Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 10 juillet 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour à tous. Madame la Greffière,

  6   pourriez-vous, s'il vous plaît, citer l'affaire.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour à tous. Il s'agit de l'affaire

  8   IT-05-88-T [comme interprété], l'Accusation contre Vujadin Popovic et

  9   consorts.

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Je vois que tout le monde

 11   est là. Les accusés sont là en tout cas au grand complet. S'il ne manquait

 12   pas M. Krgovic et M. Haynes, nous serions tous au complet aussi côté

 13   Défense. Pour ce qui est de l'Accusation, je vois qu'il y a M. McCloskey,

 14   M. Thayer et M. Vanderpuye. Tout va bien ?

 15   Il me semble qu'il n'y a pas de sujet à discuter avant de rentrer dans le

 16   vif du sujet. Nous verrons après, peut-être. Nous devons terminer ce qu'il

 17   en est du versement des documents. Où en sommes-nous, Monsieur Zivanovic,

 18   s'il vous plaît, pour ce qui est du témoin que nous avons vu précédemment ?

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour. Nous avons donné la liste de nos

 20   documents et nous l'avons distribuée aussi à toutes les équipes ainsi qu'à

 21   l'Accusation.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Y a-t-il des objections,

 23   Monsieur McCloskey ?

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation] Non, pas à l'heure actuelle. Certains des

 25   documents n'ont pas été présentés au témoin. Nous nous sommes entretenus

 26   avec Me Zivanovic, et nous considérons qu'ils font partie de son rapport

 27   d'expert. A notre avis, il n'y a pas de problème. Si tant est qu'un

 28   problème survienne, nous vous en ferons part, mais nous ne pensons pas que


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  1   ce sera le cas.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] La  dernière fois nous en avions traité

  3   de ce point-là, il me semble. Ils avaient dit qu'ils faisaient référence au

  4   rapport du témoin ou quelque chose comme cela, et que vous, de toute façon, 

  5   ne soulèveriez aucune objection.

  6   M. McCLOSKEY : [interprétation] Mais ça c'est l'équipe Nikolic qui a dit

  7   ça.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.

  9   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je pense que la situation est identique,

 10   mais l'Accusation a un document supplémentaire à admettre dont il aimerait

 11   l'admission, le 1D1302. Il s'agit d'un rapport. M. Zivanovic a dit qu'il

 12   allait le présenter au moment opportun. Je lui ai parlé, mais évidemment il

 13   a changé d'avis étant donné la façon dont ce rapport a été employé, et il

 14   aimerait que ce soit moi qui l'admette au dossier.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Monsieur Josse, qu'avez-vous

 16   à dire ?

 17   M. JOSSE : [interprétation] Une des raisons pour laquelle M. Zivanovic ne

 18   l'a pas employé, c'est parce que je lui ai très clairement annoncé que je

 19   m'y opposerais. De toute façon, il n'y a que deux paragraphes qui sont

 20   importants auxquels il fait référence et de toute façon ils ont été mis au

 21   compte rendu.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 23   M. ZIVANOVIC : [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 25   Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, je me joins entièrement à ce que mon

 26   collègue M. Josse vient de dire. Je voudrais seulement ajouter qu'il s'agit

 27   d'un document qui est très long et qui concerne l'année 1993, qui n'est pas

 28   vraiment -- qui n'est pas vraiment le sujet de ce procès. Par ailleurs, je


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  1   crois que cette Chambre a adopté cette pratique de -- lorsqu'il s'agit que

  2   de deux paragraphes qui étaient utilisés, et surtout lorsque le paragraphe

  3   était lu lors de l'audience, qu'il n'y a pas de raison d'avoir ce document

  4   tout entier dans la preuve.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Qu'en est-il, M. McCloskey

  6   prévoit répondre.

  7   M. McCLOSKEY : [interprétation] Le 1993 est absolument pertinent en

  8   l'espèce. C'est le contexte qui est important pour comprendre ce qui s'est

  9   passé. Il faut savoir ce qui s'est passé en 1993. Certes, notre acte

 10   d'accusation principalement compte surtout sur le 1995, mais nous avons

 11   empêché personne de traiter de ce qui s'est passé en 1993. Ce témoin a

 12   parlé de 1992, 1993. Nous avons vu un grand nombre de documents et de

 13   déclarations portant sur la situation en ce qui concerne Naser Oric et la

 14   28e Division. Ce rapport Matowietsky est important, à mon avis, parce que

 15   la Défense l'a employé comme conclusion. Vous savez, la Défense a tendance

 16   à amener ce type de rapport. Après tout, c'est à leurs risques et périls.

 17   Ils ne peuvent pas juste utiliser un passage et un paragraphe qui leur

 18   convient et laisser tomber tout le reste. Or, le paragraphe juste avant le

 19   paragraphe qu'ils ont présenté était essentiel et les deux conclusions ne

 20   sont pas prises en contexte, ne peuvent pas vraiment être comprises dans

 21   leur contexte si on ne prend pas le rapport en totalité.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Maître Josse.

 23   M. JOSSE : [interprétation] Il y a quant même huit parties en présence ici,

 24   il y a sept accusés et la Chambre devrait sans doute le prendre en compte

 25   lorsqu'elle délibère sur ce point.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Maître Lazarevic.

 27   M. LAZAREVIC : [interprétation] Je tiens à dire que la Défense Borovcanin

 28   soutient tout à fait ce qu'a dit Mme Fauveau et Me Josse.  Ce sont


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  1   uniquement les passages qui ont été employés dans le contre-interrogatoire

  2   qui devraient être utilisés et non pas tout le document.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

  4   M. OSTOJIC : [interprétation] Nous aussi, nous sommes d'accord.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] D'après vous, 1993 c'est pertinent ou

  6   non ?

  7   M. OSTOJIC : [interprétation] Non, je l'ai dit et je dois dire que je suis

  8   tout à fait d'accord avec l'Accusation. En effet, 1993 est pertinent, à

  9   notre avis, et je suis content que pour une fois que l'Accusation soit

 10   d'accord avec nous à ce propos.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Voici notre décision : nous ne savons

 14   pas à l'heure actuelle si, lorsque nous en serons à l'étape des

 15   conclusions, il nous suffira d'avoir une seule page de ce rapport qui a été

 16   employé, donc peut-être que cela suffira, mais peut-être pas. Et peut-être

 17   que pour comprendre la conclusion, nous aurons besoin de faire référence au

 18   reste du rapport Matowietsky ou d'autres parties de ce rapport. Donc voici

 19   notre décision, pour l'instant nous n'allons admettre que ces deux

 20   passages, mais  si nous pensons qu'à un moment ou à un autre il nous faut

 21   le rapport entier et qu'il convient de verser le rapport en entier au

 22   dossier, nous le ferons. Bien sûr, nous vous en avertirons.

 23   Monsieur McCloskey.

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

 25   n'ai pas été très préparé, j'ai été un peu pris par surprise. Je pensais

 26   que c'était M. Zivanovic qui allait le verser au dossier. C'est un rapport

 27   qui ne fait que 20 pages finalement et nous aimerions quand même en parler.

 28   Peut-être, si j'étudiais à nouveau, il y a peut-être un chapitre qui est


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  1   vraiment essentiel, je ne sais pas, nous allons voir.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ne perdez pas de temps.

  3   Mme FAUVEAU : Je voudrais seulement corriger le compte rendu. Il s'agit de

  4   la page 2, la dernière ligne, la ligne 25, page 3, la première ligne, dans

  5   le compte rendu, on peut dire que "l'année 1993 n'était pas pertinente." Ce

  6   n'est pas exactement ce que j'ai dit. Ce que j'ai dit c'est que l'année

  7   1993 n'est pas le sujet de ce procès, qui est quand même un peu différent.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Merci. En effet,

  9   c'est tout à fait différent. Car tous ces documents de l'équipe Popovic ont

 10   été admis au dossier. Je crois qu'il n'y a pas d'objections soulevées par

 11   qui que ce soit ?

 12   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent] M. LE JUGE

 13   AGIUS : [interprétation] Il semble qu'un certain nombre de ces documents

 14   n'ont pas été traduits, et ceux-là, bien sûr, recevront des cotes

 15   provisoires MFI jusqu'à ce que l'on ait obtenu la traduction officielle,

 16   mais bien sûr, la mise à jour se fera automatiquement entre cote provisoire

 17   et cote définitive.

 18   Pour ce qui est du document de l'Accusation, tout est clair, je crois. Pour

 19   l'instant, il y a une page qui est versée au dossier et le reste étant en

 20   suspens.

 21   Monsieur McCloskey.

 22   M. McCLOSKEY : [interprétation] Il s'agit de la page 18.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Page 18.

 24   Nous en avons terminé avec le versement des pièces, et nous en avons fini

 25   aussi avec la présentation des moyens de la Défense de la première équipe.

 26   Nous allons donc passer la parole à la deuxième équipe. Avant de donner la

 27   parole à M. Beara, il y a quand même une requête venant de l'équipe de la

 28   Défense Nikolic et j'aimerais que vous vous penchiez là-dessus, s'il vous


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  1   plaît, Monsieur McCloskey et que vous donniez votre réponse rapidement.

  2   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je le ferai le plus rapidement possible

  3   avec tout le reste d'ailleurs.

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Maître Ostojic, c'est à

  5   vous. Vous avez une heure.

  6   Déclaration liminaire de la Défense :

  7   M. OSTOJIC : [interprétation] Je vous remercie. Bonjour à tous, bonjour à

  8   l'Accusation, aux Juges de la Chambre, aux accusés.

  9   Donc après deux années, j'ai enfin la chance de pouvoir prendre la parole

 10   et au nom de la Défense Beara, nous vous remercions de nous avoir permis de

 11   prendre la parole.

 12   Nous avons entendu énormément de choses, mais jusqu'à présent pas

 13   suffisamment, à notre avis, pas assez de preuves en tout cas. Mes remarques

 14   préliminaire sont les suivantes : la preuve que des crimes ont été commis

 15   ou ont existé ne sont pas suffisants pour condamner une personne. Il faut

 16   bien plus que cela. Il faut que l'Accusation établisse au-delà de tout

 17   doute raisonnable que l'accusé est responsable des crimes avant que l'on

 18   puisse le condamner. Je le dis, parce que la charge de la preuve est

 19   essentielle ici. Il faut que nous nous souvenions que la Défense, nous

 20   n'avons pas de charge de la preuve. Nous ne sommes pas censés prouver quoi

 21   que ce soit en l'espèce. La charge de la preuve, telle qu'elle a été

 22   décidée par les autorités compétentes de ce Tribunal, repose sur les

 23   épaules de l'Accusation pendant tout le procès, même pendant la

 24   présentation des moyens à décharge.

 25   C'est vrai que cette charge est fort lourde, puisqu'il faut qu'ils

 26   prouvent au-delà de tout doute raisonnable ce qui s'est passé, mais c'est

 27   quand même essentiel en droit pénal. Ce n'est jamais l'accusé ou la Défense

 28   qui a la charge de la preuve. Et en choisissant de présenter des moyens de


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  1   preuve pendant cette phase de la procédure, nous ne voulons absolument

  2   faire croire ou laisser à penser que nous voulons endosser la charge de la

  3   preuve, pas du tout. Nous voulons aider la justice, aider cette Chambre de

  4   première instance pour qu'elle voie exactement et qu'elle explore tous les

  5   points qui n'ont pas été prouvés au-delà de tout doute raisonnable. Et pour

  6   montrer à la Chambre de première instance quels sont les sujets pour

  7   lesquels on peut tirer des conclusions qui sont favorables à l'accusé.

  8   Tout d'abord, parlons de la différence entre l'évacuation et l'expulsion ou

  9   le transfert par la force. Au paragraphe 78 du dernier acte d'accusation

 10   consolidé et modifié, l'Accusation allègue que M. Beara a planifié,

 11   organisé, aidé à rassembler, détenir et transporter des Musulmans

 12   masculins. Ils considèrent aussi, ils allèguent aussi qu'il a supervisé,

 13   facilité et supervisé aussi la condition et la situation des hommes de

 14   Potocari qui ont été mis dans des centres de détention dans la région de

 15   Zvornik. Quels sont les éléments de preuve qui nous allons présenter. Nous

 16   avons tout d'abord une démographe, le Dr Svetlana Radanovic, qui a un

 17   témoin conjoint d'ailleurs.

 18   Elle va venir normalement en juillet pour aider la Chambre de

 19   première instance et pour faire ressortir les défauts qui sont apparus dans

 20   l'analyse démographique faite par l'Accusation et par le bureau du

 21   Procureur avec leurs propres experts. Nous considérons aussi que cet

 22   expert, notre expert montrera qu'il y a eu des lacunes dans l'analyse, mais

 23   aussi des lacunes dans la méthodologie et dans les conclusions atteintes

 24   par les experts démographiques du bureau du Procureur.

 25   Nous considérons aussi qu'elle nous aidera à préciser le nombre de

 26   personnes qui vivaient à Srebrenica à l'époque. Il faut se souvenir du

 27   contexte, il faut savoir quand même si les personnes qui étaient à

 28   Srebrenica étaient des citoyens de Srebrenica ou des réfugiés, et il faut


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  1   aussi savoir si le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine à un moment et

  2   surtout en 1993, n'aurait pas interdit à ces personnes de quitter cette

  3   région. Le fait qu'ils aient voulu quitter la région sera d'ailleurs

  4   discuté plus tard.

  5   Le mouvement ou l'expulsion des civils en coopération avec le

  6   DutchBat n'était en fait qu'une évacuation, à notre avis, résultat en fait

  7   d'une nécessité militaire. Il ne s'agissait absolument pas d'un transfert

  8   obligatoire ou d'une expulsion.

  9   Ensuite, quand on regarde à nouveau ce paragraphe 78, il faut se

 10   concentrer sur les mots d'organisation et d'assistance alléguée. A notre

 11   avis, les preuves amenées par le bureau du Procureur sont douteuses pour le

 12   moins, en tout cas en ce qui concerne M. Beara. Tout d'abord, il faudrait

 13   savoir où se trouvait M. Beara, c'est absolument essentiel, au cours de

 14   cette période critique. Nous savons plusieurs choses à ce propos, ensuite

 15   aux témoins présentés par le bureau du Procureur lors de la présentation de

 16   leurs moyens, ils ont tout simplement bien dit qu'ils ne savaient

 17   absolument pas où se trouvait Ljubisa Beara du 16 juillet au 31 juillet

 18   1995. D'ailleurs en janvier de cette année M. Butler l'a énoncé extrêmement

 19   clairement.

 20   De plus, pour ce qui est de M. Beara, le bureau du Procureur commence

 21   à faire des allégations extrêmement vagues, mais n'a aucune preuve sur

 22   l'endroit où il pouvait se trouver du 1er au 11 juillet 1995, et le 11

 23   juillet étant compris. Lorsqu'on étudie les allégations, il n'y a

 24   absolument aucune preuve en ce qui concerne la planification,

 25   l'organisation et l'aide apportée. Donc ce n'est pas à nous de dire où se

 26   trouvait M. Beara, mais il devrait y avoir suffisamment en fait de doute

 27   raisonnable et manque de preuve pour acquitter notre client du fait de tout

 28   cela.


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  1   Mais dans l'intérêt de la justice et afin que vous ayez absolument

  2   tous les éléments nécessaires en main, nous allons vous présenter des

  3   élément de preuve. Je tiens à dire que nous n'avons pas à le faire, mais

  4   nous allons quand même le faire afin d'exposer et de bien montrer les

  5   faiblesses de la théorie du bureau du Procureur.

  6   Nous allons présenter des preuves qui ont déjà été présentées

  7   d'ailleurs selon lesquelles la VRS était divisée en six régions

  8   géographiques, enfin six corps basés sur ces régions différentes dans un

  9  territoire extrêmement vaste : le 1er Corps de la Krajina, le 2e Corps de la

 10   Krajina, le Corps Sarajevo-Romanija, le Corps d'Herzégovine, le Corps de

 11   Bosnie orientale ainsi que le Corps de la Drina dont nous avons beaucoup

 12   parlé lors de ce procès.

 13   Nous allons demander si la VRS ou tout autre organe militaire et son

 14   état-major, malgré l'offensive qui a eu lieu en 1995 dans la Krajina et

 15   dans la zone de Bihac, ont tout simplement oublié ou décidé de ne pas

 16   envoyer leurs officiers d'état-major dans ces régions en juillet 1995. Nous

 17   répondons d'ailleurs à cette question, parce que le bureau du Procureur a

 18   fait venir un témoin, Minojlo Milovanovic, qui était chef d'état-major, qui

 19   a dit qu'il était sur un autre front, le front de Bihac et qu'il était

 20   aussi avec le Corps de Bosnie orientale. Donc nous savons qu'à partir du 16

 21   juillet pour environ 10 à 12 jours, M. Beara a rendu visite à différents

 22   corps de la VRS qui se trouvaient dans ce territoire extrêmement vaste, y

 23  compris le 1er Corps de la Krajina, le 2e Corps de la Krajina et le Corps de

 24   la Bosnie orientale.

 25   D'après l'Accusation, personne ne s'est rendu dans ces secteurs alors

 26   qu'il y avait là une guerre qui était en train de se préparer, des combats

 27   d'ailleurs sur tous les fronts à l'est, à l'ouest, au nord et au sud. Il

 28   serait complètement irréaliste de penser que tout l'état-major ou que toute


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  1   la VRS était concentrée sur les enclaves de Srebrenica et de Zepa.

  2   Donc nous obtiendrons des éléments de preuve de ces personnes qui se

  3   trouvaient dans les corps subordonnés et nous allons aussi faire venir le

  4   chauffeur de M. Beara, Milos Tomovic. Je dois parler de ce témoin avec

  5   vous. Ce chauffeur a été interviewé par le bureau du Procureur une fois.

  6   Leur enquêteur principal, Tomas Blascyk nous en a parlé à l'époque, et il a

  7   dit au bureau du Procureur d'ailleurs où se trouvait M. Beara à l'époque.

  8   Il leur a dit qu'il avait conduit M. Beara auprès des 1er, 2e Corps de la

  9   Krajina et auprès du Corps de Bosnie orientale aussi. Donc leurs

 10   enquêteurs, leurs analystes n'ont pas été informés de tout cela.

 11   Et nous allons en parler d'ailleurs plus tard, principalement au

 12   cours de notre plaidoirie, puisqu'ils possèdent l'information depuis

 13   longtemps, mais ils ne veulent pas l'employer, ils préfèrent nous laisser

 14   dans le flou. De même, le bureau du Procureur savait ou aurait dû savoir

 15   lorsqu'une personne a extrêmement peur, qui n'a aucun conseil, qui n'a

 16   aucune représentation légale, qui n'est pas préparée, quand cette personne

 17   donc effrayée déclare sous serment mais par erreur quelque chose, qui,

 18   maintenant, se trouve au compte rendu, qu'il n'a jamais été à Belgrade ni

 19   le 13 ni le 14 juillet 1995, nous considérons que c'est à l'Accusation,

 20   puisque c'est l'Accusation qui a saisi un grand nombre d'éléments de

 21   preuve, c'est à l'Accusation d'aider le témoin à savoir ce qui s'est

 22   exactement passé. M. Tomovic, dans son entretien, a dit qu'il ne se

 23   trouvait pas à Belgrade le 13 juillet 1995, or c'est faux, c'est tout

 24   simplement faux.

 25   Comment le savons-nous ? Bien, lorsqu'on l'a aidé, si on l'aide à se

 26   rafraîchir la mémoire, nous espérons que vous allez admettre ces éléments

 27   de preuve, puisque lorsque l'on a réussi à rafraîchir la mémoire de ce M.

 28   Tomovic, qu'il a réussi à se souvenir tout d'un coup qu'il était en effet à


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  1   Belgrade le 13 juillet 1995, de façon bien simple, mais c'est quand même

  2   complexe. Ce qui est important c'est de savoir ce qui a été employé pour

  3   rafraîchir sa mémoire. Nous avons employé des éléments de preuve dont

  4   disposait le bureau du Procureur pour explorer un peu ce qui s'était passé

  5   pour en venir à la vérité. Au départ, nous avions demandé à M. Tomovic s'il

  6   avait un journal de bord; il a dit non au départ. Mais on a trouvé

  7   finalement un journal de bord, ce n'était celui de M. Beara ni de M.

  8   Tomovic, mais c'était le journal de bord d'un Américain, d'un journaliste

  9   américain venant de Phoenix, Arizona, d'ascendance serbe.

 10   Or, ce journaliste américain a aussi été interviewé par le bureau du

 11   Procureur, et dans son journal de bord qu'il a tenu simultanément lors

 12   toutes les visites qu'il a faites à Srebrenica, Belgrade et Sarajevo, et

 13   cetera, en juillet 1995, il a noté le nom des gens qu'il avait rencontrés,

 14   qui l'avait conduit, jusqu'où, depuis où, et cetera. Donc ce journal de

 15   bord indique pour la date du 13 juillet, que ce M. Robert Djurdjevic,

 16   journaliste américain de Phoenix, Arizona, a monté à bord de la voiture de

 17   Milos Tomovic. Lorsque nous avons demandé à M. Tomovic s'il se souvenait

 18   d'avoir vu ce journaliste américain, il a dit, oui, c'est vrai, je me

 19   souviens, j'ai fait monté à bord un Serbe américain depuis Belgrade jusqu'à

 20   Vlasenica, parce qu'il voulait rencontrer le général Mladic. Dans son

 21   journal, comme le savent les éminents confrères, et sur la page de garde,

 22   on voit de manière détaillée où il est allé, accompagné par M. Tomovic, ce

 23   qu'ils ont vu, où étaient les points de contrôle et les barrages, et qui

 24   ils ont rencontré.

 25   Sur la page de garde ou la couverture de ce journal de bord, il est dit, je

 26   crois, écrit dont parle journaliste lui-même, que ce journal de bord ne

 27   doit pas être ouvert ou divulgué dans les deux ou trois ans qui ont suivi

 28   la fin de la guerre en ex-Yougoslavie. Ce journal fut écrit dans la même


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  1   période couverte par les événements concernés et n'a jamais été en

  2   possession de qui que ce soit d'autre que le bureau du Procureur, il n'a

  3   donc pas pu être modifié ou manipulé.

  4   Lorsque nous avons rencontré pour la première fois, M. Tomovic, nous lui

  5   avons demandé, est-ce que vous vous souvenez d'autre chose; est-ce que vous

  6   êtes certain qu'il s'agit bien du 13 ? Il se souvenait de rien. Lorsque

  7   nous lui avons montré le journal qui était en anglais, donc nous l'avons

  8   traduit, nous lui avons montré les dates précisées dans ce journal, sa

  9   première réaction a été de dire, mon Dieu; cela veut dire que j'ai menti à

 10   l'Accusation, lorsque je leur ai dit que je ne me suis jamais rendu à

 11   Belgrade le 13 juillet 1995.

 12   M. Tomovic n'a jamais menti à l'Accusation lors de son entretien. M.

 13   Tomovic était effrayé, il avait peur. Comme la plupart des témoins

 14   lorsqu'ils sont confrontés aux demandes de l'Accusation leur demandant de

 15   parler d'événements horribles et tragiques, il était certainement intimidé.

 16   Il s'est trompé. Et pour confirmer le fait que M. Tomovic se trouvait à

 17   Belgrade le 13 juillet 1995, nous avons des éléments de preuve indépendants

 18   qui devraient être acceptés par cette Chambre, sans débat.

 19   Puis, tout le reste concerne les lieux où se trouvait M. Beara. Milan

 20   Stanic, notre enquêteur, et Milan Stojovic ont parlé de ces questions : qui

 21   a accompagné Milan Tomovic lorsqu'il est allé à Belgrade ? Qui d'autre que

 22   la personne dont M. Tomovic est normalement le chauffeur ?

 23   Lorsque nous examinons le contexte des événements du 12 juillet, les hommes

 24   musulmans se sont réfugiés dans la forêt sans que la VRS en ait

 25   connaissance et sans que la Corps de la Drina en ait connaissance. Le Corps

 26   de la Drina se trouvait dans une situation où il ne participait pas au

 27   combat à Srebrenica même. Et le 12 juillet, les négociations étaient en

 28   cours visant à évacuer la population civile, en cours avec le bataillon


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  1   néerlandais. Les événements de Srebrenica se sont passés très, très vite,

  2   pour la plupart. Bien entendu, nous savons que l'anniversaire de M. Beara

  3   est le 14 juillet, nous en avons parlé à de nombreuses reprises. Il avait

  4   donc une raison de se rendre à Belgrade et nous présenterons des éléments

  5   de preuve qui expliqueront ces raisons et le lieu où il se trouvait à cette

  6   date.

  7   Nous savons et nous comprenons que le simple fait d'être présent quelque

  8   part ou de ne pas y être sur les lieux d'un crime, n'établit ni la

  9   culpabilité ni l'innocence d'une personne en raison notamment de la théorie

 10   de l'entreprise criminelle commune qui est alléguée par l'Accusation, une

 11   théorie bien trop étendue, à mon avis, et assez illusoire. Néanmoins, nous

 12   sommes convaincus, fermement convaincus, que les lieux où se trouvaient M.

 13   Beara et en parlant des questions de la planification, de l'organisation et

 14   de l'assistance à porter, a énormément d'importance.

 15   Je ne suis pas sûr, est-ce que Monsieur le Président, vous souhaitez que je

 16   m'arrête là. Non. Merci.

 17   Les éléments de preuve sont tout à fait cohérents en ce qui concerne les

 18   lieux où se trouvaient M. Beara, et comme nous avons pu le voir dans la

 19   présentation des éléments de preuve de l'Accusation, M. Beara n'a jamais

 20   été vu à Srebrenica, et nous pouvons examiner, revoir toutes ces séquences

 21   vidéo. On ne l'a jamais vu à Potocari, nous avons ces séquences vidéo

 22   également. Il n'a jamais été vu à l'hôtel Fontana que ce soit à la

 23   première, deuxième ou troisième réunion, et il n'a certainement jamais été

 24   vu à la fête pour célébrer la retraite de M. Zivanovic.

 25   Et c'est important pour de nombreuses raisons. La raison la plus évidente,

 26   la plus importante étant s'il n'a pas été vu c'est qu'il n'y était pas.

 27   Physiquement, il n'était pas dans cette région, sur ce territoire à cette

 28   période. Et c'est important aussi, parce que cela illustre également ce que


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  1   j'ai déjà qualifié de détachement il y a deux ans, le fait qu'il ne faisait

  2   pas partie d'un groupe d'intimes, il n'a pas suivi Mladic ou d'autres et il

  3   était en fait exclus de certaines situations pertinentes, certaines

  4   situations-clés.

  5   D'ailleurs, je pense que notre premier témoin aujourd'hui va justement

  6   témoigner au sujet de ce détachement, de cette distance et il va aussi

  7   situer le contexte, car le contexte est pertinent et nous devrions avoir la

  8   possibilité de le décrire. Avant que la VRS n'ait été créée, la Chambre

  9   doit comprendre où se trouvait M. Beara, qui était ses subordonnés. Par

 10   exemple, nous espérons que le premier témoin pourra établir devant cette

 11   Chambre qu'aussi tard qu'en 1990 et 1991, M. Zdravko Tolimir était

 12   subordonné à M. Beara. Lorsque M. Tolimir a rejoint la VRS, quelques mois

 13   plus tard, six mois environ, je crois, M. Beara a rejoint la VRS et n'était

 14   plus un supérieur hiérarchique de M. Tolimir; il est devenu son subordonné

 15   en dépit du fait que M. Tolimir à quelque neuf ou dix ans de moins que M.

 16   Beara. Et si vous connaissez les codes militaires, si les grades vous sont

 17   quelque peu familiers, vous comprendrez l'importance de cet élément de

 18   preuve et toute sa portée. A notre avis, c'est très pertinent pour

 19   expliquer la raison pour laquelle M. Beara avait une certaine distance par

 20   rapport au général Mladic et d'autres.

 21   Bien entendu, la VRS était une armée nouvellement constituée, au sein de

 22   laquelle il y avait de nombreux conflits tenant en partie aux partis

 23   politiques. Il y avait les nationalistes pro-Serbes, des conflits

 24   concernant le pouvoir, les fonctions, les grades sur leur territoire. Il y

 25   avait de l'inimitié, de la méfiance et un défaut de coopération, de

 26   collaboration et ces relations tendues sont données, illustrées par les

 27   sentiments, les opinions exprimées par les civils vis-à-vis d'ex-officiers

 28   de la JNA. Ces ex-officiers de la JNA n'étaient pas des nationalistes pro-


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  1   Serbes. Le nouveau mouvement politique et les nouveaux partis politiques

  2   qui appelaient de leur vue, comme le prétend l'Accusation, une composition

  3   différente de la Bosnie ou de la Serbie ou de l'ex-Yougoslavie, étaient en

  4   effet des nationalistes. M. Beara était farouchement opposé à cette

  5   politique qui avait cours à l'époque.

  6   Nous appellerons un témoin, plusieurs témoins pour démontrer cela devant la

  7   Chambre. Par exemple, le Dr Srdja Trifkovic dont l'Accusation allègue, que

  8   ce soit officieusement ou peut-être officiellement, que son témoignage

  9   n'est pas pertinent. Il s'agit d'un autre journaliste américain d'origine

 10   serbe qui était un conseiller en 1992 et 1993. Un des civils qui a étudié

 11   les faits tels qu'ils se déroulaient sur le territoire à l'époque. Il

 12   s'agit d'un témoignage tout à fait franc et qui étaye les éléments de

 13   preuve que l'on trouve dans le journal du témoin que j'ai cité

 14   précédemment.

 15   Je pense que son témoignage va nous éclairer quant à l'opposition

 16   farouche entre les civils nationalistes pro-Serbes lorsqu'il s'agissait de

 17   la question des officiers de sécurité de l'état-major de la JNA. Il n'y

 18   avait pas que de l'inimitié, de la dissatisfaction [phon]. Il y avait une

 19   forte hostilité et une méfiance très prononcée. Nous évoquons cela, parce

 20   que l'Accusation a présenté des éléments de preuve ou un témoignage d'une

 21   personne décédée sans nous donner la possibilité dès lors de le contre-

 22   interroger, et la Chambre a admis le témoignage de Miroslav Deronjic, qui

 23   était civil à Bratunac de 1992 à 1995.

 24   Il est tout à fait invraisemblable de prétendre que cette personne

 25   diamétralement opposée, si hostile à l'état-major et aux officiers de

 26   sécurité, qu'il confierait un message secret visant prétendument à tuer des

 27   hommes musulmans dans la région de Srebrenica. Ce n'est pas seulement

 28   illogique, mais tout à fait déraisonnable. Il n'y a aucun fondement à cela,


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  1   en dépit du fait que l'Accusation a essayé d'établir cela par le biais du

  2   témoignage du défunt M. Deronjic.

  3   Cela dit, nous trouvons également qu'il est tout à fait incroyable de

  4   prétendre que M. Deronjic aurait utilisé un intermédiaire en dépit du fait

  5   qu'il avait un accès direct, et donc tout cela n'a aucune logique.

  6   L'Accusation tente de suggérer des choses à la Chambre, mais il ne s'agit

  7   que de la conjecture. Il n'y a pas de fondement à tout cela dans les faits

  8   ou dans la logique.

  9   D'autres témoins que nous allons appeler ont également témoigné de la

 10   haine, de l'animosité qu'il y avait, non seulement à l'échelon national,

 11   mais aussi au niveau local à Bratunac, tout cela par l'intermédiaire de M.

 12   Deronjic.

 13   Pour revenir un peu en arrière, toujours en ce qui concerne l'endroit

 14   où se trouvait M. Beara, certains se demandent peut-être qu'en est-il des

 15   témoins cités par l'Accusation qui semblaient prétendument démontrer que M.

 16   Beara se trouvait à un endroit où des meurtres allaient être commis ou

 17   l'avaient déjà été ?

 18   Nous allions appeler deux catégories de témoins à cet égard. Tout

 19   d'abord, un témoin expert, un psychologue néerlandais qui, à mon avis, je

 20   crois que cette opinion est partagée par tous et toutes dans ce prétoire,

 21   est une personne très réputée, un expert, il s'appelle le Pr Wagner [phon].

 22   C'est un témoin qui va déposer devant nous sur des questions qui me

 23   paraissent pertinentes en ce qui concerne les lieux où se trouvaient M.

 24   Beara, où il se trouvait prétendument, et il va nous parler des témoins qui

 25   prétendent par erreur qu'ils ont vu ou ont décrit une personne dont

 26   l'Accusation prétend qu'il s'agissait de M. Beara.

 27   En fin de compte, dans le cadre de l'interrogatoire direct, il nous

 28   parlera des faiblesses et des failles d'une telle prétendue identification,


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  1   sur la base de l'identification et de la reconnaissance, du fait de

  2   reconnaître quelqu'un. Il s'agit de deux notions différentes. La

  3   reconnaissance est lorsque l'on reconnaît quelqu'un qu'on a déjà vu, que

  4   l'on a déjà rencontré, alors que l'identification concerne une personne que

  5   l'on voit pour la première fois. Nous pensons que par le biais de notre

  6   contre-interrogatoire, nous avons déjà suscité des doutes quant à la

  7   véracité et l'exactitude de ces témoignages, qu'il s'agissait bien de M.

  8   Beara qu'ils prétendent avoir vu ou que l'Accusation prétend qu'il a été

  9   vu.

 10   M. Wagner, par ailleurs, va aussi parler des raisons pour lesquelles

 11   ces témoins ne seraient pas fiables. Il va examiner certains indices,

 12   certains soupçons, et nous décrire les failles et les échecs du bureau du

 13   Procureur dans le cadre de son enquête, notamment en raison du fait que le

 14   bureau du Procureur a échoué ou a refusé à montrer à ces témoins une série

 15   de photos simples, il s'agit donc d'un ensemble de photos. Vous savez ce

 16   dont il s'agit. Il s'agit de photos des personnes qui se ressemblent, ont

 17   des caractéristiques similaires, et une telle série ou présentation de

 18   photos est en fait un élément essentiel du point de vue du Pr Wagner. Si

 19   l'Accusation tient vraiment aux témoignages de ces témoins, nous devons

 20   nous demander pourquoi ils n'ont pas utilisé une telle présentation de

 21   photos qui ne coûte rien. C'est une procédure très simple et même dans les

 22   zones reculées, un enquêteur utiliserait une telle méthode.

 23   Mais ce qui est assez insolite dans cette affaire, c'est que l'Accusation a

 24   utilisé une telle série ou présentation de photos à certains moments. Elle

 25   sait très bien comment employer cette méthode, a donc sélectivement choisi

 26   de ne pas l'utiliser en l'espèce, mais à deux reprises ils ont essayé de le

 27   faire; et je m'excuse auprès de M. Popovic et de ses conseils, mais une de

 28   ces séries de photos concernait M. Popovic dans le cadre du témoignage d'un


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  1   témoin qui était exécutant sur un site. Il y a eu entre l'Accusation et

  2   conseil de M. Popovic des points d'accord à ce sujet et dans ce contexte,

  3   une série de photos de huit personnes qui se ressemblaient a été montrée au

  4   témoin. On a dit : Est-ce que vous y voyez le lieutenant-colonel et le

  5   colonel que vous avez vu sur ce lieu ? On a montré cette série de photos au

  6   témoin, et il en est ressorti qu'il n'y reconnaissait pas les personnes

  7   qu'il se souvenait avoir vues sur le site ou à l'endroit où il avait reçu

  8   l'ordre d'exécuter les Musulmans de Bosnie. Mais on montré à ce même témoin

  9   une série de photos préjudicielles de M. Beara. On lui a montré une photo

 10   de M. Beara au centre. Il s'agissait du seul homme d'un certain âge dans

 11   cette série, la seule personne dont le grade ressort clairement de son

 12   uniforme. Le Pr vous dira que montrer ainsi une telle série de photos au

 13   témoin peut être source de grand préjudice, car il vous dira que si le

 14   témoin affirme qu'il a vu un colonel ou un lieutenant-colonel et vous lui

 15   montrez une photo avec une personne, un colonel justement d'un certain âge

 16   qui porte les insignes de son grade, il était très facile de déceler de

 17   quel individu il s'agit.

 18   [inaudible] nous ce témoin, comme il l'a fait avec M. Popovic, a

 19   rejeté cette photo et n'a pas pu affirmer qu'il s'agissait de la personne

 20   qu'il avait vue sur les lieux du meurtre lorsqu'il exécutait des Musulmans

 21   de Bosnie. Il s'agit là aussi d'un point d'accord que nous avons déposé

 22   devant cette Chambre. Cela a son importance, parce que notre expert va

 23   étoffer ce récit et démontrer que l'Accusation aurait pu mais n'a pas

 24   souhaité montrer une telle série de photos à tous les témoins concernés.

 25   Qui donc était Ljubisa Beara ? Nous avons beaucoup parlé de l'endroit

 26   où il se trouvait et nous y reviendrons. Mais qui donc était-il ? Nous

 27   comptons démontrer que tout au long de sa carrière et sa vie personnelle,

 28   M. Beara a fait l'apologie de l'unité multiethnique et de la tolérance.


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  1   Nous nous attendons aussi à apporter la preuve que M. Beara tout au long de

  2   sa carrière et notamment pendant les périodes ou la période la plus

  3   difficile de la guerre en ex-Yougoslavie, de 1992 à 1995 il a aidé, il a

  4   organisé et il a sauvé la vie d'un grand nombre de citoyens juifs en ex-

  5   Yougoslavie. Et lorsque je dis un grand nombre, je sais personnellement

  6   grâce aux conversations que j'ai eues avec ce témoin, qu'il estime que

  7   c'est grâce à M. Beara, que je reprends ses propos, que pour la première

  8   fois dans l'histoire du monde, les Juifs n'ont pas été persécutés ou tués.

  9   Il estime qu'en tant que chef de cette commission, M. Beara non seulement a

 10   joué un rôle important, mais que tout cela n'aurait pas pu avoir lieu sans

 11   le rôle joué par M. Beara. D'après ce témoin, M. Beara a contribué à

 12   évacuer, à sauver la vie à quelque 1 500 citoyens juifs pendant cette

 13   période de 1992 à 1995.

 14   Nous avons également des éléments de preuve qui vont démontrer que M.

 15   Beara a également aidé, est venu en aide à des Croates et des Macédoniens

 16   pendant cette période. Nous vous soumettrons des éléments de preuve qui

 17   démontreront que M. Beara, tout au long de la guerre, a également aidé des

 18   Musulmans de Bosnie. Il avait des collègues et des subordonnés qui étaient

 19   Musulmans de Bosnie.

 20   En fait, il a sauvé certains de ces individus en les aidant à quitter

 21   Bratunac. Un témoin en particulier nous dira que sa famille était de

 22   Bratunac et M. Beara a aidé sa famille et d'autres, qu'il ne connaissait

 23   même pas, des amis de cette personne qu'il connaissait, donc les a aidés à

 24   partir. Nous avons entendu ce que M. Deronjic nous a dit en ce qui concerne

 25   les événements à Bratunac à l'époque. M. Beara a donc aidé ces personnes,

 26   il leur a sauvé la vie mais il n'a pas pu aider tout le monde. Il n'a pas

 27   pu sauver la vie à tout le monde et n'a jamais prétendu qu'il l'aurait

 28   fait.


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  1   Nous nous attendons également à vous présenter des éléments de preuve

  2   qui démontrent que M. Beara n'avait pas et ne pouvait pas avoir l'intention

  3   spécifique ou délibérée nécessaire pour commettre les crimes qui lui sont

  4   reprochés. J'y reviendrai.

  5   Mon éminent collègue a posé une question : Y avait-il dès lors un

  6   complot contre M. Beara ? Ce serait extrêmement difficile à établir et nous

  7   n'avons pas de fardeau de preuve à cet égard. Nous allons simplement faire

  8   état de certains faits, un fait notamment. D'ailleurs, il y a une note

  9   issue du récolement à ce sujet concernant la date du 23 octobre 2007. Je

 10   crois qu'il y a peut-être un numéro ERN 65 ter, ERN 0624-2637. Je n'ai pas

 11   pu retrouver le numéro 65 ter.

 12   Nous pensons que l'examen de cette question permettra d'éclairer les

 13   raisons pour lesquelles certains individus tels que Dragan Mirkovic et

 14   d'autres dans la zone de Bratunac, d'autres civils, ont menti et ont ainsi

 15   fabriqué, pour ainsi dire, des éléments de preuve. Ils avaient des motifs

 16   car des crimes ont eu lieu devant eux, sous leurs propres yeux, tant qu'en

 17   1992 qu'en 1993.

 18   Ce document que je viens de citer, cette note de récolement du 23

 19   octobre 2007 concerne également un individu qui était de la région locale,

 20   quelqu'un qui a plaidé coupable et a été condamné. Lors du récolement, mon

 21   éminent confrère, Julian Nicholls, qui n'est pas ici - et je suis désolé

 22   qu'il ne le soit pas - c'est lui qui a mené cet entretien. Et avec tout le

 23   respect que je lui dois, je pense qu'il a réellement toutes les qualités

 24   nécessaires pour être un très bon avocat de la Défense.

 25   Il a consigné de manière tout à fait honnête dans cette déclaration,

 26   différents extraits de la discussion qu'il a eue avec M. Nikolic. Il nous

 27   dit tout d'abord que le témoin a dit avoir appris que Dragomir Vasic,

 28   Miodrag Josipovic et Dragan Mirkovic se sont réunis au QG du MUP de


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  1   Bratunac après la tuerie. Je crois que ce n'est pas contesté. Il n'a jamais

  2   parlé de M. Beara. M. Beara n'y était pas, il n'a pas participé à de tels

  3   crimes qui auraient été commis sur place.

  4   D'ailleurs cette note du 23 octobre 2007, toujours le même document,

  5   consigne un deuxième point, M. Nicholls consigne le fait que le témoin a

  6   dit également, et je cite : "Beara n'avait rien à voir avec l'inhumation

  7   des cadavres à Glogova."

  8   Point 3, toujours le même document, M. Nicholls consigne la

  9   déclaration du témoin (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14   Les autorités civiles à Bratunac ne connaissaient pas Ljubisa Beara.

 15   Même ceux qui prétendent l'avoir rencontré pendant tous ces événements,

 16   pendant soi-disant quelques minutes alors qu'il gérait le transfert de

 17   détenus, ne l'avaient jamais rencontré auparavant, et n'auraient pu le

 18   rencontrer, il n'y avait pas de circonstances qui s'y prêtaient, à moins

 19   qu'il n'ait pu être traité de quelques questions pour lesquelles questions

 20   le bureau du Procureur trouve qu'ils étaient liés à M. Beara.

 21   Ils avaient leurs officiers du cru, locaux, qui eux les plaçaient

 22   dans leur communauté, au sein de leur communauté. Des militaires qu'ils

 23   connaissaient, les officiers les soutenaient. Il s'agissait d'ailleurs de

 24   militaires, d'officiers avec lesquels ils avaient une espèce de complot.

 25   Les autorités civiles n'avaient guère besoin d'une influence quelconque

 26   extérieure pour aider le transport des civils ou de Musulmans de Bosnie en

 27   1995. Les autorités étaient vraiment des autorités de fer et les autorités,

 28   notamment de Deronjic à Bratunac, nous démontrent que la même chose s'était


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  1   produite en 1992, en 1993. Les civils de Bratunac se trouvaient perdus, ils

  2   ne pouvaient plus savoir comment opérer face à cette [inaudible] de guerre.

  3   Ils étaient confus, ils ne pouvaient pas savoir où trouver des locaux pour

  4   détenir des individus en 1995, mais ils devaient à l'esprit le fait que,

  5   malheureusement, la même expérience avait été connue deux ou trois années

  6   préalablement.

  7   Ils n'avaient guère besoin d'assistance, d'aide, ils n'avaient guère besoin

  8   de consultation, de coordination ou d'aide pour la détention ces Musulmans

  9   de Bosnie, et notamment ceci ne devait pas être fait par Ljubisa Beara.

 10   Nous allons présenter des éléments de preuve par le truchement des

 11   individus qui permettront de parler plus en détail de ces civils, notamment

 12   de M. Deronjic. Nous avons cité à la barre un Musulman qui nous permettra

 13   de voir qu'elles ont été les vues de ces civils, non du point de vue des

 14   civils mais de militaires. De même, il y avait un jeune homme à la JNA, qui

 15   lui, savait comment Deronjic traitait les officiers de la JNA, quels

 16   étaient ses sentiments à leur égard, lorsque Deronjic se considérait comme

 17   étant au-dessus des militaires, au-dessus de la loi.

 18   Dans l'acte d'accusation le Procureur traite d'un parent très proche, Nenad

 19   Deronjic. Non loin de Bratunac, chaque parent ou membre de famille avait le

 20   feu vert de procéder en vue de crimes. Deronjic a été quelqu'un, qui,

 21   vraiment, était un homme de poigne et de poings forts pour ne pas que de

 22   tels événements se produisent.

 23   Pour parler du génocide, tout comme d'autres chefs d'accusation, à

 24   savoir extermination, persécution, meurtre, et cetera, le Procureur trouve

 25   que M. Beara a coordonné, organisé et rendu possible la détention, le

 26   transport et la mise à mort de ces Musulmans de Bosnie, d'hommes musulmans

 27   de Bosnie. Pour ma part, je propose comme suit; on n'a jamais répondu de

 28   façon directe et simple à la question de savoir si on dit que ceci a été


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  1   organisé, coordonné et facilité, alors on devait nous informer pour autant

  2   par qui tout cela a été ordonné. Par qui ? Quand ? Et à l'intention de qui

  3   ?

  4   Pour ce qui est des mémoires au titre du 98 bis on parle d'ordre,

  5   mais on n'ira pas au-delà. Ce ne sont que des conjectures, comme quoi

  6   Mladic aurait donné l'ordre à M. Beara sur ceci ou cela. Mais quand ? Où ?

  7   Que contenaient ces ordres ? On nous dirait pour répondre, certaines choses

  8   n'ont pas été notées. De toute évidence, nous avons pu voir à travers les

  9   dépositions de témoins tel M. Rasic où il a été dit clairement : "Des

 10   meurtres s'étaient produits et que de cette façon-là nous ne pouvons

 11   évidemment pas parler de juillet 1995." Leur expert, expert du bureau

 12   parlait de "meurtres," il ne s'agit pas seulement de "meurtres," il s'agit

 13   de "meurtres," il s'agit d'autre chose. Je trouve là qu'il y a encore un

 14   choix sélectif du bureau du Procureur et je crois que nous allons présenter

 15   des éléments de preuve pour révéler tout cela.

 16   Ensuite on doit se poser la question au sujet des conversations

 17   interceptées. D'après le Procureur il n'y avait qu'un seul homme qui s'en

 18   occupait, Ljubisa de son prénom, surnommé Ljubo à cette époque-là.

 19   Nous voulons montrer, nous allons présenter des éléments de preuve

 20   pour aider à définir et à établir qui était Ljubisa Beara en présentant des

 21   éléments de preuve par le truchement des gens qui le connaissaient avant,

 22   pendant et après la période de 1995. Et nous allons prouver que M. Beara

 23   parlait, avait un parler, un dialecte très distinct qui n'a pas été sans

 24   subir une influence herzégovienne et croate. Nous aurons le Dr Remetic, qui

 25   lui, est un spécialiste en la matière, qui s'y connaît en dialecte. Il nous

 26   aidera grandement en cela. Je suis certain que ces analyses pourront être

 27   et ces opinions pourront être adoptées une fois que les analyses ont été

 28   faites, analyses de ces conversations interceptées, lorsqu'il a traité de


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  1   dialecte du parler de Beara, il a dit tout simplement, toutes les fois

  2   qu'on parlait de Lubo ou d'un autre intitulé, ceci évidemment ne prouve pas

  3   qu'à l'autre bout du fil il s'agissait bien de Ljubisa Beara, et que ces

  4   propos ne devaient pas être évidemment attribués à Ljubisa Beara. Par la

  5   suite, le Pr Remetic parlera de terme de tri et comment ce terme de

  6   "triage" présente pas mal de significations malgré ce que nous a dit le

  7   bureau du Procureur lorsqu'on parle évidemment de lexique militaire.

  8   Nous considérons pour notre part qu'il s'agit d'éléments de preuve

  9   d'un grand intérêt, parce que les opérateurs qui s'en sont occupés de cette

 10   analyse des conversations interceptées nous permettent de voir que

 11   quelquefois il y a eu des manipulations faites lorsqu'il s'agit de traiter

 12   des journaux. Les opérateurs disaient, nous n'avons fait que transcrire les

 13   choses telles qu'elles aient été proférées. Si quelqu'un parlait, par

 14   exemple, utilisait un autre dialecte, nous l'aurions tout simplement

 15   inscrit de cette façon-là, et cetera. Mais dans les conversations

 16   interceptées il n'y a pas de preuve comme quoi il y avait un dialecte

 17   proféré et parlé et utilisé par M. Beara à cette époque-là ou plus tard. On

 18   ne peut pas apporter des changements dans cela. Les opérateurs en la

 19   matière disaient en toute sincérité que M. Beara devait parler tel ou tel

 20   dialecte s'il s'agissait de la personne impliquée dans une conversation

 21   interceptée. Nous ne pouvons pas et on ne peut pas le constater.

 22   De même, nous avons des témoins additionnels pour traiter des

 23   conversations interceptées. Je parle d'un individu qui traitera de cela

 24   pour dire comment tout ceci physiquement parlant a été fait, comment

 25   quelqu'un peut évidemment appeler d'un site tout à fait tiers pour qu'on

 26   puisse parler d'une communication avec Badem d'IKM  Zlatar. Si quelqu'un

 27   appelle Badem de Belgrade, et si on devrait établir une communication avec

 28   un individu de Zlatar, je ne sais pas si cette personne-là devra bénéficier


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  1   de mesures de protection ou pas.

  2   Mais comme le bureau du Procureur l'a dit, paraît-il, depuis Belgrade

  3   on pouvait avoir une communication avec Badem, puis après on peut dire

  4   qu'il s'agit d'un appel envoyé au poste de commandement avancé. Ce n'était

  5   pas vrai. Le système ne fonctionnait pas de cette façon-là à cette époque-

  6   là et à aucun autre temps. Le témoin nous aidera étant donné que sa

  7   déposition doit être pertinente et ceci nous permettra quelques

  8   révélations.

  9   Et maintenant, parlons un petit peu de génocide, d'extermination, de

 10   persécution. Récemment encore, en appel, dans le cadre de l'affaire Naser

 11   Oric, il s'agit du Juge Schomburg, qui lui, se référant à Isaac Issacs, en

 12   effet, Monsieur le Président, il s'agit d'un message à nous tous, à la

 13   Chambre de première instance, comme quoi nous devons en permanence nous

 14   remettre à apprécier et évaluer tant les faits de droit que la situation de

 15   fait. Nous avons l'occasion de le faire ici. Il ne s'agit pas seulement

 16   d'une occasion qui nous est offerte, mais ceci est de notre devoir. Nous ne

 17   devons pas le faire, que nous n'allons pas le faire. Le fait est que la

 18   commission de génocide dans l'affaire Krstic a été établie mais ceci ne

 19   suffit pas pour qu'il y ait une corrélation. Je crois qu'avec tout le

 20   respect que nous avons pour toutes ces affaires et toutes ces Chambres de

 21   première instance, nous devons parler d'éléments de preuve à travers une

 22   évolution avec plus de détails, et l'affaire dans son ensemble n'a pas été

 23   vu globalement d'un point de vue anthropologique. Nous invitons la Chambre

 24   de première instance à le faire. Nous ne devons pas exploiter de précédent,

 25   essayons plutôt d'établir dans les faits de droit que les faits nonobstant

 26   les décisions de telle ou telle Chambre de première instance, si oui ou non

 27   il y a eu commission de génocide. Avec tout le respect que nous avons pour

 28   les victimes et les familles des victimes et les différents peuples de


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  1   Bosnie, qu'il n'y a pas eu de génocide. Des crimes affreux, abominables se

  2   sont produits, mais à notre avis il n'y a pas eu de génocide.

  3   Nous allons d'ailleurs là-dessus présenter nos éléments de preuve.

  4   L'un de ces éléments de preuve, il n'a pas été tranché. Le bureau du

  5   Procureur a soulevé une objection. Il s'agira de parler de la déposition du

  6   Dr Chester Moore. Nous allons citer un expert en médecine légale, le Dr

  7   Komar d'Amérique. Je crois qu'on traitera de la notion qui apparaît ici

  8   "MNI" le nombre d'individus minimal.

  9   Cet expert parlera de quelques questions substantielles d'après cette dame

 10   expert. Les experts qui ont été cités à la barre par le bureau du Procureur

 11   ne parvenaient pas à présenter suffisamment, non plus que d'élaborer

 12   suffisamment, non plus que d'une façon appropriée pour aboutir à des

 13   conclusions pertinentes.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez encore un peu de temps.

 15   M. OSTOJIC : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président. Vous avez

 16   vu mon geste, comme quoi je me suis posé la question à savoir combien de

 17   temps de parole m'est imparti encore.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ne vous en faites pas. Moi, je veille

 19   sur l'horloge.

 20   M. OSTOJIC : [interprétation] Oui, mais je ne savais pas que ceci m'a été

 21   accordé.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivez.

 23   M. OSTOJIC : [interprétation] A la fin, je voulais dire que nous avons

 24   également un expert commun à mon honorable collègue Zivanovic et moi-même,

 25   et lorsque nous allons obtenir d'autres éléments de preuve, c'est-à-dire du

 26   point de vue anthropologique, ce que nous diront le Dr Moore et Dr Dunjic

 27   et Komar. Le Dr Dunjic, lui dit, attire l'intention de le Chambre de

 28   première instance sur ce qui suit : si vous voulez avoir une conclusion sur


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  1   la façon dont il a été procédé pour tuer, mettre à mort, vous devez savoir

  2   quelle en était la cause de la mort, l'origine de la mort. En aucun cas

  3   nous ne pourrons pas savoir s'il s'agit d'une origine ou si on ne sait pas

  4   la cause de la mort.

  5   Le Dr Dunjic a utilisé la méthode dite échantillon. Il a dit qu'on ne peut

  6   pas parler de plausibilité ou de façon véridique établir que la cause et

  7   l'origine de la mort seraient évidemment un crime si on ne peut pas établir

  8   la cause de la mort. Si un pathologue a dit que la cause de la mort était

  9   plutôt inconnue, vague, si vous ne pouvez pas prévoir comment, dans quelles

 10   circonstances quelqu'un décédé, est mort, vous ne pouvez pas savoir pas

 11   quelle moyen.

 12   Le Dr Dunjic s'est servi de cette catégorie d'échantillon dans de nombreux

 13   cas. Oui. La cause de la mort n'a pas été établie. Voilà la raison pour

 14   laquelle on ne peut pas dire de façon tout à fait réelle que le meurtre

 15   aurait été la cause de la mort. Nous nous attendons à en traiter en détail

 16   ces différents cas d'autopsie surtout. Richard Butler en a parlé pour dire

 17   que des milliers de gens sont morts dans des "combats militaires

 18   légitimes."

 19   Il s'agit d'une attitude là, et ce qui est surprenant que dans des rapports

 20   d'autopsie les médecins légistes du bureau du Procureur n'ont pas pu

 21   établir que pas une seule de ces personnes-là n'étaient pas décédées dans

 22   des combats militaires, dans des conflits militaires. Nous considérons que

 23   ce fait-là soulève non seulement un doute, mais il est de nature à

 24   présenter leurs médecins légistes, leurs experts anthropologues et leurs

 25   opinions comme étant non fiables.

 26   J'étais en contact avec pas mal de Musulmans de Bosnie qui étaient victimes

 27   des crimes en cours de 1992. Ceci étant fort lourd et difficile pour eux,

 28   pénible. J'espère qu'ils auraient suffisamment de force, de courage, pour


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  1   s'entretenir avec moi pour que cette Chambre de première instance puisse

  2   être informée de façon tout à fait ouverte et sincère du fait que

  3   lorsqu'ils sont arrivés à Tuzla, ce qui cadre avec les déclarations faites

  4   par ces personnes au bureau du Procureur, que par centaines et milliers de

  5   personnes se sont fait tuer dans le cadre des opérations militaires

  6   légitimes.

  7   Et à la fin, lorsqu'on traite de génocide, Alan Dershowitz, quand il a

  8   parlé d'holocauste qui s'était produit dans l'Allemagne nazie, lui, il a

  9   fait la description des génocides. C'est un honorable collègue et bien un

 10   collègue, lui, en décrivant le génocide dit, sans aucun doute le "génocide"

 11   a été perpétré, il a bien eu lieu en Allemagne et commis par des Nazis.

 12   Mais il dit plus tard que dire qu'il y avait un génocide à Srebrenica

 13   semble nier et réfuter le fait qu'il y a eu enlèvement, déportation, peut-

 14   être légitime ou illégitime de femmes, d'enfants, et cetera. Ce que lui

 15   suggère, c'est que pour qu'il y ait un génocide, pour qu'on parle d'une

 16   intention de commettre un geste de génocide, je le cite : "Il a fallu tout

 17   d'abord tuer des enfants, parce que les enfants représentent les gènes,

 18   enfin, le futur, l'avenir, du point de vue génétique."

 19   Dans ce sens-là, nous considérons qu'il est parfaitement important que

 20   durant le procès d'évacuation à Potocari, à Srebrenica ou à Zepa, le fait

 21   que les enfants, les femmes et les hommes s'étaient trouvés évacués, nous

 22   considérons que ceci était le résultat d'une nécessité militaire. Ceci

 23   étant dû à une nécessité militaire. Personne ne pouvait savoir s'il y

 24   aurait ou pas une possibilité de s'opposer, de riposter au VRS. Le VRS ne

 25   pouvait pas savoir quelle aurait pu être la situation de l'armée des

 26   Musulmans de Bosnie. Ces derniers étaient surpris, ce qu'on a pu voir à

 27   travers les séquences vidéo. En fait, le 11, ceci a pu être planifié le 12,

 28   les membres de la 28e Division se sont évadés pour gagner la forêt près de


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  1   Susnjari. Le VRS ne pouvait pas savoir s'il devait y avoir une opposition.

  2   S'il y avait une tentative, une intention de génocide, vous allez voir sur

  3   la base des faits-là que ceci n'existait pas, de telles intentions

  4   n'existaient pas, qu'il n'y avait pas de génocide, que en tout cas M. Beara

  5   ne pouvait pas avoir d'intention génocidaire. Non seulement il n'a pas été

  6   présent sur le site, mais l'ensemble de ce qu'il a fait en tant que

  7   professionnel pour aider les gens, assister sans distinction d'origine

  8   nationale quelconque, il n'a pas pu participer à une telle intention, si

  9   une telle intention avait exister. A mon sens, cette intention n'existait

 10   pas.

 11   Et à la fin des fins, je crois que le Procureur voulait qu'on traite des

 12   journaux, un autre élément de preuve pour lequel le Procureur pense qu'il

 13   cadre bien, que ces éléments de preuve cadrent bien avec une série

 14   d'éléments de preuve et d'arguments rafraîchissants leurs points de vue.

 15   Nous allons présenter les opinions de nos experts, nos témoins, pour dire

 16   que non seulement l'ensemble de ces documentations a été manipulé - je

 17   parle des journaux - mais il y a un manque de cohérence aussi, lorsque nous

 18   traitons des dates auxquelles fait référence le Procureur. Des experts que

 19   nous avons cités à la barre seraient l'honorable Pr Gogic. Lui étudie

 20   encore tous ces éléments de preuve. Nous avons un rapport préliminaire et

 21   une suite de données, d'informations. Lorsqu'il nous aura parlé de ces

 22   différents facteurs, je crois qu'on pourra démontrer l'importance du doute

 23   que nous pouvons soulever dans ce sens-là lorsque nous, êtres raisonnables,

 24   nous savons que les principaux facteurs des éléments de preuve seraient le

 25   contrôle de tous ces éléments de preuve, si vous savez qu'il y a eu une

 26   chaîne de conservation jamais suspendue des éléments de preuve. Si vous

 27   avez un seul individu qui s'est occupé de la conservation des données, si

 28   vous savez que certains documents, certains papiers ont été écartés, qu'une


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  1   sélection a été faite, bien sûr, que vous devez soulever des doutes. Autre

  2   chose qui nous invite à douter de tout cela, nous savons qu'il y a eu une

  3   notification des opérations, des dates. Y a-t-il eu quelqu'un qui aurait

  4   manipulé des registres ? Si ceci a été fait, ne serait-ce qu'une fois

  5   seulement, nous allons en douter. M. le Procureur nous dit que nous devons

  6   accepter ces éléments de preuve tels que -- en tout cas, nous ne pouvons

  7   pas. Il y a eu pas mal de ratures, d'expurgations, et cetera, et la Chambre

  8   de première instance doit le savoir si on veut se fier sur ces journaux.

  9   Les éléments de preuve que nous nous proposons de présenter, certains

 10   témoins que nous voulons citer à la barre, seront vus, entendus, il s'agit

 11   des gens qui traiteront des éléments de preuve portant sur les

 12   conversations interceptées, mais sur les journaux également. Nous savons

 13   qu'on avait rajouté des noms de certains individus pour essayer, faire

 14   endosser par d'autres personnes la responsabilité ou la culpabilité. Ceci

 15   ne fait pas partie évidemment des tentatives de conseil de la Défense,

 16   surtout pas des conseils de la Défense de M. Beara. Nous ne le ferons pas.

 17   Mais je devrais pouvoir parler également de certaines pressions,

 18   pressions exercées contre l'inculpé, par le Procureur, par des avocats

 19   également pour que le bureau du Procureur puisse avoir quelque chose

 20   amplement pour mener à bien les négociations cette fois-ci à mener pour

 21   qu'il y ait un plaidoyer à entrer en faveur du Procureur. Nous savons qu'il

 22   y a un témoin intimidé qui était présent au moment où des négociations ont

 23   été menées par le bureau du Procureur et (expurgé)

 24   (expurgé)

 25   Dans l'intérêt de la justice, nous espérons que ce témoin bénéficiant de

 26   mesures de protection sera cité à la barre, comme il l'a promis, il a

 27   promis de venir pour partager ses sentiments avec la Chambre de première

 28   instance pour voir comment le bureau du Procureur a mené toutes ces


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  1   négociations pour qu'on puisse aboutir à un accord d'un plaidoyer, comme

  2   quoi plusieurs années, plusieurs mois ce témoin n'a jamais fait mention de

  3   M. Beara, alors que tout d'un coup apparaît quelque chose sur la table des

  4   actions menées par le bureau du Procureur, même à taper du poing sur la

  5   table. On peut parler également de certaines pressions exercées contre cet

  6   individu par le bureau du Procureur, et à la fin de la fin, notamment a pu

  7   dire que d'autres personnes devaient être responsables, que lui-même

  8   acceptait sa responsabilité. Mais d'après nous, pas suffisamment, parce que

  9   ceci ne fait qu'étendre ce vaste filet, réseau de mensonges pour faire

 10   attribuer des choses à d'autres.

 11   Je sais qu'il sera difficile de citer à la barre ce témoin. Lui a promis de

 12   venir. Il a dit qu'il viendrait. Il a peur. C'est un homme intègre,

 13   honnête, avocat de formation. Quelqu'un qui a travaillé dans le cadre de ce

 14   Tribunal pendant quelque temps. Nous considérons qu'il est important pour

 15   la Chambre de première instance, le Tribunal, d'avoir une image assez

 16   globale des événements.

 17   Je remercie M. le Président. Nous nous attendons à ce que, en présentant

 18   ces éléments de preuve, je ne vous ai parlé que de certains de ces éléments

 19   de preuve, et avec tout le respect que nous avons, vous allez voir qu'il y

 20   a un doute raisonnable face à ce qui a été allégué, reproché contre Ljubisa

 21   Beara et que le bureau du Procureur n'a pas pu évidemment s'acquitter avec

 22   succès de la charge qui leur a imputée d'ailleurs, qui leur a été impartie.

 23   Merci, Monsieur le Président, d'avoir la possibilité de vous présenter cet

 24   exposé.

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Ostojic.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maintenant nous allons suspendre


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  1   l'audience pendant 30 minutes pendant lesquelles je devrais avoir une

  2   réunion, puis nous allons citer à la barre, votre premier témoin. Merci.

  3   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

  4   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

  5    [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Monsieur Alacov.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bienvenu dans ce prétoire.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je suis le Président de cette Chambre

 11   de première instance. Mon nom est Agius. Vous avez à côté de moi, le Juge

 12   Kwon; ensuite, le Juge Stole, et à ma gauche, le Juge Prost.

 13   Il s'agit de l'affaire Procureur contre Popovic et consorts. Vous avez été

 14   cité par la Défense pour déposer et vous avez été cité par l'équipe de la

 15   Défense de Ljubisa Beara. Vous êtes leur premier témoin.

 16   Notre Règlement demande que vous fassiez une déclaration solennelle selon

 17   laquelle au cours de votre déposition vous ne direz que la vérité. Le texte

 18   vous est présenté sur cette petite carte. Veuillez, s'il vous plaît, le

 19   lire à haute voix, et ce sera ainsi que vous prêterez serment.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 21   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 22   LE TÉMOIN: SPIRIDON ALACOV [Assermenté]

 23   [Le témoin répond par l'interprète]

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Asseyez-vous, mettez-

 25   vous à l'aise.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Si j'ai bien compris, c'est Me Nikolic

 28   de l'équipe de Défense Beara qui va vous interroger en premier. Ensuite, il


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  1   y aura contre-interrogatoire par d'autres personnes très certainement.

  2   Maître Nikolic, vous avez la parole. Veuillez, s'il vous plaît, vous

  3   présenter auprès du témoin.

  4   M. NIKOLIC : [hors micro]

  5   M. OSTOJIC : [interprétation] Il semble que le micro que Me Nikolic ne

  6   fonctionne pas.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il n'a qu'à essayer un autre micro.

  8   M. OSTOJIC : [interprétation] Le mien non plus ne marche pas.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 10   M. OSTOJIC : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois qu'il convient d'éteindre tous

 12   les micros et ensuite nous pourrons les rallumer.

 13   M. NIKOLIC : [interprétation] Je vous remercie. Bonjour à tous, bonjour,

 14   Madame, Messieurs les Juges.

 15   Monsieur Alacov, je tiens à me présenter, je suis Maître Nikolic, Predrag

 16   Nikolic et je représente l'équipe Beara, les intérêts de mon client, M.

 17   Beara.

 18   L'INTERPRÈTE : Le micro ne marche plus à nouveau.

 19   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il ne faut pas perdre de temps. Vous

 21   pourriez tout simplement peut-être utiliser le micro de M. Ostojic et

 22   changer de place.

 23   M. OSTOJIC : [interprétation] Le mien ne marche pas non plus.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bon, aucun micro ne marche,

 25   visiblement. Il n'y a plus qu'un micro qui marche, ce qui est quand même

 26   tout à fait normal et ce que je comprends. Cela dit, je n'ai pas besoin

 27   d'impressionner la fille de qui que ce soit aujourd'hui, veuillez

 28   réessayer.


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  1   M. NIKOLIC : [hors micro]

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il faut trouver une solution.

  3   M. OSTOJIC : [interprétation] Il semblerait que c'est parce que le micro du

  4   témoin est allumé, quand son micro est allumé, les autres micros ne peuvent

  5   pas s'allumer.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maintenant il semblerait que nous

  7   puissions en tout cas fonctionner comme ceci avec un seul micro pour le

  8   témoin et un seul micro pour Me Nikolic. Allez-y.

  9   Interrogatoire principal par M. Nikolic : 

 10   Q.  [interprétation] Je pense que la difficulté a été surmontée. Je me

 11   présente à nouveau. Je suis Maître Predrag Nikolic, je suis avocat et je

 12   représente les intérêts de Ljubisa Beara. Bonjour, Monsieur le Témoin.

 13   R.  Bonjour.

 14   Q.  Maintenant que le système audio marche, nous pouvons poursuivre.

 15   Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous présenter pour le compte rendu en nous

 16   donnant votre nom, prénom et date de naissance ainsi que lieu de naissance.

 17   R.  Je m'appelle Spiridon Alacov. Je suis né en 1943, le 20 janvier 1943.

 18   Q.  Pouvez-vous rapidement nous parler de votre scolarité, votre niveau

 19   d'éducation.

 20   R.  Je suis né à Ohrid. J'ai fait l'école primaire et le lycée. Au lycée,

 21   j'ai suivi des cours de sciences économiques. Ensuite, en 1962 j'ai rejoint

 22   l'Académie militaire de Belgrade. J'ai terminé le cours des forces armées

 23   terrestres en 1965, ensuite j'ai été envoyé à Raska, c'était ma première

 24   affectation, entre Kraljevo et Mitrovica. Ensuite j'ai passé un an là-bas,

 25   j'étais commandant de section au sein d'une compagnie d'infanterie puis

 26   j'ai été transféré, muté, si je puis dire, pour servir dans la section de

 27   la Brigade des Gardes à Belgrade. En fait, j'ai assuré personnellement la

 28   sécurité, entre autres, avec d'autres personnes, bien sûr, du président


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  1   Tito jusqu'en 1970, où ensuite j'ai été muté à la garnison de Benkovac,

  2   entre Knin et Zadar. Ceci se trouve en Dalmatie. J'ai été commandant de

  3   compagnie jusqu'en 1972 où j'ai été muté à Lastovo, sur une île, sur l'île

  4   de Lastovo. Et là, j'avais un poste d'organe de sécurité à la caserne

  5   navale. J'y suis resté jusqu'en 1976, fin août. Là j'ai été envoyé à

  6   Belgrade. J'ai suivi les cours de l'état-major -- l'académie de l'état-

  7   major de commandement. J'ai terminé ces cours à cette académie de l'état-

  8   major en 1976, et j'ai ensuite été muté à Split, à la caserne de Split.

  9   J'étais officier de garde, officier administratif au district militaire

 10   naval pour le service de contre-renseignement.

 11   Je suis resté en poste à Split jusqu'en 1983 ou 1984. J'ai été muté ensuite

 12   au service de la sécurité du commandement du district naval en tant encore

 13   qu'officier administratif chargé de la sécurité. J'y suis resté jusqu'en

 14   août 1988, pour les besoins du service, j'ai été envoyé à la caserne de

 15   Knin où là j'ai eu le poste de chef de l'organe de sécurité du 9e Corps qui

 16   était aussi appelé le Corps de Knin. Je suis resté à ce poste jusqu'à la

 17   fin d'août, enfin la mi-août 1990, après ça je suis retourné à Split où

 18   j'ai occupé le poste d'adjoint du chef du district militaire naval plus

 19   spécialisé dans les affaires de sécurité de l'état-major. J'y suis resté

 20   jusqu'à la fin de ma carrière militaire, c'est-à-dire jusqu'à la fin juin

 21   2000.

 22   Dans l'intervalle, à cause de tout ce qui s'est passé, bien sûr en

 23   ex-Yougoslavie, j'ai quitté Split avec mon commandement et je me suis rendu

 24   à Kumbor, et c'est là que j'ai pris ma retraite à Kumbor. Vous avez là le

 25   déroulement de ma carrière militaire.

 26   Q.  Je vous remercie. Vous avez parlé de plusieurs municipalités,

 27   vous avez servi : Lastovo, Split, Knin et Kumbor entre autres. Tous ces

 28   endroits, toutes ces casernes se trouvaient-elles dans la zone de


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  1   responsabilité du district militaire naval de Split ?

  2   R.  Oui, oui, ils étaient tous sous le commandement de ce district

  3   naval qui était cantonné à Split, le QG était à Split.

  4   Q.  Veuillez, s'il vous plaît, ménager des pauses entre les questions et

  5   les réponses.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Vous êtes assez bien synchronisés

  7   quand même mais vous avez tendance à vous chevaucher lorsque vous parlez.

  8   Monsieur le Témoin, essayez de ménager une pause entre les questions de Me

  9   Nikolic et votre réponse afin de faciliter la tâche des interprètes.

 10   Monsieur Nikolic, je suis désolé de vous avoir interrompu, mais je pense

 11   que c'était nécessaire pour le bon déroulement du débat.

 12   M. NIKOLIC : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Q.  Monsieur Alacov, vous avez parlé de la période que vous avez passée à

 14   Lastovo. Pouvez-vous nous dire quel était votre poste à Lastovo ?

 15   R.  A la caserne de Lastovo, j'occupais le poste d'officier administratif

 16   en charge de la sécurité pour la caserne du district militaire qui se

 17   trouvait à Lastovo. C'est mon premier poste concernant la sécurité que j'ai

 18   occupé.

 19   Q.  Avez-vous rencontré M. Beara à un moment ou à un autre, et si oui,

 20   pouvez-vous nous dire dans quelle circonstance ?

 21   R.  Oui. Juste après que je n'arrive à Lastovo, quelques mois après, peut-

 22   être deux ou trois mois après, M. Ljubisa Beara avec un groupe du contre-

 23   renseignement a rendu une visite officielle à Lastovo. C'était une mission

 24   qui lui avait été donnée par ses supérieurs et lorsqu'il est arrivé à

 25   Lastovo, M. Beara s'est présenté, bien sûr, et nous a expliqué qu'il était

 26   venu pour traiter des affaires qui devaient être traitées dans le secteur.

 27   Il s'est présenté, il a présenté ses collègues.

 28   Q.  D'après votre réponse, je vois que vous travailliez à l'époque au


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  1   service de Sécurité. Est-ce que c'était un service qui était proche du

  2   groupe ou du service de contre-renseignement ?

  3   R.  Oui, les compétences et les activités se chevauchent, donc le contre-

  4   renseignement et ce que l'on faisait au niveau de la sécurité dans notre

  5   caserne étaient assez proches. On traitait des unités de l'armée. Moi,

  6   j'étais compétent en ce qui concerne l'unité dans laquelle je me trouvais,

  7   j'étais chargé de la sécurité interne de cette unité. Il est vrai que les

  8   postes sont assez identiques entre le contre-renseignement et la sécurité.

  9   Il y a beaucoup d'activités qui sont presque jumelées si je puis dire.

 10   Q.  Très bien. Donc il y avait chevauchement entre les missions des deux

 11   services, est-ce pour cela que vous avez rencontré

 12   M. Beara ?

 13   R.  Oui. D'habitude, lorsque l'on se rend dans un secteur où travaille un

 14   organe de sécurité, cette personne qui vient de l'extérieur se présente,

 15   bien sûr, au chef de la sécurité du secteur même. M. Beara l'a fait parce

 16   que c'était officiel, mais il avait l'air aussi extrêmement agréable. Il

 17   s'est bien présenté et nous avons passé un certain temps ensemble au cours

 18   de sa visite, mais il n'y restait que quelques jours, mais nous nous sommes

 19   rencontrés aussi en dehors des heures de travail.

 20   Q.  Monsieur Alacov, vous étiez encore jeune quand même à ce moment-là,

 21   assez jeune en tout cas par rapport aux personnes travaillant d'habitude

 22   dans les services de Sécurité. Quelle impression vous ont fait toutes ces

 23   personnes chargées du contre-renseignement, surtout M. Beara ?

 24   R.  A l'époque, je commençais à travailler pour le service de Sécurité,

 25   donc ces nouveaux contacts pour moi étaient essentiels. On était sur une

 26   île à Lastovo, il n'y avait pas d'autres personnes chargées de la sécurité,

 27   il n'y avait pas d'autres organes de sécurité. Je ne sais pas si vous

 28   connaissez très bien Lastovo, mais c'est une île assez perdue. Les


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  1   communications même téléphoniques étaient difficiles, les voyages étaient

  2   difficiles aussi. J'ai vraiment essayé de tirer parti au maximum de cette

  3   rencontre avec M. Beara, et M. Ljubisa était très ouvert, il a eu la

  4   gentillesse de m'expliquer certains tenants et aboutissants du métier de

  5   chargé de sécurité. Il m'a parlé de la méthodologie à employer sur laquelle

  6   il fallait mettre l'accent. Il n'était pas là pour ça, mais il l'a fait

  7   parce qu'il avait beaucoup d'expérience en matière d'organe de sécurité. Il

  8   a beaucoup contribué à mes connaissances lors de mes débuts à ce poste.

  9   Q.  Oui, je vois, c'était un départ, si je puis dire, dans ce métier. Par

 10   la suite, avez-vous pu contacter M. Beara pour lui demander son opinion à

 11   propos de certaines choses qui aient à voir avec votre travail ou non ?

 12   Avez-vous parfois posé des questions qui avaient à voir avec vos propres

 13   affaires uniquement pour lui demander son opinion parce qu'il avait de

 14   l'expérience ?

 15   R.  Lorsqu'on s'est rencontré, on n'a pas uniquement parlé des affaires

 16   officielles. Il était très facile d'avoir accès à Ljubisa, il était très

 17   ouvert, très facile d'accès. Certes, la visite a été très courte, mais on

 18   avait l'impression de se connaître depuis un bon moment. Juste avant qu'il

 19   ne parte, il m'a invité à aller lui rendre visite à son bureau chaque fois

 20   que je passait à Split, soit pour avoir un café, pour discuter. Il est vrai

 21   que chaque fois que je me rendais à Split, et quand j'avais le temps, je

 22   passais le voir souvent dans mon temps libre.

 23   Q.  Je vois d'après vos réponses qu'ensuite vous avez été muté à Split.

 24   Quel était votre poste à Split ?

 25   R.  J'avais terminé l'académie d'état-major de commandement en 1978, et

 26   c'est après cela que j'ai été muté à Split. Mon poste là était celui

 27   d'officier administratif du groupe chargé du contre-renseignement au

 28   district militaire naval. A ce moment-là, le capitaine de vaisseau, Ljubisa


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  1   Beara, ne faisait plus partie du service de contre-renseignement. Si je me

  2   souviens bien, il était d'abord officier administratif du département

  3   chargé de la sécurité du commandement de ce district naval militaire.

  4   Q.  Très bien. Votre relation s'est poursuivie, non seulement

  5   professionnellement, mais aussi dans votre vie privée ?

  6   R.  Oui, absolument. Oui, oui. Pour ce qui est du cadre professionnel, il

  7   était officier chargé de missions. Il était censé être mon superviseur.

  8   Nous travaillions dans le même secteur. Là, on a commencé vraiment à passer

  9   pas mal de temps ensemble en dehors du travail. Si je me souviens bien, au

 10   début 1979, Beara a été muté à la caserne de Kumbor. On n'a pas travaillé

 11   longtemps au même endroit puisqu'à Kumbor il travaillait pour l'organe de

 12   sécurité là-bas.

 13   Q.  Lorsqu'il est rentré de Kumbor, est-il devenu votre supérieur à un

 14   moment ou à un autre ?

 15   R.  Oui. C'était mon supérieur hiérarchique immédiat lorsqu'il a pris le

 16   poste du chef du service de Sécurité du service de contre-renseignement.

 17   Mais lorsqu'il était adjoint du chef de service de Sécurité, là aussi il

 18   était mon superviseur. Ça, c'est quand j'étais en poste au sein du groupe

 19   de contre-renseignement et que j'étais chargé de missions dans le service

 20   de Sécurité.

 21   Q.  Très bien. Vous avez des relations de supérieur hiérarchique à

 22   subalterne à ce moment-là, n'est-ce pas ? Pourriez-vous me dire comment

 23   était M. Beara en tant que supérieur hiérarchique ? C'était votre chef.

 24   Comment vous traitait-il ? Comment traitait-il ses subordonnés ?

 25   R.  En tant qu'officier supérieur, je tiens à dire qu'il était toujours

 26   très correct, toujours prêt à prêter assistance, à donner des conseils,

 27   toujours prêt à expliquer ce qui devait être fait. Evidemment, il voulait

 28   que les choses soient bien faites en temps et heure.


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  1   Ni moi ni mes collègues, comme je l'ai déjà dit d'ailleurs, n'hésitions

  2   jamais à aller le voir pour lui demander son avis ou des conseils, ou pour

  3   lui demander de donner des consignes permettant de mener au mieux les

  4   missions qui nous avaient été imparties.

  5   Q.  Pourriez-vous me dire quelle était la composition ethnique de l'organe

  6   de sécurité pour lequel vous travailliez à Split à l'époque ?

  7   R.  C'était très hétérogène. Il y avait de tout. Il y avait des Slovènes,

  8   des Musulmans - enfin, maintenant on les appelle des Bosniens, des Croates,

  9   des Macédoniens. A l'époque, l'appartenance ethnique était quelque chose

 10   dont on ne s'occupait absolument pas. Izetbegovic était Musulman, enfin on

 11   dit Bosnien maintenant; Slavrunjev lui était Croate; Garanovic devait être

 12   Serbe ou alors il était Macédonien, en tout cas il était né à Skopje. Il y

 13   avait de tout. Les gens venaient de toutes les républiques de l'ex-

 14   Yougoslavie.

 15   Q.  Excusez-moi. Maintenant que nous parlons de cette structure du point de

 16   vue appartenance ethnique, puis-je vous demander de quelle nationalité

 17   êtes-vous ? De quelle appartenance ethnique êtes-vous ?

 18   R.  Je suis né en Macédoine, et pour parler du lieu de ma naissance, je

 19   suis un Macédonien, de parents macédoniens, et c'est là que j'ai grandi et

 20   vécu un bon moment.

 21   Q.  Merci. Je vois que pendant une certaine période donnée, vous étiez en

 22   poste à Knin. De quelle unité s'agissait-il ? De quelle période également

 23   et quel était le poste que vous occupiez à cette époque-là ?

 24   R.  J'étais en poste à Knin depuis fin août 1988 jusqu'en août 1990. C'est

 25   là où je me trouvais au poste de chef de l'organe de sécurité du 9e Corps

 26   d'armée. A ce moment-là, c'était justement le lieu de parler de la création

 27   du 9e Corps d'armée. Par conséquent, le département où j'assumais cette

 28   fonction directrice a été formé également.


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  1   Q.  Donc en 1990 vous revenez à Split, n'est-ce pas, pour occuper la même

  2   fonction au même poste ?

  3   R.  Oui, je devais remplir la même fonction. J'étais au même poste que

  4   préalablement.

  5   Q.  Nous allons parler un peu plus de l'année 1990, fin 1990 et début 1991.

  6   Comment se présentait la situation du point de vue sécurité et du point de

  7   vue politique, étant donné les tensions qui montaient en Croatie à cette

  8   époque-là ?

  9   R.  Déjà depuis la fin de l'année 1989 et au cours de l'année 1989, des

 10   tensions nationalistes montaient. Il y a eu pas mal d'événements qui ont

 11   fait qu'il y a eu des turbulences et de l'effervescence et des gestations

 12   du point de vue nationaliste, où le nationalisme montait des deux côtés. Ça

 13   allait tellement loin qu'on parlait déjà de ces barrages routiers moyennant

 14   les troncs d'arbres. Qui traite de la Krajina de Knin doit parler d'une

 15   structure ethnique mixte. Des barrages routiers se faisaient de part et

 16   d'autre. Les citoyens s'étaient organisés pour, disait-on, ne pas se faire

 17   surprendre et prendre de court. Il y a eu tant de dissensions - ce qui sera

 18   prouvé plus tard - que le tout devait donner lieu à des conflits armés.

 19   Q.  Je voudrais maintenant qu'on s'attarde un petit peu pour parler de

 20   Split. Vous avez parlé de tensions parmi les différents groupes ethniques.

 21   Vous dites que la structure du point de vue d'appartenance ethnique était

 22   mixte et comment tout cela se répercutait-il sur les activités des services

 23   dans lesquels vous étiez ?

 24   R.  Parmi les membres des organes de sécurité, la situation était, ou

 25   plutôt, les rapports prévalant étaient plutôt stables. On ne souffrait pas

 26   des impacts de l'extérieur. Nous témoignions tous de cette hétérogénéité

 27   mais stable. Des gens étaient prêts évidemment à des boutades, mais

 28   d'aucuns parlaient évidemment de leur appartenance ethnique sans aucune


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  1   tendance mal intentionnée. Nous disions tout à l'heure qu'on ne s'occupait

  2   pas vraiment de savoir qui était de quelle origine ethnique, mais petit à

  3   petit, on s'était mis à s'intéresser qui venait d'où et de quelle

  4   appartenance ethnique nous étions tous ensemble. Et je crois pouvoir dire

  5   qu'à ce moment-là, j'ai pu comprendre que Ljubisa Beara était un Serbe et

  6   non pas Croate. Je le trouvais toujours Croate pour la simple et bonne

  7   raison que son parler était croate et présentant un dialecte de Dalmate,

  8   mais cela n'avait rien à voir. Ljubisa Beara parlait toujours sa langue à

  9   lui et d'ailleurs la terminologie utilisée par lui était toujours la même.

 10   Je pourrais dire, chemin faisant, que bien au contraire nous tous, Ljubisa

 11   Beara et les autres, nous avons voulu vivre dans cette collectivité en

 12   harmonie. Un seul débordement que je peux citer, c'est que lorsqu'un de nos

 13   officiers aspirant au grade d'aspirant qui lui était archiviste.

 14   Q.  S'il vous plaît, allez-y lentement. Nous sommes par ailleurs un petit

 15   peu éloigné du sujet, excusez-moi de vous interrompre. Nous parlions de

 16   certaines tensions qui montaient dans Split et à Split. Quelles en étaient

 17   les causes, les causes de cette tension, et dans quelle situation se

 18   trouvait les organes de la JNA, c'est-à-dire les organes de la JNA de cette

 19   région militaire navale ?

 20   R.  Si vous vous référez à la situation réservée aux membres de l'armée à

 21   cette époque-là dans cette région militaire navale, d'une manière générale,

 22   pourrais-je dire, que nous avons été objet de différentes pressions

 23   exercées contre nous. Certains officiers chefs, lorsqu'ils appartenaient à

 24   des ZNG, s'étaient mis à nous suivre, nous mettre en filature. Les membres

 25   de nos familles ont été intimidés, menacés. Certaines unités se sont vu

 26   refuser tel ou tel élément de ravitaillement, par exemple, je peux vous

 27   citer le manque de livraison d'aliments, de vivres, le délestage de

 28   courant, problème en ravitaillement d'eau, et ensuite, évidemment, le


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  1   courant et le téléphone souvent coupés. Voilà ce qui s'était passé au début

  2   des années 1990 et au cours des années qui ont suivi. Notamment, lorsque je

  3   parle de ces mouvements où il y a eu des menaces à l'encontre de nos

  4   familles, des membres de nos membres, surtout ceci concernait les organes

  5   de sécurité et les officiers commandants, les officiers chefs dans cette

  6   région militaire navale.

  7   Q.  A cette époque-là, est-ce que Ljubisa Beara était l'officier supérieur

  8   à vous ?

  9   R.  Oui. A cette époque-là, il a été à la tête du département de la

 10   sécurité. Moi, j'étais adjoint du département de la sécurité directement

 11   subordonné au capitaine de vaisseau Ljubisa Beara et moi, je m'occupais

 12   d'ailleurs de sécurité et de contre-renseignement.

 13   Q.  Etant donné que vous venez de parler de cette tension et de cette

 14   situation en la matière, Ljubisa Beara, je suppose, devait être quelqu'un

 15   qui était très posé à organiser le travail de vos services dans cette

 16   situation-là. Donnez-moi des exemples, comment lui a fonctionné, comment il

 17   a essayé, si jamais il a essayé, de régler ces différentes questions qui

 18   s'étaient posées au sein de service qu'il dirigeait.

 19   R.  Même avant, au cours de cette période-là, il a insisté à ce que les

 20   travaux soient effectués de façon professionnelle dans l'esprit de la

 21   lettre de règlement qui réglementait le travail effectué par les systèmes

 22   de sécurité en République fédérale socialiste de Yougoslavie. Il ne

 23   permettait aucun manquement, aucune dérogation au règlement. Lui insistait

 24   à nous orienter de façon appropriée, insistant sur le fait qu'il fallait

 25   conserver, nous conserver tous, nous protégeait contre des conséquences

 26   certainement néfastes pour nous, mais il voulait également qu'il n'y ait

 27   pas d'impact néfaste quelconque à l'égard d'autres membres de la société ou

 28   des civils.


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  1   Q.  Quelles étaient les mesures suggérées par lui et lesquelles mesures

  2   dont on devait prendre lorsqu'il s'agissait de provocation, dont vous

  3   parliez tout à l'heure, par exemple, délestage de courant, manque de

  4   ravitaillement en eau ou en vivres, et cetera, ce qui ne pouvait pas ne pas

  5   créer certains troubles de nervosité auprès de vous tous qui étiez là-bas ?

  6   R.  Les insistances de commandement prenaient des mesures nécessaires au

  7   travers des autorités en place dans la mesure du possible et dans la mesure

  8   d'un bon fonctionnement de ces autorités et instances pour ne pas qu'il y

  9   ait de tels incidents, et cetera, pour y remédier, pour remédier à ces

 10   incidents, à ces manquements. Mais le tout se reproduisait, et à cet

 11   esprit-là, Ljubisa Beara s'était tourné vers des organes similaires auprès

 12   du ministère de l'Intérieur de Split pour essayer, dans la mesure possible,

 13   pour que toute situation conflictuelle soit réglée de façon pacifique sans

 14   qu'il y ait aucun recours à la force et pour éviter toute autre mesure

 15   coercitive. Il n'y a pas d'ailleurs de tels cas tant qu'évidemment on ne

 16   devait pas parler de conflit armé.

 17   Q.  Une telle situation n'a-t-elle pas donné lieu à un certain éveil de

 18   nationalisme au sein du commandement auprès de certains individus surtout ?

 19   R.  Pour parler de certaines situations dramatiques en matière d'éveil de

 20   nationalisme, on ne devrait pas en parler vraiment pour parler des organes

 21   de sécurité, encore qu'il y a eu des remous, certains membres de telles ou

 22   telles instances quittaient leur service en matière de sécurité également

 23   sans pour autant évidemment franchir d'obstacles quelconques. Parmi les

 24   tout premiers qui l'ont fait, c'était le capitaine Curko Stojan, qui, en

 25   toute légalité, a quitté les instances de sécurité pour être muté à une

 26   fonction. Il a quitté les forces navales d'une manière générale, l'armée.

 27   Pour parler d'autres membres, d'autres militaires, je dirais qu'il

 28   convient de citer un événement qui s'était produit dans le bureau de


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  1   l'aspirant Petrovic, Petrovic, Dragan de son prénom, qui lui, vaquait à ses

  2   occupations d'archiviste au sein des services de sécurité. J'ai été présent

  3   notamment au moment où Ljubisa Beara était entré dans le bureau et lorsque

  4   l'aspirant Petrovic a sorti de son bureau un vieux calot serbe, un couvre-

  5   chef, calot serbe surnommé "sajkaca" avec le symbole de Chetnik qu'il avait

  6   sur la tête. Alors, regardez Lubo, peu importe si l'autre a été sous-

  7   officier alors que Beara était capitaine de vaisseau, ils étaient dans de

  8   très bon rapports, par conséquent, ils se tutoyaient, il a dit regarde. Et

  9   lorsque le capitaine de vaisseau Ljubisa Beara s'en est rendu compte, il a

 10   réagi assez sévèrement faisant comprendre à l'autre qu'il devait ôter ce

 11   calot, ce bonnet, ce couvre-chef, que de telles choses ne devraient pas

 12   être conservées dans les bureaux et dans les locaux des forces armées,

 13   qu'il devait le mettre à l'écart, et il lui a fait comprendre de façon

 14   assez sévère que ceci ne devrait plus de produire, que de tels objets ne

 15   devaient pas être apportés. Je crois que je n'ai guère besoin de dire que

 16   ce calot, ce "sajkaca," ce couvre-chef, ne représentait pas vraiment un

 17   symbole nationaliste. Les Serbes sont censés l'avoir porté pendant

 18   longtemps.

 19   Je crois que cette honorable Chambre de première instance devrait le

 20   savoir encore aujourd'hui, ce même couvre-chef est utilisé, porté en

 21   Serbie, bien entendu, sans avoir les symboles dont je parlais tout à

 22   l'heure.  

 23   Q.  Monsieur Alacov, ce qui m'intéresse surtout c'est la situation

 24   dans laquelle se trouvait l'officier chef Ljubisa Beara lorsque tel ou tel

 25   cadre personnel des services de sécurité quittait leur poste. D'autre part,

 26   vous voyez que dans la caserne la situation est plutôt tendue. Il y avait

 27   les lignes de téléphone coupées, manque de ravitaillement en eau, et

 28   cetera. Alors comment lui s'occupait de tout cela et quelles étaient les


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  1   instructions qu'il vous donnait à cet effet ?

  2   R.  Chacun qui serait prêt à quitter les organes de sécurité pour ne plus

  3   être membre des forces armées yougoslaves de la RSFY, il lui a été fait

  4   droit à ses vœux, sans pression, sans obstacle aucun. Etant donné

  5   évidemment les pressions auxquelles nous étions exposés, il y avait les

  6   gens qui voulaient se faire muter pour aller ailleurs, d'aucuns voulaient

  7   quitter une fois pour toutes les forces armées yougoslaves. Il a été fait

  8   droit, disais-je, à tous ceux qui l'auraient souhaité, autrement dit le

  9   capitaine de vaisseau Beara, lui-même, s'en tenait au principe qui était le

 10   nôtre, à savoir - il ne s'agit pas seulement de parler de principe, il y a

 11   un article du règlement qui régit l'avis de l'armée - à savoir le principe

 12   consistait en bénévolat. De façon tout à fait bénévole, tout un chacun

 13   pouvait venir travailler ou quitter son poste, bien entendu, avec un plein

 14   respect des informations, des données et autres secrets officiels dont il a

 15   été tenu, dont nous étions tenus évidemment.

 16   Q.  Monsieur Alacov, nous tous qui habitions ce pays-là, nous  ne sommes

 17   pas sans connaître un incident qui s'était produit à Split, lequel incident

 18   à été présenté dans et par les médias comme étant un égorgeur de Split.

 19   Pouvez-vous nous dire ce qui s'était passé ce jour-là à Split, et dites-

 20   moi, s'il vous plaît, comment les services de sécurité s'en sont pris pour

 21   régler cette affaire. Qui c'est qui a dirigé les travaux de cette

 22   instruction et comment le tout fut

 23   soldé ?

 24   R.  La propagande répandue à cette époque-là a un plan politique plus vaste

 25   a vraiment rendu les gens confus, a tellement fait, que les gens croyaient

 26   aveuglement à toutes les informations qui devaient être placées moyennant à

 27   travers les différents médias, les moyens de communication, à tel point que

 28   début mai 1991, disait-on, le tout s'était produit d'une façon spontanée


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  1   alors que pour moi, à mon sens, ceci ne soit pas important, il y a eu un

  2   regroupement de gens près des locaux officiels de la région militaire

  3   navale. Des gens de différentes organisations étaient venus en face des

  4   locaux de la région militaire navale pour protester prétendument contre

  5   l'armée serbe alors que nous n'étions pas encore une armée serbe, ce

  6   n'était qu'une armée yougoslave.

  7   Q.  En quoi consistent les principaux caractères et indices de cet incident

  8   ? Pourquoi parlait-on dans les médias de cet égorgeur, de ce strangulateur

  9   de Split ?

 10   R.  Cet incident, on devrait le présenter comme quoi certains groupes qui

 11   faisaient preuve d'une attitude excessive essayaient de semer le trouble et

 12   le désordre, voulant voir la force à l'œuvre et l'intimidation, d'autant

 13   plus que cet incident a coûté la vie à un soldat nommé Gesovski qui était

 14   de Macédoine et qui était là à son poste de garde et sans provoquer qui que

 15   ce soit, on a tiré dessus. L'incident était connu par le fait aussi que

 16   certains groupes d'extrémistes, cette fois-ci, s'étaient lancés à des actes

 17   de violence. Un de ces groupes d'extrémistes montait sur un véhicule de

 18   transport de troupes qui avait pour rôle de sécuriser le commandement de la

 19   région navale, alors là, il y a eu un gars costaud qui a attrapé le soldat

 20   qui était au beau milieu de la tourelle du véhicule de transport de troupes

 21   pour essayer de l'extirper, en quelque sorte, de le sortir du véhicule. Il

 22   l'a pris par le cou, par la tête, et à ce moment-là il a été dit

 23   strictement qu'on ne devait surtout pas avoir recours à un quelconque type

 24   de force. Nous avons évidemment riposté en tirant, mais il s'agissait d'une

 25   importante masse de gens, et Dieu sait combien il y aurait de victimes.

 26   Pourquoi on l'appelait strangulateur, égorgeur, parce que lui, il voulait

 27   sortir ce soldat de la tourelle du véhicule, à tel point c'était violent,

 28   que le pauvre soldat évidemment a failli mourir.


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  1   Q.  Vous avez dit qu'il vous a été interdit d'avoir recours à des armes ou

  2   à des explosifs quelconques. Cet ordre d'interdiction a été donné par qui ?

  3   R.  L'ordre a été donné par le commandement. Je sais que le capitaine de

  4   vaisseau, quant à lui, nous a passé la consigne comme quoi aucun type de

  5   force ne devrait être utilisé, et il nous a dit que c'est vraiment en

  6   dernier ressort qu'on devait pouvoir utiliser les armes, lorsqu'il n'y

  7   avait pas d'autre moyen, mais son corps défendant, lorsqu'on devait

  8   utiliser les armes, on devait considérer cela comme une suggestion, c'est-

  9   à-dire la suggestion faite par le commandant d'abord a été d'interdire

 10   toute utilisation d'arme à feu.

 11   Q.  Nous voyons qu'il s'agissait là d'une provocation de grande envergure

 12   où un soldat a été tué. Est-ce que vos services de sécurité ont procédé à

 13   quoi que ce soit pour faire intrusion et révéler les auteurs de ce crime ?

 14   R.  Juste pour compléter ce que je viens de dire tout à l'heure au sujet de

 15   cet incident, ce débordement, lorsqu'on a imposé un siège et blocus contre

 16   le commandement, certains groupes d'extrémistes avaient imposé le blocus

 17   d'une colonne de véhicules transport de troupes qui devaient se rendre au

 18   commandement de la région militaire navale pour assurer la sécurisation.

 19   C'est au niveau d'une route que cette partie d'unité s'est vue bloquée par

 20   un groupe d'extrémistes. L'équipage était obligé de quitter les véhicules

 21   transport de troupes. Les civils extrémistes s'en sont saisis de ces

 22   véhicules transport de troupes. Nous avons travaillé avec vigueur et longue

 23   patience et le capitaine de vaisseau a réussi à obtenir que tous les

 24   véhicules transport de troupes soient repris par des membres du MUP. Plus

 25   tard, nous avons dû les restituer, les récupérer, tous ces véhicules de

 26   transport de troupes pour les remettre aux unités qui en étaient les

 27   possesseurs. Sans aucun recours à quelconque type de feu, et cetera, nous

 28   avons pu ainsi régler ce problème.


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  1   Mais vous m'avez posé d'autres questions ?

  2   Q.  Oui, oui, on ira pas à pas. Comment saviez-vous que c'est par téléphone

  3   que Ljubisa Beara a pu contacter des représentants des autorités, c'est-à-

  4   dire du ministère de l'Intérieur ?

  5   R.  Etant donné qu'il s'agissait presque d'un état d'urgence, nous étions

  6   sans cesse présents dans nos bureaux, sur le qui-vive, sur pied. Moi-même,

  7   je me trouvais à ce moment-là dans le bureau du capitaine de vaisseau

  8   Beara. Nombreuses étaient les situations du genre lorsqu'on devait traiter

  9   de problèmes de ce type-là, mais je réponds à votre question pour parler en

 10   l'occurrence de ce cas-là.

 11   Q.  Je reviens à la question posée tout à l'heure à laquelle vous ne m'avez

 12   pas répondu. Les services de sécurité ont-ils pris les mesures nécessaires,

 13   et si oui lesquelles, pour identifier les auteurs de ces incidents et pour

 14   les incarcérer ensuite ?

 15   R.  Oui. Etant donné qu'un important dommage matériel a été causé, qu'il y

 16   a eu lieu de parler de la perte d'une vie humaine et qu'il y a eu attaque

 17   contre l'organisation encore légale qui était la nôtre en Croatie, nous

 18   n'avons pas pu obtenir un bon exemple de coopération avec le MUP. Par

 19   conséquent, nous n'avons pas pu nous y attendre d'ailleurs. Nous, des

 20   services de sécurité, nous avons pris les mesures nécessaires pour

 21   identifier les principaux acteurs de ces incidents, pour révéler l'identité

 22   du meurtrier du soldat en question, ensuite pour établir l'identité de cet

 23   étrangleur et de quatre autres personnes. Je ne me souviens pas de leurs

 24   noms. Pas mal de temps s'est écoulé depuis. C'est là qu'il nous a été donné

 25   pour consigne et tâche de la part de la direction de sécurité, et nous

 26   avons été grandement aidés par la direction de la sécurité pour essayer

 27   d'élucider ce cas.

 28   Dans cet effet-là, c'était rendu au commandement de la région militaire


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  1   navale, le général Aco Vasiljevic, qui, à cette époque-là, était chef de la

  2   direction du grand QG en matière de sécurité. Celui-là nous a donné des

  3   instructions pour nous aider à résoudre ce problème. En un laps de temps

  4   très court, nous avons réussi à identifier les auteurs de crime et nous les

  5   avons fait emmener dans les locaux de la prison d'instruction militaire.

  6   Ils ont été poursuivis en justice, ensuite je ne sais pas quelle en est

  7   l'issue, le tout relevant de la compétence du tribunal militaire. Je sais

  8   qu'ils ont été échangés ensuite. Excusez-moi, nous n'avons pas pu saisir la

  9   personne qui a tiré sur le soldat, le garde qu'il l'a tué, et d'après

 10   certaines informations recueillies par nous, cette personne-là, le

 11   meurtrier, se trouvait sous protection des organes du MUP de Croatie.

 12   Q.  Monsieur Alacov, au cours de ces actions-là, Ljubisa Beara a-t-il pris

 13   part à tout cela, et si oui, en quoi consistait son

 14   rôle ?

 15   R.  Oui. Lui, en sa qualité de chef du département de la sécurité, était la

 16   principale personne préposée à conduire cette action-là. Nous avons d'abord

 17   établi un plan d'action. Nous avons tout simplement pu voir qui devaient

 18   être les gens pour y prendre part, la mise en oeuvre de ce plan, et nous

 19   leur avons donné les consignes nécessaires, et c'est lui-même qui a dirigé

 20   l'action jusqu'au moment où cette action a été menée à bien. Je peux dire

 21   que le tout a été fait sans aucun recours à des armes à feu. Il n'y avait

 22   rien, personne n'a été passé à tabac, aucune violence à l'égard d'auteurs

 23   de ces incidents.

 24   Q.  De toute évidence, cet incident et l'action menée par vous devait

 25   expliquer comment culminer cette tension. Au sein des organes de sécurité

 26   qui étaient les vôtres, peut-on dire encore et toujours que la structure du

 27   point de vue d'appartenance ethnique a toujours été mixte ?

 28   R.  Oui. A moins de parler évidemment de quelques individus qui ont quitté


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  1   leurs postes, comme je vous ai donné l'exemple tout à l'heure de ce Crnko,

  2   ensuite il y avait quelqu'un qui répondait au nom de Radic Zoran. Il y a eu

  3   très peu de gens qui auraient quitté les services de sécurité. Du point de

  4   vue de la structure qui était la nôtre du point de vue de nationalité, nous

  5   avons été vraiment hétérogènes même lorsque nous avons été transférés à

  6   Kumbor. S'il le faut, je pourrais vous en parler plus en détail.

  7   Q.  Allons-y pas à pas, lentement. Lorsque tout à l'heure vous répondiez à

  8   l'une de mes questions, vous avez dit qu'étant donné le dialecte parlé par

  9   Ljubisa, vous considériez qu'il était croate. Maintenant, vous savez qu'il

 10   était serbe. Au moment où vous avez mené l'action en question, vous saviez

 11   qu'il était Serbe. A cette époque-là, au moment où prévalait ces tensions

 12   si importantes, est-ce qu'à un quelconque moment il aurait fait preuve

 13   d'une réaction inadéquate, pour ne pas dire de nationaliste ?

 14   R.  Je n'ai jamais remarqué quoi que ce soit de ce genre, il s'est comporté

 15   et s'est exprimé de la même manière et à aucun moment je n'ai remarqué

 16   qu'il ait un préjugé quelconque, qu'il ait quoi que ce soit contre des

 17   personnes d'autres appartenances ethniques.

 18   Q.  Il y a quelques instants, vous avez dit que le commandement du district

 19   militaire naval a été transféré à Kumbor. Pourquoi et quand est-ce que cela

 20   a eu lieu ?

 21   R.  Après les événements du mois de mai, contrairement aux promesses qui

 22   avaient été faites par les autorités, qui nous laissaient entendre que les

 23   tensions s'apaiseraient et les problèmes seraient réglés, la situation est

 24   devenue encore plus complexe. Il y avait des coupures incessantes

 25   d'électricité, d'approvisionnement en eau et en nourriture, nous ne

 26   pouvions plus utiliser les routes et les moyens de transport ordinaires. Il

 27   y avait d'autres aspects également. Le risque que nous soyons complètement

 28   isolés afin que nous soyons obligés à nous rendre ou à céder les


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  1   installations où se trouvait notre commandement. C'est la raison pour

  2   laquelle au mois d'août la décision a été prise destinée à assurer la

  3   continuité du commandement et ainsi une partie du commandement devait être

  4   transféré à un poste de commandement avancé, comme on dit en jargon

  5   militaire, cela devait être transféré sur l'île de Vis. Le commandant est

  6   donc parti, s'est rendu sur cette île avec quelques autres membres du

  7   commandement. Il était prévu que le transfert prenne une semaine environ,

  8   mais vers le 9 ou le 10 septembre, nous nous sommes retrouvés complètement

  9   isolés, bloqués et les personnes qui se trouvaient déjà sur l'île de Vis

 10   ont dû y rester. Je me trouvais parmi eux. Nous y sommes restés jusqu'à ce

 11   que toutes les unités et tout le commandement soient transférés à

 12   l'extérieur de la Croatie.

 13   Cela s'est précédé d'un processus de négociation de longue  haleine

 14   sous l'égide de nombreuses organisations internationales qui étaient

 15   arrivées sur place. Nous avons négocié avec les autorités afin que nous

 16   puissions en toute sécurité retirer nos forces, notre matériel et les

 17   familles aussi des forces, les retirer de Croatie. Ceci vers la fin de

 18   l'année 1991, décembre de cette année, je ne me souviens pas de la date

 19   exacte, mais c'est à ce moment-là que la dernière unité s'est retirée de

 20   Split.

 21   Q.  Monsieur Alacov, nous allons passer à un autre sujet. Lorsque vous

 22   étiez à Split et à Knin en l'exercice - parlons d'abord de Split - est-ce

 23   que le général Tolimir s'y trouvait également, est-ce qu'il y exerçait ses

 24   fonctions ?

 25   R.  Oui, à l'époque, il était capitaine. Au préalable, il avait servi à

 26   Velas en Macédoine et de concert avec un autre capitaine du nom de Steta,

 27   ils ont été transférés pour pourvoir des postes vacants à Split. Je ne me

 28   souviens pas de la date exacte à laquelle ils sont arrivés, mais c'était


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  1   aux alentours de 1983. Peut-être un an plus tôt ou un an plus tard, je n'en

  2   suis pas certain, mais Tolimir et le capitaine Steta ont tous deux été

  3   nommés à des postes au sein du service de contre-espionnage à Split. C'est

  4   la première fois que j'ai rencontré Tolimir, lorsqu'il y est arrivé.

  5   Q.  A l'époque, quelles étaient les fonctions de Ljubisa Beara lorsque

  6   Tolimir est arrivé à Split ?

  7   R.  Je crois qu'à cette époque, il était rentré de la garnison de la base

  8   de Kumbor, et autant que je m'en souvienne, il a été nommé chef adjoint du

  9   service de contre-espionnage du district militaire naval de Split ou plutôt

 10   chef du département de la sécurité.

 11   Q.  A l'époque, est-ce que Beara était le supérieur hiérarchique de Tolimir

 12   ?

 13   R.  Non. Il n'était pas son supérieur hiérarchique direct. Le chef du

 14   service de contre-espionnage était son supérieur hiérarchique direct, il

 15   était subordonné au chef du service de contre-espionnage, mais il y avait

 16   des contacts et des échanges d'information ainsi que des instructions qui

 17   ont été données, mais uniquement en ce qui concerne des questions

 18   professionnelles, des aspects techniques du poste.

 19   Q.  Ainsi, à l'époque, vous vous y trouviez, pouvez-vous nous décrire les

 20   relations entre Beara et Tolimir ? Est-ce qu'ils étaient de simples

 21   connaissances en tant qu'officiers ? Comment pourriez-vous décrire leurs

 22   rapports professionnels ?

 23   R.  Si vous souhaitez que je vous parle de leurs relations personnelles, je

 24   peux simplement vous dire que Ljubisa était une personne très amicale, très

 25   ouverte, très accessible. Nous y avons passé beaucoup de temps, nous avons

 26   eu des relations sociales pendant une longue période, mais autant que je le

 27   sache, il n'avait pas de tels contacts avec Tolimir. Leurs contacts étaient

 28   purement professionnels autant que je le sache. Ils ne se rendaient pas


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  1   l'un chez l'autre, pour autant que je le sache. A l'époque, chacun avait

  2   déjà son cercle d'amis. Pour autant que je le sache, ils n'ont pas eu de

  3   relations sociales privées.

  4   Q.  Vous vous êtes trouvé à Split jusqu'au moment où le district militaire

  5   naval a été démantelé, est-ce que Tolimir a passé tout ce temps à Split ?

  6   R.  Tolimir se trouvait à Split dans les mêmes fonctions, même poste

  7   institutionnel jusqu'au mois d'août 1990, à l'exception de la période

  8   pendant laquelle il est parti ailleurs pour suivre une formation

  9   supplémentaire. Au mois d'août 1990, il est venu me remplacer à la garnison

 10   de Kumbor et je suis retourné à Split.

 11   Q.  Vous avez dit qu'il s'est rendu à Kumbor où vous vous trouviez ?

 12   R.  Non, pardon, à Knin. C'est à Knin qu'il a occupé le poste de chef de

 13   l'organe de sécurité du commandement du 9e Corps, il m'a remplacé à ce

 14   poste. Je suis désolé, c'était un lapsus si j'ai dit Kumbor, je voulais

 15   dire Knin.

 16   Q.  Vous aviez été à Knin jusqu'à ce moment-là.

 17   R.  Oui, de 1988 jusqu'au mois d'août 1990.

 18   Q.  Qui à l'époque commandait le 9e Corps connu également sous le nom de

 19   Corps de Knin ?

 20   R.  Le commandant du 9e Corps était le général Tomislav Trajcevski qui

 21   venait d'un poste au sein du commandement de la 3e Armée à Skoplje.

 22   Q.  Le Corps de Knin ou le 9e Corps faisait-il partie du district militaire

 23   naval de Split ?

 24   R.  Oui. Le 9e Corps était directement placé sous les ordres du

 25   commandement du district militaire naval à cette période.

 26   Q.  Je vois que vous avez précisé pendant cette période. Y a-t-il eu une

 27   autre période pendant laquelle ce corps n'était pas intégré au district

 28   militaire naval ?


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  1   R.  Lorsque le conflit armé a commencé vers la fin de l'année 1991, le 9e

  2   Corps était placé sous les ordres de l'état-major général des forces armées

  3   de la République fédérale de Yougoslavie dans une chaîne de commandement ou

  4   hiérarchie unique au sein du commandement du district militaire naval, des

  5   services d'appui, et en termes opérationnels faisait partie du commandement

  6   de l'état-major général.

  7   Q.  Pouvez-vous nous dire si à un moment donné, pendant cette période, le

  8   général Mladic était le commandant de ce corps ?

  9   R.  Pendant que je servais à Knin, Mladic n'avait aucune fonction au sein

 10   du 9e Corps. Quand je suis parti au mois d'août 1990 et lorsque Tolimir est

 11   arrivé, Spiro Nikovic, un général, a été nommé commandant, mais il n'y est

 12   pas resté longtemps. Tout au plus une année. Je n'ai pas vu Mladic, mais

 13   j'ai entendu dire qu'il s'était rendu à Knin, mais cela s'est certainement

 14   produit après le mois de juin 1991.

 15   Q.  Vous partez du principe que le général Mladic est arrivé et a assumé

 16   les fonctions de commandant du corps après le mois de juin 1991, les

 17   organes de sécurité du district militaire naval et Ljubisa Beara, en tant

 18   que chef de cet organe, sont restés à Split pendant un certain temps,

 19   puisque vous avez dit que vous avez été transféré à la fin de 1991. Savez-

 20   vous si au cours de cette période, M. Beara et le général Mladic ont eu des

 21   contacts, que ce soit privé ou officiel ?

 22   R.  Je vous dirais que pendant un certain temps Mladic était chef d'état-

 23   major, et quand Nikovic est parti, il est devenu commandant. Je

 24   rajouterais, au vu de la situation à l'époque, il était très difficile de

 25   se déplacer et de communiquer. Il y avait très peu de temps -- en fait il

 26   n'y avait pas de temps pour des contacts personnels et une vie sociale.

 27   Autant que je le sache, Beara n'a pas eu de contacts sociaux avec Mladic.

 28   Il est possible qu'ils aient eu des contacts professionnels, officiels


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  1   assez brefs lors desquels ils se sont rendus à des séances d'information du

  2   commandement lorsque c'était encore possible ou pendant de courtes visites

  3   effectuées par l'organe de sécurité, et Beara à Knin. Mais cela représente

  4   deux ou trois visites pendant cette période, autant que je m'en souvienne.

  5   Q.  En réponse à mes questions, vous avez dit que le général Tolimir est

  6   allé de Split à Knin en 1990. Dites-moi, autant que vous le sachiez, est-ce

  7   qu'il est retourné à Split ou est-ce qu'il est resté au sein du Corps de

  8   Knin ?

  9   R.  Après le transfert des unités du district militaire naval en dehors de

 10   la Croatie, le 9e Corps est resté pendant quelque temps sur le territoire

 11   dont il était responsable, de sorte que Tolimir y est resté également avec

 12   cette unité. Mais je ne sais pas jusqu'à quand au juste, parce qu'une fois

 13   que nous étions partis, je n'ai plus eu de contacts avec lui.

 14   Q.  Ainsi le district militaire naval a été transféré dans une nouvelle

 15   région et à un nouveau QG. Pouvez-vous nous dire où ils étaient situés ?

 16   R.  Il s'agissait de la garnison de Kumbor près de la côte.

 17   Q.  Vous étiez obligé d'assumer des tâches importantes, notamment pour

 18   déplacer le QG du commandement. Qui a assuré la coordination de ces efforts

 19   au sein de votre service ? Est-ce que vous avez collaboré ou coopéré avec

 20   les autorités civiles ?

 21   R.  Si vous vous référez au Monténégro et au territoire monténégrin, oui,

 22   nous avons collaboré, coopéré directement avec les autorités civiles, et

 23   certaines installations civiles nous ont été confiées afin que nous

 24   puissions y loger nos unités et abriter notre commandement.

 25   Q.  Le colonel Beara, qui était membre de l'administration à Kumbor à

 26   l'époque, a-t-il organisé les activités du service ?

 27   R.  Oui. Il y avait sur place des membres de l'organe de sécurité de toutes

 28   les unités. Nous étions en sureffectif, en fait, et eu égard aux nouvelles


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  1   circonstances et aux nouveaux besoins, il fallait mettre sur place une

  2   nouvelle structure institutionnelle, nommer de nouvelles personnes aux

  3   différentes fonctions. Il fallait pourvoir les postes vacants et déterminer

  4   le statut de toutes ces personnes et c'est le capitaine Beara qui était

  5   responsable de tous ces aspects. Il a proposé un certain nombre de

  6   solutions au commandement de ce qu'étaient devenues les forces navales.

  7   Q.  Il découle de votre témoignage aujourd'hui que vous avez passé une

  8   assez longue période soit au service de Beara, ou en tout cas, en relation

  9   étroite avec lui, dès le début de vos activités à Lastovo jusqu'à Kumbor,

 10   une période qui s'étend de 1973 à 1991. Quand finalement vous êtes-vous

 11   quittés, vous-même et le colonel Beara ?

 12   R.  Nous ne nous sommes jamais vraiment quittés, mais nous nous  sommes dit

 13   adieu en juillet 1992 lorsqu'il est parti pour d'autres fonctions. Je crois

 14   que c'était au sein de l'administration de la sécurité pendant quelque

 15   temps, et puis je ne suis pas sûr; il a rejoint l'armée de la Republika

 16   Srpska.

 17   Q.  Cela remonte à il y a longtemps, 1992, mais je crois comprendre que

 18   vous vous connaissiez bien, vous étiez amis, comme vous le dites vous-même.

 19   Pouvez-vous décrire Ljubisa Beara, tel qu'il était en 1992, la dernière

 20   fois que vous l'avez vu ? Quelle image reste dans votre esprit ? A quoi

 21   ressemblait-il physiquement ?

 22   R.  Nous nous étions séparés pendant quelque trois ou quatre mois alors

 23   qu'il était à Split. Nous nous sommes rencontrés une première fois à Kumbor

 24   après le mois d'août 1991, puis nous nous sommes revus fin janvier 1992. Il

 25   n'avait pas changé, si ce n'est qu'il avait perdu un peu de poids. C'est un

 26   homme grand. Il portait des lunettes. Il était soigné, toujours bien rasé,

 27   toujours bien habillé. Ses habits étaient toujours propres et bien

 28   repassés. Je me souviens, notamment, de ses chaussures qui ressemblaient à


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  1   des chaussures vernies tant elles étaient toujours bien polies.

  2   Q.  Bien, Monsieur Alacov. Il semble que vous vous souvenez de M. Beara.

  3   Vous vous souvenez bien de lui et il vous a fait une très bonne impression.

  4   Est-ce qu'à un moment donné, lors de ces temps très éprouvants, très

  5   difficiles à Split, vous avez eu l'occasion d'observer ou de vous rendre

  6   compte, d'avoir l'impression que Ljubisa Beara adoptait une position

  7   nationaliste vis-à-vis de qui que ce soit, non seulement sur le plan

  8   professionnel mais aussi dans votre vie privée et dans vos relations

  9   sociales privées ?

 10   R.  Vis-à-vis de moi, je n'ai jamais remarqué un geste ou une opinion

 11   exprimée qui reflétait un sentiment nationaliste. Il ne m'a jamais offusqué

 12   d'une manière ou d'une autre. Je ne l'ai jamais vu agir de la sorte vis-à-

 13   vis de qui que ce soit. Bien au contraire, dans cette situation très

 14   délicate, il ne prêtait aucune attention à l'appartenance ethnique ou à la

 15   confession des gens en nommant telle ou telle personne à un poste

 16   institutionnel. Tout ce qui l'intéressait était les compétences et la

 17   qualité du travail.

 18   Dans ces années critiques où le nationalisme s'intensifiait et les tensions

 19   devenaient de plus en plus exacerbées, il a nommé un certain commandant, le

 20   major Tole Zarko, en tant que commandant de bataillon, pour vous donner un

 21   exemple. Je sais également qu'au cours de cette période critique, il a aidé

 22   mon subordonné, un capitaine qui était d'appartenance ethnique croate, aidé

 23   donc ce subordonné à être nommé à un poste au sein de l'organe de sécurité

 24   du régiment de protection, qui était une unité très importante.

 25   Après le transfert à Kumbor, le lieutenant-colonel Ramiz Dugalic, qui était

 26   Musulman, a été nommé chef adjoint du service de contre-espionnage,  donc

 27   ce ne sont pas les seuls exemples qui illustrent le fait qu'il n'y avait

 28   aucun préjugé vis-à-vis de personnes d'autres appartenances ethniques. Bien


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  1   que je sois un Macédonien, j'ai pu conserver le poste qui avait été le

  2   mien, un poste de premier plan au sein de l'organe de sécurité.

  3   Q.  Je vous remercie, Monsieur Alacov, pour cette réponse extrêmement --

  4   toutes vos réponses très précises.

  5   M. NIKOLIC : [interprétation] J'en ai terminé avec mon contre-

  6   interrogatoire.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est pour ça que je ne vous ai pas

  8   interrompu. Nous approchions de la pause. Mais j'ai remarqué que vous étiez

  9   en train vous d'en terminer. Je vous remercie, Maître Nikolic, et je vous

 10   remercie, Colonel Alacov. Nous allons donc prendre une pause de 25 minutes

 11   et nous entreprendrons ensuite le contre-interrogatoire. Merci.

 12   --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

 13   --- L'audience est reprise à 12 heures 58.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Zivanovic, avez-vous l'intention

 15   de poser des questions au témoin dans le cadre du contre-interrogatoire ?

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je vous

 17   remercie.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Maître Nikolic, voulez-vous

 19   poser des questions ?

 20   M. NIKOLIC : [interprétation] Non, je n'ai pas de questions à poser.

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Lazarevic, vous nous avez dit

 22   qu'il n'y aurait pas de questions dans le cadre du contre-interrogatoire.

 23   Madame Fauveau ?

 24   Mme FAUVEAU : Pas de questions, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pas de questions de la part de l'équipe

 26   Miletic. 

 27   Qu'en est-il pour ce qui est de Monsieur Josse ?

 28   M. JOSSE : [interprétation] Non. Je suis désolé, enfin, il n'y a pas de


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  1   surprise, nous n'allons pas poser de questions à ce témoin.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Maître Sarapa, qu'en est-il

  3   de vous ?

  4   M. SARAPA : [interprétation] Pas de questions, je vous remercie.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Donc la balle est dans votre

  6   camp, Monsieur Vanderpuye.

  7   M. VANDERPUYE : [interprétation] En effet. J'ai quelques questions à poser,

  8   mais rapidement.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y.

 10   Contre interrogatoire par M. Vanderpuye : 

 11   Q.  [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Kweku Vanderpuye. J'espère que

 12   vous pouvez m'entendre ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Bon après-midi. Je m'appelle Kweku Vanderpuye et au nom de l'Accusation

 15   je vais vous poser quelques questions qui porteront sur ce qui vous a été

 16   demandé dans le cadre de l'interrogatoire principal.

 17   R.  Oui, tout à fait.

 18   Q.  Juste avant la pause, il y a environ une demi-heure, vous avez dit que

 19   vous n'étiez pas vraiment au courant d'un moindre événement au cours duquel

 20   M. Beara aurait insulté quelqu'un ou aurait pris en compte son appartenance

 21   ethnique de façon négative. Vous vous en souvenez ?

 22   R.  Oui, tout à fait.

 23   Q.  Est-ce que vous avez l'habitude d'entendre le terme "Turc" tel qu'il

 24   est employé pour parler d'un Musulman de Bosnie ?

 25   R.  Oui, je l'ai déjà entendu, bien sûr. Vous voulez dire "Turc" de manière

 26   péjorative, c'est ça, lorsqu'il est employé péjorativement ? En tout cas,

 27   je ne l'ai jamais entendu de la bouche du capitaine Beara, en tout cas pas

 28   en ma présence.


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  1   Q.  Qu'en est-il du terme balija ? L'avez-vous déjà entendu ?

  2   R.  Oui, oui, je l'ai entendu.

  3   Q.  S'agissait-il aussi d'un terme péjoratif ?

  4   R.  Oui, en effet.

  5   Q.  C'est un terme insultant en fait, très insultant, plus que péjoratif.

  6   C'est insultant et c'est méprisant ?

  7   R.  Tout dépend de comment on l'entend et à quelle occasion s'y proférait

  8   surtout. Il y a toutes sortes d'insultes. Surtout la langue serbe, elle en

  9   regorge. Quand même, tous ces termes insultants peuvent avoir un poids

 10   différent selon le contexte ou la situation dans laquelle elle est

 11   employée.

 12   Q.  Très bien. Mais ce type de termes, est-ce que l'on s'attend à les

 13   entendre utiliser par un officier supérieur de l'armée ?

 14   R.  Dans le cadre d'une communication officielle, non, ça ne se ferait pas,

 15   ça serait parfaitement inacceptable. En revanche, quand c'est deux

 16   personnes qui parlent légèrement ou officieusement, là le terme peut être

 17   employé surtout quand on est du sud, pour ceux d'entre nous qui venons du

 18   sud, on peut parfois utiliser ce genre de termes.

 19   Q.  Vous avez déjà entendu M. Beara employer ces mots ?

 20   R.  Pas en ma présence, je ne me souviens pas de l'avoir entendu employer

 21   ces termes. Même moi, parfois, j'ai peut-être sans doute employé ce type de

 22   termes.

 23   Q.  Très bien. J'aimerais vous présenter un document de la liste 65 ter, le

 24   document 539, s'il vous plaît. Pouvons-nous l'avoir à l'écran. On voit en

 25   bas du document qu'il s'agit d'un document qui a été signé et

 26   dactylographié par Ljubisa Beara en date du 16 août 1995 et émanant du

 27   commandement suprême du corps, c'est un document strictement confidentiel,

 28   le numéro 15/95. On voit dès la première ligne que M. Beara fait référence


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  1   à tous les prisonniers de guerre de l'ex-enclave balija de Zepa. Vous le

  2   voyez ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Si vous descendez un peu dans le document, vous voyez qu'il y a

  5   référence à des membres de la VRS, il est écrit : "Les membres de la VRS et

  6   du MUP de la RS vont interroger les balija capturés afin d'obtenir des

  7   éléments permettant d'étayer des dossiers qui vont être transmis au pénal.

  8   Vous voyez ça ?

  9   R.  Je ne vois pas très bien, mais si vous le dites, c'est que ça doit être

 10   écrit. Vous avez dû le lire correctement.

 11   Q.  Très bien. Descendons encore, s'il vous plaît, dans ce texte, troisième

 12   paragraphe, dernière phrase, on voit qu'il est

 13   écrit : "Pour faire cela, il conviendrait d'envoyer deux juges

 14   d'instruction avec des dactylographes et on a besoin du procureur de

 15   l'Accusation au centre de détention serbe afin de pouvoir obtenir des

 16   éléments permettant de monter un dossier pénal une fois les balija

 17   interrogés." Le voyez-vous ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Une dernière question. Vous dites que quand M. Beara nommait quelqu'un

 20   à un poste, la seule chose qui lui importait, c'était la compétence, la

 21   qualité, l'expertise de la personne qu'il voulait choisir. Vous vous

 22   souvenez l'avoir dit, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, oui, je m'en souviens bien.

 24   Q.  Très bien. Dans ce cas-là, je vais vous montrer un autre document.

 25   Pourrais-je avoir, s'il vous plaît, la pièce 3502 de la liste 65 ter à

 26   l'écran. Nous n'avons pas encore l'anglais. Si, il s'agit d'un document

 27   signé Ljubisa Beara; vous le voyez ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  C'est un document qui date du 27 novembre 1995. Sa cote confidentielle

  2   est le 12/46-701/95, l'objet est de choisir un certain nombre de sous-

  3   officiers, de soldats au sein du bataillon de la police militaire pour

  4   servir d'escortes personnelles aux membres de l'état-major. Vous le voyez,

  5   n'est-ce pas ? J'aimerais que nous passions au bas de la page en B/C/S, la

  6   même chose en anglais, si possible. C'est la deuxième page pour ce qui est

  7   de l'anglais. Au deuxième paragraphe de la version en anglais, il est écrit

  8   : "Les soldats et les sous-officiers nommés pour servir d'escortes doivent

  9   être excellents en matière militaire, doivent être extrêmement bien tenus,

 10   doivent être extrêmement compétents en matière militaire, avoir un

 11   comportement exceptionnel, et cetera, et cetera. Ils ne peuvent être que

 12   Serbes et ils ne doivent pas être issus d'un mariage mixte et ne peuvent

 13   pas non plus avoir des membres de leur famille qui vivent dans les

 14   territoires contrôlés par l'ennemi." Donc quand même, il semble que M.

 15   Beara avait spécifié un critère bien spécifique dans le but de remplir ces

 16   postes.

 17   Il allait un peu au-delà de la compétence, il me semble, n'est-ce pas ?

 18   R.  Certes. Quand on voit les choses noir sur blanc, c'est vrai que c'est

 19   ce qui est écrit. Mais une chose que vous oubliez, dans la période dont je

 20   parlais, quand on était encore en Yougoslavie, quand la Yougoslavie

 21   existait encore, il y avait encore l'armée de la Yougoslavie aussi, elle

 22   existait aussi. Ça c'était à ce moment-là que je parlais de M. Beara. Alors

 23   que là on est en 1995 lorsque les Serbes et les Musulmans ou Bosniens,

 24   comme on les appelle maintenant, s'entredéchiraient. Donc je pense qu'il

 25   est tout à fait normal que pour choisir un candidat pour un poste de ce

 26   type, il y a quand même certaines choses à prendre en compte. Ce n'est pas

 27   censé être insultant vers qui que ce soit le fait que moi, parce que je

 28   suis Macédonien, je ne sois pas pris en compte ou qu'un Bosnien n'est pas


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  1   pris en compte non plus. Puisque les conditions étaient très différentes,

  2   la situation était totalement différente, bien différente de l'époque de

  3   l'unité. Moi, j'ai parlé de ce qui s'était passé avant juin 1992, puisque

  4   après nos chemins se sont séparés.

  5   Q.  Mais j'avais cru comprendre que vous nous aviez dit que vos chemins ne

  6   s'étaient jamais séparés même si physiquement vous n'étiez plus aussi

  7   proches. Je voulais savoir si, à votre avis, les mots qui sont écrits ici,

  8   noir sur blanc, reflètent vraiment l'attitude de quelqu'un qui fait

  9   extrêmement attention à la partie non technique d'une personne lorsqu'il

 10   cherche à remplir un poste vacant ?

 11   R.  Mais je pense que ce qu'ils avaient en tête à ce moment-là c'était de

 12   choisir des gens qui allaient parfaitement exécuter leurs missions, comme

 13   vous, vous choisissez vos collaborateurs. Il faut qu'ils soient compétents,

 14   mais il faut aussi considérer la personne. D'ailleurs l'autre côté, l'autre

 15   camp aussi avait le droit de choisir les personnes à qui il voulait confier

 16   des missions. Je ne trouve pas ça offensant, ce n'est pas une insulte. Ce

 17   n'est pas une mesure discriminatoire, en aucun cas. Je ne devrais pas être

 18   insulté, me sentir insulté, parce que je ne peux pas être votre assistant

 19   vu que je ne suis pas compétent. Et là je pense que dans ce cas-ci, il faut

 20   vraiment prendre en compte les circonstances.

 21   Q.  Oui, mais alors, à votre avis, une des circonstances à prendre en

 22   compte c'est votre conjoint, par exemple, vous trouvez ça normal ? Il y a

 23   quand même un critère noir sur blanc qui dit : "Ne pas choisir quelqu'un

 24   issu d'un mariage mixte." Vous trouvez ça parfaitement justifiable,

 25   Monsieur Alacov ?

 26   R.  Quand la Yougoslavie s'est décomposée, il est vrai que certaines

 27   personnes qui étaient issues de mariages mixtes ont été influencées par

 28   soit leurs conjoints, soit par les membres de leur famille. Ont quitté les


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  1   forces armées ou abandonné en fait leur armée qu'ils avaient pourtant juré

  2   de servir, et ils ont quitté les forces armées alors qu'ils étaient

  3   vraiment nécessaires, alors qu'on avait vraiment besoin d'eux. Mais sous

  4   l'influence de leurs parents, de membres de leur famille, ils ont quitté

  5   l'armée. C'est là que tout a commencé d'ailleurs.

  6   C'est vrai quand on se base sur l'expérience des autres, tout ceci

  7   peut paraître normal quand même. Quand on doit choisir des personnes pour

  8   les affecter à des postes sensibles, il faut quand même prendre beaucoup de

  9   choses en compte, ça se trouve dans toute armée du monde. On ne peut pas

 10   donner un poste à une personne si elle ne remplit pas absolument tous les

 11   critères. Il y a des critères autres, il y a des critères différents quand

 12   même. Il y a la catégorie 1, 2 et 3 des officiers, par exemple. Ça on sait

 13   parfaitement quelle peut être la carrière et la promotion d'un officier. On

 14   peut tomber en catégorie 3 et on n'a pas à se sentir insulté ou se sentir

 15   lésé de ce fait, c'est comme ça. Il n'y a pas que dans notre armée qu'il y

 16   a ces catégories, elles existent dans toutes sortes de catégories.

 17   Q.  Très bien. Mais le général Miletic, dans quelle catégorie serait-il ?

 18   R.  [aucune interprétation]

 19   Mme FAUVEAU : Objection. Je ne vois vraiment l'objectif d'une telle

 20   question. Ce témoin a parlé sur le caractère d'un autre accusé. Il n'a pas

 21   du tout parlé de l'armée de la Republika Srpska. On ne sait même pas s'il

 22   sait qui est le général Miletic. D'abord, peut-être, il faudra établir s'il

 23   connaît le général Miletic.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Madame Fauveau.

 25   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense qu'il a répondu à la question et

 26   je n'ai plus de questions d'ailleurs.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Vanderpuye.

 28   Maître Nikolic, avez-vous des questions supplémentaires ?


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  1   M. NIKOLIC : [interprétation] Oui, très rapidement.

  2   Nouvel interrogatoire par M. Nikolic : 

  3   Q.  [interprétation] Monsieur Alacov, au cours de votre service militaire,

  4   faisiez-vous partie de la Ligue des Communistes de Yougoslavie ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  L'un des critères nécessaires pour faire votre service militaire et

  7   être promu, il fallait être membre de la Ligue des Communistes, n'est-ce

  8   pas, c'était absolument essentiel ?

  9   R.  Il y avait quelques membres de l'armée qui n'étaient pas membres du

 10   parti, mais dans ce cas-là ils n'accédaient jamais à des postes élevés.

 11   Q.  Vous avez dit que lorsque vous étiez en poste de commandement dans les

 12   forces armées, on trouvait toute la composition multiethnique de la

 13   Yougoslavie de l'époque. Voici ma question : l'un des critères employés

 14   pour nommer des personnes à différents postes élevés de l'armée était-il

 15   l'appartenance ethnique ? Est-ce qu'on s'en servait ? Est-ce qu'il était

 16   utile qu'il représente le groupe ethnique majoritaire dans un secteur

 17   précis ?

 18   R.  Oui, au début de ma carrière militaire, il y avait un principe qui

 19   avait été établi, et dans la mesure du possible, surtout pour ce qui est

 20   des postes de cadre, il fallait qu'on en arrive à une représentation

 21   proportionnelle des différentes nations composant le pays. Cela dit, ce

 22   principe a été un peu assoupli par la suite, surtout en ce qui concerne

 23   d'autres postes. Et là, on avait tendance à recruter les gens qui venaient

 24   du cru, si je puis dire. Mais pour ce qui est des postes de cadre, les

 25   postes supérieurs, on employait encore la clé de l'appartenance ethnique

 26   pour qu'il n'y ait pas qu'une seule nation représentée tout en haut de la

 27   hiérarchie.

 28   Q.  Monsieur Alacov, nous savons tous que l'ex-Yougoslavie s'est effondrée


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  1   et que des états nationaux ont été créés ensuite. A votre avis, dans une

  2   unité d'élite comme celle que l'on voit dans ce document qui était censé

  3   escorter et assurer la sécurité de dirigeants, est-ce qu'il aurait été

  4   possible de nommer, par exemple, un Serbe issu d'un mariage mixte, par

  5   exemple, venant de Croatie.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, avez-vous une

  7   réponse ?

  8   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, cette question demande au témoin de

  9   spéculer. Il n'est pas expert ici. Je lui ai posé des questions à propos

 10   d'un document bien spécifique qui avait été présenté aujourd'hui.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, je comprends bien pourquoi vous

 12   vous êtes levé pour votre objection après que votre document ait été

 13   utilisé par le conseil, mais il pose même une question -- en fait, il est

 14   en train de poser une question bien précise et je pense que le témoin peut

 15   parfaitement y répondre. Cela dit, votre objection n'était pas totalement

 16   infondée.

 17   Colonel Alacov, répondez à la question, s'il vous plaît. Elle est

 18   très simple après tout. Aurait-il été logique que pour l'unité d'élite,

 19   comme celle qui semblait devoir être établie dans ces documents et qui

 20   visait à assurer la sécurité de dirigeants supérieurs, est-ce qu'il aurait

 21   été logique et même possible que l'un de ces élus pour faire partie de

 22   cette escorte d'élite soit issu d'un mariage mixte et habite en Croatie ?

 23   Je ne sais pas très bien à quelle période de temps vous faites référence

 24   dans votre question, avant l'effondrement de la Yougoslavie, pendant la

 25   guerre ?

 26   M. NIKOLIC : [interprétation] Je pensais à la période qui a suivi la

 27   guerre. Dans ma question précédente, j'ai dit qu'il y a eu des Etats --

 28   nations qui ont été créées après la guerre et c'est là-dessus que porte ma


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  1   question.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. On parle de la période qui a

  3   suivi la guerre ou pendant la guerre ?

  4   M. NIKOLIC : [interprétation] L'un ou l'autre. Soit pendant la guerre, soit

  5   après 1996.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. S'il vous plaît, répondez en

  7   deux phases, tout ce qui en aurait été pendant la guerre et ensuite ce qui

  8   en aurait été après la guerre. Dans la mesure, bien sûr, de votre possible.

  9   Si vous ne vous sentez pas en mesure de répondre à la question, laissez

 10   tomber, on passera à autre chose.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer de répondre. Déjà, je tiens à

 12   dire que toute règle possède des exceptions, il y a toujours une exception

 13   à la règle. Si on sait qu'une personne est loyale et accepte l'idéologie ou

 14   les valeurs de base, dans ce cas-là, cette personne doit pouvoir faire

 15   partie d'une telle unité. Mais il y a des exceptions, bien sûr, mais les

 16   règlements ne sont pas basés sur les exceptions. Dans l'armée serbe

 17   aujourd'hui, on trouve des Serbes, dans l'armée, dans les rangs, Serbes qui

 18   viennent de Croatie ou qui viennent de la Republika Srpska, donc ils

 19   viennent de la Bosnie-Herzégovine. Quant à savoir s'ils ont des postes

 20   élevés, ça je n'en sais rien. Il y en a peut-être certains qui sont haut

 21   gradés, mais c'est quoi un haut gradé ?  C'est le chef d'état-major de

 22   l'état-major principal, si cette personne, par exemple, à l'heure actuelle,

 23   vient de Knin. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

 24   M. NIKOLIC : [interprétation]

 25   Q.  Il y avait deux parties à la question. S'il vous plaît, soyez attentif.

 26   En se basant sur ce qui a été dit, au cours de la guerre, pour une unité

 27   d'élite en Croatie, une personne nommée au sein de cette unité d'élite, qui

 28   devrait assurer la sécurité des dirigeants, aurait-elle pu être Serbe ?


Page 23582

  1   Deuxième question : est-ce que cela aurait pu être aussi le cas après la

  2   guerre dans le cadre des nouveaux Etats formés et créés après la guerre ?

  3   R.  Je me répète, il y a toujours des exceptions dans toute règle. Pendant

  4   la guerre, il est difficile de savoir exactement, d'avoir des informations

  5   sur l'affiliation des différentes personnes. Les gens se trouvent toujours

  6   dans des situations qui n'arrêtent pas d'évoluer, parfois les comportements

  7   changent fréquemment d'ailleurs. Il y a ceux qui ont des valeurs un jour,

  8   puis changent d'avis le lendemain, tout dépend qui vous influence. Parfois

  9   on change de point de vue, on change d'opinion. Au cours des opérations de

 10   combat en Croatie, d'ailleurs il y avait des membres d'autres ethnicités,

 11   d'autres appartenances ethniques qui étaient extrêmement haut gradés. Par

 12   exemple, l'Albanais qui commandait une brigade qui est d'ailleurs accusée

 13   devant ce Tribunal, M. Ademi.

 14   Q.  Je vous remercie, M. Alacov.

 15   M. NIKOLIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 17   Nous n'avons plus de questions pour vous, M. Alacov Vous pouvez

 18   rentrer. Nos équipes vous prêtent main-forte pour vous aider à rentrer et

 19   nous vous souhaitons un bon retour chez vous.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. J'aimerais remercier

 21   toutes les personnes qui m'ont aidé.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Des documents, Maître Nikolic ?

 23   M. NIKOLIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 24   versement d'aucun document.

 25   [Le témoin quitte le prétoire]

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Monsieur Vanderpuye.

 27   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. 65 ter 3502

 28   et 65 ter 539.


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  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Y a-t-il des objections, Maître Nikolic

  2   ?

  3   M. NIKOLIC : [interprétation] Nous soulevons une objection quant au

  4   document datant de 1996, puisque cela ne relève pas de la période couverte

  5   par l'acte d'accusation.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Souhaitez-vous réagir, Monsieur

  7   Vanderpuye ?

  8   M. VANDERPUYE : [interprétation] Les documents que j'ai montrés au témoin,

  9   Monsieur le Président, datent de l'année 1995, les deux documents

 10   d'ailleurs.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est bien ce que je pensais, mais ce

 12   n'est pas à moi de présenter des arguments à ce sujet.

 13   M. NIKOLIC : [interprétation] Manifestement, je me suis trompé sur la date.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc vous n'avez aucune objection.

 15   Merci. Les deux documents sont ainsi versés au dossier.

 16   Cela nous amène au témoin suivant. Pardon, Madame Fauveau.

 17   Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, avant que le témoin suivant commence à

 18   témoigner pour prévenir toutes les surprises auxquelles la Défense est

 19   exposée, je voudrais vous demander les lignes directrices complémentaires

 20   sur le contre-interrogatoire mené par le Procureur, parce que si le

 21   Procureur est autorisé à poser des questions qui n'ont rien à voir avec

 22   l'interrogatoire principal et qui concernent un accusé qui ne pouvait

 23   absolument être préparé, la Défense se trouve vraiment dans une position

 24   non équitable. Evidemment, je ne demande pas d'interdire complètement cette

 25   ligne des interrogatoires, mais ce cas-là, le Procureur devrait être en

 26   obligation d'informer la Défense d'un autre accusé qui sera concerné par un

 27   tel contre-interrogatoire, au moins pour qu'on puisse se préparer.

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, je vois tout à fait ce que vous


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  1   voulez dire. Cela dit, un contre-interrogatoire c'est bien un contre-

  2   interrogatoire. Et la plupart du temps, on ne peut pas anticiper ce qui

  3   sera soulevé. Les questions qui seront posées parfois une question découle

  4   d'une autre et en fait ne correspondait pas à l'intention initiale et

  5   découle de la réponse donnée à une question précédente. Donc je ne sais pas

  6   très bien, quand je menais des contre-interrogatoires, parfois je

  7   m'écartais tout à fait de ce que j'avais préparé, je me trouvais confronté

  8   à de nouveaux faits. Oui.

  9   Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, je suis tout à fait d'accord avec

 10   vous, mais je trouve que la question concernant mon client qui a été posée

 11   au témoin précédent, était complètement -- de tout le cadre, de tout

 12   contre-interrogatoire et de tout le cadre de ce que ce témoin a dit et

 13   qu'elle était absolument pas provoquée par les réponses du témoin.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye. Souhaitez-

 15   vous réagir ?

 16   M. VANDERPUYE : [interprétation] Si vous le souhaitez, Monsieur le

 17   Président.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, peut-être, brièvement.

 19   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense que cela se rapportait dans la

 20   réponse donnée par le témoin. Le témoin a répondu très précisément à la

 21   question de l'appartenance ethnique et de la prise en compte de

 22   l'appartenance ethnique se rapportant aux possibilités d'une personne issue

 23   d'un mariage mixte et c'est bien la raison pour laquelle nous avons posé la

 24   question au témoin et cela illustre, à mon sens, la crédibilité du témoin,

 25   on se reporte à la crédibilité du témoin quant à ce qu'il a dit concernant

 26   la pertinence de ces éléments.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je sais qu'à l'avenir, si de telles

 28   situations se présentent, qui justifient de telles questions ou des


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  1   problèmes surgissent, nous les règlerons au fur et à mesure. Madame

  2   Fauveau.

  3   Mme FAUVEAU : C'est exactement mon point de vue, parce que je crois que

  4   maintenant on a une situation qui n'est pas du tout équitable pour le

  5   témoin. Le témoin a répondu à une question précise qu'il ne sait pas. Or,

  6   ce témoin, on ne sait pas s'il n'a jamais entendu parler du général

  7   Miletic, s'il sait quelle était la position du général Miletic dans l'armée

  8   de la Republika Srpska. On ne sait pas s'il sait que le général Miletic est

  9   marié à une femme croate. On ne sait rien de tout ça, et on sait que le

 10   témoin ne sait pas à quelle catégorie appartient le général Miletic. Donc

 11   je ne vois pas  comment on peut apprécier ce témoignage dans le cadre de

 12   tout ce qu'on ne sait pas.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Madame Fauveau. Je ne pense pas

 14   que cela mérite de plus amples discussions pour l'heure. Le nouveau témoin,

 15   le témoin suivant, où est-il ? Est-ce que vous souhaitez vraiment commencer

 16   ? Monsieur Vanderpuye.

 17   M. VANDERPUYE : [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 19   Mme NIKOLIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous souhaitons

 20   appeler le témoin suivant. Bien sûr, il ne nous reste pas assez de temps

 21   aujourd'hui, donc si vous pensez que c'est plus important, nous pouvons

 22   commencer demain matin. Mais nous sommes prêts à commencer tout de suite,

 23   si vous le souhaitez.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons régler les préliminaires

 25   d'ores et déjà. Comme ça ce sera réglé, puis nous poursuivrons demain si

 26   mes collègues en sont d'accord. Très bien.

 27   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Monsieur.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous souhaite la bienvenue dans ce

  3   prétoire dans le cadre de cette affaire. Vous êtes donc un des témoins

  4   cités à comparaître par les conseils de la Défense de M. Ljubisa Beara.

  5   Vous allez commencer à déposer. Il nous reste plus que dix minutes

  6   aujourd'hui. Nous allons donc poursuivre demain. Avant de commencer à

  7   témoigner, notre Règlement exige que vous prononciez une déclaration

  8   solennelle d'après laquelle vous direz la vérité. Le texte de cette

  9   déclaration vous est présenté. Je vous prie de nous lire ce texte, et cela

 10   reflétera votre engagement auprès de nous.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 12   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13   LE TÉMOIN: VOJISLAV MEDIC [Assermenté]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Veuillez-vous asseoir. Mettez-vous à

 16   l'aise.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Puisque vous étiez juge de carrière,

 19   vous savez très bien comment se déroule une telle procédure. La Défense de

 20   M. Beara vous a cité à comparaître, ainsi ce sont eux qui mèneront

 21   l'interrogatoire principal, puis l'Accusation mènera son contre-

 22   interrogatoire, voire d'autres conseils de la Défense.

 23   Monsieur Nikolic, vous n'avez que dix minutes puisque nous devons

 24   terminer à 13 heures 34.

 25   Mme NIKOLIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   Interrogatoire principal par M. Nikolic : 

 27   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Medic.

 28   R.  Bonjour.


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  1   Q.  Nous avons déjà été présentés, mais je vais me présenter officiellement

  2   aux fins du compte rendu. Mon nom est Nikolic. Je suis avocat, membre de

  3   l'équipe de la Défense de Ljubisa Beara. Avant de commencer à vous poser

  4   des questions, je dois vous préciser quelques aspects techniques. Puisque

  5   nous parlons en serbe, les interprètes doivent interpréter nos propos afin

  6   que toutes les personnes ici présentes puissent suivre et nous comprendre.

  7   Je vais donc vous demander d'observer une pause entre ma question et votre

  8   réponse.

  9   Mme NIKOLIC : [interprétation] Il y a une erreur au compte rendu. A la page

 10   75, ligne 21, on peut y lire M. Remetic, mais ce monsieur s'appelle M.

 11   Medic. M. Remetic viendra comparaître un peu plus tard.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci de le relever, Maître Nikolic. Le

 13   compte rendu sera corrigé en conséquence.

 14   Mme NIKOLIC : [interprétation] Merci.

 15   Q.  Monsieur Medic, je vais vous demander de vous présenter à nous. Quel

 16   est votre nom, prénom et nom de famille ? Où êtes-vous né et à quelle date

 17   ?

 18   R.  Je m'appelle Vojislav Medic. Je suis né le 1er octobre 1956 dans la

 19   municipalité de Gracac, qui est aujourd'hui en République de Croatie.

 20   Q.  Pouvez-vous nous dire quelle a été votre éducation ?

 21   R.  J'ai été à l'école primaire, école secondaire militaire, et j'ai étudié

 22   à la faculté de droit, à l'université.

 23   Q.  Avez-vous eu quelque formation spécialisée que ce soit ?

 24   R.  Oui, Après l'école secondaire, j'ai suivi un cours en radio

 25   télécommunication et j'ai travaillé en cette qualité à bord de sous-marins.

 26   Q.  Où avez-vous travaillé en tant qu'avocat ?

 27   R.  Après avoir reçu mon diplôme universitaire en 1982, j'ai été transféré

 28   au tribunal militaire à Ljubljana, où j'ai fait un stage pendant deux ans,


Page 23588

  1   ensuite en 1984, j'ai été nommé adjoint auprès du tribunal militaire

  2   suprême à Belgrade.

  3   Q.  Si je vous ai bien compris, vous vous êtes porté volontaire pour

  4   rejoindre les services juridiques de l'armée ?

  5   R.  Oui. Après avoir eu mon diplôme universitaire en droit, j'ai demandé à

  6   pouvoir rejoindre ce tribunal.

  7   Q.  Quel était votre domaine de spécialisation; le droit civil ou un autre

  8   domaine au sein de l'armée ?

  9   R.  Auprès du tribunal militaire suprême, j'étais adjoint au département de

 10   droit pénal. En 1987, j'ai été nommé juge d'instruction auprès du tribunal

 11   d'instruction ou du département de l'instruction du tribunal militaire de

 12   Belgrade, donc je m'occupais uniquement de droit pénal.

 13   Q.  Pendant toute cette période jusqu'au début de la guerre, est-ce que

 14   vous avez travaillé comme juge d'instruction ?

 15   R.  Pas pendant toute la période. J'ai été juge d'instruction de 1987 à

 16   1993, si je me souviens bien, puis j'ai été le juge qui présidait une

 17   chambre qui connaissait des affaires pénales jusqu'à 1995.

 18   Q.  Je vais vous demander de nous expliquer la structure ou l'organisation

 19   des tribunaux militaires dans la période qui a précédé, immédiatement

 20   précédé le début de la guerre, c'est-à-dire jusqu'en 1992.

 21   R.  Si vous faites allusion à l'organisation territoriale, il y avait des

 22   tribunaux militaires, un tribunal militaire pour chaque district militaire.

 23   On parlait en fait d'armées. Donc chaque armée avait son tribunal militaire

 24   et aussi un bureau du procureur, puis il y avait le tribunal militaire

 25   suprême qui se trouvait à Belgrade.

 26   Q.  Vous souvenez-vous des noms de ces tribunaux militaires et leurs

 27   sièges, ces tribunaux militaires de première instance ?

 28   R.  Oui, certainement. Il y avait un tribunal militaire à Belgrade pour le


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  1   1er District militaire, puis un tribunal à Ljubljana, je crois, pour la 9e

  2   Armée; l'un à Zagreb, je crois, pour la 2e Armée; l'un à Split pour le

  3   district naval; l'un à Sarajevo, je crois, pour la 7e Armée; et un autre

  4   tribunal à Skopje, je ne sais plus pour quelle armée; et un autre tribunal

  5   militaire à Nis.

  6   Q.  Cette organisation, cette structure, a-t-elle été modifiée, et si oui,

  7   dans quelle mesure, lorsque la Yougoslavie s'est effondrée, et lorsqu'en

  8   1992 la République fédérale de Yougoslavie a été instituée ? Pouvez-vous

  9   nous expliquer l'organisation territoriale des tribunaux en RFY en 1992 ?

 10   R.  Je crois qu'en 1991 ou 1992, je ne suis plus tout à fait certain, après

 11   le retrait de l'armée de la Slovénie, ce tribunal en Slovénie a cessé

 12   d'exister. Il y avait un tribunal militaire à Zagreb, mais au début de la

 13   guerre, le tribunal militaire de Split a été conservé à Tivat au

 14   Monténégro. Les autres tribunaux ont continué à exercer leurs fonctions

 15   pendant cette période.

 16   M. NIKOLIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs

 17   les Juges, peut-être conviendrait-il d'en rester là pour la journée,

 18   puisque j'en ai terminé avec cette question et je vais me lancer dans un

 19   nouveau sujet demain.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Nous nous

 21   retrouverons demain matin à 9 heures.

 22   --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le vendredi 11 juillet

 23   2008, à 9 heures 00.

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