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1 Le mercredi 3 mai 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, veuillez appelez le numéro de
7 l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président. Bonjour à tous.
9 Affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consort.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
11 Je demanderais à l'Accusation de bien vouloir se présenter.
12 M. MUNDIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
13 Messieurs les Juges. Je salue toutes les personnes ici présentes. Je suis
14 Daryl Mundis, accompagné de M. Ken Scott, de
15 M. Vassily Poryvaev et de notre commise à l'audience, Mme Skye Winner.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais me tourner vers le banc des avocats car ils
17 sont bien connus maintenant, mais pour les besoins du transcript.
18 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
19 les Juges. Michael Karnavas, défendant les intérêts de
20 M. Prlic, avec Me Suzana Tomanovic, co-conseil, et Mme Ana Vlahovic, qui
21 est notre conseil juridique.
22 Mme NOZICA : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je suis Senka
23 Nozica et je défends les intérêts de M. Stojic. Je suis ici présente avec
24 notre commis, Slonje Valent.
25 M. KOVACIC : [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Bozidar Kovacic et je
26 défends M. Praljak, avec Me Nika Pinter, co-conseil, et Valentina Ivic,
27 notre commise à l'audience.
28 Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Vesna
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1 Alaburic. Je défends les intérêts de M. Petkovic. Notre commis est Davor
2 Lazic.
3 M. JONJIC : [interprétation] Bonjour, Tomislav Jonjic. Je défends M. Coric.
4 Je suis commis d'office et je suis ici avec
5 Me Krystyna Grinberg, notre conseil juridique, et Ida Jurkovic, notre
6 commise à l'audience.
7 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
8 les Juges. Pour défendre M. Pusic, Roger Sahota et moi-même, Me
9 Ibrisimovic, et M. Mulalic, qui est notre assistant juridique. Je vous
10 remercie.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous sommes au mercredi 3 mai, et je salue toutes
12 les personnes présentes; je salue les accusés, je salue les avocats,
13 l'Accusation ainsi que toutes les personnes qui sont présentes. Je salue
14 particulièrement Mme le Témoin, qui va continuer à répondre aux questions
15 de l'Accusation.
16 Mais avant de donner la parole à M. Mundis, j'ai deux éléments
17 d'information. Je me tourne vers M. Mundis pour lui dire que l'Accusation
18 nous a envoyé une liste complémentaire de documents au titre de l'article
19 65 ter. Ces documents sont numérotés de 9 491 à
20 9 524. Je souhaiterais avoir en ma possession les classeurs, le binder.
21 Bien, je voudrais le hard copy de ces documents.
22 Deuxième élément : tout à l'heure après les questions de l'Accusation, la
23 Défense aura la parole pour le contre-interrogatoire. Comme vous le savez,
24 M. Praljak nous avait demandé l'autorisation éventuellement de poser des
25 questions. Dans la décision que nous avons rendue il y a quelques jours,
26 nous avons répondu à cette question. Nous avons indiqué qu'un accusé,
27 lorsqu'il avait un champ de compétence particulière tiré de son expérience,
28 pourrait, le cas échéant, poser une question. Nous avons également, dans la
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1 décision, mentionné qu'un accusé peut, conformément à l'article 85 du
2 Règlement, déposer en qualité de témoin; c'est prévu par le Règlement. Par
3 ailleurs, sur le plan pratique, malheureusement, la salle ne s'y prête pas
4 très bien, c'est que pendant la phase des questions, si un accusé veut
5 attirer l'attention de son avocat sur tel ou tel point, il peut le faire en
6 écrivant sur un bout de papier ses observations, transmettant le papier à
7 un officer de sécurité qui l'apporterait à l'avocat parce que,
8 malheureusement, les clients sont loin de vous. Je ne sais pas ceux, qui
9 ont conçu à l'origine de ce Tribunal la salle d'audience, n'aient pas pensé
10 qu'un accusé pouvait parfois avoir besoin de parler avec son avocat. Ce
11 qu'il aurait fallu faire c'est mettre un accusé à côté de son avocat comme
12 on le voit aux Etats-Unis ou ailleurs et ne pas à des dizaines de mètres,
13 ce qui est le cas ici.
14 Bon, comme moi aussi, j'éprouve une difficulté vis-à-vis des juristes de la
15 Chambre qui sont devant moi, que je ne vois pas et avec qui je ne peux pas
16 communiquer. Tous ceux qui ont conçu une salle d'audience auraient dû --
17 puissent avoir recours à des spécialistes des audiences pénales ce qui
18 auraient permis de mieux travailler. Malgré ces difficultés, il est
19 toujours possible à un accusé de correspondre avec son avocat par
20 l'entremise -- l'intermédiaire de petits papiers.
21 On essaiera d'adapter au fur et à mesure la façon de travailler en fonction
22 des circonstances nouvelles. Voilà.
23 Ceci étant dit, Monsieur Mundis, je vous redonne la parole.
24 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Hier,
25 nous avons terminé la journée d'audience à huis clos partiel. Vous le savez
26 parfaitement, ceci s'est fait parce qu'on pouvait éventuellement identifier
27 des victimes. Je vais revenir, si vous me le permettez, à cette question de
28 l'identité des personnes détenues en même temps que ce témoin. Mais étant
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1 donné qu'elle a cité un grand nombre de noms, serait-il possible de le
2 faire en audience publique et nous ne passerions qu'à huis clos partiel que
3 si l'on parle de victimes, en particulier, parce qu'elle a mentionné
4 beaucoup de noms et nous ne pensons pas qu'il faille nécessairement les
5 citer tous avec le huit clos partiel, c'est uniquement lorsqu'on donnerait
6 des coordonnées précises quant à telle ou telle victime. Nous pourrions
7 demander à passer à huis clos partiel, si vous l'autorisez.
8 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je propose que nous
9 poursuivions en audience publique. Je vais poser quelques questions de
10 suivi s'agissant des témoins qu'elle a mentionnés hier -- qu'elle a cités
11 hier à huis clos partiel, mais je veux m'assurer que je ne vais rien
12 révéler qu'il ne faudrait pas révéler.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Aucun problème. Dans le cas où un nom qui
14 apparaîtrait comme étant une victime, à ce moment-là, j'aurais toujours la
15 possibilité par une ordonnance de faire les rectifications.
16 Allez-y.
17 LE TÉMOIN : SPOMENKA DRLJEVIC [Reprise]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
20 Interrogatoire principal par M. Mundis : [Suite]
21 Q. [interprétation] Bonjour, Madame.
22 R. Bonjour.
23 Q. Vous venez d'entendre ce que je viens de dire, ce dont j'ai discuté
24 avec M. le Président de la Chambre. Je veux que vous compreniez
25 parfaitement ce que nous allons faire. Je vais poser quelques questions de
26 suivi s'agissant des femmes dont vous avez parlé hier; est-ce que vous
27 comprenez cela ?
28 R. Oui, je comprends.
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1 Q. Je ne veux pas que vous nous disiez quoi que ce soit s'agissant de ce
2 qu'il est advenu à ces personnes tant que nous ne serons pas à huis clos
3 partiel.
4 R. Très bien.
5 Q. Ce sont des questions liminaires que je vais vous poser qui concernent
6 uniquement l'identité, éventuellement, l'âge des personnes dont nous allons
7 parler; vous comprenez ?
8 R. Oui, oui, oui. Très bien. J'ai compris. Je ne suis pas tout à fait sûre
9 si je ne vais pas omettre un nom, en répéter un.
10 Q. Commençons, si vous le voulez bien, par un récapitulatif de ce que vous
11 nous avez dit hier. Vous dites être arrivée le 8 juin 1993 --
12 L'INTERPRÈTE : Me Karnavas souhaite intervenir.
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que je peux faire objection ?
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Quel est le problème ?
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Ce n'est pas vraiment un problème; c'est
16 plutôt une observation. M. Mundis est sur le point de faire la synthèse des
17 déclarations d'hier. Nous ne voulons pas et nous n'avons pas besoin du
18 Procureur qu'il fasse la synthèse des dires du témoin. Nous avons le compte
19 rendu pour se faire. Je pense que ce serait peut-être plus facile de poser
20 une question. Merci.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : J'avais cru comprendre que le Procureur allait
22 redemander la liste des personnes qui étaient avec elle. C'est l'intention
23 de M. Mundis. Vous n'aviez pas à lui indiquer des noms pour lui demander la
24 confirmation.
25 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
26 hier, le témoin a donné l'identité, a cité plusieurs personnes. Pour
27 certaines de ces personnes, elle a donné un âge approximatif. Nous allions
28 lui demander si elle était en mesure de nous donner l'identité et l'âge
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1 approximatifs des autres personnes qu'elle a mentionné hier pour lequel
2 elle n'avait pas donné un âge approximatif. Donc, j'avais l'intention de
3 poser une question à l'encontre de chacune des personnes, de ces femmes
4 dont elle a parlé hier et pour lesquelles elle n'a pas donné un âge
5 approximatif. Puis, je lui demanderai s'il n'y avait personne d'autre
6 concernée.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Poursuivez.
8 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie.
9 Q. Madame Drljevic, hier, vous avez parlé de Hasiba Grebovic; est-ce que
10 vous vous souvenez, peut-être, de son âge approximatif en juin 1993 ?
11 R. Je pense qu'elle avait une quarantaine d'années, à l'époque.
12 Q. Hier, vous avez parlé de Helena Brkic; est-ce que vous vous souvenez de
13 son âge approximatif en juin 1993 ?
14 R. Entre 18 et 20 ans.
15 Q. Hier, vous avez mentionné une certaine Mme Savic; est-ce que vous vous
16 souvenez de son âge en juin 1993 ?
17 R. Plus de 70 ans.
18 Q. Hier, vous avez mentionné Sefika Basic; quel âge avait-elle, à votre
19 avis, en juin 1993 ?
20 R. Entre 50 et 55 ans.
21 Q. Hier, Madame, vous avez mentionné une personne répondant au nom de Nada
22 Mitric; quel âge avait-elle, à votre avis, en juin 1993 ?
23 R. Une cinquantaine d'année.
24 Q. Razija Gosto; est-ce que vous vous souvenez de l'âge qu'elle avait, à
25 votre avis, en juin 1993 ?
26 R. Aussi, une cinquantaine.
27 Q. Qu'en est-il de Mubera Micijevic ? Quel était son âge en juin 1993 ?
28 R. Micijevic, pas Micihovic [phon]. Elle devait avoir 45 ou 50 ans.
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1 Q. Lejla Micijevic ?
2 R. Peut-être 20 ans.
3 Q. Elvedina ou Eca Hodzic; quel âge avait-elle, à votre avis, en juin
4 1993 ?
5 R. C'est le nom de sa mère, Hodzic. Son nom de famille est Klinac, en
6 fait. Elle avait 40 ans.
7 Q. Rabija Hadzic; quel était son âge, à votre avis, en juin 1993 ?
8 R. 45 ou 50 ans.
9 Q. Mejra Demirovic. Est-ce que vous vous souvenez de l'âge qu'elle pouvait
10 avoir en juin 1993 ?
11 R. Aussi, entre 45 et 50 ans.
12 Q. Fata Kubic; quel était, à votre avis, son âge en juin 1993 ?
13 R. Elle aussi, entre 45 et 50 ans.
14 Q. Madame Drljevic, je vous ai donné plusieurs noms ici, noms que vous
15 avez mentionnés hier après-midi; est-ce que vous vous souviendriez de l'âge
16 approximatif et du nom d'autres personnes détenues pendant la période où
17 vous étiez, vous aussi, détenue à l'Heliodrom ?
18 R. Après le 15 juillet 1993, ils ont amené une femme répondant au nom de
19 Nena. Elle devait avoir 70 ans. Son nom de famille, c'était Feriz. Elle
20 avait deux enfants, un gamin de quatre ans et une gamine de six ans. Je
21 pense qu'ils s'appelaient Anel et Amela.
22 Il y avait aussi Mejsija Mersa Krzic. On avait été amené de Samice, mais,
23 sinon, elle est originaire de Maglaj. Elle devait avoir entre 40 et 45 ans.
24 Hier, je pense avoir mentionné la mère du Dr Kreso. Elle devait avoir une
25 cinquantaine d'années. Je pense avoir mentionné
26 Mme Hodzic, la mère d'Esadina, qui avait 80 ans -- enfin, entre 75 et 80
27 ans. Il y avait aussi trois sœurs. Pilav, Jasmina qui devaient avoir une
28 quarantaine d'année et je ne me souviens du prénom de Zeli. Enfin, son nom
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1 de relation est Zele. Elle avait entre 25 et 30 ans. Il y avait aussi Ema,
2 entre 20 et 25 ans. Il y avait une parente à elle, Elvedina, qui devait
3 avoir 17 ou 18 ans.
4 Q. Vous avez parlé d'un garçon de quatre ans et d'une petite fille de six
5 ans et vous avez dit que vous pensiez qu'ils s'appelaient respectivement
6 Anel et Amela; est-ce que c'étaient les plus jeunes personnes détenues à
7 l'Heliodrom ?
8 R. Oui, enfin, à ma connaissance. Mais, en août ou en septembre, une autre
9 femme a été amenée, elle s'appelait Advija. Elle avait avec elle une petite
10 fille qui avait neuf ans. Elle avait une autre qui devait avoir 18 ou 20
11 ans. Elle avait également un fils qui s'appelait Narcis, et il a été emmené
12 dans la partie réservée aux hommes et il devait, à mon avis, avoir 17 ans.
13 Q. Ces personnes jeunes dont vous avez parlé, où est-ce qu'on les a
14 détenues à l'Heliodrom, dans quelle partie ?
15 R. Je viens de vous donner le nom d'enfant ou de jeunes gens, ils étaient
16 tous avec nous dans la même pièce ou dans les pièces avec les femmes, à
17 l'exception de Narcis. Il était dans le dortoir réservé aux hommes. Mais
18 dont je vous ai parlé, Nena Feriz, qui avait ses petits enfants avec elle,
19 elle a dit qu'elle avait passé deux ou trois jours dans une cave, dans une
20 cellule isolée, ou il se peut que cet endroit s'appelle Samica. Ce nom peut
21 avoir deux sens.
22 Q. Est-ce que vous pourriez préciser votre dernière réponse ? Vous avez
23 parlé en B/C/S de Samica; qu'est-ce que c'est exactement ?
24 R. C'était un lieu qui se trouvait au sous sol, c'était donc dans une
25 cellule d'isolement. Il y avait des grilles en fenêtres, des barreaux. Je
26 ne sais pas si les voit sur la photo que vous avez montrée hier, ce sont
27 des toutes petites fenêtres qui doivent faire 30 ou 45 centimètres de
28 hauteur et c'est la seule d'avoir de la lumière qui pénètre dans cette
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1 pièce par le soupirail. Il y avait un sol en béton. Il y avait une espèce
2 de couche en caoutchouc.
3 Q. Madame, ces femmes et ces enfants dont vous nous avez parlé ce matin,
4 pourriez-vous nous dire pendant combien de temps ils ont été détenus à
5 l'Heliodrom ?
6 R. Nena Feriz et ses deux enfants, dont je vous ai parlé, sont venus après
7 le 15 juillet, je le sais. Je me souviens de cette date parce qu'elle est
8 en rapport avec l'opération militaire menée à Kocina, cette fois-là que ces
9 gens ont été capturés. A leur arrivée
10 -- ou plutôt, à l'arrivée de la Croix-Rouge en août 1993, ces personnes ont
11 été emmenées dans une maison, puis elles sont revenues. Au courant du mois
12 d'octobre, ces personnes ont été emmenées - je l'ai appris - dans une
13 maison de la région de Rudnik, au nord de Mostar ou dans la partie nord de
14 Mostar. Je ne sais pas à quel moment ces personnes ont été transférées à
15 Ploce, mais elles l'ont été plus tard.
16 Advija et ses deux filles, Azra [phon] et Nina, sont arrivées au mois
17 de septembre. Approximativement, elles sont restées jusqu'à août ou
18 septembre -- oui, c'est à ce moment-là qu'elles sont arrivées. Elles ont
19 passé deux mois. D'après ce qu'elles ont dit plus tard, lorsque plus tard
20 j'ai quitté le camp, on les a placées dans une maison à Rudnik, après quoi,
21 elles ont été transférées vers le côté gauche avant que moi-même je puisse
22 quitter le camp donc avant le mois de décembre 1993.
23 Quant à lui, Narcis est resté - je ne sais pas exactement quand il a
24 été relâché, mais il est resté plus longtemps qu'elle. Je ne sais pas s'il
25 faisait partie du groupe de civils qui ont été relâchés en décembre ou s'il
26 est resté là jusqu'au mois de mars 1994.
27 Q. Pourriez-vous parler des conditions de détention à l'Heliodrom ?
28 Comment y vivait-on dans ce bâtiment où vous avez été détenue de juin à
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1 décembre 1993 ?
2 R. Comme je vous l'ai dit hier, nous avons été placés dans deux pièces qui
3 se trouvaient sous le toit. Il y avait une dizaine ou une douzaine de lits
4 par pièce. Nous avions un lit avec un matelas en mousse et quand il a
5 commencé à faire froid vers le mois d'octobre, de novembre - je sais qu'il
6 a neigé une fois - à ce moment-là, on nous a donné quelque chose à nous
7 couvrir, une couverture.
8 Nous n'avons pas de salle de bain. Je sais qu'au premier étage et au rez-
9 de-chaussée, là où il y avait les hommes, il y avait une salle de bain. A
10 deux reprises, nous y avons été emmenées pour prendre un bain dans la salle
11 de bain du rez-de-chaussée. Nous avons été emmenées deux fois au sous-sol,
12 qui avait une cuisine avec de grands -- de béton là où nous avons pu nous
13 laver.
14 A l'entrée de l'autre côté des pièces où nous étions, il y avait deux
15 plus petites pièces. Nous avons vu au départ quelques tables dans une
16 entreille. Il y avait une table telle que celle qu'on trouve pour un examen
17 gynécologique. Plus tard, deux des femmes détenues ont pu transformer cette
18 pièce en pièce qu'elle pouvait avoir pour elles-mêmes. Dans l'autre pièce
19 qui se trouvait à côté des escaliers, il y avait une espèce de cuisine
20 improvisée avec l'évier, ce qui fait que Novica, un Serbe, c'était un des
21 détenus, mais il a été libéré. Il a dit, en fait, que cette structure avait
22 été aménagée en 1992 et qu'avant cela, c'était simplement un grenier, il
23 n'y avait pas de pièces sous les toits.
24 Au bout du couloir -- ou plutôt, à côté de ces deux petites pièces il
25 y avait une autre pièce où étaient entreposés des uniformes militaires. A
26 côté de cette pièce-là, il y avait des toilettes, mais c'était une espèce
27 de [imperceptible] que simplement, on trouve dans le sol et des espaces
28 réservés aux pieds. Il y a des femmes qui ont essayé de se laver là en
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1 s'aspergeant d'eau, mais, plus tard, ceux qui amenaient à manger, elles ont
2 dit que quand on essayait de se laver là, enfin, cela débordait et l'eau
3 coulait dans les pièces en dessous où les hommes dormaient.
4 En tout cas, nous avions cette espèce de cuisine de fortune où il y
5 avait une plaque électrique, et nous avions une grande casserole dans
6 laquelle nous pouvions nous laver et aussi faire bouillir nos vêtements.
7 Nous étions nombreuses et, en fait, on avait qu'un haut de vêtement. Quand
8 on avait de l'eau, on se lavait; quand on n'avait pas, on était autorisé à
9 aller chercher de l'eau en bas parce que, là, il y avait toujours au rez-
10 de-chaussée de l'eau, donc, on amenait l'eau en se servant de bouteilles.
11 Nous avons pu nous laver jusqu'à la taille, là, à cet évier, et pour ce qui
12 est du bas, bien, disons, qu'on mettait un pied dans un seau et l'autre
13 dans l'autre, c'est comme cela qu'on faisait.
14 Q. Madame Drljevic, si vous avez besoin d'une pause, je suis sûr que la
15 Chambre le comprendra, et fera droit à votre demande.
16 R. Non, merci. Mais ne m'en veuillez pas, s'il vous plaît. Je vais
17 continuer.
18 Q. Soyez assurée, Madame, que personne ne vous tiendra rigueur de cela.
19 Vous nous avez parlé de ce qu'on vous donnait à manger; pouvez-vous nous en
20 dire un peu plus, pendant votre séjour à l'Heliodrom, que receviez-vous en
21 guise de nourriture ?
22 R. Nous recevions deux repas par jour. Le matin, en général, du thé, et
23 quelque chose à grignoter, quelquefois aussi, un peu de lait, mais j'ai
24 vraiment très mal mangé. Je veux dire ce qui m'a le plus gêné c'était les
25 ustensiles en métal dans lesquelles on nous servait à manger. D'après ce
26 que disaient ceux qui apportaient la nourriture, il semblerait que la
27 nourriture, qu'ils distribuaient aux femmes, était de qualité bien
28 meilleure que celle qui était distribuée aux hommes. Pour ce qui nous
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1 concerne, est-ce que c'est parce que, tout d'un coup, j'étais emprisonnée
2 et est-ce que c'est dû à cela ? En tout cas, j'ai très mal mangé, très peu
3 mangé. Un homme que je connaissais déjà avant et qui s'est entretenu avec
4 moi à certain moment m'a demandé un jour pourquoi j'avais tant maigri ?
5 Pour moi, le plus gros problème c'était ces espèces de gamelle, qui
6 vraiment ressemblait à des gamelles pour chien. Il a même proposé de
7 m'apporter de la vaisselle de chez lui mais j'ai refusé parce que je ne
8 voulais pas me distinguer des autres femmes. Si bien que je me sentais très
9 mal, j'étais en mauvaises conditions physiques et sur injonction du
10 médecin, on m'a emmené à plusieurs reprises au dispensaire pour recevoir
11 des perfusions. Les femmes qui allaient travailler revenaient de temps en
12 temps avec une boîte de conserves, mais là, encore, c'étaient des boîtes de
13 thon qui dégageaient une mauvaise odeur. Mais j'étais en mauvais état, cela
14 a dû avoir une influence parce que, finalement, quand j'ai recouvré la
15 liberté, je n'ai rien eu de meilleur à manger, mais dans les conditions de
16 la prison, je n'arrivais pas à manger. Il y avait aussi quelques boîtes de
17 conserves et des biscuits qui étaient reçus de l'aide humanitaire qu'on
18 nous distribuait parfois, mais le fait que le déjeuner soit servi très tôt
19 et qu'il n'y ait pas de dîner, pour moi, c'était vraiment épuisant. Il
20 arrivait quelquefois qu'on déjeune à midi.
21 Q. Madame Drljevic, j'aimerais que nous recentrions un peu ces questions
22 et ces réponses. Je vous interrogeais maintenant au sujet des autres femmes
23 qui étaient à l'Heliodrom emprisonnées avec vous. Je vous demanderais
24 comment elles ont été traitées. Si nous devons passer à huis clos partiel,
25 à un moment ou à un autre, je suis sûr que la Chambre l'acceptera. Pouvez-
26 vous nous dire, je vous prie, quel a été le traitement qui vous a été
27 dispensé pendant votre détention à l'Helidrom de juin à décembre 1993 ?
28 R. Bien, au début, j'ai trouvé un peu bizarre que les femmes se trouvent
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1 là même si déjà avant au début du conflit quand il a été déclenché un
2 groupe de femmes assez important a été amené à l'Heliodrom, elles sont
3 restées là pendant quoi, deux, trois, maximum dix jours et, finalement,
4 elles ont été relâchées grâce à l'intervention de la communauté
5 internationale.
6 Mais les gens, qui venaient de temps en temps, trouvaient toujours
7 assez bizarre que je me trouve là puisque j'étais le seul membre de l'armée
8 à cet endroit, et on venait même parfois me voir comme une espèce d'animal
9 de foire. Enfin, au début, de façon générale, on peut dire que personne ne
10 s'est mal comporté à notre égard. Ceci a duré jusqu'au 30 juin 1993. Les
11 entretiens qu'ils avaient avec nous étaient ce que j'appellerais normaux,
12 même si j'avais du mal à les supporter.
13 J'ai pensé à Damir Sipra un jour, et je lui ai dit que je voulais partir.
14 Je ne sais pas pour qui il travaillait, peut-être pour la police militaire.
15 En tout cas, en janvier 1993 ou était-ce peut-être en avril, des
16 patrouilles communes ont été créées et des coups de feu ont été tirés un
17 jour sur un véhicule suite à cet évènement, une enquête a été menée sur
18 place et lorsque j'ai parlé à Damir, à ce moment-là, voyez-vous, les choses
19 sont difficiles. Quand on se retrouve dans une situation aussi pénible, on
20 est prêt à s'accrocher à un brin de paille. Il y a peut-être des gens que
21 cela ne dérange pas, mais cela m'a vraiment choqué cette indifférence. Sa
22 mère était mon institutrice et par la demande que j'ai faite, je suppose
23 que je faisais appel à quelqu'un pour qu'on m'apporte un peu d'aide parce
24 que, voyez-vous, si on m'avait dit : On va te remettre en liberté chez qui
25 tu veux aller, j'aurais dit que je souhaitais aller chez sa mère. Mais
26 quand je me suis entretenue avec lui, il a dit qu'il n'avait une très
27 grande estime pour les élèves de sa mère et vraiment j'ai été affectée par
28 cette réaction.
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1 Le 30 juin, mon commandant, Hujdur, a été tué. Je l'ai appris le jour
2 même. Ce jour-là, ils ont emmené auprès de nous la mère du
3 Dr Kreso. Puis, les soldats venaient assez souvent et ils ne pénétraient
4 pas dans la pièce où nous nous trouvions parce que nous étions séparées par
5 des barreaux fermés à clé. Ils nous regardaient à travers les barreaux et
6 l'un d'entre eux m'a demandé si j'étais peinée par sa mort.
7 L'expérience la plus désagréable que j'ai vécue c'était en septembre,
8 après le 21 septembre plus tard, j'ai découvert la date exacte de cette
9 opération menée à Stotina, mais, à ce moment-là, je ne savais même pas que
10 quelque chose se préparait. J'ai sans doute été informée le lendemain.
11 En tout cas, donc, en septembre, après le 21, un groupe de soldats
12 est arrivé, et Robi Buhac, qui avait à peu près 25 ans, était parmi eux. Il
13 avait, à ce moment-là, des cheveux bouclés assez longs et lui aussi m'a
14 posé la même question. Il m'a dit : Est-ce que tu as de la peine parce que
15 Hujka est mort ? J'ai répondu : Oui, évidemment. Après cela, comment est-ce
16 que je pourrais dire ? Il a armé son fusil. Il a préparé pour l'utiliser et
17 je lui ai dit : Mais toi aussi, sans doute, non, non, non. C'est quand j'ai
18 dit que j'avais du chagrin à cause de la mort de mon commandant qu'il a
19 fait cela. Ensuite, il y avait un autre soldat qui lui a dit qu'il
20 s'appelait Robi, qu'il était de Vukovar et qu'il lui a demandé de baisser
21 son fusil.
22 Puis, il y a autre chose qui est en rapport avec deux personnes qui
23 ont été relâchées au mois de septembre. Je me souviens de leur libération,
24 donc je suppose que ce que je vais dire s'est passé également au mois de
25 septembre.
26 Un jour, un certain Veki, un jeune homme, est arrivé avec un Heckler.
27 Je ne connais ni son prénom, ni son nom de famille, mais sa mère était la
28 sœur du gardien Klemo et son père était Serbe. Il a fait preuve d'une
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1 grande brutalité à mon égard et il m'a jetée sur une chaise dans le
2 couloir, et il m'a dit en pointant son fusil sur moi : Qu'est-ce que tu
3 veux toi, Balija ? Je pense qu'il a été incité à agir de cette façon par
4 deux personnes dont je ne souhaite pas donner les noms maintenant.
5 Quand je l'ai vu le matin, il portait un uniforme de camouflage. Le
6 soir, il est arrivé habillé d'une veste en cuir et je me souviens que, sur
7 le dos de cette veste ou de ce blouson de cuir, se trouvait le dessin de
8 quelque chose, un dessin très coloré et peut-être un dessin de flammes.
9 Il m'a fait monter à l'étage dans une pièce, là-haut, il y avait deux
10 ou trois pièces qui étaient utilisées pour les interrogatoires et je sais
11 aussi que l'infirmerie se trouvait là. Alors, voilà, nous avons eu une
12 conversation informelle et, en fait, les choses se sont passées de cette
13 façon. Nous parlions de choses et d'autres sans grande importance et, tout
14 d'un coup, de temps en temps, il plaçait une question plus spécifique. Il
15 m'a demandé depuis combien de temps j'étais dans le camp. Est-ce que
16 j'avais eu des relations avec un gardien ou un autre ? Vraiment, cela ne me
17 serait pas venu à l'idée. Mais au moment où j'ai dit que cette question
18 était insensée, il est devenu complètement fou. Quand j'ai dit "insensé",
19 je qualifiais l'ensemble de la situation dans laquelle je me trouvais.
20 Quand j'ai prononcé ce mot, il est devenu complètement furieux et il m'a
21 dit : C'est parce que tu hais les Croates. J'ai répondu que cela n'avait
22 rien à voir avec l'appartenance ethnique, mais que la question c'était les
23 conditions dans lesquelles j'étais en train de vivre. Cette conversation a
24 duré peut-être dix à 15 minutes, après quoi, il m'a fait sortir de la
25 pièce.
26 Avant de sortir et avant d'ouvrir la porte, il a éteint la lumière et
27 il s'est approché de moi et il a essayé de me toucher; je l'ai repoussé. Il
28 m'a dit, à ce moment-là : Baisse les bras, tu ne dois pas oublier un seul
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1 instant que tu es prisonnière. Il a refait la même tentative encore une ou
2 deux fois. Chaque fois, je l'ai repoussé parce que je n'aurais pas accepté
3 de mon plein gré. J'étais prête à me battre par tous les moyens pour ne pas
4 me retrouver dans une situation de viol parce que je pense tout de même que
5 c'est la seule la plus dure que puisse une femme.
6 Il m'a dit, à ce moment-là, qu'il croyait que je n'avais couché avec
7 personne et il m'a fait revenir dans notre pièce en me disant que je ne
8 devais parler à personne de ce qui s'était passé. Bien entendu, c'est ce
9 que j'ai fait parce que, cinq minutes plus tard, il est arrivé, il a emmené
10 Jasmina Piljar. Quelques jours plus tard, elle m'a raconté qu'il s'est
11 comporté de la même façon à son égard, mais que la première chose qu'il lui
12 a demandée c'est comment je m'étais comportée quand j'étais revenue dans la
13 pièce où les femmes se trouvaient.
14 Q. Madame Drljevic, je me permettrais de vous interrompre maintenant.
15 Pouvez-vous, je vous prie, nous dire si vous avez eu connaissance de
16 quelques autres mauvais traitements infligés à d'autres détenus de
17 l'Heliodrom pendant la durée de votre séjour à l'Heliodrom ?
18 R. Non. Je réponds non si vous parlez de violences sexuelles. En revanche,
19 je sais que de telles choses ont eu lieu en d'autres endroits, mais je ne
20 les ai pas vues de mes yeux. On m'en a parlé simplement.
21 Q. Passons à un autre sujet, Madame. Vous nous avez dit un peu plus tôt ce
22 matin, vous nous avez parlé un peu plus tôt au cours de votre déposition
23 d'un moment où la Croix-Rouge était venue à l'Heliodrom. Vous rappelez-vous
24 à quel moment cette visite a eu lieu ?
25 R. Je crois que c'était au mois d'août 1993 et pas avant. Je ne saurais
26 pas vous donner la date exacte mais je sais qu'une femme qui se trouvait à
27 l'Heliodrom au moment où j'y suis arrivée moi-même, elle était là depuis le
28 mois de mai, et elle n'a été enregistrée qu'en août 1993.
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1 Q. Cette visite au mois d'août 1993 ou à peu près au mois d'août a-t-elle
2 été la seule visite de la Croix-Rouge internationale à l'Heliodrom pendant
3 la durée de votre séjour ?
4 R. Non, non. Ils sont venus encore deux ou trois fois, mais sans succès.
5 Chaque fois bien sûr nous reconnaissions le véhicule de la Croix-Rouge à
6 travers les soupiraux nous voyons ce véhicule arrivé. Il s'approchait et il
7 atteignait le portail et s'arrêtait. D'ailleurs, tout cela a été confirmé
8 plus tard. La Croix-Rouge de la rive gauche nous l'a confirmé. A travers
9 les barreaux, on pouvait entendre ce qui se disait à l'extérieur et un jour
10 nous avons entendu un garde qui disait à un autre : "Ne les laisse pas
11 entrer, ne les laisse passer le portail."
12 Puis, la Croix-Rouge est revenue aussi au mois de novembre et au mois
13 de décembre, donc, deux visites liées sans doute à toutes les activités
14 relatives à la libération de civils au mois de décembre.
15 Q. Madame Drljevic, après le mois de décembre 1993, date à laquelle vous
16 avez recouvré la liberté après votre emprisonnement à l'Heliodrom, est-ce
17 que vous avez eu un quelconque contact avec des représentants de la Croix-
18 Rouge ?
19 R. Oui. La Croix-Rouge avait une représentation sur la rive gauche de la
20 Neretva, c'est-à-dire, à Mostar est.
21 Q. Pouvez-vous nous parler des contacts que vous avez pu avoir avec la
22 Croix-Rouge internationale après votre sortie de l'Heliodrom ?
23 R. Bien, ces contacts étaient avant tout liés à la rédaction de listes de
24 prisonniers échangés, également à la recherche de disparus, et dans le
25 bureau du corps d'armée sur toutes les listes où figurait mon nom, j'ai vu
26 qu'au regard de mon nom, figurait la mention "à l'étranger". A d'autres
27 endroits dans ces listes, on lisait la mention, "Emmené par Juka" ou la
28 mention "à l'étranger".
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1 Q. Madame Drljevic, avez-vous reçu des documents de la Croix-Rouge ?
2 R. Oui. Quand la Croix-Rouge m'a enregistrée au mois de mai, le 25 mai
3 1993, j'ai reçu un carnet où figuraient un numéro, mon nom et mon prénom,
4 et une date. A ma sortie du camp, dans ce bureau de la Croix-Rouge dont
5 j'ai parlé tout à l'heure, j'ai reçu un certificat qui venait de Zagreb.
6 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'appelle l'attention
7 des Juges sur une petite erreur d'interprétation. En anglais, le témoin a
8 dit que cette phrase "emmené par Juka" concernait les jeunes gens de
9 Zenica, mais, au compte rendu d'audience figure une autre mention, donc,
10 j'aimerais qu'il y ait correction.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
12 L'INTERPRÈTE : Correction -- Vranica, et pas Zenica.
13 M. MUNDIS : [interprétation]
14 Q. Pourriez-vous poursuivre ? Vous avez dit quand l'interruption a eu lieu
15 que vous aviez reçu un certificat provenant de Zagreb.
16 R. Oui.
17 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, avec l'aide du Greffe,
18 j'aimerais que l'on soumette au témoin le document enregistré en tant que
19 pièce P7 -- P8774 -- 8 774.
20 Q. Madame, est-ce que vous voyez ce document affiché à l'écran ?
21 R. Oui, oui. C'est un certificat que j'ai en ma possession, que j'ai chez
22 moi. Mon père a aussi le même genre de certificat.
23 Q. Est-ce de celui-ci que vous parliez à l'instant lorsque vous avez dit
24 avoir reçu un certificat de Zagreb ?
25 R. Oui, oui.
26 Q. Je vous remercie. Madame, au cours de la période que vous avez passée à
27 l'Heliodrom, est-ce que vous aviez une idée de l'identité du commandant ?
28 Qui était-ce à votre avis le commandant de cette installation pendant le
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1 temps que vous y avez passé ?
2 R. Le commandant du camp -- enfin, c'était la division régionale d'enquête
3 militaire et le commandant s'appelait Stanko Bozic.
4 Q. Est-ce que vous avez une idée du nombre des personnes qui travaillaient
5 à l'Heliodrom pendant la période de votre détention ?
6 R. Je ne pourrais pas vous donner un chiffre exact car la pièce dans
7 laquelle nous nous trouvions, bien, elle était -- recevait quelquefois la
8 visite de trois ou quatre soldats. Je suppose que c'était pareil pour les
9 autres pièces. En fait, il y avait un roulement des équipes, mais je ne
10 peux pas vous donner de chiffre précis pour ce qui est des effectifs
11 travaillant dans ce lieu de la police parce que la sécurité était assurée
12 par la police militaire du HVO. Il y avait une unité qui avait comme
13 commandant, Ante Smiljanic. Je ne sais pas non plus combien de bâtiments il
14 y avait ? Je ne peux pas vous donner de chiffre.
15 Q. Vous avez dit auparavant avoir été relâché le 17 décembre 1993.
16 Pourriez-vous nous donner une idée du nombre de personnes qui aurait été
17 relâché en même temps que vous pour autant qu'il y en ait eu ?
18 R. Il y a eu des personnes qui ont été libérées. Je ne sais pas combien
19 elles étaient ? Je suis certaine que vous pourrez obtenir ce genre de faits
20 de la Commission chargée des Echanges, mais aussi, des pouvoirs publics. En
21 tout état de cause, il y a beaucoup de personnes relâchées. En fait, je
22 n'étais pas si surprise. Lorsque j'ai appris qu'il y avait autant de
23 détenus. Cela m'a surpris, ce jour-là. Je suppose qu'il y a encore plus de
24 gens qui sont restés dans le camp. Il y avait plus de gens qui sont restés
25 en détention que de personnes relâchées mais je ne peux pas vous donner de
26 chiffre. Je vous l'ai déjà dit.
27 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, avec l'aide de M. le
28 Greffier, je voudrais qu'on présente au témoin le document qui porte le
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1 numéro 6 955.
2 Q. Madame Drljevic, est-ce que vous avez un document à l'écran ?
3 R. Oui, je vois un document.
4 Q. Est-ce que votre nom y figure ?
5 R. Oui. Au regard du numéro 12.
6 Q. Est-ce que vous reconnaissez d'autres noms dans ce document ?
7 R. Je les reconnais tous, à l'exception du numéro 10, Zulka. C'était peut-
8 être son véritable prénom mais on l'appelait Fata. Peut-être qu'elle a deux
9 prénoms. Je ne sais pas.
10 Q. Je vous remercie, Madame le Témoin.
11 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, Je vais demander l'aide
12 de M. le Greffier pour que soit montré au témoin un document qui porte le
13 numéro P5107.
14 Q. Madame Drljevic, est-ce que ce document apparaît à l'écran ?
15 R. Oui. Oui, oui, je vois.
16 Q. Est-ce que vous voyez votre nom dans ce document ?
17 R. Oui, au numéro 21.
18 Q. Est-ce que vous reconnaissez d'autres noms mentionnés de documents ?
19 R. Une fois de plus, je reconnais Zulka que je connaissais sous le nom de
20 Fata. Maintenant, je vois le numéro 20. Ana Vejsil Orhan. C'est bien la
21 confirmation. Je m'étais dit qu'elle était Musulmane mais qu'elle s'était
22 convertie. Mais, maintenant, c'est très clair. Elle s'est mariée et son
23 mari a lui, aussi, été emprisonné. Il était dans une cellule d'isolement.
24 Je ne sais pas si c'est parce qu'il avait dérobé de l'argent mais en tout
25 il s'appelait Ante. Cela s'était passé, en tout cas, avant d'arriver au
26 camp. Oui, vers l'année 1977, elle avait donc 16 ans à l'époque.
27 Q. Je n'ai plus que quelques questions à vous poser. Depuis la fenêtre où
28 vous étiez détenue sur le toit, est-ce que vous avez vu ce qui se passait
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1 en dehors, à l'extérieur du bâtiment ?
2 R. Oui, en partie.
3 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez vu les personnes qui étaient
4 détenues dans le même bâtiment que vous, est-ce que vous les avez vu à
5 l'extérieur ?
6 R. Oui. Surtout, vers le 30 juin et jusqu'au 4 juillet. En fait, du 1er au
7 4 juillet, elles y étaient jour et nuit devant ce bâtiment, dans ce terrain
8 de jeu où on les faisait s'aligner en colonne énorme. Cela faisait des
9 centaines de personnes. Les bus arrivaient. Ils contournaient ou
10 descendaient la colline Varda en formant une espèce de convoi.
11 Q. Vous parlez de centaine et de centaine de personnes, est-ce que vous
12 savez qui étaient ces gens, Madame ?
13 R. Je le sais aujourd'hui. Je sais aujourd'hui que pour l'essentiel,
14 c'étaient des gens qui avaient été capturés dans leur appartement, qui se
15 trouvaient dans le quartier ouest de la ville où on les avait capturé alors
16 qu'ils étaient dans la rue. Depuis nôtre fenêtre, nous avons vu le moment
17 où les hommes qui étaient dans la pièce du dessous avaient été sortis. On
18 voulait un peu aérer les couvertures parce que, aussi, on voulait, ils
19 avaient des poux. Donc, on voulait leur mettre cette goutte sur les cheveux
20 pour tuer les poux.
21 Il y avait un camion qui n'avait qu'un plateau à l'arrière, qui
22 n'avait pas de toit, j'ai souvent vu ce camion. Les gens qu'on y avait
23 placé, qui étaient emmenés me l'ont dit plus tard parce qu'il se fait que
24 j'en ai reconnu quelques-uns. Ils m'ont dit qu'on les faisait sortir parce
25 qu'ils devaient aller faire des travaux forcés
26 -- pour aller travailler. Je l'ai vu et c'est resté graver dans mon esprit
27 parce que, pendant une période, je ne sais pas, je ne peux pas vous dire
28 que cela se faisait tous les jours, chaque matin, parce que si cela aurait
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1 été quelques jours, ils me l'ont expliqué plus tard.
2 Certains -- là où ils étaient, elles ont travaillé pendant plus
3 jours, mais, très souvent, j'ai vu un camion citerne avec cette partie
4 carrée métallique argentée, cela présentait inoxydable. C'était donc une
5 partie carrée avec un vert qui se trouvait au-dessus. Cela m'a beaucoup
6 surpris parce que le chauffeur, c'était un homme qui avait été dans mon
7 quartier qui s'appelait Dragan Kozo, c'est comme cela qu'il s'appelle
8 Kozul, mais là, il était dans la police militaire. L'autre homme, c'était
9 son frère, Stojan, qui était cuisinier au QG de Vranica.
10 Cette nuit-là -- et d'ailleurs, il habitait aussi à Vranica. Cette
11 nuit-là, du 9 au 10 mai, j'ai souvent dit aux jeunes hommes d'aller dans
12 son appartement et de lui demander de venir au sous-sol, mais,
13 manifestement, il avait un autre rôle à jouer.
14 Mais j'ai aussi vu un camion à plusieurs reprises. Quand je vous ai
15 parlé de mauvais traitements, c'est un peu par rapport à cela. Il y avait
16 des tulipes de différentes couleurs qui avaient été peintes et c'était un
17 camion qui était utilisé, les gens descendaient lentement, ils titubaient
18 en descendant. Je l'ai remarqué. J'ai supposé qu'ils avaient les mains
19 liées dans le dos. Devant eux, il y avait un soldat qui se tenait debout et
20 qui hurlait, qui disait : "Ne me regardez pas, regardez droit devant vous."
21 C'est ce qu'il disait à ces gens, en criant. J'ai reconnu la voix d'Ante
22 Buhovac, la nuit tombait, mais je l'ai quand même reconnu même si je n'ai
23 pas pu distinguer son visage. J'ai reconnu sa voix. C'était la voix d'Ante
24 Buhovac.
25 Q. Madame, pouvons-nous parler de votre santé et de l'état de santé qui
26 était le vôtre au moment où vous avez été relâchée de l'Heliodrom.
27 Pourriez-vous nous en parler ?
28 R. Hier, dans le cadre de ma déposition, je vous l'ai déjà dit que, ce
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1 jour-là, tout d'un coup, j'ai commencé à avoir des saignements. Quand le
2 Dr Ertan Kapetanovic était de service à la clinique, c'est là qu'on m'avait
3 emmenée, à la polyclinique. Je le connaissais avant, il a refusé de me
4 donner quoique ce soit, un pansement, quoique ce soit, de la gaze, et il y
5 a une amie à moi qui m'a donné linge de sa petite fille.
6 A Ljubuski, lorsque nous sommes tous arrivés, on nous a donné des bas
7 et des sous-vêtements, uniquement un jeu de sous-vêtement et en fait ces
8 saignements se sont poursuivis pendant 15 jours. Le
9 Dr Suko, jusqu'alors je ne le connaissais pas, il m'a donné un goutte qui
10 s'appelle Ergotil, ce qui a permis que les saignements cessent.
11 Lorsque nous sommes arrivés à Heliodrom, j'ai très mal mangé, très
12 peu, j'ai à peine mangé, une toute petite portion. Ce qui fait que le Dr
13 Radic m'a mis sous perfusion. Ante Buhovac était celui qui en a été
14 quelquefois chargé, mais mis à part cela, il s'est toujours très bien
15 comporté envers moi jusqu'au moment où j'ai signé un bout de papier qui
16 disait que j'allais aller sur la rive gauche.
17 Un soir, il m'a emmenée à l'infirmerie et j'ai vu un homme, une
18 personne de taille très grande. C'était donc le service du HVO qui était
19 réservé au service ambulatoire. On voyait le nom de Pehar sur le tablier,
20 la blouse blanche du médecin. J'ai reconnu ce nom de famille parce qu'il
21 était typique de Mostar. Je l'ai entendu parler au chauffeur de
22 l'ambulance. Je suppose que c'était le chauffeur de l'ambulance. Je ne sais
23 pas si cela s'est passé au mois de juillet parce qu'il disait qu'à ce
24 moment-là, il n'y avait aucun pansement, il n'y avait rien du tout. Je ne
25 le savais pas à l'époque, après je me suis renseignée, j'ai appris de quoi
26 il s'agissait. En fait, il mentionnait enfin je vais vous paraphraser ce
27 qu'il a dit, il a dit : "Ce général vous parle de morale, mais à quoi bon,
28 pourquoi. Il parle des victoires à Boksevica, alors qu'ils nous ont tués à
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1 plate couture ou battus à plate couture." C'est à ce moment-là que j'ai
2 vraiment pris peur. J'ai refusé qu'on me passe cette perfusion.
3 Après avoir entendu ce que j'avais entendu, je me suis dit que le
4 docteur ne savait même pas que j'étais détenue, peut-être a-t-il pensé que
5 je travaillais là ou que j'avais des fonctions à l'Heliodrom. Je ne suis
6 pas sûr qu'il a vraiment compris que j'étais détenue à l'Heliodrom.
7 Le Dr Hadzic était en uniforme et par-dessus son uniforme, il avait
8 la blouse blanche d'un médecin. On disait qu'il faisait partie du 9e
9 Bataillon qui était cantonné à Jasenica et qu'il était salarié, qu'il
10 recevait un salaire. Mais je dois dire qu'il s'est toujours très bien
11 comporté envers moi. J'ai même demandé à ce qu'il me donne des somnifères,
12 ce qu'il a fait.
13 Je ne sais pas quand c'était, mais, psychologiquement, j'ai trouvé
14 tout cela de plus en plus difficile à supporter. A tel point qu'à un moment
15 donné, le jour comme la nuit j'ai eu des hallucinations horribles. Tout
16 d'un coup, je ne pouvais plus bouger mes membres. C'était devenu tout
17 raide. On a fait venir un médecin. Le Dr Stranjak est venu avec deux
18 infirmiers, Seno et Omer, et je les connais encore aujourd'hui. Ils vivent
19 et ils travaillent à l'hôpital, malheureusement. Le Dr Stranjak devait
20 avoir 45 ans. Il était détenu. Il était prisonnier même s'il était médecin.
21 Il est mort d'un infarctus l'année dernière.
22 Au cours de cette période, mais je ne sais pas si c'est à cause des
23 somnifères qui m'avaient été donnés ou si c'était à cause de l'état
24 psychologique déplorable dans lequel j'étais, enfin, je m'imagine, personne
25 ne me l'a dit, peut-être que je l'ai rêvé. A partir de ce moment-là, tout
26 semble anormal. Je pensais que ma mère était morte, que ma petite fille
27 était malade, je pensais que mon confrère avait été tué. Oui, j'avais pensé
28 ce genre de chose et, dans ces circonstances, j'ai écrit une lettre. Il y
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1 avait une femme qui venait vers l'organisation Caritas, et j'ai écrit une
2 lettre. J'ai écrit une lettre à ma sœur pour l'encourager à persévérer,
3 pour lui donner la force de continuer, et c'est une lettre que j'ai gardée
4 tout le temps sur moi, que j'avais dans la main que j'ai cachée dans mon
5 soutien gorge au cas où on me fouillerait. Lorsque l'organisation Caritas
6 est venue, je suis sortie dans l'entrée, je lui ai donnée dans l'entrée,
7 dans le couloir, et cette femme a mis la main dans ma poche et j'ai laissé
8 tomber la lettre. Je lui ai donnée. Par la suite, je suis juste parvenue à
9 écrire le numéro de téléphone d'une amie à moi qui habite à Rome. Ils l'ont
10 contacté et ils ont réussi à trouver mes parents et ma sœur, et mes parents
11 et ma sœur ont été emmenés en Italie.
12 Q. Je vous remercie, Madame Drljevic.
13 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je me rencontre de
14 l'heure qu'il est. Je suppose que nous allons bientôt avoir notre première
15 pause. J'ai terminé mon interrogatoire principal. Je voudrais simplement
16 avoir l'occasion de parcourir mes notes pour voir si c'est bien le cas.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, vous avez terminé votre
18 interrogatoire principal.
19 M. MUNDIS : [interprétation] Oui. Avec votre permission, je voudrais
20 simplement discuter avec mes collègues pour passer en revue mes notes et je
21 pense effectivement que nous avons terminé, mais je voudrais pouvoir en
22 discuter avec le reste de l'équipe.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, il est 10 heures 25. Nous reprendrons à
24 11 heures moins quart.
25 --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.
26 --- L'audience est reprise à 10 heures 49.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, l'audience étant reprise, je me tourne, une
28 ultime fois, vers M. Mundis pour lui demander si son interrogatoire
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1 principal est bien terminé.
2 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. L'Accusation a
3 effectivement terminé son interrogatoire principal et nous aimerions savoir
4 à quel moment vous souhaitez que nous versions les documents au dossier,
5 maintenant ou à la fin de la déposition du témoin.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a la possibilité de demander dès maintenant ou
7 vous pouvez attendre le contre-interrogatoire et en demander le versement.
8 C'est à vous de voir. Mais c'est vous qui en apprécié l'opportunité,
9 maintenant ou après, comme vous voulez.
10 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Afin d'éviter
11 toute confusion par la suite, nous souhaitons verser au dossier les
12 documents suivants : 5 107, 6 955, 8 774, qui sont des documents de la
13 liste 65 ter de l'Accusation. L'Accusation à compris que la photographie,
14 qui a été annotée par le témoin, c'est-à-dire, le IC-0001, a déjà été
15 versée au dossier, mais je souhaite que ceci soit confirmé. Je vois que le
16 Greffier fait un signe de la tête indiquant que c'est exact, et nous
17 souhaitons que ces derniers documents soient versés au dossier, ceux que
18 nous avons présenté au témoin. Merci.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Kovacic.
20 M. KOVACIC : [interprétation] Pour que nous soyons clairs au niveau de la
21 procédure à l'avenir, je crois qu'il serait bien que l'Accusation,
22 lorsqu'elle cite un témoin à la barre et après avoir présenté le document
23 et après la fin du contre-interrogatoire, je crois que ce serait mieux si
24 la partie concernée déclarait quel document sera versé au dossier, quel
25 document constituera une pièce, car si un document n'a pas été versé au
26 dossier au cours du contre-interrogatoire, nous n'avons pas besoin
27 d'interroger le témoin pendant le contre-interrogatoire.
28 Donc, si un document est versé au dossier, nous saurons qu'à ce
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1 moment-là, nous pouvons contre-interroger le témoin sur la base de ce
2 document-là. Je crois qu'il serait préférable que ce soit fait avant le
3 début de contre-interrogatoire. Je crois qu'au moment où une partie
4 présente un document au témoin, je crois qu'il serait important que la
5 partie concernée précise si oui ou non, elle souhaite verser ce document au
6 dossier, ce qui faciliterait le déroulement de la procédure.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Mundis est allé au-delà de vous, puisqu'il
8 demande le versement de trois documents qui ont été présentés au témoin.
9 Dans ces conditions, Monsieur le Greffier, les trois documents 5 107, 6 955
10 et 8 774 sont donc admis.
11 Avant d'aborder le contre-interrogatoire, nous avons fait le calcul :
12 l'Accusation a passé exactement 282 minutes, donc, la Défense, en global, a
13 282 minutes. Donc, je donne la parole en regardant tout le monde, et qui va
14 procéder au début.
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. C'est moi
16 qui vais commencer et je vais essayer d'être aussi bref que possible.
17 Contre-interrogatoire par M. Karnavas :
18 Q. [interprétation] Bonjour, Madame. Je m'appelle Michael Karnavas et je
19 représente ici Jadranko Prlic. Je vais commencer par vous poser quelques
20 éléments généraux. Ensuite, nous aborderons l'essentiel de votre
21 déposition.
22 Hier, vous nous avez indiqué que vous étiez soldat ou que vous
23 faisiez partie de l'armée; est-ce exact ?
24 R. Oui.
25 Q. Donc, à l'époque, au moment où vous avez été arrêtée ou capturée, vous
26 étiez soldat ?
27 R. Oui.
28 Q. Lorsque vous avez été emmenée à Ljubuski et ensuite, à l'Heliodrom,
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1 vous y avez été emmenée en tant que soldat capturé; est-ce exact ?
2 R. Oui.
3 Q. Avant d'avoir quitté le bâtiment de Vranica, vous avez troqué vos
4 vêtements pour des vêtements civils; est-ce exact ?
5 R. Oui.
6 Q. Pas vous simplement, mais d'autres ont fait de même ?
7 R. Oui.
8 Q. Si je me souviens bien, hier, il y avait un monsieur qui était là. Vous
9 avez dit que c'était autrefois l'architecte. Cet homme est décédé, et avec
10 des porte-voix, il a indiqué à tout le monde, il a précisé que toutes les
11 personnes se trouvant à l'intérieur des bâtiments étaient des civils; est-
12 ce exact ?
13 R. Oui.
14 Q. Le but --
15 R. Non, pardonnez-moi. Ceci a été évoqué en rapport avec ceux avec
16 lesquels il avait négocié. Lorsque vous dites "tout le monde", est-ce que
17 vous voulez parler de ceux qui étaient à l'intérieur ou de ceux qui étaient
18 à l'extérieur ?
19 Q. Malheureusement, j'ai peut-être mal formulé ma phrase. A l'intérieur du
20 bâtiment de Vranica qui était le quartier général du HVO -- de l'ABiH, à
21 l'époque, il y avait des soldats à l'intérieur, y compris vous-même; est-ce
22 exact ?
23 R. Oui.
24 Q. Bon nombre d'entre eux, y compris vous-même, vous avez troqué vos
25 uniformes pour vous cacher et vous déguiser en civils; est-ce exact ?
26 R. Oui, c'est exact. Mais je devrais signaler que dans ma déclaration
27 préalable, c'est quelque chose que j'ai dit dans ma déposition ici. La
28 principale raison pour laquelle j'ai porté des vêtements civils, c'est que
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1 j'avais commencé à saigner ce matin-là et je n'avais rien sur moi pour
2 empêcher ce saignement. Je ne pouvais pas gérer cette situation, mais il
3 est vrai que bon nombre de soldats à ce moment-là se sont habillés avec des
4 vêtements civils.
5 Q. En réalité, si je me souviens bien de votre déposition hier, on vous a
6 demandé, on vous a intimé de changer vos vêtements pour pouvoir déguiser en
7 civils. Donc ceci n'avait rien à voir avec ces saignements. En d'autres
8 termes, on vous a intimé de le faire.
9 R. Non.
10 Q. Lorsque le monsieur --
11 R. Non. Ceci ne s'applique pas à moi, mais les hommes simplement. Avant de
12 forcer le passage à l'endroit où se trouvaient les autres soldats.
13 Q. Autrement dit, les hommes soldats, cela s'appliquait à eux. En d'autres
14 termes, ils se faisaient passer pour d'innocents civils par opposition à
15 des soldats armés, là, sur la rive gauche, au cœur de Mostar, là où se
16 trouvait le quartier général de l'ABiH; est-ce exact ?
17 R. Je ne vois pas en quoi cela change quelque chose. S'ils avaient été en
18 uniforme, ils auraient terminé dans un fossé, comme les autres jeunes
19 hommes qui se sont peut-être changés de vêtements, et qui par la suite ont
20 porté un uniforme, car la femme d'un des soldats a dit que la personne que
21 l'on voyait sur la photographie ou dans le film ne portait pas son propre
22 pull-over. C'était une façon de sauver leur peau.
23 Je n'ai jamais caché le fait que j'ai été un soldat dans l'armée,
24 donc que l'on porte des vêtements civils ou un uniforme, je déclarais
25 toujours que j'étais un soldat.
26 Q. Donc, pour être tout à fait clair, la réponse à la question, c'est oui.
27 R. Oui.
28 Q. Je n'ai pas l'intention de paraître agressif, mais les questions sont
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1 tout à fait précises, et je crois qu'on peut avancer assez rapidement.
2 Revenons à Mostar.
3 Est-ce que vous voulez poser une question ou faire une déclaration ?
4 R. Avec votre permission, j'aimerais dire que s'ils changeaient de
5 vêtements, ils ne voulaient pas prétendre être autre chose, des civils
6 innocents. Ils tentaient simplement de sauver leur peau.
7 Q. Lorsque vous avez été emprisonnée, vous avez été détenue en tant que
8 soldat; c'est exact ?
9 R. Oui.
10 Q. Avant de venir ici aujourd'hui, avez-vous relu vos déclarations ?
11 R. Oui.
12 Q. Quand, pour la dernière fois, avez-vous lu vos déclarations ?
13 R. Lorsque j'ai fait ces déclarations -- je ne me souviens pas de la date
14 de la première déclaration. Il y avait donc en 1998 et 1989, c'était un
15 service de la police judiciaire, et ensuite, j'ai remis une déclaration à
16 l'enquêteur. Je crois que la dernière, c'était en 2001.
17 Q. Quand avez-vous lu ces déclarations pour la dernière fois ? Je ne dis
18 pas les rédiger, les faire, mais quand les avez-vous lues pour la dernière
19 fois ?
20 R. Bien, pendant la séance de récolement, il y a deux jours.
21 Q. Vous vous souvenez de ce que vous avez dit en 1988, et vous avez dit
22 que la dernière était en 2001. Je vais vérifier -- en 2001 et 2002. Il y a
23 eu plusieurs entretiens à ce moment-là ?
24 R. Oui.
25 Q. Si on lisait ces déclarations, est-ce qu'on n'aurait pas le sentiment
26 que vous avez été, dans l'ensemble, bien traitée lorsque vous étiez en
27 prison ?
28 R. Bien, je pourrais dire que cela est exact, étant donné que personne ne
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1 m'a frappée, personne ne m'a violée.
2 Q. [aucune interprétation]
3 R. Mais compte tenu des conditions de détention et du temps passé dans ce
4 camp, je ne peux pas dire que j'ai été bien traitée. Si vous tenez compte
5 de la façon dont ceci m'a touchée, la manière dont j'ai réagi à cette
6 situation, c'est quelque chose que j'ai déjà dit à un des enquêteurs. Après
7 une expérience aussi difficile, je suis ravie de pouvoir dire que je
8 n'éprouve aucune haine. Si je ne souhaite pas me venger de ces gens-là, si
9 je pouvais les jeter en prison, les empêcher de manger de la bonne
10 nourriture et de quitter les lieux, je ne serais pas en mesure d'agir de la
11 sorte. Tout ce que je puis dire, c'est que ceux qui sont coupables ont
12 décidé de traiter les hommes et les femmes comme si c'étaient des singes,
13 et parce qu'ils les ont mis derrière les barreaux, les personnes qui sont
14 responsables de ceci ne sont pas ceux qui ont obéi aux ordres. Ceux qui
15 sont à l'origine de ce projet, de ce plan, doivent être tenus pour
16 responsables. C'est au Tribunal d'en décider.
17 Smiljanic était commandant.
18 Q. Je vous demande de bien vouloir vous concentrer sur ma question, s'il
19 vous plaît, car pendant l'interrogatoire principal, vous avez pu parler de
20 toute votre expérience.
21 R. [aucune interprétation]
22 Q. -- c'est un fait, lorsque vous avez relu votre déclaration -- lorsque
23 vous avez fait votre déclaration et lorsque vous l'avez relue en 1998, on
24 vous a posé des questions sur les personnes qui étaient là avec vous. On
25 vous a interrogée, l'Accusation vous a interrogée, et vous avez donné
26 l'impression que vous avez été bien traitée à Ljubuski et à l'Heliodrom,
27 alors que vous étiez prisonnière à cet endroit-là en tant que soldat; est-
28 ce exact ?
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1 R. Oui.
2 Q. Merci.
3 R. Si vous parlez de "mauvais traitements" au plan physique, c'est-à-dire
4 que quelqu'un passe huit mois dans un camp et qu'aucune raison n'est donnée
5 pour cela, je pense que ceci n'est pas une situation normale.
6 Q. Bien. Mais il n'y a rien dans votre déclaration, que ce soit la
7 déclaration de 1998 ou celle de 2001, vous ne parlez pas des effets
8 psychologiques que vous abordez aujourd'hui. Nous ne trouvons pas cela dans
9 vos déclarations, hormis peut-être que vous n'aimiez pas la nourriture à
10 cause des assiettes sur lesquelles c'était servi.
11 R. C'est quelque chose que j'ai retrouvé dans les documents il y a peu de
12 temps. J'ai retrouvé un certificat qu'avait rédigé le Dr Hadzic. Ce
13 certificat médical n'est pas daté, mais il précise qu'en raison de mon état
14 de santé psychologique et physique, qu'on devait me donner une ration
15 supplémentaire de nourriture. C'est quelque chose que j'ai abordé avec
16 l'Accusation.
17 J'ai été soignée par un médecin qui s'occupe de ma mère, car après le film
18 Grbovica, j'ai vraiment été soumise à d'énormes pressions. J'étais très
19 stressée.
20 Q. Très bien. Parlons un petit peu du Dr Hadzic. Vous avez, dans votre
21 déclaration, parlé du fait que vous avez été soignée par lui. En réalité,
22 apparemment, vous ne mangiez pas, donc il a fallu vous faire une perfusion;
23 c'est exact ?
24 R. Oui.
25 Q. Rien dans votre déclaration ne semble indiquer qu'il y avait un
26 quiproquo, que vous deviez prendre cette perfusion pour pouvoir signer un
27 document ou quelque chose. Car d'après ce que j'ai compris au cours de
28 l'interrogatoire principal ce matin, on vous prodiguait des soins, mais
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1 sous certaines conditions. Mais je vous ai peut-être mal comprise. Il me
2 semble que vous avez dit cela ce matin.
3 R. Je ne comprends pas votre question.
4 Q. J'ai dû me tromper. Mais quoi qu'il en soit, ce n'était pas sous
5 réserve de certaines conditions. Vous avez reçu une transfusion sanguine,
6 vous avez obtenu davantage de nourriture, vous vous êtes occupée de votre
7 santé dans les meilleures conditions, étant donné les circonstances ?
8 R. Tout d'abord, j'ai perdu tellement de poids -- j'avais perdu 20 kilos,
9 et ensuite, j'ai eu cette transfusion sanguine.
10 Q. La question est celle-ci : le Dr Hadzic vous a prodigué les soins dont
11 vous aviez besoin ?
12 R. Oui.
13 Q. Rien dans votre déclaration, que ce soit celle de 1998, lorsque les
14 choses étaient sans doute plus claires au niveau de vos souvenirs -- en
15 2001, vous ne dites rien du fait que vous avez remis une lettre à Caritas.
16 R. Oui. Il y a quelques temps, j'avais reçu une cassette d'une femme --
17 Q. La question que je vous pose -- mes questions sont assez précises. Dans
18 les déclarations que vous avez faites chez vous en 1998 et en 2001, dans
19 vos déclarations, Caritas n'est absolument pas évoqué.
20 R. Non, rien n'est dit à ce sujet. Mais personne ne m'a dit que je ne
21 pouvais parler que des questions qui étaient mentionnées dans ma
22 déclaration. A ce moment-là, j'aurais dû remettre une déclaration beaucoup
23 plus tôt, pas seulement il y a deux jours.
24 Q. Bon, d'accord. Je pense que l'Accusation pourra rectifier cela avec ses
25 autres témoins. Mais je peux vous poser une question ? Tout d'abord,
26 lorsque vous avez fait votre première déclaration, ceci se passait dans une
27 ambiance assez amicale, n'est-ce pas ?
28 R. Oui.
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1 Q. On vous a posé des questions ?
2 R. Oui.
3 Q. Les gens, qui étaient là, étaient là pour vous aider. Autrement dit,
4 ces gens-là souhaitaient recueillir de vous tous les éléments dont vous
5 disposiez, n'est-ce pas ? Répondez soit par oui, soit non, ou alors peut-
6 être que c'est comme cela que je le comprendrai.
7 R. Je ne peux répondre ni par oui ni par non.
8 Q. [aucune interprétation]
9 R. J'ai parlé de ce qui me semblait le plus important. Ma déclaration a
10 aurait pu être deux fois plus longue. Ce n'est que maintenant que je me
11 remets à mes souvenirs de certaines choses, parce que j'ai toujours essayé
12 d'oublier tout cela, je souhaitais le mettre derrière moi.
13 Q. Très bien, mais quoi qu'il en soit, ils ne vous ont pas dit : "Nous
14 n'avons que très peu de temps pour vous poser des questions." On ne vous a
15 pas dit que vous pouviez parler aussi longtemps que vous le souhaitiez;
16 c'est cela ?
17 R. Oui, mais pour ce qui est de la deuxième déclaration, les enquêteurs ne
18 disposaient que d'un temps limité, ou plutôt, s'il faut trois jours pour
19 préparer une déclaration, c'était difficile pour moi de poursuivre au-delà
20 de trois jours. C'était trop pénible.
21 Q. Donc, nous allons procéder pas à pas. Vous comprenez cette expression :
22 pas à pas ? Bien. Alors commençons par la première question. Lorsque vous
23 vous êtes entretenue avec les gens de AID, les gens de chez vous en 1998,
24 vous étiez dans un contexte amical et vous n'étiez pas limitée dans le
25 temps, n'est-ce pas ?
26 R. Non, effectivement, je n'étais pas limitée dans le temps.
27 Q. On vous a donné l'occasion de relire la déclaration et de la signer par
28 la suite; est-ce exact ?
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1 R. Oui.
2 Q. Lorsqu'on vous a posé des questions des années après, les événements,
3 peut-être, n'étaient pas aussi clairs dans votre souvenir, mais quoi qu'il
4 en soit, l'Accusation vous a posé des questions, mais il me semble qu'on
5 vous a posé des questions à plusieurs reprises, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Encore une fois, ce sont des gens assez aimables ?
8 R. Oui.
9 Q. Ils n'ont pas essayé de vous intimider ou de raccourcir ce que vous
10 vouliez dire, quelque soit le sujet que vous souhaitiez aborder, ou quoi
11 que ce soit; est-ce exact ?
12 R. Oui.
13 Q. Ils vous ont sans doute dit, car je suis sûr qu'ils vous l'ont dit, que
14 si vous vous souveniez tout à coup de quelque chose que vous avez oublié,
15 vous pouviez les contacter pour leur dire. Autrement dit, ajouter quelque
16 chose si vous aviez oublié quelque chose; c'est exact ?
17 R. Oui, oui.
18 Q. Bien. Donc lorsque vous êtes venue à La Haye, vous avez eu l'occasion
19 de relire ces déclarations, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Il semblerait que certaines des choses que vous avez évoquées
22 aujourd'hui n'ont pas été recueillies pendant la séance de récolement que
23 vous avez eue avec les représentants de l'Accusation; c'est exact ?
24 R. Oui.
25 Q. Bien. Passons maintenant à une autre --
26 R. Un instant, s'il vous plaît. Ce n'était pas hier, mais avant-hier, et
27 j'ai dit à l'Accusation qu'à un moment donné, j'ai lu quelque chose à
28 propos d'un film, et c'est à ce moment-là que je me suis souvenue du titre
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1 du film : "La fuit d'Alcatraz." Pendant toutes ces années - cela fait 13
2 ans - je ne m'étais jamais souvenue du nom du film.
3 Q. Très bien. Merci. J'aimerais parler de vous un petit peu, s'il vous
4 plaît, les détails vous concernant. Vous n'avez pas de formation militaire,
5 n'est-ce pas ? J'entends, officiellement.
6 R. Non.
7 Q. Alors que vous faisiez partie de l'armée de l'ABiH, vous n'avez pas
8 subi un entraînement non plus, je suppose.
9 R. Non.
10 Q. Ils ne vous ont pas envoyé -- vous n'avez pas suivi une formation
11 particulière, par exemple pour -- formation de secrétaire, je crois que
12 c'est votre profession.
13 R. Non.
14 Q. [aucune interprétation]
15 R. [aucune interprétation]
16 Q. A l'origine, vous avez commencé à travailler avec les forces musulmanes
17 avant la création même de l'armée de l'ABiH; c'est exact ?
18 R. C'était le 15 avril, le jour officiellement, en fait, la journée de
19 l'armée, le 15 avril 1992. Je suis arrivée un mois plus tard.
20 Pour ce qui est de la formulation utilisée, cela s'appelait la
21 Défense territoriale avant cela, qu'il s'agisse des forces de réserve du
22 MUP, de l'ABiH, à partir du mois de septembre 1991. Je ne sais pas, c'est
23 difficile à dire.
24 Q. Je parle de la période qui précède la création de l'armée de l'ABiH.
25 D'après ce que j'ai compris, vous vous êtes portée volontaire, vous vous
26 êtes présentée; c'est exact ?
27 R. Oui.
28 Q. C'était une unité 100 % musulmane ?
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1 R. Oui, pour la plupart, dans sa quasi-totalité. Etant donné que bon
2 nombre de Serbes avaient quitté la ville, un petit nombre de Serbes a
3 rejoint l'armée dans le courant du mois de juillet 1992, et quelques
4 Croates également. Mais il faut savoir qu'un nombre important de Musulmans
5 avaient rejoint les rangs du HVO, mais je crois que les Bosniens étaient
6 dans la majorité, je dois dire. Je crois que c'est ce qu'il faut dire.
7 C'était le groupe ethnique dominant dans les Unités de l'armée.
8 Q. Très bien. Alors, nous allons procéder pas à pas. Nous n'allons omettre
9 aucun détail.
10 A ce moment-là, vous vous êtes présentée, vous êtes portée volontaire
11 pour faire la cuisine, faire le café, aider, étant donné les circonstances,
12 faire tout ce que vous pouviez; est-ce exact ?
13 R. Oui.
14 Q. Puis, arrive un moment où vous devenez secrétaire.
15 R. Cela a eu lieu à peu près au mois d'août 1992. L'unité était cantonnée
16 dans la caserne de Luka. Je pense que le nom de cette caserne vient du nom
17 de son premier commandant. Je suis restée là jusqu'au mois de janvier ou
18 février 1993.
19 Q. Très bien. Quand vous en êtes partie, vous avez tout de même conservé
20 vos fonctions de secrétaire ?
21 R. Oui.
22 Q. [aucune interprétation]
23 R. Secrétaire du commandant de la brigade. Parce que le commandant du camp
24 du sud qui a commandé ce camp du sud jusqu'au mois de novembre 1992, a pris
25 ensuite, à partir de novembre 1992, le commandement de la 1ère Brigade de
26 Mostar, et en novembre 1992, il a été tué. Moi, je ne suis pas entrée dans
27 le bâtiment Vranica avant le mois de février 1993, parce qu'il n'y avait
28 pas assez de salles disponibles, mais j'allais tous les jours au travail à
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1 la caserne, comme je l'avais fait dans le camp du sud.
2 Q. Très bien. Enfin, la réponse à ma question, c'est que votre travail
3 était un travail de secrétaire et rien d'autre ?
4 R. Oui.
5 Q. Très bien.
6 R. [aucune interprétation]
7 Q. Votre commandant, il avait un surnom, n'est-ce pas ? Parce
8 qu'apparemment, vous parlez de lui, parfois, en l'appelant par son nom, et
9 parfois par son surnom; c'est bien cela ? Hujdur, c'est bien le seul nom
10 que vous utilisez ?
11 R. En général, je parle de Hujka, qui est son surnom. Mais pour que tout
12 le monde comprenne mieux, j'emploie parfois le nom de Hujdur, qui est
13 effectivement son patronyme officiel.
14 Q. Bien. Si j'ai bien compris, son supérieur à lui était le chef du 4e
15 Corps d'armée à un certain moment, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, oui, oui.
17 Q. Alors dites-moi si je me trompe éventuellement, ou en tout cas, aidez-
18 moi à mieux comprendre; en tant que secrétaire, est-ce que vous participiez
19 aux réunions où ces hommes discutaient de questions opérationnelles ? Est-
20 ce que vous assistiez à ces réunions, en d'autres termes ?
21 R. Non.
22 Q. Qu'en est-il de réunions traitant de questions de stratégies ou de
23 tactiques ? Est-ce que ces hommes vous consultaient, ou est-ce que vous
24 participiez aux groupes qui, en la présence de ces commandants, discutaient
25 de telles questions ?
26 R. En général, non. Ils nous arrivaient de discuter officieusement de
27 questions que mon commandant estimait que je devais connaître. Mais cela
28 n'arrivait pas souvent parce qu'il y avait de nombreux problèmes au sein de
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1 la brigade et j'avais bien d'autres problèmes à traiter. Mon travail
2 n'était sans doute pas un travail de secrétaire classique. J'intervenais
3 surtout pour assurer la communication entre le commandant et les soldats.
4 J'intervenais au cas où l'un ou l'autre de ces hommes avait des problèmes
5 de logement, des problèmes d'assurance médicale liés à une blessure ou des
6 problèmes d'organisation de funérailles en cas de décès. Donc, ce n'était
7 pas vraiment le travail classique d'une secrétaire comme j'avais pu le voir
8 ailleurs. En tout état de cause, une secrétaire n'est pas censée -- ou
9 peut-être est-elle censée être impliquée ? Mais en tout cas, moi, je ne
10 l'étais pas. Je ne participais pas à ce genre de chose. Je ne prenais pas
11 de décisions, c'est sûr.
12 Q. Très bien. Vous ne participiez pas non plus aux débats qui avaient lieu
13 entre ces hommes lorsqu'ils s'apprêtaient à rédiger un ordre. Vous
14 assistiez à ces réunions pour savoir ce qu'il fallait inscrire dans le
15 texte, mais vous ne participiez pas aux discussions sur les actions à
16 venir, sur le fond ?
17 R. Non.
18 Q. Donc, si par exemple, je devais vous soumettre un ordre de Arif Pasalic
19 en date du 17 avril 1993 ou un ordre Hujdur en date du 19 avril 1993, ou en
20 apparence, en tout cas, certaines actions étaient en train d'être
21 planifiées par l'armée de Bosnie-Herzégovine contre le HVO, vous ne
22 pourriez pas nous aider à interpréter ces deux ordres, n'est-ce pas ?
23 R. Peut-être le pourrais-je, parce que comme je l'ai dit dans ma
24 déposition, par la suite, l'occasion m'a été donnée d'assister à de telles
25 réunions. Mais croyez-moi, je n'ai pas étudié ces documents de très près.
26 Q. [aucune interprétation]
27 R. Cela dit, quand je suis sorti de détention, j'ai demandé à voir les
28 ordres, mais de toute façon, c'étaient des informations qui étaient à ma
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1 disposition. J'aurais pu les lire. Mais l'ordre dont j'ai parlé a été lu à
2 la radio, de toute façon. Esad Humo, l'adjoint du commandant, en a parlé
3 aussi, celui qui a participé aux pourparlers.
4 Q. Très bien.
5 R. Encore quelques instants, je vous prie. Au moment où l'ordre a été
6 rédigé, je ne l'ai pas eu sous les yeux. C'était un ordre strictement
7 confidentiel, et je sais qu'il a été envoyé par estafette ce soir-là, parce
8 que c'était un soir où je suis restée dans le bâtiment Vranica pour passer
9 la nuit. Mais je ne l'ai pas vu au moment où il a été rédigé.
10 Q. Très bien. J'aimerais être sûr d'avoir bien compris. Vous ne
11 participiez pas à la rédaction d'un ordre ou à la discussion relative à la
12 façon dont cet ordre serait rédigé, n'est-ce pas ?
13 R. En effet. En effet, l'ordre dont nous parlons a été rédigé au centre
14 opérationnel de la brigade et il a été envoyé par estafette sous pli
15 scellé. Mais bien sûr, par la suite, nous en avons tous discuté. Enfin,
16 peut-être pas tous. Mais j'ai dit hier que Esad Humo, après sa conversation
17 avec Zelenika Pero, avait déclaré qu'il avait pris un exemplaire de cet
18 ordre et qu'il le lui avait montré. Donc, cela a rendu le commandant
19 furieux, parce que c'était un ordre qui était censé être strictement
20 confidentiel.
21 Q. En fait, vous avez dit dans l'une de vos dépositions que quiconque
22 lisait cet ordre était censé le détruire après l'avoir lu, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, oui.
24 Q. Vous n'avez pas lu cet ordre ?
25 R. Pas à ce moment-là, non.
26 Q. Quand vous dites, "pas à ce moment-là", est-ce que vous l'avez lu avant
27 le 9 mai ? Cet ordre était censé être strictement confidentiel, mais
28 l'avez-vous eu sous les yeux avant le 9 mai ?
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1 R. Non. Pas non plus à ce moment-là. Je l'ai vu plus tard, quand je suis
2 sortie du camp et que je suis retournée à la brigade.
3 Q. Quand vous êtes sortie du camp, donc vous l'avez eu sous les yeux après
4 votre sortie de l'Heliodrom, après votre libération ?
5 R. Oui, oui.
6 Q. J'aimerais être tout à fait sûr, de façon à ne pas perdre de temps par
7 la suite. Vous avez dit précédemment n'avoir eu aucune information
8 militaire en tant que tel et n'avoir aucune expérience militaire préalable.
9 Donc, serais-je en droit de dire que peut-être vous n'étiez pas la personne
10 la plus indiquée pour dire quel était le sens précis d'un ordre, ou
11 interpréter un ordre ?
12 R. On pourrait s'exprimer ainsi. Il y a, je pense, des gens qui ont
13 participé à la rédaction de l'ordre, parce que malheureusement, ni l'un ni
14 l'autre des deux signataires n'est vivant aujourd'hui, mais il y a des
15 hommes qui ont participé à la discussion portant sur la rédaction de
16 l'ordre ou à la distribution de cet ordre, à son expédition, à un endroit
17 ou à un autre. Il est possible que ces hommes --
18 Q. Mais, vous ne faites pas partie des personnes ?
19 R. Il y a peut-être quelqu'un qui pourrait être plus précis que moi pour
20 parler de cet ordre.
21 Q. Vous ne faites pas partie de ces personnes. Je suppose que c'est cela
22 que je voulais mettre en exergue. Je tiens à être sûr d'avoir bien compris.
23 Je ne voudrais pas, si l'occasion existait, perdre l'occasion d'interroger
24 quelqu'un qui serait susceptible de donner des informations au sujet des
25 intentions de ceux qui préparaient cette attaque contre le HVO. Si cette
26 personne, c'est vous, je n'aimerais pas perdre l'occasion de vous
27 interroger sur ce sujet. Je tiens à être tout à fait équitable.
28 R. Disons que vous trouverez sans doute des personnes plus compétentes.
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1 Q. Ce qui signifie --
2 R. Qui pourront tirer tout cela au clair pour vous.
3 Q. Compte tenu de votre expérience, de votre passé et des tâches qui vous
4 étaient confiées à l'époque, est-ce que vous diriez, suite à ce que vous
5 avez dit hier, que l'ABiH menait les combats, alors que le HVO ne faisait
6 que battre en retraite et refusait d'assumer ses responsabilités ? Est-ce
7 que c'est l'une des causes des tensions qui sont apparues à ce moment-là ?
8 R. Hier, j'ai parlé de la période allant de l'incident au carrefour de la
9 Neretva jusqu'au début juillet, moment où les membres de l'armée ont pris
10 leurs positions à Podvelezje. J'ai parlé des armes qui avaient été saisies
11 par les Unités du HVO au camp du nord ou peut-être plus à l'ouest. Je sais
12 que le commandant s'est fâché à ce moment-là. Il a dit : Chaque fois qu'on
13 va sur la ligne de Podvelezje, il y a un kilomètre de moins. C'était
14 quelqu'un qui avait une bonne formation militaire et qui allait sur le
15 front; ce n'était pas moi. Même chose pour l'attaque aérienne du 9 juillet
16 1992.
17 Q. Merci. Je suppose que l'on voulait corriger un peu ce que vous avez dit
18 précédemment, si j'ai bien compris ce que vous venez de dire. Ce n'est pas
19 moi qui vous suggère d'apporter la moindre correction. Mais ce que vous
20 êtes en train de dire, c'est que vous n'êtes pas compétente pour témoigner
21 de certaines questions telles que la mesure dans laquelle le HVO combattait
22 dans la période où les agresseurs - ceux que vous appelez les Chetniks - se
23 battaient dans le secteur.
24 R. Disons que je ne suis peut-être pas suffisamment qualifiée pour cela,
25 mais cela ne signifie pas que je n'ai pas eu connaissance de certaines
26 choses. D'ailleurs, même des civils qui se trouvaient là et qui ne
27 faisaient pas partie de l'armée pouvaient en être informés également. Quoi
28 qu'il en soit, j'espère que l'Accusation va saisir l'occasion pour
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1 retrouver des personnes qui, peut-être, auront une meilleure qualification
2 ou compétence militaire pour parler de ces questions que moi.
3 Q. Espérons-le. Vous n'êtes pas non plus qualifiée ou compétente pour
4 témoigner des quantités d'armes qui étaient -- arrivaient pour aider les
5 Musulmans à l'époque. Je parle des livraisons d'armes destinées aux
6 Musulmans. Vous n'êtes pas compétente non plus pour parler de cette
7 question, n'est-ce pas ?
8 R. Non.
9 Q. Dites-moi - si je me trompe, je vous demande votre aide - hier, je vous
10 ai attentivement écoutée. Il semblerait que sur toutes ces questions, les
11 armes, qui était à l'initiative des combats, le déroulement du conflit,
12 enfin tout ce que vous avez dit sur ces questions hier, reposait sur des
13 renseignements de deuxième ou même de troisième ou quatrième main obtenus
14 par vous ?
15 R. C'est peut-être le cas. Je ne vois pas très bien ce que vous entendez
16 par troisième ou quatrième ou cinquième main.
17 Q. D'accord. Commençons par le commencement. Vous n'avez pas vu tout cela
18 de vos yeux, n'est-ce pas ?
19 R. Cela, c'est exact.
20 Q. Vous receviez ces renseignements en écoutant les gens dans la rue ou en
21 écoutant les rumeurs, en écoutant des bruits, n'est-ce pas ?
22 R. Disons que j'entendais cela des membres de l'unité dont je faisais
23 partie, car je passais pratiquement toute ma journée, du matin au soir, à
24 la caserne. Donc, je n'ai pu entendre ces renseignements que des soldats.
25 Après, j'étais à Vranica, mais à Vranica, je ne me trouvais pas à Vranica
26 les dimanches. Je ne travaillais pas à Vranica les dimanches. Donc, je n'ai
27 pas pu entendre tout cela de la bouche d'autres personnes que des personnes
28 faisant partie de la structure.
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1 Q. Très bien. C'est de l'extérieur que vous venaient vos informations,
2 n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. C'est la raison pour laquelle hier, à très juste titre, vous avez
5 toujours indiqué que ce dont vous parliez, vous l'aviez entendu de
6 quelqu'un d'autre ?
7 R. Oui.
8 Q. Aujourd'hui, vous n'êtes pas en mesure d'apprécier avec une quelconque
9 certitude, ce qui, dans ce que vous dites, constitue un fait réel ou une
10 affabulation ou une exagération ou quoi que ce soit d'autre.
11 R. Je ne vous ai pas compris.
12 Q. D'accord. Vous êtes ici en train de témoigner, et les informations dont
13 vous disposez, vous les avez obtenues de tierce personne. Donc, vous ne
14 savez pas quelle est la qualité de ces informations. Vous ne savez pas si
15 ces informations correspondaient à la vérité en totalité, partiellement, si
16 elles constituaient des exagérations ou si elles étaient totalement
17 erronées. Vous ne pouvez pas dire aujourd'hui si ces informations étaient
18 exactes ou fausses. C'est cela que je vous déclare ici aujourd'hui, sans
19 jugement de valeur, bien entendu.
20 R. Disons que pour une part, je peux me dire en accord avec vous. Pour une
21 part. Car ces informations ne correspondent pas à quelque chose que j'ai vu
22 de mes yeux. Personne ne peut affirmer avec une totale certitude autre
23 chose que ce qu'il a vu de ses yeux, vécu personnellement ou ressenti
24 personnellement. Je crois que c'est bien pour cela d'ailleurs que je me
25 trouve ici aujourd'hui pour parler avant tout de ce que j'ai vécu
26 personnellement.
27 Q. Très bien. Votre vécu, par exemple, n'a rien à voir avec la description
28 que vous avez faite des tensions qui se sont créées entre l'ABiH et le HVO,
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1 tensions dues en partie au fait que les soldats croates ne tenaient pas la
2 ligne, et qu'il revenait aux soldats de l'ABiH d'assurer la plupart des
3 combats. Cette affirmation ne résulte pas d'une observation personnelle de
4 votre part.
5 R. Bien --
6 Q. Cette question demande une réponse par oui ou par non. Il n'y a rien
7 entre les deux. Soit vous l'avez vu, soit vous ne l'avez pas vu ?
8 R. Je ne l'ai pas vu, et je ne peux pas non plus donner un nom à ces
9 jeunes gens, parce que ce n'étaient pas non plus des soldats croates qui se
10 battaient. Un certain moment, le sentiment était que les lignes croates
11 étaient abandonnées. Là encore, c'est quelque chose que j'ai entendu de
12 tierce personne. On parlait d'abandon des lignes. Il ne restait plus que
13 trois équipes sur le front.
14 Q. Très bien. Pouvez-vous nous dire exactement quel était le nombre de
15 soldats croates comparé à celui des soldats de l'ABiH qui, précédemment,
16 était le Bataillon indépendant de Mostar dont vous faisiez partie ? Pouvez-
17 vous nous donner une comparaison numérique, si vous êtes au courant ? Si
18 vous n'êtes pas au courant, dites-le; ne faites pas de supputation.
19 R. A l'époque, au moment où le Bataillon de Mostar a été créé, il était
20 composé de 700 membres. Le HVO dominait en termes de chiffres. Quoi qu'il
21 en soit, ce sont des informations qui peuvent être fournies à cette
22 honorable Chambre par les voies officielles.
23 Q. Très bien. D'après ce que je comprends de vos déclarations, de ce que
24 vous avez dit hier, vous avez précisé que le HVO était mieux équipé.
25 R. Oui.
26 Q. A un moment donné, d'après ce que j'ai compris hier, il y avait un
27 accord de coopération entre le HVO et l'ABiH, est-ce exact, pour coordonner
28 les différentes activités; c'est exact ?
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1 R. Oui.
2 Q. Bien. Avant de passer à un autre sujet, vous avez parlé ou peut-être
3 aujourd'hui - c'était peut-être hier ou aujourd'hui - vous avez dit que
4 vous avez eu l'occasion d'emmener des membres de votre famille - je crois
5 que c'était des enfants de votre sœur - de les emmener à un endroit qui
6 s'appelait Kastelj ? Je ne sais pas si je prononce correctement.
7 R. Oui.
8 Q. C'est cette région qui se trouve au-dessus de Split et qui a une vue
9 panoramique sur l'ensemble de la côte adriatique; c'est exact ?
10 R. Oui.
11 Q. Cela se trouve en Croatie, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, cela se trouve en Croatie, et c'est à cause de mes amis.
13 Q. Bien.
14 R. Nous sommes amis depuis les années 1970.
15 Q. Ce qui m'intéresse, c'est qu'en plein milieu de ce conflit, de cette
16 guerre, la Croatie vous autorise à venir avec ces enfants. Cela correspond
17 à des réfugiés ou des personnes déplacées, quelque soit le terme que vous
18 utilisez, pour les faire venir ici pour les protéger. En d'autres termes,
19 vous n'avez pas été arrêtée à la frontière. On ne vous a pas demandé si
20 vous avez des visas, si vous avez des autorisations, si vous aviez la
21 possibilité de les mettre à l'abri comme cela en Croatie; est-ce exact ?
22 R. Oui, c'est exact. J'aurais pu faire cela des années plus tôt. J'ai pu
23 le faire jusqu'à maintenant. Mon cousin germain s'est marié en Croatie. Ma
24 nièce s'est mariée à cet endroit-là. Je n'ai rien contre la Croatie ni les
25 Croates.
26 Q. Pardonnez-moi, mais je reprends. Ce qui m'intéresse ici, pendant ce
27 conflit, la Croatie vous autorise à faire venir des enfants et autorise à
28 mettre à l'abri en Croatie ces enfants; est-ce exact ?
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1 R. Oui.
2 Q. Et --
3 R. J'aimerais préciser le fait que pour ce qui concerne mes parents
4 proches ou mes amis, il s'agissait toujours de l'Etat de Croatie.
5 Q. Merci. En réalité, vous n'étiez pas la seule, il y avait des centaines,
6 voire des milliers de personnes de Bosnie qui se sont rendues à cet
7 endroit-là pour se mettre à l'abri, pour être dans un endroit où elles
8 pouvaient être protégées de la guerre; est-ce exact ?
9 R. Oui, c'est exact. C'était la politique adoptée. C'était sans doute les
10 dispositions de l'accord entre la Croatie et le gouvernement de Bosnie. Je
11 ne le conteste pas. Je crois du reste que c'était quelque chose de très
12 positif.
13 Q. Oui, effectivement. Avant d'en terminer, un dernier point. Je souhaite
14 brièvement aborder la question de votre emploi à Ploce. Je crois que
15 c'était au mois de décembre 1991. Vous avez commencé par cette date-là
16 lorsque vous avez commencé votre déposition hier. Vous dites avoir été
17 licenciée de votre poste. Vous avez reçu une lettre de licenciement trois
18 mois plus tard, à la fin du mois de mars ou au début du mois d'avril 1992.
19 Vous souvenez-vous avoir dit cela hier ?
20 R. Oui.
21 Q. Ploce, pour ceux d'entre nous qui ne savent peut-être pas, se trouve en
22 Croatie également, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. C'est un petit village ?
25 R. Oui.
26 Q. Une sorte de port ?
27 R. Un port.
28 Q. Quelque chose comme un port ?
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1 R. Oui, un port.
2 Q. A ce moment-là, il y avait des combats lourds. La situation était
3 chaotique, n'est-ce pas ?
4 R. Oui.
5 Q. Bien entendu, si vous êtes à Mostar, vous devez vous rendre en voiture
6 à Ploce tous les jours à moins d'y résider. Corrigez-moi ou dites-le-moi si
7 je me trompe, mais c'est ainsi que j'entends votre déposition. J'y ai
8 réfléchi un petit peu. Peut-être que pendant quelques mois, vous ne vous
9 êtes pas présentée à votre travail, quelques mois avant d'avoir reçu votre
10 lettre de licenciement. Ai-je tort d'émettre cette hypothèse ?
11 R. Oui, vous avez tort. Peut-être que je me suis trompée hier et je n'ai
12 pas parlé de tout ceci dans le détail. Je représentais cette société en
13 Bosnie-Herzégovine, sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Je ne
14 devais pas me rendre au travail tous les jours. Nous étions parvenus à un
15 accord. Nous produisions -- nous fabriquions ces produits en cuir, et
16 quelquefois, nous achetions. La plupart du temps, nous vendions ces
17 articles. Nous n'avions pas de projet particulier. On n'avait pas précisé
18 combien d'articles, combien de marchandises je devais vendre, mais bien
19 évidemment, c'était dans mon intérêt ou dans l'intérêt de la société d'en
20 vendre le plus possible.
21 Nous étions en contact téléphonique à de nombreuses reprises. La situation
22 a changé. Ploce a été bombardé. Nous avions de moins en moins de travail,
23 et il était devenu dangereux de voyager en Bosnie-Herzégovine, de se
24 déplacer. A titre d'exemple, je peux vous dire qu'un homme de la société
25 Veselin Maslesa, avec lequel nous avions des contacts sur un plan
26 commercial, avait cette société à Banja Luka, et il y avait une agence et
27 c'est à cet endroit-là. C'est quelqu'un qui a participé à l'assemblée de
28 Bosnie-Herzégovine. C'était un représentant du SDS. Il s'appelait Dragan
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1 Djuric. Il avait une barbe très fournie et lorsque je travaillais avec lui,
2 surtout en 1991, il avait fait un certain nombre de commentaires et j'ai
3 remarqué qu'il agissait d'une façon que je ne pouvais pas accepter.
4 J'estimais que ceci n'était pas normal.
5 Ploce fonctionnait tout à fait normalement et je ne pouvais plus me
6 déplacer et vendre comme je le faisais par le passé. Il y avait certain
7 individu avec lequel je ne pouvais plus travailler ni coopérer. Il est vrai
8 que j'avais moins de travail à ce moment-là. C'est la raison pour laquelle
9 j'ai été renvoyée et ceci a eu des effets rétroactivement. Ceci a trait
10 avec l'association de Jelah. Il y a eu des négociations entre la Croatie et
11 le gouvernement d'Herceg-Bosna lorsqu'ils ont essayé de résoudre le
12 problème de ces salariés qui avaient été renvoyés au cours de cette
13 période.
14 Q. Bon. Je veux simplement m'assurer que tout soit bien clair. Je souhaite
15 être tout à fait équitable envers tout le monde, envers la Croatie, envers
16 Ploce et envers vous.
17 Vous n'êtes pas en train de sous-entendre en tout cas d'après la
18 réponse que vous avez donnée que vous avez été renvoyée parce que vous
19 étiez Musulmane ?
20 R. D'après les éléments dont disposait cette association, la plupart de
21 gens qui ont été renvoyés à l'époque quasiment 100 % des personnes, qui ont
22 été renvoyées, étaient soit Musulman soit Serbe. Je n'ai pas vu cette
23 décision, même s'ils sont en possession d'une décision et décision qui a
24 été rendue par le gouvernement de Croatie, aux termes de laquelle toute
25 personne ne vivant pas en Croatie doit être renvoyée. Je ne dirais pas que
26 toute personne non-croate et ces négociations ont été menées pour
27 indemniser en quelque sorte ces personnes.
28 Q. Bien.
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1 R. Des gens de cette association m'ont dit qu'ils étaient quelque peu
2 surpris lorsqu'ils ont entendu nos noms, car il n'y avait pas un seul
3 Croate sur la liste.
4 Q. Vous avez évidemment fourni cette liste et ces éléments d'information à
5 l'Accusation lorsque vous les avez rencontrés, donc ils auraient pu nous
6 les communiquer et les communiquer aux Juges de la Chambre --
7 R. Non, pas la liste, mais j'ai fourni les renseignements, c'est vrai. Je
8 ne dispose pas de la liste en tant que tel. J'espère pouvoir l'obtenir un
9 peu plus tard.
10 Q. Bien. Je souhaite parler de votre réponse précédente. Vous avez indiqué
11 qu'il y avait une guerre, une guerre avait -- vous étiez en temps de
12 guerre.
13 R. Oui.
14 Q. Vous n'étiez pas en mesure de vous déplacer comme vous le faisiez avant
15 parce qu'à cause de la situation due à la guerre donc vous ne pouviez pas
16 travailler dans la qualité qui -- en qualité de représentante commerciale
17 non pas parce que vous ne voulez pas mais à cause des conditions ?
18 R. C'est exact.
19 Q. Est-ce exact ?
20 R. Oui.
21 Q. Ploce a été attaqué; c'est exact ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous aviez eu des difficultés avec certains employés, y compris les
24 Serbes; c'est exact ?
25 R. Oui.
26 Q. Si je me trompe, dites-le-moi. Hier, vous avez précisé qu'après avoir
27 reçu cette lettre de licenciement, vous avez reçu une proposition de
28 travail. Je vous cite ce que vous avez dit hier. On vous a demandé : "Vous
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1 êtes la seule et l'unique représentante de la société; est-ce exact ?
2 R. Oui.
3 Q. Vous n'avez pas été licenciée. Vous avez reçu cette lettre et ensuite
4 on vous dit que vous pouvez être la représentante exclusive de cette
5 société; est-ce exact ?
6 R. Oui. La décision qui avait été prise de me renvoyer n'avait pas de sens
7 s'ils souhaitaient ensuite me proposer à un poste de représentante. Je
8 remplis mes fonctions tout à fait correctement. D'autre part, je dois dire
9 que, d'après les lois en vigueur en Yougoslavie, lorsque vous commencez à
10 travailler pour une société, vous aviez une période d'essai qui durait
11 trois mois. J'ai commencé à travailler à partir de 1991, et vers la fin de
12 la période d'essai, j'ai été embauchée pour une durée indéterminée.
13 Q. Oui, je comprends bien.
14 R. Heureusement ou malheureusement, c'était le cas. A l'époque, on ne
15 pouvait pas renvoyer quelqu'un à moins de prouver une faute grave devant un
16 tribunal et d'après -- je n'avais pas de description de poste précis. On
17 m'a donné certaines tâches à remplir et il m'ait été impossible et il était
18 impossible de m'envoyer en 1991 car je n'avais pas rempli mes obligations
19 par rapport à ce qu'on m'avait demandé de faire étant donné que je n'avais
20 pas de description de poste.
21 Q. Très bien. Bon, je veux terminer assez rapidement. Je souhaite
22 néanmoins encore m'intéresser à cette question-ci. D'après ce que vous avez
23 dit et ce que vous avez fait -- vous n'avez jamais fait d'effort
24 particulier pour accepter cette offre comme vous avez faite. -- une
25 représentante exclusive d'une société. Ensuite vous avez dit non. En
26 d'autres termes, vous n'avez fait l'effort de répondre à cette offre qui
27 vous avait été faite ?
28 R. Oui.
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1 Q. C'est peut-être une question de traduction. Je vais essayer de diviser
2 ma question en deux. Vous n'avez jamais accepté cette proposition qui vous
3 a été faite, autrement dit d'être la seule représentante de la société;
4 est-ce exact ?
5 R. Non. Trois jours plus tard il y a eu la guerre à Mostar. Il y a eu des
6 réservoirs d'essence qui ont explosé.
7 Q. Je ne souhaite pas vous interrompre mais vous dites que cela n'avait
8 pas de sens. Maintenant, vous me racontez autre chose. Je ne souhaite pas
9 être agressif à votre égard mais je souhaite être juste envers les Juges de
10 la Chambre. On vous a fait une proposition de travail et vous n'avez rien
11 fait pour l'accepter. Vous n'avez rien fait dans ce sens aucun effort; est-
12 ce exact ? Soit oui soit non ?
13 R. Non, je n'ai pas accepté cette proposition, mais il y a une différence
14 entre être embauché à temps plein et être un représentant unique, exclusif
15 et vous avez -- vous versez des impôts. Vous bénéficiez de la sécurité
16 sociale. Si vous êtes représentant vous ne bénéficiez pas de tous ces
17 avantages surtout pas en temps de guerre.
18 Q. Mais il y avait la guerre, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. L'entreprise ne pouvait pas embaucher tout le monde comme elle le
21 faisait en temps de paix; c'est exact ?
22 R. Oui. Mais certains étaient toujours embauchés. Je vais vous expliquer
23 ceci un petit peu. Dans bon nombre d'entreprises les salariés ne
24 travaillaient pas mais ils bénéficiaient encore de la sécurité sociale
25 depuis 1991 jusqu'à la fin la guerre quand bien même ils ne travaillaient
26 pas, à ce moment-là.
27 Q. Je comprends bien. Mais c'est parce qu'ils ont été mis sur une liste
28 d'attente; c'est exact ? Cette liste d'attente est quelque chose en fait
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1 qui a trait à l'ex-Yougoslavie. Je ne souhaite pas parler de tout cela. Il
2 s'agit des questions techniques. Mais lorsque les usines ne fonctionnaient
3 pas à pleine capacité, on vous mettait sur une liste d'attente. C'était à
4 80, 70 % que vous receviez votre salaire, jusqu'à ce que les choses
5 reprennent; c'est exact ?
6 R. Non.
7 Q. D'accord.
8 R. Non, Monsieur, vous vous trompez. Ceux qui rejoignaient les autres
9 armés, ceux qui ont détruit les villes, et cetera, ces personnes-là
10 recevaient toujours leur sécurité sociale. Je parle de la Bosnie-
11 Herzégovine. Je ne sais pas quelle était la situation en Croatie.
12 Q. Quoiqu'il en soit, lorsque vous avez commencé votre déposition hier,
13 vous vouliez que les Juges aient l'impression que le pays qui hébergeait
14 des milliers de Musulmans pendant la guerre, le pays qui fournissait des
15 armes aux Musulmans pendant la guerre, que ce pays est également le pays
16 qui vous a licencié parce que vous étiez Musulmane, n'est-ce pas,
17 l'impression que vous voulez donner ici, malgré toutes les autres
18 explications que vous nous avez fournies ?
19 R. Non, ce n'est pas l'impression que je voulais laisser. Disons que
20 je me suis peut-être trompée car je n'ai pas montré à l'Accusation tous les
21 documents pertinents pour étayer tout cela.
22 Q. Très bien. Peut-être qu'il s'agit d'une question qui n'était pas
23 pertinente, qui n'avait pas de toute évidence, qui dû être évoquée et qui
24 nous a fait perdre du temps ?
25 R. Je ne sais pas si j'ai le droit de faire ceci, d'après le
26 Règlement du Tribunal, mais je pourrais vous remontrer les documents qui
27 étayent ce que je dis. Je veux parler de ce renvoi, de la décision qui a
28 été prise par le gouvernement de la Croatie. Il est vrai que je n'ai pas vu
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1 ces documents, mais on m'a dit qu'ils existaient. Je crois qu'il y une
2 équipe d'avocats en Croatie qui représente ces propos de personnes. Je
3 crois qu'il y a 10 000 d'entre eux qui ont été enregistrés jusqu'à présent.
4 Je crois que c'est entre 1991 et 1994, et 1995. Il y a eu entre 60 et 100
5 000 salariés qui ont été licenciés. C'est un problème qui est évoqué à
6 l'heure actuelle. Dans ma déclaration préalable, celle que j'ai faite à
7 l'Accusation, je n'ai pas parlé de cela.
8 C'est quelque chose que j'ai appris par la suite lors des décisions
9 rendues sur les activités menées par le gouvernement de la Croatie. La
10 Bosnie, c'est quelque chose que j'ai découvert il y a deux ans seulement.
11 Q. Merci Madame. Pardonnez-moi si je vous ai offusqué. Madame, je
12 souhaitais vous remercier au nom du Dr Jadranko Prlic pour avoir répondu à
13 la question.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
15 je n'ai plus de questions à poser dans le cadre de mon contre-
16 interrogatoire.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il reste encore dix minutes avant de faire la
18 pause. Je donne la parole aux autres avocats en leur demandant d'éviter de
19 reposer les mêmes questions.
20 Mme NOZICA : [interprétation] Merci Monsieur le Président. Je ne vais pas
21 poser les mêmes questions au témoin. Je vais essayer d'être très brève. Je
22 crains que dix minutes ne suffiront pas. En revanche, et si vous pensez que
23 l'heure de la pause est venue, dites-le moi.
24 Contre-interrogatoire par Mme Nozica :
25 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Drljevic. Je m'appelle Madame Nozica,
26 Senka Nozica. Je représente M. Bruno Stojic. J'ai quelques questions à vous
27 poser.
28 Hier, en réponse à une question qui vous a été posée par
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1 l'Accusation, vous avez donné une description du bâtiment de Vranica et
2 vous avez parlé du nombre d'entrées qui auraient pu être utilisées par
3 votre brigade pour entrer dans le bâtiment. Il y a quelque chose que je
4 m'explique mal. Est-ce que les parties de ce bâtiment étaient également
5 utilisées par le 4e Corps en même temps que votre brigade ou est-ce que
6 vous ne parlez que d'une partie du bâtiment ? Car vous parlez d'une entrée
7 utilisée par le 4e Corps et d'une entrée qui était utilisée par la 1re
8 Brigade de Mostar, donc, je souhaite savoir si vous parlez d'une partie ?
9 R. Oui. Il y a une partie, mais il y avait une cloison en quelque sorte
10 qui divisait cette partie, ce bureau. Il y avait un seul espace et deux
11 entrées.
12 Q. Lorsque vous dites "deux entrées," vous dites qu'il y a une entrée qui
13 était utilisée par le 4e Corps. Il y avait une autre entrée de l'autre
14 côté. Cet autre côté était de l'autre côté ou pas ?
15 R. Non. C'était du même côté du bâtiment en direction de la rue Stjepan
16 Radic.
17 Q. Pourriez-vous nous dire ce qui signifiait le Kluz pour vous pour la 1ère
18 Brigade de Mostar ? Vous avez parlé de centre logistique.
19 R. Effectivement qu'il avait le commandement de -- c'est là que se
20 trouvait l'entrée du service logistique, l'entrée du côté de la rue Stjepan
21 Radic. Il y avait une entrée de ce côté-là. Il y avait quelque chose comme
22 un tunnel sous le bâtiment. Il y avait ensuite deux piliers. Ensuite, il y
23 avait le tunnel. Il y avait deux colonnes qui étaient placées ainsi. Du
24 côté ouest, il y avait une entrée et du côté Sud également, du côté de la
25 rue Stjepan Radic.
26 Q. Egalement à Kluz, vous avez dit qu'en réalité, que c'est là que se
27 trouvait le commandement de toutes les affaires logistiques, est-ce qu'il y
28 a quelque chose qui ressemblait à un entrepôt où des armes étaient
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1 stockées ?
2 R. Oui. Mais je pense que l'espace disponible n'était pas suffisant pour
3 en stocker beaucoup. Enfin, je ne vais pas entrer dans ces détails puisque
4 je ne suis jamais entrée à l'intérieur de cet entrepôt donc, je ne peux pas
5 vous dire ce qui y était stocké.
6 Q. Je vous en prie. Le 9 mai 1993, cette journée dont nous avons beaucoup
7 parlé. Ce jour-là, des membres de la 1ère Brigade de Mostar ou de votre
8 Corps d'armée ont tous pénétré à l'intérieur de cet entrepôt pour prendre
9 dans armes; combien de fois l'ont-ils fait, si vous vous en souvenez ?
10 R. Ils l'ont fait -- pendant la nuit ?
11 Q. Oui, pendant la nuit.
12 R. Deux fois. Ils ont emporté une caisse parce qu'il y a aussi le bâtiment
13 du MUP qui est là, qui est parallèle aux nôtres. Donc, quelqu'un du MUP les
14 a remarqué. Il a ouvert le feu et il n'a plus été possible pour eux de
15 retourner à l'entrepôt.
16 Q. Donc, ils y sont allés deux fois et pas davantage ?
17 R. En effet. En effet.
18 Q. Hier, vous avez parlé de madame ou de mademoiselle Mirzeta Rizvanovic
19 qui était avec vous en prison.
20 R. Oui.
21 Q. Pouvez-vous nous dire si elle était membre de l'armée de Bosnie-
22 Herzégovine ?
23 R. Oui. Elle travaillait au service des finances, à la logistique du Corps
24 d'armée.
25 Q. Pouvez-vous me répondre plus précisément. Vous avez parlé d'elle et de
26 Mme Mirna Picuka et vous avez dit qu'elle était partie avant
27 l'enregistrement de vos noms par la Croix-Rouge international. Pouvez-vous
28 me dire pendant combien de temps cette Mirzeta Rizvanovic est restée en
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1 détention ?
2 R. Une dizaine de jours.
3 Q. Vous avez dit quelque chose d'un peu étonnant. Enfin, vous avez utilisé
4 une expression "un peu bizarre". Vous avez parlé d'extraction d'une
5 secrétaire ?
6 R. Non. Je voulais dire qu'elle s'en était sortie.
7 Q. Oui. Je comprends ce que veut dire ce terme dans notre langage familier
8 mais pouvez-vous me dire plus en détail dans quelle circonstance elle s'en
9 est sortie ?
10 Mme NOZICA : [interprétation] On m'avertit que pour les interprètes disent
11 qu'il faut que je parle un peu plus lentement. Ce que je vais faire.
12 Q. Alors, comment est-elle sortie ? Vous rappelez-vous des circonstances
13 dans lesquelles elle est sortie ?
14 R. Mirna Picuka était la première à partir. Sa mère est Croate, son père
15 était professeur à l'université, et une secrétaire de Mladin Misic est
16 venue la chercher. C'est ce qu'on a dit, en tout cas. Elle avait les
17 cheveux roux et portait un uniforme. Elle avait 45 à 50 ans.
18 Le même jour, à moins que ce ne soit le lendemain peut-être, donc, je
19 n'ai jamais eu le moindre papier sous les yeux; c'est cela que je veux
20 dire. Mais je crois qu'elles ont eu sous les yeux un document qui
21 autorisait la sortie de prison de Mirzeta Rizvanovic. Il y avait une femme
22 qui se prénommait Jagoda, qui était Croate, son père était Croate. Enfin,
23 vous voyez maintenant je donne ce genre de détail. Par le passé, cela ne me
24 serait pas venu à l'esprit. Mais, compte tenu des circonstances, le fait
25 qu'elle était Croate était manifestement tout à fait capital, et c'est
26 cette Jagoda qui l'a emmenée chez elle à la maison.
27 Q. Excusez-moi, je voudrais simplement confirmer quelque chose que vous
28 avez dit. Est-ce que cela voulait dire que certaines personnes sont venues
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1 les chercher pour les faire sortir et que peut-être il y a eu une
2 intervention officielle pour les faire sortir ?
3 R. Oui, oui, oui.
4 Q. Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, vous avez dit que dans la prison de
5 Ljubuski, vous aviez reçu des vêtements de rechange, des collants; pouvez-
6 vous nous dire qui vous a donné cette possibilité ?
7 R. Nous avons passé une nuit dans une pièce et, le lendemain matin, quand
8 nous nous sommes réveillées, c'est Ante Prlic qui nous a apporté ces
9 vêtements.
10 Q. Pour le compte rendu d'audience, j'aimerais que vous nous redisiez une
11 nouvelle fois qui il était dans cette prison ?
12 R. Je ne sais pas exactement s'il était le chef de la prison ou le
13 commandant de la prison militaire qui assurait la sécurité dans la prison,
14 mais l'un ou l'autre.
15 Q. Oui, vous l'aviez déjà dit hier. Alors, s'agissant de votre séjour là-
16 bas, est-ce que M. Prlic vous a, peut-être un jour ou l'autre, donné
17 l'occasion d'aller quelque part prendre une douche ou un bain et faire un
18 peu votre toilette ?
19 R. Oui, oui, oui. Ce jour-là, quand il nous a apporté nos vêtements, il a
20 emmené Mirzet et moi-même auprès de Jagoda, la Jagoda dont j'ai parlé tout
21 à l'heure. Les trois autres jeunes filles qui étaient avec nous, il les a
22 emmenées auprès de la femme qui faisait le ménage dont je connaissais la
23 tante qui s'appelait Nada et qui travaillait dans un magasin à Mostar.
24 Q. Il vous a emmené prendre une douche ?
25 R. Oui, oui, oui.
26 Q. Pouvons-nous dire de façon générale que le rapport qu'il avait avec
27 vous dans la prison de Ljubuski était correct ?
28 R. Oui.
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1 Q. Etant donné ce que vous avez dit hier dans votre déposition, sommes-
2 nous en droit de dire également que les relations qu'entretenaient les
3 autres personnes travaillant dans cette prison à votre égard ont été
4 correctes ?
5 R. Oui.
6 Q. Très bien.
7 R. Je vous donnerai un détail. Il y avait un jeune homme de grande taille
8 aux cheveux blonds. Je ne sais pas comment il s'appelait, mais le jour où
9 on a été libéré, il était là lui aussi et il est venu me voir très
10 chaleureusement.
11 Q. Très bien.
12 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, je vous demanderais à
13 présent si vous pouvez nous autoriser à passer à huis clos partiel pendant
14 cinq minutes à peu près car j'ai des questions à poser au témoin qui
15 concernent la vie privée d'autres détenus.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] L'audience à huis clos partiel,
17 s'il vous plaît.
18 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.
19 [Audience à huis clos partiel]
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26 [Audience publique]
27 Mme NOZICA : [interprétation]
28 Q. Pourriez-vous, je vous prie, me dire quand vous étiez enfermée à la
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1 prison régionale militaire d'enquête à l'Heliodrom, si vous avez
2 éventuellement adressé une lettre à quelqu'un d'autre que la personne dont
3 vous avez parlé ? Je vous rappelle un peu les choses. Fin octobre 1993, est
4 la date en question. Si vous vous le rappelez, veuillez nous le dire ?
5 R. Je me souviens avoir écrit à M. Bogic. Après mon attaque de rigidité,
6 de crampe. J'ai essayé d'entrer en contact mon père, mais rappelez-moi que
7 c'est seulement il y a quelques jours lorsque l'Accusation m'a montré une
8 lettre que je me suis souvenue des deux autres que j'avais écrites à Bogic
9 et Pusic.
10 Q. En dehors de l'envoi de lettres à M. Bogic et à M. Pusic, est-ce que
11 vous vous souviendrez éventuellement d'une autre lettre encore que vous
12 avez envoyé à quelqu'un ? Je me rappelle la date, octobre 1993, essayez de
13 vous rappeler ?
14 R. Oui, d'ailleurs vous savez je ne fumais pas, en général, mais je suis
15 sortie du bâtiment que très peu, deux ou trois fois peut-être. J'ai écrit
16 une lettre dans laquelle je donnais les noms de certains jeunes gens qui si
17 je ne m'abuse étaient au rez-de-chaussée. J'ai dit que j'avais du chagrin
18 parce que mon commandant était mort et je demandais à ma famille de
19 m'envoyer des cigarettes, que j'avais aussi beaucoup de peine à cause de la
20 mort de ma mère.
21 Q. Est-ce que l'une ou l'autre des personnes dont vous avez écrit les nom
22 était un certain Jelin ?
23 R. Non.
24 Q. Mais alors je vous pose une question plus directe, est-ce que vous
25 auriez écrit depuis la prison à un certain Jelin ?
26 R. Je n'en suis pas sûre mais je ne me souviens pas.
27 Q. Merci. Puis, revenons sur ce problème d'emploi.
28 Me Karnavas vous a interrogé longuement sur ce point, mais pour ma part je
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1 vous demande si vous pourriez être d'accord avec moi pour dire que la
2 constatation que vous avez faite, à savoir que toutes les personnes
3 licenciées en Bosnie-Herzégovine pendant la guerre ont subi une
4 interruption de leurs avantages sociaux. Alors, je vous demande si y
5 compris aujourd'hui, en Bosnie-Herzégovine et à Mostar, si dans d'autres
6 parties de la Bosnie-Herzégovine, encore aujourd'hui au sein de la
7 Fédération et même à Sarajevo, il est très fréquent que des personnes
8 soient traduites en justice devant les tribunaux, personnes licenciées en
9 1993 dans des conditions assez semblables que vous, qui portent plainte
10 parce qu'elles ont une interruption de leurs avantages sociaux en raison de
11 cela. Est-ce que c'est bien le cas ?
12 R. Oui.
13 Q. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions. Je vous remercie de
14 votre attitude et des réponses très claires que vous avez fournies, ainsi
15 qu'au nom de mon client.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il est 12 h 25. Pour des raisons liées à la
17 restauration du témoin et pour mériter les avocats, nous allons faire une
18 petite pause qui va durer une heure et nous reprendrons à 13 h 20.
19 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 28.
20 --- L'audience est reprise à 13 heures 28.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience étant reprise, je vais donner la
22 parole à Me Kovacic.
23 M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Si
24 vous me le permettez, Messieurs les Juges, avant de m'adresser au témoin,
25 je voudrais formuler un commentaire. A plusieurs reprises, au cours de
26 l'audition du témoin, tant le Procureur que le témoin se sont servis des
27 termes suivants : Etat de Bosnie, "gouvernement de Bosnie." Je voudrais
28 vous dire ceci : étant donné qu'il y a eu plusieurs mutations au fil des
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1 ans dans le cadre de cette entité, je pense qu'il serait utile de se servir
2 de la même terminologie, d'une terminologie cohérente, ici dans ce
3 prétoire. Est-ce qu'on peut dire "l'Etat de Bosnie-Herzégovine" ou le
4 "gouvernement de Bosnie-Herzégovine," parce qu'en voyant les documents,
5 nous avons commencé à utiliser certaines normes pour faire référence à cet
6 Etat. On voit BH. BHC est en anglais "BH government." Donc, je pense qu'il
7 faut faire preuve de cohérence. C'est une question, disons, formelle. Il y
8 a un Etat qui s'appelle Etat de Bosnie-Herzégovine, et ce n'est pas soit un
9 Etat bosniaque ou bosnien.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : J'en ai note de cette précision juridique. J'invite
11 l'Accusation, lorsqu'elle évoquera la question du gouvernement, de se
12 référer à l'Etat de Bosnie-Herzégovine.
13 M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
14 Contre-interrogatoire par M. Kovacic :
15 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Drljevic. Je défends le troisième
16 accusé, M. Slobodan Praljak. Je le représente avec mon équipe. Des
17 questions vous ont été déjà posées par mes confrères et consœurs. Je vais
18 donc utiliser peu de temps.
19 Aujourd'hui, vous avez entendu dire que nous disposons d'un certain temps
20 qui nous est alloué. En tant qu'équipe de la Défense, si vous le pouvez, je
21 vous demanderais de fournir des réponses très concises, par oui ou par non,
22 dans la mesure du possible. Je vais essayer d'être le plus direct possible.
23 Est-ce que nous pourrions peut-être là, à ce moment-là, les questions
24 supplémentaires de l'Accusation, pourront éclaircir tel ou tel point.
25 Parlons de votre travail. Vous travailliez pour Kartonplastika, n'est-ce
26 pas, une entreprise de Ploce ?
27 R. Oui, c'est exact. Elle s'appelait Kartonplastika.
28 Q. Page 8, ligne 21. Il est noté que vous avez dit ceci : vous croyez que
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1 le licenciement dont vous avez été victime était injuste ?
2 R. Oui.
3 Q. Madame Drljevic, le siège de l'entreprise Kartonplastika se trouvait à
4 Ploce ?
5 R. Oui.
6 Q. Ploce se trouve en République de Croatie ?
7 R. Oui.
8 Q. Pour mémoire, en cette période, fin 1991, la Croatie était déjà depuis
9 six mois un Etat indépendant. Elle ne faisait plus partie de la République
10 fédérative socialiste de Yougoslavie; vous en convenez avec moi ?
11 R. Oui.
12 Q. Par conséquent, vous avez vécu dans un pays qui s'appelait la Bosnie-
13 Herzégovine, et votre employeur avait son siège dans un Etat indépendant
14 qui ne faisait plus partie de la RSFY, mais était les entreprises avec
15 lesquelles j'avais travaillé, je n'ai pas pu travailler -- communiquer avec
16 ces entreprises. Personne ne pouvait travailler.
17 Q. Vu ces circonstances, vous n'avez pas du tout pu travailler pour votre
18 entreprise que ce soit en tant qu'employé à titre permanent ou en tant
19 qu'agent de cette société ?
20 R. C'est exact.
21 Q. Est-ce que vous savez combien de personnel, de membres du personnel de
22 cette société ont été licenciés ce jour-là le 31 décembre 1991 ?
23 R. Non.
24 Q. En dépit de cela, vous avez dit qu'on avait licencié des Musulmans mais
25 que les Croates avaient conservé leurs emplois ?
26 R. Je ne pensais pas nécessairement surtout à mon entreprise. Je me suis
27 servie là des données fournies par l'association qui a son siège à Jelah.
28 Q. Ce n'était pas des données de votre société. Mais vous ne savez pas qui
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1 a été licencié. Est-ce que cela a seulement été des Croates, ou des
2 Musulmans, ou il y a eu aussi des Croates ?
3 R. Non. Mais j'espère que je pourrais vous donner une liste.
4 Q. Vous voulez dire que vous espérer pouvoir répondre à cette question ?
5 R. Oui.
6 Q. J'aimerais maintenant aborder un autre sujet. Vous avez parlé des
7 événements survenus en 1991 et comment cette entreprise -- l'année était
8 peut-être 1992. Comment cette compagnie ou société indépendante a été
9 constitué -- cette compagnie indépendante a été établie dont vous avez fait
10 partie pratiquement dès le début ?
11 R. Je pense que son objectif principal c'était d'organiser la résistance
12 devant l'agresseur serbe et Chetnik.
13 Q. Je précise que ce n'est pas 1991, mais 1992 pour le compte rendu
14 d'audience ?
15 R. Oui.
16 Q. Quand vous dites l'agression ou l'agresseur serbo-chetnik, vous êtes
17 d'accord pour dire que ceci inclut tant la JNA que les rebelles locaux,
18 disons ?
19 R. Oui.
20 Q. Le HVO poursuivait la même tâche, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Cette compagnie elle était active au sein du HVO ?
23 R. Oui.
24 Q. Par conséquent, le HVO dans sa totalité ainsi que cette compagnie
25 poursuivait le même objectif qui était de se défendre devant l'agression de
26 la JNA et des serbes locaux.
27 R. Oui.
28 Q. Ceci a été fait pendant toute l'année 1992 ?
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1 R. Oui. La brigade, le Corps d'armée ont été établis, mais cela c'était un
2 rapport avec l'ABiH.
3 Q. Je ne veux pas vous interrompre, mais ce qui m'intéresse pour le moment
4 c'est ce que vous avez expliqué. Vous avez expliqué comment le corps a été
5 établi, comment il s'est renforcé au fil du temps, et comment plus tard a
6 été constitué l'ABiH.
7 R. Oui.
8 Q. Mais je vous demande cette confirmation : les Musulmans et les Croates
9 ensemble dans le cadre du HVO ont défendu Mostar devant l'agression de la
10 JNA et des serbes locaux ?
11 R. Oui.
12 Q. Vous avez parlé des effectifs et des armes que possédaient les
13 défenseurs de Mostar. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi sur ce point
14 : en 1992 et jusqu'au moment de la constitution du corps d'armée, la force
15 dominante à Mostar c'était le HVO, en termes numériques et aussi pour ce
16 qui est des armes. Il était mieux armé que qui que ce soit d'autre.
17 R. C'est resté vrai même après l'établissement du corps d'armée. Pour ce
18 qui est de ces effectifs et du matériel et de l'équipement dont il
19 disposait, le HVO était le plus fort.
20 Q. Fort bien. Merci. Vous avez dit que plus tard au cours de 1992
21 également, il y a eu certains incidents concernant des armes. Page 16,
22 ligne 24 du compte rendu d'audience d'hier. Etes-vous d'accord ? Est-ce que
23 vous maintenez ce que vous avez déclaré ?
24 R. Oui.
25 Q. Vous avez donné un exemple, en tout cas, c'est comme cela que je l'ai
26 compris. Vous avez dit qu'à Bijelo Polje, un certain Andric - c'était le
27 compte rendu d'audience d'hier, page 17, ligne 14 - vous avez dit qu'Andric
28 s'était emparé d'un convoi d'armes dont on estimait la valeur à 800 000
Page 1140
1 Deutschemark et que ceci avait été fait sous le contrôle de quelqu'un de
2 Capljina, un certain Mira --
3 R. Mirad Cupina. Mirad. Mirad Cupina.
4 Q. Madame, s'il vous plaît, c'était le convoi de qui ? Vous parlez de ce
5 Mirad. Qui était le propriétaire de ce convoi ?
6 R. Je pense qu'il était de Sarajevo, ou je pense que le convoi venait de
7 Sarajevo et qu'en fait son propriétaire c'était l'ABiH et que ce convoi
8 avait été envoyé et expédié de Sarajevo.
9 Q. C'est un fait, vous en avez la connaissance ?
10 R. Non, c'est ce que je pense.
11 Q. Donc vous n'avez pas de connaissance directe ?
12 R. Non.
13 Q. C'est simplement un ouï-dire ?
14 R. Oui.
15 Q. J'aimerais vous rappeler ceci, Madame Drljevic, vous étiez membre de
16 l'armée et vous étiez citoyenne, je suis sûr que vous l'avez appris en ces
17 qualités avant la désintégration de la Bosnie-Herzégovine et avant
18 l'établissement du nouvel Etat, la JNA avait rassemblé toutes les armes qui
19 étaient celles auparavant de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine.
20 R. Je ne sais pas d'où venait le convoi et qui en avait la propriété, mais
21 je sais qu'il avait été expédié au corps d'armée parce que ce Cupina, il
22 était le commandant adjoint de Pasalic, en tout cas un des experts en
23 logistique au sein du corps d'armée.
24 Q. Fort bien.
25 R. Il se peut fort bien que le convoi soit venu d'ailleurs, mais d'après
26 ce que je sais et ce que je sais c'est de façon indirecte pour avoir parlé
27 à d'autres membres de la brigade, et j'ai appris qu'il avait été saisi à
28 Bijelo Polje.
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1 Q. Fort bien. Avez-vous d'autres détails ou savez-vous qui s'était emparé
2 de ce convoi ? Cet Andric, il appartenait à quelle institution, à quelle
3 armée ?
4 R. C'était le commandant du 1er Bataillon de Bijelo Polje. Je pense qu'il
5 s'appelait Miro Andric, il était surnommé Car.
6 Q. Est-ce que c'était une Unité du HVO ?
7 R. Oui.
8 Q. Vous en êtes certaine ?
9 R. Oui.
10 Q. Fort bien. Dites-moi, Madame, est-ce que vous saviez que parallèlement
11 même avant et après ce moment il y avait un convoi d'armes qui était arrivé
12 de Croatie et qui était destiné à toute la défense contre la JNA, contre
13 les Serbes, donc c'était destiné à l'armée, aux volontaires, en premier
14 lieu, ainsi qu'au HVO ? Est-ce que vous étiez au courant de cela ?
15 R. Oui, je le sais. Les entreprises avec lesquelles j'avais travaillé, je
16 n'ai pas pu travailler -- communiquer avec ces entreprises. Personne ne
17 pouvait travailler.
18 Q. Vu ces circonstances, vous n'avez pas du tout pu travailler pour votre
19 entreprise que ce soit en tant qu'employé à titre permanent ou en tant
20 qu'agent de cette société ?
21 R. C'est exact.
22 Q. Est-ce que vous savez combien de personnel, de membres du personnel de
23 cette société ont été licenciés ce jour-là le 31 décembre 1991 ?
24 R. Non.
25 Q. En dépit de cela, vous avez dit qu'on avait licencié des Musulmans mais
26 que les Croates avaient conservé leurs emplois ?
27 R. Je ne pensais pas nécessairement surtout à mon entreprise. Je me suis
28 servie là des données fournies par l'association qui a son siège à Jelah.
Page 1142
1 Q. Ce n'était pas des données de votre société. Mais vous ne savez pas qui
2 a été licencié. Est-ce que cela a seulement été des Croates, ou des
3 Musulmans, ou il y a eu aussi des Croates ?
4 R. Non. Mais j'espère que je pourrais vous donner une liste.
5 Q. Vous voulez dire que vous espérer pouvoir répondre à cette question ?
6 R. Oui.
7 Q. J'aimerais maintenant aborder un autre sujet. Vous avez parlé des
8 événements survenus en 1991 et comment cette entreprise -- l'année était
9 peut-être 1992. Comment cette entreprise ou cette compagnie indépendante a
10 été constituée -- établie dont vous avez fait partie pratiquement dès le
11 début ?
12 R. Je pense que son objectif principal c'était d'organiser la résistance
13 devant l'agresseur serbe et chetnik.
14 Q. Je précise que ce n'est pas 1991, mais 1992 pour le compte rendu
15 d'audience ?
16 R. Oui.
17 Q. Quand vous dites l'agression ou l'agresseur serbo-chetnik, vous êtes
18 d'accord pour dire que ceci inclut tant la JNA que les rebelles locaux,
19 disons ?
20 R. Oui.
21 Q. Le HVO poursuivait la même tâche, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Cette compagnie elle était active au sein du HVO ?
24 R. Oui.
25 Q. Par conséquent le HVO dans sa totalité ainsi que cette compagnie
26 poursuivait le même objectif qui était de se défendre devant l'agression de
27 la JNA et des serbes locaux.
28 R. Oui.
Page 1143
1 Q. Ceci a été fait pendant toute l'année 1992 ?
2 R. Oui. La brigade, le corps d'armée ont été établis, mais cela c'était un
3 rapport avec l'ABiH.
4 Q. Je ne veux pas vous interrompre, mais ce qui m'intéresse pour le moment
5 c'est ce que vous avez expliqué. Vous avez expliqué comment le corps a été
6 établi, comment il s'est renforcé au fil du temps, et comment plus tard a
7 été constitué l'ABiH.
8 R. Oui.
9 Q. Mais je vous demande cette confirmation : les Musulmans et les Croates
10 ensemble dans le cadre du HVO ont défendu Mostar devant l'agression de la
11 JNA et des serbes locaux ?
12 R. Oui.
13 Q. Vous avez parlé des effectifs et des armes que possédaient les
14 défenseurs de Mostar. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi sur ce point
15 : en 1992 et jusqu'au moment de la constitution du corps d'armée, la force
16 dominante à Mostar c'était le HVO, en termes numériques et aussi pour ce
17 qui est des armes. Il était mieux armé que qui que ce soit d'autre.
18 R. C'est resté vrai même après l'établissement du corps d'armée. Pour ce
19 qui est de ces effectifs et du matériel et de l'équipement dont il
20 disposait, le HVO était le plus fort.
21 Q. Fort bien. Merci. Vous avez dit que plus tard au cours de 1992
22 également, il y a eu certains incidents concernant des armes. Page 16,
23 ligne 24 du compte rendu d'audience d'hier. Etes-vous d'accord ? Est-ce que
24 vous maintenez ce que vous avez déclaré ?
25 R. Oui.
26 Q. Vous avez donné un exemple, en tout cas, c'est comme cela que je l'ai
27 compris. Vous avez dit qu'à Bijelo Polje, un certain Andric -- c'était le
28 compte rendu d'audience d'hier, page 17, ligne 14 -- vous avez dit
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1 qu'Andric s'était emparé d'un convoi d'armes dont on estimait la valeur à
2 800 000 Deutschemark et que ceci avait été fait sous le contrôle de
3 quelqu'un de Capljina, un certain Mira --
4 R. Mirad Cupina. Mirad. Mirad Cupina.
5 Q. Madame, s'il vous plaît, c'était le convoi de qui ? Vous parlez de ce
6 Mirad. Qui était le propriétaire de ce convoi ?
7 R. Je pense qu'il était de Sarajevo, ou je pense que le convoi venait de
8 Sarajevo et qu'en fait son propriétaire c'était l'ABiH et que ce convoi
9 avait été envoyé et expédié de Sarajevo.
10 Q. C'est un fait, vous en avez la connaissance ?
11 R. Non, c'est ce que je pense.
12 Q. Donc vous n'avez pas de connaissance directe ?
13 R. Non.
14 Q. C'est simplement un ouï-dire ?
15 R. Oui.
16 Q. J'aimerais vous rappeler ceci, Madame Drljevic, vous étiez membre de
17 l'armée et vous étiez citoyenne -- je suis sûr que vous l'avez appris en
18 ces qualités -- avant la désintégration de la Bosnie-Herzégovine et avant
19 l'établissement du nouvel Etat, la JNA avait rassemblé toutes les armes qui
20 étaient celles auparavant de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine.
21 R. Je ne sais pas d'où venait le convoi et qui en avait la propriété, mais
22 je sais qu'il avait été expédié au corps d'armée parce que ce Cupina, il
23 était le commandant adjoint de Pasalic, en tout cas un des experts en
24 logistique au sein du corps d'armée.
25 Q. Fort bien.
26 R. Il se peut fort bien que le convoi soit venu d'ailleurs, mais d'après
27 ce que je sais et ce que je sais c'est de façon indirecte pour avoir parlé
28 à d'autres membres de la brigade, et j'ai appris qu'il avait été saisi à
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1 Bijelo Polje.
2 Q. Fort bien. Avez-vous d'autres détails ou savez-vous qui s'était emparé
3 de ce convoi ? Cet Andric, il appartenait à quelle institution, à quelle
4 armée ?
5 R. C'était le commandant du 1er Bataillon de Bijelo Polje. Je pense qu'il
6 s'appelait Miro Andric, il était surnommé Car.
7 Q. Est-ce que c'était une Unité du HVO ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous en êtes certaine ?
10 R. Oui.
11 Q. Fort bien. Dites-moi, Madame, est-ce que vous saviez que parallèlement
12 même avant et après ce moment il y avait un convoi d'armes qui était arrivé
13 de Croatie et qui était destiné à toute la défense contre la JNA, contre
14 les Serbes, donc c'était destiné à l'armée, aux volontaires, en premier
15 lieu, ainsi qu'au HVO ? Est-ce que vous étiez au courant de cela ?
16 R. Oui, je le sais. Il se peut que ce convoi soit venu de Croatie en
17 longeant la frontière avec la Bosnie-Herzégovine. Il est bien possible
18 qu'il y ait eu beaucoup de ces convois qui sont arrivés en Bosnie-
19 Herzégovine ou qui avaient été payés uniquement ou financés uniquement par
20 le gouvernement de Bosnie-Herzégovine.
21 Q. Oui. Indépendamment de celui qui a financé ces convois. Le fait
22 demeure, n'est-ce pas, que ce convoi d'armes était destiné aussi bien à
23 l'ABiH qu'au HVO et qu'il venait de Croatie ?
24 R. Oui.
25 M. KOVACIC : [interprétation] Si vous me permettez, Monsieur le Président,
26 je voudrais vous donner un document, vous montrer un document en guise
27 d'exemple. Est-ce que nous pouvons voir le document 3D0006 ?
28 Q. Vous avez la traduction du document en anglais à la page suivante.
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1 Madame, je vais vous demander de consulter la version croate.
2 Madame Drljevic, sous le premier terme, "nalog", vous voyez qu'ici il
3 s'agit que ceci concerne du matériel pour les besoins des forces armées de
4 la Bosnie-Herzégovine à Mostar. C'est tout un contingent ici, ceux qui sont
5 responsables de la prise en main de cet équipement, vous en avez les noms.
6 Est-ce que vous voyez que ces personnes qui sont censées se voir remettre
7 les armes portent des noms typiquement musulmans ?
8 R. C'est exact. L'autre c'était un officier d'active. La composante de
9 l'armée dans l'armée de la Fédération. Je ne connais pas cet homme
10 personnellement mais je sais que j'ai vu des documents portant sa
11 signature.
12 Q. Fort bien. Donc, ce document nous montre clairement que le gouvernement
13 de Croatie, le ministre de la Défense de Croatie envoie des armes à l'ABiH,
14 n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 M. KOVACIC : [interprétation] Je vais demander, Monsieur le Président, le
17 versement de ce document.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, à l'avenir, je l'ai déjà dit,
19 lorsque le parti présente un document, je veux absolument avoir la "hard
20 the copy."
21 M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je
22 croyais que cela avait été distribué. Je découvre que cela n'est pas été le
23 cas. Je m'en excuse. Je vais veuillez à ce que ceci vous soit distribué.
24 Monsieur le Président, Monsieur les Juges, vous allez le voir il y a
25 d'autres documents. Je ne vais pas tous les utiliser étant donné qu'il y a
26 des faits qui ont déjà été établis, il est inutile dès lors de s'y
27 attarder.
28 Je vais demander à M. le Greffier ou à Mme l'Huissière de présenter le
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1 deuxième document à l'écran.
2 Que décidez-vous, Monsieur les Juges, est-ce que cette pièce est
3 versée au dossier ?
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Le premier document qui a été présenté
5 --
6 Monsieur Mundis.
7 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous voulons faire
8 objection car on n'a pas posé les fondements nécessaires au versement de ce
9 document par le truchement du présent témoin.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous expliquer en quoi la Défense n'a pas
11 apporter les fondements nécessaires ?
12 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, rien ne prouve que le
13 témoin a déjà vu ce document ni sa teneur, qu'il a signé. Je sais qu'il a
14 signé. Ce genre de fondements n'a pas été posé pour permettre le versement
15 par le truchement de ce témoin-ci.
16 M. KOVACIC : [interprétation] Permettez-vous de répondre, Monsieur le
17 Président ?
18 Conformément aux instructions données par vous-même il y a 15 jours surtout
19 pour ce qui est de la version modifiée de votre décision j'estime que nous
20 avons la possibilité de montrer un document au témoin et que nous pouvons
21 en demander le versement au dossier puisque c'est liée au sujet dont nous
22 discutons. Cela c'est une première chose.
23 Deuxième aspect, ici en l'espèce, le témoin a reconnu le nom d'un des
24 individus mentionnés dans le document. Elle a dit que c'était bien
25 l'individu qui devait prendre livraison du convoi.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, donnez-moi un numéro pour ce
27 document.
28 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président. Ce numéro sera
Page 1149
1 versé au dossier sur la cote 3D0006. Je vous remercie, Monsieur le
2 Président.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez.
4 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour que tout soit
5 clair. Par la suite, lorsque nous allons présenter nos propres moyens nous
6 allons bien entendu présenter bon nombre de documents du même genre et nous
7 vous en ferons un lot et il y a une personne qui pourra expliquer l'origine
8 de ces documents.
9 J'aimerais maintenant montrer quelques documents de plus qui font
10 tous référence à la période dont elle a parlé dans le cadre de sa
11 déposition. Nous avons un autre document de 1992 et quatre autres documents
12 qui nous amènent à mars 1993. Si vous me le permettez je vais demander que
13 le Greffier présente le document à l'écran. Le premier document porte le
14 numéro 0007.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais ajouter ceci. Ce que j'ai dit il y
16 a un instant que je connais le nom de cette personne, mais vous avez ici
17 Seta Sujab, c'est après la guerre que je l'ai rencontré, c'est-à-dire qu'il
18 était professionnellement dans l'ABiH. Donc, je ne l'ai jamais vu
19 auparavant ce document.
20 M. KOVACIC : [interprétation]
21 Q. Oui, bien entendu. Je vais simplement vous montrer plusieurs de ces
22 documents afin que nous convenions, Madame, du fait que pratiquement toutes
23 les armes utilisées aussi bien par le HVO que l'ABiH en 1992 et en 1993
24 venaient de Croatie. Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus ?
25 R. Oui, je suis d'accord. Ce ne sont pas ici des documents que j'ai pu
26 consultés, mais à part cela, je suis d'accord avec votre évaluation. Peu
27 importe d'où elles venaient il fallait qu'elles traversent la Croatie ces
28 armes.
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1 Q. Je vous remercie.
2 M. KOVACIC : [interprétation] Je ne vais pas vous importuner en demandant
3 le versement de ces documents similaires de 1993. Nous le ferons jusqu'en
4 mars 1993, nous le ferons par le truchement de plusieurs témoins si nous
5 avons reçu confirmation par le présent témoin. Inutile de vous importunez
6 davantage.
7 Q. Continuons, Madame Drljevic. Est-ce que je peux faire une synthèse pour
8 accélérer les pages 19 et 20 du compte rendu d'audience d'hier ? Vous avez
9 dit que surtout à partir de janvier 1993, des incidents sont survenus entre
10 le HVO et l'ABiH; est-ce exact ?
11 R. Si l'on parle de Mostar, je peux vous dire qu'il y avait montée de la
12 tension. Des cas de plus en plus fréquents. On arrêtait des camions où il y
13 a eu une résistance. C'était en rapport avec un ordre du 15 ou 20 janvier
14 1993, si je me souviens bien, disant qu'il fallait resubordonner les Unités
15 de l'ABiH sous le commandement du HVO. Pratiquement, c'est mieux de le dire
16 de cette façon-là; la placer complètement sous le commandement du HVO.
17 Q. C'est ce que vous avez déjà dit hier, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Fort bien. Merci. Voyons un autre document qui présente une donne
20 quelque peu différente. J'aimerais là-dessus votre avis.
21 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-il possible
22 d'afficher le document D00012 -- 3D00012. Non, ce n'est pas ce document-ci,
23 Madame.
24 Est-ce qu'on peut avoir un plan rapproché de façon à bien voir le
25 document. Nous avons aussi une traduction de ce document. Mais j'aimerais
26 que le témoin voie le document.
27 Q. Madame Drljevic, est-ce que vous pouvez faire une lecture silencieuse
28 de ce document.
Page 1151
1 Veuillez examiner la signature.
2 R. Oui.
3 Q. D'après l'évaluation du chef d'état-major du commandement Suprême de
4 l'ABiH, Sefer Halilovic, il semblerait, qu'à son avis, la situation
5 prévalant à Mostar, les rapports entre le commandement des Unités de l'ABiH
6 et les Unités du commandement du HVO sont bons et assez optimistes, à en
7 juger par cette lettre. C'est bien ce que ce document dit, n'est-ce pas ?
8 R. Oui. Je pense que c'est là le résultat de négociations entre M. Pasalic
9 et Sulejman Budakovic, son adjoint, d'une part. Ils s'étaient rendus à
10 Prozor, à Jablanica. Je pense que c'est en mars que cela s'est passé.
11 Q. Fort bien.
12 R. Tout ce que je peux dire, c'est que les deux parties ont vraiment fait
13 des efforts pour essayer d'apaiser les tensions. Parce que je pense qu'un
14 conflit armé, cela ne convenait à personne. Quand je dis conflit armé, je
15 ne suis pas tout à fait compétente pour qualifier les choses. Il y avait
16 des gens qui avaient des postes de responsabilité, et même eux, ne
17 s'attendaient à pas ce qu'éclate jamais un conflit de ce genre.
18 Q. Vu ce que vous venez tout juste de nous dire, pensez-vous que les
19 incidents que vous avez mentionnés étaient la conséquence de l'intention
20 dont était animé quelqu'un de son désir, ou est-ce que c'était simplement
21 la conclusion, la conséquence de certaines circonstances qui prévalaient la
22 situation de chaos, disons, et du fait qu'il y avait une défense organisée
23 contre les Chetniks et la JNA à l'époque ?
24 R. Excusez-moi, je ne sais pas si j'ai tout à fait bien saisi votre
25 question.
26 Q. Excusez-moi. Je n'ai pas du tout été clair et ma question était trop
27 compliquée. Essayons de diviser les différents éléments.
28 Vous avez mentionné certains incidents dont nous avons parlé. Pensez-vous
Page 1152
1 que ces incidents étaient - je vais reformuler ma question. Pourquoi est-ce
2 qu'il y a eu ces incidents ? Est-ce que quelqu'un les a prévus, planifiés ?
3 Est-ce que c'était là la volonté d'une institution donnée; de l'ABiH, du
4 HVO ?
5 R. Là, vous m'en demandez trop. Je ne pourrai pas me livrer à ce genre
6 d'évaluation.
7 Q. Fort bien. Vous avez sous les yeux un document qui fait directement
8 référence à la visite de d'Arif Pasalic, commandant du
9 4e Corps de l'ABiH. Vous le connaissiez, n'est-ce pas, Pasalic ?
10 R. Oui.
11 Q. C'est lui qui commandait le 4e Corps dont l'état-major était à Mostar.
12 Nous en avons discuté, n'est-ce pas ? C'est ce même Arif Pasalic que vous-
13 même vous avez mentionné ?
14 R. Oui.
15 M. KOVACIC : [interprétation] Je demande le versement de ce document,
16 Monsieur le Président.
17 M. MUNDIS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, un numéro.
19 M. LE GREFFIER : Monsieur le Président, cette pièce est versée au dossier
20 sous la cote 3D000012. Merci, Monsieur le Président.
21 M. KOVACIC : [interprétation]
22 Q. Madame Drljevic, nous avons maintenant vu ce document. Nous avons
23 entendu votre compte rendu de la situation telle qu'elle prévalait au début
24 de l'année 1993. Vous-même, vous avez évoqué les événements des 19 et 20
25 avril. Vous nous avez expliqué que les relations étaient tendues. Est-il
26 exact de dire, qu'à la date du
27 21 avril, les tensions étaient moins fortes.
28 R. Oui, pendant quelques jours.
Page 1153
1 Q. Est-il vrai de dire que ces incidents que vous avez évoqués - et nous
2 avons vu un document qui en faisait état - qu'il y aurait un incident, et
3 ensuite, que la situation allait se calmer, qu'il y aurait un autre
4 incident et qu'il y aurait une escalade des tensions ? Etes-vous d'accord
5 avec cela ?
6 R. Oui. J'ai déjà parlé de cette Commission mixte qui se trouvait dans la
7 société de distribution d'eau. C'était une Commission mixte. Ces
8 représentants faisaient des tours de la ville. Je me souviens, qu'à un
9 moment donné, un des véhicules de cette commission a été touché, mais
10 personne n'a été blessé. C'était un incident supplémentaire. Ce qui était
11 particulièrement préoccupant, c'était l'arrestation des membres de l'armée
12 en ville. Ceci a duré longtemps, ceci a duré un mois. La plupart des
13 négociations -- les négociations, pour la plupart, portaient sur la
14 résolution de ce problème.
15 Q. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous, Madame Drljevic, d'accord
16 avec ce que vous dites. Donc, c'était surtout grâce aux efforts des
17 commandants des deux côtés, qui tentaient de contrôler cette situation
18 devenue chaotique où les incidents éclataient entre -- même entre parties
19 alliées. Etes-vous d'accord avec moi ?
20 R. Oui.
21 M. KOVACIC : [interprétation] Pouvons-nous, s'il vous plaît, présenter au
22 témoin le document suivant, 3D00016, en anglais, 3D00016.
23 Madame Drljevic, pourriez-vous regarder ce document, s'il vous plaît ?
24 Vérifiez le "signataire." Ma première question : avez-vous vu le document à
25 l'époque ?
26 R. Non.
27 Q. Avez-vous entendu l'annonce faite par les médias ?
28 R. Oui.
Page 1154
1 Q. Etait-ce encore une fois l'exemple des efforts déployés par les deux
2 parties pour essayer de calmer la situation ?
3 R. Oui, tout à fait. Ceci concerne cette Commission mixte. Il est fort
4 probable que ce n'était pas Redzo Mehic, mais Fikret Krekic.
5 Q. Oui. Mais cela n'a pas d'importance. Etes-vous d'accord pour dire que
6 les signataires de ce document, Alif Pasalic et Petar Zelenika étaient des
7 personnes qui ont participé à ce processus ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous souvenez-vous, peut-être, puisque vous viviez à Mostar, puisque
10 vous vous déplaciez dans les milieux militaires et au niveau des
11 commandements des unités de -- qui est évoqué dans ce document, a été mis
12 en oeuvre ? L'armée de l'ABiH, est-ce que vous vous souvenez si, oui ou
13 non, le plan de ce document a été mis en oeuvre ?
14 R. Pourriez-vous remonter un petit peu pour que je puisse voir le haut du
15 document ? C'est très bien maintenant. On voit la date du 21 avril.
16 Q. Donc, c'est bien le 21 avril ?
17 R. Oui.
18 M. KOVACIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut montrer le document suivant
19 au témoin, s'il vous plaît.
20 Q. Pardonnez-moi. Est-ce que vous vouliez dire autre chose ?
21 R. Oui. Une partie de ce document évoque la question des locaux qui
22 pouvaient être utilisés uniquement par les membres de la police militaire.
23 Q. Le point suivant. Je souhaite vous poser cette question. Je ne sais pas
24 si vous êtes d'accord ou non. Quelque chose que je vous présente en
25 guillemets : "La distribution ou l'affectation de certains locaux pour les
26 militaires."
27 R. Oui.
28 Q. Est-ce exact ?
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1 R. Oui, oui.
2 Q. Un autre détail concernant ce document. Au point 3, on peut y lire et
3 je crois que c'est quelque chose que vous avez évoqué dans votre
4 déposition. On peut lire ici que : "Les canons longs sont interdits ou
5 plutôt que personne sans fonction officielle n'a le droit de porter des
6 canons longs;" est-ce exact ?
7 R. Oui. Mais peut-être que quelqu'un de la commission devrait en parler
8 davantage car il serait mieux placer pour expliquer ceci. C'était
9 impossible d'appliquer cela. Nous n'avons pas suffisamment de places dans
10 le camp du Sud. Cela n'était pas pratique pour les gens qui entraient et
11 qui sortaient. Il y avait des roulements et le problème c'est que la
12 plupart d'entre eux devaient emmener leurs armes à la maison.
13 Q. Je suis sûr qu'on pourrait en parler pendant longtemps mais ce que je
14 souhaitais savoir de vous, puisque vous étiez là, à l'époque, vous viviez à
15 cet endroit-là, à ce moment-là. Par conséquent, je souhaite que vous
16 confirmiez que les incidents éclataient et que les deux parties ont essayé
17 de faire cesser ces incidents ou devraient dire le nombre pour essayer de
18 faire progresser cette alliance.
19 R. Oui, oui. Les personnes qui ont participé à la rédaction de cette
20 décision sont toujours en vie. Ils pourraient vous en parler mieux que moi.
21 Je sais simplement qu'un véhicule de la commission a été touché, qu'on a
22 tiré dessus et je sais qu'il venait du bâtiment de Vranica et de Damir
23 Sipar. Je sais qu'une enquête a été menée par la suite, une enquête sur
24 site.
25 Q. Bien. Je souhaite que vous confirmiez qu'il y avait le désir de mettre
26 en œuvre cet accord.
27 M. KOVACIC : [interprétation] Je demande à l'Huissière de placer sur le
28 rétroprojecteur le document D00017, s'il vous plaît.
Page 1156
1 Q. Madame Drljevic, veuillez regarder ce document, s'il vous plaît, nous
2 dire qui l'a signé. J'ai une seule question à propos de ce document. Mais
3 une fois que vous l'aurez regardé, je vous demande de me répondre, s'il
4 vous plaît. Etes-vous d'accord pour dire que ce document est l'illustration
5 exacte de la déclaration faite par Pasalic et Zelenika, la veille ? A
6 savoir, ceci est confirmé par le commandant du HVO, M. Milenko Lasic, et
7 par la présente, il donne l'ordre ou ordonne à ses troupes d'agir
8 conformément à ce qui a avait été annoncé la veille, au terme de cet
9 accord.
10 R. Oui. Je suis sûre qu'il y a des documents que l'on peut retrouver dans
11 les archives de l'armée, documents que nous aurions pu fournir à
12 l'Accusation.
13 Q. Oui. Je pense que cela doit certainement être le cas, mais j'essaie de
14 faire la clarté en tout cas, là-dessus.
15 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande à ce que
16 ces documents soient versés au dossier, s'il vous plaît.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, il y a donc deux documents.
18 Est-ce que vous pouvez nous donner les numéros ?
19 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président. Les documents sont versés au
20 dossier sous les références respectives, 3D00016 et 3D00017. Merci.
21 M. KOVACIC : [interprétation] Nous allons maintenant passer à
22 d'autres sujets.
23 Q. Hier, M. le Président vous a posé une question à la fin de la journée.
24 A la page 73, ligne 22 du compte rendu d'audience, M. le Juge vous a posé
25 une question. Il vous a demandé si vous étiez en mesure de vous rappeler
26 les noms de certaines personnes.
27 M. KOVACIC : [interprétation] Je demande à passer très brièvement à huis
28 clos partiel, s'il vous plaît, pour poser deux questions.
Page 1157
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Huis clos partiel.
2 M. LE GREFFIER : Nous sommes en audience à huis clos partiel, Monsieur le
3 Président.
4 [Audience à huis clos partiel]
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13 [Audience publique]
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, en audience publique.
15 Me Kovacic nous annonçait, il y a quelques secondes, qu'il avait
16 terminé son contre-interrogatoire.
17 Je vais m'adresser auprès de Me Alaburic pour lui demander si elle a
18 des questions à poser au témoin.
19 Mme ALABURIC : [interprétation] Oui, j'ai quelques questions à poser au
20 témoin.
21 Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :
22 Q. [interprétation] Je suis Vesna Alaburic, je suis avocate à Zagreb et je
23 suis le conseil de la Défense de Milivoj Petkovic, qui est un des accusés
24 dans cette affaire.
25 Vous avez répondu à bon nombre de questions aujourd'hui et vous avez
26 beaucoup parlé de votre licenciement, mais je souhaite vous poser des
27 questions supplémentaires car je crois que ceci permettra de faire la
28 clarté sur certaines choses.
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1 Aujourd'hui, vous nous avez dit que, lorsque le droit du travail a été
2 appliqué en Yougoslavie, il était impossible de licencier quelqu'un sans
3 prouver devant un tribunal que cette personne avait commis une faute
4 professionnelle. Ceci a été retranscrit aujourd'hui au compte rendu
5 d'audience, à la page 54, lignes 23 et 24.
6 Est-ce que vous vous êtes toujours d'accord et est-ce que vous maintenez
7 toujours ce que vous avez dit ?
8 R. Oui. Je souhaite simplement apporter une correction. C'était très
9 difficile d'être licenciée et, une fois que vous aviez un emploi, il n'y
10 avait pas -- on ne parlait pas -- c'était un contrat de travail déterminé.
11 Q. Je suis d'accord avec vous. Merci pour votre réponse. Je parlais de la
12 République de Croatie et de la période du premier -- les premières lois sur
13 le travail qui ont été promulguées en 1995, et ce droit du travail était
14 toujours en vigueur en 1991, et c'est ce qu'on appelait la loi fédérale et
15 c'étaient les droits élémentaires de chaque personne salarie. Donc,
16 c'étaient les règles qui étaient appliquées à ce moment-là lorsque vous
17 avez occupé ce poste ? Vous avez également été licencié après à la fin de
18 l'année 1991; êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'au moment où vous
19 avez été licenciée, la loi applicable dans la République de Croatie, à
20 l'époque, rendait quasi impossible le licenciement de toute personne
21 employée ?
22 R. Oui. Mais puis-je ajouter que j'ai reçu mon livret de travail en 1995
23 ou 1996. J'avais délégué ce pouvoir à quelqu'un. Je ne pensais pas en
24 parler aujourd'hui. Je ne peux pas en parler très longtemps car je ne
25 dispose pas de ce livret aujourd'hui. Je l'aurais apporté si on m'avait dit
26 que je devais prouver ce que j'étais en train de dire.
27 Q. On parle simplement des règles en vigueur. A l'époque, vous avez reçu
28 votre lettre de licenciement.
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1 Pour les raisons, vous avez invoqué certaines raisons pour votre
2 licenciement. Vous avez parlé de ceci hier. Ceci a été consigné au compte
3 rendu, à la page 8, lignes 13 et à 15. Il semblerait que vous-même vous
4 avez été licenciée pour des raisons liées à votre profession.
5 R. Oui.
6 Q. Après cela, vous nous avez dit que vous avez été licencié sans doute
7 parce qu'une décision avait été rendue par la République de Croatie. En
8 vertu de quoi toute personne qui ne résidait pas en Croatie devait être
9 licenciée, premier point.
10 Je souhaite faire la clarté là-dessus. Cette lettre de licenciement
11 que vous avez reçue, aucune mention n'est faite, je suppose, de la question
12 de la résidence ou le fait d'habiter en Croatie ou du fait que vous n'avez
13 pas de domicile en Croatie; êtes-vous d'accord avec moi ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous nous avez dit aujourd'hui que la décision rendue par le
16 gouvernement que vous avez évoquée est une décision que vous n'avez jamais
17 vue vous-même. Par conséquent, j'en conclus que quelqu'un vous a parlé de
18 l'existence de cette décision rendue par le gouvernement et de son contenu.
19 R. Oui.
20 Q. Pourriez-vous nous dire avec certitude si effectivement cette décision
21 avait été rendue par le gouvernement de Croatie, par exemple, le droit du
22 travail ? Est-ce que ceci portait sur les résidents étrangers ?
23 R. Ecoutez, je sais que c'est une décision du gouvernement. Une décision
24 rendue par la République de Croatie. J'espère en tout cas. Je ne sais pas
25 quelle est la procédure à suivre devant un tribunal. Mais je pense que,
26 bon, j'ai pu commettre une erreur, mais je ne me suis pas suffisamment
27 préparée. Je n'ai pas les documents, mais il y a eu des négociations entre
28 les deux gouvernements, et il y avait une équipe de juristes qui a
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1 travaillé et qui a travaillé dans le cas de mon procès, donc, j'aurais pu
2 apporter des preuves si on me l'avait demandé.
3 Q. Etes-vous d'accord avec moi pour dire ce qui suit : à la République de
4 Croatie, une décision rendue par le gouvernement existait déjà et aurait
5 permis aux salariés qui n'avaient pas de domicile en Croatie d'être
6 licenciés; est-ce que votre employeur dans la lettre de licenciement parle
7 des raisons pour lesquelles vous êtes licenciée ?
8 R. Je ne sais pas.
9 Q. Dans cette lettre de licenciement, est-il clairement précisé que vous
10 n'aviez pas le droit de faire appel, de vous défendre devant un tribunal et
11 de faire appel de la décision du licenciement ?
12 R. Ecoutez, honnêtement, je ne le sais pas. Je ne m'attendais pas à des
13 questions de ce genre.
14 Q. Pourriez-vous me dire, alors, et nous expliquer le fait que vous n'avez
15 pas contesté ce licenciement, à l'époque ? La décision rendue, vous dites
16 que c'était le lendemain du jour où la guerre avait éclaté. Est-ce que
17 parce que c'était la guerre et est-ce la seule raison pour laquelle vous
18 n'avez pas contesté ce licenciement ?
19 R. Oui.
20 Q. Est-ce que cela signifie que les raisons invoquées dans cette lettre de
21 licenciement sont tout à fait justifiées, c'est la raison pour laquelle
22 vous n'avez pas l'intention de faire appel ni de les contester ?
23 R. A vrai dire, j'ai analysé la situation par la suite.
24 Q. Ceci m'intéresse, et vous dites que deux ans plus tard, vous avez
25 appris l'existence d'une Association qui était chargée de défendre les
26 droits des travailleurs qui avaient été licenciés au début des années 1990
27 et que la plupart des salariés étaient des Bosniens et des Serbes.
28 La question que je vous souhaite vous poser est celle-ci - je
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1 souhaite faire la clarté là-dessus : était-ce bien le cas que vous avez
2 appris l'existence de cette association il y a deux ans ?
3 R. Oui. Tout à fait par hasard à la télévision.
4 Q. Pourriez-vous nous dire : comment avez-vous appris l'existence de cette
5 association ?
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic --
7 Mme ALABURIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président.
8 Q. Est-ce que ceci a eu incidence sur votre position ? Vous avez
9 appris l'existence de cette association et les objectifs de cette
10 association; est-ce que ceci vous a influencé d'une manière ou d'une autre
11 à propos de la lettre de licenciement que vous aviez reçu deux ans avant ?
12 R. En partie, oui. Mais je dois dire que j'ai été très surprise de
13 constater qu'une décision de ce type avait été rendue.
14 Q. Quelle décision ?
15 R. Décision rendue par le gouvernement.
16 Q. Je peux vous dire que la décision -- le gouvernement n'a pas rendu
17 cette décision, mais il ne s'agissait pas ici de l'objet de notre échange.
18 En réalité, vous avez appris que cette association vous a fait
19 changer d'attitude en partie et, lorsque vous avez fait votre déposition en
20 2001 et en 2002, vous avez brièvement évoqué la question de votre
21 licenciement. Vous dites que vous avez été licenciée lorsque la guerre
22 avait éclaté, et je vous cite : "Je n'ai pas pu me rendre à mon travail."
23 Je vous cite à la page 3 de votre déclaration. Aujourd'hui, vous essayez
24 néanmoins de présenter ce licenciement sous un autre jour.
25 R. Ecoutez, là, il s'agit d'une question de terminologie. Je ne me suis
26 pas rendue à mon travail. Je ne pouvais pas faire mon travail. Nous avions
27 des réunions deux, trois ou quatre fois, et je me rendais dans les locaux
28 de l'entreprise, et de temps en temps, mais pour la plupart, je travaillais
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1 la plupart du temps en Bosnie-Herzégovine car je devais rendre visite aux
2 acheteurs. Encore une fois, ceci signifiait que je faisais mon travail.
3 Q. Bien. Avant d'apprendre l'existence de cette association, vous avez dit
4 que vous avez été licenciée parce que vous ne pouviez pas vous rendre à
5 votre travail. Maintenant, vous nous dites quelque chose de tout à fait
6 différent. La raison pour laquelle je vous ai posé la question.
7 Je vous remercie d'avoir répondu à la question que je vous ai posée
8 sur votre emploi. Je souhaite maintenant parler du bâtiment de Vranica et
9 ce qui s'est passé dans ce bâtiment les 8 et 9 mai.
10 Vous avez mentionné une partie du bâtiment et vous nous avez
11 dit qu'il s'agissait de la cave ou du sous-sol, et c'est là que la brigade
12 et le corps avaient son QG. Est-ce que vous pourriez nous dire, maintenant,
13 si c'était véritablement le sous-sol dans un bâtiment ou s'agissait-il d'un
14 abri qui avait été bien conçu et qui avait été préparé à cet effet ?
15 R. Vous voulez parler des 9 et 10 mai. J'étais à Vranica le 8 également.
16 Il s'agissait de locaux commerciaux qui étaient bien meublés et c'est là
17 que la brigade a été hébergée. Il y avait l'usine de cuir de Visoko qui
18 avait également ses bureaux là ainsi qu'une autre société, de Vranica.
19 Q. Pourriez-vous nous décrire cette cave ou ce sous-sol ? Y avait-il
20 plusieurs pièces ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce que ces pièces étaient bien peintes ? Est-ce qu'il y avait des
23 meubles ? Est-ce que vous disposiez de téléphones ?
24 R. Oui. Oui.
25 Q. Ce sous-sol ressemblait-il à un abri ? Est-ce qu'il avait été conçu à
26 cet effet ?
27 R. Dans un certain sens, oui, étant donné que c'était un bâtiment assez
28 neuf. Peut-être que le bâtiment avait été construit dix ans auparavant.
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1 Mais d'après la loi, il fallait disposer d'un abri dans tout bâtiment
2 récemment construit et cet abri devait se trouver au sous-sol. Donc ce
3 n'était pas un sous-sol dans lequel on trouvait une chaudière, par exemple.
4 Q. Je vous remercie de nous avoir décrit ce sous-sol. Je souhaite
5 maintenant parler de quelque chose que vous nous avez dit hier. Hier à la
6 page 34 du compte rendu, lignes 8 et 9, vous nous avez dit que vous
7 manquiez de munition, le 9 ou le 10 mai en 1993, et qu'il vous est apparu
8 de plus en plus clairement que vous ne seriez pas en mesure de vous
9 défendre. Je souhaite éclaircir un point, ici. Il semblerait que l'armée de
10 Bosnie-Herzégovine tirait à partir du bâtiment de Vranica, que l'armée a
11 pris une part active au combat depuis les locaux de Vranica, de ce bâtiment
12 à Vranica et dans l'entourage de ce bâtiment.
13 R. Oui.
14 Q. Je souhaite maintenant parler des lignes téléphoniques dans cette cave
15 de Vranica, ou en tout cas, la région dans laquelle étaient stationnés les
16 soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine, là où ils se trouvaient et où ils
17 résidaient dans ce bâtiment. Vous nous avez dit hier que pendant toute
18 cette période, vous pouviez communiquer par téléphone avec le poste de
19 commandement avancé qui se trouvait dans le bâtiment du SDK qui était sur
20 la rive opposée de la Neretva. Ceci a été enregistré à la page 31 du compte
21 rendu d'audience, lignes 24 et 25 -- le bâtiment où s'étaient regroupés les
22 services comptables. Je souhaite que vous fassiez la clarté là-dessus.
23 Lorsque vous dites "pendant toute cette période", est-ce que vous voulez
24 parler du 9 et du 10 mai 1993 ? Qu'est-ce que vous aviez à l'esprit lorsque
25 vous avez dit cela ?
26 R. Oui. Il s'agissait de communication radio qui était chiffrée.
27 Q. Est-ce que vous avez véritablement communiqué avec le poste de
28 commandement avancé ?
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1 R. Oui, par l'intermédiaire de codes. Oui, c'était codé.
2 Q. Savez-vous combien de messages ont été échangés ?
3 R. Ecoutez, je ne faisais pas partie de ces -- je ne m'occupais pas des
4 signaux. Je n'étais pas dans cette pièce tout le temps.
5 Q. Bien, 20 ou 50 ?
6 R. Ecoutez, beaucoup moins. Peut-être quatre ou cinq. A ma connaissance,
7 quatre ou cinq, mais il y en avait peut-être une vingtaine.
8 Q. Vous seriez en mesure -- quel était le contenu de ces déclarations ou
9 messages, plutôt, qui ont été échangés ? De quoi s'agissait-il ?
10 R. Le dernier dont je me souvienne, c'est : "Attendez, nous arrivons." Un
11 des messages précédents, c'était : "Nous sommes parvenus à la prison et le
12 Rondo." Ceci était en partie exact. C'est quelque chose que j'ai vérifié
13 par la suite.
14 Dans l'un de ces messages, on demandait qu'on mette la main sur des
15 anesthésistes, Jakupovic et un autre médecin. Ceci semblait indiquer qu'il
16 y avait des blessés. Plus tard, j'ai appris que le Dr Milavic a répondu à
17 l'appel, mais que le Dr Jakupovic est restée sur la rive droite. Elle est
18 restée là-bas.
19 Q. Vous nous avez également parlé des communications avec les gens
20 du HVO.
21 R. Oui.
22 Q. Vous nous avez dit que quelqu'un a appelé à partir du HVO, c'est
23 ce qui a été enregistré à la page 33, lignes 22 et 23. Vous avez dit que
24 vous-même ou un des messieurs qui étaient avec vous a appelé Jadran Topic.
25 Ceci est consigné aux pages 15 et 16. Sur la base de vos déclarations, ai-
26 je raison de dire que vos communications avec le HVO, pendant toute cette
27 période, n'étaient aucunement entravées ?
28 R. Oui.
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1 Q. Pourriez-vous nous dire : si le HVO l'avait voulu, aurait-il pu
2 interrompre ces conversations téléphoniques ou ces communications dans la
3 région ?
4 R. Oui. Il aurait pu le faire.
5 Q. Merci. Quelques questions à propos de votre départ du bâtiment de
6 Vranica. Vous nous avez dit hier qu'on avait fait une percée dans le mur.
7 Ceci est consigné à la page 31, lignes 8 et 9 du compte rendu. Vous nous
8 avez également dit que ceci avait été proposé par quelques individus qui
9 savaient comment le bâtiment avait été construit à l'origine. Donc, il
10 s'agissait d'une cloison qui avait été faite de briques et qu'on pouvait
11 tout à fait détruire facilement.
12 Donc, ces mêmes personnes savaient qu'il y avait une route derrière, une
13 fois que vous avez abattu la cloison faite de briques ?
14 R. Oui. Etant donné qu'un de ces individus ou qu'une de ces personnes se
15 trouvait en permanence au quartier général de la brigade, alors que l'autre
16 jeune homme était là par hasard. Il avait travaillé à Vranica avant la
17 guerre.
18 Q. Mais pourriez-vous nous dire où menait cet autre chemin ?
19 R. La deuxième entrée du même bâtiment, vous voulez dire ?
20 Q. Oui, du même bâtiment. Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez dû
21 abattre cette cloison de briques et ensuite, sortir par une autre entrée
22 pour pouvoir accéder par une autre entrée, si vous vouliez sortir par
23 l'issue d'une deuxième entrée, et non pas par la première entrée qui était
24 plus près de l'endroit où vous vous trouviez ? La raison est peut-être
25 celle-ci : parce que dans la deuxième entrée, vous pouviez vous présenter
26 comme étant des civils plutôt que de passer par la première entrée qui
27 était l'entrée empruntée par les commandants de la brigade et du corps. Je
28 crois que ce serait tout à fait compréhensible. Vous vouliez sauver la
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1 face.
2 R. Ecoutez, je n'ai jamais pensé à cela en ces termes-là. Je ne sais pas
3 si c'est quelqu'un qui portait des armes et qui empruntait l'autre entrée,
4 peut-être, je ne sais pas. Mais personnellement, je ne peux pas vous le
5 dire.
6 Q. Donc, vous avez démoli un mur et vous avez donné un coup sur une porte
7 sans savoir pourquoi vous faisiez cela ?
8 R. Ecoutez. Je ne sais pas où ceci menait. Peut-être que les gens qui ont
9 abattu cette cloison savaient, car il y avait le sous-sol, et ensuite, il y
10 avait un deuxième escalier, mais je ne peux pas vous le dire. Je sais
11 simplement que l'entrée devant laquelle se trouvaient les soldats, que nous
12 ne pouvions absolument pas sortir par là. Merci.
13 Q. Pour ce qui est du changement de vêtements, vous dites que vous avez
14 porté des uniformes, et ensuite, vous avez changé de vêtements, était-ce
15 avant d'avoir abattu ce mur, lorsque vous étiez plus près de la deuxième
16 entrée, ou était-ce avant, parce que vous ne saviez toujours pas que vous
17 accédiez à la deuxième entrée du même bâtiment ?
18 R. Je me suis changée au niveau de la première entrée, lorsque je me suis
19 réveillée. Pour le reste, je ne sais pas.
20 Q. Est-ce que vous avez remis vos propres vêtements, ou est-ce que vous
21 avez mis les vêtements de quelqu'un d'autre ?
22 R. J'ai porté les vêtements d'une de mes amies chez qui j'avais dormi la
23 veille. J'y avais passé la nuit la veille.
24 Q. Merci. Je n'ai plus de questions concernant le bâtiment de Vranica. Je
25 vous remercie pour vos réponses. Je souhaite vous poser d'autres questions
26 concernant les opérations militaires, bien que lorsque le conseil de M.
27 Prlic vous a posé une question à cet effet, vous aviez répondu que vous
28 n'étiez pas experte en matière militaire, mais je vais néanmoins vous
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1 demander de répondre à ma question.
2 Hier, vous avez parlé d'une opération Bura, au mois de novembre 1992.
3 R. Oui.
4 Q. Vous avez dit que l'ABiH a tenté d'attaquer les Chetniks et que le HVO
5 est resté assez passif. Je paraphrase vos propres termes. Vous avez dit
6 cela à la page 18, lignes 10 à 24.
7 Je souhaite vous poser cette question-ci : savez-vous que l'opération Bura
8 était censée couvrir une région beaucoup plus large que Podvelezje que vous
9 avez évoquée hier ? Est-ce que vous savez que ceci comprenait également
10 Stolac et une région beaucoup plus grande autour de Mostar. Est-ce que vous
11 saviez cela ?
12 R. Non.
13 Q. Merci.
14 Mme ALABURIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur
15 le Président.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Jonjic.
17 M. JONJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais essayer
18 de verser au dossier quelque 10 à 12 documents par l'intermédiaire de ce
19 témoin. Nous avons préparé des exemplaires pour tous les Juges de la
20 Chambre, et je vais demander à Mme l'Huissière de nous aider à les
21 distribuer. J'espère qu'il n'y aura pas de problème ave le système
22 électronique.
23 Contre-interrogatoire par M. Jonjic :
24 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Drljevic. Je vais vous poser -- Je
25 m'appelle Tomislav Jonjic. Je vais vous poser des questions au nom de mon
26 client, Coric.
27 Etant donné que mes confrères et consoeurs vous ont posé bon nombre
28 de questions, même des questions que j'allais vous poser moi-même, étant
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1 donné que vous avez dit que vous n'étiez pas experte en matière militaire,
2 je vais essayer de m'en abstenir aux sujets peut-être qui vous semblent
3 plus familiers.
4 Vous avez passé toute votre vie ou la plus grande partie de votre vie
5 à Mostar, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. D'après votre déposition hier, page 9, lignes 16 à 18, vous avez dit
8 qu'à Mostar, la guerre a éclaté au mois de septembre 1991, le 19 septembre
9 1991, lorsque les réservistes de la JNA sont arrivés en ville; est-ce que
10 exact ?
11 R. Oui.
12 Q. Étant donné que vous avez passé toute votre vie à Mostar, étant donné
13 que vous étiez assez active dans ces cercles, ou plutôt, de l'armée de
14 Bosnie-Herzégovine, vous avez été là au moment de la création de cette
15 armée. Pourriez-vous nous dire quelle était la réaction du SDA, ou plutôt
16 des Musulmans qui habitaient la ville lorsque les réservistes sont
17 arrivés ?
18 R. Tout d'abord, je n'ai jamais été membre du SDA. Je ne peux pas parler
19 au nom de l'opinion publique. Je suis surtout entrée en conflit avec mes
20 amis serbes lorsque nous nous voyions en dehors du travail, étant donné que
21 je vivais ou que j'étais dans ce camp du sud où les réservistes étaient
22 cantonnés.
23 J'étais bouleversée, et lorsque j'ai vu qu'ils soutenaient tout cela,
24 j'ai cessé de les voir. Mais je ne peux pas parler au nom d'autres
25 personnes.
26 Q. Savez-vous s'il y avait des manifestations, s'il y avait des
27 expressions, si le sentiment de révolte était exprimé en public par les
28 résidents musulmans ?
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1 R. Écoutez, je ne pense pas. J'ai appris par la suite que plusieurs hommes
2 qui avaient été engagés dans les forces de réserve du MUP, que ces hommes
3 avaient patrouillé ou patrouillaient le quartier de la ville dans laquelle
4 j'habitais. Plus tard, j'ai été bouleversée par le fait que le premier
5 conflit, les premiers incidents ont eu lieu précisément à cet endroit-là,
6 alors que sur l'autre rive de la Neretva, la vie se déroulait normalement.
7 Q. Merci. Vous connaissez la composition ethnique de Mostar, n'est-ce pas
8 ?
9 R. Oui.
10 Q. Savez-vous quel rapport il y a entre les Musulmans et les Croates ?
11 Quel est le pourcentage de résidents des uns ou des autres à Mostar en
12 1991 ?
13 R. Je ne sais pas.
14 Q. En terme de pourcentage, vous ne savez pas ?
15 R. La différence était de 1 à 2 %.
16 Q. Vous avez dit dès le début, vous faisiez partie de la compagnie
17 indépendante qui ensuite est devenue le bataillon indépendant, et
18 qu'ensuite, ceci est devenu l'ABiH.
19 R. Oui.
20 Q. Mes confrères et consoeurs vous ont posé des questions sur les
21 effectifs du HVO et de l'ABiH. Pourriez-vous nous donner les raisons à cela
22 et pourriez-vous nous donner votre interprétation ? Pourquoi il y a un
23 nombre égal de résidents musulmans et croates dans une ville et qu'il y a
24 au départ une seule compagnie, une seule brigade de l'ABiH, alors qu'il y
25 avait neuf bataillons du HVO simultanément, en même temps ?
26 R. Ecoutez, je n'entrerai pas dans les raisons de tout cela, mais il faut
27 vous rappeler que la guerre en Croatie avait commencé beaucoup plus tôt,
28 donc le HVO avait beaucoup de soutien et d'appui depuis la Croatie.
Page 1175
1 Q. Très bien. Vous nous avez dit à plusieurs reprises, hier et
2 aujourd'hui, que pendant l'année 1992 en particulier jusqu'au mois de
3 novembre 1992, lorsque le 4e Corps a été créé, la compagnie et, ensuite, le
4 Bataillon indépendant faisaient partie du HVO; c'est exact ?
5 R. Ecoutez, je n'en suis pas tout à fait certaine.
6 Q. [aucune interprétation]
7 R. En grande partie oui, mais pendant une partie de l'année -- en tout
8 cas, les documents étayent cela. C'est ce que j'ai déjà dit. Nous avons
9 utilisé les termes de "commandement" et "commandant", ce sont des termes
10 croates.
11 Q. Mais si vous voulez, ce rapport est opérationnel, ils étaient placés
12 sous le commandement du HVO.
13 R. Oui, dans un certain sens. Je ne sais pas jusqu'à quand.
14 Q. A la page 10, lignes 5 à 7 du compte rendu d'hier, vous avez dit que
15 votre père avait été incarcéré en mai dans un camp de Chetnik à Bileca ?
16 R. Oui.
17 Q. Aux pages 59 et 60 du compte rendu, vous dites qu'il a été échangé et
18 qu'il est rentré chez lui. Savez-vous où cet échange a eu lieu ?
19 R. A Stolac, mais ils ont été relâchés à Berkovici et ont dû marcher
20 pendant 7 kilomètres.
21 Q. Vous, à ce moment-là, c'est-à-dire au mois d'août 1992, vous faisiez
22 déjà partie du commandement de la brigade. La brigade avait-elle été créée,
23 déjà?
24 R. Non. J'étais toujours dans la caserne, dans la caserne du camp sud. Mon
25 père avait été échangé au mois de juillet, et j'étais partie à sa recherche
26 avant. Le premier échange a eu lieu à Ljubuski, et ce n'est qu'à ce moment-
27 là que j'avais appris que mon père était à Ljubuski.
28 Q. Qui a négocié cet échange ? C'est l'armée de ABiH ou le HVO ?
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1 R. Je ne sais pas.
2 Q. Etiez-vous là, à l'endroit où l'échange a eu lieu ?
3 R. Non. A Ljubuski, j'ai vu beaucoup de gens. Une femme m'a dit que mon
4 père -- qu'on avait fait sortir mon père pour qu'il soit relâché, et il est
5 venu quelques jours plus tard. Tout à fait par hasard, je me trouvais là à
6 l'extérieur, j'ai vu un autocar passer devant, et je suis rentrée chez moi
7 par hasard et je l'ai trouvé là, à la maison. Il portait des vêtements de
8 prisonnier. A Metkovici, je sais qu'il a fait une déclaration pour la
9 télévision et il a dit que nous ne devions jamais oublier que des gens
10 étaient restés là-bas.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous sommes obligés de faire la pause technique.
12 Nous reprendrons à 15 h 20.
13 --- L'audience est suspendue à 15 heures 01.
14 --- L'audience est reprise à 15 heures 24.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise pour une heure et demie
16 au maximum.
17 M. JONJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 J'aimerais attirer votre attention sur une erreur qui s'est glissée dans le
19 compte rendu d'audience. Il se peut que j'aie parlé trop vite. Page 106,
20 ligne 16. Il ne faudrait pas lire "la compagnie," mais "Bataillon de
21 l'ABiH, un bataillon," plus exactement, "ainsi que neuf bataillons du HVO."
22 Q. Madame, revenons à ce dont nous parlions auparavant; est-ce que vous
23 étiez présente au moment de l'échange de votre père ?
24 R. Non.
25 Q. Mais je suppose que vous avez parlé des conditions qui régnaient dans
26 le camp chetnik, des conditions dans lesquelles se trouvaient les personnes
27 qui étaient emprisonnées ?
28 R. Oui.
Page 1177
1 Q. Vous a-t-il dit d'où étaient les gens du camp ? De quelle
2 municipalité ? Est-ce qu'ils venaient surtout de l'Herzégovine orientale,
3 de la rive est de la Neretva ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce qu'il a dit quelle était la composition ethnique ou
6 l'appartenance ethnique des personnes détenues puis échangées à Stolac ?
7 R. Oui. Il en a parlé. Je me souviens que c'étaient surtout des Musulmans
8 et qu'il y avait quelques Croates de Kocina Opina, ou plutôt, de Nojnica et
9 de Bijelo Polje. Hier, je vous ai donné des noms ou il a donné le nom de
10 personnes qui avaient été emprisonnées.
11 Q. Mais c'étaient surtout des Musulmans ?
12 R. Oui.
13 Q. Le HVO a remis à la JNA les membres de la JNA qui avaient été capturés,
14 des membres des formations chetniks, et en échange, en contrepartie, ce
15 sont surtout des Musulmans qui ont été échangés. Savez-vous où ces
16 personnes ont été hébergées -- installées après l'échange ? Parce que les
17 régions dont ces personnes étaient originaires étaient encore en grande
18 partie occupées. Alors, où est-ce qu'ils ont été accueillis après
19 l'échange ?
20 R. Ils sont en grande partie retournés à Mostar.
21 Q. Hier, pages 59 et 60 du compte rendu d'audience, vous avez dit que
22 votre père comptait parmi les personnes qui étaient reparties ou qu'elles
23 étaient allées dans un bureau qui était dirigé par Miroslav Bosnjak. Même
24 si ce monsieur s'appelle Bosnjak de son patronyme, c'est un Croate; vous le
25 savez ?
26 R. Oui. Je le sais, et je trouve n'œuvrant qu'on décrive ou qu'on qualifie
27 des gens par leur appartenance ethnique. Je sais que son nom de famille
28 était Bosnjak. Je sais que le damier croate faisait partie du blason.
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1 C'était le bureau s'occupant des victimes de la terreur chetnik. C'est
2 comme cela que cela s'appelait ce bureau. Je ne sais pas si c'est cela qui
3 vous intéresse.
4 Q. C'était un bureau du HVO ?
5 R. Oui. Mais mon père était civil, comme c'était le cas d'autre personne.
6 Q. Oui, oui. C'est très clair.
7 M. JONJIC : [interprétation] Puis-je demander l'aide de
8 Mme l'Huissière ? Je voudrais voir le document 5D1011.
9 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent qu'il n'y est pas de chevauchement
10 entre questions et réponse. Merci d'avance.
11 M. JONJIC : [interprétation] Apparemment, nous éprouvons quelques
12 difficultés techniques pour ce qui est de l'e-court. Il a suffisamment de
13 copies papier. Je peux même en fournir une au témoin si la Chambre me le
14 permet.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Si le système e-court ne marche pas, on peut mettre
16 le document sur le projecteur.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Merci.
18 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président. Je ne sais pas comment
19 veiller à ce que tout le monde ici présent, y compris le représentant de
20 l'Accusation, dispose des bons documents. Je ne sais pas quelle est la
21 procédure technique à suivre. Apparemment, maintenant, nous avons la
22 traduction sur le rétroprojecteur.
23 Q. Madame Drljevic, nous venons de parler de ce bureau, bureau qu'a
24 contacté votre père qui avait à sa tête Miroslav Bosnjak, l'avocat ?
25 R. Oui, c'est exact. Mais j'aimerais indiquer une chose. A plusieurs
26 reprises aussi, je suis allée à ce bureau. Il y avait un jeune homme blond
27 - je ne sais pas comment il s'appelait, mais son père avait travaillé avec
28 le mien dans une fabrique, une usine de tabac. Effectivement, il y avait eu
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1 contact. Je pense qu'il avait reçu le nom d'environ 100 Croates qui avaient
2 été détenus. C'est quelque chose que j'ai dit hier.
3 Q. Voyons ce document. Inutile de le parcourir dans sa totalité, mais, si
4 nous le regardons, nous voyons qu'il porte sur ce bureau municipal du HVO à
5 Mostar, qui contacte le Croissant rouge à Mostar. C'est une organisation
6 humanitaire pour informer cette organisation du fait qu'au cours des trois
7 mois et demi qui se sont écoulés, puisque ce bureau a commencé ses
8 activités le 9 juin 1992. Nous avons cette note qui porte la date du 28
9 octobre 1992. Il dit que ce bureau a participé à l'échange de prisonniers
10 d'Herzégovine, 800 personnes ont été relâchées. C'étaient surtout des
11 personnes originaires de l'Herzégovine orientale.
12 Nous sommes d'accord pour dire que c'est bien le bureau que votre
13 père a contacté.
14 Examinons, maintenant, un document qui porte le numéro suivant, 5D plus
15 exactement 01010.
16 M. JONJIC : [interprétation] Apparemment, nous ne disposons pas de la
17 version électronique de ce document.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux corriger quelque chose ? Ce
19 n'est pas mon père qui a pris contact avec ce bureau, c'est le bureau qui a
20 pris contact avec mon père parce que jusqu'alors, il n'avait pas
21 d'information sur le nom des personnes portées disparues.
22 M. JONJIC : [interprétation]
23 Q. Je ne m'oppose pas à ce genre de lecture du texte même si je pense
24 qu'au compte rendu d'hier quelque chose d'autre est rapportée, autre chose
25 que ce que vous dites maintenant. Mais inutile de s'attarder sur ce point.
26 M. JONJIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions examiner le document
27 suivant. J'ai suffisamment de copies sur support papier.
28 Q. C'est un certificat délivré par ce bureau, le 11 juillet 1992. Ce
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1 certificat confirme qu'il y a un nombre significatif de musulmans civils
2 détenus à Bileca, qui ont fait l'objet d'un échange. Ce bureau mentionne la
3 nécessité de distribuer l'aide humanitaire; c'est bien ce qu'a dit ?
4 R. Oui.
5 Q. Il est ajouté que, de l'avis de ce bureau, il est nécessaire - et c'est
6 une suggestion que fait ce bureau - que les personnes susmentionnées
7 bénéficient de mesures prioritaires et de protection au cours des trois
8 mois qui vont suivre pour obtenir des bénéfices sociaux, médicaux et aussi
9 un permis de se déplacer.
10 Est-ce que nous sommes d'accord pour dire que ce bureau qui avait été
11 ouvert par le HVO a aidé et a permis l'échange de Musulmans d'Herzégovine ?
12 M. JONJIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons verser ceci au
13 dossier, Monsieur le Président ?
14 Q. Madame Drljevic --
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous demandez le versement des deux
16 documents ?
17 Une objection, Monsieur Mundis ?
18 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, deux numéros.
20 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président. Ces deux pièces
21 seront versées sous les références respectives : 5D01010 et 5D01011. Je
22 vous remercie.
23 M. JONJIC : [interprétation]
24 Q. Revenons à notre sujet, Madame Drljevic, si vous voulez bien. Vous avez
25 dit que la plupart des personnes échangées et qui venaient d'Herzégovine
26 avaient été hébergées à Mostar. Mais pourriez-vous nous dire où
27 exactement ? Est-ce que cela s'est passé dans une salle de sport ou est-ce
28 que c'était dans des appartements ?
Page 1181
1 R. Beaucoup de personnes ont pu être hébergées dans un "home" pour des
2 élèves et plusieurs ont reçu un appartement. Ces personnes ont marqué leur
3 accord pour rester dans des appartements qui avaient été détruits dans la
4 partie est de Mostar; en échange, ils se disaient prêts à essayer de les
5 réparer dans la mesure du possible; et d'autres ont été hébergées à Mostar
6 ouest, là où il y avait plus
7 --
8 Q. Est-ce qu'il y avait plus d'appartements libres là ?
9 R. Oui. Mais je dois ajouter que beaucoup de ces gens y compris les gens
10 qui ont été chassés de Podvelezje au cours d'opération Chetnik, beaucoup de
11 ces gens avaient peur disons de la rivière.
12 Q. Très bien. Au cours de cette période, nous sommes là à l'été 1992,
13 ainsi qu'au cours de l'automne, qui est-ce qui a distribué ces appartements
14 abandonnés par des officiers de la JNA ?
15 R. Mais il n'y avait pas que des officiers de la JNA qui avaient abandonné
16 ces appartements. Il y avait aussi des civils serbes parce qu'il n'y avait
17 pour autorité civile à Mostar aussi que le HVO qui représentait aussi bien
18 l'autorité militaire que l'autorité civile à Mostar. Je pense à partir d'un
19 accord conclu fin avril. Je n'ai simplement entendu parler et je ne l'ai
20 pas vu moi-même cet accord, mais c'était un accord entre le HDZ et le SDA.
21 Je ne peux pas vous donner d'autres détails plus précis parce que je
22 ne connais pas bien ces détails, mais je sais que le HVO détenait des
23 pouvoirs civils et militaires à Mostar.
24 Q. Pour dire les choses simplement, le HVO a aidé les réfugiés
25 d'Herzégovine par le truchement de ce bureau, n'est-ce pas et a permis à
26 ces gens d'être hébergés dans des appartements ?
27 R. Oui.
28 Q. Hier, page 31 du compte rendu d'audience, vous avez dit à la ligne 8
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1 que certains de ces réfugiés avaient pu trouver ou s'installer à Vranica,
2 n'est-ce pas ?
3 R. Oui. Certains ont pu être installés à Vranica, mais ils étaient de la
4 rive gauche, de Mostar est de Brankovci et de Luka, de ces quartiers-là.
5 Q. Fort bien. Hier, vous avez également déclaré à la page 15 et à la page
6 16 du compte rendu d'audience que jusqu'au moment de la constitution du 4e
7 Corps d'armée de l'ABiH, ceci s'est fait en novembre 1992 -- ou plus
8 exactement, vous avez dit que ce corps avait été formé parce qu'il y avait
9 un afflux de personnes qui arrivaient de l'Herzégovine orientale.
10 R. Oui.
11 Q. Donc, nous parlons de ces gens qui ont été échangés en juillet et en
12 août 1992 ?
13 R. Oui.
14 Q. Ces gens ont été échangés, c'étaient surtout des Musulmans. Vous avez
15 dit qu'ils ont fait l'objet d'un échange en juillet et en août 1992.
16 R. Oui.
17 Q. Ce bureau du HVO dirigé par M. Bosnjak leur a fourni assistance, ou
18 plutôt a demandé à ce qu'ils bénéficient d'un statut particulier. Ces gens
19 ont pu s'installer ou s'héberger à Mostar dans des appartements distribués
20 par le HVO et puis ils ont pu trouver une place dans l'ABiH.
21 R. C'est vrai en partie. Je ne vois pas en quoi vous êtes surpris.
22 Certains sont arrivés même s'ils n'ont pas été détenus auparavant dans des
23 camps.
24 Q. Bien entendu.
25 R. C'était surtout des gens de Pod Vresinje et de Podvelezje; d'autres
26 venaient de Gacka également. Ils avaient réussi à passer à Mostar, mais il
27 y avait aussi bon nombre de personnes qui ont rejoint le HVO, et je ne vois
28 pas pourquoi vous seriez surpris d'apprendre que d'autres ont rejoint
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1 l'armée de l'ABiH, "l'armija."
2 Q. Vous avez déclaré aujourd'hui que vous n'étiez pas une secrétaire,
3 dirais-je, habituelle, que vous avez aussi eu d'autres choses dont vous
4 vous occupiez. Par exemple, la question de la sécurité sociale des membres
5 de compagnies, de bataillons, de brigades et de corps d'armée ?
6 R. Oui.
7 Q. S'agissant du bureau dirigé par M. Bosnjak, celui qui avait pour
8 responsabilité d'aider les membres de l'ABiH, est-ce que vous saviez que ce
9 bureau a aidé des civils, mais aussi des membres de l'ABiH ?
10 R. Oui, je sais. A l'époque, ils ont aussi traité à l'hôpital Safet Mujic
11 beaucoup de membres de l'ABiH.
12 Q. Je ne parle de traitement. Je parle ici d'une aide sociale fournie par
13 ce bureau aux membres de l'ABiH. Est-ce que vous le savez, puisque vous
14 vous êtes occupée de ce genre de chose ?
15 R. Oui, je savais cela. Mais je dois ajouter qu'on a envoyé beaucoup de
16 gens aussi au Croissant rouge. Je parle ici de membres de l'armija, de
17 l'ABiH, qui recevaient ce secours humanitaire de nos entrepôts. Maintenant,
18 vous allez dire qu'au fond, au départ, cela venait de la Croatie, une fois
19 de plus.
20 M. JONJIC : [interprétation] Je vais demander à Mme l'Huissière de nous
21 montrer le document suivant qui porte le numéro 5D010019.
22 L'INTERPRÈTE : Les interprètent demandent qu'il n'y ait pas de
23 chevauchement entre le conseil et le témoin.
24 M. JONJIC : [interprétation] J'ai une copie sur support papier si nous
25 n'avons pas la version électronique.
26 Je répète le numéro, 5D01009. Ce n'est pas 19, mais 9 qu'il faut y lire. Il
27 y a une erreur au niveau du compte rendu d'audience.
28 L'INTERPRÈTE : Les interprètent précisent que les intervenants se
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1 chevauchent constamment.
2 M. JONJIC : [interprétation]
3 Q. Madame Drljevic, avez-vous eu le temps de consulter ce document ?
4 R. Oui, je sais de qui il s'agit.
5 Q. Vous connaissez cette personne, excellent. Nous pouvons donc nous
6 mettre d'accord pour dire que début septembre 1992, le bureau du HVO à
7 Mostar a délivré un certificat confirmant que le fils d'Ibro Mer Zlomusica,
8 si je lis bien, de Podvelezje --
9 R. Oui, je pense qu'il s'appelait Nerkez.
10 Q. A été tué. Il était membre de la 1ère Brigade de Mostar. Il y est dit :
11 "Ce certificat est délivré afin d'accorder un traitement prioritaire à la
12 famille de la personne tuée pour ce qui est de l'aide sociale, médicale et
13 humanitaire." Est-ce bien exact ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous dites que vous connaissez cette personne ?
16 R. Oui. Son frère travaillait avec moi.
17 Q. Très bien. Excellent.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : -- plus rapide.
19 M. LE GREFFIER : La cote sera, en anglais, [interprétation] 5D01009.
20 Je vous remercie, Monsieur le Président.
21 M. JONJIC : [interprétation]
22 Q. Madame Drljevic, je veux en terminer de ce sujet. Pouvez-vous nous dire
23 combien de personnes sont venues de Herzégovine orientale à Mostar ? Je
24 parle des personnes qui ont été chassées au cours du printemps et de l'été
25 1992.
26 R. Je ne sais pas. Je suppose qu'il y a eu de 10 à 15 000 personnes qui
27 sont arrivées.
28 Q. D'après mes données, j'ai un chiffre bien plus important. Mais si vous
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1 êtes d'accord pour accepter le chiffre que vous avez donné, pourriez-vous
2 nous dire ce qu'il en était de l'appartenance ethnique de ces personnes ?
3 R. C'étaient des Musulmans, des Bosniens.
4 Q. Merci. Vous avez dit ne pas avoir de connaissance militaire
5 particulière. Je ne vais dès lors pas vous montrer un document qui concerne
6 des questions militaires, notamment sur l'évolution de la situation
7 militaire fin 1992, début 1993. Mais vous étiez secrétaire et vous avez
8 passé toute votre vie à Mostar. Vous devez donc pouvoir nous dire quel
9 était le climat psychologique à Mostar, en tout cas au sein de l'ABiH, dans
10 les milieux dans lesquels vous évoluiez.
11 A plus reprises, il a été fait référence à des tensions en avril et en mai
12 1993. Malheureusement, vous n'avez jamais dit si en tant que secrétaire du
13 commandant vous étiez au courant du fait que vers la mi-avril 1993, dans la
14 région de Konjic, il y avait eu certains accrochages, des heurts entre
15 Musulmans et Croates, pour dire les choses simplement.
16 R. Je n'ai qu'entendu parler.
17 Q. Est-ce que vous avez parlé du massacre de Dusina ?
18 R. Non.
19 Q. Vous n'avez pas entendu parler de cela ? Les événements d'avril 1993,
20 est-ce qu'ils ont entraîné des réactions au QG des brigades du corps
21 d'armée, ou est-ce que je ne devrais pas vous poser ce genre de question
22 puisque vous avez dit que vous n'avez pas entendu parler ?
23 R. J'en ai entendu parler plus tard, mais à l'époque je n'en ai pas
24 entendu parler, même si je savais qu'il y avait des tensions. Je sais que,
25 puisqu'à Konjic, en plus de la brigade - je ne me souviens pas de la date
26 de l'établissement du 6e Corps d'armée, mais je crois que c'était plus
27 tard. Mais je sais que M. Pasalic est allé là-bas pour y avoir des
28 négociations avec Duga Covic, et je sais qu'il y avait là une Unité du HVO.
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1 Pour ce qui de Dusina, non, je n'en ai pas entendu parler à l'époque.
2 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'on peut
3 inclure le terme de Trusina au début du compte rendu d'audience - c'est
4 page 118, ligne 4 - car ce fut là un crime très grave qui fut commis, et
5 ceci a eu des répercussions très importantes sur l'état d'esprit des
6 Croates en Bosnie-Herzégovine. Donc, insistons là-dessus. Il s'agit de
7 Trusina.
8 Q. Dites-nous, Madame, Me Kovacic, l'avocat de M. Praljak, vous a montré
9 des documents établis au cours des six derniers mois -- de la deuxième
10 partie du mois d'avril 1993 pour tenter d'arriver à un accord. Vous vous
11 souvenez avoir vu cela il y a un instant. Nous avons vu un communiqué de
12 presse conjoint de Pasalic et de Zelenika.
13 R. Oui.
14 Q. Donc, cela c'est le cadre. On essaie de calmer le jeu, d'apaiser les
15 tensions et c'est dans ce cadre que s'entament des négociations. Une des
16 parties de ces négociations dit à l'autre partie quelles sont ses
17 capacités, ses effectifs, son matériel ? Je ne vous poserai pas la question
18 si vous n'aviez pas dit dans votre déclaration que le commandant Hujka a
19 conservé -- a garé par devant soit des informations concernant
20 l'équipement, le matériel et l'équipement technique du HVO; vous vous en
21 souvenez ?
22 R. Oui. Je m'en souviens, mais je ne sais pas si ceci s'est fait ou pas.
23 Je sais qu'il était en colère à ce propos mais je ne peux pas vous dire de
24 façon certaine si tout ceci a été pris en tant que décision au rapport du
25 Corps d'armée.
26 Q. Pourriez-vous nous dire pourquoi le commandant Hujka n'aurait pas
27 communiqué ce genre d'informations ? Pourquoi était-il important de garder
28 ces informations sous le coude ?
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1 R. Ecoutez. Je ne peux pas vous répondre et il n'est plus possible de lui
2 poser la question.
3 Q. Fort bien. Il y a un instant, nous avons parlé de traitements médicaux
4 réservés aux membres de l'ABiH. Seriez-vous d'accord pour dire que tous les
5 hôpitaux de Mostar se trouvaient sur la rive droite de la Neretva ?
6 R. Oui.
7 Q. Qu'en est-il des civils musulmans, mais aussi des membres de l'ABiH ?
8 Est-ce qu'ils ont pu être soignés dans ces hôpitaux sans problème sans
9 obstacle ?
10 R. Oui. Le personnel de ces hôpitaux, c'étaient surtout des médecins
11 musulmans et pendant un certain temps, ils ont dû aussi prêter serment pour
12 exercer leur profession.
13 Q. Donc, ils ont travaillé jusqu'au moment où le conflit a éclaté en mai
14 1995, n'est-ce pas ?
15 R. Oui. Même après cela.
16 Q. Que savez-vous à propos de préparatifs en vue d'augmenter les capacités
17 hospitalières sur les rives, notamment, sur la rive est de la Neretva ?
18 R. Dès août 1992, dans le camp du Sud, nous avions des hôpitaux ou des
19 infirmeries de fortune pour donner les premiers soins. Nous avions aussi
20 une espèce de cabinet dentaire, ce genre de chose. Je ne sais pas quand
21 c'était exactement. C'était sans doute en novembre ou en décembre --
22 Q. Désolé de vous interrompre et d'interrompre les échanges mais je pense
23 qu'on parle de 1995, ligne 8, page 120. Je pense que ce n'est pas exact. Il
24 faudrait peut-être apporter une correction.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
26 M. JONJIC : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président. Excusez-
27 moi si j'ai fait un lapsus. Il s'agissait, bien entendu, de 1993.
28 Q. Madame Drljevic, est-ce que nous pouvons poursuivre ce dont nous
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1 parlions ? Vous disiez qu'en novembre et en décembre --
2 R. Il y a une augmentation des tirs d'artillerie venant d'Unités chetnik
3 qui avaient pris Mostar pour cible, notamment, le barrage à Mostar. A ce
4 moment-là, il était très difficile d'utiliser le pont pour transporter le
5 vieux pont, pour transporter les gens. C'était la seule voie de
6 communication entre les deux rives. Ce qu'on a fait, c'est établir une
7 espèce d'hôpital, un institut d'hygiène. Je crois que c'était en 1993 mais
8 je ne saurais pas vous dire le mois exact.
9 Q. [aucune interprétation]
10 R. Car je ne me souviens pas exactement quand ce jeune homme a été blessé
11 au barrage. Il a perdu les jambes et on l'a transporté jusqu'au camp du
12 Sud. Entre-temps, il a tellement saigné qu'on a été obligé de lui couper
13 les deux jambes.
14 Q. Donc, cette rétention d'informations par Hjuka au sujet des équipements
15 techniques disponibles et les projets qui ne permettaient pas de construire
16 un hôpital à Mostar Est n'avaient rien à voir avec quelques préparatifs
17 destinés à mettre un terme à l'alliance, à rompre l'alliance, n'est-ce pas
18 ?
19 R. Non, je ne pense pas.
20 Q. Très bien. Merci. Selon ce que vous avez dit hier dans votre
21 déposition, page 31, lignes 23 et 24 du compte rendu d'audience et cela a
22 été repris par un autre conseil de la Défense aujourd'hui. Vous avez dit
23 que l'ABiH, sur la rive Est de la Neretva, a abrité un poste de
24 commandement avancé qui se trouvait dans le bâtiment du SDK ?
25 R. Oui.
26 Q. Nous sommes donc bien d'accord que le commandement principal du Corps
27 d'armée et de la brigade se trouvait dans le bâtiment Vranica ?
28 R. Oui.
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1 Q. Dites-nous, je vous prie, quelle est la distance qui sépare le bâtiment
2 du SDK, sur la rive est de la Neretva, et le bâtiment de Vranica sur la
3 rive ouest ? Quelle est la distance à vol d'oiseau ?
4 R. Je ne sais pas ce que c'est à vol d'oiseau mais c'est une distance
5 assez longue si l'on doit marcher à pied. Il faut traverser le vieux pont.
6 Q. Pouvez-vous nous dire en gros votre estimation de cette distance à vol
7 d'oiseau ? Est-ce qu'il s'agit de 200 mètres, 300 mètres ou plus ?
8 R. Je dirai, à peu près, deux kilomètres.
9 Q. Donc, deux kilomètres à partir du quartier général et du poste de
10 commandement avancé, c'est bien cela ?
11 R. Oui.
12 Q. Bien. Nous parlons du début du mois de mai 1993, à quelle distance se
13 trouvaient les forces de la JNA ou les forces Chetnik par rapport à la
14 ville de Mostar ?
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais intervenir parce qu'il y a une question
16 de pertinence. J'ai l'impression qu'avec ce témoin, vous voulez faire toute
17 une histoire de 1991, 1992 et 1993. Je rappelle que le champ du contre-
18 interrogatoire dans l'article 90 du Règlement, les questions doivent être
19 posées en rapport avec les questions qui ont été posées au titre de
20 l'interrogatoire principal. Alors, je n'ai rien dit jusqu'à présent mais un
21 certain nombre de questions pourraient être posées à d'autres témoins plus
22 appropriés que celui-là, qui est une secrétaire du Bataillon de Mostar et
23 qui a été victime. Si vous abordez avec elle des questions de géopolitique
24 ou de stratégie militaire, il ne m'apparaît pas approprier ce type de
25 questions.
26 M. JONJIC : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Je passerai
27 à autres choses.
28 Q. Madame Drljevic, jusqu'à votre arrestation, vous allez travailler tous
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1 les jours dans le bâtiment à Vranica, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce que des civils se trouvaient également dans ce bâtiment ?
4 R. Oui.
5 Q. Etes-vous au courant du fait qu'au commandement de la brigade ou du
6 Corps d'armée, quelqu'un aurait un jour posé des questions au sujet du
7 fait, compte du fait que le commandement était installé dans un bâtiment
8 qui abritait des civils, les civils en question pouvaient devenir des
9 victimes ou des otages ?
10 R. Non.
11 Q. Cette question n'a jamais été évoquée. Il y avait aussi des femmes et
12 des enfants qui habitaient dans ce bâtiment, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Merci beaucoup.
15 R. Mais si vous me le permettez, j'ajouterai que ceci s'est fait sur la
16 base d'un accord préalable avec le HVO, un accord qui a été conclu avant
17 mon arrivée.
18 Q. Je ne vois aucune raison pour que je discute, pour que j'entre dans
19 cette polémique puisque déjà, à une date antérieure, la Défense du général
20 Praljak a soumis des documents datant d'avril 1993 qui montrent qu'il y a
21 eu un accord selon lequel il devait y avoir retrait du camp du Sud et la
22 police militaire de l'ABiH est demeurée dans les bâtiments libérés. Donc,
23 dans ces documents, il n'y avait qu'une disposition quant au fait que le
24 bâtiment Vranica devrait demeurer quartier général, mais, enfin, ce n'est
25 pas quelque chose que nous allons discuter ensemble. Nous allons revenir
26 sur le moment de votre arrestation, le moment où vous avez faite
27 prisonnière. Les personnes qui ont été emmenées en même temps que vous dans
28 le bâtiment du MUP vous en avez dit quelques mots hier. Je pense à ces
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1 journalistes. Etait-elle membre de l'ABiH, oui ou non ?
2 R. Le trois en question, non.
3 Q. Qui l'était ?
4 R. Le chef du groupe. Il était rédacteur en chef à la radio et commandant
5 chargé du moral des troupes. Il s'appelait Alija Idar [phon]. Il a été
6 emmené après qu'une femme soit partie, et il a montré dans quel endroit il
7 se cachait.
8 Q. J'aimerais revenir quelques instants sur un certain nombre de questions
9 déjà abordées par mes consoeurs et confrères. Cette question de votre
10 changement de vêtements lorsque vous avez revêtu des vêtements civils.
11 Compte tenu du fait que vous-même et la plupart des membres de l'ABiH avons
12 revêtu des vêtements civils et que votre quartier général se trouvait dans
13 un bâtiment abritant avant tous des civils, est-ce que l'idée vous est
14 peut-être venue que vous risquiez de mettre les civils en danger en
15 agissant ainsi, qu'ils risquaient d'être faits prisonniers ?
16 R. Non. Au moment où les membres de l'état-major ont proposé aux civils de
17 se livrer, car nous avons été accusés à la radio de maintenir des civils en
18 détention, nous avons proposé aux civils en question de partir, mais
19 personne n'a souhaité le faire. Il y avait même une femme qui a accouché ce
20 jour-là. Mais peut-être que, dans les audiences ultérieures, un autre
21 témoin pourra vous en parler plus en détail. Je n'ai rien caché. J'ai dit
22 immédiatement que j'étais membre de l'ABiH. La décision que j'ai prise de
23 changer de vêtements était dû à autre chose et pas la volonté de cacher le
24 fait que j'appartenais à l'ABiH. Je ne voudrais pas qu'il y est malentendu
25 sur ce point.
26 Q. Vous avez déjà dit que vous aviez changé de vêtements pour revêtir des
27 vêtements civils. Vous avez dit que ceci était dû au fait que vous aviez eu
28 des saignements ?
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1 R. Oui.
2 Q. Je respecte votre pudeur et votre honneur, bien entendu. Vous avez
3 affirmé que vous aviez immédiatement déclaré que vous étiez membre de
4 l'ABiH contrairement à d'autres qui l'ont tu, n'est-ce
5 pas ?
6 R. Bien, je ne sais pas. Il n'y avait pas d'autre homme à ce moment-là, et
7 pour moi, je ne voyais pas la moindre raison de dire autre chose de ce qui
8 était. Parce qu'il y a ce jeune homme qui a été fait prisonnier pendant le
9 conflit quelques jours avant. Il avait une cicatrice sur le visage. Je ne
10 sais pas quel était son nom. Je crois savoir qu'il a été arrêté.
11 Immédiatement des discussions ont commencé au sujet d'éventuels échanges de
12 prisonniers alors que le conflit durait toujours. Tout le monde savait que
13 pour ce qui me concernait j'étais membre de l'ABiH. Bozo Pavlovic le savait
14 aussi.
15 Q. Très bien. Très bien. Lorsque vous êtes arrivée dans le bâtiment du MUP
16 vous avez dit hier que la première personne que vous avez rencontrée était
17 Tikomir Kragulj.
18 R. Oui.
19 Q. Vous avez dit avoir pris un café avec lui. Ceci figure au compte rendu
20 d'audience page 41, lignes 14 à 16.
21 R. Oui.
22 Q. Dragulj, lorsqu'il vous a rencontrée, a déclaré immédiatement, selon ce
23 que vous avez dit dans votre déposition : "Il s'en est fini, maintenant,
24 Secrétaire." Vous n'auriez pas pu cacher le fait que vous étiez membre de
25 l'ABiH même si vous l'aviez voulu, parce que Kragulj vous connaissait,
26 n'est-ce pas ?
27 R. C'est exact, et je n'ai pas essayé de le faire d'ailleurs.
28 Q. Très bien.
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1 R. Je n'ai jamais eu la volonté de le cacher. J'ai dit que j'étais membre
2 de l'ABiH déjà avant. L'ABiH, bien entendu. Avant de sortir et de
3 rencontrer Tihomir, la première personne que j'ai reconnue, était
4 effectivement Tihomir Kragulj, mais j'avais déjà décidé de le dire.
5 Q. Vous avez déclaré que, dans le bâtiment du MUP, vous avez été interrogé
6 par le frère de Marin Jurica dont le prénom est Davor, si je ne m'abuse. Il
7 faisait partie de la police civile, n'est-ce
8 pas ? Ou est-ce que vous n'êtes pas au courant ?
9 R. Je ne sais pas ce qu'il était à l'époque, mais je pense qu'il était
10 enquêteur ou en tout cas chargé des interrogatoires comme il l'était déjà
11 avant la guerre.
12 Q. Après le séjour que vous avez fait à Mostar, pouvez-vous nous dire
13 quelle est la distance qui sépare Ljubuski de Mostar ?
14 R. Je ne la connais pas.
15 Q. Plus ou moins ?
16 R. Peut-être 30 à 40 kilomètres.
17 Q. Je suis d'accord avec cette appréciation. Je connais très bien cette
18 distance. Vous avez dit il y a une heure ou deux, que ceci figure en page
19 46 du compte rendu d'audience, lignes 11 et 12, que vous connaissiez très
20 bien cette distance et qu'il fallait couvrir ces 30 à 40 kilomètres en une
21 heure ou deux, n'est-ce pas ?
22 R. Bien, nous avancions en colonne alors peut-être que ce n'est pas le
23 temps normalement nécessaire. Mais, en tout cas, nous ne sommes pas arrêtés
24 en chemin.
25 Q. Très bien. Merci. Vous dites que vous avez vu une rangée de soldats qui
26 portaient des uniformes noirs lorsque vous êtes arrivée devant la prison
27 militaire de Ljubuski. Je cite ce que vous avez dit.R. Oui.
28 Q. Est-ce que ces soldats portaient des insignes quelconques ?
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1 R. Je ne saurais vous le dire. L'un d'entre eux nous a donné l'ordre de
2 nous enligner le long du mur et d'écarter les bras et les jambes.
3 Q. Mais vous êtes sûre qu'ils portaient un uniforme de couleur noir ?
4 R. Oui. En tout cas, un uniforme. Les uniformes étaient divers, mais il y
5 en avait qui était noir.
6 Q. Très bien. Hier, au cours de votre déposition, page 47, lignes 15 à 17
7 du compte rendu d'audience, vous avez dit que des chauffeurs de camion
8 provenant de Bosnie se trouvaient à Ljubuski qu'ils n'étaient pas des
9 prisonniers mais qu'ils avaient un statut d'hommes libres ?
10 R. Oui.
11 Q. Pouvez-vous nous expliquer qu'est-ce que vous entendez par "statut
12 d'hommes libres" ?
13 R. Cela veut dire qu'ils étaient dans un autre bâtiment où ils devaient
14 passer la nuit dans une pièce déterminée, mais que, dans la journée, ils
15 avaient la liberté de circuler comme bon leur semblait.
16 Q. Est-ce que vous avez vu ces hommes ?
17 R. Oui.
18 Q. Savez-vous quelle était leur appartenance ethnique ?
19 R. C'étaient des Musulmans, des Bosniens.
20 Q. Lorsque vous les avez vus parler avec d'autres, avez-vous été en mesure
21 d'établir leur âge approximatif ?
22 R. Je ne sais pas. Je connaissais l'un d'entre eux que j'ai vu dans ce
23 groupe et que je connaissais avant la guerre à Tuzla.
24 Q. Quel âge avait-il à peu près ?
25 R. Il avait 45 à 50 ans. Il s'appelait Mirsad. Je ne connais pas son nom
26 de famille. C'était quelqu'un qui était directeur d'une entreprise de
27 transport à Tuzla.
28 Q. Il y a un âge déterminé pour les hommes qui doivent porter des armes,
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1 n'est-ce pas; vous le savez ?
2 R. Oui, oui. Il m'a dit qu'il était chargé d'aller chercher des
3 fournitures, des articles de papeterie, et de librairie dans une entreprise
4 déterminée.
5 Q. Donc, il s'agit d'un homme musulman qui a été retenu sur place mais
6 qu'il n'était pas détenu, n'est-ce pas, il n'était pas détenu prisonnier ?
7 R. Non, non, non.
8 Q. Bien. Vous avez dans vos diverses dépositions et hier au cours de
9 l'interrogatoire principal dit donc à plusieurs reprises que la situation
10 des femmes prisonnières dans la prison d'enquêtes militaires de Ljubuski
11 que ce traitement a été correct avant tout en raison du comportement d'Ante
12 Prlic et de Santic.
13 R. Oui, oui. Là, vous m'aidez parce que j'ai oublié le nom de Santic
14 pendant des années.
15 Q. D'accord. Mais sauriez-vous nous dire quel a été le sort réservé aux
16 détenus hommes ?
17 R. J'en ai déjà parlé hier. Une fois, on m'a permis d'apporter des
18 cigarettes et des restes de nourriture aux hommes détenus.
19 Q. D'où venaient ces cigarettes ?
20 R. J'avais demandé aux gens de Bosnie de m'en acheter.
21 Q. Donc, ils pouvaient circuler librement dans la ville ? Ils pouvaient
22 acheter des cigarettes ? Ces cigarettes ont-elles été soumises à un
23 quelconque contrôle ?
24 R. De toute façon j'avais demandé au commandant si j'étais autorisée à le
25 faire. Je ne l'ai pas fait de mon propre chef.
26 M. JONJIC : [interprétation] J'aimerais, avec l'aide de
27 M. le Greffier, soumettre un document au témoin, le document 5D01002. S'il
28 apparaît sur un écran, il devrait apparaître sur tous les écrans. Cela
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1 faciliterait les choses.
2 Q. Madame Drljevic, est-ce que vous réussissez à lire ce document sur
3 l'écran ? Ce document est un ordre de la brigade de Stjepan Radic, dont le
4 siège est à Ljubuski. Par cet ordre, la police militaire se voit indiquer
5 un certain nombre de mesures qui constitueront le traitement à appliquer
6 dans la prison de Ljubuski. Il est indiqué dans cet ordre que tous les
7 détenus, hommes et femmes, ont le même statut dans la prison. Au point 5,
8 il est exigé de respecter les conventions de Genève.
9 Madame Drljevic, puisque la date de ce document est le 18 mai 1993, il
10 semble assez évident que cet ordre vous concerne également. Mais ce qui
11 m'intéresse, c'est de savoir si le point 4 de cet ordre concerne les
12 journalistes venus de Vranica, ou si peut-être il y avait là-bas d'autres
13 journalistes.
14 R. Cela concerne sans doute les journalistes de Vranica.
15 Q. Il n'y avait pas d'autres journalistes sur place ?
16 R. Je ne suis pas au courant.
17 Q. Très bien. Merci beaucoup.
18 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement
19 au dossier de ce document.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, un numéro.
21 M. LE GREFFIER : Monsieur le Président, cette pièce sera versée au dossier
22 sous la référence en anglais 5D01002. Merci.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Jonjic, vous avez encore besoin de combien de
24 temps ? Parce qu'après vous, il y a Me Ibrisimovic, après, il y a les
25 questions supplémentaires, et il y a les questions des Juges.
26 M. JONJIC : [interprétation] Je comprends très bien, Monsieur le Président,
27 mais si vous me le permettez, j'aimerais pouvoir poursuivre. Je n'en
28 n'aurai pas fini avant une demi-heure, cela, c'est sûr.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce qui veut dire que si vous avez encore une demi-
2 heure, il faudra refaire venir le témoin demain.
3 M. JONJIC : [interprétation] Bien sûr, la décision appartient aux Juges.
4 J'ai de nombreuses questions à poser au témoin au sujet de ce qui s'est
5 passé à Ljubuski à l'Heliodrom.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, posez vos questions si elles vous semblent
7 pertinentes.
8 M. JONJIC : [interprétation] Merci beaucoup.
9 Q. Madame Drljevic, vous avez déclaré que lorsque vous êtes arrivée à
10 Ljubuski, vous aviez déjà des saignements et que le Dr Suko vous a apporté
11 de l'aide. Quelle était la situation à Ljubuski du point de vue des soins
12 médicaux ? Est-ce que vous pouviez demander des soins médicaux, et est-ce
13 qu'ils vous étaient dispensés dans les locaux de Ljubuski, ou est-ce
14 qu'éventuellement, on vous emmenait ailleurs, dans un hôpital peut-être ?
15 R. Je n'ai rien demandé.
16 Q. Mais si vous en aviez fait la demande, savez-vous si ces soins vous
17 auraient été dispensés ?
18 R. Sans doute.
19 Q. Merci beaucoup. Page 53 et 54 du compte rendu d'audience en anglais,
20 vous avez dit que le comité de la Croix-Rouge internationale vous avait
21 enregistrée à Ljubuski une dizaine de jours plus tard, ce qui nous amène au
22 23, 24, 25 ?
23 R. Le 25. C'est écrit sur le certificat.
24 Q. Vous avez dit à plusieurs reprises que les membres de la Croix-Rouge
25 internationale avaient quelques difficultés d'accès à Ljubuski.
26 M. JONJIC : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin le
27 document 5D010001.
28 Q. Vous voyez ce document, Madame ?
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1 R. Oui.
2 Q. Il s'agit d'un ordre émanant de M. Lasic, le commandant de la zone
3 opérationnelle qui donne autorisation à la Croix-Rouge internationale de
4 rendre une nouvelle visite aux prisons du HVO, et notamment à Ljubuski.
5 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement
6 au dossier de ce document.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.
8 M. LE GREFFIER : Monsieur le Président, ce document sera versé au dossier
9 sous la référence en anglais 5D01001. Merci.
10 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais essayer
11 d'accélérer un peu pour aller le plus vite possible, car je sais que Mme
12 Drljevic est un peu fatiguée.
13 Q. Madame Drljevic, je parlerai maintenant de l'Heliodrom. Dans vos
14 dépositions, vous avez déclaré qu'on vous avait demandé à vous ainsi qu'aux
15 autres détenus de tracer un cercle autour du nom de certains prisonniers
16 membres de l'armée sur certaines listes.
17 R. Oui.
18 Q. C'est bien ce que vous avez dit et ce qui s'est passé ?
19 R. Oui. Interrogés par quelqu'un qui s'est présenté et qui avait un badge
20 accroché à ses vêtements avec une photographie, donc le nom qui figurait
21 sur ce badge était Josip Vrdoljak. Je ne sais pas si c'était effectivement
22 le nom de cette personne.
23 Q. Il est possible de conclure, à partir de ce que vous avez dit, qu'il
24 était impossible de distinguer les membres de l'ABiH des autres, car ils
25 portaient des vêtements civils ?
26 R. Je parle du mois de septembre.
27 Q. De l'Heliodrom, oui ?
28 R. Je parle de l'Heliodrom, effectivement, mais j'y suis arrivée au mois
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1 de juin, alors que là, on parle du mois de septembre. Tous ceux qui étaient
2 là-bas étaient des civils, ceux qui portaient un uniforme à ce moment-là.
3 Personne au jour d'aujourd'hui ne sait où ils sont.
4 Q. Ma question n'était peut-être pas suffisamment claire, mais nous allons
5 poursuivre, compte tenu du temps.
6 Aujourd'hui, page 17, lignes 18 à 20 du compte rendu d'audience de la
7 journée d'aujourd'hui, vous avez dit que le comité international de la
8 Croix-Rouge n'avait eu accès au bâtiment de Ljubuski qu'à la date de
9 septembre 1993 ?
10 R. En août.
11 Q. D'accord. Vous ne vous y trouviez au mois de mai. Mais vous avez dit de
12 la façon la plus explicite qui soit que ceci vous avait été confirmé par
13 quelqu'un qui se trouvait là-bas à partir du 10 mai et qui n'était
14 enregistré qu'au mois d'août ?
15 R. Oui.
16 Q. Sur la base de quoi avez-vous conclu que la Croix-Rouge internationale
17 ne s'est pas rendue à l'Heliodrom avant le mois d'août ?
18 R. Puisque la personne dont j'ai parlé a été en isolement pendant un
19 certain temps, il est possible que la Croix-Rouge y soit allée, mais, en
20 tout cas, à partir du 8 juin et pendant les deux mois suivants, il n'y a
21 aucune visite de la Croix-Rouge. J'ai donné cette personne en exemple, j'ai
22 parlé de cette personne qui avait été amenée à cet endroit au mois de mai
23 et n'a été enregistré qu'au mois d'août.
24 M. JONJIC : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin le
25 document 5D01004.
26 Q. Vous voyez ce document, Madame Drljevic ? C'est un document qui émane
27 de M. Darinko Tadic.
28 R. Oui.
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1 Q. Il s'adresse au comité de la Croix-Rouge internationale de Split en
2 disant que 1 500 personnes, majoritairement d'appartenance ethnique
3 musulmane, ont été transférées à l'Heliodrom non loin de Mostar. Ce
4 document date du 10 mai 1993.
5 Je vous demande, par conséquent, si cette personne avec laquelle vous
6 avez parlé n'a pu être enregistrée parce que la Croix-Rouge internationale
7 s'est vue refuser l'accès à Ljubuski, mais que cela s'est passé au moment
8 où le HVO, en fait, avait fait appel à la Croix-Rouge internationale pour
9 obtenir un certain nombre d'articles d'hygiène, notamment des couvertures
10 et cetera ?
11 R. Cette personne n'a pas été enregistrée, cela, c'est certain. Je ne sais
12 pas pourquoi. Peut-être la Croix-Rouge n'a-t-elle pas voulu aller sur place
13 à ce moment-là. Mais les raisons de sécurité invoquées dans ce document me
14 semblent un peu bizarre.
15 Q. Merci.
16 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement
17 au dossier de ce document. Je n'aurai plus que deux questions à poser.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.
19 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si c'est
20 un problème d'interprétation ou si cela vient du document, peut-être, mais
21 nous ne trouvons aucune indication sur le document selon laquelle il datait
22 du 10 mai, ce qui a été dit par les interprètes. Mon collègue de la Défense
23 a parlé du 10 mai. Je ne vois pas la mention de cette date sur le document.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous nous dire qu'est-ce qui vous permet de
25 dire qu'il est du 10 mai ?
26 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, en haut, à droite de
27 l'original croate, la date du 10 mai figure. Maintenant, est-ce que cette
28 date est absolument digne de confiance, cela, personne ne peut le dire avec
Page 1203
1 une totale certitude.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je constate dans le document croate, il est marqué
3 10/05/93.
4 Poursuivez pour vos deux autres questions, Maître Jonjic.
5 Numéro, Monsieur le Greffier.
6 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président, cette pièce sera versée au
7 dossier sous la référence 5D01004.
8 M. JONJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Donc, je n'ai
9 plus que deux questions à poser au témoin.
10 Q. Madame Drljevic, parlant des soins médicaux dispensés à l'Heliodrom,
11 vous avez cité Necko Hadzic, Mirsad Stranjak, qui étaient médecins, et
12 Corojevic, un technicien médical.
13 R. Oui.
14 Q. Vous avez dit également qu'on vous avait emmené pour perfusion au
15 dispensaire militaire.
16 R. Oui.
17 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était l'appartenance des personnes qui
18 vous ont emmené ? Peut-être que si vous ne les connaissez personnellement,
19 pourrez-vous les déduire d'après leurs noms ?
20 R. C'étaient des Bosniens.
21 Q. Pouvez-vous nous dire comment étaient organisés les soins médicaux à
22 l'Heliodrom ?
23 R. De temps en temps, un médecin venait si l'un d'entre nous disait ne pas
24 se sentir bien. Par exemple, quand j'ai eu cette crise de spasme, ils sont
25 effectivement venus en urgence quand on les a appelés. Peut-être, d'autres
26 auront-ils un avis différent du mien. Ce que je dis pour ma part, c'est
27 qu'ils ont eu un comportement tout à fait convenable à l'égard des femmes,
28 je parle de ce personnel médical.
Page 1204
1 Q. Très bien. Je renonce à mes autres questions, et je vous pose donc ma
2 dernière question. Je ne pense pas que ce soit nécessaire de passer à huis
3 clos partiel. Mais, aujourd'hui, vous avez parlé de vos problèmes de santé
4 qui vous ont amené à perdre un peu la mémoire, à perdre le sens critique et
5 cetera. Pouvez-vous nous dire quelles ont été les causes de ces problèmes ?
6 R. Je pense que cela remonte à septembre, octobre 1993. Comment est-ce que
7 je pourrais qualifier cela ? Le fait d'être emmenée sous la menace des
8 armes a eu un effet terrible sur moi. Evidemment, la peur régnait à
9 Vranica. Si quelqu'un te tire dessus, tu meures. Mais une telle situation,
10 devant les autres femmes, il était clair qu'il y avait un danger.
11 Q. Bien, bien. Mais est-il permis de conclure sur la base de ce que vous
12 venez de dire que les affirmations que vous avez faites au sujet des
13 événements ultérieurs à septembre et octobre au cours de votre déposition
14 doivent être prises avec un grain de sel ? Est-ce que vous ne serez pas de
15 cet avis ?
16 R. Non, je n'affirmerais pas cela. J'en ai discuté avec le Dr Hrvic qui,
17 par ailleurs, est un expert devant les tribunaux, y compris au Tribunal de
18 La Haye. J'en ai discuté avec le Dr Curic, également avec le Dr Kovacevic.
19 Q. Avec le Dr Mehmed Kovacevic ?
20 R. Oui.
21 Q. Merci beaucoup. Pardon. Pardon. Le Dr Mehmed Kovacevic a été détenu
22 également.
23 R. A Dretelj. Il est devenu diabétique.
24 Q. Très bien. Merci.
25 M. JONJIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
27 Maître Ibrisimovic.
28 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
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1 Je ne sais pas quel va être notre emploi du temps puisque le témoin est
2 fatiguée. Je n'ai pas beaucoup de questions à lui poser, cependant. Je
3 pense que le temps qui reste devrait me suffire.
4 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic :
5 Q. [interprétation] Madame Drljevic, j'ai quelques questions seulement à
6 vous poser. Vous êtes fatiguée. N'entrons pas dans les détails. Mes
7 questions vont poser sur la journée du 8 juin 1993, ce que vous avez dit à
8 propos de cette journée, hier.
9 Page 61 du compte rendu d'audience, vous avez dit avoir eu
10 M. Marcinko.
11 R. Oui.
12 Q. Vous avez dit ceci : "Je savais qu'il était un haut gradé de la police
13 militaire."
14 R. Oui. Manifestement, il y avait des liens entre les autorités civiles,
15 les autorités militaires. Mais, je ne sais pas exactement quels étaient les
16 pouvoirs concernés, mais je pense qu'il faisait partie de la police
17 militaire.
18 Q. Vous avez dit qu'il avait fait l'école de génie mécanique.
19 R. Oui.
20 Q. Vous avez dit que M. Marcinko vous avait dit que vous alliez à
21 l'Heliodrom, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Puis, vous avez parlé à M. Pusic.
24 R. Oui.
25 Q. Où vous lui avez-vous parlé?
26 R. Dans cette pièce dans laquelle nous étions.
27 Q. Vous et M. Pusic avez parlé de vos parents respectifs, des personnes
28 que vous connaissiez tous les deux, de connaissances que vous aviez en
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1 commun. Ce fut une discussion informelle, une conversation; est-ce exact ?
2 R. Oui. Il a ajouté que si nous étions transférés, c'est parce qu'on
3 devrait sous peu être relâchées, renvoyés chez nous. Il avait été décidé
4 que tout le monde devait être placé à proximité de son domicile respectif.
5 Q. Ce n'était pas une conversation officielle que vous avez avec M.
6 Pusic ?
7 R. Non. Je ne sais pas exactement quelles étaient ses fonctions là. Il
8 n'appartenait pas à une brigade qui interdisait les communications. Il
9 était sans doute venu à titre officiel, mais manifestement, cette
10 conversation était d'ordre privé.
11 Q. D'après le ton qu'il a eu, ou vous avez pu constater qu'il était plutôt
12 amical ?
13 R. Oui.
14 Q. Je reprends le compte rendu d'audience. Il n'est pas dit que M. Pusic
15 vous a salué au nom de parents à vous, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais tirer
18 une chose au clair. Je voudrais que soit précisé -- je voulais simplement
19 préciser les circonstances de cette conversation que le témoin a eue avec
20 M. Pusic. Pas d'autres questions à poser au témoin.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous n'avez pu de questions.
22 Monsieur Mundis, d'éventuelles questions supplémentaires ?
23 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Non, Monsieur le
24 Président.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame, je sais que deux jours d'audience,
26 c'est très fatiguant. J'aurais que quelques brèves questions qui sont en
27 liaison directe avec ce que vous nous avez dit hier ou aujourd'hui.
28 Questions de la Cour :
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Hier, lorsque le Procureur vous a demandé de décrire
2 les forces armées qui étaient en présence à Mostar, vous aviez dit qu'il y
3 avait le Bataillon espagnol, le HVO, l'ABiH. J'ai cru entendre que vous
4 aviez dit également l'armée croate. Pouvez-vous m'apporter des
5 précisions sur la possibilité que des éléments de l'armée croate étaient
6 présents à Mostar ?
7 R. Je pense que ceci concerne les personnes que je suis allée voir devant
8 la maison de retraite qu'on appelle maintenant l'hôtel Ero. Il y avait
9 beaucoup de gens qui parlaient avec un accent dalmate. Ce n'est pas un
10 accent qu'on entend souvent chez nous, pas même en Herzégovine occidentale.
11 Je n'ai pas vu d'insigne que ces gens auraient porté. Cependant, j'ai
12 conclu ceci après avoir entendu d'autres femmes, ce qu'elles ont dit
13 lorsqu'elles allaient travailler. Elles savaient dans quel bâtiment se
14 trouvait, par exemple, l'Unité des Tigres ou de l'Eclair ou du Tonnerre,
15 dans quel bâtiment ces unités se trouvaient. Le 15 juillet, les cartes
16 d'identité de membres de l'armée croate de Split et d'Osijek, ces hommes
17 avaient été tués. Ces cartes, je les ai vues plus tard. Il y avait une dame
18 âgée et sa belle-fille qui me l'ont dit plus tard, m'ont relaté quelque
19 chose qui était survenu le 13 juillet 1992. Cette date a dit qu'il y avait
20 beaucoup de membres de l'armée croate, originaires de Split et d'Osijek,
21 qui avaient trouvé la mort dans cette région. Aujourd'hui, on a érigé une
22 chapelle à cet endroit.
23 Pour ce qui est des personnes qui étaient venues de la direction du stade
24 Velez, je ne peux pas vous dire d'où ils étaient. C'était peut-être de
25 Croatie, mais ils auraient pu aussi être de l'Herzégovine occidentale.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Entre un Croate de Croatie et un Croate de Bosnie-
27 Herzégovine, vous faites une distinction au niveau de l'accent ?
28 R. Oui, dans une bonne partie. Oui, c'est bien possible de faire la
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1 différence.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour bien vous comprendre. Un Croate de Zagreb
3 s'exprime différemment d'un Croate d'origine mais qui est en Bosnie-
4 Herzégovine ? Vous faites, vous, la différence ?
5 R. Cela devient un peu plus difficile maintenant. Il est plus difficile
6 maintenant de faire cette différence. A l'époque, c'était plus facile parce
7 que, maintenant, tout le monde essaie de parler un croate très pur. Ceux
8 qui sont nés à Mostar, maintenant, ont un accent un peu mélangé, mais reste
9 quand même possible de reconnaître un accent de Zagreb ou un accent
10 mostaro-zagrébois.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites qu'au Heliodrom, vous étiez, vous, dans
12 une pièce qui était sous le toit, et qu'au premier étage, il y avait une
13 séparation entre des personnes détenues du HVO, puis une partie des gens
14 qui venaient de Mostar. Vous l'avez dit très rapidement - c'est pour cela
15 que j'aimerais que vous me précisiez - vous avez dit que le commandant
16 adjoint de la prison de Ljubuski,
17 M. Santic, avait été emmené là. Je me suis posé la question de savoir est-
18 ce qu'il avait été incarcéré lui, et si c'est le cas, pour quelle raison,
19 ou il était venu rendre visite à l'Heliodrom ? Pouvez-vous nous préciser
20 cela ?
21 R. Tout d'abord, j'étais au courant, parce que je l'avais entendu dire par
22 certains des gens qui étaient là. Il y avait deux ou trois personnes qui
23 étaient, à certains égards, libres. C'étaient bien des prisonniers, mais
24 ils n'étaient pas détenus dans des cellules en tant que telles. Je leur ai
25 posé la question, et plus tard, ils auraient répondu. Un homme a dit qu'il
26 arrivait qu'on les laisse sortir. Parce que quand vous allez à l'étage,
27 vous avez d'un côté des gens qui étaient surtout de Mostar - il y avait des
28 gens de Mostar dans la moitié --
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai compris tout cela. Je voulais vous demander si
2 le commandant adjoint de la prison de Ljubuski a été incarcéré à
3 l'Heliodrom.
4 R. Oui. Il m'a dit personnellement que c'était le cas. Marjanovic, un
5 garde, me l'a dit aussi.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Savez-vous pourquoi il a été incarcéré ?
7 R. Parce que - enfin, je lui ai posé la question avant qu'il soit relâché.
8 Il y a passé sept jours, je pense. Une fois, il m'a demandé si j'avais
9 besoin de quelque chose. Il m'a apporté des cigarettes et des fruits. Je ne
10 le connaissais pas vraiment avant, et après, je ne l'ai plus jamais revu.
11 Le garde, ce Marjanovic, s'est fâché. Il lui a dit de ne plus
12 -- je lui ai demandé de ne plus jamais revenir du coup. Du coup, j'ai su
13 aussi que c'était un officier. Il avait dit que deux prisonniers s'étaient
14 évadés, avaient réussi à lui échapper, et que c'est la raison pour laquelle
15 on l'avait emprisonné pendant sept ou huit jours.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous ai demandé pour quelle raison il a été
17 incarcéré parce que deux de ces prisonniers de Ljubuski avaient réussi à
18 s'évader.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
20 R. Puis, il est emprisonné dans l'Heliodrom.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Une autre question différente. Aujourd'hui, même à
22 un moment donné et en parlant des personnes qui ont été détenues à
23 l'Heliodrom, vous avez cité des noms, donné les âges et à un moment donné
24 vous avez évoqué la question d'une dame qui était accompagnée de ses deux
25 enfants. Vous avez dit : "Lorsque la Croix-Rouge est arrivée, cette dame et
26 ses deux enfants ont été emmenés, je ne sais où, et puis elles sont
27 revenues." Est-ce que vous vous souvenez précisément de cette situation,
28 d'une mère de famille avec deux enfants est partis de l'Heliodrom parce que
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1 la Croix-Rouge est venue et ces gens-là seraient revenus après ? Pouvez-
2 vous me préciser cela ?
3 R. C'était Nena et ce n'était pas une mère. C'étaient ces deux petits
4 enfants. Quand elle est revenue, on a dit qu'on l'avait installée dans une
5 maison. Je parle de la grand-mère et Nena l'a emmenée -- puis après, elles
6 l'ont emmenées dans une autre maison. Je l'ai appris seulement après avoir
7 quitté le camp parce que ces gens ne se trouvaient pas sur la liste de la
8 Croix-Rouge. Il y avait aussi deux femmes et il y avait deux filles. Il y
9 avait une jeune fille qui devait avoir 17 ou 18 ans, l'autre n'avait que
10 neuf ans, puis il y avait ce fils, Narcis, qui lui avait 15 ou 16 ans. Il
11 se trouvait dans la partie réservée aux hommes dans la prison. Je ne sais
12 pas s'il a été libéré en décembre ou en mars 1995.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez évoqué, à un moment donné dans l'après-
14 midi, le fait qu'un film aurait été tourné. Vous avez -- je le dis dans
15 votre langage, Grbovica, et vous dites que, suite à ce film, vous avez été
16 soumise à des pressions, vous avez eu des pressions. Que vouliez-vous
17 dire ? Est-ce qu'un film a été tourné sur vous ou sur les événements ? Vous
18 faites relation à quels faits concernant ce film, Grbovica ?
19 R. C'est un film qu'on a montré au festival de Berlin. Je crois qu'il a
20 été primé. Il concerne une femme qui a été violée et elle est tombée
21 enceinte. C'est quelque chose qui m'a beaucoup touché parce que cette
22 menace était permanente et je me suis dite que j'avais eu de la chance
23 d'échapper à ce genre d'expérience, mais j'ai des réactions comme cela face
24 à ce genre de chose. La thérapie aide, mais il reste évident qu'avec
25 l'épuisement, je ne me sens pas bien. Si je parle de Grbovica c'est parce
26 que cela me fait revivre tout cela, cela ramène tout cela.
27 Mon médecin dit que c'est comme cela on a des "flashbacks", on a ces images
28 qui reviennent dans un temps --
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, que voulez-vous dire ?
2 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Ce film a été primé avec l'ours d'or à
3 Berlin et il y a un acte -- c'était un acte de viol de la part des Serbes
4 en Bosnie centrale qui a été filmé.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous me le permettez -- par des
6 Serbes en Bosnie centrale. Je pense que cela ne fait pas de différence. Si
7 une femme est violée, elle est violée et c'est un être humain, elle aussi,
8 peu importe comment elle s'appelle.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Suite aux questions des Juges. Monsieur
10 Mundis ?
11 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, si j'ai bien compris,
12 je pensais qu'on pouvait intervenir en dernier lieu après une éventuelle
13 intervention de la Défense.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous voulez. La Défense, y a-t-il une question
15 sur les questions que j'ai posées au témoin ? Non. Non. Très bien.
16 Alors, Madame, votre audition vient de se terminer. Je vous remercie
17 d'avoir, pendant des jours, comme je l'ai dit tout à l'heure, répondu aux
18 questions de l'Accusation, aux questions de tous les avocats ainsi qu'à
19 quelques questions que j'ai posées. Aux noms de mes collègues, je vous
20 remercie d'être venue et je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir
21 vous raccompagner à la porte de la salle d'audience.
22 [Le témoin se retire]
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, demain, nous aurons un autre témoin.
24 Pour l'information de tous, je rappelle que l'Accusation a eu 282 minutes,
25 la Défense 253 minutes et les Juges 14 minutes. Voilà.
26 Alors, Monsieur Mundis, pour le témoin de demain, quelle est l'annonce ?
27 M. MUNDIS : [interprétation] Nous devrions avoir le témoin prévu demain
28 matin et il devrait être ici à 9 heures.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Quel devrait être la durée de
3 l'interrogatoire principal pour pouvoir préparer les choses ?
4 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est justement la question qui devrait être
5 abordée.
6 Alors, Monsieur Mundis, pour que la Défense puisse utilement préparer les
7 contre-interrogatoires, vous comptez prendre combien de temps ?
8 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, d'après le résumé 65
9 ter, on avait prévu quatre heures et demi. C'est M. Scott qui va procéder à
10 l'interrogatoire principal. Il espère le terminer à quatre heures. Demain,
11 nous avons six heures d'audience et quatre heures vendredi. Nous espérons
12 terminer l'audition de ce témoin d'ici à la fin de la semaine, ce qui veut
13 dire qu'il n'aurait pas à rester ici jusqu'à lundi après-midi.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Alors, l'Accusation prendra quatre
15 heures, et la Défense, globalement, vous aurez la fin de la journée de
16 demain et puis vendredi matin jusqu'à 13 heures 45. Bien. Alors, je sais
17 que c'est très difficile entre vous de vous coordonner parce que, parfois,
18 vous êtes amenés à reposer des questions équivalentes. On a vu tout à
19 l'heure sur la question du contrat de travail. Bon, mais je pense qu'au fil
20 du temps, chacun va améliorer les jeux des questions et comme cela, ce sera
21 très utile pour tout le monde.
22 Voilà. Alors je vous remercie.
23 Je remercie M. Praljak également de nous avoir apporté une précision. Je
24 vous invite à revenir demain pour 9 heures.
25 --- L'audience est levée à 16 heures 53 et reprendra le jeudi 4 mai 2006, à
26 9 heures 00.
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