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1 Le jeudi 10 septembre 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour.
6 Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
8 Bonjour à tous et à toutes.
9 Affaire IT-05-88-T, le Procureur contre Popovic et consorts.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.
11 Je précise que tous les accusés sont présents. Tous les avocats de la
12 Défense aussi, sauf Me Haynes. Est-ce qu'il va revenir plus tard ?
13 M. DAVIS : [interprétation] Peut-être, Monsieur le Président. Je n'en suis
14 pas sûr.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais il n'y a rien de grave, n'est-ce
16 pas ?
17 M. DAVIS : [interprétation] Non, non, il est tout à fait en forme.
18 Merci.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
20 Il y a deux jours, nous avions soulevé des questions d'intendance. Il n'en
21 restait qu'une -- ou plus exactement deux, il y avait les deux requêtes
22 pendantes de Popovic, pas d'objection; c'est bien cela ?
23 M. McCLOSKEY : [interprétation] Exact.
24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ce qui veut dire que la Chambre fait
25 droit à vos deux requêtes, Maître Zivanovic.
26 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Gosnell, vous avez la parole.
28 Bonjour, tout d'abord.
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1 M. GOSNELL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour
2 Madame et Messieurs les Juges.
3 Hier, j'ai abordé assez longuement la question des incertitudes qui
4 planaient sur la chronologie des événements survenus à l'entrepôt de
5 Kravica dans l'après-midi et dans la soirée du 13 juillet. Je voudrais
6 maintenant aborder en quelques mots les incertitudes planant sur l'identité
7 des personnes qui se sont trouvées à ce moment-là à cet endroit, et je
8 voudrais surtout réagir à l'allégation du Procureur qui a dit qu'il y avait
9 certains des subordonnés de Borovcanin qui se trouvaient : primo, sur
10 place, et, secundo, auraient participé aux meurtres.
11 L'Accusation affirme dans son mémoire au paragraphe 1938 que, et je cite :
12 "Il n'y avait pas d'effectif de la VRS qui avait été déployé sur la route"
13 le 12 juillet.
14 Au paragraphe 1950 du mémoire, l'Accusation dit :
15 "Des éléments du dossier établissent que les forces du MUP de Borovcanin
16 étaient présentes et avaient le contrôle de la route Bratunac-Konjevic
17 Polje depuis le village de Kravica jusqu'à Hrncici le 12 juillet, puis
18 pendant toute la durée de la journée du 13 juillet." L'Accusation dit qu'il
19 n'y avait pas d'effectif de la VRS déployé sur la route à ce moment-là.
20 L'Accusation n'a pas de preuve directe qui viendrait corroborer le
21 fait qu'il y aurait eu un seul des hommes de Borovcanin qui aurait
22 participé que ce soit à la première ou à la deuxième fusillade, l'absence
23 d'autres unités dans la zone est un indice indirect capital sur lequel se
24 base l'Accusation pour affirmer que le fait d'escorter des personnes depuis
25 le pré de Sandici jusqu'à l'entrepôt de Kravica, puis le fait de surveiller
26 cet entrepôt pour terminer par le meurtre de ces prisonniers, doit
27 forcément avoir été le fait des hommes de Borovcanin. L'Accusation a bien
28 émis quelques réserves s'agissant de cette affirmation vendredi dernier, je
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1 ne sais donc pas dans quelle mesure l'Accusation continue de dire qu'il n'y
2 avait pas d'hommes de la VRS sur cette zone. Mais vous allez maintenant
3 avoir dans le système du prétoire électronique à l'écran une vision de
4 certains des éléments seulement du dossier, et ceci va vous montrer à quel
5 point cette affirmation de l'Accusation est incorrecte, nous l'avons prouvé
6 dans notre mémoire aux paragraphes 132, 168, 169, et 185. Nombreux sont les
7 témoins, dont des témoins musulmans qui n'avaient aucun motif de mentir,
8 nombreux sont les témoins et aussi les documents et les conversations
9 interceptées qui indiquent que les soldats de la VRS étaient bien actifs en
10 grand nombre le long de la route le 13 juillet. En fait, les éléments de
11 preuve montrent que les hommes étaient sur place effectivement sur ce
12 tronçon si important de la route qui va du village de Kravica à Hrncici, et
13 ce qui est le plus important, il y avait parmi ces effectifs des hommes
14 appartenant à deux unités de la Brigade de Bratunac qui se trouvaient à
15 l'entrepôt même de Kravica. Je ne parle pas simplement d'un seul homme,
16 comme l'a dit le Procureur dans son réquisitoire; je parle de huit hommes,
17 qui pour certains avaient des postes de commandement dans leurs unités
18 respectives. Je pense qu'il y a une conclusion que vous pourrez
19 raisonnablement déduire, c'est qu'il y avait bien plus que huit hommes de
20 la Brigade de Bratunac dans l'entrepôt à ce moment-là.
21 L'Accusation tente d'affirmer, dans son mémoire au paragraphe 1997, que
22 Borovcanin a reconnu lors de l'entretien qu'il a eu avec l'Accusation qu'un
23 groupe composé de 30 membres du 2e Détachement de Sekovici était présent à
24 son arrivée à l'entrepôt, au moment où il a longé l'entrepôt. L'Accusation
25 a réussi à faire cela en procédant à une déformation tout à fait
26 extraordinaire des mots utilisés par Borovcanin, lorsque l'Accusation
27 recompose une réponse à propos de ce qu'il a répondu quand il parlait de
28 personnes qui avaient assisté au discours de Mladic à Sandici, qu'ils ont
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1 associé à un passage qui décrit ce qu'il a vu lorsqu'il dit qu'il a vu
2 Stupar sur la route se trouvant devant l'entrepôt. Je vous invite à faire
3 une lecture attentive de ce texte que vous allez trouver à la page 64 de
4 l'entretien qu'il a fait en mars, et vous verrez que l'affirmation de
5 l'Accusation ne tient tout simplement pas la route.
6 J'ai dit qu'il n'y avait pas de preuve directe attestant de la
7 participation d'hommes de Borovcanin aux meurtres. Mais il y a des éléments
8 directs, et c'est le Témoin 111 qui les fournit. Que dit-il, il dit que les
9 hommes qui le surveillaient à l'entrepôt n'étaient pas les mêmes hommes que
10 ceux qui l'avaient surveillé au pré. Il le dit sans aucune ambiguïté.
11 Nous sommes beaucoup plus détaillés dans notre mémoire sur ce point, et je
12 me permets de vous inviter à lire ces passages de notre mémoire en clôture.
13 Ce qui compte ce n'est pas simplement les éléments de preuve portant sur
14 l'identité des personnes présentes; mais aussi les éléments de preuve
15 portant sur le fait d'escorter ces hommes. Autrement dit, pour savoir
16 comment les prisonniers sont allés du pré de Sandici à l'entrepôt de
17 Kravica ? Je pense que c'est un élément important pour voir quelles seront
18 les conclusions, les déductions à tirer plus tard quant à l'identité des
19 personnes se trouvant à l'entrepôt. Vu que l'Accusation ne présente que des
20 moyens indirects, il n'y a pratiquement aucune discussion de ces points.
21 C'est là une lacune dans la thèse de l'Accusation qui s'appuie sur
22 l'affirmation qu'il fallait nécessairement que les hommes de Borovcanin
23 soient présents à l'entrepôt.
24 Permettez-moi un commentaire sur le caractère indirect des preuves
25 présentées par l'Accusation. Celle-ci s'est plainte du fait que nous
26 aurions été injustes dans notre mémoire en clôture, injustes lorsque nous
27 avons laissé entendre que l'Accusation avait choisi de présenter des moyens
28 indirects, que ce n'était pas quelque chose qui s'imposait à elle par
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1 nécessité. J'ai entendu le Procureur expliquer la décision qu'il avait
2 prise de ne pas citer à comparaître ces deux témoins parce qu'apparemment
3 c'est quelque chose qui n'aurait pas été autorisé dans le système national
4 de certains des substituts du Procureur. C'est peut-être vrai, mais ce
5 n'est pas très important. L'Accusation aurait pu sommer ces témoins à
6 comparaître, mais elle a décidé à ne pas le faire, ça c'est équivalent à un
7 choix, quelle que soit la genèse de ce choix. De façon plus générale, nous
8 ne parlons pas que de ces deux témoins-ci.
9 Madame et Messieurs les Juges, nonobstant tous les doutes très sérieux qui
10 pèsent sur la chronologie des événements survenus à l'entrepôt de Kravica,
11 s'agissant du moment où Borovcanin aurait longé l'entrepôt, et disons qu'en
12 nonobstant toutes ces questions, tous ces points d'interrogation qui
13 doivent se trouver dans votre esprit, imaginons qu'une constatation est
14 faite, celle qu'il savait qu'il y avait peut-être des actes criminels qui
15 se produisaient, mais vous allez à ce moment-là conclure qu'il n'y a pas de
16 base suffisante, de base crédible, pour conclure que ses subordonnés
17 étaient présents. A mon avis, Madame et Messieurs les Juges, ceci vous
18 amènerait à aborder la thématique, le problème de la responsabilité par
19 omission.
20 Dans son mémoire, l'Accusation affirme que même si les auteurs n'étaient
21 pas des subordonnés, Borovcanin avait l'obligation d'entrer dans l'entrepôt
22 parce qu'il avait à proximité certains de ses hommes, l'Accusation dit
23 qu'il aurait dû entrer dans cet entrepôt, nécessairement, en tirant pour
24 réprimer la fusillade. Nous avons longuement répondu à cet argument,
25 répondu au fondement juridique de cette affirmation du paragraphe 357 au
26 paragraphe 382. La question de la responsabilité par omission eu égard à
27 des actes ou agissements de non-subordonnés c'est un point juridique
28 compliqué. Important, très important. En dépit de toute confusion
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1 éventuelle, il y a une chose claire, que vous preniez le critère Blaskic ou
2 que vous preniez le critère Mrksic, une chose est sûre, une condition sine
3 qua non à ce mode de responsabilité c'est la garde de prisonniers. C'est
4 une omission ahurissante tant dans les arguments oraux que dans les
5 écritures du Procureur, le fait qu'on ne trouve aucune définition de la
6 garde, de la mise en détention. Nous, nous donnons cette définition, et je
7 peux vous dire que les faits sont loin, très loin de prouver que ces hommes
8 se trouvaient sous la garde de Borovcanin. Ici aussi, je vous demanderais
9 de consulter notre mémoire sur ce point.
10 J'aimerais maintenant passer à mon troisième sujet, la question du degré de
11 fiabilité du mémoire en clôture de l'Accusation. Il y a des déformations,
12 il y a des lacunes dans l'analyse et j'en ai déjà parlé, mais en plus de
13 cela, ce mémoire abonde en allégations inédites. Il y en a trop pour que je
14 les aborde par le détail, je vais me contenter de vous montrer quelques
15 exemples emblématiques, et je vous donnerai un exemple de ce qui est à mes
16 yeux une déformation assez grave des éléments du dossier.
17 Au paragraphe 606 du mémoire en clôture de l'Accusation, vous allez
18 bientôt voir à l'écran, à gauche, vous trouvez une description de la bande-
19 son ou d'une partie de la bande-son de la vidéo du procès. Vous le savez, a
20 déjà été versée au dossier une transcription écrite de cet extrait. En
21 fait, il y a deux transcriptions de cet extrait, l'une qui est liée à la
22 bande vidéo Petrovic et l'autre qui est en rapport avec la vidéo du procès.
23 On aurait pu s'imaginer qu'étant donné qu'il y a des procédures régissant
24 le versement de transcriptions et étant donné que les deux parties peuvent,
25 partant de ces transcriptions, poser des questions au témoin, on aurait pu
26 s'attendre à ce que, dans un mémoire en clôture, l'Accusation utilise une
27 des transcriptions versées au dossier.
28 Honnêtement, ça ne me dérange pas que l'Accusation, au moment du
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1 mémoire en clôture, donne sa propre interprétation d'une bande-son, et je
2 ne suis pas trop sûr de la raison pour laquelle l'Accusation a fait ce
3 qu'elle a fait au paragraphe 606 de son mémoire. Mais que voit-on ici, on
4 voit que l'Accusation fourni sa propre grille de lecture. Ça me dérange pas
5 non plus, mais ne penserez-vous pas que ceci mérite d'être mentionné, ne
6 serait-ce que dans une note en bas de page, n'aurait-elle pas dû dire,
7 Voilà ce que nous avons fait.
8 Deuxième exemple. L'Accusation essaie d'ajouter trois unités aux
9 unités commandées par M. Borovcanin, la 2e Compagnie des Déserteurs et la 2e
10 et la 5e Compagnie PJP, ceci se trouve à la note de bas de page 408 et au
11 paragraphe 1939 et au paragraphe 1944, entre autres références.
12 Prenons le paragraphe 18 de l'acte d'accusation. Il dit ceci :
13 "Note : les Unités du MUP agissant sur le commandement et le contrôle
14 de Ljubomir Borovcanin sont identifiées explicitement à ce titre dans les
15 paragraphes qui suivent."
16 Ce paragraphe a été inséré après ce que vous avez donné comme ordre. Vous
17 avez dit l'Accusation doit modifier l'acte d'accusation comme suit :
18 "…elle doit présenter des arguments précis sur le commandement et le
19 contrôle allégués de Borovcanin sur les forces du MUP qui se sont rendues
20 coupables de ces actes du 12 au 17 juillet 1995 au moment des faits…"
21 En dépit des instructions que vous avez données, vous ne trouverez aucune
22 mention de l'une quelconque de ces trois unités dans l'acte d'accusation.
23 Vous ne trouverez aucune mention de l'une ou l'autre de ces unités dans le
24 mémoire préalable au procès. Lorsque vous, Monsieur le Président, vous avez
25 posé une question au Procureur vendredi dernier, vous lui avez demandé
26 qu'il dise si l'Accusation avait ou non, pendant la présentation de ces
27 moyens à présenter, cette allégation. Votre question est restée sans
28 réponse. Ce que vous avez reçu comme réponse, c'est tout un argumentaire à
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1 propos du fond, et ceci se passe de commentaires, n'est-ce pas ?
2 Je voudrais vous donner un exemple de la position adoptée par le bureau du
3 Procureur à propos d'une seule de ces unités au moment où l'Accusation
4 interrogeait son propre expert. Il y a plusieurs équipes de la Défense qui
5 ont soulevé une objection quant à la nature de l'information qu'on
6 demandait au témoin, et finalement, M. Butler répond à une série de
7 questions. Voici ce qu'il dit, je le cite :
8 "La 2e Compagnie" du CJB de Zvornik - je le précise parce que c'est de cela
9 qui parle - "n'est pas désigne comme étant directement sous le commandement
10 du colonel Borovcanin."
11 L'Accusation dit alors ceci, à la page 19 832 du compte rendu d'audience :
12 "Merci. Nous pourrions peut-être faire une pause, Monsieur le Président,
13 parce que si je dois parcourir tous ces documents pour obtenir un élément à
14 décharge pour Borovcanin, ça me dépasse."
15 Apparemment, ça n'était pas suffisamment à décharge pour empêcher
16 l'Accusation de faire valoir le contraire dans son mémoire en clôture. Ce
17 n'était pas simplement mal venu d'affirmer cela, c'est en plus erroné,
18 comme nous le disons dans le deuxième chapitre de notre mémoire lorsque
19 nous parlons de la hiérarchie parallèle du commandement du MUP des deux
20 chaînes de commandement qui opéraient à l'époque dans cette zone.
21 Quel est le préjudice entraîné par cette affirmation ? Elle semble, ma foi,
22 assez innocente, mais si vous ajoutez la 2e Compagnie des Déserteurs au
23 portefeuille de M. Borovcanin, c'est important au regard d'une affirmation
24 faite par le bureau du Procureur, l'Accusation a affirmé que les hommes de
25 Borovcanin avaient d'une façon ou d'une autre participé à l'opération de
26 nettoyage de l'entrepôt de Kravica le 14 juillet. Il n'y a pas le moindre
27 élément de preuve de nature à corroborer cette affirmation, à une exception
28 près, nous avons les dires non corroborés du Témoin 170. Souvenons-nous
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1 qu'il y avait deux autres témoins ce jour-là, nous le disons dans notre
2 mémoire ?
3 Monsieur le Président, ce que vous voyez sur votre écran n'a pas diffusé
4 publiquement.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je sais. Je pense qu'on a réglé cela
6 hier avec le Greffier, et après avoir consulté mes collègues, je pense que
7 vous n'avez pas être préoccupé de ce point. Merci.
8 M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Le témoignage du Témoin PW-170 qui n'a pas été étayé à présent d'autres
10 éléments où il dit qu'il avait vu les gens, qu'il avait appelés Jahorinci,
11 il a dit qu'il avait vu les gens de Jahorinci là-bas à la date du 14
12 juillet.
13 Donc l'allégation étendue et le fait que la 2e Compagnie de Déserteurs a
14 été englobée leur permettent maintenant de surmonter ce manquement pour ce
15 qui est du Témoin PW-170, pour ce qui est de l'identification plus précise
16 par rapport aux personnes qui étaient là-bas. Donc ce qui semble devoir
17 être l'étendue innocente ou sans préjudice ou marginale de leur thèse,
18 c'est qu'ils ont indiqué sur leur liste qu'il y avait une autre allégation
19 factuelle importante qui se trouvait au début sur leur liste.
20 Monsieur le Président, l'Accusation veut dire qu'il y avait le
21 commandement, de facto, sur ces unités, et c'est normal, mais il y a des
22 questions concernant les faits qui sont liées à cette affirmation. Pendant
23 l'affaire, il faut savoir en quoi consiste leur thèse pour nous donner
24 l'occasion d'y répondre, et non pas seulement pendant les réquisitoire et
25 plaidoirie sur la base des affirmations hypothétiques. Nous savons tous
26 qu'il y avait deux chaînes de commandement qui fonctionnaient de façon
27 parallèle au moment des faits à cet endroit-là. Maintenant, j'avance qu'il
28 faut qu'on soit prudents pour ce qui est du préjudice qui pourrait être
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1 provoqué en tant que résultat de ces affirmations.
2 Pour ce qui est de la question de responsabilité eu égard aux
3 réensevelissements à la date du 14 juillet, nous maintenons tout ce que
4 nous avons indiqué au paragraphe 201 de notre mémoire en clôture pour ce
5 qui est des personnes qui dirigeaient et qui mettaient en œuvre ce
6 processus, et il ne s'agissait pas de Borovcanin ni de ses hommes.
7 Le troisième exemple. Au paragraphe 1865 du mémoire en clôture de
8 l'Accusation, s'avance l'affirmation inédite auparavant selon laquelle le
9 2e Détachement de Sekovici et la 1ère Compagnie du PJP étaient toujours
10 présents le long de la route à la date du 14 juillet. Encore une fois, il
11 s'agit d'une affirmation qu'on ne trouve pas dans l'acte d'accusation,
12 indépendamment du fait qu'il y avait des instructions qui n'étaient pas
13 équivoques dans l'acte d'accusation. Cette affirmation n'a jamais été
14 avancée à un témoin. Cela ne se trouve pas non plus dans le mémoire
15 préalable au procès. Cela n'a pas été mentionné dans la déclaration
16 liminaire. Cela ne se trouve pas non plus dans d'autres mécanismes adoptés
17 pour présenter la thèse de l'Accusation. Donc il n'y a pas d'élément de
18 preuve qui corroborerait cette thèse.
19 Le quatrième exemple. Lorsqu'on arrive à la discussion concernant la
20 responsabilité présumée de Borovcanin pour le transfert forcé, le
21 Procureur, au paragraphe 1 911 du mémoire en clôture de l'Accusation, fait
22 mention du rôle de Momir Nikolic à Potocari aux dates du 12 et 13 juillet,
23 et il mentionne cela de façon brève et marginale. En d'autres termes, dans
24 la partie du mémoire en clôture qui concerne Borovcanin, on peut dire que
25 Momir Nikolic ne joue aucun rôle là-bas. Lorsque vous vous penchez sur la
26 partie pour ce qui est de Popovic, vous allez trouver une histoire tout à
27 fait différente. Au paragraphe 2377, après avoir énuméré les unités qui s'y
28 trouvaient, vous allez tomber sur l'affirmation, je cite :
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1 "Coordonner les actions des forces serbes éparpillées et déployées à
2 Potocari, et cette coordination a été nécessaire pour réaliser l'opération
3 planifiée."
4 Nous sommes tout à fait d'accord avec cette déclaration.
5 Le Procureur, dans son mémoire au paragraphe suivant, 2 378, avec
6 approbation évidente, dit, je cite :
7 "Momir Nikolic a témoigné qu'il surveillait l'implication de la
8 police militaire ainsi que du 2e Bataillon de la Brigade de Bratunac qui
9 ont été directement impliqués à ces activités, et il donnait des conseils à
10 Dusko Jevic qui était membre de la Brigade spéciale du MUP et qui y a été
11 mêlé de façon similaire."
12 Monsieur le Président, j'ai deux observations à faire par rapport à
13 cette partie du mémoire en clôture. D'abord, comment est-il possible que
14 Nikolic surveille deux unités pour ce qui est de cette mission et qu'il
15 donne des conseils seulement à la troisième unité ? Il n'y a pas
16 d'explication pour ce qui est de cette différence. Nikolic surveillait
17 toutes les unités qui ont été engagées à la mise en œuvre de cette mission,
18 et non seulement sur la base de sa position en tant qu'officier de sécurité
19 de la Brigade de Bratunac, mais parce qu'on lui a dit de le faire, donc il
20 a été autorisé à le faire, et cela par Mladic et par Radoslav Jankovic, et
21 toutes les deux personnes étaient sur place à l'époque. La chose est
22 simple, et c'est ce qui est reconnu au paragraphe 2 378. Nous avançons
23 qu'il n'y a pas de fondement pour dire que, d'un côté, il supervisait ces
24 deux unités, mais il donnait des conseils, et seulement des conseils, à
25 Dusko Jevic, de l'autre côté.
26 Je pense que les propos du juge Ward de la Cour d'appel d'Angleterre
27 sont les propos qu'il faut citer ici, je cite :
28 "Chevaucher deux chevaux en même temps, c'est toujours suffisamment
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1 difficile. Mais chevaucher deux chevaux lorsqu'ils se dirigent dans des
2 directions opposées, c'est quelque chose qui représente un exploit
3 remarquable."
4 Le Procureur présente des allégations de nature perfide contre
5 Borovcanin qui n'ont pas été présentées avant, et il dit au paragraphe 1
6 973, je cite :
7 "Momir Nikolic est allé le long de la route à bord du véhicule de la
8 FORPRONU et aurait appelé les prisonniers à se rendre seulement si
9 Borovcanin lui avait ordonné cela ou s'était mis d'accord pour ce qui est
10 de cette tactique."
11 D'abord, Borovcanin a dit dans l'entretien qu'il était présent sur la
12 route, d'abord tôt dans la matinée du 13 et la deuxième fois, vers 16
13 heures de l'après-midi. L'Accusation n'a jamais présenté les choses
14 différemment, et ils n'ont pas présenté les moyens de preuve suggérant
15 autre chose, et Nikolic a commencé à emprunter cette route à bord du blindé
16 transport de troupes au début de l'après-midi. Nous avons fait référence à
17 ce témoignage dans notre mémoire en clôture aux paragraphes 173 et 174.
18 Donc comment Borovcanin pouvait-il donner cet ordre et se mettre d'accord
19 pour ce qui est de cette tactique s'il n'était pas là-bas ?
20 Deuxièmement, et ce qui est peut-être encore plus important,
21 l'affirmation que Borovcanin, s'il avait eu l'autorité de donner des ordres
22 à Momir Nikolic, représente une allégation qui n'a pas été prononcée
23 auparavant, et en fait cela contredit les propos de leur témoin expert dans
24 son témoignage à la page du compte rendu 20 458 dans cette affaire.
25 Troisièmement, cette affirmation a été tout à fait contredite par une vidéo
26 qui a été filmée à 2 heures et 38 minutes, où nous pouvons voir l'un des
27 hommes de Borovcanin disant à un prisonnier musulman d'appeler ses
28 collègues se trouvant dans les bois et leur dire qu'il est avec les Serbes.
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1 Cela n'est pas perfide du tout.
2 Monsieur le Président, ce sont ces cinq exemples de déclarations erronées
3 ou d'éléments de preuve de la thèse erronés. Mais il y en a encore plus,
4 mais je vais laisser à la Chambre de faire attention à ces déclarations
5 erronées. Malheureusement, il s'agit du mémoire en clôture qui exige qu'on
6 soit très prudents pour ce qui est de ces déclarations erronées.
7 J'ai encore trois brèves remarques pour ce qui est de la crédibilité de
8 Borovcanin lors de son entretien.
9 D'abord, l'Accusation affirme que Borovcanin a menti lors de l'entretien
10 parce qu'il a dit qu'il a reçu l'ordre pour aller à Zvornik au lieu d'avoir
11 dit, comme il aurait dû apparemment dire, qu'on lui a dit d'aller à
12 Zvornik. Cet argument aurait pu avoir une valeur si Borovcanin avait
13 continué à dire dans cet entretien accordé à l'Accusation, s'il avait
14 contesté le fait par rapport à l'endroit où se trouvaient ses hommes,
15 c'est-à-dire le long de cette portion critique de la route aux dates du 12
16 et 13 juillet. Mais ce n'est pas ce qu'il a fait. Il a décrit de façon
17 exacte et honnête où se trouvaient ces unités, où ces unités étaient
18 déployées, et cela a été corroboré par les éléments de preuve présentés
19 dans cette affaire. En fait, nous avons parcouru les comptes rendus en
20 B/C/S et nous avons trouvé qu'au moins à deux occasions pendant cet
21 entretien, les mots qui ont été utilisés dans la traduction correspondaient
22 à des mots "dans la direction de," et non pas "à."
23 Deuxièmement, Milan Lukic.
24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Juste un instant. Je m'excuse de vous
25 avoir interrompu, mais je pense que pour ce qui est de ce sujet que vous
26 venez de soulever, il faut que vous soyez concret pour ce qui est du numéro
27 de la page et la ligne, et cetera, parce qu'après vous avoir entendu, je
28 pense que nous devons inviter les interprètes à examiner la traduction
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1 officielle pour qu'on soit certains quels mots ont été utilisés et ce qu'il
2 avait dit exactement.
3 M. GOSNELL : [interprétation] Je crois que j'ai indiqué la référence
4 exacte.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Plus tard, on peut s'occuper de cela,
6 on va demander au greffe de le faire.
7 M. GOSNELL : [interprétation] Je vais le faire, Monsieur le Président.
8 Deuxièmement, Milan Lukic. L'Accusation a utilisé des conversations
9 interceptées, et ce sont les seuls éléments de preuve utilisés dans cette
10 affaire à propos de ce sujet montrant qu'un autocar, à bord duquel se
11 trouvaient les hommes de Lukic, est tombé en panne sur la route à
12 Srebrenica. Mais cela ne montre pas que Lukic, lui-même, se trouvait là-
13 bas, ou qu'au moins certains de ces hommes n'étaient pas là-bas ensemble
14 avec lui. En fait, Monsieur le Président, j'avance que les éléments de
15 preuve, selon lesquels il y avait au moins un autocar se dirigeant vers
16 Srebrenica, montrent que Lukic était là-bas et qu'il aurait pu y avoir
17 d'autres hommes avec lui. Donc c'est un exemple qui montre que Borovcanin
18 n'a pas dit la vérité et est sans fondement.
19 Troisièmement, l'Accusation affirme que Borovcanin n'était pas cohérent
20 pour ce qui est de sa resubordination à la VRS. Borovcanin a affirmé à
21 plusieurs reprises que la conséquence de l'ordre 6495 était sa
22 resubordination à la VRS. Il est vrai, Monsieur le Président, qu'il y a un
23 paragraphe où il nie cela, dans le contexte des quelques questions
24 concernant le général Krstic. Nous offrons deux réponses à ce point. La
25 première réponse est qu'il est tout à fait raisonnable de croire que la
26 personne qui a été interviewée aurait pu faire une erreur après trois jours
27 pendant lesquels on lui posait des questions qui étaient en quelque sorte
28 hostiles. Mais cela ne nous mène pas nécessairement à la conclusion qu'il
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1 avait essayé de dissimuler en quelque sorte des motifs criminels.
2 Deuxièmement, pour ce qui est de la possibilité de commettre une erreur,
3 comme vous le savez après avoir lu la section 2 de notre mémoire en
4 clôture, après avoir entendu notre témoin expert, le professeur --
5 L'INTERPRÈTE : Inaudible.
6 M. GOSNELL : [interprétation] -- les modes de la resubordination est une
7 question qui n'est pas dénuée de nuances. Sur la base des dispositions
8 légales complexes qui sont en vigueur et pour ce qui est de l'aspect
9 complexe de la situation qui prévalait sur le terrain à l'époque, en
10 répondant à des questions il aurait pu réellement estimer que ses réponses
11 étaient les réponses justes à ces questions.
12 Pour ce qui est du transfert forcé des allégations contre M. Borovcanin, et
13 c'est quelque chose dont on a discuté en détail dans notre mémoire en
14 clôture, j'aimerais dire la chose suivante : Les hommes militaires ont
15 besoin des règles sans équivoque ou claires lorsqu'ils commencent à
16 combattre. L'enclave de Srebrenica du point de vue des Serbes représentait
17 l'endroit où on lançait des attaques contre les Serbes pendant des années.
18 Ces attaques avaient pour but, ce que l'Accusation a admis, d'empêcher les
19 forces serbes d'être déployées sur d'autres lignes de front. Donc lorsqu'un
20 commandant qui se trouve à 150 ou 200 kilomètres loin de la ligne de front
21 en question reçoit un ordre de venir à ces lignes de front pour combattre
22 les forces humaines, il doit être en mesure de s'appuyer sur le fait que le
23 but de l'opération toute entière est réellement l'opération ayant pour but
24 de combattre ces forces militaires, et c'est pour cela que dans l'article
25 32 du Statut de la Cour pénale internationale il est dit que les ordres
26 peuvent ne pas être exécutés, on peut désobéir, et d'après la formulation
27 de l'Accusation, seulement si ces ordres sont manifestement et ouvertement
28 illicites. Pour ce qui est de la campagne militaire lancée contre l'enclave
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1 de Srebrenica et pour ce qui est des circonstances qui prévalaient, ces
2 directions n'étaient pas si manifestement illicites ou illégales.
3 Le Juge Prost a demandé à mon collègue hier lorsqu'il s'agit des tensions
4 qui ont eu lieu à Srebrenica, et du fait que c'était quelque chose qui
5 était illégal d'après le droit international. J'aimerais attirer votre
6 attention à la section 7(3) de notre mémoire en clôture, où on présente en
7 détail les dispositions positives et applicables ainsi que de la pratique
8 d'Etat, et ce qui est encore plus important, et ce qui était une autre
9 affirmation, c'est pour cela que j'avance que vous pouvez être certains que
10 ce qui figure là-bas est correct et exact parce que l'Accusation, si vous
11 regardez attentivement leur mémoire en clôture, n'a jamais dit que les
12 détentions, elles-mêmes, étaient illégales. Ils disent que c'était plutôt
13 la manière de laquelle les gens ont été mis en détention était inadéquate
14 et abusive, et qu'il y avait un plan caché par rapport à ces détentions qui
15 était criminel. Donc on ne peut trouver d'affirmation, d'allégation, ni
16 chef d'accusation dans l'acte d'accusation concernant la mise en détention
17 illégale parce que si cela s'était réellement passé, ils auraient retenu
18 cela contre les accusés, d'après les dispositions du droit international.
19 Le fait-clé ici n'est pas les circonstances pour ce qui est de la
20 mobilisation ou pour ce qui est du fait que les combattants portaient des
21 vêtements civils, la présence de la colonne armée à proximité, le
22 témoignage qu'il y avait des forces musulmanes armées à Potocari et autour
23 de Potocari le 11, et d'après des témoins de la FORPRONU, le 13. Ce sont
24 des circonstances qui ont été analysées, étaient vraies, mais peut-être que
25 l'aspect le plus important de l'analyse de la détention est la durée de la
26 détention. Parce qu'il aurait été inapproprié de tenir en détention un
27 grand nombre de gens pendant une longue période de temps sans se pencher
28 sur leurs statuts. Cela aurait été inapproprié, sans aucun doute. Mais pour
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1 ce qui est de la période de 24 heures, 48 heures, ou 72 heures, dans le
2 contexte que je viens de décrire, ça c'est légitime, c'est permis, c'est
3 approprié, et c'est quelque chose qui a été fait par les armées des pays
4 occidentaux par le passé.
5 Monsieur le Président, pour conclure le critère qui s'applique dans
6 cette affaire s'appuyant sur les éléments de preuve indirects. L'Accusation
7 devra donc établir que leur scénario est la seule interprétation
8 raisonnable qui s'appuie sur des éléments de preuve, qui ont été présentés
9 ici. Nous devons montrer que l'Accusation n'a pas réussi à présenter ce
10 scénario. Ce n'est pas parce qu'ils ont négligé cet aspect. La thèse de
11 l'Accusation s'appuyant sur les éléments de preuve circonstanciels et sans
12 charge pour ce qui est de M. Borovcanin, et n'est pas cohérent, n'est pas
13 concluant et n'est pas véridique.
14 Monsieur le Président, il vous incombe maintenant d'apprécier tous
15 les éléments de preuve, de voir quels sont les critères juridiques qui s'y
16 appliquent. Je vous invite humblement à lire notre mémoire en clôture de
17 manière très attentive. Je suggère que lorsque vous commencez à vous faire
18 une image de tout cela, vous allez voir que la thèse de l'Accusation se
19 fonde uniquement sur des hypothèses qui ne sont même pas plausibles. Parce
20 qu'ils n'ont pas réussi à prouver leur thèse au-delà de tout doute
21 raisonnable. Ils n'ont pas prouvé que Borovcanin a été impliqué à des
22 meurtres en masse, à ce complot, pour ce qui est des meurtres en masse, ils
23 n'ont pas prouvé qu'il ait été impliqué à l'opération du transfert forcé.
24 Je vous remercie pour votre patience, Monsieur le Président, Mesdames
25 et Messieurs les Juges, si vous avez des questions, je vais essayer d'y
26 répondre de mon mieux.
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Maître Gosnell.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Le Juge Stole a des questions à vous
2 poser.
3 M. LE JUGE STOLE : [interprétation] Merci.
4 Il est clair que la loi qui est applicable et pertinente dépend des faits
5 qui, à la fin de l'affaire, vont être établis par la Chambre de première
6 instance au-delà de tout doute raisonnable, il est clair que la Défense
7 doit présenter sa position sur les faits et sur les points juridiques
8 concernant des alternatives différentes, que vous avez en effet faites,
9 Maître Gosnell, et peut-être que quand il y a des cas où il est possible
10 que des faits pertinents allégués par l'Accusation soient pris en compte.
11 Je pense que j'étais en mesure de vous suivre et de comprendre vos
12 arguments.
13 Mais j'aimerais être certain d'avoir bien compris la référence à
14 votre mémoire en clôture. C'est la page 190, pour ce qui est des formes de
15 responsabilité au pénale. D'abord, il s'agit de la responsabilité du
16 supérieur hiérarchique conformément à l'article 7(3), pour ce qui est du
17 contexte du paragraphe dont je parle, l'article 7(3).
18 A la page 195, en haut de la page, avant cette partie, vous avez
19 parlé du scénario pour ce qui est de deux incidents de tir complètement
20 différents, et ensuite, au paragraphe 330, vous dites, je cite :
21 "La situation est reste inchangée, même si on accepte l'hypothèse
22 qu'il y avait des meurtres au moment où Borovcanin passait par la route, il
23 n'y a pas des moyen de preuve qui montre que Borovcanin ou l'un de ses
24 hommes se trouvait à l'intérieur de l'entrepôt à ce moment-là et comme cela
25 a été discuté auparavant en détail. Borovcanin n'avait pas pour devoir, en
26 tant que supérieur, de mener des enquêtes pour savoir ce qui s'est passé à
27 l'entrepôt à moins que ses hommes n'y aient été présents."
28 J'ai compris cela de la façon suivante, la situation à l'époque était
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1 comme suit, il y avait là-bas au moins deux des subordonnés de Borovcanin,
2 qui n'avait pas été contesté. Ils se trouvaient à l'intérieur donc de
3 l'enceinte de l'entrepôt; ils ont été blessés ou tués et il est évident
4 qu'ils ont été impliqués à des tirs, à la fusillade. Lorsqu'on considère
5 les moyens de preuve comme étant les moyens de preuve qui démontrent que
6 Borovcanin se trouvait sur les lieux au moment où il y avait des meurtres,
7 est-ce qu'il aurait pu s'éloigner de cet endroit-là et ne pas poser de
8 question ou ne pas mener d'enquête pour ce qui est des événements qui ont
9 eu lieu à l'extérieur de l'entrepôt, non seulement à l'extérieur mais à
10 l'intérieur de l'entrepôt ?
11 A la page 208, où vous parlez de la responsabilité conformément à l'article
12 7(1), pour ce qui est de la commission ou l'omission de faire quelque
13 chose, c'est en fait la forme de responsabilité par omission pour ce qui
14 est de l'affaire Blaskic. En haut de la page 215, où d'abord vous donnez
15 des commentaires pour ce qui est de la responsabilité supérieure d'après
16 l'article 7(3), et si je vous ai bien compris, il s'agit de la référence
17 pour ce qui est de la situation que nous avons déjà mentionnée. Il y a une
18 exception à cette règle, et je fais référence à l'arrêt de la Chambre
19 d'appel dans l'affaire Blaskic, et pour ce qui est de la responsabilité
20 supérieure d'après l'article 7(3). Si j'ai bien compris, c'est la référence
21 du supérieur et cela en fait représente une référence à d'autres
22 situations. Ensuite vous parlez de la deuxième exception à la règle et vous
23 citez également une partie de l'arrêt de la Chambre d'appel dans l'affaire
24 Blaskic. Ensuite il y a des points pour ce qui est de la responsabilité ou
25 responsabilité possible d'après l'article 7(1), et à la page 218, aux
26 paragraphes 379 et 380, vous mentionnez notamment la base factuelle de
27 cette forme alléguée de responsabilité, vous dites qu'elle fait défaut, et
28 vous poursuivez en disant que :
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1 "La première carence factuelle c'est que Borovcanin n'était pas
2 nécessairement témoin d'un crime alors qu'il passait le long de la route."
3 Puis au paragraphe 382, je cite :
4 "Une possibilité de responsabilité très réelle et très raisonnable existe
5 que la tuerie avait pris fin au moment où Borovcanin était passé près de
6 l'enceinte."
7 Il est possible que, là encore, vous ayez basé votre discussion sur le fait
8 qu'il y ait eu deux fusillades distinctes et clairement identifiées, mais
9 je souhaiterais aussi, si possible, que vous puissiez développer ce que
10 vous avez dit là un peu plus.
11 Je vous remercie.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Gosnell.
13 M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.
14 En ce qui concerne la première question, il est important de se rappeler
15 les circonstances de fait et les théories qui s'affrontent en matière des
16 faits sur ce qui s'est passé.
17 Maintenant, il est admis et reconnu que ces deux personnes se trouvaient
18 là. Mais l'Accusation a également reconnu, tout au moins, qu'ils étaient
19 certainement blessés et qu'ils ont été ramenés à Bratunac à la clinique.
20 Maintenant, si vous acceptez notre séquence des événements, et si la
21 première fusillade a été déclenchée par une tentative de percée, ce qui
22 voudrait dire que les premiers tirs ont été effectués par les prisonniers,
23 cette tentative d'évasion par le prisonnier qui avait saisi l'arme à feu,
24 et à la suite de ce tir, l'un des deux soldats du MUP est mort et que
25 l'autre ensuite a été envoyé à la clinique, je suggère que dans ces
26 circonstances, on ne peut pas en déduire raisonnablement que l'un ou
27 l'autre de ces deux personnes ait commis un crime. Djukanovic atteste qu'à
28 l'exception de ces deux personnels spéciaux, il n'a pas vu d'autre
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1 personnel spécial à l'intérieur de l'enceinte et de l'entrepôt.
2 Si vous acceptez --
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur
4 Gosnell.
5 Peut-être qu'en expliquant ceci, vous pourriez également expliquer autre
6 chose, à savoir pourquoi y aurait-il eu ces deux personnes et personne
7 d'autre des Unités spéciales ?
8 M. GOSNELL : [interprétation] C'était très juste, Monsieur le Président,
9 c'est une question à laquelle nous avons déjà répondu dans notre mémoire.
10 Nous décrivons qu'il n'était pas inattendu que des soldats souhaitent
11 parler à des prisonniers et à les trouver parce qu'ils voulaient savoir
12 quel était le sort de leurs parents, et il y a un élément de déposition qui
13 dit que c'était la raison pour laquelle ils y sont allés. Je suppose que
14 vous êtes probablement sceptique en ce qui concerne cette explication, mais
15 vous avez également la déposition directe de Djukanovic qui dit qu'il n'y
16 en avait pas d'autre qui était là. Je voudrais dire qu'en fin de compte, la
17 charge de la preuve incombe à l'Accusation d'établir qu'il y avait d'autres
18 membres de cette unité qui étaient présents. Si vous considérez les
19 éléments de preuve pour savoir qui effectivement se trouvait là, vous savez
20 qu'il y avait un grand nombre de soldats de la Brigade de Bratunac. Donc je
21 voudrais simplement vous suggérer qu'il n'est pas établi, au-delà de tout
22 doute raisonnable, que davantage de personnes que ces deux-là se trouvaient
23 présentes.
24 Revenant donc à la question posée, si vous acceptez cette prémisse de fait
25 comme n'étant pas prouvée, non pas notre prémisse de fait qui aurait été
26 démontrée, mais le fait que leur prémisse du point de vue des faits qui n'a
27 pas été démontrée, à savoir qu'il y aurait eu d'autres personnes là et
28 qu'il n'y avait pas d'autres subordonnés dans l'enceinte, alors ceci veut
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1 dire qu'il n'y a pas du tout de responsabilité au titre de l'article 7(3),
2 et ceci n'a pas d'importance de savoir si Borovcanin retourne à Bratunac et
3 qu'on lui dit là qu'il y a eu une fusillade et autres choses. Il n'y avait
4 pas d'autre non subordonné participant à cette fusillade. Il n'a pas le
5 devoir au titre de l'article 7(3). Il faut qu'il y ait eu des subordonnés à
6 lui pour pouvoir étayer la responsabilité au titre de l'article 7(3). En
7 l'absence de cette base pour 7(3), il n'y a tout simplement aucune
8 obligation d'enquêter ou de faire une investigation ou de se renseigner en
9 vertu de l'article 7(3). Donc ceci est la base de notre argument sur cette
10 question.
11 Quant à la deuxième question, je pense que j'ai compris ce que vous vouliez
12 dire, mais si ce n'est pas le cas, à ce moment-là j'espère que vous
13 m'interromprez et que vous me direz que je me trompe de façon à revenir
14 exactement sur la question. Ce que je voulais dire ici c'est que si, en
15 fait, ce premier incident de fusillade était effectivement une tentative
16 d'évasion, et nous ne connaissons pas exactement les détails de la façon
17 dont ce serait déroulé, en d'autres termes, est-ce que toutes ces personnes
18 qui ont été tuées, ont été tuées de façon licite, ou légale, ou est-ce que
19 c'est allé un peu au-delà en passant la frontière de suppression permise
20 légale d'une tentative d'évasion ? Je pense ce que j'essaie de dire ici
21 c'est qu'il existe une possibilité raisonnable que toutes les personnes
22 tuées à ce moment-là dont il a été témoin, ait été licite, et c'était
23 légal. Ou bien devrais-je encore, pour dire les choses plus précisément,
24 elles n'étaient pas illicites ou illégales. Vous devez prendre une décision
25 et vous déterminez sur la question de savoir si l'Accusation a prouvé au-
26 delà de tout doute raisonnable que ces personnes tuées l'ont été de façon
27 criminelle, et ce qui est soutenu ici c'est que ce n'est pas très sûr
28 nécessairement de tirer une telle déduction, étant donné que vous savez
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1 tout en ce qui concerne les faits et d'autres possibilités de ce qui aurait
2 pu se passer.
3 Est-ce que ceci répond à votre question ?
4 M. LE JUGE STOLE : [interprétation] Oui, je vous remercie.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame le Juge Prost.
6 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Monsieur Gosnell, j'ai une question
7 qui découle directement des questions posées par le Juge Stole. Plus
8 particulièrement, si l'on regarde votre mémoire à la page 210, au
9 paragraphe 363, ceci est tout en haut de la page, ceci a trait au critère
10 de l'affaire Mrksic et aux conditions nécessaires pour l'affaire Mrksic.
11 Vous faites la déclaration que ni Borovcanin, ni aucun de ces hommes
12 n'exerçait une garde ou un contrôle sur l'ensemble, je voulais dire
13 l'ensemble des 1 000 prisonniers qui étaient détenus à l'entrepôt de
14 Kravica dans l'après-midi et la soirée du 13 juillet. Donc je ne suis pas
15 bien au clair là-dessus.
16 Vous avez reconnu qu'il est incontesté qu'au moins deux des membres des
17 unités se trouvant sous le commandement de Borovcanin exerçaient
18 effectivement une garde des prisonniers non seulement plus tôt au cours de
19 la journée, mais à l'entrepôt de Kravica à un moment donné lorsque la
20 fusillade a eu lieu. Je comprends que vous ne contestez pas qu'ils
21 exerçaient cette garde.
22 M. GOSNELL : [interprétation] Si, je contesterais cela, Madame le Juge.
23 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Mais vous dites que les deux hommes
24 qui se trouvaient dans l'enceinte et qui étaient impliqués à la garde des
25 prisonniers dont un a été blessé, l'autre tué, n'exerçaient pas la garde,
26 n'avaient pas la garde de ces prisonniers à ce moment-là ? Je ne parle pas
27 de plus tard. Je vous parle du moment où ils se trouvaient à l'entrepôt.
28 M. GOSNELL : [interprétation] Respectueusement, je conteste cela, et ma
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1 base pour contester ceci repose sur deux motifs. Premièrement, simplement
2 le fait que c'est une simple prémisse que ces deux personnes, ça ne veut
3 pas dire que si elles étaient là, elles effectuaient une garde.
4 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Mais on leur a tiré dessus, on a tiré
5 sur l'un d'entre eux.
6 M. GOSNELL : [interprétation] C'est exact, Madame le Juge, mais si vous
7 acceptez la possibilité que d'une façon essentielle, ils étaient allés
8 seuls, que ces deux personnes étaient allées pour se renseigner sur leurs
9 parents et que le jeune soldat aurait dit au plus ancien : "Je veux aller
10 là-bas de façon à poser des questions," et que l'un d'entre eux a une
11 voiture et qu'il va jusqu'à cet endroit et, bien sûr, ils savent où se
12 trouve cet endroit parce qu'ils ont été emmenés du pré de Sandici à
13 l'entrepôt, je suggère que ceci est une possibilité raisonnable qui ne peut
14 pas être exclus comme déraisonnable qu'ils sont allés tout simplement de
15 leur propre chef. Je ne dis pas cela simplement dans le vide en disant que
16 ces deux personnes, qu'il y a des éléments de preuve en l'espèce que les
17 gens font ceci de temps à autre, je fais cette suggestion dans le contexte
18 plus vaste des éléments de preuve, à savoir que vous avez deux commandants,
19 tout au moins deux personnes qui sont des commandants d'unités d'une
20 certaine importance de la Brigade de Bratunac et qu'ils se trouvent à
21 l'entrepôt. Nous savons qu'il y a au moins huit hommes qui s'y trouvent à
22 l'entrepôt et en plus, il n'y a pas d'éléments de preuve solides ou
23 fiables, pratiquement aucun élément de preuve suggérant que cette escorte
24 avait été faite par les forces du MUP.
25 Donc ce sont des éléments du puzzle et je suggère respectueusement
26 qu'ils manquent et ceci pourrait vous donner à penser que ce n'est pas une
27 déduction fiable, premièrement, et que ces deux personnes sont là aux fins
28 d'exercer une garde, et deuxièmement, qu'ils font partie d'une unité plus
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1 grande qui serait présente.
2 Je pense que ceci est la position que nous adoptons sur la question.
3 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Bien. Bon, alors supposons qu'il y ait
4 une conclusion selon laquelle au moins deux membres de l'unité de M.
5 Borovcanin exerçait une garde, juste aux fins de la discussion. Quel est
6 votre commentaire alors sur le fait que la décision de l'arrêt d'appel
7 Mrksic a pour conséquence un devoir juridique comme résultat de cette
8 garde, et est-ce que vous tirez une distinction quelconque entre un
9 commandant qui peut avoir partagé la garde des prisonniers et qui ensuite
10 transférerait cette responsabilité partagée à un autre commandant, un
11 commandant qui a la garde complète et il peut le transférer à un autre
12 commandant ?
13 M. GOSNELL : [interprétation] Je voudrais suggérer et, bien sûr, nous
14 sommes bien au courant des faits en ce qui concerne l'affaire Mrksic, mais
15 je sais ce que vous voulez évoquer sur la base des faits dans Mrksic, mais
16 je voudrais dire à tire liminaire de ma réponse ceci : si les deux
17 personnes dont l'une est morte et l'autre est partie au moment où
18 Borovcanin arrive, à ce moment-là, je vous suggère -- bon, je récapitule.
19 La question de la responsabilité des subordonnés n'est pas une question
20 d'omission de responsabilité d'après l'arrêt Mrksic. C'est une question de
21 responsabilité au titre de l'article 7(3). Donc je vous dirais que lorsque
22 l'on plaide dans ce cadre, il s'agit de 7(3) et en vertu de ce paragraphe
23 3, l'un d'entre eux est mort, l'autre est parti, et je suggère donc que
24 ceci met fin à toute responsabilité au titre de l'article 7, paragraphe 3.
25 Maintenant en ce qui concerne Mrksic, et je connais les faits concernant
26 l'affaire Mrksic et je comprends ce que vous voulez évoquer. Pour
27 commencer, nous avons des problèmes juridiques sérieux avec l'arrêt Mrksic,
28 ceci dit, avec tout le respect que je dois, et deuxième point, c'est que
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1 dans cette situation, la situation Mrksic était en fait le contraire, c'est
2 inversé.
3 Rappelons-nous que dans Mrksic, la personne qui passait en jugement
4 ici, et sur la base de ces conclusions, était un officier chargé de la
5 sécurité. Il avait, d'après ce que j'ai compris, la responsabilité
6 statutaire, il avait cette position par défaut de garder, donc il ne peut
7 pas dire tout simplement : "Bon, je me lave les mains de cette garde,"
8 puisqu'elle lui était attribuée. Au contraire, j'ai cité Butler au moins
9 cinq fois dans mon mémoire. Excusez-moi si je me répète, mais Butler est
10 important. Borovcanin, ce n'est pas la garde par défaut, il est
11 provisoirement gardien aux lignes de combat, ça ne veut pas dire que
12 quelque chose -- qu'il aurait pu en être autrement. Je vous suggère que ce
13 qui est probant de ce qui s'est passé, plus particulièrement lorsque vous
14 examinez ce que doit faire l'organe chargé de la sécurité, que le chef de
15 la police militaire et son second étaient présents, et vous avez des
16 éléments de preuve suggérant que Momir Nikolic était effectivement présent
17 à l'entrepôt à 5 heures, pour ne pas dire plus tard.
18 Donc si on regarde simplement Mrksic et si on examine comment Mrksic
19 s'appliquerait à notre affaire, je suggérerais que la situation est
20 l'inverse et que la notion d'avoir à s'assurer qu'on remet des prisonniers
21 à quelqu'un d'autre, à un garde qui peut assurer une bonne garde, à ce
22 moment-là ceci devrait être présumé lorsqu'on remet les prisonniers à
23 l'organe chargé de la sécurité.
24 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Je comprends votre réponse et je
25 comprends ce que vous voulez dire. D'après ce que je comprends, il n'y a
26 aucune suggestion d'après votre citation. Vous êtes en train de suggérer
27 que la garde nécessite une garde totale sur l'ensemble des prisonniers
28 parce que la façon dont vous présentez les choses ici, il semblerait qu'il
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1 y ait eu suggestion qu'il puisse s'agir de l'ensemble des prisonniers, et
2 je comprends que ceci n'est pas ce que vous voulez dire. J'ai compris ce
3 que vous vouliez dire de façon différente, en d'autres termes, qu'il ne
4 peut pas y avoir de garde partagée entre différents commandants de
5 différentes unités.
6 M. GOSNELL : [interprétation] Ceci est une question de principe absolument
7 et en fait, nous reconnaissons cela en ce qui concerne Sandici.
8 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Je vous remercie. J'ai encore un ou
9 deux points que je souhaite évoquer avec vous.
10 En ce qui concerne l'Unité des Déserteurs, qui était restée à Potocari, je
11 comprends que votre position n'est pas, et vous me corrigerez si je me
12 trompe, que M. Borovcanin, en quittant l'unité à Potocari, ait été en quoi
13 que ce soit relevé de sa responsabilité de commandant de cette unité. Vous
14 ne suggérez pas qu'il n'était plus commandant de cette unité ?
15 M. GOSNELL : [interprétation] D'un point de vue officiel ou formel, non.
16 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Pas du point de vue formel ni
17 juridique. Il était encore commandant de cette unité ?
18 M. GOSNELL : [interprétation] Aussi longtemps que nous comprenons que ce
19 terme n'implique pas une situation de facto --
20 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Je passe à la question suivante.
21 Votre position, toutefois, c'est qu'il n'exerçait plus une direction et un
22 contrôle effectif, d'après ce que je lis dans votre mémoire, sur cette
23 unité. C'est la base de votre position par le fait qu'il a quitté le
24 secteur géographique et en laissant son unité dans une unité géographique
25 différente, ceci en soi suffit pour faire perdre une partie du commandement
26 de la direction effective du commandant sur une unité, même si c'est pour
27 une période temps limitée.
28 M. GOSNELL : [interprétation] Non, Madame le Juge. C'est un argument
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1 fonctionnel.
2 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Bien. Peut-être que vous pourriez
3 développer un petit peu sur ceci, s'il vous plaît.
4 M. GOSNELL : [interprétation] C'est un argument fonctionnel et ce que nous
5 soutenons dans le mémoire, c'est qu'il n'avait pas de contrôle effectif en
6 ce qui concerne la manière dont ils agissaient et la façon dont ils
7 remplissaient leurs tâches liées à l'évacuation. Je pense que là, la
8 distinction est importante.
9 Maintenant, je dis qu'il s'agit d'une définition fonctionnelle parce que
10 pour les militaires, vous avez entendu de nombreux cas au cours de ce
11 procès dans lesquels une tâche fonctionnelle qui est donnée à un commandant
12 pour certaines unités ou pour certaines personnes ou ressources, sont
13 fournies à cette personne pour accomplir cette tâche. Je vous suggère, et
14 cette suggestion existe, que quiconque a véritablement la capacité de
15 donner des ordres par rapport à cette fonction, c'est la personne qui
16 exerce un contrôle réel et effectif. Il y a un principe d'unité et du
17 commandement, et je suggère que lorsque vous avez une désignation
18 fonctionnelle qui vient de Mladic, elle passe par Jankovic, elle découle de
19 Momir Nikolic et, à ce moment-là, vous avez toutes sortes d'éléments de
20 preuve le concernant, sur le terrain, pour donner des ordres, ce qui est
21 une hypothèse définie du point de vue fonctionnel du commandement et de la
22 direction du contrôle sur ces personnes. Donc je ne dirais pas que c'est
23 une question géographique.
24 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Vous ne suggérez pas que lui, à un
25 moment quelconque, avait renoncé à sa responsabilité de commandant,
26 indépendamment de la direction du contrôle ?
27 M. GOSNELL : [interprétation] En tant que question formelle, il restait le
28 commandant.
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1 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Tout au long de la
2 journée ?
3 M. GOSNELL : [interprétation] Oui, tout au long de la journée. Je pense
4 qu'à un moment donné, elle va cesser, mais c'est en dehors du cadre
5 temporel.
6 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Je vous remercie.
7 Un dernier point sur la question que vous avez évoquée concernant ma
8 question d'hier à Me Bourgon sur la question de la population détenue, et
9 j'ai lu sur ce point ce que vous dites dans votre mémoire, je suis
10 pratiquement sûre que je connais votre réponse à la question. Mais un
11 élément supplémentaire à la question d'hier est le déplacement de ces
12 personnes qui sont détenues, et je comprends, d'après vos commentaires, que
13 vous diriez détention, y compris mouvement, ceci est permis; ce qui
14 significatif, c'est la chronologie. Est-ce que c'est ça votre position ?
15 Donc il est légal à la fois de détenir et de déplacer ces personnes ?
16 M. GOSNELL : [interprétation] Madame le Juge, je ne souhaiterais prendre
17 position sur le mouvement entre Bratunac et Zvornik. Cette question, ce que
18 je dis, c'est qu'à cause du mouvement qui a eu lieu les 12 et 13, c'était
19 entre Potocari et Bratunac à ce moment-là, je dirais que ce n'est pas
20 absolument impropre.
21 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Donc en se limitant à ce mouvement-là
22 en particulier, vous dites que cette partie de la détention était
23 parfaitement légale ?
24 M. GOSNELL : [interprétation] Oui, Madame le Juge.
25 Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Je vous remercie. Voilà mes questions.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Gosnell, je ne vous ai pas
27 vraiment entendu donner une explication une réponse claire au commentaire
28 ou à la remarque faite par M. McCloskey sur ce point, à savoir qu'il y
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1 avait eu cette tentative qui est alléguée d'évasion et qu'elle a
2 véritablement eu lieu, et ç'aurait été là une des premières choses que
3 votre client aurait mentionnée lorsqu'il a été entendu par l'Accusation,
4 mais il ne l'a jamais fait.
5 M. GOSNELL : [interprétation] Bien, deux réponses à cela.
6 Premièrement, si vous voulez bien regarder le texte de l'interview
7 proprement dit et voir comment mon client répond et voir le scepticisme
8 qu'il manifeste en réponse aux questions qui lui sont posées. Donc de
9 savoir s'il y a des questions supplémentaires, de savoir s'il y avait
10 aucune ouverture pour lui de donner une réponse concernant ce scénario
11 éventuel, vous voyez qu'il y a très peu de possibilités de discuter de cela
12 vu la nature de l'interview, vu la nature des questions posées, vu les
13 présomptions de celui qui interrogeait et qui était dirigé très fortement
14 au cours de l'interview. Il n'y a absolument rien de mal à cela, Monsieur
15 le Président, mais c'était l'atmosphère de cette audition.
16 Deuxième point, c'est que ça présumait que mon client, en 2002, avait
17 pleinement connaissance de ce qui s'est passé exactement, et je voudrais
18 vous dire que ce n'est tout simplement pas une hypothèse sûre.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Alors ceci conclut --
20 Oui.
21 M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais juste
22 remarquer. Je n'ai pas dit ceci à la fin de ma plaidoirie, mais je voudrais
23 vous dire que ça a été un grand privilège de comparaître devant vous au
24 milieu de confrères si distingués et éminents, et je suis reconnaissant du
25 caractère très professionnel et de ce qui s'est passé dans cette salle
26 d'audience, pour tous ceux qui ont participé à ces débats, y compris les
27 sténographes, les interprètes, les juristes et les membres du Greffe. Cela
28 a été un plaisir.
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1 Je souhaiterais ajouter encore une observation, au nom de mon client, qui
2 souhaite particulièrement remercier pour la courtoisie et le
3 professionnalisme du personnel chargé de la sécurité qui nous accompagne
4 pour la durée de ce procès.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Vos paroles sont appréciées.
6 Madame Fauveau, je suppose que vous commencerez après la suspension.
7 Nous allons suspendre tout de suite, donc 25 minutes de suspension. Merci.
8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.
9 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Gosnell.
11 M. GOSNELL : [interprétation] Désolé de revenir à la charge, mais je dois
12 apporter trois corrections au compte rendu.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.
14 M. GOSNELL : [interprétation] Hier, page 34 570, ligne 8, il faut lire : "A
15 partir de la page 34 325." Aujourd'hui, à la page 7, ligne 3, la note de
16 bas de page mentionnée est la note "4408." Page 28 de la journée
17 d'aujourd'hui, ligne 20, il faut lire : "Il n'y a rien du tout qui soit
18 inadéquat."
19 Je vous remercie, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.
21 Un instant, Maître Fauveau, s'il vous plaît.
22 Oui, vous avez la parole, Maître Fauveau.
23 Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, à la fin
24 de ce procès, le mémoire en clôture du Procureur et son réquisitoire sont
25 les meilleures preuves de l'impuissance du Procureur de prouver la
26 responsabilité du général Miletic, et le mémoire et le réquisitoire du
27 Procureur reposent sur la déformation des preuves, l'interprétation
28 artificielle des preuves, ainsi que sur les conclusions manifestement
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1 erronées.
2 Pour commencer, je voudrais dire quelques mots sur le plan
3 prétendument envisagé par les dirigeants serbes militaires et politiques en
4 1992, et qui aurait été appliqué durant toute la guerre. Je ne veux pas
5 perdre beaucoup de temps sur cette période, qui n'est pas dans l'acte
6 d'accusation, mais les conclusions du Procureur relatives, qui d'une
7 certaine façon incriminent toute l'armée de la Republika Srpska et même
8 tout le peuple serbe, demandent une réponse.
9 Dans le paragraphe 68 de son mémoire, le Procureur cite le colonel
10 Lasic qui a dit que l'objectif principal de l'armée de la Republika Srpska
11 était la protection du peuple serbe, et si ce n'était pas possible, la
12 séparation des peuples sur la base de lignes ethniques. Le Procureur en
13 conclut que l'objectif de l'armée de la Republika Srpska était le
14 déplacement forcé des Musulmans ou le nettoyage ethnique. Cette conclusion
15 est erronée, le colonel Lasic ne parlait pas du déplacement forcé des
16 Musulmans.
17 L'allégation que l'objectif même de l'armée de la Republika Srpska
18 était le déplacement de la population ou le nettoyage ethnique signifierait
19 que l'armée de la Republika Srpska était, en soi, une organisation
20 criminelle et que donc tout membre de l'armée, par sa simple appartenance à
21 cette armée, était membre d'une entreprise criminelle. Il est évident que
22 ce n'était pas le cas.
23 La guerre en Bosnie-Herzégovine était de nature ethnique, ce que le
24 Procureur reconnaît lui-même dans le paragraphe 165 de son mémoire. Ceux
25 qui ont eu le malheur de vivre une guerre savent que contrairement à ce que
26 le général Smith voulait nous faire croire, la guerre n'est qu'une immense
27 souffrance. Elle n'offre que la peur, la douleur, et les tragédies.
28 Tout le monde sait que le déplacement forcé est interdit par le
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1 droit, mais le colonel Lasic ne parlait pas du déplacement forcé. Il
2 parlait de la séparation des peuples en guerre, la séparation qui aurait dû
3 limiter les souffrances lorsque aucune autre solution n'était plus
4 possible.
5 Je voudrais rappeler que dans une opinion consultative, la Cour
6 permanente de Justice internationale a écrit en 1930, dans l'affaire
7 concernant les communautés gréco-bulgares, que :
8 "Le but général de l'acte est ainsi : Par une émigration aussi large
9 que possible, d'éliminer ou de réduire dans les Balkans les foyers
10 d'agitation irrédentistes, que l'histoire des périodes précédentes
11 démontrait avoir été si fréquemment la cause de douloureux incidents ou de
12 graves conflits, et d'assurer mieux que par le passé l'œuvre de
13 pacification des pays d'orient."
14 Cette opinion concernait les Balkans et les événements tragiques
15 vécus par les peuples des Balkans tout au long du XXe siècle et dont la
16 guerre qui a éclaté en ex-Yougoslavie en 1990 fait partie affirme, même
17 après 80 ans, toute sa sagesse. La politique d'un peuple et de son armée ne
18 peut être jugée d'une manière générale, dans le vide. Elle doit être située
19 dans le cadre historique et social auquel elle appartient.
20 Dans ce contexte, la séparation dont le colonel Lasic parlait ne
21 signifiait pas le déplacement de la population. Mais la création des
22 entités différentes, l'entité serbe et musulmane, ce qui a été finalement
23 achevé avec la signature des accords de Dayton.
24 A la fin du XXe siècle, la Yougoslavie a éclaté en plusieurs Etats.
25 Le fondement de cet éclatement était l'appartenance ethnique. L'Union
26 soviétique a éclaté sur les mêmes bases ethniques, ainsi que la
27 Tchécoslovaquie. Tout comme ailleurs, les peuples de la Bosnie-Herzégovine
28 ne voulaient plus vivre dans un seul et même Etat. La guerre n'a pas éclaté
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1 parce que les Serbes et les Musulmans ne voulaient pas vivre dans un Etat
2 commun, mais parce qu'ils n'étaient pas capables de trouver un accord et de
3 se séparer en paix.
4 Le déplacement forcé est un crime. La séparation des peuples est un
5 moyen d'éviter la guerre, la souffrance, et la tragédie. Le colonel Lasic
6 parlait de cette séparation.
7 La guerre ne peut excuser et n'excuse pas les crimes, et ceux qui les
8 ont commis doivent en répondre; cependant, l'armée de la Republika Srpska
9 n'était pas une organisation criminelle. Mais l'armée du peuple serbe en
10 Bosnie.
11 L'appartenance du général Miletic à l'armée de la Republika Srpska
12 n'a aucune importance en soi. Le général Miletic, tout comme de nombreux
13 membres de l'armée de la Republika Srpska, n'avait pas d'intention
14 criminelle. Il n'avait pas d'intention de déplacer la population musulmane,
15 et il n'avait aucune volonté de participer à une telle entreprise.
16 Je voudrais me tourner maintenant à certaines allégations du
17 Procureur qui au-delà du fait qu'elles ne sont soutenues par aucune preuve,
18 dépassent complètement l'acte d'accusation en ce qui concerne le général
19 Miletic, cela appelle quelques remarques préliminaires.
20 Lorsque le Procureur a proposé la jonction d'instances, la Défense du
21 général Miletic s'y est opposée, car elle considérait que l'acte
22 d'accusation joint était confus, et que cette conclusion portait préjudice
23 à l'accusé qui en raison d'un acte d'accusation confus n'est pas en mesure
24 de comprendre la nature et les motifs des charges. La Défense du général
25 Miletic a également déposé une exception préliminaire dans laquelle elle a
26 souligné qu'il n'était pas suffisamment clair si le général Miletic était
27 accusé pour sa participation dans une seule entreprise criminelle ou dans
28 les deux entreprises alléguées dans l'acte d'accusation.
Page 34617
1 Comme suite à l'exception préjudicielle déposée par la Défense, la
2 Chambre a rendu sa décision le 31 mai 2006, dans laquelle elle a jugé dans
3 le paragraphe 47 que le général Miletic était accusé comme membre de
4 l'entreprise criminelle commune ayant pour but le déplacement forcé de la
5 population musulmane, et qu'il était accusé uniquement comme membre de
6 cette entreprise criminelle. Le Procureur n'a pas fait d'appel de cette
7 décision.
8 Le paragraphe 97 de l'acte d'accusation actuel évoqué par le
9 Procureur à l'appui de sa thèse selon laquelle le général Miletic aurait
10 été membre de l'entreprise criminelle commune ayant pour objectif les
11 meurtres, est identique à l'annexe A de l'acte d'accusation qui était sujet
12 de l'exception préjudicielle et de la décision du 31 mai 2006.
13 Un accusé n'est pas membre d'une entreprise criminelle commune parce
14 qu'une telle allégation existe dans l'acte d'accusation. L'appartenance
15 d'un accusé à une entreprise criminelle commune doit être prouvée. La
16 présomption d'innocence est le fondement de toute procédure pénale. Elle
17 est garantie par l'article 21.3 du Statut de ce Tribunal.
18 La thèse du Procureur selon laquelle le général Miletic aurait été
19 membre de l'entreprise criminelle commune ayant pour objectif les meurtres,
20 bien qu'il ne soit pas accusé pour la participation dans cette entreprise,
21 ignore tous les principes du droit pénal, défie toute la logique juridique,
22 et n'est pas acceptable.
23 Compte tenu de la jurisprudence permanente bien établie selon l'acte
24 d'accusation doit contenir des charges précises, et compte tenu de la
25 décision du 31 mai 2006, les paragraphes du mémoire du Procureur qui se
26 réfèrent à la participation prétendue du général Miletic dans l'entreprise
27 criminelle commune ayant pour objectif les meurtres vont tout simplement
28 être ignorés.
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1 Ni les meurtres à Nezuk, ni les meurtres des Musulmans amenés de
2 l'hôpital à Milici, ni le transfert des corps dans les fosses secondaires
3 ne font pas partie des charges contre le général Miletic. Les allégations
4 relatives à ces actes ne peuvent être prises en compte ni pour
5 l'établissement de l'intention du général Miletic, car comme l'a jugé la
6 Chambre de première instance dans l'affaire Djordjevic, l'intention peut
7 être déduite seulement dans les faits qui sont clairement allégués dans
8 l'acte d'accusation.
9 Egalement, le Procureur ne peut maintenant déduire l'intention du
10 général Miletic de sa connaissance prétendue des actes et des actions qui
11 ont lieu avant mars 1995. Si le Procureur voulait prouver l'intention du
12 général Miletic par les événements qui précédaient le 8 mars 1995, il
13 devait le dire dans l'acte d'accusation, or, il ne l'a pas fait. Il ne l'a
14 fait ni dans le mémoire préalable au procès ni dans sa déclaration
15 liminaire.
16 Conformément à la jurisprudence constante de la Chambre d'appel, le
17 Procureur ne peut modifier son affaire sans la modification formelle de
18 l'acte d'accusation si le déroulement du procès ne confirme pas cette thèse
19 initiale. Egalement, la Chambre ne peut fonder sa décision sur les faits
20 qui n'étaient pas allégués proprement.
21 Je voudrais dire quelques mots sur la partie du mémoire qui concerne
22 la colonne musulmane partie de Srebrenica.
23 Dans le paragraphe 1700, le Procureur allègue le rôle que le général
24 Miletic aurait eu dans le suivi de la colonne musulmane. Lors de l'audience
25 du 3 septembre 2009, le Procureur a fait savoir sa nouvelle et jusqu'alors
26 inédite position selon laquelle la colonne et les personnes dans la colonne
27 faisaient partie du transfert forcé. Je ne veux pas répéter les arguments
28 affirmant que cette colonne était une cible militaire légitime, ce qui a
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1 été confirmé même par l'expert militaire du Procureur, Richard Butler, le
2 23 janvier 2008; pages 20 244, 20 245. Ce que je veux souligner ce sont les
3 déclarations du Procureur, qui a dit, à deux reprises, sans aucune
4 ambiguïté, que cette était bien une colonne militaire, qu'elle a attaqué
5 les positions serbes, et surtout qu'elle n'était pas l'objet de l'acte
6 d'accusation. C'était le 1er novembre 2006, page 3 382, et le 7 février
7 2007, page 7 041.
8 L'interprétation donnée par le Procureur lors de l'audience du 3
9 septembre 2009 est contraire au témoignage de Richard Butler, qui a déclaré
10 que malgré la présence des civils dans la colonne, celle-ci était une cible
11 militaire légitime. Mais ce qui est bien plus grave, c'est que cette
12 nouvelle interprétation du Procureur est en contradiction avec ses propres
13 déclarations précédentes sur la colonne.
14 Le Procureur ne peut modifier sa position selon ses besoins du
15 moment. Si les actes destinés à neutraliser militairement la colonne
16 doivent constituer une contribution à l'entreprise criminelle commune, le
17 Procureur n'aurait pas dû déclarer que la colonne n'était pas l'objet des
18 charges. L'accusé a le droit de connaître les charges, et lorsque le
19 Procureur déclare, sur le compte rendu, que la colonne n'est pas l'objet de
20 l'acte d'accusation, l'accusé ne peut présumer qu'à l'heure du réquisitoire
21 le Procureur changera sa position.
22 Ce n'est pas tout. Le Procureur, en manque de preuves contre le
23 général Miletic, essaye de lui imputer maintenant d'autres faits jamais
24 allégués. Le Procureur n'a jamais allégué que le général Miletic avait un
25 rôle dans la mobilisation des autocars destinés au transport de la
26 population. Cependant, dans son mémoire, le Procureur essaye maintenant
27 d'imputer au général Miletic cette mobilisation. Aucune preuve ne permet
28 l'établissement d'un lien entre le général Miletic et la mobilisation des
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1 autocars. Mais si allégation fait partie de la contribution alléguée du
2 général Miletic à l'entreprise criminelle commune, elle aurait dû se
3 trouver dans l'acte d'accusation. Il en va de même pour l'approvisionnement
4 en armement des unités du Corps de Drina pendant l'opération Krivaja.
5 Aucune preuve ne soutient cette thèse du Procureur. Mais en plus, le
6 Procureur n'a jamais allégué que le général Miletic aurait été impliqué
7 dans cet approvisionnement.
8 Egalement, le Procureur n'a jamais allégué que le général Miletic ou
9 les officiers de l'organe opérationnel auraient été impliqués dans la
10 rédaction des ordres des 10 et 13 juillet 1995. Il s'agit des pièces P181
11 et P45.
12 La rédaction des ordres n'est pas une preuve; elle est un fait
13 matériel, tout comme la mobilisation et l'approvisionnement en armements.
14 Une participation éventuelle du général Miletic dans ces actes
15 constituerait les actes de l'accusé pouvant être jugés comme sa
16 contribution à l'entreprise criminelle commune. Or, si ces actes
17 constituent la contribution alléguée du général Miletic à l'entreprise
18 criminelle commune, ils auraient dû être exposés dans l'acte d'accusation,
19 ils ne l'étaient pas. Ces faits n'étaient exposés ni dans le mémoire
20 préalable au procès ni dans la déclaration liminaire. Même dans les
21 arguments présentés en application de l'article 98 bis du Règlement à la
22 fin de la présentation des moyens de preuve du Procureur, celui-ci n'a pas
23 allégué que le général Miletic aurait participé dans la rédaction de ces
24 ordres, dans la mobilisation des autocars, et dans l'approvisionnement en
25 armements des unités du Corps de Drina.
26 Par ailleurs, à plusieurs reprises dans son mémoire en clôture, le
27 Procureur allègue que les officiers des affaires opérationnelles
28 subordonnés au général Miletic auraient accompli certains actes. S'agissant
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1 de la responsabilité du général Miletic, de sa participation alléguée dans
2 l'entreprise criminelle commune, le Procureur doit prouver que le général
3 Miletic a contribué personnellement par ses actes personnels et individuels
4 à l'entreprise criminelle commune. Les agissements des autres officiers,
5 même des subordonnés au général Miletic, ne peuvent être imputés au général
6 Miletic pour les besoins de sa contribution à l'entreprise criminelle
7 commune.
8 Finalement, je voudrais dire quelques remarques sur les paragraphes
9 75(B) et (C) de l'acte d'accusation. Ce paragraphe contient le terme
10 anglais "monitor." Ce terme a été toujours traduit dans la version B/C/S de
11 l'acte d'accusation par le terme "superviser." Lors de l'audience du 26
12 novembre 2008, le Procureur a expliqué qu'il ne s'agissait pas de la
13 supervision, mais du suivi; cependant, le Procureur n'a jamais demandé la
14 correction de l'acte d'accusation en B/C/S, en se contentant de dire que le
15 B/C/S n'est pas la langue officielle du Tribunal.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant.
17 Autant le dire tout de suite, ce serait préférable, quel est le terme
18 utilisé dans la version en B/C/S de l'acte d'accusation ?
19 Mme FAUVEAU : "Nadzirati," n-a-d-z-i-r-a-t-i.
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Maître.Mme FAUVEAU :
21 Les règles relatives aux langues officielles n'ont pas d'application dans
22 ce cas. C'est l'article 21.4.A du Statut qui s'applique et qui garantit à
23 l'accusé de connaître la nature et les motifs des charges dans une langue
24 qu'il comprend.
25 Conformément à ce que le général Miletic pouvait comprendre de l'acte
26 d'accusation, il a été accusé d'avoir supervisé certaines activités. La
27 modification de ce terme en novembre 2008, plus de deux ans après
28 l'ouverture du procès, est définitivement préjudiciable à l'accusé. En
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1 plus, cette modification est intervenue après le témoignage de deux témoins
2 de la Défense, qui ont confirmé que le général Miletic n'était en charge ni
3 de superviser les activités des unités de la VRS ni celles de l'ennemi. Il
4 s'agissait de Ljubomir Obradovic, le 17 novembre 2008, pages 28 288 et 28
5 295; et de Novica Simic, le 19 novembre 2008, page 28 511.
6 L'acte d'accusation est un acte du Procureur. Le Procureur aurait dû
7 s'assurer que la traduction en B/C/S correspond à ses intentions. Le terme
8 "monitor" peut être traduit en B/C/S, et par le verbe "superviser" et par
9 le verbe "suivre." Il ne s'agit pas d'une erreur de traduction, mais de
10 l'ambiguïté de l'expression utilisée par le Procureur qui ne peut être
11 interprétée au détriment de l'accusé.
12 Avant de passer à l'analyse de l'affaire contre le général Miletic, je
13 voudrais dire quelques mots sur les preuves, tout d'abord, le témoignage du
14 général Milovanovic.
15 Pratiquement toute l'affaire du Procureur contre le général Miletic,
16 et particulièrement la partie concernant la fonction et la position du
17 général Miletic ainsi que son rôle dans la rédaction de la directive numéro
18 7 repose sur le témoignage du général Milovanovic. Le général Milovanovic
19 est un témoin du Procureur. Toutefois, même le Procureur met en doute sa
20 crédibilité lorsqu'il s'agit de la directive numéro 4, dans son mémoire, et
21 la directive numéro 7 lors de l'audience du 2 septembre 2009. Nous sommes
22 d'accord avec le Procureur lorsqu'il dit que le témoignage du général
23 Milovanovic n'est pas crédible lorsqu'il parlait des directives, mais nous
24 considérons aussi que le général Milovanovic n'est crédible ni lorsque
25 qu'il parle de la position et la fonction du général Miletic. Son
26 témoignage était tout simplement destiné à éviter, ou au moins à diminuer
27 sa propre responsabilité éventuelle. Malheureusement, lorsque le général
28 Milovanovic a témoignage, la Défense n'a pas eu en sa possession les
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1 documents qui démontrent sa présence, la présence du général Milovanovic,
2 dans le quartier général de l'état-major principal au printemps 1995. Sa
3 pleine connaissance de la directive numéro 7 et les actions qu'il a
4 entreprises dans la zone justement du Corps de Drina dans la période
5 pertinente, et ceci jusqu'au 1er juin 1995. Tous ces documents étaient
6 obtenus bien plus tard. Le document-clé, l'agenda de la secrétaire du
7 président Karadzic, n'a été obtenu qu'en septembre 2008.
8 En effet, de nombreux documents, pour la plupart favorables à la Défense,
9 étaient d'ailleurs obtenus dans ce procès dans une phase très avancée de la
10 procédure. Bien que nous déploierions cette situation, je voudrais
11 souligner que nous n'y voyons pas d'attitude impropre du Procureur.
12 S'agissant des autres preuves, je voudrais dire quelques mots sur les
13 conversations interceptées, qui constituent une partie considérable des
14 preuves admises. Ces conversations doivent être appréciées avec une grande
15 attention, et notamment lorsqu'il s'agit des conversations dans lesquelles
16 les remarques indiquant la perturbation ou la modulation vocale sont
17 mentionnées. Egalement, il faut faire surtout attention lorsqu'il s'agit
18 des dates, des noms des personnes mentionnées. Les erreurs ne peuvent pas
19 être exclues.
20 Les remarques concernant la perturbation et la modulation vocale indiquent
21 que l'audibilité et donc la compréhension de la conversation étaient
22 difficiles. En conséquence, la possibilité de l'erreur dans ces
23 conversations est plus élevée. Le contenu d'une conversation interceptée
24 qui n'est pas confirmée par d'autre preuve ne devrait pas être pris en
25 compte.
26 Je voudrais rappeler le témoignage d'un opérateur, PW-147, qui a reconnu
27 que dans certaines situations, les événements qui ont réellement eu lieu
28 étaient à l'opposé de ce qui avait été noté dans la conversation. C'était
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1 le 24 janvier 2007, pages 6 329 et 6 330. Finalement, bien que la
2 jurisprudence ne demande pas la corroboration des témoignages, cette
3 corroboration est néanmoins requise pour les témoignages admis en
4 application de l'article 92 bis lorsque l'auteur de la déclaration n'est
5 pas cité à comparaître et lorsqu'il n'a pas pu être contre-interrogé. Les
6 éléments d'une telle déclaration ne peuvent conduire à une déclaration de
7 culpabilité s'ils ne sont pas corroborés.
8 Je voudrais également aborder un point de droit que nous avons soulevé dans
9 les paragraphes 601 et 611 de notre mémoire, et qui concerne l'expulsion
10 des hommes musulmans de Zepa. Nous considérons que ces arguments que nous
11 avons exposés quant aux hommes musulmans à Zepa s'appliquent entièrement
12 aussi à la colonne qui était partie de Srebrenica et au transfert forcé qui
13 s'appliquerait - selon la nouvelle position du Procureur - à cette colonne.
14 Comme il ressort de notre mémoire, nous avons pris note de la jurisprudence
15 du Tribunal sur le statut des victimes des crimes contre l'humanité,
16 cependant venant du système continental, j'ai quelques difficultés à
17 accepter cette position. Les lois pénales appellent à une interprétation
18 restrictive et stricte. Le Statut de ce Tribunal a la force de la loi.
19 L'article 5 de ce Statut a posé des conditions générales qui doivent
20 être remplies pour tous les crimes contre l'humanité. Cet article dispose
21 que le Tribunal international est habilité à juger les personnes présumées
22 responsables des crimes suivants, lorsqu'ils ont été commis au cours d'un
23 conflit armé de caractère international ou interne et dirigé contre un
24 population civile quelle qu'elle soit. L'article 5 du Statut de ce Tribunal
25 diffère des dispositions contenues dans les autres textes internationaux
26 concernant les crimes contre l'humanité, notamment du Statut du tribunal
27 pour le Rwanda et du Statut de la Cour pénale internationale, qui exigent
28 que les crimes soient commis dans le cadre d'une attaque généralisée et
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1 systématique pour le Rwanda ou généralisée et systématique pour la Cour
2 pénale internationale. Devant ce Tribunal, l'exigence de cette attaque
3 généralisée ou systématique était ajoutée par la jurisprudence comme une
4 condition additionnelle nécessaire pour qu'un acte constitue le crime
5 contre l'humanité. Cela se comprend, cela ne porte aucun préjudice aux
6 accusés et cela ne sort pas du cadre de l'interprétation restrictive de la
7 loi pénale; cependant, cette attaque généralisée ou systématique est une
8 condition jurisprudentielle. Elle n'est pas dans le Statut.
9 L'article 5 du Statut ne mentionne pas une attaque généralisée ou
10 systématique. Il mentionne seulement un conflit armé. Comme il n'y a pas
11 d'attaque dans le texte, la population civile mentionnée dans l'article 5
12 ne peut être la cible d'une attaque, mais seulement des crimes qui y sont
13 mentionnés. Cet article, tel qu'il est, au moins en français, demande que
14 les crimes soient dirigés contre la population civile.
15 Cela dit, je voudrais préciser que nous considérons que la présence de
16 quelques militaires au sein de la population civile ne changera pas le
17 caractère civil de cette population, mais qu'également une unité militaire
18 ou un groupe de combattants en état de combattre, complètement séparé de la
19 population civile, ne peut être victime du crime contre l'humanité, tel que
20 dans le Statut de ce Tribunal.
21 S'agissant de la colonne partie de Srebrenica, ceux qui l'ont rejointe
22 l'ont fait dans le but de contribuer à l'action militaire qui était la
23 percée de la 28e Division de Srebrenica vers la Bosnie centrale. Ayant
24 rejoint une formation militaire, ils sont devenus les combattants. Il en va
25 de même pour les membres de la 285e Brigade de Zepa et ceux qui les ont
26 rejoints. Aussi bien la 28e Division que la 285e Brigade ont quitté
27 Srebrenica et Zepa avec l'intention de rejoindre le territoire musulman, et
28 si besoin se présente, de combattre les forces serbes. Les activités des
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1 forces serbes dirigées contre ces groupes étaient des activités purement
2 militaires.
3 Avant d'analyser l'éventuelle participation du général Miletic dans
4 l'entreprise criminelle alléguée, je voudrais dire qu'il n'y a pas de
5 preuve que le général Miletic aurait ordonné ou planifié les crimes
6 allégués, ce que le Procureur suggère dans son mémoire. Bien que le
7 Procureur laisse entendre que toutes sortes de documents transmis par le
8 général Miletic auraient engagé sa responsabilité pour avoir ordonné les
9 actes criminels, il n'a spécifié ni un ordre particulier ni le crime qui
10 aurait été commis comme suite à cet ordre.
11 Si, conformément à la jurisprudence du Tribunal, une personne peut être
12 tenue responsable pour avoir donné un ordre, même s'il a seulement transmis
13 un ordre et si l'ordre n'a pas à être donné dans une forme particulière, le
14 Procureur doit, toutefois, spécifier l'ordre particulier qui engagerait la
15 responsabilité de l'accusé pour avoir ordonné l'acte criminel constituant
16 un crime aux termes du Statut du Tribunal. Il doit également prouver que
17 l'ordre était illégal et qu'il était transmis avec la connaissance qu'un
18 crime peut être commis dans l'exécution de cet ordre. Finalement, il doit
19 prouver que le crime ordonné a été effectivement commis. Dans le cas
20 présent, le Procureur n'a prouvé aucun élément qui permettrait de dire que
21 le général Miletic a ordonné un crime.
22 Egalement, dans les paragraphes 1 741 et 1 743 de son mémoire, le Procureur
23 allègue que le général Miletic aurait planifié les crimes. Le paragraphe 1
24 743 est déjà contradictoire en soi, car tout d'abord, le Procureur allègue
25 que le général Miletic a assisté dans la planification des crimes pour dire
26 ensuite qu'il avait le rôle central dans la planification de la stratégie
27 implémentée ensuite par les dirigeants de la Republika Srpska et de la VRS
28 qui aurait finalement mené à la prise des enclaves et au déplacement de la
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1 population musulmane.
2 Tout d'abord, la planification d'un crime et la planification de la
3 stratégie qui ont pu mener à la commission d'un crime sont deux choses bien
4 différentes. La première suppose la planification directe d'un acte
5 criminel; par exemple, du déplacement de la population. La deuxième
6 constitue dans la planification d'une action pouvant être parfaitement
7 légale qui a ensuite mené à la commission d'un crime. La planification
8 d'une stratégie qui a mené à la commission d'un crime n'est pas la
9 planification dans le sens de l'article 7(1) du Statut, cependant elle peut
10 constituer la constitution à une entreprise criminelle commune.
11 Aucune preuve dans ce dossier ne soutient la thèse que le général Miletic
12 aurait planifié les actes criminels. Je parlerais un peu plus tard du rôle
13 du général Miletic dans la rédaction de la directive numéro 7, mais pour le
14 moment, je veux dire simplement que la thèse selon laquelle le général
15 Miletic aurait planifié la stratégie appliquée ensuite par les dirigeants
16 de la Republika Srpska est complètement illogique. Il est évident que la
17 stratégie appliquée par les dirigeants politiques et militaires ne pouvait
18 être planifiée que par ceci, certainement pas par un officier qui ne
19 faisait pas partie de ces dirigeants.
20 Le Procureur vous dit qu'il ne demande pas la condamnation du général
21 Miletic parce qu'il était chef de l'administration en charge des affaires
22 opérationnelles et de l'éducation de l'armée de la Republika Srpska, mais
23 c'est justement ce qu'il fait. Le général Miletic est accusé justement
24 uniquement en raison de la position qu'il a occupée. Il suffit de regarder
25 toute l'affaire contre le général Miletic, le mémoire du Procureur, le
26 réquisitoire, tout repose sur les phrases qui commencent "il aurait dû
27 savoir." Encore vendredi dernier, page 34 279, le Procureur a prononcé la
28 phrase qui commençait par :
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1 "C'est inimaginable pour le chef des opérations de ne pas savoir."
2 Ce n'est pas la question. Ça ne doit pas être la question dans un procès
3 pénal.
4 Mais commençons par le début, et pour commencer, il faut dire que le
5 Procureur présente de façon erronée la fonction du général Miletic, et
6 ceci, tout au long de la guerre. Par exemple, il ressort du paragraphe 69
7 du mémoire du Procureur que le colonel Lasic était subordonné au général
8 Miletic. Le Procureur ne se réfère à aucune preuve qui aurait confirmé
9 cette allégation, et il ne peut le faire car le colonel Lasic, qui a quitté
10 le département des Affaires opérationnelles de l'état-major principal le 21
11 mai 1993, n'était jamais subordonné au général Miletic. La pièce P3178 le
12 confirme.
13 Egalement, le Procureur prétend dans le paragraphe 1 662 de son mémoire que
14 le général Miletic était le chef adjoint des opérations avant de devenir le
15 chef des opérations en juin 1993. Tout d'abord, la fonction du chef des
16 opérations est inconnue dans l'ARSK et puis il est impossible de comprendre
17 si le Procureur pensait au chef de l'administration des Affaires
18 opérationnelles et de l'Education ou du département des Affaires
19 opérationnelles. A la décharge du Procureur, il faut noter que le
20 témoignage du général Milovanovic évoqué par le Procureur n'était pas
21 précis sur ce point; cependant, la preuve concrète des fonctions exercées
22 par le général Miletic est la pièce P3178, qui démontre clairement que le
23 général Miletic n'était jamais le chef adjoint de l'administration des
24 Affaires opérationnelles et de l'Education et qu'il n'a jamais eu des
25 fonctions dans le département des Affaires opérationnelles. Le document
26 P3178 est une preuve crédible à laquelle le Procureur lui-même se réfère à
27 plusieurs occasions.
28 Dans le paragraphe 1662, le Procureur allègue que le général Miletic
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1 était dans l'organe des Affaires opérationnelles au moment de la rédaction
2 de la directive numéro 4 ainsi qu'au moment des activités militaires à
3 Cerska, fin 1992, début 1993. Ces allégations ne sont soutenues par aucune
4 preuve et sont également contraire au document mentionné, P3178.
5 Le Procureur indique aussi que le général Miletic était impliqué dans la
6 rédaction de l'analyse relative à l'aptitude au combat pour l'année 1992 et
7 qu'il devait aider son supérieur, Dragutin Ilic lors de cette rédaction. Le
8 Procureur se réfère à Richard Butler qui a dit que le général Miletic était
9 subordonné à Dragutin Ilic, mais qu'il n'a jamais dit qu'il était impliqué
10 dans la rédaction de cette analyse. Par ailleurs, ce que le général Miletic
11 devait faire n'a aucune importance. Le Procureur aurait dû prouver ce que
12 le général Miletic a fait; or, il n'a pas prouvé que le général Miletic
13 avait participé dans la rédaction de l'analyse de l'aptitude au combat pour
14 l'année 1992.
15 L'allégation du Procureur selon laquelle l'opération Printemps à laquelle
16 le général Miletic a participé a duré environ un mois est également
17 erronée. Dragisa Masal a dit que cette opération a duré tout au plus une
18 semaine ou une dizaine de jours. Le 2 décembre 2008, page 29 143. En effet,
19 l'opération Printemps a duré exactement cinq jours, du 3 mai au 8 mai 1993.
20 L'ordre du 1er mai 1993, la pièce P2742 citée par le Procureur, indique le
21 commencement de l'opération le 3 mai. Cette opération a bien été terminée
22 avec la création de la zone de sécurité Zepa, le 8 mai 1993, ce que le
23 Procureur reconnaît.
24 Mais voyons un peu ce que cet ordre du 1er mai signifie vraiment et ce que
25 le général Miletic pouvait en comprendre. Dans le paragraphe 1667, le
26 Procureur arrive à une conclusion manifestement erronée lorsqu'il dit que
27 l'ordre du général Miletic du 1er mai 1993 était une tentative de la
28 réalisation du troisième objectif stratégique du déplacement des Musulmans
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1 de la vallée de Drina. L'ordre du 1er mai 1993 n'est pas un ordre du général
2 à l'époque, le colonel Miletic, mais du général Milovanovic.
3 En plus, la conclusion du Procureur que l'objectif de cette opération était
4 le déplacement des Musulmans n'est pas une conclusion raisonnable. Tout au
5 contraire, le seul objectif de cette opération, clairement indiqué dans les
6 points 4 et 5 de l'ordre P2742, était l'attaque sur les forces musulmanes.
7 L'ordre prévoyait la possibilité pour la population musulmane de rester ou
8 de partir en Bosnie centrale. Cette possibilité ne signifie pas le
9 déplacement forcé de la population. Le déplacement de la population n'est
10 pas nécessairement l'objectif de l'attaque. Elle était souvent la
11 conséquence des activités militaires et du changement du pouvoir. Dans
12 l'ordre du 1er mai 1993, cette possibilité était prévue mais elle n'était
13 pas prévue afin de forcer la population à partir mais afin de lui assurer
14 la sécurité si elle décidait de partir.
15 Le Procureur reconnaît que l'attaque à Zepa en mai 1993 a cessé avec la
16 création de la zone de sécurité. Parallèlement avec la création de la zone
17 de sécurité, Zepa aurait dû être démilitarisé. Il est évident que l'ARSK
18 considérait que les objectifs de l'opération Printemps étaient réalisés
19 avec la démilitarisation de la zone à laquelle l'état-major principal de la
20 VRS croyait à l'époque. La fin qui était mise aux activités militaires
21 lorsque la zone démilitarisée a été créée démontre bien que l'objectif de
22 cette opération n'était pas le déplacement de la population mais la
23 neutralisation des forces musulmanes, ce qui est un objectif naturel et
24 légitime de tout confit armé.
25 La directive numéro 6, P3919, démontre aussi que le déplacement de la
26 population musulmane n'était pas l'objectif de l'ARSK. Cette directive
27 émise en 1993, après la création des zones démilitarisées, ne mentionnait
28 pas la vallée de Drina parmi les objectifs de l'ARSK. La démilitarisation
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1 des zones sous pouvoir musulman dans la vallée de Drina était l'achèvement
2 de tous les objectifs de l'ARSK dans cette zone.
3 Les documents de l'ARSK ne peuvent être interprétés ni dans le vide ni dans
4 la lumière des événements qui se sont produits deux ans après. Un document
5 doit être apprécié dans le contexte dans lequel il a été écrit. La
6 possibilité offerte à la population civile dans l'ordre du 1er mai 1993
7 n'est pas l'expression de l'intention de déplacer la population musulmane,
8 mais du fait que la population suivait souvent son armée. Cette phase,
9 contrairement aux allégations du Procureur, indique que lors de la
10 rédaction de cet ordre, les mesures étaient prises afin d'assurer la
11 sécurité de la population civile.
12 L'interprétation du Procureur de cet ordre démontre que le Procureur
13 ignore le conflit armé dont l'objectif était de vaincre les forces
14 ennemies. Contrairement aux conclusions du Procureur, aucune signification
15 illégale ne peut être attribuée aux documents de l'armée de la Republika
16 Srpska lorsqu'une explication militaire raisonnable existe. L'ordre du 1er
17 mai 1993 est un acte militaire parfaitement régulier et légal qui ne permet
18 aucune autre interprétation.
19 La participation du général Miletic dans l'opération Printemps était
20 justifiée militairement et était parfaitement légale. Aucune intention
21 criminelle ne peut en être déduite.
22 La démarche adoptée par le Procureur dans l'interprétation de l'ordre du 1er
23 mai 1993 est significative. En effet, le Procureur essaie d'attribuer à
24 tous les documents de la VRS, sans égard à leur contenu et leur objectif
25 réel, un but illégal car il les interprète a posteriori en y cherchant
26 l'annonce des événements tragiques qui se sont déroulés en juillet 1995.
27 Une telle approche n'aide pas la Chambre, car la Chambre ne peut déduire
28 l'intention criminelle d'un acte; une autre conclusion raisonnable
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1 s'impose.
2 Mais revenons à la fonction du général Miletic. En effet, le Procureur
3 identifie le général Miletic avec l'état-major principal, et impute toutes
4 les actions de l'état-major principal au général Miletic. Pendant tout le
5 procès, le Procureur a essayé de placer le général Miletic à la position
6 qui n'était pas la sienne et de lui attribuer les connaissances relatives à
7 la situation sur le front dans les unités subordonnées, aux renseignements,
8 logistique, mobilisation, et à tout autre aspect du travail de l'armée de
9 la Republika Srpska plus précises, plus élaborées, plus larges que celles
10 que même le commandant avait. Il est évident que cette théorie n'est
11 soutenue par aucune preuve et qu'elle était complètement erronée.
12 Le général Miletic n'est pas l'état-major principal. Sa contribution
13 éventuelle à l'entreprise criminelle commune alléguée peut être appréciée
14 seulement sur la base de ses agissements personnels. Les actes de l'état-
15 major principal ne peuvent être imputés au général Miletic, sauf s'il
16 s'agit des actes dans lesquels sa participation a été prouvée. Le général
17 Miletic n'était pas le commandant de l'état-major principal et n'était pas
18 censé savoir tout ce qui s'y passait. Il ne peut être tenu responsable pour
19 tout acte de l'état-major principal.
20 Quelle que soit la fonction que le général Miletic a occupée et
21 exercée, cette fonction en soi ne peut être la preuve ni de son
22 appartenance prétendue à l'entreprise criminelle alléguée, ni de sa
23 contribution éventuelle à celle-ci. Le Procureur a consacré une grande
24 partie de ce procès et de son mémoire à la fonction du général Miletic afin
25 de masquer l'insuffisance des preuves pour établir la responsabilité
26 éventuelle du général Miletic.
27 Je ne souhaite pas répéter les arguments relatifs à la fonction du
28 général Miletic présentés dans notre mémoire desquels ressort clairement
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1 que le général Miletic n'a jamais eu l'autorité et les pouvoirs du chef de
2 l'état-major et qu'il n'avait jamais été le conseiller principal du général
3 Mladic. Je voudrais seulement souligner certaines conclusions du Procureur
4 complètement infondées.
5 Lorsqu'il essaie d'expliquer la fonction du général Miletic, le
6 Procureur cite principalement le témoignage du général Milovanovic. Dans
7 les paragraphes 1635, 1653, le Procureur se réfère 25 fois au général
8 Milovanovic. Or, le Procureur reconnaît lui-même que le général Milovanovic
9 n'est pas crédible. Lorsqu'il ne se réfère pas au général Milovanovic, le
10 Procureur cite le Règlement 7D P410, applicable au corps, alors que les
11 unités dont la structure, organisation et fonction étaient bien différentes
12 de celles de l'état-major principal; une preuve qui n'est guère plus
13 convaincante que le témoignage du général Milovanovic lorsqu'il s'agit des
14 fonctions du général Miletic. Ces preuves ne reflètent pas les fonctions du
15 général Miletic et ne permettent pas de déduire ce que le général Miletic
16 faisait réellement. Ces preuves ne disent rien sur les tâches du général
17 Miletic au moment des activités autour de Srebrenica et Zepa.
18 Lorsque le commandant, le chef de l'état-major et de nombreux
19 assistants du commandant étaient absents de l'état-major principal et
20 lorsque la situation était bien éloignée de la situation régulière décrite
21 par le général Milovanovic et complètement différente de celle décrite dans
22 le Règlement cité qui, d'abord, s'appliquait dans les corps et qui en plus,
23 était destiné à être appliqué dans le temps de paix.
24 Un exemple de l'inutilité totale de ces preuves et l'allégation du
25 Procureur selon laquelle le général Miletic aurait dû donner au général
26 Mladic les suggestions concernant l'utilisation des unités. Bien entendu,
27 la preuve citée par le Procureur est le témoignage du général Milovanovic.
28 Cependant, dans ce procès, il n'est pas important si le général Miletic
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1 pouvait ou devait suggérer l'utilisation des unités, mais s'il l'a fait
2 dans le cas des unités du Corps de Drina dans la période de mars en août
3 1995. Aucune preuve ne confirme que le général Miletic l'a fait. En effet,
4 aucune preuve ne confirme que le général Miletic a suggéré quoi que ce soit
5 au général Mladic ou que celui-ci ne l'a jamais consulté.
6 Le général Milovanovic est l'homme de confiance du général Mladic
7 pendant toute la guerre. Il l'a reconnu lui-même. Le général Mladic lui
8 aussi a reconnu à la fin de la guerre la position privilégiée du général
9 Milovanovic. Dans son discours, au début de l'année 1996, le général Mladic
10 a exprimé sa gratitude et sa reconnaissance au général Milovanovic par les
11 mots suivants :
12 "Encore une fois, je vous remercie, particulièrement vous, le général
13 Milovanovic, mon bras droit, qui m'avez représenté avec beaucoup de succès
14 et qui m'avez aidé énormément."
15 Lors de l'audience du 7 septembre, le Procureur a déclaré que la
16 présence du général Milovanovic au quartier général de l'état-major
17 principal ne changeait pas grand-chose quant à la position du général
18 Miletic. Mais dans le paragraphe 11 de l'acte d'accusation, le Procureur a
19 décrit le général Miletic comme le conseiller principal du général Mladic
20 justement pour avoir représenté le général Milovanovic. Or, si le général
21 Milovanovic était dans le quartier général de l'état-major principal,
22 personne ne pouvait le représenter.
23 La Défense affirme que le général Miletic, avec ou sans la présence du
24 général Milovanovic, n'était jamais le conseil principal du général Mladic.
25 Toutefois la déclaration du Procureur, selon laquelle le retour du général
26 Milovanovic, ne changeait rien quant à la situation du général Miletic, et
27 dans le cadre de l'affaire du Procureur contre le général Miletic,
28 dépourvue de toute logique.
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1 Par ailleurs, le Procureur utilise des méthodes différentes pour évaluer le
2 rôle du général Miletic et celui du général Milovanovic. Conformément aux
3 allégations du Procureur, le seul fait que le général Milovanovic était
4 sorti du quartier général de l'état-major principal lui enlèverait toute la
5 responsabilité, bien qu'il soit envoyé sur le terrain justement pour
6 évaluer la situation et justement pour apporter les information au général
7 Mladic. De l'autre côté, le général Miletic, même lorsqu'il est en
8 permission à Belgrade, aurait pu s'informer sur la situation. C'est
9 absurde, notamment si l'on prend en compte le fait que le général
10 Milovanovic était sans l'ombre d'un doute et pendant toute la guerre le
11 collaborateur principal, le plus proche et le plus apprécié du général
12 Mladic.
13 Il n'est pas en dispute que le général Miletic travaillait avec le
14 général Milovanovic. Il était subordonné au général Milovanovic; cependant,
15 ce fait n'assiste en rien le Procureur, car le général Milovanovic,
16 conformément à l'acte d'accusation, n'est pas membre de l'entreprise
17 criminelle commune.
18 Le général Miletic n'a jamais été dans la position du général
19 Milovanovic. En conséquence, le général Mladic ne l'a certainement pas
20 informé de toute action militaire conçue et décidée.
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 activités des niveaux différents, stratégiques, opérationnels et tactiques,
26 et contrairement à toutes le preuve, impute le même rôle au général Miletic
27 dans toutes les actions.
28 Le général Miletic ne faisait pas partie du cercle restreint de
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1 l'état-major principal. Il ne participait pas dans la prise de décisions.
2 Le général Mladic ne l'a pas mentionné parmi ses proches collaborateurs
3 dans son discours à la fin de la guerre; la pièce 5D1445.
4 Le Procureur est silencieux sur ce discours du général Mladic,
5 pourtant le discours du général Mladic est la preuve cruciale lorsqu'il
6 s'agit du rôle du général Miletic. Le général Mladic parlait devant ses
7 collaborateurs, devant les officiers qui savaient quel était le rôle des
8 membres de l'état-major principal et devant qui il ne pouvait et n'avait
9 aucune raison d'omettre de citer tous ces proches collaborateurs. Le
10 général Miletic était présent lors de ce discours, et s'il était l'un des
11 proches collaborateurs du général Mladic, le général Mladic ne l'aurait
12 certainement pas oublié.
13 Comme le général Miletic n'était pas dans le cercle des plus proches
14 collaborateurs du général Mladic, il est difficile d'envisager qu'il
15 pouvait se trouver dans la position unique de conseiller le général Mladic.
16 En effet, pour que le général Miletic puisse se trouver dans la position de
17 donner un conseil au général Mladic, il fallait que celui-ci lui donne une
18 occasion, c'est-à-dire qu'il lui demande un conseil. Le Procureur n'a
19 présenté aucune preuve que le général Mladic s'est adressé au général
20 Miletic pour un conseil, ou que le général Miletic lui a donné un tel
21 conseil. La seule preuve d'une nature semblable est le document 5D1016, qui
22 date de 1994 mais, dans ce document, le général Miletic a seulement
23 transmis au général Mladic la proposition du commandant du corps de Drina.
24 En plus, ce document démontre que le général Mladic n'a pas accepté la
25 proposition du commandant du corps de Drina, et que son opinion était
26 différente de celle du général Miletic, ou plutôt que le général Miletic
27 n'était pas d'accord avec la décision du général Mladic.
28 Ni l'allégation du Procureur dans le paragraphe 1650 que l'influence
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1 du général Miletic dans l'état-major principal aurait augmenté, et que ses
2 propositions auraient été respectées et acceptées, n'est soutenue par les
3 preuves. Le général Miletic était le seul général dans l'état-major
4 principal qui n'a pas été mentionné dans le discours du général Mladic
5 prononcé à la fin de la guerre.
6 Par ailleurs, la conversation entre le général Mladic et le général
7 Tolimir du 24 juillet 1995 - il s'agit de la pièce P1327 - indique bien
8 combien le général Mladic respectait et acceptait les propositions du
9 général Miletic. Dans cette conversation, le général Mladic n'a même pas
10 pris en considération l'opinion du général Miletic et a ordonné au général
11 Tolimir justement le contraire de ce que le général Miletic a proposé.
12 Également, le Procureur n'a aucune preuve pour ses allégations selon
13 lesquelles le général Miletic aurait eu le rôle essentiel dans chacune des
14 décisions prises dans la réalisation de l'objectif de l'entreprise
15 criminelle commune alléguée et selon lesquelles les décisions du général
16 Miletic auraient été cruciales dans les efforts de vaincre militairement
17 les forces musulmanes, et de déplacer la population musulmane de Srebrenica
18 et Zepa. Le Procureur ne se réfère à aucune décision du général Miletic, et
19 il ne peut le faire car ces décisions n'existent pas.
20 Dans son mémoire au paragraphe 131, le Procureur cite le général
21 Nicolai, qui a déclaré que les réponses utiles à l'état-major principal la
22 VRS pouvaient être obtenues seulement des généraux, car les généraux
23 étaient probablement les seuls autorisés à prendre les décisions. Le
24 général Miletic était colonel jusqu'à la fin du mois de juin 1995. Donc, si
25 on croit le général Nicolai, il est à supposer que le Procureur le croit et
26 le cite, le général Miletic, est devenu le général le 28 juin 1995, au
27 moins jusqu'à cette date, jusqu'à la fin de juin, ne pouvait avoir aucun
28 rôle essentiel dans la prise des décisions.
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1 Le général Mladic, commandant de la VRS peut certainement dire avec
2 plus d'autorité que le général Nicolai qui dans l'état-major principal
3 participait dans la prise de décisions et il l'a fait. Dans le discours
4 mentionné déjà plusieurs fois, le général Mladic a énuméré les officiers
5 qui ont participé dans la prise de décisions. Il n'a pas mentionné le
6 général Miletic.
7 Je voudrais parler de l'aide humanitaire avant la directive parce que je
8 crois qu'il n'y a aucun lien entre les deux.
9 Tout d'abord, il n'y a aucune preuve de politique particulière de la
10 VRS concernant l'approvisionnement en aide humanitaire des enclaves en
11 Bosnie orientale.
12 S'agissant de l'aide humanitaire, la Défense était dans une position
13 difficile, car comme nous avons indiqué dans notre mémoire, et comme vous
14 avez remarqué, certains faits importants défavorables à la Défense étaient
15 constatés judiciairement. La position de la Défense était d'autant plus
16 difficile car les documents pertinents à l'aide humanitaire sont en
17 possession des organisations qui n'ont pas d'obligation de coopérer avec le
18 Tribunal.
19 Nous savons tous quelle est la position des organisations
20 internationales humanitaires quant à la production de leurs documents, et
21 je ne pense pas que j'aie besoin d'élaborer ce point. Toutefois, je
22 voudrais rappeler que bien que la Défense ait eu la charge de présenter les
23 preuves afin de réfuter les faits constatés judiciairement, la charge de
24 prouver les faits allégués au delà de tout doute raisonnable demeurait sur
25 le Procureur, or selon les preuves présentées dans ce procès, j'ai plus
26 qu'un doute sur les allégations du Procureur. Les preuves présentées dans
27 ce procès ne permettent plus la constatation qu'au début de 1995, de moins
28 en moins de convois de l'aide humanitaire venaient à Srebrenica. Elles ne
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1 permettent plus la constatation que les Serbes de Bosnie essayaient
2 délibérément de limiter l'accès aux enclaves, aux convois humanitaires, et
3 que le blocage des convois humanitaires faisait partie d'un plan.
4 Le tableau à la page 21 de la pièce P4145 prouve au delà de tout doute
5 raisonnable que l'aide humanitaire était délivrée aux enclaves en Bosnie
6 orientale, et notamment à Srebrenica et Zepa, régulièrement jusqu'au mois
7 de juin 1995. Aucune diminution n'est survenue comme suite à la directive
8 numéro 7. Cette pièce P4145 qui est sans aucun doute la meilleure preuve
9 quant à l'aide humanitaire délivrée aux enclaves, prouve que ces enclaves.
10 Srebrenica et Zepa étaient mieux approvisionnées que les autres enclaves en
11 Bosnie, que l'aide qui leur était délivrée en mars, avril et mai 1995 a
12 augmentée par rapport à février 1995 et qu'en tout cas, en 1995 et jusqu'au
13 mois de juin, elle était délivrée bien plus régulièrement qu'en 1994.
14 La pièce P4145 est le document de l'organisation qui est la mieux placée
15 pour connaître la situation humanitaire et les quantités de l'aide
16 humanitaire délivrée. Il serait contraire à bon sens de l'ignorer au profit
17 des témoignages, qui à la lumière de cette pièce semble être complètement
18 erronée. Je ne peux que regretter que cette organisation internationale n'a
19 pas mis à la disposition de la Défense des archives, ni les demandes
20 adressées aux autorités serbes et les réponses de celles-ci. Ces documents
21 auraient permis de démontrer avec encore plus de force l'inexistence d'un
22 plan destiné à restreindre l'aide humanitaire.
23 Les témoignages auxquels le Procureur se réfère à l'appui de sa thèse sont
24 les témoignages qui en absence des autres preuves, emmenait ce Tribunal de
25 juger dans les affaires précédentes, que l'aide humanitaire était
26 délibérément restreinte et ceci depuis le début de 1995. Ce sont les
27 témoignages des membres du DutchBat, de Johannes Rutten, par exemple, qui
28 se souvient d'un seul convoi de l'UNHCR en mars 1995, tandis que le
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1 document P4145 nous renseigne que 11 convois y sont arrivés. Le Témoin
2 Rutten ne se souvient d'aucun convoi de l'UNHCR au mois d'avril, or il y en
3 avait dix apportant une quantité d'aide humanitaire plus grande que les 11
4 convois en mars. Ce témoignage de Johannes Rutten se trouve dans le compte
5 rendu du 7 décembre 2006, page 5 235. C'est aussi le témoignage de Robert
6 Franken, qui ne se souvient pas des problèmes avec l'UNHCR, et qui s'est
7 rappelé seulement après avoir lu un extrait du rapport de NIOD, 5D54. Il
8 avait essayé d'imposer le contrôle à un convoi de l'UNHCR. Toutefois, il ne
9 se rappelait pas que le convoi de l'UNHCR n'était pas rentré à Srebrenica
10 précisément en raison de ses agissements et de sa décision. C'était le 18
11 octobre 2006, page 2 639, 2 640.
12 Nous sommes en juin 1995, les forces musulmanes ont lancé une offensive
13 générale sur les positions serbes, notamment à Sarajevo, mais les forces de
14 Srebrenica et Zepa y ont donné sa contribution, comme le démontre la pièce
15 5D229. Toutefois, le convoi de l'UNHCR pour Srebrenica a obtenu
16 l'autorisation des autorités serbes. Il est passé le point de contrôle de
17 la VRS, mais il n'est pas entré à Srebrenica.
18 En juin 1995, la situation humanitaire était difficile partout, elle
19 l'était à Srebrenica aussi. Mais Robert Franken, le commandant adjoint du
20 DutchBat, a décidé à la demande de l'ABiH, d'imposer un contrôle au convoi
21 de l'UNHCR, provoquant ainsi le départ du convoi, qui en conséquence n'a
22 pas livré l'aide apportée. Robert Franken a oublié ce convoi de l'UNHCR, il
23 a oublié aussi que le DutchBat, l'unité dont il était le commandant
24 adjoint, s'approvisionnait à Bratunac. Bien sûr que les restrictions
25 existaient, mais elles étaient limitées, et surtout, elles n'étaient pas
26 imposées dans le but de créer les conditions invivables à la population
27 musulmane. Elles étaient le résultat de nombreux abus auxquels l'ABiH et
28 ceux qui transportaient l'aide humanitaire se sont livrés. Personne ne peut
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1 exclure la possibilité que les restrictions, lorsqu'elles étaient imposées
2 étaient justifiées.
3 Je prendrais l'exemple cité par le Procureur, le camion avec le
4 matériel scolaire. Cette interdiction semble bizarre. Pourquoi interdire le
5 matériel scolaire ? Tout simplement parce que cette demande était faite en
6 juin. Les enfants sont en vacances scolaires en juin, mais l'ABiH trouvait
7 bien utile les cahiers destinés aux enfants. Tout le monde se souvient des
8 carnets utilisés par les opérateurs des conversations interceptées. Il
9 suffit de regarder ces carnets. Par exemple, P2328, c'était des cahiers des
10 écoliers, mais utilisés aux fins militaires par l'ABiH.
11 Je voudrais dire aussi quelques mots sur l'approvisionnement en
12 médicaments.
13 Le Procureur prétend qu'il n'y avait plus personne à Potocari lorsque
14 le rapport 5D1446 a été écrit. Ce rapport soutient seulement l'extrait du
15 rapport de NIOD, dont le numéro 5D53 était omis par inadvertance de la note
16 de bas de page numéro 568 de notre mémoire. Bien entendu que les blessés
17 étaient toujours à Potocari le 13 juillet 1995, ils n'étaient évacués que
18 le 18 juillet 1995. Même Robert Franken a reconnu que les blessés sont
19 restés dans la base à Potocari après l'évacuation de la population. Eelco
20 [phon] Koster a déclaré aussi, dans sa déclaration admise en application de
21 l'article 92 ter, que les blessés sont restés dans la base du DutchBat.
22 Le rapport de l'UNMO du 17 juillet 1995, P524, confirme que le 17
23 juillet 1995, les blessés étaient toujours à Potocari.
24 Est-ce qu'on peut passer à huis clos ?
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Volontiers. Nous allons passer à huis
26 clos partiel.
27 Nous sommes à huis clos partiel, Maître Fauveau.
28 [Audience à huis clos partiel]
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28 [Audience publique]
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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience publique.
2 Si vous voulez faire une pause, Maître, dites-le-nous, nous pourrons le
3 faire.
4 Mme FAUVEAU : [aucune interprétation]
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Pause de 25 minutes.
6 --- L'audience est suspendue à 12 heures 27.
7 --- L'audience est reprise à 12 heures 57.
8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Fauveau.
9 Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, je voudrais rester quelques minutes
10 sur cette évacuation des blessés de Potocari. Nous avons exposé nos
11 arguments y concernant dans les paragraphes 343 et 349 de notre mémoire. Je
12 voudrais seulement dire que cette évacuation a été demandée par le
13 DutchBat. Robert Franken l'a dit, le 16 octobre 2006, page 2 515 par le MSF
14 et que, le 16 juillet, le général Nikolai attendait avec impatience
15 l'autorisation pour acheminer à Potocari le convoi destiné à évacuer les
16 blessés. Ce sont les pièces P1191 et P2978.
17 Lorsque les notifications relatives portant le nom du général Miletic
18 étaient envoyées, l'évacuation de ces blessés était la seule solution
19 possible. Il est évident que ni le DutchBat ni MSF n'allaient rester à
20 Potocari et que les blessés devaient être évacués. D'ailleurs, je doute
21 fort que le Procureur, qui par ailleurs allègue qu'il n'y avait pas de
22 médicaments à Potocari, voulait sérieusement suggérer que ces notifications
23 ne devaient pas être envoyées et que l'évacuation des blessés n'était pas
24 nécessaire.
25 Voyons maintenant la transmission des messages dont le Procureur parlait le
26 2 septembre. Il s'agit de la conversation P1237. La Défense ne conteste pas
27 que le général Miletic aurait pu transmettre le message et qu'il est
28 possible que ce message concernait l'évacuation. Mais cette conversation
Page 34644
1 dans laquelle le général Miletic est mentionné ne permet aucune conclusion
2 sur les connaissances du général Miletic quant à l'objet précis de la
3 demande mentionnée, encore moins sur l'intention du général Miletic. Cette
4 conversation permet seulement de conclure que le général Miletic n'avait
5 pas d'autorisation de prendre une décision.
6 Que devait d'ailleurs faire le général Miletic dans cette situation ?
7 Devait-il refuser de transmettre le message, et par cet acte, bloquer peut-
8 être l'évacuation demandée par toutes les organisations internationales en
9 Bosnie-Herzégovine, y compris la FORPRONU ? Par ailleurs, nous ne croyons
10 pas que le document P260, qui a été transmis le 18 juillet à 17 heures, est
11 lié à la conversation qui a eu lieu le 17 juillet à 21 heures; P1237. Il
12 est peu probable, en fait, il est complètement improbable que le colonel
13 Jankovic aurait attendu pratiquement 24 heures pour adresser ces demandes.
14 En plus, la pièce P260 se réfère aux événements du 18 juillet qui ne
15 pouvaient pas être l'objet d'une conversation déjà le 17 juillet 1995.
16 Je voudrais maintenant revenir à l'aide humanitaire. La thèse du Procureur
17 selon laquelle les autorités serbes auraient demandé la réciprocité est,
18 ainsi conditionnelle au passage de l'aide humanitaire aux Musulmans par
19 l'aide attribuée aux Serbes, en contradiction avec la thèse que les
20 restrictions auraient été destinées à créer les conditions insupportables
21 pour la population musulmane. Si cette réciprocité était la condition posée
22 par les Serbes, les restrictions, qui de toute façon étaient limitées, ne
23 peuvent être attribuées à l'intention de créer les conditions
24 insupportables aux Musulmans mais plutôt à la volonté d'assurer les
25 meilleures conditions aux Serbes; cependant, cette thèse, bien qu'elle soit
26 d'une certaine façon favorable à la Défense, n'est pas exacte. La
27 réciprocité a été demandée une seule fois car l'allégation du Procureur
28 dans le paragraphe 226, note de bas de page 513, selon laquelle le "fuel"
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1 aurait été autorisé pour les enclaves seulement si les Serbes l'obtenaient,
2 aussi n'est pas exact. Conformément à la pièce P2689, le "fuel" pour
3 Srebrenica était autorisé sans aucune condition.
4 Lorsque les autorités serbes ont demandé l'aide humanitaire pour les
5 Serbes afin d'autoriser le passage d'un convoi, il ne s'agissait pas des
6 convois destinés à la population musulmane mais des convois de la FORPRONU.
7 Cela a eu lieu le 1er juillet 1995, P2554.
8 Dans notre mémoire, paragraphes 254, 262, nous avons parlé des problèmes
9 liés à l'aide humanitaire en juin 1995, problèmes qui n'étaient nullement
10 liés à la politique serbe. En juin 1995, l'UNHCR a prévu 1 250 tonnes
11 d'aide humanitaire pour Banja Luka. La pièce P4145 page 19 atteste que rien
12 n'est arrivé et quand je dis rien, c'est rien, zéro. Dans cette situation,
13 une seule et unique fois les autorités serbes ont demandé la réciprocité,
14 qui d'ailleurs n'a pas mis en cause l'approvisionnement de la population
15 musulmane.
16 Les convois de l'aide humanitaire et les convois de la FORPRONU
17 étaient différents à tout points de vue. Ils étaient également soumis à la
18 procédure différente. Cette différence est essentielle car contrairement
19 aux allégations du Procureur, l'organe de Coordination octroyait les
20 autorisations pour les convois humanitaires. Nous en avons parlé dans les
21 paragraphes 322 jusqu'à 342 de notre mémoire.
22 En plus, le Procureur est en possession de la documentation originale de
23 l'état-major principal concernant les convois qui étaient d'ailleurs
24 l'objet de la stipulation entre le Procureur et la Défense du général
25 Miletic. Il s'agit de la pièce 5D1447. Tous ces documents concernent les
26 convois de la FORPRONU.
27 Si la procédure avait été la même, les documents relatifs aux convois
28 humanitaires s'y seraient trouvés parmi ces documents aussi.
Page 34646
1 Cependant ce dont je veux parler n'est pas la confusion entre les convois
2 humanitaires et les convois de la FORPRONU omniprésentes dans le mémoire du
3 Procureur, mais la contradiction entre la partie du mémoire du Procureur
4 concernant la contribution prétendue du général Miletic aux restrictions
5 des convois, les paragraphes 1679, 1687 et la partie générale relative aux
6 restrictions de l'aide humanitaire, paragraphes 215, 250.
7 Dans le paragraphe 219 de son mémoire, le Procureur a décrit la procédure
8 d'octrois des autorisations aux convois de la FORPRONU et a reconnu que le
9 général Miletic ne prenait pas de décisions. Le Procureur a reconnu aussi
10 que le général Miletic n'a pas rédigé les notifications. En effet, le
11 Procureur a reconnu que le rôle du général Miletic était destiné à la
12 notification est de les envoyer aux unités subordonnées. Bien que le
13 Procureur ait reconnu que le général Miletic n'avait de rôle ni dans la
14 prise de décision, ni dans la détermination du contenu de notification,
15 dans le paragraphe
16 1677, en dépit de toutes les preuves et en contradiction avec sa propre
17 thèse exposée dans le paragraphe 219, le Procureur allègue que le général
18 Miletic aurait refusé d'autoriser les convois avec le matériel scolaire,
19 aurait limité la rotation du personnel du MSF et aurait spécifié la demande
20 du contrôle.
21 Dans le même paragraphe, le Procureur allègue que le général Miletic
22 était impliqué dans l'envoi des notifications des 6 et 10 mars 1995, en se
23 référant aux copies non signées de ces notifications. P2522 et P2531. Les
24 versions originales et signées de ces notifications sont admises dans le
25 dossier. Il s'agit des pièces 5D1311 et 5D1312. Ces notifications n'étaient
26 pas signées par le général Miletic; elles étaient signées par le colonel
27 Pandzic, qui n'était même pas subordonné au général Miletic. Aucune preuve
28 n'existe que le général Miletic a jamais vu ces documents.
Page 34647
1 Par ailleurs, les autres notifications auxquelles le Procureur se
2 réfère dans le paragraphe 1679 sont toutes les copies non signées. Compte
3 tenu du fait que de nombreuses notifications portaient le nom du général
4 Miletic sans être signées par lui, ce qui ressort de la stipulation entre
5 la Défense et le Procureur, 5D1447, aucune preuve concluante n'existe que
6 la notification, dans la version signée qui n'est pas disponible, était
7 vraiment signée par le général Miletic.
8 Il faut dire aussi que l'on voit des notifications ne contribuant
9 nullement aux restrictions de l'aide humanitaire pour autant que ces
10 restrictions existaient. Les notifications n'avaient pas pour objectif
11 d'empêcher le passage des convois mais de le permettre. Aucun convoi ne
12 pouvait passer les points de contrôle sans qu'il ait été proprement annoncé
13 par une notification de l'état-major principal. Même lorsqu'une
14 notification contenait les informations relatives aux convois non
15 autorisés, elle n'avait aucune influence sur le passage des convois, car
16 jusqu'à que la notification autorisant le convoi n'arrive au point de
17 contrôle, le convoi ne pouvait pas passer, et l'annonce des convois et le
18 contrôle de ceci étaient parfaitement licites et conformes aux conventions
19 de Genève.
20 Voyons un peu d'ailleurs ce que le général Miletic savait par rapport
21 à l'aide humanitaire. Lorsque le général Milovanovic n'était pas dans
22 l'état-major principal, le nom du général Miletic se trouvait sur une
23 notification. Il en a signé un certain nombre mais il n'a jamais repris les
24 autorités du général Milovanovic quant aux questions substantielles liées à
25 l'aide humanitaire, ces autorités du général Milovanovic étaient reprises
26 par les autres officiers de l'état-major principal y compris par le général
27 Mladic.
28 Le général Miletic n'a pas participé aux réunions avec la FORPRONU.
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1 Il n'a pas participé aux réunions avec les organisations internationales.
2 Il n'a pas été supérieur du colonel Djurdjic qui était en charge des
3 convois et il ne lui donnait pas les instructions. Le général Miletic
4 n'était pas membre du cercle restreint de l'état-major principal et ne
5 prenait pas de décisions.
6 D'ailleurs, dans la partie de son mémoire relatif à la politique des
7 autorités politiques et militaires serbes, relatifs à l'aide humanitaire,
8 paragraphes 246, 250, le Procureur n'a pas mentionné le général Miletic
9 reconnaissant implicitement que le général Miletic n'avait aucun rôle dans
10 la formulation de cette politique.
11 Le général Miletic n'avait aucun rôle dans le suivi du passage des convois
12 car les rapports relatifs n'étaient pas adressés à son administration, mais
13 à l'administration des renseignements comme la pièce P260. Justement dans
14 ce contexte, il faut interpréter la notification du 29 juin, P2551,
15 mentionné par le Procureur dans le paragraphe 1 683. Bien que cette
16 notification contienne la note concernant les instructions particulières
17 envoyées à Momic Nikolic, aucune preuve n'existe que le général Miletic
18 avait connaissance du contenu de cette instruction qui devait certainement
19 être envoyée directement du secteur des affaires de renseignements et de la
20 sécurité. Egalement, les rapports relatifs aux convois étaient parfois
21 adressés directement et personnellement au général Mladic, comme c'était le
22 cas le 23 juin, la pièce P2496.
23 Le général Miletic n'avait aucune connaissance particulière des questions
24 relatives à l'aide humanitaire. Ce que le général Miletic savait était le
25 fait que la notification devait être envoyée afin de permettre le passage
26 des convois. Aucun officier n'aurait refusé de signer et d'envoyer ces
27 notifications. L'envoi des notifications ne démontre aucune intention
28 particulière du général Miletic.
Page 34649
1 En effet, le seul document et la seule preuve qui peut nous
2 renseigner un peu sur la position du général Miletic quant au passage des
3 convois est la conversation interceptée du 24 juillet, P1327, relative aux
4 problèmes liés au passage d'un convoi de l'UNHCR à Gorazde. Ces problèmes
5 sont décrits par ailleurs dans un document du Corps de la Drina, P3035.
6 Cette conversation indique que le général Miletic, lorsqu'il avait
7 connaissance des problèmes liés au passage des convois, considérait que ces
8 problèmes devaient être résolus.
9 Parlons maintenant un peu de la directive numéro 7, cette directive qui est
10 le centre du procès contre le général Miletic. Nous sommes d'accord avec le
11 Procureur que lors de la rédaction de cette directive, la méthode complète
12 était utilisée. Dans le cadre de cette méthode complète qui ne pouvait être
13 décidée que par le commandant, le général Miletic a pu seulement faire sa
14 partie du travail. Nous sommes d'accord avec le Procureur que les éléments
15 différents de la directive étaient transmis au général Miletic par les
16 différents secteurs de l'état-major principal et que le général Miletic les
17 a ensuite compilés dans un document unique. En reconnaissant que la
18 directive numéro 7 était rédigée en application de la méthode complète, le
19 Procureur reconnaît implicitement que le général Miletic n'était pas
20 l'auteur du contenu de la directive. Le seul fait d'avoir participé dans la
21 rédaction de la directive 7 ne signifie pas que le général Miletic a
22 contribué à l'entreprise criminelle commune alléguée dans l'acte
23 d'accusation. Le Procureur pourrait parler de la contribution du général
24 Miletic s'il avait prouvé que le général Miletic avait rédigé les parties
25 incriminées de la directive ou qu'il les avait acceptées et qu'il y a
26 adhéré. Le Procureur n'a prouvé rien de tel.
27 Le Procureur a constaté dans le paragraphe 1 680 que le général
28 Miletic avait vu le document du Corps de la Drina dans lequel le commandant
Page 34650
1 du Corps de la Drina a proposé les solutions pour l'élimination des
2 enclaves. Au-delà du fait que cette proposition montre bien que les
3 commandants des corps faisaient des propositions aux commandants de l'armée
4 de la Republika Srpska, ce fait ne nous dit rien sur la position du général
5 Miletic. Il l'a vu, mais aucune preuve n'existe qu'il était d'accord ou que
6 cette proposition a été incluse dans le projet de la directive rédigée par
7 le général Miletic. Par ailleurs, le Procureur allègue que le général
8 Miletic a compilé la partie de la directive concernant les tâches des
9 unités sur le fondement des propositions des organes en charge des
10 différents corps de l'armée; le paragraphe 1 673. Le général Miletic a
11 compilé le projet de la directive en sa totalité sur la base des éléments
12 obtenus des différents organes, comme le Procureur l'a constaté dans le
13 paragraphe 141. Sur la base des éléments de preuve dans le dossier, il est
14 impossible de dire qui lui a fourni la proposition pour la partie
15 concernant les tâches des unités.
16 Le texte rédigé par le général Miletic était le projet de la
17 directive. Le texte de ce projet n'est pas connu et aucune preuve ne permet
18 de conclure que ce projet contenait des parties incriminées de la directive
19 numéro 7.
20 Dans son mémoire, le paragraphe 142, le Procureur a reconnu que le
21 président Karadzic pouvait apporter les modifications dans le projet de la
22 directive rédigée par le général Miletic. Cela signifie aussi que le
23 président Karadzic pouvait ajouter les parties incriminées. Contrairement
24 aux allégations du Procureur, la directive n'était pas issue sous le nom du
25 général Miletic. Egalement, elle n'était pas envoyée aux corps, comme le
26 document du général à l'époque d'ailleurs, le colonel Miletic, mais comme
27 le document du président et du commandant Suprême, Radovan Karadzic.
28 L'allégation du Procureur selon laquelle le général Miletic devait
Page 34651
1 connaître chaque mot dans ces directives avant d'avoir mis son nom sur le
2 texte est absurde. Le nom du général Miletic sur le texte de cette
3 directive signifie qu'il a préparé le projet de la directive, il ne
4 signifie certainement pas qu'il a approuvé le texte final de celle-ci. Le
5 texte définitif appartient au président Karadzic, qui avait l'autorité
6 unique et exclusive de l'approuver, ce qu'il a fait en y apposant sa
7 signature. Le général Miletic pouvait et devait connaître chaque mot du
8 projet de la directive qui était envoyée au président Karadzic à la
9 signature. S'agissant du texte définitif, le général Miletic ne pouvait pas
10 le connaître avant que celui-ci lui ait été transmis. Or, aucune preuve
11 dans ce dossier n'indique que le général Miletic a vu le texte final de la
12 directive numéro 7 avant de commencer à travailler sur le projet de la
13 directive 7.
14 Dans son réquisitoire le 2 septembre 2009, le Procureur a déclaré qu'il n'y
15 a pas de preuves qui auraient confirmé que le général Miletic n'a pas
16 participé dans la finalisation de la directive numéro 7. Au contraire dans
17 cette affaire, aucune preuve ne confirme que le général Miletic aurait
18 participé dans la finalisation de cette directive.
19 Certes, le général Simic a parlé de la finalisation, mais de la
20 finalisation du projet, puisque tout le processus que le général Simic a
21 décrit précède l'envoi de ce projet à la signature. C'était le 19 novembre
22 2008, page 28 511. La déclaration du général Simic n'aide pas le Procureur
23 dans ses efforts de prouver que le général Miletic aurait participé dans la
24 finalisation de la directive après les modifications que le président
25 Karadzic a pu y apporter.
26 La charge de preuve demeure sur le Procureur, et le Procureur doit prouver
27 chacune de ces allégations au-delà de tout doute raisonnable. La Défense
28 n'a pas la même obligation. Il lui suffit de produire les preuves
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1 démontrant une autre possibilité raisonnable. Les preuves, certes,
2 circonstancielles, mais tout de même, les preuves indiquent que le général
3 Miletic n'a pas participé dans la finalisation du texte définitif de la
4 directive numéro 7.
5 La Défense est en accord avec le Procureur que le général Miletic
6 aurait dû avertir le général Milovanovic s'il avait vu les parties
7 incriminées dans le texte de la directive. Nous considérons que la
8 possibilité raisonnable existe que le général Miletic l'a fait. La
9 directive porte la date du 8 mars 1995, or elle était envoyée au corps
10 seulement le 17 mars 1995. L'agenda du président Karadzic, 5D1322, indique
11 que la veille de la transmission de cette directive, le général Milovanovic
12 a eu une réunion avec le président Karadzic. La seule explication
13 raisonnable de cette réunion de quatre heures qui a eu lieu le 16 mars 1995
14 est la discussion sur la directive.
15 Le Procureur dit aussi que le général Miletic pouvait faire autre
16 chose s'il n'était pas d'accord avec la directive. Bien, nous sommes
17 entièrement d'accord. Le général Miletic pouvait refuser d'envoyer la
18 directive au corps. Le Procureur vous dira certainement qu'il n'y a pas de
19 preuve que le général M00iletic a refusé de transmettre la directive numéro
20 7 au corps. Dans un certains sens, il a raison, mais seulement
21 partiellement, car s'il n'y a pas de preuve que le général Miletic a refusé
22 de transmettre cette directive au corps; nous avons la preuve qu'il ne l'a
23 pas transmise, P55D971 confirme cela.
24 La seule chose qui est prouvée dans cette affaire concernant la
25 version finale de la directive numéro 7 est que celle-ci était transmise
26 aux unités subordonnées par le général Milovanovic. Puisque le général
27 Miletic n'a pas transmis la directive numéro 7 au corps, il n'y a que deux
28 options concernant sa connaissance de ce texte final. Ou le général
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1 Milovanovic a transmis la version définitive de la directive numéro 7 au
2 corps dès son retour de la réunion avec le président Karadzic sans en
3 parler au général Miletic ou le général Miletic n'a pas voulu la
4 transmettre.
5 Le Procureur n'a offert aucune preuve qui aurait soutenu cette thèse
6 selon laquelle le général Miletic a adhéré à la version finale de la
7 directive numéro 7. Les preuves circonstancielles appellent à la conclusion
8 contraire. Le général Miletic n'était pas d'accord avec cette directive.
9 C'est une conclusion possible et raisonnable qui explique la réunion du
10 général Milovanovic avec le président Karadzic le 16 mars 1995. La
11 transmission tardive de la directive, pratiquement dix jours après la date
12 indiquée sur le texte de la directive, est le fait que le général Miletic
13 ne l'a pas transmise.
14 Le général Miletic a participé dans la rédaction de la directive numéro
15 7/1, et son rôle dans la rédaction de la directive numéro 7/1 était
16 identique à celui qu'il a eu dans la rédaction de la directive numéro 7.
17 Cette participation ne peut être interprétée comme son adhérence au texte
18 de la directive numéro 7, car le texte de la directive numéro 7/1 ne
19 contient pas les parties incriminées contenues dans la directive numéro 7.
20 L'existence même de la directive numéro 7/1 pose la question pourquoi
21 cette directive a été rédigée. Avant la directive numéro 7, seule la
22 directive 6 émanait du président Karadzic. C'est la pièce P3919. Comme
23 suite à la directive 6, l'état-major principal n'a pas rédigé la directive
24 6.1. Au contraire, lorsque le président Karadzic a considéré qu'il fallait
25 modifier le texte de la directive 6, il l'a fait par un document, lequel il
26 a signé lui-même; 5D964.
27 La directive numéro 7 définie les tâches des corps et était transmise
28 à ceux-ci. Aucune raison militaire n'existait pour que l'état-major
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1 principal se lance dans la rédaction de la directive 7/1 immédiatement
2 après la transmission de la directive 7. Ce n'était pas nécessaire pour
3 l'opération Spreca, car le général Milovanovic a adressé au corps déjà un
4 ordre pour cette opération; 5D972. Ni l'opération Sadejstvo planifiée dans
5 l'état-major principal ne demandait l'émission de la directive 7/1
6 immédiatement après la directive 7, puisque tous les éléments de cette
7 opération étaient adressés au corps uniquement vers la fin du mois d'avril;
8 P4202. L'une des explications possibles et parfaitement raisonnable de
9 l'émission de la directive 7/1 est justement que cette directive 7/1 était
10 destinée à remplacer, auprès des unités subordonnées, la directive numéro
11 7.
12 Le Procureur, pratiquement dans toute phrase relative au général
13 Miletic, cite le général Milovanovic. Bien qu'il ne le considère pas comme
14 crédible, il a ignoré complètement ce que le général Milanovic a déclaré
15 lorsqu'il a parlé de la directive numéro 7. Il est indicatif que,
16 justement, le général Milovanovic, qui niait toute la participation dans la
17 rédaction de ces deux directives et qui clamait qu'il ignorait leur
18 existence, a déclaré que le général Mladic risquait d'être traduit devant
19 la Cour martiale, parce qu'il avait omis certaines parties de la directive
20 numéro 7 dans les documents qu'il a rédigés ultérieurement. Il n'y a pas de
21 doute que le général Milovanovic parlait justement de la directive numéro
22 7/1.
23 La participation du général Miletic dans la rédaction des directives
24 7 et 7/1 ne peut être interprétée comme son adhérence aux parties
25 incriminées de la directive numéro 7. L'existence de son nom sur les
26 directives 7 et 7/1, permet tout au plus la conclusion qu'au moment de la
27 rédaction de la directive 7/1, il a eu connaissance du texte final de la
28 directive numéro 7. Cette connaissance ne signifie pas son adhérence aux
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1 parties incriminées de la directive numéro 7. Les événements ultérieurs
2 démontrent d'ailleurs que le général Miletic n'avait aucun rôle
3 significatif dans les événements autour de Srebrenica et Zepa, qu'il était
4 absent lors de l'opération militaire à Srebrenica, qu'il n'avait pas de
5 connaissance suffisante concernant les événements sur le terrain et que ces
6 actes et son comportement ne permettent pas d'en déduire une intention
7 criminelle.
8 Le Procureur a déclaré que la directive numéro 7 désignait le début
9 de l'attaque; cependant, lors de l'audience du 10 septembre 2008 - ce sont
10 les pages 24 489 et 24 490 - le Procureur a déclaré que l'armée de la
11 Republika Srpska n'a pas changé sa conduite après la directive numéro 7 et
12 que cette conduite était la même depuis le début de la guerre. Nous sommes
13 d'accord avec le Procureur qu'aucun changement ne peut être annoté dans la
14 conduite de l'armée de la Republika Srpska après l'émission de la directive
15 numéro 7, mais dans ce cas, il est difficile de comprendre en quoi la
16 directive 7 représentait le début d'une attaque. Par ailleurs, il n'y a pas
17 de preuve qu'une attaque systématique ou généralisée, dirigée vers la
18 population civile, aurait commencé en mars 1995.
19 En tout état de cause, le général Milovanovic était présent dans le
20 quartier général de l'état-major principal dans une grande partie de la
21 période qui a suivi l'émission de la directive numéro 7. Aucune preuve ne
22 permet de conclure que le général Miletic avait des connaissances des
23 incidents liés aux bombardements, tireurs embusqués et autres activités
24 autour de Srebrenica et Zepa, pour autant que ces activités sont prouvées.
25 Le seul bombardement rapporté à l'état-major principal a été celui du 25
26 mai 1995, or le général Milovanovic y était; la pièce 3D-5D1161 le
27 confirme.
28 Il est absurde de faire un lien entre le programme d'entraînement des
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1 tireurs embusqués et une éventuelle utilisation illégale des snipers.
2 L'organe en charge des Affaires opérationnelles et l'Education a été en
3 charge de l'organisation et planification des entraînements. Cet organe ne
4 pouvait pas déterminer le contenu de l'entraînement, car chaque
5 entraînement demandait les connaissances spécifiques, et le contenu de
6 l'entraînement était déterminé justement par les organes spécialisés. Mais,
7 en tout cas, le programme cité par le Procureur n'était pas destiné à
8 l'utilisation illégale des snipers, mais justement à l'utilisation correcte
9 et régulière. Les snipers ne sont pas une arme interdite, et l'existence
10 d'un programme d'entraînement n'a aucune signification particulière.
11 Finalement, il demeure inconnu quand ce programme a été rédigé et quand il
12 a été communiqué au corps. Le programme que nous avons dans le dossier a
13 été transmis au 5e Corps qui, en 1995, n'a même pas existé.
14 Le Procureur allègue que les actes et les décisions du général Miletic
15 étaient cruciaux pour vaincre militairement les forces musulmanes et pour
16 déplacer la population de Srebrenica et Zepa. J'ai déjà dit plusieurs fois
17 que le général Miletic n'était même pas en position de prendre les
18 décisions, mais je ne veux pas parler de ce point. Je voudrais souligner la
19 confusion créée par le Procureur entre les actes destinés à vaincre
20 militairement les forces musulmanes et ceux qui auraient été destinés aux
21 déplacements de la population.
22 La défaite militaire de l'ennemi, qui pour l'armée de la Republika
23 Srpska était les forces musulmanes, est l'objectif naturel et légitime de
24 toute armée dans un conflit armé. En revanche, le déplacement forcé est un
25 acte interdit et criminel. Afin de prouver le déplacement forcé, et
26 notamment l'intention de l'accusé, le Procureur aurait dû clairement
27 séparer les objectifs militaires des objectifs criminels. En effet,
28 lorsqu'un acte peut être raisonnablement interprété comme étant destiné à
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1 l'achèvement de l'objectif militaire légitime, le Procureur ne peut lui
2 attribuer une intention criminelle. Cette intention ne peut être interférée
3 que de faits qui ne peuvent être raisonnablement expliqués par un objectif
4 militaire légitime et qui ne permettent aucune autre conclusion que celle
5 qu'ils étaient destinés aux déplacements des Musulmans.
6 Certes, il est difficile, dans un conflit comme celui-ci, de séparer
7 les faits liés à l'attaque militaire et ceux liés aux agissements
8 criminels, mais c'est l'obligation du Procureur. Dans la présente affaire,
9 le Procureur a dit à plusieurs reprises que la séparation des enclaves est
10 un but militaire légitime, notamment dans la déclaration liminaire le 21
11 août 2006, page 398. Il ne peut pas maintenant, pour le besoin du
12 réquisitoire, confondre cette partie légitime de l'attaque dans un objectif
13 criminel.
14 Nous sommes d'accord avec le Procureur lorsqu'il déclare que
15 l'intention détermine la légitimité d'un acte et qu'un acte légitime
16 accompli avec une intention criminelle peut devenir criminel. Mais si
17 l'intention confère le caractère criminel à un acte, qui sans cette
18 intention aurait été légitime, cet acte sera criminel seulement par rapport
19 à ceux qui ont agi avec l'intention criminelle. Il sera légitime pour ceux
20 qui n'ont pas agi avec cette intention. S'agissant du général Miletic, le
21 Procureur n'a pas prouvé qu'il a agi avec l'intention criminelle.
22 Conformément aux allégations du Procureur, le général Miletic aurait
23 suivi des activités du Corps de la Drina et il aurait transmis les
24 informations obtenues au général Mladic et au président Karadzic. Le
25 Procureur allègue que justement ces informations auraient permis au général
26 Mladic et au président Karadzic de prendre les décisions et d'appliquer la
27 politique du déplacement de la population. Tout d'abord, le Procureur n'a
28 pas prouvé que le président Karadzic prenait ces décisions sur la base des
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1 rapports envoyés par le général Miletic. Le Procureur n'a même pas indiqué
2 qu'elles auraient été les informations qui auraient contribué aux décisions
3 du président Karadzic. Nous avons indiqué dans le paragraphe 492 de notre
4 mémoire les sources desquelles le président Karadzic obtenait les
5 informations. Elles sont nombreuses. Les décisions relatives à Srebrenica
6 et Zepa n'étaient certainement pas faites sur la base des rapports
7 quotidiens envoyés par le général Miletic. Quant au général Mladic, il
8 n'avait nul besoin de rapports du général Miletic. Il recevait des
9 informations directement des commandants des corps qui lui étaient
10 directement subordonnés.
11 Les preuves dans cette affaire démontrent que les autorités civiles
12 informaient le président Karadzic. Cette preuve indique qu'une délégation
13 de Skelani devait allée chez le président Karadzic après l'action à Zeleni
14 Jadar afin de trouver une solution pour terminer cette action, laquelle les
15 autorités civiles considéraient comme inachevée. C'est la pièce 5D1374.
16 Les preuves dans cette affaire démontrent aussi que le président
17 Karadzic, parfois, avait bien plus d'information que l'état-major
18 principal. Une conversation du 16 juillet 1995 démontre que justement le
19 président Karadzic a informé l'état-major principal de l'ouverture du
20 corridor à Zvornik. Les rapports quotidiens de l'état-major principal
21 décrivaient la situation militaire sur le terrain dans toute la Republika
22 Srpska. Leur but n'était pas autre que d'informer le président Karadzic et
23 les commandants des corps de cette situation militaire, et aucune autre
24 interprétation ne peut raisonnablement être attribuée à ces rapports. Ni le
25 suivi de la situation militaire, que le général Miletic ne pouvait faire
26 autrement que sur la base des rapports reçus, ni la transmission de ces
27 informations ne peut raisonnablement être interprété comme la contribution
28 à l'entreprise criminelle alléguée. Aucun de ces actes n'est illicite.
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1 C'est actes constituent les tâches régulières et quotidiennes du général
2 Miletic.
3 Le 2 septembre 2009, le Procureur a commencé son réquisitoire par
4 l'obligation des officiers d'accomplir son devoir. Le devoir de l'officier
5 en charge des affaires opérationnelles est de rédiger et de transmettre les
6 rapports. C'est exactement ce que le général Miletic faisait. Ces actes
7 sont les actes que tout officier en charge des affaires opérationnelles
8 aurait fait. Aucun officier en charge des affaires opérationnelles n'aurait
9 fait autrement. Aucune intention criminelle ne peut être déduite des
10 rapports envoyés par le général Miletic, car pour ces rapports, il existe
11 une autre explication logique et raisonnable, qui est d'ailleurs la seule
12 explication raisonnable. Le général Miletic faisait son travail, le travail
13 licite, régulier, et nécessaire pour la conduite des activités militaires
14 légitimes et justifiées. Il le faisait sans aucune intention criminelle.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous reprendrons demain à 9 heures.
16 [La Chambre de première instance se concerte]
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pas de problème.
18 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le vendredi 11
19 septembre 2009, à 9 heures 00.
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