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1 Le lundi 8 septembre 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [L'accusé Miletic est absent]
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Madame la Greffière. Bonjour à
8 tous. Pouvez-vous, s'il vous plaît, citer l'affaire.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour à tous. Il s'agit de l'affaire
10 IT-05-88-T, l'Accusation contre Vujadin Popovic et consorts.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Je vois qu'il nous manque M.
12 Miletic dans le box des accusés. Madame Fauveau, nous avons appris qu'il
13 va, bien sûr, y avoir une dérogation. C'est ce que vous avez appris ?
14 Mme FAUVEAU : Oui, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous pouvons continuer les
16 débats ?
17 Mme FAUVEAU : Oui.
18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Merci, Madame Fauveau. Côté
19 Accusation, je vois M. McCloskey, M. Nicholls, M. Elderkin. Côté Défense,
20 je remarque l'absence de Me Nikolic dans l'équipe Beara, et M. Hayes aussi
21 manque à l'appel.
22 Très bien. Bonjour, Professeur.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bienvenu. Vous êtes encore soumis à la
25 déclaration solennelle que vous avez faite lorsque vous avez commencé à
26 déposer la semaine dernière, vous n'avez pas besoin de la reprendre. Me
27 Ostojic va poursuivre son interrogatoire principal, il va reprendre là où
28 nous en étions.
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1 Allez-y, Maître Ostojic.
2 M. OSTOJIC : [interprétation] Bonjour à vous.
3 Avant de commencer, j'aimerais rapidement répondre à la question du Juge
4 Kwon à propos de la fameuse colonne, il nous a demandé où cet article
5 apparaissait. C'est dans la pièce dans le prétoire électronique avec la
6 cote 2D553, mais ça porte le numéro de document 2D41-0042, je suis désolé
7 que ceci ait un petit peu emmêlé les choses pour la Chambre. Ce n'est pas
8 son deuxième mais son premier rapport qui a été déposé en octobre aussi, je
9 tiens à le dire.
10 Maintenant, pour ce qui est des témoins, la Chambre nous a demandé
11 d'identifier les témoins qui auront des pseudonymes, il y en a quatre. Je
12 vais donner au Pr Wagenaar un exemplaire de cette liste de noms, parce que
13 dans son rapport par moment il n'y a pas les noms mais il n'y a que les
14 numéros. Je l'ai distribué non seulement à la greffière, mais aussi à mes
15 collègues de l'Accusation et à mes collègues de la Défense. Il y a un
16 document et j'aimerais le présenter au travers de ce témoin, cela pourrait
17 sans doute nous aider à la fois pour l'interrogatoire principal et le
18 contre-interrogatoire.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.
20 M. OSTOJIC : [interprétation] Puis-je le faire ?
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y.
22 LE TÉMOIN: WILLEM WAGENAAR [Reprise]
23 [Le témoin répond par l'interprète]
24 Interrogatoire principal par M. Ostojic : [Suite]
25 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
26 R. Bonjour.
27 Q. Je remarque que vous êtes en train d'écrire quelques numéros.
28 R. Oui, je les entre dans mon tableau, je ne les avais pas précédemment,
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1 ceux-là je les note car je ne voudrais surtout pas me tromper de nom. Voilà
2 j'ai presque fini.
3 Q. Pour le compte rendu, je tiens à dire que nous vous avons demandé de
4 nous toute note ou document que vous pourriez avoir en votre possession
5 afin que l'Accusation puisse l'étudier, ce matin, nous avons rencontré
6 l'Accusation avant votre déposition, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Et vous avez donné à l'Accusation deux pages de notes, je crois,
9 manuscrites en anglais, n'est-ce pas ?
10 R. Oui, tout à fait.
11 Q. Vous ont-ils rendu les originaux ? Je pense que oui, et nous avons
12 maintenant une photocopie de tout cela, et je pourrais, si nécessaire, la
13 distribuer aux autres équipes à la pause.
14 Nous parlions des différences entre l'identification et la reconnaissance.
15 Pourriez-vous déjà nous dire quelle est la différence qui existe lorsque
16 l'on détermine --
17 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que Me Ostojic parle moins vite.
18 M. OSTOJIC : [interprétation] Je vais parler beaucoup moins vite en effet.
19 Q. Dites-nous, quelle est la différence lorsque l'on met à l'épreuve à la
20 fois l'identification et la reconnaissance d'une personne.
21 R. Tout à fait. La reconnaissance, c'est un terme que l'on emploi pour
22 parler de gens qui ont rencontré quelqu'un sur la scène du crime, comme on
23 dit d'habitude, quelqu'un qu'ils connaissaient déjà. Qu'ils l'aient connu
24 précédemment ou pas, on ne peut pas tellement le vérifier par le biais d'un
25 test psychologique; ce serait parfaitement inutile de faire une parade
26 d'identification par la suite puisque de toute façon cette personne
27 reconnaîtra immédiatement dans les suspects la personne qu'il connaît
28 depuis longtemps, il verra bien qu'il y a des personnes qu'il connaît et
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1 d'autres qu'il ne connaît absolument pas. Il serait très facile
2 d'identifier cette personne qu'ils connaissent, ce qui ne prouve absolument
3 pas qu'ils ont rencontré cette personne sur la scène du crime. Donc le test
4 là s'avère parfaitement inutile.
5 En revanche, pour ce qui est de l'identification telle qu'on l'emploie ici
6 dans ce Tribunal, il s'agit d'un cas de figure où la personne a rencontré
7 quelqu'un, mettons, encore sur la scène du crime, mais c'est la première
8 fois qu'elle a vu cette personne de sa vie. Et si c'est aussi la dernière
9 fois qu'il l'a vue, on peut vérifier si cette personne est bien l'un des
10 suspects en mettant le suspect dans une parade d'identification avec
11 d'autres personnes qui lui ressemblent mais qui serviront de distracteurs
12 [phon]. Si dans cette parade d'identification le témoin reconnaît bien la
13 personne qu'il a vue sur la scène du crime, cela veut dire qu'il l'a vue
14 déjà une fois. Et en plus, si la seule possibilité de l'avoir vue c'est sur
15 la scène du crime, cela détermine aussi que l'accusé était bien présent sur
16 la scène du crime. Donc c'est un test parfaitement utile et avéré.
17 L'implication c'est que si l'accusé ensuite dit qu'il n'était pas sur les
18 lieux du crime, là l'identification pourrait être une falsification de
19 cette revendication du suspect; donc c'est un test absolument essentiel.
20 Q. Je vous remercie. Essayons de comprendre quels sont les normes ou les
21 critères employés pour déterminer si un témoin qui fait une reconnaissance
22 se rappelle de ce qu'il a vu. Qu'est-ce qui se passe ? Quels sont les
23 critères ? Là je ne parle pas de l'identification, mais on parle ici de la
24 reconnaissance.
25 R. Pour ce qui est de la reconnaissance il y a deux choses importantes.
26 Tout d'abord, si le témoin dit que c'est une personne qu'il connaît, il
27 faut d'abord savoir à quel point le témoin connaît le suspect, savoir
28 comment le témoin a eu vent de l'apparence physique du suspect et de son
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1 nom.
2 Deuxièmement, s'ils se sont vraiment rencontrés sur la scène du crime, il
3 faut arriver à déterminer quelles étaient les conditions dans lesquelles le
4 témoin a vu le suspect. Il faut savoir à quelle distance il était et quel
5 était l'éclairage. A quelle distance a-t-il vu le suspect et qu'elles
6 étaient les conditions d'éclairage. S'il l'a vu de très loin ou s'il
7 faisait trop noir, là bien sûr le témoin n'a pas bien pu voir l'apparence
8 physique du suspect.
9 Q. Y a-t-il des standards bien reconnus en ce qui concerne la distance ?
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Nicholls.
11 M. NICHOLLS : [interprétation] J'ai une objection à une question. Dans le
12 rapport que j'ai reçu, il n'y absolument rien à propos de critères, de
13 tests que l'on appliquerait aux témoins qui sont chargés de faire une
14 reconnaissance. On ne parle pas de normes d'éclairage, de normes de
15 distance. Il y a des références sur le rapport disant que la lumière est
16 importante, l'éclairage est important, il faut que le témoin ait pu voir
17 quelque chose, mais il n'y a absolument rien sur des tests ou des critères,
18 alors c'est tout nouveau pour moi.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Ostojic, avez-vous quelque chose
20 à dire ?
21 M. OSTOJIC : [interprétation] Je pense que mon éminent confrère a besoin de
22 se repencher sur le rapport en effet. Ces critères sont là et se trouvent
23 dans les notes de pied de page, dans certains articles cités. Ce sont des
24 standards qui sont connus par tous. Et d'ailleurs nous allons, je le pense,
25 les étudier.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est peut-être d'avoir utilisé le mot
27 "vérification" qui embrouille un peu les choses.
28 M. OSTOJIC : [interprétation] J'ai parlé d'une batterie de tests, de
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1 standards, de critères, tout ça c'est pour la reconnaissance.
2 M. NICHOLLS : [interprétation] Il est vrai qu'il y a des citations et deux
3 articles, mais ce n'est pas la même chose qu'une opinion d'expert. En fait,
4 ce ne sont que des références.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Certes, mais je me souviens quand même
6 que quand ce témoin a déposé la semaine dernière, je m'en souviens très
7 bien, il nous a expliqué les critères qui étaient appliqués et qui ont été
8 développés au cours des années. Et il nous a dit que ces critères étaient
9 assez normalisés et employés pratiquement partout. Quant à savoir si on les
10 appelle standards, critères ou vérifications en place, ce qui est
11 important, c'est qu'il nous parlait de la procédure employée pour les
12 reconnaissances, c'est tout. Fin. Professeur, avant que nous décidions sur
13 cette question épineuse, pouvez-vous nous dire à peu près quelle est votre
14 réaction à cette objection qui a été soulevée, c'est-à-dire la base des
15 objections ? Est-ce que vous pouvez répondre ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, tout à fait. C'est la page 3 de
17 mon rapport. J'ai décrit la chose suivante, et je cite : "Lorsque l'on
18 enquête sur ce qu'a dit une personne habituée doit être faite par une
19 analyse bien précise des conditions dans lesquelles l'observation s'est
20 faite. C'est à la deuxième ligne, je crois, à la page 3. Donc je vais vous
21 parler exactement de cette analyse détaillée et précise de ce qu'elle
22 implique. Bien entendu, la perception d'une personne dans une situation
23 donnée, qu'il connaisse ou qu'il ne connaisse pas le suspect, cela dépend
24 tout d'abord des conditions dans lesquelles il peut percevoir quoi que ce
25 soit. Ensuite, le témoin va décider s'il s'agit d'une personne connue ou
26 non connue, mais cela ne peut venir qu'en deuxième lieu, après qu'il ait
27 perçu la personne, si je puis dire. Donc dans les deux situations, que la
28 personne soit connue au départ ou pas connue, la perception de ce que le
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1 témoin a vu, entendu ou perçu est essentielle, et c'est ce qui vient en
2 premier en fait. Et de plus, c'est la même chose, qu'il connaisse ou qu'il
3 ne connaisse pas la personne. Je l'ai d'ailleurs décrit deux fois dans le
4 rapport. Mais --
5 M. NICHOLLS : [interprétation] Certes, certes, mais quand même les règles
6 de parades d'identification sont extrêmement bien précisées dans le
7 rapport, mais les standards - mais enfin, il y a certains critères aussi,
8 mais il y a absolument aucune référence à une distance minimum, à un
9 éclairage minimum, et cetera.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais enfin ça ne va pas changer
11 quoi que ce soit de toute façon, et le professeur a répondu à la question.
12 En tout cas, à mon avis, il y a répondu. Je ne sais pas s'il peut vraiment
13 nous fournir des informations supplémentaires, n'est-ce pas ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, j'étais en train de répondre. J'étais
15 en train de décrire l'importance de la distance, la distance qui séparait
16 le témoin du suspect lors de leur rencontre.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivez, poursuivez. Poursuivez de
18 toute façon, et répondez à la question. On verra.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous l'ai déjà dit, les deux facteurs
20 essentiels pour juger les conceptions dans lesquelles la perception s'est
21 effectuée, c'est la distance d'un côté et l'éclairage. J'ai cité deux de
22 mes publications d'ailleurs, qui sont des études toutes les deux, portant
23 sur la capacité qu'ont les gens à percevoir les visages d'autres personnes
24 selon la distance qui les sépare et selon les conditions d'éclairage. Donc
25 il y a deux articles, l'un sur les personnes connues et l'autre sur la
26 reconnaissance de personnes inconnues.
27 M. OSTOJIC : [interprétation]
28 Q. Je -- là on parle de l'éclairage, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Donc il y a distance et éclairage; c'est bien cela ?
3 R. Oui, tout à fait. C'est bel et bien l'éclairage, puisque visiblement,
4 en anglais, ça n'a pas été très bien compris. Puis-je poursuivre ?
5 Q. Allez-y.
6 R. Donc ce qui est important dans les deux articles que j'ai écrits, c'est
7 que la difficulté à percevoir les traits d'un visage, bien, sont les mêmes
8 qu'on connaisse la personne ou pas au départ, et ça dépend vraiment de la
9 distance et de l'éclairage. Donc, je crois, que cela répond à la question
10 des Juges. Alors, ce n'est pas uniquement une conclusion logique, c'est
11 aussi une conclusion à laquelle je suis arrivée suite à des recherches
12 empiriques.
13 Q. Y a-t-il des lignes directrices pour ce qui est, par exemple, d'une
14 distance qui serait en mètres ?
15 R. Ecoutez, dans mes études j'ai déterminé qu'entre 0 et 12 mètres, il est
16 très facile de percevoir l'autre personne. La perception est parfaite. Au-
17 delà de 20 mètres, là, en revanche, la perception n'est vraiment pas très
18 bonne, ce qui ne signifie pas du tout qu'on ne peut pas reconnaître qui que
19 ce soit à 20 mètres de distance, mais que la probabilité de faire une
20 erreur augmente de façon importante à cette distance.
21 Q. Et entre 12 et 20 mètres ?
22 R. Là, c'est là où on commence à avoir des doutes. C'est là où on commence
23 à ne plus être vraiment certain. Au-delà de 20 mètres, vraiment, ça devient
24 assez hasardeux. En dessous de 12 mètres c'est presque certain, et entre 12
25 et 20 mètres, là, on est dans la fourchette où le problème commence à
26 émerger. Je suis désolé, il n'y a pas de critères bien définis, mais la
27 science marche comme ça, hélas.
28 Q. Y a-t-il d'autres facteurs pour déterminer ou pour vérifier la
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1 catégorie des témoins qui ont reconnu quelqu'un ? Tout d'abord, y a-t-il
2 des facteurs comme, par exemple, la taille ou d'autres caractéristiques qui
3 permettent de reconnaître une personne ?
4 R. Vous avez parlé de la taille. Je crois que la taille, ça vient plus
5 tard. Il y a quand même d'abord la distance, puis l'éclairage, ensuite le
6 troisième facteur à prendre en compte dans l'ordre, c'est la durée pendant
7 laquelle la personne a pu observer le suspect, si c'était en un quart de
8 seconde, ou s'il a eu des minutes, voire des heures pour voir le suspect.
9 Ensuite, sous quel angle il l'a vu, s'il la vu que de dos, que de côté, de
10 profil. Quand on voit une personne que de profil alors que la plupart des
11 planches photographies sont de face, il est très difficile de reconnaître
12 quelqu'un qui était de profil. Donc il est important de savoir sous quel
13 angle le témoin a vu le suspect, si c'était de dos, de profil ou de face.
14 Ensuite, il faut savoir si le témoin était calme et pouvait faire ces
15 observations de façon calme ou si, comme dans l'affaire Kupreskic le témoin
16 était en train d'essayer de s'enfuir et de prendre ses jambes à son cou, si
17 je puis dire. Ensuite, il faudrait savoir aussi si le témoin s'attendait à
18 voir ce suspect-là, parce que dans ce cas-là, cela peut rendre la
19 reconnaissance plus facile, si les conditions sont mauvaises, s'il est loin
20 ou si les conditions d'éclairage sont mauvaises. On peut voir ce à quoi il
21 s'attendait en fait. Donc il faut prendre cela en compte aussi.
22 Vous avez parlé de la taille. Je vais y répondre en élargissant un
23 peu la question. Dans les descriptions que font les gens, puisque
24 d'habitude on leur pose toujours des questions à ce propos, on leur demande
25 souvent quelle était la taille de la personne, comment était-il, quelle
26 était soit sa corpulence et quel est son âge ? Quand on perçoit une
27 personne, on n'arrive pas vraiment à déterminer sa taille en centimètres.
28 On ne peut pas déterminer non plus exactement son âge ou s'il est gros,
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1 enfin, et son poids. Donc quand on demande à des témoins à répondre à ce
2 type de questions, on leur demande vraiment de faire des conjectures, faire
3 des estimations sur un trait qu'ils n'ont pas vraiment perçu. Donc en règle
4 générale, je dois dire que selon le type de conjecture, je considère qu'il
5 y a une marge de tolérance d'au moins 5 centimètres, 5 kilos et 5 ans.
6 Parfois même on en arrive à une marge d'erreur qui est deux fois plus
7 grande; 10 centimètres, 10 kilos, 10 ans.
8 Donc si la différence entre ce que dit le témoin et le suspect qu'il
9 a soi-disant vu est plus importante que 10 centimètres, 10 kilos ou 10 ans,
10 là on doit commencer à se demander s'il a bel et bien vu cette même
11 personne, on va commencer à se demander si ce n'est pas quelqu'un d'autre
12 qui l'aurait vu. On en est à nouveau dans ce flou, dans cette période grise
13 où on n'est pas certain, dans cette --
14 Q. Donc quand il y a cette marge d'erreur de 5 kilos, 5 ans, 5 centimètres
15 par rapport à la marge d'erreur de 10 centimètres, 10 kilos et 10 ans, est-
16 ce que c'est encore là aussi une zone de flou ?
17 R. Ecoutez, entre 5 et 10 centimètres ou 5 à 10 ans, 5 à 10 kilos, c'est
18 une erreur courante, ça arrive tout le temps. Ce n'est pas une exception
19 qui fait que l'on devrait tout de suite s'inquiéter. Donc ça arrive très
20 souvent, en fait, qu'il se trompe. Donc ça ne suffit pas pour en conclure
21 qu'il y a une erreur d'identification. Au-delà de 10, en revanche, là,
22 c'est une hypothèse que l'on doit absolument prendre en compte pour arriver
23 à déterminer qu'il s'agit d'une personne différente.
24 Q. Merci beaucoup. Nous avons parlé de l'âge, de la taille et du poids de
25 la personne. Mais dites-nous, quel est un autre facteur important après la
26 distance et l'éclairage, vous avez dit le temps, le temps d'observation.
27 Quelle est l'importance de ceci ? Je crois que nous pouvons logiquement
28 évaluer et comprendre le tout. Mais d'après votre expérience quelle est la
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1 norme de cette durée d'observation ?
2 R. Bien, le temps n'est qu'un facteur indicatif d'un facteur psychologique
3 et c'est en fait la concentration, l'attention qu'on y met. Si vous voyez
4 un très grand nombre de personnes qui passent et qu'une personne en
5 particulier est visible pour quelques secondes, il n'y a absolument aucune
6 garantie que vous avez vraiment porté attention sur cette personne. Et si
7 vous ne vous êtes pas concentré, si vous n'avez pas porté votre attention
8 sur cette personne, vous ne pouvez pas percevoir la personne et donc aucune
9 information n'est entreposée dans votre mémoire.
10 En revanche, si vous rencontrez une personne et vous lui parlez pendant
11 plusieurs heures, l'attention n'est pas un problème. Vous avez sans doute
12 porté attention sur cette personne, à ce moment-là ce qui veut dire que
13 vous avez eu l'occasion, pleinement l'occasion de voir la personne et
14 d'entreposer l'information quant à son apparence, quant à son aspect
15 physique dans votre mémoire. Donc le temps et l'attention sont importants.
16 Alors, c'est une bonne question de poser à un témoin combien de temps ils
17 ont vu la personne, pendant combien de temps. Mais en tant que psychologue,
18 c'est très important car le temps nous parle de l'attention en fait.
19 Q. Alors, sur la base de degré raisonnable de certitude, quelle est
20 l'importance du temps que l'on passe avec une personne ? Est-ce qu'il a une
21 différence, est-ce que le temps, en fait, est différent ? Par exemple, le
22 plus de temps que vous passez avec une personne, peut-on conclure qu'il est
23 plus probable que vous vous rappellerez de cette personne, ou si vous
24 passez moins de temps avec une personne ceci, on ne peut pas penser qu'on
25 peut reconnaître cette personne ?
26 R. Si vous parlez d'entrevoir une personne rapidement, dans certains pays
27 ceci n'est pas permis. Car le fait de dire que vous n'avez vu une personne
28 que très rapidement, de passage, ceci veut dire que vous n'avez pas pu
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1 entreposer dans votre mémoire réellement les caractéristiques et les traits
2 de la personne.
3 Si on parle de situation, par exemple, dans laquelle vous êtes entretenu
4 avec une personne, ceci n'est pas un survol rapide, vous n'avez pas vu une
5 personne de passage, rapidement, vous devez vous regarder, vous devez
6 regarder la personne en face. Je ne dis pas que vous ne pouvez pas, que
7 l'on ne peut pas vraiment reconnaître une personne de passage, comme ça
8 rapidement, lorsqu'on la regarde rapidement, mais ça devient très risqué de
9 parler d'une perception d'une personne précise si le temps pendant lequel
10 on a vu la personne est très court, donc ça devient un risque. Il y a une
11 possibilité que la perception précise est amoindrie.
12 Q. Très bien. Nous avons parlé de quelques règlements la semaine dernière.
13 J'aimerais particulièrement que l'on parle du règlement numéro 2, donc
14 "transfert inconscient." J'aimerais que l'on parle de ceci. Alors parlez-
15 nous de cette règle-là.
16 R. Un transfert conscient ou inconscient, parlons maintenant du transfert
17 inconscient. Ce transfert se manifeste normalement dans une parade
18 d'identification lorsqu'on présuppose que l'accusé qui est montré parmi des
19 distracteurs dans une parade d'identification est soit une personne que le
20 témoin n'a jamais vu ou une personne qui a été vue sur la scène du crime en
21 fait.
22 Q. Oui, poursuivez. Excusez-moi.
23 R. Donc le risque est le suivant : c'est que le témoin a, en fait, vu
24 l'accusé ailleurs et non pas sur la scène du crime, mais ailleurs; peut-
25 être sur un tableau ou lorsqu'il voyageait à bord d'un train, que la
26 personne était assise en face de lui. Si le témoin ne se rend pas compte
27 avoir -- ou il est possible que le témoin ne se rende pas compte qu'il ait
28 vu cette personne ailleurs, mais en réalité, lorsque le témoin regarde la
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1 planche photographique et se rend compte qu'une seule personne a un air
2 familier, il peut montrer cette personne et peut dire ceci, c'est la
3 personne que j'ai vue sur la scène du crime. Mais inconsciemment, ce que le
4 témoin est en train de faire, et c'est pour ceci que cette règle s'appelle
5 un transfert inconscient, c'est un transfert qui, selon lequel, on
6 transfert la rencontre dont il a oublié, par exemple, un tableau, panneau,
7 de pub ou dans le train, alors le témoin dit non, c'est parce que voilà je
8 l'ai vue sur la scène du crime.
9 Donc l'une des conditions pour qu'une planche photographique rencontre les
10 tests, c'est que la planche photographique, il faut être absolument certain
11 qu'il n'y ait pas d'autres lieux possibles le témoin aurait pu voir
12 l'accusé outre cette rencontre ou cette rencontre, oui, sur une scène du
13 crime décrite dans l'acte d'accusation.
14 Q. Très bien. Merci. Afin que nous puissions tous mieux comprendre et que
15 tout soit limpide, nous avons parlé d'identification, la catégorie, c'est
16 une catégorie c'est celle-ci contrairement à la reconnaissance. Mais
17 qu'est-ce qui arriverait, par exemple, si un Procureur ou un enquêteur
18 montre à un témoin qui tombe sur la catégorie d'identification d'autres
19 photographies et non pas une planche de photographies mais simplement des
20 photographies ou des vidéos de la personne que ces derniers prétendent
21 avoir vue, quel effet est-ce que ceci peut avoir sur la déclaration de la
22 personne - et je crois que vous en avez parlé dans votre règlement et vous
23 avez parlé de non-pertinence dans le premier paragraphe de votre rapport,
24 c'est le dernier mot, en fait, du paragraphe. Je vais, bien sûr, vous
25 permettre de répondre à cette question - mais si j'ai bien compris votre
26 paragraphe ceci n'est pas fiable ?
27 R. Vous me posez une question fort compliquée.
28 Je ne suis pas tout à fait certain de pouvoir comprendre qu'il s'agisse
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1 effectivement d'une seule question. Mais permettez-moi d'y répondre. Ce que
2 j'ai dit dans mon rapport c'est que le témoin, un témoin peut être honnête
3 à 100 % lorsqu'il dit, Je crois avoir rencontré cette personne sur la scène
4 du crime et c'est pour ceci que je suis dans la mesure de l'identifier sur
5 la planche photographique. Mais si, en réalité, le témoin a vu cette
6 personne ailleurs et l'aurait oubliée, à ce moment-là, vous pouvez poser la
7 question, vous pouvez demander au témoin, Est-ce que vous êtes certain que
8 vous n'avez pas vu cette personne ailleurs ? Et un témoin très honnête peut
9 dire, Je suis tout à fait certain, je n'ai jamais vu cette personne
10 ailleurs; mais le témoin pourrait se tromper quand même.
11 Donc ça ne sert à rien de demander aux témoins qui procèdent au test
12 d'identification par planche photographique, de savoir s'ils sont
13 absolument certains de ne pas avoir vu cette personne ailleurs et qu'ils
14 aient vu cette personne seulement sur la scène du crime. Même si c'est la
15 condition principale et primordiale pour effectuer le test, on ne peut pas
16 vérifier si c'est le cas en posant simplement la question au témoin. Il
17 faut enquêter la chose, il faut s'enquérir de d'autres façons.
18 Par exemple, dans une autre affaire où j'ai témoigné, l'un des
19 accusés était une personne dont le visage était connu par toutes sortes de
20 personnes parce que son visage apparaissait à la télévision sur des
21 tableaux de pub, parce que cette personne voulait devenir un politicien,
22 donc les personnes connaissaient déjà son visage. En posant la question à
23 savoir est-ce que vous êtes absolument certain de ne pas avoir vu cette
24 personne ailleurs, ceci n'est pas la bonne façon de résoudre ce problème.
25 Vous devez vous-même, dans le cadre de votre enquête, vous assurer que la
26 personne en question n'a jamais été présentée au témoin d'autres façons,
27 que le témoin n'ait pas pu le voir d'autres façons.
28 Q. Je vous remercie. Je voudrais toutefois que l'on s'en tienne au
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1 transfert inconscient. De quelle façon est-ce que nous pouvons savoir si un
2 témoin qui tombe sous la catégorie d'identification a fait l'objet d'un
3 transfert inconscient ?
4 R. Logiquement parlant, les enquêtes ne peuvent jamais exclure la
5 possibilité logique qu'il y ait eu une autre rencontre. Seul Dieu peut le
6 savoir. Mais d'autre part, l'enquête peut apporter à la lumière ces autres
7 situations, et à ce moment-là la réponse est là. Pour vous donner un
8 exemple, si au cours de l'enquête et avant le test de la planche
9 photographique les enquêteurs eux-mêmes ont montré des photographies de
10 l'accusé au témoin, nous savons qu'il y a eu une rencontre précédente. Et à
11 ce moment-là, la planche photographique, comme test d'identification,
12 devrait être exclue.
13 Donc je ne vous dis pas qu'une enquête peut absolument garantir
14 qu'une rencontre précédente n'a pas eu lieu; mais d'autre part, il arrive
15 que les enquêtes révèlent que le témoin a vu la personne ailleurs.
16 Q. Essayons d'appliquer cette règle. Je sais que vous allez devoir
17 appliquer votre règle numéro 5. Je sais que vous avez également vos notes
18 là. Je vais parler maintenant de M. Egbers, c'est un membre du Bataillon
19 néerlandais, comme nous le savons tous. Maintenant, en tenant compte de ce
20 transfert important, si vous vous rappelez de son témoignage, est-ce que
21 les enquêteurs lui ont demandé de donner une description ou lui a-t-on
22 simplement montré des vidéos sept à huit fois, des vidéos qui semblent
23 tomber dans la description générale de ce qu'il avait dit avoir vu. Dites-
24 nous, s'il vous plaît, si c'était une façon adéquate de procéder ?
25 M. NICHOLLS : [interprétation] Directrice, Monsieur le Président. Je vais
26 commencer à formuler des objections pour ce qui est des questions
27 directrices.
28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Ostojic.
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1 M. OSTOJIC : [interprétation] Examinez la question, s'il vous plaît. C'est
2 une question tout à fait juste, elle n'est pas du tout directrice. Je ne
3 dis pas que l'Accusation a fait quelque erreur que ce soit. Cela figure
4 dans son rapport, je pose une question très simple et très directe, mais
5 d'accord je vais reformuler ma question pour qu'il n'y ait pas
6 d'interruptions.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.
8 M. OSTOJIC : [interprétation]
9 Q. Professeur, est-ce que vous avez examiné le témoignage de M. Egbers,
10 c'est un témoin qui a déposé ici ?
11 R. Oui.
12 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si selon votre analyse,
13 quelle est la catégorie pour ce qui est de la reconnaissance ou de
14 l'identification, sous quelle catégorie est-ce que son identification tombe
15 ?
16 R. Selon mes notes, je peux lire que le témoin, M. Egbers, a dit qu'il
17 avait été présenté à une reprise à M. Beara. C'était la première fois qu'il
18 l'a rencontré, à ce moment-là ce n'était pas une personne qu'il
19 connaissait. C'était une personne qui lui était tout à fait inconnue. M.
20 Egbers a dit que Beara s'est présenté lui-même, et Egbers a également
21 ajouté qu'il n'a pas porté très attention; il l'a vu simplement pendant
22 quelques minutes.
23 Donc ceci, selon moi, est une situation idéale pour présenter un test
24 par identification photographique à cause de deux choses. D'abord, il était
25 un inconnu avant qu'il ne se présente, donc il peut passer de façon
26 positive le test de la planche photographique seulement si la personne
27 qu'il a vue était réellement M. Beara; à ce moment-là, il aurait pu
28 l'identifier dans le cadre du test. Deuxièmement, sa déclaration semble
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1 laisser quelque place pour un doute. Il dit que leur rencontre n'a pas duré
2 très longtemps. Il a dit : Je n'ai pas porté très attention à lui. Donc on
3 pourrait se poser la question, qui a-t-il réellement vu ? La personne s'est
4 présentée comme étant M. Beara, mais plus tard il a ajouté qu'il a déjà vu
5 un gigantesque colonel qui aurait pu être Beara aussi. Donc ceci peut être
6 résolu également en lui demandant de procéder par identification par
7 planche photographique, selon moi, cela résout ce problème. S'il est en
8 mesure de l'identifier, c'est probable qu'il ait réellement vu M. Beara.
9 Sinon, nous ne savons pas qu'il l'a rencontré. Nous savons en tout cas
10 certainement qu'il n'a pas de souvenir très précis de lui.
11 Q. Selon le meilleur de votre connaissance, selon les documents qui ont
12 été présentés, est-ce que les enquêteurs ont montré des planches
13 photographiques au témoin ou des vidéos, ont-ils appliqué un processus
14 d'identification quelconque ?
15 R. Selon mes notes, je peux lire qu'on lui a montré des vidéos, pas de
16 photos toutefois, et que la séquence vidéo était très courte d'un événement
17 qui s'est déroulé et la scène qui est montrée n'a jamais été compilée de
18 façon à faire une parade d'identification concrète. Il n'y avait pas de
19 distracteurs. Donc je ne sais pas quel était le but de montrer la vidéo au
20 témoin, je ne sais pas pourquoi on a procédé de la sorte. Mais je peux
21 simplement vous assurer que le fait de montrer une séquence vidéo ne peut
22 pas remplacer une parade d'identification, ne peut pas remplacer le test
23 par planche photographique non plus.
24 Q. Professeur, vous rappelez-vous combien de fois l'Accusation a montré
25 cette courte séquence de vidéo à M. Egbers ?
26 R. Non, je ne sais pas à combien de reprises -- vous voulez dire combien
27 de fois ? Je ne sais pas, c'était une vidéo très courte, mais je ne sais
28 pas à combien de reprises.
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1 Q. M. Egbers dit dans son témoignage qu'on lui a montré la vidéo sept à
2 huit fois avant qu'il n'arrive à évaluer si effectivement c'était la
3 personne qu'il a effectivement vue. C'est à la page 2 850 du compte rendu
4 d'audience. C'est à ce moment-là que l'on peut le lire.
5 R. Oui, je vois qu'il est marqué de sept à huit fois.
6 Q. Consulter votre tableau pourrait vous aider sans doute à nous
7 expliquer.
8 R. Montrer à quelqu'un une vidéo huit fois, selon moi, ne change en rien
9 mon opinion sur le fait qu'une telle séquence vidéo ne peut pas être
10 présentée à la place d'un test par planche photographique. Maintenant votre
11 question est de savoir qu'est-ce que ceci veut dire si M. Egbers n'a même
12 pas pu identifier une quelconque personne sur la séquence vidéo et qu'il ne
13 peut le faire seulement qu'après l'avoir vu sept à huit fois; il m'est bien
14 difficile de vous dire ce que cela veut dire réellement, car il faut avoir
15 une description très précise de la situation en question. Je vais devoir
16 élaborer un peu là-dessus. Lorsque l'on présente un test de planche
17 photographique, ceci est quelque chose de très normalisé. Nous savons
18 exactement ce qui doit être fait, à combien de reprises est-ce qu'il faut
19 montrer le tout, et cetera, il n'y a aucun doute sur ce qui se passe,
20 puisque la personne est là et on prend des notes. Maintenant, si vous
21 commencez à montrer des vidéos ou d'autres façons vous instaurez un autre
22 protocole, nous ne savons pas ce qui se passe réellement.
23 Donc dans ce cas-ci, j'aurais voulu savoir pourquoi ont-ils montré la
24 séquence vidéo de sept à huit fois. Est-ce qu'ils lui ont dit : Nous allons
25 vous montrer une séquence qui est très rapide, ne répondez pas, nous allons
26 vous la montrer à quelques reprises, ne répondez pas ? Est-ce que la raison
27 pour laquelle il n'a pas répondu est parce qu'on lui a dit : Ne répondez
28 pas, ne dites rien ? Ou a-t-il dit après la première fois : je ne reconnais
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1 absolument personne; et ensuite, ils lui ont dit : Nous allons vous montrer
2 la séquence de nouveau et de nouveau ? Est-ce que le témoin a nié
3 reconnaître quelqu'un pendant sept à huit fois ? En fait, avant qu'un
4 expert puisse conclure quoi que ce soit, il faut avoir d'autres détails.
5 Je n'ai pas pu donner suite à cet aspect du dossier quant à la
6 déposition de M. Egbers, car selon moi la chose la plus importante, c'est
7 qu'on ne n'a pas montré à M. Egbers un test conforme de planche
8 photographique; il aurait été selon moi le témoin idéal pour faire cela.
9 Q. Nous avons parlé de règles, nous avons essayé d'appliquer vos règles,
10 mais pour ce que vous venez de nous dire dites-nous, quelle est
11 l'importance de bien préparer les questions que l'on peut poser à quelqu'un
12 comme M. Egbers. J'aimerais attirer votre attention sur votre propre règle
13 numéro 5. Je crois qu'ici, cette règle aurait été applicable, n'est-ce pas,
14 et corrigez-moi si je me trompe.
15 R. Voici. C'est effectivement très étroitement lié à ce que j'ai déjà dit.
16 Le test adéquat de la planche d'identification est très bien défini. Les
17 instructions qui sont données au témoin ont été étudiées partout dans le
18 monde, et tout le monde est d'accord pour dire ce qu'il faut dire au témoin
19 et ce qu'il ne faut pas dire au témoin.
20 Le témoin doit d'abord décrire une personne, ensuite on lui pose une
21 question et on lui montre la planche photographique, et on lui dit : La
22 personne que vous venez de nous décrire, est-ce que cette personne se
23 trouve sur cette planche photographie, oui ou non ?
24 Q. Est-ce que ce sont des questions que l'Accusation a posées à M. Egbers
25 ?
26 R. Le fait de montrer une séquence vidéo, ceci n'est pas un test par
27 planche photographique, ce n'est pas un test d'identification fiable.
28 Donc l'un des aspects les plus importants lorsqu'on donne une
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1 instruction au témoin quant à la planche photographique, c'est de dire au
2 témoin : Ne vous livrez pas à des conjectures. Si vous ne reconnaissez pas
3 une personne immédiatement, n'essayez pas de vous livrer à des conjectures.
4 Montrez seulement l'une de ces personnes et faites-le seulement si vous
5 êtes absolument certain d'avoir reconnu la personne.
6 Maintenant, si vous montrez à quelqu'un une séquence vidéo en lui posant la
7 question : est-ce que vous reconnaissez une personne sur cette séquence
8 vidéo ? Il aurait au moins fallu dire au témoin : Ne vous livrez pas à des
9 conjectures, et ces instructions auraient dû être enregistrées, c'est-à-
10 dire il aurait fallu y avoir un PV de ces instructions. Nous savons que la
11 proportion de fausses identifications s'élève de façon dramatique si cette
12 phrase très simple, "ne vous livrez pas à des conjectures," n'a pas été
13 donnée en guise d'instruction.
14 Q. Professeur, puisque nous parlons du témoin Egbers - vous l'avez
15 mentionné dans votre rapport, et je sais que je saute un peu - dans votre
16 rapport, à la partie qui s'appelle "autres tentatives d'identification",
17 qui fait partie du tableau numéro 2, section 3 de votre rapport, vous
18 parlez de deux autres témoins que l'Accusation avait appelés, Babic et
19 Erdemovic, ainsi que M. Egbers. Dans ce passage, vous nous avez expliqué
20 que plusieurs règles avaient été violées selon vous quant à la procédure
21 qu'a employée l'Accusation pour identifier le témoin, y compris M. Egbers.
22 Nous parlons maintenant de la règle 5. En parlant de M. Egbers, quelles
23 sont les autres règles qui ont été violées par rapport à l'identification
24 et aux instructions ?
25 R. Si vous montrez, par exemple, une vidéo à M. Egbers, c'est ceci qui
26 vous préoccupe ? C'est cette situation-ci ?
27 Q. Etant donné que l'on vient de parler de ceci et pour être juste envers
28 l'Accusation, vous avez lu le compte rendu d'audience, et je crois qu'au
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1 compte rendu d'audience on peut lire que l'Accusation a dit au témoin qu'un
2 dénommé Beara faisait l'objet d'une enquête.
3 R. Oui.
4 Q. Et nous savons maintenant l'importance de cette phrase et le fait qu'on
5 ait enfreint les règles en lui montrant cette vidéo, quelles sont les
6 autres violations ?
7 R. Si la situation est la suivante, si M. Egbers avait prétendu avoir
8 rencontré l'accusé M. Beara à une seule reprise, donc qu'il ne l'avait
9 jamais rencontré avant et qu'il ne l'ait plus jamais rencontré après, à ce
10 moment-là les conditions pour le test de la planche photographie peuvent
11 être appliquées.
12 On peut maintenant parler d'une deuxième condition : est-ce que M.
13 Egbers aurait dû donner une description de la personne qu'il a vue et qui
14 est suffisamment détaillée pour choisir des distracteurs qui peuvent tomber
15 dans la même description ? Alors la règle 3 peut être pertinente dans la
16 mesure où il n'est pas absolument certain que Egbers ait donné une
17 description précise de la personne qu'il avait rencontrée.
18 La règle 4, on a enfreint cette règle-là, puisque toutes les autres
19 personnes qui figurent dans la vidéo ne sont pas des distracteurs dans le
20 sens où ils auraient été choisis conformément à la description qui avait
21 été donnée par M. Egbers.
22 Q. A ce moment-là, est-ce que vous appelleriez ceci une vidéo directrice ?
23 Je ne sais pas si vous comprenez ce terme, est-ce que l'on pourrait dire
24 qu'il s'agit d'une planche photographique directrice ?
25 R. Oui. Une planche directrice, c'est lorsqu'une seule personne conforme à
26 la description donnée par le témoin est montrée, alors que les autres
27 personnes ne sont pas des vrais distracteurs, ne correspondent pas du tout
28 à la description. Donc l'attention du témoin n'est concentrée que sur une
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1 seule photo. Et c'est une situation très directrice, car à ce moment-là si
2 le témoin a une tendance à se livrer à des conjectures, il va montrer la
3 seule et unique personne qui correspond à cette description.
4 Donc la règle 5 est pertinente, car nous ne savons pas quelles ont été les
5 instructions car elles n'ont pas été enregistrées; elles doivent l'être
6 normalement.
7 Q. Professeur --
8 R. C'est pourquoi je dis que le fait de montrer un événement télévisé
9 n'est pas la même chose que de montrer une planche photographique bien
10 conçue, bien construite.
11 Q. Merci beaucoup. Maintenant, parlons du témoin Erdemovic, nous en avons
12 parlé un peu la semaine dernière en parlant du 1er mai 2007, on lui a montré
13 une planche photographique, c'est un autre accusé dans cette affaire. Je ne
14 vais pas vous montrer si cette planche photographique a été employée de
15 façon adéquate, mais il y avait une autre stipulation, je crois, que vous
16 avez écrit dans les documents que vous avez examinés qui impliquaient M.
17 Beara et le témoin Erdemovic. Est-ce que vous vous souvenez de ce matériel
18 que vous avez passé en revue ?
19 R. Oui.
20 Q. Quant à la photographie qui a été montrée à M. Erdemovic, est-ce que
21 vous pouvez nous dire si cette photographie-là, pour vous rappeler, il y
22 avait cinq individus, ce n'était pas une planche photographique proprement
23 dite, mais on lui a montré une série de photographies. Est-ce que ceci est
24 très directeur ?
25 R. Oui, oui, effectivement c'est la photographie que l'on m'a montrée lors
26 de dernière séance lorsque vous voyez un colonel qui est là, il est assis
27 parmi d'autres soldats plus jeunes. Le grade de ce colonel peut être vu
28 clairement. Donc il a une personne qui est plus âgée. Non pas seulement ça,
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1 mais il y a une personne qui est clairement le dirigeant, le leader par la
2 façon dont il est là, il est assis, donc il prend beaucoup d'espace,
3 beaucoup de place. Il est tout à fait clair, il découle très clairement que
4 par là qu'une personne ordinaire ne pourrait pas faire cela, ne pourrait
5 pas pousser son propre colonel et donc il faudrait comprendre clairement,
6 il faudrait que toute personne comprenne clairement, toute personne qui
7 voit ces photos pour la première fois, il est tout à fait clair de savoir
8 qui est le colonel, qui est le dirigeant là, qui est le leader. Il n'y a
9 qu'une personne qui peut correspondre à cette description car il a un port,
10 il se porte d'une certaine façon, il est assis d'une certaine façon,
11 également il porte des insignes. Maintenant à savoir si c'est le témoin --
12 et le témoin décrit cette personne-là également de cette façon-là, le
13 colonel qui était en charge, qui était plus âgé que les autres soldats, car
14 il était dans la cinquantaine, c'est un homme dans la cinquantaine. Donc
15 cette photographie démontre exactement ce que représente une identification
16 directrice, car il n'y a qu'une seule personne qui correspond à la
17 description ?
18 Q. Pourquoi alors l'Accusation ou les enquêteurs de l'Accusation auraient
19 fait avec ce témoin, dans les circonstances particulières avec le témoin
20 Erdemovic, donnerait une planche photographique dans un cas et non pas pour
21 M. Beara, alors que nous savons très bien que le témoin n'avait pas
22 identifié M. Beara ? Alors même que la planche photographique était
23 extrêmement directrice ? Pourquoi pensez-vous que l'Accusation n'avait pas
24 élaboré une planche photographique appropriée dans le cas de ce témoin ?
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, avant de
26 répondre.
27 M. NICHOLLS : [interprétation] Vous avez répondu. Merci, Monsieur le
28 Président.
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1 Q. Aidez-moi, s'il vous plaît. Par rapport à ce témoin et cette planche
2 photographique, je sais que vous ne l'avez pas examinée en tant que telle
3 pour voir si elle était appropriée ou pas, vous l'avez regardée pour voir
4 s'il y avait la photo de M. Beara. Connaissez-vous l'importance de ce type
5 de planche photographique qui serait montrée lorsqu'il présente de manière
6 extrêmement suggestive, de manière extrêmement directrice, une personne qui
7 entraîne un transfert inconscient du témoin ?
8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, avant de
9 répondre, Professeur. En ce qui concerne la page précédente, à la ligne 20.
10 Avant mon intervention, on doit voir dans le procès-verbal un début de
11 réponse de la part du témoin. Je me souviens qu'il avait commencé à dire :
12 "Je n'avais aucun moyen de le savoir." Cela ne figure pas dans le procès-
13 verbal, or, c'est un commentaire important, car autrement elle ne comprend
14 pas l'intervention de M. Nicholls.
15 Monsieur le Témoin, vous pouvez continuer.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas absolument sûr d'avoir
17 compris la question parfaitement, mais il y a un élément important dans le
18 fait de montrer cette photo au témoin Erdemovic. M. Erdemovic est un témoin
19 qui disait avoir rencontré la personne qui jusqu'alors lui était inconnue,
20 donc on pouvait tester cette reconnaissance en lui montrant une planche
21 photographique. Mais une fois qu'il a vu la photo où se trouvait M. Beara,
22 alors que je ne peux pas vérifier qu'il s'agissait de M. Beara - je
23 comprends que c'est l'hypothèse qui sous-tend votre question - si on lui
24 montrait une photo de M. Beara, à partir de là, on ne peut pas demander à
25 M. Erdemovic de participer à une reconnaissance par planche photographie
26 par la suite. Donc le simple fait de lui avoir montré une photo, à un
27 moment donné, empêche de pouvoir l'examiner sur ce point par la suite. Donc
28 vous voyez qu'il y a un coût lorsqu'on montre des photos à des témoins
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1 avant de passer à une planche photographique.
2 M. OSTOJIC : [interprétation]
3 Q. Y aurait-il une importance particulière au fait de préparer le témoin
4 en lui montrant des photos avant de lui présenter une planche
5 photographique, est-ce que cela pourrait signifier que la reconnaissance
6 était faussée, qu'il y avait eu une reconnaissance directrice en quelque
7 sorte ?
8 R. Le risque serait que si on lui montre par la suite une planche
9 photographique, il pourrait reconnaître la photo sans se rendre compte que
10 c'est parce qu'on lui avait montré la photo et non pas parce qu'on avait vu
11 la personne dans la vie, si vous le voulez. Il aurait pu avoir oublier à
12 quel moment il l'avait vu, le reconnaître, alors même que c'est quelqu'un
13 qu'il a vu dans une photo et non pas en vrai, c'est cela le transfert
14 inconscient. C'est pourquoi soit on ne devrait pas montrer de photos au
15 témoin à qui on va demander par la suite de participer à des
16 reconnaissances par planche photographique, ou alors, à l'inverse, si vous
17 voulez, c'est justement pourquoi on utilise les planches photographiques.
18 S'il a déjà vu une photo de l'individu il faut l'exclure des
19 reconnaissances ultérieures. Au fond c'est ce qui se produit, je ne
20 critique pas la procédure. M. Erdemovic n'a pas participé dans une
21 reconnaissance par planche photographique, donc il n'y a pas eu de problème
22 sur ce plan si ce n'est que du point de vue de l'enquête ça aurait pu être
23 extrêmement utile qu'il y participe.
24 Q. J'aimerais maintenant parler du troisième individu dont vous avez parlé
25 dans votre rapport, c'était le 122, Babic. Est-ce que l'Accusation a
26 enfreint des règles en ce qui concerne les identifications faites par M.
27 Babic ?
28 R. D'après mes notes, M. Babic a dit avoir vu une personne qui lui était
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1 inconnue jusqu'alors. Il a dit qu'il avait vu un lieutenant-colonel, mais
2 il ne savait pas exactement qui était cet homme, ce colonel, il a rencontré
3 un homme d'un certain rang, si vous le voulez. Donc M. Babic aurait été un
4 témoin idéal pour participer à une reconnaissance par photo, par planche
5 photographique car il ne l'avait pas vu auparavant. Il y a un certain doute
6 concernant l'identité de la personne qu'il avait rencontrée et on aurait pu
7 lever le doute en lui montrant une planche photographique. Il a donné une
8 description : un homme blond avec peu de cheveux, de petite taille -- ou
9 plutôt des cheveux courts à l'arrière, et dégarni sur le dessus, pas de
10 moustache, pas de lunettes. C'est une description qui peut correspondre à
11 un grand nombre de personnes. Dans les photos que j'ai vues de M. Beara, il
12 a toujours porté des lunettes, et le fait qu'il a dit de façon affirmative
13 qu'il n'avait pas de lunettes, non pas le fait de ne pas en parler, mais le
14 fait de dire qu'il ne portait pas de lunettes, augmente, me semble-t-il, le
15 niveau de doute concernant l'identité de la personne qu'il a vue, et donc
16 il me semble qu'il aurait été encore plus approprié de lui demander une
17 identification par planche photographique. Il a vu également quelqu'un de
18 grand, d'assez fort, un homme dans la cinquantaine.
19 Puis on lui a montré une série de photos, et il n'a reconnu personne.
20 Pour moi, l'importance de cela, c'est qu'à partir de là, à partir du moment
21 où on lui a montré des photos qui pouvaient comprendre, je suppose, une
22 photo de M. Beara, on ne pouvait plus demander à Babic de faire une
23 identification par planche photographique.
24 Q. [aucune interprétation]
25 R. Le fait qu'il n'ait reconnu personne dans les photos est quelque peu
26 plus difficile à interpréter; est-ce qu'il aurait dû reconnaître M. Beara
27 parmi ces photos, s'il l'avait reconnu, ça dépend aussi de la qualité des
28 photos.
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1 Q. Merci beaucoup. J'aime bien parler d'occasions perdues. Mais bon, est-
2 ce qu'il y a eu d'autres occasions perdues où l'Accusation aurait pu, à
3 l'aide de planches photographiques ou toute autre méthode que vous
4 suggérez, est-ce qu'il y avait d'autres moyens qui auraient permis à
5 l'Accusation d'obtenir des témoignages et des identifications de ces
6 individus en utilisant d'autres tests d'identification ? A l'exclusion de
7 Babic et d'Erdemovic. Y en a-t-il d'autres ?
8 R. A la page 9 de mon rapport, dans le tableau, vous trouverez une liste
9 de 12 témoins. Trois on indique qui sont connus, familiers, et les autres
10 sont inconnus. Donc en principe, ces neuf auraient pu être testés à l'aide
11 d'une reconnaissance photographique. J'ai écrit en haut de la page 10 les
12 chiffres 152, c'est-à-dire PW 162, et au numéro 1 [comme interprété] M.
13 Peric. Ils n'auraient pas dû être testés, puisque après leur rencontre ils
14 auraient pu avoir eu d'autres occasions de voir ou de connaître M. Beara,
15 et cela vient enfreindre l'une des règles, l'une des conditions. Si bien
16 qu'il faut qu'il y ait eu soit aucune rencontre ou au maximum une seule
17 rencontre. Ce qui signifie qui reste sept témoins qui auraient pu être
18 testés. Vous avez parlé de M. Babic et de M. Erdemovic, ils sont deux,
19 autrement dit, il reste cinq personnes qui n'ont pas été testées, à qui on
20 n'a pas demandé de faire une identification par planche photographique.
21 Je ne suis pas en mesure d'ordonner qu'une telle identification soit menée.
22 Tout ce que je peux dire c'est que les déclarations faites par ces témoins,
23 disons, que la fiabilité de ces témoins pourrait être jugée avec plus de
24 rigueur si on avait eu les résultats de telles identifications par planche
25 photographique.
26 Q. Pour être parfaitement sûr, nous en avons parlé de trois, n'est-ce pas,
27 d'Erdemovic, de Babic et de Krstic [phon], il y en avait trois.
28 R. Oui, Egbers, en effet.
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1 Q. Je voulais juste que le procès-verbal soit clair. Le témoin Peric a
2 reçu également un numéro, c'était le 131. Donc je voudrais que le procès-
3 verbal soit parfaitement clair.
4 Passons à quelques autres aspects de la reconnaissance. Vous avez parlé de
5 catégories.
6 R. Oui. Trois disaient qu'ils avaient déjà rencontré l'individu, donc
7 c'était une personne familière. Autrement dit, on ne peut pas demander à
8 cette personne de reconnaître l'individu à l'aide de planche
9 photographique.
10 Q. Pour être parfaitement clair, autrement dit, une identification par
11 planche photographique n'est pas indiquée, si vous voulez, elle n'est pas
12 nécessaire ?
13 R. Oui [comme interprété]. Ça peut même être trompeur, puisque ce serait
14 alors facile pour ces personnes d'identifier M. Beara dans une planche
15 photographique puisqu'ils connaissent l'homme, et cela ne prouve absolument
16 pas qu'ils l'ont vu sur les lieux décrits ou au moment décrit. Donc une
17 personne qui ne connaît pas parfaitement la distinction entre quelqu'un qui
18 est familier et quelqu'un qui est inconnu, on pourrait penser que le fait
19 de le reconnaître sur une planche photographique prouve la fiabilité de la
20 déclaration, or c'est faux. Donc reconnaître quelqu'un sur une planche
21 photographique lorsque le témoin est familier avec l'accusé ou l'individu
22 n'est pas utile et même peut entraîner en erreur, puisque cela ne permet
23 pas -- pour les individus qui ne comprennent pas bien la distinction entre
24 les deux catégories.
25 Q. Vous avez mentionné les trois individus qui tombent dans la catégorie
26 de reconnaissance, qui connaissent, qui sont familiers avec M. Beara. Pour
27 être parfaitement sûr, il s'agit de Bircakovic, Celanovic, et le troisième
28 c'est le PW 161, c'est son pseudonyme ?
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1 R. Oui, c'est cela.
2 Q. En ce qui concerne la troisième personne, nous en parlerons comme
3 PW 161. Est-ce que ce sont les trois individus qui tombent dans la
4 catégorie pour qui l'accusé est familier ?
5 R. Oui.
6 Q. Pour être parfaitement clair, pour ce qui est des autres témoins, de
7 quelle catégorie relèvent-ils ?
8 R. Je n'ai pas bien compris la question. Pouvez-vous répéter, s'il vous
9 plaît ?
10 Q. Vous nous avez parlé des catégories d'identification, c'est-à-dire les
11 témoins qui ne connaissent pas, qui ne sont pas familiers, qui l'auraient
12 peut-être rencontré simplement. Nous avons parlé de sept. Vous en avez
13 identifié trois -- nous avons parlé de trois, pardon. Vous en avez
14 identifié sept sur les 12. J'aimerais parcourir les autres catégories
15 identifiées. Et vous avez parlé d'une seconde catégorie que nous appelons
16 reconnaissance.
17 L'INTERPRÈTE : L'intreprète demande au conseil de la Défense de ralentir.
18 M. OSTOJIC : [interprétation] Je vous prie de m'excuser. Je vais trop vite.
19 Q. Monsieur le Professeur, il y a d'abord une catégorie de témoins qui ont
20 reconnu et qui connaissent M. Beara, pour qui il est familier. Il y en a
21 trois, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Nous avons parlé du témoignage de témoins qui l'auraient vu et dont le
24 témoignage est erroné en raison de ce fait, n'est-ce pas ?
25 R. Vous parlez des 12 témoins dans mon tableau, n'est-ce pas ?
26 Q. Oui.
27 R. On peut les répartir de la manière suivante : trois disent le
28 connaître, le témoin est -- l'accusé leur est familier, donc on peut les
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1 exclure.
2 Q. [aucune interprétation]
3 R. Neuf disent que c'est une personne qui ne leur est pas familière, ce
4 qui fait qu'on peut les tester, on peut les mettre devant une planche
5 photographique pour reconnaissance. Mais faut en exclure deux puisqu'ils
6 auraient pu l'avoir rencontré par la suite. Donc il nous en reste sept, et
7 parmi les sept nous en avons déjà parlé de trois, ce qui fait qu'il nous en
8 reste quatre, quatre qui auraient pu être testés par planche
9 photographique.
10 Q. Pour que le procès-verbal soit parfaitement complet - et je vous prie
11 de m'excuser si la question est directrice - il s'agit donc du PW 165, M.
12 Boering; le 104; et un témoin 126, Milosevic; c'est cela ?
13 R. Oui.
14 Q. D'après le procès-verbal, à propos de ces quatre à qui on n'a pas
15 montré la planche photographique, est-ce que vous avez pu comprendre
16 pourquoi l'Accusation ou ses enquêteurs n'ont pas montré à ces quatre
17 témoins une planche photographique pour identification ?
18 R. J'ai le sentiment que nous nous approchons d'une question très
19 similaire à une autre que vous avez posée tout à l'heure, est-ce que je
20 sais pourquoi les enquêteurs ont fait certaines choses. Franchement ce
21 n'est pas à moi de le savoir, ce n'est pas mon travail en quelque sorte. Je
22 n'ai vu aucune déclaration explicite qui disait pourquoi il n'aurait pas
23 été souhaitable à ces quatre témoins de le faire ni pourquoi il aurait été
24 physiquement impossible de le faire.
25 Et ça existe parfois des conditions de la sorte, par exemple, si un
26 témoin nous dit, j'ai rencontré M. Beara, et ensuite donne une description
27 de M. Beara qui est tellement éloignée de la réalité, que choisir des
28 distracteurs par rapport à la description fausserait la parade
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1 d'identification, il y aurait un biais puisque l'ensemble des individus
2 ressemblerait à une autre personne et non pas à M. Beara. Donc il y aurait
3 là une bonne raison tout à fait logique de ne pas tester cette personne
4 dans le cadre d'une identification par photos. Cela ne signifie pas pour
5 autant que l'on doive écarter le témoin, simplement qu'il ne doit pas subir
6 ce test-là. Mais je ne sais pas si c'était ça votre question. En ce qui
7 concerne les sept témoins qui auraient pu convenir, pourquoi ils n'ont pas
8 été testés, je ne peux pas vous dire pourquoi.
9 Q. Je vous prie de m'excuser si la question vous paraît semblable, par
10 curiosité. Lorsque vous avez examiné les documents, est-ce que vous avez
11 trouvé une quelconque raison indiquée dans les textes qui expliquerait
12 pourquoi l'Accusation n'aurait pas fait
13 cela ? Je ne vous demandais pas plus. Passons maintenant aux différentes
14 catégories de reconnaissance. D'abord M. Bircakovic, le 142, je pense que
15 c'est en gras au paragraphe 4, juste pour que tout le monde puisse suivre,
16 et je pense que c'est à la page 10.
17 R. Quelle est votre question ?
18 Q. Est-ce que les conditions à partir desquelles le témoin indique avoir
19 vu M. Beara vous paraissent pertinentes, selon votre avis ?
20 R. M. Bircakovic n'a pas dit de façon affirmative qu'il avait vu M. Beara,
21 une personne qui lui était connue. Il a dit qu'il pouvait l'avoir vu, mais
22 il n'était pas sûr qu'il l'avait vu. C'est logique. Si vous dites au départ
23 que la personne vous est familière et que vous rencontrez cette personne
24 familière dans un lieu, en principe vous êtes assez certain de l'identité
25 de la personne que vous avez rencontrée puisque cette personne vous est
26 familière. Si au contraire vous rencontrez une personne que vous dites vous
27 être familière, mais vous n'êtes pas certain de savoir qui il est, alors il
28 y a lieu de remettre en cause la familiarité. C'est pourquoi il est
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1 difficile de mettre ce témoin dans l'une ou l'autre des catégories, et
2 c'est pourquoi il m'est difficile de dire quel est le moyen approprié de
3 tester ce témoin. Pourquoi n'était-il pas certain de l'identité de la
4 personne qu'il a rencontrée, ça peut découler du fait que la personne ne
5 lui était pas si familière que cela, ou au contraire que M. Beara lui était
6 familier, mais qu'il ne l'avait pas bien vu, et donc il ne savait pas
7 exactement quel était l'individu qu'il a vu. Il y a de nombreuses
8 possibilités et je serais obligé tout simplement de deviner ce qui s'est
9 produit, et je crois que ce n'est pas la tâche qui m'incombe que de
10 deviner. C'est pourquoi il m'est difficile de comprendre le témoin de mon
11 point de vue, je ne pouvais pas en faire grand-chose.
12 Q. Au paragraphe 4 de votre rapport, j'aimerais comprendre la phrase que
13 vous écrivez. Mais pour que l'on comprenne le contexte, peut-être qu'il
14 faudrait lire la phrase précédente : "Dans le cas des trois témoins qui
15 connaissaient déjà Beara, aucun test d'identification formel ne peut être
16 organisé." Ensuite le texte continue : "La seule chose que l'on peut juger,
17 c'est de savoir si les conditions qui sont décrites par le témoin
18 permettraient une reconnaissance fiable."
19 Qui plus est, par rapport à ce témoin, vous dites : "Dans le cadre du
20 Témoin 142, cela ne semble pas être le cas, puisqu'il n'était même pas
21 certain d'avoir rencontré M. Beara."
22 Comment pouvez-vous tirer cette conclusion, pouvez-vous me dire quelle est
23 la base de cette opinion que vous donnez ?
24 R. C'est ce que je viens d'expliquer. S'il connaît M. Beara, puis il le
25 rencontre mais il n'est pas sûr que c'était bien M. Beara, une explication
26 possible c'est que les conditions de perception, les conditions visuelles
27 étaient telles que l'on ne peut pas faire confiance à cette déclaration.
28 Mais une autre explication tout à fait logique serait de dire qu'il dit
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1 connaître M. Beara, mais peut-être que ce n'est pas le cas. Donc il faut
2 vraiment examiner les conditions de cette familiarité. Si M. Beara était
3 son voisin pendant 25 ans, on peut faire confiance à cette familiarité.
4 Mais il n'y a pas toutes ces informations dans le dossier, il n'explique
5 pas en détail pourquoi M. Beara lui est familier. Où il l'a rencontré
6 auparavant ? Voyez-vous, il y a deux explications : soit M. Beara ne lui
7 était familier, ou alors s'il maintient en effet que M. Beara lui est
8 familier, alors les conditions visuelles étaient tellement mauvaises que
9 cela pose une question sur la fiabilité de la déclaration qu'il a faite.
10 Q. Avançons un tout petit peu puisque l'heure de la pause
11 s'approche.J'aimerais maintenant examiner deux autres témoins par rapport à
12 cette même question de la catégorie de reconnaissance - j'y reviens - je ne
13 parle pas hors contexte, mais j'aimerais comprendre comment vous élaborez
14 votre opinion. En ce qui concerne le témoin Celanovic ainsi que le Témoin
15 PW 116, je lis la dernière phrase de votre rapport : "Il se pourrait qu'ils
16 se trompent, ils pourraient également avoir menti."
17 Etant donné votre expérience, votre formation en tant que psychologue et
18 votre formation en droit, est-ce que vous pouvez nous expliquer comment ces
19 individus peuvent être mis dans telle ou telle catégorie de reconnaissance
20 ? Evidemment nous comprenons bien que si l'on parle de "mensonge" on peut
21 comprendre exactement ce que vous voulez dire. Quel serait --
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous pourriez faire des
23 questions un peu plus courtes et plus claires.
24 J'apprécie énormément les efforts du professeur de vous répondre.
25 M. OSTOJIC : [interprétation] Oui, en effet.
26 Q. Avez-vous compris la question, Professeur ?
27 R. Je crois l'avoir comprise.
28 Q. Je voulais surtout que vous expliquiez la dernière phrase. Est-ce que
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1 vous pouvez nous donner la base de cette dernière phrase ?
2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant.
3 M. NICHOLLS : [interprétation] En effet, poursuivons.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] O.K.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Avant que le Tribunal puisse accepter des
6 déclarations de témoins, il faut tout d'abord établir si le témoin soit se
7 trompe, soit ment. On peut avoir les deux cas de figure. Si une personne
8 dit avoir vu l'accusé quelque part alors qu'en fait il ne l'a jamais vu, on
9 ne peut pas lui demander de faire un test de reconnaissance en planche
10 photographique. Donc ces tests sont extrêmement utiles pour distinguer
11 entre les témoins qui disent la vérité et des témoins qui mentent, c'est
12 justement le but de ce test.
13 Mais lorsque la personne est familière, lorsque l'accusé est familier
14 au témoin, on ne peut pas faire un test par planche photographique puisque
15 le fait que la personne lui est familière va lui permettre de le
16 reconnaître. Il va regarder la planche photographique, il va dire : Oui,
17 c'est la personne que j'ai vue, et ça lui est facile puisque la personne,
18 l'accusé, lui est familière et c'est là la question qui se pose. La
19 question de savoir s'ils l'ont déjà rencontré auparavant ou s'ils mentent
20 ne peut être résolu par ce test de reconnaissance. Et c'est pourquoi il
21 faut d'autres éléments de preuve afin de comprendre et d'appuyer la
22 véracité du fait qu'ils ont véritablement rencontré l'accusé, la personne
23 telle que le témoin l'a décrite.
24 Alors on peut distinguer entre les témoins qui ne peuvent pas se tromper
25 puisque ce qu'ils ont vu est extrêmement clair et d'autres témoins qui
26 pourraient se tromper puisque ce qu'ils ont vu n'était pas si clair que
27 cela. M. Babic est un exemple qui aurait pu s'être trompé car il n'est pas
28 sûr d'avoir vu M. Beara. C'est un exemple très clair où la question reste
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1 ouverte.
2 M. OSTOJIC : [interprétation]
3 Q. Je suis désolé de vous interrompre, vous avez parlé de M. Babic. Nous
4 parlions des catégories de reconnaissance, nous parlons de trois individus,
5 vous vous êtes trompé de nom --
6 R. Oui, il s'agissait de Bircakovic.
7 Q. Nous approchons de l'heure de la pause, c'est peut-être un bon moment
8 pour suspendre la séance.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] En effet. Nous ferons une pause de 25
10 minutes.
11 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
12 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Ostojic, vous pouvez reprendre.
14 M. OSTOJIC : [interprétation] Je vous remercie.
15 Q. Continuons donc. Nous parlions de différentes catégories de
16 reconnaissance et nous parlions principalement des deux témoins qui se
17 trouvent encore dans cette catégorie, M. Celanovic et le Témoin
18 PW 161. Pour ce qui est de leurs déclarations, pouvez-vous nous dire si
19 vous avez eu l'occasion de vous pencher sur leurs déclarations et sur les
20 dépositions qu'ils ont faites devant les Juges ?
21 R. Oui.
22 Q. Avant la pause, nous parlions de la dernière phrase qui se trouve dans
23 votre chapitre 4, où il y a possibilité d'erreur ou de mensonge. Donc vous
24 aviez commencé à nous expliquer un peu ce que cela signifie dans votre
25 jargon. Pourriez-vous, s'il vous plaît, compléter votre réponse ?
26 R. Oui. Je crois que lorsqu'on a fait la pause je parlais des deux
27 catégories de témoins qui existent, qui pourraient soit se tromper, soit ne
28 pas se tromper. Et je disais que dans ce cas-là, un test de reconnaissance
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1 ne permet pas de vérifier s'ils se sont trompés ou pas. La même chose
2 s'applique aux menteurs. Il y a des témoins qui peuvent mentir sur ce
3 qu'ils ont vu et d'autres ils ne mentent pas. Alors le fait qu'ils
4 puissent reconnaître ou non le suspect d'une façon ou d'une autre ne
5 signifie absolument pas qu'ils ne mentent pas, qu'ils ne mentent pas soit à
6 propos de la rencontre présumée qu'ils ont eue ou à propos de ce qui s'est
7 passé. La reconnaissance ici n'a rien à voir avec ces questions. Moi ici je
8 suis là pour déposer à propos de la reconnaissance, et donc je ne peux pas
9 du tout faire des conjectures sur les motivations des gens qui auraient
10 éventuellement menti sous serment.
11 Q. Très bien, je comprends bien. Mais pour ce qui est de ce Témoin PW 161,
12 avez-vous rencontré des éléments dans sa déposition peut-être qui
13 pourraient expliquer ses motivations, les motivations qui le feraient
14 mentir ?
15 M. NICHOLLS : [interprétation] Ecoutez, là, jusqu'à présent, je ne voulais
16 pas faire d'objection, mais là je dois objecter. Ce témoin n'est pas du
17 tout en mesure d'expliquer, de faire ce type de conjecture.
18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Qu'en est-il, Monsieur
19 Ostojic.
20 M. OSTOJIC : [interprétation] Mais je voudrais savoir ce que le témoin a
21 exactement vu.
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Enfin, je vous interromps. Mais
23 comment est-ce que vous pouvez penser que M. le Professeur Wagenaar , dans
24 l'hypothèse où le Témoin PW 161 aurait décidé de dire une chose ou une
25 autre, donc peut-être que ce témoin avait un motif pour dire si une chose
26 ou une autre, mais comment est-ce que vous pouvez penser que le Pr Wagenaar
27 va trouver son motif ?
28 M. OSTOJIC : [interprétation] Je crois que le motif a été donné par
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1 l'Accusation. Il nous l'a fait partager d'ailleurs, et je crois qu'il peut
2 faire une évaluation sur ce qu'a dit le Procureur ou une estimation.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passez à autre chose. Qu'en est-il ? Je
4 vais demander à mon collègue, le Juge Kwon, ce qu'il en pense.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passez à autre chose.
7 M. OSTOJIC : [interprétation] Je veux que ce soit au compte rendu. Je
8 voulais utiliser la pièce 2D172 lorsque nous reviendrons sur ce sujet.
9 Q. Bien. Donc pour ce qui est des deux témoins, de reconnaissance, surtout
10 le PW 161, avez-vous une opinion quelconque par rapport à ce que vous avez
11 étudié, enfin, la déposition qu'ils ont faite ?
12 R. Pour ce qui est de ce témoin, ce qui est important peut-être qui
13 pourrait être pertinent, c'est l'histoire des lunettes. Il a dit qu'il
14 avait rencontré M. Beara à plusieurs reprises lors de réunions, mais qu'il
15 ne se souvenait pas que M. Beara aurait porté des lunettes. Alors ce n'est
16 pas à moi de dire si M. Beara portait toujours des lunettes lorsqu'il était
17 en réunion. Mais si M. Beara avait bel et bien été présent, premièrement,
18 et qu'il avait porté des lunettes, deuxièmement, ce serait quand même assez
19 étrange que ce témoin ne se souvienne absolument pas qu'il y ait des
20 lunettes sur le nez de M. Beara. Donc cette question des lunettes soulève
21 au moins un certain doute, on se demande un peu ce qui s'est passé. On peut
22 se demander qui ce témoin a vraiment rencontré.
23 Q. Je vais vous montrer des photographies, il s'agit de la pièce 2D602. Il
24 faudrait que nous puissions la voir à l'écran. Donc vous n'avez jamais
25 rencontré M. Beara, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Vous ne le connaissez que grâce aux identifications que nous avons
28 faites grâce à des photographies, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Très bien. Donc regardons cette pièce 2D602. C'est une photographie,
3 donc ça met du temps à s'afficher. Pourriez-vous nous dire, quels sont les
4 critères généraux qui ont été utilisés par les témoins pour soi-disant
5 identifier M. Beara ? Pouvez-vous nous identifier les caractéristiques
6 employées par ceux qui n'avaient jamais rencontré M. Beara et ceux qui
7 avaient déjà rencontré M. Beara.
8 R. Je n'ai pas entendu votre question.
9 Q. Dans les dépositions que vous avez étudiées, est-ce que les témoins ont
10 tendances à fournir une description assez détaillée, bien descriptive de M.
11 Beara ou est-ce qu'ils sont assez floues ?
12 R. J'ai compris. Merci. Ça varie un peu. Enfin, dans les dossiers que j'ai
13 lus, donc ces dépositions de témoins, surtout de (expurgé).
14 Q. Je vous interromps une minute, car il faudrait que nous passions à huis
15 clos partiel.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, passons à huis clos partiel et
17 nous expurgerons.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé, j'aurais dû me taire.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ce n'est pas grave, ça arrive, ça
20 arrive à tout le monde, même aux professeurs les plus émérites.
21 M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais juste qu'il soit noté au compte
22 rendu que le témoin ici fait référence à ses notes manuscrites.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous avons une expurgation à
24 faire, je pense que Mme la Greffière va s'en occuper. Nous sommes
25 maintenant en audience à huis clos partiel.
26 [Audience à huis clos partiel]
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9 [Audience publique]
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc la description donnée par ce témoin est
11 qu'il a vu une personne aux cheveux gris, forte corpulence, de haute
12 taille. Donc ça ce serait tout à fait insuffisant pour faire une parade
13 d'identification. Ça ne suffit pas. Il n'a pas parlé de lunettes. Alors le
14 problème, c'est on aimerait savoir est-ce que vous avez vu quelqu'un avec
15 des lunettes, et il aurait répondu, Non, je ne m'en souviens, ou est-ce que
16 spontanément il s'est rappelé de personne sans lunettes ? Peut-être que si
17 on lui avait demandé si quelqu'un avait des lunettes, il se serait rappelé
18 des lunettes. Donc la déclaration laisse une marge de manœuvre importante.
19 On peut interpréter un peu de plusieurs façons les réponses, surtout pour
20 un expert qui essaie de savoir ce dont se souvient exactement ce témoin.
21 C'est difficile à estimer. Je ne peux pas dire qu'il ne s'est pas souvenu
22 de lunettes. Tout ce que je peux dire, c'est que ce n'est pas mentionné
23 dans le compte rendu. Je ne peux pas aller plus loin, je ne peux pas dire
24 grand-chose de plus.
25 Q. Très bien.
26 R. D'autres témoins ont parlé spontanément de lunettes en revanche. Eux se
27 souvenaient bien plus de lunettes, ils se souvenaient bien plus de lunettes
28 que ce témoin-ci. C'est peut-être tout simplement un témoin qui n'est pas
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1 bavard et qui ne communique pas spontanément un grand nombre de détails,
2 tout simplement.
3 Q. Très bien. On regarde cette photo 2D602, où on voit M. Beara. Passons
4 rapidement. Ici, on voit M. Beara qui est à gauche avec des lunettes, des
5 lunettes de verre teintée visiblement. Vous voyez ?
6 R. Oui.
7 Q. Pourrions-nous avoir maintenant la série suivante ?
8 R. Peut-être puis-je parler de la présentation des photographies ? Ça peut
9 être utile ?
10 M. OSTOJIC : [interprétation] Nous avons donné les originaux des photos au
11 greffier. Nous n'en avons plus d'exemplaires.
12 Q. [aucune interprétation]
13 M. OSTOJIC : [interprétation] Le témoin nous demandait, Monsieur le
14 Président, s'il pourrait dire quelques mots à propos de la présentation des
15 photos.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y. Allez-y.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand on montre des photos, enfin, l'une après
18 l'autre dans un contexte bien précis, c'est quand même une procédure tout à
19 fait directrice, parce que ça suggère qu'on va très certainement revoir la
20 même personne dans toutes les photos. Ensuite, l'ordre de présentation des
21 photos devient essentiel. Enfin, dans une première photo on reconnaît
22 quelqu'un et on voit qu'il porte des lunettes, alors que vous ne le savez
23 pas, bien, il est plus facile de reconnaître cette même personne dans
24 d'autres photographies, surtout si c'est le seul qui porte des lunettes
25 après. Donc il est essentiel de savoir dans quel ordre les photographies
26 ont été présentées, et quelle a été la réaction du témoin à chaque
27 photographie présentée séparément ?
28 M. OSTOJIC : [interprétation]
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1 Q. [aucune interprétation]
2 R. Si ces informations très précises ne sont pas disponibles, cela devient
3 très difficile de savoir exactement ce qu'il en est, si en fin de compte le
4 témoin a reconnu la même personne dans toutes les photos. Tout dépend de
5 l'ordre dans lequel on a présenté les photos.
6 Q. Je vais vous montrer toutes les photos. Ici à gauche à nouveau la
7 personne qui porte des lunettes est M. Beara. Pouvons-nous passer
8 maintenant à la photographie suivante. Bien sûr, ce sont des photos de
9 jeunesse. Je vais vous en montrer quelques-unes.
10 R. Oui, je vois bien, mais la première photo, il était vu de face
11 maintenant il est vu de profil. Un grand nombre de personnes aurait du mal
12 à savoir qu'il s'agit de la même personne, mis à part les lunettes. Donc
13 c'est les lunettes après qui deviennent l'élément -- l'indice, si je puis
14 dire, qui permet de reconnaître la personne.
15 Q. Encore une photo. Je ne vous demande pas d'identifier qui que ce soit,
16 certainement pas M. Beara. Je voudrais juste montrer à la Cour que nous
17 avons toute une série de photographies montrant M. Beara, et s'il est plus
18 âgé, il a perdu les cheveux, il a des lunettes. Tout ce que je veux c'est
19 mettre au compte rendu l'essentiel en ce qui concerne les fameuses lunettes
20 de M. Beara. Donc vous avez vu ces photos, n'est-ce pas ?
21 R. Oui, mais ce n'est pas la dernière quand même.
22 Q. Non, non, il y en a encore d'autres.
23 R. Puisque vous m'avez demandé si j'avais vu toutes les photos, et celle-
24 ci n'est pas la dernière --
25 Q. Passons à la photo suivante, s'il vous plaît. Vous souvenez-vous avoir
26 vu cette photo ?
27 R. Oui, on m'a présenté cette photographie.
28 Q. Qu'est-ce qui est important dans cette photographie, d'après vous ?
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1 R. Ce qui est important, à mon avis, c'est que cette photo est prise sur
2 le terrain. Je ne suis pas censé porter un jugement sur la situation, mais
3 on voit qu'il y a quand même des armes, il y a des jumelles d'observation.
4 Donc ça semble y dire que ces personnes ne sont pas en vacances. Ils ne
5 sont pas en train de se promener. Ils sont en action sur le terrain. Donc
6 si c'est vrai, il est important ici que le port de lunettes est essentiel,
7 puisque pour être sur le terrain, pour faire des observations, il faut
8 absolument que cette personne porte des lunettes. Donc si M. Beara a besoin
9 de lunettes pour voir normalement, il est absolument crucial de remarquer
10 qu'ici il a des lunettes. C'est important.
11 Q. Pourrions-nous passer à la photo suivante. Il s'agit d'une photo de
12 famille qui a été prise après 1995, et la deuxième personne à partir de la
13 droite est M. Beara. Le voyez-vous ?
14 R. Je ne peux pas confirmer qu'il s'agit de M. Beara.
15 Q. Si, c'est lui, c'est lui, je peux vous le dire. L'Accusation n'est pas
16 en train de soulever une objection, donc précisément ils sont d'accord.
17 J'aimerais que nous regardions maintenant deux pièces ensemble. Deux photos
18 qu'ils avaient à leur disposition, qui sont des photos de M. Beara. L'une
19 est une pièce jointe, et c'est à propos d'une des conjectures de M.
20 Erdemovic d'ailleurs. J'aimerais bien que nous voyions cette photographie
21 sur le rétroprojecteur plutôt.
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Allez-y.
23 M. OSTOJIC : [interprétation] Il s'agit d'une photo qui est dans le jeu de
24 photos 2D572.
25 Q. Nous savons que M. Erdemovic, dans cette photo, n'a pas réussi à
26 identifier M. Beara comme étant la personne qu'il aurait vue sur le site où
27 il se trouvait, et je sais, ce que vous [inaudible] bas de cette photo pour
28 savoir si elle est directrice ou non. Mais ce n'est pas ce qui m'intéresse
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1 ici. J'aimerais savoir pourquoi, d'après vous, quand on montre cette
2 photographie pour une identification, quand on montre ce type de photo à
3 une personne comme M. Erdemovic pour identification, pourquoi, d'après
4 vous, est-ce que c'est directif ?
5 R. Oui, il y a plusieurs éléments.
6 Q. [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui…
8 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-être que je me trompe, mais je pense
9 que le témoin s'est déjà expliqué là-dessus, à propos de la position
10 qu'occupe la personne dans la photo, de son âge, et cetera. Donc il en a
11 déjà parlé.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Je crois que c'est assez
13 répétitif. On l'a déjà entendu.
14 M. OSTOJIC : [interprétation] Non, ce n'est pas répétitif, parce qu'il a
15 été très général lorsqu'il a parlé de ces facteurs, mais maintenant on lui
16 demande de nous donner une illustration de sa théorie. Si vous voulez, on
17 peut passer à autre chose quand même.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ici, le témoin Erdemovic, quand on lui
20 a montré cette photographie, n'a pas réussi à reconnaître Beara, alors à
21 quoi ça sert de retourner et de se livrer à tout cet exercice ? Je ne
22 comprends pas. On lui a montré cela à plusieurs reprises d'ailleurs. Mais
23 là –-
24 M. OSTOJIC : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien, si c'est suggestif, si c'est
26 directif, une photo directive, de toute façon, il ne l'a pas reconnu.
27 Passons à autre chose, s'il vous plaît. Passons à autre chose.
28 M. OSTOJIC : [interprétation] Très bien.
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1 Q. Dans votre dernier chapitre, vous parlez des lunettes, des descriptions
2 des apparences physiques, et vous parlez surtout des lunettes. Pour ce qui
3 est du Témoin PW 161 [comme interprété], qui dans votre rapport est
4 identifié comme étant le 135; le témoin que vous avez identifié comme étant
5 le 113, qui s'appelle Celanovic; et le Témoin 21, dont nous avez parlé
6 aujourd'hui, qui était Egbers; et le Témoin 157, que nous avons identifié
7 comme étant le PW 104.
8 R. Oui.
9 Q. Pouvez-vous nous dire, à votre avis, quelle est la pertinence de leur
10 témoignage pour ce qui est du port des lunettes ?
11 R. Ces quatre témoins ont parlé de lunettes à chaque fois. Ils ont dit que
12 la personne ne portait pas de lunettes, que la personne qu'ils avaient vue
13 ne portaient pas de lunettes, en tout cas, pas en permanence, ce qui n'est
14 pas la même chose que ce qu'a dit le dernier témoin dont on avait parlé
15 avant. Parce que là, il avait tout simplement omis d'en parler, alors
16 qu'ici, nous avons quand même une déclaration extrêmement positive à propos
17 des lunettes. Ils n'ont pas vu de lunettes, ou alors ils ont vu quelqu'un
18 qui ne portait pas de lunettes en continu ou en permanence.
19 En fait, c'est absolument essentiel quand même pour ce qui est de
20 l'habitude qu'avait M. Beara de porter des lunettes. Enfin, je ne suis pas
21 expert en ce domaine. Tout ce que je peux dire, c'est que la relation entre
22 cette déclaration et le fait que M. Beara portait de verre en continue ou
23 pas est essentiel, c'est pertinent.
24 Si M. Beara portait toujours ses lunettes, il les portait en
25 permanence, là, on tombe un peu dans mon domaine d'expertise. Je pense
26 qu'en effet certaines personnes pourraient ne pas se souvenir qu'il portait
27 des lunettes. On peut tout oublier. C'est un grand principe de base. Mais
28 tout le monde ne va pas tout oublié. Alors le fait que quatre témoins
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1 disent que la personne qu'ils ont vue ne portait pas de lunettes ou ne les
2 portait pas en permanence, au vu de la difficulté de reconnaître ce genre
3 de détail, la conclusion serait assez surprenante s'ils avaient toujours vu
4 des lunettes. Donc si on savait de source sûre que M. Beara portait
5 toujours ses lunettes en permanence, ce serait quand même étrange que
6 quatre témoins ne se souviennent pas de ces lunettes.
7 Q. Très bien. Maintenant, M. le Président vous a posé des questions pour
8 ce qui est de cette photographie, et nous allons bien faire des
9 comparaisons pour voir quelle est la différence. Donc j'aimerais vous
10 montrer maintenant la photo tirée d'une vidéo que l'on a montrée à
11 plusieurs reprises à M. Egbers, on lui a montrée au moins huit fois, je
12 crois. C'est la pièce 2D605, et j'aimerais savoir si ce cliché tiré d'une
13 vidéo est directif; oui ou non. Il s'agit, je le répète, d'un cliché qui a
14 été montré au moins sept ou huit fois à M. Egbers.
15 Il s'agit d'un cliché tiré d'une séquence vidéo, cliché qui a été montré à
16 M. Egbers. C'est avec votre rapport.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne sais pas si je suis le seul visé,
18 mais je ne vois absolument rien.
19 M. OSTOJIC : [interprétation] Non, ça ne marche pas en ce moment.
20 M. NICHOLLS : [interprétation] Je tiens à dire que ce cliché n'a jamais été
21 montré à Egbers. C'est un cliché qui vient de la vidéo uniquement.
22 J'aimerais que ce soit clair pour le témoin. Peut-être qu'il serait plus
23 utile de montrer toute la séquence vidéo; elle est courte.
24 M. OSTOJIC : [interprétation] Dans ce cas-là, montrons la séquence vidéo.
25 Si le Procureur soulève une objection à propos de ce cliché, montrons toute
26 la séquence.
27 Q. Nous allons vous montrer la séquence vidéo qui a été montrée à M.
28 Egbers. Il y a plusieurs facteurs que j'aimerais que vous étudiiez de près
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1 sur cette vidéo. Vous avez lu d'ailleurs la déposition de M. Egbers, et
2 j'aurai quelques questions à vous poser une fois que vous aurez vu cette
3 séquence vidéo.
4 Cette vidéo a reçu une cote préalablement, et nous allons plutôt donner à
5 la Chambre la cote qui a été donnée précédemment.
6 [Diffusion de la cassette vidéo]
7 M. OSTOJIC : [interprétation] Il faudrait peut-être passer un petit peu en
8 arrière.
9 [Diffusion de la cassette vidéo]
10 M. OSTOJIC : [interprétation] Veuillez arrêtez là, s'il vous plaît.
11 Q. Cette vidéo porte sur d'autres points, et mes éminents confrères seront
12 d'accord avec moi à propos qu'il n'y a que cette séquence où l'on voit M.
13 Beara, ou la personne qui, soi-disant, serait M. Beara. Donc cette vidéo
14 clip a été montrée à Egbers. Et j'avais tiré un cliché de cette séquence-
15 ci, parce que je ne voulais pas être trop directif pour ce qui est de la
16 distance, et cetera. Mais, d'après vous, est-ce que montrer ce type de
17 vidéo à quelqu'un, est-ce que cela dirigerait un peu la réponse du témoin à
18 qui on demande d'identifier quelqu'un ?
19 R. Ecoutez, tout d'abord, ce n'est pas un format idéal pour demander un
20 test d'identification formel.
21 Q. Et pourquoi ?
22 R. Pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il n'y a que quelques personnes
23 qui sont montrées et que l'on voit à peu près correctement. En plus, ils
24 sont mis en avant puisqu'ils marchent devant des barrières. Il y a une
25 grande foule derrière la barrière. Bien entendu, il est impossible que l'on
26 demande à quelqu'un la personne qui se trouverait dans la foule, derrière
27 les barrières. Donc tout témoin va immédiatement déduire qu'on lui demande
28 d'identifier des personnes qui paradent devant la barrière et pas derrière.
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1 Alors du coup, on n'a plus que trois personnes à identifier, ça ne suffit
2 pas dans une parade d'identification. En plus, ces personnes ont des
3 uniformes identiques, mais ils n'ont pas la même apparence physique très
4 nette en matière de description, ils sont différents. Donc les deux autres
5 ne peuvent pas servir de leurres pour un peu induire le témoin, servir de
6 détractant [phon] au témoin. Ensuite, la quatrième raison, c'est que les
7 autres personnes sont bien connues des témoins, donc il peut très bien les
8 exclure parce qu'il les connaît, il suffit qu'il n'y ait plus qu'un qui
9 reste et qui va donc être identifié comme étant la personne en question et
10 dont on parle. Tout ça c'est quand même des biais importants qu'il faut que
11 l'on n'ait pas du tout dans le cadre d'une parade d'identification
12 correcte.
13 Q. Malgré ces biais, est-ce que vous savez combien de fois est-ce qu'on
14 aurait dû présenter la séquence vidéo afin qu'une personne puisse
15 identifier de façon adéquate la personne que l'on veut qu'il identifie ?
16 R. Il m'est bien difficile de répondre à cette question, puisque à ce
17 moment-là je dois me livrer à des conjectures, quel était l'objectif pour
18 ne pas montrer cette vidéo. Selon moi, l'objectif ne peut pas logiquement
19 être pour identifier, car n'importe quel enquêteur de partout dans le monde
20 sait très bien qu'une identification adéquate est faite complètement
21 autrement. Alors je ne sais pas quel était l'objectif, le but de présenter
22 cette séquence vidéo, mais je ne peux que penser que c'est parce que si
23 l'on croit que lorsque Edbers n'a pas pu identifier l'une de ces personnes,
24 si on a pensé que la répétition aiderait, que le fait de répéter, de lui
25 montrer à plusieurs reprises cette séquence vidéo pourrait l'aider, je ne
26 peux que dire à ce moment-là que selon mon expérience d'identification,
27 c'est-à-dire que si l'on vous montre quelque chose et que vous n'êtes pas
28 en mesure de reconnaître quelque chose, la répétition ne va pas aider.
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1 Q. Pour ce témoin Edbers, effectivement, est-ce qu'il y a eu répétition ?
2 Je crois que vous avez dit que oui, mais je ne veux pas être directeur.
3 R. Si vous présentez une séquence vidéo à quelqu'un pendant sept à huit
4 fois, j'appelle ça une répétition, c'est une façon répétitive de faire
5 quelque chose. La reconnaissance d'identification ne devient pas meilleure
6 à ce moment-là. En d'autres mots, le fait de répétition est que l'on
7 augmente la pression. Le fait de répéter, de montrer à plusieurs reprises
8 une séquence vidéo, vous faites en sorte que le témoin comprenne, même si
9 vous ne lui dites pas, que c'est bien important et qu'il serait vraiment
10 fort utile si le témoin pouvait identifier une quelconque personne sur la
11 séquence. Et nous savons très bien que les moyens de pression n'aident pas
12 du tout la perception, lorsqu'on exerce un moyen de pression sur quelqu'un
13 ceci n'aide pas, ceci ne fait qu'augmenter une tendance à se livrer à des
14 conjectures.
15 Et le fait d'exposer quelque chose comme ceci, on ne peut arriver qu'à une
16 conclusion logique, à savoir qui était présent même si on ne reconnaît pas.
17 La pression augmente la tendance à se livrer à des conjectures, et ceci
18 peut mener à une identification positive apparente, alors qu'en réalité,
19 personne n'a réellement été reconnu.
20 Q. Pourriez-vous nous décrire une situation typique dans laquelle on
21 aurait une planche photographique, proprement dit adéquate, où l'on a
22 procédé à des tests, on a demandé à une personne d'identifier quelqu'un,
23 combien de temps est-ce que ce processus dure ? Non pas la création de la
24 planche photographique, mais le fait que de montrer une planche
25 photographique à un individu afin que ce dernier puisse identifier
26 quelqu'un ?
27 R. Les instructions que l'on donne à un témoin --
28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Arrêtez, je vous prie. Oui, Monsieur le
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1 Procureur.
2 M. NICHOLLS : [interprétation] En fait, aucune pertinence, puisque nous
3 n'avons pas de planche photographiques. A ce moment-là, où est la
4 pertinence ? Nous n'avons pas les planches photographiques sur lesquelles
5 se trouvait M. Beara lorsqu'on a testé les personnes.
6 M. OSTOJIC : [interprétation] En fait, on a montré cette vidéo à sept ou
7 huit reprises à un témoin, je crois que c'est très important de savoir ce
8 qui est, je crois que mon éminent confrère sait très bien quelles sont les
9 normes, même lorsqu'on montre un planche photographique qui a été faite de
10 façon adéquate, j'aimerais savoir si on montre cette planche à un témoin de
11 sept à huit reprises, donc c'était ma question et par la suite, je voulais
12 poser une question de suivi, à savoir que fait-on lorsqu'on établit que ce
13 que représente une planche photographique adéquate.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez complètement raison, Monsieur
16 Nicholls, pour ce qui est de la question par rapport à M. Beara. Mais la
17 question peut également porter sur d'autres accusés à qui l'on a montré ou
18 on montre des planches photographiques. Nous permettons la question pour
19 ceci, non pas parce que la question a une pertinence dans l'affaire de M.
20 Beara, mais pour cette autre raison que je viens d'énumérer.
21 Monsieur le Professeur, est-ce que vous avez compris ? Vous pouvez
22 répondre.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Lorsqu'on adopte une procédure appropriée
24 de planche photographique, on instruit le témoin, on lui dit de ne pas se
25 livrer à des conjectures; ce qui veut dire que la reconnaissance, le test
26 de reconnaissance est très court. On ne permet pas à un témoin de regarder
27 longtemps, de dix à 15 minutes. Ce n'est pas une reconnaissance immédiate à
28 ce moment-là. Donc normalement, on donne une minute ou moins à un témoin
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1 pour identifier quelqu'un.
2 M. OSTOJIC : [interprétation]
3 Q. Pourquoi est-ce que ceci est important, pourquoi est-ce qu'il est
4 important de ne pas montrer les photos ou la planche photographique à
5 quelqu'un pendant très longtemps ?
6 R. S'il n'y a pas d'identification immédiate, le fait de prolonger, de
7 montrer longtemps les photos à un témoin augmente la tendance à se livrer à
8 des conjectures, et c'est cela que l'on ne veut pas. Lorsqu'on montre une
9 planche photographique telle qu'on s'est servie dans ce Tribunal
10 auparavant, on permet la conjecture, un sur sept, et ceci est un risque
11 assez important. Donc on ne veut surtout pas que les témoins se livrent à
12 des conjectures. Et les confrontations photographiques sont
13 particulièrement utiles, non pas parce que le niveau de conjectures est
14 bas, mais parce que ceci décourage le témoin de se livrer à des
15 conjectures. En voyant toutes ces photographies, le témoin se dit, Oh la
16 la, je ne suis pas certain, et donc ils ne se rendent compte de ceci que
17 lorsqu'ils font face à une planche photographique et c'est à ce moment-là
18 qu'ils vont s'assurer de ne pas se livrer à des conjectures.
19 Q. La semaine dernière, on vous a donné un document qui, je crois, était
20 identifié comme une feuille d'information qui a trait à un témoin qui
21 s'appelle Theo Lutke, et dans cette feuille d'information on fait également
22 référence à M. Egbers.
23 Je sais maintenant que vous n'avez pas eu énormément de temps pour examiner
24 les documents, mais je voulais simplement m'assurer que vous avez bel et
25 bien ce document après le témoignage de M. Egbers. Donc j'aimerais vous
26 demander de prendre la pièce 2D603 en fait. J'aimerais que l'on regarde
27 cette pièce ensemble. Je suis tout à fait certain que l'Accusation nous
28 expliquera, nous donnera les raisons pour lesquelles nous n'avions pas eu
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1 ceci lorsque M. Egbers a témoigné. Il semblerait, d'après leur propre
2 enquêteur, que M. Egbers disait que M. Lutke était présent à ce moment-là,
3 mais nous n'allons pas entrer dans ce détail. Voyez-vous le premier
4 paragraphe de ce --
5 R. Oui, pas très clairement --
6 Q. Non, en fait moi non plus ce n'est pas très clair.
7 R. Non, mais je vois mieux maintenant.
8 Vous voulez attirer mon attention sur un passage particulier ?
9 Q. Oui, premier paragraphe, s'il vous plaît. Lisez-le en votre for
10 intérieur.
11 R. D'accord. Très bien, j'en ai pris connaissance.
12 Q. Est-ce que à la lecture de ce paragraphe vous arrivez à conclure
13 combien de temps la réunion de M. Beara a duré avec le capitaine Egbers ?
14 R. Il s'est entretenu brièvement avec lui, donc aucun laps de temps n'est
15 mentionné ici. On voit ici qu'ils étaient pris à cet endroit-là, il
16 pourrait s'agir d'un temps plus prolongé. Je ne sais pas, lorsqu'on est
17 pris, lorsqu'on est quelque part avec quelqu'un et qu'on est coincé, je ne
18 sais pas combien de temps on reste en présence de l'autre personne.
19 Q. Très bien. Merci. Maintenant une autre question pour ce qui est de
20 cette pièce qui ne vous implique pas pour l'instant. En fait, j'aimerais
21 que l'on parle du témoin que vous avez identifié dans votre rapport en tant
22 que témoin 131, il s'agit du témoin Peric. Je voudrais maintenant que l'on
23 parle de son témoignage, car je crois que nous pourrons certainement voir
24 quelque chose là. Vous avez dit que ce témoin n'aurait pas dû être testé
25 car il ait pu voir Beara après la rencontre alléguée.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Nicholls.
27 M. NICHOLLS : [interprétation] Désolé d'interrompre. En parlant du témoin
28 603, pour être tout à fait clair, je ne crois pas que mon éminent confrère
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1 disait que le premier paragraphe était quelque chose qui aurait été dit par
2 le témoin Lutke. Ce n'est qu'un résumé fait par l'enquêteur. Je ne suis pas
3 tout à fait certain si le témoin a très clairement compris ceci. De tout
4 façon, je n'avais pas très bien compris la question, mais je l'ai relue
5 après, sauf qu'il m'a fallu du temps pour la comprendre correctement.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Ostojic.
7 M. OSTOJIC : [interprétation] Oui, ceci nous dit que c'est M. Lutke qui a
8 dit quelque chose, c'est au deuxième et troisième paragraphe. J'y ai
9 insisté pour que le Pr se penche sur le premier paragraphe qui parle de M.
10 Egbers, mais je crois qu'il est juste de dire que le fait que M. Lutke se
11 souvient de ces événements, ceci se reflète de façon très précise au
12 deuxième et troisième paragraphe de cette pièce, si je ne me trompe. Je
13 crois que nous pouvons tous en prendre connaissance. Si vous le souhaitez,
14 je peux également le lire à haute voix, si vous le souhaitez.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, non, passons.
16 Oui, Professeur. De toute façon, c'est maintenant au compte rendu
17 d'audience de toute façon, Monsieur Nicholls, donc nul besoin de vous en
18 faire.
19 M. OSTOJIC : [interprétation]
20 Q. Il y a deux minutes je vous ai parlé de M. Peric, le témoin 131.
21 J'aimerais me concentrer là-dessus. Concernant son opinion, je sais que
22 nous avons passé un certain temps à identifier certains facteurs tels le
23 temps, la distance, l'éclairage, comme vous nous l'avez expliqué, le poids,
24 l'âge, la taille. Est-ce que conformément à ceci, vous avez trouvé quelque
25 chose d'important quand vous tenez compte de la distance à laquelle il a
26 rencontré M. Beara ?
27 R. Dans la déclaration, il dit qu'il a vu un groupe de personnes et l'une
28 de ces personnes était un officier haut gradé, une personne plus âgée. Il a
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1 vu ce groupe à une distance de 50 mètres, et j'ai mis un point
2 d'exclamation dans mes notes. Cinquante mètres est plus longs que 20
3 mètres, bien sûr, et c'est mon critère que j'ai inclus dans ma recherche,
4 le critère de 20 mètres au-delà desquels la perception des personnes
5 devient un peu risquée. Cinquante mètres est une distance assez éloignée,
6 de fait d'accepter son témoignage sur la base de cette distance, à savoir
7 qui 'il ait pu voir serait très risqué sans tester plus loin
8 l'identification. Je voudrais insister de nouveau pour dire que ces
9 questions peuvent être très clairement résolues lorsqu'on a une planche
10 photographique appropriée ou une parade d'identification, plutôt une
11 planche photographique appropriée. Mais il est possible que le fait que ce
12 témoin ait vu des photos et ait pu voir de photos de M. Beara plus tard
13 dans les médias, ceci exclurait ce témoin en tant que témoin, à savoir qui
14 il ait vu ne peut pas être testé sur la planche photographique, car s'il a
15 vu des photos de M. Beara plus tard par le biais de transfert inconscient,
16 il aurait pu l'identifier sur la planche photographique.
17 Q. Très bien. Merci. Encore quelques points que je souhaiterais soulever.
18 Même si nous savons combien de temps il est nécessaire pour créer, pour
19 faire une planche photographique, nous avons parlé des séquences vidéo que
20 l'Accusation a montrées au témoin de la façon dont nous avons parlé.
21 J'aimerais maintenant parler de la pièce 2D596, il s'agit de Zivanovic. En
22 fait, il s'agit d'une séquence vidéo qui dure 60 secondes.
23 M. OSTOJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais montrer
24 cette séquence vidéo au témoin car je souhaiterais lui poser une série de
25 questions, avec votre permission.
26 Q. Professeur, en attendant que le tout soit téléchargé, vous vous
27 souvenez de la vidéo, n'est-ce pas ?
28 R. Oui.
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1 Q. Fort bien. Pour le compte rendu, je souhaiterais que l'on passe à
2 l'heure du début de la séquence qui est 41 minutes et 20 secondes, et je
3 voudrais que l'on la passe jusqu'à 41 minutes et 36 secondes.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 M. OSTOJIC : [interprétation] Merci.
6 J'ai demandé que l'on arrête ici.
7 Q. Monsieur le Professeur, j'aimerais attirer votre attention sur la
8 personne que nous ne voyons pas pleinement mais nous voyons son oreille,
9 l'arrière de sa tête. C'est la première personne à partir de la gauche. Et
10 nous allons revenir à vous montrer de nouveau ceci. Vous voyez la personne
11 à sa droite pour que le temps soit tout à fait juste, c'est la séquence qui
12 -- enfin, nous allons peut-être un peu trop rapidement. De toute façon, la
13 personne ici correspond à certaines descriptions que vous avez entendues
14 des témoins à la suite des témoignages que vous avez lus.
15 R. Je peux voir qu'il s'agit d'une personne plus âgée --
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.
17 M. NICHOLLS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, question
18 directrice. Il est tout à fait clair, je crois, qu'on peut dire, selon
19 vous, quelle personne correspond à la description d'après les transcripts
20 que vous avez lus, et non pas de lui poser la question autrement.
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Ostojic, veuillez
22 reformuler votre question.
23 M. OSTOJIC : [interprétation] Tout à fait.
24 Q. Monsieur, nous avons un cliché tiré de la séquence vidéo. Est-ce que
25 l'une de ces trois personnes correspond à la description générale qui a été
26 donnée par les 12 témoins dont vous avez lu les déclarations dans cette
27 affaire, qui ont déposé dans cette affaire ?
28 R. La personne à la droite sur le cliché correspond à la description d'une
Page 25365
1 personne âgée portant des lunettes. Je ne peux pas vous dire si cette
2 personne est costaude ou pas telle que certaines personnes ont décrit,
3 d'après ce que certaines personnes ont dit, certains témoins ont dit
4 concernant M. Beara, et je ne peux pas voir non plus d'insigne, je ne peux
5 pas savoir -- ou de grade -- je ne peux pas savoir s'il est lieutenant-
6 colonel ou autre chose. Les 12 [comme interprété] autres personnes -- la
7 personne à la gauche de -- à sa gauche, pourrait être décrite comme étant
8 une personne avec des cheveux grisâtres, et la personne au milieu, il est
9 clair que non; et les deux autres personnes à côté de la personne portant
10 des lunettes ne portaient pas de lunettes.
11 Q. Très bien. Merci. Nous pouvons faire avancer la séquence, et je vais
12 vous demander d'arrêter à un moment donné.
13 [Diffusion de la cassette vidéo]
14 M. OSTOJIC : [interprétation] Avançons maintenant à l'endroit où nous
15 voyons une personne debout.
16 Q. Dans tous les cas, Professeur, vous avez vu que l'Accusation a tiré des
17 clichés des vidéos tels les pièces que vous avez examinées pour ce qui est
18 du témoignage de M. Babic. Avec ce type de cliché, lorsqu'on voit cette
19 personne-là - je sais que vous ne pouvez pas parler d'autres distracteurs -
20 mais est-ce que c'est une des façons de faire un cliché et de placer, par
21 exemple, une photo ? Est-ce qu'on pourrait prendre cette photo-là et la
22 placer sur une planche photographique à côté de photos de distracteurs ?
23 R. Non, ce n'est pas la façon dont on procède de façon habituelle. Une
24 planche photographique normalement est faite de photographies claires de
25 personnes -- tous les clichés de ces personnes sont pris dans la même
26 position. Les personnes porteraient toutes des uniformes, alors que ces
27 images-là ne sont pas très claires d'une part, et si vous les arrêtez, si
28 vous vous prenez un cliché, un arrêt sur image, ce n'est pas très clair.
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1 Sans le cas de M. Beara, la situation est celle-ci : c'est que lorsque
2 l'enquête a commencé, des images très claires de M. Beara auraient pu être
3 utilisées, et des images de photographies très claires, de distracteurs
4 auraient été encore plus facile de trouver, de les mettre. Mais il est très
5 important que les planches photographiques aient une bonne qualité de
6 photographies, que les photographies ne soient pas vagues, et l'on ne prend
7 pas, l'on ne fait pas des arrêts sur l'image de documents qui ne sont pas
8 clairs déjà en partant.
9 Q. Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Maître Zivanovic, vous avez dit
11 que vous aviez environ dix minutes, vous voulez poser des questions pour
12 environ dix minutes.
13 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation]
15 Contre-interrogatoire par M. Zivanovic :
16 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Professeur. Je m'appelle Zoran
17 Zivanovic. Je représente les intérêts de Vujadin Popovic dans cette affaire
18 en l'espèce. Je voulais vous poser un certain nombre de questions, plus de
19 questions, mais mon confrère, Me Ostojic, a déjà couvert un très grand
20 nombre de questions. De toute façon, il vous a posé des questions que je
21 voulais vous poser, donc je n'aurai que quelques questions pour vous.
22 Vous avez parlé de la différence entre la reconnaissance et
23 l'identification, et vous avez expliqué d'ailleurs - en fait, je vous
24 demanderais de bien vouloir nous expliquer le passage - et d'ailleurs mes
25 questions porteront là-dessus - sur l'identification. Donc j'aimerais que
26 l'on parle de la mémoire qu'a un témoin pour ce qui est de l'apparence
27 d'une personne qu'il ne connaît pas.
28 Je souhaiterais notamment vous poser des questions relatives à la
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1 perception d'une personne sur les lieux, une personne se trouvant sur les
2 lieux, à savoir si la personne que le témoin a vue est tournée de dos, de
3 profil ou de face. J'aimerais savoir quelle est la fiabilité quant à
4 l'identification d'une personne qui est tournée de dos, dont le dos est
5 tourné à la caméra ou à l'appareil photo. J'aimerais que vous vous penchiez
6 sur une photo qui porte la cote P2324. Donc P2324. C'est une photographie
7 qui est tirée du recueil du Procureur, et elle a été utilisée ici. On a
8 montré cette photo dans l'affaire en l'espèce.
9 Sur cette photo, vous apercevez deux personnes, n'est-ce pas ? L'une des
10 personnes fait face à l'appareil photo, à la caméra - je ne vais pas vous
11 poser des questions sur cette personne - alors que l'autre personne est
12 tournée de dos. En fait, on ne voit pas sa tête. On voit l'arrière de sa
13 tête. On ne voit pas le visage de la personne. Elle est de côté plutôt, et
14 la tête est tournée. Maintenant j'aimerais savoir, selon vous, si un témoin
15 fait une identification positive -- c'est-à-dire peut-on faire une
16 identification positive de la personne qui a le dos tourné ou qui est prise
17 de côté et dont la tête est tournée, elle ne fait pas face à l'appareil
18 photo ?
19 R. Avant de répondre à votre question, je dois vous demander de me donner
20 une précision. Le témoin que vous mentionnez, ce témoin identifie-t-il une
21 personne à partir de cette photographie-ci ? Donc le témoin ne prend pas
22 part -- le témoin n'était pas présent dans ce village ? Il n'était pas là
23 sur place au moment où cette photo a été prise ou cette vidéo a été tournée
24 ?
25 Q. Voilà, Professeur. Donc peut-on dire que le témoin peut faire
26 l'identification de la personne qui est tournée de dos sur la base de cette
27 photographie ?
28 R. Je peux répondre à votre question de la façon suivante : une
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1 identification de cette personne aurait pu être erronée, pourrait être
2 erronée. C'est-à-dire qu'on peut s'imaginer qu'un témoin serait à même de
3 dire qui cette personne n'est pas. Donc c'est clairement pas moi, par
4 exemple, et ce n'est clairement pas vous, et ce n'est certainement pas un
5 certain nombre de personnes. Mais si le témoin se trouve dans la situation
6 dans laquelle il se rend compte que ceci ne peut être qu'une de plusieurs
7 personnes, il peut logiquement conclure que la plupart des personnes du
8 groupe peuvent être exclues, car ils ont un aspect différent, même de dos.
9 Donc la conclusion logique peut se résumer à dire que ceci ne peut être
10 qu'une personne. Mais une conclusion logique n'est pas la même chose qu'une
11 perception directe. Et dans la plupart des cas, les avocats ne souhaitent
12 pas, ne demandent pas, ne veulent pas que les témoins tirent des
13 conclusions. Ils doivent parler de leurs propres expériences. Donc dans
14 certaines conditions, il ne devrait pas être permis de demander aux témoins
15 de se livrer à une identification d'une telle personne, car ce type de
16 photographie pourrait encourager une personne à tirer des conclusions
17 plutôt que de faire en sorte que le témoin parle de ses expériences
18 directes.
19 Q. Merci, Monsieur le Professeur. Je souhaiterais maintenant vous poser
20 une autre question. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, me dire
21 quelle est l'influence, quel rôle joue le temps sur une identification,
22 c'est-à-dire le temps à partir de la journée où le témoin a remarqué
23 quelqu'un jusqu'au jour où il est appelé à identifier une personne quand on
24 lui montre une photo, par exemple ?
25 R. Oui. La période de temps entre le moment où l'on voit la personne et on
26 l'identifie sur une photo peut être une période de temps assez longue sans
27 pour autant perdre en précision. Tout dépend de ce qui s'est produit
28 pendant ce laps de temps. Il y a des événements dont on se souvient très
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1 longtemps après tout simplement parce que soit c'était un événement très
2 important, donc on y a prêté beaucoup d'attention; deuxièmement, on y
3 pensait beaucoup pendant ce laps de temps, parce qu'on vous a rappelé ces
4 événements en raison d'autres événements de la vie. C'est ce que l'on
5 appelle le rafraîchissement de la mémoire. Si les événements de la vie sont
6 tels que vous rafraîchissez votre mémoire régulièrement, vous vous souvenez
7 de certaines choses, y compris des images, pendant un laps de temps assez
8 long. Ça peut être une bonne chose. Mais il y a un autre élément, à savoir
9 que pendant un laps de temps assez long, il se pourrait que vous soyez en
10 contact avec d'autres informations qui entrent en conflit avec votre
11 souvenir d'origine. Il peut y avoir des éléments d'imagerie, vous pouvez
12 avoir vu des images contradictoires, si bien que plus la période est
13 longue, plus vous avez la possibilité d'images conflictuelles. Cela vient à
14 avoir un impact négatif sur la mémoire, puisque la mémoire a tendance à
15 intégrer l'ensemble des éléments d'information et de créer ainsi une
16 représentation unique et cohérente des événements qu'on a pu connaître.
17 Dans ce cas, un laps de temps assez long pourrait avoir un effet
18 destructeur de la mémoire si pendant ce laps de temps on voyait beaucoup de
19 choses. Pour être bref, ce n'est pas la durée en tant que telle qui est
20 pertinente, ce n'est pas ça l'élément essentiel. Ce qui est important,
21 c'est ce qui s'est produit pendant ce laps de temps. Soit vous avez pu
22 rafraîchir la mémoire afin d'avoir la mémoire assez claire, ou alors vous
23 avez peut-être été en contact avec des éléments d'informations
24 conflictuelles qui auraient pu contribuer à faire en sorte que la mémoire
25 soit moins claire. Les deux sont possibles, tout dépend de ce qui s'est
26 produit pendant ce laps de temps.
27 Q. Merci, Monsieur le Professeur. J'ai encore une question. Comment
28 pourriez-vous qualifier la fiabilité de l'identification si cinq ans après
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1 les faits le témoin exprimait une incertitude quant à l'identification d'un
2 individu, puis cinq ans après s'est exprimé avec bien plus de certitude en
3 disant : Oui, c'est l'individu dont il s'agit ?
4 R. Parlez-vous d'identification sans qu'il y ait de test formel
5 d'identification photographique, car on ne peut faire ce genre de test
6 qu'une fois, n'est-ce pas ?
7 Q. Oui, en effet. Vous avez raison. Il ne s'agit pas d'un texte en tant
8 que tel d'identification photographique. Il s'agit d'identification qui
9 intervient cinq ans après les faits, puis une autre identification encore
10 cinq ans plus tard, c'est-à-dire dix ans après les événements ?
11 R. Merci. Je comprends maintenant votre question. Un élément d'ordre
12 général que nous connaissons tous, c'est que la mémoire en général s'empire
13 avec le temps, au lieu de s'améliorer. C'est la même chose pour les
14 témoins. Maintenant, en ce qui concerne la confiance que l'on peut avoir
15 dans la mémoire des événements, c'est autre chose, et il n'y a pas de lien
16 direct entre la précision de la mémoire et la confiance que l'on peut avoir
17 en cette mémoire. Lorsqu'on constate que la précision de la mémoire diminue
18 avec le temps, on s'aperçoit que la confiance parfois augmente. Autrement
19 dit, le conflit entre la confiance et la précision augmente.
20 Un de mes étudiants vient justement de rédiger sa thèse qui sera
21 soutenue prochainement à Leiden sur cette question-là, donc je connais
22 particulièrement bien cette question. Vous parlez non pas d'une
23 amélioration de l'identification au fil de la période de dix ans car cela
24 on ne peut pas le savoir. Ce que vous dites, c'est que la confiance a
25 augmenté, et cela ne me surprend pas du tout. Au fond, la conclusion
26 générale que l'on peut tirer de cela, c'est qu'on peut accepter la mémoire
27 des témoins, mais il ne faut pas accepter aussi facilement leur confiance
28 en la mémoire, car les témoins peuvent se tromper complètement.
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1 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Professeur.
2 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Zivanovic, merci.
4 Monsieur Bourgon, vous avez demandé une heure ?
5 M. BOURGON : [interprétation] J'ai eu l'occasion de le dire, il ne me
6 faudra vraisemblablement pas plus de 30 minutes, peut-être même moins.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y. Vous pourrez peut-être
8 conclure avant la pause ?
9 M. BOURGON : [interprétation] Je ferai de mon mieux, Monsieur le Président.
10 Contre-interrogatoire par M. Bourgon :
11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Professeur.
12 R. Bonjour.
13 Q. Je me permets de me présenter pour le procès-verbal. Je m'appelle
14 Stéphane Bourgon, et je représente avec mes collègues aujourd'hui Drago
15 Nikolic. Avant de commencer mes questions, merci de confirmer que nous
16 avons eu l'occasion de nous rencontrer la semaine dernière, n'est-ce pas ?
17 R. Oui, en effet.
18 Q. Merci d'avoir pris le temps de le faire --
19 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au conseil de bien vouloir
20 ralentir et de faire une pause entre questions et réponses.
21 M. BOURGON : [interprétation] En effet, j'essayerai de le faire.
22 Q. Première question. J'ai une question qui porte sur votre rapport que
23 l'ai lu avec énormément d'intérêt, notamment la deuxième partie, section 5,
24 qui porte sur la description de l'apparence des individus. Dans ce
25 chapitre, vous faites des références aux publications, c'est-à-dire la
26 description d'une personne après un laps de temps considérable. Vous venez
27 de répondre à quelques questions de mon confrère M. Zivanovic. Si j'ai bien
28 compris, cela fait partie de votre domaine de connaissance, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui, en effet.
2 Q. J'aimerais vous demander de m'aider en ce qui concerne les facteurs qui
3 ont un impact sur la mémoire d'un témoin, ce dont se souviendrait un témoin
4 après un laps de temps important concernant l'apparence physique et les
5 caractéristiques d'un individu que le témoin n'aurait vu qu'une fois. Voici
6 ma question : si un témoin est impliqué dans un événement important, sans
7 pour autant que ce soit forcément un crime, un délit, mais un événement
8 important, où le témoin rencontre pour la première fois l'individu en
9 question et que la personne en question ne revoit pas le témoin pendant un
10 laps de temps assez long - mettons sept ans - du point de vue scientifique,
11 quel sera le souvenir du témoin concernant l'apparence physique et les
12 caractéristiques de l'individu en toute probabilité ?
13 R. Il faudrait peut-être clarifier que je ne peux répondre qu'à des
14 questions d'ordre général dans mon domaine scientifique et que je n'ai
15 absolument aucune connaissance particulière concernant votre client. Donc
16 je demande à ce que mes réponses soient considérées comme des réponses
17 d'ordre scientifique et d'ordre général.
18 Lorsque l'on examine les descriptions données par des personnes qui
19 déclarent avoir rencontré tel ou tel individu dans le passé, on constate
20 qu'avec le passage du temps, la description est moins détaillée, on perd
21 certains détails. Généralement, les gens disent spontanément des choses
22 assez générales, on va dire c'est un homme ou c'est une femme; ils se
23 souviennent de cette distinction. Ils vont dire que c'était un blanc ou un
24 noir, une catégorie assez grossière, on va dire que c'était un asiatique ou
25 un blanc ou un noir. Des informations d'ordre général concernant la taille;
26 on va dire qu'il était grand ou très petit. S'il n'y avait rien de
27 particulier, on ne va même pas mentionner la taille. On dira, c'était soit
28 une personne très jeune ou une personne assez âgée. Donc vous voyez, on va
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1 utiliser des catégories assez grossières, assez larges.
2 On se souvient souvent des cheveux : on va dire l'homme était chauve, ou
3 l'homme avait les cheveux très longs, ou des cheveux foncés frisés, dans
4 mon cas, on va dire beaucoup de cheveux blancs, par exemple. La chevelure
5 est quelque chose qui reste dans la mémoire. Bien souvent, ça peut être
6 étonnant, mais c'est néanmoins vrai, on oublie l'existence de moustache ou
7 de barbe, ce sont des éléments qui se perdent dans la mémoire.
8 Q. Merci, Monsieur le Professeur. Que peut-on dire des vêtements ?
9 R. En ce qui concerne les vêtements, c'est très difficile sauf si c'est
10 extrêmement évident, très voyant. Par exemple, le père Noël, si vous avez
11 vu le père Noël, vous vous souviendrez de son costume; mais en temps de
12 guerre, on va se souvenir de l'uniforme, mais sans pour autant pouvoir
13 distinguer quel uniforme, il peut y avoir une certaine confusion autour des
14 uniformes. Dans mes travaux de recherche, j'ai travaillé sur le souvenir
15 que l'on peut avoir des uniformes dans les camps de concentration nazis,
16 nous savons, d'après les survivants, qu'ils se trompent parfois
17 complètement en matière d'uniformes de certaines personnes. Je dois vous
18 avertir, ce n'est pas qu'ils se trompent d'uniforme, mais ils se trompent
19 de qui a porté quel uniforme et c'est un élément essentiel pour le
20 Tribunal.
21 Q. Merci, Monsieur le Professeur. Je voudrais prendre un exemple pratique,
22 sans pour autant rentrer dans les faits de cette affaire, et vous posez la
23 question suivante : si un témoin vous voyait, vous, aujourd'hui pour la
24 première fois, en vous voyant témoigner aujourd'hui dans ce procès
25 important, et qu'ensuite cette personne ne vous revoit pas pendant un laps
26 de temps de sept ans, si on demandait à cet individu de vous décrire, de
27 donner une description physique, qu'est-ce que cette personne va
28 vraisemblablement pouvoir dire de vos caractéristiques physiques, de quoi
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1 va-t-il se souvenir ?
2 R. Il va dire que je suis un homme, que je suis blanc, que je suis
3 Caucasien, que je suis assez âgé, que j'ai des cheveux blancs puis,
4 évidemment, tout dépend si la personne m'a vu assis ou debout, puisqu'ici
5 on ne peut pas voir ma taille puisque je suis assis. Si le témoin m'avait
6 vu marcher, il ne dirait rien de bien particulier. Je ne suis ni très gros
7 ni très mince, je ne suis ni très grand ni très petit. Il n'y a rien de
8 très particulier, si vous voulez, qui viendrait frapper la mémoire du
9 témoin qui lui permettrait de s'en souvenir sept ans après.
10 Q. Vous avez dit deux fois -- vous avez parlé de beaucoup de cheveux
11 blancs, vous l'avez dit spontanément avant que je pose la question, et
12 maintenant vous avez parlé de vos cheveux blancs. Quelle est l'importance
13 des cheveux blancs en ce qui vous concerne, vous ?
14 R. Je ne sais pas si je comprends bien quelle est votre question. C'est un
15 trait dont on va se souvenir. Je ne sais pas si c'est très important en ce
16 qui me concerne ni d'ailleurs pour ma femme.
17 Q. Je vais être un peu plus précis. Un témoin qui vous aurait vu une fois
18 aujourd'hui et qui parle de vous sept ans après, quelle sera l'importance
19 de cet élément, disons, quelle est la probabilité que le témoin se
20 souvienne de cette caractéristique ?
21 R. Je comprends. Parmi mes caractéristiques générales, je pense que c'est
22 la caractéristique dont on va probablement se souvenir, avec la plus forte
23 probabilité si vous voulez.
24 Q. Sans entrer dans les faits de cette affaire, si la blancheur de la
25 chevelure et la coiffure en général représente une caractéristique
26 importante, je vais ajouter la chose suivante : s'il s'agit d'une personne
27 assez jeune, de 30 à 35 ans, avec des cheveux blancs et telle ou telle
28 coiffure, quelle est l'importance de cet élément dans une description de la
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1 personne qui serait faite sept ans après ?
2 R. Ça dépend, c'est assez étonnant qu'un homme aussi jeune ait des cheveux
3 blancs; ce qui était mon cas d'ailleurs. Mais le fait de savoir si ce
4 serait frappant dans la mémoire du témoin dépendra de la capacité du témoin
5 d'évaluer l'âge de la personne. Si pour toute une série de raisons, c'est
6 évident que la personne en question est très jeune, en effet, le témoin va
7 se dire, c'est assez bizarre, en fait, que cet homme jeune ait des cheveux
8 blancs, donc cela viendrait contribuer au souvenir de cet élément. Mais en
9 général, l'évaluation de l'âge de la personne est très liée à la couleur
10 des cheveux. Donc il est également possible que votre témoin hypothétique
11 se trompe de l'âge de l'individu et n'y voit rien de particulier. Donc
12 c'est l'un ou l'autre, et la façon d'appliquer cela à l'affaire en
13 question, je ne peux pas le dire.
14 Q. Je ne veux pas rentrer ici dans les détails de l'affaire, mais si le
15 témoin reconnaît telle ou telle personne comme étant une personne jeune
16 avec des cheveux blancs, est-ce que pour vous c'est un détail significatif
17 ?
18 R. Si le témoin reconnaît que l'individu est jeune, le fait qu'il ait des
19 cheveux blancs va attirer son attention et il va probablement s'en
20 souvenir. La probabilité qu'il s'en souvienne sera plus forte.
21 Q. Merci. D'après ce que j'ai compris, vous avez parlé d'autres facteurs
22 qui ont une influence sur la qualité et la précision du souvenir que l'on
23 peut avoir d'une personne, et j'aimerais examiner quelques éléments. Tout
24 d'abord, vous avez parlé brièvement avec mon confrère, Me Zivanovic, de la
25 durée de la période de souvenir. Vous en avez déjà parlé. Si l'on diminue
26 la période de moitié, j'ai parlé tout à l'heure de sept ans, si on dit que
27 le témoin a revu la personne au bout de trois ou quatre ans. Quel serait
28 l'effet ?
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1 R. L'effet d'une deuxième rencontre correspond à ce que je disais tout à
2 l'heure, c'est-à-dire la mémoire serait rafraîchie. Je suppose qu'entre-
3 temps la personne n'a pas changé de façon significative, puisque alors on
4 ne peut parler de rafraîchir quelque chose d'ancien. Il s'agit d'un nouvel
5 élément de mémoire. Si l'on se revoit à mi-chemin dans la période de temps,
6 le processus de l'oubli redémarre, mais il est plus court, non plus sept
7 ans, mais trois ans et demi. La courbe de l'oubli se mesure à partir du
8 dernier moment dans le temps où on a rencontré l'individu.
9 Q. Le prochain critère que j'aimerais examiner avec vous, c'est
10 l'importance émotionnelle de la rencontre. Quel rôle est-ce que cela
11 viendrait jouer dans le fait que le témoin puisse oui ou non reconnaître
12 quelqu'un sept ans plus tard, une personne qu'il n'aurait vue qu'une fois,
13 par exemple ?
14 R. La relation entre les émotions et la qualité de la mémoire est
15 extrêmement complexe parce qu'il y a deux effets qui entrent en ligne de
16 compte. D'abord, les émotions viennent empirer la mémoire, et d'autre part,
17 les émotions viennent améliorer la mémoire. Pour simplifier quelque chose
18 qui est en réalité fort complexe, je dirais que l'un des éléments
19 déterminants c'est que les émotions, à un moment donné, réduisent la portée
20 de l'attention. On prête davantage d'attention à certains éléments et moins
21 d'attention à d'autres éléments. Là où vous avez porté davantage
22 d'attention, évidemment, vous allez bien vous en souvenir, au prix des
23 éléments dont vous n'avez pas porté beaucoup d'attention, car là, la
24 mémoire sera moins bonne. C'est pourquoi on ne peut répondre à la question
25 qui porte sur les émotions sans d'abord savoir si l'élément dont il s'agit
26 de se souvenir est quelque chose auquel on a porté toute votre attention
27 lié à l'émotion, ou au contraire, quelque chose que vous allez essayer
28 d'oublier, puisque ça n'avait pas autant d'importance. En fait, répondre à
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1 ce qui s'est vraiment produit n'est possible que si l'on a une description
2 précise de l'affaire.
3 Q. Merci, Monsieur le Professeur. J'aimerais examiner un autre critère
4 rapidement, vous en avez déjà parlé un petit peu, à savoir s'il est
5 opportun de se rafraîchir la mémoire ou si le témoin a eu occasion de
6 repenser à l'événement. Est-ce que c'est important ?
7 R. Oui, en effet. C'est un exemple de ce que j'appelais rafraîchir la
8 mémoire. Si des événements vous rappellent tel ou tel événement, des
9 événements auxquels vous avez pensé à plusieurs reprises, restent plus
10 facilement dans la mémoire que des éléments auxquels vous n'avez jamais
11 pensé, que vous essayez de retrouver.
12 Autrement dit, rafraîchir la mémoire, le rafraîchissement de la
13 mémoire est directement lié à votre connaissance des événements. Mais
14 avertissement. Si les événements vous reviennent dans l'esprit tout
15 simplement parce que la vie est ainsi, c'est une chose. Mais si, au
16 contraire on vous présente des informations conflictuelles, ça peut empirer
17 la mémoire. Le simple fait de survivre à une guerre vous rappelle la guerre
18 tout le temps. Ce n'est pas quelque chose qui va vous quitter, que vous
19 pouvez oublier car ça fait partie de votre vie. Donc cet élément-là va
20 venir rafraîchir votre mémoire incessamment.
21 Q. Encore une question, Monsieur le Professeur. Lorsque nous nous sommes
22 rencontrés, vous avez mentionné que plus un événement est important, plus
23 il sera gravé dans la mémoire, et vous avez dit qu'un événement gravé dans
24 la mémoire est généralement associé à une image visuelle. Pouvez-vous nous
25 expliquer cela ?
26 R. Oui. La mémoire porte sur des faits, mais certains éléments
27 correspondent à des images. On peut décrire à quoi cela ressemblait, on
28 parle de l'imagerie. On peut fermer les yeux et essayer de revoir l'image
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1 devant soi et même décrire cette image. Certains événements qui ne
2 correspondent pas forcément à la connaissance générale mais correspondent à
3 des choses que vous avez vues, sont gravés dans la mémoire non pas sous la
4 forme de faits ou de mots, mais aussi sous la forme d'images.
5 Q. Merci. Dans votre réponse d'une question posée par mon confrère qui
6 représente l'accusé Beara, vous avez parlé d'une règle de plus ou moins
7 cinq que vous utilisez vous-même. Pour résumer votre conclusion, au-delà de
8 dix, c'est-à-dire plus ou moins dix, que ce soit des kilos, l'âge, la
9 taille en centimètres, ça vous entraîne à poser la conclusion que le témoin
10 soit ne se souvient pas de la personne, soit ne l'a jamais rencontrée. Est-
11 ce que j'ai bien résumé votre réponse à la question de mon confrère ?
12 R. Non. En effet, pas du tout. C'est beaucoup trop fort ce que vous dites.
13 J'ai dit qu'en sous de dix, il ne faut pas être surpris que cela se
14 produise. Au-delà de dix, là, vous avez raison. Mais ça ne s'applique que
15 dans le monde métrique. Nous parlons de centimètres et de kilogrammes, et
16 non pas de pouces et de livres; je précise bien. Au-delà de dix, il serait
17 prudent de se demander si la personne a été réellement rencontrée oui ou
18 non. Je n'ai pas dit que ça a été prouvé que la personne a vu quelqu'un
19 d'autre. Je disais que ça devient raisonnable de l'examiner plus en avant,
20 c'est-à-dire que c'est une bonne raison d'avoir des doutes, mais ce n'est
21 pas la même chose que de dire qu'il s'agit de preuve.
22 Q. J'aimerais vous poser une autre question : pour revenir à l'exemple que
23 vous nous avez donné, c'est-à-dire votre description de vous-même,
24 description physique, si un témoin qui prétend vous avoir vu il y a sept
25 ans et qu'on lui demande aujourd'hui de vous décrire, s'il omettait
26 complètement la mention de vos cheveux blancs, sur la base de vos
27 connaissances scientifiques, est-ce que vous pourriez conclure que la
28 description est non fiable ?
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1 R. Bien, il y a plusieurs étapes. D'abord, vous demandez au témoin de
2 donner une description spontanée. C'est essentiel dans tout interrogatoire.
3 C'est la description spontanée qui est la plus importante. C'est la partie
4 la plus importante dans la procédure. En général, dans une description
5 spontanée, le témoin décrit les cheveux. Sinon, il y a deux possibilités :
6 ils ne s'en souviennent pas, donc ils n'en ont pas parlé, ou deuxièmement,
7 ils n'ont pas pensé que c'était important, et donc ils ne l'ont pas dit. On
8 peut le vérifier, en demander une description plus détaillée, sans
9 mentionner les cheveux évidemment. S'ils n'ont pas parlé des cheveux ou si
10 vous dites : Et autre chose, y a-t-il autre chose ? A ce moment-là, s'ils
11 se souviennent des cheveux, ils vont en parler. S'ils n'en parlent pas,
12 vous pouvez poser une question plus précise : vous souvenez-vous des
13 cheveux. Mais c'est un petit peu tendancieux, un petit peu directeur,
14 puisque vous attirez l'attention à cet élément et vous mettez la pression
15 sur le témoin, vous lui demandez de parler des cheveux. Mais dans la mesure
16 où le Tribunal sait que la question a été posée, on peut en tenir compte.
17 C'est-à-dire que dans un premier temps rien sur les cheveux; dans un
18 deuxième temps, rien sur les cheveux; et troisièmement, lorsqu'on a posé
19 une question directrice, donc c'est une fiabilité moins élevée. Si la
20 personne dit qu'il avait des cheveux roux, couleur carotte, et bien là, on
21 est sûr qu'il parle de quelqu'un d'autre. Mais si au moment où on pose une
22 question directe il ne peut pas parler de cheveux blancs, il me semble
23 qu'il a été influencé par la demande, par la question directrice. Donc
24 c'est très compliqué, voyez-vous, comment évaluer ce que disent les témoins
25 des cheveux. C'est très important que l'interrogatoire soit mené selon la
26 procédure, selon la norme professionnelle, c'est-à-dire qu'il faut le
27 laisser parler spontanément d'abord, et ensuite une deuxième tentative de
28 parfaire la description spontanée, puis une question directrice, et tout
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1 cela doit être enregistré.
2 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Professeur. Je n'ai pas
3 d'autres questions. Monsieur le Président, j'ai terminé avant la pause.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Très bien, nous allons faire la
5 pause de 25 minutes maintenant. Il vous faudra combien de temps pour
6 l'interrogatoire supplémentaire ?
7 M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que j'avais dit trois heures au
8 début. Je pense que ça sera un peu moins, mais peut-être pas beaucoup
9 moins, peut-être deux heures, deux heures et demie.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci beaucoup. Nous faisons une pause
11 de 25 minutes.
12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.
13 --- L'audience est reprise à 12 heures 59.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Avant de demander à Me Lazarevic s'il a
16 l'intention de contre-interroger ce témoin, ou de demander la même chose
17 aux autres équipes de la Défense et à l'Accusation, sachez que nous aurons
18 besoin de cinq minutes vers la fin de l'audience pour parler de petits
19 problèmes administratifs. Et, Maître Ostojic et Maître Bourgon, si vous
20 pensez que vous avez besoin d'un peu plus de temps, parce que c'est vous
21 qui êtes principalement intéressés par ce que l'on va discuter, dites-nous
22 si vous avez de plus que cinq minutes.
23 Très bien. Monsieur Gosnell, qu'en est-il ?
24 M. GOSNELL : [interprétation] Bonjour, je tiens à vous dire que nous
25 n'avons pas de questions.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Fauveau, qu'en est-il pour vous
27 ?
28 Mme FAUVEAU : Pas de questions, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE AGIUS : [en français] Merci, Madame.
2 [interprétation] Monsieur Josse, vous avez des questions, nous avons vu des
3 documents qui ont été présentés dans ce but, donc nous nous attendons à vos
4 questions.
5 Contre-interrogatoire par M. Josse :
6 Q. [interprétation] Bonjour, Professeur Wagenaar. Je m'appelle David
7 Josse. Je suis conseil de la Défense du général Milan Gvero entre autres.
8 Nous ne nous sommes jamais rencontrés, n'est-ce pas ?
9 R. En effet.
10 Q. Vous n'avez jamais discuté de l'affaire Gvero avec qui que ce soit ?
11 R. Non.
12 Q. Donc vous n'avez aucune idée des questions que je vais vous poser,
13 n'est-ce pas ?
14 R. En effet.
15 Q. J'aimerais clarifier quelques petites choses. Comme vous allez vous en
16 rendre compte dans un peu de temps, ce qui m'intéresse, c'est la
17 reconnaissance, or, vous nous avez parlé assez longuement de la
18 reconnaissance ce matin. Au cours de votre déposition, vers la page 11 du
19 compte rendu d'aujourd'hui, vous avez parlé de la taille et du poids, vous
20 avez parlé de cette tolérance de 5 centimètres, de 5 kilos, et cetera. Cela
21 ne porte que sur l'identification, n'est-ce pas, et non pas sur la
22 reconnaissance ?
23 R. Non, pas forcément. Ce que j'ai dit, c'est la chose suivante, si on
24 demande à quelqu'un de décrire une personne qu'ils ont déjà rencontrée,
25 s'ils donnent des précisions en matière d'âge, de poids ou de taille, il y
26 a une certaine tolérance, souvent ils se trompent dans une certaine mesure,
27 mais ça c'est quand on demande la perception de quelqu'un familier ou pas
28 familier. Cela dépend de la perception que l'on a eue lors de la rencontre.
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1 Ça ne pourrait être différent que si on demande à une personne de
2 reconnaître une personne qu'on connaît tellement bien, qu'on n'a pas à
3 estimer ni la taille ni l'âge parce qu'on les connaît. Je connais son âge,
4 je connais sa taille, et je n'ai besoin de me lancer dans une estimation.
5 Là, c'est différent. Mais si ce sont des personnes assez connues, comme les
6 gens ici dans le prétoire que j'ai vus, alors on pourrait dire que ce sont
7 des personnes connues si je les revois plus tard, parce que je les ai déjà
8 vues une fois, mais ici dans ce prétoire, je ne connais ni la taille, ni
9 l'âge, ni le poids de personne. Donc je devrais estimer ces détails. Là je
10 parle d'estimations, on peut faire des estimations à la fois sur les gens
11 bien connus ou sur les gens pas très connus.
12 Q. Très bien. Donc ici on parle de degré de savoir dans quelle mesure le
13 témoin connaissait le suspect avant la fameuse rencontre qui aurait eu
14 lieu; c'est bien cela ?
15 R. Oui, c'est ça. Quand on connaît plus ou moins bien une personne, on
16 sait à peu près combien cette personne pèse ou combien cette personne
17 mesure.
18 Q. Mais dans une situation où le témoin et le suspect ne se connaissaient
19 pas très bien avant la rencontre concernée, pensez-vous qu'il serait
20 prudent de demander au témoin quelle était la taille du suspect, son âge et
21 son poids, n'est-ce pas ?
22 R. Oui, il faudrait être prudent quand on pose cette question. Il faudrait
23 lui dire, est-ce que vous êtes sûr de ça ou est-ce que vous nous faites une
24 estimation, mes règles s'appliquent à des estimations uniquement.
25 Q. Oui, mais à quel moment est-ce que vous dites qu'il serait prudent de
26 poser ce type de questions, est-ce que c'est au cours de l'enquête ou est-
27 ce que c'est pendant le procès en prétoire ?
28 R. La règle, c'est toujours de poser les questions le plus rapidement
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1 possible.
2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Qu'en est-il, Maître Nicholls ?
3 M. NICHOLLS : [interprétation] On n'est plus en train de parler de
4 l'expertise de ce témoin, il est là pour nous parler de souvenir, de
5 reconnaissance et là on commence à parler d'enquêtes, c'est complètement
6 différent.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Josse.
8 M. JOSSE : [interprétation] Je ne suis absolument pas d'accord. Ce témoin
9 jusqu'à présent a énormément déposé en matière de techniques d'enquête et
10 je pense que ma question est parfaitement correcte.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est vrai, je suis d'accord avec vous.
12 Répondez à la question de M. Josse, s'il vous plaît.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand on prend en compte l'oubli qui existe,
14 il faut mieux poser les questions le plus vite possible, donc si l'enquête
15 a lieu bien longtemps avant le procès, il est utile et sage de poser les
16 questions le plus rapidement possible au cours de l'enquête et pas attendre
17 le procès. Surtout en ce qui concerne les souvenirs d'apparence physique
18 des gens, parce que ça dépend vraiment de la représentation visuelle que
19 l'on a, plutôt que la mémoire factuelle, ce n'est pas des faits dont nous
20 peut se souvenir. Donc il faut poser la question le plus vite possible
21 parce qu'il s'agit d'une représentation visuelle.
22 Q. Très bien. Passons à autre chose.
23 M. JOSSE : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, avoir à
24 l'écran la pièce 2D590. Page 11, bas de la page 11. C'est ce qui
25 m'intéresse.
26 Q. Il s'agit de l'extrait d'un article qui n'a pas été publié et
27 écrit de votre main. Il s'agit d'un article intitulé "Témoin expert dans
28 les tribunaux internationaux pour crimes de guerre. Pour ce qui est de ce
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1 tableau, vous avez rédigé ce tableau comme étant comme une espèce de guide
2 permettant à une reconnaissance de se faire dans les meilleures conditions
3 possibles; c'est bien cela ?
4 R. Oui.
5 Q. J'espère que vous n'allez pas prendre ma question de travers, mais ici
6 ça semble quand même enfoncer un peu des portes ouvertes, ça paraît être
7 assez logique tout ce que vous dites ici, c'est-à-dire un tribunal jugeant
8 des faits doit vraiment prendre en compte l'estimation de la fiabilité d'un
9 témoin qui aurait soi-disant reconnu quelque chose, n'est-ce pas ?
10 R. Oui, c'est vrai, d'abord ces éléments sont pertinents, parce qu'il y a
11 des recherches scientifiques qui les sous-tendent. Je viens de parler de la
12 distance. Dans la littérature scientifique, il n'y a pas d'information
13 suffisante sur l'emploi de la distance et de l'éclairage. C'est vrai que
14 c'est du bons sens, mais pas uniquement du bon sens.
15 Q. Je vous interromps, car il y a une erreur dans le transcript en
16 anglais. On a tendance à confondre éclairage et élimination. Il ne s'agit
17 pas du mot élimination, "elimination" en anglais, mais du mot
18 "illumination" en anglais, éclairage. Ça c'est pour corriger le transcript
19 en anglais.
20 Donc ce n'est pas exhaustive cette liste ? La concentration montrée par le
21 témoin pour la reconnaissance qu'il avait faite auparavant et la
22 reconnaissance du témoin sur la scène du crime, il faudrait le prendre en
23 compte, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Savoir si le témoin aurait pu être distrait aussi lors de l'une ou
26 l'autre des rencontres, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Il y a d'autres points qui pourraient être ajoutés à cette liste et qui
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1 pourraient aider à la reconnaissance, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Très bien.
4 M. JOSSE : [interprétation] J'aimerais que l'on mette ce document sur le
5 rétroprojecteur maintenant, s'il vous plaît. Il s'agit de l'extrait d'un
6 manuel de criminologie britannique, qui s'appelle "Archbold", édition de
7 2007, publié par Sweet et Maxwell, page 1 487, en haut où on voit que l'on
8 parle de l'identification visuelle.
9 Q. Au milieu de la page, c'est le milieu du paragraphe 14, qui nous
10 intéresse, donc on voit que l'on parle de l'identification d'étrangers et
11 on parle de reconnaissance. Ce livre a pour but de donner une liste des
12 choses dont un juge doit prévenir un jury, ce sont tous les facteurs que
13 les jurys doivent prendre en compte dans le cadre d'une identification.
14 J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec ces critères, oui ou non.
15 Il est écrit que la reconnaissance peut être plus fiable que
16 l'identification d'un étranger, mais cela ne veut pas dire que le juge
17 n'ait pas à rappeler au juré quelles sont les erreurs qui peuvent être
18 faites. Il y a certaines affaires qui sont citées, en 1991, par exemple,
19 dans R. contre Bentley, Lord Lane, C.J., a fait remarquer que "les preuves
20 de reconnaissance ne devaient pas être évidentes. Parce que parfois les
21 gens disent : 'J'aurais juré que c'était vous.' Et c'est le type
22 d'avertissement qu'un juge doit faire aux jurés, en effet, parce que c'est
23 exactement ce qu'un témoin a fait. Il a juré que la personne était qui il
24 était." Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous parler de ce qui est écrit ?
25 Pouvez-vous commenter ?
26 R. Vous avez une question à poser ?
27 Q. D'après vous, est-ce qu'un tribunal jugeant des faits doit prendre ce
28 type d'élément de preuve en considération, d'un point de vue scientifique,
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1 lorsque ce tribunal doit évaluer si la reconnaissance s'est faite
2 correctement oui ou non ?
3 R. Je ne suis pas tout à fait sûr si c'est ce que je dirais. Je peux
4 seulement dire que ce qui est résumé ici correspond à mes propres
5 positions, à savoir si le tribunal doit tenir compte de ces éléments, ceci
6 doit être décidé par le tribunal.
7 Q. Poursuivons. "Dans le demande de reconnaissance, il y a des niveaux de
8 danger peut-être qui se posent qui sont peut-être moins énormes lorsque les
9 parties se connaissent depuis longtemps et lorsque la personne qui doit
10 identifier quelqu'un se trouve sur la scène --
11 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au conseil de ralentir le débit
12 lorsqu'il lit.
13 M. JOSSE : [interprétation]
14 Q. Je présume que ceci veut dire que la personne devait se trouver sur
15 place, donc ceci correspond également avec ce que vous avez déjà dit,
16 n'est-ce pas, dans le cadre de votre déposition ?
17 R. Oui, tout à fait. La reconnaissance et l'identification ne sont jamais
18 garanties à 100 %. Dans notre discipline, il faut faire attention sur la
19 façon dont on applique les tests, c'est-à-dire de quelle façon est-ce qu'on
20 peut tester les prétentions quant à l'identification et à la
21 reconnaissance. Quelles sont les meilleures méthodes qui peuvent être
22 utilisées par les enquêteurs, quelles sont les méthodes qui peuvent
23 contribuer pour que ces erreurs dans les tribunaux ne se glissent pas. Mais
24 il y a toujours une possibilité qu'il y ait des erreurs.
25 Q. Et vous nous avez déjà dit, n'est-ce pas, qu'il est bien difficile,
26 sinon, pas possible, d'évaluer si un témoin qui a pu faire une
27 identification ment ou pas ?
28 R. Je ne dirai jamais qu'un témoin ment. Cela ne fait pas partie de ma
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1 discipline d'évaluer si quelqu'un ment ou ne ment pas. De toute façon, il
2 n'y a pas de bonne méthode scientifique pour déterminer si une personne
3 ment. Donc cela ne fait pas partie non plus de ma discipline. Mais je ne
4 dirai aussi jamais qu'une reconnaissance précise ou une identification est
5 bonne ou erronée. Je peux seulement faire une évaluation des critères et
6 des méthodes employés par les parties juridiques lorsqu'on donne réponse à
7 cette question.
8 Q. Bien sûr, c'est le tribunal jugeant des faits qui doit décider si un
9 témoin est précis ou pas.
10 R. Oui.
11 Q. J'aimerais lire une dernière phrase de la direction juridique dont je
12 vous demande de nous faire des commentaires -- présuppose que lorsque l'on
13 fait une erreur honnête, car ici on peut lire : "Il est conseillé d'aviser
14 le jury qu'il peut y avoir une possibilité d'erreur honnête et qu'il y a
15 des dangers, et qu'il y a des raisons pourquoi ces dangers peuvent exister
16 lorsqu'on identifie quelqu'un." En fait, la raison pour laquelle je vous
17 pose cette question, c'est que j'aimerais faire une différence entre la
18 possibilité d'une erreur honnête et de la possibilité d'un témoin qui
19 délibérément donne une mauvaise réponse.
20 R. Puisque une reconnaissance ou une identification, selon moi, n'est
21 jamais assurée à 100 %. Les tribunaux et les jurés, les juges des faits
22 doivent tenir compte de ce fait et doivent être rappelés de ce problème.
23 Q. Bien sûr. Le problème de déni de justice est basé sur une mauvaise
24 identification; en d'autres mots, le témoin peut dire la vérité, mais s'il
25 pense qu'ils aient pu faire une erreur, c'est ce que vous voulez dire ?
26 R. Non, j'aimerais dire qu'il existe un lien entre les erreurs commises
27 par les témoins et la qualité des procédures employées lorsque ces derniers
28 avaient été testés, et donc il faut faire attention, car on ne devrait pas
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1 simplement dire -- les cours et les jurés ne doivent pas simplement dire
2 aux jurys en fait que les témoins peuvent se tromper, mais il faut
3 également faire une évaluation des procédures qui ont été utilisées pour
4 tester le témoin.
5 Q. Le document que je viens de vous montrer sur le prétoire électronique
6 en tant que pièce 6D307, donc il est téléchargé sur le prétoire
7 électronique portant la cote 6D307.
8 Maintenant pour revenir brièvement sur le document qui était affiché sur le
9 prétoire électronique il y a quelque instant, donc le document 2D590, page
10 11, j'aimerais revenir à un document-là. J'aimerais vous poser encore
11 quelques questions quant aux laps de temps ou tout temps qui est écoulé.
12 Donc mon éminent confrère, Me Zivanovic vous a posé certaines questions
13 ainsi que M. Bourgon, ils vous ont tous les deux posé des questions sur le
14 temps. Donc je vais être très précis et je vais vous donner des exposés des
15 situations hypothétiques et si vous n'êtes pas en mesure de répondre,
16 dites-le-moi, s'il vous plaît. Prenons, par exemple, une situation
17 hypothétique dans laquelle un témoin accepte que du point de vue de sa
18 reconnaissance d'une personne sur la scène du crime, qu'un enquêteur ou
19 quelqu'un d'autre, enfin, qu'une période de 12 ans s'écoule entre le moment
20 où on a vu quelqu'un, donc lorsque 12 ans se sont écoulés ente la période
21 où on a vu quelqu'un; est-ce que vous pourriez nous dire des commentaires
22 sur une situation telle que celle-là.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.
24 M. NICHOLLS : [interprétation] Objection. D'abord le témoin n'a pas toutes
25 les informations, et deuxièmement à moins que je ne m'abuse, je ne sais pas
26 si je lis bien la question. Le témoin ne pourrait jamais, je ne peux pas
27 répondre à cette question, car il faudrait que le témoin sache ce qui se
28 trouvait dans l'esprit de la personne qui n'a pas mentionné quelque chose
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1 pendant 12 ans, qu'il a omis de mentionner quelque chose pendant une
2 période de 12 ans. Il peut y avoir un très grand nombre de raisons pour
3 lesquelles ceci peut être le cas, donc c'est une hypothèse qui appelle au
4 témoin à se livrer à de grossières conjectures,
5 M. JOSSE : [interprétation] En fait, je peux reformuler ma question si vous
6 le souhaitez.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] En fait, oui, ralentissez, s'il vous
8 plaît, prenez le tout de façon plus philosophique.
9 M. JOSSE : [interprétation] Si mon éminent confrère souhaite vraiment que
10 je ne pose pas de cette question, je ne la poserai pas.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] En fait, vous êtes un témoin expert. Si
12 vous ne pouvez pas répondre à cette question, vous pouvez nous le dire. Si
13 oui, répondez à la question de Me Josse.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, justement j'allais
15 répondre à cette question. Le Procureur - en fait, il a plein de raisons
16 pour lesquelles les gens omettent de dire quelque chose. Ma spécialité est
17 la mémoire, je travaille avec le souvenir, la mémoire, donc ce n'est pas
18 toujours clair, enfin, la question ne m'est pas tout à fait claire, donc je
19 ne peux pas répondre à cette question.
20 M. JOSSE : [interprétation]
21 Q. Pourriez-vous nous dire - et seulement dites-le si ceci fait partie de
22 votre sphère, de votre domaine d'expertise - pourriez-vous nous dire quant
23 à la fiabilité du témoignage d'un témoin ? Pouvez-vous nous parler de la
24 fiabilité ?
25 R. Vous voulez dire lorsqu'un témoin mentionne un fait après un très grand
26 nombre d'années ?
27 Q. Oui.
28 R. Cela dépend. Cela dépend entièrement sur la raison pour laquelle le
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1 sujet a omis de mentionner quelque chose auparavant. Il pourrait s'agir de
2 fait que le témoin a toujours souhaité de dire, mais ne l'a jamais dit, ne
3 l'a jamais oublié. Au contraire, s'en souvient de plus en plus,
4 intensément, brûle d'envie de le dire, et finalement finit par le dire.
5 C'est peut-être un exemple que l'on peut donner, donc on peut dire que
6 cette information pourrait être particulièrement fiable. Il y a également
7 d'autres situations dans lesquelles le sujet prétend complètement oublier
8 quelque chose d'avoir réprimé et tout d'un coup ceci revient à leur
9 mémoire. Moi, je mettrais en doute leur témoignage. Donc cela dépend, bien
10 sûr, je peux simplement en réponse à cette question - en fait, je ne
11 pourrais répondre à cette question que si j'examinais des documents.
12 Q. Et vous avez dit un peu plus tôt à la page 64, à la ligne 16, en
13 parlant d'une étudiante qui allait défendre sa thèse à l'université de
14 Leiden que : "Avec le temps, la précision se perd et que la confiance est
15 accrue. Donc l'écart entre ce dont on se souvient réellement et la
16 confiance qu'on a devient de plus en plus grand."
17 R. Oui.
18 Q. Et vous maintenez cela ?
19 R. Oui.
20 Q. Comment est-ce que ceci ou comment est-ce que vous mariez cela avec ce
21 que vous venez de dire il y a quelques instants ?
22 R. Vous parlez d'un phénomène général qui peut être appliqué dans
23 certaines instances, pour certains incidents seulement s'ils sont décrits.
24 Donc de façon générale, il est vrai de dire que plus le temps passe, plus
25 cet écart est important. Le fait de ne pas dire quelque chose qui est
26 pertinent pendant 12 ans, de le garder pendant 12 ans, est quelque chose de
27 remarquable, assez impressionnant. Le risque est beaucoup trop élevé et cet
28 exemple ne se conforme pas à la situation précédente lorsque j'ai parlé de
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1 la confiance qu'on a en sa mémoire. Donc cette règle ne peut pas
2 s'appliquer en tant que règle stricte, on ne peut pas appliquer cela dans
3 n'importe quelle situation. Donc j'ai bien peur de vous expliquer les
4 principes de ma discipline en traits généraux et je ne voudrais surtout pas
5 que les parties appliquent ces traits généraux, car il arrive que
6 d'appliquer certains principes généraux puissent induire quelqu'un en
7 erreur.
8 Q. Professeur, ce que vous dites, pour que votre témoignage ait une
9 fiabilité, vous devez examiner en détail chaque identification et
10 reconnaissance et vous devez examiner le tout, car ce dont sur quoi vous
11 avez parlé vous n'aviez pas réellement examiné la situation ?
12 R. Non. Au contraire, j'ai dit que ça a une valeur générale très
13 importante, mais on peut induire quelqu'un en erreur, on peut se tromper
14 lorsqu'on applique un cas aussi exceptionnel, les règles à ce cas et que
15 ceci me rappelle un cas exceptionnel et les règles générales ne peuvent pas
16 être appliquées sur ce qui est très précis. Q. Vous dites qu'un tribunal
17 ne peut pas appliquer vos principes généraux, car il faut comprendre
18 quelles sont les circonstances entourant un fait.
19 R. Je crois que le tribunal doit appliquer toute connaissance que je peux
20 transférer et que j'émets, les opinions que j'émets. Je crois que de façon
21 certaine, le tribunal, sachant tous les faits, analyse le tout. Mais moi,
22 je ne connais pas tous les faits se rapportant à l'affaire, à votre client,
23 donc je ne pourrai pas improviser sur les implications possibles.
24 Q. Je comprends tout à fait. Je suis désolé des questions difficiles dans
25 des circonstances. Donc je n'ai plus de questions.
26 Merci.
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Sarapa.
28 M. SARAPA : [interprétation] Je n'ai pas de question pour ce témoin.
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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Monsieur Nicholls, il nous reste
2 un quart d'heure.
3 M. NICHOLLS : [interprétation] Je vais interroger pendant 10 minutes, puis
4 peut-être avez-vous autre chose à faire à la fin ?
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, en effet. 10 minutes, très bien.
6 Contre-interrogatoire par M. Nicholls :
7 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Professeur. Je m'appelle
8 Julien Nicholls. Je vais vous poser quelques questions aujourd'hui et nous
9 terminerons demain. Comme M. Ostojic l'a déjà dit, nous nous sommes
10 rencontrés brièvement ce matin et vous nous avez donné quelques pages de
11 notes manuscrites. Je ne vous avais pas contre-interrogé mais j'avais été
12 présent dans le prétoire et avais écouté votre témoignage lors du procès
13 Limaj et, pour être tout à fait juste, je vous ai également rencontré chez
14 vous au moment du procès Limaj. D'ailleurs, il y avait les avocats de la
15 Défense et nous avions discuté à ce moment-là de votre témoignage. Je vous
16 dis ça au cas où je vous sois familier.
17 Tout d'abord, j'ai été très frappé par vos excellentes explications
18 concernant le rôle du Tribunal et qui doit évaluer les différents éléments
19 de preuve en fin de compte. Avant de terminer la journée, je voudrais vous
20 poser quelques questions d'un autre point de vue. Vous avez parlé
21 brièvement de la mémoire et de la manière dont notre cerveau nous permet de
22 nous souvenir de noms et vous avez parlé également du rafraîchissement de
23 la mémoire. Vous avez parlé de la mémoire visuelle, c'est ainsi que l'on se
24 souvient des visages; c'est bien cela ?
25 R. Ce n'est pas entièrement correct. L'élément de l'image joue un
26 rôle dans le fait de se souvenir d'un visage, joue un rôle, mais si je vois
27 quelqu'un qui me fait penser à mon oncle, je peux essayer de retrouver son
28 visage et je regarde le visage et je vois qu'il me fait penser qu'il
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1 ressemble à mon oncle. D'ailleurs, je le dis souvent aux policiers :
2 lorsque vous voyez quelqu'un qui fait quelque chose, essayez de verbaliser
3 ce à quoi ressemble la personne, parce que c'est beaucoup plus facile de se
4 souvenir de cette description verbale que de se souvenir de l'image. Mais
5 il est également vrai que les témoins ne sont pas toujours en mesure de
6 vous donner cette description verbale. Il va pas dire : J'ai pensé, il
7 ressemble à une telle ou il portait des lunettes, par exemple. Donc vous
8 voyez, très souvent, le témoin n'a qu'une sorte d'image visuelle en mémoire
9 et il faut qu'il arrive à retrouver la verbalisation. Après
10 l'interrogatoire, il a verbalisé la description et ça intègre la mémoire de
11 l'individu.
12 Q. Merci. Je voudrais vous donner lecture d'une partie de votre
13 témoignage dans l'affaire Kupreskic en date du 3 juin 1993. C'est à la page
14 94 865 du témoignage. C'est dans le prétoire électronique 3663. Nous
15 n'avons pas forcément besoin de l'afficher, cependant.
16 Voilà ce que vous avez dit en ce qui concerne la mémoire des visages
17 et des noms. Je cite : "Le problème du visage, c'est qu'il est difficile de
18 rafraîchir l'image du visage si on ne vous montre pas une photo. Si vous
19 devez vous souvenir du visage du voleur de banque mais que l'on n'a pas
20 encore attrapé le coupable, on ne peut pas vous montrer le visage. Donc
21 entre-temps, le témoin risque d'oublier à quoi ressemblait le visage
22 puisque sa mémoire n'a pas été rafraîchie. Mais si au contraire, vous devez
23 vous souvenir d'un nom, vous pouvez vous-même vous le rappeler. A chaque
24 fois que vous racontez l'histoire, vous dites, voilà ce qui m'est arrivé,
25 un tel m'a fait telle chose. Donc ainsi le nom de la personne est rafraîchi
26 en mémoire. Ça peut arriver plusieurs fois par jour. Donc il n'y a pas de
27 raison dans ce cas que la mémoire se tarisse." Est-ce que cette explication
28 est juste ? Est-ce que vous êtes toujours d'accord avec ce que vous aviez
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1 dit ?
2 R. Oui, en effet. Tout à fait. C'était dans le contexte d'un débat
3 sur la différence entre une personne qui vous est familière et une autre
4 qui ne l'est pas. Si vous voyez une personne familière qui fait quelque
5 chose, vous n'avez pas besoin de vous souvenir de son visage puisque vous
6 le connaissez. Il vous suffit de vous souvenir de son nom. Or, si vous
7 voyez quelqu'un que vous ne connaissez pas, qui ne vous est pas familier,
8 qui n'a pas de nom pour vous, vous devez vous souvenir de son aspect
9 extérieur jusqu'au moment de l'enquête, par exemple, où l'on vous montre
10 des photos. Donc le processus de mémoire concernant les personnes
11 familières et les personnes non familières, les processus sont totalement
12 différents et les choses peuvent évoluer et changer et venir déformer la
13 mémoire que l'on peut avoir dans les deux contextes.
14 Q. Très bien. Si j'ai bien compris, cependant, la possibilité de
15 rafraîchir la mémoire en ce qui concerne le nom d'une personne, c'est
16 quelque chose que l'on peut faire seul et c'est différent de la situation
17 où la mémoire est rafraîchie à l'aide d'une photo; c'est bien cela ? C'est
18 comme ça que marchent nos cerveaux, n'est-ce pas ?
19 R. Oui, tout à fait.
20 Q. Encore quelques questions. Vous avez rencontré l'équipe Beara en
21 mai 2007, je crois, et c'était l'équipe Beara qui avait sélectionné les 12
22 témoins que vous deviez examiner. Vous ne les avez pas sélectionnés à
23 partir du procès.
24 R. Non, non. Tout à fait. C'était l'équipe de la Défense qui a
25 sélectionné les témoins. Je n'avais aucune connaissance des documents ou
26 des témoignages.
27 Q. Vous aviez accès - puisque mon confrère m'a donné un procès-
28 verbal de cette rencontre - vous aviez les procès-verbaux et les
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1 déclarations des témoins, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Aviez-vous accès ou avez-vous demandé d'autres documents tels que
4 des rapports militaires, des documents interceptés, des éléments de preuve
5 physiques pour que vous puissiez mieux connaître le contexte dans ces
6 déclarations des témoins. Vous n'avez jamais dit, par exemple, tel témoin
7 dit telle ou telle chose, j'ai besoin de voir la pièce pour comprendre ?
8 R. Non. Soyons clairs. Lorsque j'ai demandé à voir quelque chose, on
9 me l'a fourni et ce que j'ai vu se trouve dans les trois classeurs dont
10 vous avez copie.
11 Q. Une fois que vous avez reçu ces trois classeurs, avez-vous
12 demandé un complément d'informations ? Est-ce que vous avez dit, j'ai
13 besoin de telle ou telle déclaration de témoin, ou j'ai besoin de voir le
14 procès-verbal préalable ?
15 R. Non, je n'ai pas demandé des documents que je savais exister. Je
16 disais parfois, j'exprimais le désir d'avoir des documents qui n'existaient
17 pas. Je savais qu'ils n'existaient pas. J'aurais bien aimé les avoir, si
18 vous voulez.
19 Q. On vous a donné des résumés, des différents témoignages, des
20 sujets traités pour vous expliquer tel ou tel avait été sélectionné ?
21 R. Non, ce n'est pas qu'on me l'a fourni. J'ai préparé moi-même des
22 résumés à l'aide de M. Philip qui était le commis aux affaires. Donc il m'a
23 donné ce que j'avais demandé.
24 Q. A l'aide du commis d'affaires, vous avez préparé ces résumés; c'est
25 bien cela ?
26 R. Oui.
27 M. NICHOLLS : [interprétation] C'est un bon moment pour arrêter, Monsieur
28 le Président.
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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Parfait. Monsieur le Professeur, nous
2 allons vous retrouver demain matin.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] A 9 heures, Monsieur le
4 Président ?
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, tout à fait, comme aujourd'hui.
6 Monsieur Ostojic, jeudi de la semaine dernière nous avions dit que vous
7 deviez nous indiquer quelle serait la date où vous comptiez terminer de
8 manière à ce que M. Bourgon, qui vous suit -- non, plutôt l'équipe de M.
9 Nikolic qui vous suit saurait exactement à quelle date ils devaient se
10 tenir prêt pour commencer.
11 [Le témoin quitte la barre]
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne savais pas ce qui allait se
13 produire entre-temps. Nous savions que le prochain témoin, c'est-à-dire
14 celui pour lequel nous avions déjà prévu une vidéoconférence, tout cela a
15 été annulé pour des raisons que vous nous avez expliquées, et apparemment
16 le témoin que vous pensiez interroger après et pour lequel nous avions
17 également prévu une vidéoconférence dans un autre lieu, vous a informé
18 qu'il ne souhaitait plus témoigner.
19 Alors j'aimerais vous poser la première question que voici : est-ce que
20 vous allez également retirer ce témoin de la liste ou
21 pas ?
22 M. OSTOJIC : [interprétation] Nous préparons une note écrite concernant le
23 retrait de ce témoin, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous nous trouvons donc face
25 à la situation suivante : je vais devoir demander à M. Bourgon et Me
26 Nikolic de nous dire quelle va être la situation. Nous allons terminer, me
27 semble-t-il, avec le Pr Wagenaar demain. Avez-vous d'autres témoins ? Vous
28 avez parlé du représentant du Bataillon néerlandais, mais si j'ai bien
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1 compris, il n'est pas disponible cette semaine, et on ne sait pas s'il sera
2 disponible par la suite.
3 M. OSTOJIC : [interprétation] En ce qui concerne la personne du Bataillon
4 néerlandais, il sera disponible par la suite. Il est en mission en
5 Allemagne.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.
7 M. OSTOJIC : [interprétation] Il ne peut nous rencontrer que plus tard dans
8 la semaine, jeudi et vendredi. Il est à plus de deux heures de distance. Je
9 l'avais déjà rencontré par le passé. J'espérais pouvoir le faire cette
10 semaine. Mon objectif était de terminer avec l'ensemble des trois témoins
11 dont l'Accusation a connaissance et de faire les trois à la suite, et de
12 faire venir la personne du Bataillon néerlandais par la suite. Je crois que
13 nous avions également identifié le 2D172 qui peut avoir un impact sur le
14 témoignage du capitaine Egbers. Nous l'examinons encore, nous n'avons pas
15 encore une vue d'ensemble.
16 Les trois témoins qui restent sont l'expert Gogic qui est ici, nous
17 allons le rencontrer ce soir et nous espérons pouvoir l'interroger après le
18 Pr Wagenaar. Tout le monde est au courant, ensuite nous avons deux autres
19 témoins que nous allons appeler à la barre. Lorsque nous avions évalué la
20 durée du contre-interrogatoire, tenant compte des événements qui se sont
21 produits ce week-end, dont vous avez parlé, nous pensons pouvoir terminer
22 jeudi, si nous considérons que les estimations de temps données par les uns
23 et les autres sont justes. Pour M. Gogic, nous avions dit environ deux
24 heures. L'Accusation pense avoir besoin d'une heure, ils avaient réduit la
25 durée, je ne sais pas si c'est juste. Puis pour les autres conseils de la
26 Défense, une demi-heure, ce qui fait une journée entière pour le prochain
27 témoin, mais je vais devoir vérifier cela. Je ne peux pas vous donner leurs
28 noms, car je ne sais pas s'ils vont demander à témoigner sous pseudonyme.
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1 Donc pour chacun des trois, une heure en interrogatoire direct et
2 l'Accusation a demandé une heure pour chacun en contre-interrogatoire, donc
3 ça c'est pour jeudi.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est jeudi.
5 M. OSTOJIC : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Cela signifie, Maître Nikolic et
7 Monsieur Bourgon, est-ce que vous pouvez commencer vendredi ou lundi ?
8 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Selon les
9 informations dont nous disposions, nous avions contacté la Section des
10 Victimes et des Témoins, ils arrivent vendredi, donc nous pourrions
11 commencer le lundi.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.
13 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame la Greffière, nous avions
15 demandé à votre remplaçant la semaine dernière, je crois, de contacter la
16 Chambre Prlic pour intervertir les séances du mercredi et du jeudi.
17 Maintenant nous n'avons plus besoin, donc vous pouvez peut-être prendre
18 contact avec eux et leur expliquer que la raison pour laquelle nous avions
19 fait cette demande d'intervertir les séances n'est plus de mise et que nous
20 aimerions revenir au programme normal, c'est-à-dire que nous siégerons le
21 matin et eux, l'après-midi. Très bien, vous nous en informerez demain
22 matin.
23 Monsieur Bourgon.
24 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il reste deux
25 questions en suspens dont la Chambre devrait avoir connaissance. Il y a une
26 motion au titre de la Règle 92 bis pour un témoin, le 3DW26, mais nous
27 n'avons pas encore de réponse de l'Accusation, et nous avons dépassé le
28 délai de 14 jours.
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1 Deuxièmement, nous avons une stipulation conjointe que nous allons déposer
2 avec l'Accusation. C'est une question en cours depuis longtemps, même avant
3 le début de la Défense, et ceci sera déposé cette semaine.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pouvez-vous nous dire ce que vous en
5 pensez concernant la motion Nikolic qui consiste à rajouter un témoin.
6 Merci.
7 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le mardi
8 9 septembre 2008, à 9 heures 00.
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