'Avdo aurait eu besoin de 5 000 marks ? Je ne pense pas que cet

Page 6938

1 argent ait effectivement existé. Avdo n'avait pas besoin de cet argent. La

2 seule explication logique -- ou le seul raisonnement logique que je puisse

3 faire ou donner, je vais le faire, c'est qu'Avdo aurait demandé pensant là

4 encore que son sort était désespéré, qu'il était entre les mains de Mladic,

5 qu'il avait besoin de quelque chose pour prouver à sa famille qu'il

6 reviendrait et qu'il leur rendrait ce qu'il avait reçu précédemment. Donc,

7 je n'aurais ainsi pas de problème par la suite.

8 C'est la seule explication logique, donc, qu'à cette date au 2

9 juillet, c'est étrange pour moi parce que ceci, en fait, a eu lieu en 1993.

10 C'est quelque chose que Delic savait ainsi que d'autres membres de la

11 présidence de guerre à Zepa. Lorsque sa sœur est arrivée, elle leur a parlé

12 de l'endroit où elle vivait, comment elle vivait. Il a demandé de l'argent

13 pour aider sa sœur. Il avait dit qu'il rendrait l'argent, ils ont dit il

14 mérite certainement d'être aidé pour sa famille. Il a répondu non, je

15 rendrais l'argent. C'est la raison pour laquelle on a rédigé ce document

16 qui confirmait ce point, à savoir qu'il rendrait l'argent.

17 Q. Madame Palic, je ne veux trop insister sur ce point, mais je voudrais

18 juste vous inviter à lire le point numéro 2 qui est à l'écran devant vous.

19 Je voudrais vous poser une question à ce sujet.

20 R. A haute voix --

21 Q. S'il vous plaît.

22 R. -- ou pour moi-même ?

23 Q. A haute voix.

24 R. "Paiement en vertu de cette décision sera effectuée par le trésor de la

25 Brigade légère de Zepa, sur les fonds reçus par le trésor de cet état-major

26 pour l'utilisation, les besoins de ladite unité."

27 Q. Pourriez-vous donner une explication de la façon dont la Brigade légère

28 de Zepa pouvait, en fait, avoir 5 000 marks allemands en juillet 1995 ?

Page 6939

1 R. Non, je ne peux rien dire à ce sujet.

2 Q. A ce moment-là, en juillet 1995, soyez-vous en mesure combien d'hommes

3 votre mari avait sous ses ordres, sous son commandement ?

4 R. Je ne sais pas combien, peut-être une brigade.

5 Q. Je voudrais suggérer qu'il avait environ 1 200 hommes sous son

6 commandement, et qu'ensuite, après la chute de Srebrenica, 700 de plus se

7 trouvaient aussi à sa disposition. Que pourriez-vous me dire à ce sujet ?

8 R. Je ne vois pas ce que je serais censée dire. Il y avait certainement 1

9 000 hommes, et après la chute de Srebrenica, je ne sais pas combien de

10 personnes sont venues, certainement 500. Un grand nombre était blessé, on

11 finit dans un hôpital. Maintenant quant à savoir si tous étaient à sa

12 disposition, je ne sais rien de cela.

13 Q. Acceptez-vous la proposition suivante que je pourrais présenter à

14 l'écran devant vous en anglais, qui est tirée d'un rapport que la Chambre a

15 entendu et évoqué très souvent ou qu'on appelle le rapport NIOD, pour

16 lequel des renseignements concernant ce rapport étaient demandés par le

17 gouvernement néerlandais concernant les événements qui ont entouré la chute

18 plus particulièrement de Srebrenica, mais aussi de Zepa.

19 La proposition est la suivante : "Le 13 juillet, les Serbes de Bosnie

20 ont essayé de convaincre les Musulmans de Bosnie de déposer leurs armes," -

21 ceci à Zepa, je me hâte d'ajouter - "après que la population ait pu choisir

22 de rester ou de partir." Aucune réponse n'a été donnée, je cite ici pour

23 que ce soit bien clair : "Ce sont les Musulmans de Bosnie qui voulaient

24 combattre, se battre."

25 Que pouvez-vous dire à ce sujet ?

26 R. Ceci est de l'hypocrisie.

27 Q. Pouvez-vous nous dire pourquoi, s'il vous plaît, Madame ?

28 R. Ceci c'est de l'hypocrisie. Les Musulmans à Zepa n'avaient aucun choix.

Page 6940

1 Ils n'avaient pas le choix de pouvoir rendre leurs armes et rester. Je vous

2 ai dit que j'ai entendu de mes propres oreilles le moment où on a lancé un

3 appel pour que les Musulmans se mettent en route avec des drapeaux blancs

4 en direction de Brezovo Ravan. Il aurait été dit : "Vous ne pouvez pas

5 rester plus longtemps ici. Allez aux territoires qui se trouvent sous le

6 contrôle d'Alija Izetbegovic."

7 Les cars étaient déjà alignés à Boksanica. Ce qui voulait qu'Avdo

8 fasse c'était qu'il se rende -- que ces troupes -- que ces soldats déposent

9 leurs armes, et à partir de ce moment-là, ils seraient devenus des

10 prisonniers de guerre. Avdo ne pouvait pas permettre que ces troupes soient

11 remises à Mladic et deviennent des prisonniers de guerre et séparés des

12 civils de l'armée, bien, quelque chose arrivait aux civils et quelque chose

13 d'autres arrivaient aux prisonniers de guerre. Pour ce qui est de la

14 déportation ne posaient pas de problème à partir du moment où l'attaque a

15 commencé. Il a dit : "Partons d'ici." C'est pour cela que je dis que c'est

16 de l'hypocrisie.

17 Permettez-moi de vous le dire, Messieurs, les attaques contre Zepa,

18 qui ont commencé en 1992, en août 1992, où il y a eu une attaque qui a été

19 repoussée, et dans cette attaque un officier de l'armée serbe a été tué. On

20 a trouvé sur lui des documents où il était dit : "Indépendamment des

21 victimes vous devez -- quels que soient les victimes vous devez parvenir à

22 la Drina pour le 20 septembre." Les messages que nous avons reçus c'est que

23 vous ne pouvez pas rester à la frontière avec la Serbie, allez dans le

24 territoire d'Alija. Donc, nous n'avions pas le choix de rester. Nous ne

25 pouvions pas rester. C'est de l'hypocrisie. Je ne sais pas quel autre mot

26 employer pour décrire cela.

27 Q. A la mi-juillet 1995, je crois que vous avez déjà abordé cela, les

28 rapports entre les habitants de l'enclave et la FORPRONU n'ont plus

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1 fonctionné; c'est cela que vous dites ?

2 R. Non, je n'ai pas dit cela. La population n'avait pas de rapport avec la

3 FORPRONU. C'était quelque chose qui était entre les mains des autorités

4 légitimes. Le président de la présidence de Guerre et d'autres personnes

5 qui avaient des postes de ce genre. Donc, la population en fait n'avait

6 aucun rapport avec la FORPRONU.

7 Q. Dans la réponse que vous venez de faire, aviez-vous bien dit que votre

8 mari faisait également partie d'une relation avec la FORPRONU, qui

9 participait aussi dans la relation -- ou des rapports avec la FORPRONU ?

10 R. Oui.

11 Q. Non, j'ai simplement posé la question parce que cela ne ressortait pas

12 de la traduction.

13 R. Oui. Avdo avait des contacts constants avec la FORPRONU même avant que

14 ne commence l'attaque contre Zepa. Je pense que ces rapports avec eux

15 étaient particulièrement bons, exceptionnellement bons. Il avait une

16 excellente communication avec tout le monde à la FORPRONU, avec les

17 officiers qui commandaient la FORPRONU à Zepa. Je ne peux pas vous dire

18 quoi que ce soit qui indiquerait qu'il y ait eu de mauvaises communications

19 ou de mauvais rapports.

20 M. JOSSE : [interprétation] Bien, dans ce cas-là, jetons un coup d'œil,

21 Madame, à la pièce 6D34, s'il vous plaît.

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter

23 le numéro de la pièce parce que le 6D34 n'est pas saisi dans le système e-

24 court ?

25 M. JOSSE : [interprétation] On me dit que si, Madame la Greffière.

26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ne perdons pas de temps. Si vous avez

27 une copie papier, un exemplaire papier, peut-être peut-on le mettre sur le

28 rétroprojecteur ? Il semble que nous ne l'ayons pas, Maître Josse.

Page 6942

1 M. JOSSE : [interprétation] Bien. Nous cherchons un exemplaire sur lequel

2 il n'y a pas de marque. Nous en avons trouvé un, heureusement, Monsieur le

3 Président. Il peut être placé sur le rétroprojecteur.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Maître Josse.

5 M. JOSSE : [interprétation] Je voudrais présenter mes excuses à la

6 Greffière par votre truchement, Monsieur le Président.

7 Q. Alors, voici un document qui est daté du 16 juillet 1995. Regardons le

8 bas de la page un instant. Vous voyez qu'il émane de votre époux.

9 M. JOSSE : [interprétation] Si nous allons tout en haut, excusez-moi, Mme

10 l'Huissière.

11 Q. Nous pouvons voir que c'est un message urgent : "Envoyez un certain

12 nombre d'organes. L'un d'entre eux est le Grand état-major de l'ABiH." Plus

13 particulièrement, je voudrais que vous lisiez la phrase qui commence par

14 "FORPRONU," "la FORPRONU." Pourriez-vous lire ceci à haute voix, s'il vous

15 plaît.

16 R. "Nous désarmons la FORPRONU conformément à des instructions

17 précédemment données."

18 Q. Avez-vous une idée quelconque de ce que votre mari voulait dire dans

19 cette communication adressée à ses chefs à Sarajevo ?

20 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu la réponse du témoin.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je sais simplement que les armes qui ont

22 été déposées en 1993 ont été rendues une fois que l'attaque ait commencé.

23 Il se peut que cela ait trait à cette question.

24 M. JOSSE : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait d'abord laisser ce

25 document sur le rétroprojecteur et présenter à l'écran par le logiciel e-

26 court le document 6D30.

27 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, c'est l'accord relatif

28 au désarmement de la population en âge de porter les armes dans l'enclave

Page 6943

1 de Zepa daté du 24 juillet 1995. Je crois que ce sera en tous les cas

2 présenté, introduit dans la présente affaire en temps utile par

3 l'Accusation en tout état de cause.

4 Q. Je souhaiterais que vous jetiez un coup d'œil au paragraphe 4, Madame,

5 et je vais le lire. Il est dit, je cite : "Tous les membres de la FORPRONU

6 à Zepa seront immédiatement relâchés et débloqués toutes leurs armes et

7 tout leur matériel leur sera immédiatement rendu de façon à ce qu'ils

8 puissent faire une médiation en exécution de l'accord."

9 Supposons que ce document soit exact du point de vue de sa teneur factuel;

10 est-ce que vous aviez connaissance de ce que des armes des forces de la

11 FORPRONU à Zepa avaient été prises et bloquées ?

12 R. Non. Non, je ne le savais pas. Je ne savais pas cela. Mais il est très

13 difficile pour moi de parler de quelque chose qui est sortie de son

14 contexte. Je suis sûre que les renseignements supplémentaires qui

15 pourraient donner un tableau plus complet pour moi que simplement ce

16 document.

17 Q. Peut-être pourrais-je traiter de la question ainsi que d'autres de la

18 manière suivante. Nous autres - et je pense que ceci vaut également pour

19 l'Accusation - avons à notre disposition un certain nombre d'autres

20 documents, dont certains mentionnent votre mari, ou lui ont été adressés,

21 ou émanent de lui, autour de cette période. Mais peut-être devrions-nous,

22 d'abord, dire clairement ce qui suit ? Vous, comme vous nous avez déjà dit,

23 vous vous étiez déplacée. Vous vous étiez rendue dans un village pour

24 commencer et, deuxièmement, vous aviez deux enfants très jeunes, en bas

25 âge, et il est vraisemblable que vous n'étiez particulièrement bien

26 informée sur ce que précisément faisait votre mari au cours de ces journées

27 critiques de la mi-juillet 1995. Est-ce que ce serait correct de dire

28 cela ?

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1 R. Naturellement, je n'étais pas en mesure de connaître tous les détails,

2 mais ce que je savais, c'est qu'il avait fait tout ce qu'il pouvait en son

3 pouvoir pour sauver la population de Zepa et sauver ses soldats. C'est

4 quelque chose dont j'étais absolument certaine.

5 Q. En bas, si je devais vous montrer d'autres documents précis, il est

6 très clair que vous n'étiez pas au courant -- vous n'avez pas eu

7 connaissance des documents qu'il recevait ou qu'il envoyait pendant cette

8 période, ce qui est tout à fait compréhensible. Vous n'étiez pas au

9 courant. Ce n'est pas une critique de cela, en quoi que ce soit.

10 R. Je n'étais pas au courant des documents, bien sûr, naturellement. Mais

11 quant aux renseignements qui venaient de Sarajevo, oui, nous étions tous

12 intéressés à cela. Nous avions quels étaient les renseignements qui

13 venaient de la FORPRONU ou de Mladic. Nous étions intéressés à cela et nous

14 étions au courant.

15 Q. Je vais passer à quelque chose dans laquelle vous avez une connaissance

16 directe de la question. Lorsque vous êtes redescendu de votre retraite dans

17 la montagne, est-ce que vous saviez si des dommages étaient causés à des

18 maisons abandonnées par la population en fuite ?

19 R. Non. Les gens n'avaient pas le temps de penser à cela. Je sais à quoi

20 vous pensez, à savoir s'ils détruisaient leur propre maison. Non. Les gens,

21 tout simplement, s'enfuyaient. Tout le monde voulait arriver au centre de

22 Zepa le plus vite possible, parce que l'évacuation avançait là. Les gens

23 avaient peur pour leur vie et c'était la préoccupation première. Les gens

24 n'avaient pas le temps de rentrer chez eux pour prendre les éléments de

25 toute nécessité, voir autre chose.

26 Q. Pourrions-nous s'il vous plaît voir brièvement le document 6D29, s'il

27 vous plaît ?

28 M. JOSSE : [interprétation] Pour des raisons que je ne connais pas, ce

Page 6945

1 microphone ne fonctionne plus.

2 Q. Ceci, Madame, est un document qui est daté du 26 juillet 1995 qui émane

3 d'une personne appelée David Harland, un fonctionnaire de l'ONU, qui

4 donnait une description détaillée de la situation à Zepa. Pourrions-nous,

5 s'il vous plaît, regarder l'endroit où -- du côté droit. Si nous regardons

6 les deux "ii," il est dit, je cite : "Les Bosniens autres que les hommes en

7 âge de porter les armes descendaient de leurs hameaux dans les collines,

8 dans les villages contrôlés par les Serbes et attendaient d'être

9 transportés par des cars serbes à la ligne de confrontation près de

10 Kladanj. Un grand nombre de maisons dans les collines étaient en flammes.

11 Apparemment, incendiées par les Bosniens qui y partaient."

12 Qu'est-ce que vous auriez à dire au sujet de cette citation ?

13 R. Ceci est absolument ridicule. Lorsque je suis partie, les maisons

14 étaient en flammes dans des secteurs où l'armée serbe était déjà présente,

15 dans des endroits d'où des gens s'étaient déjà enfuis.

16 Q. Je voudrais vous poser des questions concernant votre propre départ,

17 matériellement parlant. Vous avez été sur l'un des premiers cars qui a

18 quitté l'enclave, n'est-ce pas ?

19 R. Dans le deuxième convoi, sur le deuxième car.

20 Q. Y avait-il là un soldat étranger, ukrainien ou français, qui se

21 trouvait là sur cet autocar avec vous ?

22 R. Non. A un moment donné, un soldat serbe est monté dedans, mais il n'a

23 pas fait le trajet avec nous.

24 Q. LE TÉMOIN: ESMA PALIC [Assermentée]

25 [Le témoin répond par l'interprète] Votre car est allé à Kladanj, n'est-ce

26 pas ?

27 R. Ce n'est pas exact. Il est allé à la ligne de démarcation

28 -- de séparation, et ensuite, nous sommes allés à Kladanj -- nous avons

Page 6946

1 commencé à aller vers Kladanj à 4 heures du matin. Nous y sommes arrivés à

2 9 heures du matin et nous avons fait de la route pendant très longtemps

3 dans un camion et puis ensuite, à pied. Les cars ne nous ont pas emmenés

4 jusqu'à Kladanj, non. Ils nous emmenés jusqu'à la ligne de démarcation --

5 la ligne de séparation.

6 Q. Est-ce que vous saviez que d'autres cars arrivaient à l'endroit où vous

7 vous êtes trouvé, quel qu'il soit, un ou deux jours plus tard ? En d'autres

8 termes, est-ce que vous étiez présente lorsque le reste de la population

9 civile est arrivée par des cars suivants -- enfin, des groupes ?

10 R. Je n'étais pas présente, parce que nous nous sommes reposés à Kladanj,

11 puis nous avons poursuivi notre voyage vers d'autres villes qui pouvaient

12 nous recevoir, voulaient bien nous recevoir. Puis, d'autres personnes sont

13 arrivées pour se reposer dans ce camp, et ensuite, ont poursuivi pour

14 d'autres endroits à partir de là. Si j'ai bien compris votre question, je

15 n'étais pas là. Je n'ai pas attendu de voir d'autres personnes.

16 Q. Vous avez bien compris ma question et je vais donc passer maintenant à

17 mon dernier -- à mes dernières questions -- mon dernier sujet. Voilà de

18 quoi il s'agit. J'avais commencé en vous posant des questions concernant

19 votre mari et je voudrais y revenir et vous poser -- vous demander un peu

20 plus de détails le concernant. Est-ce que vous saviez que les autorités

21 serbes voulaient parler à votre mari d'une -- d'atrocités qui auraient eu

22 lieu dans la municipalité de Sokolac en 1992 ?

23 R. Je ne sais rien de cela.

24 Q. Vous n'avez aucune connaissance de cela ? Vous ne savez rien de ce

25 sujet ?

26 R. Je ne sais même pas de quelles atrocités vous voulez parler. Je ne

27 comprends pas.

28 Q. Je ne sais pas si je peux dire les choses plus clairement. Je vais vous

Page 6947

1 montrer des documents dans un moment. Mais, en juin 1992, il y avait eu une

2 sorte d'attaque contre un convoi serbe qui allait de Pale et se rendant en

3 fait à Zepa. Vous applaudissez; pourquoi faites-vous cela, Madame ?

4 R. Parce que je sais à quoi vous vous référez, Maître. Ce que vous essayez

5 de dire c'est, bravo, allez-y je souhaite bien qu'on en parle.

6 Q. Mais à quoi à ce que je me réfère ?

7 R. Vous faites référence à un convoi qui était en route vers Zepa en 1992,

8 en juin, n'est-ce pas ?

9 Q. C'est exact. Que savez-vous à ce sujet ?

10 R. J'en sais beaucoup. J'en sais bien assez. C'était la première attaque

11 lancée par l'armée serbe contre Zepa. J'ai pu établir grâce à mes

12 recherches que ceci ait été considéré comme l'une des plus grandes fautes,

13 l'un des plus grands péchés d'Avdo. Je vais essayer d'expliquer. Il y avait

14 un poste d'observation, une petite caserne de l'ancienne JNA sur le mont

15 Zepa, qui était appelée Desetina. Je sais qu'elle comportait un effectif de

16 huit soldats. C'était donc les escouades de Desetina. De nombreux hameaux

17 autour de Zepa sont tombés en 1992. On racontait des histoires terribles

18 selon lesquelles des cadavres partaient au fil de l'eau sur la Drina depuis

19 Visegrad. C'était terrible, et nous savions ce qui était arrivé à ceux qui

20 se trouvaient dans d'autres villages et nous attendions à ce que la même

21 chose nous arrive.

22 Le 4 juin, un convoi s'est mis en route avec 40 véhicules transportant de

23 l'aide pour aller à la montagne porter de l'aide à l'unité qui se trouvait

24 sur le mont Zepa. Ils commençaient par traverser certains villages qui

25 étaient près vers Han Pijesak. Ils lançaient des appels à la paix, en

26 disant que tout ce qu'ils faisaient c'était d'apporter des vivres à leurs

27 soldats sur la montagne, donc, ils transportaient des vivres.

28 Ce convoi comportait 40 véhicules ainsi qu'une ambulance en arrière.

Page 6948

1 Ils ont traversé et d'autres villages et les gens se sont rendus compte

2 comme c'était compréhensible, que c'était ridicule de penser de croire

3 qu'ils ne transportaient que des aliments dans ces 40 véhicules. Ils

4 savaient que s'ils étaient arrivés jusqu'à la montagne, personne ne serait

5 resté à Zepa.

6 Rien n'était organisé à Zepa. Il n'y avait pas d'armée à ce moment-

7 là. Les gens avaient peur, ils étaient allés en courant jusqu'à un camion

8 sans arme appelé Buducim Potok. Ils ont attendu l'arrivée du convoi à ce

9 moment-là. En tête de convoi se trouvait un char et ils ont commencé à

10 faire rouler des rochers pour bloquer la route de façon à ce qu'ils ne

11 puissent pas passer. Donc, de gros rochers qui sont descendus, toutefois

12 ils ne sont pas arrêtés, ils ont commencé à tirer. Ensuite, il y a les

13 troncs d'arbres qu'on a fait descendre sur la route pour bloquer le

14 passage. Certaines des voitures ou des véhicules sont arrêtées.

15 Il n'y a pas de raison pour qu'on ne dise pas ceci, cela doit être

16 su, l'un des troncs d'arbre est tombé sur la route, un char est passé par-

17 dessus ce tronc et la route étant glissante, le char a glissé ce qui a créé

18 de la panique parmi les soldats serbes. Un grand nombre de ces soldats

19 serbes se sont suicidés ou plutôt en fait ont causé leur propre mort, en

20 jetant des bombes ou plutôt des grenades à main sur des camions pleins

21 d'armes. C'est ainsi donc qu'ils ont trouvé la mort. Ceux qui ont survécu,

22 ont été faits prisonniers le lendemain et par la suite ont été échangés

23 contre de la farine.

24 Je voudrais vous dire encore une chose, c'est quelque chose pourquoi

25 on blâme Avdo, d'après certains rapports que j'ai lus dans certains

26 documents serbes, mais ceci n'avait rien à voir avec Avdo. Ceci c'était une

27 lutte par cette foule désorganisée ou par des gens qui voulaient se

28 défendre pour empêcher ce convoi d'arriver à la position en haut de la

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1 montagne, parce que si elle était parvenue à cette position, ils nous

2 auraient tous tués. Cela c'est certain.

3 Donc, les Serbes doivent admettre que la situation était la suivante,

4 ils ont été tués par des troncs d'arbres et par des rochers parce qu'ils

5 ont dû laisser certaines armes dans les mains des gens de Zepa.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Lazarevic.

7 M. LAZAREVIC : [interprétation] Afin de vous aider pour clarifier

8 quelque chose dans le compte rendu d'audience, je pense que le témoin a dit

9 que des cadavres ont été échangés contre la farine. C'est ce que j'ai

10 entendu.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais dans le compte rendu, je crois

12 qu'il a été dit que certains ont été capturés et par la suite échangés.

13 Madame Palic, est-ce que vous pouvez nous clarifier cela ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Les prisonniers ont été échangés contre la

15 farine. Alors que s'agissant des cadavres, lorsque la FORPRONU est arrivée,

16 certaines personnes sont venues du côté serbe aussi et toute la région a

17 été fouillée. Les cadavres ou les ossements qui ont été trouvés, les restes

18 humains qui ont été trouvés ont été transférés.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

20 Maître Josse.

21 M. JOSSE : [interprétation]

22 Q. Madame Palic, je ne vais pas maintenant me lancer dans l'analyse qui a

23 été -- qui a eu raison, qui a eu tort dans cet incident. Mais vous

24 comprenez, n'est-ce pas, que les Serbes ont eu une opinion très négative au

25 sujet de ce qui s'est passé à cet endroit ?

26 R. Oui, c'est clair, mais cela veut dire qu'ils condamnent le mauvais

27 camp, parce que ce n'était pas les gens de Zepa qui les avaient invités là-

28 bas pour qu'ils se fassent tuer. Ils auraient dû condamner leur propre

Page 6950

1 commandant qui les a envoyés à Zepa. Que faisaient-ils là-bas,

2 pourquoi ont-ils attaqué ?

3 Q. Je vais reformuler. Acceptez-vous que votre mari avait participé à

4 cette opération qui a provoqué la mort d'un grand nombre de Serbes ?

5 R. Il était l'un des participants, mais à ce moment-là il n'y avait pas de

6 commandement ni d'armée organisée. C'est seulement par la suite que l'armée

7 s'est organisée à Zepa, parce que le commandement et le 1er Bataillon de

8 Zepa ont été établis par la suite. Donc, c'est seulement après que les gens

9 ont commencé à joindre les rangs de l'armée.

10 Q. Est-ce qu'il est exact que des plaintes au pénal ont été déposées à

11 l'égard de cet incident ou le nom de votre mari est cité plusieurs fois,

12 par d'autres personnes qui ont participé ?

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous pouvez parler de cela

14 de manière plus précise. Des plaintes pénales ont été déposées où?

15 M. JOSSE : [interprétation] Dans ce cas-là, je vais montrer une de ces

16 plaintes au témoin, Monsieur le Président. Un instant. Merci, Monsieur

17 Krgovic.Il s'agit de la pièce 6D33, s'il vous plaît.

18 Q. Il s'agit là d'un rapport soumis ou déposé auprès du Procureur à

19 Sokolac en date du 20 mai 1994. Si l'on examine le

20 numéro 5, nous pouvons voir le nom de votre mari. Si l'on examine

21 maintenant la page suivante. Au fond de la page, nous voyons en B/C/S le

22 mot "motivation," ou "explication." Nous y trouvons le récit de cet

23 incident. Je ne vais pas vous demander d'en donner lecture à moins que vous

24 ne le souhaitiez.

25 R. Oui.

26 Q. Il s'agit là d'une plainte au pénal déposée au sein de la Republika

27 Srpska, qui concerne cet incident particulier, n'est-ce

28 pas ?

Page 6951

1 R. Oui, visiblement.

2 Q. Est-ce que vous savez que cette affaire n'est toujours pas close ?

3 R. Je ne sais pas ce qui s'est passé au sujet de cette affaire. J'ai

4 entendu parler de cette plainte au pénal car je l'ai reçue avec les

5 documents dont je dispose dans le cadre de la procédure que j'ai entamée

6 concernant les recherches de la vérité au sujet de ce qui s'est passé avec

7 mon mari. Je sais que cette plainte au pénal existe. Peut-être que je n'ai

8 pas vraiment ce rapport ou cette plainte, mais je sais que des charges ont

9 été portées contre lui en vertu de cet article de la loi. Mais tout ce que

10 je peux dire c'est que je ne vois pas pourquoi quelqu'un déposait une

11 plainte ou poursuivait quelqu'un qui essayait de se défendre

12 Ce qui s'est passé c'était surtout que les Serbes se sont tués eux-

13 mêmes en raison de leur peur ou de leur panique car les gens roulaient des

14 rochers et des troncs d'arbre. Donc, c'est vraiment une honte pour eux car

15 on les tuait avec des rochers et des troncs d'arbre. Ils ont simplement été

16 tués ainsi. Ensuite, ils ont tout simplement énuméré dans une liste le nom

17 des personnes qu'ils connaissaient. Ils ont déposé une plainte au pénal

18 contre ces personnes qui se défendaient.

19 Q. Pour conclure clarifions cela. Personne ne peut excuser l'enlèvement et

20 la détention et la disparition de votre mari, mais ce que je vous suggère

21 c'est que les autorités serbes avaient des raisons légitimes pour

22 lesquelles elles souhaitaient lui parler. Est-ce que vous acceptez cela ?

23 R. Afin de parler de cela en juillet 1995.

24 Q. Non, Madame, je parle de l'événement en juin 1992.

25 R. Il n'y avait pas de raison d'en parler. Je ne vois pas de quelle

26 discussion vous êtes en train de parler. S'il vous plaît, dès que la

27 FORPRONU est arrivée, l'ensemble du terrain a été fouillé et tous les

28 restes humains qui ont été retrouvés ont été transférés. Tous les

Page 6952

1 prisonniers de guerre ont été rendus et je ne vois pas de quoi ils

2 voulaient lui parler.

3 M. JOSSE : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions. Merci,

4 Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

6 Madame Fauveau.

7 Contre-interrogatoire par Mme Fauveau :

8 Q. Est-il exact que la FORPRONU avait des points de contrôle autour de

9 Zepa ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce que vous, du centre de la ville, pouviez voir ces points de

12 contrôle ?

13 R. Non. Si, peut-être à Brezova Ravan.

14 Q. L'un de ces points de contrôle était Boksanica; est-ce exact ?

15 R. Oui.

16 Q. Puisque vous ne pouvez pas voir ces points de contrôle comment vous

17 avez pu voir les bus que vous avez apparemment vus le jour où vous avez

18 entendu une voix vous appelait de partir de Zepa ?

19 R. Mladic a dit que les bus attendaient. Je n'ai pas dit, si je l'ai dit -

20 je m'excuse, car peut-être parfois en raison de la nervosité on dit quelque

21 chose qui est erroné. Je ne l'ai pas vu, mais les gens qui vivaient près de

22 Boskanica l'ont vu. Un groupe était le premier a rentré à Zepa pour

23 demander ce qui allait nous arriver, s'il fallait nous rendre.

24 Q. D'accord. Finalement, vous n'avez pas vu ce bus; c'est bien exact ?

25 R. Non, pas moi.

26 Q. La voix que vous avez entendu vous ne savez pas, effectivement, que

27 c'était le général Mladic ?

28 R. Je ne pourrais affirmer que c'était la voix du général Mladic, mais

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1 c'était une voix ferme, résolue, et d'ailleurs, il s'est présenté comme

2 général Mladic. Si quelqu'un osait se présenter comme général Mladic, cela

3 c'est autre chose. D'ailleurs, s'il s'est présenté en tant que tel je

4 suppose qu'il avait reçu une autorisation de sa part.

5 Q. Oui. C'est bien ce que je pense aussi. C'est probablement mais vous ne

6 pouvez pas être sûre; est-ce exact ?

7 R. Je ne peux en être sûre. Je ne peux pas être sûre que c'était Mladic,

8 bien sûr. Mais je veux être sûre de ce que j'ai entendu.

9 Q. Vous avez dit que vous êtes parti en raison des bombardements à Stitkov

10 Dol et vous avez dit que la population civile de Zepa vous a suivi sur ces

11 chemins; est-ce exact ?

12 R. Non, ce n'est pas exact. Je ne suis pas partie en raison du pilonnage

13 de Stitkov Dol. Nous sommes partis pendant la nuit du 23 au 24 --

14 Q. Je vais vous interrompre parce que je crois qu'il y avait une erreur de

15 traduction. Ma question était que vous avez quitté Zepa pour aller à

16 Stitkov Dol en raison des bombardements de Zepa ?

17 R. Oui.

18 Q. La population civile de Zepa a suivi votre famille et partie avec vous

19 à Stitkov Dol; est-ce exact ?

20 R. Oui. Une partie, donc, la partie gauche du quartier vers le centre de

21 Zepa. Je ne sais pas ce qui s'est passé à droite, de toute façon tout le

22 monde fuyait les maisons où les gens avaient été abrités.

23 Q. Lorsque vous parlez de la partie qui se trouvait du côté droite, et

24 vous dites que vous ne savez pas si cette partie de la population était

25 ensuite évacuée également, n'est-ce pas ?

26 R. Je ne sais pas où ils sont partis, mais tout le monde a fui sa maison.

27 Cette partie droite a été particulièrement menacée. Ils étaient beaucoup

28 plus proches de lignes.

Page 6954

1 Q. S'ils s'étaient -- si ces gens s'étaient enfuis de leur maison, où

2 pouvaient-ils aller ?

3 R. Comme toujours, dans les forêts, les caves, dans les abris, les gorges

4 un peu plus abritées.

5 Q. Savez-vous combien de gens habitaient dans cette partie droite de

6 Zepa ?

7 R. Comme je l'ai dit, c'était environ 2 500 civils qui s'y trouvaient avec

8 moi.

9 Q. Vous avez dit qu'il y avait 2 500 civils à Stitkov Dol. Est-ce que ces

10 civils à Stitkov Dol comprenaient donc aussi les civils qui habitaient à la

11 partie droite de Zepa ?

12 R. Vraiment, il m'est impossible de tout savoir. Je sais qu'il y avait une

13 masse de gens, que les gens étaient dans des champs, que les maisons et les

14 constructions autour étaient remplies de gens. Il y avait des femmes et des

15 enfants à l'intérieur, car eux, ils avaient vraiment besoin d'un toit au-

16 dessus de la tête, mais peut-être il y avait aussi des gens qui venaient de

17 la partie droite avec eux. Mais, en fait, je ne souhaite pas diviser Zepa

18 en partie gauche et droite, il n'y a pas de raisons de cela. Tout ce que je

19 sais, c'est que cette partie-là, donc nous lorsque nous, nous sommes

20 partis, compte tenu du fait que je suis partie, cette partie de la

21 population est partie avec moi. Comme je l'ai dit, il y avait cette règle

22 qui s'était installée au sein de la population, c'est que les gens se

23 sentaient plus en sécurité s'ils étaient à proximité de la femme du

24 commandant, littéralement.

25 Q. D'accord. Est-ce qu'on peut conclure donc, qu'à Stitkov Dol ce jour,

26 quand vous êtes partie à Stitkov Dol, la plupart de la population civile de

27 Zepa -- de l'enclave de Zepa, s'est rassemblée à Stitkov Dol ?

28 R. Oui. Avec les champs, autour. Mais il y avait d'autres exodes aussi,

Page 6955

1 mais pas plus importants. Il y avait celui-là et puis il y en avait

2 d'autres aussi.

3 Q. Madame, je pense qu'on arrivera pas vraiment à se comprendre parce que

4 vous me dites : oui, la population entière vous a suivie à Stitkov Dol, et

5 ensuite, vous me dites : non, c'était la population de la partie gauche. Je

6 veux bien vous croire que c'était la population de partie gauche, mais est-

7 ce que vous pouvez estimer, si vous pouvez, bien sûr, quel était, à peu

8 près, le nombre de gens qui vivaient à la partie droite de Zepa ?

9 R. Si j'ai dit du côté droit, je m'excuse, vraiment. Donc, je voulais dire

10 partie gauche car, sur la droite, se trouvaient les villages qui étaient

11 plus proches des lignes, Rubioc, Vratar, Slap. Veuillez répéter la

12 question, s'il vous plaît.

13 Q. Ce qui m'intéresse, est-ce que la population qui se rassemblait à

14 Stitkov Dol, le jour où vous êtes partie à Stitkov Dol, comprenait la

15 population civile de toute l'enclave de Zepa ou d'une partie de cette

16 enclave ?

17 R. Juste une partie.

18 Q. Est-ce que vous pouvez estimer en nombre la population de l'autre

19 partie de l'enclave ?

20 R. Je dis qu'au moment de la chute de Zepa, elle comportait au moins 8 000

21 habitants, et tout le reste est de la mathématique.

22 Q. Donc, la population qui vous a suivie, ce n'était pas la plus grande

23 partie de la population. C'est en fait la partie moindre de la population

24 parce que le reste, c'est plus -- il y a plus de gens qui ne vous ont pas

25 suivis.

26 R. C'est exact. Il n'était physiquement -- il n'était pas physiquement lié

27 à l'endroit dans lequel je vivais, donc cela, c'était la partie dans

28 laquelle je vivais. En ce qui concerne les endroits autour, eux, ils sont

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1 partis. En ce qui concerne les autres localités, vous savez, Zepa, cette

2 enclave est, pour ainsi dire, bien dispersée. Vous aviez des localités

3 telles que Luka et Krusev Dol, qui étaient de l'autre côté de la montagne,

4 donc, ils ne pouvaient certainement pas y être avec moi.

5 Ils auraient pu, mais tel n'était pas le cas. Ou la partie droite, Slap,

6 Bioca, Vratar et Kula, des villages tels que cela. Donc, chacun prenait sa

7 propre direction, mais, au fond et finalement, conformément à ce qu'on

8 avait appris pendant la guerre, tout le monde allait dans la direction de

9 la montagne.

10 Q. Madame, c'est exactement ce que j'essaie d'établir. Effectivement, il

11 m'a semblé ressortir de votre déclaration que dans le cas de danger, la

12 population se rassemblerait à Stitkov Dol et j'ai cru comprendre que cela

13 comprenait toute la population. Donc, je me demande maintenant comment cela

14 se fait qu'il n'y avait que 2 500 personnes à Stitkov Dol.

15 R. Tout le monde n'était pas ensemble toujours.

16 Q. Je passerai sur un autre sujet. Vous avez dit, plus tôt aujourd'hui -

17 c'était la page 8 du compte rendu - vous parliez d'une décision de votre

18 époux selon laquelle il fallait défendre Zepa parce que, si vous vous -- si

19 les hommes de Zepa se rendaient, ils auraient subi le même sort qu'à

20 Srebrenica. Pouvez-vous nous dire la date, si vous vous souvenez, quand la

21 décision de défendre Zepa a été prise --

22 R. Je ne connais pas la date exacte.

23 Q. -- la décision sur la défense de Zepa a été prise ?

24 R. Je ne connais pas la date, vraiment. Je ne saurais vous dire la date.

25 La décision a été prise au moment où Avdo, dans le cadre des conversations

26 avec la FORPRONU, qu'il avait appris que l'ONU ne pouvait pas protéger la

27 population de Zepa. A ce moment-là, si vous, comme l'ONU, vous ne pouvez

28 pas le faire, nous, nous allons nous défendre. Le but d'Avdo était de

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1 gagner du temps pour que l'ONU puisse comprendre ce qui se passait sur

2 place.

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Attendez. Nous avons déjà traité de

4 cela. Je veux dire, la question portait sur la date, donc, veuillez passer

5 à une question suivante, Madame Fauveau.

6 Mme FAUVEAU :

7 Q. Etes-vous d'accord que le 15 juillet, il y avait -- en fait, savez-vous

8 que, le 15 juillet, il y avait une réunion des autorités civiles de Zepa et

9 les militaires serbes ?

10 R. Pas à Zepa. La réunion a eu lieu -- je ne sais pas si c'était le 15

11 juillet, mais il y a eu une réunion au point de contrôle 1, à Boksanica.

12 Q. Savez-vous qu'effectivement, les autorités civiles étaient plutôt, déjà

13 à l'époque, pour l'évacuation de la population civile ?

14 R. Je pense qu'il n'y avait pas de division, d'opinion entre les autorités

15 civiles et militaires. Ils avaient les uns et les autres, le même but qui

16 était de survivre. Ce que je sais, c'est que le pourparler, qui se tenait à

17 Boksanica, vous pouvez les appeler comme vous voulez, mais c'était sur le

18 territoire contrôlé par Mladic et soumis aux conditions de Mladic. Je

19 n'oublierais jamais lorsque l'un des négociateurs est venu chez nous. Il

20 était bien tendu, il a fini par dire j'ai dû signer la reddition de Zepa.

21 Donc, de quelle sorte de pourparler parle-t-on ? Comment est-ce qu'on dit

22 qu'à ce moment-là les autorités civiles de Zepa étaient intéressées à

23 organiser une évacuation, je ne sais pas comment on peut dire cela comme

24 cela.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien, Madame Fauveau, nous allons

26 continuer après la pause.

27 Mme FAUVEAU : J'ai seulement -- j'ai besoin seulement de cinq minutes,

28 mais, effectivement, on peut faire la pause, maintenant.

Page 6958

1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, Maître Haynes, est-ce que

2 vous avez des questions dans le contre-interrogatoire ?

3 M. SARAPA : [interprétation] Nous aurons un peu de questions, pas plus que

4 15 minutes.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause.

6 --- L'audience est suspendue à 12 heures 00.

7 --- L'audience est reprise à 12 heures 28.

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Fauveau, je vous écoute.

9 Mme FAUVEAU :

10 Q. Juste avant la pause, on parlait de la position des autorités civiles

11 concernant l'évacuation. Lorsque, effectivement, l'évacuation a eu lieu,

12 avez-vous vu quelqu'un qui ne voulait pas partir, qui a exprimé son envie

13 de rester à Zepa ?

14 R. Non, absolument pas. Je n'ai rien vu de la sorte. Personne ne pouvait

15 rester derrière de toute façon. Les gens qui étaient partis devaient

16 partir. Je dirais qu'il ne s'agissait pas d'une évacuation mais plutôt

17 d'une déportation.

18 Q. De cette évacuation, si vous voulez, on peut employer un mot neutre, à

19 bord de ce transfert, les représentants de la Croix-Rouge et de la FORPRONU

20 étaient présents à Zepa ?

21 R. Les représentants de la FORPRONU, oui, mais je n'ai pas vu les

22 représentants de la Croix-Rouge. Je sais que la position de mon mari était

23 la suivante : si les gens doivent quitter Zepa, il faudrait que cela soit

24 certainement à bord du HCR, et non pas des voitures envoyées par Mladic, et

25 ceux accompagnés par la Croix-Rouge internationale.

26 Q. Les représentants de la FORPRONU étaient présents sur le lieu où les

27 gens embarquaient dans les bus ?

28 R. Oui. Ils étaient dans leur base, mais ils ne se trouvaient pas autour

Page 6959

1 des bus, de toute façon, je ne les ai pas vus.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, je vous prie, Maître

3 Fauveau. Je vois que le compte rendu d'audience nous montre une dernière

4 partie de la réponse -- la partie principale de sa réponse en tant que

5 question, je crois qu'il faudrait corriger le compte rendu d'audience. Je

6 fais référence aux lignes 18 et 19. Il faudrait que la réponse du témoin se

7 poursuive sur la ligne 19 de la page 53 -- donc, c'est la réponse qui

8 commence à la ligne 17 et se poursuit jusqu'à la ligne 19 et sur la page

9 53.

10 Mme FAUVEAU :

11 Q. Je vais vous reposer la question, à cause du compte rendu. Est-ce que

12 vous pouvez confirmer que la FORPRONU était présente à l'endroit où les

13 gens embarquaient dans les bus ?

14 R. Voilà. Les autocars étaient situés ou garés au centre de Zepa. Il y

15 avait une rue principale qui traverse Zepa, les autocars étaient là, et

16 dans la partie de cette rue, peut-être 150 mètres -- il y avait 150 mètres

17 qui étaient occupés par les autobus, et la base de la FORPRONU se trouvait

18 là. J'étais devant la colonne du bus, je n'ai pas vu. Je n'ai pas regardé

19 pour voir où étaient les soldats de la FORPRONU. Je voulais m'assurer

20 qu'Avdo était là, je voulais voir où était Avdo, et donc, j'ai vu un groupe

21 de soldats serbes. Mais la FORPRONU était encore à Zepa.

22 Q. Parmi la population qui était évacuée dans le convoi où vous étiez, il

23 y avait également les hommes en âge militaire ?

24 R. Je ne le sais pas. Il n'avait pas d'hommes en âge de porter des armes.

25 C'étaient des femmes et des enfants.

26 Q. Témoin, est-ce que vous connaissez M. Abdurahman Malkic ?

27 R. Je fais sa connaissance. Il était un témoin. Il s'est également trouvé

28 dans la prison secrète de Bijeljina à Vanakov Mlin, dans le moulin de

Page 6960

1 Bijeljina, et c'est dans cette prison-là que mon mari avait été emmené au

2 début de l'année 1995. J'ai fait sa connaissance car c'était un témoin

3 important à mes yeux pour ce qui est de la recherche de mon mari.

4 Q. Cette personne, Malkic, vous a dit qu'il avait vu votre époux en

5 janvier 1996; est-ce exact ?

6 R. Non. Il ne m'a pas dit qu'il avait en janvier 1996. Il y a peut-être

7 une légère confusion quant aux dates. Il l'avait vu pendant qu'il

8 séjournait en prison. Malkic était parti avant. Avdo est resté dans cette

9 prison secrète, et Malkic est sorti de la prison lorsqu'en janvier 1996, on

10 a procédé à l'échange des prisonniers selon les accords de Dayton. Lorsque

11 j'ai entendu son nom -- parler de lui, je l'ai cherché, je l'ai trouvé, je

12 me suis entretenu avec lui car je voulais savoir ce qu'il savait concernant

13 mon mari.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Page 55 -- ligne 1 de la page 55. Avdo

15 et Malkic -- Abdurahman Malkic, pas Avdo. Il faudrait corriger ceci au

16 compte rendu d'audience.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] "Avdo," c'est Avdo Palic. Abdurahman Malkic

18 c'est le témoin qui était dans la prison secrète avec mon mari. C'est un

19 homme qui s'était enfui de Srebrenica, il avait traversé Drina et à Bajina

20 Basta, il avait été arrêté par la police serbe, et il a été retourné dans

21 cette prison secrète à Bijeljina. On l'a re-transféré là-bas.

22 Mme FAUVEAU :

23 Q. Témoin, vous avez donné une déclaration au bureau du Procureur le 18

24 avril 1999, et dans cette déclaration, vous avez dit que vous avez parlé à

25 M. Malkic et M. Ramic. Ensuite, vous avez dit - c'est à la page 8 de la

26 version anglaise de cette --

27 "I spoke to both of them --"

28 [interprétation] "Je me suis entretenu avec ces deux personnes. Ils

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1 m'ont dit que mon mari était encore en vie. Il avait été gardé en tant que

2 prisonnier dans ce centre de détention. Il avait été vu par la dernière

3 fois par ces hommes-là en janvier 1996."

4 R. Je suis vraiment désolée si c'est ce qui dit dans la déclaration.

5 Lorsque j'ai donné mes déclarations au mois d'avril 1999, cela a duré

6 jusqu'à 21 heures, j'ai raconté une histoire très longue. Mais cela a été

7 abrégé en nombre de pages, c'est-à-dire que mon histoire aurait pris

8 beaucoup plus de pages, en fait, même à l'époque, je n'étais pas d'accord

9 avec la question dont on a résumé mon récit. C'est évidemment une erreur

10 puisqu'ils ne l'ont pas vu en janvier 1996.

11 Ces deux détenus étaient sortis lors de l'échange qui a eu lieu en

12 janvier 1996. Selon les accords de Dayton, on a convenu que tous les

13 détenus soient libérés de part et d'autre. Ces deux détenus sont sortis,

14 deux détenus qui étaient dans cette prison secrète, Avdo est resté derrière

15 dans cette prison secrète. Il est resté là-bas.

16 Q. [interprétation] Ces deux personnes, en en tout cas, étaient certains

17 qu'en janvier 1996, lorsqu'ils se sont sortis de la prison, votre époux

18 était bien vivant dans cette même prison ?

19 R. Ils ont quitté cette prison secrète avant déjà vers la fin du mois

20 d'août. Ils avaient été transférés dans la prison de Batkovic qui avait été

21 visitée par la Croix-Rouge internationale. Les prisonniers avaient été --

22 leurs noms avaient été mis sur une feuille avaient l'exception de la prison

23 secrète. Il est resté derrière eux à ce moment-là. Mais le mois de janvier

24 1996, c'est le mois, c'est à ce moment-là que ces personnes sont sorties de

25 captivité.

26 Je voudrais bien voir cette partie-là de la déclaration.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Soljan, je vous écoute.

28 Mme FAUVEAU : Un instant, Monsieur le Président. 1D177, Monsieur le

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1 Président, il semble qu'elle n'est pas dans le système

2 e-court. Est-ce qu'on peut montrer au témoin la copie papier ?

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que, Madame Soljan, vous avez la

4 version là quelque part sous vos yeux ? Est-ce que c'est disponible ?

5 Mme FAUVEAU : En B/C/S, ce serait la page 9, deuxième paragraphe. Ce n'est

6 pas la bonne page. Ce qui est dans l'e-court c'est l'ancienne traduction,

7 ce n'est pas la bonne, ce n'est pas la page de cette traduction-là. Il y a

8 une nouvelle traduction. C'est pour cela que ce n'est pas la page 9.

9 Est-ce qu'on peut donner au témoin la version en papier ?

10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois que cela sera fait.

11 Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, page 9, deuxième paragraphe.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, très bien, effectivement. C'est juste de

13 dire qu'Avdo -- que Malkic et Ramic ont vu Avdo dans cette prison secrète

14 lorsqu'on l'a emmené, on l'y a emmené. Ils ont passé un certain temps

15 ensemble. Malkic et Ramic sont partis vers la fin du mois d'août, ils ont

16 été sortis de cette prison secrète, alors qu'Avdo est resté derrière eux

17 dans cette prison secrète. Ils ont été échangés au mois de janvier 1993,

18 lorsque ils m'ont dit qu'ils avaient vu Avdo et qu'ils avaient passé un

19 certain temps avec Avdo dans cette prison secrète.

20 Mme FAUVEAU :

21 Q. Etes-vous au courant que ce monsieur, Avdo, était devenu après le

22 président de la municipalité de Srebrenica ?

23 R. Je sais qu'il avait un rôle important dans la municipalité de

24 Srebrenica, mais je ne sais pas ce qu'il -- quel est le rôle et quel poste

25 il occupait. J'ai rencontré cet homme une autre fois lorsque j'avais entamé

26 une demande auprès des droits, de la Commission des Droits de l'homme. Je

27 ne connais rien de lui en réalité, je ne sais pas ce qu'il est.

28 Q. Dans votre requête de retrouver votre époux, vous avez eu parfois

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1 l'impression que les autorités de la Bosnie-Herzégovine - et je parle des

2 autorités de la Fédération - sont non responsives ?

3 R. C'est un fait que c'est une source de combat que je mène seule. La

4 Fédération ne partage pas le même enthousiasme que moi. Les autorités de la

5 Fédération ne sont pas aussi intéressées. Chacune des personnes me dit

6 qu'elle est impuissante, mais je ne suis pas d'accord. Je ne veux pas

7 accepter ce fait. Je crois que la position dans laquelle se trouvent les

8 autorités de Sarajevo étaient inférieures d'une certaine façon, mais qu'il

9 aurait fallu déployer plus d'efforts auprès de la communauté

10 internationale, qu'ils auraient dû insister plus et qu'ils disaient autant

11 que moi qu'un officier, qui eut été emprisonné dans la base sous les yeux

12 des témoins internationaux, n'avait rien fait. Voilà. Je ne peux pardonner

13 à personne, je n'excuse personne.

14 Mme FAUVEAU : Je vous remercie.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Madame Fauveau.

16 Monsieur Sarapa.

17 Contre-interrogatoire par M. Sarapa :

18 Q. [interprétation] Madame Palic, lorsque vous avez parlé de quitter Zepa,

19 de façon à utiliser un terme neutre, vous avez dit que vous étiez partie à

20 7 heures, le 24. D'après ce qui s'est révélé à nous par la suite, j'ai

21 supposé que c'était 7 heures du soir parce que, dans votre déclaration, ce

22 n'est pas précisé si c'était s'il s'agissait du matin ou du soir. Donc,

23 nous pouvons nous mettre d'accord, il s'agissait bien du 24 juillet à 7

24 heures 00 du soir ?

25 R. Oui.

26 Q. Vous dites qu'immédiatement après cela, vous êtes allée à cet endroit

27 d'où plus tard vous êtes partie en direction de Kladanj, que ceci était à 9

28 heures du matin; c'était bien le 25 ?

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1 R. Oui.

2 Q. Vous avez aussi dit que vous vous trouviez dans le premier convoi, je

3 crois, le deuxième car. Pourriez-vous, s'il vous plaît, me dire quand le

4 premier convoi s'est-il ébranlé ? Alors, vous dites qu'il y avait des

5 blessés, des malades dans ce convoi ?

6 R. Mais cela, c'était dans l'après-midi. Donc, lorsque nous sommes

7 retournés au centre de Zepa de Stitkov Dol, ils étaient déjà partis.

8 Q. Bien. Donc, ils sont également partis le 24; c'est certain ?

9 R. Oui.

10 Q. Je voulais simplement maintenant vous parler du départ de Zepa. Encore

11 une dernière question : est-ce que vous vous -- est-ce que vous savez quand

12 ce processus a pris fin, s'il a commencé le 24 ?

13 R. Il a pris fin le 27 juillet. Le dernier convoi était censé se mettre en

14 route le 26 dans la soirée, dans la soirée du 26, mais il a été bloqué et

15 je sais qu'il y avait 806 civils dans ce convoi et 30 ou 40 blessés et ce

16 convoi a été bloqué et Mladic a demandé qu'Avdo vienne à la base de la

17 FORPRONU à Zepa, pour faire reddition, l'armée, les troupes. Avdo, bien

18 sûr, a refusé de se rendre, et à ce moment-là, il a reçu des rapports selon

19 lesquels le général Smith se rendait en direction de Zepa pour arranger --

20 négocier le sort de ces soldats et c'est ce que j'ai également entendu de

21 Visoko.

22 Ce convoi a donc passé la nuit à Zepa, et dans la matinée, ils n'ont

23 pas non plus été évacués et les blessés -- on a dit aux blessés qu'ils ne

24 pourraient pas partir tant qu'Avdo ne serait pas allé parler du sort de

25 l'armée. Deux de ces personnes qui n'étaient que légèrement blessées sont

26 allées voir Avdo. C'était à Stitkov Dol. Ils lui ont dit que les civils qui

27 restaient, les blessés, n'étaient pas autorisés à partir avant qu'ils

28 n'arrivent, et il a dit : "Bien. Vous pouvez y retourner. Je vais suivre

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1 bientôt."

2 Effectivement, c'est cela qu'il a fait. D'après les rapports de

3 témoins, c'était à 10 heures du matin. Avdo est entré dans la base de

4 l'ONU. Immédiatement, ils ont donné le allez-y, ou plutôt ils ont dit que

5 les civils qui restaient, les blessés pouvaient monter sur les cars et le

6 convoi s'est mis en route.

7 Q. Pourriez-vous répéter pour le compte rendu ? Il s'agissait de 10 heures

8 du matin le 27 juillet ?

9 R. Oui. Le 27 juillet à 10 heures.

10 Q. Maintenant, je voudrais passer à une autre question. Est-ce que vous

11 avez les hélicoptères se poser à Zepa pendant la guerre, bien entendu ?

12 R. Au début, en 1992, les hélicoptères et survolaient en fait ma maison.

13 Ils volaient très bas et je savais que c'était des hélicoptères de

14 l'ancienne armée populaire yougoslave. Ils allaient vers cette

15 installation, cette installation Desetina à Zepa -- la montagne de Zepa, à

16 Ozlovrh.

17 Q. Est-ce que vous avez vu des hélicoptères par la suite ?

18 R. Non, mais j'ai vu des avions.

19 Q. Donc, pourriez-vous dire lorsque vous avez dit qu'en 1993, 1994, 1995,

20 il n'y avait pas d'hélicoptères qui se posaient à Zepa ?

21 R. Non. En 1993, lorsque Zepa est devenue une zone protégée où de nombreux

22 blessés, de nombreuses personnes qui avaient marché sur une mine, qui

23 avaient eu une jambe amputée et qui se trouvaient en très mauvais état dans

24 un hôpital à Zepa et avait demandé que toutes les personnes grièvement

25 blessées et toutes les personnes qui étaient très malades puissent se

26 transporter à Sarajevo ou là où on le pourrait. Ensuite, dans l'accord avec

27 la partie serbe ou l'armée serbe, par le biais de la FORPRONU, il a été

28 convenu que ces personnes seraient évacuées par hélicoptère et c'est ce qui

Page 6966

1 s'est passé. J'ai vu ces hélicoptères-là.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un moment.

3 Maître Sarapa, s'il vous plaît, et Madame Palic, s'il vous plaît, veuillez

4 faire une pause brève entre les questions et les réponses, parce que

5 vraiment, vous allez trop vite et ceci crée des problèmes pour les

6 interprètes.

7 M. SARAPA : [interprétation]

8 Q. Savez-vous que quelque chose d'autre était transporté dans ces

9 hélicoptères qui, pour être plus précis, était du matériel militaire ?

10 R. Non.

11 Q. Je voudrais vous poser des questions concernant Zepa. Ceci a trait à la

12 période antérieure à la guerre, jusqu'à 1992. Lorsque le conflit a éclaté,

13 est-ce que Zepa n'était pas le siège de la municipalité ? En d'autres

14 termes, était-ce une municipalité où cela fait partie d'une autre

15 municipalité ?

16 R. C'était une municipalité jusqu'à environ vers les années 70, puis cette

17 municipalité a été dissoute et ce qui se trouvait autour de cette

18 municipalité de Han Pijesak, c'était devenu une partie de Han Pijesak, une

19 partie de Visegrad et le reste de Rogatica.

20 Q. Donc, en 1992, Zepa n'était pas une municipalité ?

21 R. Non, mais le territoire, qui avait réussi à se défendre contre les

22 attaques des Serbes -- les forces serbes, en fait, était le territoire de

23 l'ancienne municipalité.

24 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, au début de la guerre en

25 1992, est-ce que Zepa avait son hôpital ?

26 R. Oui.

27 Q. Est-ce que c'était un centre de santé ou un hôpital ?

28 R. C'était un centre -- c'est militaire qui est devenu un hôpital parce

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1 qu'il y avait un tellement grand nombre de blessés et de malades.

2 Q. Est-ce qu'il y avait un tribunal ?

3 R. Non.

4 Q. Pourriez-vous me dire s'il y avait une école secondaire en 1992 à

5 Zepa ?

6 R. Non.

7 Q. En 1992, y avait-il un éclairage urbain à Zepa ?

8 R. Seulement dans le centre-ville.

9 Q. Comment pourriez-vous décrire le centre-ville ? Pourriez-vous être plus

10 précise pour dire combien de rues, quelle était la longueur des rues ?

11 R. Il y avait la rue principale. Je ne sais pas exactement quelle était sa

12 longueur. Si vous voulez des renseignements plus précis, des réponses plus

13 précises, je ne sais pas si je vous ai bien compris, mais Zepa était une

14 vieille ville. Elle avait sa rue principale, qui était le cœur de la ville.

15 Puis, il y avait d'autres zones habitées, quartiers, qui étaient plus

16 proches ou plus éloignés du centre.

17 Q. Donc, ce n'était pas -- enfin, ces villages ou ces voisinages ne

18 faisaient pas, en fait, partie de Zepa, proprement dit ?

19 R. Oui, c'est exact.

20 Q. Pourriez-vous décrire Zepa comme une ville, une petite ville, ou une

21 vraie ville, une cité ?

22 R. Zepa était une petite ville, dans le sens classique.

23 Q. Je vous remercie.

24 M. SARAPA : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Maître Sarapa.

26 Y a-t-il des questions supplémentaires, Madame Soljan ?

27 Mme SOLJAN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je vous remercie.

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame, nous n'avons pas d'autres

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1 questions à vous poser, ce qui veut dire que vous êtes libre de vous en

2 retourner. Au nom du tribunal, je souhaite vous remercier d'être venu

3 jusqu'à nous pour faire votre déposition et je vous souhaite aussi un bon

4 voyage de retour. Le personnel du Tribunal va vous aider pour faire les

5 arrangements nécessaires.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

7 [Le témoin se retire]

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pour ce qui est des documents, y a-t-il

9 des documents que vous souhaitez présenter pour versement au dossier ?

10 Madame Soljan, aucun ?

11 Mme SOLJAN : [interprétation] Aucun document.

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, la Défense

13 de Gvero souhaite présenter certains documents. Maître Josse ?

14 M. JOSSE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il y avait un

15 certain nombre de documents que j'ai présentés au témoin. Le 6D29, qui

16 était le rapport de fonctionnaire de l'ONU concernant la situation à

17 l'époque, le 26 juillet; donc, le 6D30, qui était un accord de désarmement

18 de Zepa; le 6D31, qui était l'accord de démilitarisation de deux ans plus

19 tôt en 1993; le 6D32 qui est la décision -- excusez-moi, le document qui a

20 trait au pré; le 6D33, le rapport d'infraction; le 6D34 qui était le

21 document émanant du colonel Palic qui a trait au fait de désarment la

22 FORPRONU; le 6D57 qui était le document qui concernait l'ordre du brigadier

23 -- le général de brigade Hadzihasanovic, en ce qui concerne les questions

24 ayant trait à février 1995.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Lesquels n'ont pas

26 encore été traduits ?

27 M. JOSSE : [interprétation] Un certain nombre d'entre eux n'ont pas été

28 traduits. Le 6D32, le 6D33 et le 6D34 n'ont pas encore traduits. Les autres

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1 l'ont été ou sont en anglais.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Y a-t-il des objections du côté de

3 l'Accusation ?

4 Mme SOLJAN : [interprétation] Non, Monsieur le Président, pas d'objections.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Y en a-t-il du côté de la Défense en ce

6 qui concerne ces trois derniers documents mentionnés par Me Josse, 6D32,

7 6D33, 6D34 ?

8 Ils reçoivent donc une cote provisoire aux fins d'identification en

9 attendant d'être traduits et ils seront ensuite considérés comme admis. Le

10 reste, comme il n'y a pas d'objections, est admis également.

11 M. JOSSE : [interprétation] Je vous remercie.

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

13 Maintenant, pour le témoin suivant, sommes-nous prêts ? Parce que ce témoin

14 fait l'objet de mesures de protection. Oui, Monsieur McCloskey.

15 M. McCLOSKEY : [interprétation] Nous sommes prêts à commencer, Monsieur le

16 Président.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je voudrais juste vérifier qu'il s'agit

18 bien comme mesures de protection d'un pseudonyme et d'une déformation des

19 traits du visage à l'écran; c'est exact ?

20 M. McCLOSKEY : [interprétation] C'est ce que j'ai bien compris.

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien.

22 Dans l'intervalle, l'Accusation a déposé une autre requête pour que

23 certains témoins qui -- Témoin PW-157, qui auraient été témoins en

24 personne, de vive voix, deviennent des témoins 92 ter. Ils demandent

25 également des mesures de protection, à savoir un pseudonyme et distorsion

26 des traits du visage et de la voix. Si vous pouvez, si possible, nous

27 reparler de la question demain matin nous pourrons à ce moment-là rendre

28 une décision orale. Je vous remercie.

Page 6970

1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pour ceux d'entre vous qui n'ont pas pu

3 suivre, je voulais parler du Témoin numéro 68.

4 Bonjour, Monsieur.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous souhaite la bienvenue au

7 Tribunal. Vous êtes sur le point de commencer votre déposition, avant de le

8 faire, il vous est demandé de prononcer une déclaration solennelle selon

9 laquelle vous allez dire la vérité dans votre déposition. Veuillez, s'il

10 vous plaît, lire à haute voix le texte de la déclaration solennelle qui

11 constituera votre engament avec le Tribunal.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 LE TÉMOIN: TÉMOIN PW-111 [Assermenté]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous vous avons accordé certaines

19 mesures de protection, à savoir l'utilisation d'un pseudonyme et également

20 la déformation des traits du visage à l'écran, ceci pour protéger votre

21 identité. Je suppose que tout ceci vous a déjà été expliqué. Je voudrais

22 simplement que vous me confirmiez que ces dispositions vous conviennent ou

23 vous satisfont.

24 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je n'ai pas entendu votre réponse.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

28 Monsieur McCloskey, c'est vous qui commencerez et après vous il y aura

Page 6971

1 différentes équipes de la Défense pour le contre-interrogatoire. Vous

2 pouvez y aller, Monsieur McCloskey.

3 M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 Interrogatoire principal par M. McCloskey :

5 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Pourriez-vous jeter un

6 coup d'œil, s'il vous plaît, à la feuille de papier qui vous est

7 présentée ? C'est le document P02397. Pouvez-vous nous dire si c'est bien

8 vous, Monsieur ?

9 R. Oui.

10 Q. Bien. Pourrions-nous allez un moment en audience à huis clos partiel ?

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous y sommes.

12 [Audience à huis clos partiel]

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 [Audience publique]

26 M. McCLOSKEY : [interprétation]

27 Q. En juillet 1995, faisiez-vous partie de l'ABiH ?

28 R. Oui.

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1 Q. Dans quelle unité ?

2 R. La 282e. .

3 Q. Le 11 juillet, qu'avez-vous fait ?

4 R. Le 11 juillet je me suis enfui de Srebrenica en direction de Jaglici.

5 Le groupe comprenait des hommes et des -- les femmes et les enfants sont

6 allés en direction de Potocari. Tandis que nous, nous sommes allés par les

7 bois en direction de Tuzla.

8 Q. Pourquoi est-ce que vous êtes allé à travers les bois en direction de

9 Tuzla ?

10 R. L'armée de Republika Srpska, l'armée yougoslave a lancé une violente

11 attaque contre Srebrenica et sont entrées à Srebrenica et nous avons été

12 forcés de fuir à la suite de quoi nous avons dû donc m'enfuir de

13 Srebrenica.

14 Q. Avez-vous reçu des ordres d'aller en direction de Jaglici où en

15 direction des bois ?

16 R. Je n'ai en fait entendu aucun ordre. Personne ne m'a donné d'ordre. Il

17 m'a ordonné quoi que ce soit. Il y avait une telle panique, une panique

18 tellement gigantesque parmi les femmes, les enfants et les hommes. Tout

19 était chaotique. Nous ne savions pas qui allait ou s'enfuyait où. Les

20 attaques d'artillerie et puis d'obus étaient intenses. Les obus pleuvaient

21 sur nous, sur la population, donc nous avons dû quitter Srebrenica aussi

22 vite que possible.

23 Q. Bien. Est-ce que vous avez quitté Jaglici du côté du 11 à une certaine

24 heure ?

25 R. Je suis arrivée à Jaglici le 12, et j'ai quitté Jaglici le 12.

26 Q. Quelle heure était-il, environ, si vous vous en souvenez ?

27 R. C'était dans l'après-midi.

28 Q. Vous êtes parti avec qui ?

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1 R. Je suis parti avec des hommes. Nous nous sommes mis en route en

2 colonne, l'un derrière les autres.

3 Q. Je voudrais maintenant que nous passions à la matinée du lendemain, le

4 13. Est-ce qu'à un moment donné, vous vous êtes rendu ?

5 R. Oui. A l'extérieur de Kravica, il y avait un grand group d'hommes, y

6 compris moi-même, et nous avons décidé de nous rendre. Nous n'avions pas

7 d'autres choix. Donc, nous sommes allés jusqu'à la route asphaltée et nous

8 nous sommes rendus.

9 Q. Que s'est-il passé ? Est-ce que vous êtes arrivé à la route asphaltée ?

10 R. Nous avons traversé la route. On nous a ordonné de lever les mains, de

11 mettre les mains derrière la nuque et on nous a donné l'ordre de poser

12 notre paquetage. Tous ceux qui avaient un paquetage ont dû les empiler, ce

13 que nous avons fait. Là encore, nous avons marché en colonnes, l'un

14 derrière l'autre, puis on nous a ordonné de remettre l'argent pour ceux qui

15 avaient de l'argent, nous en séparer. Il y avait un soldat qui passait et

16 nous lui avons donné notre argent. Ensuite, nous avons retraversé la route

17 asphaltée et ils nous ont fait entrer dans un grand pré, et là, il y avait

18 plusieurs maisons qui avaient été incendiées et détruites. Cet endroit

19 était connu sous le nom de Sandici.

20 Q. Bien. Alors, lorsque vous avez, pour la première fois, reçu des ordres,

21 je pense que vous avez dit que vous avez mis vos mains sur la tête. Pouvez-

22 vous nous décrire qui vous a donné ces ordres ?

23 R. L'un des soldats serbes, je ne sais pas si c'était un officier, peut-

24 être.

25 Q. Pourriez-vous décrire du mieux possible les uniformes des soldats qui

26 vous donnaient des ordres à ce moment-là lorsque vous avez -- lorsque vous

27 vous êtes rendu, du mieux que vous pouvez, simplement.

28 R. Ils avaient des uniformes de camouflage complets, aussi bien le haut

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1 que le bas de l'uniforme. Certains avaient des casques, d'autres portaient

2 des casquettes. Ils avaient des blousons -- les gilets pare-balles.

3 Q. Bien. Donc, lorsque vous êtes entré dans ce pré, est-ce que vous avez

4 remarqué s'il y avait d'autres types de soldats ou quelque chose que vous

5 pourriez décrire, quelque chose que vous pourriez ajouter aux descriptions

6 des soldats qui se trouvaient dans le pré lorsque vous y êtes entré ?

7 R. Ceux que j'ai vus, ceux qui étaient autour de moi, lorsqu'on nous a

8 emmenés dans le pré, il y avait des gardes parmi nous. Ainsi, personne ne

9 tenterait de s'enfuir dans mon groupe. Tous portaient des uniformes

10 multicolores. Il y en avait un qui se tenait devant nous, très probablement

11 un officier. Il avait lui aussi un uniforme de camouflage multicolore. Il

12 portait un t-shirt blanc, à manches courtes. Il avait un couteau à la main

13 et alors que nous étions là sur le pré, il faisait tourner son couteau, le

14 tournait, jouait avec. Il avait également un fusil semi-automatique, et de

15 temps en temps, il tirait un coup en l'air, chaque fois qu'il y avait des

16 remous. Puis, il envoyait un prisonnier ou deux pour aller chercher de

17 l'eau dans des bouteilles. Il faisait très chaud. Les gens continuellement

18 s'évanouissait et, donc, on les rafraîchissait avec de l'eau, et de façon à

19 empêcher qu'il y ait la commotion entre nous, et nous empêcher de faire du

20 bruit, de temps à autre, il tirait un coup en l'air et il nous criait de

21 nous calmer.

22 Q. Bien. Est-ce que vous savez en gros à quelle heure vous êtes arrivé

23 dans ce pré ?

24 R. C'était le matin. C'était dans la matinée. Il y avait du soleil dans la

25 matinée, il y avait du brouillard. Lorsque nous avons décidé de nous

26 rendre, nous ne pouvions pas voir la route goudronnée. Nous avons

27 simplement entendu qu'ils appelaient à la reddition et qu'ils disaient

28 qu'on allait être en sécurité et qu'on allait être envoyé là où on

Page 6975

1 souhaitait partir. Lorsqu'on est descendu jusqu'à la route goudronnée,

2 c'est un peu plus tard. Le soleil s'est levé et le reste du jour, il

3 faisait très chaud.

4 Q. Lorsque vous étiez sur ce pré, est-ce que vous pouvez nous dire au

5 moment où vous êtes arrivé, approximativement, combien d'autres Musulmans y

6 étaient avec vous ?

7 R. A mon avis, c'était entre 1 500 et 2 000, peut-être plus, je ne sais

8 pas.

9 Q. Très bien. Est-ce que cela s'est passé au moment où vous êtes arrivé au

10 début ou est-ce que cela s'est accru au cours de la journée ?

11 R. Avec moi, il y avait un grand groupe qui est arrivé sur ce pré et après

12 cela, le nombre s'est accru. Après, au bout de peu de temps, une autre

13 colonne est arrivée aussi, qui s'est rendu et aussi, il s'était placé dans

14 le même pré que moi.

15 Q. Pendant que vous étiez sur ce pré, est-ce que vous avez vu des

16 Musulmans blessés ?

17 R. J'en ai vu. J'ai vu quelques blessés. Ils s'évanouissaient, les gens

18 les rafraîchissaient et puis un ordre a été donné, disant que ces blessés-

19 là, de mon groupe -- ces blessés-là devaient être accompagnés par des

20 personnes de mon groupe qui les connaissaient ou leur proches. Il fallait

21 que ceux-là les accompagnent jusqu'aux maisons où ils seraient à l'abri du

22 soleil, car il faisait très chaud et ils s'évanouissaient en raison de la

23 chaleur. Donc, ils ont accompagné jusqu'à la maison qui se trouvait sur ma

24 droite, moi, étant assis en face de la route.

25 Q. Après que les blessés ont été amenés aux maisons, est-ce que vous avez

26 vu ce qui leur était arrivé ?

27 R. Je ne l'ai pas vu. Je ne sais rien de ce qui leur est arrivé.

28 Simplement j'ai vu qu'un soldat a fait venir une personne de mon groupe

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1 aussi, une personne qui avait accompagné ces blessés, et il a dit ce soldat

2 serbe, que cet homme avait essayé de fuir et que lui, il l'avait rattrapé

3 et qu'ensuite, il l'a ramené au pré sur lequel j'étais à côté du char.

4 Ensuite, que s'est-il passé ? La personne qui conduisait le char n'était

5 toujours soit dans le char, soit à côté, il entrait ou il sortait. Il y

6 avait d'autres soldats qui étaient assis sur le char ou autour de ce char.

7 Ces soldats, ils l'ont frappé fort dans son visage, sur son manteau. Cet

8 homme, il est tombé par terre, il est tombé sur le dos. Nous, on regardait

9 tout cela. C'était à 10 mètres pas plus de nous. Un autre soldat s'est

10 approché d'un autre groupe qui était venu, un groupe est venu, je ne sais

11 pas qui ils étaient, c'étaient des soldats mais ils portaient un autre

12 uniforme, un uniforme noir. Il avait des t-shirts, des pantalons noirs, des

13 bottes, je n'ai pas vu d'insigne sur eux, pas du tout. L'un de ces soldats-

14 là, portant un uniforme noir, il a pris un fusil automatique avec un

15 tambour, il s'est approché du soldat et au fond il s'est mis au-dessus de

16 lui et il a tiré sur lui. Il a tiré une rafale. Ensuite, il a demandé à

17 deux des hommes de mon groupe de le porter à une distance de 20 à 30 mètres

18 et de le jeter dans un champ. C'est ce qu'ils ont fait. Ils ont pris son

19 corps et ils l'ont jeté dans un champ. Ces gens-là, ils sont rentrés

20 revenus dans mon groupe.

21 Q. Qui a porté le cadavre, les Serbes ou les Musulmans ?

22 R. Les Musulmans.

23 Q. Pendant que vous étiez sur le près, ce jour-là, est-ce que vous avez vu

24 si un quelconque Musulman a pu quitter ce groupe ?

25 R. Entre nous, il y a eu des femmes, des enfants, des jeunes filles, quand

26 je dis les enfants, je parle de ceux qui n'avaient pas encore 18 ans, les

27 enfants de 13, 15, 17 ans, je ne sais pas exactement. Eux, ils ont reçu la

28 permission de quitter ce groupe. À ce moment-là, un convoi est arrivé qui a

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1 évacué les civils de Potocari dans la direction de Tuzla. Ils ont arrêté

2 les cars, les camions et s'agissant de ceux qu'ils avaient sélectionnés,

3 donc les personnes de moins de 18 ans, ils les ont installés dans les cars

4 et ils les ont envoyés à Tuzla.

5 Q. Avez-vous vu ou entendu de quelle manière ceux qui vous ont capturés

6 ont pu séparer les gens, comment savaient-ils qui étaient jeunes, qui

7 étaient plus jeunes ?

8 R. L'un de ces soldats-là, il a demandé s'il y avait une personne de moins

9 de 18 ans, qu'il fallait que cette personne sorte. Certains ont répondu à

10 l'appel et il faisait une évaluation, s'il avait l'impression que la

11 personne n'était pas plus jeune, il le renvoyait dans le même groupe. Si

12 d'après le visage, il voyait que la personne était plus jeune, il envoyait

13 cette personne vers le car.

14 Q. Très bien. Lorsque vous étiez sur ce pré, est-ce que un quelconque haut

15 officier de la VRS est arrivé ?

16 R. Oui. Plus tard, Ratko Mladic est arrivé avec son escorte. Ils étaient

17 tous bien habillés, vêtus d'uniforme neuf. Il s'est donc adressé à nous, il

18 a dit qu'il ne fallait pas qu'on ait peur, qu'on s'inquiète, qu'on allait

19 être envoyé dans la direction désirée, que rien n'allait nous manquer,

20 qu'on allait retrouver nos familles. Il n'est pas resté longtemps sur

21 place, peut-être cinq à dix minutes, je ne sais pas exactement. Certains

22 journalistes sont arrivés, ils nous ont filmés, ils ont pris nos photos.

23 Donc, ils ne sont pas restés sur place pendant longtemps. Ils ont quitté le

24 pré.

25 Q. Lorsque vous dites "filmer," que voulez-vous dire lorsque vous dites

26 que les journalistes ont filmé ?

27 R. Ils nous ont filmés, ils ont dit à nous tous, ils se sont adressés à

28 nous tous, ils ont dit on va vous filmer un peu, prendre vos photos pour

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1 montrer au monde à quel point nous sommes humains, que vous ne manquez de

2 rien et que vous êtes à un lieu sûr.

3 Q. Approximativement, à quelle heure de la journée que Mladic est arrivé

4 et qu'il s'est adressé à votre groupe ?

5 R. Je ne sais pas exactement, c'était approximativement vers la mi-

6 journée, peut-être dans l'après-midi, mais je ne sais pas avec exactitude.

7 Q. Mis à part ces moyens de transport qui ont transféré certaines femmes

8 et certaines personnes âgées de moins de 18 ans, peut-être, est-ce que vous

9 avez vu d'autres moyens de transport ou de convoi qui sont passés auprès de

10 l'endroit où vous étiez ?

11 R. J'ai vu les véhicules de transport de troupes des Nations Unies qui

12 étaient près de nous. J'ai vu leurs soldats, ils se déplaçaient mais ils y

13 restaient peu de temps, puis ils utilisaient aussi des camions pour

14 transporter les gens et les cars.

15 Q. Lorsque vous dites qu'ils transportaient les gens à bord des camions et

16 des bus, des cars, est-ce que vous pouvez nous dire dans quelle direction

17 ces gens-là étaient transportés ?

18 R. Ils étaient transportés dans la direction de Tuzla.

19 Q. Est-ce que vous avez pu voir qui étaient ces gens à bord des camions et

20 des cars ?

21 R. Bien sûr que j'ai vu, c'étaient des civils, des femmes, des enfants de

22 Potocari, qui étaient partis à Potocari dans l'enceinte de la FORPRONU.

23 Q. Très bien. Est-ce que vous pouvez nous expliquer de quelle manière vous

24 avez finalement quitté cet endroit ce jour-là ?

25 R. Nous avons reçu l'ordre. Deux cars sont arrivés. Ils nous attendaient

26 sur la route goudronnée. Il y avait l'ordre qui a été donné. On a été

27 sélectionné. Tout le monde n'est pas parti immédiatement. Un officier est

28 venu simplement. Il s'est mis devant nous et a dit : "Toi, toi, toi, toi,

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1 sors. Descendez vers la route goudronnée et montez à bord des cars." Parmi

2 ces gens-là, il y avait moi aussi, donc, j'ai été sélectionné par lui aussi

3 et après moi, il a sélectionné bien d'autres personnes qui sont venues

4 jusqu'au moment où les cars étaient pleins. Lorsque je suis entré dans le

5 car, je ne pouvais pas m'asseoir. Je me tenais debout dans le couloir du

6 car. On était tellement tassé qu'on avait l'impression de suffoquer. Il

7 faisait une chaleur épouvantable. Les soldats, qui nous escortaient,

8 étaient dans ce même car, des soldats serbes. Les cars étaient tournés dans

9 la direction de Bratunac, Srebrenica. Au moment où les cars se sont remplis

10 on a été conduit vers Bratunac --

11 Q. Je vous interromps. Car avant de monter à bord du car -- de l'autocar;

12 est-ce que l'on vous a dit où vous alliez ?

13 R. On nous a dit -- j'ai oublié de dire. Déjà là, quand on a été séparé

14 sur le pré on ne savait pas où on irait, mais on nous a dit qu'on irait

15 procédé à un échange avec les Serbes donc j'ai cru que c'était vrai, et ils

16 nous ont dit qu'ils nous emmèneraient vers Tuzla. Mais comme les autobus

17 n'étaient pas tournés en direction de Tuzla, mais bien en direction de

18 Bratunac, cela a éveillé quelques soupçons dans mon esprit. Ensuite, nous

19 sommes partis en direction de Bratunac. Ils nous ont conduits jusqu'au

20 hangar, jusqu'aux entrepôts, jusqu'à Kravica, en fait. On n'est pas allé

21 très loin.

22 Q. Avant d'aborder le sujet des hangars de Kravica je vais vous poser une

23 autre question. Vous nous dites que sur le pré de Sandici on avait procédé

24 à une sélection; est-ce que vous avez pu établir quel était le critère

25 selon lequel on séparait les personnes ? Alors que vous vous trouviez tous

26 sur ce pré, le groupe qui avait été choisi ou sélectionné avait-il quelque

27 chose de particulier en commun ?

28 R. Bien, c'était selon une évaluation personnelle et d'après ce que j'ai

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1 pu remarquer autour de moi, je peux dire que l'on séparait les hommes en

2 âge de porter les -- les hommes capables, forts, c'était une évaluation

3 personnelle. Si c'étaient des hommes forts, en bonne santé.

4 Q. Selon l'interprétation que nous avons je vois que vous avez dit que

5 vous étiez d'accord avec eux. Qu'est-ce que vous vouliez dire par là ?

6 R. Je ne comprends pas. J'étais avec qui ? Veuillez répéter votre

7 question, je vous prie.

8 Q. C'est peut-être une façon particulière de donner l'interprétation de ce

9 que vous avez dit. Mais est-ce que vous étiez d'accord avec quelqu'un quant

10 aux critères de sélection ?

11 R. Oui, je comprends votre question. Je regardais autour de moi et tous

12 les hommes qui se trouvaient autour de moi étaient des hommes très forts,

13 capables, jeunes, des hommes en santé. C'est eux qui étaient choisis et

14 sélectionnés le plus.

15 Q. D'accord. Est-ce qu'outre les femmes et ces jeunes hommes dont vous

16 nous avez parlé -- est-ce que vous avez vu d'autres personnes ou d'autres

17 groupes d'hommes qui s'étaient fait emmener depuis ce pré avant que votre

18 groupe à vous ne soit emmené ?

19 R. J'ai vu, en fait, qui était à côté de moi. Il y avait quelques

20 personnes qui s'étaient fait sortir, emmener. Donc, lorsque nous sommes

21 arrivés sur le pré, il y avait un homme que je connaissais très bien et

22 nous nous étions plutôt rendus ensemble et il a été le premier à se faire

23 emmener. Lorsque nous sommes arrivés sur le pré, nous étions restés là

24 peut-être 20 minutes, une demi-heure. Il portait une barbe, c'était une

25 autorité religieuse de Srebrenica, un hodza. Il s'était également fait

26 emmener lui et d'autres personnes portant des barbes. Donc, ils avaient été

27 sélectionnés. On les a emmenés quelque part, je n'ai pas vu où. On les

28 avait emmené, mais je sais qu'ils ne sont plus jamais revenus puisque je ne

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1 les ai plus revus par la suite. J'avais vu qu'ils choisissaient également

2 ou sélectionnaient les blessés. Ils étaient également mis dans un groupe.

3 Q. Ce hodza -- cette personne qui portait ce titre religieux, est-ce que

4 vous saviez son nom ?

5 R. Je ne me souviens pas de son nom.

6 Q. D'accord. Maintenant, outré les personnes qui avaient été sélectionnées

7 ce jour-là selon un critère particulier, est-ce que vous avez vu si des

8 groupes composés de plus de personnes s'étaient ou étaient allés plutôt

9 dans une autre direction avant que l'on ne vous emmène quelque part ?

10 R. Depuis ce pré, on avait donc séparé les blessés, les femmes, les

11 personnes qui avaient moins de 18 ans, des jeunes femmes également. Donc,

12 ces personnes-là avaient été placées à bord d'autocars qui sont partis en

13 direction de Tuzla, les femmes, les enfants, et les personnes qui venaient

14 des convois de Potocari, donc, les convois qui étaient là pour emmener les

15 femmes et les enfants.

16 Q. Bien. Revenons maintenant au bus dans lequel vous vous trouviez. Le bus

17 est parti de ce pré à Sandici; est-ce que vous vous souvenez de l'heure de

18 la journée ?

19 R. C'était dans l'après-midi.

20 Q. D'accord. Vous nous avez décrit deux autobus ou deux autocars; est-ce

21 que vous vous souvenez si vous étiez à bord du premier autocar, celui qui

22 était plutôt tourné vers Bratunac ? Ou est-ce que vous étiez dans celui qui

23 se trouvait derrière le premier autocar ?

24 R. J'étais dans le premier autocar.

25 Q. Est-ce que vous savez si lorsque vous êtes parti en direction de

26 Bratunac s'il y avait d'autres véhicules qui vous suivaient ?

27 R. Derrière moi, il y avait un autre autocar, derrière celui où j'étais.

28 Il était aussi bondé de monde.

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1 Q. D'accord. Où est allé votre autobus ?

2 R. J'avais pris place sur l'asphalte. Je suis monté à bord de l'autocar

3 lorsque j'étais sur cette route goudronnée, ensuite, l'autobus a pris la

4 direction de Bratunac, mais, en fait, ils nous ont emmenés à Kravica. Les

5 autocars ont pris un virage et se sont rendus au hangar de Kravica et nous

6 n'avons pas voyagé très longtemps. Ce n'était pas très loin.

7 Q. Bien. Est-ce que les deux autocars se sont garés devant ces hangars ?

8 R. Oui, les deux.

9 Q. Bien.

10 M. McCLOSKEY : [interprétation] Pourrait-on placer sur l'écran le document

11 65 ter 1563 ?

12 Q. Nous allons vous montrer sous peu à l'écran de nous donner un

13 commentaire sur une photo, alors je vous demanderais également de nous

14 montrer sur cette photo, de faire un dessin. Mme l'Huissière vous montrera

15 de quelle façon cela fonctionne.

16 D'abord, lorsque vous regardez cette photo dont la cote, j'ai déjà donné,

17 est-ce que vous reconnaissez ce document, cette photo ?

18 R. Oui, bien sûr.

19 Q. Que voyez-vous ?

20 R. Ce sont les hangars de Kravica dans lesquels je me suis trouvé.

21 Q. Fort bien. L'Huissière vous donnera un stylo qui vous aidera à annoter

22 l'écran, si vous faites une erreur vous pouvez recommencer. Je ne sais pas

23 s'il y a une question de transcript.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Lazarevic.

25 M. LAZAREVIC : [interprétation] Bien. Je crois que je vois une annotation à

26 droite sur la photo sous le numéro. Je ne sais pas quelle est la décision

27 que vous avez prise. Je crois que nous avions déjà dit que, dans de tel

28 cas, il y a une procédure particulière à suivre.

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vois ce que vous voulez dire, coin

2 supérieur droit en sous le numéro de référence, il semblerait qu'on y voit

3 une annotation manuscrite. Est-ce que l'on pourrait faire un agrandissement

4 pour voir de quoi il s'agit exactement ou je vais peut-être pouvoir le

5 faire moi-même.

6 M. McCLOSKEY : [interprétation] Monsieur le Président, nous pensions qu'il

7 s'agissait d'un document vierge. Je suis vraiment désolé de trouver les

8 annotations sur ce document. C'est une pièce qui avait été utilisée dans

9 l'affaire Krstic, mais nous n'avions pas vu cette partie annotée. Nous

10 pourrons certainement trouver ce que c'est. Je peux la lire, en fait.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je préférerais avoir une copie vierge.

12 Merci, Maître Lazarevic de nous l'indiquer, presque illisible, mais

13 je vous remercie quand même.

14 M. McCLOSKEY : [interprétation] Monsieur le Président, je suis vraiment

15 désolé, c'est notre photo. Je crois que l'annotation, en fait, n'a rien à

16 voir avec cette affaire, et pourra peut-être restée. Nous n'avons pas

17 d'autre photo.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Y a-t-il un quelconque conseil des

19 équipes de la Défense qui souhaiterait soulever une objection quant à

20 l'emploi de cette photo annotée ?

21 Non, bien. Donc, à ce moment-là, vous pouvez continuer. Il n'y a quelques

22 minutes encore avant la fin de la séance.

23 M. McCLOSKEY : [interprétation] Très bien.

24 Q. Alors, Monsieur, est-ce que vous pourriez nous indiquer l'endroit où

25 l'autocar s'était arrêté lorsque devant le hangar. Vous pouvez nous

26 l'indiquer à l'aide du stylo ?

27 R. [Le témoin s'exécute]

28 Q. Pourriez-vous peut-être faire un dessin qui ressemblerait à un autocar,

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1 en fait, faites un rectangle, c'est peut-être difficile d'évaluer la

2 longueur, essayez peut-être de le faire.

3 R. Très bien, d'accord.

4 [Le témoin s'exécute]

5 Q. D'accord, où était le deuxième autocar ?

6 R. Derrière celui-ci.

7 Q. Fort bien. Pourriez-vous faire un 1 à côté de l'autocar dans lequel

8 vous étiez deux à côté de l'autocar qui vous a suivi ?

9 R. [Le témoin s'exécute]

10 Q. D'accord. Pourriez-vous faire un 2 à côté de l'autre ?

11 R. [Le témoin s'exécute]

12 Q. Pourriez-vous, je vous prie, écrire votre pseudonyme, qui est le PW-

13 111, donc, PW-111, à côté de l'écran afin que l'on associe ce croquis à

14 vous.

15 R. Pardon, qu'est-ce que je dois écrire ?

16 Q. C'est votre nom de témoin, c'est votre nom de code, donc, c'est le PW-

17 111.

18 R. [Le témoin s'exécute]

19 Q. En tout, pourriez-vous je vous prie, indiquer la date, la date est le

20 6-2-07.

21 R. [Le témoin s'exécute]

22 En indiquant, 06-02-07.

23 Q. Alors, Monsieur le Président, nous pourrions peut-être nous arrêter

24 ici. Je crois que le moment est opportun.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je demande à ce que ce document soit

26 sauvegardé et qu'il soit versé au dossier. La séance est levée jusqu'à

27 demain matin.

28 Monsieur le Témoin, il nous faudra nous arrêter pour la journée. Nous

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1 allons vous revoir ici demain à 9 heures, et votre témoignage se poursuivra

2 demain, et nous espérons que nous allons pouvoir terminer votre audition

3 demain.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] La séance est levée.

6 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mercredi 7 février

7 2007, à 9 heures 00.

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