Affaire n° : IT-04-74-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Liu Daqun, Président
M. le Juge Amin El Mahdi
M. le Juge Alphons Orie

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
22 juillet 2005

LE PROCUREUR

c/

JADRANKO PRLIC
BRUNO STOJIC
SLOBODAN PRALJAK
MILIVOJ PETKOVIC
VALENTIN CORIC
BERISLAV PUSIC

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DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE DE VALENTIN CORIC DE CERTIFIER L'APPEL DE LA DÉCISION PORTANT SUR DES REQUÊTES AUX FINS DE DISJONCTION D’INSTANCES ET DE DISJONCTION DE CHEFS D’ACCUSATION

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Le Bureau du Procureur :

M. Kenneth Scott

Les Conseils des Accusés :

M. Michael Karnavas pour Jadranko Prlic
M. Berislav Zivkovic pour Bruno Stojic
M. Bozidar Kovacic pour Slobodan Praljak
Mme Vesna Alaburic pour Milivoj Petkovic
M. Tomislav Jonjic pour Valentin Coric
M. Fahrundin Ibrisimovic pour Berislav Pusic

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I (la « Chambre ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),

VU la demande de l’accusé Valentin Coric relative à une autorisation d’interjeter appel de la décision portant sur la requęte de la Défense aux fins de disjonction d’instances et de disjonction de chefs d’accusation (The Accused Valentin Coric’s Application for Leave to Appeal the Decision on Defence’s Motion for Separate Trials and Severance of Counts) déposée le 6 juillet 2005 (la « Demande »), en vertu de l’article 72 B) ii) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») ;

VU la réponse du Procureur à la Demande (Prosecutor’s Response to the Accused Valentin’s Application for Leave to Appeal the Decision on Defence’s Motion for Separate Trials and Severance of Counts), déposée le 18 juillet 2005 (la « Réponse ») ;

ATTENDU qu’aux termes de l’article 72 B) ii) du Règlement, deux conditions cumulatives doivent être satisfaites pour que la Chambre de première instance puisse certifier une décision d’appel interlocutoire, à savoir 1) que la décision touche une question susceptible de compromettre sensiblement l’équité et la rapidité du procès, ou son issue, et 2) que son règlement immédiat par la Chambre d’appel pourrait concrètement faire progresser la procédure ;

VU la Décision relative à la requête de la Défense aux fins de disjonction d’instances et de disjonction de chefs d'accusation, rendue par la Chambre le 1er juillet 2005 ;

ATTENDU que la Défense de l’accusé Valentin Coric (l’« Accusé ») présente les éléments suivants pour justifier la Demande : 1) un coaccusé en l’espèce a fait une déclaration à l’Accusation qui porte sur les actes et le comportement de l’Accusé et, si ledit coaccusé décide de garder le silence, la teneur de cette déclaration – au cas où elle serait versée au dossier – ne pourrait pas être mise à l’épreuve, 2) seule une disjonction d’instances pourrait éviter un tel préjudice et 3) un règlement immédiat de cette question susceptible de compromettre sensiblement l’équité et la rapidité du procès, ou son issue, pourrait concrètement faire progresser la procédure ;

ATTENDU que, si un coaccusé fait une déclaration qui, à maints égards, porte sur les actes et le comportement de l’Accusé1, la déclaration n’est pas admissible en vertu de l’article 92 bis du Règlement ; que si l’Accusation voulait proposer cette déclaration comme élément de preuve sous une autre forme, un accusé pourrait s’opposer à son admission au motif qu’il serait privé de son droit à en éprouver la véracité au cas où son coaccusé décidait de garder le silence ; qu’il revient à la Chambre de première instance saisie de cette affaire de décider si l’admission de la déclaration, le cas échéant, a un effet négatif sur l’équité du procès de Valentin Coric ;

ATTENDU, en outre, que les arguments de la Défense semblent se fonder sur l’hypothèse erronée que la disjonction d’instances pourrait résoudre la question, que si les affaires étaient jugées séparément, un ancien coaccusé qui a fait une déclaration pourrait toujours invoquer son droit de garder le silence (pour éviter de s’incriminer) presque comme s’il se défendait dans un procès conjoint ; que le règlement immédiat de la question ne pourrait pas faire concrètement progresser la procédure ;

ATTENDU que les conditions énoncées à l’article 72 B) ii) pour accorder l’autorisation d’interjeter appel ne sont pas remplies ;

EN APPLICATION de l’article 72 B) ii) du Règlement ;

REJETTE la Demande.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 22 juillet 2005
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance

Liu Daqun

[Sceau du Tribunal]


1. Comme l’affirme la Défense, Demande, par. 4.