Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 10 septembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour.

  6   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

  8   Bonjour à tous et à toutes.

  9   Affaire IT-05-88-T, le Procureur contre Popovic et consorts.

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 11   Je précise que tous les accusés sont présents. Tous les avocats de la

 12   Défense aussi, sauf Me Haynes. Est-ce qu'il va revenir plus tard ?

 13   M. DAVIS : [interprétation] Peut-être, Monsieur le Président. Je n'en suis

 14   pas sûr.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais il n'y a rien de grave, n'est-ce

 16   pas ?

 17   M. DAVIS : [interprétation] Non, non, il est tout à fait en forme.

 18   Merci.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

 20   Il y a deux jours, nous avions soulevé des questions d'intendance. Il n'en

 21   restait qu'une -- ou plus exactement deux, il y avait les deux requêtes

 22   pendantes de Popovic, pas d'objection; c'est bien cela ?

 23   M. McCLOSKEY : [interprétation] Exact.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ce qui veut dire que la Chambre fait

 25   droit à vos deux requêtes, Maître Zivanovic.

 26   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Gosnell, vous avez la parole.

 28   Bonjour, tout d'abord.

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  1   M. GOSNELL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour

  2   Madame et Messieurs les Juges.

  3   Hier, j'ai abordé assez longuement la question des incertitudes qui

  4   planaient sur la chronologie des événements survenus à l'entrepôt de

  5   Kravica dans l'après-midi et dans la soirée du 13 juillet. Je voudrais

  6   maintenant aborder en quelques mots les incertitudes planant sur l'identité

  7   des personnes qui se sont trouvées à ce moment-là à cet endroit, et je

  8   voudrais surtout réagir à l'allégation du Procureur qui a dit qu'il y avait

  9   certains des subordonnés de Borovcanin qui se trouvaient : primo, sur

 10   place, et, secundo, auraient participé aux meurtres.

 11   L'Accusation affirme dans son mémoire au paragraphe 1938 que, et je cite :

 12   "Il n'y avait pas d'effectif de la VRS qui avait été déployé sur la route"

 13   le 12 juillet.

 14   Au paragraphe 1950 du mémoire, l'Accusation dit :

 15   "Des éléments du dossier établissent que les forces du MUP de Borovcanin

 16   étaient présentes et avaient le contrôle de la route Bratunac-Konjevic

 17   Polje depuis le village de Kravica jusqu'à Hrncici le 12 juillet, puis

 18   pendant toute la durée de la journée du 13 juillet." L'Accusation dit qu'il

 19   n'y avait pas d'effectif de la VRS déployé sur la route à ce moment-là.

 20   L'Accusation n'a pas de preuve directe qui viendrait corroborer le

 21   fait qu'il y aurait eu un seul des hommes de Borovcanin qui aurait

 22   participé que ce soit à la première ou à la deuxième fusillade, l'absence

 23   d'autres unités dans la zone est un indice indirect capital sur lequel se

 24   base l'Accusation pour affirmer que le fait d'escorter des personnes depuis

 25   le pré de Sandici jusqu'à l'entrepôt de Kravica, puis le fait de surveiller

 26   cet entrepôt pour terminer par le meurtre de ces prisonniers, doit

 27   forcément avoir été le fait des hommes de Borovcanin. L'Accusation a bien

 28   émis quelques réserves s'agissant de cette affirmation vendredi dernier, je

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  1   ne sais donc pas dans quelle mesure l'Accusation continue de dire qu'il n'y

  2   avait pas d'hommes de la VRS sur cette zone. Mais vous allez maintenant

  3   avoir dans le système du prétoire électronique à l'écran une vision de

  4   certains des éléments seulement du dossier, et ceci va vous montrer à quel

  5   point cette affirmation de l'Accusation est incorrecte, nous l'avons prouvé

  6   dans notre mémoire aux paragraphes 132, 168, 169, et 185. Nombreux sont les

  7   témoins, dont des témoins musulmans qui n'avaient aucun motif de mentir,

  8   nombreux sont les témoins et aussi les documents et les conversations

  9   interceptées qui indiquent que les soldats de la VRS étaient bien actifs en

 10   grand nombre le long de la route le 13 juillet. En fait, les éléments de

 11   preuve montrent que les hommes étaient sur place effectivement sur ce

 12   tronçon si important de la route qui va du village de Kravica à Hrncici, et

 13   ce qui est le plus important, il y avait parmi ces effectifs des hommes

 14   appartenant à deux unités de la Brigade de Bratunac qui se trouvaient à

 15   l'entrepôt même de Kravica. Je ne parle pas simplement d'un seul homme,

 16   comme l'a dit le Procureur dans son réquisitoire; je parle de huit hommes,

 17   qui pour certains avaient des postes de commandement dans leurs unités

 18   respectives. Je pense qu'il y a une conclusion que vous pourrez

 19   raisonnablement déduire, c'est qu'il y avait bien plus que huit hommes de

 20   la Brigade de Bratunac dans l'entrepôt à ce moment-là.

 21   L'Accusation tente d'affirmer, dans son mémoire au paragraphe 1997, que

 22   Borovcanin a reconnu lors de l'entretien qu'il a eu avec l'Accusation qu'un

 23   groupe composé de 30 membres du 2e Détachement de Sekovici était présent à

 24   son arrivée à l'entrepôt, au moment où il a longé l'entrepôt. L'Accusation

 25   a réussi à faire cela en procédant à une déformation tout à fait

 26   extraordinaire des mots utilisés par Borovcanin, lorsque l'Accusation

 27   recompose une réponse à propos de ce qu'il a répondu quand il parlait de

 28   personnes qui avaient assisté au discours de Mladic à Sandici, qu'ils ont

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  1   associé à un passage qui décrit ce qu'il a vu lorsqu'il dit qu'il a vu

  2   Stupar sur la route se trouvant devant l'entrepôt. Je vous invite à faire

  3   une lecture attentive de ce texte que vous allez trouver à la page 64 de

  4   l'entretien qu'il a fait en mars, et vous verrez que l'affirmation de

  5   l'Accusation ne tient tout simplement pas la route.

  6   J'ai dit qu'il n'y avait pas de preuve directe attestant de la

  7   participation d'hommes de Borovcanin aux meurtres. Mais il y a des éléments

  8   directs, et c'est le Témoin 111 qui les fournit. Que dit-il, il dit que les

  9   hommes qui le surveillaient à l'entrepôt n'étaient pas les mêmes hommes que

 10   ceux qui l'avaient surveillé au pré. Il le dit sans aucune ambiguïté.

 11   Nous sommes beaucoup plus détaillés dans notre mémoire sur ce point, et je

 12   me permets de vous inviter à lire ces passages de notre mémoire en clôture.

 13   Ce qui compte ce n'est pas simplement les éléments de preuve portant sur

 14   l'identité des personnes présentes; mais aussi les éléments de preuve

 15   portant sur le fait d'escorter ces hommes. Autrement dit, pour savoir

 16   comment les prisonniers sont allés du pré de Sandici à l'entrepôt de

 17   Kravica ? Je pense que c'est un élément important pour voir quelles seront

 18   les conclusions, les déductions à tirer plus tard quant à l'identité des

 19   personnes se trouvant à l'entrepôt. Vu que l'Accusation ne présente que des

 20   moyens indirects, il n'y a pratiquement aucune discussion de ces points.

 21   C'est là une lacune dans la thèse de l'Accusation qui s'appuie sur

 22   l'affirmation qu'il fallait nécessairement que les hommes de Borovcanin

 23   soient présents à l'entrepôt.

 24   Permettez-moi un commentaire sur le caractère indirect des preuves

 25   présentées par l'Accusation. Celle-ci s'est plainte du fait que nous

 26   aurions été injustes dans notre mémoire en clôture, injustes lorsque nous

 27   avons laissé entendre que l'Accusation avait choisi de présenter des moyens

 28   indirects, que ce n'était pas quelque chose qui s'imposait à elle par

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  1   nécessité. J'ai entendu le Procureur expliquer la décision qu'il avait

  2   prise de ne pas citer à comparaître ces deux témoins parce qu'apparemment

  3   c'est quelque chose qui n'aurait pas été autorisé dans le système national

  4   de certains des substituts du Procureur. C'est peut-être vrai, mais ce

  5   n'est pas très important. L'Accusation aurait pu sommer ces témoins à

  6   comparaître, mais elle a décidé à ne pas le faire, ça c'est équivalent à un

  7   choix, quelle que soit la genèse de ce choix. De façon plus générale, nous

  8   ne parlons pas que de ces deux témoins-ci.

  9   Madame et Messieurs les Juges, nonobstant tous les doutes très sérieux qui

 10   pèsent sur la chronologie des événements survenus à l'entrepôt de Kravica,

 11   s'agissant du moment où Borovcanin aurait longé l'entrepôt, et disons qu'en

 12   nonobstant toutes ces questions, tous ces points d'interrogation qui

 13   doivent se trouver dans votre esprit, imaginons qu'une constatation est

 14   faite, celle qu'il savait qu'il y avait peut-être des actes criminels qui

 15   se produisaient, mais vous allez à ce moment-là conclure qu'il n'y a pas de

 16   base suffisante, de base crédible, pour conclure que ses subordonnés

 17   étaient présents. A mon avis, Madame et Messieurs les Juges, ceci vous

 18   amènerait à aborder la thématique, le problème de la responsabilité par

 19   omission.

 20   Dans son mémoire, l'Accusation affirme que même si les auteurs n'étaient

 21   pas des subordonnés, Borovcanin avait l'obligation d'entrer dans l'entrepôt

 22   parce qu'il avait à proximité certains de ses hommes, l'Accusation dit

 23   qu'il aurait dû entrer dans cet entrepôt, nécessairement, en tirant pour

 24   réprimer la fusillade. Nous avons longuement répondu à cet argument,

 25   répondu au fondement juridique de cette affirmation du paragraphe 357 au

 26   paragraphe 382. La question de la responsabilité par omission eu égard à

 27   des actes ou agissements de non-subordonnés c'est un point juridique

 28   compliqué. Important, très important. En dépit de toute confusion

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  1   éventuelle, il y a une chose claire, que vous preniez le critère Blaskic ou

  2   que vous preniez le critère Mrksic, une chose est sûre, une condition sine

  3   qua non à ce mode de responsabilité c'est la garde de prisonniers. C'est

  4   une omission ahurissante tant dans les arguments oraux que dans les

  5   écritures du Procureur, le fait qu'on ne trouve aucune définition de la

  6   garde, de la mise en détention. Nous, nous donnons cette définition, et je

  7   peux vous dire que les faits sont loin, très loin de prouver que ces hommes

  8   se trouvaient sous la garde de Borovcanin. Ici aussi, je vous demanderais

  9   de consulter notre mémoire sur ce point.

 10   J'aimerais maintenant passer à mon troisième sujet, la question du degré de

 11   fiabilité du mémoire en clôture de l'Accusation. Il y a des déformations,

 12   il y a des lacunes dans l'analyse et j'en ai déjà parlé, mais en plus de

 13   cela, ce mémoire abonde en allégations inédites. Il y en a trop pour que je

 14   les aborde par le détail, je vais me contenter de vous montrer quelques

 15   exemples emblématiques, et je vous donnerai un exemple de ce qui est à mes

 16   yeux une déformation assez grave des éléments du dossier.

 17   Au paragraphe 606 du mémoire en clôture de l'Accusation, vous allez

 18   bientôt voir à l'écran, à gauche, vous trouvez une description de la bande-

 19   son ou d'une partie de la bande-son de la vidéo du procès. Vous le savez, a

 20   déjà été versée au dossier une transcription écrite de cet extrait. En

 21   fait, il y a deux transcriptions de cet extrait, l'une qui est liée à la

 22   bande vidéo Petrovic et l'autre qui est en rapport avec la vidéo du procès.

 23   On aurait pu s'imaginer qu'étant donné qu'il y a des procédures régissant

 24   le versement de transcriptions et étant donné que les deux parties peuvent,

 25   partant de ces transcriptions, poser des questions au témoin, on aurait pu

 26   s'attendre à ce que, dans un mémoire en clôture, l'Accusation utilise une

 27   des transcriptions versées au dossier.

 28   Honnêtement, ça ne me dérange pas que l'Accusation, au moment du

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  1   mémoire en clôture, donne sa propre interprétation d'une bande-son, et je

  2   ne suis pas trop sûr de la raison pour laquelle l'Accusation a fait ce

  3   qu'elle a fait au paragraphe 606 de son mémoire. Mais que voit-on ici, on

  4   voit que l'Accusation fourni sa propre grille de lecture. Ça me dérange pas

  5   non plus, mais ne penserez-vous pas que ceci mérite d'être mentionné, ne

  6   serait-ce que dans une note en bas de page, n'aurait-elle pas dû dire,

  7   Voilà ce que nous avons fait.

  8   Deuxième exemple. L'Accusation essaie d'ajouter trois unités aux

  9  unités commandées par M. Borovcanin, la 2e Compagnie des Déserteurs et la 2e

 10   et la 5e Compagnie PJP, ceci se trouve à la note de bas de page 408 et au

 11   paragraphe 1939 et au paragraphe 1944, entre autres références.

 12   Prenons le paragraphe 18 de l'acte d'accusation. Il dit ceci :

 13   "Note : les Unités du MUP agissant sur le commandement et le contrôle

 14   de Ljubomir Borovcanin sont identifiées explicitement à ce titre dans les

 15   paragraphes qui suivent."

 16   Ce paragraphe a été inséré après ce que vous avez donné comme ordre. Vous

 17   avez dit l'Accusation doit modifier l'acte d'accusation comme suit :

 18   "…elle doit présenter des arguments précis sur le commandement et le

 19   contrôle allégués de Borovcanin sur les forces du MUP qui se sont rendues

 20   coupables de ces actes du 12 au 17 juillet 1995 au moment des faits…"

 21   En dépit des instructions que vous avez données, vous ne trouverez aucune

 22   mention de l'une quelconque de ces trois unités dans l'acte d'accusation.

 23   Vous ne trouverez aucune mention de l'une ou l'autre de ces unités dans le

 24   mémoire préalable au procès. Lorsque vous, Monsieur le Président, vous avez

 25   posé une question au Procureur vendredi dernier, vous lui avez demandé

 26   qu'il dise si l'Accusation avait ou non, pendant la présentation de ces

 27   moyens à présenter, cette allégation. Votre question est restée sans

 28   réponse. Ce que vous avez reçu comme réponse, c'est tout un argumentaire à

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  1   propos du fond, et ceci se passe de commentaires, n'est-ce pas ?

  2   Je voudrais vous donner un exemple de la position adoptée par le bureau du

  3   Procureur à propos d'une seule de ces unités au moment où l'Accusation

  4   interrogeait son propre expert. Il y a plusieurs équipes de la Défense qui

  5   ont soulevé une objection quant à la nature de l'information qu'on

  6   demandait au témoin, et finalement, M. Butler répond à une série de

  7   questions. Voici ce qu'il dit, je le cite :

  8   "La 2e Compagnie" du CJB de Zvornik - je le précise parce que c'est de cela

  9   qui parle - "n'est pas désigne comme étant directement sous le commandement

 10   du colonel Borovcanin."

 11   L'Accusation dit alors ceci, à la page 19 832 du compte rendu d'audience :

 12   "Merci. Nous pourrions peut-être faire une pause, Monsieur le Président,

 13   parce que si je dois parcourir tous ces documents pour obtenir un élément à

 14   décharge pour Borovcanin, ça me dépasse."

 15   Apparemment, ça n'était pas suffisamment à décharge pour empêcher

 16   l'Accusation de faire valoir le contraire dans son mémoire en clôture. Ce

 17   n'était pas simplement mal venu d'affirmer cela, c'est en plus erroné,

 18   comme nous le disons dans le deuxième chapitre de notre mémoire lorsque

 19   nous parlons de la hiérarchie parallèle du commandement du MUP des deux

 20   chaînes de commandement qui opéraient à l'époque dans cette zone.

 21   Quel est le préjudice entraîné par cette affirmation ? Elle semble, ma foi,

 22   assez innocente, mais si vous ajoutez la 2e Compagnie des Déserteurs au

 23   portefeuille de M. Borovcanin, c'est important au regard d'une affirmation

 24   faite par le bureau du Procureur, l'Accusation a affirmé que les hommes de

 25   Borovcanin avaient d'une façon ou d'une autre participé à l'opération de

 26   nettoyage de l'entrepôt de Kravica le 14 juillet. Il n'y a pas le moindre

 27   élément de preuve de nature à corroborer cette affirmation, à une exception

 28   près, nous avons les dires non corroborés du Témoin 170. Souvenons-nous

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  1   qu'il y avait deux autres témoins ce jour-là, nous le disons dans notre

  2   mémoire ?

  3   Monsieur le Président, ce que vous voyez sur votre écran n'a pas diffusé

  4   publiquement.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je sais. Je pense qu'on a réglé cela

  6   hier avec le Greffier, et après avoir consulté mes collègues, je pense que

  7   vous n'avez pas être préoccupé de ce point. Merci.   

  8   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Le témoignage du Témoin PW-170 qui n'a pas été étayé à présent d'autres

 10   éléments où il dit qu'il avait vu les gens, qu'il avait appelés Jahorinci,

 11   il a dit qu'il avait vu les gens de Jahorinci là-bas à la date du 14

 12   juillet.

 13   Donc l'allégation étendue et le fait que la 2e Compagnie de Déserteurs a

 14   été englobée leur permettent maintenant de surmonter ce manquement pour ce

 15   qui est du Témoin PW-170, pour ce qui est de l'identification plus précise

 16   par rapport aux personnes qui étaient là-bas. Donc ce qui semble devoir

 17   être l'étendue innocente ou sans préjudice ou marginale de leur thèse,

 18   c'est qu'ils ont indiqué sur leur liste qu'il y avait une autre allégation

 19   factuelle importante qui se trouvait au début sur leur liste.

 20   Monsieur le Président, l'Accusation veut dire qu'il y avait le

 21   commandement, de facto, sur ces unités, et c'est normal, mais il y a des

 22   questions concernant les faits qui sont liées à cette affirmation. Pendant

 23   l'affaire, il faut savoir en quoi consiste leur thèse pour nous donner

 24   l'occasion d'y répondre, et non pas seulement pendant les réquisitoire et

 25   plaidoirie sur la base des affirmations hypothétiques. Nous savons tous

 26   qu'il y avait deux chaînes de commandement qui fonctionnaient de façon

 27   parallèle au moment des faits à cet endroit-là. Maintenant, j'avance qu'il

 28   faut qu'on soit prudents pour ce qui est du préjudice qui pourrait être

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  1   provoqué en tant que résultat de ces affirmations.

  2   Pour ce qui est de la question de responsabilité eu égard aux

  3   réensevelissements à la date du 14 juillet, nous maintenons tout ce que

  4   nous avons indiqué au paragraphe 201 de notre mémoire en clôture pour ce

  5   qui est des personnes qui dirigeaient et qui mettaient en œuvre ce

  6   processus, et il ne s'agissait pas de Borovcanin ni de ses hommes.

  7   Le troisième exemple. Au paragraphe 1865 du mémoire en clôture de

  8   l'Accusation, s'avance l'affirmation inédite auparavant selon laquelle le

  9   2e Détachement de Sekovici et la 1ère Compagnie du PJP étaient toujours

 10   présents le long de la route à la date du 14 juillet. Encore une fois, il

 11   s'agit d'une affirmation qu'on ne trouve pas dans l'acte d'accusation,

 12   indépendamment du fait qu'il y avait des instructions qui n'étaient pas

 13   équivoques dans l'acte d'accusation. Cette affirmation n'a jamais été

 14   avancée à un témoin. Cela ne se trouve pas non plus dans le mémoire

 15   préalable au procès. Cela n'a pas été mentionné dans la déclaration

 16   liminaire. Cela ne se trouve pas non plus dans d'autres mécanismes adoptés

 17   pour présenter la thèse de l'Accusation. Donc il n'y a pas d'élément de

 18   preuve qui corroborerait cette thèse.

 19   Le quatrième exemple. Lorsqu'on arrive à la discussion concernant la

 20   responsabilité présumée de Borovcanin pour le transfert forcé, le

 21   Procureur, au paragraphe 1 911 du mémoire en clôture de l'Accusation, fait

 22   mention du rôle de Momir Nikolic à Potocari aux dates du 12 et 13 juillet,

 23   et il mentionne cela de façon brève et marginale. En d'autres termes, dans

 24   la partie du mémoire en clôture qui concerne Borovcanin, on peut dire que

 25   Momir Nikolic ne joue aucun rôle là-bas. Lorsque vous vous penchez sur la

 26   partie pour ce qui est de Popovic, vous allez trouver une histoire tout à

 27   fait différente. Au paragraphe 2377, après avoir énuméré les unités qui s'y

 28   trouvaient, vous allez tomber sur l'affirmation, je cite :

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  1   "Coordonner les actions des forces serbes éparpillées et déployées à

  2   Potocari, et cette coordination a été nécessaire pour réaliser l'opération

  3   planifiée."

  4   Nous sommes tout à fait d'accord avec cette déclaration.

  5   Le Procureur, dans son mémoire au paragraphe suivant, 2 378, avec

  6   approbation évidente, dit, je cite :

  7   "Momir Nikolic a témoigné qu'il surveillait l'implication de la

  8   police militaire ainsi que du 2e Bataillon de la Brigade de Bratunac qui

  9   ont été directement impliqués à ces activités, et il donnait des conseils à

 10   Dusko Jevic qui était membre de la Brigade spéciale du MUP et qui y a été

 11   mêlé de façon similaire."

 12   Monsieur le Président, j'ai deux observations à faire par rapport à

 13   cette partie du mémoire en clôture. D'abord, comment est-il possible que

 14   Nikolic surveille deux unités pour ce qui est de cette mission et qu'il

 15   donne des conseils seulement à la troisième unité ? Il n'y a pas

 16   d'explication pour ce qui est de cette différence. Nikolic surveillait

 17   toutes les unités qui ont été engagées à la mise en œuvre de cette mission,

 18   et non seulement sur la base de sa position en tant qu'officier de sécurité

 19   de la Brigade de Bratunac, mais parce qu'on lui a dit de le faire, donc il

 20   a été autorisé à le faire, et cela par Mladic et par Radoslav Jankovic, et

 21   toutes les deux personnes étaient sur place à l'époque. La chose est

 22   simple, et c'est ce qui est reconnu au paragraphe 2 378. Nous avançons

 23   qu'il n'y a pas de fondement pour dire que, d'un côté, il supervisait ces

 24   deux unités, mais il donnait des conseils, et seulement des conseils, à

 25   Dusko Jevic, de l'autre côté.

 26   Je pense que les propos du juge Ward de la Cour d'appel d'Angleterre

 27   sont les propos qu'il faut citer ici, je cite :

 28   "Chevaucher deux chevaux en même temps, c'est toujours suffisamment

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  1   difficile. Mais chevaucher deux chevaux lorsqu'ils se dirigent dans des

  2   directions opposées, c'est quelque chose qui représente un exploit

  3   remarquable."

  4   Le Procureur présente des allégations de nature perfide contre

  5   Borovcanin qui n'ont pas été présentées avant, et il dit au paragraphe 1

  6   973, je cite :

  7   "Momir Nikolic est allé le long de la route à bord du véhicule de la

  8   FORPRONU et aurait appelé les prisonniers à se rendre seulement si

  9   Borovcanin lui avait ordonné cela ou s'était mis d'accord pour ce qui est

 10   de cette tactique."

 11   D'abord, Borovcanin a dit dans l'entretien qu'il était présent sur la

 12   route, d'abord tôt dans la matinée du 13 et la deuxième fois, vers 16

 13   heures de l'après-midi. L'Accusation n'a jamais présenté les choses

 14   différemment, et ils n'ont pas présenté les moyens de preuve suggérant

 15   autre chose, et Nikolic a commencé à emprunter cette route à bord du blindé

 16   transport de troupes au début de l'après-midi. Nous avons fait référence à

 17   ce témoignage dans notre mémoire en clôture aux paragraphes 173 et 174.

 18   Donc comment Borovcanin pouvait-il donner cet ordre et se mettre d'accord

 19   pour ce qui est de cette tactique s'il n'était pas là-bas ?

 20   Deuxièmement, et ce qui est peut-être encore plus important,

 21   l'affirmation que Borovcanin, s'il avait eu l'autorité de donner des ordres

 22   à Momir Nikolic, représente une allégation qui n'a pas été prononcée

 23   auparavant, et en fait cela contredit les propos de leur témoin expert dans

 24   son témoignage à la page du compte rendu 20 458 dans cette affaire.

 25   Troisièmement, cette affirmation a été tout à fait contredite par une vidéo

 26   qui a été filmée à 2 heures et 38 minutes, où nous pouvons voir l'un des

 27   hommes de Borovcanin disant à un prisonnier musulman d'appeler ses

 28   collègues se trouvant dans les bois et leur dire qu'il est avec les Serbes.

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  1   Cela n'est pas perfide du tout.

  2   Monsieur le Président, ce sont ces cinq exemples de déclarations erronées

  3   ou d'éléments de preuve de la thèse erronés. Mais il y en a encore plus,

  4   mais je vais laisser à la Chambre de faire attention à ces déclarations

  5   erronées. Malheureusement, il s'agit du mémoire en clôture qui exige qu'on

  6   soit très prudents pour ce qui est de ces déclarations erronées.

  7   J'ai encore trois brèves remarques pour ce qui est de la crédibilité de

  8   Borovcanin lors de son entretien.

  9   D'abord, l'Accusation affirme que Borovcanin a menti lors de l'entretien

 10   parce qu'il a dit qu'il a reçu l'ordre pour aller à Zvornik au lieu d'avoir

 11   dit, comme il aurait dû apparemment dire, qu'on lui a dit d'aller à

 12   Zvornik. Cet argument aurait pu avoir une valeur si Borovcanin avait

 13   continué à dire dans cet entretien accordé à l'Accusation, s'il avait

 14   contesté le fait par rapport à l'endroit où se trouvaient ses hommes,

 15   c'est-à-dire le long de cette portion critique de la route aux dates du 12

 16   et 13 juillet. Mais ce n'est pas ce qu'il a fait. Il a décrit de façon

 17   exacte et honnête où se trouvaient ces unités, où ces unités étaient

 18   déployées, et cela a été corroboré par les éléments de preuve présentés

 19   dans cette affaire. En fait, nous avons parcouru les comptes rendus en

 20   B/C/S et nous avons trouvé qu'au moins à deux occasions pendant cet

 21   entretien, les mots qui ont été utilisés dans la traduction correspondaient

 22   à des mots "dans la direction de," et non pas "à."

 23   Deuxièmement, Milan Lukic.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Juste un instant. Je m'excuse de vous

 25   avoir interrompu, mais je pense que pour ce qui est de ce sujet que vous

 26   venez de soulever, il faut que vous soyez concret pour ce qui est du numéro

 27   de la page et la ligne, et cetera, parce qu'après vous avoir entendu, je

 28   pense que nous devons inviter les interprètes à examiner la traduction

Page 34596

  1   officielle pour qu'on soit certains quels mots ont été utilisés et ce qu'il

  2   avait dit exactement.

  3   M. GOSNELL : [interprétation] Je crois que j'ai indiqué la référence

  4   exacte.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Plus tard, on peut s'occuper de cela,

  6   on va demander au greffe de le faire.

  7   M. GOSNELL : [interprétation] Je vais le faire, Monsieur le Président.

  8   Deuxièmement, Milan Lukic. L'Accusation a utilisé des conversations

  9   interceptées, et ce sont les seuls éléments de preuve utilisés dans cette

 10   affaire à propos de ce sujet montrant qu'un autocar, à bord duquel se

 11   trouvaient les hommes de Lukic, est tombé en panne sur la route à

 12   Srebrenica. Mais cela ne montre pas que Lukic, lui-même, se trouvait là-

 13   bas, ou qu'au moins certains de ces hommes n'étaient pas là-bas ensemble

 14   avec lui. En fait, Monsieur le Président, j'avance que les éléments de

 15   preuve, selon lesquels il y avait au moins un autocar se dirigeant vers

 16   Srebrenica, montrent que Lukic était là-bas et qu'il aurait pu y avoir

 17   d'autres hommes avec lui. Donc c'est un exemple qui montre que Borovcanin

 18   n'a pas dit la vérité et est sans fondement.

 19   Troisièmement, l'Accusation affirme que Borovcanin n'était pas cohérent

 20   pour ce qui est de sa resubordination à la VRS. Borovcanin a affirmé à

 21   plusieurs reprises que la conséquence de l'ordre 6495 était sa

 22   resubordination à la VRS. Il est vrai, Monsieur le Président, qu'il y a un

 23   paragraphe où il nie cela, dans le contexte des quelques questions

 24   concernant le général Krstic. Nous offrons deux réponses à ce point. La

 25   première réponse est qu'il est tout à fait raisonnable de croire que la

 26   personne qui a été interviewée aurait pu faire une erreur après trois jours

 27   pendant lesquels on lui posait des questions qui étaient en quelque sorte

 28   hostiles. Mais cela ne nous mène pas nécessairement à la conclusion qu'il

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  1   avait essayé de dissimuler en quelque sorte des motifs criminels.

  2   Deuxièmement, pour ce qui est de la possibilité de commettre une erreur,

  3   comme vous le savez après avoir lu la section 2 de notre mémoire en

  4   clôture, après avoir entendu notre témoin expert, le professeur --

  5   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

  6   M. GOSNELL : [interprétation] -- les modes de la resubordination est une

  7   question qui n'est pas dénuée de nuances. Sur la base des dispositions

  8   légales complexes qui sont en vigueur et pour ce qui est de l'aspect

  9   complexe de la situation qui prévalait sur le terrain à l'époque, en

 10   répondant à des questions il aurait pu réellement estimer que ses réponses

 11   étaient les réponses justes à ces questions.

 12   Pour ce qui est du transfert forcé des allégations contre M. Borovcanin, et

 13   c'est quelque chose dont on a discuté en détail dans notre mémoire en

 14   clôture, j'aimerais dire la chose suivante : Les hommes militaires ont

 15   besoin des règles sans équivoque ou claires lorsqu'ils commencent à

 16   combattre. L'enclave de Srebrenica du point de vue des Serbes représentait

 17   l'endroit où on lançait des attaques contre les Serbes pendant des années.

 18   Ces attaques avaient pour but, ce que l'Accusation a admis, d'empêcher les

 19   forces serbes d'être déployées sur d'autres lignes de front. Donc lorsqu'un

 20   commandant qui se trouve à 150 ou 200 kilomètres loin de la ligne de front

 21   en question reçoit un ordre de venir à ces lignes de front pour combattre

 22   les forces humaines, il doit être en mesure de s'appuyer sur le fait que le

 23   but de l'opération toute entière est réellement l'opération ayant pour but

 24   de combattre ces forces militaires, et c'est pour cela que dans l'article

 25   32 du Statut de la Cour pénale internationale il est dit que les ordres

 26   peuvent ne pas être exécutés, on peut désobéir, et d'après la formulation

 27   de l'Accusation, seulement si ces ordres sont manifestement et ouvertement

 28   illicites. Pour ce qui est de la campagne militaire lancée contre l'enclave

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  1   de Srebrenica et pour ce qui est des circonstances qui prévalaient, ces

  2   directions n'étaient pas si manifestement illicites ou illégales.

  3   Le Juge Prost a demandé à mon collègue hier lorsqu'il s'agit des tensions

  4   qui ont eu lieu à Srebrenica, et du fait que c'était quelque chose qui

  5   était illégal d'après le droit international. J'aimerais attirer votre

  6   attention à la section 7(3) de notre mémoire en clôture, où on présente en

  7   détail les dispositions positives et applicables ainsi que de la pratique

  8   d'Etat, et ce qui est encore plus important, et ce qui était une autre

  9   affirmation, c'est pour cela que j'avance que vous pouvez être certains que

 10   ce qui figure là-bas est correct et exact parce que l'Accusation, si vous

 11   regardez attentivement leur mémoire en clôture, n'a jamais dit que les

 12   détentions, elles-mêmes, étaient illégales. Ils disent que c'était plutôt

 13   la manière de laquelle les gens ont été mis en détention était inadéquate

 14   et abusive, et qu'il y avait un plan caché par rapport à ces détentions qui

 15   était criminel. Donc on ne peut trouver d'affirmation, d'allégation, ni

 16   chef d'accusation dans l'acte d'accusation concernant la mise en détention

 17   illégale parce que si cela s'était réellement passé, ils auraient retenu

 18   cela contre les accusés, d'après les dispositions du droit international.

 19   Le fait-clé ici n'est pas les circonstances pour ce qui est de la

 20   mobilisation ou pour ce qui est du fait que les combattants portaient des

 21   vêtements civils, la présence de la colonne armée à proximité, le

 22   témoignage qu'il y avait des forces musulmanes armées à Potocari et autour

 23   de Potocari le 11, et d'après des témoins de la FORPRONU, le 13. Ce sont

 24   des circonstances qui ont été analysées, étaient vraies, mais peut-être que

 25   l'aspect le plus important de l'analyse de la détention est la durée de la

 26   détention. Parce qu'il aurait été inapproprié de tenir en détention un

 27   grand nombre de gens pendant une longue période de temps sans se pencher

 28   sur leurs statuts. Cela aurait été inapproprié, sans aucun doute. Mais pour

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  1   ce qui est de la période de 24 heures, 48 heures, ou 72 heures, dans le

  2   contexte que je viens de décrire, ça c'est légitime, c'est permis, c'est

  3   approprié, et c'est quelque chose qui a été fait par les armées des pays

  4   occidentaux par le passé.

  5   Monsieur le Président, pour conclure le critère qui s'applique dans

  6   cette affaire s'appuyant sur les éléments de preuve indirects. L'Accusation

  7   devra donc établir que leur scénario est la seule interprétation

  8   raisonnable qui s'appuie sur des éléments de preuve, qui ont été présentés

  9   ici. Nous devons montrer que l'Accusation n'a pas réussi à présenter ce

 10   scénario. Ce n'est pas parce qu'ils ont négligé cet aspect. La thèse de

 11   l'Accusation s'appuyant sur les éléments de preuve circonstanciels et sans

 12   charge pour ce qui est de M. Borovcanin, et n'est pas cohérent, n'est pas

 13   concluant et n'est pas véridique.

 14   Monsieur le Président, il vous incombe maintenant d'apprécier tous

 15   les éléments de preuve, de voir quels sont les critères juridiques qui s'y

 16   appliquent. Je vous invite humblement à lire notre mémoire en clôture de

 17   manière très attentive. Je suggère que lorsque vous commencez à vous faire

 18   une image de tout cela, vous allez voir que la thèse de l'Accusation se

 19   fonde uniquement sur des hypothèses qui ne sont même pas plausibles. Parce

 20   qu'ils n'ont pas réussi à prouver leur thèse au-delà de tout doute

 21   raisonnable. Ils n'ont pas prouvé que Borovcanin a été impliqué à des

 22   meurtres en masse, à ce complot, pour ce qui est des meurtres en masse, ils

 23   n'ont pas prouvé qu'il ait été impliqué à l'opération du transfert forcé.

 24   Je vous remercie pour votre patience, Monsieur le Président, Mesdames

 25   et Messieurs les Juges, si vous avez des questions, je vais essayer d'y

 26   répondre de mon mieux.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Maître Gosnell.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]

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  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Le Juge Stole a des questions à vous

  2   poser.

  3   M. LE JUGE STOLE : [interprétation] Merci.

  4   Il est clair que la loi qui est applicable et pertinente dépend des faits

  5   qui, à la fin de l'affaire, vont être établis par la Chambre de première

  6   instance au-delà de tout doute raisonnable, il est clair que la Défense

  7   doit présenter sa position sur les faits et sur les points juridiques

  8   concernant des alternatives différentes, que vous avez en effet faites,

  9   Maître Gosnell, et peut-être que quand il y a des cas où il est possible

 10   que des faits pertinents allégués par l'Accusation soient pris en compte.

 11   Je pense que j'étais en mesure de vous suivre et de comprendre vos

 12   arguments.

 13   Mais j'aimerais être certain d'avoir bien compris la référence à

 14   votre mémoire en clôture. C'est la page 190, pour ce qui est des formes de

 15   responsabilité au pénale. D'abord, il s'agit de la responsabilité du

 16   supérieur hiérarchique conformément à l'article 7(3), pour ce qui est du

 17   contexte du paragraphe dont je parle, l'article 7(3).

 18   A la page 195, en haut de la page, avant cette partie, vous avez

 19   parlé du scénario pour ce qui est de deux incidents de tir complètement

 20   différents, et ensuite, au paragraphe 330, vous dites, je cite :

 21   "La situation est reste inchangée, même si on accepte l'hypothèse

 22   qu'il y avait des meurtres au moment où Borovcanin passait par la route, il

 23   n'y a pas des moyen de preuve qui montre que Borovcanin ou l'un de ses

 24   hommes se trouvait à l'intérieur de l'entrepôt à ce moment-là et comme cela

 25   a été discuté auparavant en détail. Borovcanin n'avait pas pour devoir, en

 26   tant que supérieur, de mener des enquêtes pour savoir ce qui s'est passé à

 27   l'entrepôt à moins que ses hommes n'y aient été présents."

 28   J'ai compris cela de la façon suivante, la situation à l'époque était

Page 34601

  1   comme suit, il y avait là-bas au moins deux des subordonnés de Borovcanin,

  2   qui n'avait pas été contesté. Ils se trouvaient à l'intérieur donc de

  3   l'enceinte de l'entrepôt; ils ont été blessés ou tués et il est évident

  4   qu'ils ont été impliqués à des tirs, à la fusillade. Lorsqu'on considère

  5   les moyens de preuve comme étant les moyens de preuve qui démontrent que

  6   Borovcanin se trouvait sur les lieux au moment où il y avait des meurtres,

  7   est-ce qu'il aurait pu s'éloigner de cet endroit-là et ne pas poser de

  8   question ou ne pas mener d'enquête pour ce qui est des événements qui ont

  9   eu lieu à l'extérieur de l'entrepôt, non seulement à l'extérieur mais à

 10   l'intérieur de l'entrepôt ?

 11   A la page 208, où vous parlez de la responsabilité conformément à l'article

 12   7(1), pour ce qui est de la commission ou l'omission de faire quelque

 13   chose, c'est en fait la forme de responsabilité par omission pour ce qui

 14   est de l'affaire Blaskic. En haut de la page 215, où d'abord vous donnez

 15   des commentaires pour ce qui est de la responsabilité supérieure d'après

 16   l'article 7(3), et si je vous ai bien compris, il s'agit de la référence

 17   pour ce qui est de la situation que nous avons déjà mentionnée. Il y a une

 18   exception à cette règle, et je fais référence à l'arrêt de la Chambre

 19   d'appel dans l'affaire Blaskic, et pour ce qui est de la responsabilité

 20   supérieure d'après l'article 7(3). Si j'ai bien compris, c'est la référence

 21   du supérieur et cela en fait représente une référence à d'autres

 22   situations. Ensuite vous parlez de la deuxième exception à la règle et vous

 23   citez également une partie de l'arrêt de la Chambre d'appel dans l'affaire

 24   Blaskic. Ensuite il y a des points pour ce qui est de la responsabilité ou

 25   responsabilité possible d'après l'article 7(1), et à la page 218, aux

 26   paragraphes 379 et 380, vous mentionnez notamment la base factuelle de

 27   cette forme alléguée de responsabilité, vous dites qu'elle fait défaut, et

 28   vous poursuivez en disant que :

Page 34602

  1   "La première carence factuelle c'est que Borovcanin n'était pas

  2   nécessairement témoin d'un crime alors qu'il passait le long de la route."

  3   Puis au paragraphe 382, je cite :

  4   "Une possibilité de responsabilité très réelle et très raisonnable existe

  5   que la tuerie avait pris fin au moment où Borovcanin était passé près de

  6   l'enceinte."

  7   Il est possible que, là encore, vous ayez basé votre discussion sur le fait

  8   qu'il y ait eu deux fusillades distinctes et clairement identifiées, mais

  9   je souhaiterais aussi, si possible, que vous puissiez développer ce que

 10   vous avez dit là un peu plus.

 11   Je vous remercie.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation]  Oui, Monsieur Gosnell.

 13   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 14   En ce qui concerne la première question, il est important de se rappeler

 15   les circonstances de fait et les théories qui s'affrontent en matière des

 16   faits sur ce qui s'est passé.

 17   Maintenant, il est admis et reconnu que ces deux personnes se trouvaient

 18   là. Mais l'Accusation a également reconnu, tout au moins, qu'ils étaient

 19   certainement blessés et qu'ils ont été ramenés à Bratunac à la clinique.

 20   Maintenant, si vous acceptez notre séquence des événements, et si la

 21   première fusillade a été déclenchée par une tentative de percée, ce qui

 22   voudrait dire que les premiers tirs ont été effectués par les prisonniers,

 23   cette tentative d'évasion par le prisonnier qui avait saisi l'arme à feu,

 24   et à la suite de ce tir, l'un des deux soldats du MUP est mort et que

 25   l'autre ensuite a été envoyé à la clinique, je suggère que dans ces

 26   circonstances, on ne peut pas en déduire raisonnablement que l'un ou

 27   l'autre de ces deux personnes ait commis un crime. Djukanovic atteste qu'à

 28   l'exception de ces deux personnels spéciaux, il n'a pas vu d'autre

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  1   personnel spécial à l'intérieur de l'enceinte et de l'entrepôt.

  2   Si vous acceptez --

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur

  4   Gosnell.

  5   Peut-être qu'en expliquant ceci, vous pourriez également expliquer autre

  6   chose, à savoir pourquoi y aurait-il eu ces deux personnes et personne

  7   d'autre des Unités spéciales ?

  8   M. GOSNELL : [interprétation] C'était très juste, Monsieur le Président,

  9   c'est une question à laquelle nous avons déjà répondu dans notre mémoire.

 10   Nous décrivons qu'il n'était pas inattendu que des soldats souhaitent

 11   parler à des prisonniers et à les trouver parce qu'ils voulaient savoir

 12   quel était le sort de leurs parents, et il y a un élément de déposition qui

 13   dit que c'était la raison pour laquelle ils y sont allés. Je suppose que

 14   vous êtes probablement sceptique en ce qui concerne cette explication, mais

 15   vous avez également la déposition directe de Djukanovic qui dit qu'il n'y

 16   en avait pas d'autre qui était là. Je voudrais dire qu'en fin de compte, la

 17   charge de la preuve incombe à l'Accusation d'établir qu'il y avait d'autres

 18   membres de cette unité qui étaient présents. Si vous considérez les

 19   éléments de preuve pour savoir qui effectivement se trouvait là, vous savez

 20   qu'il y avait un grand nombre de soldats de la Brigade de Bratunac. Donc je

 21   voudrais simplement vous suggérer qu'il n'est pas établi, au-delà de tout

 22   doute raisonnable, que davantage de personnes que ces deux-là se trouvaient

 23   présentes.

 24   Revenant donc à la question posée, si vous acceptez cette prémisse de fait

 25   comme n'étant pas prouvée, non pas notre prémisse de fait qui aurait été

 26   démontrée, mais le fait que leur prémisse du point de vue des faits qui n'a

 27   pas été démontrée, à savoir qu'il y aurait eu d'autres personnes là et

 28   qu'il n'y avait pas d'autres subordonnés dans l'enceinte, alors ceci veut

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  1   dire qu'il n'y a pas du tout de responsabilité au titre de l'article 7(3),

  2   et ceci n'a pas d'importance de savoir si Borovcanin retourne à Bratunac et

  3   qu'on lui dit là qu'il y a eu une fusillade et autres choses. Il n'y avait

  4   pas d'autre non subordonné participant à cette fusillade. Il n'a pas le

  5   devoir au titre de l'article 7(3). Il faut qu'il y ait eu des subordonnés à

  6   lui pour pouvoir étayer la responsabilité au titre de l'article 7(3). En

  7   l'absence de cette base pour 7(3), il n'y a tout simplement aucune

  8   obligation d'enquêter ou de faire une investigation ou de se renseigner en

  9   vertu de l'article 7(3). Donc ceci est la base de notre argument sur cette

 10   question.

 11   Quant à la deuxième question, je pense que j'ai compris ce que vous vouliez

 12   dire, mais si ce n'est pas le cas, à ce moment-là j'espère que vous

 13   m'interromprez et que vous me direz que je me trompe de façon à revenir

 14   exactement sur la question. Ce que je voulais dire ici c'est que si, en

 15   fait, ce premier incident de fusillade était effectivement une tentative

 16   d'évasion, et nous ne connaissons pas exactement les détails de la façon

 17   dont ce serait déroulé, en d'autres termes, est-ce que toutes ces personnes

 18   qui ont été tuées, ont été tuées de façon licite, ou légale, ou est-ce que

 19   c'est allé un peu au-delà en passant la frontière de suppression permise

 20   légale d'une tentative d'évasion ? Je pense ce que j'essaie de dire ici

 21   c'est qu'il existe une possibilité raisonnable que toutes les personnes

 22   tuées à ce moment-là dont il a été témoin, ait été licite, et c'était

 23   légal. Ou bien devrais-je encore, pour dire les choses plus précisément,

 24   elles n'étaient pas illicites ou illégales. Vous devez prendre une décision

 25   et vous déterminez sur la question de savoir si l'Accusation a prouvé au-

 26   delà de tout doute raisonnable que ces personnes tuées l'ont été de façon

 27   criminelle, et ce qui est soutenu ici c'est que ce n'est pas très sûr

 28   nécessairement de tirer une telle déduction, étant donné que vous savez

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  1   tout en ce qui concerne les faits et d'autres possibilités de ce qui aurait

  2   pu se passer.

  3   Est-ce que ceci répond à votre question ?

  4   M. LE JUGE STOLE : [interprétation] Oui, je vous remercie.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame le Juge Prost.

  6   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Monsieur Gosnell, j'ai une question

  7   qui découle directement des questions posées par le Juge Stole. Plus

  8   particulièrement, si l'on regarde votre mémoire à la page 210, au

  9   paragraphe 363, ceci est tout en haut de la page, ceci a trait au critère

 10   de l'affaire Mrksic et aux conditions nécessaires pour l'affaire Mrksic.

 11   Vous faites la déclaration que ni Borovcanin, ni aucun de ces hommes

 12   n'exerçait une garde ou un contrôle sur l'ensemble, je voulais dire

 13   l'ensemble des 1 000 prisonniers qui étaient détenus à l'entrepôt de

 14   Kravica dans l'après-midi et la soirée du 13 juillet. Donc je ne suis pas

 15   bien au clair là-dessus.

 16   Vous avez reconnu qu'il est incontesté qu'au moins deux des membres des

 17   unités se trouvant sous le commandement de Borovcanin exerçaient

 18   effectivement une garde des prisonniers non seulement plus tôt au cours de

 19   la journée, mais à l'entrepôt de Kravica à un moment donné lorsque la

 20   fusillade a eu lieu. Je comprends que vous ne contestez pas qu'ils

 21   exerçaient cette garde. 

 22   M. GOSNELL : [interprétation] Si, je contesterais cela, Madame le Juge.

 23   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Mais vous dites que les deux hommes

 24   qui se trouvaient dans l'enceinte et qui étaient impliqués à la garde des

 25   prisonniers dont un a été blessé, l'autre tué, n'exerçaient pas la garde,

 26   n'avaient pas la garde de ces prisonniers à ce moment-là ? Je ne parle pas

 27   de plus tard. Je vous parle du moment où ils se trouvaient à l'entrepôt.

 28   M. GOSNELL : [interprétation] Respectueusement, je conteste cela, et ma

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  1   base pour contester ceci repose sur deux motifs. Premièrement, simplement

  2   le fait que c'est une simple prémisse que ces deux personnes, ça ne veut

  3   pas dire que si elles étaient là, elles effectuaient une garde.

  4   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Mais on leur a tiré dessus, on a tiré

  5   sur l'un d'entre eux.

  6   M. GOSNELL : [interprétation] C'est exact, Madame le Juge, mais si vous

  7   acceptez la possibilité que d'une façon essentielle, ils étaient allés

  8   seuls, que ces deux personnes étaient allées pour se renseigner sur leurs

  9   parents et que le jeune soldat aurait dit au plus ancien : "Je veux aller

 10   là-bas de façon à poser des questions," et que l'un d'entre eux a une

 11   voiture et qu'il va jusqu'à cet endroit et, bien sûr, ils savent où se

 12   trouve cet endroit parce qu'ils ont été emmenés du pré de Sandici à

 13   l'entrepôt, je suggère que ceci est une possibilité raisonnable qui ne peut

 14   pas être exclus comme déraisonnable qu'ils sont allés tout simplement de

 15   leur propre chef. Je ne dis pas cela simplement dans le vide en disant que

 16   ces deux personnes, qu'il y a des éléments de preuve en l'espèce que les

 17   gens font ceci de temps à autre, je fais cette suggestion dans le contexte

 18   plus vaste des éléments de preuve, à savoir que vous avez deux commandants,

 19   tout au moins deux personnes qui sont des commandants d'unités d'une

 20   certaine importance de la Brigade de Bratunac et qu'ils se trouvent à

 21   l'entrepôt. Nous savons qu'il y a au moins huit hommes qui s'y trouvent à

 22   l'entrepôt et en plus, il n'y a pas d'éléments de preuve solides ou

 23   fiables, pratiquement aucun élément de preuve suggérant que cette escorte

 24   avait été faite par les forces du MUP.

 25   Donc ce sont des éléments du puzzle et je suggère respectueusement

 26   qu'ils manquent et ceci pourrait vous donner à penser que ce n'est pas une

 27   déduction fiable, premièrement, et que ces deux personnes sont là aux fins

 28   d'exercer une garde, et deuxièmement, qu'ils font partie d'une unité plus

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  1   grande qui serait présente.

  2   Je pense que ceci est la position que nous adoptons sur la question.

  3   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Bien. Bon, alors supposons qu'il y ait

  4   une conclusion selon laquelle au moins deux membres de l'unité de M.

  5   Borovcanin exerçait une garde, juste aux fins de la discussion. Quel est

  6   votre commentaire alors sur le fait que la décision de l'arrêt d'appel

  7   Mrksic a pour conséquence un devoir juridique comme résultat de cette

  8   garde, et est-ce que vous tirez une distinction quelconque entre un

  9   commandant qui peut avoir partagé la garde des prisonniers et qui ensuite

 10   transférerait cette responsabilité partagée à un autre commandant, un

 11   commandant qui a la garde complète et il peut le transférer à un autre

 12   commandant ?

 13   M. GOSNELL : [interprétation] Je voudrais suggérer et, bien sûr, nous

 14   sommes bien au courant des faits en ce qui concerne l'affaire Mrksic, mais

 15   je sais ce que vous voulez évoquer sur la base des faits dans Mrksic, mais

 16   je voudrais dire à tire liminaire de ma réponse ceci : si les deux

 17   personnes dont l'une est morte et l'autre est partie au moment où

 18   Borovcanin arrive, à ce moment-là, je vous suggère -- bon, je récapitule.

 19   La question de la responsabilité des subordonnés n'est pas une question

 20   d'omission de responsabilité d'après l'arrêt Mrksic. C'est une question de

 21   responsabilité au titre de l'article 7(3). Donc je vous dirais que lorsque

 22   l'on plaide dans ce cadre, il s'agit de 7(3) et en vertu de ce paragraphe

 23   3, l'un d'entre eux est mort, l'autre est parti, et je suggère donc que

 24   ceci met fin à toute responsabilité au titre de l'article 7, paragraphe 3.

 25   Maintenant en ce qui concerne Mrksic, et je connais les faits concernant

 26   l'affaire Mrksic et je comprends ce que vous voulez évoquer. Pour

 27   commencer, nous avons des problèmes juridiques sérieux avec l'arrêt Mrksic,

 28   ceci dit, avec tout le respect que je dois, et deuxième point, c'est que

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  1   dans cette situation, la situation Mrksic était en fait le contraire, c'est

  2   inversé.

  3   Rappelons-nous que dans Mrksic, la personne qui passait en jugement

  4   ici, et sur la base de ces conclusions, était un officier chargé de la

  5   sécurité. Il avait, d'après ce que j'ai compris, la responsabilité

  6   statutaire, il avait cette position par défaut de garder, donc il ne peut

  7   pas dire tout simplement : "Bon, je me lave les mains de cette garde,"

  8   puisqu'elle lui était attribuée. Au contraire, j'ai cité Butler au moins

  9   cinq fois dans mon mémoire. Excusez-moi si je me répète, mais Butler est

 10   important. Borovcanin, ce n'est pas la garde par défaut, il est

 11   provisoirement gardien aux lignes de combat, ça ne veut pas dire que

 12   quelque chose -- qu'il aurait pu en être autrement. Je vous suggère que ce

 13   qui est probant de ce qui s'est passé, plus particulièrement lorsque vous

 14   examinez ce que doit faire l'organe chargé de la sécurité, que le chef de

 15   la police militaire et son second étaient présents, et vous avez des

 16   éléments de preuve suggérant que Momir Nikolic était effectivement présent

 17   à l'entrepôt à 5 heures, pour ne pas dire plus tard.

 18   Donc si on regarde simplement Mrksic et si on examine comment Mrksic

 19   s'appliquerait à notre affaire, je suggérerais que la situation est

 20   l'inverse et que la notion d'avoir à s'assurer qu'on remet des prisonniers

 21   à quelqu'un d'autre, à un garde qui peut assurer une bonne garde, à ce

 22   moment-là ceci devrait être présumé lorsqu'on remet les prisonniers à

 23   l'organe chargé de la sécurité.

 24   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Je comprends votre réponse et je

 25   comprends ce que vous voulez dire. D'après ce que je comprends, il n'y a

 26   aucune suggestion d'après votre citation. Vous êtes en train de suggérer

 27   que la garde nécessite une garde totale sur l'ensemble des prisonniers

 28   parce que la façon dont vous présentez les choses ici, il semblerait qu'il

Page 34609

  1   y ait eu suggestion qu'il puisse s'agir de l'ensemble des prisonniers, et

  2   je comprends que ceci n'est pas ce que vous voulez dire. J'ai compris ce

  3   que vous vouliez dire de façon différente, en d'autres termes, qu'il ne

  4   peut pas y avoir de garde partagée entre différents commandants de

  5   différentes unités.

  6   M. GOSNELL : [interprétation] Ceci est une question de principe absolument

  7   et en fait, nous reconnaissons cela en ce qui concerne Sandici.

  8   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Je vous remercie. J'ai encore un ou

  9   deux points que je souhaite évoquer avec vous.

 10   En ce qui concerne l'Unité des Déserteurs, qui était restée à Potocari, je

 11   comprends que votre position n'est pas, et vous me corrigerez si je me

 12   trompe, que M. Borovcanin, en quittant l'unité à Potocari, ait été en quoi

 13   que ce soit relevé de sa responsabilité de commandant de cette unité. Vous

 14   ne suggérez pas qu'il n'était plus commandant de cette unité ?

 15   M. GOSNELL : [interprétation] D'un point de vue officiel ou formel, non.

 16   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Pas du point de vue formel ni

 17   juridique. Il était encore commandant de cette unité ?

 18   M. GOSNELL : [interprétation] Aussi longtemps que nous comprenons que ce

 19   terme n'implique pas une situation de facto --

 20   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Je passe à la question suivante.

 21   Votre position, toutefois, c'est qu'il n'exerçait plus une direction et un

 22   contrôle effectif, d'après ce que je lis dans votre mémoire, sur cette

 23   unité. C'est la base de votre position par le fait qu'il a quitté le

 24   secteur géographique et en laissant son unité dans une unité géographique

 25   différente, ceci en soi suffit pour faire perdre une partie du commandement

 26   de la direction effective du commandant sur une unité, même si c'est pour

 27   une période temps limitée.

 28   M. GOSNELL : [interprétation] Non, Madame le Juge. C'est un argument

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  1   fonctionnel.

  2   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Bien. Peut-être que vous pourriez

  3   développer un petit peu sur ceci, s'il vous plaît.

  4   M. GOSNELL : [interprétation] C'est un argument fonctionnel et ce que nous

  5   soutenons dans le mémoire, c'est qu'il n'avait pas de contrôle effectif en

  6   ce qui concerne la manière dont ils agissaient et la façon dont ils

  7   remplissaient leurs tâches liées à l'évacuation. Je pense que là, la

  8   distinction est importante.

  9   Maintenant, je dis qu'il s'agit d'une définition fonctionnelle parce que

 10   pour les militaires, vous avez entendu de nombreux cas au cours de ce

 11   procès dans lesquels une tâche fonctionnelle qui est donnée à un commandant

 12   pour certaines unités ou pour certaines personnes ou ressources, sont

 13   fournies à cette personne pour accomplir cette tâche. Je vous suggère, et

 14   cette suggestion existe, que quiconque a véritablement la capacité de

 15   donner des ordres par rapport à cette fonction, c'est la personne qui

 16   exerce un contrôle réel et effectif. Il y a un principe d'unité et du

 17   commandement, et je suggère que lorsque vous avez une désignation

 18   fonctionnelle qui vient de Mladic, elle passe par Jankovic, elle découle de

 19   Momir Nikolic et, à ce moment-là, vous avez toutes sortes d'éléments de

 20   preuve le concernant, sur le terrain, pour donner des ordres, ce qui est

 21   une hypothèse définie du point de vue fonctionnel du commandement et de la

 22   direction du contrôle sur ces personnes. Donc je ne dirais pas que c'est

 23   une question géographique.

 24   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Vous ne suggérez pas que lui, à un

 25   moment quelconque, avait renoncé à sa responsabilité de commandant,

 26   indépendamment de la direction du contrôle ?

 27   M. GOSNELL : [interprétation] En tant que question formelle, il restait le

 28   commandant.

Page 34611

  1   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Tout au long de la

  2   journée ?

  3   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, tout au long de la journée. Je pense

  4   qu'à un moment donné, elle va cesser, mais c'est en dehors du cadre

  5   temporel.

  6   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Je vous remercie.

  7   Un dernier point sur la question que vous avez évoquée concernant ma

  8   question d'hier à Me Bourgon sur la question de la population détenue, et

  9   j'ai lu sur ce point ce que vous dites dans votre mémoire, je suis

 10   pratiquement sûre que je connais votre réponse à la question. Mais un

 11   élément supplémentaire à la question d'hier est le déplacement de ces

 12   personnes qui sont détenues, et je comprends, d'après vos commentaires, que

 13   vous diriez détention, y compris mouvement, ceci est permis; ce qui

 14   significatif, c'est la chronologie. Est-ce que c'est ça votre position ?

 15   Donc il est légal à la fois de détenir et de déplacer ces personnes ?

 16   M. GOSNELL : [interprétation] Madame le Juge, je ne souhaiterais prendre

 17   position sur le mouvement entre Bratunac et Zvornik. Cette question, ce que

 18   je dis, c'est qu'à cause du mouvement qui a eu lieu les 12 et 13, c'était

 19   entre Potocari et Bratunac à ce moment-là, je dirais que ce n'est pas

 20   absolument impropre.

 21   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Donc en se limitant à ce mouvement-là

 22   en particulier, vous dites que cette partie de la détention était

 23   parfaitement légale ?

 24   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, Madame le Juge.

 25   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Je vous remercie. Voilà mes questions.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Gosnell, je ne vous ai pas

 27   vraiment entendu donner une explication une réponse claire au commentaire

 28   ou à la remarque faite par M. McCloskey sur ce point, à savoir qu'il y

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  1   avait eu cette tentative qui est alléguée d'évasion et qu'elle a

  2   véritablement eu lieu, et ç'aurait été là une des premières choses que

  3   votre client aurait mentionnée lorsqu'il a été entendu par l'Accusation,

  4   mais il ne l'a jamais fait.

  5   M. GOSNELL : [interprétation] Bien, deux réponses à cela.

  6   Premièrement, si vous voulez bien regarder le texte de l'interview

  7   proprement dit et voir comment mon client répond et voir le scepticisme

  8   qu'il manifeste en réponse aux questions qui lui sont posées. Donc de

  9   savoir s'il y a des questions supplémentaires, de savoir s'il y avait

 10   aucune ouverture pour lui de donner une réponse concernant ce scénario

 11   éventuel, vous voyez qu'il y a très peu de possibilités de discuter de cela

 12   vu la nature de l'interview, vu la nature des questions posées, vu les

 13   présomptions de celui qui interrogeait et qui était dirigé très fortement

 14   au cours de l'interview. Il n'y a absolument rien de mal à cela, Monsieur

 15   le Président, mais c'était l'atmosphère de cette audition.

 16   Deuxième point, c'est que ça présumait que mon client, en 2002, avait

 17   pleinement connaissance de ce qui s'est passé exactement, et je voudrais

 18   vous dire que ce n'est tout simplement pas une hypothèse sûre.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Alors ceci conclut --

 20   Oui.

 21   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais juste

 22   remarquer. Je n'ai pas dit ceci à la fin de ma plaidoirie, mais je voudrais

 23   vous dire que ça a été un grand privilège de comparaître devant vous au

 24   milieu de confrères si distingués et éminents, et je suis reconnaissant du

 25   caractère très professionnel et de ce qui s'est passé dans cette salle

 26   d'audience, pour tous ceux qui ont participé à ces débats, y compris les

 27   sténographes, les interprètes, les juristes et les membres du Greffe. Cela

 28   a été un plaisir.

Page 34613

  1   Je souhaiterais ajouter encore une observation, au nom de mon client, qui

  2   souhaite particulièrement remercier pour la courtoisie et le

  3   professionnalisme du personnel chargé de la sécurité qui nous accompagne

  4   pour la durée de ce procès.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Vos paroles sont appréciées.

  6   Madame Fauveau, je suppose que vous commencerez après la suspension.

  7   Nous allons suspendre tout de suite, donc 25 minutes de suspension. Merci.

  8   --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.

  9   --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Gosnell.

 11   M. GOSNELL : [interprétation] Désolé de revenir à la charge, mais je dois

 12   apporter trois corrections au compte rendu.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

 14   M. GOSNELL : [interprétation] Hier, page 34 570, ligne 8, il faut lire : "A

 15   partir de la page 34 325." Aujourd'hui, à la page 7, ligne 3, la note de

 16   bas de page mentionnée est la note "4408." Page 28 de la journée

 17   d'aujourd'hui, ligne 20, il faut lire : "Il n'y a rien du tout qui soit

 18   inadéquat."

 19   Je vous remercie, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 21   Un instant, Maître Fauveau, s'il vous plaît.

 22   Oui, vous avez la parole, Maître Fauveau.

 23   Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, à la fin

 24   de ce procès, le mémoire en clôture du Procureur et son réquisitoire sont

 25   les meilleures preuves de l'impuissance du Procureur de prouver la

 26   responsabilité du général Miletic, et le mémoire et le réquisitoire du

 27   Procureur reposent sur la déformation des preuves, l'interprétation

 28   artificielle des preuves, ainsi que sur les conclusions manifestement

Page 34614

  1   erronées.

  2   Pour commencer, je voudrais dire quelques mots sur le plan

  3   prétendument envisagé par les dirigeants serbes militaires et politiques en

  4   1992, et qui aurait été appliqué durant toute la guerre. Je ne veux pas

  5   perdre beaucoup de temps sur cette période, qui n'est pas dans l'acte

  6   d'accusation, mais les conclusions du Procureur relatives, qui d'une

  7   certaine façon incriminent toute l'armée de la Republika Srpska et même

  8   tout le peuple serbe, demandent une réponse.

  9   Dans le paragraphe 68 de son mémoire, le Procureur cite le colonel

 10   Lasic qui a dit que l'objectif principal de l'armée de la Republika Srpska

 11   était la protection du peuple serbe, et si ce n'était pas possible, la

 12   séparation des peuples sur la base de lignes ethniques. Le Procureur en

 13   conclut que l'objectif de l'armée de la Republika Srpska était le

 14   déplacement forcé des Musulmans ou le nettoyage ethnique. Cette conclusion

 15   est erronée, le colonel Lasic ne parlait pas du déplacement forcé des

 16   Musulmans.

 17   L'allégation que l'objectif même de l'armée de la Republika Srpska

 18   était le déplacement de la population ou le nettoyage ethnique signifierait

 19   que l'armée de la Republika Srpska était, en soi, une organisation

 20   criminelle et que donc tout membre de l'armée, par sa simple appartenance à

 21   cette armée, était membre d'une entreprise criminelle. Il est évident que

 22   ce n'était pas le cas.

 23   La guerre en Bosnie-Herzégovine était de nature ethnique, ce que le

 24   Procureur reconnaît lui-même dans le paragraphe 165 de son mémoire. Ceux

 25   qui ont eu le malheur de vivre une guerre savent que contrairement à ce que

 26   le général Smith voulait nous faire croire, la guerre n'est qu'une immense

 27   souffrance. Elle n'offre que la peur, la douleur, et les tragédies.

 28   Tout le monde sait que le déplacement forcé est interdit par le

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  1   droit, mais le colonel Lasic ne parlait pas du déplacement forcé. Il

  2   parlait de la séparation des peuples en guerre, la séparation qui aurait dû

  3   limiter les souffrances lorsque aucune autre solution n'était plus

  4   possible.

  5   Je voudrais rappeler que dans une opinion consultative, la Cour

  6   permanente de Justice internationale a écrit en 1930, dans l'affaire

  7   concernant les communautés gréco-bulgares, que :

  8   "Le but général de l'acte est ainsi : Par une émigration aussi large

  9   que possible, d'éliminer ou de réduire dans les Balkans les foyers

 10   d'agitation irrédentistes, que l'histoire des périodes précédentes

 11   démontrait avoir été si fréquemment la cause de douloureux incidents ou de

 12   graves conflits, et d'assurer mieux que par le passé l'œuvre de

 13   pacification des pays d'orient."

 14   Cette opinion concernait les Balkans et les événements tragiques

 15   vécus par les peuples des Balkans tout au long du XXe siècle et dont la

 16   guerre qui a éclaté en ex-Yougoslavie en 1990 fait partie affirme, même

 17   après 80 ans, toute sa sagesse. La politique d'un peuple et de son armée ne

 18   peut être jugée d'une manière générale, dans le vide. Elle doit être située

 19   dans le cadre historique et social auquel elle appartient.

 20   Dans ce contexte, la séparation dont le colonel Lasic parlait ne

 21   signifiait pas le déplacement de la population. Mais la création des

 22   entités différentes, l'entité serbe et musulmane, ce qui a été finalement

 23   achevé avec la signature des accords de Dayton.

 24   A la fin du XXe siècle, la Yougoslavie a éclaté en plusieurs Etats.

 25   Le fondement de cet éclatement était l'appartenance ethnique. L'Union

 26   soviétique a éclaté sur les mêmes bases ethniques, ainsi que la

 27   Tchécoslovaquie. Tout comme ailleurs, les peuples de la Bosnie-Herzégovine

 28   ne voulaient plus vivre dans un seul et même Etat. La guerre n'a pas éclaté

Page 34616

  1   parce que les Serbes et les Musulmans ne voulaient pas vivre dans un Etat

  2   commun, mais parce qu'ils n'étaient pas capables de trouver un accord et de

  3   se séparer en paix.

  4   Le déplacement forcé est un crime. La séparation des peuples est un

  5   moyen d'éviter la guerre, la souffrance, et la tragédie. Le colonel Lasic

  6   parlait de cette séparation.

  7   La guerre ne peut excuser et n'excuse pas les crimes, et ceux qui les

  8   ont commis doivent en répondre; cependant, l'armée de la Republika Srpska

  9   n'était pas une organisation criminelle. Mais l'armée du peuple serbe en

 10   Bosnie.

 11   L'appartenance du général Miletic à l'armée de la Republika Srpska

 12   n'a aucune importance en soi. Le général Miletic, tout comme de nombreux

 13   membres de l'armée de la Republika Srpska, n'avait pas d'intention

 14   criminelle. Il n'avait pas d'intention de déplacer la population musulmane,

 15   et il n'avait aucune volonté de participer à une telle entreprise.

 16   Je voudrais me tourner maintenant à certaines allégations du

 17   Procureur qui au-delà du fait qu'elles ne sont soutenues par aucune preuve,

 18   dépassent complètement l'acte d'accusation en ce qui concerne le général

 19   Miletic, cela appelle quelques remarques préliminaires.

 20   Lorsque le Procureur a proposé la jonction d'instances, la Défense du

 21   général Miletic s'y est opposée, car elle considérait que l'acte

 22   d'accusation joint était confus, et que cette conclusion portait préjudice

 23   à l'accusé qui en raison d'un acte d'accusation confus n'est pas en mesure

 24   de comprendre la nature et les motifs des charges. La Défense du général

 25   Miletic a également déposé une exception préliminaire dans laquelle elle a

 26   souligné qu'il n'était pas suffisamment clair si le général Miletic était

 27   accusé pour sa participation dans une seule entreprise criminelle ou dans

 28   les deux entreprises alléguées dans l'acte d'accusation.

Page 34617

  1   Comme suite à l'exception préjudicielle déposée par la Défense, la

  2   Chambre a rendu sa décision le 31 mai 2006, dans laquelle elle a jugé dans

  3   le paragraphe 47 que le général Miletic était accusé comme membre de

  4   l'entreprise criminelle commune ayant pour but le déplacement forcé de la

  5   population musulmane, et qu'il était accusé uniquement comme membre de

  6   cette entreprise criminelle. Le Procureur n'a pas fait d'appel de cette

  7   décision.

  8   Le paragraphe 97 de l'acte d'accusation actuel évoqué par le

  9   Procureur à l'appui de sa thèse selon laquelle le général Miletic aurait

 10   été membre de l'entreprise criminelle commune ayant pour objectif les

 11   meurtres, est identique à l'annexe A de l'acte d'accusation qui était sujet

 12   de l'exception préjudicielle et de la décision du 31 mai 2006.

 13   Un accusé n'est pas membre d'une entreprise criminelle commune parce

 14   qu'une telle allégation existe dans l'acte d'accusation. L'appartenance

 15   d'un accusé à une entreprise criminelle commune doit être prouvée. La

 16   présomption d'innocence est le fondement de toute procédure pénale. Elle

 17   est garantie par l'article 21.3 du Statut de ce Tribunal.

 18   La thèse du Procureur selon laquelle le général Miletic aurait été

 19   membre de l'entreprise criminelle commune ayant pour objectif les meurtres,

 20   bien qu'il ne soit pas accusé pour la participation dans cette entreprise,

 21   ignore tous les principes du droit pénal, défie toute la logique juridique,

 22   et n'est pas acceptable.

 23   Compte tenu de la jurisprudence permanente bien établie selon l'acte

 24   d'accusation doit contenir des charges précises, et compte tenu de la

 25   décision du 31 mai 2006, les paragraphes du mémoire du Procureur qui se

 26   réfèrent à la participation prétendue du général Miletic dans l'entreprise

 27   criminelle commune ayant pour objectif les meurtres vont tout simplement

 28   être ignorés.

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  1   Ni les meurtres à Nezuk, ni les meurtres des Musulmans amenés de

  2   l'hôpital à Milici, ni le transfert des corps dans les fosses secondaires

  3   ne font pas partie des charges contre le général Miletic. Les allégations

  4   relatives à ces actes ne peuvent être prises en compte ni pour

  5   l'établissement de l'intention du général Miletic, car comme l'a jugé la

  6   Chambre de première instance dans l'affaire Djordjevic, l'intention peut

  7   être déduite seulement dans les faits qui sont clairement allégués dans

  8   l'acte d'accusation.

  9   Egalement, le Procureur ne peut maintenant déduire l'intention du

 10   général Miletic de sa connaissance prétendue des actes et des actions qui

 11   ont lieu avant mars 1995. Si le Procureur voulait prouver l'intention du

 12   général Miletic par les événements qui précédaient le 8 mars 1995, il

 13   devait le dire dans l'acte d'accusation, or, il ne l'a pas fait. Il ne l'a

 14   fait ni dans le mémoire préalable au procès ni dans sa déclaration

 15   liminaire.

 16   Conformément à la jurisprudence constante de la Chambre d'appel, le

 17   Procureur ne peut modifier son affaire sans la modification formelle de

 18   l'acte d'accusation si le déroulement du procès ne confirme pas cette thèse

 19   initiale. Egalement, la Chambre ne peut fonder sa décision sur les faits

 20   qui n'étaient pas allégués proprement.

 21   Je voudrais dire quelques mots sur la partie du mémoire qui concerne

 22   la colonne musulmane partie de Srebrenica.

 23   Dans le paragraphe 1700, le Procureur allègue le rôle que le général

 24   Miletic aurait eu dans le suivi de la colonne musulmane. Lors de l'audience

 25   du 3 septembre 2009, le Procureur a fait savoir sa nouvelle et jusqu'alors

 26   inédite position selon laquelle la colonne et les personnes dans la colonne

 27   faisaient partie du transfert forcé. Je ne veux pas répéter les arguments

 28   affirmant que cette colonne était une cible militaire légitime, ce qui a

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  1   été confirmé même par l'expert militaire du Procureur, Richard Butler, le

  2   23 janvier 2008; pages 20 244, 20 245. Ce que je veux souligner ce sont les

  3   déclarations du Procureur, qui a dit, à deux reprises, sans aucune

  4   ambiguïté, que cette était bien une colonne militaire, qu'elle a attaqué

  5   les positions serbes, et surtout qu'elle n'était pas l'objet de l'acte

  6   d'accusation. C'était le 1er novembre 2006, page 3 382, et le 7 février

  7   2007, page 7 041.

  8   L'interprétation donnée par le Procureur lors de l'audience du 3

  9   septembre 2009 est contraire au témoignage de Richard Butler, qui a déclaré

 10   que malgré la présence des civils dans la colonne, celle-ci était une cible

 11   militaire légitime. Mais ce qui est bien plus grave, c'est que cette

 12   nouvelle interprétation du Procureur est en contradiction avec ses propres

 13   déclarations précédentes sur la colonne.

 14   Le Procureur ne peut modifier sa position selon ses besoins du

 15   moment. Si les actes destinés à neutraliser militairement la colonne

 16   doivent constituer une contribution à l'entreprise criminelle commune, le

 17   Procureur n'aurait pas dû déclarer que la colonne n'était pas l'objet des

 18   charges. L'accusé a le droit de connaître les charges, et lorsque le

 19   Procureur déclare, sur le compte rendu, que la colonne n'est pas l'objet de

 20   l'acte d'accusation, l'accusé ne peut présumer qu'à l'heure du réquisitoire

 21   le Procureur changera sa position.

 22   Ce n'est pas tout. Le Procureur, en manque de preuves contre le

 23   général Miletic, essaye de lui imputer maintenant d'autres faits jamais

 24   allégués. Le Procureur n'a jamais allégué que le général Miletic avait un

 25   rôle dans la mobilisation des autocars destinés au transport de la

 26   population. Cependant, dans son mémoire, le Procureur essaye maintenant

 27   d'imputer au général Miletic cette mobilisation. Aucune preuve ne permet

 28   l'établissement d'un lien entre le général Miletic et la mobilisation des

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  1   autocars. Mais si allégation fait partie de la contribution alléguée du

  2   général Miletic à l'entreprise criminelle commune, elle aurait dû se

  3   trouver dans l'acte d'accusation. Il en va de même pour l'approvisionnement

  4   en armement des unités du Corps de Drina pendant l'opération Krivaja.

  5   Aucune preuve ne soutient cette thèse du Procureur. Mais en plus, le

  6   Procureur n'a jamais allégué que le général Miletic aurait été impliqué

  7   dans cet approvisionnement.

  8   Egalement, le Procureur n'a jamais allégué que le général Miletic ou

  9   les officiers de l'organe opérationnel auraient été impliqués dans la

 10   rédaction des ordres des 10 et 13 juillet 1995. Il s'agit des pièces P181

 11   et P45.

 12   La rédaction des ordres n'est pas une preuve; elle est un fait

 13   matériel, tout comme la mobilisation et l'approvisionnement en armements.

 14   Une participation éventuelle du général Miletic dans ces actes

 15   constituerait les actes de l'accusé pouvant être jugés comme sa

 16   contribution à l'entreprise criminelle commune. Or, si ces actes

 17   constituent la contribution alléguée du général Miletic à l'entreprise

 18   criminelle commune, ils auraient dû être exposés dans l'acte d'accusation,

 19   ils ne l'étaient pas. Ces faits n'étaient exposés ni dans le mémoire

 20   préalable au procès ni dans la déclaration liminaire. Même dans les

 21   arguments présentés en application de l'article 98 bis du Règlement à la

 22   fin de la présentation des moyens de preuve du Procureur, celui-ci n'a pas

 23   allégué que le général Miletic aurait participé dans la rédaction de ces

 24   ordres, dans la mobilisation des autocars, et dans l'approvisionnement en

 25   armements des unités du Corps de Drina.

 26   Par ailleurs, à plusieurs reprises dans son mémoire en clôture, le

 27   Procureur allègue que les officiers des affaires opérationnelles

 28   subordonnés au général Miletic auraient accompli certains actes. S'agissant

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  1   de la responsabilité du général Miletic, de sa participation alléguée dans

  2   l'entreprise criminelle commune, le Procureur doit prouver que le général

  3   Miletic a contribué personnellement par ses actes personnels et individuels

  4   à l'entreprise criminelle commune. Les agissements des autres officiers,

  5   même des subordonnés au général Miletic, ne peuvent être imputés au général

  6   Miletic pour les besoins de sa contribution à l'entreprise criminelle

  7   commune.

  8   Finalement, je voudrais dire quelques remarques sur les paragraphes

  9   75(B) et (C) de l'acte d'accusation. Ce paragraphe contient le terme

 10   anglais "monitor." Ce terme a été toujours traduit dans la version B/C/S de

 11   l'acte d'accusation par le terme "superviser." Lors de l'audience du 26

 12   novembre 2008, le Procureur a expliqué qu'il ne s'agissait pas de la

 13   supervision, mais du suivi; cependant, le Procureur n'a jamais demandé la

 14   correction de l'acte d'accusation en B/C/S, en se contentant de dire que le

 15   B/C/S n'est pas la langue officielle du Tribunal.

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant.

 17   Autant le dire tout de suite, ce serait préférable, quel est le terme

 18   utilisé dans la version en B/C/S de l'acte d'accusation ?

 19   Mme FAUVEAU : "Nadzirati," n-a-d-z-i-r-a-t-i.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Maître.Mme FAUVEAU :

 21   Les règles relatives aux langues officielles n'ont pas d'application dans

 22   ce cas. C'est l'article 21.4.A du Statut qui s'applique et qui garantit à

 23   l'accusé de connaître la nature et les motifs des charges dans une langue

 24   qu'il comprend.

 25   Conformément à ce que le général Miletic pouvait comprendre de l'acte

 26   d'accusation, il a été accusé d'avoir supervisé certaines activités. La

 27   modification de ce terme en novembre 2008, plus de deux ans après

 28   l'ouverture du procès, est définitivement préjudiciable à l'accusé. En

Page 34622

  1   plus, cette modification est intervenue après le témoignage de deux témoins

  2   de la Défense, qui ont confirmé que le général Miletic n'était en charge ni

  3   de superviser les activités des unités de la VRS ni celles de l'ennemi. Il

  4   s'agissait de Ljubomir Obradovic, le 17 novembre 2008, pages 28 288 et 28

  5   295; et de Novica Simic, le 19 novembre 2008, page 28 511.

  6   L'acte d'accusation est un acte du Procureur. Le Procureur aurait dû

  7   s'assurer que la traduction en B/C/S correspond à ses intentions. Le terme

  8   "monitor" peut être traduit en B/C/S, et par le verbe "superviser" et par

  9   le verbe "suivre." Il ne s'agit pas d'une erreur de traduction, mais de

 10   l'ambiguïté de l'expression utilisée par le Procureur qui ne peut être

 11   interprétée au détriment de l'accusé.

 12   Avant de passer à l'analyse de l'affaire contre le général Miletic, je

 13   voudrais dire quelques mots sur les preuves, tout d'abord, le témoignage du

 14   général Milovanovic.

 15   Pratiquement toute l'affaire du Procureur contre le général Miletic,

 16   et particulièrement la partie concernant la fonction et la position du

 17   général Miletic ainsi que son rôle dans la rédaction de la directive numéro

 18   7 repose sur le témoignage du général Milovanovic. Le général Milovanovic

 19   est un témoin du Procureur. Toutefois, même le Procureur met en doute sa

 20   crédibilité lorsqu'il s'agit de la directive numéro 4, dans son mémoire, et

 21   la directive numéro 7 lors de l'audience du 2 septembre 2009. Nous sommes

 22   d'accord avec le Procureur lorsqu'il dit que le témoignage du général

 23   Milovanovic n'est pas crédible lorsqu'il parlait des directives, mais nous

 24   considérons aussi que le général Milovanovic n'est crédible ni lorsque

 25   qu'il parle de la position et la fonction du général Miletic. Son

 26   témoignage était tout simplement destiné à éviter, ou au moins à diminuer

 27   sa propre responsabilité éventuelle. Malheureusement, lorsque le général

 28   Milovanovic a témoignage, la Défense n'a pas eu en sa possession les

Page 34623

  1   documents qui démontrent sa présence, la présence du général Milovanovic,

  2   dans le quartier général de l'état-major principal au printemps 1995. Sa

  3   pleine connaissance de la directive numéro 7 et les actions qu'il a

  4   entreprises dans la zone justement du Corps de Drina dans la période

  5   pertinente, et ceci jusqu'au 1er juin 1995. Tous ces documents étaient

  6   obtenus bien plus tard. Le document-clé, l'agenda de la secrétaire du

  7   président Karadzic, n'a été obtenu qu'en septembre 2008.

  8   En effet, de nombreux documents, pour la plupart favorables à la Défense,

  9   étaient d'ailleurs obtenus dans ce procès dans une phase très avancée de la

 10   procédure. Bien que nous déploierions cette situation, je voudrais

 11   souligner que nous n'y voyons pas d'attitude impropre du Procureur.

 12   S'agissant des autres preuves, je voudrais dire quelques mots sur les

 13   conversations interceptées, qui constituent une partie considérable des

 14   preuves admises. Ces conversations doivent être appréciées avec une grande

 15   attention, et notamment lorsqu'il s'agit des conversations dans lesquelles

 16   les remarques indiquant la perturbation ou la modulation vocale sont

 17   mentionnées. Egalement, il faut faire surtout attention lorsqu'il s'agit

 18   des dates, des noms des personnes mentionnées. Les erreurs ne peuvent pas

 19   être exclues.

 20   Les remarques concernant la perturbation et la modulation vocale indiquent

 21   que l'audibilité et donc la compréhension de la conversation étaient

 22   difficiles. En conséquence, la possibilité de l'erreur dans ces

 23   conversations est plus élevée. Le contenu d'une conversation interceptée

 24   qui n'est pas confirmée par d'autre preuve ne devrait pas être pris en

 25   compte.

 26   Je voudrais rappeler le témoignage d'un opérateur, PW-147, qui a reconnu

 27   que dans certaines situations, les événements qui ont réellement eu lieu

 28   étaient à l'opposé de ce qui avait été noté dans la conversation. C'était

Page 34624

  1   le 24 janvier 2007, pages 6 329 et 6 330. Finalement, bien que la

  2   jurisprudence ne demande pas la corroboration des témoignages, cette

  3   corroboration est néanmoins requise pour les témoignages admis en

  4   application de l'article 92 bis lorsque l'auteur de la déclaration n'est

  5   pas cité à comparaître et lorsqu'il n'a pas pu être contre-interrogé. Les

  6   éléments d'une telle déclaration ne peuvent conduire à une déclaration de

  7   culpabilité s'ils ne sont pas corroborés.

  8   Je voudrais également aborder un point de droit que nous avons soulevé dans

  9   les paragraphes 601 et 611 de notre mémoire, et qui concerne l'expulsion

 10   des hommes musulmans de Zepa. Nous considérons que ces arguments que nous

 11   avons exposés quant aux hommes musulmans à Zepa s'appliquent entièrement

 12   aussi à la colonne qui était partie de Srebrenica et au transfert forcé qui

 13   s'appliquerait - selon la nouvelle position du Procureur - à cette colonne.

 14   Comme il ressort de notre mémoire, nous avons pris note de la jurisprudence

 15   du Tribunal sur le statut des victimes des crimes contre l'humanité,

 16   cependant venant du système continental, j'ai quelques difficultés à

 17   accepter cette position. Les lois pénales appellent à une interprétation

 18   restrictive et stricte. Le Statut de ce Tribunal a la force de la loi.

 19   L'article 5 de ce Statut a posé des conditions générales qui doivent

 20   être remplies pour tous les crimes contre l'humanité. Cet article dispose

 21   que le Tribunal international est habilité à juger les personnes présumées

 22   responsables des crimes suivants, lorsqu'ils ont été commis au cours d'un

 23   conflit armé de caractère international ou interne et dirigé contre un

 24   population civile quelle qu'elle soit. L'article 5 du Statut de ce Tribunal

 25   diffère des dispositions contenues dans les autres textes internationaux

 26   concernant les crimes contre l'humanité, notamment du Statut du tribunal

 27   pour le Rwanda et du Statut de la Cour pénale internationale, qui exigent

 28   que les crimes soient commis dans le cadre d'une attaque généralisée et

Page 34625

  1   systématique pour le Rwanda ou généralisée et systématique pour la Cour

  2   pénale internationale. Devant ce Tribunal, l'exigence de cette attaque

  3   généralisée ou systématique était ajoutée par la jurisprudence comme une

  4   condition additionnelle nécessaire pour qu'un acte constitue le crime

  5   contre l'humanité. Cela se comprend, cela ne porte aucun préjudice aux

  6   accusés et cela ne sort pas du cadre de l'interprétation restrictive de la

  7   loi pénale; cependant, cette attaque généralisée ou systématique est une

  8   condition jurisprudentielle. Elle n'est pas dans le Statut.

  9   L'article 5 du Statut ne mentionne pas une attaque généralisée ou

 10   systématique. Il mentionne seulement un conflit armé. Comme il n'y a pas

 11   d'attaque dans le texte, la population civile mentionnée dans l'article 5

 12   ne peut être la cible d'une attaque, mais seulement des crimes qui y sont

 13   mentionnés. Cet article, tel qu'il est, au moins en français, demande que

 14   les crimes soient dirigés contre la population civile.

 15   Cela dit, je voudrais préciser que nous considérons que la présence de

 16   quelques militaires au sein de la population civile ne changera pas le

 17   caractère civil de cette population, mais qu'également une unité militaire

 18   ou un groupe de combattants en état de combattre, complètement séparé de la

 19   population civile, ne peut être victime du crime contre l'humanité, tel que

 20   dans le Statut de ce Tribunal.

 21   S'agissant de la colonne partie de Srebrenica, ceux qui l'ont rejointe

 22   l'ont fait dans le but de contribuer à l'action militaire qui était la

 23   percée de la 28e Division de Srebrenica vers la Bosnie centrale. Ayant

 24   rejoint une formation militaire, ils sont devenus les combattants. Il en va

 25   de même pour les membres de la 285e Brigade de Zepa et ceux qui les ont

 26   rejoints. Aussi bien la 28e Division que la 285e Brigade ont quitté

 27   Srebrenica et Zepa avec l'intention de rejoindre le territoire musulman, et

 28   si besoin se présente, de combattre les forces serbes. Les activités des

Page 34626

  1   forces serbes dirigées contre ces groupes étaient des activités purement

  2   militaires.

  3   Avant d'analyser l'éventuelle participation du général Miletic dans

  4   l'entreprise criminelle alléguée, je voudrais dire qu'il n'y a pas de

  5   preuve que le général Miletic aurait ordonné ou planifié les crimes

  6   allégués, ce que le Procureur suggère dans son mémoire. Bien que le

  7   Procureur laisse entendre que toutes sortes de documents transmis par le

  8   général Miletic auraient engagé sa responsabilité pour avoir ordonné les

  9   actes criminels, il n'a spécifié ni un ordre particulier ni le crime qui

 10   aurait été commis comme suite à cet ordre.

 11   Si, conformément à la jurisprudence du Tribunal, une personne peut être

 12   tenue responsable pour avoir donné un ordre, même s'il a seulement transmis

 13   un ordre et si l'ordre n'a pas à être donné dans une forme particulière, le

 14   Procureur doit, toutefois, spécifier l'ordre particulier qui engagerait la

 15   responsabilité de l'accusé pour avoir ordonné l'acte criminel constituant

 16   un crime aux termes du Statut du Tribunal. Il doit également prouver que

 17   l'ordre était illégal et qu'il était transmis avec la connaissance qu'un

 18   crime peut être commis dans l'exécution de cet ordre. Finalement, il doit

 19   prouver que le crime ordonné a été effectivement commis. Dans le cas

 20   présent, le Procureur n'a prouvé aucun élément qui permettrait de dire que

 21   le général Miletic a ordonné un crime.

 22   Egalement, dans les paragraphes 1 741 et 1 743 de son mémoire, le Procureur

 23   allègue que le général Miletic aurait planifié les crimes. Le paragraphe 1

 24   743 est déjà contradictoire en soi, car tout d'abord, le Procureur allègue

 25   que le général Miletic a assisté dans la planification des crimes pour dire

 26   ensuite qu'il avait le rôle central dans la planification de la stratégie

 27   implémentée ensuite par les dirigeants de la Republika Srpska et de la VRS

 28   qui aurait finalement mené à la prise des enclaves et au déplacement de la

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  1   population musulmane.

  2   Tout d'abord, la planification d'un crime et la planification de la

  3   stratégie qui ont pu mener à la commission d'un crime sont deux choses bien

  4   différentes. La première suppose la planification directe d'un acte

  5   criminel; par exemple, du déplacement de la population. La deuxième

  6   constitue dans la planification d'une action pouvant être parfaitement

  7   légale qui a ensuite mené à la commission d'un crime. La planification

  8   d'une stratégie qui a mené à la commission d'un crime n'est pas la

  9   planification dans le sens de l'article 7(1) du Statut, cependant elle peut

 10   constituer la constitution à une entreprise criminelle commune.

 11   Aucune preuve dans ce dossier ne soutient la thèse que le général Miletic

 12   aurait planifié les actes criminels. Je parlerais un peu plus tard du rôle

 13   du général Miletic dans la rédaction de la directive numéro 7, mais pour le

 14   moment, je veux dire simplement que la thèse selon laquelle le général

 15   Miletic aurait planifié la stratégie appliquée ensuite par les dirigeants

 16   de la Republika Srpska est complètement illogique. Il est évident que la

 17   stratégie appliquée par les dirigeants politiques et militaires ne pouvait

 18   être planifiée que par ceci, certainement pas par un officier qui ne

 19   faisait pas partie de ces dirigeants.

 20   Le Procureur vous dit qu'il ne demande pas la condamnation du général

 21   Miletic parce qu'il était chef de l'administration en charge des affaires

 22   opérationnelles et de l'éducation de l'armée de la Republika Srpska, mais

 23   c'est justement ce qu'il fait. Le général Miletic est accusé justement

 24   uniquement en raison de la position qu'il a occupée. Il suffit de regarder

 25   toute l'affaire contre le général Miletic, le mémoire du Procureur, le

 26   réquisitoire, tout repose sur les phrases qui commencent "il aurait dû

 27   savoir." Encore vendredi dernier, page 34 279, le Procureur a prononcé la

 28   phrase qui commençait par :

Page 34628

  1   "C'est inimaginable pour le chef des opérations de ne pas savoir."

  2   Ce n'est pas la question. Ça ne doit pas être la question dans un procès

  3   pénal.

  4   Mais commençons par le début, et pour commencer, il faut dire que le

  5   Procureur présente de façon erronée la fonction du général Miletic, et

  6   ceci, tout au long de la guerre. Par exemple, il ressort du paragraphe 69

  7   du mémoire du Procureur que le colonel Lasic était subordonné au général

  8   Miletic. Le Procureur ne se réfère à aucune preuve qui aurait confirmé

  9   cette allégation, et il ne peut le faire car le colonel Lasic, qui a quitté

 10   le département des Affaires opérationnelles de l'état-major principal le 21

 11   mai 1993, n'était jamais subordonné au général Miletic. La pièce P3178 le

 12   confirme.

 13   Egalement, le Procureur prétend dans le paragraphe 1 662 de son mémoire que

 14   le général Miletic était le chef adjoint des opérations avant de devenir le

 15   chef des opérations en juin 1993. Tout d'abord, la fonction du chef des

 16   opérations est inconnue dans l'ARSK et puis il est impossible de comprendre

 17   si le Procureur pensait au chef de l'administration des Affaires

 18   opérationnelles et de l'Education ou du département des Affaires

 19   opérationnelles. A la décharge du Procureur, il faut noter que le

 20   témoignage du général Milovanovic évoqué par le Procureur n'était pas

 21   précis sur ce point; cependant, la preuve concrète des fonctions exercées

 22   par le général Miletic est la pièce P3178, qui démontre clairement que le

 23   général Miletic n'était jamais le chef adjoint de l'administration des

 24   Affaires opérationnelles et de l'Education et qu'il n'a jamais eu des

 25   fonctions dans le département des Affaires opérationnelles. Le document

 26   P3178 est une preuve crédible à laquelle le Procureur lui-même se réfère à

 27   plusieurs occasions.

 28   Dans le paragraphe 1662, le Procureur allègue que le général Miletic

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  1   était dans l'organe des Affaires opérationnelles au moment de la rédaction

  2   de la directive numéro 4 ainsi qu'au moment des activités militaires à

  3   Cerska, fin 1992, début 1993. Ces allégations ne sont soutenues par aucune

  4   preuve et sont également contraire au document mentionné, P3178.

  5   Le Procureur indique aussi que le général Miletic était impliqué dans la

  6   rédaction de l'analyse relative à l'aptitude au combat pour l'année 1992 et

  7   qu'il devait aider son supérieur, Dragutin Ilic lors de cette rédaction. Le

  8   Procureur se réfère à Richard Butler qui a dit que le général Miletic était

  9   subordonné à Dragutin Ilic, mais qu'il n'a jamais dit qu'il était impliqué

 10   dans la rédaction de cette analyse. Par ailleurs, ce que le général Miletic

 11   devait faire n'a aucune importance. Le Procureur aurait dû prouver ce que

 12   le général Miletic a fait; or, il n'a pas prouvé que le général Miletic

 13   avait participé dans la rédaction de l'analyse de l'aptitude au combat pour

 14   l'année 1992.

 15   L'allégation du Procureur selon laquelle l'opération Printemps à laquelle

 16   le général Miletic a participé a duré environ un mois est également

 17   erronée. Dragisa Masal a dit que cette opération a duré tout au plus une

 18   semaine ou une dizaine de jours. Le 2 décembre 2008, page 29 143. En effet,

 19   l'opération Printemps a duré exactement cinq jours, du 3 mai au 8 mai 1993.

 20   L'ordre du 1er mai 1993, la pièce P2742 citée par le Procureur, indique le

 21   commencement de l'opération le 3 mai. Cette opération a bien été terminée

 22   avec la création de la zone de sécurité Zepa, le 8 mai 1993, ce que le

 23   Procureur reconnaît.

 24   Mais voyons un peu ce que cet ordre du 1er mai signifie vraiment et ce que

 25   le général Miletic pouvait en comprendre. Dans le paragraphe 1667, le

 26   Procureur arrive à une conclusion manifestement erronée lorsqu'il dit que

 27   l'ordre du général Miletic du 1er mai 1993 était une tentative de la

 28   réalisation du troisième objectif stratégique du déplacement des Musulmans

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  1  de la vallée de Drina. L'ordre du 1er mai 1993 n'est pas un ordre du général

  2   à l'époque, le colonel Miletic, mais du général Milovanovic.

  3   En plus, la conclusion du Procureur que l'objectif de cette opération était

  4   le déplacement des Musulmans n'est pas une conclusion raisonnable. Tout au

  5   contraire, le seul objectif de cette opération, clairement indiqué dans les

  6   points 4 et 5 de l'ordre P2742, était l'attaque sur les forces musulmanes.

  7   L'ordre prévoyait la possibilité pour la population musulmane de rester ou

  8   de partir en Bosnie centrale. Cette possibilité ne signifie pas le

  9   déplacement forcé de la population. Le déplacement de la population n'est

 10   pas nécessairement l'objectif de l'attaque. Elle était souvent la

 11   conséquence des activités militaires et du changement du pouvoir. Dans

 12   l'ordre du 1er mai 1993, cette possibilité était prévue mais elle n'était

 13   pas prévue afin de forcer la population à partir mais afin de lui assurer

 14   la sécurité si elle décidait de partir.

 15   Le Procureur reconnaît que l'attaque à Zepa en mai 1993 a cessé avec la

 16   création de la zone de sécurité. Parallèlement avec la création de la zone

 17   de sécurité, Zepa aurait dû être démilitarisé. Il est évident que l'ARSK

 18   considérait que les objectifs de l'opération Printemps étaient réalisés

 19   avec la démilitarisation de la zone à laquelle l'état-major principal de la

 20   VRS croyait à l'époque. La fin qui était mise aux activités militaires

 21   lorsque la zone démilitarisée a été créée démontre bien que l'objectif de

 22   cette opération n'était pas le déplacement de la population mais la

 23   neutralisation des forces musulmanes, ce qui est un objectif naturel et

 24   légitime de tout confit armé.

 25   La directive numéro 6, P3919, démontre aussi que le déplacement de la

 26   population musulmane n'était pas l'objectif de l'ARSK. Cette directive

 27   émise en 1993, après la création des zones démilitarisées, ne mentionnait

 28   pas la vallée de Drina parmi les objectifs de l'ARSK. La démilitarisation

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  1   des zones sous pouvoir musulman dans la vallée de Drina était l'achèvement

  2   de tous les objectifs de l'ARSK dans cette zone.

  3   Les documents de l'ARSK ne peuvent être interprétés ni dans le vide ni dans

  4   la lumière des événements qui se sont produits deux ans après. Un document

  5   doit être apprécié dans le contexte dans lequel il a été écrit. La

  6   possibilité offerte à la population civile dans l'ordre du 1er mai 1993

  7   n'est pas l'expression de l'intention de déplacer la population musulmane,

  8   mais du fait que la population suivait souvent son armée. Cette phase,

  9   contrairement aux allégations du Procureur, indique que lors de la

 10   rédaction de cet ordre, les mesures étaient prises afin d'assurer la

 11   sécurité de la population civile.

 12   L'interprétation du Procureur de cet ordre démontre que le Procureur

 13   ignore le conflit armé dont l'objectif était de vaincre les forces

 14   ennemies. Contrairement aux conclusions du Procureur, aucune signification

 15   illégale ne peut être attribuée aux documents de l'armée de la Republika

 16   Srpska lorsqu'une explication militaire raisonnable existe. L'ordre du 1er

 17   mai 1993 est un acte militaire parfaitement régulier et légal qui ne permet

 18   aucune autre interprétation.

 19   La participation du général Miletic dans l'opération Printemps était

 20   justifiée militairement et était parfaitement légale. Aucune intention

 21   criminelle ne peut en être déduite.

 22  La démarche adoptée par le Procureur dans l'interprétation de l'ordre du 1er

 23   mai 1993 est significative. En effet, le Procureur essaie d'attribuer à

 24   tous les documents de la VRS, sans égard à leur contenu et leur objectif

 25   réel, un but illégal car il les interprète a posteriori en y cherchant

 26   l'annonce des événements tragiques qui se sont déroulés en juillet 1995.

 27   Une telle approche n'aide pas la Chambre, car la Chambre ne peut déduire

 28   l'intention criminelle d'un acte; une autre conclusion raisonnable

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  1   s'impose.

  2   Mais revenons à la fonction du général Miletic. En effet, le Procureur

  3   identifie le général Miletic avec l'état-major principal, et impute toutes

  4   les actions de l'état-major principal au général Miletic. Pendant tout le

  5   procès, le Procureur a essayé de placer le général Miletic à la position

  6   qui n'était pas la sienne et de lui attribuer les connaissances relatives à

  7   la situation sur le front dans les unités subordonnées, aux renseignements,

  8   logistique, mobilisation, et à tout autre aspect du travail de l'armée de

  9   la Republika Srpska plus précises, plus élaborées, plus larges que celles

 10   que même le commandant avait. Il est évident que cette théorie n'est

 11   soutenue par aucune preuve et qu'elle était complètement erronée.

 12   Le général Miletic n'est pas l'état-major principal. Sa contribution

 13   éventuelle à l'entreprise criminelle commune alléguée peut être appréciée

 14   seulement sur la base de ses agissements personnels. Les actes de l'état-

 15   major principal ne peuvent être imputés au général Miletic, sauf s'il

 16   s'agit des actes dans lesquels sa participation a été prouvée. Le général

 17   Miletic n'était pas le commandant de l'état-major principal et n'était pas

 18   censé savoir tout ce qui s'y passait. Il ne peut être tenu responsable pour

 19   tout acte de l'état-major principal.

 20   Quelle que soit la fonction que le général Miletic a occupée et

 21   exercée, cette fonction en soi ne peut être la preuve ni de son

 22   appartenance prétendue à l'entreprise criminelle alléguée, ni de sa

 23   contribution éventuelle à celle-ci. Le Procureur a consacré une grande

 24   partie de ce procès et de son mémoire à la fonction du général Miletic afin

 25   de masquer l'insuffisance des preuves pour établir la responsabilité

 26   éventuelle du général Miletic.

 27   Je ne souhaite pas répéter les arguments relatifs à la fonction du

 28   général Miletic présentés dans notre mémoire desquels ressort clairement

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  1   que le général Miletic n'a jamais eu l'autorité et les pouvoirs du chef de

  2   l'état-major et qu'il n'avait jamais été le conseiller principal du général

  3   Mladic. Je voudrais seulement souligner certaines conclusions du Procureur

  4   complètement infondées.

  5   Lorsqu'il essaie d'expliquer la fonction du général Miletic, le

  6   Procureur cite principalement le témoignage du général Milovanovic. Dans

  7   les paragraphes 1635, 1653, le Procureur se réfère 25 fois au général

  8   Milovanovic. Or, le Procureur reconnaît lui-même que le général Milovanovic

  9   n'est pas crédible. Lorsqu'il ne se réfère pas au général Milovanovic, le

 10   Procureur cite le Règlement 7D P410, applicable au corps, alors que les

 11   unités dont la structure, organisation et fonction étaient bien différentes

 12   de celles de l'état-major principal; une preuve qui n'est guère plus

 13   convaincante que le témoignage du général Milovanovic lorsqu'il s'agit des

 14   fonctions du général Miletic. Ces preuves ne reflètent pas les fonctions du

 15   général Miletic et ne permettent pas de déduire ce que le général Miletic

 16   faisait réellement. Ces preuves ne disent rien sur les tâches du général

 17   Miletic au moment des activités autour de Srebrenica et Zepa.

 18   Lorsque le commandant, le chef de l'état-major et de nombreux

 19   assistants du commandant étaient absents de l'état-major principal et

 20   lorsque la situation était bien éloignée de la situation régulière décrite

 21   par le général Milovanovic et complètement différente de celle décrite dans

 22   le Règlement cité qui, d'abord, s'appliquait dans les corps et qui en plus,

 23   était destiné à être appliqué dans le temps de paix.

 24   Un exemple de l'inutilité totale de ces preuves et l'allégation du

 25   Procureur selon laquelle le général Miletic aurait dû donner au général

 26   Mladic les suggestions concernant l'utilisation des unités. Bien entendu,

 27   la preuve citée par le Procureur est le témoignage du général Milovanovic.

 28   Cependant, dans ce procès, il n'est pas important si le général Miletic

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  1   pouvait ou devait suggérer l'utilisation des unités, mais s'il l'a fait

  2   dans le cas des unités du Corps de Drina dans la période de mars en août

  3   1995. Aucune preuve ne confirme que le général Miletic l'a fait. En effet,

  4   aucune preuve ne confirme que le général Miletic a suggéré quoi que ce soit

  5   au général Mladic ou que celui-ci ne l'a jamais consulté.

  6   Le général Milovanovic est l'homme de confiance du général Mladic

  7   pendant toute la guerre. Il l'a reconnu lui-même. Le général Mladic lui

  8   aussi a reconnu à la fin de la guerre la position privilégiée du général

  9   Milovanovic. Dans son discours, au début de l'année 1996, le général Mladic

 10   a exprimé sa gratitude et sa reconnaissance au général Milovanovic par les

 11   mots suivants :

 12   "Encore une fois, je vous remercie, particulièrement vous, le général

 13   Milovanovic, mon bras droit, qui m'avez représenté avec beaucoup de succès

 14   et qui m'avez aidé énormément."

 15   Lors de l'audience du 7 septembre, le Procureur a déclaré que la

 16   présence du général Milovanovic au quartier général de l'état-major

 17   principal ne changeait pas grand-chose quant à la position du général

 18   Miletic. Mais dans le paragraphe 11 de l'acte d'accusation, le Procureur a

 19   décrit le général Miletic comme le conseiller principal du général Mladic

 20   justement pour avoir représenté le général Milovanovic. Or, si le général

 21   Milovanovic était dans le quartier général de l'état-major principal,

 22   personne ne pouvait le représenter.

 23   La Défense affirme que le général Miletic, avec ou sans la présence du

 24   général Milovanovic, n'était jamais le conseil principal du général Mladic.

 25   Toutefois la déclaration du Procureur, selon laquelle le retour du général

 26   Milovanovic, ne changeait rien quant à la situation du général Miletic, et

 27   dans le cadre de l'affaire du Procureur contre le général Miletic,

 28   dépourvue de toute logique.

Page 34635

  1   Par ailleurs, le Procureur utilise des méthodes différentes pour évaluer le

  2   rôle du général Miletic et celui du général Milovanovic. Conformément aux

  3   allégations du Procureur, le seul fait que le général Milovanovic était

  4   sorti du quartier général de l'état-major principal lui enlèverait toute la

  5   responsabilité, bien qu'il soit envoyé sur le terrain justement pour

  6   évaluer la situation et justement pour apporter les information au général

  7   Mladic. De l'autre côté, le général Miletic, même lorsqu'il est en

  8   permission à Belgrade, aurait pu s'informer sur la situation. C'est

  9   absurde, notamment si l'on prend en compte le fait que le général

 10   Milovanovic était sans l'ombre d'un doute et pendant toute la guerre le

 11   collaborateur principal, le plus proche et le plus apprécié du général

 12   Mladic.

 13   Il n'est pas en dispute que le général Miletic travaillait avec le

 14   général Milovanovic. Il était subordonné au général Milovanovic; cependant,

 15   ce fait n'assiste en rien le Procureur, car le général Milovanovic,

 16   conformément à l'acte d'accusation, n'est pas membre de l'entreprise

 17   criminelle commune.

 18   Le général Miletic n'a jamais été dans la position du général

 19   Milovanovic. En conséquence, le général Mladic ne l'a certainement pas

 20   informé de toute action militaire conçue et décidée.

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé).  Le Procureur ignore complètement les différences dans les

 25   activités des niveaux différents, stratégiques, opérationnels et tactiques,

 26   et contrairement à toutes le preuve, impute le même rôle au général Miletic

 27   dans toutes les actions.

 28   Le général Miletic ne faisait pas partie du cercle restreint de

Page 34636

  1   l'état-major principal. Il ne participait pas dans la prise de décisions.

  2   Le général Mladic ne l'a pas mentionné parmi ses proches collaborateurs

  3   dans son discours à la fin de la guerre; la pièce 5D1445.

  4   Le Procureur est silencieux sur ce discours du général Mladic,

  5   pourtant le discours du général Mladic est la preuve cruciale lorsqu'il

  6   s'agit du rôle du général Miletic. Le général Mladic parlait devant ses

  7   collaborateurs, devant les officiers qui savaient quel était le rôle des

  8   membres de l'état-major principal et devant qui il ne pouvait et n'avait

  9   aucune raison d'omettre de citer tous ces proches collaborateurs. Le

 10   général Miletic était présent lors de ce discours, et s'il était l'un des

 11   proches collaborateurs du général Mladic, le général Mladic ne l'aurait

 12   certainement pas oublié.

 13   Comme le général Miletic n'était pas dans le cercle des plus proches

 14   collaborateurs du général Mladic, il est difficile d'envisager qu'il

 15   pouvait se trouver dans la position unique de conseiller le général Mladic.

 16   En effet, pour que le général Miletic puisse se trouver dans la position de

 17   donner un conseil au général Mladic, il fallait que celui-ci lui donne une

 18   occasion, c'est-à-dire qu'il lui demande un conseil. Le Procureur n'a

 19   présenté aucune preuve que le général Mladic s'est adressé au général

 20   Miletic pour un conseil, ou que le général Miletic lui a donné un tel

 21   conseil. La seule preuve d'une nature semblable est le document 5D1016, qui

 22   date de 1994 mais, dans ce document, le général Miletic a seulement

 23   transmis au général Mladic la proposition du commandant du corps de Drina.

 24   En plus, ce document démontre que le général Mladic n'a pas accepté la

 25   proposition du commandant du corps de Drina, et que son opinion était

 26   différente de celle du général Miletic, ou plutôt que le général Miletic

 27   n'était pas d'accord avec la décision du général Mladic.

 28   Ni l'allégation du Procureur dans le paragraphe 1650 que l'influence

Page 34637

  1   du général Miletic dans l'état-major principal aurait augmenté, et que ses

  2   propositions auraient été respectées et acceptées, n'est soutenue par les

  3   preuves. Le général Miletic était le seul général dans l'état-major

  4   principal qui n'a pas été mentionné dans le discours du général Mladic

  5   prononcé à la fin de la guerre.

  6   Par ailleurs, la conversation entre le général Mladic et le général

  7   Tolimir du 24 juillet 1995 - il s'agit de la pièce P1327 - indique bien

  8   combien le général Mladic respectait et acceptait les propositions du

  9   général Miletic. Dans cette conversation, le général Mladic n'a même pas

 10   pris en considération l'opinion du général Miletic et a ordonné au général

 11   Tolimir justement le contraire de ce que le général Miletic a proposé.

 12   Également, le Procureur n'a aucune preuve pour ses allégations selon

 13   lesquelles le général Miletic aurait eu le rôle essentiel dans chacune des

 14   décisions prises dans la réalisation de l'objectif de l'entreprise

 15   criminelle commune alléguée et selon lesquelles les décisions du général

 16   Miletic auraient été cruciales dans les efforts de vaincre militairement

 17   les forces musulmanes, et de déplacer la population musulmane de Srebrenica

 18   et Zepa. Le Procureur ne se réfère à aucune décision du général Miletic, et

 19   il ne peut le faire car ces décisions n'existent pas.

 20   Dans son mémoire au paragraphe 131, le Procureur cite le général

 21   Nicolai, qui a déclaré que les réponses utiles à l'état-major principal la

 22   VRS pouvaient être obtenues seulement des généraux, car les généraux

 23   étaient probablement les seuls autorisés à prendre les décisions. Le

 24   général Miletic était colonel jusqu'à la fin du mois de juin 1995. Donc, si

 25   on croit le général Nicolai, il est à supposer que le Procureur le croit et

 26   le cite, le général Miletic, est devenu le général le 28 juin 1995, au

 27   moins jusqu'à cette date, jusqu'à la fin de juin, ne pouvait avoir aucun

 28   rôle essentiel dans la prise des décisions.

Page 34638

  1   Le général Mladic, commandant de la VRS peut certainement dire avec

  2   plus d'autorité que le général Nicolai qui dans l'état-major principal

  3   participait dans la prise de décisions et il l'a fait. Dans le discours

  4   mentionné déjà plusieurs fois, le général Mladic a énuméré les officiers

  5   qui ont participé dans la prise de décisions. Il n'a pas mentionné le

  6   général Miletic.

  7   Je voudrais parler de l'aide humanitaire avant la directive parce que je

  8   crois qu'il n'y a aucun lien entre les deux.

  9   Tout d'abord, il n'y a aucune preuve de politique particulière de la

 10   VRS concernant l'approvisionnement en aide humanitaire des enclaves en

 11   Bosnie orientale.

 12   S'agissant de l'aide humanitaire, la Défense était dans une position

 13   difficile, car comme nous avons indiqué dans notre mémoire, et comme vous

 14   avez remarqué, certains faits importants défavorables à la Défense étaient

 15   constatés judiciairement. La position de la Défense était d'autant plus

 16   difficile car les documents pertinents à l'aide humanitaire sont en

 17   possession des organisations qui n'ont pas d'obligation de coopérer avec le

 18   Tribunal.

 19   Nous savons tous quelle est la position des organisations

 20   internationales humanitaires quant à la production de leurs documents, et

 21   je ne pense pas que j'aie besoin d'élaborer ce point. Toutefois, je

 22   voudrais rappeler que bien que la Défense ait eu la charge de présenter les

 23   preuves afin de réfuter les faits constatés judiciairement, la charge de

 24   prouver les faits allégués au delà de tout doute raisonnable demeurait sur

 25   le Procureur, or selon les preuves présentées dans ce procès, j'ai plus

 26   qu'un doute sur les allégations du Procureur. Les preuves présentées dans

 27   ce procès ne permettent plus la constatation qu'au début de 1995, de moins

 28   en moins de convois de l'aide humanitaire venaient à Srebrenica. Elles ne

Page 34639

  1   permettent plus la constatation que les Serbes de Bosnie essayaient

  2   délibérément de limiter l'accès aux enclaves, aux convois humanitaires, et

  3   que le blocage des convois humanitaires faisait partie d'un plan.

  4   Le tableau à la page 21 de la pièce P4145 prouve au delà de tout doute

  5   raisonnable que l'aide humanitaire était délivrée aux enclaves en Bosnie

  6   orientale, et notamment à Srebrenica et Zepa, régulièrement jusqu'au mois

  7   de juin 1995. Aucune diminution n'est survenue comme suite à la directive

  8   numéro 7. Cette pièce P4145 qui est sans aucun doute la meilleure preuve

  9   quant à l'aide humanitaire délivrée aux enclaves, prouve que ces enclaves.

 10   Srebrenica et Zepa étaient mieux approvisionnées que les autres enclaves en

 11   Bosnie, que l'aide qui leur était délivrée en mars, avril et mai 1995 a

 12   augmentée par rapport à février 1995 et qu'en tout cas, en 1995 et jusqu'au

 13   mois de juin, elle était délivrée bien plus régulièrement qu'en 1994.

 14   La pièce P4145 est le document de l'organisation qui est la mieux placée

 15   pour connaître la situation humanitaire et les quantités de l'aide

 16   humanitaire délivrée. Il serait contraire à bon sens de l'ignorer au profit

 17   des témoignages, qui à la lumière de cette pièce semble être complètement

 18   erronée. Je ne peux que regretter que cette organisation internationale n'a

 19   pas mis à la disposition de la Défense des archives, ni les demandes

 20   adressées aux autorités serbes et les réponses de celles-ci. Ces documents

 21   auraient permis de démontrer avec encore plus de force l'inexistence d'un

 22   plan destiné à restreindre l'aide humanitaire.

 23   Les témoignages auxquels le Procureur se réfère à l'appui de sa thèse sont

 24   les témoignages qui en absence des autres preuves, emmenait ce Tribunal de

 25   juger dans les affaires précédentes, que l'aide humanitaire était

 26   délibérément restreinte et ceci depuis le début de 1995. Ce sont les

 27   témoignages des membres du DutchBat, de Johannes Rutten, par exemple, qui

 28   se souvient d'un seul convoi de l'UNHCR en mars 1995, tandis que le

Page 34640

  1   document P4145 nous renseigne que 11 convois y sont arrivés. Le Témoin

  2   Rutten ne se souvient d'aucun convoi de l'UNHCR au mois d'avril, or il y en

  3   avait dix apportant une quantité d'aide humanitaire plus grande que les 11

  4   convois en mars. Ce témoignage de Johannes Rutten se trouve dans le compte

  5   rendu du 7 décembre 2006, page 5 235. C'est aussi le témoignage de Robert

  6   Franken, qui ne se souvient pas des problèmes avec l'UNHCR, et qui s'est

  7   rappelé seulement après avoir lu un extrait du rapport de NIOD, 5D54. Il

  8   avait essayé d'imposer le contrôle à un convoi de l'UNHCR. Toutefois, il ne

  9   se rappelait pas que le convoi de l'UNHCR n'était pas rentré à Srebrenica

 10   précisément en raison de ses agissements et de sa décision. C'était le 18

 11   octobre 2006, page 2 639, 2 640.

 12   Nous sommes en juin 1995, les forces musulmanes ont lancé une offensive

 13   générale sur les positions serbes, notamment à Sarajevo, mais les forces de

 14   Srebrenica et Zepa y ont donné sa contribution, comme le démontre la pièce

 15   5D229. Toutefois, le convoi de l'UNHCR pour Srebrenica a obtenu

 16   l'autorisation des autorités serbes. Il est passé le point de contrôle de

 17   la VRS, mais il n'est pas entré à Srebrenica.

 18   En juin 1995, la situation humanitaire était difficile partout, elle

 19   l'était à Srebrenica aussi. Mais Robert Franken, le commandant adjoint du

 20   DutchBat, a décidé à la demande de l'ABiH, d'imposer un contrôle au convoi

 21   de l'UNHCR, provoquant ainsi le départ du convoi, qui en conséquence n'a

 22   pas livré l'aide apportée. Robert Franken a oublié ce convoi de l'UNHCR, il

 23   a oublié aussi que le DutchBat, l'unité dont il était le commandant

 24   adjoint, s'approvisionnait à Bratunac. Bien sûr que les restrictions

 25   existaient, mais elles étaient limitées, et surtout, elles n'étaient pas

 26   imposées dans le but de créer les conditions invivables à la population

 27   musulmane. Elles étaient le résultat de nombreux abus auxquels l'ABiH et

 28   ceux qui transportaient l'aide humanitaire se sont livrés. Personne ne peut

Page 34641

  1   exclure la possibilité que les restrictions, lorsqu'elles étaient imposées

  2   étaient justifiées.

  3   Je prendrais l'exemple cité par le Procureur, le camion avec le

  4   matériel scolaire. Cette interdiction semble bizarre. Pourquoi interdire le

  5   matériel scolaire ? Tout simplement parce que cette demande était faite en

  6   juin. Les enfants sont en vacances scolaires en juin, mais l'ABiH trouvait

  7   bien utile les cahiers destinés aux enfants. Tout le monde se souvient des

  8   carnets utilisés par les opérateurs des conversations interceptées. Il

  9   suffit de regarder ces carnets. Par exemple, P2328, c'était des cahiers des

 10   écoliers, mais utilisés aux fins militaires par l'ABiH.

 11   Je voudrais dire aussi quelques mots sur l'approvisionnement en

 12   médicaments.

 13   Le Procureur prétend qu'il n'y avait plus personne à Potocari lorsque

 14   le rapport 5D1446 a été écrit. Ce rapport soutient seulement l'extrait du

 15   rapport de NIOD, dont le numéro 5D53 était omis par inadvertance de la note

 16   de bas de page numéro 568 de notre mémoire. Bien entendu que les blessés

 17   étaient toujours à Potocari le 13 juillet 1995, ils n'étaient évacués que

 18   le 18 juillet 1995. Même Robert Franken a reconnu que les blessés sont

 19   restés dans la base à Potocari après l'évacuation de la population. Eelco

 20   [phon] Koster a déclaré aussi, dans sa déclaration admise en application de

 21   l'article 92 ter, que les blessés sont restés dans la base du DutchBat.

 22   Le rapport de l'UNMO du 17 juillet 1995, P524, confirme que le 17

 23   juillet 1995, les blessés étaient toujours à Potocari.

 24   Est-ce qu'on peut passer à huis clos ?

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Volontiers. Nous allons passer à huis

 26   clos partiel.

 27   Nous sommes à huis clos partiel, Maître Fauveau.

 28   [Audience à huis clos partiel]

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 28   [Audience publique]

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  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

  2   Si vous voulez faire une pause, Maître, dites-le-nous, nous pourrons le

  3   faire.

  4   Mme FAUVEAU : [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Pause de 25  minutes.

  6   --- L'audience est suspendue à 12 heures 27.

  7   --- L'audience est reprise à 12 heures 57.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Fauveau.

  9   Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, je voudrais rester quelques minutes

 10   sur cette évacuation des blessés de Potocari. Nous avons exposé nos

 11   arguments y concernant dans les paragraphes 343 et 349 de notre mémoire. Je

 12   voudrais seulement dire que cette évacuation a été demandée par le

 13   DutchBat. Robert Franken l'a dit, le 16 octobre 2006, page 2 515 par le MSF

 14   et que, le 16 juillet, le général Nikolai attendait avec impatience

 15   l'autorisation pour acheminer à Potocari le convoi destiné à évacuer les

 16   blessés. Ce sont les pièces P1191 et P2978.

 17   Lorsque les notifications relatives portant le nom du général Miletic

 18   étaient envoyées, l'évacuation de ces blessés était la seule solution

 19   possible. Il est évident que ni le DutchBat ni MSF n'allaient rester à

 20   Potocari et que les blessés devaient être évacués. D'ailleurs, je doute

 21   fort que le Procureur, qui par ailleurs allègue qu'il n'y avait pas de

 22   médicaments à Potocari, voulait sérieusement suggérer que ces notifications

 23   ne devaient pas être envoyées et que l'évacuation des blessés n'était pas

 24   nécessaire.

 25   Voyons maintenant la transmission des messages dont le Procureur parlait le

 26   2 septembre. Il s'agit de la conversation P1237. La Défense ne conteste pas

 27   que le général Miletic aurait pu transmettre le message et qu'il est

 28   possible que ce message concernait l'évacuation. Mais cette conversation

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  1   dans laquelle le général Miletic est mentionné ne permet aucune conclusion

  2   sur les connaissances du général Miletic quant à l'objet précis de la

  3   demande mentionnée, encore moins sur l'intention du général Miletic. Cette

  4   conversation permet seulement de conclure que le général Miletic n'avait

  5   pas d'autorisation de prendre une décision.

  6   Que devait d'ailleurs faire le général Miletic dans cette situation ?

  7   Devait-il refuser de transmettre le message, et par cet acte, bloquer peut-

  8   être l'évacuation demandée par toutes les organisations internationales en

  9   Bosnie-Herzégovine, y compris la FORPRONU ? Par ailleurs, nous ne croyons

 10   pas que le document P260, qui a été transmis le 18 juillet à 17 heures, est

 11   lié à la conversation qui a eu lieu le 17 juillet à 21 heures; P1237. Il

 12   est peu probable, en fait, il est complètement improbable que le colonel

 13   Jankovic aurait attendu pratiquement 24 heures pour adresser ces demandes.

 14   En plus, la pièce P260 se réfère aux événements du 18 juillet qui ne

 15   pouvaient pas être l'objet d'une conversation déjà le 17 juillet 1995.

 16   Je voudrais maintenant revenir à l'aide humanitaire. La thèse du Procureur

 17   selon laquelle les autorités serbes auraient demandé la réciprocité est,

 18   ainsi conditionnelle au passage de l'aide humanitaire aux Musulmans par

 19   l'aide attribuée aux Serbes, en contradiction avec la thèse que les

 20   restrictions auraient été destinées à créer les conditions insupportables

 21   pour la population musulmane. Si cette réciprocité était la condition posée

 22   par les Serbes, les restrictions, qui de toute façon étaient limitées, ne

 23   peuvent être attribuées à l'intention de créer les conditions

 24   insupportables aux Musulmans mais plutôt à la volonté d'assurer les

 25   meilleures conditions aux Serbes; cependant, cette thèse, bien qu'elle soit

 26   d'une certaine façon favorable à la Défense, n'est pas exacte. La

 27   réciprocité a été demandée une seule fois car l'allégation du Procureur

 28   dans le paragraphe 226, note de bas de page 513, selon laquelle le "fuel"

Page 34645

  1   aurait été autorisé pour les enclaves seulement si les Serbes l'obtenaient,

  2   aussi n'est pas exact. Conformément à la pièce P2689, le "fuel" pour

  3   Srebrenica était autorisé sans aucune condition.

  4   Lorsque les autorités serbes ont demandé l'aide humanitaire pour les

  5   Serbes afin d'autoriser le passage d'un convoi, il ne s'agissait pas des

  6   convois destinés à la population musulmane mais des convois de la FORPRONU.

  7   Cela a eu lieu le 1er juillet 1995, P2554.

  8   Dans notre mémoire, paragraphes 254, 262, nous avons parlé des problèmes

  9   liés à l'aide humanitaire en juin 1995, problèmes qui n'étaient nullement

 10   liés à la politique serbe. En juin 1995, l'UNHCR a prévu 1 250 tonnes

 11   d'aide humanitaire pour Banja Luka. La pièce P4145 page 19 atteste que rien

 12   n'est arrivé et quand je dis rien, c'est rien, zéro. Dans cette situation,

 13   une seule et unique fois les autorités serbes ont demandé la réciprocité,

 14   qui d'ailleurs n'a pas mis en cause l'approvisionnement de la population

 15   musulmane.

 16   Les convois de l'aide humanitaire et les convois de la FORPRONU

 17   étaient différents à tout points de vue. Ils étaient également soumis à la

 18   procédure différente. Cette différence est essentielle car contrairement

 19   aux allégations du Procureur, l'organe de Coordination octroyait les

 20   autorisations pour les convois humanitaires. Nous en avons parlé dans les

 21   paragraphes 322 jusqu'à 342 de notre mémoire.

 22   En plus, le Procureur est en possession de la documentation originale de

 23   l'état-major principal concernant les convois qui étaient d'ailleurs

 24   l'objet de la stipulation entre le Procureur et la Défense du général

 25   Miletic. Il s'agit de la pièce 5D1447. Tous ces documents concernent les

 26   convois de la FORPRONU.

 27   Si la procédure avait été la même, les documents relatifs aux convois

 28   humanitaires s'y seraient trouvés parmi ces documents aussi.

Page 34646

  1   Cependant ce dont je veux parler n'est pas la confusion entre les convois

  2   humanitaires et les convois de la FORPRONU omniprésentes dans le mémoire du

  3   Procureur, mais la contradiction entre la partie du mémoire du Procureur

  4   concernant la contribution prétendue du général Miletic aux restrictions

  5   des convois, les paragraphes 1679, 1687 et la partie générale relative aux

  6   restrictions de l'aide humanitaire, paragraphes 215, 250.

  7   Dans le paragraphe 219 de son mémoire, le Procureur a décrit la procédure

  8   d'octrois des autorisations aux convois de la FORPRONU et a reconnu que le

  9   général Miletic ne prenait pas de décisions. Le Procureur a reconnu aussi

 10   que le général Miletic n'a pas rédigé les notifications. En effet, le

 11   Procureur a reconnu que le rôle du général Miletic était destiné à la

 12   notification est de les envoyer aux unités subordonnées. Bien que le

 13   Procureur ait reconnu que le général Miletic n'avait de rôle ni dans la

 14   prise de décision, ni dans la détermination du contenu de notification,

 15   dans le paragraphe

 16   1677, en dépit de toutes les preuves et en contradiction avec sa propre

 17   thèse exposée dans le paragraphe 219, le Procureur allègue que le général

 18   Miletic aurait refusé d'autoriser les convois avec le matériel scolaire,

 19   aurait limité la rotation du personnel du MSF et aurait spécifié la demande

 20   du contrôle.

 21   Dans le même paragraphe, le Procureur allègue que le général Miletic

 22   était impliqué dans l'envoi des notifications des 6 et 10 mars 1995, en se

 23   référant aux copies non signées de ces notifications. P2522 et P2531. Les

 24   versions originales et signées de ces notifications sont admises dans le

 25   dossier. Il s'agit des pièces 5D1311 et 5D1312. Ces notifications n'étaient

 26   pas signées par le général Miletic; elles étaient signées par le colonel

 27   Pandzic, qui n'était même pas subordonné au général Miletic. Aucune preuve

 28   n'existe que le général Miletic a jamais vu ces documents.

Page 34647

  1   Par ailleurs, les autres notifications auxquelles le Procureur se

  2   réfère dans le paragraphe 1679 sont toutes les copies non signées. Compte

  3   tenu du fait que de nombreuses notifications portaient le nom du général

  4   Miletic sans être signées par lui, ce qui ressort de la stipulation entre

  5   la Défense et le Procureur, 5D1447, aucune preuve concluante n'existe que

  6   la notification, dans la version signée qui n'est pas disponible, était

  7   vraiment signée par le général Miletic.

  8   Il faut dire aussi que l'on voit des notifications ne contribuant

  9   nullement aux restrictions de l'aide humanitaire pour autant que ces

 10   restrictions existaient. Les notifications n'avaient pas pour objectif

 11   d'empêcher le passage des convois mais de le permettre. Aucun convoi ne

 12   pouvait passer les points de contrôle sans qu'il ait été proprement annoncé

 13   par une notification de l'état-major principal. Même lorsqu'une

 14   notification contenait les informations relatives aux convois non

 15   autorisés, elle n'avait aucune influence sur le passage des convois, car

 16   jusqu'à que la notification autorisant le convoi n'arrive au point de

 17   contrôle, le convoi ne pouvait pas passer, et l'annonce des convois et le

 18   contrôle de ceci étaient parfaitement licites et conformes aux conventions

 19   de Genève.

 20   Voyons un peu d'ailleurs ce que le général Miletic savait par rapport

 21   à l'aide humanitaire. Lorsque le général Milovanovic n'était pas dans

 22   l'état-major principal, le nom du général Miletic se trouvait sur une

 23   notification. Il en a signé un certain nombre mais il n'a jamais repris les

 24   autorités du général Milovanovic quant aux questions substantielles liées à

 25   l'aide humanitaire, ces autorités du général Milovanovic étaient reprises

 26   par les autres officiers de l'état-major principal y compris par le général

 27   Mladic.

 28   Le général Miletic n'a pas participé aux réunions avec la FORPRONU.

Page 34648

  1   Il n'a pas participé aux réunions avec les organisations internationales.

  2   Il n'a pas été supérieur du colonel Djurdjic qui était en charge des

  3   convois et il ne lui donnait pas les instructions. Le général Miletic

  4   n'était pas membre du cercle restreint de l'état-major principal et ne

  5   prenait pas de décisions.

  6   D'ailleurs, dans la partie de son mémoire relatif à la politique des

  7   autorités politiques et militaires serbes, relatifs à l'aide humanitaire,

  8   paragraphes 246, 250, le Procureur n'a pas mentionné le général Miletic

  9   reconnaissant implicitement que le général Miletic n'avait aucun rôle dans

 10   la formulation de cette politique.

 11   Le général Miletic n'avait aucun rôle dans le suivi du passage des convois

 12   car les rapports relatifs n'étaient pas adressés à son administration, mais

 13   à l'administration des renseignements comme la pièce P260. Justement dans

 14   ce contexte, il faut interpréter la notification du 29 juin, P2551,

 15   mentionné par le Procureur dans le paragraphe 1 683. Bien que cette

 16   notification contienne la note concernant les instructions particulières

 17   envoyées à Momic Nikolic, aucune preuve n'existe que le général Miletic

 18   avait connaissance du contenu de cette instruction qui devait certainement

 19   être envoyée directement du secteur des affaires de renseignements et de la

 20   sécurité. Egalement, les rapports relatifs aux convois étaient parfois

 21   adressés directement et personnellement au général Mladic, comme c'était le

 22   cas le 23 juin, la pièce P2496.

 23   Le général Miletic n'avait aucune connaissance particulière des questions

 24   relatives à l'aide humanitaire. Ce que le général Miletic savait était le

 25   fait que la notification devait être envoyée afin de permettre le passage

 26   des convois. Aucun officier n'aurait refusé de signer et d'envoyer ces

 27   notifications. L'envoi des notifications ne démontre aucune intention

 28   particulière du général Miletic.

Page 34649

  1   En effet, le seul document et la seule preuve qui peut nous

  2   renseigner un peu sur la position du général Miletic quant au passage des

  3   convois est la conversation interceptée du 24 juillet, P1327, relative aux

  4   problèmes liés au passage d'un convoi de l'UNHCR à Gorazde. Ces problèmes

  5   sont décrits par ailleurs dans un document du Corps de la Drina, P3035.

  6   Cette conversation indique que le général Miletic, lorsqu'il avait

  7   connaissance des problèmes liés au passage des convois, considérait que ces

  8   problèmes devaient être résolus.

  9   Parlons maintenant un peu de la directive numéro 7, cette directive qui est

 10   le centre du procès contre le général Miletic. Nous sommes d'accord avec le

 11   Procureur que lors de la rédaction de cette directive, la méthode complète

 12   était utilisée. Dans le cadre de cette méthode complète qui ne pouvait être

 13   décidée que par le commandant, le général Miletic a pu seulement faire sa

 14   partie du travail. Nous sommes d'accord avec le Procureur que les éléments

 15   différents de la directive étaient transmis au général Miletic par les

 16   différents secteurs de l'état-major principal et que le général Miletic les

 17   a ensuite compilés dans un document unique. En reconnaissant que la

 18   directive numéro 7 était rédigée en application de la méthode complète, le

 19   Procureur reconnaît implicitement que le général Miletic n'était pas

 20   l'auteur du contenu de la directive. Le seul fait d'avoir participé dans la

 21   rédaction de la directive 7 ne signifie pas que le général Miletic a

 22   contribué à l'entreprise criminelle commune alléguée dans l'acte

 23   d'accusation. Le Procureur pourrait parler de la contribution du général

 24   Miletic s'il avait prouvé que le général Miletic avait rédigé les parties

 25   incriminées de la directive ou qu'il les avait acceptées et qu'il y a

 26   adhéré. Le Procureur n'a prouvé rien de tel.

 27   Le Procureur a constaté dans le paragraphe 1 680 que le général

 28   Miletic avait vu le document du Corps de la Drina dans lequel le commandant

Page 34650

  1   du Corps de la Drina a proposé les solutions pour l'élimination des

  2   enclaves. Au-delà du fait que cette proposition montre bien que les

  3   commandants des corps faisaient des propositions aux commandants de l'armée

  4   de la Republika Srpska, ce fait ne nous dit rien sur la position du général

  5   Miletic. Il l'a vu, mais aucune preuve n'existe qu'il était d'accord ou que

  6   cette proposition a été incluse dans le projet de la directive rédigée par

  7   le général Miletic. Par ailleurs, le Procureur allègue que le général

  8   Miletic a compilé la partie de la directive concernant les tâches des

  9   unités sur le fondement des propositions des organes en charge des

 10   différents corps de l'armée; le paragraphe 1 673. Le général Miletic a

 11   compilé le projet de la directive en sa totalité sur la base des éléments

 12   obtenus des différents organes, comme le Procureur l'a constaté dans le

 13   paragraphe 141. Sur la base des éléments de preuve dans le dossier, il est

 14   impossible de dire qui lui a fourni la proposition pour la partie

 15   concernant les tâches des unités.

 16   Le texte rédigé par le général Miletic était le projet de la

 17   directive. Le texte de ce projet n'est pas connu et aucune preuve ne permet

 18   de conclure que ce projet contenait des parties incriminées de la directive

 19   numéro 7.

 20   Dans son mémoire, le paragraphe 142, le Procureur a reconnu que le

 21   président Karadzic pouvait apporter les modifications dans le projet de la

 22   directive rédigée par le général Miletic. Cela signifie aussi que le

 23   président Karadzic pouvait ajouter les parties incriminées. Contrairement

 24   aux allégations du Procureur, la directive n'était pas issue sous le nom du

 25   général Miletic. Egalement, elle n'était pas envoyée aux corps, comme le

 26   document du général à l'époque d'ailleurs, le colonel Miletic, mais comme

 27   le document du président et du commandant Suprême, Radovan Karadzic.

 28   L'allégation du Procureur selon laquelle le général Miletic devait

Page 34651

  1   connaître chaque mot dans ces directives avant d'avoir mis son nom sur le

  2   texte est absurde. Le nom du général Miletic sur le texte de cette

  3   directive signifie qu'il a préparé le projet de la directive, il ne

  4   signifie certainement pas qu'il a approuvé le texte final de celle-ci. Le

  5   texte définitif appartient au président Karadzic, qui avait l'autorité

  6   unique et exclusive de l'approuver, ce qu'il a fait en y apposant sa

  7   signature. Le général Miletic pouvait et devait connaître chaque mot du

  8   projet de la directive qui était envoyée au président Karadzic à la

  9   signature. S'agissant du texte définitif, le général Miletic ne pouvait pas

 10   le connaître avant que celui-ci lui ait été transmis. Or, aucune preuve

 11   dans ce dossier n'indique que le général Miletic a vu le texte final de la

 12   directive numéro 7 avant de commencer à travailler sur le projet de la

 13   directive 7.

 14   Dans son réquisitoire le 2 septembre 2009, le Procureur a déclaré qu'il n'y

 15   a pas de preuves qui auraient confirmé que le général Miletic n'a pas

 16   participé dans la finalisation de la directive numéro 7. Au contraire dans

 17   cette affaire, aucune preuve ne confirme que le général Miletic aurait

 18   participé dans la finalisation de cette directive.

 19   Certes, le général Simic a parlé de la finalisation, mais de la

 20   finalisation du projet, puisque tout le processus que le général Simic a

 21   décrit précède l'envoi de ce projet à la signature. C'était le 19 novembre

 22   2008, page 28 511. La déclaration du général Simic n'aide pas le Procureur

 23   dans ses efforts de prouver que le général Miletic aurait participé dans la

 24   finalisation de la directive après les modifications que le président

 25   Karadzic a pu y apporter.

 26   La charge de preuve demeure sur le Procureur, et le Procureur doit prouver

 27   chacune de ces allégations au-delà de tout doute raisonnable. La Défense

 28   n'a pas la même obligation. Il lui suffit de produire les preuves

Page 34652

  1   démontrant une autre possibilité raisonnable. Les preuves, certes,

  2   circonstancielles, mais tout de même, les preuves indiquent que le général

  3   Miletic n'a pas participé dans la finalisation du texte définitif de la

  4   directive numéro 7.

  5   La Défense est en accord avec le Procureur que le général Miletic

  6   aurait dû avertir le général Milovanovic s'il avait vu les parties

  7   incriminées dans le texte de la directive. Nous considérons que la

  8   possibilité raisonnable existe que le général Miletic l'a fait. La

  9   directive porte la date du 8 mars 1995, or elle était envoyée au corps

 10   seulement le 17 mars 1995. L'agenda du président Karadzic, 5D1322, indique

 11   que la veille de la transmission de cette directive, le général Milovanovic

 12   a eu une réunion avec le président Karadzic. La seule explication

 13   raisonnable de cette réunion de quatre heures qui a eu lieu le 16 mars 1995

 14   est la discussion sur la directive.

 15   Le Procureur dit aussi que le général Miletic pouvait faire autre

 16   chose s'il n'était pas d'accord avec la directive. Bien, nous sommes

 17   entièrement d'accord. Le général Miletic pouvait refuser d'envoyer la

 18   directive au corps. Le Procureur vous dira certainement qu'il n'y a pas de

 19   preuve que le général M00iletic a refusé de transmettre la directive numéro

 20   7 au corps. Dans un certains sens, il a raison, mais seulement

 21   partiellement, car s'il n'y a pas de preuve que le général Miletic a refusé

 22   de transmettre cette directive au corps; nous avons la preuve qu'il ne l'a

 23   pas transmise, P55D971 confirme cela.

 24   La seule chose qui est prouvée dans cette affaire concernant la

 25   version finale de la directive numéro 7 est que celle-ci était transmise

 26   aux unités subordonnées par le général Milovanovic. Puisque le général

 27   Miletic n'a pas transmis la directive numéro 7 au corps, il n'y a que deux

 28   options concernant sa connaissance de ce texte final. Ou le général

Page 34653

  1   Milovanovic a transmis la version définitive de la directive numéro 7 au

  2   corps dès son retour de la réunion avec le président Karadzic sans en

  3   parler au général Miletic ou le général Miletic n'a pas voulu la

  4   transmettre.

  5   Le Procureur n'a offert aucune preuve qui aurait soutenu cette thèse

  6   selon laquelle le général Miletic a adhéré à la version finale de la

  7   directive numéro 7. Les preuves circonstancielles appellent à la conclusion

  8   contraire. Le général Miletic n'était pas d'accord avec cette directive.

  9   C'est une conclusion possible et raisonnable qui explique la réunion du

 10   général Milovanovic avec le président Karadzic le 16 mars 1995. La

 11   transmission tardive de la directive, pratiquement dix jours après la date

 12   indiquée sur le texte de la directive, est le fait que le général Miletic

 13   ne l'a pas transmise.

 14   Le général Miletic a participé dans la rédaction de la directive numéro

 15   7/1, et son rôle dans la rédaction de la directive numéro 7/1 était

 16   identique à celui qu'il a eu dans la rédaction de la directive numéro 7.

 17   Cette participation ne peut être interprétée comme son adhérence au texte

 18   de la directive numéro 7, car le texte de la directive numéro 7/1 ne

 19   contient pas les parties incriminées contenues dans la directive numéro 7.

 20   L'existence même de la directive numéro 7/1 pose la question pourquoi

 21   cette directive a été rédigée. Avant la directive numéro 7, seule la

 22   directive 6 émanait du président Karadzic. C'est la pièce P3919. Comme

 23   suite à la directive 6, l'état-major principal n'a pas rédigé la directive

 24   6.1. Au contraire, lorsque le président Karadzic a considéré qu'il fallait

 25   modifier le texte de la directive 6, il l'a fait par un document, lequel il

 26   a signé lui-même; 5D964.

 27   La directive numéro 7 définie les tâches des corps et était transmise

 28   à ceux-ci. Aucune raison militaire n'existait pour que l'état-major

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  1   principal se lance dans la rédaction de la directive 7/1 immédiatement

  2   après la transmission de la directive 7. Ce n'était pas nécessaire pour

  3   l'opération Spreca, car le général Milovanovic a adressé au corps déjà un

  4   ordre pour cette opération; 5D972. Ni l'opération Sadejstvo planifiée dans

  5   l'état-major principal ne demandait l'émission de la directive 7/1

  6   immédiatement après la directive 7, puisque tous les éléments de cette

  7   opération étaient adressés au corps uniquement vers la fin du mois d'avril;

  8   P4202. L'une des explications possibles et parfaitement raisonnable de

  9   l'émission de la directive 7/1 est justement que cette directive 7/1 était

 10   destinée à remplacer, auprès des unités subordonnées, la directive numéro

 11   7.

 12   Le Procureur, pratiquement dans toute phrase relative au général

 13   Miletic, cite le général Milovanovic. Bien qu'il ne le considère pas comme

 14   crédible, il a ignoré complètement ce que le général Milanovic a déclaré

 15   lorsqu'il a parlé de la directive numéro 7. Il est indicatif que,

 16   justement, le général Milovanovic, qui niait toute la participation dans la

 17   rédaction de ces deux directives et qui clamait qu'il ignorait leur

 18   existence, a déclaré que le général Mladic risquait d'être traduit devant

 19   la Cour martiale, parce qu'il avait omis certaines parties de la directive

 20   numéro 7 dans les documents qu'il a rédigés ultérieurement. Il n'y a pas de

 21   doute que le général Milovanovic parlait justement de la directive numéro

 22   7/1.

 23   La participation du général Miletic dans la rédaction des directives

 24   7 et 7/1 ne peut être interprétée comme son adhérence aux parties

 25   incriminées de la directive numéro 7. L'existence de son nom sur les

 26   directives 7 et 7/1, permet tout au plus la conclusion qu'au moment de la

 27   rédaction de la directive 7/1, il a eu connaissance du texte final de la

 28   directive numéro 7. Cette connaissance ne signifie pas son adhérence aux

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  1   parties incriminées de la directive numéro 7. Les événements ultérieurs

  2   démontrent d'ailleurs que le général Miletic n'avait aucun rôle

  3   significatif dans les événements autour de Srebrenica et Zepa, qu'il était

  4   absent lors de l'opération militaire à Srebrenica, qu'il n'avait pas de

  5   connaissance suffisante concernant les événements sur le terrain et que ces

  6   actes et son comportement ne permettent pas d'en déduire une intention

  7   criminelle.

  8   Le Procureur a déclaré que la directive numéro 7 désignait le début

  9   de l'attaque; cependant, lors de l'audience du 10 septembre 2008 - ce sont

 10   les pages 24 489 et 24 490 - le Procureur a déclaré que l'armée de la

 11   Republika Srpska n'a pas changé sa conduite après la directive numéro 7 et

 12   que cette conduite était la même depuis le début de la guerre. Nous sommes

 13   d'accord avec le Procureur qu'aucun changement ne peut être annoté dans la

 14   conduite de l'armée de la Republika Srpska après l'émission de la directive

 15   numéro 7, mais dans ce cas, il est difficile de comprendre en quoi la

 16   directive 7 représentait le début d'une attaque. Par ailleurs, il n'y a pas

 17   de preuve qu'une attaque systématique ou généralisée, dirigée vers la

 18   population civile, aurait commencé en mars 1995.

 19   En tout état de cause, le général Milovanovic était présent dans le

 20   quartier général de l'état-major principal dans une grande partie de la

 21   période qui a suivi l'émission de la directive numéro 7. Aucune preuve ne

 22   permet de conclure que le général Miletic avait des connaissances des

 23   incidents liés aux bombardements, tireurs embusqués et autres activités

 24   autour de Srebrenica et Zepa, pour autant que ces activités sont prouvées.

 25   Le seul bombardement rapporté à l'état-major principal a été celui du 25

 26   mai 1995, or le général Milovanovic y était; la pièce 3D-5D1161 le

 27   confirme.

 28   Il est absurde de faire un lien entre le programme d'entraînement des

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  1   tireurs embusqués et une éventuelle utilisation illégale des snipers.

  2   L'organe en charge des Affaires opérationnelles et l'Education a été en

  3   charge de l'organisation et planification des entraînements. Cet organe ne

  4   pouvait pas déterminer le contenu de l'entraînement, car chaque

  5   entraînement demandait les connaissances spécifiques, et le contenu de

  6   l'entraînement était déterminé justement par les organes spécialisés. Mais,

  7   en tout cas, le programme cité par le Procureur n'était pas destiné à

  8   l'utilisation illégale des snipers, mais justement à l'utilisation correcte

  9   et régulière. Les snipers ne sont pas une arme interdite, et l'existence

 10   d'un programme d'entraînement n'a aucune signification particulière.

 11   Finalement, il demeure inconnu quand ce programme a été rédigé et quand il

 12   a été communiqué au corps. Le programme que nous avons dans le dossier a

 13   été transmis au 5e Corps qui, en 1995, n'a même pas existé.

 14   Le Procureur allègue que les actes et les décisions du général Miletic

 15   étaient cruciaux pour vaincre militairement les forces musulmanes et pour

 16   déplacer la population de Srebrenica et Zepa. J'ai déjà dit plusieurs fois

 17   que le général Miletic n'était même pas en position de prendre les

 18   décisions, mais je ne veux pas parler de ce point. Je voudrais souligner la

 19   confusion créée par le Procureur entre les actes destinés à vaincre

 20   militairement les forces musulmanes et ceux qui auraient été destinés aux

 21   déplacements de la population.

 22   La défaite militaire de l'ennemi, qui pour l'armée de la Republika

 23   Srpska était les forces musulmanes, est l'objectif naturel et légitime de

 24   toute armée dans un conflit armé. En revanche, le déplacement forcé est un

 25   acte interdit et criminel. Afin de prouver le déplacement forcé, et

 26   notamment l'intention de l'accusé, le Procureur aurait dû clairement

 27   séparer les objectifs militaires des objectifs criminels. En effet,

 28   lorsqu'un acte peut être raisonnablement interprété comme étant destiné à

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  1   l'achèvement de l'objectif militaire légitime, le Procureur ne peut lui

  2   attribuer une intention criminelle. Cette intention ne peut être interférée

  3   que de faits qui ne peuvent être raisonnablement expliqués par un objectif

  4   militaire légitime et qui ne permettent aucune autre conclusion que celle

  5   qu'ils étaient destinés aux déplacements des Musulmans.

  6   Certes, il est difficile, dans un conflit comme celui-ci, de séparer

  7   les faits liés à l'attaque militaire et ceux liés aux agissements

  8   criminels, mais c'est l'obligation du Procureur. Dans la présente affaire,

  9   le Procureur a dit à plusieurs reprises que la séparation des enclaves est

 10   un but militaire légitime, notamment dans la déclaration liminaire le 21

 11   août 2006, page 398. Il ne peut pas maintenant, pour le besoin du

 12   réquisitoire, confondre cette partie légitime de l'attaque dans un objectif

 13   criminel.

 14   Nous sommes d'accord avec le Procureur lorsqu'il déclare que

 15   l'intention détermine la légitimité d'un acte et qu'un acte légitime

 16   accompli avec une intention criminelle peut devenir criminel. Mais si

 17   l'intention confère le caractère criminel à un acte, qui sans cette

 18   intention aurait été légitime, cet acte sera criminel seulement par rapport

 19   à ceux qui ont agi avec l'intention criminelle. Il sera légitime pour ceux

 20   qui n'ont pas agi avec cette intention. S'agissant du général Miletic, le

 21   Procureur n'a pas prouvé qu'il a agi avec l'intention criminelle.

 22   Conformément aux allégations du Procureur, le général Miletic aurait

 23   suivi des activités du Corps de la Drina et il aurait transmis les

 24   informations obtenues au général Mladic et au président Karadzic. Le

 25   Procureur allègue que justement ces informations auraient permis au général

 26   Mladic et au président Karadzic de prendre les décisions et d'appliquer la

 27   politique du déplacement de la population. Tout d'abord, le Procureur n'a

 28   pas prouvé que le président Karadzic prenait ces décisions sur la base des

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  1   rapports envoyés par le général Miletic. Le Procureur n'a même pas indiqué

  2   qu'elles auraient été les informations qui auraient contribué aux décisions

  3   du président Karadzic. Nous avons indiqué dans le paragraphe 492 de notre

  4   mémoire les sources desquelles le président Karadzic obtenait les

  5   informations. Elles sont nombreuses. Les décisions relatives à Srebrenica

  6   et Zepa n'étaient certainement pas faites sur la base des rapports

  7   quotidiens envoyés par le général Miletic. Quant au général Mladic, il

  8   n'avait nul besoin de rapports du général Miletic. Il recevait des

  9   informations directement des commandants des corps qui lui étaient

 10   directement subordonnés.  

 11   Les preuves dans cette affaire démontrent que les autorités civiles

 12   informaient le président Karadzic. Cette preuve indique qu'une délégation

 13   de Skelani devait allée chez le président Karadzic après l'action à Zeleni

 14   Jadar afin de trouver une solution pour terminer cette action, laquelle les

 15   autorités civiles considéraient comme inachevée. C'est la pièce 5D1374.

 16   Les preuves dans cette affaire démontrent aussi que le président

 17   Karadzic, parfois, avait bien plus d'information que l'état-major

 18   principal. Une conversation du 16 juillet 1995 démontre que justement le

 19   président Karadzic a informé l'état-major principal de l'ouverture du

 20   corridor à Zvornik. Les rapports quotidiens de l'état-major principal

 21   décrivaient la situation militaire sur le terrain dans toute la Republika

 22   Srpska. Leur but n'était pas autre que d'informer le président Karadzic et

 23   les commandants des corps de cette situation militaire, et aucune autre

 24   interprétation ne peut raisonnablement être attribuée à ces rapports. Ni le

 25   suivi de la situation militaire, que le général Miletic ne pouvait faire

 26   autrement que sur la base des rapports reçus, ni la transmission de ces

 27   informations ne peut raisonnablement être interprété comme la contribution

 28   à l'entreprise criminelle alléguée. Aucun de ces actes n'est illicite.

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  1   C'est actes constituent les tâches régulières et quotidiennes du général

  2   Miletic.

  3   Le 2 septembre 2009, le Procureur a commencé son réquisitoire par

  4   l'obligation des officiers d'accomplir son devoir. Le devoir de l'officier

  5   en charge des affaires opérationnelles est de rédiger et de transmettre les

  6   rapports. C'est exactement ce que le général Miletic faisait. Ces actes

  7   sont les actes que tout officier en charge des affaires opérationnelles

  8   aurait fait. Aucun officier en charge des affaires opérationnelles n'aurait

  9   fait autrement. Aucune intention criminelle ne peut être déduite des

 10   rapports envoyés par le général Miletic, car pour ces rapports, il existe

 11   une autre explication logique et raisonnable, qui est d'ailleurs la seule

 12   explication raisonnable. Le général Miletic faisait son travail, le travail

 13   licite, régulier, et nécessaire pour la conduite des activités militaires

 14   légitimes et justifiées. Il le faisait sans aucune intention criminelle.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous reprendrons demain à 9 heures.

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pas de problème.

 18   --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le vendredi 11

 19   septembre 2009, à 9 heures 00.

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