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Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 5 mai 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

7 l'affaire, s'il vous plaît.

8 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président, et bonjour à tous.

9 Affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consort.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

11 Pour gagner du temps, je ne vais pas demander à chaque fois aux avocats de

12 se présenter, sauf dans l'hypothèse où vous auriez quelqu'un de nouveau à

13 côté de vous. A ce moment-là, vous devez vous lever pour présenter la

14 personne nouvelle qui est à côté de vous. Mais, sinon, nous allons perdre

15 beaucoup de temps si, à chaque fois, on fait la même procédure de

16 présentation.

17 Je salue au nom des Juges toutes les personnes présentes. Nous devons

18 terminer notre audience aujourd'hui avec la fin de l'interrogatoire

19 principal et du contre-interrogatoire de ce témoin.

20 Mais juste avant de donner la parole à M. Scott, Monsieur, tel que je vous

21 l'ai indiqué hier, si vous éprouvez une fatigue passagère ou un problème de

22 santé quelconque, n'hésitez pas à me dire que vous voulez vous arrêtez et

23 vous reposez. Si vous n'êtes pas en état de tenir cette matinée, il n'y a

24 aucun problème, nous pouvons renvoyer la continuation de votre audition à

25 lundi prochain. Donc, c'est à vous de décider. Si vous estimez que vous

26 êtes capable de répondre pendant quatre heures encore à des questions,

27 aucun problème. Si vous estimez que vous n'allez peut-être pas être capable

28 pour des raisons de santé, vous nous le dites et, à ce moment-là, nous

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1 pouvons renvoyer à lundi.

2 Alors, quelle est la situation, Monsieur ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas de problème particulier. Mais si

4 les choses devenaient plus difficiles qu'elles ne l'ont été jusqu'à

5 présent, je réagirai. Pour l'instant, tout va bien, Monsieur le Président.

6 LE TÉMOIN : RATKO PEJANOVIC [Reprise]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous sommes entièrement dépendant de

9 vous. Vous pouvez à tout moment à votre convenance nous demander d'arrêter

10 l'audition. Bien.

11 Alors, Monsieur Scott, vous aviez dit 25 minutes. Essayez de raccourcir ?

12 M. SCOTT : [interprétation] Je vais essayer, Monsieur le Président. Je vous

13 remercie.

14 Interrogatoire principal par M. Scott : [Suite]

15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Pejanovic.

16 R. Bonjour.

17 Q. Si je me souviens bien, nous avons passé en revue un certain nombre

18 d'incidents ou d'événements hier après-midi et je crois n'avoir qu'un seul

19 autre point à aborder ce matin. Car toujours dans votre livre, livre dont

20 vous êtes l'auteur, vous parlez du deuxième semestre de janvier 1994, en

21 disant qu'un certain nombre d'incendies se sont déclarés en divers lieux

22 et, notamment, à Velmos, à Varteks et à Opresa, dans la rue du maréchal

23 Tito. Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de ces incidents, comme

24 vous l'avez fait hier pour d'autres ?

25 R. Bien, effectivement, dans cette période, nous avons vécu un grand

26 nombre d'interventions très pénibles, très difficiles. Il me serait

27 difficile de distinguer un de ces incendies des autres pour vous dire qu'il

28 était plus difficile que les autres. Par exemple, je rappellerai que le

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1 bâtiment de l'ancien bâtiment de la comptabilité publique, qui abritait à

2 ce moment-là le commandement du 4e Corps d'armée, a été incendié à ce

3 moment-là et qu'un étage complet a été totalement détruit.

4 Puis, un autre bâtiment un peu plus bas, dans la rue du maréchal Tito, si

5 je ne m'abuse, le numéro 86, a subi un incendie à ce moment-là également.

6 Ce bâtiment datait de quelques années avant la guerre et il avait un

7 grenier et cet incident a véritablement été très important. Nous n'avons

8 pas pu travailler comme d'habitude pour éteindre le feu. Nous avons dû

9 pénétrer dans le bâtiment, ce qui a été très difficile. Pour ajouter aux

10 difficultés, nous avons à ce moment-là été pris pour cible à partir de la

11 colline de Hum. Dans la soirée, un autre incendie a éclaté que je décris

12 dans mon livre également, dans ce qu'on appelle le bâtiment Varteks. Le nom

13 de Varteks vient de l'entreprise qui disposait d'un magasin au rez-de-

14 chaussée de ce bâtiment et tout le monde connaissait le bâtiment. En tout

15 cas, l'incendie a éclaté dans un appartement qui se trouvait face à la

16 colline de Hum, donc, si on regardait de la colline de Hum, on pouvait nous

17 voir dans l'appartement à l'œil nu surtout si on utilisait une lunette

18 optique, et plus on est près de quelque chose, bien sûr, mieux on le voit.

19 L'appartement a été incendié par des balles incendiaires et, pendant que

20 nous nous efforcions d'éteindre le feu, il y a eu aussi des rafales de

21 temps en temps venant de la colline de Hum et prenant spécifiquement pour

22 cible le bâtiment dans lequel nous nous trouvions. Heureusement pour nous,

23 le tireur était un mauvais tireur et nous avons réussi à travailler dans

24 l'obscurité. Nous n'avons pas été blessé, mais nous avons dû partir assez

25 rapidement. Un homme est resté dans l'appartement de permanence pour garder

26 la porte qui fait face au nord, nord-ouest. Donc, à cet endroit, il n'était

27 absolument pas en danger. Une famille habitait dans ce bâtiment, la famille

28 Nova, qui nous connaissait et nous y sommes restés toute nuit, en faisant

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1 deux équipes.

2 Q. Pouvez-vous me dire, pas seulement à ce moment-là, mais lorsque vous

3 vous rendiez en urgence sur différents incendies, quelle a été votre

4 expérience personnelle ? Est-ce que vous découvriez qu'à l'arrivée de la

5 Brigade de Sapeurs-pompiers, les tirs s'arrêtaient ? Ou est-ce qu'ils se

6 poursuivaient, ou est-ce qu'ils s'intensifiaient même ?

7 R. Malheureusement, je suis contraint de constater que, dans cette période

8 où tous les habitants étaient en danger ou tous les habitants essayaient de

9 se cacher, d'abord, j'indique qu'il n'existait pas de système d'alarme et,

10 donc, le danger venait des pilonnages, des obus. Dès lors qu'un pilonnage

11 commençait, les gens fuyaient pour essayer de s'abriter où ils pouvaient,

12 et c'est dans cette période-là qu'on nous appelait le plus souvent pour

13 éteindre des feux. Mais, heureusement, grâce à Dieu, chaque fois que nous

14 sortions pour nous rendre sur un feu, nous avons travaillé sans subir de

15 perte humaine en raison des pilonnages. Mais ce qui est un fait c'est que,

16 quand nous étions dans un bâtiment en feu, dès que l'incendie commençait à

17 diminuer en intensité, les tirs s'intensifiaient.

18 Par exemple, dans la rue Serif Buric, un incendie a éclaté dans un bâtiment

19 qui abritait le comité du parti, et il y avait un dispensaire au rez-de-

20 chaussée à l'hôpital de fortune, ainsi qu'un système de communication, mais

21 ce n'est peut-être pas le plus important. En tous les cas, c'est cet étage-

22 là qui a été visé et touché. Je n'ai pas compris ce qui se passait pendant

23 pas mal de temps, mais je me suis rendu compte que quelqu'un était en train

24 nous observer pendant que nous éteignions le feu, et dès que nous avons

25 réussi à juguler l'incendie, les tirs sont devenus plus intenses. J'ai

26 beaucoup réfléchi à cela et je me suis dit que nous utilisions une tactique

27 qui n'était peut-être pas la bonne, que peut-être les communications radio

28 de la brigade avec certains interlocuteurs étaient interceptées.

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1 Quand nous avons pénétré dans la rue - parce qu'on est d'abord passé par la

2 rue du maréchal Tito pour nous rendre dans la rue de Serif Buric - nous

3 étions donc en train de marcher dans la rue en direction du bâtiment

4 incendié, et j'ai vu des projectiles tirer depuis la colline Mrkan, et je

5 me suis rendu compte que les tireurs utilisaient une lunette de visée et

6 nous voyaient tout à fait bien. Quand ils ont constaté que le feu diminuait

7 en intensité et qu'il était plus ou moins maîtrisé, l'intensité des tirs

8 s'est accrue.

9 Un autre exemple, c'est le jour où un chauffeur n'a pas obéi aux ordres, et

10 d'ailleurs il a été tué par la suite, mais, ce jour-là, il a été blessé par

11 un obus qui l'a atteint à la tête, blessé pas trop grièvement.

12 Puis, un autre de nos hommes a été touché par un obus de mortier lorsqu'un

13 mur lui a tombé dessus, un mur qui avait lui-même été touché par des

14 éclats.

15 Q. Monsieur --

16 R. Donc, il y a eu au moment où l'obus a touché le mur une explosion, et

17 il a été blessé à la poitrine et il a dû avoir un congé de maladie de dix à

18 12 jours.

19 Q. Monsieur Pejanovic, nous devons avancer un peu plus vite ce matin pour

20 essayer de respecter notre horaire. Je vous demanderais si vous pourriez,

21 sur le plan que nous avons utilisé hier, inscrire la lettre L à l'endroit

22 où s'est déroulé l'incendie dont vous venez de nous parler, en particulier,

23 dans la rue du maréchal Tito.

24 M. SCOTT : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, j'indique que

25 j'utilise comme hier d'ailleurs le plan de la ville, qui constitue la pièce

26 à conviction P09517.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, quelle lettre, la lettre K ?

28 M. SCOTT : [interprétation]

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1 Q. Non, non. La lettre L, je vous prie.

2 R. Merci beaucoup.

3 Q. Monsieur, très rapidement, je vous prie : vous venez de parler de

4 communications entre vous-même, les membres de la Brigade de Sapeurs-

5 pompiers et peut-être les autorités locales. Pourriez-vous nous parler des

6 systèmes de communication dont vous disposiez entre le deuxième semestre

7 1993, ou disons, à partir de mai 1993 ? Concentrez-vous sur cette période

8 qui démarre au mois de mai 1993, je vous prie.

9 R. Le nombre de postes de radio dont nous disposions était insuffisant.

10 Nous possédions trois radios émetteurs, donc des talkies-walkies et, dans

11 deux de nos véhicules, nous avions des radios installés à bord de ces

12 véhicules. Tout cela fonctionne très bien lorsqu'il existe un réseau

13 lorsque des répéteurs transfèrent les communications et nous permettent

14 d'atteindre l'endroit que vous voulez atteindre. Mais, étant donné la

15 situation de l'époque, étant donné les difficultés venant du terrain sur

16 lequel nous travaillions le plus souvent, nous ne pouvions souvent pas être

17 entendu par la personne que nous cherchions à joindre. Il faut savoir que,

18 depuis le début de l'agression, la rive gauche était totalement coupée des

19 systèmes de distribution d'eau, de l'électricité, elle n'avait pas de

20 chauffage, et cetera.

21 Pour nous, le plus gros problème c'était l'insuffisance de capacité

22 énergétique qui nous aurait permis d'utiliser une de nos radios comme point

23 de départ avec des répéteurs qui auraient relayé la transmission. Donc,

24 cela c'était vraiment un problème. Mais, dans le grand magasin Razvitak,

25 était resté un dispositif, un appareil qui faisait partie du réseau public

26 de la ville, un certain nombre de kilowatt heures avaient été affectées à

27 l'époque, en temps normal, au fonctionnement de ce grand magasin Razvitak,

28 et il était assez important, donc, nous avons pu utiliser ces kilowatt

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1 heures du grand magasin, mais avant cela, nous en avions très, très peu et

2 la capacité dont nous disposions était à peine suffisante pour allumer,

3 disons, notre radio et l'utiliser au maximum deux à trois heures par jour.

4 Mais, en dépit de toutes ces difficultés, chaque fois que le poste de

5 départ -- que la radio de départ ne fonctionnait pas pour une raison ou

6 pour une autre, nous avions une impossibilité complète de communiquer.

7 Puisque je le répète, il n'y avait pas de réseau structuré.

8 Q. Revenons un peu plus en détail sur ce que vous venez de dire : lorsque

9 les radios ne fonctionnaient pas pour une raison ou pour une autre, quel

10 était le moyen dont vous disposiez pour communiquer si un incendie se

11 déclarait à Mostar est et que la radio ne fonctionnait pas ? Comment est-ce

12 que la Brigade de Sapeurs-pompiers était informée de cet incendie ?

13 R. Bien, dans 99 %, sinon 100 % des cas, la communication se faisaient de

14 bouche à oreille, c'est-à-dire que quelqu'un, qui constatait qu'un incendie

15 s'était déclaré, faisait tout ce qu'il pouvait avec une voiture, s'il en

16 avait une, pour venir jusqu'à la brigade, ou en parlant à quelqu'un qui

17 ensuite parlait à quelqu'un d'autre et, finalement, le message parvenait

18 jusqu'à nous. C'est ainsi qu'il se passait parfois plus d'une demi-heure et

19 même jusqu'à une heure entre le début d'un incendie et le moment où nous

20 étions informés de cet incendie.

21 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin la pièce

22 P04240 et qu'on le montre également à l'écran qu'on l'affiche à l'écran, je

23 vous prie. Si vous voyez le document affiché à l'écran, Monsieur --

24 R. Oui, je le vois, bien sûr.

25 Q. Pouvez-vous nous dire quelles sont les informations contenues dans ce

26 document ?

27 R. Ce document est une note d'information demandée à l'époque par le QG de

28 la Défense civile. Bien sûr, nous étions tenus de communiquer à la Défense

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1 civiles tous les incidents les plus graves. Par ailleurs, il y avait

2 également envoi de rapport mensuel, régulier au sujet de tous les

3 incendies, la situation de la brigade du point de vue des effectifs dont

4 elle dispose des équipements dont elle disposait, et cetera. C'était un

5 mode de rapport qui existait entre nous et la Défense civile.

6 Ici, il est dit qu'entre le 9 mai et le 16 juin, un certain nombre

7 d'incendies aient été éteints aussi bien à l'air libre que dans des lieux

8 fermés, c'est-à-dire, des appartements ou des maisons, il est dit que les

9 circonstances de la guerre rendaient la situation plus difficile et que les

10 membres de la brigade étaient souvent visés par des tirs de fusil ou

11 éventuellement des obus de mortier.

12 Je dois dire que j'étais membre de l'état-major de la Défense civile et que

13 j'avais donc l'obligation, en tout état de cause, d'envoyer les

14 informations nécessaires et pertinentes au QG de la Défense civile.

15 Q. Monsieur Pejanovic, j'ai encore quelques dernières petites questions à

16 vous poser --

17 M. SCOTT : [interprétation] Pour gagner du temps, Monsieur le Président, ce

18 que j'ai fait c'est présenter les pièces à conviction qui vont suivre en

19 une seule liasse qui se verra affecter un seul et même numéro. Je pense que

20 cela ira plus vite si le témoin reçoit tous ces documents en une seule

21 fois. J'en demande maintenant la distribution.

22 Monsieur le Président, la liasse de document qui vient d'être soumise au

23 témoin constitue la pièce à conviction P07996.

24 Q. Monsieur Pejanovic, pendant que je lis les numéros, j'aimerais que vous

25 passiez rapidement en revue les documents qui constituent cette liasse et

26 que vous le fassiez avant que je vous pose les quelques questions que j'ai

27 à vous poser à leur sujet.

28 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit des documents

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1 qui individuellement ont les numéros 07996, 07997, 07998, 07999, 08001,

2 08003, 08005, 08007, 08009 et 09513.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il me suffit de voir les premières pages que

4 j'ai eu le temps de compulser. Donc ceci est également un rapport destiné

5 au QG de la Défense civile. Comme je viens de le dire, j'avais obligation

6 d'envoyer des rapports réguliers au QG de la Défense civile pour l'informer

7 de tout problème éventuel survenu au cours de notre travail. Selon la

8 réglementation en vigueur au niveau de la république pour la Défense

9 civile, celle-ci recueillait toute information au sujet des blessés et des

10 morts. Donc, compte tenu des circonstances un peu particulières, nous avons

11 de temps en temps reçu de la Défense civile des demandes de recueil de

12 renseignements particuliers. Donc, il arrivait que nous agissions sur

13 demande spécifique de la Défense civile pour recueillir des informations

14 particulières, mais, en dehors de cela, nous avions devoir d'envoyer des

15 rapports réguliers au sujet de notre travail de manière générale. Tous les

16 15 jours, c'est-à-dire, plus au moins au rythme des réunions régulières du

17 QG, de l'état-major, de la Défense civile, nous devons envoyer un rapport à

18 chacune de ces réunions.

19 Q. Monsieur Pejanovic, pour gagner du temps, mais également parce que les

20 renseignements contenus dans ces documents sont tout à fait évidents et

21 parlent d'eux-mêmes, je ne vais pas lire en détail chacun de ces documents.

22 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je n'aurais donc pas la

23 nécessité de vous demander de passer à huis clos partiel étant donné que

24 ces documents contiennent des noms propres.

25 Q. Mais, Monsieur le Témoin, de façon générale, j'aimerais simplement

26 appeler votre attention à titre d'exemple sur la pièce P07996 qui devrait

27 être le premier document dans la liasse. Est-il exact, Monsieur, que chacun

28 de ces rapports concerne des blessés ou des morts parmi les sapeurs

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1 pompiers, qu'on y trouve donc le nom de la personne concernée, sa date de

2 naissance, un certain nombre d'autres renseignements personnels, ainsi que

3 la date à laquelle la personne en question a été blessée ou tuée; c'est

4 bien cela, Monsieur ?

5 R. Oui, absolument, c'est bien cela. Ces formulaires, nous les recevions

6 en application des réglementations régissant le ministère de la Défense. La

7 Défense civile nous faisait parvenir ces formulaires, qui à mon avis sont

8 des formulaires tout à fait standard pour des communications de cette

9 nature. Nous n'étions pas à l'origine du formulaire, absolument pas. Nous

10 recevions des demandes de l'état-major de la Défense civile qui nous

11 envoyait ces formulaires à remplir. Nous devions donc y inscrire tous les

12 renseignements nécessaires, y compris le nom de jeune fille de la mère et

13 son prénom. Donc, voilà, c'était un formulaire tout à fait standard et nous

14 n'avions aucune influence pour modifier quoique ce soit dans ce formulaire.

15 Q. Tous ces formulaires qui constituent les documents que je viens de vous

16 faire remettre, ont été remplis par la Brigade de Sapeurs-pompiers dans la

17 période 1993-1994, n'est-ce pas, Monsieur ?

18 R. Sans nul doute.

19 Q. Monsieur Pejanovic, nous vous remercions pour votre déposition et les

20 lettres que vous avez apportées au Tribunal.

21 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai terminé avec

22 l'interrogatoire principal de l'Accusation. Nous souhaitons verser au

23 dossier à ce stade les documents suivants, P04240, P07996, P07997, P07998,

24 P07999, P08001, P08003, P08005, P08007, P08009 et P09513, P09140, P09220,

25 P09511, P09512, P09513 et P09717. Nous allons présenter la carte d'origine

26 si vous le permettez. C'est la carte utilisée par le témoin qui l'a

27 utilisée ces deux derniers jours. Je demande à ce que l'on donne un numéro

28 de cote à la carte qui a été annotée par le témoin, qu'on lui donne un

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1 numéro de cote, s'il vous plaît.

2 Pour ce qui est de la liasse de documents que nous avons remis au

3 témoin ce matin, nous demandons que ces derniers soient gardés sous pli

4 scellé provisoirement, car il y a des noms et des éléments d'information

5 contenus dans ces documents. Ceci pourra être fait, et nous pourrons peut-

6 être présenter une version expurgée par la suite.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, dans la liste des documents, le

8 P9139, nous avons un vide. Passez la vidéo. D'accord.

9 M. SCOTT : [interprétation] P9139, c'est la vidéo à 360 degrés.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, il faut récupérer la carte

11 annotée, et concernant la carte annotée, donnez-lui un numéro spécifique.

12 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président, cette carte annotée sera

13 donc versée sous la référence IC0002. En anglais [en anglais]IC0002.

14 [interprétation] Une mention est faite. C'est fondé sur le document P9517.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Concernant les autres - oui, Monsieur Scott.

16 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, simplement pour terminer

17 ceci à propos des liasses qui ont été remises -- la liasse de documents qui

18 a été remise au témoin à l'instant, je demande à ce que ces derniers soient

19 gardés sous pli scellé pour l'instant, à cause des noms et des éléments

20 d'information contenus dans ces documents. Je prévois, qu'est-ce que nous

21 pourrions faire à l'avenir, ce serait d'expurger certains éléments contenus

22 dans ces documents. Une fois expurgés, à ce moment-là, cela pourrait être

23 rendu public.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans un premier stade, pour gagner du temps,

25 Monsieur le Greffier, la Chambre doit admettre les numéros de documents

26 dont les numéros ont été cités tout à l'heure : 4240, 7996, 7997, 7998,

27 7999, 8001, 8003, 8005, 8007, 8009, 9139 qui est la vidéo, 9220, 9511,

28 9512, 9513 et le document d'origine 9517, qui n'avait pas annoté, celui-là.

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1 Voilà.

2 Maintenant, nous allons passer au contre-interrogatoire. La Chambre n'a pas

3 encore rendu sa décision concernant la question de la communication des

4 pièces par la Défense avant le contre-interrogatoire. Nous rendrons la

5 décision la semaine prochaine. Nous allons d'ailleurs, dès la fin de cette

6 audience, nous réunir pour en discuter. Comme je suppose que la Défense

7 n'avait pas communiqué ces pièces, nous procédons comme avec le témoin

8 précédent. Maintenant, je donne la parole à Me Karnavas qui va intervenir

9 le premier.

10 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, bonjour,

11 Messieurs les Juges.

12 Contre-interrogatoire par M. Karnavas :

13 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

14 R. Bonjour.

15 Q. Je m'appelle Michael Karnavas. Avec mes collègues, je représente ici

16 Jadranko Prlic. Je vais vous poser des questions assez directes, et si nous

17 pouvons en terminer avec ces questions, vous devriez pouvoir rentrer à

18 Mostar pour le week-end. Je vais vous poser des questions assez précises,

19 et je pense que vous allez me fournir des réponses assez directes. Si vous

20 avez besoin d'explications complémentaires, n'hésitez pas à me le demander.

21 Tout d'abord, je souhaite vous parler un petit peu de vous. Je ne pense pas

22 que nous ayons des éléments d'information sur votre formation. Quelle est-

23 elle ?

24 R. C'est cela. Le type d'école à laquelle je suis allé où la formation que

25 j'ai suivie, je ne souhaite pas en parler. Je peux parler de cela dans mon

26 -- enfin, je peux parler de ce que j'ai écrit dans mon livre. C'est la

27 raison pour laquelle je suis venu ici.

28 J'ai une formation tout à fait traditionnelle, formation -- j'ai

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1 d'abord été un stagiaire soit de la Brigade de Sapeurs-pompiers. Ensuite,

2 j'ai gravi les échelons et je suis devenu le commandant de la Brigade de

3 Sapeurs-pompiers. J'ai également formé d'autres sapeurs-pompiers.

4 Q. Est-il exact de dire que vous avez passé toute votre carrière dans la

5 Brigade de Sapeurs-pompiers ?

6 R. Sur 41 ans et six mois de mes années, j'ai consacré une année de ma vie

7 professionnelle à la Brigade de Sapeurs-pompiers. Avant cela, j'étais un

8 sapeur-pompier -- j'étais volontaire. De toute façon, vous trouverez tous

9 ces éléments dans mon livre.

10 Q. Je suis tout à fait sûr que tout ceci figure dans votre livre. Je

11 voulais simplement savoir quelles études vous avez faites et quelle est

12 votre formation. Je suppose que vous avez fait votre service militaire au

13 sein de la JNA.

14 R. Bien sûr. Bien sûr, oui. Je suis fier de l'avoir fait et d'avoir servi

15 l'armée populaire yougoslave.

16 Q. Cela dit en passant, c'est la même armée à laquelle vous faites

17 référence dans votre livre. Vous dites que ce sont les Chetniks, n'est-ce

18 pas ?

19 R. Non, je ne les mets pas dans la même catégorie. Je suis fier d'avoir

20 servi dans la JNA entre 1963 et 1965. L'autre armée, cette autre armada qui

21 attaquait la ville et la Bosnie-Herzégovine, personne ne devrait en parler.

22 Je crois que c'est aux historiens d'en parler. Nous ne sommes pas

23 compétents pour le faire.

24 Q. Néanmoins, cette armée, cette autre armada, c'est celle que vous avez

25 appelé Chetnik, n'est-ce pas ? C'est un terme assez péjoratif, je crois,

26 souvent utilisé pour décrire les Serbes, n'est-ce pas ?

27 R. J'ai utilisé ce terme à dessein, car je fais une différence entre un

28 Serbe qui est correct et honnête et un Chetnik. Il y a une très différence

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1 entre les deux. Toute personne qui est disposée à commettre un crime porte

2 un nom, et ce nom peut être soit Chetnik, Oustachi ou "ballista". Un

3 honnête homme et des Serbes honnêtes, c'est tout à fait autre chose. Je

4 considère être un d'entre eux. Je suis resté dans ma propre ville où ont

5 vécu, pendant des siècles, mes ancêtres.

6 Q. Oui. Vous avez tout à fait raison de réagir ainsi. D'après ce que j'ai

7 compris et d'après ce que vous avez dit hier, certains de vos voisins ont

8 peut-être pensé que vous étiez un Chetnik lorsqu'on vous a demandé pourquoi

9 vous vous promeniez avec un talkie-walkie. Est-ce que je vous ai mal

10 compris, cet incident que vous avez décrit, vous avez dit que c'était une

11 provocation ?

12 R. Je crois que vous avez mal compris cela. Cet incident a eu lieu dans la

13 rue où je vivais. J'ai dit que j'ai emmené le talkie-walkie, car à

14 l'époque, nous avions encore suffisamment d'électricité. Au poste central,

15 nous pouvions fonctionner normalement. C'est plutôt la communication

16 téléphonique qui devenait difficile, et je perdrais le contact avec mes

17 collègues de ce fait. C'est la raison pour laquelle j'avais demandé emmener

18 un talkie-walkie.

19 Q. Je ne suis pas en train de remettre en doute vos intentions. Néanmoins,

20 ce que je vous suggère, d'après les réponses que vous nous avez fournies

21 hier, que vos voisins faisaient allusion au fait, qu'ayant sur vous un

22 talkie-walkie, vous étiez comme eux, autrement dit, on vous posant la

23 question : Pourquoi avez-vous ce talkie-walkie, et avec qui parlez-vous ?

24 R. Je vais répéter ce que j'ai déjà dit : vous citez ceci de façon

25 arbitraire. C'étaient des concitoyens, c'étaient des Serbes, c'étaient des

26 gens qui me demandaient pourquoi je disposais d'un talkie-walkie, car ils

27 craignaient que j'étais au service de quelqu'un d'autre.

28 Q. Oui, le côté chetnik, exactement.

Page 1359

1 R. Pourquoi devaient-ils penser que j'étais Chetnik alors que j'étais

2 parmi les miens ? Si je faisais partie des Chetniks, à ce moment-là, ils le

3 sauraient. Ce qui s'est passé à ce moment-là, on craignait peut-être que je

4 sois un Oustachi ou un "ballista", car j'étais parmi les miens. Ils

5 n'auraient pas pu imaginer que j'étais un Chetnik, car cela aurait signifié

6 qu'ils étaient les Chetniks également. Non. Cela n'aurait pu signifier que

7 j'étais passé de l'autre côté.

8 Q. Vous avez également estimé que c'était une provocation lorsqu'on vous a

9 demandé de sortir vos armes. Etant donné que vous étiez Serbe, on supposait

10 que vous aviez des armes chez vous, ce qui n'était pas le cas.

11 R. Il est fort probable que c'est ce qui leur a traversé l'esprit, mais

12 ils avaient tort. Je n'avais absolument pas d'armes chez moi. Je veux

13 simplement vous donner un exemple : en raison de mon métier, je devais

14 porter une arme.

15 Q. Je n'ai pas besoin d'avoir de réponse longue. Je vous demande

16 simplement de répondre directement à ma question. Peut-être, si vous

17 répondez comme cela, vous pourrez rentrer chez vous aujourd'hui ou demain.

18 Donc, votre réponse consiste à dire, ils ont supposé - et je souligne le

19 terme "supposé" - que comme vous étiez Serbe, vous deviez avoir vos armes

20 chez vous. C'est la raison pour laquelle vous vous êtes senti offusquer,

21 car ils sont partis de cette hypothèse-là; est-ce exact ?

22 R. Oui, je l'ai confirmé. Je suppose que c'est cela.

23 Q. Bien.

24 R. C'est la raison pour laquelle ils m'ont posé la question.

25 Q. Vous vous êtes senti offusqué.

26 R. Non, je ne me sentais pas offusqué, mais j'étais mal à l'aise, parce

27 qu'ils me posaient ces questions, et je pensais qu'ils savaient

28 pertinemment bien qui disposait d'armes et qui n'en disposait pas.

Page 1360

1 Q. Très bien. En raison de cette question qui vous avait été posée, vous

2 avez commencé à sortir le soir avec vos voisins et vous vous occupiez de

3 questions de protection civile.

4 R. Oui. Après cette nuit-là, je n'étais plus de permanence dans la rue. Je

5 ne dis pas que j'ai cessé de communiquer avec mes voisins, mais je n'étais

6 plus de permanence et j'ai passé 24 heures avec d'autres sapeurs-pompiers.

7 Q. Nous allons parler de votre carrière en tant que sapeur-pompier, et

8 nous allons parler des activités que vous avez menées au sein de la

9 protection civile. Je souhaite, pour l'instant, aborder un sujet; celui qui

10 a été abordé en dernier par l'Accusation. Peut-être que je pourrais

11 commencer par vous demander si vous avez une formation militaire

12 particulière, si vous avez une connaissance particulière en matière de

13 balistique.

14 R. Non.

15 Q. En matière d'artillerie ?

16 R. Non. Je l'ai dit hier dans ma déposition. J'ai dit que je n'étais pas

17 un expert en stratégie et que je n'étais pas soldat non plus.

18 Q. Vous n'êtes pas chasseur non plus. Donc, vous n'avez pas de fusils.

19 Vous n'étiez pas chasseur, sans doute.

20 R. Non.

21 Q. Je suppose si nous devions avoir un long débat sur la question pour

22 essayer de comprendre d'où venait les balles, l'angle de tir, les personnes

23 qui ont été blessées et où se trouvaient les tirs, les soi-disant tireurs

24 embusqués, peut-être que vous n'êtes pas la meilleure personne pour en

25 parler; c'est exact ?

26 R. Non, je n'ai jamais prétendu l'être. Je pense qu'il est normal que je

27 parle de ce que j'ai vu et c'est ce dont j'ai parlé. Je n'ai jamais

28 prétendu autre chose. Je n'ai jamais parlé de la direction de la

Page 1361

1 trajectoire de la balle et je n'ai jamais parlé de balistique.

2 Q. Dans la vidéo hier, j'ai remarqué que vous avez dit que cela venait de

3 là. Vous étiez en train d'indiquer dans une direction et dans une autre,

4 comme cela, vous faisiez des mouvements de la main. Hormis cela, je crois

5 que c'est ce que vous pouvez nous dire de mieux et vous ne pouvez pas faire

6 mieux. Vous avez indiqué de quelle direction venaient les tirs.

7 R. J'ai une suggestion à vous faire. Je ne sais pas si les Juges de la

8 Chambre sont d'accord là-dessus. Je vais vous demander de venir à Mostar.

9 Je vais vous montrer l'endroit exact, là où se trouvait le camion-citerne

10 et d'où ils ont tiré. Je ne peux pas vous fournir de meilleure explication.

11 Ce n'était pas une information de deuxième main; j'étais témoin oculaire.

12 Q. Après cet incident que vous nous avez décrit hier, d'après ce que j'ai

13 compris, vous n'avez pas vu cet individu sur lequel on a tiré. Vous avez

14 simplement -- vous n'avez pas vu cet homme touché; vous l'avez simplement

15 vu à terre; est-ce exact ?

16 R. Pourriez-vous être plus explicite ? De quel incident s'agit-il, lorsque

17 vous avez dit que j'ai indiqué des gestes de la main et comment cela

18 s'était passé ?

19 Q. Non. Hier, lorsque vous avez parlé de votre collègue sur lequel on a

20 tiré, qui a survécu un jour et qui a trépassé le lendemain. Cet incident en

21 particulier --

22 R. Uzeir. Très bien.

23 Q. Vous n'avez pas vu le tireur embusqué.

24 R. Personne ne l'a vu.

25 Q. Très bien.

26 R. Personne n'a jamais vu un seul tireur embusqué.

27 Q. Bien. Procédons pas à pas. Vous n'avez pas vu votre collègue au moment

28 où on lui a tiré dessus.

Page 1362

1 R. Non. Je l'ai entendu dire : Oh, mère, et il est tombé à terre. Il est

2 tombé sur ses genoux.

3 Q. Lorsque vous l'avez vu, est-ce qu'il était par terre ou est-ce qu'il

4 était encore debout ?

5 R. Non. Comme je vous l'ai dit, j'ai été très clair, il s'appuyait sur le

6 coude gauche et le genou gauche.

7 Q. Vous ne pouvez pas nous dire exactement, avec précision, dans quelle

8 direction était tourné son corps au moment où on lui a tiré dessus.

9 R. Non, cela n'est pas exact. Je sais cela.

10 Q. Monsieur --

11 R. Je suis tout à fait affirmatif. Je sais qu'il avait le dos tourné. On

12 lui a tiré dessus dans le dos. C'est pour cela que la balle l'a touché au

13 niveau de l'omoplate gauche.

14 Q. Je pense que cela nous pouvons le comprendre nous-mêmes. Ce que je vous

15 demande, c'est si avec précision, s'il vous plaît, maintenant, s'il gisait

16 au sol ou quelle était la position de son corps et d'où venait le tireur

17 embusqué. Pourriez-vous nous dire avec précision quel était l'angle ?

18 R. Je peux vous dire cela très précisément. Il avait le dos tourné.

19 J'étais sur sa droite. La balle est arrivée de la direction vers laquelle

20 était tourné son dos. La balle est entrée dans son épaule gauche. Je n'ai

21 jamais essayé de faire autre chose, car les tireurs étaient en train de

22 pourchasser les autres tireurs.

23 Q. Très bien. Non, je ne suis pas en train de sous-entendre que vous avez

24 dû faire quelque chose; j'essaie simplement de retirer des éléments

25 d'information. Vous n'avez pas mené d'enquête et personne d'autre n'a mené

26 d'enquête pour essayer de comprendre exactement où se trouvait ou quel

27 était l'emplacement exact du tireur embusqué.

28 R. Tout d'abord, Monsieur, je crois que vous oubliez que ceci s'est passé

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1 immédiatement après la guerre. Il n'y avait pas d'enquête à ce moment-là

2 dans des cas beaucoup plus graves. Si on prend du recul et on analyse des

3 personnes qui auraient dû mener les enquêtes et j'étais le dernier sur la

4 liste car ce qu'on attendait de moi c'était de donner des éléments

5 d'information, rédiger un rapport, aller rendre visite à sa famille, réagir

6 de façon humaine. C'était à d'autre de mener des enquêtes.

7 Q. Donc, la réponse à la question, c'est non.

8 R. Oui, certainement. Je n'ai pas mené d'enquête et personne à mon sens

9 n'a mené d'enquête non plus. Je souligne ceci pour le compte rendu

10 d'audience car il y a eu bon nombre d'autres incidents qui se sont

11 déroulés, à ce moment-là, à propos desquels on n'a pas fait d'enquête non

12 plus.

13 Q. Hier, vous avez attiré notre attention sur le fait que le tireur

14 éventuel aurait pu se trouver en haut du bâtiment de la banque Privredna.

15 Pardonnez-moi, j'ai du mal à délier ma langue aujourd'hui. C'est bien le

16 nom du bâtiment, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, vous avez raison.

18 Q. Nous relisons le compte rendu d'hier à la page 108, lignes 5 et 6, vous

19 avez dit la partie opposée a essayé de tirer sur le tireur embusqué pour

20 l'empêcher d'agir; est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela ?

21 R. Oui.

22 Q. Lorsque vous faisiez référence à l'autre côté, vous pensiez au HVO ?

23 R. Je ne pense pas que le HVO tenterait de tirer sur son propre tireur

24 embusqué. Il serait plus naturel pour les membres de l'autre armée

25 d'essayer de tirer sur le tireur ennemi parce qu'ils étaient ennemis. Je ne

26 pense pas qu'on tire sur son propre tireur.

27 Q. Est-ce que vous savez qu'il y avait un groupe mixte HVO et l'ABiH qui a

28 essayé de repérer ce tireur embusqué sur ce bâtiment en particulier ? Est-

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1 ce que vous êtes au courant de cela ?

2 R. Non, c'est la première fois que j'entends parler.

3 Q. Vous n'êtes pas en train de dire que ceci n'est jamais arrivé ?

4 R. Non, dans un sens ni dans un autre, je ne sais pas.

5 Q. Supposons que ce soit le cas, qu'il y avait un groupe mixte, à savoir,

6 des gens du HVO et des gens de l'ABiH, qui ont essayé d'isoler ce tireur

7 embusqué, de faire sortir, de le repérer. A ce moment-là, la partie

8 opposée, à savoir, le HVO, essayait peut-être de s'occuper de ce tireur

9 embusqué ?

10 M. SCOTT : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président, mais je

11 m'oppose à la forme de la question; il assume ou il suppose des faits. Il

12 ne s'agit pas de déposition ainsi. Pourquoi le témoin devrait-il répondre à

13 une question posée par M. Karnavas qui sont des pures supputations ? Je m'y

14 oppose à cause de la complexité de la question; ceci n'est pas clair. Quand

15 il parle de l'autre coté, nous ne pouvons pas avoir une réponse claire.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai envisagé moi-même de poser une question, à ce

17 témoin, à ce problème. Comme l'a d'ailleurs indiqué tout à l'heure Me

18 Karnavas, le témoin a laissé entendre, dans sa déposition d'hier, du fait

19 qu'il y avait eu des tirs contre ce tireur. Pas plus tard que ce matin,

20 c'est à la page 20, ligne 15, il a également dit que d'autres tireurs

21 étaient en train de pourchasser le sniper. Donc, il me parait dans

22 l'intérêt de la justice de savoir qui a tiré sur le sniper. Donc, à juste

23 titre, il convient de demander au témoin si ceux qui tiraient sur le sniper

24 étaient de quelle origine. Est-ce que c'était le groupe mixte ? Des

25 personnes -- membres non identifiés ? Qui étaient-ils ? Donc, la question

26 me parait pertinente.

27 Maître Karnavas, poursuivez.

28 M. KARNAVAS : [interprétation]

Page 1365

1 Q. Monsieur, si, effectivement, il y avait un groupe mixte composé de gens

2 du HVO, de l'ABiH - et j'ai une bonne raison de poser cette question, M.

3 Scott le sait. Si M. Scott ne connaît pas ses propres moyens de preuve, à

4 ce moment-là, je poursuivrai.

5 Le premier incident qui a été évoqué par M. Scott ce matin, dans ce

6 bâtiment, en particulier, vous souvenez en avoir parlé ce matin, le premier

7 incident que vous avez évoqué ? Le bâtiment, je crois c'est le bâtiment du

8 SDK, la comptabilité publique.

9 R. Oui. Mais il n'y avait pas ici de tireur embusqué. Il s'agissait de

10 pilonnage d'artillerie.

11 Q. Je ne suis pas en train de sous-entendre cela, nous y reviendrons là-

12 dessus. Nous allons en parler de différents domaines.

13 Dans ce bâtiment, en particulier, n'est-ce pas un fait qu'il y avait une

14 Unité militaire de l'ABiH dans ce bâtiment, en particulier ? Je crois que

15 vous l'avez évoqué, dans votre libre, à la page 56 - je suis sûr que M.

16 Scott est au courant de cela.

17 R. Écoutez, ce n'est pas un secret de polichinelle. Tous les prisonniers

18 du HVO et toutes les personnes qui ont été incarcérées savent que, dans le

19 sous-sol de ce bâtiment, il y avait une prison pendant un certain temps.

20 J'insiste un certain temps. Il y avait le QG d'un commandement, ce n'est

21 pas un secret pour personne.

22 Il faut savoir également que deux ou trois prisonniers se sont échappés.

23 Tout ceci a permis aux informations d'être reliées.

24 Q. C'était un poste de commandement, voyez-vous. Vous parlez du

25 commandement du 4e Corps, n'est-ce pas, de l'ABiH ?

26 R. Oui, tout à fait.

27 Q. Que sait, donc, cela pourrait constituer une cible militaire, n'est-ce

28 pas ? Peut-être qu'à cause de votre formation, c'est quelque chose que vous

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1 ne sauriez pas.

2 R. Monsieur, je dois vous dire que vous êtes ironique. Je vous demande

3 d'éviter d'agir ainsi. Nous sommes dans un prétoire. Je vous demande de ne

4 pas agir ainsi.

5 Oui, je sais que cela peut constituer une cible militaire. Mais je vous dis

6 que le bâtiment qui était à côté, le numéro 86, était un bâtiment civil.

7 Celui qui était en face, Varteks, c'est le bâtiment 96, qui était également

8 un bâtiment civil. Donc, vous ne pouvez pas me dire que tous ces bâtiments

9 étaient des cibles militaires. Ce bâtiment, en particulier, oui,

10 effectivement c'est une cible militaire.

11 Q. Je vous remercie d'avoir fait la clarté là-dessus. Hier, vous avez

12 parlé de tir et de tir embusqué de part et d'autre.

13 R. Oui, certainement, je pense. Je pense que c'était effectivement le cas.

14 Q. Vous le pensez ou est-ce un fait ? Je ne suis ironique c'est simplement

15 que nous sommes dans le prétoire.

16 R. Oui, je ne suis pas ironique. C'est bien le cas. Hier, dans le cadre de

17 ma déposition j'ai déclaré qu'un de mes collègues de l'autre coté, qui

18 était avec nous, était touché par un tir de tireur embusqué sur le Bulevar,

19 là où il y avait auparavant une clinique. Cela veut dire qu'il y avait un

20 tireur embusqué qui avait tiré depuis l'autre côté. Ce n'est pas très moral

21 mais est-ce qu'il n'est pas naturel de riposter ? C'est pour cela qu'il y a

22 une guerre.

23 Q. Soyons francs, nous ne voyons pas la race. Est-ce que ce n'était pas,

24 en fait, des combats urbains ? Est-ce que ce n'était pas une espèce de

25 guerre où guerre urbaine ?

26 R. Bien entendu, l'armija était loin d'avoir les matériels, en équipement,

27 loin d'avoir ce qu'avait le HVO. Je ne suis pas ici pour juger qui que ce

28 soit.

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1 Q. Nous non plus. Mais j'essaie d'établir des faits. Peut-on supposer

2 étant donné qu'il y avait des tirs de tireur embusqué depuis l'est vers

3 l'ouest, peut-on supposer que M. Pasalic, le commandant du 4e Corps, était

4 celui qui avait donné l'ordre --

5 M. SCOTT : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. À partir des

6 faits, c'est une pure supposition. Ce sont uniquement des conjectures qu'a

7 délivrées ce témoin.

8 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi

9 d'intervenir.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Pour ce qui est de l'objection parce que là,

11 vous êtes dans la spéculation totale.

12 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le fait est que

13 M. Pejanovic, hier, a fait des suppositions toute la journée et c'est ce

14 que j'essaie de dire. C'est important et ce qui vaut pour l'interrogatoire

15 principal ou aussi pour le contre-interrogatoire. Il a supposé que le HVO

16 avait toute sorte de choses hier, et maintenant, j'essaie de voir l'autre

17 versant de cette histoire.

18 Q. Vous ne pouvez pas faire ce genre de supposition, de présomption, que

19 ce sont des tireurs embusqués.

20 M. SCOTT : [interprétation] Rien de changer. C'est de la pure spéculation,

21 pure supposition, des supputations et cela ne peut aider personne pas non

22 plus la Chambre de première instance.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Scott, dans le cadre du contre-

24 interrogatoire, la Défense peut livrer une interprétation, et demande au

25 témoin ce qu'il en pense. De toute façon, c'est les Juges qui apprécieront.

26 Il n'y a aucun préjudice à personne car une spéculation non fondée sur des

27 documents n'a aucune valeur probante.

28 Maître Karnavas.

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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie.

2 Q. Pouvons-nous supposer que M. Pasalic agissait éventuellement sur les

3 ordres de son commandant en chef, Alija Izetbegovic, et qu'il avait

4 effectivement le commandement et le contrôle de ces activités de tireurs

5 embusqués qui tiraient de l'est vers l'ouest. Est-ce qu'on peut faire cette

6 supposition puisqu'il y avait des tirs de tireurs embusqués ?

7 R. Ecoutez, ce n'est pas à moi qu'il faut poser cette question. Si vous me

8 posez cette question ce n'est pas moi qu'il faut le faire, il faut la poser

9 à feu M. Izetbegovic et à feu M. Pasalic. Ils sont tous les deux morts

10 aujourd'hui. Je ne sais pas si c'est dit dans le compte rendu d'audience,

11 mais ceci ne m'intéressait. Je parlais des sapeurs-pompiers, et je vous

12 parlais des événements que nous avons connus en 1991 et plus tard.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

14 M. KARNAVAS : [interprétation]

15 Q. Hier vous avez parlé d'un incendie où on s'est servi de projectiles de

16 fabrication chinoise. Vous vous souvenez de cela ?

17 R. Oui, je m'en souviens. C'est à propos de Blagaj on avait pris pour

18 cible Tekija.

19 Q. Cet incident de Tekija, vous ne relatez pas dans votre livre, je ne

20 l'ai pas trouvé, en tout cas.

21 R. Vous avez raison. Je n'en ai pas parlé dans mon livre. J'en ai parlé

22 dans une déclaration que j'ai faite oralement à Mostar dans le cadre d'une

23 interview.

24 Q. Je pensais que la première fois que vous en aviez parlé à l'Accusation

25 c'était il y a deux jours à votre arrivée. Est-ce que, maintenant, vous

26 voulez dire que vous avez fait une déclaration aux enquêteurs d'ici à

27 Mostar à présent de cet incident ?

28 R. J'ai eu des auditions. J'ai été interrogé cinq fois à Mostar; cette

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1 déclaration je l'ai faite, mais de façon officieuse. Elle n'était pas

2 officielle - ce n'était pas un entretien officiel - et beaucoup d'eau a

3 coulé sous les ponts depuis et je ne me souviens plus aujourd'hui de tous

4 les détails.

5 Q. Mais il n'en demeure pas moins que lorsque vous parlez de ce missile de

6 fabrication chinoise, cela s'appuie sur les formations que vous avez

7 reçues, pas que vous avez constatées vous-même en personne, n'est-ce pas ?

8 R. Non, enfin, vous avez raison en partie, c'est un collègue qui était à

9 Blagaj qui était le commandant de ce service qui me l'a dit. On m'a dit que

10 c'était un mortier de fabrication chinoise. Ce n'était pas la première fois

11 que Blagaj était pilonné, donc, peut-être qu'on avait déjà une certaine

12 expérience. Il y avait eu trois projectiles qui avaient été lancées l'un

13 après l'autre, ils sont passés au-dessus de nos têtes et ils sont tombés

14 quelque part dans les collines. Peut-être approximativement deux ou 300

15 mètres, ou une centaine de mètres du sommet du Buna.

16 Q. A part ce qui vous a été dit à propos de ce mortier ou de ce projectile

17 de fabrication chinoise, vous n'avez pas d'autre élément vous permettant de

18 vérifier cela ?

19 R. Franchement, ce n'est pas ce qui m'intéressait, ce qui comptait pour

20 moi c'était de partir, de fuir de cet endroit quand on entend le sifflement

21 de ce projectile. Je voudrais bien voir, comment vous, vous réagiriez si

22 vous aviez été là.

23 Q. Je ne veux pas ici manquer de courtoisie et je ne veux pas non plus

24 vous interrompre, mais je vous ai dit ceci : mis à part ce qu'on vous a

25 relaté, vous n'avez pas d'autre information, il suffit de répondre par oui

26 ou par un non. Est-ce que vous ne voulez pas ici essayer de coopérer avec

27 nous ?

28 R. Je pense avoir répondu à votre question. J'ai dit non, mis à part ce

Page 1371

1 que mon collègue me relatait.

2 Q. Maintenant, vous ne savez pas si votre collègue avait raison de dire

3 cela ou pas ?

4 R. Je suppose qu'il savait ce qu'il disait parce qu'auparavant, il y avait

5 eu un autre incident. Trois roquettes de lance-roquettes multiples avaient

6 été tirées, et elles avaient touché un étang et la mère de la famille

7 Zutina avait été tuée, parce que cette famille vivait de l'autre côté de

8 l'étang. Donc, il y a des débris, des éclats du projectile qui sont là.

9 C'est sans doute comme cela qu'on a fait l'évaluation de la situation.

10 Je le répète, ce n'est pas vraiment ce qui m'intéressait à l'époque, et je

11 ne voulais qu'une chose c'était m'enfuir du lieu où s'était produit cet

12 incident.

13 Q. Revenons à cette supposition; est-ce que vous ne supposez pas

14 simplement que votre collègue avait raison lorsqu'il avait dit que c'était

15 un projectile de fabrication chinoise ? Ce que je veux essayer d'établir

16 c'est de savoir si vous faites uniquement des suppositions.

17 R. Ce n'est pas une supposition. Je vous dis -- j'affirme que cela c'est

18 bien passé. Je vous dis que trois projectiles ont survolé nos têtes et sont

19 tombés dans --

20 Q. Mais c'est bien la question que je vous posais. Est-ce que vous ne

21 faits pas des suppositions, des supputations que c'était un missile de

22 fabrication chinoise et que votre ami avait raison de dire ce qu'il a dit ?

23 Est-ce que vous comprenez ma question ? Si vous ne la comprenez pas, je

24 vais la reformuler. Nous pourrons ainsi avancer, simplement oui ou non.

25 R. Ce n'est pas nécessaire. Vous l'avez dit clairement, vous avez dit que

26 je supposais que c'était un projectile de fabrication chinoise et que je

27 supposais l'avoir vu. Je ne suppose pas l'avoir vu, mais je suppose que

28 c'était effectivement un projectile de fabrication chinoise et je m'appuie

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1 pour le dire c'est ce que m'a dit mon collègue.

2 Q. Un autre point encore, avant de passer à autre chose, la ligne d'une

3 démarcation ce n'était pas la rivière en tant que telle, ce n'est pas là

4 l'élément qui séparait les deux parties belligérantesR. Il est difficile

5 de déterminer exactement l'emplacement du tracé. C'est vrai que dans une

6 partie de la ville c'était la rivière qui constituait la ligne de

7 démarcation. Dans d'autre quartier, c'était la rivière, mais aussi la

8 colline Hum qui était le lieu de démarcation. Dans une troisième partie de

9 la ville, c'était une rue qui constituait la ligne de démarcation. Il y

10 avait un côté de cette ligne des gens du MUP, de l'autre côté les gens du

11 HVO. Il y avait la rue Santica et il y avait un peu plus loin, Partizan

12 Kino -- des partisans. La rue représentait la ligne de démarcation. Ce que

13 je voulais vous dire, c'était l'endroit où commençaient et où se

14 terminaient ces lignes de démarcation parce que, dans la partie est de la

15 ville, nous parlons ici de superficie très limitée. Il y avait d'un côté,

16 des forces serbes; de l'autre côté, les forces croates. Il est difficile de

17 dire où se trouvait exactement la ligne --

18 Q. Ma question : en ville, dans la ville même, vous avez donné le nom

19 d'une rue ou d'une artère, le Bulevar, n'est-ce pas ? C'est bien cela ?

20 R. J'ai dit jusqu'à la colline Hum, effectivement, il y avait le Bulevar à

21 partir de la Place d'Espagne jusqu'à la colline de Hum et là, le Bulevar

22 était la ligne de démarcation. Le HVO était sur la colline Hum et en bas,

23 il y avait l'ABiH. Mais à partir de la rue Santica jusqu'à l'ancienne rue

24 Mose Pijade, il y avait la rue Spanca qui était divisée, et de là jusqu'au

25 pont Carinski, la ligne constituait, elle aussi, la ligne de démarcation.

26 C'est difficile de comprendre tout ceci si vous n'avez pas été sur place,

27 si vous n'avez pas une idée de l'aspect --

28 Q. Vous pourriez peut-être nous aider en vous rapportant à la carte

Page 1373

1 utilisée par l'Accusation. Je pense qu'elle a reçu une nouvelle cote,

2 IC0002. Auparavant, c'était le numéro P09517.

3 R. Volontiers.

4 Q. Nous avançons. Puis-je avoir l'aide --

5 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, pour essayer de gagner

6 du temps, je pense que ce n'est pas du tout contesté par qui que ce soit.

7 M. KARNAVAS : [interprétation] J'ai le droit.

8 M. SCOTT : [interprétation] On est d'accord pour dire, en jaune, nous avons

9 le Bulevar, puis, vous avez la rue Santica et que c'était reconnue comme

10 étant, de façon générale, la ligne de démarcation. Nous ne le contestons

11 pas. Je crois que nous pouvons nous mettre d'accord là-dessus.

12 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

13 mais je voudrais signaler une chose.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Sous l'objection de l'Accusation, il me parait

15 important que le témoin nous dise où était l'ABiH, le HVO ? J'ai découvert

16 en l'écoutant qu'il y avait également les forces serbes. Alors, il serait

17 peut-être intéressant, pour partir de ce plan qui positionne les uns et les

18 autres, même si ce n'est pas un spécialiste militaire, malgré le fait qu'il

19 ait fait deux ans de service militaire dans l'ex-JNA.

20 M. KARNAVAS : [interprétation] Tout à fait, je voulais que le témoin nous

21 le dise plutôt que l'Accusation ne joue le rôle de témoin.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse. Je vais inscrire HVO dans

23 la partie couverte par le HVO et je vais me servir d'un A pour indiquer

24 couvert par l'armija, l'ABiH.

25 Voilà. C'est fait.

26 M. KARNAVAS : [interprétation]

27 Q. Pourriez-vous nous aider ?

28 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise que les micros ne sont pas

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1 branchés.

2 M. KARNAVAS : [interprétation]

3 Q. Monsieur, pourriez-vous nous l'indiquer sur la carte ?

4 R. Est-ce qu'on peut tourner la carte et partir du sud ? Voyons l'endroit

5 appelé Donja Mahala. Commençons par le sud. Voyez ici, c'est indiqué Donja

6 Mahala. J'ai indiqué la lettre A. Vous avez la rue Dzemal Bijedic et vous

7 avez le pont Hasan Brkic. Vous avez une ligne verte. Vous avez l'indication

8 HVO. C'était la région vers Cekrek et vers Hum. Si nous allons vers le

9 nord-ouest en descendant le Bulevar jusqu'à la Place d'Espagne, Spanski

10 Trg. Donc, là, on part du côté gauche et on va du nord au sud et, là,

11 c'était une zone tenue par l'armija. Je l'ai indiqué.

12 Sur le côté droit, vous avez une zone tenue par le HVO. Je vais aussi

13 indiquer avec les lettres "HVO". Près de la rue Onesuk, il y a une partie

14 qui se trouve près de la colline Hum, mais je ne pourrais pas vous dire

15 exactement quelles sont les distances ?

16 En tout cas, cette partie était tenue également par l'ABiH et là aussi, il

17 y a une expression parce que le fils d'un bon ami à moi a été tué via une

18 mine. Si on part de la Place d'Espagne jusqu'à la rue Mose Pijade, là, vous

19 avez "HVO". Dans la partie inférieure, vous avez également une zone,

20 Kolvarska, que j'ai indiqué par "HVO", tenue par le HVO.

21 Vous avez la lettre A ici, puis, il y a une passe, un cul-de-sac qui

22 va vers la Neretva. Là, cette ruelle ne fait que trois mètres de large. La

23 moitié était tenue par l'armija et l'autre par le HVO. Cette partie se

24 termine par une rue qui part du pont Carinski et qui va jusqu'à l'hôtel

25 Ero. Voilà quels étaient les rapports de force en ville au niveau des

26 positions.

27 Pour ce qui des Serbes, il n'est pas possible d'indiquer leurs

28 positions ici sur la carte parce que cette ligne vous permet de le voir.

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1 Vous voyez "Bjelusine". C'est à l'extrémité, et de là jusqu'à la ligne de

2 démarcation avec les Serbes, il y avait peut-être trois ou quatre

3 kilomètres de distance à vol d'oiseau. Peut-être que j'exagère la distance,

4 mais ce serait mon estimation parce que ces positions étaient surtout du

5 côté de Podvelezje et l'armija se trouvait dans le secteur qui était

6 divisé. Vous avez d'un côté, les Serbes, de l'autre, l'armija.

7 Q. Je vous remercie. Cela ne se voit pas tout à fait sur la carte

8 mais je suppose que ce sont des rues étroites, que ce sont des angles de

9 rue très aigus, n'est-ce pas ? C'est là qu'il y avait ces combats de zone

10 urbaine, n'est-ce pas ?

11 R. Je ne dirais pas que c'était des combats de rue. Il y avait des gens

12 qui ouvraient le feu, qui tenaient leur position, qui se provoquaient et je

13 ne suis pas un expert en stratégie. Mais j'ai été juré et j'ai assisté --

14 j'étais présent à des procès pour crimes de guerre dans la zone où je vis.

15 Une des questions qui s'est posée était de savoir pourquoi il a été

16 nécessaire d'exercer autant de pression sur la ville. La réponse était que

17 c'était pour soulager les forces de Bijelo Polje de la pression exercée sur

18 elle ou l'inverse, pour veiller à ce que quelque part on soulage -- on

19 allège cette ligne de démarcation.

20 Ici, je n'essaie pas de faire de l'ironie. Il faut vraiment avoir

21 vécu dans ces conditions pour savoir toute l'horreur que représentent ces

22 pilonnages et des activités de tireurs embusqués parce qu'ils ont commencé

23 à tirer à l'aveuglette.

24 Q. Je vous remercie infiniment, Monsieur. Est-ce qu'on peut, maintenant,

25 remonter dans le temps. Puisque vous parlez des Serbes, je suppose que vous

26 parliez de la JNA, mais aussi des réservistes venus du Monténégro, lorsque

27 vous aviez parlé des positions serbes. J'aimerais parler de cette période-

28 là; êtes-vous d'accord ?

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1 R. En ce qui me concerne, oui. Je ne sais pas si c'est un rapport direct

2 avec ce procès-ci, mais c'est une discussion qui est incontournable et je

3 vous dirai ce que j'en sais.

4 Q. Je vous en remercie. Début avril 1992, est-ce que Mostar n'a pas été

5 attaquée ?

6 R. Début avril, plus exactement le 3 avril 1993, la caserne du Bataillon

7 de Mostar a sauté. Il y avait des réservistes qui étaient cantonnés dans

8 cette caserne et une partie des forces armées de l'ex-Yougoslavie.

9 Q. D'accord. Mais c'est ce qu'on appelait la JNA, c'est ce que ces soldats

10 s'appelaient, soldats de la JNA; d'autres les appelaient Chetniks. En tout

11 cas, ce qui est resté de la JNA avec les réservistes venus du Monténégro;

12 c'est bien cela, n'est-ce pas ?

13 R. Dans ce contexte, je ne voudrais pas aborder cette question. J'ai donné

14 une définition précise des termes chetnik et serbe et n'essayez pas

15 m'enliser dans une telle discussion une fois de plus parce que ceci

16 reviendrait, en fait, à offenser des innocents sur le territoire de la

17 Fédération, 180 000 Serbes sont restés fidèles à la Bosnie-Herzégovine et

18 ce n'était pas du tout ou ils n'étaient pas tous des Chetniks. Ils avaient

19 des armes qui venaient de Bosnie-Herzégovine, qui venaient du HVO.

20 Q. Je ne veux pas ici vous offenser, Monsieur. J'essaie simplement de dire

21 que c'était la JNA, élément que d'autres ont qualifié de Chetniks. On parle

22 ici des forces de la JNA, ces forces qui avaient attaqué la Croatie, n'est-

23 ce pas ?

24 R. Monsieur, je dois me répéter. Je fais une distinction entre la JNA et

25 les Chetniks. Lorsque les réservistes sont entrés dans Mostar, c'est peut-

26 être à ce moment-là qu'on a vu l'apparition de Chetniks, de ces brigands

27 chetniks.

28 Q. A un moment donné, est-ce qu'on n'a pas créé une cellule de Crise ?

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1 R. Si.

2 Q. Une cellule de Crise de la municipalité de Mostar, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. C'était normal quelque part parce que c'est ce que prévoyait la loi en

5 cas d'urgence et il fallait constituer une cellule de Crise, donc, ce

6 n'était pas là une activité anormale ?

7 R. Non, c'étaient des activités légales. C'était une autorité légale, mais

8 elle était légale. C'était le seul représentant légal et légitime des

9 forces de défense de la Yougoslavie, à l'époque.

10 Q. Parlons maintenant de la municipalité de Mostar; est-ce qu'on n'a pas

11 fait une tentative de mobilisation au sein de la municipalité pour essayer

12 de contrecarrer cette attaque ?

13 R. [Signe affirmatif de la tête du témoin.]

14 Pas dans la municipalité de Mostar, mais une mobilisation, qui avait

15 été proclamée, l'ancienne -- l'ex-JNA avait appelé à la mobilisation. Il y

16 en a beaucoup qui tout simplement n'ont pas répondu à cet appel de

17 mobilisation.

18 Q. Vous nous l'avez fort bien dit surtout à Mostar, sur 13 unités, il n'y

19 a que deux unités qui ont répondu à l'appel, pour ce qui est des Unités de

20 Sapeurs-pompiers; C'est bien cela, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Ecoutez, faites preuve d'un peu de patience. Je vais essayer de vous

23 l'expliquer. Ces 13 unités faisaient partie de l'association des Brigades

24 de Sapeurs-pompiers, mais la structure n'était pas la même pour toute. En

25 d'autres termes, au niveau de l'organisation, il y avait des Unités de

26 Sapeurs-pompiers qui appartenaient à des compagnies et il y avait des

27 Unités de bénévoles au sein de compagnies. Il y avait aussi des Unités de

28 Sapeurs-pompiers territoriaux, mais territoriales ou professionnelles, et

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1 sur ces 13 unités au début du conflit, il y avait, en fait -- c'est la

2 compagnie professionnelle et, par exemple, toutes les Unités de bénévoles

3 ont cessé leurs activités. Toutes ces unités de compagnies ont cessé de

4 fonctionner. C'est comme cela que j'explique les choses.

5 Q. Fort bien. Je pense que vous l'avez dit hier et vous le dites dans

6 votre livre : sur 13 unités, seul deux ce sont présentées et ont répondu à

7 l'appel.

8 R. C'est exact. N'oublions pas qu'il y avait deux détachements conjoints

9 et qu'il y avait des Unités de Sapeurs-pompiers, mais qu'aucune n'a

10 répondu. Nous avons réuni les membres de cette organisation de

11 l'Association des Sapeurs-pompiers de Mostar pour constituer une unité de

12 temps de guerre en réunissant, en combinant ces éléments.

13 Q. Serait-il exact de dire que finalement il n'y avait pas grand-chose qui

14 fonctionnait à Mostar dans la municipalité du fait des activités de

15 guerre ? Je veux dire au début.

16 R. C'est exact. Mais cela n'a pas marché beaucoup plus, plus tard non

17 plus. Vous avez tout à fait raison.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : On a travaillé pendant une heure et demie. On

19 s'arrête pour un quart d'heure et on reprendra à 11 heures moins quart.

20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

21 --- L'audience est reprise à 10 heures 48.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, poursuivez.

23 M. KARNAVAS : [interprétation]

24 Q. Avant la pause, nous étions remontés dans le temps au mois d'avril

25 1992, pour être précis, date à laquelle les réservistes ainsi que la JNA

26 ou, disons, les forces serbes ont attaqué Mostar. Vous avez indiqué que la

27 cellule de Crise a été créée et que M. Gagro a été nommé à la présidence de

28 la cellule de Crise; c'est bien cela ?

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1 R. Oui, c'est exact.

2 Q. Comme nous l'avons indiqué la création de la cellule de Crise n'avait

3 rien d'étonnant, c'était quelque chose qui était prévu par la loi, par la

4 législation en cas d'urgence. A ce moment-là, il y avait effectivement une

5 urgence justifiant cette création, n'est-ce pas ?

6 R. Absolument, oui.

7 Q. Si j'ai bien compris, c'est aux environs du 9 ou du 10 avril que la

8 présidence de la République de Bosnie-Herzégovine a déclaré l'existence

9 d'un danger imminent de guerre dans la municipalité de Mostar; est-ce que

10 vous le saviez ?

11 R. Oui, je savais que cette déclaration avait été faite, mais à quelle

12 date exactement, je ne sais pas.

13 Q. Dans cette déclaration, il était précisément demandé à l'armée

14 populaire yougoslave, en tout cas aux unités stationnées en Bosnie-

15 Herzégovine de partir; c'est bien cela ?

16 R. Oui, on leur demandait de se retirer.

17 Q. Cette déclaration ou cette décision indiquait que la municipalité de

18 Mostar était partiellement occupée par l'armée populaire yougoslave, n'est-

19 ce pas ?

20 R. C'est exact.

21 Q. Accompagnée des forces paramilitaires, et que l'armée populaire

22 yougoslave et les forces paramilitaires lançaient des attaques armées

23 contre les civils; c'est exact ?

24 R. La question qui se posait, c'était de savoir où se trouvaient les

25 civils et où se trouvaient les forces armées organisées.

26 Q. Exact. Il y a eu pillage de commerces et de maisons appartenant à des

27 familles ?

28 R. Monsieur, je vous demande, Monsieur le Président, de ne pas en arriver

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1 à de tels extraits. Je vais vous dire pourquoi : mon livre porte sur la

2 période de 1992 dans la mesure où c'était indispensable pour expliquer nos

3 activités. Je ne souhaite pas répondre à des questions de ce genre qui, à

4 mes yeux, constituent une provocation car je ne suis pas stratège. Ce que

5 je veux, c'est avant tout parler de ce qui s'est passé. Car si je dis

6 maintenant que les Serbes se sont retirés et que des appartements nombreux

7 sont restés dans une partie de la ville, qui étaient remplis de toutes

8 sortes de choses, on ne me croira pas. Je ne souhaiterais pas en arriver

9 là, et je demande que ces questions cessent.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, je ne suis pas intervenu, mais je

11 me rends compte que toutes les questions que vous avez posées depuis le

12 début, c'est des questions que vous pourriez poser dans le cadre du contre-

13 interrogatoire à l'expert qui viendra à partir de lundi. Il est expert en

14 feu d'incendie ou au secours aux victimes, pas en géopolitique ni en

15 stratégie. Si vous l'interrogez à partir d'un livre que nous n'avons pas ou

16 que nous ne connaissons pas, ce livre n'est pas un élément de preuve. Peut-

17 être que dans le livre, il a abordé des problèmes politiques que nous

18 ignorons totalement. Ce qui nous intéresse, nous les Juges, nous aurons à

19 rendre un jugement à partir d'éléments qui vont être discutés ici, les

20 éléments qui sont dans un acte d'accusation, dans le mémoire préalable par

21 le témoin et les pièces, et sur des questions fondamentales qui sont au

22 paragraphe 111 et suivant du mémoire préalable. Là, vous perdez du temps

23 sur des questions qui pourront être débattues la semaine prochaine. Il ne

24 veut pas répondre. N'insistez pas.

25 Avez-vous compris, Maître Karnavas ? A plusieurs reprises, il vous a dit :

26 Je ne veux pas répondre. Vous le forcez à répondre à des sujets dont il n'a

27 aucune compétence a priori. Interrogez-le sur les histoires de pompiers,

28 d'eau, de tirs. Voilà. Cela, ce sont des questions qui, moi, m'intéressent.

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1 Le reste, cela m'intéresse moins par rapport à lui. Il y aura d'autres

2 spécialistes qui viendront et qui répondront à ce type de questions. Allez-

3 y, Maître.

4 Donc, gardez ces questions pour d'autres témoins plus importants et

5 plus qualifiés. En plus, vous avez un témoin qui ne veut pas répondre à

6 cela pour des raisons qui lui sont personnelles et que l'on peut

7 comprendre.

8 M. KARNAVAS : [interprétation] J'aimerais répondre pour le compte rendu

9 d'audience, Monsieur le Président, avec le respect que je vous dois. Je

10 lisais le préambule d'un décret, d'une décision rendue par la cellule de

11 Crise municipale de Mostar. Je n'essayais aucunement de lancer le témoin

12 dans une discussion politique, mais je lui demandais d'établir le contexte.

13 Mais très bien.

14 Si ce monsieur ne souhaite pas répondre à ces questions, je

15 demanderais que les questions relatives aux mêmes choses dans

16 l'interrogatoire principal soient expurgées du compte rendu. L'Accusation

17 ne peut pas faire venir ici un témoin qui répond aux questions du

18 Procureur, qui ne concernent pas l'acte d'accusation, et empêcher la

19 Défense de poser la question sur le même sujet.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce n'est pas ce que j'ai dit. Vous venez de

21 dire que vous avez un document qui concerne la cellule de Crise de Mostar.

22 A ce moment-là, présentez-lui le document sous les yeux et demandez-lui ses

23 commentaires. Vous lui posez des questions à partir d'un document que nous

24 n'avons pas, nous ne savons pas quelle est la teneur du document. Dans le

25 cadre de la procédure, vous lui mettez le document sous les yeux et vous

26 lui demandez ses commentaires. Je ne pense pas que dans ce document de la

27 cellule de Crise, il est question de la déclaration de guerre. Peut-être.

28 Mais à ce moment-là, vous aurez le document. Si vous voulez continuer ce

Page 1383

1 type de questions, oui, mais mettez-lui le document sous les yeux.

2 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Je ne

3 voudrais surtout pas manquer de respect à la Chambre. J'essayais simplement

4 de gagner du temps. J'essayais d'aller au cœur du problème directement. Je

5 ne pensais pas qu'il était nécessaire de soumettre le document au témoin.

6 Je voulais gagner du temps.

7 Q. En tout cas, à un certain moment, le 29 avril, Monsieur, une décision

8 n'a-t-elle pas été prise, à cette date, par la cellule de Crise, qui

9 concernait l'état-major municipal du HVO de Mostar et les membres du

10 ministère de l'Intérieur de Mostar, qui étaient appelés à prendre la

11 responsabilité de la défense et de la protection de la ville de Mostar.

12 Est-ce que vous étiez au courant ?

13 Le 29 avril.

14 R. Je répéterai que je ne le savais pas, mais je répéterai ce que j'ai dit

15 hier, à savoir que le 30 juin, la cellule de Crise en question et le

16 gouvernement légalement élu à l'issu des élections, a perdu le pouvoir, des

17 élections en 1990.

18 Q. Très bien. Est-ce que vous étiez au courant de cette décision, 29 avril

19 1992, la cellule de Crise donne à l'état-major municipal du HVO de Mostar

20 et aux membres du ministère de l'Intérieur de Mostar, la responsabilité de

21 la protection de la défense de la ville ? Est-ce que vous étiez au courant

22 de cela ?

23 R. J'ai dit que je n'étais pas au courant, et je répète que je ne le

24 savais pas. Vous avez le document que j'ai publié dans mon livre, où

25 figurent des dates, lorsque M. Roko Markovina était encore officiellement

26 le chef de la défense civile de la ville, de la protection civile de la

27 ville.

28 Q. Est-ce que vous saviez que le 15 mai 1992, l'état-major municipal du

Page 1384

1 HVO de Mostar a émis un ordre sur la base d'une décision de principe du 29

2 avril, qui lui donnait la responsabilité de la défense de la ville de

3 Mostar, ordre demandant de démanteler la cellule de Crise ? Est-ce que vous

4 étiez au courant de cela ? Ceci date du 15 mai 1992.

5 R. Non. Je le dis encore une fois. Je disposais de l'ordre du 22 avril

6 1992, signé par M. Roko Markovina, qui, finalement, est publié dans mon

7 livre.

8 Q. Bien. Essayons d'être sur la même longueur d'onde.

9 Le 15 mai, l'état-major municipal du HVO de Mostar émet un ordre destiné à

10 obtenir le démantèlement de la cellule de Crise municipale de Mostar, ordre

11 qui donne au conseil spécial de l'état-major municipal du HVO de Mostar,

12 l'obligation de gérer toutes les fonctions importantes dans la ville. Est-

13 ce que vous étiez au courant de cela ? Oui ou non ?

14 R. Je l'ai déjà deux fois, Monsieur. Non. Mais je dispose d'un ordre qui

15 date du 22 avril. Je répète également que toutes les équipes mises en place

16 en ville l'ont été après le 30 juin 1992, donc à partir du mois de juillet.

17 Je l'affirme en toute responsabilité. Des décisions ont effectivement été

18 prises, mais lesquelles, je ne saurais vous le dire exactement. Lisez

19 l'ordre dont je vous parle. L'ordre, par exemple, de l'état-major de la

20 protection civile de Visoko, de cette date, et tout sera très clair à vos

21 yeux.

22 Q. D'accord. A la mi-juin, Mostar a été libérée, n'est-ce

23 pas ?

24 R. Oui. Les opérations ont duré du 12 au 14 juin.

25 Q. D'accord. Est-ce que c'est le HVO qui a libéré Mostar ?

26 R. Je ne serai pas d'accord avec vous totalement car le HVO n'a pas agi

27 seul. A proprement parler - et je ne tiens pas offenser ceux qui faisaient

28 partie du MUP de Bosnie-Herzégovine et de l'ABiH - mais l'ABiH a agi aux

Page 1385

1 côtés du HVO ainsi que le MUP de Bosnie-Herzégovine, qui étaient des

2 instances légales, légitimes de Bosnie-Herzégovine.

3 Q. D'accord. Etes-vous en train de dire que l'ABiH existait dans Mostar

4 est, en mai et juin, et que c'est elle qui a libéré cette partie de la

5 ville ? Est-ce que c'est cela que vous êtes en train de dire, Monsieur ?

6 R. Monsieur, je vais répéter encore une fois. Vous vous efforcez d'être

7 très provocateur et vous devriez avoir honte pour cela. Je répète ce que

8 j'ai déjà dit très clairement : dans le cadre des forces du HVO, il y avait

9 les forces du Bataillon de Mostar qui faisait partie intégrante des forces

10 armées de Bosnie-Herzégovine, pas seulement dans la partie de la ville que

11 vous avez évoquée. Elles étaient avec le HVO sur la rive droite, elles

12 étaient stationnées à Vranica, Monsieur.

13 Q. Très bien.

14 R. Elles ont agi aux côtés du HVO. Je parle de l'ABiH et du MUP de Bosnie-

15 Herzégovine, qui constituaient - je le répète encore une fois - des

16 instances légales en Bosnie-Herzégovine. Elles ont œuvré aux côtés du HVO.

17 Q. Mostar est, Monsieur, était tombée, ceci n'est-il pas un fait, à un

18 certain moment, et des gens tels que vous avez été contraints d'évacuer

19 Mostar est pour passer du côté de Mostar ouest ?

20 R. C'est exact. Le 13 mai, toute la rive gauche a été occupée par les

21 forces serbes. Je suis parti le 11 mai avec un groupe de personnes à l'aide

22 d'un véhicule qui était encore disponible, car l'autre véhicule était du

23 côté ouest déjà.

24 Q. C'est la partie de la ville où on se serait attendus à ce que les

25 forces musulmanes combattent les forces serbes, n'est-ce

26 pas ?

27 R. Bien, j'ai dit qu'elles l'ont fait, puisqu'elles ont agi de concert

28 avec les forces du HVO.

Page 1386

1 Q. Malheureusement, la configuration du terrain n'étant pas très favorable

2 à Mostar est - je parle des événements liés à l'attaque par les Serbes -

3 parce que les Serbes occupaient les hauteurs, n'est-ce pas, ce n'était pas

4 très favorable pour ceux qui habitaient à Mostar est ?

5 R. Un peu plus tard, le rapport des forces s'est modifié.

6 Q. Ce que je laisse entendre - et dites-moi si je me trompe - c'est que

7 lorsque les Serbes - et quand je dis les Serbes, je pense aux agresseurs -

8 ont attaqué Mostar, en particulier Mostar est, ils occupaient les hauteurs,

9 alors que les bâtiments d'habitation à Mostar est étaient pratiquement pris

10 dans une espèce de nasse. On pouvait tirer sur ces bâtiments très

11 facilement.

12 R. Ni dans une partie de la ville ni dans l'autre les citoyens, les

13 habitants n'étaient protégés. Ils étaient sur le mont Golgotha. Ils étaient

14 vulnérables par rapport aux tirs des tireurs embusqués, par rapport aux

15 obus et tout ce qu'on peut tirer sur eux.

16 Q. Bien entendu, la différence, c'est que ceux qui habitaient à l'est ont

17 fui vers l'ouest et pas vice-versa.

18 R. Oui. Il y en a qui sont revenus de l'ouest ou qui ont été chassés de

19 l'endroit où ils habitaient pour se retrouver dans la même situation

20 ensuite.

21 Q. Très bien. Je suppose - dites-moi si je me trompe - que dans cette

22 période, la ville, aussi bien à l'ouest qu'à l'est, a été détruite.

23 R. Absolument.

24 Q. Est-ce que par hasard vous avez documenté les destructions dues aux

25 Serbes à Mostar est ?

26 R. Pour être franc, des documents de ce genre existent. Il y a des

27 rapports d'information à ce sujet, mais je ne m'en suis pas servi. Je n'en

28 ai pas honte. Il y en a d'autres qui peuvent le faire. Je n'avais aucune

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1 raison de cacher quoi que ce soit. Je me suis simplement contenté de

2 raconter la situation et les rapports entre les uns et les autres. Je crois

3 que ce que j'ai dit dans mon livre correspond tout à fait à la réalité.

4 Q. J'aimerais maintenant m'assurer de vous avoir bien compris. C'est bien

5 le 11 mai 1992 que Mostar est est tombée, n'est-ce pas ?

6 R. Non, c'est le 13 mai 1992. Je suis parti le 11 mai.

7 Q. Bien. Je m'étais trompé. Mostar est, est donc tombée le

8 13 mai, et ensuite, vient un ordre émis deux jours plus tard, le

9 15 mai, dont vous n'avez pas connaissance.

10 R. Pourquoi est-ce j'aurais dû avoir connaissance de cet ordre ? J'avais

11 déjà des ordres émanant de la protection civile, qui étaient pour moi,

12 pertinents par rapport à mon travail. Pour moi, Monsieur, à ce moment-là,

13 ce que j'aurais pu faire de plus facile, c'était prendre les documents, les

14 remettre aux Serbes et partir avec eux éventuellement. Aujourd'hui, je ne

15 serais pas considéré comme un criminel de guerre. Les gens seraient rentrés

16 dans leurs maisons et rien ne se serait passé. J'ai pris l'équipement

17 disponible. J'ai pris les moyens qui étaient disponibles pour moi, et je

18 remercie ceux qui m'ont écouté, m'ont obéi et sont partis avec moi. Il

19 s'agissait d'un Serbe et de deux Bosniens. Je remercie ces hommes de

20 m'avoir écouté et d'être partis avec moi.

21 Q. Monsieur, je n'émets pas de jugement de valeur; j'essaie simplement

22 d'établir en vertu de quel ordre ou sous quelle autorité vous travailliez.

23 Parce que compte tenu de la cellule de Crise --

24 R. La mienne.

25 Q. Très bien.

26 R. Excusez-moi. Excusez-moi.

27 Q. Non, non, pas de problème. Si vous disposiez d'un ordre datant du 15

28 mai, qui démantelait la cellule de Crise, est-ce que cela ne serait pas une

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1 raison valable pour qu'à partir du 15 mai, vous vous soyez trouvé, à partir

2 de cette date, sous l'autorité de l'état-major municipal du HVO de Mostar,

3 et que l'organe qui avait pris la place de la cellule de Crise soit, à

4 partir de cette date, responsable du versement de vos salaires et de

5 l'entretien des équipements.

6 R. Très bonne constatation. Je suis très heureux de voir que c'est vous

7 qui avez formulé cette constatation et pas moi. Je vais expliciter un peu

8 les choses. Je répète : que les documents que j'ai publiés dans mon livre,

9 je continue sur le plan moral à dire très franchement que ces documents

10 correspondent à ce qu'ils étaient au moment où ils ont été rédigés. Car

11 Saban Muratovic et un autre homme dont le nom ne me revient pas - ce n'est

12 pas trop important -sont encore vivants, ils peuvent le confirmer - signé

13 par Roko Markovina. Ce n'est pas moi qui ai écrit ce document; ce sont eux.

14 On voit sur ces documents le sceau de l'état-major de la protection civile.

15 Tout ce qui s'est passé, s'est passé entre le 18 et le

16 22 avril. Ce n'est pas moi qui le dis, mais eux. Il y a d'autres personnes

17 à qui on peut reprocher ce qui s'est passé, parce qu'ils ne m'ont pas

18 informé de ce qui se passait. J'étais commandant de l'unité. Ils ne m'ont

19 pas informé de l'évolution des événements. Je répète que si vous lisez mon

20 livre, les documents qui y sont publiés, vous y trouvez les premiers ordres

21 que je publie, mes premières décisions, donc décisions prises à ma demande

22 personnelle quand j'ai émis l'ordre de démission d'un certain nombre de

23 personnes, parce que personne ne l'avait fait avant. Donc, si vous suivez

24 les événements chronologiquement, vous verrez à quel moment la cellule de

25 Crise pouvait agir et a cessé de fonctionner. Je répète que le 30 juin, les

26 autorités civiles ont enlevé tout pouvoir aux autorités -- les autorités

27 civiles ont perdu tout pouvoir qui a été transféré entre les mains des

28 autorités militaires.

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1 Q. Nous reviendrons sur cela un peu plus tard. Prenons les choses point

2 par point.

3 La protection civile, est-ce une instance composée de volontaires ou

4 de services officiels ?

5 R. Non, non. C'est une instance qui existait, dont l'existence était

6 prévue par la loi. Elle existait en temps de paix et elle existait encore

7 plus valablement pendant cette période. Parce que ses responsabilités

8 étaient d'assurer la protection civile. Il y a toutes sortes de documents

9 officiels qui indiquent quelles sont les fonctions exactes de la protection

10 civile. Si la protection civile a le droit de tirer, d'utiliser des armes,

11 et cetera, tout cela est prévu par la loi.

12 Q. Très bien. Puisque tout cela est prévu par la loi, je suppose que,

13 lorsqu'on fait partie de la protection civile on est payé, on perçoit un

14 salaire ?

15 R. Bravo, Monsieur. Le 18 avril 1992, c'est la date où j'ai touché mon

16 dernier salaire et ensuite mon salaire suivant a été versé le 1er juillet

17 1995. Je vous demande de ne pas perdre cela de vue.

18 Q. Ma question était de nature un peu plus générale. Normalement, en temps

19 de paix, est-ce que vous perceviez un salaire; oui, non ou peut-être ?

20 R. Oui, en tout état de cause, oui. Maintenant, quel était le montant de

21 ce salaire ? Qui le payait ? Est-ce que c'était la protection civile ou

22 est-ce que c'était une entreprise privée ? Parce que cela variait un peu en

23 temps de paix, mais, en tout cas, il y a versement collectif de salaire à

24 tous ceux qui oeuvraient au sein de la protection civile parce que, bien

25 entendu, cela impliquait des tâches, y compris pour la brigade, et c'est la

26 raison pour laquelle j'ai dit que je percevais un salaire en indiquant que

27 mon dernier salaire a été versé le 18 avril 1992 et le suivant le 1er

28 juillet 1995, donc, effectivement, tous ceux qui travaillaient au sein de

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1 la protection civile touchaient un salaire normalement.

2 Q. Très bien. Au nombre des matériels que vous utilisiez -- des

3 équipements que vous utilisiez, est-ce qu'en, tant que membre de la

4 protection civile, vous étiez censé acquérir à vos frais votre équipement,

5 ou est-ce qu'on vous donnait cet équipement ?

6 R. Ni l'un ni l'autre. Nous utilisions les équipements des sapeurs-

7 pompiers de la ville de Mostar à une exception près. Mes collègues de

8 Pompiers sans frontières se Sensa [phon] et de Vranica, quand ils ont

9 commencé à arriver chez nous, ont apporté leur propre équipement quand ils

10 ont vu la situation. Il y a eu quelques problèmes d'harmonisation de nos

11 équipements avec les leurs, mais, enfin, on a fait ce qu'il fallait pour

12 que les deux équipements puissent fonctionner ensemble.

13 Q. Mais ce que je voulais dire, ce qui m'intéressait c'était de savoir si

14 un équipement particulier vous a été délivré, vous a été donné pour vous

15 permettre de rendre les services que vous rendiez à la communauté ? Que ce

16 n'était pas vous qui étiez contraint d'acquérir ces équipements à vos

17 frais.

18 R. Je crois avoir été très clair dans ma réponse. Nous n'acquérions pas

19 ces équipements à nos frais pas plus que la protection civile. C'étaient

20 les sapeurs-pompiers de Mostar de la ville qui mettaient à notre

21 disposition l'équipement en question. Ni la protection civile, ni un

22 particulier quelconque n'achetait ces équipements.

23 Si vous voulez être informé dans le plus grand détail, moralement,

24 j'ai le droit de dire qu'entre 1982 et 1992, au début de l'agression, je

25 travaillais professionnellement et j'ai investi une partie de mes biens

26 personnels pour équiper les sapeurs-pompiers. Trois véhicules ont été

27 acquis par nous pendant cette période, Monsieur. Là, je parle de ma

28 situation personnelle, je ne parle pas des autres. En tout cas, sur le plan

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1 officiel, ce n'est pas nous qui achetions l'équipement, mais personne

2 d'autre non plus. Cet équipement venait des sapeurs-pompiers municipaux de

3 la ville de Mostar.

4 Q. Vous dites qu'entre 1982 et 1992, vous avez investi -- vous avez

5 contribué à l'achat de certains équipements; c'est bien cela ?

6 R. Oui, trois véhicules neufs.

7 Q. Cela c'était en période de paix ?

8 R. Oui, absolument.

9 Q. Donc, permettez-moi de passer à un autre sujet maintenant. Je vais

10 rapidement parler des événements que vous nous avez décrits dans votre

11 livre, que vous avez publié en 1997 : "Les flammes au-dessus de Mostar," ou

12 "Les flammes des incendies au-dessus de Mostar." En tout cas, c'est le

13 titre de votre livre ?

14 R. Non, non. Le titre c'est : "Langues de feu au-dessus de Mostar"; c'est

15 le titre de mon livre.

16 Q. Bien, écoutez, je suppose que je ne peux rien faire de bien ce matin.

17 R. Oui, c'est à vos dépens.

18 Q. Bien. En lisant le livre - je ne l'ai pas lu moi-même, mais mes

19 collègues l'ont lu - et si je fais une erreur dites-le-moi. A la lecture de

20 ce livre il y avait une concurrence sur le plan professionnel, une certaine

21 jalousie entre les sapeurs-pompiers professionnels et les sapeurs-pompiers

22 volontaires, ceux qui faisaient partie de la protection civile ?

23 R. Non, je crois que vous vous trompez sur ce point.

24 Q. D'accord.

25 R. Il n'y avait pas de concurrence du tout et en temps de paix, non, et

26 encore, moins en temps de guerre. Je ne pense pas que les sapeurs-pompiers

27 n'ont jamais été aussi unis qu'à ce moment-là car il s'agissait d'éteindre

28 les feux. Vous vous trompez sur ce point-là.

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1 Q. Cela est fort possible, mais j'avais l'impression qu'à un certain

2 moment, vous disiez que vous ne receviez pas les appels et que vous ne

3 pouviez pas répondre et vous aviez l'impression d'être laissé pour compte

4 un petit peu, qu'on vous avait écarté.

5 R. Non.

6 Q. Non. J'essaie simplement de faire en sorte que vous puissiez rentrer

7 chez vous. Laissez-moi vous aider.

8 L'équipement était assez limité, que ce soit pour les sapeurs-pompiers

9 professionnels que pour votre unité; est-ce exact ?

10 R. Cela dépendait de qui disposait de quoi. Il y avait la Brigade de

11 Sapeurs-pompiers qui étaient composée de 120 salariés; enfin, c'est financé

12 par la communauté d'intérêt qui s'appelait le SIZ, à l'époque, tous les

13 systèmes et des lance-incendies et tous ces dispositifs. Il était tout à

14 fait logique que ce fût cette brigade qui en disposait pour pouvoir

15 intervenir. Lorsqu'il y avait un feu à grande échelle et lorsqu'il

16 s'agissait d'aller dans des usines, c'était important; on demandait aux

17 volontaires de s'y rendre. J'étais le commandant de la brigade et on me

18 demandait de prêter main-forte et c'est ce que j'ai fait et, à ce moment-

19 là, nous étions en état d'alerte et nous apportions des renforts à nos

20 autres collègues, les autres sapeurs-pompiers.

21 Q. Très bien. Votre unité -- votre brigade se trouvait à la gauche ou sur

22 la rive est; c'est exact ?

23 R. Oui. C'est là que se trouvait la brigade de Mostar et son quartier

24 général remontait aux années 1800.

25 Q. Les sapeurs-pompiers professionnels se trouvaient sur la rive

26 occidentale, la rive gauche ?

27 R. Oui. Dans la partie ouest de la ville près de Rudnik, près du marché.

28 Je ne sais pas comment vous le dire autrement. Je ne sais pas si vous

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1 connaissez bien la ville de Mostar.

2 Q. Les deux, en fait, relèvent de la municipalité de Mostar; c'est exact ?

3 R. Oui, certainement, tout à fait.

4 Q. Comme vous l'avez indiqué, vous m'avez corrigé, vous nous avez dit que

5 vous êtes parti le 11 mai 1992 pour vous rendre sur la rive gauche. Sur la

6 partie gauche --

7 R. Oui, c'est exact.

8 Q. Pardonnez-moi, je souhaite corriger ce que j'ai dit. Vous êtes parti

9 d'est en ouest, c'est l'inverse; est-ce exact ?

10 R. Oui, c'est exact, Monsieur.

11 Q. Ce, deux jours avant que la partie est ne tombe ?

12 R. Oui, c'est exact.

13 Q. C'était sans doute dû aux circonstances et les combats lourds, vous

14 avez dû laisser derrière vous votre équipement du côté est, ou c'est, en

15 tout cas, ce que vous dites dans votre livre à la page 24 ?

16 R. Il est vrai qu'une partie de l'équipement est resté. Il y avait un

17 camion citerne dans lequel Hasalic Almir a été tué et, dans l'entrepôt, il

18 y avait des uniformes, il y avait des lances, il y avait du matériel, une

19 partie du matériel. Nous avons dû évacuer les lieux. Nous avions un camion

20 pour transporter de l'équipement et des hommes. Donc, il fallait nous

21 assurer de traverser de l'autre côté en toute sécurité car les tireurs

22 tiraient depuis le matin et nous avons chargé autant de matériels possibles

23 sur ce camion et nous voulons nous protéger en faisant cela. L'autre

24 raison, c'est que nous voulions faire sortir autant d'équipements que

25 possible de l'autre côté sur l'autre rive, car nous pensions nous mettre au

26 travail de l'autre côté.

27 Je dois vous dire que nous étions divisés en secteurs. Il y avait une

28 Unité opérationnelle dans laquelle nous dirigions, qui était le secteur

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1 numéro 1, et nous, nous étions le secteur numéro 6.

2 Q. Très bien. Vous avez laissé derrière vous une grande partie de

3 votre équipement. C'était ma question. Vous répondez en disant que, oui,

4 vous avez laissé derrière vous une partie de cet équipement sur la rive

5 gauche, la rive est.

6 R. Je ne sais pas ce que vous entendez par "beaucoup". J'ai très

7 clairement dit qu'une partie de l'équipement a été transportée par nous.

8 Nous avons essayé d'en prendre autant que possible, en tout cas pour ce qui

9 est des éléments mobiles.

10 Nous les avons emmené en guise d'exemple. Je peux vous dire que nous

11 avions une batterie que nous avions empruntée à une autre brigade. C'était

12 le premier élément que j'ai chargé sur le camion.

13 Q. N'est-il pas vrai que lorsque vous vous êtes rendu dans la partie

14 ouest, vous avez dû emprunter de l'équipement à la Brigade de Sapeurs-

15 pompiers professionnels pour pouvoir travailler normalement ?

16 R. Tout d'abord, je n'avais pas besoin d'emprunter du matériel. On nous a

17 donné ce matériel. Nous n'avions pas besoin d'emprunter quoi que ce soit.

18 Or, nous savons simplement emmené le camion-citerne qui était resté

19 derrière le grand magasin où notre ami avait été tué et un de nos collègues

20 a été tué. Il n'y avait que le camion-citerne qui ne marchait pas. Donc, la

21 Brigade de Sapeurs-pompiers nous a remis un camion-citerne et pour le

22 reste, ceci appartenait à l'ensemble de la brigade. C'était la propriété de

23 l'ensemble de la Brigade de Sapeurs-pompiers.

24 Q. Donc, je suppose que vous maintenez ce que vous avez écrit dans votre

25 livre à la page 28. Vous utilisez -- vous avez dit pour que vous puissiez

26 vous en servir et vous avez utiliser le terme "d'emprunter," qu'ils ont

27 vous prêté un camion qui avait une capacité de cinq mètres cubes; est-ce

28 exact ?

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1 R. Oui, oui. C'est ce que j'ai dit.

2 Q. Donc, c'était un camion de pompiers. Cela faisait partie de leur

3 équipement et ils vous ont permis de l'utiliser. Donc, c'était la partie

4 ouest qui a permis à la partie est d'utiliser cet équipement car vous

5 deviez éteindre les feus également, n'est-ce

6 pas ?

7 R. Vous oubliez, c'est quelque chose que j'ai évoqué. Nous faisions partie

8 intégrante de ce système de défense. Nous étions le secteur numéro 6. Nous

9 n'avons pas pris la décision. Quelqu'un a pris la décision. La personne qui

10 a pris la décision l'a certainement pris dans son propre intérêt. Je

11 n'étais pas en mesure de défendre la partie est, à ce moment-là, ni le

12 quartier où l'endroit où se trouvaient les Serbes, à ce moment-là. A ce

13 moment-là, précisément, je défendais la partie ouest où la population était

14 mélangée.

15 Q. Nous allons parler de cette question. Vous avez dit : Parlez de parties

16 intégrantes. Vous avez parlé des pompiers qui se trouvaient du côté est et

17 les pompiers qui se trouvaient du côté ouest. Mais, encore une fois, à la

18 lecture de votre livre, vous dites que le 17 juin, à la page 34, trois

19 jours après la libération de la rive gauche, vous êtes retourné avec une

20 délégation de la protection civile, est-ce exact ? Vous êtes retourné.

21 R. Oui. C'est exact. Encore une fois, je vous reporte à l'ordre donné par

22 M. Roko Markovina qui était chef d'état-major, à ce moment-là. C'était

23 conformément à cet ordre que, moi-même, Ismet Drljevic et Musan Dziman

24 [phon], et Zevin Digic [phon]. La cinquième personne, je ne me souviens pas

25 de son nom. Nous avons traversé du côté de la rive gauche pour voir ce qui

26 restait de l'équipement qui appartenait à la Brigade de Sapeurs-pompiers.

27 Nous nous sommes rendus dans deux communes à cet endroit-là pour permettre

28 la protection civile de faire son travail. Je précise que ceci a été fait à

Page 1397

1 l'ordre donné par Roko Markovina.

2 Q. Vous dites que vous avez commencé à travailler sur la rive gauche, deux

3 jours après, dans votre livre en tout cas. Répondez simplement par oui ou

4 par non. Sinon, veuillez nous fournir une explication.

5 R. Je n'ai pas beaucoup d'explications à vous fournir. Vous avez tout à

6 fait raison. Mais nous sommes restés dans ce campus pour étudiant et nous

7 sommes restés à cet endroit-là. Nous y sommes restés jusqu'au mois de

8 septembre de cette même année.

9 Q. Est-ce que nous pouvons avancer rapidement maintenant et parlez de la

10 date du mois de mai 1993, d'après votre livre, à la page 46. Vous indiquez

11 que dans la deuxième moitié du moi de 1993, vous avez, je crois, dit :

12 "Encore une fois, sur la visite des sapeurs-pompiers de France à Nis."

13 R. Non, en réalité, ils sont venus pour la première fois au mois de

14 septembre 1992. C'est comme cela nous nous sommes de façon tout à fait par

15 hasard. Ils ont apporté un convoi. Ils ont apporté un camion-citerne de 1

16 000 litres ainsi que du carburant. Nous avons utilisé leur camion une seule

17 fois.

18 Q. Hier, justement après la pause, vous insistiez sur le fait que nous

19 devions garder à l'esprit cette date du 3 mai 1993. Est-ce que vous vous

20 souvenez de cela ?

21 R. Oui, je m'en souviens très bien et je peux répéter cela.

22 Q. Donc, après la pause, nous sommes donc revenus et nous avons fait

23 référence à une autre date qui est celle du 22 janvier. Nous allons y

24 venir. Cela a trait à un ordre ou une décision. Vous hochez la tête. Cela

25 signifie, oui ou non.

26 R. Oui, oui, je confirme.

27 Q. Bien. Comme nous le savons, maintenant, entre la deuxième moitié du

28 mois de mai et le 3 mai, certains événements ont eu lieu, le 9 mai 1993 et

Page 1398

1 nous en avons parlé un petit peu. Nous n'avons pas besoin de parler de ceci

2 dans les détails.

3 R. Est-ce que vous pouvez me poser une question précise, s'il vous plaît ?

4 Q. Bien sûr. Le 9 mai, le conflit a véritablement éclaté entre les deux

5 parties.

6 R. Oui, tout à fait.

7 Q. Donc, quelques jours plus tard, étant donné que nous parlons d'eux ou

8 plutôt une semaine plus tard environ, dans la deuxième moitié du mois de

9 mai 1993, vous dites qu'un camion des Sapeurs-pompiers sans frontières a

10 apporté 1 500 kilos de médicaments, énormément de vivres. Ceci se trouve

11 dans votre livre aux pages 46 et 47.

12 R. Oui, oui. Vous avez bien lu cela. C'est exact.

13 Q. Vous avez également précisé qu'ils ont apporté un véhicule, un camion

14 des sapeurs-pompiers.

15 R. Oui, c'est exact. Encore une fois, ce dernier avait une capacité de 1

16 000 litres. C'était un camion qui était à la fois un camion incendie qui a

17 été peint en blanc, car cela devait passer dans le convoi des Nations Unies

18 ou faire partie de ce convoi.

19 Q. Bien. Comme je l'ai compris, Sarajevo était assiégé, à ce moment-là,

20 n'est-ce pas ?

21 R. Oui, tout à fait.

22 Q. Ce véhicule n'aurait pas pu venir de la partie est; c'est exact ?

23 R. A vrai dire, je n'ai jamais réfléchi à cela. Il y a différentes façons

24 d'arriver à Mostar. Ne vous méprenez pas. Il y a bon nombre de convois qui

25 traversaient la Croatie, à l'époque.

26 Cela m'est égale de savoir d'où venait ce camion. A l'entrée de

27 Mostar, ils ont dû le peindre en blanc, car ce camion était rouge

28 précédemment. Ils ne l'ont pas laissé passer. Une fois que ce camion a été

Page 1399

1 peint blanc, on l'a laissé passer, car il faisait partie à ce moment-là du

2 convoi des Nations Unies.

3 Q. A la lecture de votre livre, en lisant votre livre, vous seriez à même

4 de me dire exactement à quelle page, à quelle ligne ce véhicule devait être

5 peint en blanc pour pouvoir entrer et faire partie du convoi des Nations

6 Unies. Est-ce que c'est quelque chose qui figure dans votre livre ? Vous

7 faites référence à ceci à la page 46 et 47. J'ai un exemplaire de votre

8 livre, si vous souhaitez vous rafraîchir la mémoire et rafraîchir notre

9 mémoire en même temps.

10 Ceci ne figure pas dans votre livre, n'est-ce pas, Monsieur le

11 Témoin ?

12 R. Cher Monsieur, je ne prétends pas avoir un quelconque document me

13 permettant de prouver que ce véhicule appartenait aux Nations Unies. Je

14 répète et j'insiste sur le fait que ce véhicule était arrivé par

15 l'intermédiaire de nos collègues, et pour l'autoriser à entrer dans Mostar,

16 il fallait qu'il soit peint en blanc pour le faire passer comme un véhicule

17 des Nations Unies. Je crois qu'ils étaient au nombre de sept ou huit, et un

18 de ces camions, c'était justement ce camion-ci.

19 Q. Monsieur, dites-moi si je me trompe Cette information ne figure

20 absolument pas dans votre livre. Vous ne parlez absolument pas du convoi

21 des Nations Unies. Vous ne parlez absolument du fait que ce camion a été

22 peint en blanc pour se faire passer pour un véhicule des Nations Unies.

23 Rien de tout cela n'est évoqué. La raison pour laquelle j'insiste, c'est

24 que je suis en train de vous dire que ces véhicules venaient de la partie

25 ouest et étaient arrivés quelques jours seulement après l'éclatement du

26 conflit.

27 R. Je vais me répéter encore une fois. Je n'ai pas indiqué de quel côté

28 venait le véhicule. Il est tout à fait évident qu'il ne pouvait passer

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1 qu'en venant du côté ouest. Si vous voulez que je sois très précis, cela

2 venait du fleuve Buna ou Capljina, ou de la partie ouest de la ville en

3 passant par Ljubuski, Citluk, et cetera. Il y a différentes routes qui

4 menaient à Mostar, qui traversaient la Croatie.

5 Je vous demande de poser cette question à mes collègues. Ils savent

6 en tout cas quel chemin ils ont emprunté. Qu'on le veuille ou non, ce

7 véhicule devait entrer par le sud, et à savoir si c'était possible ou non

8 d'arriver par le sud, il aurait fallu qu'il emprunte le pont de Buna ou

9 qu'il passe par Capljina ou d'autres endroits. Il est peu probable que ce

10 véhicule arrive par le nord, il n'y avait pas d'autre possibilité. Cela

11 n'est certainement pas venu du côté est. Cela, je puis vous l'affirmer.

12 Q. D'accord.

13 R. Ou, en tout cas, je ne pense pas que ce soit possible.

14 Q. Vous avez répondu à la question que je vous ai posée un peu plus tôt, à

15 savoir que ce camion a traversé la partie ouest.

16 Je souhaite voir avec vous quelques documents très rapidement. Vous avez

17 indiqué un peu plus tôt que votre brigade, votre unité, étant une brigade

18 de volontaires faisait partie de la protection civile, elle faisait partie

19 intégrante de cette Brigade professionnelle de Sapeurs-pompiers. C'est

20 ainsi que vous avez compris les choses et c'est ce que vous souhaitez que

21 nous comprenions de votre déposition aujourd'hui ?

22 R. Je n'ai jamais rien dit de la sorte. Je vais faire la clarté là-dessus.

23 Notre unité était une unité indépendante qui faisait partie du Détachement

24 conjoint de la Protection civile. La partie qui était active était la

25 Brigade de Sapeurs-pompiers professionnels car ils étaient mieux équipés et

26 ils avaient avantage d'hommes. Ce sont eux surtout qui agissaient, c'est la

27 raison pour laquelle ils avaient été placés dans le secteur numéro 1. Il y

28 avait six secteurs au total, et nous étions le sixième. Mais nous n'avons

Page 1401

1 jamais dit que nous étions une unité professionnelle.

2 Q. Non, je ne suis pas en train de dire que vous êtes professionnel. Bien

3 évidemment, vous avez tous reçus une formation professionnelle, mais la

4 manière dont j'ai compris une de vos réponses aux questions précédentes,

5 vous avez dit que vous faisiez partie intégrante de la Brigade de Sapeurs-

6 pompiers.

7 R. Oui, c'est exact.

8 Q. Bien évidemment, étant donné que vous étiez des volontaires, vous

9 deviez jouer un rôle surtout pendant les mois d'été, lorsque Mostar peut

10 être le thermomètre et peut monter à des degrés très élevés. Il fait très,

11 très chaud, je crois que c'est même l'endroit le plus chaud de toute la

12 Yougoslavie pendant l'été; est-ce exact ?

13 R. Non, ceci n'est pas exact, ou plutôt, Mostar -- il fait très chaud à

14 Mostar, mais encore une fois, vous parlez de quelque chose dont je n'ai

15 absolument pas parlé. Vous parlez d'une unité de Brigade de Sapeurs-

16 pompiers volontaires en temps de paix, et je vous dis que c'était une unité

17 indépendante, autonome, qui recrutait des volontaires, mais il y avait un

18 bureau qui était professionnel. C'était moi qui étais le chef de ce bureau.

19 Ceci faisait partie de la Brigade professionnelle de Sapeurs-pompiers. Nous

20 n'avions rien à voir avec cette brigade professionnelle. Nous coopérions,

21 et nous coopérions évidemment lorsqu'il y avait des incendies. Cela,

22 c'était en temps paix.

23 Alors, en temps de guerre, nous travaillions beaucoup avec le détachement

24 professionnel. Comme je vous l'ai dit, ils étaient mieux équipés et il y

25 avait davantage d'hommes, et c'était normal que nous fassions partie de

26 l'organisation à ce moment-là.

27 Q. Bien. Vous étiez chapeautés par la municipalité de Mostar ? Les deux

28 brigades l'étaient ?

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1 R. Si on relevait d'une autre municipalité, à ce moment-là, c'eut été tout

2 autre, mais nous étions dans la région de Mostar.

3 Q. Donc, la réponse à ma question, c'est oui. Voyez-vous, j'insiste, je

4 souhaite avoir des réponses claires, bien que nous soyons en train de

5 perdre notre temps.

6 R. Monsieur, n'essayez pas de m'obliger à dire quelque chose à propos du

7 temps en question. Je ne suis pas un accusé, ici, je suis un simple témoin.

8 Une fois que j'en ai terminé, je rentre chez moi. Vous faites votre métier,

9 Monsieur, je fais le mien, et que l'on finisse aujourd'hui ou pas, cela

10 m'est égal, que cela prenne cinq jours, cela m'est égal aussi. Je suis un

11 retraité. J'ai tout le temps du monde. N'essayez pas de m'intimider. C'est

12 ce que vous avez essayé de faire à plusieurs reprises. Merci.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas, vous voudriez voudrais savoir

14 quel était le statut exact de cette Unité de Pompiers. Je vais intervenir.

15 On va montrer au témoin la pièce P4240. Monsieur le Greffier, faites

16 apparaître sur l'écran la P4240.

17 Bien. Alors, Monsieur, c'est un document que vous avez signé. Vous

18 reconnaissez votre signature ?

19 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, pouvez-vous nous lire dans votre langue ce

21 qui est en haut à gauche, au-dessus du nombre 17, qu'est-ce qui est marqué

22 au-dessus, dans votre langue ?

23 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, c'est un document que vous signez où vous

25 vous intitulez commandant d'unité et sous le timbre : "Unité

26 professionnelle de Combat contre le feu -- de pompiers."

27 Si vous étiez une unité indépendante, pourquoi vous n'avez pas écrit

28 "unité indépendante" ou "unité bénévole" ? Vous avez intitulé ce document :

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1 "Unité professionnelle." On peut légitimement, lorsque nous sommes amenés à

2 consulter ce document, penser que vous aviez un statut de pompiers

3 professionnels.

4 C'est peut-être cela que Me Karnavas essaie de vous faire dire. Je

5 n'ai pas très bien saisi le sens des questions, mais je me dois

6 d'intervenir pour gagner du temps.

7 Pourquoi ce titre d'unité professionnelle ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, permettez-moi d'expliquer.

9 Je vais vous expliquer comment ceci est arrivé. Il est vrai qu'à ce moment

10 précis, officiellement, on nous a donné l'appellation d'Unité de Sapeurs-

11 pompiers de Mostar. Hier, dans la déposition, j'en ai parlé. Peut-être que

12 cela a été omis hier, mais ce sera dans le compte rendu.

13 Lorsque les autorités civiles ont été créées sur la rive gauche en 1993,

14 dès le début de l'agression et après la date du 9 mai, à un moment donné au

15 début du mois de juillet, il faut comprendre que jusqu'à cette date-là, il

16 n'y avait que les autorités militaires en vigueur jusqu'au mois de juillet.

17 A un moment donné au mois de juillet ou peut-être à la fin juin, les

18 autorités civiles ont été mises en place, et ces autorités souhaitaient

19 mettre en place une structure civile. Nous, à ce moment-là, nous avons reçu

20 l'appellation d'Unité professionnelle de Sapeurs-pompiers et également une

21 société de distribution d'eau.

22 Il s'agit de deux instances civiles mises en place par les autorités

23 civiles, donc il était logique que j'envoie ces éléments d'information au

24 service de la protection civile. Malheureusement, le collègue qui a rédigé

25 cette lettre n'a pas enregistré le fait que ceci a été envoyé à la

26 protection civile ou à la cellule de Crise, car je souhaitais les tenir

27 informés des difficultés que nous avions eu égard aux pneus, au carburant,

28 aux batteries, aux hommes et toutes les choses dont nous avons besoin.

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1 Vous avez tout à fait raison, ce titre est un titre qui correspond à la

2 réalité. Encore au jour d'aujourd'hui, cette unité est connue sous ce nom-

3 là, Unité professionnelle de Sapeurs-pompiers de Mostar.

4 J'espère que vous tiendrez compte de mon explication.

5 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Karnavas. Je ne sais pas si j'ai pu

7 vous aider ou quoi que ce soit. Un autre Juge va essayer de vous aider.

8 Monsieur le Juge Trechsel.

9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je m'adresse à vous, Monsieur le

10 Témoin. Je comprends que vous vous sentez un peu mis sous pression, ici. Je

11 le comprends, parce que j'interviens en tant que personne qui n'est pas ici

12 du système juridique américain, mais je le connais quand même. Ici, on

13 essaie d'obtenir de vous des réponses affirmatives ou négatives. Ne vous

14 vexez pas. Je peux vous dire que c'est là une procédure tout à fait

15 correcte. Ne vous sentez pas assailli, agressé. Peut-être que c'est un jeu

16 qui se livre dans un prétoire, une joute, mais il n'y a pas de mauvaise

17 intention de la part de Me Karnavas ni d'autres avocats lorsqu'ils vous

18 demandent de répondre simplement par un oui ou par un non. Je vous

19 remercie.

20 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges.

21 Q. Bien. J'aimerais vous montrer un premier document, Monsieur le Témoin.

22 Il porte la cote 1D00389. J'aurais besoin d'un peu d'aide, car c'est la

23 première fois que j'utilise ce nouveau système électronique de présentation

24 de documents e-court.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

26 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

27 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'il est

28 possible que tous les documents utilisés en contre-interrogatoire soient

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1 fournis à l'Accusation pour que nous puissions les consulter ?

2 M. KARNAVAS : [interprétation] Non. Nous allons les présenter un à un. Nous

3 en avons déjà discuté hier. Je pense qu'en la matière, la discussion est

4 terminée.

5 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, ma demande ne

6 s'adressait pas à Me Karnavas, mais aux Juges, afin qu'ils prennent une

7 décision, quelque soit la position affichée par Me Karnavas. C'est

8 justement que le témoin a terminé son interrogatoire principal. On ne peut

9 pas l'influencer. Il a prêté serment. Il n'est que juste que nous obtenions

10 ces documents. Je vous remercie d'avance.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître. Nous allons rendre une décision pour

12 savoir si ces documents doivent être communiqués 24 heures avant, 48 heures

13 ou une semaine avant, mais la question n'est pas là. Comme vous présentez

14 le document conformément à la décision orale que j'ai déjà rendue, il faut

15 nous donner une "hard copy" de la pièce dans la langue de l'intéressé et en

16 anglais. A ce moment-là, la "hard copy", vous m'en donnez une, et une au

17 Procureur, qu'il puisse regarder le document sous toutes ses coutures.

18 M. KARNAVAS : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président, Messieurs

19 les Juges. Je tiens une fois de plus à m'excuser. Je n'ai pas une

20 présentation aussi aisée que d'habitude. Je n'avais pas prévu de copie, de

21 "hard copy" pour le Procureur. J'attendais une décision officielle, mais je

22 suis prêt à enfreindre mes propres règles pour finir à l'Accusation tout ce

23 que j'ai.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Allez-y.

25 M. KARNAVAS : [interprétation]

26 Q. Examinez ce document, Monsieur. Si l'on voit le début de ce document,

27 on voit une date, c'est celle du 25 juillet 1992. Vous voyez cette partie ?

28 R. Oui. Oui, c'est tout à fait exact.

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1 Q. Au-dessus de cette mention, nous constatons que ceci vient de la

2 municipalité de Mostar, n'est-ce pas ?

3 R. Oui. Regardez l'en-tête, vous le voyez.

4 Q. Fort bien. Prenez le temps de le lire, ce document.

5 R. "Décision portant sur le retrait de l'équipement de l'Unité de Sapeurs-

6 pompiers bénévoles.

7 "Cet équipement sera retiré et sera mis à la disposition de l'Unité

8 de Sapeurs-pompiers professionnels en même temps que l'équipement de cette

9 unité.

10 "C'est une décision qui entre en vigueur à la date de l'adoption des

11 documents."

12 Q. Fort bien. D'après les documents que j'ai eu l'occasion de parcourir,

13 il semblerait que c'est la première fois, c'est le premier jour, ce 25

14 juillet 1992, qu'on demande à votre unité de s'intégrer à l'Unité de

15 Sapeurs-pompiers professionnels. Est-ce que c'est bien ce que ce document

16 dit ? C'est une décision qui est prise par le président du HVO de la

17 municipalité de Mostar.

18 R. Ceci n'est, bien entendu, pas contesté, mais il s'agit ici d'un ordre.

19 Ce n'est pas une décision. Le titre officiel est

20 intitulé : "Décision," mais, en fait, c'est un ordre. Jamais nous ne

21 l'avons reçu, cet ordre ou cette décision, parce que j'ai été remplacé.

22 J'ai été remplacé le 15 juillet 1992, avant que cette décision ne soit

23 prise. Manifestement, je ne peux pas contester la teneur de cette décision,

24 décision que nous n'avons, cependant, jamais reçue parce que j'aurais été

25 fier de publier cette décision dans mon livre à moi. Je vous l'ai dit. J'ai

26 été remplacé le 15 juillet, dix jours, dès lors, avant l'adoption de cette

27 décision.

28 Q. Cernons les problèmes. Avançons pas à pas. Assurons-nous que nous

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1 sommes bien en train d'examiner la même page; décision prise par le conseil

2 croate de la Défense de la municipalité de Mostar.

3 R. Oui.

4 Q. En bas de page, on voit le nom de Jadran Topic. C'est bien de lui que

5 vous parliez hier, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. C'est en rapport avec les décisions que j'ai publiées.

7 Q. Très bien. Vous nous dites aujourd'hui que vous n'étiez pas au courant

8 de l'existence de cette décision, parce que si vous l'aviez connue, vous

9 auriez été content de la publier dans votre livre. On peut donc dire que

10 vous n'auriez pas pu l'exécuter, l'appliquer, cette décision, si vous ne la

11 connaissiez pas ?

12 R. Non, ce n'est pas exact parce qu'à l'époque, le matériel avait déjà été

13 intégré au matériel de l'Unité professionnelle de Sapeurs-pompiers. J'avais

14 déjà été remplacé. Il y avait un nouveau commandant, et c'est lui qui

15 allait aux réunions des commandants d'unités. Quant à savoir quel ordre

16 qu'il a reçu, ce qu'il a fait, personnellement, je ne sais pas. A lui d'en

17 juger parce que l'année suivante, il était commandant de l'unité.

18 A compter du 15 juillet jusqu'en juillet 1993, c'est lui qui a été le

19 commandant de l'unité. Il a reçu des ordres, ordres qu'il a exécutés.

20 C'était ce qu'il devait faire.

21 Q. Il se peut que je n'aie pas été très clair en posant ma question. Cet

22 ordre n'a jamais été exécuté, que vous en ayez connu l'existence ou pas,

23 n'est-ce pas ?

24 R. Non, j'ai dit qu'il a été appliqué, exécuté, parce que ce matériel, il

25 avait été déjà mis avec l'équipement de l'autre unité. Nous avons continué

26 à travailler. A ce moment-là, il n'y avait pas encore eu le retrait de

27 l'unité.

28 Q. Ecoutez, une certaine confusion règne dans mon esprit, car hier, on

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1 vous a montré un document, l'Accusation vous a montré un document, numéro

2 65 ter, 9511. La date était celle du 22 janvier 1993 et c'était une

3 décision. Vous avez dit à ce propos que si vous l'aviez exécutée, cette

4 décision, manifestement, la partie est n'aurait pas disposée d'Unités de

5 Sapeurs-pompiers au cours des activités survenues au début du mois de mai.

6 Est-ce qu'il n'y pas quelque part une contradiction ? Il se peut que je

7 vous aie mal compris tout simplement.

8 R. Je vais répéter ce que j'ai déclaré. Nous n'avons pas exécuté cet

9 ordre. Nous n'avons pas appliqué cette demande du 22 ou du 23 janvier.

10 Cela, c'est juste. Je vous ai dit pourquoi nous ne l'avons pas fait.

11 En ce qui concerne cet ordre-ci, je ne vais pas nier qu'il existait, mais

12 j'ai été remplacé dix jours avant. A ce moment-là, je ne savais pas si

13 j'étais encore membre des sapeurs-pompiers ou si j'étais civil. De toute

14 façon, je n'ai pas été de service pendant dix jours. Je n'étais déjà plus

15 de service depuis dix jours, à l'époque.

16 Q. Tirons ceci au clair. Je ne veux pas laisser entendre que vous,

17 personnellement, vous auriez refusé d'exécuter cet ordre. De toute façon,

18 nous allons peut-être examiner un document, 1D00388. Pouvez-vous nous

19 l'examiner ? Je m'excuse une fois de plus, car c'est la première fois que

20 j'utilise ce système et je ne m'y prends pas très bien.

21 Contentez-vous d'abord d'examiner ce document. Prenez tout le temps qu'il

22 faut pour ce faire. Si vous avez besoin d'aide pour qu'on déplace, peut-

23 être, ce document, dites-le-nous. A l'avenir -- il serait peut-être utile

24 que vous aussi, vous ayez une copie sur support papier.

25 La date est celle du 16 septembre 1992, n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Il semblerait que ce soit ici aussi une décision.

28 R. C'est une décision.

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1 Q. Décision du conseil croate de Défense de la municipalité de Mostar.

2 R. Oui.

3 Q. Ici, il est dit tout au début du préambule que c'est une décision

4 portant création de structures de l'administration de la municipalité pour

5 assurer la lutte contre l'incendie et pour permettre l'existence d'une

6 Unité de Sapeurs-pompiers à Mostar.

7 R. Oui, c'est clair. Je vois la teneur de la décision. Il est inutile que

8 je la parcoure, car je la connais déjà.

9 Q. Très bien. Il semblerait donc qu'ici, tout du moins, la municipalité

10 tente, disons, de créer ou rétablir cette Unité de Sapeurs-pompiers

11 professionnels à Mostar.

12 R. Soyons précis, le 16 septembre 1992, une décision a été adoptée afin

13 que soit constituée une Compagnie de Sapeurs-pompiers professionnels, mais

14 pour changer - et c'était uniquement pour cela - pour changer la

15 dénomination. Le nom, c'était au départ brigade professionnelle parce qu'il

16 n'y a pas eu de changement au niveau de l'unité. Il a été nécessaire de

17 créer une Unité professionnelle de Sapeurs-pompiers, et cela s'est fait le

18 16.

19 Q. Ceci inclut l'unité des bénévoles, ou est-ce qu'ils avaient déjà été

20 intégrés ?

21 R. Non, non.

22 Q. Fort bien. Prenons un autre document, 1D00390. Vous avez l'original,

23 ici. Nous avons une traduction qui n'est pas officielle.

24 Je vois que la police utilisée est assez petite. On pourrait peut-être

25 agrandir l'image.

26 R. Non, non, cela va. Je vois. Lisez-moi le texte. C'est un document

27 que j'ai publié dans mon livre, document qui dit que ce matériel doit être

28 mis à la disposition de la Compagnie de Sapeurs-pompiers professionnels et

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1 le personnel de la Brigade des bénévoles sera mis à la disposition aussi en

2 tant que de besoin. L'unité est démantelée et ce matériel doit être fourni

3 à la compagnie. L'Unité de Sapeurs-pompiers bénévole n'existe plus. Son

4 matériel est mis à la disposition de quelqu'un d'autre et le personnel

5 n'existe plus, l'unité n'existe plus non plus. Cette décision est très

6 claire.

7 Q. Vous êtes sûr que ceci se trouve dans votre livre ? Il se peut que vous

8 vous trompiez.

9 R. Oui.

10 Q. Quelle est votre réponse ? Est-ce que vous vous trompez ou est-ce que

11 ceci se trouve dans votre livre ? Je n'ai pas bien posé ma question, c'est

12 pour cela que votre réponse n'est pas claire, excusez-moi. Cela ne se

13 trouve pas dans votre livre, n'est-ce pas ?

14 R. Non, vous avez tout à fait raison, je m'excuse, parce que c'est une

15 date différente. Quant à la teneur, elle est pratiquement la même. En

16 janvier, nous avons reçu un document de la même teneur, excusez-moi. Je

17 m'excuse auprès des Juges et de vous-même. C'était le même texte. Il a

18 simplement été reproduit. C'est le même texte que celui de la décision que

19 nous avons reçue. La nôtre, elle a été prise le 22 janvier et nous l'avons

20 reçue le 28 janvier alors qu'ici la date n'est pas la même. Quant au texte,

21 lui il est pareil à celui d'une décision précédente, il n'y a que la date

22 qui change.

23 Q. Vous voyez la date, 17 novembre 1992, mais la finalité de cette

24 décision c'est d'essayer de ramasser les effectifs, d'intégrer ces

25 effectifs.

26 R. Pas en 1993 mais 1992.

27 Q. Oui, on parle de novembre 1992, n'est-ce pas ? Vous avez fait un signe

28 de tête, est-ce que c'était pour dire oui, Monsieur le Témoin, pour que ce

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1 soit consigné ?

2 R. Oui.

3 Q. D'accord.

4 R. Je vois ce que cela dit.

5 Q. Prenons le document suivant, il vous a été présenté par l'Accusation.

6 Il se peut qu'il figure dans votre livre.

7 R. Oui, c'est un texte identique. Il n'y a aucune différence. Je le

8 répète, il n'y a que la date qui change. Ici vous avez la date du 17

9 novembre et notre décision, elle porte la date du 23 janvier. Nous le

10 disons sans aucune difficulté. C'est une décision que nous avons reçue le

11 28. Plus d'un mois plus tard, nous avons reçu la décision mais le texte est

12 identique. Vous pourrez le constater vous-même si vous regardez.

13 Q. Nous allons arriver à ce point. J'ai oublié de mentionner que ce

14 document c'était le document du bureau du Procureur d'après la liste 65

15 ter, c'est le numéro 9511. Puisque vous en avez parlé, peut-être qu'on

16 pourrait l'afficher à l'écran. Il semblerait effectivement que ce soient

17 des décisions identiques. Serait-il éventuellement possible de conclure que

18 la première décision dans le temps, celle de novembre, qu'elle n'avait pas

19 été mise en œuvre à la date du 22 janvier 1993. Il était donc nécessaire de

20 rendre une nouvelle décision. Est-ce que ce serait une conclusion qu'on

21 serait en droit de tirer ?

22 R. Non. Je ne suis pas d'accord avec vous.

23 Q. Très bien.

24 R. Je le répète. Nous avons reçu l'ordre le 28, précisant les modalités

25 d'exécution.

26 Q. Cette décision, c'est une décision qui remonte au 17 novembre 1992. Je

27 vous pose une question concrète : êtes-vous sûr que cette décision-là elle

28 a été mise en œuvre ? Répondez par oui ou par non. Continuez, excusez-moi.

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1 R. Il n'aurait pas été possible de la mettre en œuvre, car nous ne l'avons

2 pas reçue ce jour-là. Nous avons reçu ce document le 28 janvier 1993.

3 Jamais nous n'avons reçu la décision qui porte la date du 17 novembre 1992.

4 Il fallait la recevoir pour l'appliquer cette décision. Or, nous l'avons

5 reçue que plus tard. Le 22 janvier on ne connaissait pas son existence. On

6 ne la connaissait pas, du coup on ne peut pas l'appliquer. Mais lorsque

7 nous l'avons reçue le 28, la décision en main, nous avons refusé de

8 l'exécuter.

9 Q. Ce que je vous laisse entendre, l'hypothèse que je vous soumets est

10 celle-ci : le 17 novembre 1992, l'intension d'exécuter cette décision

11 n'existait pas, car il s'agit en fait de deux décisions différentes. Vous

12 vous trompez peut-être lorsque vous déclarez ici aujourd'hui que la

13 décision du 17 novembre 1992 n'avait pas été reçue.

14 R. Non, vous vous trompez, tout à fait. C'est le même texte, il n'y a que

15 la date qui est différente. Vous le voyez ici aussi, dans cette décision.

16 Dans notre décision, on parle du 22 janvier. J'affirme en âme et conscience

17 qu'effectivement, c'est seulement le 28 que nous avons reçu cette décision,

18 mais ne nous querellons pas sur des dates. Si nous l'avions reçue le 17

19 décembre, nous n'aurions pas exécuté cet ordre pas plus que nous n'avons

20 exécuté l'ordre que nous avons reçu en janvier, parce que cela équivalait à

21 dire qu'il fallait remettre la totalité de la Brigade de Sapeurs-pompiers à

22 la compagnie. L'unité avait cessé d'exister. Personne n'avait le pouvoir de

23 le faire, il fallait que certaines conditions soient réunies pour le faire.

24 C'est cela la réalité parce que c'était une organisation non

25 gouvernementale qui faisait partie de la protection civile.

26 Q. Je suppose que ce que vous voulez dire ici aujourd'hui, c'est que la

27 municipalité de Mostar n'avait pas le pouvoir ou les ressources de réunir

28 ses différents effectifs en une seule structure parce qu'elle essayait déjà

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1 de ramener les activités normales dans la ville. C'est cela que vous voulez

2 laisser entendre ?

3 R. Je répète ce que j'ai déjà dit : la Brigade de Sapeurs-pompiers de

4 Mostar, elle ne pouvait être démantelée que si l'assemblée de l'association

5 le décidait. C'est seulement cette association qui était habilitée à le

6 faire. Les autorités de la ville devaient, au préalable, faire une

7 proposition à cette association. C'est uniquement l'Association des

8 Sapeurs-pompiers de Mostar qui était habilitée à proposer le démantèlement

9 de l'unité et de le faire.

10 Q. Merci.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne sais pas à quel moment nous devrions

12 faire la pause, Monsieur le Président. J'ai un perdu la notion du temps.

13 J'ai encore quelques documents, je ne sais pas ce que je dois faire.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause. Il nous faut encore combien de

15 temps sur cette question des pompiers ? Je ne vois pas très bien le but et

16 le sens des questions mais peut-être qu'une question posée au témoin va

17 nous éclairer. Là, pour le moment, je ne vois pas du tout quel est

18 l'objectif recherché. Vous avez certainement un objectif qui va apparaître,

19 espérons-le.

20 Il est midi, alors vous avez besoin après de combien de temps ?

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Nous avançons et je pense que je n'aurai pas

22 besoin de plus de 20 ou 25 minutes, peut-être même de moins de temps. En

23 tout cas, je peux vous garantir qu'ici on a insisté sur des points

24 importants.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Espérons. Il est midi 10. Nous allons faire une

26 pause d'un quart d'heure et on reprendra à midi 25.

27 --- L'audience est suspendue à 12 heures 13.

28 --- L'audience est reprise à 12 heures 30.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Maintenant l'audience est reprise.

2 Maître Karnavas.

3 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

4 Messieurs les Juges.

5 Q. Monsieur le Témoin, j'en avais trois documents au départ. J'en mets un

6 de côté et il ne m'en reste que deux, que nous allons essayer de parcourir

7 assez rapidement. Le premier 1200392.

8 Essayez de le parcourir rapidement. C'est une décision du 22 janvier 1993;

9 vous le voyez ?

10 R. Oui.

11 Q. Dans cette décision-ci est nommé le commandant de la Brigade

12 professionnelle de Sapeurs-pompiers de Mostar en l'occurrence M. Babic;

13 est-ce exact ?

14 R. Oui.

15 Q. La date est la même que celle de l'autre décision dont vous avez

16 discutée avec le Procureur au cours de l'interrogatoire principal et que

17 nous avons abordé rapidement. Ce sont deux décisions qui ont été prises ce

18 jour-là, le même jour, apparemment.

19 R. Oui, sans doute, ont-elles été écrites le même jour. La date est celle

20 du 22 janvier 1993. Cela veut dire qu'ils ont discuté de ces sujets en même

21 temps au cours de la même séance de travail.

22 Q. Parcourons rapidement un document du Procureur, 9512. C'est le numéro

23 du résumé 65 ter. Là aussi la décision a été abordée par le Procureur et

24 elle porte la date du 3 mai 1993. Vous en avez discuté et je voudrais y

25 revenir rapidement. Ma consoeur me corrige c'est une lettre ce n'est pas

26 une décision. Il n'en demeure pas moins que vous avez maintenant ce

27 document sous les yeux, n'est-ce pas ?

28 R. Oui, oui, tout à fait. Vous avez raison.

Page 1417

1 Q. C'est une lettre qui vient de la protection civile, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Il semblerait que du fait, que la précédente décision dont j'ai parlé

4 précédemment n'avait pas été appliquée et qui remontait au mois de novembre

5 1992, cette lettre --

6 R. Il est sans doute très probable que ce soit le cas.

7 Q. Bien. De cette lettre il ressort finalement que les deux unités de

8 lutte contre l'incendie se séparent, l'une de l'autre ?

9 R. Non, je ne suis pas d'accord avec cela. Lisez la décision relative à la

10 création de l'unité de lutte contre le feu et la décision relative à la

11 création de son commandement, et vous constaterez que la compagnie de lutte

12 contre le feu n'est mentionnée nulle part. Elle n'est mentionnée que dans

13 la décision du 22 janvier 1993 puisque l'ordre n'a pas été exécuté, il est

14 tout à fait normal et logique que la lettre soit telle qu'elle est. C'est

15 la chose que je pouvais attendre cette réaction puisque j'ai dit dès le

16 début et je l'ai répété à plusieurs reprises que nous n'avons pas appliqué

17 l'ordre du 22 janvier.

18 Q. Exactement. C'est exactement ce que voulais dire -- et vous l'avez fait

19 beaucoup mieux que moi encore. Dans ma question, j'avais indiqué qu'il

20 semblait ressortir du document que la non application de l'ordre remontait

21 au 17 novembre 1992; est-ce que c'est bien le cas ?

22 R. Non, nous ne sommes pas d'accord. Non, non, nous n'avons pas le même

23 avis là-dessus.

24 Q. Bien. Nous n'avons pas le même avis sur ce point, nous ne sommes pas

25 d'accord, mais ce que je vous dis, Monsieur, c'est sans doute ce que je me

26 suis efforcé de faire comprendre avec peut-être moins de succès que je ne

27 l'espérais. Ce que je voulais dire c'est que si l'on examine ces documents

28 chronologiquement on constate que la municipalité de Mostar s'efforçait de

Page 1418

1 renforcer les unités de lutte anti-incendie; est-ce bien le cas ?

2 R. Oui, dans la mesure où il est question de création, de mise en place,

3 d'unité professionnelle de lutte anti-incendie.

4 Q. Très bien. Très bien. A un certain moment, des décisions ont été prises

5 qui n'ont pas été exécutées ?

6 R. Je répète encore une fois que nous n'avons pas appliqué cette décision

7 et j'ai dit pourquoi. D'abord, parce que cela était tout à fait normal pour

8 dire le moins que nous ayons reçu la décision du 17 novembre, nous ne

9 l'avons pas reçu. La seule décision que nous avons reçue était celle du 22

10 janvier; celle-là nous ne l'avons pas appliquée car il était dit très

11 clairement que des moyens étaient mis à la disposition des équipes

12 professionnelles de lutte anti-incendie et que l'unité était démantelée.

13 Donc, puisqu'il n'y avait plus d'unité, il n'y avait plus d'équipement

14 dépendant de cette unité. Voilà ce que signifiait sur le fond cette

15 décision.

16 Q. Mais ce que je vous dis, Monsieur, c'est que ces décisions n'ont rien à

17 voir avec les événements survenus, le 9 mai 1993 ?

18 R. Laissons cela aux historiens. Cette question nous devons la laisser aux

19 historiens qui vont l'étudier. Je ne souhaite pas me fatiguer à étudier

20 cette question et la Chambre n'a pas à se fatiguer pour le faire non plus.

21 Q. Très bien. D'accord. Deux ou trois autres petits points maintenant. A

22 partir du 13 juin 1992, vos responsabilités ont diminué, n'est-ce pas ?

23 R. Je ne sais pas si c'est à partir du 13 juin, mais cela s'est passé en

24 tout cas au mois de juillet; cela c'est sûr.

25 Q. D'accord, juillet. Mais là nous parlons bien de 1992, n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Je suppose que cela a dû être un choc assez pénible pour vous compte

28 tenu des services que vous aviez fournis, des dangers que vous aviez

Page 1419

1 affrontés, serait-ce une bonne manière de dire les choses ?

2 R. Je ne suis pas d'accord avec vous, si vous me le permettez. Je serai

3 bref, mais je vais vous dire ce qui suit : ce qui a été pénible pour nous,

4 ce n'est pas la décision -- pour moi, ce n'est pas la décision relative à

5 mon remplacement à mon poste; ce qui m'a blessé c'est que je ne savais pas

6 ce que j'allais faire par la suite. Je suis resté comme toujours sans plume

7 parce qu'un ordre oral existait dont je n'avais pas connaissance, mais, en

8 vertu de cet ordre, je ne devais plus être autorisé à conduire un véhicule

9 de lutte anti-incendie. Donc, si j'étais de service, je ne pouvais pas

10 communiquer et collaborer avec mes collègues. Tenez bien compte de cela, je

11 vous prie. Ce qui m'a blessé c'est que je suis resté dans l'incertitude et

12 qu'il fallait qu'une nouvelle décision soit prise officiellement pour qu'il

13 soit bien clair que j'étais membre de l'Unité de Lutte anti-incendie. Voilà

14 ce qui m'a blessé car je ne savais pas qu'elle serait mon sort à l'avenir.

15 Puis en deuxième lieu, je dirais que personne ne se voit placer à un poste

16 particulier pardieu de façon permanente.

17 Q. Très bien. Lorsque vous avez été remplacé à votre poste en tout cas au

18 vu du nom que vous avez prononcé hier, il semble que vous avez été remplacé

19 par un Musulman, n'est-ce pas, un homme plus jeune ?

20 R. Oui, oui, oui, plus jeune que moi de dix ans.

21 Q. En fait, si j'ai bien compris ce que vous avez déclaré, il avait été

22 question de mettre un Croate à votre place, les Musulmans s'y sont opposés

23 et finalement l'homme qui fut choisi était un homme plus jeune que vous,

24 peut-être moins expérimenté, moins sage que vous, compte tenu des

25 responsabilités qu'impliquaient ce poste, n'est-ce pas ?

26 R. Il est exact que le candidat proposé était Miroslav Mrdja. Il avait été

27 proposé pour commander cette unité à la place de Meho Kekic. Mais,

28 apparemment, deux membres du groupe ethnique musulman s'y sont opposés et

Page 1420

1 ils faisaient partie de la protection civile et leur position a été

2 soutenue, et c'est M. Kekic qui a été nommé à ce poste. Mais si vous parlez

3 de l'âge, Miroslav Mrdja était beaucoup plus jeune que Meho, encore plus --

4 encore davantage plus jeune que moi.

5 Q. Ces deux hommes qui faisaient partie de la protection civile étaient-

6 ils membres du Parti SDA par hasard ?

7 R. Je ne pense pas qu'ils faisaient partie de quelque parti politique que

8 ce soit. Très franchement, je ne crois pas qu'ils étaient membres d'un

9 parti politique.

10 Q. D'accord. J'ai encore quelques petites questions à vous poser. A un

11 moment déterminé, un gouvernement civil a été créé à Mostar est; c'est bien

12 cela ?

13 R. Oui, en juillet 1993.

14 Q. C'est à peu près à ce moment-là que du point de vue de son

15 gouvernement, la ville s'est trouvée, en fait, divisée. Il y avait deux

16 pouvoirs locaux; un qui agissait à l'est, et l'autre à l'ouest.

17 R. Oui, c'est exact. Mais ne pensez pas que la situation soit meilleure

18 aujourd'hui. Tout est relatif.

19 Q. Je ne parlerai pas de la situation actuelle. Mais en tout cas, à

20 l'époque, les combats étaient en cours, il y avait des pilonnages, des tirs

21 de tireurs embusqués d'une partie de la ville sur l'autre et vice versa.

22 R. Oui, oui.

23 Q. Je suppose et je le dis très sincèrement que cette période a dû être

24 particulièrement pénible pour vous, personnellement vous qui étiez pris au

25 milieu de la tourmente.

26 R. Très franchement, cette époque m'a été pénible en raison de la

27 complexité de la situation. On manquait de sources d'énergie, on manquait

28 d'eau, on manquait de vivres. Les pilonnages étaient incessants. Voyez-

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1 vous, ma maison est distante de 800 mètres à peu près du siège de l'unité.

2 Pour rejoindre le siège de mon unité, il fallait que je coure et que je

3 m'arrête dans ma course à cinq endroits différents pour éviter les tirs de

4 tireurs embusqués. Je pense que cela vous parlera suffisamment. Vous voyez,

5 pour courir 800 mètres au pas de course, il fallait que je m'arrête à cinq

6 endroits pour m'abriter, pour sauver ma vie, sinon, j'étais une cible

7 offerte aux tirs des tireurs embusqués.

8 Q. Bien, bien. Mais cela devait être difficile pour vous. Vous étiez

9 Serbe, la JNA, ou plutôt les Serbes, donc, attaquaient la ville. Il y avait

10 les deux parties belligérantes en présence et, finalement, vous vous êtes

11 trouvé au milieu, tentant de trouver une place pour vous, et ce, en dépit

12 du fait que vous-même et votre famille résidiez à Mostar depuis plusieurs

13 générations.

14 R. Je vais vous parler très franchement. S'agissant des rapports humains,

15 je ne me suis jamais senti aussi sûr qu'à ce moment-là. Ne l'oubliez

16 jamais. En tant qu'homme dans mes relations avec d'autres hommes, je ne me

17 suis jamais senti aussi sûr, parce qu'il y a eu plusieurs brutes, pour

18 utiliser un mot modéré, qui ont essayé d'attaquer ma maison, d'attaquer ma

19 femme, et ces sont des Bosniens qui les ont arrêtés, des Bosniens qui

20 occupaient des fonctions importantes en ville et qui ont protégé ma

21 personne, ma famille et ma maison. Ce genre de violence ne s'est plus

22 reproduit depuis ce moment-là jusqu'au jour d'aujourd'hui. C'est la vérité

23 que je vous dis.

24 Je ne me suis jamais senti plus sûr sur le plan humain qu'à cette

25 époque-là, car j'étais comme j'étais connu d'un très nombre de personnes en

26 ville. Ils me connaissaient avant la guerre et ils avaient du respect et de

27 la considération pour moi et pour tout ce que j'avais fait. J'ai donc eu

28 une grande reconnaissance personnelle, si je puis m'exprimer ainsi.

Page 1422

1 Q. Mais en dépit de tout cela, lorsque vous êtes apparu portant un talkie-

2 walkie dans votre main une nuit, ce sont vos amis, vos voisins qui vous ont

3 interrogé quant aux raisons pour lesquelles vous possédiez ce talkie-

4 walkie.

5 R. Oui, oui. Je vous ai dit qui étaient ces personnes et je vous ai dit

6 pourquoi ils ont effectué ce contrôle. Peut-être ai-je simplement oublié de

7 dire que mon épouse est Croate, ce qui à l'époque était un peu ennuyeux

8 également, compte tenu de l'environnement dans lequel j'habitais, car la

9 plupart des gens qui habitaient dans mon voisinage étaient des Serbes. La

10 population dans mon quartier était majoritairement serbe.

11 Q. Merci beaucoup. J'apprécie l'échange de vue que nous avons eu l'un avec

12 l'autre. J'espère que vous ne m'en voudrez pas de vous avoir peut-être

13 poussé un peu dans vos derniers retranchements. Je vous souhaite un bon

14 voyage de retour à Mostar.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

16 Président.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous demandez l'admission de

18 quelles pièces ?

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Si vous me le permettez, j'aimerais demander

20 le versement de mes pièces à la fin de l'intervention de tous les conseils

21 de la Défense, si cela ne vous ennuie pas.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, il nous reste une heure. Prochain qui

23 intervient ? Allez-y.

24 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'espère

25 pouvoir en terminer rapidement de mon contre-interrogatoire.

26 Contre-interrogatoire par Mme Nozica :

27 Q. [interprétation] Monsieur Pejanovic, bonjour.

28 R. Bonjour.

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1 Q. Je m'appelle Senka Nozica et je défends M. Bruno Stojic.

2 Je voudrais d'abord vous interroger au sujet de vos rapports avec vos

3 collègues de la partie ouest de la ville, ce dont nous parlons déjà depuis

4 deux jours, et ce, dans la période couvrant l'année 1992, date à laquelle

5 vous êtes passé du côté occidental, et que vous nous parliez donc des

6 événements du 9 mai 1993, y compris ce que vous avez déjà évoqué, lorsque

7 vos collègues se sont trouvés dans un "no-man's land" entre les deux

8 parties de la ville et que vous êtes allé les rejoindre.

9 Pouvez-vous nous dire quel rapport vous entreteniez avec vos

10 collègues autres sapeurs-pompiers. Etaient-ils convenables à ce moment-là ?

11 R. Oui. Très convenables, et je le dis en toute responsabilité.

12 Q. Vous nous avez expliqué les événements du 9 mai 1993, date à laquelle

13 vous êtes allé rejoindre vos collègues qui se trouvaient non loin de

14 l'Hôtel Bristol, dans la rue Santica. Si je me souviens bien de ce que vous

15 avez dit, vous avez déclaré qu'ils vous ont rejoint pendant un certain

16 temps avant que la situation n'évolue.

17 R. Oui, oui. C'est vrai. Ils ont y compris partagé de la nourriture, les

18 matelas et les cigarettes. Nous partagions tout, soyez-en sûr.

19 Q. Très bien. Est-ce que nous pouvons constater également que le fait que

20 vous vous trouviez sur la rive droite et que la ville était divisée en

21 secteurs comme vous l'avez dit était une réalité ? Est-ce qu'il y avait en

22 raison de cela une animosité, ou une pleine et entière confiance entre

23 vous, dans le secteur où vous vous trouviez par nécessité et dans lequel se

24 trouvait votre unité ? Est-ce que vos collègues avaient confiance en vous ?

25 R. Je vous remercie de poser cette question. J'aimerais que mes collègues

26 se trouvent ici pour vous en parler, notamment,

27 M. Vlado Babic qui, jusqu'à il y a peu, commandait une Unité

28 professionnelle de Lutte anti-incendie. Je pense qu'il est le mieux placé

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1 pour vous expliquer cela. Permettez-moi de faire preuve d'un manque de

2 modestie en vous disant qu'aucun de mes collègues bénévoles faisant partie

3 de l'unité et travaillant avec les sapeurs-pompiers professionnels n'a eu

4 le moindre mot négatif à mon égard ou à l'égard de ce que je faisais. Il

5 n'y avait aucune raison d'agir ainsi, car je n'ai jamais rien fait dont je

6 pourrais avoir honte ou qui risquerait de susciter la critique chez autrui.

7 Permettez-moi de vous dire que je fais partie d'une centaine ou même d'un

8 millier d'hommes qui très tôt ont obtenu un certificat de l'Union

9 européenne. Voyez-vous, je l'ai ici dans ma poche, si cela a la moindre

10 importance pour vous. C'est un document de la FORPRONU qui a été distribué

11 à 1 500 personnes. Je suis l'un des détenteurs de cette carte, Mesdames et

12 Messieurs. Son numéro est le numéro 145. Donc, j'étais la

13 145e personne qui s'est vu émettre ce permis, cette carte qui me permettait

14 de passer de l'autre côté et de franchir le pont. Je vous prie de m'excuser

15 d'avoir parlé de "l'autre partie de la ville", mais ce document me

16 permettait en tout cas d'aller de l'autre côté. C'est un document qui est

17 très cher à mon cœur et qui me permettait de bénéficier d'une escorte, et

18 cetera. Vous voyez, cette carte avait une grande importance.

19 J'ai également reçu une carte similaire de l'Union européenne très tôt

20 également. Une fois que le conflit s'est terminé, même à l'époque où la

21 "frontière" se trouvait au niveau du grand magasin, il fallait avoir un

22 permis spécial signé par les dirigeants du MUP des deux côtés pour pouvoir

23 franchir la rivière et passer d'une rive à l'autre. J'ai eu l'autorisation

24 de le faire et je vous jure qu'à l'époque, personne, vous n'auriez jamais

25 pu quelqu'un qui aurait dit un mot négatif à mon égard. J'en suis très fier

26 et très heureux.

27 Q. Très bien. J'en suis absolument certaine. Vous étiez quelqu'un de très

28 connu dans toute la ville de Mostar, j'en suis consciente, donc lorsque

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1 vous déclarez que pas un de vos collègues, pas un des habitants de la ville

2 aurait dit quoi que ce soit de négatif à votre égard, cela signifie que du

3 côté droit de la rivière, les gens savaient également qui vous étiez et ce

4 que vous avez fait ?

5 R. Oui, absolument.

6 Q. Revenons sur ce que vous avez dit hier dans votre déposition. Vous avez

7 parlé de la destruction de l'église orthodoxe sur la rive gauche de la

8 Neretva. Répondant aux questions de l'Accusation, vous avez dit quelles

9 étaient les églises orthodoxes qui ont été détruites. Page 63, ligne 16 du

10 compte rendu d'audience de l'audience d'hier, l'Accusation vous demande

11 quelles étaient les églises orthodoxes qui ont été endommagées ou détruites

12 en 1993.

13 Alors, pourriez-vous nous dire aujourd'hui si la mosquée Karadzoz-bey a été

14 endommagée peut-être en 1992 ?

15 R. Oui. Je m'en souviens très bien. Le 11 mai, quand je suis parti en

16 direction de ma maison, donc à partir du moment où j'ai pris la décision de

17 passer de l'autre côté de la ville parce que je me suis rendu compte

18 qu'avec les sauvages qui dirigeaient le secteur, il était impossible de

19 coexister, parce que quand je suis arrivé chez moi dans ma maison, j'ai vu

20 mes voisins serbes qui faisaient leurs bagages et qui partaient, qui

21 quittaient la ville avec leurs familles. Je me suis rendu compte que je ne

22 pouvais rien attendre dans ce secteur, compte tenu de mes positions

23 personnelles.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Lentement, parce que les traducteurs ont du mal à

25 vous suivre. Parlez plus lentement.

26 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Oui, je rentrais chez moi et j'ai vu

28 que le minaret de la mosquée dont vous avez parlé était détruit, je l'ai

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1 dit hier, quand je suis passé devant.

2 Mme NOZICA : [interprétation]

3 Q. Mais c'était en 1992 ?

4 R. Oui, le 11 mai 1992.

5 Q. Maintenant, j'aimerais revenir au début de mon propos. Les églises

6 orthodoxes, combien y en avait-il à Mostar est, à cette époque-là ?

7 R. Votre question est maintenant un peu plus précise, donc, je vais

8 essayer d'être plus précis dans ma réponse. Hier, je n'ai parlé que deux

9 églises : l'église Crkva qui se trouve juste au-dessus de la route M11, et

10 la vieille église qui se trouve à une centaine de mètres, peut-être à 150

11 mètres au-dessus de l'église de Crkva. Elle a des fondations très

12 profondément enfoncées dans le sol. Elle s'est enfoncée peu à peu avec le

13 temps, donc il faut s'approcher très près de l'église pour la voir, pour la

14 remarquer. Mais si nous parlons de toute la municipalité de Mostar et pas

15 seulement de la ville en tant telle, il faut dire que l'église de Bijelo

16 Polje a été détruite et incendiée également. Il faut dire aussi que le

17 monastère de Sipamisa [phon] a été incendié complètement et qu'il a sauté,

18 explosé.

19 Q. Je vais vous dire pourquoi je vous pose cette question, parce que dans

20 votre déposition, vous avez dit qu'à Mostar est, il y avait deux églises.

21 Répondant aux questions de l'Accusation hier, vous avez expliqué que l'une

22 d'entre elles a été d'abord incendiée puis détruite par le HOS ou le HVO -

23 ne revenons pas sur ce détail - mais cette deuxième église qui se trouvait

24 sur la route M11, a-t-elle été détruite ? Si oui, par qui ?

25 R. Vraiment, je ne le sais pas. Vraiment, je ne le sais pas. Nous n'avons

26 aucun renseignement au sujet de l'incendie de cette église. Nous l'avons

27 enregistré en tant qu'incendie, mais nous n'avons pas d'information plus

28 précise. Elle a été incendiée. C'est la vieille église. Mais l'église qui

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1 se trouve juste au bord de la route M11 a d'abord été incendiée, puis elle

2 a explosé sous l'effet d'une bombe.

3 Q. Dans votre déclaration au Procureur, vous avez émis un certain nombre

4 d'hypothèses en disant que cette église avait été incendiée. Maintenant, si

5 vous vous en souvenez, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet de

6 la population des habitants qui habitaient près de l'église. Comment était

7 composée cette population ?

8 R. Oui, j'ai émis des hypothèses, effectivement. Mais je dois dire que

9 dans les environs de l'église, à ce moment-là, il y avait un espace vide,

10 désert. Tous les habitants de ce secteur qui habitaient dans les bâtiments

11 construits sans permis au nord de l'église étaient inhabités, parce que 80

12 % de ces maisons appartenaient à des Serbes du quartier de Nevesinje. De

13 nouvelles maisons ont commencé à être construites, mais comme elles ont été

14 sans permis, les constructions se sont souvent arrêtées et la guerre a

15 ensuite éclaté. Donc, à l'époque, personne n'habitait dans cette zone.

16 Q. Pouvez-vous nous dire quelles sont les hypothèses que vous avez

17 formulées par rapport à l'incendie de cette église ? Qu'est-ce que vous

18 avez dit au procureur en 1992 ?

19 R. C'était en juillet 1992. Mon hypothèse était que c'était le HOS qui

20 était à l'origine de cet incendie. Nous discutions entre nous. Il y avait

21 des bruits qui circulaient quant à ceux qui auraient pu placer l'explosif

22 qui a fait sauter l'église. Mais il y a un homme avec qui j'ai parlé, je

23 peux même vous donner son nom si cela vous intéresse, qui m'a dit : "Je

24 vais te donner une photo de l'église après qu'elle a explosé."

25 Q. Non, le nom ne m'intéresse pas particulièrement. Mais il me semble

26 qu'il faut que nous nous comprenions bien. Dites-moi : qu'est-ce que vous

27 entendez par la vieille église ? Est-ce que c'est au sujet de la vieille

28 église que vous avez fait l'hypothèse qu'elle avait sauté sous l'effet d'un

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1 explosif ?

2 R. Non, je n'ai pas émis l'hypothèse quant au responsable de la

3 destruction de la vieille église, parce que nous n'avons pas eu de rapport

4 d'incendie par rapport à la vieille église. Mais à l'époque, compte tenu

5 des circonstances, parce que cela a sans doute été fait avant Noël 1993 --

6 Q. 1933 ?

7 R. Oui, 1993. Il est fort probable que les auteurs de cet acte étaient les

8 forces bosniennes. Je ne le dis pas avec certitude, mais c'est fort

9 probable.

10 Q. C'est ce que vous dites. Maintenant, j'aimerais vous interroger,

11 puisque je suppose que vous resterez sur vos positions.

12 J'aimerais vous interroger au sujet des ponts de Mostar. Je vais les

13 énumérer, et je vous demanderais de me dire simplement en quelle année ils

14 ont été détruits. Mais ne rentrons pas dans des supputations quant aux

15 responsables de la destruction du pont, du vieux pont de la ville, mais je

16 vous demanderais simplement, s'agissant de tous les ponts que je vais

17 énumérer, quand ils ont été détruits, si vous le savez.

18 Le pont de Lucki ?

19 R. Oui, je le sais, je sais quand il a été détruit, en 1992.

20 Q. Le pont de Tito ?

21 R. Même chose. La même année. Un peu avant ou un peu après le premier

22 pont, mais cela je ne le sais pas.

23 Q. Le pont de Lola Ribar, connu également sous le nom du pont de

24 Carinski ?

25 R. Oui, 1992.

26 Q. Pour le compte rendu d'audience en anglais, j'indique que ce n'est pas

27 Zarinski, mais Carinski. Donc vous en restez à votre réponse pour la

28 destruction de Carinski en 1992 ?

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1 R. Oui.

2 Q. Le pont Zeljeznicki ?

3 R. La même année.

4 Q. Je parlais donc à l'instant du pont Zeljeznicki, qui s'appelle

5 également pont Sutina. Le pont Hasan Brkic ?

6 R. Même année.

7 Q. Le pont des Aviateurs ou pont Militaire ?

8 R. Même année.

9 Q. Le pont ferroviaire dans la partie industrielle de la ville ?

10 R. Vous parlez du pont qui se trouve non loin de la fabrique d'aluminium ?

11 Q. Oui.

12 R. Je crois que c'était la même année. J'aimerais compléter ma réponse, si

13 vous me le permettez.

14 Q. Je vous en prie.

15 R. A l'entrée de Mostar, il y avait un autre pont, le pont Vojna, qui a

16 été détruit la même année ou vers la fin de 1991. Il y a un autre pont à

17 Zitomislici qui, lui, a été détruit à la fin de 1991.

18 Q. Correction pour le compte rendu d'audience en anglais. Zitomislici,

19 c'est le nom du dernier pont qui ne figure pas pour l'instant au compte

20 rendu d'audience, et je considère qu'il est très important que ce nom

21 s'inscrive exactement. Zitomislici, c'est le quartier dans lequel se trouve

22 ce pont. Bien. Merci pour la correction.

23 Ce pont dépendait également de la municipalité de Mostar, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, oui. Vojno est un quartier qui se trouve sur la rive droite, et

25 faisait partie de la municipalité de Citluk alors que le quartier dont vous

26 venez de parler, lui, se trouvait sur la rive gauche et dépendait de la

27 municipalité de Mostar. C'est à ce niveau-là que se faisait la division

28 administrative.

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1 Q. Très bien. Merci de ce complément d'information. Donc, le premier pont

2 se trouve non loin de la pompe -- de la station de service et le deuxième

3 pont est dans le quartier de Zitomislici; c'est bien cela ?

4 R. Oui.

5 Q. Maintenant, j'ai encore deux brèves questions à vous poser. Hier, vous

6 avez parlé d'une valve. Vous avez dit qu'il était possible de la régler et

7 qu'elle n'était sans doute pas fermée complètement, que cela était assez

8 heureux, parce que cela vous permettait d'avoir encore un peu d'eau de

9 l'autre côté de la rivière. Est-ce que vous saviez à l'époque où se

10 trouvait cette valve ?

11 R. Absolument, sur la rive droite, c'est certain. Mais je ne sais pas

12 exactement à quel endroit.

13 Q. Très bien. Merci. J'ai encore une question. Hier, vous avez parlé d'un

14 incendie qui a éclaté dans le bâtiment appelé bâtiment Beirut le 23 août

15 1993. Je vous demande de ne pas rentrer dans les détails. C'est un bâtiment

16 résidentiel, n'est-ce pas ? Vous en avez parlé. Vous vous souvenez ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous avez dit ce qui était arrivé au chauffeur qui a quitté son

19 véhicule parce qu'il cherchait un briquet, et vous avez dit ce qui aurait

20 pu lui arriver s'il était resté dans le véhicule. Dites-nous, aujourd'hui,

21 d'après vous, est-ce que le HVO aurait pu être capable de mettre le feu à

22 des camions ?

23 R. Non, non, parce que l'incendie s'était déclaré avant notre arrivée.

24 Mais le pilonnage était toujours en cours, il a continué. Ce qui est arrivé

25 à ce chauffeur, c'est un peu par hasard.

26 Q. Nous sommes en gré de conclure que lorsque l'obus a été tiré et

27 lorsqu'il est tombé, il ne s'est pas écoulé beaucoup de temps entre les

28 deux. Le HVO ne pouvait pas voir votre camion de lutte anti-incendie à ce

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1 moment-là ?

2 R. Non, non, pas la moindre chance. Personne ne pouvait le voir. Le

3 véhicule était en train de passer, il était invisible. Un autre véhicule

4 était tout près du bâtiment. Il n'y avait aucune possibilité de le voir

5 avant. Même si on était tout près, on ne pouvait pas le voir et tirer

6 dessus avec un obus.

7 Q. Merci.

8 Mme NOZICA : [interprétation] Je n'ai plus d'autre questions.

9 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour ne pas perdre de

10 temps - il me semble que nous manquons de temps - je voudrais formuler

11 quelques propos préalables au sujet de mon client. Mon client aimerait

12 poser sept à huit questions à ce témoin, questions de nature militaire et

13 liées au sujet abordé par le témoin dans sa déposition jusqu'à présent. Je

14 vous demanderais si vous accepteriez de lui donner cette possibilité. Après

15 quoi, je pourrai interroger le témoin moi-même. Est-ce que vous permettez à

16 mon client d'interroger le témoin pendant une dizaine de minutes ? Merci

17 beaucoup, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous êtes autorisé, pendant dix

19 minutes, à poser huit questions de nature militaire.

20 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :

21 Q. [interprétation] Monsieur Pejanovic, merci d'accepter de répondre à mes

22 questions. Compte tenu du temps très limité qui m'a été imparti, je vous

23 demanderais de répondre surtout par je sais, je ne sais pas, oui ou non.

24 R. D'accord.

25 Q. Vous avez montré où se trouvait la colline de Hum et d'autres lieux

26 entourant la ville. En 1992, est-ce que la JNA était positionnée sur la

27 colline de Hum ?

28 R. Sur la colline de Hum, oui, absolument.

Page 1433

1 Q. Est-ce que Mostar était encerclée par la JNA à l'époque de tous les

2 côtés ?

3 R. Oui, en gros. Parce que ce n'était peut-être pas tous les côtés en

4 raison de la rive droite, mais tout de même presque.

5 Q. Est-ce qu'il y avait une route qui permettait d'entrer à Mostar ?

6 R. Oui, la route du Salut.

7 Q. Est-ce que pas mal de gens sont morts à cet endroit ?

8 R. De nombreuses personnes. Parce qu'il y avait un virage où il était

9 facile de se cacher pour tirer.

10 Q. Merci. Est-ce que vous savez qu'au mois de mai une opération du HVO a

11 été menée pour libérer la rive droite de la Neretva jusqu'à la fabrique

12 d'aluminium de Soko ?

13 R. Oui, je le sais.

14 Q. Est-ce que vous savez qui a commandé cette opération ?

15 R. Pour vous dire la vérité, je ne le sais pas.

16 Q. Bien. Vous avez dit, je ne le sais pas.

17 R. Non, je ne le sais pas.

18 Q. Merci. Est-ce que vous savez qu'au mois de juin -- ou plutôt mois de

19 mai 1992, le 13 mai, tous ceux qui étaient sur la rive gauche ont été

20 expulsés, enfin presque tout le monde, et envoyés sur la rive droite. Est-

21 ce que cela est vrai ?

22 R. Oui, c'est vrai. Je suis moi-même parti le 11.

23 Q. Merci. Lorsque les gens ont fui en traversant le pont de Tito, y a-t-il

24 eu des gens qui ont sauté dans la Neretva et qui sont morts après cela ?

25 R. Oui, sur le pont, oui, effectivement.

26 Q. Merci. Savez-vous qu'au mois de juin le HVO - et je parle de plusieurs

27 unités du HVO - a libéré Mostar et a franchi la Neretva en quatre lieux

28 différents au mois de juin 1992 ?

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1 R. Je ne le sais pas.

2 Q. Savez-vous qui commandait cette action ?

3 R. Je ne le sais pas.

4 Q. Je le sais.

5 R. Soyez respecté pour cela.

6 Q. Savez-vous que suite à cela, nous disposons d'informations près

7 précises quant aux membres de l'armée qui ont participé à cette

8 libération ?

9 R. Je veux bien croire que vous disposez de ces renseignements.

10 Q. Merci beaucoup. Sur les collines de Mostar est, est-ce que l'armée de

11 la Republika Srpska a maintenu des positions ?

12 R. Oui, à Podvelezje.

13 Q. A Podvelezje ainsi que jusqu'à Stolac.

14 R. Oui. Je connais moins bien ce secteur, mais je le sais compte tenu de

15 gens qui parlaient du fait que les Serbes tenaient des positions là-bas.

16 Q. Donc, c'était en 1992, mai et juin, le HVO, en tant qu'armée organisée

17 à l'époque, a libéré Stolac et tout le secteur jusqu'à la zone située au-

18 dessus de Mostar.

19 R. Oui, oui, cela, je le sais.

20 Q. Avant cela, tous les civils avaient été déplacés sur la rive droite.

21 R. Oui, oui.

22 Q. Merci. Est-ce que cela a impliqué la participation de plusieurs

23 dizaines de personnes ?

24 R. D'un grand nombre de personnes, effectivement, qui ont été déplacées et

25 chassées de chez elles. Certaines ont suivi l'armée de la Republika Srpska.

26 Q. Merci. D'autres questions, maintenant. Si on se tient à l'endroit où se

27 trouvait le siège de votre brigade, l'endroit où votre collègue a été tué,

28 si on se tient au croisement, au carrefour, donc au coin de la rue que vous

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1 nous avez montrée sur le plan, et qu'on fait face à l'ouest, est-ce qu'on

2 voit le bâtiment en verre de la banque ?

3 R. Peut-être qu'on voit juste le haut du bâtiment, mais je n'en suis pas

4 sûr.

5 Q. Très bien. A la fin du conflit, est-ce que vous vous êtes rendu sur les

6 hauteurs où vous pensiez que se trouvait un tireur embusqué ?

7 R. Je n'ai jamais pénétré dans le bâtiment de la banque.

8 Q. Est-ce que l'on aurait pu voir l'endroit où des gens ont été blessés,

9 tués, où un pigeon a été tué à partir de là-haut ?

10 R. Je ne suis jamais entré dans la banque, donc je ne sais pas.

11 Q. Merci. Vous avez réagi à un incendie non loin de la Neretva. Vous avez

12 dit hier que la plupart des tireurs embusqués provenaient du bâtiment du

13 lycée.

14 R. Oui. Je l'affirme fermement.

15 Q. Est-ce que ce secteur, on peut le voir depuis le lycée ?

16 R. On peut voir le bâtiment et les fenêtres. Cela, je suis tout à fait

17 clair là-dessus.

18 Q. Très bien. Est-ce que vous savez qu'un lance-roquettes multiples de

19 fabrication chinoise se trouvait soit sur la colline, soit derrière la

20 colline ?

21 R. Pour vous dire la vérité, je ne suis pas un spécialiste. Je ne suis pas

22 artilleur, donc je ne sais pas vraiment.

23 Q. Il se trouvait derrière. Est-ce que vous avez vu des obus tirés sur la

24 partie sud de Mostar --

25 R. Si vous parlez de Blagaj --

26 Q. Non, non. Est-ce que vous avez vu des tirs d'obus ?

27 R. Si vous parlez de Blagaj, je n'ai pas vu les tirs, mais j'ai entendu

28 atterrir les obus.

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1 Q. Est-ce que vous avez vu les missiles en vol ?

2 R. Oui, ils survolaient nos têtes.

3 Q. Avant qu'ils ne touchent au sol ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous savez que c'est seulement une expertise balistique qui

6 permet d'établir le type du missile utilisé ?

7 R. Pour vous dire la vérité, je n'ai jamais réfléchi à cela. Ce n'était

8 pas important pour la rédaction de mon livre. Je souhaitais simplement

9 décrire les événements.

10 Q. Merci. Pouvez-vous distinguer un fusil d'une carabine de tireur

11 embusqué ? Quelle est la différence entre les deux ?

12 R. J'ai déjà dit qu'un tireur embusqué utilise une arme qui a un bruit

13 beaucoup plus doux.

14 Q. Merci. La seule différence entre une carabine de tireur embusqué et un

15 fusil classique --

16 R. C'est la lunette, la lunette de visée.

17 Q. Merci. Est-ce que vous connaissez la pression atmosphérique, la vitesse

18 du vent ou d'autres facteurs susceptibles d'avoir une incidence sur la

19 trajectoire d'un missile ?

20 R. Je ne sais rien de tout cela.

21 Q. Merci.

22 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] C'est tout ce que je voulais poser

23 comme questions au témoin, Monsieur le Président.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, mais j'en sais pas mal au sujet

25 des missiles sous-marins et de l'artillerie marine, parce que j'ai étudié

26 cela au sein de la JNA 24 mois d'affilée.

27 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de me donner la

28 parole. Je vais essayer d'être assez bref.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Essayez de faire comme M. Praljak. Cela ira beaucoup

2 plus vite.

3 Contre-interrogatoire par M. Kovacic :

4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Pejanovic. Je m'appelle M. Kovacic,

5 Bozidar Kovacic.

6 R. Bonjour.

7 Q. Je représente M. Praljak, qui a usé de son droit de prendre la parole.

8 Q. C'est la raison pour laquelle nous avons avancé plus rapidement.

9 R. Pas de problème.

10 Q. Il y a un certain nombre de choses que je souhaite évoquer avec vous.

11 Je vais tâcher d'être bref. Toutes les fois que cela s'avérera possible, je

12 vous demande de répondre par oui et par non de façon à ce que nous

13 puissions avancer rapidement. Inutile de répéter ce que vous avez dit hier

14 ou ce que vous avez dit aujourd'hui. Ceci figure déjà au compte rendu.

15 Je vais vous poser des questions d'ordre secondaire. Hier, sur la

16 carte, que vous avez abondamment annotée --

17 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le numéro --

18 M. KOVACIC : [interprétation]

19 Q. Il est marqué PD. Vous étiez censé inscrire les chiffres A, B, C, D

20 pour identifier certains endroits près de la colline.

21 R. Oui, je m'en souviens.

22 Q. Si vous le souhaitez, on peut vous placer la carte sur le

23 rétroprojecteur.

24 R. Oui, oui, ça y est, je l'ai sous les yeux.

25 Q. Ces annotations A, B, C et D, vous les avez dessinées sur le bord, dans

26 la marge, mais on ne voit pas les endroits mêmes sur la carte.

27 R. Tout de suite, j'ai dit que cette carte n'était pas suffisamment

28 grande. Dans les grandes lignes, j'ai indiqué où se trouvaient ces endroits

Page 1438

1 près de Mostar.

2 Q. Répondez simplement où sont ces endroits ?

3 R. Ecoutez, j'ai simplement indiqué dans quelle direction cela se

4 trouvait.

5 Q. Vous avez parlé de l'incident qui a eu lieu sur le fleuve Buna là où se

6 trouve Tekija. J'ai juste un point de détail ici, une question à vous poser

7 à ce sujet. Il y avait deux missiles. Ces deux missiles ont touché la

8 colline ?

9 R. Oui.

10 Q. Y avait-il des positions militaires à cet endroit-là ?

11 R. Non.

12 Q. Toute autre installation d'importance ?

13 R. Oui. En dessous, il y avait Tekija et la source de la Buna.

14 Q. A quelle distance ?

15 R. Nos parlons ici de 150 à 200 mètres plus bas. C'est une différence de

16 hauteur ici. Ce n'est pas une distance horizontale; c'est à une centaine de

17 mètres de l'endroit où les missiles sont tombés et la source du fleuve.

18 Q. Vous en avez conclu, si vous vous êtes basé sur quelque chose, que les

19 missiles avaient pris pour cible le bâtiment Tekija ?

20 R. Il n'y a rien d'autre d'intéressant dans cette région. Il n'y a pas de

21 positions, il n'y a pas de - ce n'était pas une région habitée. C'était la

22 seule installation dans ce coin.

23 Q. Cela n'a pas parce que vous n'avez rien vu vous-même, vous ne voyez pas

24 d'autres installations, vous supposez que --

25 R. Non, je ne suppose pas. Je vous le dis, j'affirme qu'il n'y a rien

26 d'autre dans le voisinage, dans le voisinage ou l'endroit où les missiles

27 sont tombés.

28 Q. Nous allons décomposer la question. Vous êtes certain qu'il n'y a pas

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1 d'installations à cet endroit-là ?

2 R. Tout à fait certain.

3 Q. Vous êtes sûr que ces missiles ont pris pour cible précisément Tekija ?

4 R. Non, je ne peux pas affirmer cela. Je n'oserais pas le faire.

5 Q. On a beaucoup parlé du système de la distribution d'eau dans Mostar

6 est. Car il nous faut revenir sur ce point, car sur un plan juridique, ceci

7 est tout à fait pertinent. Tout d'abord, veuillez me dire, s'il vous plaît,

8 ceci : pendant ce conflit qui a commencé au mois de mai et qui s'est

9 poursuivi, est-ce que l'approvisionnement en eau était meilleur dans la

10 partie ouest de Mostar ?

11 R. Oui, très certainement.

12 Q. Vous avez dit que le système de distribution d'eau a été endommagé déjà

13 en 1992.

14 R. Oui, lorsque les ponts ont été minés.

15 Q. Vous avez dit à la page 92 - je dis ceci pour le compte rendu - vous

16 avez dit ceci aux pages 72 et 74 du compte rendu. C'est ce que vous dites,

17 semble-t-il, dans votre déposition, où vous dites qu'après, vous avez

18 improvisé un petit peu. Il fallait raccorder les canalisations.

19 R. Oui. Il fallait des canalisations d'irrigation.

20 Q. Qui a construit cela ?

21 R. C'était des membres de la protection civile.

22 Q. C'était au moment où le HVO était l'autorité civile dans la

23 municipalité ?

24 R. Oui.

25 Q. Donc, on peut dire que c'était le HVO qui était au pouvoir ?

26 R. Oui.

27 Q. Vous venez - pour les besoins du compte rendu d'audience - de faire un

28 signe de la tête. Est-ce un oui ou un non ?

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1 R. Oui. C'est ce que j'ai dit.

2 Q. Merci.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout va bien, Monsieur ? Vous n'êtes pas trop

4 fatigué ? Vous pouvez continuer ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

6 M. KOVACIC : [interprétation]

7 Q. Pourriez-vous nous donner une date approximative pour nous dire à quel

8 moment les autorités municipales ont mis en place ces conduites

9 d'irrigation ?

10 R. Je crois que c'était immédiatement après que les Serbes se soient

11 retirés. Cela devrait être sans doute dans la première partie du mois de

12 juillet. Nous ne nous sommes pas occupés de toutes les intersections en

13 même temps. C'est dans la première moitié du mois de juillet que ces

14 premières conduites d'irrigation ont été installées.

15 Q. En 1992 ?

16 R. Oui.

17 Q. Procédons pas à pas. Je vais vous poser une question directe. Je dois

18 vous dire que tout ceci me semble un petit peu absurde. Premièrement, les

19 Serbes -- non, plutôt le JNA et les réservistes ont détruit les ponts. Je

20 ne parle pas du peuple serbe. Ils ont détruit les ponts, les systèmes

21 d'approvisionnement en eau, toutes formes d'infrastructure qui a déjà été

22 abordée. Le HVO les a chassé de la région. Le HVO a reconstruit ce qu'il

23 pouvait étant donné les circonstances. Ils ont réparé le système

24 d'approvisionnement en eau dans la partie est de Mostar et l'ont raccordé

25 et ensuite, lorsque le conflit a éclaté entre le HVO et l'ABiH, au mois de

26 mai 1993, le HVO a simplement coupé l'eau encore une fois.

27 R. Ceci n'est absolument pas vrai. Désolé.

28 Q. Pourquoi ont-il d'abord réparé le système d'approvisionnement en eau

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1 pour le couper ensuite ?

2 R. Je vous ai déjà dit que c'est aux historiens d'en décider. C'est très

3 facile de comprendre pourquoi cela a été fait. C'est la meilleure punition

4 qui soit.

5 Q. J'ai encore une question à vous poser. C'est une conclusion que vous

6 avez déduite vous-même sur la base des éléments dont vous disposiez à

7 l'époque. Vous en avez conclu que le HVO a coupé l'eau à dessein parce

8 qu'il ne souhaitait pas qu'on puisse utiliser de l'eau du côté est.

9 R. Comment voulez-vous que je comprenne les choses ? On ne pouvait pas se

10 procurer ni d'eau, ni d'électricité. C'était très difficile cette partie-là

11 de la ville. C'était le pire camp au monde.

12 Q. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez vu de vos propres yeux ?

13 Est-ce que vous avez des renseignements directs que ceci était le cas ?

14 R. Je sais que les valves se trouvaient dans des positions où on aurait pu

15 le faire. Ces valves se trouvaient du côté ouest et je sais que dans le

16 côté ouest, l'eau n'a pas été coupée.

17 Q. Quelqu'un d'autre peut-être ?

18 R. Oui, quelqu'un d'autre peut-être.

19 Q. Cette autre entité se trouve de l'autre côté, c'est le HVO ?

20 R. L'armija n'était pas en mesure de couper l'eau pour l'autre côté.

21 Q. Veuillez écouter ma question, s'il vous plaît. Je ne suis pas en train

22 de dire que c'est l'armée qui a fait cela. La seule question que je vous

23 pose c'est celle-ci : tout ce que vous avez dit c'est très bien, mais avez-

24 vous des connaissances vous-même en vertu de quoi c'est le HVO qui a donné

25 un ordre pour que l'eau soit coupée ?

26 R. Je n'ai jamais dit cela.

27 Q. C'est bien ce que je souhaite savoir. C'est votre hypothèse et vous

28 dites que c'est le HVO qui souhaitait couper l'eau.

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1 R. Vous pouvez le comprendre comme bon vous semble.

2 Q. Merci beaucoup. Encore quelques points de détails qui me semblent

3 importants. En ce qui concerne la pièce 09517, vous avez indiqué qu'il y

4 avait deux bouches d'eau; est-ce que vous vous en souvenez ?

5 R. Oui.

6 Q. Nous allons regarder la carte. Ces deux points d'eau qui se trouvaient

7 dans le voisinage de la ligne de démarcation --

8 R. Oui, oui, ils sont tout près de cet endroit.

9 Q. C'est donc une zone de guerre.

10 R. Oui.

11 Q. Si je vous ai bien compris, n'avez-vous pas prétendu que vos véhicules

12 et vos hommes ont été délibérément pris pour cible ?

13 R. C'est ce que j'ai dit hier. Après un certain temps, ils ont commencé à

14 tirer sur cet endroit-là où nous nous approvisionnions en eau et, ensuite,

15 l'eau a cessé de couler et nous nous sommes rendus dans la cour de la

16 société qui distribuait l'électricité.

17 Q. Lorsque vous vous êtes rendus à cet endroit-là. il y avait toujours des

18 combats ?

19 R. Pour être tout à fait -- honnêtement, il y a eu des périodes

20 d'accalmie. Je ne sais pas s'ils étaient en train de se réorganiser ou je

21 ne sais pas, mais il y avait des périodes d'accalmie. On avait presque

22 l'impression que la paix avait été restaurée.

23 Q. Encore une question à propos de l'eau. Je ne souhaite pas que ceci soit

24 mal interprété. A la page 79, ligne 19 du compte rendu, vous avez parlé de

25 la qualité de l'eau et vous avez dit que l'eau était de la couleur du sang.

26 R. Oui.

27 Q. Vous ne voulez pas dire qu'il y avait du sang dans de l'eau ?

28 R. Non. J'ai dit que du chlore avait été mis dans l'eau afin de détruire

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1 les bactéries et c'est la raison pour laquelle l'eau était rougeâtre.

2 Q. Un peu plus tard, à la page 83 du compte rendu, vous avez parlé d'une

3 inondation de la Neretva parce qu'une valve avait lâché ?

4 R. Oui.

5 Q. Etant donné que vous habitez dans la région depuis longtemps, je vais

6 vous demander de dire à la Chambre, s'il vous plaît, à quel endroit en

7 amont du fleuve se trouve ce barrage ?

8 R. Je crois que c'était à deux kilomètres et demi ou à trois kilomètres de

9 l'endroit où nous nous approvisionnions en eau.

10 Q. Tous les barrages étaient sous le contrôle du HVO ?

11 R. Cela n'est pas exact. La partie droite l'était, mais pas la partie

12 gauche.

13 Q. Jusqu'à la ville ?

14 R. Oui, jusqu'à la ville car le 30 juin 1993, l'armée a pris position dans

15 le camp du nord et jusqu'au tunnel de Slahovac.

16 Q. C'est exact, mais qui avait accès à ce barrage ?

17 R. Il n'y avait que le HVO.

18 Q. A ce moment-là ?

19 R. Oui, que le HVO à ce moment-là.

20 Q. Est-ce que vous avez entendu parler d'actes de sabotage contre ce

21 barrage ?

22 R. Seulement lorsque cet événement s'est produit car l'armée se trouvait

23 sur une partie de la rue M17 et derrière la rue M17 et derrière l'usine

24 textile, donc l'armée n'était pas vraiment en mesure théoriquement,

25 j'entends, ne pouvait pas prendre position sur le barrage.

26 Q. Très bien. Savez-vous certaines choses vous-même sur la raison pour

27 laquelle on a fait sauter ce barrage, qui a donné l'ordre de le faire

28 sauter ?

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1 R. Non, je ne dispose pas de tels renseignements. On disait alors que

2 c'était une torpille, ce qui me semble logique. Je pense que ce sont

3 d'autres engins explosifs qui ont été utilisés. Comme je vous l'ai dit,

4 j'ai passé 24 mois dans la marine. J'étais un spécialiste des mines et j'ai

5 été plongeur aussi, mais --

6 Q. Autrement dit, ce n'est pas quelque chose que vous pouvez affirmer.

7 C'est ce que vous dites en somme ? Merci, Monsieur le Témoin.

8 R. Merci beaucoup.

9 Q. Encore une question. D'après mes informations, là où se trouvait le

10 barrage, l'armija, l'ABiH tenait la rive gauche à proximité du barrage et

11 tout ce secteur. Il était possible que l'armija puisse s'approcher vers un

12 côté du barrage alors que de l'autre côté, c'était le HVO qui pouvait s'en

13 approcher.

14 R. Je vous ai dit que les valves, on les avait sautées d'un côté ou sur un

15 des sites mais l'armée n'est même pas parvenue à 100 mètres du barrage même

16 si elle tenait cette rive.

17 Q. Vous n'étiez pas là. Vous n'aviez pas d'information directe ?

18 R. C'est vrai mais j'y suis passé quelques fois. J'avais passé la colline

19 et j'allais jusqu'au polygone de tirs et puis j'allais jusqu'à Vratica au

20 nord.

21 Q. Fort bien. Revenons à Mostar. Vous avez parlé d'incidents, de tireurs

22 embusqués, de pilonnages. Vous avez commencé à discuter de quelque chose et

23 puis, on vous a interrompu. Dans le cadre du conflit qui a opposé le HVO et

24 l'ABiH, à partir du mois de mai 1993, serait-on en droit de dire que les

25 forces serbes -- ou plutôt, la JNA a pilonné aussi bien l'est que l'ouest

26 de Mostar ?

27 R. Je vais essayer de vous donner une explication un peu plus précise. Il

28 est exact de dire que les Serbes ont parfois pilonné la partie est de la

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1 ville, mais dès qu'on a commencé à combattre, à avoir des combats du côté

2 de Foca, en direction après vers Bihac, dans cette partie-là de la Bosnie.

3 C'est comme cela que s'est déroulée la guerre. A ce moment-là, on essayait

4 de dégarnir une partie du champ de bataille pour renforcer une autre

5 partie, alors, s'il y avait quelque chose qui se passait dans une partie en

6 Bosnie, il y avait des mortiers qui tombaient sur la rive gauche à Mostar.

7 On ne savait jamais pendant combien de temps cela allait se passer parce

8 que quand un obus tombe, on attend que le suivant tombe aussi. On ne savait

9 jamais ce qui allait se passer. Dans les cas, aussi, les Serbes a

10 neutralisé un PAM, une mitrailleuse antiaérienne sur la colline Hum, donc,

11 il y n'y avait plus rien qui se passait de ce côté-là, mais les coups de

12 feux reprenaient dans l'après-midi.

13 Q. Très bien. Je n'avais pas terminé ma question. Je ne suis pas un expert

14 et je vous demande ceci pour que vous confirmiez ou infirmez ce que je vais

15 dire. A partir de mai 1993 à Mostar, l'ABiH a pilonné Mostar, le HVO aussi

16 et l'armée à l'ABiH l'a fait, mais est-ce qu'il y a eu d'autres

17 protagonistes qui ont tiré ?

18 R. Les obus serbes ne tombaient pas si souvent. Tant mieux pour la partie

19 est de la ville, c'était les Serbes qui étaient les moins actifs et non pas

20 aussi souvent pilonnés. C'était bon pour nous parce que, sinon, on aurait

21 été attaqué sur deux flancs, sans issue.

22 Q. Fort bien. Vous dites que les Serbes ont moins tiré, mais il leur est

23 arrivé de tirer, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous avez expliqué pourquoi vous étiez de cet avis et vous avez dit que

26 les forces serbes, la JNA avait pilonné les positions du HVO sur la colline

27 de Hum.

28 R. C'est vrai, mais à ce moment-là ce n'était plus la JNA, c'était les

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1 forces serbes.

2 Q. Fort bien, donc, c'était les forces locales.

3 R. Oui. Je fais une distinction très nette ici.

4 Q. Savez-vous à quelle distance se trouvait ces forces serbes par rapport

5 à la colline de Hum, celle qui pouvait pilonner la ville ?

6 R. Les positions serbes étaient à la sortie de la ville en surplomb de

7 Blagaj. La dernière ligne, elle se trouvait disons près de Herceg Stejpan,

8 mais il y avait des kazmat [phon]. Mais il y a aussi un plateau auquel on

9 parvient quand on va de Goranci à Blagaj. Je ne me souviens plus du nom. Il

10 y avait aussi des positions à Cobanovo Polje.

11 Q. Les Serbes se sont servis de quelles pièces d'artillerie pour tirer ?

12 R. A ma connaissance, si je le sais, c'est pour une autre raison. Je pense

13 qu'ils se sont servis de Maljutka à plusieurs reprises.

14 Q. Très bien. Cela m'intéressait. Quelle est la portée utile de cette

15 arme ?

16 R. Je ne sais pas parce que les Serbes étaient du côté est du front, au-

17 dessus de Mostar, dans la direction de la colline de Hum. Ne vous

18 intéressez pas seulement à un seul emplacement. Je ne sais pas d'où on a

19 tiré ces tirs d'artillerie, mais on a tiré, cela c'est un fait.

20 Q. Je ne vais pas revenir à la mort tragique de votre collègue, Jugo, qui

21 a été tué devant vos locaux, ceux qui se trouvaient en face du grand

22 magasin. On vous a posé beaucoup de questions à ce propos.

23 Revenons uniquement sur ceci. Hier, vous avez commencé à en parler, vous

24 avez dit que ceci s'était passé après la conclusion des accords de paix.

25 R. En tout état de cause, cela s'est passé peu de temps après qu'on ait

26 déclaré une trêve.

27 Q. Est-ce qu'on parle ici des accords de Washington ?

28 R. Oui.

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1 Q. Ne revenons pas à la question du film. Nous avons vu cette vue

2 panoramique 360º degrés, c'était la pièce 9139, nous l'avons vu un temps à

3 l'écran. A un moment donné, j'ai vu que, depuis cette rue où se trouvaient

4 vos locaux, tout juste derrière les feux de circulation, j'ai vu à

5 l'arrière-plan lointain en Mostar ouest, à l'hôtel Bristol; vous le savez ?

6 R. C'est tout à fait possible. Effectivement, il est possible de voir de

7 là l'hôtel Bristol car il est plus élevé que les autres bâtiments. Si vous

8 faites un pas à gauche à partir du trottoir, oui, on le voit, cela c'est

9 certain.

10 Q. Est-ce que cela veut dire que cela aurait été un des lieux d'où un

11 tireur embusqué aurait pu tirer ?

12 R. Enfin, J'ai eu un sourire un peu erroné, excusez-moi. Je suppose qu'on

13 ne va pas tirer sur les siens quand même.

14 Q. Je n'ai pas dit qui tirait -- qui aurait pu tirer.

15 R. Bien, c'était l'ABiH qui se trouvait là.

16 Q. Excusez-moi. Ce n'était pas mon intention.

17 R. Ce n'était pas la mienne non plus. Excusez-moi, si j'ai eu ce sourire

18 un peu ironique, mais est la que se trouvait l'ABiH et je suppose qu'elle

19 n'aurait pas tiré sur les siens.

20 Q. Excusez-moi, sincèrement. J'ai simplement relevé que cela aurait pu

21 être ce bâtiment, mais un confrère m'a dit que c'était l'hôtel Bristol. Je

22 croyais que c'était la banque. Je ne savais pas que l'hôtel Bristol se

23 trouvait de ce côté-ci du Bulevar.

24 R. Exact.

25 Q. Je ne le savais pas. Je pensais qu'il était du côté opposé parce qu'il

26 a l'air de se trouver très loin sur la photo.

27 Hier, on vous a posé des questions sur les distances pendant le cas

28 d'incidents précis, vous n'avez pas voulu de donner de détails car il est

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1 difficile d'estimer des distances. Je vais quand même vous donner lecture

2 de certains chiffres que j'ai relevé de la carte. Depuis le bâtiment

3 Razvitak jusqu'à ce qu'on appelle ce bâtiment en verre de la banque, si on

4 va par la route, par les rues jusqu'au pont de Tito, il y a 500 mètres.

5 Est-ce que cela vous semble correct ?

6 R. Je ne sais pas. Je n'en doute pas parce que je vous ai donné comme cela

7 un chiffre approximatif. Je ne voulais pas diminuer ou agrandir cette

8 distance. C'est une réaction spontanée que j'ai eue en vous donnant ces

9 chiffres en brut, mais je crois ce que vous dites puisque vous avez

10 vérifié. Pourquoi est-ce que je douterais de ce que vous dites ?

11 Q. Deuxième distance : depuis la position de Stotina jusqu'au cimetière

12 Harem Saric - c'est le deuxième incident dont on a parlé ici - on passe par

13 le pont le plus proche, cela fait à peu près 700 mètres.

14 R. Oui. C'est ce que je dirais aussi. Cela dépend de l'endroit où vous

15 êtes à Saric Harem, parce qu'il est assez long ce cimetière.

16 Q. Si on est sur le côté sud.

17 R. Oui. J'ai dit qu'on était quelque part au milieu de Saric Harem, de ce

18 cimetière.

19 Q. D'après vous, vous connaissez le coin. Si on disait que c'est à peu

20 près la partie médiane du cimetière ?

21 R. A vol d'oiseau, c'est peut-être un peu différent. Mais, pour ce qui est

22 des armes qu'on peut utiliser de là, vous savez, elle est négligeable cette

23 distance, alors que ce soit 700 ou 800 mètres, peu importe. Surtout, si

24 vous avez une lunette, un fusil de précision, à ce moment-là, peu importe

25 que ce soit 700 ou 800 mètres. Cela fait une différence fait de kilomètres.

26 Il y a peut-être qu'une différence d'une centaine de mètres.

27 Q. A votre avis, c'est sans importance ? On peut dire qu'il y a au moins

28 500 mètres et que tout tireur embusqué pourrait atteindre sa cible.

Page 1450

1 R. Je dirais qu'on était peut-être vers la moitié du cimetière, donc, la

2 différence sera, approximativement, si on fait le calcul du pont à Hasan

3 Brkic jusqu'au début de ce cimetière, la différence est à peine de 50 à 100

4 mètres. C'est l'écart maximum.

5 Q. Mais je vous demandais dans quelle mesure ceci pourrait influer sur

6 l'exactitude d'un tir, du tireur embusqué ?

7 R. Cinquante mètres, cela ne fait pas de différence; maintenant, plus.

8 Q. Prenez le fusil M48. Il pourrait faire mouche à 2 kilomètres. Si vous

9 aviez une lunette, vous pouviez n'importe qui pour cible à cette distance.

10 En tout cas, c'est ce qui se passait quand j'ai fait mon service militaire.

11 Q. Ne nous embarquons pas dans ce débat. Nous sommes en train de perdre du

12 temps. Même si j'ai dit plus ou moins 100 mètres, je parlais du projectile

13 et nous étions d'accord que si on voulait toucher une cible, si un homme

14 visait une certaine cible avec cette arme; 100 mètres sur une distance de

15 500 mètres, cela fait beaucoup. Cela fait un cinquième, disons, de la

16 distance. Vous n'êtes pas un expert en balistique, donc, vous ne savez pas

17 dans quelle mesure ceci peut avoir une influence sur les aptitudes du

18 tireur.

19 R. Non.

20 Q. Merci. Compte rendu d'hier, page 126. Vous avez dû, une fois de plus,

21 faire des annotations sur la carte. Vous y avez apposé la lettre J pour ce

22 qui est de l'incident survenu, je pense, près du palais de justice. C'est

23 ce que j'ai noté. C'était tout près de la ligne de front, de démarcation,

24 la rue Santica. Juste sous la ligne de démarcation.

25 R. J'essaie de le retrouver sur le plan. Je ne le retrouve pas

26 aujourd'hui.

27 Q. Peu importe. Nous allons y revenir plus tard. Mais vous avez inscrit un

28 J.

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1 R. J'ai trouvé. Merci, merci. Excusez-moi. J'ai trouvé.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour combien de minutes encore.

3 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais quand même

4 deux ou trois petites questions mais j'aimerais d'abord ensuite revérifier

5 mes notes. J'ai pris un peu de temps à

6 Me Karnavas, à Me Nozica. Peut-être cinq ou dix minutes, maximum.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez cinq minutes et après, je vous coupe la

8 parole.

9 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Q. Monsieur Pejanovic, ce matin, vers la fin -- et aussi vous avez parlé

11 des positions occupées à Mostar-est par l'ABiH. A Mostar est se trouvait

12 aussi le commandement de l'armija. Vous aviez les positions de l'artillerie

13 également, n'est-ce pas ?

14 R. Oui. C'est vrai pour le commandement mais ce n'est pas vrai pour

15 l'artillerie parce que l'ABiH n'avait pas dans ce secteur d'artillerie.

16 Elle avait bien des mortiers mais elle n'avait pas de canon.

17 Q. L'artillerie ?

18 R. Elle n'avait que des mortiers.

19 Q. Je vois. Fort bien. Qu'en est-il des positions de mortier ? Est-ce

20 qu'elles étaient réparties en fonction de certaines cibles qui ont été

21 souvent prises pour cible ?

22 R. Je peux uniquement parler de deux positions que je connais. Il y en

23 avait une du côté des Serbes ou vers les Serbes et l'autre, surtout qu'elle

24 était face à la partie ouest, disons, au HVO. Mais, je ne sais pas ce qu'il

25 en est des autres positions.

26 Q. C'étaient des unités mobiles, n'est-ce pas, qui ont changé souvent de

27 positions ?

28 R. Oui, effectivement, c'étaient des unités mobiles, mais je ne peux pas

Page 1453

1 vous le préciser parce que je ne suis pas expert. Je ne peux pas

2 m'aventurer dans ce domaine.

3 Q. Page 42 du compte rendu d'hier, ligne 1. Vous avez dit que le poste de

4 police à Mostar-est avait été touché par des tirs d'artillerie venant de la

5 colline de Hum.

6 R. Oui.

7 Q. C'était une cible militaire ?

8 R. C'était un bâtiment de la police. C'étaient des locaux de police. La

9 police, à ce moment-là, n'avait pas encore été divisée.

10 Q. Elle ne faisait pas partie de l'armée ?

11 R. Non, parce que cela s'est passé dans la matinée du 9.

12 Q. Je vois, le 9.

13 R. Oui, oui, le 9. Peut-être que cela a été du côté de midi. Mais en tout

14 cas, c'était le 9 mai.

15 Q. Hier, vous avez mentionné un autre incident. Il y a des gens qui vous a

16 aidé. C'était peut-être la Défense territoriale mais à en juger par la

17 Défense territoriale, vous avez décidé que c'étaient des gens de la Défense

18 territoriale ?

19 R. Mais, c'est ce qu'ils avaient à la manche.

20 Q. Bon, on avait le HVO. On avait l'ABiH. Maintenant, vous avez parlé de

21 résistance de la Défense territoriale, mais, plus tard, vous avez parlé du

22 HOS.

23 R. Il y avait la Défense territoriale depuis le moment où le HVO s'était,

24 tout à fait, organisé et avait pris le contrôle du bataillon. Il y avait le

25 HOS. Je ne sais pas combien il y avait d'effectifs du HOS mais je sais

26 quand Kraljevic a été tué, nous avons été éteindre un incendie du côté de

27 Siroki Brijeg. C'était un incendie de foret ou c'était dans un parc. Les

28 gens du HVO ne nous a pas laissé entrer dans tout le secteur de la maison

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1 de l'évêché.

2 Q. Oui. Pour gagner du temps, je vais vous demander quand c'était ?

3 R. Cela pouvait --

4 Q. Je parle ici de l'intégration.

5 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire.

6 Q. Approximativement.

7 R. Cela a dû être après le 30 juin 1992. C'est à ce moment-là

8 qu'officiellement, le HVO a pris le contrôle des autorités civiles.

9 Q. Merci. Vous avez parlé de M. Kraljevic; n'était-il pas colonel à

10 l'époque, où peut-être était-il général ? Il a été décoré par le président

11 de Bosnie-Herzégovine, par Izetbegovic, n'est-ce

12 pas ? Vous êtes au courant ?

13 R. Non. Croyez-moi, c'est par hasard que je l'ai mentionné ici dans ce

14 contexte. Il ne m'intéressait pas parce que c'est quelqu'un qui a fait son

15 apparition et puis, un jour, il a disparu.

16 Q. Fort bien. S'agissant du HOS, il a existé et disparu. Est-ce que vous

17 saviez qu'il y avait plus de Musulmans que de Croates dans le HOS ?

18 R. Je le sais mais en plus de cela, malheureusement, il y avait aussi des

19 Serbes qui faisaient partie du HOS.

20 Q. Donc, c'était peut-être en fait un groupe pluriethnique.

21 R. On l'appelait comme cela. Mais effectivement, ils étaient Serbes.

22 Q. Très bien. Est-ce que c'était une organisation militaire surtout

23 croate ?

24 R. Je l'ai dit. Effectivement, je pense que les effectifs croates étaient

25 majoritaires et il y avait aussi des Serbes.

26 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.

27 Q. J'aurais voulu vous poser quelques questions supplémentaires.

28 Comme nous n'avons pas le temps, je vous prie, Monsieur le Témoin. Merci

Page 1455

1 beaucoup.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je présume que les autres avocats, pour que les

3 questions posées par les trois avocats; c'est bien cela ? Pas de questions

4 supplémentaires de l'Accusation.

5 M. SCOTT : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, le Juge Mindua a une question à poser.

7 Questions de la Cour :

8 M. LE JUGE MINDUA : Merci, Monsieur le Président. Monsieur le

9 Président, je voudrais que le témoin puisse clarifier brièvement et

10 évidemment un point d'ordre général que je n'ai pas bien compris lors de sa

11 déposition d'hier. Le témoin a dit que, le 9 mai 1993, le conflit a éclaté

12 à Mostar entre les Croates et les Musulmans et que les sapeurs-pompiers de

13 Mostar avaient été sommés de leurs équipements à l'Unité de M. Josip

14 Skutor. Que signifie, selon le témoin, le conflit entre les Croates et les

15 Musulmans, sachant que nous sommes dans la municipalité de Mostar, à cette

16 date le 9 mai 1993 ? Y avait-il deux armées, deux groupes armés, un groupe

17 armé croate et l'autre musulman, lesquels ? Ou s'agissait-il tout

18 simplement d'un membre d'un groupe ethnique qui aurait commencé à

19 rechercher les membres de l'autre groupe ethnique, civil ou militaire, et à

20 les agresser ? Vous avez compris la question ? Essayez d'y répondre.

21 R. Je dois dire, malheureusement, que ce n'était pas un conflit ethnique

22 ou un conflit entre groupes. C'est devenu une guerre significative qui a

23 éclaté et qui a duré près d'un an, en fait huit ou neuf mois. C'est un

24 fait. Malheureusement, une fois de plus, pour la ville comme pour ses

25 habitants, en 1992, ce soi-disant Bataillon de Mostar a été constitué et

26 c'était un signe avant coureur de ce qui allait être plus tard l'ABiH. A un

27 moment donné, là, je pense au Bataillon de Mostar, qui est devenu plus tard

28 l'ABiH, son commandant, son QG a été abrité en partie dans l'immeuble de

Page 1456

1 Vranica et certains des affectifs ont été cantonnés dans l'hôtel Mostar. Au

2 début du conflit en 1993, un groupe de citoyens, vous savez pertinemment,

3 je ne vous dis rien de neuf, 13 citoyens ont disparu de Vranica. On ne sait

4 toujours pas, aujourd'hui, ce qu'ils sont devenus. Il y avait un autre

5 groupe qui se trouvait à l'hôtel Mostar qui a réussi à franchir la ligne de

6 séparation et à s'organiser sous une forme de défense de l'autre côté. A

7 partir de ce moment-là on a commencé la création -- l'établissement de

8 l'ABiH et le MUP qui en était une partie constitutive a été associé ou a

9 rejoint l'ABiH, même si le MUP a fonctionné en tant qu'Unité opérationnelle

10 indépendante, et a fait le genre de travail qu'était censé faire le MUP

11 pour maintenir l'ordre public et le défendre.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : De toute façon, nous aurons l'occasion de revenir

13 sur cette question. Alors, concernant l'admission des pièces. Oui. A moins

14 qu'il y est d'autre question.

15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Avec votre permission,

16 j'aurais peut-être de toutes petites questions à vous poser. Hier, vous

17 avez déclaré que votre bon camion avait aussi bien un gyrophare bleu qu'une

18 sirène, et vous avez dit que vous ne les avez pas utilisés parce que

19 c'était inutile. Pourquoi, à votre avis, était-il inutile d'utiliser cet

20 accessoire ?

21 R. Monsieur le Juge, c'est très simple. A quoi servirait-il d'utiliser ce

22 genre de chose dans une rue déserte ? Parce qu'on pilonne. Pourquoi

23 utiliser la sirène, le gyrophare si vous traversez une ville vide ? Vous

24 n'avez pas rencontré un seul activité jusqu'au moment vous avez vu

25 l'incendie parce qu'on a l'alerte générale. Les gens se sont abrités, se

26 sont réfugiés quelque part. Je vous l'ai dit qu'on avait toujours un

27 couvre-feu on ne pouvait pas sortir. Je le répète, je suis navré de ne pas

28 avoir emporté, emmené mon permis qui me permettait de circuler 24 heures

Page 1457

1 sur 24 parce que j'étais pompier. Donc, nous et le MUP étions la seule

2 exception à ce couvre-feu qui avait été imposé.

3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. Je vous crois sur

4 parole sans même voir ce permis. Deuxième question : le HVO a-t-il jamais

5 été contacté pour qu'on pose des questions à propos des tireurs embusqués ?

6 Est-ce que quelqu'un n'a jamais dit aux autorités du HVO qu'il y avait des

7 tirs de tireurs embusqués qui avaient tiré sur les locaux, le personnel,

8 des sapeurs-pompiers ?

9 R. Honnêtement, je crois l'avoir dit hier j'aurais été le denier à devoir

10 faire ce genre de chose. Je l'ai dit je faisais rapport à la protection

11 civile et aux autorités civiles pour faire état des pertes, des difficultés

12 qu'on avait, et des problèmes, quant à savoir si on suivi les différents

13 échelons de la hiérarchie pour remettre se message. Je ne sais pas. Je ne

14 sais pas que ces autorités faisaient.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Alaburic.

16 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi. Je n'ai

17 peut-être pas bien compris ce qui avait été proposé, mais j'avais pensé

18 qu'il y avait une différence entre l'interprétation en anglais et ce qu'on

19 a eu en B/C/S. Je ne sais pas si nous allons poursuivre lundi l'audition de

20 ce témoin ce qui veut dire que les trois autres équipes qui ont déjà

21 préparé le contre-interrogatoire vont le faire.

22 Si nous n'avons pas l'occasion de contre-interrogatoire ce témoin,

23 j'aimerais demander --

24 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai dit que la Défense, dans sa totalité, devait

25 s'arranger pour terminer l'audience à 13 heures 45. Voilà. C'était ce que

26 j'ai indiqué. Donc, vous deviez, entre vous, vous arrangez. C'est ce que

27 j'ai cru comprendre par le fait que

28 Me Karnavas a pris beaucoup de temps à poser des questions, j'ai donné la

Page 1458

1 parole à M. Praljak et son avocat également continuer, donc, j'ignorais

2 totalement que vous, vous n'étiez pas mis d'accord.

3 Si vous avez des questions fondamentales à poser, je vous autorise pendant

4 les quelques minutes à les poser. Moi-même, j'avais des questions, mais

5 n'oublions pas que le témoin est de santé fragile. Je ne voulais pas non

6 plus l'accabler. Mais, si pour l'exercice du droit de la Défense, vous

7 voulez lui poser des questions pendant quelques minutes, profitez-en, mais

8 des questions fondamentales.

9 Mme ALABURIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je vais

10 respecter et appliquer votre décision. Je voulais simplement que nous nous

11 mettions d'accord sur certaines règles de procédure. A plusieurs reprises,

12 lorsque nous avons parlé des modalités du contre-interrogatoire, vous avez

13 dit qu'il ne serait peut-être pas toujours possible que les équipes de la

14 Défense se mettent d'accord. Pourquoi être d'accord si nous avons des

15 notions différentes, des causes différentes à défendre ? Pourquoi est-ce

16 que nous ne pouvons pas nous mettre d'accord sur cette modalité de

17 procédure ?

18 Voici ce que je propose : nous savons combien il y aura pour le contre-

19 interrogatoire, il faudrait donner une sixième de ce temps à chaque équipe.

20 Il faudrait respecter à la lettre ces durées -- ces temps qui nous seront

21 accordés. Si une autre équipe de Défense marque son accord, peut-être qu'on

22 pourra avoir un crédit ou un peu moins, en fonction des accords conclus

23 entre les équipes de la Défense. C'est comme cela que nous devrions

24 fonctionner pour éviter ce cas de figure.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Il était clair pour moi et ainsi que pour mes

26 collègues que vous deviez vous entendre entre vous pour utiliser le même

27 temps. Maintenant, s'il n'y a pas d'accord, vous proposez la règle un

28 sixième, pourquoi pas ? Pour ne pas porter préjudice à la défense de votre

Page 1459

1 client, si vous avez quelques questions à poser, faites-le tout de suite.

2 Mme ALABURIC : [interprétation] Ceci ne concerne pas seulement que mon

3 client. Il y a aussi Me Jonjic, Me Ibrisimovic. Alors, si vous m'autorisez

4 à poser des questions, il faudrait qu'ils aient le droit de le faire aussi.

5 Je vous remercie.

6 Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :

7 Q. [interprétation] Je m'appelle Vesna Alaburic. Bonjour, Monsieur. Je

8 défends les intérêts du général Petkovic. Conformément à la décision de la

9 Chambre, je vais essayer de vous poser le moins de questions possibles.

10 J'aimerais avoir un éclaircissement sur une chose. Cela concerne le danger

11 auquel vous-même personnellement et les véhicules avaient été exposés dans

12 l'accomplissement des tâches dangereuses qui étaient les vôtres. Hier, en

13 page 56 du compte rendu d'audience, je pense que c'était une erreur qui

14 s'est glissée parce qu'il est écrit que sur la totalité de votre personnel,

15 14 hommes ont été blessés et 15 tués ?

16 R. Non, c'était une erreur. Pas 15 mais 5.

17 Q. D'accord. Est-ce que nous pouvons convenir vous et moi que certains de

18 vos collègues ont été tués alors qu'ils éteignaient des feux et que

19 certains ont été tués simplement parce qu'ils habitaient à Mostar est et

20 qu'il était dangereux d'habiter à Mostar est, à Mostar est où on était

21 exposé à des tirs ?

22 R. Il y a eu peut-être un cas de ce genre. Tous les autres ont été tués en

23 service, alors qu'ils allaient au travail ou revenaient du travail pour

24 rentrer chez eux, ce qui revient au même que d'être en train de travailler.

25 Il y a eu un cas où effectivement un homme est mort d'un grave problème de

26 santé.

27 Q. Oui, je suis d'accord avec vous. Il y a une autre chose que j'aimerais

28 savoir : ceux qui ont été blessés ou tués alors qu'ils éteignaient des

Page 1460

1 feux, je vais reformuler ma question : Edo Dostovic a-t-il bien été

2 blessé ?

3 R. Oui.

4 Q. Alija Jakupovic, deux fois ?

5 R. Oui.

6 Q. Emir Vilic ?

7 R. Oui.

8 Q. Mirzo Bratic ?

9 R. Oui.

10 Q. Elvir Demic ?

11 R. Oui.

12 Q. Selon les renseignements fournis par vous, Mirzo Bratic a également été

13 blessé, sans aucun rapport avec le fait d'éteindre un feu.

14 R. Il a été blessé une fois alors qu'il éteignait un feu, cela je l'ai

15 dit, parce qu'il y a un morceau de béton qui, au moment où il éteignait le

16 feu, s'est détaché du bâtiment et l'a touché à la tête. C'était un peu sa

17 faute parce qu'il ne portait pas de casque.

18 Q. Les cinq noms que je viens d'énumérer, sur lesquels vous et moi avons

19 convenu qu'ils ont été blessés en éteignant des feux, est-ce qu'il y avait

20 un autre de vos collègues qui aurait été blessé ou tué en éteignant des

21 feux ?

22 R. Tué, non, blessé, oui. Je dirais "heureusement," ces blessures n'ont

23 pas eu de conséquences. Il y a eu un éclat d'obus qui a frappé un homme et

24 l'a juste coupé un petit peu. Il y a une balle qui a frappé en surface un

25 homme et elle ne l'a pas trop blessé. Il y a un autre homme qui a reçu un

26 éclat d'obus dans le bras. Il s'agit d'un certain Miodrag Kandic, qui

27 éteignait un feu en 1992, et cette blessure ne cicatrisait pas parce qu'il

28 y avait un morceau de cet éclat d'obus qui était toujours resté dans sa

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1 chair.

2 Q. Merci beaucoup. Vous avez dit et écrit dans votre livre que vous

3 disposiez d'un véhicule, un camion TAM 125 et d'un autre véhicule Zastava

4 650 ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous disposiez également d'une Lada Niva.

7 R. Oui.

8 Q. Pour autant que j'ai pu le comprendre, vous avez disposé de ces

9 véhicules pendant tout le temps ?

10 R. Oui. Une majorité du temps, mais de temps en temps il y a avait un

11 véhicule ou un autre qui ne fonctionnait pas.

12 Q. Qui ne fonctionnait pas principalement, si j'ai bien compris, en raison

13 de problèmes assez légers tels que des pneus dégonflés, et cetera. Mais

14 aucun de ces véhicules n'a été empêché de fonctionner en raison d'un tir

15 d'artillerie ?

16 R. Non, non, d'ailleurs, je l'ai dit. Un obus d'artillerie a frappé un

17 jour un de nos véhicules, accidentellement. C'était un obus de mortier et

18 cela n'était pas fait délibérément.

19 Q. Nous avons entendu cela. Nous avons entendu que cet obus a frappé le

20 véhicule en question. Est-ce que ce véhicule a été totalement détruit ?

21 R. Il a été inutilisable pendant longtemps. Après cela, il a été gravement

22 endommagé. Nous avons dû investir pas mal pour le remettre en état de

23 fonctionnement, après quoi d'ailleurs nous l'avons de nouveau perdu. Il a à

24 nouveau été détruit.

25 Q. Parlons maintenant des véhicules endommagés et des blessures subies par

26 vos hommes. Pouvez-vous établir un lien entre ce que vous avez dit dans

27 votre déposition quant au fait que les hommes étaient exposés tous les

28 jours à des tirs de tireurs embusqués, à des obus de mortier, et cetera,

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1 vous le dites en page 51 de votre livre, et le fait que vos véhicules

2 étaient exposés à des tirs d'artillerie ou a des tirs d'obus antiaériens,

3 et cetera. Au vu de ces données relatives aux dommages subis par vos

4 véhicules et aux blessures subies par vos hommes, il est permis de conclure

5 que ceux qui tiraient sur votre brigade étaient soit de très mauvais

6 tireurs, soit des gens qui ne vous prenaient pas vous comme cible. Est-ce

7 qu'il est permis de tirer cette conclusion ?

8 R. Non, je ne serais pas d'accord avec vous. Je dirais que ces hommes qui

9 tiraient étaient très doués et que l'artillerie utilisée était une

10 artillerie de guerre. Je pense que ce qui s'est passé c'était simplement le

11 fait du hasard ou de la chance, comme vous voudrez bien l'appeler. Parfois

12 on survit à des situations très dangereuses simplement parce qu'on a de la

13 chance. Quand je pense que tout cela était le résultat de la chance mais

14 pas d'un manque de talent de la part des tireurs. Je ne changerais rien à

15 ce que j'ai écrit dans mon livre.

16 Q. Non, non, non, bien sûr. Absolument. Il me semble que vous ne doutez

17 pas de la compétence du talent des hommes qui faisaient usage d'armes

18 d'artillerie, et puisque la plupart de vos véhicules étaient opérationnels

19 --

20 R. Non, non, non, pas tout le temps. Il y a eu des moments où des

21 véhicules ont été inutilisables pendant plusieurs jours d'affilée. Parfois

22 on avait qu'un ou deux véhicules à peine. Cela dépendait de la situation du

23 moment et des dommages subis par nos véhicules jusqu'à ce moment-là.

24 Je vais vous donner un exemple : si la batterie ne fonctionne pas et qu'on

25 ne peut pas s'en procureur une autre immédiatement, on se trouve sans

26 véhicule. Si vous avez un véhicule dont la batterie ne fonctionne pas, on

27 ne peut pas se servir du véhicule. Tout ce qu'on peut faire dans cette

28 malheureuse guerre, c'est de toute façon de faire des choses qu'on n'a pas

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1 envie de faire. On devient beaucoup moins mobile et on peut moins se

2 déplacer.

3 Q. Vous conviendrez avec moi que le HVO était relativement bien équipé,

4 qu'il disposait d'armes d'artillerie, qu'il avait les moyens nécessaires

5 pour éventuellement atteindre les cibles qu'il choisissait de viser.

6 Conviendrez-vous avec moi quant au fait que le HVO n'avait aucunement pour

7 objectif d'empêcher les sapeurs-pompiers, combattant les incendies, de

8 travailler car finalement vous avez toujours eu certains moyens à votre

9 disposition en permanence ?

10 R. Je vais essayer d'être bref, mais de vous répondre de la façon la plus

11 convenable qu'il soit. Vous savez quand un secteur est de petite taille, le

12 fait qu'on vous vise directement ou qu'on ne vous vise pas directement,

13 qu'on vous prenne pour cible directement ou pas, n'a guère d'importance.

14 Lorsque le territoire, lorsque le secteur est de petite taille et que vous

15 êtes tout près de quelqu'un qui est victime d'un tir, ou tout près de la

16 cible qui est visée, vous êtes autant en danger que la cible en question.

17 Par exemple, l'hôpital de guerre, nous étions souvent dans le voisinage de

18 l'hôpital de guerre et, bien sûr, cela nous exposait à un danger très

19 important même si nous nous n'étions pas la cible spécifique du tir qui

20 visait en fait l'hôpital de guerre.

21 Je vais vous donner un autre exemple : dans le grand magasin dont j'ai

22 parlé, il y avait une cafétéria, donc, il était suffisant qu'ils prennent

23 pour cible cette cafétéria qui était visitée tous les jours par pas mal de

24 gens pour que vous courriez un danger très grave. Il n'était pas absolument

25 indispensable que ce soit vous qu'on prenne pour cible. Vous étiez de toute

26 façon en danger.

27 Q. Mais ce grand magasin, c'est bien le magasin Razvitak, et il a été

28 détruit, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. Je veux dire pas détruit, en fait, mais en tout cas, touché, touché par

3 des tirs, donc pris cible au préalable.

4 R. Oui. Son aile principale a été détruite. C'était un bâtiment où il y

5 avait aussi 64 appartements d'habitation qui étaient construits au-dessus

6 du grand magasin et qui ont été détruits.

7 Q. Mais la cafeteria ou la cuisine publique a-t-elle continué à

8 fonctionner ?

9 R. Oui, parce qu'elle se trouvait dans la partie sud-est du bâtiment. Les

10 gens qui travaillaient là dans des conditions très difficiles n'avaient pas

11 d'autre endroit où manger, donc ils ont continué à l'utiliser.

12 Q. Monsieur Pejanovic, compte tenu des circonstances, je n'aurai que

13 quelques petites questions à vous poser maintenant, et je vous demanderais

14 d'abréger au maximum vos réponses.

15 Lorsque vous vous rendiez sur le front pour éteindre un feu, vous en parlez

16 dans votre livre, vous dites que les tirs se poursuivaient en dépit de

17 votre présence. Vous avez décrit également votre arrivée à un endroit qui

18 était tout près de la ligne de front. Vous en avez même conclu qu'alors que

19 les combats faisaient rage sur le front, votre arrivée incitait parfois les

20 tireurs à intensifier les tirs.

21 R. Votre conclusion est tout à fait exacte. C'est exactement ce qui se

22 passait.

23 Q. Pouvez-vous nous expliquer, s'agissant de votre capacité à accomplir la

24 tâche qui était la vôtre, s'il n'aurait pas été plus rationnel d'attendre

25 la fin des combats avant d'aller éteindre les feux.

26 R. Madame, je vais vous dire une chose. Ces bâtiments où nous allions

27 éteindre des feux abritaient des membres du MUP de Bosnie-Herzégovine, donc

28 si nous avions laissé ces bâtiments flamber jusqu'au bout, ils n'auraient

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1 plus eu d'endroits où s'abriter, chère Madame. Donc nous y sommes allés

2 immédiatement, nous avons essayé d'éteindre le feu, et d'ailleurs, lorsque

3 nous agissions ainsi, il nous arrivait même parfois de réussir.

4 Q. Très bien. Encore une question au sujet du grand magasin Razvitak.

5 Pouvez-vous nous dire, je vous prie, qui est responsable de la destruction

6 de ce bâtiment qui abritait un grand magasin ainsi qu'un certain nombre

7 d'appartements ?

8 R. Bien, voyez-vous, les appartements ont brûlé en 1992, mais il est resté

9 l'ossature de la construction du bâtiment. Elle est restée debout. A un

10 certain moment, il y a eu un pilonnage, et le pilier principal du bâtiment

11 a été atteint. Je vais maintenant vous rapporter des propos qu'on

12 entendait, des rumeurs qui circulaient. Tout le monde disait que le

13 bâtiment était très dangereux, qu'il faisait courir un danger à tout le

14 monde. Plus tard, ce qui restait de ce bâtiment a donc été démoli pour des

15 raisons de sécurité. Enfin, il en reste encore une partie qui est habitée

16 par des locataires privés.

17 Q. Est-ce que nous pouvons nous mettre bien d'accord sur certaines

18 définitions ? Quand vous parlez du bâtiment qui a été endommagé, est-ce que

19 vous avez en tête la JNA et les forces des Serbes de Bosnie; c'est bien

20 ça ?

21 R. Je crois que les tirs venaient bien de la direction où étaient

22 stationnées ces forces, parce que quand on fait face au bâtiment, on voit,

23 du côté est, des appartements ainsi qu'un certain nombre d'appartements à

24 l'ouest. Si vous voulez davantage de détails, je dirais que je suis assez

25 d'accord avec vous pour dire que les appartements ont brûlé du côté est et

26 que ce sont les Serbes qui étaient sans doute responsables de cela, tout

27 comme de l'incendie des appartements situés à l'ouest.

28 Mme ALABURIC : [aucune interprétation]

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : -- une ou deux questions, parce que le temps court.

2 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je me rends bien compte

3 que le temps court, mais bon, d'accord, je vais me limiter à deux ou trois

4 questions, si vous me le permettez, mais j'avais prévu d'en poser beaucoup

5 plus.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

7 Président, mais il faut vraiment que j'aille aux toilettes. Cela fait un

8 moment que je supporte et je ne peux plus supporter.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire une interruption de dix minutes, le

10 temps qu'il aille aux toilettes.

11 --- L'audience est suspendue à 14 heures 18.

12 --- L'audience est reprise à 14 heures 28.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En raison de la bande, il nous reste dix

14 minutes de bande, donc je donne cinq minutes à Me Jonjic, et sept minutes à

15 Me Ibrisimovic. Allez-y.

16 M. JONJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Contre-interrogatoire par M. Jonjic :

18 Q. [interprétation] J'ai deux ou trois questions à vous poser au nom de M.

19 Valentin Coric. Si vous répondez rapidement, nous en aurons terminé dans

20 cinq minutes. Votre unité de sapeurs-pompiers faisait partie de la

21 protection civile, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. A l'époque, en temps de menace imminente de guerre ou en temps de

24 guerre, quelle est la position, sur un plan juridique, de la protection

25 civile ? Quel est son rapport avec les autorités ?

26 R. Ecoutez, très honnêtement, vous êtes la première personne à me poser la

27 question. Le rapport était mal défini et ces rapports n'étaient pas bons.

28 Q. Nous n'allons pas rentrer dans de longues explications étant donné que

Page 1468

1 nous n'avons pas beaucoup de temps, mais pour ce qui est de votre niveau de

2 responsabilité, étiez-vous chargé de la discipline ? Quelle était votre

3 position par rapport au gouvernement, au pouvoir exécutif ou à l'autorité

4 en place ? Comment étaient ces rapports ? Différents en temps de paix ?

5 R. Ecoutez, oui. J'avais un rang plus élevé.

6 Q. Merci. Vous savez que sur le territoire de la communauté croate

7 d'Herceg-Bosna et sur l'ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine il

8 avait une mobilisation générale qui avait été déclarée à l'époque ?

9 R. Oui, cela je le sais.

10 Q. Cette mobilisation en général donnait-elle le droit aux autorités

11 municipales de donner des ordres, ordres aux fins de réorganiser votre

12 Brigade de Sapeurs-pompiers ?

13 R. Je suppose qu'ils avaient l'autorité pour le faire, mais de telles

14 choses n'ont jamais été appliquées.

15 Q. Merci beaucoup. Hier, vous avez parlé de cette décision du 22 janvier

16 1993, signée par Jadran Topic. C'était une décision que vous ne souhaitiez

17 pas appliquer, une décision que vous ne souhaitiez pas appliquer. Vous avez

18 dit cela dans votre contre-interrogatoire aujourd'hui. On vous a présenté

19 un certain nombre de décisions datées de l'année 1992, et vous avez dit

20 avoir donné l'ordre de réorganiser cette unité. Vous n'avez pas agi, mais

21 cette décision a existé ?

22 R. Ecoutez, laissez-moi clarifier ceci. J'ai dit que, par rapport à cette

23 décision, celle du 17 décembre, nous ne l'avons pas reçu, mais pour ce qui

24 est de la décision du 22, nous ne l'avons pas appliquée.

25 Q. Ceci était tout à fait clair hier. Vous n'avez pas fourni d'éléments

26 d'information sur votre niveau d'étude à la Chambre. Bien évidemment, la

27 Chambre a le pouvoir d'obliger un témoin à répondre à des questions même

28 s'il ne souhaite pas entrer dans le détail. Je vais vous poser une question

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1 et vous demander : vous étiez commandant, donc, vous aviez un certain

2 niveau de qualifications et vous aviez les compétences nécessaires ?

3 R. Monsieur, il n'y a que les idiots qui partent en guerre et qui

4 répondent à tous les ordres. J'ai répondu à votre question.

5 Q. Ma question est très précise : pour être commandant, et vous étiez

6 commandant pendant un certain nombre d'années, pour être commandant, il

7 faut avoir les qualifications nécessaires ?

8 R. Oui, et je répondais aux exigences en la matière.

9 Q. Pourriez-vous nous dire quel est votre niveau d'étude ?

10 R. Bien, j'ai un certificat de plombier.

11 Q. Merci beaucoup. Après avoir omis de mettre à exécution cette décision,

12 ordre donné par Jandranko Topic et signé par Jadranko Topic, vous avez

13 parlé de la punition que l'on vous avait fait subir, en ne vous donnant pas

14 de nourriture dans le camp nord ?

15 R. Oui. Mais, on n'a pas remis d'éléments logistiques non plus. Ce n'était

16 pas seulement la nourriture.

17 Q. Dans le Nord, il y avait Tihomir Misic, cette caserne, vous y étiez

18 pendant 50 ans.

19 R. Ceci n'est pas exact. Je ne suis pas tout à fait certain. Ne m'en

20 veuillez pas. Je ne sais pas exactement. La JNA, comment s'appelait la JNA,

21 c'était le Bataillon de Mostar. Dans cette caserne-là, déjà vue, c'est

22 Hujdur Hujka. C'est le nom de la caserne. Je ne sais pas exactement comment

23 cela s'appelait à l'époque.

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 Q. Est-ce qu'elle se trouvait à Siroki Brijeg ?

28 R. Oui.

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1 Q. Dites-moi : Siroki Brijeg est une municipalité qui est surtout habitée

2 par des Croates ?

3 R. Oui, et ma femme est Croate.

4 Q. Quelque soit le fait, nonobstant le fait que vous soyez commandant de

5 la Brigade de Sapeurs-pompiers, vous aviez -- est-ce que vous pourriez me

6 dire si votre fille a connu une expérience désagréable à Siroki Brijeg ?

7 R. Votre fille, elle n'a passé qu'un certain temps et elle était chez son

8 oncle en Allemagne.

9 Q. Mais elle a eu une expérience, malheureusement ?

10 R. A ma connaissance, non.

11 Q. Hier, vous avez dit, à la page 47 que cette région était contrôlée par

12 600 Serbes qui étaient à l'ABiH et 246 Croates.

13 R. Oui. C'est l'information que j'ai obtenue lorsque nous avons distribué

14 l'aide humanitaire.

15 Q. Est-ce que vous pourriez me dire combien de Musulmans sont restés sur

16 le territoire de Mostar et dans la région sous le contrôle du HVO ?

17 R. Ecoutez. Je ne sais pas, tout ce que je sais, c'est que bon nombre

18 d'entre eux ont quitté le pays.

19 Q. Combien sont restés ?

20 R. Je ne sais pas.

21 Q. Donc, non loin du quartier général de votre association de sapeurs-

22 pompiers, vous aviez dit qu'il y avait un hôpital, l'hôpital de guerre ?

23 R. Oui.

24 Q. Savez-vous quand ils ont commencé à construire cet hôpital de guerre ou

25 quand cet hôpital de guerre a-t-il commencé à fonctionner ? Non pas la date

26 de construction.

27 R. Je crois que c'était au début du conflit ou peut-être un peu plus tôt.

28 Mais, je crois que c'était après le 9 mai.

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1 Q. Je n'ai que deux questions courtes à vous poser maintenant.

2 Lorsque M. Jugo a été tué, votre collègue et ami. Quelqu'un d'autre

3 était-il sur les lieux.

4 R. Le général Barakovic.

5 Q. Merci beaucoup. Une dernière question. Maintenant que le conflit est

6 terminé, avez-vous participé ou faisiez-vous partie de l'organisation, à

7 l'époque ? Avez-vous une fonction particulière et des et que vous faisiez

8 partie des instances du pouvoir ?

9 R. Non.

10 Q. Avant la guerre, avez-vous eu une fonction politique ?

11 R. Oui.

12 Q. Laquelle ?

13 R. J'étais président, vice-président de la municipalité et j'étais

14 parlementaire à trois occasions. Une occasion, c'était pour le Parti de

15 Bosnie-Herzégovine. Je n'appartenais à aucun parti et je n'appartiens à

16 aucun parti aujourd'hui, mais c'est une autre question, cela.

17 Q. Vous avez proposé votre candidature au Parti pour l'Action

18 démocratique ?

19 R. Non. Je n'ai jamais présenté ma candidature à ce parti, le Parti de

20 Bosnie-Herzégovine n'est pas un parti dont on nous a informé pour des

21 raisons de marketing. Il fallait que nous recevions un mandat du conseil.

22 Q. Merci beaucoup.

23 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une question

24 à poser à ce témoin.

25 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic :

26 Q. [interprétation] La Brigade de Sapeurs-pompiers doit avoir un registre

27 ou quelque chose.

28 R. Oui.

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1 Q. Tous les incidents au cours desquels vous êtes intervenu, tout ceci est

2 consigné dans ce registre.

3 R. Oui.

4 Q. Les interventions de la période qui nous intéresse ici, interventions

5 lorsque les incendies n'étaient pas dus à des actes de guerre.

6 Q. Quelque soit la cause d'un incendie, il fallait s'y rendre -- il

7 fallait consigner cela dans un registre. Ceci était toujours consigné dans

8 ce registre.

9 Q. Disposiez-vous d'un tel registre ?

10 R. Oui, tout à fait.

11 Q. Merci beaucoup.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai deux dernières questions.

13 Monsieur, votre audition vient de se terminer et je vous remercie d'avoir

14 témoigné pendant ces deux jours, pendant plus de 8 heures où vous avez

15 répondu à toute une série de questions. J'espère que ceci ne vous a pas

16 trop fatigué et je vous souhaite donc un bon voyage de retour. Je vais

17 demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner à la porte de

18 la salle d'audience. Pendant ce temps-là, je vais demander à Maître

19 Karnavas, très vite, de nous indiquer les pièces qu'il veut voir admettre.

20 [Le témoin se retire]

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Donc, 1D00389,

22 1D00388, 1D00390, 1D00392.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur le Greffier, faites honneur à votre

24 office.

25 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président. Les pièces

26 mentionnées par Me Karnavas sont donc admises au dossier sous la référence

27 -- les pièces évoquées par M. Karnavas vont être versées au dossier. Il

28 s'agit de 1D00389, 1D00389, 1D00390 et 1D00392.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour terminer, juste une précision. Nous avons admis

2 les documents de l'Accusation, 7996 à 9513. Il faut qu'on transcrive,

3 figure également la mention sous pli scellé, puisque l'Accusation nous

4 avait demandé que, compte tenu du fait qu'il y avait des informations

5 nominatives, pour le moment, que ces documents soient sous pli scellé.

6 Donc, ceci sera fait.

7 Je remercie l'ensemble des participants. Comme vous le savez, nous nous

8 retrouverons lundi pour le début de l'audition de M. Donia. J'espère qu'il

9 sera là. L'audience reprendra lundi à 14 heures 15. Je vous souhaite d'ici

10 là un bon week-end.

11 --- L'audience est levée à 14 heures 40 et reprendra le lundi, 8 mai 2006,

12 à 14 heures 15.

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