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Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 23 mai 2006

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

7 l'affaire.

8 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président, et bonjour à tous. Affaire

9 numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme tout le monde est dans la même composition, je

11 salue toutes les personnes présentes. Je salue les accusés, ainsi que tous

12 les avocats représentants de l'Accusation et les avocats de la Défense.

13 Je salue, bien entendu, Monsieur le Témoin, Monsieur le Professeur.

14 Nous poursuivons nos travaux aujourd'hui par le contre-interrogatoire de la

15 Défense. Mais, avant cela, il faut que l'Accusation m'indique quels sont

16 les documents dont elle demande maintenant l'admission ? Donc, je vous

17 donne la parole pour que vous m'indiquiez les numéros des documents dont

18 vous demandez l'admission.

19 M. PORYVAEV : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

20 vais demander le versement au dossier des documents suivants : 8559, 0374,

21 9579, 0996, 7366, 4366, 5312, 775 -- 85, 7097, 9578, 0001, 8918. C'est le

22 dossier concernant le complexe Begovina. Effectivement, ces documents ont

23 reçu un numéro e-court.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vois dans la liste après le 5312, il y a marqué

25 775 -- 85; pouvez-vous repréciser le numéro ?

26 M. PORYVAEV : [interprétation] Volontiers, 7785.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci pour cette précision.

28 M. PORYVAEV : [interprétation] Je vous remercie.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Ces documents sont admis.

2 Il y a dans la liste des documents qui n'ont pas été demandés. Il se peut

3 que la Défense ultérieurement les utilisent, et à ce moment-là, cela

4 deviendra des documents de la Défense. Il serait souhaite pour l'Accusation

5 à l'avenir, et je regarde M. Mundis, qui est caché derrière le bureau. Pour

6 la commodité de l'audience, lorsque l'Accusation présente des documents au

7 témoin, il serait souhaitable que le dossier que vous me remettez soit

8 présenté dans l'ordre des documents. Si vous présentez le document 1 au

9 témoin, il faut qu'il arrive en premier, ainsi que le greffier soit au

10 courant de l'ordre des documents pour éviter que le greffier recherche

11 désespéramment sur sa machine les documents et nous perdons du temps.

12 Donc, dans la mesure du possible si vous pouviez indiquer au Greffier

13 l'ordre de présentation des documents, et en plus me donner mon dossier

14 avec le numéro dans l'ordre nous gagnerons du temps.

15 Monsieur Mundis.

16 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai peut-être

17 mal compris ce que vous nous demandiez de faire, mais si je vous ai bien

18 compris, Monsieur le Président, le problème tient au fait que les dossiers

19 fournis à la Chambre de première instance sont établis, il faut l'espérer,

20 plusieurs jours avant l'arrivée du témoin, on prépare les photocopies, on

21 fait la distribution. Bien souvent, nous ne savons pas quel sera l'ordre

22 dans lequel seront présentés les documents jusqu'à la séance de récolement.

23 Deuxième chose pour gagner du temps, nous prenons des instructions

24 sur le champ de sauter tel ou tel document, alors que nous intervenons ici

25 pour gagner du temps. Bien sûr, nous allons faire l'impossible pour nous

26 conformer à votre demande pour ce qui est d'essayer de vous donner l'ordre

27 exact, mais il y a sans doute des problèmes, et par exemple, au moment du

28 récolement puis les contraintes dans le prétoire qui nous forcent à sauter

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1 d'un document à l'autre ou faire la preuve sur un document, nous vous

2 demandons votre indulgence s'agissant de la liasse du document du dossier

3 fourni.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ecoutez, essayez de faire l'impossible, mais

5 vous avez compris le sens de notre désir, à savoir, pouvoir manier plus

6 facilement les documents et permettre également à M. le Greffier de faire

7 venir tout de suite sur l'écran les documents. Mais je prends conscience

8 également des contraintes que vous avez.

9 Concernant le temps imparti à la Défense, d'après les calculs qui ont été

10 faits par le Greffe, vous aurez exactement trois heures 44 minutes. Donc,

11 nous compterons les trois heures 44 minutes pour le contre-interrogatoire.

12 Juste avant de donner la parole à la Défense, la Chambre a une question à

13 poser au témoin, et je vais donner la parole à mon collègue.

14 LE TÉMOIN : FAHRUDIN RIZVANBEGOVIC [Reprise]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

17 Président. Pour éviter des déceptions j'aimerais dire qu'il y aura plus

18 qu'une seule question. J'ai plutôt une série de questions à adresser au

19 témoin. Je les ai notées au fur et à mesure et j'espère qu'à l'avenir -- je

20 pense à l'avenir qu'il sera plus utile de les poser sur le champ

21 lorsqu'elle me vient à l'esprit.

22 Monsieur Rizvanbegovic, vous avez dit être professeur. Qu'enseignez-vous ?

23 Quelle est votre matière ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis professeur de littérature du peuple de

25 Bosnie-Herzégovine et j'enseigne à l'université de Sarajevo, là, au

26 département des lettres.

27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Hier, vous avez déclaré que

28 vous aviez été mis en garde par un document qui avait été accroché ou

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1 attaché à la porte de la maison vous intimant de partir mais vous avez

2 ajouté et ceci se trouve dans le compte rendu d'audience de l'après-midi.

3 Page 1, vous avez déclaré que ceci, aussi, avait été accroché à la porte de

4 la maison de votre frère. Etait-ce la vôtre, cette maison, ou celle de

5 votre frère ? Si elle était accrochée cette note à la porte de votre frère,

6 comment avez-vous compris qu'elle s'adressait à vous ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas déclaré qu'il y avait un message

8 qui avait été accroché sur la porte de la maison de mon frère, sans doute,

9 y a-t-il eu méprise ? Cela avait été accroché, cloué au portail d'entrée,

10 de la grand cour si vous voulez, la cour principale. Après, on peut entrer

11 dans chacune, des maisons, qui se trouve sur ce périmètre. Cet ordre a été

12 cloué sur la porte d'entrée et s'y trouvait mon nom.

13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Merci. Sans doute

14 effectivement, y avait-il méprise.

15 Vous avez dit que votre épouse avait essayé de vous rendre visite et

16 de vous apporter certains effets, certains objets à Dretelj. Est-ce qu'il y

17 est parvenu ou est-ce qu'elle a été renvoyée sans avoir pu vous voir, sans

18 avoir pu donner ce qu'elle vous avait apporté ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle n'a pas réussi à quitter la ville.

20 Elle n'est pas parvenue à m'apporter quoi que ce soit. Personne n'avait le

21 droit de me rendre visite pendant que je me trouvais là.

22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

23 Page du compte rendu d'audience, page 7, ligne 6, vous avez déclaré

24 ceci : Les jeunes hommes se saluaient en faisant un certain signe, un

25 signe particulier. Il se peut que je l'aie oublié. Je n'ai pas fait

26 attention à ce moment-là. Quel était ce signe parce que nous parlions, à ce

27 moment-là, des gardiens du camp de Dretelj. Quel signe faisaient-ils pour

28 se saluer et quelle est la signification qu'il faut donner à ce signe ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de membres de la police

2 militaire qui me conduisait et lorsqu'ils ont dépassé d'autres voitures

3 qui, manifestement, contenaient aussi les prisonniers, ils faisaient le

4 signe nazi de la main.

5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ce qu'on appelait aussi le salut

6 hitlérien, en Allemagne, lorsqu'on tend le bras droit de façon oblique,

7 vers le haut, la main tendue.

8 Vous avez parlé des mauvais traitements infligés à la prison à

9 d'autres et à vous-même, pourriez-vous nous apporter une précision ? Qui a

10 infligé ces mauvais traitements, est-ce que c'étaient les membres des

11 équipes de garde régulière ou est-ce que c'étaient des soldats qui venaient

12 de l'extérieur et on fait cela pour se distraie ou pour d'autres raisons ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Les uns et les autres, malheureusement, il y a

14 eu les deux et, très souvent, d'autres soldats venaient. Ce n'étaient pas

15 des gardiens, des gardes en tout cas. Nous ne les connaissions pas en tant

16 que tel à Dretelj. Ils le faisaient pour le plaisir. Ils tiraient des coups

17 de feu à travers les fenêtres au-dessus de nos têtes alors que nous étions

18 assis au sol. Ils faisaient l'appel de gens qu'ils faisaient sortir, du

19 périmètre où nous étions. Puis, ils ouvraient les portes afin de voir avec

20 quelle brutalité ils frappaient ces gens. C'était un phénomène quasi-

21 quotidien.

22 Je connaissais Kreso Rajic. C'était un des commandants de la police.

23 Il était secrétaire du comité communiste municipal avant la guerre. Je lui

24 ai demandé d'utiliser si c'était possible notre clé pour verrouiller la

25 porte de façon à empêcher ces gens de venir. Bien souvent, ces gens étaient

26 ivres ou drogués et c'étaient vraiment des gens de la pire espèce mais je

27 dois vous dire aussi, que les gardes se sont livrés à ce genre d'acte.

28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. Il s'agit ici de

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1 la page 19, ligne 1.

2 Autres questions, elles concernent la ligne 15 de la page 25. Vous

3 avez dit qu'en prison régnait constamment la peur, notamment, d'être tué.

4 Avez-vous connaissance de cas où des prisonniers ont, effectivement, été

5 tués en prison ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Personnellement, je n'en ai pas vu un

7 seul acte de meurtre mais dans le baraquement ou la baraque où nous étions,

8 il y avait des gens de Prozor et aussi de Zepce. On les a fait sortir afin

9 qu'ils creusent des tombes. A leur tour, ils nous ont dit que ce jour-là,

10 ils avaient enterré, soit cinq personnes, soit six personnes. D'après leur

11 récit, je savais qu'il y avait des gens dans le camp qui soit, avaient été

12 tués, soit, étaient morts de mort naturelle. Il y a eu un homme qui, par

13 exemple, une crise cardiaque, un infarctus. Donc, si vous voulez, en fait,

14 c'étaient des gens, des entrepreneurs de pompe funèbre quelque part.

15 C'était le rôle qui leur avait été assigné.

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai pas

17 d'autres questions à vous poser.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : La parole est maintenant à la Défense. Je ne sais

19 pas qui intervient.

20 Alors, Maître Karnavas, est-ce que vous vous êtes mis d'accord ? Qui est le

21 premier ? Excusez-moi, je ne voyais pas que vous étiez caché derrière le

22 poteau. Je ne sais pas qui ont eu l'idée de construire cette salle

23 d'audience derrière deux poteaux. Bien. Alors, allez-y.

24 M. KARNAVAS : [interprétation] Il serait peut-être plus utile que je change

25 de place avec mon assistant juridique, Monsieur le Président.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

27 Contre-interrogatoire par M. Sahota:

28 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Professeur. Je m'appelle

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1 Roger Sahota, et je voudrais vous poser quelques questions au nom de mon

2 client, M. Pusic, qui porteront sur les événements qui se sont produits

3 avant votre libération, en décembre 1993. Hier, vous nous avez dit que vous

4 étiez membre éminent du cercle d'intellectuels en Bosnie, les Musulmans en

5 Bosnie, que c'était vrai, à l'époque, c'est encore vrai aujourd'hui; c'est

6 exact ?

7 R. Je ne me sens pas à l'aise. Je suis un peu embarrassé de répondre par

8 l'affirmative. Oui, oui, je dirais oui.

9 Q. Seriez-vous d'accord pour dire que vous aviez une connaissance

10 approfondie de la situation politique qui prévalait à l'époque, en Bosnie ?

11 R. Je ne peux pas vous dire que j'avais une connaissance détaillée,

12 approfondie. J m'intéressais à la politique comme tout autre intellectuel

13 mais pas de façon particulière.

14 Q. Serait-on en droit de dire cependant, que vous aviez connaissance et

15 que vous aviez rencontré bon nombre de personnalités en vue sur la scène

16 politique de la Bosnie, à l'époque ?

17 R. A l'époque, je n'ai pas eu souvent l'occasion de rencontrer de

18 personnalités de niveau supérieur de la scène politique à Sarajevo, parce

19 que Sarajevo était une ville encerclée, assiégée, impossible d'y entrer ou

20 d'en sortir. Je n'ai pas pu rencontrer de personnes qui auraient fait

21 partie du cabinet ou du gouvernement, ou de la présidence de Bosnie-

22 Herzégovine. Je ne sais pas si ce sont à ces personnes que vous pensez.

23 Q. Mais vous auriez su quel était le nom de la plupart des personnalités

24 de premier plan en Bosnie à l'époque; est-ce exact ?

25 R. Oui, oui, je les connaissais de nom.

26 Q. Pourriez-vous dire au Juge de la Chambre s'il vous était arrivé de

27 rencontrer mon client, M. Pusic, avant votre libération en 1993 ?

28 R. Non, je ne pense pas. C'est bien possible, mais nous n'avons pas eu de

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1 contact direct, nous ne nous sommes pas rencontrés. Il est bien possible

2 que nos chemins se soient croisés quelque part, mais je ne sais même pas

3 qui il est, M. Pusic, parmi les accusés.

4 Q. Merci, Monsieur le Professeur. Quelques questions consacrées à votre

5 séjour à Dretelj. Il y a Ljubuski que vous savez être arrêté le 10 juillet

6 2003; est-ce exact ?

7 R. Non, le 1er juillet.

8 Q. Excusez-moi, je me suis trompé, j'ai dit 2003. Vous avez d'abord été

9 détenu à Dretelj puis vous avez été transféré à Ljubuski; est-ce exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous connaissiez celui qui administrait le camp à Dretelj, M. Sakota;

12 est-ce exact ?

13 R. Non, je ne le connaissais pas avant cela. Je l'ai vu uniquement au

14 moment où il a fait son apparition à Dretelj. J'étais un des plus maigre du

15 camp, un des plus malades, et en tant que tel, j'ai été désigné pour faire

16 un échange à Jablanca et c'est à moment-là que je n'ai rencontré -- jamais

17 avant la guerre je ne l'avais rencontré.

18 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu le nom de mon client, le nom de M.

19 Pusic, être mentionné pendant votre temps, soit à Dretelj ou à Ljubuski ?

20 R. On mentionnait souvent son nom. On disait qu'il s'agissait de Bero

21 Pusic et c'est lui qui prenait les décisions en matière d'échanges. Nous ne

22 connaissions pas son rôle précis, lorsque j'ai quitté le camp j'ai appris

23 que c'était lui qui était chargé, qui était responsable des échanges.

24 Q. Merci, Monsieur le Professeur, encore quelques questions à peine

25 concernant votre libération en décembre 1993. Hier, un document vous a été

26 soumis, c'était un certificat autorisant votre libération et M. Pusic

27 l'avait signé. Pièce de l'Accusation 7097. Vous avez dit hier au Juge que

28 ce document vous avait été remis par le directeur de Dretelj, M. Sakota,

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1 est-ce exact ?

2 R. Il est venu à la prison de Ljubuski parce qu'à ce moment-là, plusieurs

3 mois auparavant, Dretelj avait été fermé et il a apporté ce certificat de

4 libération. Il m'a emmené dans sa voiture à Capljina, chez ma famille.

5 Q. On vous a dit qu'il fallait montrer ce document à la frontière pour

6 quitter le pays; est-ce exact ?

7 R. Oui. Ce document et l'autre que nous avons vu hier, une autre des

8 pièces, ces documents m'autorisaient à entrer en République de Croatie.

9 Q. Je ne sais pas si vous vous en souveniez, mais, hier, vous avez dit au

10 Juge que, même si ce document avait été signé de la main de mon client,

11 vous pensiez que l'autorisation avait été conférée par Perica Jukic; est-ce

12 exact ?

13 R. Ce n'est pas ce que je crois. J'ai vu sur ce document -- c'est écrit

14 sur le document. L'autorisation a été donnée par Perica Jukic, c'est ce que

15 dit le document.

16 Q. Au cours de votre déposition d'hier, vous avez dit au Juge de ne pas

17 savoir quelles étaient les fonctions précises exercées par M. Jukic, mais

18 vous avez pensé qu'il faisait partie de la police militaire; est-ce exact ?

19 R. Je pense qu'il était le chef du service SIS.

20 Q. J'aimerais vous montrer un document, Monsieur le Professeur, fourni

21 hier par la Chambre de l'Accusation. Il porte le numéro 70116.

22 M. SAHOTA : [interprétation] L'Accusation ne s'en est pas servi hier et

23 j'en demande le versement en tant que pièce de la Défense avec le numéro 6D

24 0001. Je demanderais également que ce document soit affiché à l'écran en

25 utilisant le système e-court.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas le contenu. Bon, maintenant, je

27 vois, cela va.

28 M. SAHOTA : [interprétation]

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1 Q. Veuillez lire ce document, Monsieur le Professeur.

2 R. Ce document 0174, je vois le nom de Mostar, 2 décembre 1993. C'est

3 adressé au ministère de la Défense à l'intention de M. Perica Jukic,

4 ministre : "Monsieur, vu la demande de l'association des écrivains de

5 Croatie, nous demandons que vous autorisiez

6 M. Fahrudin Rizvanbegovic de quitter librement Mostar pour aller dans un

7 pays étranger, un pays tiers. Cette demande est soutenue par le président

8 Mate Boban, président de la République croate d'Herceg-Bosna."

9 Q. Peut-on voir le bas du document ?

10 R. Je vois la signature de Vladislav Pogarcic.

11 Q. Avez-vous déjà vu ce document avant que je vous le montre ?

12 R. Non, je n'en ai pas eu l'occasion.

13 Q. Je crois que le contenu se passe de commentaires. Cependant, je vais

14 vous demander si vous convenez du fait qu'apparemment, ici, il s'agit d'une

15 demande de libération vous concernant et qui a été approuvé par M. Mate

16 Boban, le président en personne, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, il est évident que c'est le cas.

18 Q. En bas, à gauche, l'on voit que cette lettre a été également envoyée à

19 Ivica Lucic.

20 R. Oui.

21 Q. Le voyez-vous ?

22 R. Oui, je le vois.

23 Q. Savez-vous qui est M. Lucic ?

24 R. Non.

25 Q. Je souhaiterais présenter un autre document à l'aide du système

26 électronique.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : On a donné déjà le numéro pour ce document, Monsieur

28 le Greffier.

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1 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président.

2 [interprétation] Ce sera la pièce 6D 0001. Je vous remercie.

3 M. SAHOTA : [interprétation] C'est un autre document que l'Accusation a

4 présenté hier, mais elle ne s'en est pas servi pendant l'interrogatoire

5 principal et il s'agit de la pièce 7026. Je demanderais sa présentation en

6 tant que pièce de la Défense, et sa référence serait 6D 0002.

7 Q. Monsieur le Professeur, est-ce que vous voyez ce document ?

8 R. C'est le document qui a été rédigé le 4 décembre 1993, deux jours après

9 le premier. Il est nécessaire que vous procédiez à des vérifications comme

10 suit, et ce, d'urgence.

11 "Premièrement, le Pr Fahrudin Rizvanbegovic, homme de lettres, est-ce

12 qu'il a eu un engagement militaire dans les Unités du MOS ? Sinon, il est

13 nécessaire que Tomo Sakota, qui est le responsable de la prison de Dretelj

14 reçoive un accord pour qu'il soit relâché de prison afin de se rendre à

15 l'étranger.

16 "Deuxièmement, pour les personnes comme suit le médecin de l'état-

17 major des services médicaux affirment qu'ils souffrent d'un retard mental

18 et qui peuvent être relâchées de prison, Kemal Penava, Enver Penava, et

19 Kazim Sator.

20 "Il est nécessaire de procéder à des vérifications de ce qui précède.

21 Si cette affirmation est vraie il faut fournir son aval pour qu'il soit

22 relâché de prison afin de se rendre à l'étranger, nous informer des

23 résultats de vos démarches."

24 Donc, de toute évidence, Ivica est le chef du SIS. C'est ce que l'on voit

25 dans le cachet. C'est qu'on voit dans la signature. Le SIS, département de

26 la Défense.

27 Q. Monsieur le Professeur, pouvez-vous nous dire si vous avez déjà eu

28 l'occasion de voir ce document ?

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1 R. Non, non, non.

2 Q. Maintenant, que vous avez pris connaissance de la teneur, est-ce qu'on

3 est en droit d'arriver à la conclusion que le SIS a approuvé votre

4 libération ?

5 R. Mais sur la base du document que nous avons vu dans un premier temps on

6 voit que si, qu'ils ont émis leur autorisation.

7 Q. En bas de la lettre dans l'angle gauche vous voyez que l'on voit la

8 liste des différents destinataires des différents organes à qui on a envoyé

9 la lettre.

10 R. Oui.

11 M. SAHOTA : [interprétation] Je voudrais présenter un autre document à

12 présent.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] La référence sera 6D 0002, Monsieur le

15 Président. Merci.

16 M. SAHOTA : [interprétation] Encore une fois c'est un document qui a été

17 présenté par l'Accusation, mais ne s'est pas appuyé sur ce document pendant

18 son interrogatoire principal. Initialement ce document portait un numéro

19 9577. Je souhaite que ce document soit présenté en tant que pièce de la

20 Défense 6D 0003. Je demande également que l'on affiche à l'aide du système

21 électronique.

22 Q. Professeur, c'est une lettre qui porte la date du 8 décembre 1993.

23 Pouvez-vous nous en donner lecture, s'il vous plaît ?

24 R. Coordinateur pour le droit de l'homme, Tomo Sakota. "Je ne savais pas

25 qu'il était coordinateur pour les droits de l'homme et en même temps le

26 responsable de la prison.

27 "Sur proposition de M. Vladislav Pogarici, le représentant du bureau du

28 président de la République croate d'Herceg-Bosna, et sur initiative de la

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1 société des écrivains de Croatie, il est nécessaire de permettre à M.

2 Fahrudin Rizvanbegovic de sortir librement de Mostar afin de se rendre dans

3 un pays tiers."

4 Q. Pouvez-vous nous dire qu'est-ce qui figure à l'endroit de la signature

5 en page de la lettre ?

6 R. Perica Jukic.

7 Q. Il semblerait donc que c'est Perica Jukic qui s'adresse à Tomo Sakota

8 par cette lettre; est-ce bien cela ?

9 R. Oui, mais il n'est plus le responsable de -- il n'est plus le chef il

10 est maintenant le coordinateur chargé des droits de l'homme.

11 Q. Vous nous avez dit hier, Professeur, qu'on vous a escorté de Ljubuski,

12 que c'est M. Sakota qui a fini par vous relâcher; c'est bien cela ?

13 R. Oui. M. Sakota est venu me chercher en personne deux jours après cette

14 lettre, et il m'a emmené personnellement à Capljina.

15 Q. Merci.

16 M. SAHOTA : [interprétation] Je souhaiterais que le Greffier attribue la

17 cote 6D 0003 à cette pièce.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ce sera la

20 pièce 6D 0003. Merci.

21 M. SAHOTA : [interprétation]

22 Q. Monsieur le Professeur, d'après les documents que nous venons

23 d'examiner il semblerait que M. Pusic a signé le certificat pour votre

24 approbation le 10 décembre mais que cette série d'événements a commencé par

25 la lettre envoyée le 2 décembre de la part du chef d'état-major de M.

26 Boban, à savoir, M. Pogarcic; est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?

27 R. D'un point de vue formel, c'est vrai. Cependant c'est une chose très

28 simple que nous avons ici. Le nom Fahro était utilisé uniquement pour mon

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1 ami, l'académicien Ivo Franges. Ici, on ne voit jamais Fahrudin. On voit

2 toujours Fahro. Donc, cette lettre est arrivée de Zagreb. Elle n'a rien à

3 voir avec Mate Boban, ni avec Herceg-Bosna. Ils ne sont que des exécutants,

4 ils s'agissent sur ordre reçu de Zagreb sur instructions formelles reçues

5 de Zagreb. C'est cela la substance. Vous pouvez téléphoner aujourd'hui à

6 Mme Vesna Franges parce que M. le Professeur est décédé et elle vous

7 confirmera qu'il a été le seul à employer ce prénom pour parler de moi.

8 C'est ce qui me permet de savoir que ce rôle-là a été joué par M. le

9 Professeur, l'académicien Ivo Franges.

10 Q. Monsieur le Professeur, seriez-vous d'accord alors pour dire que la

11 décision de vous relâcher a été prise bien avant que mon client, M. Pusic,

12 ne signe cette approbation le 10 décembre ?

13 R. Certainement. Cette décision a été prise avant à Zagreb, et elle a

14 atteint votre client, mais je pense qu'il n'y a joué qu'un rôle très

15 insignifiant.

16 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour confirmer que d'après les éléments

17 de preuve que l'on voit ici, il semblerait que mon client s'est contenté de

18 signer un certificat en entérinant une décision qui avait été prise

19 précédemment afin de vous relâcher ?

20 R. Vous êtes en train de me suggérer la réponse. Je ne peux pas réagir

21 d'une manière tout à fait catégorique en vous disant un oui. Je pense que

22 seul le Tribunal peut en décider de ce qui convient de penser sur la base

23 des documents que nous avons vus, il ne m'appartient pas de le faire.

24 Q. Je vous remercie, Monsieur le Professeur, je n'ai pas d'autres

25 questions à vous poser.

26 R. Je vous remercie de m'avoir poser des questions d'une manière correcte.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avocat suivant.

28 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

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1 Juges.

2 Contre-interrogatoire par Me Karnavas :

3 Q. [interprétation] Monsieur le Professeur, les médias vous ont accusé de

4 mentir et d'hyperboliser certaines expériences que vous avez eues en

5 prison; est-ce que vous en êtes conscient ?

6 R. Je n'aurais jamais employé les termes que vous venez d'employer avec

7 beaucoup de facilité, je vous en prie, je vous écoute.

8 Q. En fait, Monsieur, vous avez rédigé une série d'articles en accusant

9 des individus, en particulier, Armin Pohara, Sead Pasic, Rusmir Agacevic,

10 disant qu'ils se sont trouvé au camp de Dretelj et qu'ils ont lancé des

11 cigarettes sur des détenus et que ces détenus leur renvoyaient ces

12 cigarettes alors que ces individus étaient là pour faire fournir de l'aide

13 humanitaire; est-ce que vous vous rappelez avoir fait ces déclarations à la

14 presse et que ces individus aient répondu en vous accusant de mensonge ?

15 R. Je suppose que je n'ai pas le droit de vous poser des questions, mais

16 je vais tout de même vous demander si vous avez lu ma réponse dans ce même

17 journal, à la même date, je pense que j'ai répondu, j'ai répondu de manière

18 correcte, mais qu'eux, pour leur part, n'ont ni répondu, ni répondu en

19 disant la vérité. Le titre de mon article est : "Le feu ne peut être éteint

20 qu'à l'aide de la vérité" car il a écrit un article disant : "N'ajoutez pas

21 de l'huile sur le feu" et alors que ces deux autres ont menti également et

22 je vous prie de ne pas m'inviter à mentir à mon tour.

23 Q. Très bien, Monsieur --

24 R. Ils sont arrivés non pas en tant qu'humanitaires, mais en tant que

25 militants politiques. Cette activité humanitaire ne leur a servi que de

26 couverture pour leur activité politique.

27 Q. Vous ne les aurez pas accusé d'avoir jeté des cigarettes sur des

28 détenus ? Oui ou non ?

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1 R. Oui, si. Ils ont lancé des cigarettes, c'était des cartouches de

2 cigarettes d'où ils sortaient les paquets de cigarettes qu'ils lançaient

3 aux détenus, aux prisonniers; est-ce que vous pouvez me citer la date de

4 l'événement ?

5 Q. J'ai une série d'articles, je vais poursuivre. Ils ont répondu dans la

6 presse, ils vous ont accusé de mentir et de déformer la vérité de ces

7 événements ?

8 R. C'est à eux que vous faites confiance ou à moi ? Vous êtes libre de

9 choisir, vous avez ma réponse, vous avez leurs propos, je vous en prie,

10 tirez vos conclusions. J'ai fourni ces textes qui sont à la disposition de

11 toutes les parties. Si vous ne les avez pas, je vais vous les fournir. Je

12 n'ai pas menti, donc c'est la vérité, ce que j'ai dit. Hors eux, ce sont

13 des acteurs, ce sont eux qui ont menti.

14 Q. Monsieur, je ne vous ai pas demandé à qui devais-je faire confiance, je

15 vous ai demandé s'ils vous ont répondu dans la presse en vous accusant de

16 mentir ?

17 R. Vous n'avez aucune raison de me poser des questions là-dessus puisque

18 vous avez des documents à l'appui. Les documents sont dans le bureau du

19 Procureur, vous pouvez les utiliser sur le champ. Affichez-les à l'écran,

20 je vous répondrai en toute accusation, immédiatement. Si vous ne les avez

21 pas sous la main, dans ma mallette, j'ai ces feuilles.

22 Q. Donc, vous reconnaissez qu'ils ont répondu dans la presse et qu'ils

23 vous ont qualifié d'être menteur ?

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous parliez --

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils n'ont pas employé ce terme, c'était

26 un peu atténué par rapport à ce que vous dites.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Ca va, si vous parlez d'articles que nous n'avons

28 pas, donc nous sommes un peu perdus. Si vous voulez que le témoin commente

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1 un article, faites le venir à l'écran, et puis, il dira ce qu'il y a parce

2 que là, vous parlez de quelque chose dont nous n'avons, nous, aucun

3 élément.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, est-ce que je peux dire de

5 quoi il s'agit, la substance ?

6 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je suis face à un

7 problème, à savoir, j'ai ces articles, je suis absolument prêt à les

8 présenter, mais je ne peux pas mener un contre-interrogatoire efficace

9 parce que je suis confronté à une limitation dans le temps qui soit tout à

10 fait artificielle. Il me faudra quatre ou cinq heures si je veux parcourir

11 tous mes documents, mais je n'ai que 40 minutes, donc, de toute évidence,

12 M. le Témoin sait de quoi je suis en train de parler. Donnez-moi du temps

13 pour que je puisse mener un contre-interrogatoire en bonne et due forme.

14 M. LE JUGE TRESCHEL : [interprétation] Un commentaire, si vous m'y

15 autorisez. Maître Karnavas, vous êtes habitué au contre-interrogatoire à la

16 mode américaine. Mais pour nous il est difficile de le comprendre. Pourquoi

17 est-ce que vous posez au témoin une question à laquelle on devine la

18 réponse ? Elle est tout à fait manifeste. Donc, vous avez l'article, vous

19 nous dites que vous l'avez ici, lui il ne rejette, il ne nie pas le fait

20 que l'article existe, vous semblez insister sur un point qui ne nous

21 permettra absolument pas d'avoir la manifestation de la vérité.

22 Donc, vous devrez comprendre que nous ne sommes pas des Juges

23 américains, que nous avons une certaine distance critique par rapport à

24 votre technique, votre méthode et qu'elle nous paraît parfois exotique et

25 que nous ne voyons pas toujours qu'elle soit aussi effective, efficace

26 qu'elle devrait l'être, elle ne nous permet pas, ne contribue pas à la

27 tâche qui est la nôtre.

28 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien, ici nous parcourons le transcript

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1 et je suis tout à fait prêt à le faire. Je vais vous montrer qu'il n'a pas

2 répondu à ma question. Je lui ai posé la question qui appelait la réponse

3 par un oui ou un non, mais il ne l'a pas fait, donc, j'ai droit à ce que le

4 témoin me réponde.

5 Q. Monsieur, hier, vous avez dit que dès 1991, il existait ce qu'on --

6 vous avez appelé langue bosniaque.

7 R. Mais je vous prie, Monsieur, cette langue est plus ancienne que votre

8 Etat, les Etats-Unis d'Amérique, c'est une langue qui remonte à mille ans.

9 Vous êtes en train de dire rien de neuf et de toute évidence vous ne

10 connaissez pas notre histoire. Excusez-moi, je dois être -- employer des

11 termes un peu fort, mais je suis dans mon domaine de connaissance,

12 d'expertise, cela n'a aucun sens que vous posez ce genre de question.

13 J'ai parlé de l'année 1890, de la grammaire de la langue bosniaque de

14 1890.

15 Q. Nous reviendrons à cela Monsieur. Mais, hier, et je cite, page 22 de la

16 transcription d'hier, c'était le premier volet d'audience, vous avez dit

17 que : "37 % des habitants ce sont déclarés" et dans la suite vous dites :

18 "Ils souhaitaient être placés sur un pied d'égalité entre les Croates et

19 les Serbes, mais qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que tous ceux

20 qui se servaient de la langue bosniaque, indépendamment de leur

21 appartenance nationale, devaient être classé sur un pied d'égalité pleine

22 et entière avec ceux qui utilisent le Croate ou le Serbe."

23 R. Oui, tout à fait, c'est ce que j'ai dit. Que ceux qui souhaitent

24 appeler leur langue ainsi sont en droit de le faire. La langue bosniaque

25 c'est une seule et même langue qui a trois appellations différentes.

26 Q. Votre réponse est légèrement différente maintenant, mais continuons.

27 R. Non, ma différence -- ma réponse ne diverge pas.

28 Q. Page 23, en bas. Très bien. Donc, je suppose qu'aujourd'hui, vous

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1 parlez à la fois, Croate, Serbe et Bosno-Herzégovine, en même temps,

2 bosniaque. C'est ce que vous dites ?

3 R. Oui. Absolument. Absolument.

4 Q. Dans la suite de votre déposition, vous avez dit qu'en 1991 donc,

5 c'était le moment du recensement, les gens ont pu déclaré librement la

6 langue et je suppose que vous entendiez par là, aussi, el bosniaque, que

7 c'était l'une des options possibles. Vous vous souvenez avoir dit cela ?

8 C'est la page 23 et puis, vous avez dit --

9 R. Non, absolument pas. Il y a eu une erreur de traduction, je pense. Je

10 me suis opposé à tout à chacun qui aurait employé le mot "bosnien". J'ai

11 toujours employé le terme "bosniaque". Nous avons la cour constitutionnelle

12 de la fédération qui a rejeté le terme "bosnien," en ne confirmant que le

13 terme "bosniaque," était le seul terme qui est valable aujourd'hui.

14 Q. Je ne vais pas contester cela. Mais, puis vous dites :

15 "37 % de la population a déclaré que la langue qu'ils utilisent est la

16 langue bosniaque." C'était le recensement de 1991. Je suppose que c'est à

17 cela que vous vous référiez puisque c'était le dernier recensement qui a

18 été mené dans le pays.

19 R. Oui. J'ai pensé à cela.

20 Q. Très bien. Est-ce que cela vous surprendrait si je vous disais que le

21 bosniaque en tant que langue n'était pas l'une des options qu'on pourrait

22 choisir en déclarant la langue qu'on parlait pendant le recensement de

23 1991 ? Est-ce que cela vous surprendrait ?

24 R. Je pense que ceci n'est pas exact car nous avons les résultats publiés

25 par l'institut des Statistiques où l'on voit que

26 37 % de la population a opté par la langue bosniaque. Vous pouvez vérifier

27 cela dans le rapport statistique qui est un document public. Vous pouvez

28 facilement vous le procurer.

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1 Q. Très bien. J'ai ici la liste des habitants, des foyers, des habitations

2 et des exploitations agricoles. J'ai ici les codes pour l'interprétation de

3 l'information. On peut le placer sur le rétroprojecteur ou sur le système

4 électronique, 1D 00430.

5 Je suppose que vous êtes en mesure de lire à la fois les caractères

6 cyrilliques et les caractères latins.

7 R. Les caractères cyrilliques sont également l'une des écritures que j'ai

8 l'habitude d'utiliser. C'est l'une des écritures traditionnellement

9 employée en Bosnie-Herzégovine.

10 Q. Très bien. Passons à la page suivante.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait agrandir ?

12 Q. Je passe au point 9, on dit langue maternelle. Puis, vous avez les

13 réponses possibles et la liste des réponses possibles. Vous avez le Serbo-

14 Croate, le Croato-Serbe, le Croate, le Serbe, le Macédonien, le Slovène,

15 l'Albanaise, le Bulgare, le Tchèque, le Grec, l'Italien, le Juif, le

16 Hongrois, l'Allemand, le Polonais, le Rom, le Romain, le Russe, le Ruthène,

17 le Slovaque, le Turc, l'Ukrainien, le Vlach, le Danois, l'Anglais, le

18 Français, le Néerlandais, le Norvégien, le Suède, les autres langues.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Poursuivez, s'il vous plaît.

20 M. PORYVAEV : [interprétation] Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, l'Accusation.

22 M. PORYVAEV : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

23 L'Accusation n'a pas reçu ce document avant le début du contre-

24 interrogatoire. Ceci nous tombe du ciel.

25 M. KARNAVAS : [interprétation] C'est dans le système.

26 M. PORYVAEV : [aucune interprétation]

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais, c'est dans le système. Si mon collègue

28 le souhaite, je peux lui fournir une impression sur papier.

Page 2276

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, il avait été dit, Maître Karnavas, que lorsque

2 la Défense souhaitait introduire un document qui venait de la Défense, vous

3 le rentrez dans le système, mais il fallait en informer, juste avant la

4 prise de parole, l'Accusation. Donc, si vous aviez une "hard copy", cela

5 aurait été mieux parce que, quand vous le rentrez dans le système e-court,

6 l'Accusation n'a pas accès.

7 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, nous l'avons ici.

8 C'est évident.

9 Q. Vous n'avez pas vu le bosniaque ici, parmi les choix possibles ?

10 L'INTERPRÈTE : [interprétation] Micro pour M. Karnavas.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

12 Q. Vous n'avez pas vu le bosniaque ici, parmi les choix possibles ?

13 R. Non, je ne le vois pas. Mais cela, c'est l'Institut fédéral de

14 statistique. Ne pourrait-on pas, s'il vous plaît, utiliser les documents de

15 l'Institut de statistique de Bosnie-Herzégovine ? Je souhaite voir les

16 informations émanant de l'Institut de statistique de Bosnie-Herzégovine et

17 non pas de l'institut de Belgrade. Je ne suis pas certain que les documents

18 soient identiques. Je pense que ce serait plutôt le contraire.

19 Q. Etes-vous en train de le suggérer --

20 R. Monsieur, personnellement, j'utilisais en exprimant par écrit la langue

21 bosniaque. Toute ma famille utilisait la langue bosniaque mais quelle

22 langue pouvait utiliser quelqu'un qui est né d'un mariage mixte de

23 Bosniaque et de Serbe ? Je vous demande, quelle langue pouvait utiliser

24 cette personne ?

25 Q. Donc, vous êtes en train de nous dire que différents recensements ont

26 été mis en place à travers la Yougoslavie et que dans le cadre de chacun de

27 ces recensements, les règles n'étaient pas les mêmes, la méthode n'était

28 pas la même, c'est cela ?

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1 R. Je ne suis pas compétent en la matière. Je ne sais pas si c'est de

2 cette manière qu'on a procédé mais toujours est-il que je me suis servi des

3 données émanant de l'institut des Statistiques de Bosnie-Herzégovine.

4 Q. Très bien. Je suppose que vous avez fourni ces informations au bureau

5 du Procureur pour qu'il puisse vérifier qu'effectivement 37 % des gens ont

6 opté pour cette langue, la langue bosniaque qui, d'après ce que je vois ne

7 figure pas sur la liste des langues reconnues à l'époque, dans l'ex-

8 Yougoslavie.

9 R. Je vous en prie. On ne parlait ni serbe, ni croate, officiellement en

10 ex-Yougoslave. C'était officiellement soit le serbo-croate, soit le croato-

11 serbe. C'était cela l'appellation officielle de cette langue et pendant des

12 années.

13 C'est une autre chose alors, que tous les débats qu'il a pu y avoir,

14 en 1996, 1967, portant sur l'appellation de la langue croate. J'y ai

15 participé moi-même. Vous savez c'est la conséquence de cela que l'on s'est

16 mis à appeler ces langues, officiellement de cette façon.

17 Q. [aucune interprétation]

18 R. [aucune interprétation]

19 Q. Je ne vais pas vous interrompre exagérément, mais j'aimerais que

20 vous repreniez cette liste et j'insiste auprès de vous pour obtenir des

21 réponse par oui ou par non.

22 M. KARNAVAS : [interprétation] N'est-ce pas, Monsieur le Président,

23 Messieurs les Juges ?

24 Q. Parce que je vois la première ligne, serbo-croate. Vous lisez ces mots,

25 Monsieur. Vous les lisez. Pouvez-vous lire ce qui est écrit, là ?

26 R. Je le vois et je le sais.

27 Q. Très bien. Deuxième ligne : "Croato-Serbe, Croate"; n'est-ce pas

28 ?

Page 2278

1 R. Oui.

2 Q. Troisième ligne, "Serbe."

3 R. Oui.

4 Q. Donc, il semble en tout cas d'après ce que je peux comprendre et je

5 n'ai pas grandi dans ce système, mais nous avons le Serbo-Croate, Croato-

6 Serbe, puis nous avons le Croate et le Serbe. Donc, en tout cas, nous avons

7 quatre langues différentes, ce qui semble facilité la distinction que l'on

8 peut faire si l'on veut faire un choix, n'est-ce pas ?

9 R. Parlez-vous Anglais ou Américano anglais ?

10 Q. Monsieur --

11 R. C'est absolument --

12 Q. Excusez-moi, Monsieur.

13 R. -- absolument la même chose. Il ne s'agit que d'une seule et même

14 langue. Il s'agit d'une seule et même langue qui a plusieurs dénominations.

15 Q. D'accord. Très bien. Poursuivons. Vous dites qu'il existait une langue

16 des Bosniaques à l'époque et vous insistiez sur ce point lorsque vous étiez

17 vice doyen de l'université, n'est-ce pas ?

18 R. J'ai insisté pour qu'une réunion se déroule au rectorat et que cette

19 réunion se tienne sur un pied d'égalité entre les différentes langues, à

20 savoir, le Croate, le Serbe et le Bosniaque. J'insistais que chacun puisse

21 utiliser sa dénomination pour la langue en question. Mais ce n'est pas le

22 problème de fond, le problème de fond c'est que cela soulignait le

23 caractère multiethnique du débat.

24 Q. Concentrons-nous sur la langue si vous voulez bien car vous venez de me

25 dire qu'en 1991, 1992, il existait une langue reconnue en Bosnie-

26 Herzégovine qui était le Bosniaque, n'est-ce pas ? C'est ce que vous voulez

27 que les Juges présents ici croient, n'est-ce pas ?

28 R. J'ai confiance dans les Juges.

Page 2279

1 Q. Je ne vous ai pas demandé si vous avez confiance, ou si vous croyez

2 dans les Juges, ne jouez pas au plus fin avec moi ?

3 R. Mais je ne suis pas suffisamment naïf pour vous autoriser à me leurrer

4 comme vous voulez le faire.

5 Q. Mais, Monsieur, à quel moment pour la première fois d'après ce que vous

6 savez le Bosniaque a été officiellement déclaré langue officielle en

7 Bosnie, Monsieur, puisque vous êtes ce que vous appelez "un intellectuel ?"

8 R. Monsieur, je vous en prie, le débat sur les langues a duré plusieurs

9 années avant la guerre, après quoi la langue bosniaque a été admise après

10 la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine comme l'une des langues

11 existantes donc il ne fait aucun doute que cette langue était déjà reconnue

12 au moment du recensement de la population. Je n'ai pas le document en

13 question entre les mains, mais des livres entiers existent sur la question.

14 Si vous souhaitez approfondir la question et si les Juges souhaitent

15 approfondir la question, je peux vous remettre des ouvrages dans lesquels

16 toutes les explications au sujet de l'historique de cette langue sont

17 fournies.

18 Q. D'accord

19 R. Il s'agit de l'égalité des langues qui illustrent l'égalité des

20 habitants, des citoyens.

21 Q. D'accord. Je ne vais pas vous demander de répondre par oui ou par non

22 car je risquerais de vous placer dans une impasse culturelle. Mais

23 examinons les documents à commencer par le document 468 que l'on peut

24 obtenir par le système e-court. Non, bon.

25 M. KARNAVAS : [interprétation] Alors, plaçons-le sur le rétroprojecteur.

26 Nous allons examiner un certain nombre de documents.

27 C'est pour cela, Monsieur le Président, que j'insistais pour obtenir des

28 réponses parmi -- à toutes mes questions.

Page 2280

1 Q. En février 1993, le 24, vous avez ce document sous les yeux à présent,

2 je vous demanderais de vous concentrer sur l'article IV. M. KARNAVAS :

3 [interprétation] Article IV, s'il vous plaît, remontez un peu le texte sur

4 l'écran. Page 2 du document, la voici.

5 Q. Nous lisons ici, article IL Y AVAIT, s'il vous plaît : "En République

6 de Bosnie-Herzégovine, la langue Serbo-Croate, à savoir, la langue Croato-

7 Serbe est utilisée." Vous voyez ce passage qui n'est pas écrit en

8 cyrillique ?

9 R. Je le vois.

10 Q. D'accord. Cela c'était en février 1993. Examinons maintenant un autre

11 document, le document 469, qui date du 8 avril 1993. A l'article I, nous

12 lisons : "En tant de guerre, l'article IV de la constitution de la

13 République de Bosnie-Herzégovine est suspendu dans son exécution." Il

14 s'agit de l'article IV dont nous venons de donner lecture à l'instant,

15 n'est-ce pas ? Vous lisez ce passage, Monsieur, 8 avril 1993, qui suspend

16 l'exécution de l'article IL Y AVAIT, datant de février 1993 ? Vous voyez ce

17 passage, Monsieur ?

18 R. Je le vois.

19 Q. Bien. J'aimerais, maintenant, vous montrer un dernier document, le

20 document 470. Ce document-ci date du 29 août 1993.

21 Nous lisons, article I, je cite : "Dans la République de Bosnie-

22 Herzégovine, les langues officielles sont le Bosniaque, le Serbe et le

23 Croate." Je répète que la date de ce document est le 29 août 1993. Vous

24 voyez ce passage, Monsieur ?

25 R. Je le vois.

26 Q. Je ne vous ai pas entendu ?

27 R. Oui, je le vois, je le vois.

28 Q. Bon, d'accord. Donc, vous serez d'accord avec moi au moins sur ce point

Page 2281

1 pour dire qu'officiellement la langue bosniaque n'est pas mentionnée dans

2 la constitution avant le mois d'août 1993, n'est-ce pas ?

3 R. C'est exact, mais je ne sais pas si vous le savez que cette langue

4 s'appelle le Croate. Remettez sur le rétroprojecteur -- le document selon

5 lequel les langues en usage sont les Serbe, le Croate et le Croato-Serbe,

6 donc, même pas le Croate. Alors, est-ce que l'Accusation va reprocher à M.

7 Prlic l'émission d'une décision par laquelle il était donné consigne à

8 l'université de Mostar de mener ces débats exclusivement en Croate et de

9 dispenser son enseignement exclusivement en Croate alors que le Croate

10 n'était pas déclaré langue constitutionnellement existante à l'époque ? Ne

11 rendons pas les choses plus difficiles qu'elles ne le sont.

12 Q. Oui, mais ce que je démontre --

13 R. C'est un problème très complexe. Vous mettez le doigt, maintenant, dans

14 une question pour laquelle je suis un expert et qui est très complexe pour

15 vous.

16 Q. Bien, Monsieur, j'essayais simplement de souligner qu'hier vous avez

17 été un peu moins honnête qu'aujourd'hui, en fait. Aujourd'hui, vous êtes

18 dans le vrai lorsque vous dites qu'en 1991, il existait une langue de la

19 Bosnie. Nous voyons que c'est seulement au mois d'août 1993 que la langue

20 bosniaque est introduite dans l'institution, c'est cela à quoi j'essayais

21 de parvenir.

22 R. Bien. Je regrette, mais ma réponse d'hier signifiait sur le fond que

23 j'étais opposé au fait qu'il souhaitait que l'enseignement soit dispensé à

24 l'université de Mostar, et exclusivement en Croate, ce qui était

25 anticonstitutionnel. Cette langue n'appartenait pas à une catégorie

26 reconnue par la constitution et c'est à cela que je m'opposais. Vous n'avez

27 pas prouvé aujourd'hui que le croate était constitutionnel.

28 Q. Hier, vous avez indiqué avoir donné un exemplaire d'une grammaire ou

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1 d'un livre qui datait de 1890 à un certain de vos collègues pour qu'il le

2 remette à M. Prlic; vous vous rappelez avoir dit cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Lorsque vous avez fait votre déclaration préalable devant les

5 représentants de l'Accusation vous n'avez pas dit un mot d'un livre de

6 grammaire de 1890 et encore moins d'une grammaire ou d'un ouvrage que vous

7 auriez remis à des collègues pour qu'ils le remettent au Pr Prlic, n'est-ce

8 pas ?

9 R. Il n'y a aucune raison de le mentionner, pourquoi est-ce que je

10 l'aurais fait ? C'était simplement un fait mineur sans aucune pertinence si

11 vous le souhaitez. Je peux vous remettre cet ouvrage. Ce n'est pas un

12 problème. Mais il a été publié par les éditions Sima Mesic et je suis sûr

13 qu'il a fait de réédition.

14 Q. Monsieur, le problème n'est pas l'existence de cet ouvrage qui remonte

15 à 1890. Le problème c'est que vous n'en avez parlé qu'hier ce qui est un

16 peu tard. Voilà ce que je m'efforce de souligner. Vous avez dit hier

17 quelque chose qui fait état que vous auriez remis un document à M. Prlic,

18 alors que dans votre déclaration préalable, vous n'en dites pas mot. C'est

19 cela que je m'efforce de souligner.

20 R. Je comprends. Je comprends ce que vous dites. Il y a des milliers de

21 choses que je n'ai pas mentionnées dans ma déclaration préalable. J'ai vécu

22 toute sorte de choses que je n'ai pas évoquées dans ma déclaration

23 préalable.

24 Q. Mais, dans votre déclaration préalable, Monsieur, vous dites que M.

25 Prlic n'a pas assisté à la réunion où il a été débattu de la langue qui

26 était utilisée. C'est cela que vous dites.

27 R. Non. Il faut que vous soyez plus précis, car c'est une délégation qui a

28 participé à ces débats et pas moi. Je n'ai pas assisté à la réunion. J'ai

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1 participé aux préparatifs de la réunion mais pas à la réunion en tant que

2 tel. Alija Piric, le Dr Zukovic [phon] et l'avocat, Damir Sadovic, ont

3 participé à cette réunion. Je n'y étais pas présent.

4 Q. Je ne dis pas que vous étiez présent. Mais dans votre déclaration

5 préalable vous dites que M. Prlic était à l'université mais n'a pas

6 participé à la réunion. C'est ce que vous avez dit lorsque vous avez fait

7 votre déclaration devant les représentants du bureau du Procureur.

8 R. Oui, oui. Non, excusez-moi. Il s'agissait d'une réunion de notre

9 conseil universitaire et pas de la réunion relative aux langues

10 officielles, parce que vous avez parlé de la grammaire tout à l'heure

11 maintenant vous parlez d'autre chose. M. Prlic n'a pas participé à la

12 réunion qui s'est tenue à l'université mais il a accueilli la délégation

13 qui est venue pour discuter de l'exigence consistant à demander la mise sur

14 un pied d'égalité officiel des trois langues parlées dans le pays.

15 Q. Ce que je recherche c'est une réponse que vous auriez faite qui

16 reprendrait ce que vous venez de dire. Est-ce que vous trouvez dans votre

17 déclaration préalable une réponse qui reprend ce que vous venez de dire ?

18 R. Quelle réponse ? De quoi vous parlez ? Est-ce qu'il a assisté à la

19 réunion du conseil universitaire ou est-ce qu'il a rencontré la délégation

20 de Bosnien qui est venu lui demander une égalité de traitement entre toutes

21 les langues utilisées en Bosnie-Herzégovine pour que l'enseignement soit

22 également dispensé en langue bosniaque ? De quelle réunion parlez-vous ?

23 Celle qui s'est tenue à l'université, ou celle à laquelle a participé la

24 délégation dont j'ai parlé ? Ce sont deux questions tout à fait

25 différentes.

26 Q. Très bien. Je vais reprendre, Monsieur. Si vous passez en revue votre

27 déclaration préalable, est-ce que vous trouverez dans celle-ci la moindre

28 mention du fait que Jadranko Prlic a participé à une réunion où ce genre de

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1 débat a eu lieu ? Parce que je ne trouve pas un tel passage et je serais

2 plus qu'heureux de vous remettre une copie de votre déclaration préalable

3 pour que vous puissiez rechercher ce passage. Peut-être pourrez-vous le

4 faire pendant la pause pour gagner du temps ?

5 R. Pendant la pause, je n'ai aucun problème à le faire, mais je ne vois

6 pas la pertinence de tout cela. Le Pr Prlic a rencontré la délégation dont

7 je fais mention. Cela ne fait aucun doute. Je le dis ici pour le compte

8 rendu d'audience. Il est certain que cette délégation a débattu cette

9 question avec lui parce que par la suite il nous a rendu compte. J'ai donné

10 les noms des professeurs qui faisaient partie de la délégation. Je vous ai

11 dit qui étaient ces personnes, et je vous ai dit qu'elles ont rendu compte

12 au conseil. Je ne vois pas pourquoi vous chercher la petite bête ici.

13 Q. D'accord. Alors, hier -- j'aimerais que nous parlions maintenant d'un

14 autre point. Hier, vous avez parlé d'un certain nombre de formulaires qui

15 ont été émis à Grude, vous rappelez-vous de cela ?

16 R. Oui.

17 Q. En fait, vous avez dit qu'ils avaient été imprimés en février 1992

18 alors que dans votre déclaration préalable je vois que vous parlez de

19 janvier 1992.

20 R. C'est possible mais ce n'est pas particulièrement capital. Quelle est

21 la différence que ce soit en février ou en janvier ? Je pense que c'était

22 en février mais il faudrait que je revoie ces documents pour me prononcer

23 de façon définitive. En tout cas, c'était avant la reconnaissance de la

24 République de Bosnie-Herzégovine et la reconnaissance de son indépendance.

25 M. SAHOTA : [interprétation] Peut-être pourrait-on placer un document sur

26 le rétroprojecteur et vous pourrez peut-être nous montrer le passage

27 pertinent ? Pièce à conviction de l'Accusation

28 P 9492.

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1 Q. Regardez ce qui figure en haut. Nous lisons les mots "République de

2 Bosnie-Herzégovine," n'est-ce pas, tout en haut ?

3 R. Oui.

4 Q. D'accord. Ce document est censé être un formulaire de rapport, n'est-ce

5 pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Maintenant, si on regarde le bas de la page. On lit le mot "Grude,"

8 puis barre oblique tout en bas --

9 M. KARNAVAS : [interprétation] Il faut encore remonter le document.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, cela n'est pas écrit.

11 M. KARNAVAS : [interprétation]

12 Q. Cette partie du texte ne semble pas figurer sur la page.

13 R. 1/92, oui, je le vois. Donc janvier 1992, c'est ce qui est écrit ici et

14 je maintiens à ce que j'ai déjà dit.

15 Q. Oui. On lit le chiffre 1, mais que penseriez-vous si je vous disais que

16 1 ne signifie pas janvier ici ?

17 R. Monsieur, je suis parfaitement au courant. J'ai été directeur d'une

18 école secondaire pendant de nombreuses années et il y avait des faussaires

19 qu'il falsifiait des documents. Tous les agents du monde quand ils

20 interrogeaient les gens, les interrogeaient sur la base de ce fait, et

21 falsifier un document c'était un délit grave. Donc ici cela signifie

22 janvier 1992. C'est certain. Posez la question à des experts, si vous les

23 connaissez, il ne fait aucun doute c'est absolument certain, que ceci

24 signifie janvier 1992.

25 Q. D'accord. Vous ne croyez pas que vous puissiez vous tromper.

26 R. Je sais que j'ai raison, absolument. Je sais absolument.

27 Q. Très bien. D'accord.

28 R. Je m'occupais de ce genre de chose je ne le connais très bien.

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1 Q. Grude c'est une ville qui avait une imprimerie, oui ou non ?

2 R. Oui.

3 Q. D'accord. A quel moment l'existence de la république a-t-elle été

4 décrétée, je parle de la République de Bosnie-Herzégovine ?

5 R. Le 1er mars 1992.

6 Q. Le 1er mars 1992, donc, je suppose que les gens de Grude savaient à

7 l'avance qu'il allait y avoir une République de Bosnie-Herzégovine et que

8 c'est pour cela qu'ils ont imprimé ces formulaires à l'avance parce que si

9 les formulaires ont été imprimés en janvier 1992 il faut bien croire qu'il

10 était impossible.

11 R. Ils sont très lucides mais géniaux.

12 Q. Oui. D'accord. D'ailleurs, en janvier, assurons-nous que nous nous

13 sommes bien compris. En janvier 1992, quelle était la dénomination de la

14 Bosnie-Herzégovine ?

15 R. Elle s'appelait la République socialiste de Bosnie-Herzégovine.

16 Q. D'accord. Donc, les gens de Grude ont décidé en janvier de ne plus

17 l'appeler République socialiste mais simplement république qui est la

18 dénomination qui a été donnée à la Bosnie-Herzégovine, finalement après

19 l'accession à l'indépendance ?

20 R. Ecoutez, regardez à quel moment a eu lieu le référendum au sujet de

21 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. A quel moment tous ces éléments

22 ont commencé ? A quel moment la Bosnie-Herzégovine a été créée, le 19

23 novembre 1991, et c'est sur la base de cet acte officiel, vous avez le

24 document sous le document, hier, que ceci a été imprimé. Nous l'avons dit,

25 hier. C'est la raison pour laquelle les élèves refusaient d'accepter leurs

26 certificats, leurs cartes de rapport. C'est la raison pour laquelle nous

27 avons élevé la voix. C'est ce dont je ne cesse de parler.

28 Q. D'accord. Merci. Encore un dernier point parce que nous manquons de

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1 temps et j'aimerais que nous abordons un nouveau point et qu'il soit

2 consigné au compte rendu d'audience. A ce moment-là de l'histoire, on vous

3 appelait encore des Musulmans et non des Bosniens à cette époque, n'est-ce

4 pas ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Quand êtes-vous devenu officiellement des Bosniens ? Quand la

7 dénomination a-t-elle changé ?

8 R. Il faut également connaître l'historique de cette dénomination,

9 bosnien, c'est la version archaïque du terme de "bosniaque".

10 Q. Je comprends bien. Je comprends bien. Je voulais simplement parler sur

11 le plan officiel.

12 R. Au congrès des intellectuels bosniens, dans le cadre du plan Vance-

13 Owen, la première résolution du congrès des intellectuels bosniens, une

14 résolution a été votée qui a, ensuite, été jugée contraignante par les

15 autorités gouvernementales et qui ont donc, modifié la dénomination de la

16 Bosnie-Herzégovine. Donc, c'est le congrès des intellectuels bosniens qui a

17 fait cette proposition pour la première fois et plus tard, celle-ci a été

18 transformée en réglementation légale puisque le document est sous nos yeux,

19 j'appelle votre attention sur cette carte de rapport où nous lisons : "Que

20 le premier terme, le premier sujet est la langue croate." C'est cela qui a

21 posé des problèmes. Cette carte de rapport est remise à tous les élèves et,

22 notamment, aux Musulmans donc, aux Bosniens où la langue croate est

23 mentionnée, qui a provoqué le refus d'acceptation des élèves bosniens de

24 ces cartes de rapport. Je pense qu'il convient de s'intéresser à la

25 question sur le fond.

26 Q. Je comprends la question sur le fond. Vous avez indiqué hier, qu'il n'y

27 avait pas de différences entre la langue croate, serbe et bosniaque et que

28 c'était une seule et même langue. D'accord.

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1 R. Mais, c'est un problème d'égalité en droit et de droits humains que

2 votre langue puisse avoir sa propre dénomination.

3 Q. Très bien. Je comprends. D'ailleurs, cette carte de rapport a été émise

4 puisque vous insistez sur ce point, en 1992, et nous l'avons remarqué en

5 1992, la langue bosniaque n'a pas existé jusqu'au mois -- n'existait pas,

6 puisqu'elle n'a existé qu'à partir du mois d'août 1993. Donc, il n'était

7 pas possible de l'appeler, langue bosniaque à cette époque-là ?

8 R. Le croate n'existait pas, pas plus que le bosnien ou le serbe.

9 L'article 4 de la constitution que vous nous avez soumis mentionne

10 l'existence d'une langue qui s'appelait Serbo-Croate ou Croato-Serbe. C'est

11 à cela que nous nous opposions. C'est cela que nous jugions anti-

12 constitutionnel puisque nous parlons ici, de droits et de procédures

13 légales. C'était anti-constitutionnel. C'est cela qui a fait l'objet de

14 notre position.

15 Q. Très bien. Vous avez indiqué que vous étiez à Dretelj au moment où vous

16 avez rencontré mon client, M. Prlic. Il accompagnait le ministre des

17 Affaires étrangères de Croatie, n'est-ce pas ?

18 R. Exact.

19 Q. Vous avez déclaré que vous pensez qu'il vous a vu, n'est-ce pas ?

20 R. Je l'ai supposé parce que je me suis efforcé de prendre place au

21 premier rang, de façon à ce qu'il puisse me voir. Ce qui ne veut pas dire

22 qu'il m'a vu, mais il avait la possibilité de me voir. J'ai tout fait pour

23 qu'il me remarque.

24 Q. Donc, vous supposez qu'il vous a vu et qu'il vous a répondu ?

25 R. Oui, je le suppose, mais cela ne veut rien dire parce que cet homme

26 peut très bien dire qu'il ne m'a pas vu. Nous, nous serons obligés d'en

27 rester là.

28 Q. Exact.

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1 R. Je souhaitais qu'il me voie, mais --

2 Q. Mais je suis sûr que vous le souhaitiez, mais c'est que vous faites une

3 hypothèse.

4 R. Vous pouvez lui poser la question.

5 Q. Encore une question, je n'ai pas pu ne pas remarquer hier, en vous

6 écoutant parler de la situation à Stolac où vous parliez, à ce moment-là,

7 des conditions dans lesquelles votre femme a été volée. Vous dites que même

8 les personnes qui avaient certaines compétences avaient des difficultés à

9 lancer des entreprises et puis, vous avez dit quelque chose qui a attiré

10 mon attention. Je cite: "La situation était la même pour les Croates

11 pauvres parce que les actes de contrebande avaient cessés, et cetera."

12 Alors, je ne peux m'empêcher de penser que vous avez des préjugés à l'égard

13 des Croates.

14 R. Non, non, inexact.

15 Q. Ce qui justifie que vous embellissiez la situation à certains moments

16 et que vous exagériez à d'autres.

17 R. D'abord, je ne parle pas d'eux, à ce moment-là. Je parlais de la

18 situation actuelle parce que le professeur m'a interrogé au sujet de la

19 situation actuelle et j'ai dit que les gens vivent aujourd'hui, dans une

20 situation difficile, qu'ils soient Serbes, Croates ou Bosniens, que la

21 situation est difficile pour tout le monde. Stolac, c'était un centre

22 important de contrebande, à une certaine époque, trafics de drogue et

23 autres. Il y avait de nombreux scandales qui ont secoué toute la Bosnie-

24 Herzégovine, à cette époque-là. Alors, ne me prenez pas au mot. Je parlais

25 de la situation actuelle, aujourd'hui. Je ne parlais pas du passé. Je

26 parlais de maintenant et je pense que j'étais, tout à fait, clair. Je vous

27 prie de m'excuser si je me suis mal exprimé, si j'ai utilisé l'imparfait ou

28 le passé composé mais ce n'est pas ce que j'avais à l'esprit. Je parlais de

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1 la situation actuelle. Les gens vivent différemment aujourd'hui. Je n'ai

2 aucun préjugé contre les Croates et j'ai de très bons amis croates, encore

3 plus que d'amis bosniens. Alors, il y a eu une centaine de familles à

4 Zagreb qui pourront vous le confirmer aujourd'hui. Par conséquent, ne

5 m'imputez un quelconque préjugé anti-Croate. Mes meilleurs amis sont

6 Croates. J'ai étudié en Croatie. J'ai obtenu mon doctorat en Croatie et ce

7 sont ces gens-là qui m'ont sorti de prison.

8 Q. C'était un élément de curiosité de ma part. Je vous remercie. Je n'ai

9 pas d'autres questions.

10 R. Merci de votre curiosité.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

12 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, très rapidement. Je

13 sais que le temps coure. Le 8 mai, les Juges de la Chambre ont ordonné à

14 l'équipe des conseils de la Défense de communiquer à l'Accusation tout

15 document qu'il serait susceptible d'utiliser au cours des contre-

16 interrogatoires. Je crois que cette ordonnance a été rappelée et je

17 remarque pour le compte rendu d'audience que l'équipe Prlic était encore en

18 train de nous communiquer des documents à 10 heures 13, ce matin, par

19 système

20 e-court. Alors, je demanderais que les choses soient faites plus vite si

21 c'est possible, j'apprécierais beaucoup. Merci.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

23 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne crois pas que ce

24 soit le moment opportun pour discuter de cela. Ceci est dû uniquement à des

25 raisons techniques car au cours de l'interrogatoire principal, des

26 questions ont été posées à ce témoin qui sort du champ de sa déclaration

27 préalable. Donc, certains des conseils de la Défense, en tout cas, ont

28 travaillé pas mal pendant le week-end. Nous avons placé les documents sur

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1 lesquels nous avons travaillé dans le système e-court, mais c'était le

2 week-end donc, ces documents ne sont disponibles que ce matin. C'est la

3 raison de notre retard. Les documents arrivent et pour ma part, en tout

4 cas, je suis l'arrivée des documents à l'écran et je peux vous dire que

5 nous avons communiqué un document quelques minutes à l'Accusation, au

6 moment même où nous l'avons vu dans notre système, donc nous n'y pouvons

7 rien.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est 10 heures et demie. Nous allons faire

9 la pause de 20 minutes et puis nous reprendrons dans 20 minutes.

10 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32

11 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise. Maître Karnavas, pour

13 les documents, je vous donne la parole pour la demande d'admission des

14 documents.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. 1D

16 000430, 1D 00468, 1D 00469, 1D 00470 et le document de l'Accusation que

17 nous avons utilisé, c'était le document P 9492 qui devrait devenir la pièce

18 1D 00471.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Karnavas.

20 Monsieur le Greffier.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ces

22 documents deviennent les documents, les pièces avec les cotes suivants : 1D

23 000430, 1D 00468, 1D 00430, 1D 00468, 1D 00469 et

24 1D 00470 ainsi que la pièce 1D 00471. Merci.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, avocat suivant. Nous avons une heure et

26 demie encore devant nous.

27 Mme NOZICA : [interprétation] : Je vous remercie, Monsieur le Président.

28 Avant d'entamer mon contre-interrogatoire, j'aimerais relever le fait que

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1 les documents que nous allons utiliser ne peuvent pas être présentés par le

2 système e-court. Malheureusement, nous vous avons fourni des impressions

3 papier, des « hard copy », avant le début de l'audience. Ces documents ont

4 été remis à l'Accusation également et lorsque je vais demander ces

5 documents, je voudrais qu'ils soient présentés au témoin.

6 Contre-interrogatoire par Mme Nozica :

7 Q. [interprétation] Bonjour.

8 R. Bonjour.

9 Q. Je m'appelle Senka Nozica et je défends les intérêts de

10 M. Stojic, c'est en son nom que je vais mener ce contre-interrogatoire.

11 Hier, en réponse à des questions posées par l'Accusation, vous avez

12 mentionné la résolution des Musulmans d'Herzégovine.

13 Mme NOZICA : [interprétation] Pièce de l'Accusation 00374, est-ce qu'on

14 peut me montrer la version électronique de ce document puisque nous allons

15 en discuter ? Merci beaucoup.

16 Q. Hier, vous avez déclaré qu'il s'agissait ici en fait d'une résolution

17 d'un document émanent du Conseil des intellectuels musulmans.

18 R. Oui.

19 Q. Vous avez ajouté que ce document, s'il avait été établi, c'était en

20 premier lieu à cause de la destruction de l'église orthodoxe, le fait

21 qu'elle avait été réduite en cendres.

22 R. Oui, c'était la cause immédiate.

23 Q. Pour ce qui est du dynamitage de l'église orthodoxe --

24 Mme NOZICA : [interprétation] Je ne vois plus le document, il est disparu

25 de l'écran. J'ai bien le texte, je vais m'en servir en attendant de revoir

26 ce document à l'écran.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi non plus je n'ai pas le document sous les

28 yeux.

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1 Mme NOZICA : [interprétation] Nous avons un problème, un instant, s'il vous

2 plaît. Nous l'avons, maintenant, tout va bien.

3 Q. Vous voyez ce document?

4 R. Oui.

5 Q. En ce qui concerne l'église orthodoxe de Mostar qui a été dynamitée,

6 savez-vous si on avait mis le feu à cette église auparavant ?

7 R. Je ne sais pas, mais je sais qu'elle a été dynamitée à cette époque-là.

8 Q. Donc, vous savez uniquement qu'elle avait été la proie d'un incendie ?

9 R. Je sais que le monastère de Tomasici avait été enseigné -- incendié et

10 dynamité auparavant. Ce sont des monuments de la première ou classés dans

11 la première catégorie. Nous voulions veiller à ce que d'autres monuments ne

12 soient pas détruits.

13 Q. Nous parlons la même langue. Je nous rappelle à tous deux qu'il serait

14 utile de faire une pause entre la question et la réponse dans l'intérêt de

15 la sténotypiste et aussi des interprètes. Bon, si vous, croyez vous que ce

16 soit là de bonnes raisons vous poussant à l'action et est-ce que c'est la

17 seule raison qui va vous -- vous a poussé à agir de la sorte ? Les

18 intellectuels de Mostar, d'Herzégovine, que vous étiez, est-ce que vous

19 aviez des informations disant qu'en octobre 1992, la JNA avait attaquée le

20 village de Ravno ? Savez-vous qu'en mai 1991, la JNA avait attaquée le

21 village d'Unista ? Croyez-vous que ce furent là des événements qui ont

22 motivé votre intervention et la volonté de protéger l'identité culturelle

23 de la Bosnie-Herzégovine, c'était la une bonne idée, mais cette résolution

24 n'a pas été prise un peu tardivement à cette fin ?

25 R. Mais cela a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Lorsqu'on

26 a dynamité l'église orthodoxe, là on avait dépassé les bornes. Il est

27 devenu nécessaire d'adopter cette résolution. Cela n'a pas été la cause de

28 l'adoption, cela a été la cause immédiate, disons. Nous nous étions

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1 toujours opposés à ce genre de chose. J'avais signé une résolution

2 s'opposant à l'attaque de Dubrovnik. J'avais participé à l'élaboration

3 d'autres résolutions condamnant la destruction du patrimoine culturel.

4 Q. Quand vous dites "je", vous parlez de vous personnellement. Vous dites

5 que vous êtes intervenu en prenant vous-même l'initiative de le faire. Ce

6 ne furent pas là les actions d'autres intellectuels, mais vous en tant que

7 citoyen de Bosnie-Herzégovine, vous estimiez nécessaire de réagir à ces

8 événements ?

9 R. Oui. Mais vous devez savoir que cette résolution a été le premier

10 document établi en vue de réunir les intellectuels musulmans pour qu'il se

11 forme une association. Cela a été un acte fondateur. Avant, nous n'avions

12 pas d'association, et le 8 février 1992, nous avons décidé de former une

13 institution qui pourrait effectivement faire office d'institution.

14 Q. Mis à part ce que vous avez dit, quelles furent les raisons de

15 constituer cette association ? Nous avons vu beaucoup d'éléments de preuve

16 à ce propos et nous sommes conscients du fait qu'à l'époque, il y avait eu

17 une agression de la part de l'armée serbe de la JNA, quel que soit le nom

18 que vous donniez à cette armée, sur la Bosnie-Herzégovine. Mais quelle fut

19 la cause immédiate poussant les Musulmans ou les intellectuels musulmans de

20 Bosnie-Herzégovine à se rassembler afin qu'ils puissent prendre certaines

21 mesures ou agissent ?

22 R. Vous trouverez la réponse dans la résolution, mais je vous ai dit que

23 42 professeurs de l'université avaient démissionné ou avaient été chassés à

24 toutes fins utiles de l'université, qu'ils s'étaient organisés afin d'agir.

25 A mon avis, c'est une résolution tout à fait honorable.

26 Q. Permettez-moi de revenir sur le compte rendu d'audience, page 40, ligne

27 21. Là, il y a une date qui est donnée qui est le 8 février 1992. Cela

28 devrait être la date du 8 août 1992.

Page 2296

1 R. Mais vous voyez la date qui est celle du 8 août sur cette résolution.

2 Q. Effectivement. A la lecture de cette résolution, pourrait-on tirer la

3 conclusion suivante : on fait référence à deux ou trois endroits au Coran ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous savez pourquoi je dis ceci ? A la première page, le Coran est

6 mentionné deux fois. A la deuxième page, on parle de la tradition

7 islamique.

8 R. Oui.

9 Q. A votre avis, la demande qu'on voit au premier point, elle exige qu'il

10 y ait une égalité pleine et entière pour la langue bosniaque. Est-ce que

11 c'était là une revendication illégale, puisque vous avez dit aujourd'hui à

12 la page 34, ligne 14, que les langues croates et bosniaques, à l'époque,

13 n'étaient pas des langues qui étaient reconnues par la constitution ?

14 R. Madame, vous étiez à Sarajevo et vous ne connaissiez même pas les

15 problèmes qu'il y avait à Mostar. Vous en étiez loin. Les membres de la

16 présidence qui ont modifié la constitution, les membres du gouvernement,

17 ont été informés par des collaborateurs comme Hadziosmanovic. Le problème,

18 c'est que des gens n'étaient pas informés, ils n'ont donc pas accordé

19 d'importance à cette question. C'est bien pour cela qu'on a cette

20 situation. Puis, vous me posez une question à propos des versets du Coran

21 qui viennent ici. Nous avons formé une communauté islamique parce que

22 c'était la seule organisation par laquelle nous pouvions agir. Les autres

23 organisations, elles travaillaient, elles collaboraient avec l'Herceg-

24 Bosna. Les associations culturelles affichaient toutes le damier comme

25 blason, le parti régional du Parti de l'Action démocratique avait comme

26 emblème le damier, et pas le lys. Par conséquent, nous étions une

27 organisation légitime dans la mesure où nous étions la seule à avoir établi

28 un conseil.

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1 Q. Nous allons revenir à cette question du comité régional du Parti de

2 l'Action démocratique, mais vous venez de -- je vous demande de revenir à

3 ce que je vous laissais entendre. Ces références au Coran n'impliquent-

4 elles pas que c'était la communauté islamique qui avait lancé cette

5 initiative.

6 R. Non, non. Ce sont les intellectuels qui ont pris cette initiative. Nous

7 voulions œuvrer au sein de cette organisation, car c'était la seule qui

8 nous permettait d'avoir un travail légitime et d'être un organe légitime.

9 Q. Fort bien. Cette résolution reflète le fait que vous vouliez avoir une

10 légitimité. Je ne veux pas ici argumenter avec vous à propos des

11 connaissances que j'ai ou que je n'ai pas pour ce qui se passait dans cette

12 région. Même si j'étais à Sarajevo, je savais très bien ce qui se passait.

13 R. Non, non, je ne pensais pas à vous personnellement, Madame. Je pensais

14 aux gens de Sarajevo.

15 Q. Ma question portait sur les langues. Je ne veux pas vous interroger là-

16 dessus. Je sais que vous êtes bien plus compétent en la matière que moi. Je

17 vous demande une confirmation de vos dires.

18 Vous avez dit aujourd'hui qu'au moment où a été élaborée cette

19 résolution, les langues croates et bosniaques n'étaient pas reconnues par

20 la constitution. Il y avait le serbo-croate et il y avait le croato-serbe,

21 le croate et le serbe. C'étaient les langues reconnues par la constitution.

22 R. C'est ce que dit la constitution. C'est un fait. Je ne peux pas le nier

23 ni l'affirmer. Effectivement, mais c'est un droit légitime. C'est conforme

24 à la loi. Ici, nous parlons de la substance même de la question. On impose

25 une langue. Un cours, un cursus est imposé à tous. Il y avait une forme de

26 langue qui était imposée à la population. C'était une espèce d'apartheid

27 dirigé contre les Musulmans de Bosnie, c'est pour cela que nous voulions

28 l'égalité.

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1 Q. Vous vous êtes servis de cette résolution pour exiger que la langue

2 bosniaque soit reconnue au même titre que les autres, notamment sur le

3 territoire en Herzégovine ?

4 R. Oui.

5 Q. Que s'est-il passé par la suite, dites-moi ? Suis-je en droit de penser

6 qu'une fois cette résolution adoptée, elle fut adoptée en août, il y a eu

7 une réunion de l'organisation musulmane d'Herzégovine et d'intellectuels

8 musulmans indépendants, décision d'établir ce Conseil des Musulmans

9 d'Herzégovine ?

10 R. Oui. Cela a été une tentative de coordination.

11 Q. Fort bien.

12 Mme NOZICA : [interprétation] J'aimerais que soit présenté le document

13 suivant, 9579. C'est un document de l'Accusation, un extrait d'un procès-

14 verbal. En réponse à une question posée par l'Accusation, vous avez discuté

15 hier de ce document. La date est celle du 19 septembre 1992. Je le

16 rappelle, c'est un document à charge qui porte la cote 9579.

17 Nous allons bientôt voir le document à l'écran, mais inutile d'attendre

18 puisque vous connaissez ce document. Hier, page 28, ligne 10 du compte

19 rendu d'audience -- oui, le voici, ce document.

20 Q. Vous avez dit que ce n'était pas une institution officielle, que

21 c'était une instance de coordination.

22 R. Oui. Je pense que c'était le cas. Je ne m'occupais pas de questions

23 juridiques, je ne savais pas si cela avait vraiment enregistré. Cupina

24 était l'avocat responsable de ces questions. Je ne peux pas vous dire si

25 ceci avait été enregistré auprès des autorités, mais de toute façon,

26 c'était une question de coordination de la situation.

27 Q. Fort bien. Est-ce que vous avez pu lire ce procès-verbal et ces

28 conclusions ? Est-ce que vous avez reçu une décision prise par les membres

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1 du comité exécutif ? Si je pose la question, c'est parce que vous avez été

2 élu en tant que membre de ce comité exécutif.

3 R. Vous avez vu qui était le président de l'organisation. Je n'ai présidé

4 aucune organisation, et du coup, je n'ai pas participé aux préparatifs à

5 cette réunion. Je me trouvais dans la salle, comme d'autres, et on m'a

6 proposé au poste de représentant de comité exécutif lors de cette réunion.

7 Q. Mais à la première page, vous en conviendrez avec moi, on mentionne les

8 participants, et il est dit que vous tous, vous prenez une décision pour

9 que soit établi le Conseil des Musulmans d'Herzégovine.

10 R. Oui.

11 Q. Si je vous pose la question, c'est parce que vous avez dit que c'était

12 simplement un organe de coordination, que ce n'était pas une institution

13 officielle. Prenons la deuxième page. En Croato-Bosno-Serbe, on voit

14 l'article VII : "Le conseil organise des séances de travail. Entre ces

15 séances, le comité exécutif exerce les fonctions du conseil."

16 Article VIII : "Lorsqu'il y a danger de guerre ou menace imminente de

17 guerre, ce conseil travaille à caractère provisoire, puis nous avons la

18 notion des autorités civiles qui sont établies conformément au système

19 constitutionnel et juridique de la République de la Bosnie-Herzégovine."

20 Nous avons l'article IX, on mentionne les instances qui sont élues.

21 Pour ce qui est de l'article 7, on voit qu'il peut y avoir des réunions du

22 conseil et que le comité exécutif fait office de conseil lorsqu'il n'est

23 pas possible d'avoir des séances de travail. Est-ce que c'est donc une

24 instance informelle, officieuse, ou est-ce que cette instance présente tous

25 les attributs faisant de cette instance un organe officiel, même si vous

26 avez dit que cet organe n'avait pas été enregistré ? Est-ce que cette

27 décision ne montre pas qu'on parle ici d'une instance tout à fait formelle,

28 officielle, et en détache un rôle bien spécifique au sein de la société ?

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1 R. Je peux vous poser la question à vous. Je ne suis pas avocat, je ne

2 peux pas répondre à une question aussi difficile sur le plan juridique. Je

3 suis intellectuel, je peux interpréter un texte, je sais pourquoi nous

4 avons établi cette instance et je sais effectivement qu'il était nécessaire

5 d'adopter les conclusions que nous avons sous les yeux, mais je ne pourrais

6 pas vous donner de réponse précise. Cupina, qui était avocat, et d'autres

7 ont travaillé sur cette question; pas moi.

8 Q. Dites-moi si vous avez adopté certaines conclusions. Vous étiez "une

9 instance de coordination". Est-ce que vous avez adopté certaines

10 conclusions ce jour-là ?

11 R. La présidence en exercice a proposé certaines conclusions qui ont été

12 adoptées.

13 Q. Fort bien, examinons-les, ces conclusions adoptées. Elles se trouvent à

14 la page 3 du procès-verbal. Au premier point, il est dit ceci : "Nous

15 condamnons les actes du comité régional du SDA en Herzégovine, et surtout

16 ce qu'a fait le président Ismet Hadziosmanovic, surtout pour ce qui est du

17 droit des Musulmans en Herzégovine."

18 R. Oui.

19 Q. Point 2, les Musulmans retirent le droit de représenter les Musulmans

20 d'Herzégovine, et c'est le président du comité régional du SDA

21 d'Herzégovine, M. Hadziosmanovic, qui le fait, et l'avocat.

22 R. Oui.

23 Q. Qu'est-ce que vous avez pensé au moment de l'adoption de ces

24 conclusions ?

25 R. Moi, personnellement ?

26 Q. Oui. Est-ce que pour vous, cela équivalait à prendre une décision qui,

27 à toutes fins utiles, remplaçait les membres du comité régional du SDA en

28 les privant du droit de représenter les citoyens ?

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1 R. Je ne pense pas. C'est une décision qui enlève le droit de

2 représentation à uniquement ces personnes. En effet, jusque-là, c'étaient

3 les seuls qui avaient été investis de ces droits de représentation, et

4 c'était là une des raisons principales de la tenue de cette réunion. Elle

5 était organisée afin que ce comité de coordination puisse discuter des

6 problèmes et proposer des solutions. On n'était pas organisés, on ne

7 pouvait pas imposer ce genre de conclusion à un parti politique. Le conseil

8 se composait de différents représentants, de différents partis politiques,

9 d'associations culturelles, vous l'avez vu vous-même. Nous voulions

10 simplement la participation de toutes les organisations au processus de

11 prise de décision. Les Musulmans faisant face à ce genre de problème

12 devaient participer.

13 Q. Mais vous n'avez pas répondu à ma question. En adoptant ces

14 conclusions, vous enlevez le droit de représentation à ces gens.

15 R. Est-ce que vous pensez que nous avions le pouvoir de le faire, de les

16 priver de ce droit ? Nous n'avions pas la capacité, c'était uniquement par

17 une force morale que nous pouvions le faire. Nous voulions qu'ils changent

18 d'attitude, nous voulions effectivement avoir un autre dialogue avec les

19 institutions culturelles religieuses. Nous ne voulions plus être

20 représentés par ce parti ni par son président Hadziosmanovic.

21 Q. Vous dites que vous faisiez une suggestion. Ce n'est pas une suggestion

22 qui est conseillée ici; on dit simplement voilà, le droit de représentation

23 est privé ou est nié. C'est une conclusion, ce n'est pas une suggestion.

24 R. Oui.

25 Q. Mais je veux savoir ce que vous avez dit vous, exactement. Il s'agit

26 ici d'un parti politique inscrit en tant que tel, et vous savez qu'il y a

27 des modalités d'élection de représentants de tels partis. Est-ce que

28 n'importe qui, en passant par une procédure juridique, peut empêcher qui

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1 que ce soit d'exercer son droit de représentation si cette personne a été

2 légalement établie dans ses fonctions ?

3 R. Le Parti du SDA n'avait pas beaucoup de membres, d'adhérents à

4 l'époque. En fait, ces gens ont usurpé -- ce parti politique a usurpé ce

5 droit en tant que parti unique, comme seul parti qui continuerait de

6 représenter tous les Musulmans. Nous voulions leur enlever ce droit-là en

7 particulier. On ne peut pas avoir simplement Ismet Hadziosmanovic, par

8 exemple, qui discuterait de questions religieuses avec un évêque ou qui

9 discuterait de questions culturelles avec un représentant de la culture.

10 C'est ce droit qu'on voulait leur enlever.

11 Quant à savoir s'ils ont arrêté ce genre de pratique, non, ils ne

12 l'ont pas fait, ils ont continué. Mais nous voulions, par ce genre de

13 réunion, essayer de mettre un terme à ce genre de pratiques. Nous ne

14 voulions pas nous immiscer dans le fonctionnement intérieur de ce parti.

15 Q. Mais est-ce que l'avocat Camil Salihovic et est-ce que Hadziosmanovic

16 sont restés membres du comité régional après ces événements?

17 R. Bien entendu, c'était légitime. Il aurait fallu qu'ils soient expulsés

18 par les organes de leur parti pour ne plus exercer ces fonctions.

19 Q. Est-ce qu'ils ont été remplacés de façon légitime ?

20 R. Oui. Ils ont été remplacés par le comité des municipalités après

21 réunion du comité régional au cours de laquelle M. Hadziosmanovic a été

22 remplacé par un membre de la présidence du parti, M. Demirovic.

23 Hadziosmanovic, il était le président du Conseil de la ville de Mostar.

24 Donc, il a été muté, si vous voulez, à notre poste, mais c'était une

25 question interne au parti.

26 Q. Puisque nous parlons de question interne au parti, c'est bien ce que je

27 voulais entendre, une telle suggestion, une telle conclusion empiète sur

28 des questions qui sont l'apanage d'un parti.

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1 R. Je ne suis pas d'accord. Ce sont des questions qui concernent tous les

2 citoyens.

3 Q. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a effectivement interdit aux membres du

4 parti de Mostar de s'occuper d'autres personnes en Herzégovine ?

5 R. Oui, ils voulaient uniquement s'occuper de Hadziosmanovic.

6 Q. Mais si vous aviez les questions religieuses à débattre ?

7 R. Vous pouviez parler au mufti.

8 Q. Le 19 septembre 1992, ce comité ou ce conseil est établi; vous

9 souvenez-vous qu'il y a eu une conférence de presse ?

10 R. Je me souviens qu'il y a eu une conférence de presse, mais je n'y ai

11 pas participé.

12 Q. Est-ce que vous avez été informé du fait qu'un mémorandum avait été

13 établi, faisant état de la situation et des problèmes à Mostar et en

14 Herzégovine ? Cela avait été établi par le cercle culturel de Musulmans de

15 Mostar dans le cadre de la communauté islamique ?

16 R. Non, je ne suis pas au courant de cela. C'est bien possible mais je

17 n'ai pas participé à ce genre d'activités. N'oubliez pas que j'habitais à

18 Stolac. Donc, il aurait fallu me déplacer pour aller à ces réunions. Il y a

19 beaucoup de réunions auxquelles je n'y suis pas allé. Donc, je n'ai pas

20 participé à ce genre d'activités.

21 Q. Mais je vais vous montrer quand même ce mémorandum. Peut-on le placer à

22 l'écran, numéro 2D 0007.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.

24 M. PORYVAEV : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons ce

25 document, mais il n'est pas traduit et je ne sais pas combien de pages il

26 fait. Je ne sais pas combien de pages mon collègue veut utiliser. Le

27 document est assez long. Je crois qu'on a le droit d'avoir la traduction

28 des parties ou des pages pertinentes.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je me tourne vers la Défense. Normalement, vous

2 devez faire traduire le document avant.

3 Bon. Donc, si ce document on l'admet, ce serait aux fins d'identification.

4 On peut présenter le document puis, faites lire par le témoin, la phrase

5 qui vous intéresse. Comme cela, nous aurons les traductions.

6 Mme NOZICA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

7 L'équipe de la Défense de M. Praljak a demandé la traduction de ce

8 document, le 21 décembre 2005. C'était le numéro 5D 352-19 et la totalité

9 du document vous sera soumise en temps utile. Mais c'est un document

10 volumineux. Ce qui veut dire que nous n'avions pas pu préparer la

11 traduction dans les temps. Aujourd'hui, je voudrais uniquement présenter la

12 première page au témoin afin de voir s'il a effectivement participé à la

13 rédaction de ce mémorandum. Est-il possible de placer le document sur le

14 rétroprojecteur ?

15 Q. Est-ce que vous voyez la première page de ce mémorandum ?

16 Veuillez l'examiner, plus exactement, la deuxième page. Donc, vous avez le

17 sommaire. Il est dit que ceci a été rédigé par le cercle culturel des

18 Musulmans de Mostar; est-ce bien exact ?

19 R. Oui, oui, mais ce n'est pas le même cercle. Je n'ai pas connaissance de

20 ce document.

21 Q. La confusion règne dans mon esprit. Est-ce qu'il y avait deux cercles;

22 c'est ce que vous dites ?

23 R. Je ne connais pas celui-ci dont vous parlez. Ce n'est pas un document

24 officiel. C'est sans doute quelque chose qu'il avait à l'ordre du jour.

25 Mais je ne l'ai jamais vu ce document. Je n'ai pas participé à cette

26 réunion et je n'ai pas la moindre information à son propos.

27 Q. Si c'est le cas, nous n'allons pas examiner ce document. Si le témoin

28 dit ne pas en avoir connaissance. Mais j'aimerais quand même vous le dire,

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1 vous devriez savoir que le Conseil des Musulmans de Herzégovine ainsi que

2 les représentants du cercle culturel des Musulmans de Mostar se trouvaient

3 à une conférence de presse ?

4 R. Vous voyez, vous parlez de deux institutions.

5 Q. Oui, mais cette résolution a été adoptée par cette première

6 institution ?

7 R. Non.

8 Q. Mais, elle a été élaborée par les intellectuels musulmans. Dites-moi,

9 le Conseil des intellectuels musulmans de Herzégovine, est-ce qu'il y avait

10 à la réunion fondatrice, aussi le cercle culturel des intellectuels de

11 Mostar ?

12 R. Non, non. Vous voyez les signatures apposées au document. Si je me

13 souviens bien, j'étais dans le public. Je n'ai pas participé aux

14 préparatifs. Vous voyez, ce sont les institutions qui sont énumérées ou

15 mentionnées dans le premier procès-verbal de cette réunion.

16 Q. Revenons au document de l'Accusation portant le numéro 9579. C'est un

17 extrait du procès-verbal et plus exactement, sur la première page.

18 Mme NOZICA : [interprétation] Est-ce qu'on peut agrandir l'image ?

19 Q. La partie qui se trouve juste en dessous de l'intitulé, qui M. Faruk

20 Cupina représentait-il ?

21 R. Il disait qu'il était le représentant du cercle culturel des Musulmans

22 de Herzégovine en tant qu'organisateur technique.

23 Q. Est-ce qu'il était membre du cercle culturel des Musulmans de Mostar ?

24 R. Je n'en ai pas la moindre idée. Je ne pourrais pas vous le dire. Je

25 n'ai pas plutôt participé à ceci. Je n'ai pas pris part à cet événement.

26 J'étais seulement présent à l'assemblée générale où il y avait, à peu près,

27 300 intellectuels et on m'a choisi comme membre du comité exécutif lors de

28 cette assemblée.

Page 2307

1 Q. Mais dites-moi, est-ce que vous étiez présent lors de la conférence de

2 presse ?

3 R. Non, pour autant que je m'en souvienne. Je ne vois pas pourquoi je m'y

4 serais trouvé.

5 M. PORYVAEV : [interprétation] Je voudrais que soit présenté le document

6 suivant. C'est une pièce de la Défense, 2D 00017.

7 On vient de me dire que ceci figure dans le système électronique. Donc,

8 nous devrions pouvoir le voir à l'écran par ce biais-là.

9 Q. Connaissiez-vous cette décision ? Il est question de la décision prise

10 par la cellule de Crise municipale en date du 29 avril 1992.

11 R. Non, je n'ai pas eu l'occasion d'en prendre connaissance ni contact.

12 Q. Très bien. Dans ce cas-là, je voudrais que l'on agrandisse la partie où

13 l'on voit les noms des membres de la cellule de Crise.

14 R. Mais cela concerne Mostar. Je ne faisais pas partie de l'assemblée

15 municipale de Mostar. Je faisais partie de la municipalité de Stolac.

16 Q. Si je vous montre cela, c'est parce que vous avez pris part à

17 l'assemblée où la décision a été prise de créer le Conseil des Musulmans de

18 Bosnie-Herzégovine. Comme nous venons de le lire, la décision y a été prise

19 de retirer le droit de représenter les Musulmans de Herzégovine à, entre

20 autres, M. Ismet Hadziosmanovic. C'est lui qui nous intéresse plus

21 particulièrement pour le moment. Donc, s'il vous plaît, peut-on voir les

22 noms ? Si l'on peut voir la partie inférieure. Donc, les membres de la

23 cellule de Crise au moment où l'on a pris la décision de créer le Conseil

24 des Musulmans comme vous l'avez dit, vous avez débattu de la situation qui

25 prévalait à Mostar, à ce moment-là. Vous avez discuté de la situation, des

26 événements qui s'étaient produits jusqu'à ce moment-là, et vous avez pris

27 des conclusions, adopté des conclusions après avoir analysé la situation.

28 Maintenant, je vous pose ma question qui porte sur la cellule de Crise : Au

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1 moment où vous avez décidé de créer le Conseil des Musulmans, est-ce que

2 vous saviez qui en étaient les membres de la cellule de Crise ?

3 R. C'est grâce aux médias seulement que je savais qu'à l'arrivée du HVO,

4 cette institution a été écartée, que M. Gagro était à la tête de la ville

5 de Mostar et qu'eux n'étaient plus légitimes ou légaux. Donc comme je

6 n'étais pas à Mostar je ne peux pas vous en dire plus.

7 Q. Mais je vous invite simplement à voir quels sont les noms ? On voit

8 Melivov [phon] Gagro.

9 R. Mais je sais qu'il était le président de Mostar et je savais que

10 c'était un citoyen de Mostar. Je le connaissais grâce aux médias. Je pense

11 que les autres noms sont les noms des représentants des différents partis.

12 Q. Zijad Demirovic.

13 R. Je pense qu'il était vice-président.

14 Q. M. Hadziosmanovic ?

15 R. Président du SDA, je ne sais pas.

16 L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent que les voix se chevauchent

17 constamment.

18 Mme NOZICA : [interprétation] Je vous présente mes excuses.

19 Q. Lorsque M. Ismet Hadziosmanovic a été relevé de ses fonctions, comme

20 vous l'avez dit, il a continué d'occuper son poste néanmoins au sein de

21 l'organe. Mais qui a été élu à la tête de l'organe régional du SDA ?

22 R. En tant que simple citoyen et en tant qu'intellectuel, je sais que

23 Zijad Demirovic a été élu à la tête du conseil régional et c'est Ismet

24 Hadziosmanovic qui a été élu à la tête du comité municipal de la ville.

25 Mais je ne sais pas comment se sont déroulées les élections.

26 Q. Au moment où les décisions ont été adoptées dans ces décisions qui

27 apportaient création du Conseil des Musulmans de Bosnie-Herzégovine, vous

28 n'avez pas demandé que M. Demirovic soit démis de ses fonctions.

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1 R. Mais il n'était qu'un des membres de la présidence de ce parti. Nous

2 avons demandé uniquement que le président d'un parti, d'un seul parti.

3 D'ailleurs, je suis toujours hostile à cela qu'un seul parti ou que ce soit

4 à quelque moment que ce soit le parti qui représentera les intérêts de tout

5 un peuple.

6 Q. Un autre monsieur, Camil Salihovic ?

7 R. Mais ce n'était personne. Il était simplement en service d'Ismet

8 Hadziosmanovic et parfois pour faire son importance, il faisait sembler

9 qu'il agissait en son nom. Mais, enfin, je ne connais pas les détails. Il

10 en a été ainsi. Je n'ai été qu'un spectateur. Vous savez ces conclusions

11 ont été présentées aux membres du conseil. Nous étions 300 pour adopter --

12 par m'enlever les conclusions et c'est tout.

13 Q. Monsieur, hier, j'ai eu l'impression en écoutant votre déposition que

14 vous souscriviez tout ce que vous avez dit à toutes ces conclusions et

15 décisions. Monsieur, Ismet Hadziosmanovic était certes président, mais vous

16 vous êtes également intéressé à ce qu'il en était des membres du parti sans

17 demander que M. Zijad Demirovic lui soit démis de ses fonctions.

18 R. Hadziosmanovic était habilité à nous représenter. Or, Demirovic ne

19 l'était pas. C'est la substance qui est importante et non pas les détails

20 sur lesquels vous m'interrogez. Eux, ils ont usurpé le droit l'un sur

21 autorisation du président et l'autre parce qu'il était président ils se

22 sont arrogés le droit de représenter tout un peuple.

23 L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent que les voix se chevauchent. Il

24 n'est pas possible de suivre dans ces conditions-là.

25 Mme NOZICA : [interprétation]

26 Q. Je vais vous poser une question directe. Le HVO est-ce qu'il s'est vu

27 autoriser par eux donc l'état-major municipal de Mostar d'assumer la

28 défense de la ville de Mostar ?

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1 R. Je ne peux pas vraiment parler. Ces décisions ont été prises à Mostar.

2 J'ai assisté occasionnellement à ces réunions. J'étais à Stolac. J'ai joué

3 mon rôle d'intellectuel et non pas de figure politique.

4 Q. Très bien. Nous allons prendre le temps de lire l'article II, signé par

5 ces membres-là, les hommes pour lesquels vous avez estimé qu'ils n'avaient

6 à vous représenter et également d'autres pour lesquels vous n'avez estimé

7 qu'il faille qu'ils cessent de vous représenter. Donc au point II, on lit :

8 "La protection et la défense de la ville du Mostar fasse formation telle

9 que citée à l'article premier et confiée au Conseil croate de Défense,

10 l'état-major municipal de Mostar ainsi qu'aux membres du ministère de

11 l'Intérieur, centre Mostar."

12 Ces hommes-là, ces membres de la cellule de Crise tels nommés, ont pris

13 ensemble cette décision-là. Je sais que vous n'étiez pas présent au moment

14 où la décision a été prise. Mais vu un certain nombre de décisions que vous

15 avez prises au sein du cercle des intellectuels musulmans et du Conseil des

16 --

17 R. Non, mais ce n'est pas au sein du cercle des intellectuels islamiques

18 que j'ai agi.

19 Q. Mais vous êtes membre du Conseil des Musulmans de Bosnie-Herzégovine.

20 R. Oui. Du groupe qui a adopté la résolution que nous avons vue. Mais je

21 voudrais --

22 L'INTERPRÈTE : Les voix se chevauchent, les deux orateurs parlent en même

23 temps.

24 Mme NOZICA : [interprétation]

25 Q. Le 29 avril 1992.

26 R. Je suis à Stolac à cette date-là. Je ne pouvais pas sortir de chez moi.

27 C'était occupé par les Chetnik. Je ne pouvais pas atteindre Mostar avant le

28 25 ou le 26 avril. Je ne vois pas pourquoi vous me posez cette question.

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1 Q. Mais vous serez quand même d'accord avec nous pour dire que cette

2 décision a été prise avant la création du Conseil des Musulmans de Bosnie-

3 Herzégovine qu'à cette réunion vous en avez débattu. Alors, j'aimerais

4 jusqu'à ce moment-là qui vous a représenté à ce moment-là vous avez adopté

5 la conclusion qu'il y a eu des individus qui avaient collaboré avec le

6 HVO ? Si l'on cherche à voir qui sera habilité à l'avenir de représenter

7 les Musulmans il me semblerait logique que vous ayez su à ce moment-là qui

8 avait pris quelle décision en Bosnie-Herzégovine jusqu'à ce moment-là ?

9 R. Madame l'Avocat, je suppose que des centaines des décisions différentes

10 ont été prises et que je ne les ai pas toutes connues, parce qu'elles

11 avaient été prises par différents organes. Nous avons créé un Conseil de

12 coordination en puisant dans toutes les organisations légales des Musulmans

13 où il y avait des participants musulmans. Alors, toutes ces organisations

14 qui maintenant délèguent leurs représentants nous avons souhaité qu'elles

15 soient représentées. Nous avons voulu participer à des entretiens, des

16 pourparlers, des négociations, enfin la vie sociale. Maintenant, tout se

17 voit exclu de la vie sociale. Sur le plan local, vous avez une oligarchie

18 qui se donne le droit de représenter un peuple tout entier en ignorant

19 l'existence de tous les autres partis, organisations. Donc en ignorant la

20 vie religieuse, culturelle, sociale, enfin l'établissement de ce peuple sur

21 tous les plans. Excusez-moi. Je présente mes excuses. Aux traducteurs,

22 interprètes, ma fille en fait partie et elle me dit souvent que nous sommes

23 souvent très difficiles comme orateur.

24 Q. Monsieur, lorsqu'on prend la décision que quelqu'un ne peut plus

25 représenter les Musulmans d'Herzégovine d'après moi, il serait logique que

26 vous sachiez qui jusqu'à ce moment-là a pris des décisions cruciales au nom

27 des Musulmans de Bosnie-Herzégovine et de Mostar ? Excusez-moi, je suppose

28 qu'il s'agit là d'une décision ou des décisions cruciales.

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1 R. Je vous en prie et vous n'avez gardé votre supposition.

2 Mme NOZICA : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher un document à

3 présent, 2D 00020. Est-ce qu'on peut l'afficher à l'écran dans le système

4 électronique.

5 Q. Avez-vous jamais eu l'occasion de voir ces conclusions du Parti

6 de l'Action démocratique prises à Sarajevo ?

7 R. Non, pas à Sarajevo, à Zagreb.

8 Q. C'est le SDA de Sarajevo, mais la réunion a été tenue à Zagreb.

9 R. Oui, c'est ce qu'on lit ici. Non, je ne l'ai jamais vu.

10 Q. Alors, je vais vous en donner lecture si vous acceptez, je vais

11 ralentir. Donc, même si vous n'avez pas eu l'occasion de voir le document

12 précédemment. J'estime qu'il s'agit d'un document très important. Au point

13 V, je vais lire. On le voit à l'écran. "La création des Conseils nationaux

14 des Musulmans dans certains milieux de Bosnie-Herzégovine, ne constituent

15 pas une réponse adéquate à certaines pressions qui s'exercent et à des

16 mesures prises unilatéralement par le HVO, les difficultés dans le

17 fonctionnement des organes de l'Etat et le manque d'activités du SDA."

18 Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, examiner l'entête de ce

19 document ? La réunion s'est tenue le 3, 4 et 5 octobre, et en bas, nous

20 avons la signature. Nous avons qu'il y a eu publication des ces

21 conclusions, le 5 octobre 1992.

22 M. PORYVAEV : [interprétation] Monsieur le Président, objection. De

23 toute évidence, le témoin a dit qu'il n'avait jamais vu ce document et

24 maintenant, on le contre-interroge au sujet de ce document. C'est une

25 question de pertinence.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, quelle est la pertinence de la question

27 par rapport au témoin ? Ce document, il ne le connaît. Il ne l'a jamais vu.

28 Vous avez évoqué le paragraphe 5. Alors, quelle question voulez-vous lui

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1 poser pour que cela nous soit utile, à nous les Juges, parce que, là pour

2 le moment, je ne vois pas très bien.

3 Mme NOZICA : [interprétation] Si vous m'y autorisez, Monsieur le

4 Président, je poserais une question qui vous permettrait de voir qu'il

5 s'agit de quelque chose de très pertinent.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Cela, nous le verrons.

7 Mme NOZICA : [interprétation]

8 Q. S'il vous plaît, savez-vous qui, à ce moment-là, au sein du SDA a été

9 son président par intérim ?

10 R. Je n'en sais rien.

11 Q. Vous n'en savez rien.

12 R. Non, pas à ce moment-là.

13 Q. Monsieur Mirsad Ceman, est-ce que vous admettez qu'il aurait pu

14 l'être ?

15 R. Le président de tout le parti, pas seulement à Mostar.

16 Q. Oui.

17 R. Je ne sais pas.

18 Q. Alors, je n'ai pas d'autres questions. Je vous remercie. Mme NOZICA :

19 [interprétation] Enfin, je vais demander le versement des pièces suivantes

20 : document de la Défense, 2D 0007,

21 2D 0017, ainsi que -- Excusez-moi. Enfin, deux pièces de l'Accusation que

22 j'ai utilisées qui désormais seront référencées, 00374 de l'Accusation sur

23 le document 2D 00019. Nous en avons un dernier pour la Défense. C'est le

24 document du processus 9579. Désormais, il sera référencé, 2D 00023. Merci.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

26 M. LE GREFFIER : Ces deux documents seront versés au dossier comme suit :

27 2D 00019 et 2D 00023. Merci.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est exact ?

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1 Mme NOZICA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous

2 sommes d'accord ici. Si j'ai une intervention, je vous le ferai savoir à la

3 fin.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Bien, avant la pause, il nous reste 45

5 minutes, à moins que vous vouliez faire la pause maintenant et on reprendra

6 dans une heure et demie, comme vous voulez.

7 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas

8 déranger à notre règle, nous pouvons interrompre s'il le faut plus tard,

9 mais je voudrais garder l'ordre tel qu'il était, enfin, le planning tel

10 qu'il était prévu. Mais il me faudrait cinq minutes pour mon client. Il

11 souhaite aborder un sujet, brièvement. Un sujet qui a déjà été abordé

12 aujourd'hui, mais nous estimons qu'il reste encore des choses à élucider,

13 que mon client connaît bien la question de la langue, en particulier. Il

14 prendrait cinq minutes et j'en prendrais 35, par la suite.

15 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :

16 Q. [interprétation] J'ai toujours très peu de temps, Monsieur le

17 Professeur. Donc, vu que j'y mets très peu de temps, pouvez-vous me

18 répondre très simplement, sans ajouter des explications ?

19 R. Il s'agit d'un sujet qui n'est pas simple mais je vais essayer.

20 Q. Les Musulmans sont devenus formellement, juridiquement parlant, un

21 peuple, en 1974, par la constitution. Oui ou non ?

22 R. Ils ne sont pas devenus un peuple.

23 Q. Mais d'un point de vue formelle et juridique ?

24 R. Avant cela, en 1963 également, on voulait trouver comme catégorie dans

25 la constitution, seulement, il ne s'appelait pas "Musulman", mais

26 autrement. Donc, ce n'est pas, à ce moment-là, mais avant.

27 Q. Mais je vous demande la chose suivante : Formellement, juridiquement,

28 ils sont devenus Musulmans, en 1974.

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1 R. Oui.

2 Q. A ce moment-là, ils n'ont pas reçu le droit à leur langue. Je ne pense

3 pas que vous n'ayez pas droit à cela mais il n'ont pas reçu ce nom, ce

4 droit.

5 R. C'est vrai.

6 Q. Oui ou non ?

7 R. Ils n'ont pas reçu ce droit.

8 Q. Cela a duré jusqu'en 1993. Ce n'est qu'en cette année-là, 1993, que

9 formellement, juridiquement, cette langue a reçu l'appellation, "langue

10 bosniaque" ?

11 R. En Bosnie-Herzégovine.

12 Q. Oui. Vous étiez membre de la Ligue des Communistes de Yougoslavie ?

13 R. Oui.

14 Q. Par voie de déclarations, n'auriez-vous jamais demandé que ce droit

15 incontestable d'un peuple à avoir, sa langue soit exercée au sein de la

16 Yougoslavie de Tito ?

17 R. Vous faites référence au communiste ou à moi, personnellement ?

18 Q. Au communiste ?

19 R. Mais vous, vous étiez communiste. Vous devriez le savoir.

20 Q. Je m'excuse. Vous avez des informations qui sont erronées. Je n'étais

21 pas communiste.

22 R. Je n'avais pas d'informations.

23 Q. Mais vous êtes un témoin. Vous n'êtes pas un juge.

24 R. Mais comment voulez-vous que je vous parle du Parti communiste ?

25 Q. Mais, s'il vous plaît, répondez à ma question.

26 R. Au sein du Parti communiste, j'étais vraiment, très, très marginal,

27 j'étais un très petit poisson.

28 Q. Mais, s'il vous plaît, répondez à mes questions.

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1 L'INTERPRÈTE : Les voix se chevauchent.

2 R. Je vous en prie.

3 Q. Je ne suis pas ici à vous poser des questions en votre qualité de juge,

4 vous êtes témoin et non pas le juge. Répondez de manière précise à mes

5 questions, s'il vous plaît.

6 R. Je vous en prie. Je vous écoute.

7 Q. Pendant 17 ans, de manière formelle, juridique, les Musulmans ont

8 existé en tant que peuple, mais au sein de la Yougoslavie de Tito, ils

9 n'avaient pas le droit d'avoir une appellation pour leur langue comme ils

10 l'auraient souhaité; est-ce exact ?

11 R. Oui.

12 Q. Je vous remercie. Dans la constitution de la République socialiste

13 fédérative de la Yougoslavie, on trouve une énumération des langues

14 qu'avaient droit d'utiliser les individus et les peuples au sein de la

15 RSFY. Nous l'avons vu dans un document, dans le document qui a été montré

16 ici par l'avocat Karnavas. Là, on voit énumérés la langue Serbo-Croate, le

17 Croato-Serbe, le Serbe et le Croate, d'où il ressort que sur tout le

18 territoire de la République socialiste fédérative de la Yougoslavie, la

19 langue Croate était une catégorie constitutionnelle et qu'on était en droit

20 de l'utiliser en tant que langue maternelle de tous les Croates sans

21 encourir de sanctions à cause de cela; est-ce exact ou non ?

22 R. Non.

23 Q. Je vous remercie, je n'ai pas besoin d'explications.

24 R. Mais pourquoi vous ne me permettez pas -- mais vous ne pouvez pas faire

25 des discours, ici, alors que je n'ai pas le droit de répondre.

26 Q. Non, nous avons épuisé le sujet. Les avocats présenteront les

27 documents. Nous ne sommes pas ici pour les explications. J'ai un autre

28 sujet, une autre question.

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1 Vous vous intéressez à la littérature, Monsieur le Professeur ?

2 R. Oui.

3 Q. Avez-vous jamais abordé dans vos publications des problèmes

4 linguistiques ?

5 R. Bien sûr que si.

6 Q. Vous avez rédigé des grammaires ?

7 R. Non.

8 Q. Des livres d'orthographe ?

9 R. Non.

10 Q. Des dictionnaires ?

11 R. Je ne vois pas où voulez-vous en venir.

12 Q. Avez-vous jamais rédigé un dictionnaire ?

13 R. Non.

14 Q. Avez-vous écrit des articles sur la syntaxe ?

15 R. Oui.

16 Q. Je voudrais -- enfin, je n'ai pas beaucoup de temps, mon temps va

17 bientôt être épuisé. Vous vous êtes intéressé à la littérature, à la

18 littérature croate, entre autres ?

19 R. Oui.

20 Q. Marin Drzic, est-ce l'un des meilleurs auteurs dans la langue

21 d'expression croate ?

22 R. Oui.

23 Q. Matija Reljkovic, c'est un écrivain que vous connaissiez ?

24 R. Mais Monsieur, j'ai fait des études à Zagreb, bien sûr que j'en ai

25 entendu parler.

26 Q. Monsieur le Professeur, oui ou non, en avez-vous entendu parler ?

27 R. Mais s'il vous plaît, comment procédez-vous ? Ne faites pas cela.

28 Q. Mais s'il vous plaît, est-ce que vous en avez entendu parler ?

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1 R. Mais vous m'avez privé de la moitié de ma vie, Monsieur.

2 Q. Hektorovic, en avez-vous entendu parler ?

3 R. Oui.

4 Q. Avec l'autorisation de la Chambre et en m'adressant aux interprètes, je

5 vais les prier d'interpréter les vers comme suit de Marin Drzic qui

6 viennent d'un texte de théâtre. Suit une citation d'un texte de théâtre, en

7 vers, dans le dialecte Dalmate que l'interprète ne peut pas improviser.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Veuillez citer, mais doucement, pour que les

9 interprètes puissent traduire parce que vous avez été tellement vite que

10 les interprètes se sont arrêtés. Donc, on va vous écouter, mais allez-y

11 doucement.

12 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

13 Juges, personne ne peut comprendre cela. Je peux réitérer les vers;

14 adressez-vous aux Croates qui sont ici, adressez-vous à M. Rizvanbegovic,

15 demandez-lui s'il a compris quoi que ce soit. Les interprètes ne peuvent

16 pas vous le traduire parce qu'ils ne connaissent pas la langue des grands

17 auteurs croates.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur est en train de faire la confusion

19 entre le parlé de Dubrovnik du XVe siècle et la langue standard. Est-ce

20 qu'en tant qu'Italien, on peut connaître simplement la langue italienne qui

21 est telle qu'elle était parlée au XVe ou XVIe siècle ?

22 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

23 Q. Mais nous sommes devant un Tribunal, ici.

24 R. Je ne vous pose pas la question à vous, Monsieur Praljak, mais au Juge.

25 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] M. le Professeur n'est pas ici pour

26 faire des discours.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est vous qui faites des discours, ici.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Parljak, posez votre question et on verra

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1 bien ce que nous répondra le professeur.

2 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

3 Q. Monsieur le Professeur, voici ma question. Lorsqu'on voit le texte de

4 Marin Drzic, l'un des plus grands auteurs de langue croate, plus grands

5 auteurs de textes de théâtre, est-ce que vous avez compris quelque chose de

6 ce qu'il a dit ?

7 R. Mais, bien sûr que j'ai compris le minimum qui est nécessaire à

8 l'interprétation d'un texte littéraire. Si je l'avais sous les yeux,

9 j'arriverais à vous le traduire aussi bien que vous ou vos confrères et

10 consoeurs qui sont ici. Sinon, je ne serais -- enfin, bien sûr que je suis

11 capable de lire Dundo Maroje, ce texte de théâtre. Mais vous savez que des

12 parlers locaux peuvent être utilisés dans des textes de théâtre, comme

13 c'est le cas ici, d'ailleurs, donc je ne vois pas pourquoi vous me posez la

14 question.

15 Q. Vous nous dites que Marin Drzic fait un parlé local de la langue croate

16 et toute la littérature --

17 R. Mais je n'ai pas dit toute la littérature.

18 Q. Vous avez dit toute la littérature de Dubrovnik. Mais comment est-ce

19 que le plus grand dramaturge croate peut être un simple parlé de la langue

20 croate ?

21 R. Ecoutez, c'est Miroslav Krleza, en Jajkavien [phon] qui a écrit les

22 meilleurs vers, la meilleure poésie de la langue croate. Je ne vois pas

23 pourquoi vous vous lancez dans des sujets que vous ne connaissez pas, que

24 vous ne maîtrisez pas.

25 Q. Je pense que c'est inutile de continuer. Monsieur le Professeur est

26 venu dans ce prétoire parler à ces honorables Juges, il devrait respecter

27 les faits. Après Vukovar, après Zadar, après que Mostar aient été détruits,

28 ceux qui posent la question de la position constitutionnelle de la langue

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1 croate après que Stolac a été pillé, ces gens-là ne sont pas des

2 intellectuels, comme vous vous plaisez à vous qualifier.

3 R. Mais Monsieur le Juge, je viens de faire l'objet d'une attaque.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Maître Kovacic, il vous reste une demi-

5 heure avant la pause.

6 M. KOVACIC : [interprétation] Pour en terminer sur ce sujet de la langue,

7 j'aimerais soumettre au témoin un document que l'on peut trouver grâce au

8 système e-court, soit le numéro 3D 00182.

9 Contre-interrogatoire par M. Kovacic :

10 Q. Professeur, en attendant que ce document s'affiche à l'écran, je vous

11 prierais, puisque vous avez à plusieurs reprises évoqué Zijad Demirovic, le

12 président du parti SDA -- voilà, le document s'affiche. Donc, je vous

13 prierais de vous pencher sur ceci. C'est une de ses lettres, une lettre

14 qu'il a écrite le 8 mars 1993 et qu'il adresse au ministère de la Science

15 et de l'Education de la République de Bosnie-Herzégovine.

16 Donc, nous sommes au mois de mars 1993, et dans le premier paragraphe de

17 cette lettre, après avoir évoqué un certain nombre d'événements survenus

18 sur le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine, M. Demirovic

19 ajoute, et je cite : "Nos proposons que vous entamiez la procédure destinée

20 à obtenir modifications du statut juridique et constitutionnel de la langue

21 dans une société multiethnique et multiculturelle. L'égard au fait que les

22 catégories relatives à la langue serbe, à la langue croate et à la langue

23 croato-serbe sont des catégories officielles qui englobent les nations

24 résidant sur les territoires de la Bosnie-Herzégovine. Notre initiative est

25 urgente et nous croyons qu'il est nécessaire d'agir immédiatement sans le

26 moindre délai."

27 Donc, c'est une demande de légalisation de l'existence de la langue

28 bosniaque; est-ce que vous êtes d'accord ?

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1 R. Nous avons vu dans la constitution de Bosnie-Herzégovine la date de cet

2 événement.

3 Q. Je vous en prie, nous n'avons que très peu de temps. Chacun s'est vu

4 imparti un temps déterminé, donc veuillez je vous prie répondre à mes

5 questions par oui ou par non. Je vous pose les questions d'une manière qui

6 vous permet de répondre ainsi. Si vous voulez ajouter quelque chose,

7 l'Accusation qui vous a invité à témoigner, vous a demandé de témoigner,

8 donc vous êtes un témoin de l'Accusation, mais vous pouvez faire signe et

9 nous vous poserons d'autres questions. Tout ce que je vous demande, c'est :

10 est-ce que vous avez eu cette lettre sous les yeux ? Est-ce que vous avez

11 lu ce paragraphe ? Est-ce que vous êtes d'accord que c'est une initiative

12 lancée par le SDA pour résoudre le problème de l'introduction de la langue

13 bosniaque en tant que catégorie linguistique légalement reconnue ? Est-ce

14 que vous êtes d'accord avec cela ?

15 R. Oui, bien sûr, je suis d'accord avec cela. C'est une action, une

16 initiative du parti.

17 Q. Donc, il est tout à fait clair que jusqu'au règlement de cette question

18 et jusqu'à la rédaction de cette lettre qui a obtenu amendement de la

19 constitution - et ma consoeur vous a interrogé à ce sujet - mais nous avons

20 vu que la langue bosniaque en tant que catégorie légalement reconnue et

21 constitutionnellement reconnue ne date que de l'été 1993, et donc n'était

22 pas reconnue en 1992, n'existait pas en tant que langue admise

23 juridiquement.

24 R. C'est exact. Le bosno-croate ou le serbe n'existaient pas dans cette

25 catégorie; seuls existaient le Serbo-Croate et le Croato-Serbe.

26 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, il est midi. Pouvons-

27 nous peut-être continuer jusqu'à midi et quart ?

28 M. LE JUGE ANTONETTI : On peut faire la pause maintenant, on peut la faire

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1 à midi et demi ou à midi et quart. Comme vous voulez. C'est à votre

2 convenance.

3 M. KOVACIC : [interprétation] Pour moi, c'est la même chose, mais j'ai

4 toujours un peu de mal à me rappeler l'heure à laquelle débute la pause.

5 Est-ce qu'elle débute à 12 heures 15 ou 12 heures 30 ? Monsieur le

6 Président, j'ai l'impression que c'est midi et demi.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est à midi et demi.

8 M. KOVACIC : [interprétation] Dans ce cas-là, je respecterai ce délai.

9 Q. Monsieur Rizvanbegovic, dans votre déposition d'hier, page 10, ligne 16

10 du compte rendu d'audience de l'audience d'hier, vous avez évoqué Alija

11 Rizvanbegovic, président de l'assemblée municipale ou plutôt --

12 R. Du comité exécutif.

13 Q. Bon, du comité exécutif de la municipalité de Stolac jusqu'à la fuite

14 des Croates. Je pense que c'est ce que vous avez dit.

15 R. Non, j'ai dit jusqu'au retour des Croates.

16 Q. Bon. Mais admettez-vous qu'à l'arrivée des forces de l'armée yougoslave

17 et des forces qui s'intitulaient Défense territoriale, donc des Serbes

18 venus d'autres régions, quand toutes ces forces sont arrivées à Stolac, la

19 majorité des Croates a fui Stolac ?

20 R. Oui.

21 Q. Ainsi que les villages environnants ?

22 R. Oui.

23 Q. Pas mal des habitants musulmans ont fui également.

24 R. Oui, un certain nombre.

25 Q. Un certain nombre tout de même est parti ?

26 R. Je ne sais pas, je n'ai pas eu l'occasion de le constater de mes yeux.

27 Moi, j'en ai rencontré en ville, donc j'ai pu constater qu'ils étaient

28 toujours là. La majorité est restée.

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1 Q. Si nous parlons des Musulmans qui habitaient dans les villages de la

2 vallée de Dubrovnik, est-ce que ceux-là ont fui ?

3 R. Pour autant que je le sache, la plupart n'ont pas fui. Certains l'ont

4 fait, mais la plupart ne sont pas partis.

5 Q. Est-ce que vous admettez que ceux qui sont partis l'ont fait à

6 l'arrivée des agresseurs serbes ?

7 R. Bien sûr.

8 Q. Ils sont partis parce qu'ils avaient peur ?

9 R. Oui.

10 Q. La majorité a franchi la Neretva pour atteindre Mostar et d'autres

11 villages dans les environs ?

12 R. Non, pas Mostar. Mostar est trop au nord. Ils sont allés vers Capljina.

13 Q. D'accord. Ils sont passés par Capljina.

14 R. Je suppose que c'est le trajet qu'ils ont suivi. Cela n'aurait eu aucun

15 sens d'aller vers Mostar qui est déjà très loin vers le nord.

16 Q. Bon. Savez-vous que la majorité d'entre eux a franchi la Neretva dans

17 le secteur de Pocitelj, où un pont fait de bateaux avait été improvisé avec

18 des bacs qui traversaient ?

19 R. Je ne l'ai pas su à l'époque, mais c'est ce que mes amis m'ont dit.

20 Q. On voyait bien que tout cela était "organisé". Je veux dire, ce

21 franchissement de la rivière avait été organisé.

22 R. Tout avait été organisé.

23 Q. Les gens se retrouvaient de l'autre côté et se retrouvaient dans une

24 région qui était sous le contrôle des forces croates ?

25 R. Bien, il n'y avait aucunes forces présentes là-bas à ce moment-là. Le

26 plus grand chaos régnait. Je ne sais pas qui ils ont retrouvé de l'autre

27 côté. Je ne me suis pas retrouvé de l'autre côté, donc je n'ai pas pu voir

28 de mes yeux ce qui s'y passait. J'étais à Stolac. Je ne sais rien de ce qui

Page 2325

1 se passait là-bas. Tout ce que je sais, c'est ce que j'ai vu et entendu là

2 où je me trouvais.

3 Q. Je comprends, mais si nous tenons compte des événements dont vous avez

4 beaucoup parlé et qui concernent l'ensemble de la société, vous étiez

5 manifestement une personnalité bien informée. Vous vous renseigniez au

6 sujet de ce qui se passait ?

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez plus lentement parce qu'on a du mal à suivre.

8 M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

9 Q. Sur la base de votre déposition ici, nous savons que vous ne vous êtes

10 pas trouvé là-bas personnellement, mais si vous étiez informé au sujet des

11 événements qui survenaient en Bosnie-Herzégovine à ce moment-là, je vous

12 demande -- et vous l'avez confirmé, d'ailleurs, vous avez confirmé que les

13 gens vous ont dit que des personnes avaient franchi la rivière; donc

14 confirmez-vous que cela s'est bien passé ?

15 R. Oui. Des gens me l'ont dit.

16 Q. Avez-vous entendu dire que de l'autre côté de la rivière, le HVO les

17 organisait ?

18 R. Tout le monde disait qu'ils avaient franchi la rivière à bord de

19 bateaux, mais ce qui se trouvait de l'autre côté, je ne sais pas, je n'y

20 étais pas. Ce que les gens racontaient, c'est que les Croates disaient :

21 bon, à Capljina on nous a reçus. Voilà ce que les gens racontaient. On

22 n'allait pas plus dans le détail. Ils ne parlaient pas du HVO. Ils

23 parlaient des leurs qui les avaient accueillis.

24 Q. Vous avez dit également que pas une balle n'avait été tirée à Stolac et

25 qu'il n'y avait pas eu de tués, mais ce qui est un fait, c'est que des gens

26 ont été arrêtés à Stolac dans la période où Stolac était sous le contrôle

27 de la JNA.

28 R. Le plus souvent, ce sont des Serbes qui étaient arrêtés. Stolac était

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1 une ville multiethnique, c'est une ville ancienne où les relations étaient

2 relativement harmonieuses. Les Serbes ont arrêté ceux qui refusaient

3 d'entrer dans l'armée serbe parce qu'ils la considéraient comme chetnik. Il

4 y avait même pas mal d'hommes qui fuyaient les lignes de front. J'ai eu

5 l'occasion d'avoir près de moi deux hommes, Risto Ruzic, en particulier,

6 qui est à Stolac aujourd'hui, c'est un de mes amis, il a passé plus de deux

7 mois dans ma maison. Il y en a un autre qui a déserté le front et qui est

8 arrivé chez moi, il portait encore son arme. J'ai pris son fusil et je l'ai

9 emporté chez ma femme. Il a également passé deux mois dans ma maison. Donc,

10 j'ai risqué ma vie pour permettre à ceux qui ne voulaient pas risquer leur

11 vie sur les fronts de Bosnie-Herzégovine pour les accueillir chez moi et

12 les protéger. Ce sont mes amis.

13 Q. Mais je vous parle de 180 Croates à peu près, habitant Stolac et les

14 villages environnants, qui ont été arrêtés et qui ont même été enfermés

15 dans des camps, et qui par la suite, par la plupart, sont entrés en vie.

16 R. Pour Stolac, je ne me souviens pas avoir entendu dire que quiconque ait

17 été arrêté. Je sais qu'à Dubrava, des Bosniens et des Croates ont

18 effectivement été arrêtés et emmenés dans des camps, car lorsqu'ils ont été

19 libérés, nous les avons accueillis. J'ai participé -- j'ai fait partie de

20 ces personnes qui les ont accueillis à leur retour et qui leur ont

21 distribués des vivres, et cetera.

22 Q. Bien. Je n'ai pas eu sous les yeux le compte rendu définitif, mais à la

23 page 15 du compte rendu d'hier, il me semble que vous avez dit que c'était

24 le HVO qui avait libéré au mois de juin le secteur incluant Stolac et le

25 plateau de Dubrovnik, libéré par rapport à la JNA qui se retirait. Je crois

26 que vous avez également parlé des forces HSP.

27 R. Qu'est-ce que cela signifie, forces HSP ? Vous parlez du HOS ?

28 Q. Oui, oui, du HOS.

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1 R. Oui, oui, le HOS est entré dans Stolac.

2 Q. Il y avait aussi les forces du HVO avec le HOS ?

3 R. Oui, le HVO est arrivé derrière le HOS.

4 Q. Donc, ils ont libéré Stolac.

5 R. Vous avez oublié le plateau de Dubrava, le Bataillon de Dubrava.

6 C'était la troisième force présente.

7 Q. Lentement, lentement. Avançons pas à pas. A cette époque, les forces

8 musulmanes, et avant tout, la Brigade de Bregava, se battaient sous le même

9 commandement que le HVO; c'est cela qui est exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Quel est le problème ?

12 R. Merci.

13 Q. Vous avez également, par la suite, déclaré que ces forces arboraient ce

14 que vous avez appelé, "le blason croate," littéralement. Ce sont les mots

15 que vous utilisez. N'entrons pas dans les détails mais il y a une question

16 que je voudrais vous poser. Parlez-vous du blason des Croates ou du blason

17 de la Croatie au sens de blason officiel de la République de Croatie ?

18 R. J'ai dit que sur les bâtiments institutionnels comme la mairie, la

19 poste, et cetera, des panneaux avaient été apposés, qui arboraient le

20 blason croate.

21 Q. Le blason des Croates, par conséquent ? Oui. Mais en aucun cas, le

22 blason officiel de l'Etat de Croatie ?

23 R. Non, pas le blason officiel de l'Etat de Croatie mais pas non plus le

24 blason officiel de l'Etat de Bosnie-Herzégovine qui existait déjà, à ce

25 moment-là.

26 Q. Merci. D'accord. Vous êtes arrivé à Mostar après la libération de

27 Stolac, le 25 juin, comme vous l'avez dit et vous êtes arrivé à Mostar

28 alors que vous n'y étiez pas allé pendant pas mal de temps. Mostar avait

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1 subi des destructions importantes; vous êtes d'accord avec cela, n'est-ce

2 pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-il permis de dire que tous les ponts de Mostar avaient été

5 détruits ?

6 R. Je ne sais pas si tous les ponts avaient été détruits. Mais j'arrivais

7 toujours par Medjugorje parce qu'on ne pouvait pas passer par Buna donc, je

8 ne pouvais pas voir quels ponts étaient détruits et quels ponts ne

9 l'étaient pas. Je passais par le vieux pont qui n'était pas détruit, à

10 l'époque.

11 Q. C'est exact. Le vieux pont n'était pas détruit, à ce moment-là. Est-ce

12 qu'il était endommagé, néanmoins, à ce moment-là ?

13 R. Très légèrement.

14 M. PORYVAEV : [interprétation] Monsieur le Président. Monsieur le

15 Président. Je demande un éclaircissement. Le témoin et le conseil de la

16 Défense parlent du 25 juin, mais 25 juin de quelle année ?

17 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Oui, Monsieur Kovacic.

18 M. KOVACIC : [interprétation] J'ai parlé de l'année 1992 lorsque j'ai

19 commencé à parler de ce sujet. J'ai également renvoyé à la page du compte

20 rendu d'audience de la journée d'hier, où l'année mentionnée, libération de

21 Stolac, juin 1992. Le témoin, dans sa déposition, a précisé la date en

22 parlant du 25 juin 1992, date à laquelle il est arrivé pour la première

23 fois à Mostar.

24 R. Oui, mais ce jour-là, je ne suis pas allé sur les ponts. C'est

25 seulement plusieurs jours plus tard que je l'ai fait. Ma première

26 préoccupation, c'était l'université à mon arrivée.

27 Q. Bon, d'accord. D'accord. Je vais vous poser quelques questions et

28 répondez à mes questions de façon à suivre le fil de mon exposé. Avez-vous

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1 eu une impression négative lorsque vous êtes arrivé à Mostar compte tenu

2 des destructions que vous avez pues y constater après plusieurs mois

3 d'absence ?

4 R. Oui, les quartiers entourant le vieux pont, les boutiques qui se

5 trouvaient autour du vieux pont, et cetera, étaient considérablement

6 endommagées mais pas mal de rumeurs et de bruits couraient quant au fait,

7 certaines forces de libération auraient endommagé ces quartiers et incendié

8 une partie de la ville. C'est ce qu'on racontait mais je ne sais pas si

9 c'était vrai ou pas.

10 Q. Oui. Professeur, je vais vous demander ce qu'il en est et je vous

11 demanderais de me donner des détails si j'en ai besoin ?

12 R. Je ne sais pas vraiment.

13 Q. Je vous en prie, Professeur. Nous avons très peu de temps donc, pas le

14 temps de nous appesantir sur les détails, j'aimerais que nous ne parlions

15 que des éléments importants. Je vous demande de répondre franchement. Je

16 vous pose des questions assez simples en tant que personne, en tant qu'être

17 humain, en tant qu'intellectuel, manifestement, vous êtes arrivé à Mostar

18 après plusieurs mois d'absence, cinq mois à peu près, vous arrivez dans une

19 ville où vous avez passé une grande partie de votre vie alors, est-ce que

20 vous avez eu une impression négative ? Est-ce que vous avez été sidéré pour

21 dire les choses simplement, par rapport aux destructions importantes que

22 vous avez vues ? Sur le plan personnel, oui ou non ?

23 R. Oui, oui, assez. Plus tard, c'est devenu pire.

24 Q. Merci beaucoup. Vous avez parlé également de documents que vous avez

25 qualifié "ausweiss," qui est une image frappante. Est-ce que vous admettez

26 que ceci s'est passé en juin ou juillet 1992 ? Est-ce que vous admettez

27 qu'à ce moment-là, la guerre faisait rage en Bosnie-Herzégovine et, y

28 compris dans le voisinage immédiat de Mostar ?

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1 R. Oui, mais --

2 Q. Je vous en prie. Pas de mais. Est-ce que la guerre faisait rage, oui ou

3 non ?

4 R. Oui, c'était la guerre.

5 Q. Donc, c'était la guerre. Donc, nous sommes d'accord. A ce moment-là, la

6 guerre faisait rage.

7 R. Oui, oui.

8 Q. Conviendrez-vous qu'il est normal pour une armée qui participe à une

9 guerre de dresser des barrages routiers sur les routes pour contrôler la

10 circulation des civils ou des forces militaires éventuellement ? Est-ce que

11 cela vous parait normal ?

12 R. Ce qui me parait normal c'est de me saisir de mes papiers d'identité

13 pour prouver mon identité et pas de devoir la queue, d'être humilié, de

14 devoir attendre des heures pour obtenir un "ausweiss". Je possédais un

15 document d'identité comme tout le monde.

16 Q. Ce document vous permettant de circuler était également distribué aux

17 Croates et aux autres personnes habitant la ville, à ce moment-là, pas

18 seulement les Musulmans, toute le monde devait obtenir ce document.

19 R. Je n'ai pas posé la question aux Croates mais moi, quand je faisais la

20 queue pour obtenir la délivrance de ce document, j'étais entouré uniquement

21 de Bosniens.

22 Q. Vous êtes né en 1947 ?

23 R. 1945.

24 Q. Excusez-moi, 1945. Donc, vous avez fait votre service militaire et vous

25 étiez tenu d'intégrer les forces armées en cas de nécessité militaire ?

26 R. Oui.

27 Q. Donc, est-ce que vous aviez un document qui vous autorisait à circuler

28 en tant que recrue ?

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1 R. C'est l'armée dans ce cas-là qui aurait dû me délivrer ce document.

2 Elle aurait dû, soit me démobiliser, soit me donner la possibilité de

3 circuler, en tant que personne.

4 Q. Je vous rappellerais les règlements. Vous connaissez bien le système de

5 l'époque qui était le même à Zagreb, à Rijeka et à Mostar par le passé. Les

6 enregistrements militaires étaient réalisés par le pouvoir civil. Est-ce

7 que c'est exact ?

8 R. Oui, mais --

9 Q. Ce n'était pas les autorités militaires qui le faisaient mais les

10 autorités civiles ?

11 R. Mais il n'y avait pas d'autorités civiles et militaires. Il y avait le

12 HVO et une dictature militaire. Le HVO a supprimé toutes les autorités,

13 tous les pouvoirs locaux à Stolac et ailleurs.

14 Q. Les documents l'indiquent ?

15 R. Oui.

16 Q. Mais les documents que vous avez obtenus qui vous autorisaient à

17 circuler, vous l'avez obtenu des structures civils du pouvoir HVO, vous,

18 comme tous les autres habitants; est-ce exact ou pas ?

19 R. Je ne sais pas si c'était le cas parce que s'il n'y a pas d'autorités

20 civiles, nous ne pouvions pas obtenir un document des autorités civiles qui

21 n'existaient pas. De quelle façon les relations entre eux se sont établies,

22 je ne sais pas. Je ne suis pas entrer dans ces détails. J'étais simplement

23 affecté par le fait que je devais briguer un document pour pouvoir sortir

24 de la ville alors que la ligne était hors de Mostar, hors de la ville et

25 hors de Stolac.

26 Q. Merci Professeur. A ce moment-là, le nouvel Etat qui venait d'obtenir

27 son indépendance, qui venait donc de se séparer de la Yougoslavie, cet Etat

28 ne fonctionnait pas encore. C'est un fait. L'Etat en tant qu'instance

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1 centralisée du pouvoir ne fonctionnait pas. Cela, c'est ce qu'on dit

2 partout, c'est ce qui est écrit partout.

3 R. Je ne suis pas d'accord.

4 Q. Vous n'êtes pas d'accord ?

5 R. Non.

6 Q. Je vais vous poser une question. Est-ce qu'en 1991, 1992 ou encore

7 plus, 1992, 1993, les documents et consignes habituels qui venaient du

8 gouvernement central sont arrivés à l'université portant sur le budget et

9 d'autres éléments, documents qui arrivaient tous les ans pour permettre le

10 fonctionnement de l'université. Est-ce que cette année-là, vous les avez

11 reçu ces documents ?

12 R. Nous ne les avons pas reçu mais il s'agissait d'ingérences d'un Etat

13 étranger dans mon Etat.

14 Q. Mais de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, vous n'avez pas reçu les décrets

15 et les agréments budgétaires que vous receviez tous les ans, normalement ?

16 R. Non.

17 Q. Quelqu'un d'autre est intervenu pour essayer de sauver la situation ?

18 R. Libellé. Je crois que vous avez bien compris le sens de mon libellé.

19 Q. Bon, bon. Aviez-vous la possibilité que c'était sur ce territoire ou

20 semble-t-il vous parveniez tout de même à circuler entre Stolac et Mostar ?

21 Est-ce que vous avez vu les postes de contrôle tenus par la Bosnie-

22 Herzégovine ?

23 R. Non parce que je venais de [imperceptible], c'était le seul itinéraire

24 possible, il était impossible de passer par [imperceptible].

25 Q. Mais connaissiez vous le déploiement des forces ? Saviez-vous que dans

26 d'autres secteurs, il y avait les postes de contrôle tenus par la Bosnie-

27 Herzégovine ?

28 R. Non.

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1 Q. Vous n'en avez jamais entendu parler ?

2 R. Je n'ai jamais eu de contact avec ces postes de contrôle, alors, je

3 veux dire, je ne vois pas comment --

4 Q. Par la suite non plus, lorsque vous avez bavardé avec des gens, même

5 après la guerre, vous n'en avez pas eu connaissance ?

6 R. Non, je ne sais pas, cela ne m'intéresse pas particulièrement.

7 Q. Donc, vous n'avez pas été informé de cela.

8 R. Je ne sais rien de cela.

9 Q. Bon. Vous avez laissé entendre d'une certaine façon que la Communauté

10 croate d'Herceg-Bosna avait imposée par la force l'emploi de la langue

11 croate, et cetera, et vu des documents que nous avons examinés aujourd'hui,

12 vous avez manifesté votre mécontentement sur le plan intellectuel par

13 rapport à ces structures. Vous avez donc exprimé publiquement votre

14 opposition à la politique existante qui était encore à l'époque. Vous êtes

15 d'accord avec cela ? Mais quelqu'un vous a-t-il empêché d'agir sans corps

16 politique, est-ce quelqu'un par exemple a interdit le -- la réunion, le

17 débat que vous avez lancé, donc vous avez parlé il y a quelques instants ?

18 R. Au sujet de la résolution ?

19 Q. Oui.

20 R. Non. Mais on a empêché les enfants d'apprendre cette langue à l'école.

21 Q. Mais vous agissiez politiquement en toute liberté ?

22 R. Oui, nous étions libres d'agir, mais nous avons vécu des moments assez

23 désagréables.

24 Q. Je vous demande si les autorités, si le pouvoir en place vous a créé

25 des difficultés ?

26 R. Oui, il l'a fait. En envoyant des groupuscules et des individus isolés

27 qui tiraient à l'aide de fusils automatiques et nous faisaient peur, ou en

28 tout cas essayaient de le faire.

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1 Q. Comment savez-vous que ce sont les autorités qui avaient envoyé ces

2 hommes vous terroriser ?

3 R. Parce qu'ils portaient un uniforme avec des emblèmes indiquant cela.

4 Q. Mais cela ne signifie pas nécessairement qu'ils étaient envoyés par les

5 autorités.

6 R. Je ne dirais pas cela.

7 Q. Donc, vous ne savez pas si ceci est réellement et effectivement le

8 cas ?

9 R. Je ne peux pas interroger quiconque à ce sujet.

10 Q. Donc, vous ne savez pas que ceci a effectivement été le cas ? C'est une

11 conclusion que vous avez tirée personnellement ?

12 R. Est-ce qu'on peut tirer, on peut circuler un peu partout et tirer sur

13 des bâtiments et encercler des voitures -- encercler un bâtiment avec des

14 voitures, ouvrir le feu sur le bâtiment sans que les autorités soient

15 impliquées d'une façon ou d'une autre ? Lorsqu'on harcèle des intellectuels

16 qui se sont simplement rassemblés dans le calme pour voter une résolution ?

17 C'est la conclusion que j'ai tirée, j'ai tirée que c'était les -- j'ai

18 conclu que c'était les autorités l'avait fait.

19 Q. Professeur, bien sûr, vous avez le droit de tirer vos propres

20 conclusions, mais j'aimerais savoir maintenant ce que vous dites

21 exactement ? Vous convenez avec moi, vous l'avez fait il y a un instant que

22 la guerre faisait rage. Vous avez convenu que les autorités centrales ne

23 fonctionnaient pas. Donc, dans ces conditions assez particulières, est-ce

24 qu'il était possible que tel ou tel soldat ou un groupe de soldats

25 circulent à gauche, à droite et tirent un peu au hasard dans les rues de la

26 ville ? Est-ce que cela aurait un sens à vos yeux ? Est-ce que cela vous

27 paraît possible ?

28 R. Cela ne s'est passé la veille et le lendemain, cela c'est passé à ce

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1 moment-là précisément et en ce lieu précis, donc il était permis d'en

2 conclure que ce n'était pas un incident fortuit, c'était quelque chose

3 d'organisé.

4 Q. Le fait que les soldats ont ouvert le feu en tirant en l'air, ce sont

5 des choses qui sont arrivées d'autres jours également que ce jour-là. Ou

6 n'est-ce jamais arrivé à d'autres moments que ce jour-là ?

7 R. Ce jour-là seulement cela s'est fait d'une façon organisée. C'était

8 organisé puisque cela c'est passé autour du bâtiment de la faculté et de la

9 cité universitaire. Ils ont encerclé les bâtiments avec leurs voitures et

10 ouvert le feu.

11 Q. Même si vous pensez que ceci était orchestré ou dirigé par les

12 autorités, le pouvoir ne vous a jamais envoyé officiellement le moindre

13 document pour vous dire que vous ne deviez pas faire ce que vous étiez en

14 train de faire ?

15 R. Nous constituions un conseil légitime de la communauté islamique qui

16 était également légitime à l'époque, alors pourquoi est-ce que quelqu'un

17 aurait empêché ou interdit à cette organisation de rédiger le document que

18 nous avons rédigé ? Il n'y avait aucun motif justifiant une telle

19 interdiction.

20 Q. Merci. En d'autres termes, si nous parlons de cette initiative que vous

21 dites être une initiative d'intellectuels, d'après les documents que nous

22 avons eu sous les yeux, je n'ai pas remarqué la mention du moindre nom

23 croate.

24 R. Mais c'était une résolution des Musulmans bosniens d'Herzégovine. Nous

25 voulions protéger tout le monde par cette résolution.

26 Q. Oui, ce que dit la résolution est tout à fait clair, nous l'avons eu

27 sous les yeux, nous l'avons examinée, mais votre déclaration implique

28 également et nous voyons dans certaines des citations que vous avez faites,

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1 qu'en tant qu'intellectuel, vous vouliez imposer les modifications, les

2 changements que vous souhaitiez. Pourquoi, dans ces conditions, cette

3 initiative était-elle monoethnique ? Pensez-vous que tous les intellectuels

4 étaient de votre côté ?

5 R. Tous ceux qui avaient la moindre influence sur la vie publique, en

6 effet.

7 Q. Bien, c'est votre avis ?

8 R. Oui, c'est mon avis. Je le dis après avoir discuté avec pas mal de

9 gens.

10 Q. Vous avez dit qu'à l'université il y avait un professeur croate ou

11 plusieurs, d'ailleurs, qui n'avaient pas donné leur accord en raison de

12 leur appartenance ethnique, mais en raison de leurs convictions

13 personnelles.

14 R. Le Pr Bozo Coric était parti. Je ne condamne pas les intellectuels

15 croates, je condamne les autorités qui ont imposé cette situation et cette

16 existence très pénible à tout le monde.

17 Q. En dépit du fait que les autorités cherchaient à renforcer leurs rangs

18 dans une situation de guerre. Cet élément n'avait aucune importance à vos

19 yeux ?

20 R. Elle n'essayait pas de renforcer leurs rangs pour créer une société

21 multiethnique, ce qui aurait pu être acceptable.

22 Q. Je vous remercie. Vous avez dit également qu'on ne pouvait pas aller en

23 Croatie sans un ausweiss, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, c'est exact, c'est vrai.

25 Q. Professeur, est-ce que tous les Etats souverains, tous les Etats

26 existant légalement, et donc l'Etat de Croatie, entre autres, avaient le

27 droit de décider quels étaient les documents d'identité, les papiers

28 d'identité qu'elle reconnaissait en tant que légaux et utilisables.

Page 2338

1 R. Oui, c'est exact. Si l'on parle de rapports vis-à-vis d'un Etat

2 étranger, mais pas d'un rapport interne à un seul et même Etat ou para-

3 Etat. Ici il est question de documents qui étaient imposés par un para-Etat

4 et c'est de là que venait le problème qui existait également vis-à-vis la

5 République de Croatie. Nous souhaitions que les habitants puissent circuler

6 tout comme les Croates avaient le droit de pénétrer en Bosnie-Herzégovine.

7 Q. J'ai simplement une autre question, après quoi j'en aurai terminé.

8 Professeur, est-ce qu'un Etat souverain a le droit de reconnaître comme

9 papier d'identité une carte prouvant l'identité de quelqu'un et qui aurait

10 été délivré par la société d'avirons de l'Alaska ?

11 R. Nous ne parlons pas de l'Alaska, nous ne parlons pas d'une société

12 d'avirons qui auraient délivré des papiers d'identité. Nous parlons d'un

13 document d'identité comparable à un passeport.

14 Q. Mais l'Etat de Bosnie-Herzégovine, la République de Bosnie-Herzégovine

15 à l'époque qui était un Etat indépendant, le gouvernement étant totalement

16 isolé, les services administratifs totalement isolés également, est-ce que

17 cet Etat aurait eu la possibilité d'émettre de tels documents ? Est-ce que

18 cet Etat aurait pu le faire ? Il ne l'a pas fait à Mostar ?

19 R. Il l'a fait, il l'a fait, les gens de Sarajevo et de Zenica et d'autres

20 villes arrivaient avec des papiers d'identité, mais à Siroki Brijeg et à

21 Mostar, ils arrivaient puis ils repartaient à l'aide de ces papiers

22 d'identité, alors que, chez nous, un autre document d'identité. Un document

23 d'identité qui avait une autre valeur que le passeport.

24 Q. Mais conviendrez-vous que c'est un droit souverain de n'importe quel

25 Etat de reconnaître ou de refuser de reconnaître tel ou tel document

26 d'identité, oui ou non, notamment, lorsque ces documents ne sont pas

27 délivrés par cet Etat ? Répondez, je vous prie, pour que les choses aillent

28 plus vite. Est-ce que c'est un droit souverain oui ou non ?

Page 2339

1 R. On ne parle pas ici seulement de document montré à la frontière entre

2 la Bosnie-Herzégovine et la Croatie. On parle de documents qui étaient à

3 montrer à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine.

4 Q. Merci beaucoup.

5 M. KOVACIC : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le

6 Président, à poser au témoin.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Kovacic, vous avez montré un document, est-

8 ce que vous demandez l'admission ?

9 M. KOVACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pensais

10 pouvoir demander le versement au dossier à la fin de tous les contre-

11 interrogatoires. Cela dit je peux le faire maintenant.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Non.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas vu ce document. Il en a été

14 question, mais je ne l'ai pas eu sous les yeux.

15 M. KOVACIC : [interprétation] Mais vous avez lu un passage.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] De quel document s'agit-il ?

17 M. KOVACIC : [interprétation] Demirovic.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas votre consoeur qui me l'a montré.

19 M. KOVACIC : [interprétation] Non, non, non, c'est moi. Document 3D 00182.

20 J'en demande le versement au dossier après quoi il me restera cinq minutes

21 et je demanderais le versement au dossier d'un autre document, seulement

22 un.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

24 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président.

25 [interprétation] Ce document est donc admis sous le numéro

26 3D 00182. Merci.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, vous dites que vous avez un autre

28 document.

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1 M. KOVACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Encore un,

2 seulement. Mais j'aurais trois ou quatre questions à poser au témoin au

3 sujet de ce document après quoi j'en demanderais le versement au dossier.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Je rappelle qu'il restera 44 minutes pour

5 l'ensemble des défenseurs intervenant puisque depuis ce matin la Défense a

6 pris trois heures. Vous aviez trois heures 44 minutes, donc, à la reprise

7 il restera 44 minutes.

8 Nous reprendrons aux environs de 14 heures.

9 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 35.

10 --- L'audience est reprise à 14 heures 04.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Coric, je vous donne la parole, vous vous

12 étiez levé.

13 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs

14 les Juges. Avant la pause, vous avez dit qu'il restait 20 minutes à chacune

15 des deux équipes de Défense qui restent. Monsieur le Président, pendant

16 plus de quatre heures, le témoin a déposé hier, une bonne du temps de sa

17 déposition a été consacrée à moi, personnellement, et à l'unité que j'ai

18 commandée pendant la guerre. Vous savez parfaitement qu'en particulier,

19 lorsqu'il s'agit de l'exposé des faits qui sont contraires à la vérité, il

20 exige beaucoup de temps pour démontrer leur infondé, pour prouver qu'il

21 s'agit de contrevérités. J'ai bien peur que la même situation se réitère à

22 l'avenir à d'autres témoins.

23 Je ne voudrais pas insister sur le fait que le témoin a déposé en

24 disant de contrevérités mais donnez-nous suffisamment de temps pour qu'on

25 essaye de trouver la trace de la vérité, la voix de la vérité. Il nous

26 faudra aborder une vingtaine de pièces qui ont déjà été versées au dossier

27 pour pouvoir appréhender les protagonistes et les événements qui concernent

28 la période pertinente. Merci.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Coric, pour cette intervention.

2 Comme tout le monde le sait, nous avions indiqué que la Défense et

3 l'Accusation disposaient du même temps. J'avais lors d'une audience de mise

4 en état indiqué que, lorsqu'on touchait à la responsabilité personnelle des

5 accusés, il conviendrait alors que le temps soit le même pour l'Accusation

6 et pour la Défense. Par ailleurs, j'avais indiqué qu'il convenait qu'entre

7 avocats, qu'il y ait une entente pour la répartition de ce temps.

8 A juste titre, vous venez de l'indiquer. Ce témoin a, dans son

9 témoignage, évoqué trois noms, l'accusé Prlic, l'accusé Praljak et l'accusé

10 Coric. Il convenait entre les avocats de se répartir principalement entre

11 ces trois, le temps et que les autres accusés prennent beaucoup moins de

12 temps. Apparemment, je constate qu'entre les défenseurs, il n'y a pas

13 d'accord. C'est pour cela que nous avions décidé qu'il devait y avoir une

14 répartition au un sixième.

15 Comme vous savez, la Défense, collectivement, a demandé une

16 certification d'appel concernant la répartition du temps pour le contre-

17 interrogatoire. Nous avons étudié le problème et nous allons rendre une

18 décision prochainement sur cette question.

19 De ce fait, si les avocats entre eux n'arrivent pas à s'entendre, il

20 faut, à ce moment-là, que les Juges interviennent. A plusieurs reprises,

21 j'ai indiqué aux avocats de se consacrer sur les questions essentielles et

22 de ne pas perdre de temps sur l'accessoire. Malheureusement, force est de

23 constater que parfois, nous avons même du mal, les Juges, à comprendre la

24 portée de vos questions. Nous vous laissons poser vos questions parce que

25 nous estimons que c'est utile pour la Défense de vos accusés tout en se

26 demandant si à un intérêt quelconque.

27 Il est vrai que pour ce témoin, l'Accusation a pris quatre heures,

28 alors qu'au départ elle avait indiqué qu'elle ne prendrait qu'une heure et

Page 2342

1 demie. Donc, cela a été un problème que les défenseurs devaient gérer.

2 Donc, dans la mesure où la Défense a pris exactement trois heures et 44

3 minutes, non l'Accusation, la Défense devait avoir trois heures et 44

4 minutes. Actuellement, il nous reste globalement 45 minutes.

5 Juste avant d'entrer en audience, entre Juges, nous nous sommes posés

6 la question de savoir si nous ne pouvions pas rallonger un peu le temps.

7 Tout cela dépend de la question de savoir comment l'Accusation compte gérer

8 les trois qui restent d'ici jeudi.

9 Alors, Monsieur Mundis, pouvez-vous nous dire qu'est-ce que vous avez pris

10 comme disposition pour les témoins à venir ? A partir de là, nous pouvons

11 certainement consacrer un peu plus de temps à la Défense de M. Coric.

12 Monsieur Mundis.

13 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Encore une fois,

14 je tiens à attirer votre attention ainsi que l'attention de la Défense sur

15 le fait que nous avons indiqué quels sont les liens pour ces deux témoins

16 de cette semaine et nous avons revu les estimations pour M. Rizvabegovic.

17 C'étaient trois heures plutôt qu'une heure et demie comme prévu

18 initialement. Alors, je m'attends à ce que cela ne dure pas plus d'une

19 heure et 15 minutes, l'interrogatoire principal du témoin suivant. Donc,

20 cela ne prendra pas deux heures. Donc, peut-être que nous aurons l'occasion

21 de terminer cette déposition aujourd'hui. Cela dépendra un peu du contre-

22 interrogatoire du témoin qui est présent.

23 Puis, pour le troisième témoin, nous estimons qu'il commencera demain

24 matin et qu'il nous faudra demain et jeudi, environ dix heures de temps

25 d'audience et je pense que l'estimation sur la liste 65 ter a été d'à peu

26 près quatre heures pour ce témoin. Mais encore une fois, nous avons dit

27 plusieurs fois qu'il ne s'agissait que d'estimations. Il ne nous semble

28 pas, par conséquent, que ceci pose problème de terminer sa déposition d'ici

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1 jeudi, à 14 heures ou 14 heures 15. Mais comme je l'ai déjà dit, cela

2 dépendra un peu de la situation avec le deuxième témoin. Est-ce qu'on

3 pourra le terminer aujourd'hui ou est-ce qu'il nous faudra poursuivre

4 demain ?

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Alors, on va donner maintenant la parole

6 à l'avocat de M. Coric puisque M. Coric souhaite que toutes les questions

7 soient posées. Alors, faites ce que vous pouvez.

8 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, puisque nous

9 n'avons pas beaucoup de temps, je ne souhaite pas utiliser les quelques

10 minutes auxquelles j'avais encore droit, donc, je renonce à poser d'autres

11 questions à ce témoin, c'était un premier point, une petite digression

12 aussi. A l'instant, vous avez cité les noms des co-accusés qui avaient été

13 mentionnés par ce témoin, vous n'avez pas -- vous les avez mentionnés, mon

14 client, le général Praljak, mais c'est probablement un lapsus, parce que le

15 témoin ne l'a pas mentionné jusqu'à présent.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je n'ai pas dit le nom de Praljak, j'ai dit les

17 noms de Pusic, Coric et Prlic, je n'ai jamais parlé de Praljak.

18 Bien. Alors, avocat suivant.

19 Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

20 Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :

21 Q. [interprétation] Monsieur Rizvanbegovic, je suis Vesna Alaburic, je

22 suis avocat du Zagreb et je représente ici Monsieur Petkovic.

23 Q. Vous nous avez dit qu'en avril 1992, ce sont les Chetniks qui ont

24 occupé Stolac, vous êtes d'accord avec cela ?

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'à ce moment-là, les

27 autorités locales de Stolac étaient composées d'un représentant du HDZ,

28 Zeljko Raguz, en tant que président de la municipalité ?

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1 R. Oui.

2 Q. M. Rizvangegovic en tant que président du Conseil exécutif et en même

3 temps le président du SDA ?

4 R. Oui.

5 Q. Je vous remercie.

6 R. Je ne sais pas s'il était le président du SDA, mais il faisait partie

7 de l'organe exécutif mais je ne sais pas s'il était le représentant du

8 parti politique.

9 Q. Au moment de l'arrivée des Chetniks à Stolac en avril 1992, vous nous

10 avez dit que M. Raguz a quitté Stolac.

11 M. Rizvanbegovic est resté, lui, à Stolac et il a continué d'occuper le

12 poste du président du conseil exécutif ?

13 R. Oui.

14 Q. Pouvez-vous nous dire à ce moment-là qui a occupé le poste du président

15 municipal de Stolac puisque M. Raguz avait quitté Stolac ?

16 R. Je pense que le président de l'assemblée municipale a exercé ses

17 fonctions, c'était un représentant des Serbes, je ne sais pas son nom.

18 Q. C'était un représentant Serbe ?

19 R. Oui, le président de l'assemblée, c'était comme cela que c'était

20 réparti le pouvoir.

21 Q. Dites-nous, pendant ces deux mois, deux mois et demi pendant

22 l'occupation serbe, les hommes politiques musulmans ont-ils coopérés avec

23 les hommes politiques serbes dans l'exercice du pouvoir local municipal ?

24 R. Dans la mesure du possible, ils ont essayé de maintenir l'assemblée en

25 état de fonctionner pour qu'il y ait un minimum de pouvoir qui s'exerce,

26 qui fonctionne.

27 Q. Est-ce qu'il y a eu une résistance, quelle qu'elle soit, opposée par

28 les Musulmans au pouvoir serbe ?

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1 R. Mais à quelle résistance fait-on référence ?

2 Q. Quelle qu'elle soit, est-ce qu'il y avait une résistance silencieuse

3 par la voie des armes ?

4 R. Oui, silencieuse, mais pas par la voie des armes.

5 Q. Au moment où les autorités croates ont libéré Mostar,

6 M. Alija Rizvanbegovic, est-ce qu'il risquait d'être arrêté pour avoir

7 coopéré avec les forces d'occupation, les Serbes ?

8 R. Vous voulez parler de Stolac et pas de Mostar ?

9 Q. Oui.

10 R. Oui.

11 Q. La conseillère Nozica vous a posé des questions au sujet de la

12 résolution des Musulmans de Bosnie-Herzégovine. Vous avez dit que vous avez

13 créé cette organisation en vous appuyant sur la communauté islamique parce

14 que toutes les autres organisations, et je vous

15 cite : "Collaboraient avec l'Herceg-Bosna." Pour que toutes les parties

16 présentes nous comprennent bien, j'aimerais que l'on tire au clair la

17 notion de "collaboration", seraient en droit de dire qu'aujourd'hui dans

18 l'ex-Yougoslavie, dans votre Etat, dans mon Etat également, cela signifie

19 coopérer avec l'ennemi ?

20 R. C'est un terme assez lourd, coopérer avec l'ennemi, mais c'est la

21 coopération avec ceux qui ont usurpé le pouvoir, donc, ils ont collaboré

22 avec ceux qui avaient usurpé le pouvoir.

23 Q. Donc, collaborer avec quelqu'un -- coopérer avec quelqu'un qui n'est

24 pas votre ami ?

25 R. Non, l'attitude n'a pas été très amicale à mon avis, alors si c'est

26 cela que vous me demandez.

27 Q. Pratiquement, dans tous les pays de l'ex-Yougoslavie, le terme

28 collaborer après la seconde guerre mondiale signifiait collaboration avec

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1 l'ennemi, collaboration avec les forces d'occupation et dans le langage de

2 tous les jours, c'était un titre qu'on entendait ?

3 R. Peut-être après la Deuxième guerre mondiale, mais je n'ai pas fait

4 référence à cette forme de coopération dans ma déposition.

5 Q. Mais à quelle forme de coopération avez-vous pensé alors, lorsque vous

6 avez employé ce terme, "collaborer" ?

7 R. Mais il ne reconnaissait pas l'identité des Bosniens, cela c'est

8 l'aspect culturel des choses, il ne tenait pas compte de l'aspect politique

9 de leur identité, il ne tenait pas compte de leur Etat. Ils ont apporté

10 leur appui à un para-Etat et c'est avec cet Etat qu'ils ont collaboré.

11 Q. Mais, alors, pour M. Hadziosmanovic, pourquoi avec vous dit qu'il était

12 un collaborateur ?

13 R. Mais c'est lui.

14 Q. C'est lui. D'après vous, est-ce qu'il aurait été souhaitable de réduire

15 le nombre de ce que vous avez appelé des collaborationnistes avec l'Herceg-

16 Bosna ?

17 R. Je n'ai pas eu l'occasion de prendre part à cette protestation.

18 Q. Je ne vous ai pas posé ma question au sujet de la protestation, mais en

19 principe, compte tenu de cette interprétation du terme collaborer,

20 collaborationniste, est-ce que vous estimez qu'il était souhaitable que

21 leur nombre soit réduit ?

22 R. Oui, bien sûr, que l'on ait des représentants légitimes, c'était cela

23 qui était souhaitable.

24 Q. D'après vous, était-il souhaitable que l'enroulés de leurs fonctions,

25 les Musulmans occupaient des postes politiques et autres qui collaboraient

26 avec l'Herceg-Bosna ?

27 R. Mais ils ont tous été relevés de leurs fonctions, Madame.

28 Q. Très bien. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'au cours de

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1 l'année 1992, le nombre de Musulmans qui souhaitaient collaborer avec le

2 HVO, avec l'Herceg-Bosna, a baissé et que le nombre de ceux qui ne

3 souhaitaient pas cette coopération a augmenté ?

4 R. Je pense qu'il y avait là un sentiment. On avait l'impression que

5 l'apartheid était mise en place contre les Musulmans.

6 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que cette évolution des

7 relations entre les Musulmans et l'actuelle Bosnie ou de leur attitude à

8 l'égard de l'Herceg-Bosna a eu un impact sur les Unités militaires du HVO ?

9 R. Je n'en sais rien.

10 Q. Très bien. Maintenant, je vais vous demander que l'on reparte de la

11 résolution des Musulmans, T 00974, le paragraphe 5, deuxième alinéa, est-ce

12 que l'on pourrait, s'il vous plaît, présenter cela au témoin ?

13 974, c'est la résolution des Musulmans d'Herzégovine.

14 R. Ce n'est pas cela.

15 Q. Je m'excuse. Je n'ai pas cité la bonne référence, 00374. En attendant

16 de le voir s'afficher à l'écran, je vais donner la lecture du deuxième

17 paragraphe 5, page suivante, il est dit : "Nous lançons un appel aux

18 défenseurs dans les rangs des Musulmans, de se placer tous sur le drapeau

19 de la Bosnie-Herzégovine et que leur emblème soit un blason avec l'hélice

20 d'or."

21 Pouvez-vous nous expliquer qui sont les défenseurs auxquels ils ont lancé

22 l'appel ?

23 R. A ce moment-là, les défenseurs étaient dans les rangs de Bosnie-

24 Herzégovine, dans les rangs du HVO et dans ceux du HOS. Donc, il s'agit de

25 tous les défenseurs. C'est à ce titre que nous avons demandé aux Musulmans

26 de porter les insignes.

27 Q. Quelles étaient les insignes de l'ABiH ?

28 R. C'était le blason de Bosnie-Herzégovine.

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1 Q. Qu'était-ce ?

2 R. C'était le lys.

3 Q. Est-ce que cela peut concerner des gens qui se trouvent dans les rangs

4 de l'ABiH ont déjà le blason avec la fleur de lys ?

5 R. Mais ils avaient déjà.

6 Q. Donc, cela ne peut pas les concerner eux ?

7 R. Mais pourquoi pas ?

8 Q. Puisqu'ils l'ont déjà. Donc, la seule conclusion logique c'est que cela

9 concerne les Musulmans dans les rangs du HVO ?

10 R. Non. Cela concerne tous les défenseurs et c'est parfaitement clair ici.

11 Q. Mais comment pouvez-vous lancer un appel à ces gens pour qu'ils se

12 placent sous les drapeaux sous lesquels ils combattent déjà les hommes, qui

13 sont dans les rangs de l'ABiH, ils y sont déjà, ils sont de facto ?

14 R. Ce que nous souhaitions dire c'est que tous les Musulmans déployés dans

15 les unités qui défendent la Bosnie-Herzégovine qu'ils se placent tous sous

16 le drapeau de la Bosnie-Herzégovine. Autrement dit, qu'ils défendent la

17 souveraineté, l'intégrité de la Bosnie-Herzégovine. Donc, que ceux qui sont

18 dans l'armée, ceux qui sont dans le HOS ou le HVO aient tous les mêmes

19 objectifs.

20 Q. Je voudrais qu'on précise cela. Le blason de la Bosnie-Herzégovine avec

21 le lys d'or à partir de quel moment est-ce qu'il est devenu légal ?

22 R. Je ne sais pas à quel moment la loi a été adoptée, au moment de

23 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. C'était son drapeau et son blason,

24 donc le 1er mars 1992 lorsque la Bosnie-Herzégovine a été reconnu. Quand il

25 y a eu le référendum, quand elle a été reconnue comme l'Etat de Bosnie-

26 Herzégovine. Mais je ne sais pas exactement à quelle date ?

27 Q. Est-ce que vous vous souvenez quel est l'organe de Bosnie-Herzégovine

28 qui a pris ces décisions d'adopter pour blason le lys d'or ?

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1 R. Si je ne me trompe pas, avant la guerre, une commission a été chargée

2 de cela. Le Pr Gavran, je m'en souviens.

3 Q. Donc en 1992 ?

4 R. Mais il a proposé ce blason-là. Je pense que tout était prêt et

5 finalement je ne sais pas à quel moment la décision a été prise.

6 Q. Non, je ne vous ai pas demandé quand ? Je vous ai demandé quel organe,

7 la présidence de Bosnie-Herzégovine ?

8 R. Je ne sais pas qui avait la compétence de faire cela. Je ne suis pas

9 juriste.

10 Q. Des représentants des Serbes de Bosnie-Herzégovine, des Croates de

11 Bosnie-Herzégovine ont-ils protesté contre ce blason ?

12 R. Des Croates, oui, mais pour les Serbes, je ne suis pas sûr. Mais je

13 pense que oui, parce qu'il y a eu des Serbes qui sont restés pendant

14 longtemps dans les organes de pouvoir.

15 Q. Donc est-ce que d'après votre réponse cela veut dire que c'est la

16 présidence qui a adopté ces décisions ?

17 R. Non. Je sais que les Serbes étaient encore dans les organes de pouvoir,

18 mais quand à savoir s'ils ont pris part à la prise de ces décisions, je ne

19 sais pas ni quel organe l'a prise.

20 Q. Les Croates dans la présidence de Bosnie-Herzégovine représentaient-ils

21 les citoyens croates, ou était-ce des gens cooptés ? Je pense que vous

22 savez que cela veut dire.

23 R. Que je pense que c'étaient encore les gens qui avaient été élus.

24 Q. Le lys est-il toujours le blason de Bosnie-Herzégovine ?

25 R. Non.

26 Q. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

27 R. Parce que la décision a été prise par consensus et finalement -- en

28 fait c'est le haut représentant qu'il a imposé après elle a été adoptée et

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1 on a décidé d'adopter le drapeau qu'on a aujourd'hui. C'était après la

2 guerre, mais jusqu'à ce moment-là, on avait ce qu'on avait dans les Nations

3 Unies.

4 Q. Mais le haut représentant n'a-t-il pas été obligé de prendre ces

5 décisions parce qu'à la fois les Serbes et les Croates de Bosnie-

6 Herzégovine étaient hostiles à ce que le lys soit dans le blason de Bosnie-

7 Herzégovine ?

8 R. Cela je ne peux pas vous le dire. Je pense que le haut représentant a

9 dû prendre la décision parce que les partis politiques n'ont pas pu se

10 mettre d'accord quant à savoir si ce parti a été davantage croate ou moins

11 croate ou plus serbe ou moins serbe, cela je ne le sais pas.

12 Q. Merci. Professeur Rizvanbegovic, suite à cet appel lancé aux Musulmans

13 aux défenseurs je voudrais vous poser quelques questions au sujet des

14 Musulmans dans les rangs du HVO. Savez-vous qu'à ce moment-là dans la

15 région de Stolac le pourcentage de Musulmans au sein du HVO était très

16 élevé, il y avait des compagnies qui étaient purement musulmanes ?

17 R. Je pense qu'aucune n'a été purement musulmane et qu'il y ait eu des

18 unités où il y avait davantage de Musulmans cela est vrai.

19 Q. Vite après votre appel et surtout au début de l'année 1993, on a vu les

20 premiers cas de Musulmans quitter les rangs du HVO sans rendre leurs

21 équipements ou leurs armes.

22 R. Cela je ne suis pas au courant de cela qu'on ait pu de quelque manière

23 que ce soit ne pas rendre son équipement ou son armement. Cela ne pouvait

24 se faire qu'illégalement; sinon, c'était très difficile. De toute façon,

25 cela ne pouvait pas être un phénomène massif. Mais vous savez, je suis

26 civil, donc je ne connais pas ce genre de chose.

27 Q. Mais à l'époque, est-ce que vous avez entendu dire que des Musulmans ou

28 plutôt certains Musulmans dans les rangs du HVO avaient entretenu des

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1 relations avec par exemple la Brigade musulmane de Bregava et qu'en fait,

2 il restait dans le HVO à condition de passer dans la Brigade Bregava à

3 partir du moment où ils auront reçu un signal ?

4 R. Ce n'était pas une brigade musulmane. C'était la brigade qui s'appelait

5 Bregava. La majorité des soldats étaient certainement des Musulmans et il y

6 en avait d'autres. Mais je n'ai jamais entendu parler de cet exemple.

7 Q. Mais des commandants de l'ABiH n'ont-ils pas lancé des appels aux

8 Musulmans dans les rangs du HVO de se mettre au service de leur propre

9 peuple ?

10 R. Non.

11 Q. Les Croates dans la région de Stolac, en avril 1993, ne disaient-ils

12 pas que M. Alija Izetbegovic qui était toujours actif qu'il cherchait à ce

13 qu'on fasse une entrée militaire dans Stolac, que les Croates en soient

14 chassés, qu'un pouvoir musulman soit établi, et qu'il a été soutenu par les

15 commandants de la Brigade Bregava dans ces tentatives ?

16 R. A partir du mois d'avril 1992, ils n'étaient plus actifs politiquement.

17 Q. Oui.

18 R. Mais ils n'avaient plus aucun point politique, ils étaient que simples

19 citoyens. Ils n'avaient plus aucune importance.

20 Q. Mais, Monsieur le Professeur, vous dites qu'ils n'étaient pas actifs

21 politiquement, si c'est jusqu'au mois de juin qu'il a été le président du

22 conseil exécutif.

23 R. Oui, pardon, jusqu'au mois de juin.

24 Q. Alija Izetbegovic était le président du conseil exécutif, est-ce votre

25 parent ?

26 R. C'est un parent mais pas très proche. C'est le deuxième cercle de

27 parent.

28 Q. Etait-il propriétaire d'un bâtiment ?

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1 R. Oui. Une maison à Begovina.

2 Q. Dans la deuxième maison ?

3 R. Oui, qui portait le chiffre 2 que nous avons mentionné sur le chiffre

4 2.

5 Q. Je n'ai plus que quelques questions à vous poser. Vous avez dit que le

6 12 juin 1992, Zeljko Raguz était entré à Stolac et il a été remplacé par

7 Andjelko Markovic.

8 R. Oui. Je pense que ce dernier est à la tête du gouvernement du HVO qui

9 avait été établi. Je ne sais pas quand cela s'est passé ni comment cela

10 s'est passé.

11 Q. Quand vous parlez des autorités -- je vais vous parler des pouvoirs

12 publics municipaux --

13 R. Non. Il n'y avait pas d'autorité de pouvoir public. C'étaient les

14 pouvoirs militaires.

15 Q. Qu'était-il Andjelko Markovic ?

16 R. Il était président de la municipalité pour les autorités militaires.

17 Q. Vous faites une distinction entre les autorités civiles et les

18 autorités militaires du HVO ?

19 R. Je suppose qu'il n'y avait pas d'autorité civile. Il n'y avait rien qui

20 s'appelait pouvoir civil du HVO. Je suppose qu'il s'agissait de civils qui

21 travaillaient dans ces instances. Officiellement cela n'existait pas.

22 Q. Merci. Encore une question. Veuillez apporter un éclaircissement sur

23 ceci. A propos de ce complexe de Begovina, est-ce que c'était les derniers

24 bâtiments qui étaient vraiment sur la première ligne de front, les premiers

25 devant les Serbes ?

26 R. Si on regarde depuis Stolac la ligne du HVO se trouvait au nord de

27 Begovina à 200 mètres de là, pour ce qui est de la ligne des forces serbes

28 elle était à sept kilomètres au nord par rapport à Begovina. Mais après

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1 Begovina mis à part les usines hydroélectriques il n'y avait plus de ligne.

2 Il y avait sur plusieurs kilomètres, il n'y avait pas de contact avant que

3 ce coup n'ait tiré.

4 Q. Je vous remercie, Monsieur le Professeur.

5 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas bien

6 compris ce que vous aviez dit. Pourriez-vous nous dire combien de temps

7 nous avons pour pouvoir nous organiser ?

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Jonjic, vous aviez prévu combien de

9 temps ?

10 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous voyez au vu des

11 documents que vous avez sous les yeux, j'aurais besoin de beaucoup de

12 temps, au moins une heure. N'oubliez pas, s'il vous plaît, qu'au cours de

13 la pause, les conseils de la Défense aient discuté de certains sujets,

14 notamment, de cette question. S'agissant du prochain, nous n'aurons que

15 très peu de questions à lui poser. Ce qui veut dire qu'on peut, peut-être,

16 retrancher une partie de ce temps-là qui serait réservé au prochain témoin

17 pour l'utiliser maintenant.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : On vous vous donner une heure. Mais, avant de vous

19 donner la parole, j'ai, moi-même, une question à poser au témoin qui est un

20 peu dans la suite de ce qui a été indiqué, tout à l'heure, concernant le

21 drapeau actuel de votre pays. Au point de vue de la langue, quelle est la

22 langue officielle actuelle ? Est-ce que c'est le Serbo-Croate, le Croato-

23 Serbe, le Croate, le Serbe ou la langue bosniaque ? Quelle est la langue

24 officielle, aujourd'hui ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, la langue officielle

26 depuis l'adoption de la constitution de la Fédération, c'est la langue

27 bosniaque, croate et serbe. C'est de cette façon-là qu'on dit, bosniaque-

28 croate-serbe. Nous prenons l'ordre alphabétique et c'est comme cela s'est

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1 indiqué dans tous les documents de la constitution, notamment.

2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Vous avez d'abord dit

3 bosniaque, puis croate et enfin, serbe; est-ce que vous parliez de la

4 langue ou des langues, "language or languages" ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je parlais de la langue. Est-ce au singulier

6 ou au pluriel dans la constitution ? Je n'en suis pas sûr. J'ai répondu en

7 donnant le nom de la langue.

8 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] La suite de la question précédente.

9 Lorsqu'on fait une comparaison de la langue serbo-croate ou croato-serbe,

10 ou croate, ou serbe, ou bosniaque, est-ce qu'entre ces différentes langues,

11 à l'époque, il y a des différences telles que quelqu'un peut dire : "Celui-

12 là, il parle en bosniaque, celui-là, il parle en serbo-croate, celui-là, il

13 parle en croate" ? Est-ce que, vous-même, vous êtes capables de faire des

14 distinctions ? A titre d'exemple, je vais citer une langue qu'apparemment,

15 vous devez connaître qui est le Français. Quand un Français parle, il peut

16 être compris par un Canadien ou par un Belge. Mais, entre le Belge, le

17 Canadien et le Français, il y a des différences, comme je présume, en ce

18 qui concerne le Suisse, également, mais il en de même pour la langue

19 anglaise ou un Américain; c'est la même langue, mais il peut y avoir des

20 différences. Donc, en ce qui vous concerne, vous, est-ce qu'il y a des

21 différences importantes qui permettent finalement de classifier quelqu'un

22 en fonction de la langue qu'il parle ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque j'ai été ministre, j'ai organisé par

24 la Banque mondiale trois projets. Il y avait un Serbe de Bosnie, un Serbe,

25 un Croate de la faculté de Philosophie de Sarajevo. Ils ont rédigé un

26 rapport. Ils ont établi qu'en fait, la langue concernée était une seule

27 langue qu'on appelait simplement langue bosniaque-croate-serbe, mais qu'il

28 n'y avait pas de différences fondamentales entre ces différences variantes

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1 de la langue. Peut-être qu'on a mis récemment l'accent sur certaines

2 différences au niveau de la terminologie, du vocabulaire, par exemple, la

3 façon dont on dit, "pain," on peut avoir "clo" ou "crieb", mais de telles

4 différences ne représentent même pas 2 % du vocabulaire. En matière de

5 syntaxe, il n'y a pas vraiment de différences, pas de différences

6 phonétiques non plus. Il n'y pas de différences significatives. C'est

7 simplement des différences au niveau des termes et c'est plutôt une

8 question de droit civique. Voyez-vous, ce sont des dénominations. Donc,

9 c'est davantage une question de droit. Je n'ai pas prononcé un seul mot

10 dans ce prétoire que quelqu'un n'aurait pas compris. Tout le monde m'a

11 compris. Il n'y a pas de différences.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : S'il n'y a pas de différences, parlez-nous-en.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a des différences qu'on peut gonfler

14 artificiellement.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi, semble-t-il, au travers de vos propos,

16 vous en faisiez un élément essentiel dans votre programme d'action des

17 intellectuels musulmans ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, est-ce que vous accepteriez que

19 quelqu'un dise que votre langue c'est une autre langue ? Disons que

20 l'Italien n'est pas votre langue. Le nom qu'on donne à une langue, c'est un

21 des composantes de l'identité qu'on peut avoir. Qui était ici en cause ? Ce

22 n'était pas la substance même, la quintessence de la langue. C'est le nom,

23 l'appellation qu'on donnait à cette langue. Il n'y pas de raisons pour

24 qu'un groupe ethnique n'ait pas sa propre appellation pour la langue qui

25 est utilisée par ce groupe. C'est une question d'identité. C'est une

26 question identitaire et ce n'est pas un problème linguistique.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit, tout à l'heure, que lorsque vous

28 étiez ministre, vous avez organisé un travail en la matière. Est-ce que

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1 c'est une erreur d'interprétation ou vous avez été ministre, ministre, cela

2 c'est une fonction politique ? Pouvez-vous m'éclairer là-dessus ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été ministre de l'Education, des Sciences

4 et des Sports dans la Fédération. Le président Izetbegovic - je n'étais pas

5 le seul intellectuel à faire partie du gouvernement - le président

6 Izetbegovic a pensé qu'il devait engager les services d'intellectuels qui

7 pourraient participer au travail des différents ministères. J'ai accepté ce

8 poste de ministre et j'ai travaillé de façon indépendante pendant cette

9 période. Même si je n'étais adhérent à aucun parti, j'étais ministre de

10 1996 à la fin de l'année 2000. J'ai rempli deux mandats.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous apprenons que vous avez été ministre de 1996 à

12 2000.

13 Bien. Alors, il est 2 heures moins 20, donc, Maître Jonjic, vous avez une

14 heure.

15 M. JONJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 Contre-interrogatoire par M. Jonjic :

17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Rizvanbegovic. J'ai plusieurs

18 questions à vous poser au nom de M. Coric. Une heure ne suffirait pas pour

19 toutes les questions que je voudrais vous poser, je vais donc sélectionner

20 les plus importantes. S'il me reste du temps, je l'utiliserai volontiers

21 pour vous poser ces autres questions que je mets pour le moment de côté.

22 Vous êtes un professeur et, donc, vous avez interrogé des élèves et vous

23 savez que les élèves ont tendance, un peu, étoffée dans leurs propos. En

24 répondant, essayez de ne pas le faire -- pour faire bon escient du temps

25 que nous avons.

26 Avant de parler d'avril 1993, une seule question concernant vos

27 activités au sein du Conseil des Musulmans intellectuels d'Herzégovine;

28 vous avez dit que vous faisiez partie de la direction de ce conseil ?

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1 R. Non.

2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que les intervenants fassent des

3 pauses; sinon, il est impossible que les interprètes fassent leur travail.

4 M. JONJIC : [interprétation]

5 Q. Je n'ai pas vu que vous auriez pris vos distances par rapport aux

6 positions affichées par ce conseil.

7 M. JONJIC : [interprétation] Je m'excuse auprès des interprètes, c'est

8 parce que nous sommes soumis à une certaine précipitation, on essaie de

9 dire le plus de choses possible en très peu de temps.

10 Q. Je n'ai pas constaté que vous auriez pris vos distances, un certain

11 recul par rapport aux positions publiques de ce conseil, donc, cela veut

12 dire qu'en principe vous étiez d'accord avec tout ce que ce conseil a dit

13 et publié sous l'égide de se Conseil des Musulmans intellectuels

14 d'Herzégovine ?

15 R. Vous parlez du Conseil de Sarajevo ?

16 Q. De tous les conseils qu'il y a eu à partir de 1991 à ce jour.

17 R. En fait, ce congrès ou ce conseil a été désigné à Sarajevo en 1993. Je

18 n'ai pas participé à l'assemblée, mais lorsqu'il s'est installé à Sarajevo,

19 j'étais admis au conseil de ce congrès.

20 Q. Donc, c'est après que vous avez fait vôtre le programme de ce congrès

21 et l'intendance de ce congrès, de ce conseil ?

22 R. Je suppose oui, c'est normal.

23 Q. Aujourd'hui, je précise auprès du compte rendu d'audience que c'est à

24 la page 33, lignes 23 à 24, vous avez dit que c'était précisément ce

25 conseil ou congrès qui avait adopté la résolution disant que, désormais, on

26 devrait appeler les Musulmans de Bosnie, Bosniens, et vous dites que cette

27 conclusion avait un effet contraignant sur les autorités législatives ?

28 R. Non, c'était la réaction des intellectuels face à la situation que

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1 connaissait le peuple, vu son nom et sa longue histoire.

2 Q. Pour essayer de ne pas vous donner -- tromper sur la question, peut-

3 être y avait-il une erreur dans l'interprétation ?

4 R. Non.

5 Q. On pourra vérifier au compte rendu.

6 R. Je n'ai jamais rien dit qui ait été vide à mes étudiants.

7 Q. Ce combat s'est tenu le 22 décembre 1992. Je parle ici du combat des

8 intellectuels musulmans qui s'est tenu à Sarajevo. Plusieurs communications

9 avaient été faites, il y a eu notamment l'allocution, le discours de M.

10 Mustafa Imamovic, conviendrez-vous que c'est un des intellectuels musulmans

11 le plus -- des plus en vue. R. Il est professeur de la faculté de Droit,

12 il a écrit l'histoire des Bosniens et c'est un professeur, un de premier

13 plan, un intellectuel.

14 Q. Peut-on montrer au témoin la pièce 5D 01062 et, pendant que nous

15 attendons l'arrivée de ce document, nous parlons ici du discours de M. le

16 Professeur Imamovic. J'aimerais vous demander ceci car nous n'avons pas le

17 temps de lire la totalité du document. Prenons quelques phrases qui ont été

18 surlignées. Vous le voyez, ici, Mustafa Imamovic était, en fait, professeur

19 et rédacteur en chef -- ou plutôt, président du comité de rédaction --

20 c'était notre première page, voyons un peu plus loin.

21 Dans l'original, c'est à la page 69, ici, vous allez à la page 67 --

22 voilà, page de droite. Vous voyez les parties qui ont été soulignées. Est-

23 ce là la substance de tous ces chapitres ? Le

24 Pr Imamovic se dit que : "On peut dire à juste titre que tous ceux qui

25 portent l'épithète de Bosniaque fait référence ici aux Musulmans." Le titre

26 de l'article, ce sont les rapports ou la relation qu'il y a entre les

27 Bosniaques et les Musulmans.

28 Est-ce que vous êtes d'accord, Monsieur le Témoin, pour dire que

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1 cette position qui identifie en fait la Bosnie avec la cause musulmane peut

2 trouver son équivalent pour les parties non-musulmanes de la population ?

3 R. Ce n'est pas mon attitude, il y a divers grands intellectuels qui ont

4 chacun leur avis, heureusement d'ailleurs, de cette façon il est possible

5 de communiquer et d'échanger des opinions différentes.

6 Q. Mais vous n'avez pas pris vos distances par rapport à cette position ?

7 R. Pourquoi l'aurais-je fait, il n'y a pas de raison. Ici, nous en avons

8 discuté, ce monsieur a fait son discours, il transmettait ses idées;

9 j'avais les miennes. Pourquoi est-ce que je me serais dissocié de ce qu'il

10 disait ? Nous étions en débat.

11 Q. Fort bien. Je vous propose de passer directement aux choses

12 fondamentales. Parlons du mois d'avril de cette année-là. Hier, page 32 du

13 compte rendu d'audience, vous avez dit que lorsque vous avez été arrêté, la

14 police militaire vous avait amené à l'hôpital Kostana ?

15 R. Exact.

16 Q. Cela c'est passé le 1er juillet, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Connaissiez-vous le nom des personnes qu'ils ont arrêtées ?

19 R. Non. Ils n'ont pas dit qui ils étaient, ils se sont contentés

20 d'embarquer.

21 Q. Est-ce que c'était des gens de la municipalité de Stolac ?

22 R. Je ne sais pas, non, je ne les connaissais pas ces jeunes hommes, ces

23 jeunes gens, ni d'avant la guerre, ni d'après. J'étais professeur, je

24 faisais mon travail chez-moi. Je ne sortais pas beaucoup dans les bars. Je

25 vivais à Stolac où je travaillais ce qui veut dire que je n'ai pas eu

26 l'occasion de rencontrer beaucoup de jeunes.

27 M. JONJIC : [interprétation] Je m'excuse auprès des interprètes.

28 Q. Page 70 du compte rendu d'audience, lorsque la maison de Rizvanbegovic

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1 a été incendiée, est-ce qu'il n'y avait pas des gardes qui montaient la

2 garde ? Est-ce qu'il n'y avait pas Dragan Peric et Jozo Kresic ?

3 R. Si.

4 Q. Savez-vous dans quelles unités ils étaient versés ? Est-ce que c'était

5 des soldats ?

6 R. Oui, oui. Ils étaient sur la ligne qui était à Begovina, ils y étaient

7 tout le temps. Ma femme leur faisait du café, leur a même donné des

8 gâteaux, ils y ont passé plusieurs jours.

9 Q. Peut-on voir le document 5D 01056 ? Vous le voyez ? Vous avez essayé la

10 police militaire à Stolac. Ici, ce sont les soldes payés en juin 1993, dans

11 la police militaire. Peric et Jozo Kresic, je vois tous leurs noms ici.

12 R. Cette unité n'était pas à Begovina.

13 Q. Non ?

14 R. Non. A première vue, personne de ces gens n'y était. Mais ces -- ce

15 n'était pas des membres de la police militaire, c'était une Unité régulière

16 du HVO.

17 Q. Ici, c'est une liste des membres de la police militaire du HVO à Stolac

18 le 4 juin 1993; est-ce qu'il y a des gens qui pourraient être des Musulmans

19 de Bosnie ?

20 R. Amir Medar, numéro 14.

21 Q. Un peu plus bas, 29 ?

22 R. Rasim Dedic, Semir Selimic. Peut-être que j'en ai raté un.

23 M. JONJIC : [interprétation] Le Greffier, peut-il nous montrer la page ?

24 Q. Vous avez parlé de Semir et puis, donc, il y a Semir Selimic et

25 puis Edmin ?

26 R. Oui. Il y a un certain Edmin Selimic, puis on voit qu'il y a Marim.

27 Q. Donc, il y a au moins trois Musulmans dans cette unité de la police

28 militaire ce jour-là à Stolac. Lorsque la maison d'Alija Rizvanbegovic a

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1 été incendiée, vous dites être allé voir la police militaire.

2 R. Oui.

3 Q. A qui avez-vous parlé ?

4 R. Je ne sais pas à qui j'ai parlé. Il y avait un officier de permanence

5 et je lui ai relaté ce qui s'était passé.

6 Q. Est-ce que vous avez déposé plainte ?

7 R. Non. J'ai cru que le fait d'être allé me présenter à la police

8 suffisait pour que la police fasse son travail.

9 Q. Est-ce que je vous ai bien compris ? Les Musulmans -- vous dites que

10 les Musulmans de Stolac étaient victimes de discrimination et l'ont été à

11 partir du moment où Stolac a été libéré le 1er juillet 1993, et même après.

12 R. De plus en plus chaque jour.

13 M. JONJIC : [interprétation] Est-il possible de voir le document qui porte

14 le numéro 5D 01052 ?

15 Q. Oui, vous avez déjà mentionné l'auteur de ce document. Nous allons

16 faire dérouler le document pour voir le bas de la page. L'auteur, c'est

17 Ivica Kraljevic, et vous voyez le tampon de l'administration de la police

18 militaire. Revenons au haut du document, s'il vous plaît.

19 C'est une note de service en date du 21 juin 1993, n'est-ce pas ? Est-ce

20 qu'on ne dit pas ici qu'il y a eu des actes de violence ? Pourriez-vous

21 nous en dire davantage ?

22 R. C'est une note officielle concernant les événements qui se sont

23 produits dans la nuit du 19 au 20 juin 1993, entre minuit et deux heures du

24 matin. Il y a eu une série d'explosions dans la ville de Capljina qui a

25 endommagé les propriétés de Musulmans suivantes : le café Ribiza, le café

26 Sare, le café Bel-Ami, le café Fike, la pâtisserie dont le propriétaire

27 était Kudre, le magasin Izbor et la supérette Sakar Komerz, ainsi qu'un

28 salon de coiffure.

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1 Q. Nous voyons ici qu'il y a eu une enquête menée sur les lieux.

2 R. C'est une procédure de routine. Rien, en fait, n'a été fait après cette

3 enquête. Vous pouvez entrevoir si quelqu'un a été arrêté à la suite de

4 ceci.

5 M. JONJIC : [interprétation] Peut-on voir maintenant le document 5D 01053 ?

6 C'est le document suivant.

7 Q. L'auteur de ce document est le même, c'est une fois de plus Ivica

8 Kraljevic. Document établi le 23 mai, un peu plus tôt, donc. Pourriez-vous

9 nous aider en nous donnant lecture de la deuxième partie de ce rapport ?

10 R. Vous voulez dire dans la région sur le territoire de la municipalité de

11 Capljina ?

12 Q. Oui, précisément.

13 R. "Dans la municipalité de Capljina et surtout dans les villages de

14 Visici et de Celjevo, les 16, 17, et 18 mai, il y a eu trois vols dans des

15 maisons dont les propriétaires étaient des Musulmans et des objets de

16 valeur, des devises, des armes et des objets techniques ont été saisis. Le

17 18 mai, une embuscade a été tendue et ces personnes ont été prises la main

18 dans le sac. Il s'agit de trois anciens membres du HOS, et notamment des

19 personnes de Posusje et de Zupanja. Les biens volés ont été saisis, sauf

20 une partie de l'or et des devises étrangères. Le reste sera rendu aux

21 propriétaires."

22 Q. Continuez.

23 R. "Au cours de cette période, trois personnes ont été détenues qui

24 avaient confisqué trois vaches. Il y a eu des dommages et intérêts payés,

25 et ces personnes vont être jugées, en tout cas traduites en justice.

26 Q. Merci beaucoup. Je pensais que l'Accusation voulait réagir. Excusez-

27 moi.

28 M. JONJIC : [interprétation] Est-ce que le greffier peut nous montrer un

Page 2365

1 autre document 5D 01068 ?

2 Q. Lisons ensemble la totalité du rapport.

3 R. Au cours de cette période, sur six municipalités, voici ce qui s'est

4 passé.

5 "Au cours de cette période à Capljina, il y a eu une série

6 d'incidents, des coups de feu ont été tirés dans la ville, sept personnes

7 ont été arrêtées, leurs déclarations recueillies et une action sera engagée

8 contre elles, car elles ont constitué une menace pour la vie de certaines

9 personnes."

10 "A Stolac, on a découvert les entrepôts de vivres destinés à l'ABiH

11 et en fonction d'un ordre donné par le HVO de Stolac, le gouvernement du

12 HVO de Stolac --" Est-ce qu'on peut faire dérouler davantage le texte ?

13 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas fini la première partie, car il est

14 impossible de tenir le débit assuré par le lecteur.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

16 M. PORYVAEV : [interprétation] On montre ces documents à ce témoin, je ne

17 vois pas pourquoi cela ne concerne pas sa demeure à lui, alors pourquoi

18 mener un contre-interrogatoire sur ce point ?

19 M. LE JUGE ANTONETTI : -- pertinence.

20 M. JONJIC : [interprétation] C'est manifeste, me semble-t-il. Ces documents

21 montrent que ce que le témoin avait affirmé, à savoir qu'il y avait des

22 mesures discriminatoires à l'encontre des Musulmans, dégâts causés à leurs

23 biens, et que personne n'avait été puni, que ce n'est pas vrai. Ces

24 documents montrent quelles sanctions ont été prises sur le territoire

25 notamment de Stolac.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais tout ceci concerne la municipalité de

27 Capljina. Rien ne concerne Stolac.

28 M. JONJIC : [interprétation]

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1 Q. Si vous examinez ces documents de plus près. Vous allez voir que dans

2 la première phrase, on dit ceci : "Sur le territoire de six municipalités,

3 y compris Stolac."

4 R. Oui, mais tout ce qui s'est passé ici, cela s'est passé à Visici, à

5 Capljina, mais pas à Stolac. Stolac n'est pas mentionné, sinon que là, il y

6 avait un entrepôt de vivres qui avait été découvert.

7 Q. Fort bien. Prenons le deuxième passage.

8 R. Mais oui, c'est que j'allais dire. On parle de cet entrepôt de vivres

9 destinés à l'armée.

10 Q. Fort bien. Je vais sauter le paragraphe suivant. Lisez le dernier.

11 R. "Il est manifeste que le climat a Stolac aidait les terres, quand on

12 pense à l'attitude envers les Musulmans, car il est manifeste que certains

13 membres de la nation croate essaient à tout prix de les provoquer et de

14 provoquer des incidents par des insultes, des menaces, des coups de feu la

15 nuit, et cetera."

16 Q. A partir de ce dernier paragraphe, peut-on conclure, comme c'est dit

17 ici, que parmi les Croates, il n'y avait pas une étude uniforme à l'égard

18 des Musulmans, mais le chef de la police militaire critique les membres du

19 MUP pour leur conduite illégale ?

20 R. Mais si les membres du MUP agissaient ainsi, que faisaient les bandes

21 organisées ?

22 Q. Ce n'est pas la question que je vous pose. Je vous demande s'il est

23 permis de conclure sur la base de ce document que le MUP avait un avis, et

24 la police militaire, un autre.

25 R. C'est l'avis de Ivica Kraljevic.

26 Q. Pourriez-vous vous expliquer ?

27 R. La police militaire rend compte de ce qui se passe dans des formulaires

28 appropriés.

Page 2367

1 Q. Très bien. Merci.

2 M. JONJIC : [interprétation] Je demanderais au greffier de nous soumettre

3 un document, le document 5D 01055.

4 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

5 M. JONJIC : [interprétation]

6 Q. Il est question d'un document qui date du 2 juin 1993, et je vous

7 demande de vous concentrer sur le deuxième paragraphe. Je vous demande

8 votre aide.

9 R. "Sur le territoire de la municipalité de Stolac, le MUP pose de

10 nombreux problèmes. Il crée des affrontements avec les Musulmans," -- ou

11 plutôt, "les membres font tout ce qu'ils peuvent pour créer des conflits

12 avec les Musulmans en les menaçant de les expulser, de leur couper la gorge

13 et en disant être assoiffés de leur sang. Il y a également des violences

14 physiques, de nombreux coups de feu sont tirés, ce qui contraint la

15 population de Stolac à chercher la protection de la police."

16 Q. Très bien. Donc, sommes-nous en droit de conclure que ce qui s'est

17 passé n'était pas exceptionnel, mais plutôt un phénomène assez

18 systématique. Est-ce que vous seriez d'accord avec cela ?

19 R. Oui, mais je ne vois pas que quoi que ce soit ait été entrepris par

20 rapport à cela, à la lecture de ce texte. Mon impression, c'est que rien

21 n'a été entrepris.

22 Q. Je vous en prie, une fois, que vous avez été emmené à l'hôpital

23 orthopédique ou à l'hôpital Kostana, vous avez dit avoir été interrogé ?

24 R. Non. J'ai demandé à être interrogé parce qu'ils disaient qu'ils

25 m'emmenaient pour un interrogatoire et je pensais que j'allais être

26 interrogé, et ensuite, on m'a emmené dans la cave et je souhaitais savoir

27 ce qui allait se passer.

28 Q. Est-ce qu'on vous a frappé à ce moment-là ?

Page 2368

1 R. [aucune interprétation]

2 R. Est-ce qu'on vous a frappé à ce moment-là et savez-vous qui vous a

3 frappé ?

4 R. J'ai eu en face de moi des membres de la police militaire qui, dans le

5 couloir, m'ont posé des questions au sujet de certaines personnes. J'étais

6 prêt à parler, mais à ce moment-là, le contact a été interrompu par des

7 violences.

8 Q. Dites-moi, je vous prie, au moment où on vous a emmené à l'hôpital

9 orthopédique, est-ce qu'il s'y trouvait des malades ?

10 R. Non.

11 Q. Non ?

12 M. JONJIC : [interprétation] Encore mes excuses pour les interprètes. Je

13 demanderais que le greffier vous soumette le document 5D 01057.

14 Q. Pendant que nous attendons l'arrivée du document, Monsieur, j'aimerais

15 vous poser la question suivante : savez-vous qui sont les patients qui vont

16 dans un hôpital orthopédique ?

17 R. Je sais que les patients étaient emmenés à Blagaj. A l'époque, je ne

18 sais pas ce qu'il en était exactement. J'étais assigné à domicile, donc je

19 ne sais pas tout ce qui se passait. Lorsque je suis arrivé, je n'ai pas vu

20 de patients. J'ai simplement vu des membres de la police militaire. Quant à

21 ce qui s'est passé dans cet hôpital par la suite, je ne saurais le dire,

22 car je suis resté dans la maison, du mois d'avril -- à partir d'avril, je

23 suis resté à l'intérieur de la maison, et par la suite, je n'ai pas eu la

24 possibilité de voir ce qui se passait.

25 Q. Nous avons l'original du document en croate qui date du 10 juin, c'est-

26 à-dire, un peu avant votre arrivée. Ce document émane de la 1ère Brigade du

27 HVO. Il est signé par le commandant Obradovic qui parle de nettoyage et de

28 logement des patients de l'hôpital orthopédique qui était à Capljina. Au

Page 2369

1 paragraphe 3, vous constaterez qu'il est question des locaux destinés au

2 corps médical dans lesquels était occupée la Brigade de Capljina.

3 Donc, est-il vrai que les patients n'ont pas été transportés à

4 Blagaj, mais plutôt à Capljina ?

5 R. Si je comprends ce que dit ce document, il est question des femmes de

6 ménage. Il me semble que dans l'hôpital de Stolac, il y avait plus de 100

7 malades, pas simplement deux, mais plus de 100.

8 Q. Est-ce que vous pourriez lire le paragraphe 3 ?

9 R. "Les personnes en question étaient au travail pendant que les patients

10 de l'hôpital orthopédique se trouvaient dans les locaux destinés au corps

11 médical de la Brigade de Capljina.

12 Q. Donc, ceci n'a rien à voir avec des femmes de ménages, mais bel et bien

13 avec des patients ?

14 R. Je pense que ceci a rapport avec deux patients.

15 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

16 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais qu'on baisse un peu le texte sur le

18 rétroprojecteur ou sur l'écran. Je ne vois pas le début.

19 "Compte tenu de l'état actuel des patients de l'hôpital orthopédique qui se

20 trouve," au singulier, "dans l'infirmerie de la brigade et étant donné

21 l'impossibilité de nettoyer les locaux qui abritent les patients" --

22 M. JONJIC : [interprétation]

23 Q. Là, il y a le pluriel ?

24 R. Non. "Compte tenu de la situation des patients de l'hôpital

25 orthopédique qui se trouve," "se trouve" au singulier, pas au pluriel.

26 Donc, c'est au singulier.

27 Q. D'accord. Mais "où sont-ils logés ?" "Sont-ils logés", est-ce que c'est

28 au pluriel ou au singulier ?

Page 2370

1 R. Excusez-moi, je vais voir parce que vous me soumettez ce document -- je

2 cite : "Compte de l'état actuel des patients de l'hôpital orthopédique qui

3 se trouve dans les locaux de la brigade et compte tenu de l'impossibilité

4 de nettoyer les locaux où ils sont logés," voyons la suite, "impossibilité

5 d'utiliser des prisonniers pour nettoyer les locaux dans lesquels ils sont

6 logés," donc, il y a un singulier, ce qui signifie un seul patient et des

7 prisonniers.

8 M. JONJIC : [interprétation] Je demanderais qu'on baisse un peu le document

9 à l'écran.

10 M. PORYVAEV : [interprétation] Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur.

12 M. PORYVAEV : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Le témoin

13 a été emmené dans les locaux de cet hôpital au mois de juillet, 1er juillet

14 1993. Or, le document que nous voyons ici a un rapport avec la date du 10

15 juin 1993. Quelle est la pertinence de ce document ? Quelle est l'utilité

16 d'un contre-interrogatoire sur ce document ?

17 M. LE JUGE ANTONETTI : L'objectif, Maître Jonjic.

18 M. JONJIC : [interprétation] L'objectif, Monsieur le Président, consiste

19 pour nous à démontrer que l'affirmation du témoin selon laquelle les

20 patients avaient été transférés à Blagaj n'est pas exacte. Premier point.

21 Deuxième point donc, second objectif, montrer qui dirigeait l'hôpital

22 orthopédique.

23 Si je puis me le permettre, je poursuis.

24 Q. Je demanderais au Pr Rizvanbegovic de nous dire si dans les locaux où

25 étaient installés et logés les patients, est-ce qu'il est bien question de

26 pluriel, là ? Est-ce qu'au point 3, c'est un pluriel qui est utilisé pour

27 parler des patients ?

28 R. Il est question de : "Deux femmes de ménage qui travaillaient à

Page 2371

1 l'hôpital orthopédique." Manifestement, elles n'y travaillent plus. Elles

2 étaient censées "nettoyer les locaux dans lesquels étaient installés dans

3 les locaux de la brigade."

4 Q. Singulier ou pluriel ?

5 R. Je vais voir.

6 Q. Relisez.

7 R. "Pendant que les patients se trouvent dans les locaux de la brigade à

8 Capljina."

9 Q. Donc, si j'ai bien compris, à l'hôpital orthopédique, il n'y avait plus

10 de patients mais ces patients étaient à Capljina.

11 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

12 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exactement cela, mais nous avons

13 consacré plus de cinq minutes à en discuter. Ecoutez, c'est peut-être cela.

14 Mais enfin, c'est un détail sans aucune importance. Vous savez bien de quoi

15 il est question ? Nous tournons en rond, ici. Nous perdons du temps et nous

16 maltraitons les gens qui nous écoutent.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, allez-y.

18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis vraiment désolé, mais au

19 bout de deux phrases, nos interprètes perdent le souffle, alors vous devez

20 respecter deux choses. D'abord, vous devez parler lentement. Deuxièmement,

21 vous ne devez pas commencer à parler avant que la personne qui est en train

22 de vous parler ait manifestement terminé sa phrase parce que vous vous

23 chevauchez. Le témoin commence à répondre avant que la question soit

24 terminée et la question suivante commence avant la fin de la réponse du

25 témoin. C'est vraiment impossible de continuer comme cela. Vous ne

26 parviendrez à votre objectif, à savoir que vous ne réussirez pas à nous

27 permettre de comprendre cette conversation, si nous, les Juges, ne pouvons

28 la suivre. C'est du temps totalement perdu.

Page 2372

1 Je vous implore vraiment d'être un peu plus disciplinés à cet égard.

2 M. JONJIC : [interprétation] Je suis d'accord, Monsieur le Juge. Je

3 vous prie de m'excuser pour ce qui relève de ma responsabilité dans cette

4 situation.

5 Bien sûr, tout cela est le résultat du manque de temps et du grand

6 nombre de documents que j'aimerais montrer au témoin.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi aussi, je vous présente mes excuses,

8 mais je suis fatigué. Je suis ici dans ce prétoire toute la journée dans un

9 procès difficile.

10 M. JONJIC : [interprétation]

11 Q. Professeur Rizvanbegovic, j'aimerais que nous partions du 1er juillet

12 1993, et à cet égard, avant que je ne vous demande de nous décrire votre

13 expérience personnelle.

14 M. JONJIC : [interprétation] Je demanderais à M. le Greffier de nous

15 soumettre le document 5D 01064. Je crois que c'est bien le numéro du

16 document qui m'intéresse. Excusez-moi. 01065.

17 Q. Professeur Rizvanbegovic, laissez de côté les chiffres et dites-nous de

18 quoi traite ce document.

19 R. C'est un ordre qui se lit comme suit et qui porte sur la situation dans

20 la ville, je cite : "Compte tenu de la situation et la nécessité d'assurer

21 la sécurité des habitants de la ville et de leurs biens, j'ordonne,

22 premièrement, que les biens des habitants de Capljina et de Stolac soient

23 pris en charge par la police de Capljina et la police de Stolac dans le but

24 d'empêcher le cambriolage et les intrusions et, deuxièmement, elles sont

25 responsables pour l'exécution de cet ordre les membres de la police civile

26 de Capljina et de Stolac."

27 Q. Un peu plus bas.

28 R. Je ne vois pas le reste du document.

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1 M. JONJIC : [interprétation] Peut-on montrer le bas du texte ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] "Adressé au chef de la police civile de

3 Stolac, le chef de la police civile de Capljina et signé par Nedjelko

4 Obradovic, commandant du secteur sud, colonel de son rang.

5 M. JONJIC : [interprétation] Peut-on remonter pour voir la date ?

6 Q. C'est celle du 3 juillet 1993, c'est-à-dire, une quinzaine ou vingtaine

7 de jours avant l'incendie de Begovina, n'est-ce pas, Monsieur ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-il donc permis de conclure que la responsabilité s'agissant

10 d'assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens à Stolac, entre

11 autres, relevait de la police civile ?

12 R. Non.

13 Q. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi ?

14 R. Parce qu'à Begovina se trouvait l'armée. Les civils ne pouvaient pas

15 entrer à Begovina. Begovina était absolument sécurisée. Quelle que soit la

16 personne en question, même mon épouse, elle ne pouvait pas entrer dans

17 Begovina parce que l'armée était là pour empêcher l'accès. Il y avait des

18 gardiens. Il y avait les hommes qui étaient sur le front. Il n'y avait

19 absolument aucune possibilité compte tenu de la configuration du terrain

20 d'accéder à Begovina. En aucun cas qui que ce soit n'aurait pu entrer à

21 Begovina sans que l'armée en soit informée. Les soldats étaient dans la

22 maison de mon frère et ils contrôlaient toute la superficie. Ils

23 contrôlaient tout le secteur qui était de grande dimension et dans ce

24 secteur absolument personne ne pouvait pénétrer. L'armée l'empêchait et je

25 crois pouvoir dire que la police n'avait même pas accès à cette ligne. La

26 police civile n'y accédait pas sauf si elle obtenait l'autorisation de

27 l'armée.

28 Q. Mais qu'en conviendrons-nous, vous et moi, que cet ordre a été signé

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1 par le commandant de l'armée ?

2 R. S'il y avait la signature du commandant de l'armée, oui, oui.

3 Q. Autre document, 5D 01064.

4 R. Pendant que nous attendons le document, puis-je vous poser une

5 question ? Pourquoi est-ce qu'il n'a pas donné l'ordre à ces unités de

6 s'occuper des maisons dans lesquelles ces hommes étaient installés,

7 notamment, puisqu'il s'agissait d'un bâtiment classé de première

8 catégorie ?

9 Q. Je vous demanderais de ne pas entrer dans ces détails.

10 R. Je trouve que c'est important.

11 Q. Bien. Voyons ce document. Le voici à l'écran. Encore une fois, si vous

12 me le permettez, Professeur --

13 R. J'aimerais que vous le lisiez de façon à ne pas perdre de temps à la

14 lecture de ces documents. Vous savez bien --

15 Q. Il est encore une fois question d'un document qui émane de la 1ère

16 Brigade du HVO, toujours la même date, le 3 juillet. Dans le préambule,

17 nous voyons manifestement que le signataire du document constate que des

18 délinquants ont agi et commis un certain nombre d'actes délictueux.

19 Maintenant paragraphe 1, je cite : "Tout cambriolage ou tout autre

20 moyen de s'approprier les biens appartenant à un citoyen dans notre zone de

21 responsabilité doit être empêcher d'agir et ensuite arrêter et les

22 procédures appropriées doivent être mises en marche contre cette personne."

23 Donc, non seulement la personne doit être arrêtée, mais les

24 procédures doivent être engagées à l'encontre de la personne en question.

25 M. JONJIC : [interprétation] Je demanderais à M. le Greffier de baisser un

26 peu le document.

27 Q. Nous verrons qu'au paragraphe 4, il est dit que, pour la population

28 civile habitant dans la zone de responsabilité de la brigade et en

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1 application dans le respect des conventions de Genève, ces habitants

2 doivent être protégés. Tout en bas, nous voyons que le signataire de cet

3 ordre - encore une fois, page 2, s'il vous plaît - nous voyons que le

4 signataire est encore une fois M. Nedjelko Obradovic, commandant de la 1ère

5 Brigade.

6 Nous constatons que ce document est adressé à toutes les unités de la 1ère

7 Brigade, aux Compagnies de Ljubuski, au chef du SIS, c'est-à-dire, des

8 services d'information et de sécurité, et puis, il y a le sigle ONO qui je

9 crois signifie organe chargé des opérations et de la formation.

10 R. Le simple fait que le signataire soit Nedjelko Obradovic nous montre

11 que cet ordre n'a pas dû être -- montre que cet homme n'avait aucune

12 autorité puisque apparemment ces ordres n'étaient absolument pas suivis des

13 faits. En aucun cas ces ordres n'ont été exécutés.

14 Q. Merci. Pour le moment nous parlons de ceux qui ont été transférés de

15 l'hôpital orthopédique à Detrelj. Est-ce que vous connaissez les hommes qui

16 y ont été transférés dans ces conditions ?

17 R. Non. Il s'agissait de jeunes gens. Je ne les connaissais pas. Il y

18 avait un chauffeur et un homme armé qui les escortaient.

19 Q. Vous avez dit que le salut nazi peut-être était-ce le salut romain ou

20 le salut des jeunesses ékaviennes [phon] qui était en vigueur ?

21 R. C'était peut-être le salut romain.

22 Q. Vous avez également parlé de M. Mehmed Dizdar et de son livre sur

23 Stolac hier.

24 R. Oui. Il a écrit ce livre qui m'a rendu furieux quand j'en ai commencé

25 la lecture car j'ai des milliers de points de désaccord avec ce qu'il écrit

26 dans son livre.

27 Q. Mais si vous le permettez dans cet ouvrage il évoque un fait que vous

28 avez évoqué également aujourd'hui ici, à savoir que le HOS de Stolac était

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1 en majorité composée de Musulmans.

2 R. Il n'y avait pas d'Unité du HOS à Stolac. Le HOS est entré à Stolac, il

3 a été installé dans la caserne de Capljina et c'est

4 M. Kraljevic qui commandait cette unité. Quant aux hommes de Stolac ils

5 allaient auprès de cette unité pour se faire connaître car ils étaient

6 absolument désolés de ce qui était en train de se passer et ils étaient

7 désolés de voir que les Chetniks ne pouvaient pas être chassés plus loin

8 qu'ils ne l'avaient été jusqu'à ce moment-là. Donc ils allaient voir

9 Kraljevic pour demander que les Chetniks soient chassés plus loin car lui

10 avait dit que c'est ce qu'ils voulaient.

11 Q. Ils allaient en masse vers le HOS le HOS pour cela ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous avez parlé du mouvement oustachi de l'Etat indépendant de Croatie;

14 est-ce que ce genre de -- est-ce que SIS fait partie de la tradition de ces

15 hommes ? Est-ce que le HOS reprenait ce genre de symbole ?

16 R. Je ne sais pas. Tout ce que je sais c'est que le HOS portait des

17 uniformes noirs, comme c'était le cas à l'époque de l'Etat indépendant de

18 Croatie et qu'ils utilisaient le même mot d'ordre prêt pour la patrie, et

19 cetera.

20 Q. Donc, les Musulmans qui faisaient partie du HOS saluaient de la même

21 manière ?

22 R. Non.

23 Q. Merci. Vous n'avez pas besoin d'entrer dans les détails. Quand les

24 personnes en question se sont rendues compte de leur situation il ne s'est

25 plus trouvé de Musulmans au sein du HOS, c'est que vous dites, vous dites ?

26 R. En effet.

27 Q. [aucune interprétation]

28 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

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1 M. JONJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 Q. Hier, Professeur, vous avez dit quelque chose qui m'a un peu étonné.

3 Vous avez dit que la sécurité de Detrelj, l'endroit où on vous a emmené,

4 était assurée par la police militaire. Cela vous l'avez dit d'abord, puis,

5 en page 38, un peu plus tard, lignes 15 à 18, du compte rendu d'audience de

6 la journée d'hier, vous avez dit que vous ne saviez pas quels étaient les

7 emblèmes des soldats qui vous gardaient car cela ne vous importait pas;

8 pourriez-vous nous expliquer cette contradiction en quelques mots ?

9 R. A l'intérieur de la caserne, je ne sais pas ce qu'il en était à

10 l'extérieur, je n'ai pas pu le voir, mais à l'intérieur de la caserne, ses

11 hommes arrivaient et l'un d'entre eux était Kreso Rajic que je connaissais

12 et qui portait les emblèmes de la police militaire. Je lui ai demandé qui

13 assurait la sécurité, il a répondu la police militaire et Dobli [phon]

14 Palameta a dit la même chose, ces deux hommes je sais qu'ils faisaient

15 partie de la police militaire et je sais qu'ils m'ont dit que c'était la

16 police militaire qui assurait la sécurité. Quant à Ivica Kraljevic, on le

17 voit à la lecture de ces documents, il faisait partie de la police

18 militaire également. Quant à ceux qui étaient aux alentours du bâtiment, de

19 la caserne, cela je le sais moins.

20 Q. Merci beaucoup.

21 M. JONJIC : [interprétation] Je demanderais à M. le Greffier de nous

22 montrer les documents 5201059 à présent.

23 Q. Professeur, regardez la date d'abord, 2 juillet, le jour de votre

24 arrivée ou le lendemain de votre arrivée, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Ordre destiné à la sécurité de la caserne, prison de Dretelj et on lit

27 les mots suivants : "Créer immédiatement une Unité de Garde patriotique de

28 40 hommes qui assureront la sécurité de la prison de Dretelj et de la

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1 caserne de Dretelj." Ensuite, deux éléments techniques.

2 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, j'aimerais qu'on voit le

3 bas du texte, le bas de la page.

4 Q. Professeur, pouvez-vous nous dire qui a signé ce document ?

5 Malheureusement, la signature n'apparaît pas dans la version électronique

6 du texte, mais peut-être est-elle lisible sur la version anglaise, car je

7 suppose qu'au moment où les documents ont été scannés, il a été coupé, mais

8 il est clair que c'est un document qui émane de la première brigade. Bien,

9 voici la version anglaise qui est lisible et on constate que le signataire

10 est qui, Professeur ?

11 R. Je suis convaincu que 40 membres de la Garde patriotique n'auraient pas

12 suffit à assurer la sécurité du camp. Je suppose qu'ils assuraient la

13 sécurité à l'extérieur du camp, et pas à l'intérieur. A l'intérieur, les

14 hommes qui assuraient la sécurité, étaient très jeunes et il n'y avait pas

15 d'hommes d'un certain âge, en tout cas, je n'en ai pas vu à travers la

16 fenêtre dont je me servais pour voir ce qui se passait à l'extérieur.

17 Q. C'est une supposition de votre part ou une certitude ?

18 R. Je sais que ceux qui étaient là où je pouvais les voir n'étaient pas

19 des hommes d'un certain âge, donc, pas des membres de la Garde patriotique.

20 C'était des hommes jeunes, et la même chose pour ceux qui arrivaient à

21 notre porte.

22 Q. Mais d'où vous vient ce concept d'hommes d'un certain âge ? Car jusqu'à

23 présent, je ne me souviens pas que nous ayons parlé de cela du tout ?

24 R. Les membres de la Garde patriotique, en tout cas, quand j'étais en

25 liberté, étaient des hommes d'un certain âge. Quant à ceux qui étaient

26 soldats, ils étaient plus jeunes, qu'ils fassent partie de la police

27 militaire ou de l'armée. Ils étaient plus jeunes, moins de 35 ans, alors

28 que les membres de la Garde patriotique avaient plus que 35 ans, c'était

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1 des réservistes.

2 Q. Après votre arrestation, savez-vous comment ce sont passées les choses

3 du point de vue organisation ?

4 R. A l'intérieur du camp, je ne pouvais pas savoir.

5 Q. Bien sûr, donc, vous n'êtes pas au courant sur ce point-ci non plus,

6 merci beaucoup. Hier, vous avez dit - ceci figure en page 32 -- en page 42,

7 du compte rendu d'audience - que les soins médicaux à Dretelj étaient très

8 insuffisants et qu'ils n'ont été améliorés qu'après un certain temps,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 M. JONJIC : [interprétation] Je demande au Greffe de nous montrer le

12 document 5D 01061. Ce texte qui est maintenant à l'écran, il est question

13 d'un document signé par Kresimir Bogdanovic, commandant de la 3e Compagnie

14 de la Police militaire de Capljina. Ce document est élaboré le 2 juillet,

15 c'est-à-dire, pratiquement le lendemain de votre arrivée, si ce n'est le

16 jour de votre arrivée, n'est-ce pas un point sauvé ?

17 Q. Dans ce document, il est exigé -- en tout cas, il est constaté que :

18 "Dans la caserne, il y a un grand nombre de membres des forces armées qui

19 ont été installées dont certains se plaignent de problèmes médicaux et ont

20 besoin médicaux et il est donc demandé que des soignants soient acheminés

21 rapidement vers la caserne." Comme vous le voyez, il s'agit la caserne

22 Bozan Simovic. Connaissez-vous cette caserne ? Savez-vous où elle se

23 trouve ?

24 R. Non.

25 Q. Descendons un peu vers le bas de la page et nous verrons à qui ce

26 document a été adressé.

27 R. Au centre médical Bozan Simovic, à la 1ère Brigade du HVO Knez Domagoj

28 est un exemplaire pour les archives.

Page 2381

1 Q. Merci. Donc, des médecins ce sont sans doutes rendus à cet endroit

2 après avoir reçu cet appel. J'aimerais maintenant que nous examinions le

3 document 5D 01066. Nous avons ici un document du

4 5 juillet 1993, c'est la 1ère Brigade du HVO, il s'agit d'une demande de

5 constituer une commission médicale. On ordonne donc la création d'une

6 commission médicale afin de prendre en charge les prisonniers à Gabela,

7 Dretelj et à l'Heliodrom, Mostar, et qui a signé, je demande que l'on

8 montre le bas du document, encore une fois c'est ?

9 R. Nedjelko Obradovic.

10 Q. Il s'est adressé à la première et à la 3e Brigade du Conseil croate de

11 la Défense.

12 R. Donc, on a créé une commission cinq jours plus tard.

13 Q. Je vous remercie.

14 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, ai-je bien compris

15 qu'il nous reste dix minutes ? Merci.

16 Q. Hier, Monsieur Rivanbegovic, vous avez décrit une situation où un

17 membre de la sécurité de Dretelj vous a assené un coup ?

18 R. Oui.

19 Q. Connaissez-vous le nom de cette personne éventuellement ?

20 R. Je vous ai dit d'emblée que je connaissais peu de noms, que je ne

21 connaissais pas ces jeunes, en particulier, ceux qui se sont trouvés là-

22 bas, difficilement aurais-je pu reconnaître quelqu'un.

23 Q. Ai-je bien compris que celui qui vous a frappé, qui vous a forcé à

24 fixer le soleil ?

25 R. Oui.

26 Q. Mais pendant combien de temps avez-vous été obligé de regarder le

27 soleil ?

28 R. Jusqu'à ce que cela m'aveugle.

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1 Q. Vous ne pouvez pas estimer le temps ?

2 R. Non.

3 Q. Est-ce que vous avez des conséquences durables pour votre vue ?

4 R. Vous voyez vous-même que mes yeux sont en larmes sans arrêt et je ne

5 peux pas regarder la neige quand le soleil est fort, donc, j'éprouve encore

6 des séquelles. A l'arrivée à Zagreb, j'ai été emmené immédiatement pour

7 être examiné. J'ai des séquelles, je ne peux pas dire que je suis encore

8 aveugle à cause de cela, mais, à l'époque, j'étais très mal.

9 Q. Est-ce que vous pouvez identifier certains membres de la sécurité qui

10 auraient fait preuve d'un comportement plus brutal que d'autres ?

11 R. Parmi ceux que je connais, c'est Palameta certainement l'un de ceux --

12 je le connais de Stolac, mais je ne connais les autres, je ne sais pas qui

13 ils étaient. C'était des jeunes qui faisaient partie de la police, je

14 suppose, qui se rendaient là-bas des lignes de front, qui créaient des

15 problèmes, qui passaient des gens à tabac.

16 Q. Très bien, en quelques mots, pouvez-vous nous dire quelles ont été vos

17 relations avec Ivica Kraljevic, celui qui a signé beaucoup de documents ?

18 R. Avant la guerre ou pendant la guerre ?

19 Q. Avant et pendant ?

20 R. Avant la guerre, on se connaissait comme tout habitant ordinaire,

21 enfin, on se disait bonjour, c'est tout, et puis après, pendant la guerre,

22 j'ai eu la rencontre que vous ai décrite quand je suis arrivé à Dretelj et

23 puis dans la prison de Ljubuski, cela je vous l'ai décrit.

24 Q. Kraljevic, est-ce qu'il a eu recours à la violence à votre égard ?

25 R. Non.

26 Q. En une phrase ou deux, est-ce que vous pouvez me décrire vos rapports

27 avec Tomo Sakota ?

28 R. Tomo Sakota c'est quelqu'un que je n'ai rencontré que tardivement.

Page 2383

1 J'étais étonné de voir qu'encore, en juillet, il était commandant du camp

2 maintenant. Je pensais que cela arrivait que les choses avaient changé, et

3 de toute évidence, ce n'était pas le cas. Je l'ai rencontré quand j'ai été

4 chargé à bord de ce camion et il m'a fait descendre. Il avait une attitude,

5 comme en dirais-je, un peu plus bienveillante à mon égard. Parfois, il me

6 laissait sortir dans l'enceinte faire quelques pas. Il y avait un

7 prisonnier qui réparait les voitures. Il m'a laissé trois fois, tout au

8 plus, aller jusqu'à lui. Mais c'était quelque chose pour moi.

9 Q. Très bien. Pour quelle raison avez-vous bénéficié d'un traitement

10 spécial ? C'est Sakota qui vous a emmené Ljubuski, à Capljina par la suite.

11 Pourquoi ?

12 R. Je pense qu'il a été contacté par certains de mes amis et ils m'ont

13 demandé de faire cela. Je pense que c'était cela, la raison. Comme vous

14 l'avez vu, les voix se chevauchent de nouveau.

15 Q. Hier, vous avez mentionné Esad Suta et vous avez également mentionné

16 mon client, M. Coric.

17 R. Oui.

18 Q. M. Coric, pour autant que vous sachiez, n'est-il jamais venu à

19 Dretelj ? L'avez-vous jamais vu à Dretelj ?

20 R. Le premier jour, M. Suta a dit : "Je pense qu'il ne va pas y avoir

21 beaucoup de problèmes. Nous ne pensons pas que cela allait être un camp.

22 Nous pensions que ce serait juste une autre conversation d'information qui

23 allait s'adresser à Valentin."

24 Q. Est-ce que quelqu'un d'autre vous aurait dit que M. Coric est venu à

25 Dretelj ?

26 R. Non.

27 Q. Est-ce que quelqu'un vous a dit que M. Coric aurait relâché quelqu'un

28 de Dretelj ?

Page 2384

1 R. Non.

2 Q. Non.

3 R. Non, j'ai mentionné M. Coric uniquement dans le même contexte qu'à

4 l'instant.

5 Q. M. Anicic ou Andjic que vous qualifiez de commandant de Dretelj, est-ce

6 que vous l'avez vu ?

7 R. Non.

8 Q. Nous avons vu un document du 23 septembre 1993. Excusez-moi, vous avez

9 été transféré de Dretelj à Ljubuski ?

10 R. Oui.

11 Q. Nous avons vu que certaines mesures de sécurité ont été ordonnées et

12 vous avez estimé que c'était parce que vous avez été pris pour

13 particulièrement dangereux.

14 R. Ecoutez, si j'avais les menottes en main, je pense que oui.

15 Q. Je vous remercie.

16 M. JONJIC : [interprétation] M. l'Huissier, pourrait-il nous aider pour

17 qu'on montre un document, qu'on le place sur le rétroprojecteur ? Hélas, il

18 n'a pas été encore téléchargé. Il n'a pas été enregistré dans notre système

19 électronique.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai vu ce document, hier, signé par M. Coric.

21 M. JONJIC : [interprétation]

22 Q. Nous allons voir un document du 23 septembre. La Chambre l'a en

23 sa possession, l'original et la version anglaise également. Le bureau du

24 Procureur a les deux versions; le voyez-vous ?

25 R. Oui.

26 Q. C'est bien le 23 septembre, cette même date ?

27 R. Oui.

28 Q. C'est là où avec des mesures de sécurité, vous avez été transféré à

Page 2385

1 Ljubuski ?

2 R. Oui.

3 Q. Je pourrais peut-être en donner lecture.

4 R. Oui. Vous, ce serait mieux.

5 Q. "Le 23 septembre 1993, de la prison, dans la caserne Dretelj --" Il

6 faut lire avec l'entremise de la Croix-Rouge internationale.

7 R. [aucune interprétation]

8 Q. "-- il fallait que 541 détenus sortent, qui devaient partir à bord de

9 huit autocars et trois camions accompagnés et escortés par la police

10 civile."

11 R. [aucune interprétation]

12 Q. "Vers 17 heures, à l'entrée de la caserne, des femmes et des enfants,

13 des réfugiés de Bosnie ont commencé à se rassembler. Ils ont commencé à

14 protester contre la relaxation des prisonniers. Ils ont commencé à injurier

15 la police militaire. A 18 heures, quand un grand groupe s'était rassemblé,

16 ils ont commencé à pousser des véhicules sur la voie depuis le

17 stationnement devant la caserne pour bloquer la sortie."

18 Puis, je reprends au paragraphe suivant :

19 "A 19 heures 50, il y avait 40 policiers militaires. Ils sont sortis à

20 l'extérieur du portail pour mener à bien notre mission. Au moment de

21 l'intervention, nous n'avons pas eu recours à la force même si nous avons

22 été injuriés et si on nous a lancé des pierres et d'autres objets durs, et

23 où il y a eu six policiers militaires blessés."

24 C'est Ivan Anic [phon], le commandant du 5e Bataillon de la Police

25 militaire, à l'époque.

26 Professeur Rizvanbegovic, êtes-vous d'accord pour confirmer que,

27 précisément, le jour où des mesures spéciales de protection vous a été

28 accordées pour vous transférer à Ljubuski, que des femmes, des enfants, des

Page 2386

1 réfugiés de Bosnie avaient attaqué la police militaire, au moment où on a

2 tenté de fermer ce centre de détention de Dretelj ?

3 R. Non. Je suis parti dans la matinée avant que le camp ne soit fermé.

4 D'après ce qu'on voit, d'après les horaires qu'on voit ici, cela s'est

5 passé après moi.

6 Q. Mais, c'est le même jour ?

7 R. Mais, c'est considérablement après moi.

8 Q. Vous pensez qu'il aurait été difficile de prévoir cette réaction des

9 réfugiés de Bosnie même dans la matinée.

10 R. Je pense que cette réaction des réfugiés a été orchestrée.

11 Q. C'est ce que vous pensez ?

12 R. Mais c'est un scénario dont j'ai été témoin à plusieurs reprises.

13 Q. Mais comment ? Puisque vous étiez déjà à Ljubuski.

14 R. Mais, pas à ce moment-là. Depuis l'avènement du peuple en Serbie, à

15 plusieurs moments.

16 Q. Très bien. Arrivez à la prison de Ljubuski, prison militaire à

17 Ljubuski, est-ce que vous receviez du courrier ?

18 R. Une fois, la Croix-Rouge a apporté quelque chose.

19 Q. Est-ce que vous vous souvenez du colis ?

20 R. Non.

21 Q. Connaissiez-vous le moindre nom des gardes de Ljubuski ?

22 R. Il y en avait un qui s'appelait Milos. Il m'a apporté un message venu

23 de ma sœur au sujet de ce qui avait été entrepris par le Pr Franges. Il

24 s'appelait Milos.

25 Q. Vous ne connaissez personne d'autres ?

26 R. Je ne m'en souviens de personne d'autres si ce n'est que Ivica

27 Kraljevic qui était là.

28 Q. M. Suta, était-il là avec vous ?

Page 2387

1 R. Oui.

2 Q. Par son entremise, vous avez essayé de joindre M. Valentin Coric ?

3 R. Non.

4 Q. Pourquoi ?

5 R. Parce que je ne connaissais pas M. Valentin. Il n'y avait aucune raison

6 que je m'adresse à quelqu'un que je ne connaissais pas.

7 Q. Mais en passant par Suta.

8 R. Non, lui, il a essayé mais, moi, non. Je ne vois pas pourquoi il

9 m'accorderait un traitement spécial puisqu'il ne me connaissait pas. Cela

10 aurait été une chose si je l'avais connu.

11 Q. Je vous remercie. Il me reste une minute. C'est la dernière minute. Ma

12 seule et dernière question, je n'aurais plus l'occasion de présenter des

13 documents. Hier, au sujet de votre sortie, vous nous avez présenté les

14 documents. Il s'agit du mois de décembre 1993, sous le nom de Perica Jukic,

15 vous avez dit que c'était le chef du SIS. Page 9, ligne 21 à 23.

16 Pourquoi avez-vous pensé que M. Jukic était à la tête du SIS, son

17 chef ?

18 R. A ce moment-là, ce nom ne me disait rien. C'est par la suite que je

19 l'ai connue. Je pensais que la police devait donner son aval. Entre nous,

20 c'est qu'on disait toujours. Si le SIS ne donne pas son feu vert, c'est en

21 vain qu'on demandera quelque chose.

22 Q. Donc, si le SIS n'approuve pas, mais il y a 30 secondes, vous évoquez

23 la police ?

24 R. Mais j'espère que le SIS fait partie de la police.

25 Q. Je vous remercie.

26 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai d'autres

27 questions, mais, apparemment, il faut bien que j'abrège.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, vous avez terminé. Vous venez juste de

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1 passer une heure.

2 Bien, dans ces conditions --

3 Oui, Monsieur Coric, vous voulez intervenir ?

4 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie

5 de nous avoir accordé ce temps. Ceci nous a presque sauvé, mais, à l'avenir

6 dans la pratique de ce procès, si on continue de mener les procès de cette

7 manière-là, je ne pense pas qu'on puisse parler d'un procès équitable. Ceci

8 retournera à la farce. Je suis désolé de devoir vous dire cela. Vous nous

9 avez accordé du temps et je vous en remercie encore une fois. Mais il reste

10 deux points clés que mon équipe de conseil n'a pas pou abordé et je n'ose

11 pas imaginer ce qui nous attend à l'avenir. Merci.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Jonjic.

13 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si on le

14 fait maintenant ou demain. Les 10 ou 12 documents que nous avons reçus à

15 présenter au témoin, est-ce qu'on peut demander leur versement?

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ecoutez, on va le faire tout de suite.

17 Demandez -- listez vos documents.

18 M. JONJIC : [interprétation] Tous les documents portent la référence 5D

19 01052, 01053, 01055, 01056, 01057, 01059, 01061, 01062, 01064, 01065,

20 01066, ainsi que 01068. En plus, un document que nous n'avons présenté que

21 sur le rétroprojecteur ce soir ou demain matin je pense qu'il devrait être

22 enregistré numériquement. Est-ce qu'on peut l'enregistrer numériquement ?

23 Est-ce qu'on peut l'enregistrer également, 5D 01079 ?

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

25 M. JONJIC : [interprétation] Merci.

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, les documents

27 suivants seront versés au dossier : 5D 01052, 5D 01053,

28 5D 01055, 5D 01056, 5D 01057, 5D 01059, 5D 01061, 5D 01062, 5D 01064, 5D

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1 01065, 5D 01066, 5D 01068. Pendant que nous y sommes, je pense qu'il

2 faudrait préciser ce qui en est des pièces qui ont été versées au dossier

3 aujourd'hui. Leurs références sont 2D 0007 ainsi que

4 2D 000017. Enfin pour ce qui est des pièces à conviction pour le compte

5 rendu d'audience les deux pièces comme suit : 2D 00019, ainsi que 2D 00023

6 sont respectivement la même pièce ou les mêmes pièces que celles versées

7 aujourd'hui pour le bureau du Procureur sous la cote P 000374, ainsi que P

8 09579. Je vous remercie.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

10 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour qu'il n'y ait pas

11 de malentendu, au sujet de cette seule pièce que nous n'avons pas encore pu

12 enregistrer électroniquement et j'ai demandé qu'elle soit enregistrée - M.

13 le Greffier ne n'en a pas parlé -

14 5D 01079. Merci.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur le Greffier. Cette pièce est admise.

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous présente mes excuses. Tout à

17 fait. Cette pièce sera enregistrée sous la cote 5D 01079. Encore une fois

18 pour le compte rendu d'audience 5D 01079. Merci.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur le Professeur, votre audition

20 vient de se terminer. Vous avez, pendant plus huit heures, répondu aux

21 questions des uns et des autres. Au nom des Juges, je vous remercie, d'être

22 venu à La Haye, et je formule mes meilleurs vœux pour votre retour dans

23 votre pays, et la continuation de vos activités d'enseignant.

24 [Le témoin se retire]

25 Je vais donc interrompre l'audience pendant 20 minutes et nous reprendrons

26 à 16 heures 05.

27 --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

28 --- L'audience est reprise à 16 heures 09.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise, mais juste avant

2 d'introduire le témoin pour connaître les raisons pour lesquelles des

3 mesures de protection vont être demandées, je vois que l'Accusation avait

4 oublié deux documents. Monsieur Mundis, quels sont les deux documents qui

5 ont avaient été oubliés ?

6 M. PORYVAEV : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Aux fins du

7 compte rendu d'audience je précise que la pièce 3842 et la pièce 4667 ont

8 été utilisées pendant l'interrogatoire principal. Je ne sais pas pourquoi

9 elles n'ont pas figurées au transcript au compte rendu d'audience. Je

10 voudrais demander leur versement.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, ces deux pièces recevront les

13 numéros respectifs suivants, PO 3842 et PO 4667. Merci.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Très rapidement, Monsieur Mundis, pourquoi ce

15 témoin veut des mesures de protection ? Oui alors, l'audience à huis clos.

16 [Audience à huis clos]

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17 [Audience à huis clos partiel]

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7 [Audience publique]

8 M. MUNDIS : [interprétation]

9 Q. Témoin BI, pourriez-vous nous décrire brièvement quelle était la

10 situation à Stolac au début de l'année 1992 ? Comment vivait-on, là-bas ?

11 R. Au début de l'année 1992, plus précisément en mars, avril, je pense que

12 c'était en mars ou avril, les Serbes de Bosnie se sont retirés de Stolac.

13 Des unités du HVO y sont entrées, et de concert avec la partie bosnienne,

14 ils ont joué le rôle d'une sorte de défense de la ville. La ville était

15 pratiquement normale. Au lieu d'aller au travail, les gens se rendaient sur

16 la ligne, certains faisaient partie de la protection civile qui était

17 chargée de réparer les maisons endommagées ou détruites par les obus lancés

18 sur Stolac par des Serbes.

19 C'était une situation normale quand il n'y avait pas de pilonnage.

20 M. SAHOTA : [aucune interprétation]

21 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

22 M. SAHOTA : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président.

23 D'après ce que j'ai compris, l'accusé n'entend pas la déposition du ce

24 témoin. Il y a peut-être un problème avec le système audio.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, peut-on vérifier que les

26 accusés --

27 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il y a un technicien qui arrive.

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1 Monsieur le Greffier, il vient d'où, le technicien ? Du centre-ville ou du

2 bureau à côté ?

3 Bien. M. Praljak a levé le doigt en l'air, donc, c'est que tout doit être

4 bon.

5 Bien. Alors, Monsieur Mundis, poursuivez. S'il y a un problème, signalez-le

6 tout de suite.

7 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Q. Monsieur le Témoin BI, au moment où nous avons rencontré ce problème

9 technique, vous étiez en train de nous parler du pilonnage serbe de Stolac.

10 Est-ce que vous vous rappelez à quel moment, à peu près, il y a eu ce

11 pilonnage serbe ?

12 R. Les Serbes ont commencé -- en fait, les Serbes, pendant un certain

13 temps, se sont trouvés à Stolac, pendant trois ou quatre mois, peut-être,

14 en 1991. Au début de l'année 1992, ils se sont retirés de Stolac, et c'est

15 à ce moment-là que le pilonnage a commencé.

16 Q. Page 142, ligne 16, Monsieur le Témoin, vous nous avez dit : "Les

17 Unités du HVO sont entrées." Est-ce que vous vous souvenez à peu près à

18 quel moment les Unités du HVO sont entrées dans Stolac ?

19 R. Je pense que c'était au mois d'avril 1992.

20 Q. Pouvez-vous décrire la situation telle qu'elle prévalait à Stolac à

21 partir du mois d'avril 1992 ? Autrement dit, après l'entrée du HVO dans

22 Stolac.

23 R. La ville était pas mal détruite à cause des pilonnages serbes. Au lieu

24 de se rendre au travail, les gens se rendaient sur le front. En fait, ils

25 faisaient partie de la défense de la ville. C'était une situation normale,

26 mis à part le pilonnage.

27 Q. Monsieur le Témoin BI, pouvez-vous nous dire de quelle nature ont été

28 ces dégâts occasionnés par le pilonnage serbe ?

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1 R. Cela, c'étaient des dégâts plutôt insignifiants. Parfois, des toits des

2 maisons ont été abîmés. C'est cela.

3 Q. Témoin BI, à ce moment-là, donc à peu près au mois d'avril 1992, est-ce

4 que vous pouvez dire à la Chambre de première instance quelle était la

5 composition ethnique de la population de Stolac ?

6 R. Il y avait des Bosniens et des Croates. C'était cela, la grosse

7 majorité, mais il y avait aussi, peut-être, je ne sais pas exactement, sept

8 ou huit familles serbes qui sont restées à Stolac.

9 Q. Témoin BI, pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre à peu près à quel

10 endroit vivait votre famille en avril 1992 dans la ville de Stolac ?

11 R. Au centre.

12 Q. Témoin BI, pouvez-vous dire à la Chambre où et comment travaillait

13 votre père en avril 1992 ?

14 R. Il travaillait à la municipalité en 1992, dans la protection civile.

15 Q. En quelle qualité, s'il vous plaît ?

16 R. Il était simple ouvrier, il nettoyait les rues.

17 Q. Témoin BI, pouvez-vous dire à la Chambre comment on a réagit à Stolac

18 lorsque le HVO est arrivé après le retrait des Serbes ?

19 R. La réaction était normale. On les a accueillis comme une sorte de

20 libérateurs. Il y avait pas mal de joie à leur arrivée.

21 Q. Pour quelle raison ?

22 R. Parce qu'avec leur arrivée, les Serbes se sont retirés de Stolac. Cela

23 signifiait plus de circulation, plus libres, moins de peur. C'était comme

24 une sorte de protection qu'on voyait en eux.

25 Q. Témoin BI, pendant combien de temps le HVO est-il resté cette sorte de

26 protection à Stolac ?

27 R. C'était jusque -- je suppose, jusqu'en mai 1993. Je ne connais pas le

28 mois exact, je ne sais pas jusqu'à quel moment exactement les relations ont

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1 commencé à se dégrader entre les Bosniens et les Croates.

2 Q. Témoin BI, pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de la situation

3 à Stolac en avril 1992 et mai 1993 ? Comment se déroulait la vie pendant

4 ces 13 mois à Stolac ?

5 R. D'une certaine façon, la vie était normale. On vivait pour l'essentiel

6 de l'aide humanitaire. Les usines ne fonctionnaient pas. Ceux qui, d'après

7 leur âge, étaient aptes à combattre recevaient une solde du HVO, ceux qui

8 étaient intégrés dans leurs unités. Voilà, c'est cela.

9 Q. Témoin BI, que faisiez-vous entre avril 1992 et mai 1993 ?

10 R. A l'époque, j'étais un garçon, c'était plutôt des jeux d'enfants qui

11 m'intéressaient.

12 Q. Quels genres de jeux étaient pratiqués par les garçons à

13 Stolac, d'avril 1992 à mai 1993 ?

14 R. Mais il y a avait peu de garçons de mon âge dans la ville. Quand il n'y

15 avait pas de pilonnage, quand la journée était calme, le plus souvent, on

16 jouait au foot.

17 Q. A l'école ? Vous alliez à l'école ? Vous alliez à l'école pendant cette

18 période-là ?

19 R. Non.

20 Q. Pourquoi pas ?

21 R. Avant tout, parce que l'école était fermée. Elle était fermée parce

22 qu'on avait peur des pilonnages; cela, c'était la première raison. Puis

23 aussi, la deuxième raison, c'était qu'il n'y avait pas suffisamment

24 d'élèves, pas suffisamment d'enfants. Ensuite, il n'y avait pas

25 suffisamment d'enseignants. En partie, ils étaient partis avec les Serbes;

26 en partie, ils étaient partis se réfugier en Croatie. Il y avait très peu

27 de gens à Stolac, à l'époque.

28 Q. Lignes 9 et 10, page 145, vous avez dit que les relations commençaient

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1 à se détériorer entre les Bosniens et les Croates. Est-ce que vous pouvez

2 nous décrire un petit peu comment cette détérioration s'est produite ?

3 R. Surtout, les relations ont commencé à se dégrader par des arrestations

4 des intellectuels. C'était au début. Puis, ces arrestations se sont

5 étendues pour englober les simples citoyens qui, peut-être à partir de

6 l'âge de 16 ou 17 ans jusqu'à l'âge de 60, voire 70, enfin, tous ceux qui

7 auraient pu constituer une menace pour les soldats du HVO, ceux qui étaient

8 en âge de combattre ou aptes à combattre.

9 Q. Ces arrestations, à quel moment ont-elles commencé à se produire ?

10 R. A partir du mois de mai jusqu'au mois d'août 1993, plus précisément

11 jusqu'au 3 août. Pendant que j'étais à Stolac, il y a eu des arrestations

12 tous les jours. Au départ, c'était massif, et par la suite, ils allaient

13 rechercher à arrêter les gens qui s'étaient cachés.

14 Q. Monsieur le Témoin BI, est-ce que vous savez quelle était

15 l'appartenance ethnique de ces gens qui se sont fait arrêter entre mai et

16 le 3 août 1993, à Stolac ?

17 R. Pour autant que je le sache, c'étaient des Musulmans.

18 Q. Monsieur le Témoin BI, est-ce que personnellement, vous avez vu des

19 gens se faire arrêter à Stolac entre le mois de mai et le 3 août 1993 ?

20 R. Oui. J'ai vu pas mal d'arrestations.

21 Q. Pouvez-vous nous décrire ce que vous avez vu de façon générale ?

22 R. J'ai vu des soldats armés du HVO qui emmenaient la population

23 masculine, en tout cas, une partie des habitants de sexe masculin de la

24 ville. Ces hommes avaient les bras en l'air. En général, ils les avaient

25 regroupés à deux ou trois endroits différents dans la ville de Stolac pour

26 ensuite les rassembler en un seul groupe. Par la suite, j'ai appris qu'on

27 les emmenait à Dretelj, Gabela, Ljubuski, l'Heliodrom, Ljubuski.

28 Q. J'aimerais maintenant vous poser quelques questions complémentaires.

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1 Vous nous dites qu'ils emmenaient les habitants de sexe masculin de la

2 ville. Que faisaient-ils des femmes ?

3 R. Les femmes et les enfants vivaient de façon générale dans une très

4 grande peur, car ces soldats du HVO étaient très souvent sous l'emprise de

5 l'alcool, en tout cas, la majorité d'entre eux. Il leur arrivait

6 fréquemment d'insulter les gens, d'injurier les gens, donc les femmes et

7 les enfants. La population en question qui était restée à Stolac vivait

8 dans une très grande peur à cause de cela.

9 Q. Monsieur le Témoin BI, il y a quelques instants, page 147, lignes 9 et

10 10 du compte rendu d'audience, vous avez dit : "En général, ils les

11 regroupaient à deux ou trois endroits de la ville de Stolac." Pouvez-vous

12 nous dire quels sont les deux ou trois lieux en question dont vous venez de

13 parler ?

14 R. Au début des arrestations c'était en général au centre de la ville,

15 d'ailleurs le grand magasin où il regroupait fréquemment 20 à 30 personnes

16 qu'ils transportaient plus loin par la suite puis l'hôpital orthopédique,

17 la gare ferroviaire.

18 Q. Pouvez-vous nous dire quelques mots de l'hôpital orthopédique ? Qu'est-

19 ce que cet hôpital exactement ?

20 R. Pourriez-vous me poser une question plus claire ? Vous pensez à la

21 période antérieure à la guerre, ou à la période de la guerre ?

22 Q. Avant la guerre. Quel genre d'hôpital était-ce si vous les savez ?

23 R. Pour autant que je m'en souvienne c'était un hôpital qui soignait

24 majoritairement les personnes qui avaient eu des fractures ou qui

25 souffraient de rhumatisme, en tout cas, qui avaient des problèmes osseux.

26 Pendant la guerre, cet hôpital est devenu le plus grand hôpital de Stolac.

27 C'est là qu'on emmenait en grand nombre les blessés. C'était le seul

28 hôpital qui fonctionnait pendant la guerre.

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1 Q. Monsieur le Témoin BI, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce

2 qu'il est arrivé aux membres de votre famille pendant cette période qui va

3 du mois d'avril 1992 au mois de mai 1993 ?

4 R. Bien, ma famille est restée à Stolac mais nous n'habitions pas dans

5 notre maison car nous avions déjà déménagé dans la partie basse de la ville

6 où s'était regroupé la population et nous habitions chez un de nos cousins.

7 Q. Monsieur le Témoin BI, pourquoi votre famille a-t-elle déménagé dans un

8 autre quartier de la ville de Stolac ?

9 R. Avant tout parce que le quartier où j'habitais était celui qui était le

10 plus exposé aux pilonnages des Serbes.

11 Q. Monsieur le Témoin BI, pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre ce

12 qu'il est arrivé aux membres de votre famille après le début des

13 arrestations en juin et juillet 1993 ?

14 R. J'avais mon propre appartement à ce moment-là. Mon père a été emmené

15 dans un camp. Je ne me souviens plus de la date exacte, en tout cas, pas du

16 jour exact, mais je sais que c'était au mois de juillet. Ma mère, mon frère

17 et moi sommes restés dans cet appartement encore une quinzaine ou une

18 vingtaine de jours après quoi on nous a emmené de force à Blagaj.

19 Q. Monsieur le Témoin BI, j'aimerais vous poser quelques questions au

20 sujet de ce moment où votre père a été enfermé dans un camp, comme vous

21 venez de nous le dire. Pouvez-vous vous souvenir d'un détail quelconque de

22 ce jour-là, et si oui, seriez-vous prêt à partager votre souvenir avec les

23 Juges de la Chambre ?

24 R. Ce jour-là, non. Je n'ai pas de souvenir parce que je n'étais pas à la

25 maison. J'étais au stade. Mais, d'après ce que lui a raconté plus tard,

26 quand nous nous sommes rencontrés, bien, il m'a dit que deux soldats du HVO

27 sont arrivés, c'était l'été donc il était bien sûr en casquette et en

28 short, ils sont arrivés à la porte et ils lui ont dit qu'il fallait qu'il

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1 parte avec eux, qu'il n'avait pas besoin d'emporter quelque objet personnel

2 que ce soit car ce serait rapide. Il avait simplement conversation

3 informatique et il n'est pas revenu en fait.

4 Q. Quand vous dites : "Il n'est pas revenu," le dites-vous de façon

5 permanente et définitive ou pendant une certaine période ?

6 R. Il n'est pas revenu pendant une certaine période à Stolac, mais, plus

7 tard, il est revenu à Blagaj après six ou sept mois passé dans un camp.

8 Q. Votre père vous a-t-il où il a passé ces six ou sept mois durant

9 lesquels vous ne l'avez pas vu ?

10 R. Oui, oui. A Detrelj et à Gabela.

11 Q. Pourriez-vous décrire l'aspect physique de votre père quand vous l'avez

12 revu pour la première fois après cette période qu'il a passée à Dretelj et

13 à Gabela ?

14 R. Bien, il avait l'air d'avoir une quinzaine d'années de plus que son

15 âge, alors qu'il avait 90 kilos au départ et il n'en avait plus qu'une

16 soixante. Il était donc tout simplement méconnaissable.

17 Q. Pourriez-vous, Monsieur le Témoin BI, décrire aux Juges de la Chambre

18 la situation qui a prévalu à Stolac à partir du moment où votre père a été

19 arrêté et jusqu'au moment où vous-même ainsi que votre mère et votre frère

20 avaient été chassés vers Blagaj, comme vous venez de le dire, pouvez-vous

21 décrire cette période ?

22 R. Cette période a été pénible. On visait dans une très grande peur. Tous

23 les jours il y avait un bâtiment en feu. Tous les jours il y avait des

24 coups de feu. Les soldats arrivaient pour nous soumettre à toutes sortes

25 d'exactions et c'était terrible.

26 Q. Monsieur le Témoin BI, quand vous dites qu'un bâtiment brûlait tous les

27 jours. Pouvez-vous nous dire ce que vous voulez dire exactement par là ?

28 Que voulez-vous dire en parlant de bâtiment en feu ?

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1 R. Oui. Tous les jours il y avait des maisons qui brûlaient, le musée,

2 mais avant tout des maisons appartenant à des particuliers. C'était la

3 majorité.

4 Q. Pourriez-vous nous parler des événements survenus à Stolac à la mi-

5 juillet 1993, au moment où vous avez vu des bâtiments en feu ?

6 R. Oui. J'ai eu une certaine participation à un incendie et dans un

7 quartier de la ville, mais, en fait, le contraire d'une participation

8 active. C'est-à-dire que je n'ai pas mis le feu, au contraire j'ai essayé

9 de l'éteindre.

10 Q. Vous rappelez-vous le jour exact, le mois, et l'année de cet incident ?

11 Quand est-ce que vous avez participé à l'extinction d'un feu ? Vous

12 rappelez-vous la période ou la date exacte ?

13 R. Bien, cela s'est passé, je ne sais pas exactement quel jour, mais sans

14 doute entre le 15 et le 25 juillet 1993.

15 Q. Monsieur le Témoin BI, pourriez-vous, je vous prie, dire aux Juges de

16 la Chambre les souvenirs qu vous sont restés de cette journée, des

17 événements de cette journée ?

18 R. Ce jour-là j'étais au terrain de foot du lycée qui n'est pas très loin

19 de ma maison avec des copains croates. Nous jouions au football, et un peu

20 plus tard, vers 15 heures, 16 heures, je suis rentré à la maison pour le

21 déjeuner. Au moment où je suis passé devant le vieux Tepa, j'ai de la fumée

22 qui sortait de la cour de la mosquée, et bien sûr, nous étions jeunes, donc

23 cela nous intéressait de voir d'un peu plus ce qui se passait. Nous sommes

24 entrés dans la cour de la mosquée, puis de la cour à l'intérieur de la

25 mosquée, nous avons vu qu'à l'entrée même à la porte de la mosquée un tapis

26 était en feu. J'ai saisi ce tapis pour l'emporter à l'extérieur et pendant

27 les trois ou quatre minutes qu'il m'a fallu pour éteindre ce tapis, tout le

28 complexe immobilier autour de la mosquée était en feu. Les flammes

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1 montaient jusqu'au ciel, il y avait beaucoup de fumées.

2 Q. Je me permettrais de vous interrompre pendant quelques instants. A

3 présent, Monsieur le Témoin BI, page 151, ligne 8. Vous dites : "Que vous

4 êtes passé devant le vieux Tepa." Pouvez-vous dire aux juges de la Chambre

5 ce qu'est le vieux Tepa ?

6 R. C'est marché là où il y a les commerçants. Je ne sais pas très bien

7 comment vous dire cela.

8 Q. Monsieur le Témoin BI, quand vous dites que vous êtes allé dans la cour

9 de la mosquée, vous rappelez-vous le nom de cette mosquée, le nom de la

10 mosquée dans laquelle vous êtes entré ?

11 R. Oui, je parle de la mosquée qui se trouve au centre de Stolac. Le musée

12 de Sultan Selim connu également sous le nom de mosquée de l'Empereur --

13 mosquée du Sultan Selim -- également connu sous le nom de mosquée de

14 l'Empereur.

15 Q. Je vous ai interrompu au moment où vous parliez des flammes qui

16 atteignaient le ciel et de la fumée que vous avez vue lors de ces

17 incendies. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez vu ensuite ?

18 R. Non. La fumée n'était pas en feu. A ce moment-là, il n'y avait pas de

19 flamme sortant de la mosquée. Au moment où j'ai pris le tapis pour le

20 sortir, la porte à l'extérieur. C'était les bâtiments des alentours, des

21 environs qui brûlaient, à ce moment-là.

22 Q. Où êtes-vous allé ensuite ? Qu'avez-vous dans les moments qui ont suivi

23 celui où vous avez pris le tapis pour l'emporter à l'extérieur ?

24 R. J'ai fait marche arrière sur une cinquantaine de mètres, à peu près.

25 J'ai regardé les bâtiments en tain de brûler et cinq à dix minutes plus

26 tard, la mosquée a de nouveau pris feu, parce que très certainement,

27 quelqu'un a versé de l'essence, du méthane, je ne sais pas ce qu'on utilise

28 pour mettre le feu. En tout cas, les flammes ont commencé à sortir à

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1 nouveau de la mosquée, du toit de la mosquée.

2 Q. Monsieur le Témoin, combien de temps avez-vous observé ces bâtiments en

3 feu ?

4 R. Une dizaine, une vingtaine de minutes. Après quoi, des soldats sont

5 arrivés qui étaient devant l'école de Stolac. Cette école n'était pas très

6 loin de l'endroit où ces incendies ont commencé à une cinquantaine ou une

7 soixantaine de mètre au plus. Donc, ces soldats sont arrivés, à ce moment-

8 là, et ils nous ont demandé de partir. Mais, j'ai continué à observer les

9 incendies de loin, parce que je pouvais les voir de ma fenêtre.

10 Q. Monsieur le Témoin BI, ces soldats appartenaient à quel groupe armé ?

11 R. Au HVO. En effet, à ce moment-là, n'existait à Stolac que le Conseil

12 croate de Défense, HVO.

13 Q. Monsieur le Témoin BI, quand vous dites que vous avez continué à

14 observer les incendies depuis la fenêtre de votre maison, où se trouvait

15 votre logement par rapport à la mosquée du Sultan Selim ?

16 R. A une centaine de mètres, à peu près.

17 Q. Monsieur le Témoin BI, avez-vous constaté que quiconque le moindre

18 effort pour éteindre le feu, à cet endroit-là, ce jour-là ?

19 R. Non.

20 M. SAHOTA : [interprétation] Monsieur le Président, avec l'aide de

21 l'Huissière, je demanderais que l'on soumette au témoin un certain nombre

22 de photographies ainsi qu'une carte ou un plan.

23 Je propose que nous travaillions de la façon suivante, c'est-à-dire,

24 localiser un certain nombre d'endroits sur le plan, après quoi, toutes les

25 photographies dont la localisation a été faite sur le plan pourraient être

26 associées au plan pour ne constituer qu'une seule et même pièce à

27 conviction.

28 Q. Monsieur le Témoin, je vous demanderais de vous pencher sur la pièce P

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1 09583.

2 M. SAHOTA : [interprétation] Mais je vous répète, Monsieur le Président,

3 que j'aimerais que l'ensemble de ces documents ne constituent qu'une seule

4 et même pièce à conviction à l'issue du processus d'examen par le témoin.

5 M. MUNDIS : [interprétation]

6 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous voyez la photographie qui est à

7 l'écran devant vous, en ce moment ?

8 R. Oui.

9 Q. Pourriez-vous, je vous prie, décrire ce que vous voyez sur cette

10 photographie ?

11 R. La seule chose que je vois ici, c'est le centre de Stolac avec la

12 mosquée, l'école primaire et ce qu'on appelait Supria [phon] -- le

13 lotissement Supria.

14 Q. D'accord. J'aimerais que le témoin se saisisse d'un marqueur et

15 Monsieur le Témoin, je vous demanderais de travailler sur la photographie

16 qui est sur votre droite, pas sur l'écran qui est devant vous. D'accord.

17 R. Oui, oui. D'accord.

18 Q. Vous nous avez dit, Monsieur, que vous voyiez sur cette photographie,

19 l'école primaire, pourriez-vous, je vous prie, inscrire un S sur le

20 bâtiment de cette école, skola, qui commence par un S, qui signifie, école

21 dans votre langue.

22 R. [Le témoin s'exécute]

23 Q. Pourriez-vous maintenant inscrire ou plutôt dites-moi d'abord, où vous

24 voyez la mosquée si vous la voyez sur cette photographie ?

25 R. Oui.

26 Q. Pourriez-vous, je vous prie, inscrire la lettre M sur le bâtiment de la

27 mosquée ?

28 R. [Le témoin s'exécute]

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1 Q. Monsieur le Témoin BI, vous nous avez parlé, il y a quelques instants

2 du vieux Tepa. Est-ce que le vieux Tepa est visible sur cette

3 photographie ?

4 R. Oui, une partie.

5 Q. Pourriez-vous, je vous prie, montrer sur la photographie où se trouve

6 cette partie du vieux Tepa qui y est visible ?

7 R. On voit seulement quelques toits. Puis, des pins, mais ce que vous

8 voyez là, était reproduit sur l'ensemble du complexe. Les bâtiments qu'on

9 voit ici sur la gauche font partie du vieux Tepa.

10 Q. Monsieur le Témoin BI, vous nous avez parlé de l'ensemble du complexe

11 entourant la mosquée. Alors, je vous demanderais de tracer un cercle autour

12 de ce complexe entourant la mosquée dont vous avez parlé comme étant le

13 vieux Tepa.

14 Je crois comprendre d'après ce que vous nous avez dit, l'endroit où

15 vous habitiez, votre logement n'est pas visible sur cette photographie,

16 n'est-ce pas ?

17 R. En effet, en effet.

18 Q. Pourriez-vous, toutefois, inscrire une flèche sur le bord d la

19 photographie dans le sens, dans la direction de votre maison ?

20 R. [Le témoin s'exécute]

21 Q. Monsieur le Témoin, je vous demanderais de bien vouloir inscrire les

22 initiales BI en bas, à droite, sur cette photographie, ainsi que la date

23 d'aujourd'hui, à savoir, 23 mai 2006.

24 M. MUNDIS : [interprétation] Je demanderais maintenant que l'on soumette au

25 Témoin BI le plan qui constitue déjà la pièce P 8986, page 7 de cette pièce

26 P 8986.

27 Q. Monsieur le Témoin, avez-vous déjà eu ce plan sous les yeux ?

28 R. Non. La première fois que je l'ai vu, c'est à mon arrivée ici, aux

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1 Pays-Bas.

2 Q. Des collègues à moi vous on montré ce plan, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, oui.

4 Q. Depuis ce jour-là, Monsieur le Témoin, avez-vous eu la possibilité de

5 vous familiariser avec ce plan ?

6 R. Oui.

7 Q. Monsieur le Témoin BI, pouvez-vous nous dire ce que représente ce

8 dessin ?

9 R. Il représente le centre de Stolac ainsi qu'une partie d'autres

10 quartiers. Mais ce plan est vraiment assez ancien. Cependant, les quartiers

11 dont nous avons besoin n'ont pas changé entre-temps.

12 Q. Je demanderais à la régie de bien vouloir nous montrer une partie plus

13 importante de ce dessin. Merci, cela va.

14 Monsieur le Témoin BI, est-ce que vous voyez l'école primaire dont vous

15 avez parlé tout à l'heure sur ce schéma ?

16 R. Oui.

17 Q. Dans ces conditions, je vous demanderais d'inscrire la lettre "S",

18 initiale du mot "skola" qui signifie école, à l'endroit où d'après-vous se

19 trouve cette école.

20 R. [Le témoin s'exécute]

21 Q. Est-ce que vous voyez le bâtiment de la mosquée sur ce plan, et si oui,

22 pourriez-vous apposer la lettre "M" sur ce bâtiment ?

23 R. [Le témoin s'exécute]

24 Q. Monsieur le Témoin BI, pourriez-vous maintenant, comme vous l'avez fait

25 sur la photographie tout à l'heure, tracer un cercle autour de tous ces

26 complexes connus sous le nom de Vieutepa [phon] ou Vieusouk [phon].

27 R. Tout le complexe ?

28 Q. Oui, s'il vous plaît.

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1 R. [Le témoin s'exécute]

2 Q. Merci, Monsieur le Témoin.

3 M. MUNDIS : [interprétation] J'aimerais maintenant, si la chose est

4 possible, que l'on place la photographie suivante sur le rétroprojecteur,

5 mais sans enlever la précédente, si c'est possible.

6 La nouvelle photographie constitue la pièce déjà enregistrée sous la cote P

7 09582. Donc, j'aimerais que les deux documents soient côte à côte sur le

8 rétroprojecteur, si c'est possible. Peut-être un document au-dessus de

9 l'autre ? Maintenant, est-ce qu'on peut demander à avoir à l'écran une

10 partie plus grande du rétroprojecteur ? Bon. D'accord, cela ira.

11 Q. Vous pouvez déplacer la photographie, Monsieur le Témoin, d'abord, dans

12 un premier temps pour l'avoir dans son intégralité. Je vous demanderais

13 d'inscrire le numéro 1 en bas à droite de cette photographie.

14 R. [Le témoin s'exécute]

15 Q. Pourriez-vous, Monsieur le Témoin, nous dire ce que montre cette

16 photographie ? Que sont ces bâtiments que l'on voit ?

17 R. Ces bâtiments sont une partie du Tepa. Ils sont situés sur la droite du

18 Minaret, c'est-à-dire que le mur arrière de ces bâtiments est mitoyen de la

19 mosquée.

20 Q. Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire, si vous en avez la moindre

21 idée, à quel moment à peu près cette photographie a été prise ?

22 R. Non. Mais je circulais déjà dans ce quartier quand j'avais cinq, six

23 ans, et je me souviens de la plupart de ces bâtiments. Donc, je dirais

24 qu'ils ont probablement été construits dans les années 70. En tout cas, je

25 suis plus vieux que ces bâtiments.

26 Q. Oui, c'est très drôle, Monsieur le Témoin. Mais voyons, j'ai une

27 nouvelle question à vous poser. Cette photographie aurait-elle été prise

28 avant la guerre ou après la guerre, d'après-vous ?

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1 R. Avant la guerre.

2 Q. Comment pouvez-vous le déterminer ?

3 R. Vous voyez qu'il y a des travaux et que là, on voit un camion sur

4 lequel sont inscrits les mots "auto moto", vous savez". C'est une

5 remorqueuse qu'on voit là. Les boutiques sont ouvertes. Les lettres

6 inscrites sur la remorqueuse sont les lettres d'une société de transport.

7 Q. Bien.

8 R. Vous voyez que les vitres ne sont pas brisées, elles n'ont pas encore

9 éclaté sous l'effet des explosions, des détonations.

10 Q. Monsieur le Témoin, si je devais me rendre à cet endroit aujourd'hui,

11 est-ce qu'il présenterait l'apparence qu'on voit sur cette photographie ?

12 R. Je dirais que ce serait le cas à 70 %, sans doute, car 70 % a été

13 rénové par des propriétaires privés, mais l'extérieur et l'intérieur

14 seraient sans doute assez différents.

15 Q. Très bien, d'accord. J'aimerais que vous vous penchiez sur le plan et

16 je vous demanderais d'indiquer et de désigner sur le plan le secteur que

17 vous venez de reconnaître sur la photographie numéro 1.

18 R. [Le témoin s'exécute]

19 Q. Merci, Monsieur le Témoin,

20 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je remarque l'heure,

21 peut-être est-il temps d'interrompre nos débats pour ce soir ?

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, comme nous siégeons pratiquement depuis 9

23 heures, il est temps de s'arrêter. Alors, Monsieur le Témoin, vous avez

24 prêté serment, ce qui veut dire que ce soir, vous dînerez tout seul, et il

25 n'est pas question d'aller discuter avec un autre témoin ni de rencontrer

26 des représentants du Procureur, ni les avocats. Donc, vous passerez votre

27 soirée en solitaire.

28 Vous reviendrez demain pour l'audience qui commencera à 9 heures du

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1 matin, le Service d'aide aux victimes et aux témoins s'occupera de vous, et

2 normalement, vous pourrez regagner votre pays à la fin de la journée de

3 demain, puisqu'il n'est pas prévu que vous restiez un jour de plus. Voilà,

4 donc, vous avez bien compris dans quelle condition vous, en tant que

5 témoin, vous n'avez pas à rencontrer quiconque.

6 J'invite tout le monde, bien entendu, à passer une bonne soirée et à

7 revenir pour l'audience qui débutera demain à 9 heures.

8 Je vous remercie.

9 --- L'audience est levée à 17 heures 34 et reprendra le mercredi 24 mai

10 2006, à 9 heures 00.

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