Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 29 mai 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président, et bonjour à

8 tous. Affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je salue aux noms des

10 Juges toutes les personnes présentes, et je vais demander à M. Scott de

11 présenter sa collaboratrice qui se trouve à sa gauche.

12 M. SCOTT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur les

13 Juges. Aujourd'hui, Tonia Gillett, avec moi dans le prétoire.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Scott.

15 Bien. Je demande aux avocats de présenter leurs collaborateurs puisque tout

16 le monde est dans la même composition.

17 Donc, en cette journée d'audience, du lundi 29 mai 2006, nous avons un

18 témoin qui doit attendre et je vais demander à M. l'Huissier d'aller

19 chercher le témoin.

20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier

22 que la traduction fonctionne. Si vous entendez dans votre langue, dites :

23 je vous entends et je vous comprends.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends et je vous comprends.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de vous faire prêter serment, je vais vous

26 demander de me donner votre nom, prénom, et date de naissance.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Milivoj Gagro. Je suis né le 2

28 juin 1940.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuelle, ou des

2 fonctions ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis à la retraite.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Monsieur, déjà témoigné devant un

5 Tribunal international ou national sur les faits qui se sont déroulés dans

6 votre pays dans les années 1992-1993-1994, ou c'est la première fois que

7 vous témoignez ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je dépose devant un

9 Tribunal international.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Devant un Tribunal national, est-ce que vous avez

11 déjà témoigné ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas plus qu'ici.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, M. l'Huissier va vous donner le document.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

16 LE TÉMOIN : MILIVOJ GRAGO [Assermenté]

17 [Le témoin répond par l'interprète]

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, vous pouvez vous asseoir.

19 Alors, avant de donner la parole à l'Accusation qui va procéder aux

20 questions, je vous fournis quelques éléments d'information, comme vous le

21 savez, vous êtes un témoin de l'Accusation. Vous avez été donc cité dans le

22 cadre d'une affaire dont est saisie ce Tribunal, l'affaire Prlic et autres.

23 Vous aurez dans un premier temps à répondre aux questions qui vont vous

24 être posées par les représentants de Mme le Procureur, qui sont situés à

25 votre droite et que vous avez dû rencontrer dans le cadre de la préparation

26 de cette audience. Une fois que la phase des questions directes sera

27 terminée, les conseils de la Défense des accusés, qui sont situés à votre

28 gauche, vous poseront également des questions dans le cadre du contre-

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1 interrogatoire. Le cas échéant, les accusés, qui sont situés dans le fond,

2 pourront, s'ils l'estiment utile pour leur défense, vous poser également

3 des questions à titre personnel. Les quatre Juges qui sont devant vous

4 peuvent à tout moment vous poser des questions. Notre Règlement nous le

5 permet, mais d'autres tribunaux internationaux ont fait que les Juges

6 posent des questions. Je cite pour le mémoire le Tribunal de Nuremberg.

7 Vous vous apercevrez que, selon la personne qui vous pose des questions,

8 les questions peuvent être très différentes. Le Procureur vous posera des

9 questions neutres, de telle façon que c'est vous qui apportez la réponse;

10 en revanche, la Défense pourra vous poser des questions dites subjectives

11 de telle façon que vous répondez par oui ou par non. Les Juges quant à eux

12 ont d'autres styles de question; nous, nous cherchons la vérité ou des

13 éclaircissements sur des points qui ont été mentionnés tant dans

14 l'interrogatoire du Procureur que lors du contre-interrogatoire.

15 Si vous éprouvez une difficulté quelconque, n'hésitez pas à nous en

16 faire part. Vous avez prêté serment de dire toute la vérité ce qui exclut

17 tout faux témoignage, mais vous allez être parfaitement conscient et nous

18 faisons des pauses toutes les heures et demie d'audience.

19 Il y aura donc une pause de 20 minutes aux environs de 15

20 heures 30, et nous reprendrons après étant précisé qu'aujourd'hui

21 l'audience se terminera impérativement à 19 heures.

22 Je donne sans perdre de temps la parole à l'Accusation qui va débuter

23 l'interrogatoire principal.

24 Interrogatoire principal par M. Scott :

25 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Gagro.

26 R. Bonjour.

27 Q. Pouvez-vous nous citer votre date de naissance, Monsieur, s'il vous

28 plaît ?

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1 R. Le 2 juin 1940.

2 Q. Peut-être était-ce déjà dans le compte rendu d'audience ? Avez-vous

3 décliné votre identité ?

4 R. Je suis Milivoj Gagro.

5 Q. Quel est notre lieu de naissance ?

6 R. A Hodbine, près de Mostar.

7 Q. Monsieur, est-ce que vous vous déclarez Croate ?

8 R. Oui.

9 Q. Très brièvement, je voudrais parcourir votre CV, votre parcours privé

10 et professionnel. Si j'ai bien compris vous avez terminé en 1969 vos études

11 à l'université de Zagreb et vous êtes ingénieur dans le bâtiment civil.

12 R. Oui.

13 Q. Vous avez servi, vous avez fait votre service militaire au sein de la

14 JNA de 1967 à 1968 à peu près; est-ce exact ?

15 R. Oui, pendant cette période-là.

16 Q. Une fois votre service militaire accompli et à partir du moment où vous

17 avez eu votre diplôme, à peu près en 1969, vous êtes retourné à Mostar;

18 est-ce exact ?

19 R. C'est vrai.

20 Q. A partir de 1969 à peu près jusqu'en 1990, vous avez travaillé à

21 l'Institut d'urbanisme; c'est exact ?

22 R. Oui.

23 Q. Nous en arrivons à l'année 1990. A peu près à ce moment-là, Monsieur,

24 est-ce que vous avez commencé à prendre part à la vie politique dans la

25 région de Mostar, vers 1989,1990 ?

26 R. Il m'est difficile de dire de quel genre de questions politiques je me

27 suis occupé. A quoi pensez-vous plus précisément pour que je puisse vous

28 répondre ?

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1 Q. Est-ce que vous êtes devenu actif au sein d'un parti politique, le

2 parti politique qui était connu sous le nom de l'Union démocratique croate

3 de Bosnie-Herzégovine ?

4 R. Oui.

5 Q. Dans le cadre de cette activité au sein de ce parti politique, est-ce

6 que vous vous êtes présenté comme candidat pour avoir un poste de député à

7 l'assemblée municipale de Mostar dans le cadre des élections pluripartites

8 de décembre 1990 ?

9 R. Oui, je l'ai fait.

10 Q. Est-ce que vous avez été élu à l'assemblée municipale de Mostar ?

11 R. Oui. J'étais l'un des hommes ou femmes qui figuraient sur la liste du

12 HDZ.

13 Q. Est-ce que vous vous rappelez à peu près combien de sièges il y avait à

14 l'assemblée municipale de Mostar à ce moment-là, en décembre 1990 ?

15 R. L'assemblée devait élire 100 députés.

16 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre, sur ces 100 sièges, à peu

17 près combien de sièges sont revenus au parti HDZ à l'issue de ces

18 élections ?

19 R. Lors de ces premières élections pluripartites, le HDZ a remporté 30

20 sièges à l'assemblée de Mostar.

21 Q. Vous vous étiez l'un de ces députés; vous vous occupiez l'un de ces

22 sièges.

23 R. Oui. L'un de ces postes était le mien.

24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Dans le

25 compte rendu d'audience, ligne 5, il est dit : "L'assemblée était censée

26 élire 100 membres"; est-ce exact ou est-ce qu'elle devait avoir 100

27 membres ?

28 M. SCOTT : [interprétation]

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1 Q. Monsieur Gagro, est-ce que vous pouvez préciser cela Vous avez entendu

2 la question du Juge ?

3 R. C'est exact. Il était prévu dans le programme électoral d'élire 100

4 membres de l'assemblée, 100 députés.

5 Q. Monsieur, à l'époque, l'assemblée municipale est-ce qu'elle comptait à

6 peu près 100 sièges ? Y avait-il à peu près 100 députés ?

7 R. Cent sièges.

8 Q. Monsieur, en plus de votre élection au siège à l'assemblée, est-ce que

9 vous avez été aussi nommé maire de Mostar ?

10 R. Non. C'était un peu différemment que les choses ont été organisées à ce

11 moment-là. On a élu le président de l'assemblée municipale, et celui qui

12 est élu le président de l'assemblée municipale il avait en fait les

13 attributions du maire.

14 Q. S'il vous plaît, pouvez-vous utiliser vos propres mots pour expliquer

15 aux Juges de la Chambre par quel processus vous êtes devenu vous maire de

16 Mostar à peu près en 1990 ?

17 R. Après l'assemblée constituante, donc, une fois qu'il y a eu

18 vérification de tous les députés à l'assemblée municipale, lors de cette

19 première session constituante présidée par le doyen, donc, par le membre le

20 plus âgé, l'aîné, il y a un accord entre les différents partis et les

21 candidats sont présentés à tous les postes indispensables pour le travail,

22 le fonctionnement de l'assemblée. Donc, on a proposé lors de cette session,

23 un candidat au nom du HDZ pour devenir président de l'assemblée, donc,

24 c'était moi qui étais proposé. Le Parti démocrate serbe a proposé un autre

25 candidat. Enfin, le SDA a proposé le président du conseil exécutif. Ces

26 trois noms ont fait l'objet du vote, et les trois ont été élus.

27 Q. Qui a pu participer à ce vote pour, cette fois, le poste pendant cette

28 élection ?

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1 R. Les 100 députés de l'assemblée.

2 Q. Donc, tous les députés de l'assemblée, qu'ils soient du SDA, du HDZ ou

3 du SDS ou de tout autre parti, ils ont eu la possibilité de participer à

4 cette élection ?

5 R. Oui, ils avaient tous le droit de voter. Chacun avait une voix.

6 Q. Est-ce que vous pouvez dire pendant combien de temps vous avez occupé

7 le poste de maire de Mostar ?

8 R. J'ai été élu lors de cette première session, c'était à la fin de

9 l'année 1990 et j'ai occupé le poste à peu près jusqu'au 15 avril 1992.

10 Q. Monsieur, vous nous avez dit que vous étiez membre du HDZ, de ce parti-

11 là au moment où vous avez été élu. Qui était le président du HDZ de Bosnie-

12 Herzégovine au moment de votre élection ?

13 R. C'était M. Stjepan Kljujic.

14 Q. M. Perinovic était remplacé par M. Kljujic au moment où vous avez été

15 élu ?

16 R. Oui. Déjà, à ce moment-là, car ce M. Kljujic, je n'avais pas eu

17 l'occasion de le rencontrer auparavant.

18 Q. M. Perinovic a été le premier président du HDZ en Bosnie-Herzégovine,

19 est-ce exact ?

20 R. Oui, c'est cela.

21 Q. Mais pour quelle raison a-t-il été écarté de ce poste ?

22 R. Ceux qui avaient beaucoup d'influence au sein du HDZ ont appris qu'il

23 n'était pas quelqu'un qui était entièrement Croate, d'après ses origines,

24 et donc il ne pouvait pas assumer le rôle du leader, du chef du HDZ.

25 Q. Lorsque vous dites qu'il n'était pas pleinement Croate, qu'était-il ?

26 R. Il était citoyen de Bosnie-Herzégovine.

27 Q. M. Perinovic a été identifié à un autre groupe ethnique de Bosnie-

28 Herzégovine et c'est apparemment cela qui a causé le fait qu'il soit obligé

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1 de quitter son poste, vous savez quel est ce groupe ?

2 R. Je ne le sais pas.

3 Q. Est-ce que vous savez par quelle procédure Stjepan Kljujic a été

4 nommé président du parti à la place de M. Perinovic ?

5 R. Cela non plus, je ne le sais pas.

6 Q. Est-ce que vous savez à peu près pendant combien de temps M. Kljujic

7 est resté président du HDZ ? Ou je vais vous reposer la question autrement

8 si cela peut vous aider. Est-ce que vous vous souvenez à peu près à quel

9 moment M. Kljujic a cessé d'être président du parti ?

10 R. Si mes souvenirs sont bons, ce serait à la fin de l'année 1991, lors

11 d'un rassemblement du parti qui s'est tenu à Siroki Brijeg.

12 Q. Monsieur, la communauté démocratique croate existait également en

13 République de Croatie, donc, un parti qui portait un nom comparable ?

14 R. Oui, nous disions que c'était deux partis frères.

15 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quel était le lien entre ces deux

16 partis, ces deux HDZ en Croatie et en Bosnie-Herzégovine ?

17 R. Mais il y avait absolument un lien. Sans leur aide, il aurait été très

18 difficile d'organiser le HDZ de Bosnie-Herzégovine.

19 Q. Au sein du HDZ, d'après-vous, qui s'est le plus occupé du parti HDZ de

20 Bosnie-Herzégovine parmi les membres du HDZ de Croatie ?

21 R. D'après ce que j'en sais, c'était M. Susak.

22 Q. M. Susak était le ministre croate de la Défense à l'époque ?

23 R. Je pense que non.

24 Q. Très bien. Vous-même, vous avez eu des entretiens avec

25 M. Susak -- des contacts ?

26 R. Non.

27 Q. Que savez-vous des contacts -- des réunions entre le HDZ de Zagreb et

28 celui de Bosnie-Herzégovine ?

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1 R. C'était des contacts de nature consultative.

2 Q. Monsieur, vous avez été le maire de Mostar, et à partir de ce moment-

3 là, et également grâce à votre activité au sein du parti, le HDZ, est-ce

4 que vous avez appris à un moment donné qu'il y avait une différence de

5 point de vue entre le parti représenté par

6 M. Kljujic et, d'autre part, peut-être de la part de M. Boban,

7 M. Kordic, et autres ?

8 R. Oui, c'est devenu évident avant que le conflit n'éclate en Bosnie-

9 Herzégovine.

10 Q. Pouvez-vous brièvement décrire aux Juges quelle était la majeure

11 différence entre la position de M. Kljujic d'un côté et puis de M. Boban de

12 l'autre ?

13 R. En substance, ceux qui vivaient dans des communautés pluriethniques,

14 plurinationales, ils estimaient qu'il fallait continuer de nourrir, de

15 contribuer à cette cohabitation. Mais dans des communautés monoethniques,

16 c'était considéré comme quelque chose de marginal et ils estimaient qu'il

17 n'avait pas besoin d'un accord avec les autres pour concevoir leur projet,

18 leur programme.

19 Q. Vous venez d'identifier deux positions, est-ce que vous pouvez nous

20 dire qu'elle est la position que défendait M. Kljujic ?

21 R. Sans aucun doute, il prônait une Bosnie-Herzégovine indivisible.

22 Q. M. Boban -- lequel de ces deux points de vue attribuez-vous à M.

23 Boban ?

24 R. Il estimait que beaucoup de choses qui sont définies à Sarajevo ne

25 correspondent pas au besoin des communautés ou de la communauté où il vit.

26 Q. Quels étaient les objectifs de M. Boban ?

27 R. Une forme d'autonomie pour le territoire où le peuple croate était

28 majoritaire.

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1 Q. Pendant que vous étiez membre du HDZ et pendant que vous étiez maire de

2 Mostar, est-ce que vous avez pu constater qu'il y avait un différent de

3 plus en plus important entre M. Kljujic et Boban ?

4 R. Oui, absolument. Vers la fin, il n'avait plus guère de contact et quand

5 ils essayaient un terrain d'entente, c'était très difficile. Il fallait

6 toujours une instance qui leur était supérieure pour les réconcilier parce

7 que leurs positions devenaient irréconciliables.

8 Q. Puisqu'il y a eu ce clivage au sein de parti, pouvez-vous, s'il vous

9 plaît dire à la Chambre comment M. Boban pensait pouvoir accomplir ses

10 objectifs aux différentes décisions, faire en sorte que différentes

11 décisions soient réalisées ?

12 R. Ceux qui n'étaient pas prêts à coopérer avec lui, il cherchait à les

13 éliminer, à les écarter des postes qu'ils occupaient ou des fonctions

14 qu'ils occupaient.

15 Q. Monsieur, au sujet de ces points de vue ou ces positions dont nous

16 venons de parler, vous-même, vous vous positionnerez où, pendant la période

17 1990, 1991, 1992 ?

18 R. Voyez-vous, je suis de Mostar, d'une communauté pluriethnique et

19 historiquement, la cohabitation a constitué une valeur pour nous. Nous ne

20 pouvions pas accepter la division. C'est ce que je pensais à l'époque et

21 c'est que je pense encore aujourd'hui.

22 Q. Monsieur, j'aimerais maintenant appeler votre attention sur une époque

23 un peu ultérieure, 1991. Est-ce que vous avez participé à une réunion,

24 organisée à Zagreb à laquelle ont participé éventuellement, M. Tudjman et

25 d'autres, et qui avait pour but de discuter de questions politiques et

26 d'autres questions directement liées à la Bosnie-Herzégovine ?

27 R. Je n'ai participé qu'à une seule réunion organisée avec les Croates de

28 Bosnie. J'ai participé à ces débats dirigés par M. Susak. M. Tudjman est

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1 venu à la fin de la réunion pour nous saluer simplement.

2 Q. Monsieur, vous rappelez-vous la date approximative de cette réunion à

3 Zagreb ?

4 R. J'ai un peu de mal à me rappeler le jour exact, mais il est probable

5 que cette réunion s'est déroulée au cours de l'été.

6 Q. De 1991 ?

7 R. Oui, de 1991.

8 Q. Pouvez-vous dire aux Juges quels ont été les sujets abordés lors de

9 cette réunion ? Mais avant cela, pourriez-vous nous dire ce qui a fait que

10 vous avez été invité à participer à cette réunion ? Quels sont les

11 événements préalables qui ont abouti à ce que vous soyez invité ?

12 R. Il y a un instant, nous parlions du fait qu'il importait de trouver une

13 façon de régler les problèmes qui se posaient aux Croates de Bosnie-

14 Herzégovine et que nous avions des visions différentes sur cette question.

15 Q. Dites-moi un peu plus : comment se fait-il que vous ayez été invité à

16 cette réunion ?

17 R. Malheureusement, on a enlevé mon nom de la liste des dirigeants croates

18 de Bosnie-Herzégovine, qui étaient censés participer à une réunion de ces

19 derniers traitant de la Bosnie-Herzégovine et donc, ensuite, ils m'ont

20 envoyé une invitation pour que j'assiste à cette réunion ultérieure qui

21 s'est tenue une semaine plus tard à Zagreb et je faisais partie du groupe

22 de Bosniens.

23 Q. Est-ce que vous avez parlé à M. Prlic, des événements en question et de

24 l'organisation de ces deux réunions ?

25 R. Oui, je l'ai fait parce que M. Prlic, à la première de ces deux

26 réunions des Croates de Herzégovine, avait été un peu surpris de constater

27 mon absence. Il avait donc demandé pourquoi je n'y avais pas été invité et

28 c'est ainsi que j'ai été invité à la réunion suivante.

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1 Q. Au cours de votre conversation avec M. Prlic, est-ce que ce dernier

2 vous a-t-il dit quelques mots de la deuxième réunion à laquelle il a

3 participé après avoir rencontré le président Tudjman ?

4 R. Nous n'avons pas parlé de cela.

5 Q. Cette deuxième réunion, celle à laquelle vous avez finalement été

6 invité, y avez-vous participé -- non, j'ai une autre question à vous poser

7 avant celle-ci. Vous a-t-on donné une quelconque explication quant au fait

8 vous n'aviez pas invité à la première réunion ?

9 R. Quand M. Prlic a demandé pourquoi je n'étais pas présent, on lui a

10 répondu qu'il avait été impossible de me localiser -- de me contacter.

11 Q. Vous dites qu'à la question de M. Kljujic, il lui a été répondu ou on

12 lui a répondu : qui est ce "ON" ?

13 R. Les représentants du groupe de Herzégovine qui avait organisé cette

14 réunion à Zagreb. Je crois qu'il s'agissait de

15 M. Maric, qui avait pris sur lui d'organiser cette réunion et qui s'était

16 chargé d'organiser le voyage des Croates jusqu'à la Croatie.

17 Q. Vous rappelez-vous avoir fait quoi que ce soit ou avoir participé à

18 quelque chose qui vous aurait empêché d'assister à cette première réunion à

19 laquelle vous n'avez été invité.

20 R. Cela n'avait rien à voir avec moi. Simplement, je suppose, parce que je

21 n'ai aucune certitude à ce sujet qu'ils ont préféré éviter que je ne me

22 présente à Zagreb.

23 Q. Pourquoi aurait-il pu préférer que vous ne soyez pas présent ?

24 R. Il y a un instant, nous parlions du fait que j'avais des positions

25 particulières, je souhaitais que Mostar demeure une ville multiethnique,

26 qu'il faille que l'on fasse ce qu'il s'imposait de faire pour aboutir à

27 cela. Donc, tout simplement, les positions n'ont pas plusieurs.

28 Q. Mais quand vous êtes allé à cette deuxième réunion, celle qui, semble-

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1 t-il, était présidée par M. Susak à laquelle M. Tudjman a fait une

2 apparition vers la fin ? Quels ont été les sujets qui ont été débattus

3 durant cette réunion ?

4 R. Des sujets très graves, très sérieux. Une guerre sanglante faisait déjà

5 rage en Croatie, à ce moment-là, et nous étions pratiquement sûrs que les

6 habitants de Bosnie-Herzégovine allaient, bientôt, vivre la même chose.

7 C'est donc dans ces conditions-là que la réunion a eu lieu et nous nous

8 attendions à voir survenir ce qui s'était déjà passé en Croatie. Donc, nous

9 nous rendions parfaitement compte de la gravité de la situation dans

10 laquelle nous nous trouvions et nous cherchions une solution quant à la

11 meilleure façon de protéger et de défendre les habitants de la Bosnie-

12 Herzégovine.

13 Q. Avez-vous fait une proposition durant cette réunion, proposition de

14 créer ce qu'il aurait été convenu d'appeler une communauté croate en

15 Bosnie-Herzégovine ?

16 R. Non. Malheureusement, dans ma déclaration préalable écrite qui a été

17 soumise à la Chambre ici, il est écrit que cette proposition émanait de

18 moi. Alors qu'est-ce que j'ai dit, en réalité, c'était que j'avais appuyé

19 l'idée de créer une communauté croate d'Herceg-Bosna. Donc, je pense qu'il

20 s'agit là d'une erreur d'interprétation ou de traduction.

21 Q. Quelle était exactement l'idée que vous souteniez à cette époque-là ?

22 Est-ce que vous pensiez à la création d'un gouvernement, ou enfin quelle

23 était la forme particulière que vous pensiez voir revêtir à cette

24 association communautaire que vous souteniez ?

25 R. A cette époque-là, nous ne pensions pas à un gouvernement. Nous

26 pensions simplement au fait que les Croates étaient à l'époque et ils le

27 sont d'ailleurs malheureusement toujours aujourd'hui très dispersés sur le

28 territoire de la Bosnie-Herzégovine. Cette dispersion nuisait à la

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1 nécessaire communication continue entre les Croates de Bosnie-Herzégovine.

2 C'est pourquoi nous cherchions un moyen de régler un certain nombre de

3 problèmes tout à fait urgents s'agissant de la survie des Croates de

4 Bosnie-Herzégovine. Il m'est apparu que la meilleure solution était celle

5 qui a été proposée compte tenu de la situation dans laquelle nous nous

6 trouvions à ce moment-là.

7 Q. Une résolution a-t-elle été concrètement adoptée à l'issue de cette

8 réunion quant aux mesures qu'il importait de prendre afin d'accomplir cet

9 objectif ?

10 R. Non. Je n'ai cessé de le répéter ici lors de la rédaction de ma

11 déclaration préalable. Ces réunions étaient des consultations qui avaient

12 pour but de trouver, de définir la meilleure solution. Suite à la réunion,

13 on nous donnait un certain nombre de missions destinées à concourir

14 concrètement à la réalisation de l'objectif poursuivi. Toutes les personnes

15 présentes à cette réunion ainsi que toutes personnes susceptibles de les

16 aider avaient pourtant devoir à ce moment-là de remplir ces missions.

17 Q. A un moment ultérieur à cette époque-là avez-vous participé à une

18 réunion convoquée à Grude, le 12 novembre 1991 ou à peu près ce jour-là ?

19 R. Oui. Cette réunion avait également pour but de discuter de la meilleure

20 façon de concrétiser de mettre en œuvre dans les faits les résolutions qui

21 avaient été décidées auparavant.

22 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais demander que l'on montre au témoin

23 la pièce P 00071.

24 Q. Vous voyez ce document, Monsieur ?

25 R. Oui.

26 Q. Pouvez-vous nous dire quelle est la nature de ce document, et s'il a

27 rapport avec la réunion dont vous venez de parler à l'instant, la réunion

28 du 12 novembre 1991 ?

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1 R. Oui, ce document a un rapport avec le sujet dont nous discutions.

2 M. SCOTT : [interprétation] Je demanderais que l'on place sur l'écran la

3 dernière page de ce document où l'on voit les signatures.

4 Q. Je vous demanderais, Monsieur, de bien vouloir lire les noms qui

5 figurent au regard du numéro 22. Sont-ce bien vos noms et prénoms que l'on

6 voit là ?

7 R. Oui, ce sont mes noms et prénoms et ma signature.

8 Q. Maintenant, toujours sur ce même document. Si vous regardez quel est le

9 nom qui figure au regard u numéro 1. Pouvez-vous nous dire quel est le nom

10 que l'on voit à ce niveau-là ? Je vous demande de regarder attentivement

11 l'extrémité droite de cette ligne.

12 R. Oui. C'est Mate Boban.

13 Q. Je vais vous en citer quelques autres. Au regard du numéro 14, c'est

14 bien le nom de Dario Kordic que l'on trouve.

15 R. Dario Kordic.

16 Q. Puis pourriez-vous nous dire qui est la personne dont on trouve le nom

17 et la signature au regard du numéro 18 ?

18 R. Jadran Topic.

19 Q. Alors, gardez à l'esprit cette page, et maintenant, je vous demande :

20 si lorsque vous avez signé ce document puisque votre nom se trouve en

21 regard du numéro 22, est-ce que vous vous rendiez bien compte que c'était

22 synonyme d'entériner ou d'accepter, d'admettre quelque chose qui avait été

23 dit avant que ce document ne soit signé ? Est-ce que c'est bien ainsi que

24 vous avez compris quelles seraient les conséquences d'une signature apposée

25 au bas de ce document ?

26 R. Non. Je pense que les choses sont très claires. Cette réunion s'est

27 tenue très tardivement, et nous avons commencé par apposer nos signatures

28 nous tous qui étions présents, qui assistions à cette réunion avons signé.

Page 2687

1 Puis nous nous sommes mis à débattre des décisions que nous nous apprêtions

2 à prendre, le débat a duré longtemps, et il s'est achevé sur une

3 déclaration selon laquelle nous allions faire connaître nos conclusions

4 définitives ultérieurement.

5 Q. Quand avez-vous appris pour la première fois qu'un document intitulé :

6 "Conclusion," était en train de circuler et d'être rendu public ?

7 R. Le lendemain j'ai eu un appel de M. Kljujic qui m'a demandé dans quelle

8 condition j'avais accepté d'associer mon nom à une telle déclaration et de

9 signer ce document. J'étais absolument surpris d'apprendre que ma signature

10 avait apposée au bas d'une déclaration qui avait été lue publiquement et

11 présentée comme signée par nous.

12 Q. Ne perdez pas cela de vue. Maintenant, je porte votre attention sur la

13 première page de ce document. Premier paragraphe. Alors, Monsieur, regardez

14 bien ce passage et vous constaterez pour commencer qui est fait référence à

15 deux réunions à Zagreb. L'une tenue le 13 et l'autre le 20 juin 1991,

16 n'est-ce pas, vous le voyez cela ?

17 R. Oui, d'accord. C'est bien le cas.

18 Q. Est-ce que cela pourrait vous aider à dater la réunion dont vous nous

19 avez parlée il y a quelques instants ? Cette réunion à laquelle vous avez

20 participé en présence de M. Susak et plus tard de M. Tudjman à Zagreb.

21 R. Il est écrit ici "20 juin 19 --"

22 Q. Monsieur, je ne vous demande pas de relire ce qui est écrit sur ce

23 document. Je vous demande si ce que vous lisez dans ce document vous aide

24 éventuellement à vous rappeler la date de la réunion dont vous nous avez

25 parlé en présence de M. Susak et de

26 M. Tudjman à Zagreb ?

27 R. Je crois que c'est bien la date de cette réunion, qu'elle est exacte.

28 Q. J'aimerais maintenant appeler votre attention sur la fin de ce

Page 2688

1 paragraphe, le paragraphe où il est fait mention des dates. Nous retrouvons

2 les mots suivants, je cite : "Ces deux communautés régionales ont ensemble

3 et à l'unanimité décidé que la population croate de Bosnie-Herzégovine doit

4 finalement mettre en œuvre une politique déterminée et active qui devrait

5 conduire à la réalisation de notre rêve séculaire, à savoir la création

6 d'un Etat croate." Alors, Monsieur, j'aimerais revenir sur ce dont je vous

7 parlais il y a quelques instants. Est-ce que vous avez entériné ou adopté

8 cet accord, cette déclaration ? Est-ce que celle-ci reprenait vos positions

9 personnelles ?

10 R. Non.

11 Q. J'aimerais appeler votre attention sur le deuxième paragraphe du

12 document dont nous parlons et je vous demande si, à la réunion à laquelle

13 vous avez participé, vous vous rappelez éventuellement que participaient

14 également certains dirigeants du HDZ de Bosnie-Herzégovine qui avaient une

15 position différente de la votre, si je puis m'exprimer ainsi.

16 R. Absolument. Le fait qu'un grand nombre des représentants politiques qui

17 prenaient des décisions au nom de la population croate de Bosnie-

18 Herzégovine avait tout à fait, tout à fait, manifestement, des positions

19 très divergentes.

20 Q. S'agissant de la personne à laquelle il est fait référence -- des

21 personnes auxquelles il est fait référence dans la

22 paragraphe 2, je vous demande si cette référence concerne également

23 M. Kljujic ?

24 R. Oui, et en ma modeste personne, si je puis me permettre.

25 Q. Monsieur, je crois pouvoir dire que les éléments le démontreront et

26 d'ailleurs ce n'est sans doute pas contesté, mais six jours plus tard,

27 c'est-à-dire, le 18 novembre 1991, l'existence de la communauté croate

28 d'Herceg-Bosna était déclarée. Etiez-vous présent à la réunion qui a

Page 2689

1 déclaré l'existence de cette communauté ?

2 R. Non.

3 Q. A votre connaissance, M. Kljujic, était-il présent lors de cette

4 réunion qui a déclaré la création de la communauté croate d'Herceg-Bosna ?

5 R. Non.

6 Q. Est-ce que vous avez la moindre idée des raisons qui ont fait que

7 certains ont été invités à cette réunion et d'autres pas ?

8 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, sur la

9 forme de la question. Le fait que quelqu'un n'a pas participé à cette

10 réunion ne signifie pas automatiquement qu'il n'y a pas été invité et je

11 pense que cette question laisse entendre qu'un fait existe -- qui n'existe

12 pas, en fait.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Reformulez.

14 M. SCOTT : [interprétation] Bien.

15 Q. Monsieur, je vous pose cette question uniquement au cas où vous auriez

16 un renseignement qui pourrait nous aider, à nous transmettre, mais, à cette

17 époque-là, est-ce que vous aviez la moindre idée des conditions, des

18 circonstances qui faisaient que certaines personnes ont assistées à cette

19 réunion du 18 novembre et que d'autres, tel que M. Kljujic et vous-même,

20 n'y ont pas assisté ?

21 R. Je pense qu'on ne m'a pas invité parce que j'avais dit très clairement

22 que je n'étais pas d'accord avec les conclusions et décisions prises

23 jusque-là et je pense que M. Kljujic disait la même chose.

24 Q. Vous l'avez déjà évoqué il y a quelques instants, mais pourriez-vous en

25 dire un peu plus aux Juges, à présent, quant au fait de savoir si M.

26 Kljujic a été écarté ou éloigné de la présidence du parti à peu près à ce

27 moment-là ou en tout cas, après la déclaration de création de la communauté

28 croate d'Herceg-Bosna ?

Page 2690

1 R. Je crois que oui.

2 Q. Savez-vous, suite aux conversations que vous avez pu avoir avec M.

3 Kljujic, ou en tout cas, aux relations que vous entreteniez avec lui, pour

4 quelles raisons il a été écarté de la présidence du parti à ce moment-là, à

5 moins qu'il n'en soit parti de son propre chef ?

6 M. KARNAVAS : [interprétation] Nouvelle objection, Monsieur le Président.

7 Il faut qu'on fasse une distinction entre être écarté ou se retirer d'eux,

8 ce ne sont tout de même pas les mêmes choses parce que, sinon, la question

9 risque d'induire le témoin en erreur et en tout cas de créer la confusion

10 dans son esprit. Il faut que nous sachions exactement ce qui s'est passé,

11 ce qui est arrivé à

12 M. Kljujic sur la base de la déposition que va faire ce monsieur, et que

13 les choses soient claires.

14 M. SCOTT : [interprétation] Pas de problème, Monsieur le Président, je peux

15 reformuler. Monsieur Gagro, pouvez-vous nous dire comment vous avez compris

16 la situation au moment où M. Kljujic a cessé d'être, en tout cas,

17 activement, le président du HDZ de Bosnie-Herzégovine, donc, le moment où

18 il a cessé d'être, ne serait-ce que le président en exercice de ce parti.

19 Est-ce que vous savez s'il a été dénié de ses fonctions ou si c'est lui qui

20 s'est retiré, qui a démissionné de son poste, est-ce que vous pouvez aider

21 les Juges déclaration cette Chambre sur les événements qui ont entourés son

22 départ ?

23 R. Oui. Le point culminant des accords qui a commencé à opposer Grude et

24 Sarajevo s'est illustré par la convocation d'une réunion élargie du conseil

25 exécutif de l'Union démocratie croate du HDZ et, selon M. Kljujic, en tout

26 cas c'est ce qu'il a dit, ce n'est pas lui qui a provoqué cette réunion,

27 hors il était le seul à être habilité à convoquer une telle réunion. Mais

28 en dépit de cela, il s'est rendu à cette réunion où, toutefois, il ne

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1 souhaitait pas être celui qui allait ouvrir la réunion. Donc, il s'est

2 contenté d'y assister. Mais, à ce moment-là, un problème est survenu quant

3 à la détermination de la personne qui pouvait, statutairement, déclarer la

4 réunion ouverte et présenter l'ordre du jour, et la solution qui a été

5 trouvée, c'est que celui qui recevait la réunion, donc, le président de

6 l'assemblée municipale de Siroki Brijeg, où se déroulait cette rencontre,

7 était à la tribune et il a invité M. Kljujic et

8 M. Boban à prendre place à la tribune en tant que, respectivement,

9 président et vice-président du parti. Les deux hommes en question ont

10 accepté, ils ont pris place à la table et les débats ont commencés. Un peu

11 plus tard, M. Maric, qui représentait Grude a pris la parole et dans son

12 exposé il a proféré pas mal d'insinuations ou de critiques déguisées à

13 l'égard de M. Kljujic qui a trouvé cela, à un certain moment, assez

14 insupportable et qui donc pris la parole avec pas mal d'impatience et qui a

15 dit : "Non, je ne suis pas d'accord, je présente ma démission," après quoi

16 il a tout simplement quitté les lieux; donc, voilà dans quelles conditions

17 sur les faits d'une certaine colère, d'une impatience, d'un mécontentement,

18 M. Kljujic a quitté cette réunion. Je ne sais pas dans quelle mesure il

19 avait éventuellement prévu de faire un tel geste. Mais il est fort possible

20 aussi que les provocations des gens de Grude aient été prévus à l'avance

21 pour l'emmener à commettre ce teste.

22 Q. Monsieur, pour que tout soit clair au stade où nous en sommes de nos

23 débats. Je relis le compte rendu d'audience et notamment la page 21, ligne

24 11. Je cite : "Inviter M. Kljujic et

25 M. Boban à prendre place à la tribune en tant que respectivement président

26 et vice-président du parti."

27 Est-il exact, Monsieur, qu'à ce moment-là, M. Kljujic, comme vous l'avez

28 déjà indiqué, était le président du parti et que M. Boban en était le vice-

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1 président ?

2 R. Oui.

3 Q. Puis, Monsieur, il y a une question que j'ai omis de vous poser il y a

4 quelques instants. Quand je vous ai demandé qui a participé à la réunion du

5 18 novembre 1991, réunion qui a déclaré la création de la communauté

6 d'Herceg-Bosna je vous ai demandé si

7 M. Kljujic était présent à cette réunion. Vous avez répondu "non", mais, à

8 ce moment-là, j'ai omis de vous demander si, à votre connaissance, M.

9 Kljujic appuyait -- était favorable à la communauté croate de l'Herceg-

10 Bosna, déclarée le 18 novembre lors de cette réunion.

11 R. Bien. Je ne saurais vous dire s'il était favorable ou pas.

12 Q. Pouvez-vous dire aux Juges dès lors que M. Kljujic a franchi le pas et

13 qu'il a indiqué qu'il souhaitait démissionner, s'il y avait un autre homme

14 ou une autre personnalité qui était prête à prendre sa place ?

15 R. Non.

16 Q. Un moment est-il arrivé où un autre répondant au nom de Milenko Brkic a

17 été placé au poste de président en exercice du parti ?

18 R. Non. En fait, il n'a même pas assisté à cette réunion.

19 Q. Je me suis peut-être mal exprimé. Je n'ai pas dit président de la

20 réunion, je n'ai pas dit que c'était celui qui avait présidé la réunion, je

21 vous demande si après le départ de M. Kljujic, M. Milenko Brkic qui était

22 un dirigeant politique de ce parti pour la Bosnie-Herzégovine a été choisi

23 pour remplir les fonctions de président en exercice de parti à la place de

24 M. Kljujic ?

25 R. Non. Son nom n'a jamais été envisagé pour ce poste.

26 Q. Savez-vous qui a repris le poste de M. Kljujic après lui ?

27 R. Oui. Le processus a duré très, très longtemps, et finalement à l'issue

28 de ce très long processus, le nom de M. Milenko Brkic a tout de même été

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1 proposé, et ce dernier a accepté de poser sa candidature, mais il ne l'a

2 fait qu'à l'issue d'un processus qui avait duré au mois un mois ou deux.

3 Q. Savez-vous combien de temps M. Brkic est resté à ce poste environ ?

4 R. De trois à quatre mois.

5 Q. Savez-vous qui l'a succédé en tant que président du parti du HDZ ?

6 R. Je crois que c'est M. Kordic qui a occupé cette fonction.

7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Comme il y a une courte pause, je

8 souhaite vérifier. Il y a quelque chose peut-être qui m'a échappé, donc,

9 quelque chose que je n'ai pas compris. Monsieur Gagro, avez-vous assisté à

10 cette réunion, une réunion au cours de laquelle M. Kljujic est parti ?

11 Etiez-vous là ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai assisté à cette réunion. J'étais là.

13 En réalité, il était venu à Mostar pour se plaindre. J'étais son hôte et je

14 l'ai accompagné à cette réunion, mais il ne m'a pas dit au revoir lorsqu'il

15 est parti.

16 M. SCOTT : [interprétation]

17 Q. Nous allons maintenant aborder un autre sujet, Monsieur. La ville de

18 Mostar, au cours de ces différentes réunions et lorsque vous avez parti du

19 HDZ, vous savez que la communauté croate d'Herceg-Bosna a été déclarée à

20 Mostar et on a décidé que cette ville était la capitale d'Herceg-Bosna ?

21 R. Je crois que cela ne l'était le cas.

22 Q. Vous souvenez-vous d'autres réunions en présence d'autres représentants

23 de la vie politique ou du côté serbe, ou de groupes ethniques serbes, est-

24 ce que quelqu'un vous a jamais fait part de cette idée-là savez que Mostar

25 était la capitale croate ?

26 R. Oui. Ecoutez, déjà à ce moment-là on avait commencé à ériger des

27 barrages. Chacun faisait preuve de sa force et chacun faisait montre de son

28 insatisfaction, et les voix de communications étaient coupées, et à la

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1 manière de la révolution des rondins. Donc, tout ceci était difficile en

2 raison des barrages routiers il fallait trouver une solution. M. Koljevic

3 représentant des Serbes, et au nom de M. Karadzic, est venu nous voir à

4 Mostar, nous avons essayé de trouver une solution.

5 Q. Puis-je vous demander ceci quelle était la position de

6 M. Koljevic à ce moment-là ? Quelle était sa position à l'époque ?

7 R. C'est une question difficile. Je ne peux pas répondre à cette question-

8 là.

9 Q. Bon. Ecoutez, poursuivez votre réponse. Pardonnez-moi si je vous ai

10 interrompu. Qu'est-ce que M. Koljevic a dit à ce propos ?

11 R. En réalité, la situation générale était-elle qu'il fallait mettre un

12 terme à l'agonie qui était celle de la Bosnie-Herzégovine. Nous avons

13 essayé de trouver une solution qui permettrait de satisfaire toutes les

14 parties en présence en Bosnie-Herzégovine sans qu'un conflit n'éclate, et à

15 un moment donné nous avons dit : "Bien, ici, nous les Serbes nous sommes en

16 faveur et nous sommes pour que Mostar soit en Croatie."

17 Q. Vous vous souvenez environ du moment où cette réunion a eu lieu, cette

18 conversation avec M. Koljevic ?

19 R. Ceci c'est peut-être passé au mois de novembre, au mois de décembre.

20 C'était déjà l'automne, je me souviens.

21 Q. De quelle année, s'il vous plaît ?

22 R. C'était l'année 1991. Le Corps de Titograd Uzice se trouvait déjà à

23 Mostar, à ce moment-là.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Kovacic.

25 M. KOVACIC : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président, si je

26 vous interromps, mais il y a une erreur au niveau du compte rendu

27 d'audience. Je souhaite qu'un éclaircissement soit apporté ici. Ceci se

28 trouve à la page 24, ligne 19, le témoin a dit que M. Koljevic lui avait

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1 dit que les Serbes étaient d'accord pour que Mostar soit une ville croate,

2 alors que le compte rendu dit que les Serbes étaient d'accord pour dire que

3 Mostar devait être en Croatie, à l'intérieur d'un Etat croate, et non pas

4 Croate. Il y a une différence importante entre les deux.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Pourriez-vous peut-être clarifier cela ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me posez la question ? Bien, il a dit que

7 les Serbes n'avaient rien contre le fait que Mostar soit croate. Je vais

8 ajouter quelque chose. Les Croates -- le centre croate -- que Mostar

9 devienne le centre des Croates.

10 M. SCOTT : [interprétation]

11 Q. Très bien. Donc, à ce stade, nous en sommes au mois de novembre,

12 décembre 1991, la JNA -- les forces serbes entrent dans la région de Mostar

13 au mois de septembre déjà, et établissent une force présence dans la

14 région ?

15 R. Oui. Ils sont arrivés le 19 septembre 1991 sous l'appellation Corps de

16 Titograd et Uzice. En répondant à la question que nous leur avons posée :

17 "Pourquoi êtes-vous là," ils nous ont répondu en disant : "Qu'il fallait

18 empêché tout conflit ethnique à l'intérieur de Mostar."

19 Q. Vers le mois de mars 1992, quelles positions occupaient les Serbes ?

20 Quelles positions occupait la JNA dans la région de Mostar ?

21 R. 1993, vous avez dit ?

22 Q. Je parle de la fin de l'hiver ou du printemps de l'année 1992, mars,

23 avril 1992. Quelles étaient leurs positions ou quelles lignes tenait-elle

24 dans la région de Mostar ?

25 R. Je vais vous expliquer la raison pour laquelle ce corps est arrivé. Je

26 dois donc vous dire ceci. La Slovénie avait déjà connu un conflit, alors

27 qu'une guerre sanglante faisait rage en Croatie. Toutes les forces de la

28 JNA se retiraient de la Slovénie et s'étaient retirées en partie de la

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1 Croatie, mais ne s'étaient pas retirées en direction de la Serbie-et-

2 Monténégro, et avaient été, en réalité, déployées dans la région autour de

3 Mostar -- dans différents endroits autour de Mostar. Ils avaient mis un

4 plan tactique, ils avaient mis au point un plan tactique pour assurer leurs

5 positions et c'est à partir de ces positions qu'ils pilonnaient très

6 fortement la Croatie également. Ce qui était, tout à fait, tragique. Donc,

7 la réaction de la population de la région était de les considérer comme un

8 occupant et un ennemi qui tentait de tout raser sur le territoire croate.

9 Quelle est l'origine de ce conflit et nous avons vu l'escalade du conflit

10 et les conséquences tragiques et épouvantables que cette dernière a eu ?

11 Tout d'abord, ils pensaient, tout d'abord, défendre les aéroports et

12 les casernes, mais comme le conflit est devenu de plus en plus important,

13 ils ont pris position du côté de Siroki Brijeg et la région de Zitomislici,

14 et d'autres régions autour de Mostar. Donc, ils contrôlaient toute cette

15 région. Nous étions complètement assiégés et nous ne pouvions sortir -- que

16 depuis --

17 L'INTERPRÈTE : Le nom n'a pas été entendu.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci a rendu les relations entre les

19 communautés ethniques très difficiles.

20 M. SCOTT : [interprétation] Je note que l'interprète à quelques mots --

21 avait quelques difficultés à entendre M. Gagro. Peut-être que c'est au

22 niveau de son microphone. Peut-être que quelqu'un pourrait l'aider, s'il

23 vous plaît.

24 Q. A ce moment-là, les forces de la JNA étaient en Bosnie-Herzégovine et,

25 au cours de cette période-là, est-ce qu'il y a quelque chose qui s'est

26 appelée la cellule de Crise de Mostar ? Est-ce que ceci a été créé, à ce

27 moment-là ?

28 R. Oui, oui, oui. Ceci a été créé et d'après les statuts de l'assemblée

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1 municipale de Mostar dans l'éventualité d'une menace imminente de guerre,

2 lorsque les autorités ne peuvent pas fonctionner normalement, le pouvoir

3 juridique se trouve entre les mains d'un seul organe et autrement dit,

4 c'est à ce moment-là que la cellule de Crise a assumé ce rôle-là et

5 contrôlait les différents domaines d'activités.

6 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre, s'il vous plaît, Monsieur,

7 quand cette cellule de Crise a été créée à Mostar, cette cellule de Crise

8 dont vous faisiez partie ?

9 R. Je crois que ceci devait être vers la mi-mars. C'est vers la mi-mars,

10 nous avons déplacé les locaux de cette cellule de Crise. Nous étions dans

11 un bureau où nous assumions une fonction civile et nous avons dû nous

12 réfugier dans un abri antiatomique pour pouvoir être en sécurité et assumer

13 notre rôle correctement, j'entends le rôle de la cellule de Crise.

14 Q. Vous souvenez-vous, à ce moment-là, lorsque la cellule de Crise a été

15 créée, encore une fois, vous faites référence à cela, vous parlez du 19

16 septembre, je crois. C'est le moment où la JNA, en 1991, est entrée à

17 Mostar. Je vais vous reposer la question. Souvenez-vous la date à laquelle

18 cette cellule de Crise a été créée ?

19 R. Encore une fois, je me souviens de l'époque en question. C'était, peut-

20 être, un mois avant ou un mois après. En tout cas, c'était au mois de

21 février. Quoiqu'il en soit, c'était l'année 1991, au début de l'année 1992

22 que tout ceci a culminé de telle sorte qu'il était impossible de vivre, de

23 travailler normalement à Mostar.

24 Q. Qui composait cette cellule de Crise à Mostar ? Vous pouvez citer des

25 noms si vous le souhaitez. Qui étaient les différentes personnes qui en

26 faisaient partie ? Comment ceci a-t-il été créé et quels différents postes

27 ont été créés au sein de cette cellule de Crise ?

28 R. La cellule de Crise était composée d'un certain nombre de membres. Je

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1 ne sais pas comment tout ceci était organisé ? Mais c'était la fonction de

2 la représentation au niveau de l'assemblée, donc cela dépendait du nombre

3 de députés, les Croates ont obtenu quatre sièges, les Musulmans, trois, les

4 Serbes, deux et les différents postes ont été remplis de cette façon. Il

5 s'agissait de tenir compte du principe de représentation de différents

6 partis au sein de l'assemblée municipale.

7 Q. Quel était le poste que vous avez occupé sur la cellule de Crise ?

8 Etiez vous à la tête de la cellule de Crise ?

9 R. Oui. Je suis resté à la tête de la cellule de Crise.

10 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre, s'il vous plaît, pouvez-vous

11 parler davantage de cette fonction, de ce poste que vous occupiez, qu'elles

12 étaient vos activités et quels efforts ont été déployés par la cellule de

13 Crise à cette époque-là ?

14 R. La situation était tout à fait chaotique et, dans la mesure du

15 possible, nous avons essayé de faciliter la tâche de tout un chacun, autant

16 que faire se peut. Nous savions que la ville allait être détruite et donc

17 nous voulions organiser les abris, là où les gens habitaient.

18 La deuxième tâche que nous avons menée à bien était d'assurer un

19 approvisionnement des produits de première nécessité et les circonstances

20 étaient tout à fait anormales et chacun pour -- recherchait ses propres

21 intérêts dans l'illégalité, donc, nous essayions de maintenir un semblant

22 de paix, nous avons essayé de mener à bien ces -- nos différentes

23 activités, ceci a fonctionné pendant un certain temps. A ce moment-là, je

24 dois dire que nous étions tout à fait en mesure de gérer les principaux

25 problèmes qui se posaient à nous.

26 Q. A ce moment-là, pour ce qui est de l'assemblée municipale de Mostar,

27 cet organe où vous avez d'abord été élu en 1990, est-ce que cette assemblée

28 municipale a continué à se réunir, à fonctionner tout au long de cette

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1 époque-là ?

2 R. Non, je sais simplement qu'il avait été prévu que cette assemblée

3 municipale se réunisse une fois, mais comme les circonstances ne nous le

4 permettaient pas, cette réunion n'a pas été convoquée.

5 Q. Je souhaite que nous montrerions au témoin, s'il vous plaît, la pièce P

6 00135. Nous pouvons nous arrêter maintenant, c'est ce que vous préférez, à

7 votre convenance.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- A 4 heures moins 05.

9 --- L'audience est suspendue à 15 heures 37.

10 --- L'audience est reprise à 15 heures 57.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Scott, vous avez la parole.

12 M. SCOTT : [interprétation]

13 Q. Monsieur Gagro, juste avant l'interruption d'audience, j'ai demandé à

14 M. le Greffier d'audience de vous montrer une pièce, la pièce P 00135; la

15 voyez-vous, Monsieur ?

16 R. Oui je vois, je vois bien.

17 Q. Est-ce un document qui porte la date du 12 mars 1992, c'est un document

18 par lequel vous convoquez une réunion à l'assemblée municipale, une réunion

19 qui doit se tenir le 16 mars 1992 ?

20 R. Oui, sauf que, de toute évidence, on n'y trouve pas ma signature et

21 cette session, cette réunion d'ailleurs ne s'est jamais tenue.

22 Q. Nous voyons un cachet en bas, sur l'original, en langue croate, dans la

23 mesure où vous arrivez à reconnaître ce sceau; est-ce bien celui de votre

24 bureau ?

25 R. Oui.

26 Q. En plus de l'ordre du jour, il est question, dans une première entrée

27 au point 2, de la résignation des membres du conseil exécutif de la

28 municipalité de Mostar; est-ce que vous pouvez nous en parler ?

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1 R. Dans ces circonstances que j'ai évoquées à l'instant, le SDS, le parti

2 des Serbes, avait décidé de faire partir ses membres du conseil exécutif,

3 donc, il restait des postes vacants, les postes qui avaient été occupés par

4 eux, donc il fallait y nommer d'autres personnes et cela devait être

5 l'objectif de ce débat, à l'assemblée. Il fallait prendre une décision là-

6 dessus.

7 Q. Une question comparable au sujet de la deuxième entrée au point deux,

8 des missions des chefs du CSB de la région de la municipalité. De quoi

9 s'agit-il ?

10 R. D'eux-mêmes ? Il y avait des gens qui avaient la sensation qu'ils

11 n'avaient plus leur place là-bas, mais je vais ajouter un point. Leur

12 dirigeant en réalité leur avait demandé de ne plus travailler au sein des

13 organes exécutifs, les organes du pouvoir de Mostar. Si vous m'y autorisez,

14 je voudrais vous citer un détail qui me paraît intéressant. Le vice-

15 président, Savo Zimonjic, il était nommé au nom du SDS, et dans un

16 conversation, il m'a dit qu'il avait été convoqué dans leur état-major et

17 ils lui ont posé une question : "Savo, est-ce que tu nous choisis, nous, ou

18 c'est eux que tu choisis ?" C'était la politique du SDS à Mostar. C'est de

19 cette façon-là, également, que ces gens ont été retirés du pouvoir.

20 Q. Parlons maintenant de la cellule de Crise, par opposition à l'assemblée

21 municipale dont il est question dans ce document en particulier. Nous avons

22 déjà évoqué la différence entre M. Kljujic et Boban aujourd'hui. Est-ce que

23 vous pouvez dire aux Juges de la Chambre si la cellule de Crise de Mostar,

24 à ce moment-là, à savoir, mars-avril 1992, partageait plutôt vos opinions à

25 vous et M. Kljujic ou plutôt les opinions de M. Boban ?

26 R. Cela ne correspondait ni aux points de vue de Boban ni à ceux de

27 Kljujic. Nous essayons de voir ce qui était le mieux pour ce qui est de

28 notre ville et de notre communauté locale.

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1 Q. A peu près, à ce moment-là, en avril 1992, le Conseil de défense

2 croate, le HVO, est-ce qu'il a été créé ?

3 R. Est-ce que vous pouvez me préciser le moment ? Quelle est la période

4 dont vous parlez ?

5 Q. Le mois d'avril 1992.

6 R. Oui.

7 Q. D'après vos souvenirs, Monsieur, de manière générale, comment est-ce

8 que vous avez été mis au courant de la création du HVO ? Comment est-ce que

9 vous avez appris pour la première fois que le HVO a été créé ?

10 R. Nous étions en contact avec des gens qui s'occupaient de la défense de

11 la ville et au bout de quelques temps, nous avons, en fait, tout d'abord,

12 nos forces de défense ont été appelées, les forces de la défense de la

13 ville de Mostar. Dans un deuxième temps, assez rapidement après, que ces

14 forces soient rebaptisées Conseil de défense croate.

15 Q. Est-ce que vous avez appris qu'on a créé une structure qui était

16 comparable à la cellule de Crise et qui n'était pas une force militaire

17 comme celle que vous venez de décrire ?

18 R. Non.

19 M. SCOTT : [interprétation] Je voudrais que l'on montre la pièce P 00157 au

20 témoin, s'il vous plaît.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois le document précédent.

22 M. SCOTT : [interprétation]

23 Q. Monsieur, si vous avez le document à présent, je voudrais attirer votre

24 attention sur le sixième paragraphe. Ce paragraphe commence par les mots,

25 "rappelant". L'avez-vous trouvé ?

26 R. Oui.

27 Q. Il est dit dans ce paragraphe : "Rappelant qu'à l'époque, on appelait

28 ce genre d'organisation, 'cellule de Crise'. Boban a dit qu'en fait, rien

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1 de nouveau n'a été créé. On s'est contenté de rebaptiser les ex-cellules de

2 Crise pour leur donner de nouvelles appellations plus adéquates en croate."

3 C'est la première moitié du mois d'avril 1992, vous étiez à la tête de la

4 cellule de Crise, vous vous souvenez, qu'à ce moment-là, cette cellule de

5 Crise a été rebaptisée le HVO ?

6 R. Non.

7 M. SCOTT : [interprétation] Je vais attirer votre attention sur la pièce P

8 00150 -- P 00180.

9 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre de quelle nature est ce

10 document ?

11 R. La situation dans laquelle se trouvait la ville de Mostar n'était pas

12 très articulée, pas très claire. Nous avons, par conséquent, estimé qu'il

13 était nécessaire d'identifier, d'une part, l'agresseur et d'autres parts,

14 la défense. Par le biais de cette décision, nous avons, précisément,

15 souhaité définir les positions des uns et des autres. Nous le disons

16 clairement qui est l'attaquant, qui est l'agresseur et qui constitue les

17 forces de la défense de la ville de Mostar.

18 Q. Monsieur, c'est une décision qui porte la date du 29 avril 1992. Dans

19 votre version, est-ce que l'on voit votre nom, votre signature également ?

20 R. Oui, c'est ce qu'on y trouve. On le voit clairement.

21 Q. Vous avez signé ce document vers le 29 avril 1992. A ce moment-là,

22 d'après vous, quelle était la substance de ce document ? Quel pouvoir

23 accordait-il aux forces armées du HVO ?

24 R. Je pense que l'on le dit très clairement dans cette décision. Nous

25 sommes attaqués et nous recherchons une solution, un moyen de nous

26 défendre. Toutes les forces qui sont à notre disposition, spirituelles et

27 autres, nous essayons de les organiser, de les mettre aux services de la

28 défense de Mostar qui se trouvait dans une situation très difficile.

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1 Au point 1, nous avons défini donc, que l'armée populaire yougoslave et

2 d'autres formations paramilitaires qui agissent de concert sont déclarées

3 formations ennemies et d'occupations sur le territoire de la municipalité

4 de Mostar.

5 Q. Vous dites à l'article 1er -- l'article 2 plutôt, vous parlez du Conseil

6 croate de défense; quelle est la composition de cet organe, le 29 avril

7 1992 ?

8 R. Mais les seules forces que nous avions pour défendre la ville.

9 Q. Pour ce qui est de la cellule de Crise ou l'assemblée municipale qui

10 doivent continuer de jouer un rôle, quel rôle était-ce d'après vous,

11 conformément à ces décisions ?

12 R. Ce rôle est clairement défini. Il s'agit de défendre la ville, de la

13 libérer contre ceux qui l'attaquent.

14 Q. Je vais reposer ma question. Je ne vous pose pas ma question au sujet

15 du rôle joué par le HVO. C'est plutôt au sujet de la cellule de Crise et de

16 l'assemblée municipale que je vous interroge conformément à ces décisions.

17 R. Encore une fois, ils avaient deux tâches. Ils devaient d'une part

18 empêcher que l'agresseur ne s'empare de la ville de Mostar, et d'autres

19 parts, si possible arriver à se libérer de ces forces-là à Mostar, les

20 forces d'agression devaient être repoussées de Mostar. C'était cela la

21 tâche de ces unités que nous avions dans le secteur de Mostar.

22 Q. Par cette décision l'assemblée municipale et la cellule de Crise se

23 sont-elles vu enlever leur pouvoir exécutif civil ?

24 R. Vous voulez dire est-ce qu'on s'est éteint? Purement et simplement non.

25 Q. Je vais vous citer un exemple plus précis. Prenons, excusez-moi.

26 M. SCOTT : [interprétation] Prenons l'article 7. Dans la première phrase de

27 cet article il est dit : "Le HVO coordonnera ses activités avec la cellule

28 de Crise municipale."

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1 Q. Alors, la cellule de Crise de Mostar, comment et est-ce que les

2 pouvoirs coordonnaient avec la HVO ?

3 R. Il fallait qu'ils aient notre aval -- notre approbation pour leurs

4 activités. Il ne pouvait pas agir hors contrôle qui s'exerce de la part du

5 pouvoir civil. Il devait être placé sous les autorités civiles quelle qu'en

6 soit la forme et à ce moment-là c'était la cellule de Crise de l'assemblée

7 municipale de Mostar.

8 M. SCOTT : [interprétation] La deuxième phrase, est-ce que vous

9 pourriez l'examiner, s'il vous plaît, de l'article 7 ? "En résoudrait les

10 questions d'intérêts communs lors des réunions conjointes qui seront tenues

11 entre la cellule de Crise et le Conseil de défense croate."

12 Q. Est-ce que vous vous souvenez qu'il y ait eu, à un moment en avril ou

13 mai 1992, une réunion conjointe qui aurait été tenue en la présence de la

14 cellule de Crise et de l'assemblée municipale et du HVO ?

15 R. Non.

16 M. SCOTT : [interprétation] Au point 8, à l'article 8, s'il vous plaît.

17 Q. Est-ce que je peux attirer votre attention là-dessus ? Il est dit que

18 la cellule de Crise de la municipalité de Mostar s'engage à créer le plus

19 vite possible un conseil exécutif temporaire qui garantira le

20 fonctionnement des organes de l'administration de l'assemblée municipale de

21 Mostar.

22 Suite à ces décisions prises le 29 avril 1992, est-ce qu'il y a eu

23 création de ces organes de l'exécutif ?

24 R. Cela a été notre grand souhait de retrouver une normalité, une vie

25 normale dans toute la mesure du possible. Malheureusement, il y a une

26 escalade et nous n'avons jamais pu créer un des autorités locales.

27 Q. Il y a un instant, Monsieur, vous nous avez dit que les membres serbes

28 de ces organes s'étaient retirés de leurs fonctions, de leurs postes, fin

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1 avril début mai 1992. Les membres musulmans étaient-ils toujours présents ?

2 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi. Je crois qu'il est nécessaire

3 de poser des questions plus précises au témoin. Lorsqu'il parle "d'organe"

4 - mais c'est un terme très large - est-ce qu'il veut parler de direction,

5 ou est-ce qu'il veut parler de l'assemblée parce que nous avons la cellule

6 de Crise de l'assemblée municipale ? Il ne faudrait pas confondre cela avec

7 la cellule de Crise et l'assemblée municipale. Donc, est-ce qu'on peut

8 poser une question plus précise pour que le témoin soit précis dans sa

9 réponse ?

10 M. SCOTT : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Question précise, Monsieur Scott.

12 M. SCOTT : [interprétation]

13 Q. Monsieur Gagro, au moment où cette décision a été prise - et elle a été

14 prise le 29 avril 1992 - et vous l'avez signée à peu près à ce moment-là,

15 est-ce qu'il y avait à ce moment-là encore des Musulmans qui étaient des

16 membres actifs de l'assemblée municipale de Mostar ?

17 R. Vous vous référez là à la cellule de Crise; est-ce que vous pouvez me

18 préciser ?

19 Q. Ma question était la suivante : l'assemblée municipale de Mostar --

20 M. SCOTT : [interprétation] Ceci vous aiderait peut-être aussi avec l'aide

21 de M. l'Huissier. On va montrer la pièce P 00135.

22 Q. L'avez-vous, Monsieur ? Ce document l'avez-vous ?

23 R. Oui.

24 Q. Alors, lorsque vous avez convoqué cette réunion, lorsque vous avez

25 envoyé le 12 mars 1992 l'invitation à cette réunion parmi les personnes

26 invitées est-ce qu'il y avait des Musulmans ?

27 R. Je crois qu'il faut dire que cette réunion n'a jamais été tenue. Nous

28 avons convoqué toutes les personnes qui auraient pu venir sur la liste des

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1 membres de l'assemblée, des députés de l'assemblée, mais cette session n'a

2 pas été tenue.

3 Q. Monsieur, je ne voulais pas savoir si cette session de l'assemblée a eu

4 lieu. Vous avez envoyé une convocation à une réunion. Parmi les personnes

5 convoquées est-ce qu'il y avait des Musulmans qui étaient des députés à

6 l'assemblée municipale ?

7 R. La convocation était envoyée à tous les députés. Les 100 députés.

8 Personne n'a été omis, qu'il s'agisse d'un Serbe, d'un Croate ou d'un

9 Musulman de Bosnie, ni qu'il s'agisse des autres d'ailleurs qui étaient des

10 députés à l'assemblée. On a adressé 100 convocations aux adresses telles

11 que déclarées par ces députés, leurs adresses habituelles privées et

12 professionnelles.

13 Q. Plus précisément, je vais vous parler maintenant de la cellule de Crise

14 de Mostar, fin avril 1992 et le mois de mai 1992. La cellule de Crise de

15 Mostar parmi ces membres comptait-elle encore des Musulmans ?

16 R. Il y en avait. Ils sont restés au sein de la cellule de Crise jusqu'à

17 la fin. Ils ont pris part aux travaux de la cellule de Crise.

18 Q. La pièce P 00190, s'il vous plaît, est-ce que vous voyez ce document,

19 Monsieur ?

20 R. Oui.

21 Q. A peu près à ce moment-là, vers le 7 mai 1992, avez-vous appris que le

22 HVO a créé ce qu'il a appelé un conseil spécial de l'état-major municipal

23 de Mostar ?

24 R. Je vois que ceci est un document confidentiel, c'est la première fois

25 que je le vois.

26 Q. Est-ce que vous avez compris qu'un autre organe avait été constitué

27 pour remplacer la cellule de Crise de Mostar, début mai 1992 ?

28 R. Personne ne nous a fait comprendre qu'il y aurait un nouvel organe qui

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1 reprendrait la place de la cellule de Crise.

2 Q. Monsieur, cet organe allait se charger de gouverner Mostar,

3 d'administrer Mostar. Alors, est-ce que c'était possible que sa composition

4 reste confidentielle ?

5 R. Vraiment, je ne sais pas. Je pense que c'est peut-être un problème de

6 contact.

7 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que

8 le témoin a dit qu'il n'avait jamais eu l'occasion de voir ce document;

9 pourquoi est-ce qu'on rentrerait dans les détails ? Cela ne nous semble pas

10 approprié.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Scott, le témoin ne reconnaît pas ce

12 document puisqu'il dit qu'il le voyait pour la première fois.

13 M. SCOTT : [interprétation] Je n'ai pas eu l'intention de poser davantage

14 de questions sur ce document. Le témoin a dit qu'il n'avait pas été informé

15 de la création d'un autre organe qui allait prendre le rôle de la cellule

16 de Crise, donc, je lui ai demandé : comment est-ce qu'une telle décision

17 aurait pu être confidentielle ?

18 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection pour ce qui est de la forme de la

19 question. Encore une fois, on semble suggérer en supposant qu'un fait a été

20 établi, à savoir que cet organe allait remplacer la cellule de Crise, mais

21 si on revenait à la manière traditionnelle classique de poser des questions

22 pendant l'interrogatoire principal, on apprendrait à ces faits, mais ici on

23 suppose des faits comme étant des preuves. Je ne vois pas que ceci ressort

24 du document. Il faudrait poser la question à ce témoin,

25 donc : est-ce qu'il s'est passé quelque chose avec la cellule de Crise ?

26 Qu'il nous le dise s'il le sait.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je vais reprendre la question à mon

28 compte.

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1 Monsieur, l'Accusation vous a montré le document P 190 aux termes

2 duquel le HVO crée une autre entité. Alors, vous avez dit dans un premier

3 temps que vous ignorez totalement la création de cette entité. Alors, selon

4 l'objection de la Défense, quelle explication pouvez-vous nous donner sur

5 le fait que, dans votre dos, ou sans que vous soyez informé, on a créé une

6 autre structure ? Comment vous avez pu vivre cette situation, ou si vous la

7 découvrez aujourd'hui, qu'est-ce que vous pouvez nous dire pour nous

8 éclairer ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] A la lecture des détails concernant les

10 missions telles qu'elles sont présentées dans ce document, ce que je

11 pourrais dire c'est que c'était de telle nature que cela aurait pu aider la

12 cellule de Crise de la ville, et en fait c'était bienvenue. Je n'ai pas

13 vécu cela comme étant quelque chose qui me serait fait dans le dos,

14 derrière mon dos.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, si c'était pour aider, pourquoi vous n'en

16 avez pas été informé ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela, un problème auquel je ne peux pas

18 vous répondre. Pourquoi est-ce confidentiel, pourquoi est-ce que cela n'a

19 pas été communiqué à la cellule de Crise qui était l'institution qui aurait

20 dû confirmer -- vérifier cette décision.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous ne voyez pas d'explications plausibles au

22 fait que cette entité, qui allait d'après-vous dans un bon sens, n'ait pas

23 été portée à votre connaissance et à la connaissance des membres de la

24 cellule de Crise ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous fournir d'explications.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, poursuivez.

27 M. SCOTT : [interprétation] Je demanderais au témoin de regarder -- qu'on

28 lui montre la pièce P 0019 -- 0199.

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1 Q. C'est un document qui est daté du 10 mai 1992 qui émane de Mate Boban

2 et de Bobetko, nommant certaines personnes à la cellule de Crise de Mostar

3 -- pardonnez-moi, donc, il s'agit de la cellule municipale, en tout cas,

4 c'est ce qui est indiqué ici.

5 R. Bien évidemment, je n'ai pas reçu ce document non plus et c'est quelque

6 chose qui nous a échappé, bien sûr.

7 Q. Vous étiez toujours le maire qui avait été élu par les voix

8 démocratiques et comme M. le Président vient de vous l'indiquer, vous étiez

9 encore à la tête de la cellule de Crise; comment cela se fait-il que cet

10 organe ait pu être créée sans que vous le sachiez ?

11 R. Honnêtement, je ne peux pas répondre à cette question, je n'ai pas de

12 réponse à vous fournir.

13 Q. Si vous regarder la seconde ou plutôt la première page de ce document,

14 si vous regardez les noms qui figurent au bas de ce document, est-ce que

15 vous saviez que Janko Bobetko était général et à la tête de l'armée croate

16 et, de la tête de l'armée de la République de Croatie ?

17 R. Non. C'est quelque chose que nous n'avons jamais accepté, nous n'étions

18 jamais d'accord non plus, ceci est très perturbant, je n'ai pas de

19 commentaires à faire.

20 Q. Pourquoi un général de l'armée croate signe-t-il un document qui nomme

21 les personnes qui seront les membres de la cellule municipale de Mostar ?

22 R. Honnêtement, je ne le sais pas.

23 M. SCOTT : [interprétation] Est-ce que l'on peut montrer au témoin

24 maintenant la pièce P --

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, avant de montrer la pièce suivante,

26 Monsieur, imaginons que, le 10 mai 1992, vous appreniez, vous, en tant que

27 président de la cellule de Crise, qu'un général croate signe un document

28 mettant en place une structure dans la municipalité de Mostar. Vous

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1 l'auriez fait si vous l'aviez appris, le 10 mai 1992; quelle aurait été

2 votre réaction et qu'auriez-vous fait ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] La seule chose que j'aurais pu faire, cela eut

4 été de faire ceci : de demander une explication. Pourquoi et comment ceci

5 est-il arrivé ? Comment se fait-il que ce document ait été adopté et signé

6 de la main de ceux qui ont signé, des signataires qui se trouvent apposer

7 au bas du document ?

8 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je vous demande de

9 bien vouloir attirer l'attention du témoin sur le point suivant. Il s'agit

10 du Conseil de défense de la ville de Mostar. Ceci n'a rien à voir avec la

11 cellule de Crise et je crois que c'est une distinction importante qu'il

12 faut mettre en lumière au cours de ce débat. On parle ici de la cellule

13 municipale du Conseil de défense croate. Ceci est une différence

14 importante. C'est la raison pour laquelle M. le Témoin a répondu de cette

15 manière. Je crois que ceci peut vous être utile.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

17 Monsieur Scott, voulez-vous poursuivre ?

18 M. SCOTT : [interprétation]

19 Q. Simplement pour reprendre la question posée par le conseil de la

20 Défense à cette époque, fin avril, début mai 1992. Nous en avons parlé

21 cette après-midi. Il y avait l'assemblée municipale qui était une instance

22 qui remontait à l'année 1990; est-ce exact ?

23 R. Vous me posez la question ?

24 Q. Oui.

25 R. La réponse est, oui. Cette instance a existé.

26 Q. Nous avons parlé cette après-midi de quelque chose que nous avons

27 appelée la cellule de Crise de Mostar, et si j'ai fait une erreur, dites-

28 le-moi. Je crois que vous nous avez indiqué que ceci avait été créé peu de

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1 temps après l'arrivée des forces de la JNA dans la région de Mostar, vers

2 le 19 septembre 1991; est-ce exact ?

3 M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne pense pas qu'il s'agisse là de la

4 réponse à la question. Je ne pense pas que ce monsieur ait indiqué qu'en

5 1991, la cellule de Crise avait été créée. Peut-être que nous pourrions

6 obtenir de la bouche du témoin une date exacte, date de création, car

7 j'avais compris que la cellule de Crise était une émanation de l'assemblée

8 municipale, que l'assemblée a cessé de fonctionner en tant qu'assemblée,

9 une fois que la cellule de Crise avait été créée, car cette cellule de

10 Crise comportait peut-être une centaine de personnes qui géraient toutes

11 les affaires liées à la municipalité, toutes les activités de la

12 municipalité.

13 M. SCOTT : [interprétation] Ecoutez, je comprends très bien que Me Karnavas

14 ait envie de témoigner, Monsieur le Président, mais, si le témoin peut nous

15 aider, je crois qu'il a indiqué, un peu plus tôt, qu'il a précisé, qu'il a

16 donné une date. Simplement, il n'a pas répondu d'une façon très précise. Je

17 crois que le compte rendu nous indiquera qu'il a précisé que c'était après

18 l'arrivée du Corps de la JNA. Il peut être plus précis et si on peut

19 demander au témoin à quel moment la cellule de Crise a été créée ?

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur l'objection de la Défense, est-ce que la cellule

21 de Crise s'est substituée à l'assemblée municipale ? Est-ce que la cellule

22 de Crise a remplacé l'assemblée municipale ? Vous dites "oui" de la tête,

23 mais dites-le oralement.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Effectivement, elle a assuré un rôle

25 prépondérant. Je vais le répéter puisque vous insistez. La cellule de Crise

26 a assumé ce rôle-là.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour rassurer Me Karnavas, à quelle date,

28 exactement, la cellule de Crise a remplacé l'assemblée municipale dans ses

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1 attributions traditionnelles ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'espérais répondre à la question posée par Me

3 Karnavas. Disons, le 15 février.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : De quelle année ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] 1992.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Là, on est au clair.

7 M. SCOTT : [interprétation] Après avoir éclairci ce point, Monsieur, je

8 vais demander à ce que l'on montre au témoin, la pièce

9 P 00209, s'il vous plaît.

10 Q. Dès que vous aurez ces documents sous les yeux, pouvez-vous dire

11 aux Juges de la Chambre de quoi il s'agit, s'il vous plaît ?

12 R. Pourriez-vous agrandir cette page, s'il vous plaît, que je puisse voir

13 l'ensemble du document, s'il vous plaît ? Oui, j'ai déjà vu ce document et

14 ce document -- ou plutôt, il s'agit d'un ordre qui vient de M. Jadran Topic

15 où il relève de ses fonctions, la cellule de Crise de la municipalité de

16 Mostar.

17 Q. Disposiez-vous d'éléments, à l'époque, à savoir que, vers le 15 mai

18 1992, sur quel fondement juridique reposait cette dissolution de la cellule

19 de Crise de Mostar opérée par Jadran Topic ?

20 R. Non, je crois qu'il n'y avait pas de fondement juridique à cela.

21 Q. Puis-je vous demander de vous reporter au paragraphe 3 ? Là, on peut

22 lire : "En vertu de l'ordre et jusqu'à ce que le gouvernement auquel je

23 fais référence. Au paragraphe 2 de cet ordre est créé le Conseil spécial de

24 la municipalité du secteur municipal de la défense croate. Il gèrera

25 l'ensemble des activités et le fonctionnement des activités -- le Conseil

26 spécial du secteur municipal de Mostar du Conseil de défense croate gèrera

27 toutes les activités relatives à la ville et ceux qui s'y prêtent aux

28 citoyens." Donc, en vous rappelant, en gardant cette phrase à l'esprit, je

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1 vous demande de demander au Greffe de vous remontrer la pièce P 00190.

2 Monsieur, vous avez déjà vu cette pièce, un peu plus tôt, lorsque vous avez

3 reçu cet ordre le 15 mai, vous relevant, vous, et ainsi que le reste de la

4 cellule de Crise de Mostar, est-ce que vous avez compris, à ce moment-là,

5 que ce Conseil spécial vous remplaçait tout bonnement et simplement ?

6 R. Non. Je n'ai pas eu connaissance de ce document car ce n'était pas un

7 document confidentiel, à savoir, la décision qui avait été prise afin ce

8 créer ce Conseil spécial et je ne savais pas que ce dernier allait

9 reprendre les attributions de la cellule de Crise. J'aurais préféré qu'il

10 me le dise à haute et intelligible voix.

11 Q. Pourriez-vous vous dire avec vos propres mots aux Juges de la Chambre

12 pourquoi vous pensez qu'on vous a écarté et relevé de vos fonctions, vous

13 qui étiez maire de Mostar ?

14 R. Sans doute qu'il y avait des gens qui étaient bien plus capable que

15 moi, et qu'ils pouvaient tout à fait gérer les affaires de la ville mieux

16 que moi et pouvaient tout à fait remplir ce poste.

17 Q. Est-ce que quelqu'un vous est venu vous parler, Monsieur ? Est-ce que

18 quelqu'un est venu vous rencontrer pour vous dire que l'on allait vous

19 relever de vos fonctions ?

20 R. Non, malheureusement pas. Je crois qu'il aurait été plus sage qu'ils

21 viennent m'en parler et qu'ils me remercient pour ce que j'avais fait.

22 Mais, à partir d'aujourd'hui, nous allons nommer quelqu'un d'autre vous

23 remplacer. Ils n'ont pas agi ainsi. Ils n'ont pas fait preuve d'humanité.

24 J'aurais pu l'accepter si cela avait été un geste élégant, et à ce moment-

25 là, s'eut été une solution sur laquelle nous aurions tous pu tomber

26 d'accord.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Le 15 mai, il y a cette décision que vous avez sous

28 les yeux. Je suppose qu'à la mairie de Mostar, vous aviez un bureau, vous

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1 aviez une secrétaire, un téléphone. Le 16 mai, vous avez été à votre bureau

2 le 17 mai, le 18 mai, ou on vous a interdit de bureau et on va a replacé.

3 Vous pouvez nous dire ce qui s'est passé après le 15 mai; est-ce que vous

4 êtes resté chez vous ? Qu'est-ce que vous avez fait ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas seulement cela, nous étions là tous

6 ensemble et les bureaux, les locaux étaient très agréables. C'était

7 l'ancien rectorat de l'université de Mostar, et nous avons utilisé ce

8 bâtiment à cette époque-là et c'est là que nous avions installé la cellule

9 de Crise dont jusqu'à la date à laquelle cette décision avait été prise

10 nous travaillions de façon régulière et normale dans ces locaux. Sans être

11 averti - et je suis arrivé à la porte et la porte avait été fermée à clé -

12 on m'a indiqué que nous ne pouvions plus entrer dans le bâtiment. C'est

13 ainsi que c'est terminé la cellule de Crise et le rôle qu'elle jouait de

14 façon très abrupte après que je suis resté chez moi.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : A l'époque, il y avait la République de Bosnie-

16 Herzégovine, n'est-ce pas ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez pas prévenu à Sarajevo, les autorités,

19 de ce qui se passait à Mostar.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, pour ce qui est de la

21 communication avec Sarajevo, si je voulais entrer en contact avec eux, je

22 devais passer par l'intermédiaire d'un radioamateur pour leur dire que tout

23 allait bien et que j'étais encore en vie. Tous les autres systèmes de

24 communication avaient été coupés. Rien ne marchait.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : A Mostar, le 15 mai 1992, est-ce qu'il y avait des

26 représentants d'organisations internationales ? Est-ce qu'il y avait la

27 presse internationale ? Est-ce que vous aviez la possibilité d'alerter la

28 communauté internationale de ce qui se passait ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, à ce moment-là, non, il n'y

2 avait pas moyen d'établir des communications. Personne ne venait nous voir.

3 Avant cela, il y avait eu des affrontements violents et la ville était en

4 flammes, je ne sais pas si vous pouvez vous imaginer quelle était la

5 situation à l'époque. Mais peu importe. Je vais essayer de répartir en

6 arrière et de vous parler de cette époque-là. Non, je ne vais pas reparler

7 de cette époque-là. Il m'est pénible d'en parler. Mais d'une manière ou

8 d'une autre, toutes les tentatives avaient échoué. On avait estimé qu'elles

9 n'étaient pas raisonnables, car chacun avait sa propre idée dans la tête et

10 chacun avait sa propre solution, et chacun tentait d'imposer sa solution en

11 estimant que c'était la meilleure. On mettait -- c'était la politique de la

12 carotte et du bâton et chacun faisait ce qu'il voulait, et la situation

13 était chaotique. C'était un cauchemar. On ne pouvait rien faire pour

14 essayer de trouver une solution.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

16 Monsieur Scott, poursuivez.

17 M. SCOTT : [interprétation]

18 Q. Pour reprendre la question de M. le Président, est-ce que vous avez eu

19 l'occasion à quelque moment après que l'on vous ait écarté de communiquer

20 ces éléments d'information à M. Kljujic ou tout autre représentant haut

21 placé du Parti de la communauté croate d'Herceg-Bosna ?

22 R. Tout était clair après cette décision. Chacun savait ce qu'il était

23 arrivé à Mostar et comment la situation avait changé de tout au tout

24 pendant la nuit. Je dois ajouter que, du côté bosnien, il n'avait rien

25 contre et il n'avait rien contre et avait envisagé que les choses

26 continuent à fonctionner comme avant. Plus tard, une année plus tard, il y

27 a eu un gouvernement provisoire qui -- ils avaient mis en place un

28 gouvernement provisoire qui fonctionnait d'une manière ou d'une autre.

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1 M. SCOTT : [interprétation] Je souhaite demander au témoin -- que l'on

2 présente au témoin la pièce P 00219, s'il vous plaît.

3 Q. Dès que vous l'avez sous les yeux, s'il vous plaît, Monsieur, pourriez-

4 vous -- je vais vous poser cette question : avez-vous vu ce document à

5 l'époque qui parle de la création de différents départements du

6 gouvernement municipal du HVO ?

7 R. Je dois dire que, lorsqu'ils m'ont fermé la porte au nez, je n'ai pas

8 entrepris autre chose. Je n'ai pas essayé de trouver une solution à ce

9 problème. Ce problème qui était un problème qui revenait sans cesse.

10 J'aurais même été soulagé de cette lourde charge.

11 M. SCOTT : [interprétation] Je souhaite maintenant que

12 Mme l'Huissière vous montre la pièce P 00221, s'il vous plaît.

13 Q. Je vais vous demander, Monsieur, encore une fois, à cette époque avez-

14 vous eu l'occasion de constater que certaines personnes avaient été nommées

15 à des postes au sein du gouvernement municipal du HVO ?

16 R. Non, je n'ai pas vu ce document.

17 Q. Néanmoins je vais vous demander de vous reporter à ce dernier. Est-il

18 exact au vu de ce document que la personne dont le nom figure au point 3,

19 Mumin Isic, que cette personne est musulmane ?

20 R. Oui. Oui, c'est un Bosnien aujourd'hui.

21 Q. Le numéro ici dont on voit le -- en regard du numéro 5, Senad Kazazic,

22 cette personne est-elle Musulmane ou est-ce un Bosnien si on utilise la

23 terminologie appliquée aujourd'hui ?

24 R. Oui.

25 Q. Sejo Maslo, le numéro 6, c'est un Musulman de Bosnie ?

26 R. Oui.

27 Q. Question 8, Hamdija Jahic, également un Musulman ou un Bosnien ?

28 R. Oui.

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1 Q. M. Jaganjac dont le nom figure au nom 12, Musulman; c'est exact ?

2 R. Bien, il n'est pas de Mostar, mais je l'ai rencontré, donc, je peux

3 dire qu'il est également Bosnien, c'est un Musulman, oui.

4 Q. Donc, ces cinq Musulmans, dont le nom figure sur ce document P 00221,

5 parmi ces noms, y avait-il des personnes qui étaient membres de la cellule

6 de Crise de Mostar à l'époque où celle-ci a été démantelée ?

7 R. Non. En rapport avec -- pardonnez-moi, j'ai commis une erreur. Je dois

8 corriger quelque chose. Je ne sais pas si Viktor Stojkic était, je ne suis

9 pas tout à fait sûr. Il se peut que Victor Stojkic fasse partie de la

10 cellule de Crise, pas en tant que membre à proprement parler, mais au nom

11 de la police, qu'il jouait un rôle dans la cellule de Crise.

12 Q. M. Stojkic est Croate ou Musulman ?

13 R. Oui, pardonnez-moi, vous parliez de Musulmans, encore une fois je me

14 suis trompé, veuillez m'en excuser.

15 Q. Donc, si nous nous rapportons à la décision qui est datée du 29 avril

16 1992 et de la décision prise par M. Topic le 15 mai 1992, au fait de

17 démonter la cellule de Crise de Mostar, pourriez-vous nous dire quel rôle,

18 si tant est que ce dernier a joué un rôle, a joué la police militaire du

19 HVO, s'il vous plaît ?

20 R. Ecoutez, c'était des notions, des idées, donc, nous n'avions pas

21 entendu parler à ce moment-là lorsque nous communiquions entre nous. La

22 police militaire c'était quelque chose dont on ne parlait pas à cette

23 époque-là. Tout ce que je puis dire c'est que, d'après les principes

24 appliqués en situation de crise, les forces régulières de la police et ses

25 différentes structures feraient appel à ces réservistes et à ce moment-là,

26 ces deux structures se rejoignaient et ils travaillaient ensemble.

27 Q. Avant son démantèlement, est-ce que la cellule de Crise de Mostar avait

28 quelque chose qui s'appelait une police militaire ?

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1 R. Non.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'aviez pas autorité sur la police militaire,

3 mais aviez-vous autorité sur la police civile ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le monsieur dont j'ai évoqué le nom tout

5 à l'heure était de la police militaire.

6 M. SCOTT : [interprétation]

7 Q. Il peut s'agir d'une erreur, s'agit-il de la, à la tête de la police

8 militaire ou de la police civile ? Monsieur Gagro, le compte rendu précise

9 qu'il y a un instant vous avez parlé de cet homme qui était à la tête de la

10 police militaire.

11 R. Non. Il était à la tête de la police de Mostar, un PVP, et en ces

12 qualités-là, il est devenu membre de la cellule de Crise, il devait

13 s'occuper des affaires internes.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous me permettez, je reviens au

15 15 mai. Vous découvrez qu'on a fermé votre bureau, on vous reprend la clé.

16 Pourquoi vous n'avez pas été voir la police civile pour leur demander leur

17 appui dans ce qui était en train de se passer. Alors, vous souriez parce

18 que c'est impossible ou parce que les dirigeants de la police civile se

19 retrouvaient de l'autre côté ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais parce que ce représentant-là de la

21 police se trouvait dans les mêmes bureaux que moi, donc je n'avais pas

22 besoin de l'appeler, il était déjà là et il avait parfaitement compris la

23 situation, mais, bien évidemment, il n'avait pas suffisamment d'autorité

24 pour changer les choses et ne pouvait pas faire bouger les choses, puisque

25 cette décision avait été prise.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.

27 M. SCOTT : [interprétation]

28 Q. Pour que les choses soient bien claires au compte rendu d'audience.

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1 Eux-mêmes, dont vous venez de parler, qui étaient à la tête de la police

2 civile, c'était bien Victor Stojkic; est-ce exact ?

3 R. Oui, c'est exact. Victor Stojkic.

4 Q. Bien, à moins que des Juges aient des questions sur ce point au témoin,

5 je vais passer à un autre sujet.

6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, je souhaite savoir avec plus de

7 précisions comment vous avez réagi à cette situation. Bien évidemment, il

8 s'est écoulé beaucoup de temps depuis, et vous le dites et vous nous parlez

9 comme s'il s'agissait d'une opérette. Mais je suppose que cela n'était pas

10 le cas. Est-ce que c'est quelque chose que vous attendiez, est-ce que vous

11 pensiez trouver un jour votre bureau fermé de la sorte ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était tout à fait plausible, possible.

13 M. KARNAVAS : [interprétation] Si je puis vous aider, est-ce que nous

14 pourrions repartir en arrière, s'il vous plaît ? Je souhaite qu'il -- le

15 début du texte, peut-être qu'on pourrait le remontrer par rapport à la

16 question que vous avez posée et, à ce moment-là, vous pourriez peut-être

17 poser davantage de questions, en fait il serait important de lui montrer le

18 préambule de ce document, à ce moment-là on peut parler de la période en

19 question.

20 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, il s'agit de la fin du mois de

21 mai et la décision qui figure dans ce document est précédé d'un préambule

22 et ce préambule fait référence, je précise, à la décision statutaire sur la

23 création d'organes exécutifs provisoires et un service administratif sur le

24 territoire de la communauté croate d'Herceg-Bosna. Le président de la

25 municipalité du HVO propose par la décision suivante ce qui suit. Je ne

26 sais pas si le terme de "propose" a été correctement traduit, mais saviez-

27 vous qu'il existait un pouvoir exécutif parallèle, que ceci avait été

28 déclaré ou que c'était le cas, quelque soit le terme que vous lui

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1 appliquez.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je n'avais pas connaissance d'un tel

3 document et ceci ne m'a pas été communiqué et je n'ai jamais, de près ou de

4 loin, entendu parler de quelque chose comme cela.

5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous étiez à moment-là au mois de

6 mai, en somme vous étiez, vous naviguiez dans un vide au niveau des

7 renseignements dont vous disposiez, vous ne saviez absolument pas ce qu'il

8 se passait.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'avais aucune idée. Comme je vous

10 l'ai dit il y a quelques instants, la situation était sens dessus dessous

11 et c'est difficile à imaginer pour les personnes qui n'ont pas vécues ce

12 genre de chose.

13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai toujours du mal à me

14 représenter tout ceci, donc, jusqu'au 15 mai, vous vous êtes rendu à votre

15 bureau et, je cite, et vous avez "gouverné la ville," alors qu'en réalité,

16 vous ne disposiez plus d'aucun pouvoir; est-ce que c'est quelque chose dont

17 vous ne vous rendiez pas compte ? N'avez-vous pas -- ou est-ce que vous

18 n'avez pas -- votre manière de gouverner la ville n'était peut-être pas si

19 sérieuse; pourriez-vous nous préciser cela, s'il vous plaît ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que vous avez bien compris les

21 choses. Nous savions que les forces de la Défense qui défendaient la ville

22 aient tenté d'organiser la ville et aient tenté d'organiser la vie au

23 quotidien au sein de la ville, ne coopéraient pas avec la cellule de Crise

24 et c'est bien ce que ces décisions expliquent.

25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, vous voyez un homme qui s'est élu tout

27 seul au poste de président.

28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne sais pas de quoi vous voulez

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1 parler maintenant ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Regardez d'un peu plus près, c'est M. Jadran

3 Topic qui signe cette décision, ce décret. Or, au regard du numéro 1, dans

4 ce texte, vous voyez : "Président, M. Jadran Topic." Donc, il se nomme lui-

5 même à ce poste.

6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

7 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, un éclaircissement.

8 Ce dont je parlais, en fait, c'était une décision qui date du 15 mai et qui

9 comporte un préambule assez long. C'est de ce préambule dont je parlais. Je

10 crois qu'il s'agit du document 209 qui avait un exemplaire lisible. C'est

11 dans ce document-là que l'on trouve une description exacte de la situation

12 qui pourrait être utilisée par le témoin. Peut-être serait-il bon de

13 soumettre ce document au témoin, à moins que nous le reprenions, nous-

14 mêmes, au moment du contre-interrogatoire. Cela n'a pas d'importance, il

15 date du 15 mai.

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai déjà interrogé le témoin assez

17 longuement. Je pense qu'il serait préférable que vous l'abordiez au moment

18 du contre-interrogatoire.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott ?

20 M. SCOTT : [interprétation]

21 Q. Monsieur, pour le compte rendu d'audience, pour que tout soit clair,

22 s'agissant de la question qui vous a été posée, il y a quelques instants,

23 par M. le Juge Trechsel, vous avez dit que

24 M. Topic avait proposé son propre nom au poste de président. Vous parliez

25 bien, dans le cadre de votre réponse, vous associez bien votre réponse à la

26 pièce à conviction P 00221, n'est-ce pas ?

27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

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1 M. SCOTT : [interprétation]

2 Q. Très bien. J'aimerais maintenant vous interroger au sujet de M. Topic.

3 Comment est-ce que M. Topic est arrivé à ce poste de président du HVO de

4 Mostar ? Vous-même, avez été élu démocratiquement en 1990, aux fonctions

5 que vous occupiez. Mais, M. Topic, comment a-t-il obtenu son poste, si vous

6 le savez ?

7 R. Je le sais puisqu'il était mon interlocuteur. Tout ce qui était

8 impossible de régler avec le ministère, je m'efforçais de le régler avec M.

9 Topic. C'était la pratique en vigueur que nous avions tendance à appliquer

10 pour régler les problèmes qui se posaient. Si quelque chose n'avait pas été

11 réglée avec l'un, on s'adressait à l'autre pour essayer de le régler.

12 Q. J'espère que la question que je vais maintenant vous poser sera la

13 dernière sur ce sujet, après quoi, nous pouvons passer à autres choses pour

14 gagner du temps. Mais pour l'instant que l'on soumette au témoin, la pièce

15 P 00119.

16 Monsieur, je ne vous soumets ces documents qu'à titre de référence.

17 Mais, à peu près à ce moment-là, est-ce que vous avez appris que Jadran

18 Topic avait été nommé président du HVO de Mostar par Mate Boban et Janko

19 Bobetko ? Est-ce que vous l'avez appris au moment où vous étiez encore

20 maire de Mostar ?

21 R. Non.

22 Q. Passons à autres choses. Pouvez-vous dire aux Juges, Monsieur, si c'est

23 à peu près en juin 1992 que la JNA et les forces serbes ont quitté Mostar,

24 en tout cas, la ville de Mostar et les villages directement frontalières

25 avec le territoire de Mostar ?

26 R. Je n'emploierais pas le terme "quitté," j'emploierais le terme "fui".

27 Ils se sont enfuis en abandonnant des endroits où ils pouvaient contrôler

28 l'ensemble de la ville, c'est-à-dire, avant tout, des reliefs élevés où ils

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1 avaient une vue plongeant sur une grande partie de la ville ainsi que le

2 secteur, le quartier de Nevesinje qui était majoritairement peuplé de

3 Serbes.

4 Q. Monsieur, pourriez-vous dire aux Juges si au moment où les Serbes et

5 les forces de la JNA ont quitté la ville de Mostar, ceci a été le résultat

6 du fait que le HVO avait pris les armes contre eux et que les Musulmans

7 s'étaient associés au HVO, ou si cela a été le résulté de leur volonté, de

8 partir, de fuir la ville comme vous l'avez dit, il y a quelques instants ?

9 R. Je crois qu'ils se sont rendus compte du danger. Ils ont compris qu'il

10 ne leur sera pas possible de se maintenir sur les positions qu'ils

11 occupaient et, donc, bon gré malgré, ils ont décidé de se retirer de ces

12 positions.

13 Q. Avez-vous été informé ou saviez-vous éventuellement, à l'époque, que

14 les Serbes ont quitté la ville de Mostar sur la base d'un accord entre les

15 Croates et les Serbes, éventuellement, ou à défaut qu'ils auraient quitté

16 parce qu'ils y avaient été contraints par une opération militaire ?

17 R. Non, je n'ai eu aucun renseignement à ce sujet.

18 Q. Aviez-vous entendu dans cette période, je rappelle qu'il s'agit de la

19 période, avril et mai 1992, puisque vous étiez maître de Mostar, aviez-vous

20 entendu, éventuellement, parler d'un accord de Graz ?

21 R. Non.

22 Q. Saviez-vous que les Croates et les Serbes avaient eu un certain nombre

23 de pourparlers, de négociations les uns avec les autres juste avant cette

24 période ?

25 R. Non.

26 Q. Lorsque les forces de la JNA ont quitté la ville de Mostar, qu'est-il

27 advenu des civils serbes qui habitants dans la ville de Mostar ?

28 R. La plupart d'entre eux ont quitté Mostar. Seule est restée dans la

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1 ville de Mostar, une partie de l'intelligentsia serbe.

2 Q. Pourriez-vous donner aux Juges une estimation, s'il vous plaît, du

3 nombre de Serbes habitant la ville de Mostar qui s'y trouvaient encore au

4 début du mois de juin 1992, ou à défaut du nombre d'habitants serbes qui

5 ont quitté la ville, à ce moment-là ?

6 R. Si vous me le permettez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

7 j'aimerais me saisir de cette occasion pour vous dire pour quelles raisons

8 la ville de Mostar était une ville mixte. Selon le recensement de 1992, la

9 ville de Mostar comptait 34 % d'habitants musulmans, 33 % d'habitants

10 croates, 18 % d'habitants serbes et le reste se composait d'autres

11 appartenances ethniques au nombre de

12 15 %. A l'époque du conflit et du retrait de la JNA, je suppose qu'il n'est

13 plus resté dans la ville de Mostar qu'à peine 2 ou 3 % de Serbes.

14 Q. Pourriez-vous dire aux Juges, je vous prie, ce qu'il est advenu de

15 l'église de la cathédrale orthodoxe serbe de Mostar après le départ de la

16 JNA et des forces serbes ?

17 R. Malheureusement, j'ai été témoin de cet événement qui, à mon avis, est

18 contraire à toute civilisation, événement qui a donné lieu à la

19 destruction, puis à l'incendie, puis à la démolition complète de ce qui

20 restait de cette église, démolition complète qui s'est achevée en deux ou

21 trois jours. Pour moi, c'est un événement qui n'était pas un événement

22 civilisé. Ce n'est pas un acte qui pourrait faire la fierté de nos

23 autorités municipales à Mostar.

24 Q. Savez-vous sous le commandant de qui se trouvaient les forces qui ont

25 détruit l'église orthodoxe ?

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection sur la forme. Il est suggéré

27 qu'une force particulière a détruit cette église. Il faut demander au

28 témoin qui a détruit plutôt que de guider le témoin dans sa réponse avec

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1 des insinuations ?

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. La bonne question c'est : à votre avis ou selon

3 vos sources, qui a détruit cette église orthodoxe ?

4 M. SCOTT : [interprétation]

5 Q. D'après vous, Monsieur Gagro, qui a détruit l'église orthodoxe de

6 Mostar après le départ de la JNA de cette ville en juin 1992 ?

7 R. Je ne saurais vous le dire avec précision, avec exactitude.

8 Q. Que voulez-vous dire par "avec exactitude " ?

9 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. On demande

10 des spéculations au témoin. Il nous faut lui demander s'il sait ou s'il ne

11 sait pas.

12 M. SCOTT : [interprétation] Peut-être que le témoin aurait-il une bonne

13 réponse mais à moins que je dialogue avec le témoin je ne saurais

14 interpréter le mot -- l'expression "avec exactitude" qu'il a employé.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais reprendre la question à mon compte.

16 Dans votre ville, il y a une église orthodoxe qui a été semble-t-il

17 d'après vos propres propos rasée en quelques jours. Alors, qui sont les

18 personnes qui ont détruit cette église orthodoxe ? Ce sont des gens qui

19 habitent Mostar, de l'extérieur, qui d'après vous ? Vous ne le savez pas.

20 Mais quand on est maire de la ville cela peut paraître surprenant qu'on ne

21 soit pas au courant de ce qui se passe dans sa ville.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, voyez-vous, il est évident qu'il est

23 clair de déterminer la nature exacte du problème à Mostar jusqu'à ce

24 moment-là, donc, jusqu'au départ de la JNA qui a quitté disons l'enceinte

25 de la ville. L'intérieur de la ville Mostar comptait à ce moment-là près de

26 30 % d'habitants supplémentaires par rapport aux membres de ses habitants

27 dans des conditions normales parce que de nombreuses personnes avaient

28 afflué vers la ville de Mostar après avoir été chassées de chez elles par

Page 2728

1 la guerre. Quand on a un tel afflux de population supplémentaire dans une

2 ville, il devient extrêmement difficile de gérer le comportement de la

3 population.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Cela ne répond pas au point de savoir qui a

5 détruit cette église orthodoxe. Vous semblez suggérer que ce sont les

6 réfugiés; c'est ce que vous voulez dire ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas exactement ce que je voudrais

8 dire, mais la situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés était très

9 difficile à contrôler. Il est tout à fait certain que personne n'aurait pu

10 faire cela s'il n'avait pas entre les mains des explosifs pourquoi l'église

11 a été détruite à l'aide d'explosifs et par le feu. Cela est la vérité.

12 Maintenant, qui l'a fait et dans quelle condition à quel endroit, quel est

13 l'explosif qui a été utilisé, cela vraiment je suis incapable de vous le

14 confirmer dans ma déposition.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

16 Poursuivez, Monsieur Scott.

17 M. SCOTT : [interprétation]

18 Q. J'aimerais vous poser encore une question. Vous dites que vous ne savez

19 pas ou que vous ne savez pas exactement; est-ce que cela signifie que vous

20 ne connaissez pas l'individu qui a fait cela

21 --

22 M. KARNAVAS : [interprétation] Même objection, Monsieur le Président.

23 Maintenant, on va donner au témoin une série de choix. Le témoin ne sait

24 pas, donc il ne le sait pas.

25 M. SCOTT : [interprétation] Non, ce n'est pas exact, Monsieur le Président.

26 Le témoin n'a jamais dit qu'il ne savait pas. Il a dit qu'il ne savait pas

27 exactement. Je voudrais lui demander si c'est le nom de l'auteur de cet

28 acte qu'il ne connaît pas, ou s'il ne connaît pas le groupe qui a agi, ou

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1 s'il ne sait pas, comme vous l'avez dit, s'il s'agit de réfugiés. Je

2 demande simplement obtenir des renseignements supplémentaires de la bouche

3 du témoin. Nous ne savons pas ce que veut dire le mot "exactement" dans sa

4 bouche. Je dois lui demander si c'est simplement le nom des auteurs qu'il

5 ne connaît pas, ce serait une chose.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, allez-y, Monsieur Scott.

7 M. SCOTT : [interprétation]

8 Q. Monsieur, si vous nous pouvez nous aider, je vous prie, vous avez

9 entendu le dialogue qui vient d'avoir lieu, les objections du conseil de la

10 Défense, les interventions du Président de la Chambre. Est-ce que vous

11 pourriez nous aider un peu plus ? Lorsque vous dites que vous ne savez pas

12 exactement qui a détruit l'église orthodoxe serbe, pourriez-vous nous en

13 dire un peu plus au sujet qui a participé à la destruction de cette

14 église ?

15 R. Oui. J'ai été témoin de cet acte, mais à distance. Je n'ai pas été

16 témoin oculaire, mais ce qui est un fait, ce qui est vrai c'est que cela

17 est arrivé au moment où il n'y avait plus de représentant des forces serbes

18 et c'est un acte que je n'ai pas approuvé. Je pense même que c'est un acte

19 que les autorités de Mostar n'auraient pas dû approuver.

20 Q. Monsieur, quand vous dites "je", vous parlez de vous en tant que maire

21 de Mostar, en disant que vous n'avez pas approuvé cet acte, ou à défaut,

22 comment savez-vous quelle était la position de

23 M. Topic et des autres à ce moment-là ?

24 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection à cette question également,

25 Monsieur le Président. Maintenant, on laisse entendre que M. Topic était

26 derrière la destruction de l'église. C'est vraiment une façon subjective de

27 poser la question.

28 M. SCOTT : [interprétation] Non, ce n'est pas exact, Monsieur le Président.

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1 Le témoin a dit que les autorités de la ville de Mostar n'auraient jamais

2 dû admettre cet acte ou reconnaître qu'il avait eu lieu. Nous n'allons pas

3 passer l'après-midi sur ce sujet. Nous avons tout de même déjà longuement

4 débattu du fait qu'en juin 1992, c'est le HVO de Mostar qui contrôlait les

5 autorités municipales de la ville. Ce témoin nous l'a dit cet après-midi.

6 M. KARNAVAS : [interprétation] "La ville de Mostar" ne signifie pas les

7 autorités municipales de la ville.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. A ce stade, en ce qui me concerne, et je pense

9 que mes collègues partagent mon point de vue, on sait que l'église

10 orthodoxe a été détruite, mais le témoin ne met en cause de personne

11 puisqu'il dit : "Encore faudrait-il savoir qui a porté les explosifs, et

12 cetera." Donc, cela peut être des Serbes, cela peut être des Musulmans,

13 cela peut être des membres du HVO, cela peut être des réfugiés, cela peut

14 être des gens de l'extérieur. On n'a aucun élément permettant d'avoir une

15 piste quelconque. Tout le reste n'est que déduction.

16 Alors, poursuivez.

17 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Q. Passons à un nouveau sujet, Monsieur Gagro. Vous est-il arrivé

19 d'entendre parler pendant la durée de votre mandat de maire en 1991 et

20 1992 ? Vous est-il arrivé d'entendre parler d'un certain HOS ?

21 R. Oui.

22 Q. Pouvez-vous dire aux Juges ce qu'était ce HOS ?

23 R. A l'issue des élections multipartites de Croatie et de Bosnie-

24 Herzégovine, un certain nombre de partis ont vu le jour, notamment le HSP,

25 qui dans son programme décrivait de façon déterminée la façon d'agir dans

26 le domaine de la défense, et ce parti avait ses propres forces de défense

27 le HOS. Je crois que c'est le sigle qui signifie cela. Forces de défense.

28 Ce sont des forces qui agissaient au nom d'un parti politique.

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1 Q. Monsieur, ce serait peut-être utile pour les Juges si vous définissiez

2 d'emblée la signification du sigle HSP; pourriez-vous nous dire ce que

3 signifie ce sigle ?

4 R. HSP cela signifie le Parti croate des droits. C'est l'un des plus

5 anciens partis politiques qui aient existé en Croatie.

6 Q. Quel était le rapport, s'il y en avait un -- non, je passe à une autre

7 question. Qu'elle était la position du HOS, s'agissant d'accepter des

8 adhérents musulmans dans ses rangs ou de coopérer avec les Musulmans ?

9 R. C'est le HDZ en fait, qui exerçait son contrôle sur le HVO, qui

10 intervenait dans la défense de Mostar et de ses environs. D'une façon assez

11 similaire, le HSP a créé ses propres forces de défense, à savoir le HOS,

12 qui lui aussi était composé d'hommes qui étaient prêts à sacrifier leur vie

13 pour défendre leur patrie et leur maison. Mais, malheureusement, ces deux

14 partis avaient des programmes qui étaient assez éloignés l'un de l'autre et

15 qui donc ont fait qu'ils ont agi isolément les uns des autres. Maintenant,

16 vous m'avez interrogé au sujet du HOS en me demandant s'il agissait

17 éventuellement en coalition ou en coopération avec le HVO, je pense qu'il

18 est nécessaire de dire très ouvertement, très franchement, que lorsque le

19 général Kraljevic est arrivé à Ljubuski, les forces du HOS ont été

20 accueillies avec sympathie et pas mal de Croates qui respectaient les

21 traditions défendues par le Parti croate des droits ou apportaient un

22 soutien actif au HOS dans notre région, mais, à un certain moment, les

23 hommes en question ont franchi la ligne de ce qui était acceptable pour la

24 majorité des habitants de la région, il s'est passé à ce moment-là un

25 éloignement assez rapide entre ce qui dépendent des positions divergentes

26 quant à la façon de régler les problèmes dans cette situation qui était

27 vraiment un nœud gordien fourmillant de malentendus de part et d'autre. Le

28 commandant du HOS en Herzégovine avait sa propre position par rapport à la

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1 défense de la ville et il pensait coopérer avec les Musulmans, donc, se

2 battre à côté des Musulmans. Il est arrivé à Mostar pour parler au

3 dirigeant du SDA et défendre ses positions sur ce point et à son retour à

4 Ljubuski, lui et neuf hommes, qui faisaient partie de son escorte, ont été

5 liquidés et l'histoire s'est arrêtée là. Toute cette histoire HOS/HVO.

6 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure. Peut-

7 être que les horloges du prétoire se sont arrêtées, mais, en tout cas, il

8 me semble que j'ai reçu un signal, il me semble qu'il soit déjà plus de 5

9 heures 20.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, enfin, à ma montre plus fonctionnelle, j'ai 5

11 heures 25. Bon, alors on va s'arrêter et puis nous reprendrons aux environs

12 de 6 heures moins 10.

13 --- L'audience est suspendue à 17 heures 28.

14 --- L'audience est reprise à 17 heures 51.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.

16 M. SCOTT : [interprétation]

17 Q. Monsieur Gagro, avant l'interruption de l'audience, page 62, ligne 6,

18 vous avez dit, au sujet du HVO et du HOS, je vous cite : "Malheureusement,

19 il y avait une discordance entre ces deux programmes et chacun d'entre eux

20 agissait le long de sa propre voie, et ces voies divergeaient." Puis, vous

21 avez poursuivi. Est-ce que vous pouvez nous dire de quelle discordance il

22 s'agissait ? De quelle manière il y a eu divergence entre le HVO et le

23 HOS ?

24 R. La première différence, la différence principale, c'est que le HVO

25 estimait qu'il était la seule force militaire agissant sur le territoire

26 qui était peuplé de Croates. Quant au HOS, il s'est agrandi et il

27 souhaitait inverser les rôles à son profit. Donc d'emblée, ils ont été la

28 présence dominante à Ljubuski. On s'attendait à ce qu'ils jouent le premier

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1 rôle de défense à Capljina. C'était de cette manière-là qu'il y a eu

2 divergence entre ces deux formations, ces deux entités militaires.

3 Q. Est-ce qu'il y avait une rivalité entre les deux ?

4 R. C'est ce qu'on pourrait dire. C'est à peu près cela.

5 Q. Qu'est-il advenu du HOS à partir du moment où M. Kraljevic a été tué ?

6 R. Il y a eu lobbying à partir de ce moment-là. De gré ou de force, le

7 reste des dirigeants du HOS ont été intégrés au sein du HVO et ils ont

8 continué d'agir ensemble.

9 Q. Monsieur, je vais maintenant faire un bond pour parler de l'année 1993,

10 les mois d'avril et mai 1993. Où viviez-vous à ce moment-là ?

11 R. Pendant toute la durée des événements de la guerre, avant la guerre et

12 après la guerre, j'ai résidé dans mon appartement à Mostar.

13 Q. Je pense que vous avez dit que c'était dans Mostar ouest.

14 R. Oui. Dans la partie centrale de Mostar. On pourrait dire que c'est un

15 quartier d'élite.

16 Q. Il y avait quelle distance, à peu près, entre votre résidence et le

17 boulevard qui allait devenir la ligne de confrontation entre le HVO et

18 l'ABiH ?

19 R. A vol d'oiseau, 400 et 500 mètres.

20 Q. Qu'avez-vous vu sur le boulevard, en avril 1993 ?

21 R. Qu'ai-je vu ? En fait, à ce moment-là, après le départ de la JNA de

22 Mostar et avec l'établissement des autorités temporaires provisoires, la

23 vie était redevenue à peu près acceptable, viable, et les gens étaient en

24 contact. Si on avait besoin de traverser sur la rive gauche, on empruntait

25 le vieux pont qui était le seul pont qui était resté, on le traversait et

26 on s'y rendait. Il était relativement possible de communiquer. Mais pendant

27 la dernière période qui a précédé le conflit entre les Bosniens et les

28 Croates, on a pu voir des forces opposées qui n'entraient pas dans un

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1 conflit ouvert. Mais toutes les nuits, on les voyait les uns d'un côté du

2 boulevard, et les autres en face, de l'autre côté du boulevard. C'est comme

3 cela qu'on appelle cette rue dans la ville, boulevard. C'était une

4 situation où personne n'avait le dessus, ils restaient comme cela jusqu'au

5 lendemain matin, et le lendemain matin, ils se séparaient comme si de rien

6 n'était. C'est un petit peu étrange. Je peux vous dire, sans aucun doute,

7 cela a duré peut-être même une semaine, qu'ils se sont fait face comme

8 cela, d'un côté et de l'autre. Je ne sais pas comment ils présentaient

9 leurs armes, mais ils ont pris position sur le boulevard, d'un côté et de

10 l'autre.

11 Q. A peu près à ce moment-là, est-ce que vous avez été mis au courant des

12 demandes qui auraient été formulées par le HVO au sujet de la position

13 d'une unité de l'ABiH dans Mostar ouest ?

14 R. Aucune demande ni ultimatum. Je n'étais au courant de rien de ce genre.

15 Mais il y a toutes ces parties de la ville qui se situent hors ligne

16 occupées par les uns et les autres. Là, il y avait des explosions dans

17 l'après-midi vers 17 heures, 18 heures. On pouvait entendre nettement, et

18 par la suite, on a appris qu'un groupe qui était dans les rangs du HVO

19 avait attaqué le QG de l'ABiH.

20 Q. Ce QG était-il installé dans le bâtiment de l'entreprise Vranica ?

21 R. Oui.

22 Q. J'attire votre attention très précisément sur le 9 et le 10 mai 1993;

23 est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'est produit ces jours-là ?

24 Qu'avez-vous vu ?

25 R. On s'est mis à tirer. C'est la seule chose que j'ai pu voir. Le conflit

26 a commencé entre le Conseil de Défense croate et l'ABiH.

27 Q. Pendant la soirée, la nuit du 9 mai 1993, aviez-vous des voisins

28 musulmans ?

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1 R. Oui.

2 Q. Qu'est-il advenu d'eux ?

3 R. Ils étaient encore à leur place. Je ne peux pas dire exactement combien

4 de jours plus tard, des forces sont arrivées. Ils se sont mis à contrôler

5 chaque entrée de bâtiments. Ils vérifiaient qui vivaient dans ces

6 logements. Tous ceux qui n'étaient pas Croates ont été contraints à quitter

7 leur appartement.

8 Q. Dario Kordic, est-ce quelqu'un que vous avez jamais rencontré ?

9 R. Oui.

10 Q. Nous avons déjà parlé aujourd'hui de Kljujic et de son groupe, d'une

11 part, et puis du groupe de Boban, d'autre part. M. Kordic, où est-ce que

12 vous le rangeriez ? Dans lequel de ces deux groupes ?

13 R. Dans un premier temps, pendant la période que je qualifierais

14 d'harmonieuse au sein du HVO, Kordic -- comment dirais-je ? Il ne faisait

15 partie d'aucun groupe en particulier. En fait, il était peut-être dans une

16 situation peu enviable parce qu'il n'avait pas de travail. M. Jerko Doko,

17 au bout d'un certain temps, il était ministre -- responsable de la Défense.

18 Il a dit que son problème a été résolu et qu'il a été nommé pour agir

19 auprès des institutions qui avaient à voir avec la défense dans la région

20 où il vivait.

21 Q. Qu'avez-vous pu remarquer, pour ce qui est de la relation entre M.

22 Kordic et Boban ?

23 R. Kordic était prêt à coopérer vraiment, et lorsqu'il fallait trouver une

24 solution dans une situation, il était très actif. On peut dire que d'une

25 certaine façon, il s'est imposé avec ses points de vue, mais dès ce moment-

26 là, on a pu voir qu'il avait opté pour M. Boban. Il s'était rangé aux côtés

27 de M. Boban.

28 Q. Monsieur, avant le conflit dont nous avons parlé aujourd'hui; est-ce

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1 que vous connaissez M. Jadranko Prlic ?

2 R. Bien sûr que si, c'était un citoyen de Mostar qui était très respecté.

3 Q. Est-ce qu'il était à la tête de quelque chose qui s'appelait

4 l'Organisation de la jeunesse ?

5 R. Il était le numéro un dans tout.

6 Q. Mais cette Organisation de la jeunesse, qu'était-ce ?

7 R. De belles choses pour ceux qui ont connu cette époque. Les communistes

8 contrôlaient tout, donc il fallait bien accorder une certaine liberté à

9 quelqu'un où il allait pouvoir prendre part activement à la vie. Il y avait

10 la jeunesse, l'Organisation des pionniers, puis donc des jeunes, et cetera.

11 Il y avait beaucoup de choses. C'était comme une sorte d'ikebana disposée

12 autour du Parti communiste, la Ligue socialiste, et cetera.

13 Q. Est-ce que vous savez quels sont les diplômes qu'avait

14 M. Prlic ?

15 R. Je sais qu'à la fin, il était devenu universitaire, peut-être qu'il est

16 toujours professeur à la faculté des Sciences économiques de l'université

17 de Mostar.

18 Q. D'après-vous, Monsieur, dans les années 70 ou 80, qu'était-ce la ligue

19 socialiste ?

20 R. Pour qu'on n'ait pas l'impression que le contrôle revenait exclusivement

21 aux communistes, le contrôle sur toutes les activités politiques de l'ex-

22 Yougoslavie, les communistes ont inventé avec élégance un compromis pour

23 qu'ils ne soient pas menacés et que ceci leur permette quand même

24 d'affirmer qu'ils étaient une société démocratique. Donc, ils ont créé la

25 ligue socialiste où ils enrôlaient tout le peuple travailleur et tous les

26 citoyens de Yougoslavie.

27 Q. Pour autant que vous le sachiez, M. Prlic était-il membre de la Ligue

28 socialiste ?

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1 R. Oui, mais, moi aussi. Lui, moi. Je peux dire que, pour

2 M. Prlic, cela a été le premier pas dans le cadre de son activité

3 politique.

4 Q. Est-ce que vous savez si M. Prlic a été employé par la ligue

5 socialiste, en plus d'en être membre ?

6 R. Il est possible qu'il l'ait été, je n'en suis pas certain. Pendant une

7 période qui n'a pas été très longue, il aurait pu être actif en tant

8 qu'employé, professionnel, cadre professionnel de la ligue socialiste.

9 Q. Le conseil exécutif de Mostar, qu'était-ce ?

10 R. C'était un organe qui mettait en œuvre les décisions de l'assemblée

11 municipale. On l'appelle conseil exécutif, donc, c'est le conseil qui

12 traduit dans les faits les conclusions, les décisions prises par

13 l'assemblée municipale.

14 Q. M. Prlic, a-t-il jamais été président du conseil exécutif de Mostar ?

15 R. Oui.

16 Q. A quel moment à peu près ?

17 R. A quel moment. Un an avant nos dernières élections pluripartites, car

18 pendant une année, Prlic a été vice-premier ministre du gouvernement de

19 Bosnie-Herzégovine, donc, du poste du président du conseil exécutif de

20 l'assemblée municipale de Mostar, il est parti pour être vice-premier

21 ministre du gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Il était le suppléant de M.

22 Pad [comme interprété], donc, un an avant les élections qui ont eu lieu en

23 1990.

24 Q. Monsieur Gagro, pourriez-vous encore une fois citer le nom de la

25 personne donc M. Prlic a été le suppléant ? Pouvez-vous nous redonner ce

26 nom ?

27 R. J'ai peut-être accéléré un petit peu, en une phrase, j'ai voulu tout

28 dire. Après avoir été nommé président du comité exécutif de l'assemblée

Page 2739

1 municipale de Mostar, M. Prlic a occupé ce poste, je dirais pendant un an -

2 M. Prlic me corrigera si je me trompe - mais c'est ce que je pense; enfin,

3 cela fait longtemps, je ne peux pas être tout à fait précis. Après cela, je

4 ne sais pas comment il a été présenté comme candidat et élu vice chef du

5 gouvernement. A l'époque on appelait cela le conseil exécutif de

6 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine.

7 Q. Vous savez à peu près pendant combien de temps il a exercé ces

8 fonctions-là ?

9 R. Je suppose pendant à peu près un an.

10 Q. Pendant que vous étiez maire de Mostar, M. Prlic travaillait-il à

11 Mostar également ?

12 R. Non. Nous nous sommes rencontrés au moment de mon élection. On m'a

13 invité à un entretien à Sarajevo et il avait toujours ce mandat de vice-

14 premier ministre du gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Il devait remettre

15 son poste au nouveau gouvernement.

16 M. Ubiparip avait déjà, à ce moment-là, quitté son poste de chef de

17 gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

18 Q. Pendant que vous étiez à Mostar, est-ce que vous avez su que M. Prlic a

19 travaillé pour l'entreprise Hepok ?

20 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais, au début de votre question

21 vous alliez demander quel est le nom de M. le Premier ministre et, encore

22 une fois, les interprètes n'ont pas saisi le nom, donc, il faudrait peut-

23 être qu'on y revienne.

24 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

25 Q. Encore une fois, Monsieur Gagro, très clairement, pourriez-vous

26 articuler le nom du premier ministre dont M. -- pour lequel

27 M. Prlic a travaillé pendant quelque temps.

28 R. Je suppose que son prénom était Gojko et son nom de famille était

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1 Ubiparip. Cela se traduirait par celui qui tue de chevaux, c'est ainsi que

2 l'on pourrait traduire ce nom de famille.

3 M. SCOTT : [interprétation]

4 Q. Maintenant, nous avons certainement plus d'informations qu'avant.

5 Très bien, revenons à Hepok, à moins que Monsieur le Juge Trechsel n'ait

6 d'autres questions à poser.

7 Donc, parlons de l'entreprise Hepok; est-ce que vous savez quand M. Prlic a

8 travaillé pour cette entreprise ?

9 R. A partir du moment où il n'y avait plus de postes au sein du

10 gouvernement de Bosnie-Herzégovine, M. Prlic s'est trouvé pratiquement au

11 chômage. Il est revenu à Mostar et il a trouvé un emploi dans cette

12 entreprise Apro, je pense, que c'était son nom. C'est une abréviation. Le

13 nom est assez long. Je suppose que cela n'a pas d'importance de toute

14 façon. Mais il s'agit d'une entreprise qui rassemblait de nombreuses

15 activités dans le domaine agricole dans la région de Mostar.

16 Q. Est-ce que vous connaissez l'entreprise du nom de Hepok et, si oui, de

17 quel genre d'entreprise il s'agit ?

18 R. Hepok avait ces caves à vin - je ne voudrais pas me lancer dans des

19 spéculations - mais il avait ce genre d'installations et de branches de ce

20 type-là.

21 Q. Apro, est-ce que vous savez de quoi Apro s'occupait ? Quel était le

22 lien entre Apro et Hepok ?

23 R. C'est cela. Apro était segmenté selon les différentes activités et,

24 ensemble, ils constituaient une grande entreprise qui recouvrait les

25 différents segments d'activités dans ce domaine.

26 Q. Monsieur, quelles ont été les fonctions de M. Prlic, à l'époque, dans

27 cette entreprise Apro ?

28 R. Je ne sais pas. Peut-être ferais-je une erreur, mais il se peut qu'il

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1 ait été le président de cette entreprise, mais je n'en suis pas tout à fait

2 certain. Je ne suis pas certain du poste de

3 M. Prlic. Savez-vous si à un moment donné M. Prlic a été recommandé à

4 occuper un poste dans la Banque nationale de Bosnie-Herzégovine ou est-ce

5 qu'on l'a nommé à un poste dans cette banque ?

6 R. Oui. Je le sais parce que j'y ai joué un rôle actif.

7 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre ce qui s'est passé ou plutôt

8 M. Prlic, est-ce qu'il a finalement été nommé à ce poste pour être soit

9 l'un des gouverneurs, soit le gouverneur principal de la Banque centrale ou

10 la Banque nationale ?

11 R. J'ai été très déçu car nous n'y sommes pas parvenus mais je vais vous

12 expliquer ce processus comment il a été présenté comme candidat et comment

13 on l'a refusé au poste de gouverneur de la Banque centrale de Bosnie-

14 Herzégovine ? Un Croate était déjà au poste de premier ministre du

15 gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Il a pris l'initiative qu'on nomme au

16 poste de gouverneur de la Banque centrale de Bosnie-Herzégovine, un Croate.

17 Donc, ce poste est revenu aux Croates. Pendant longtemps, il y a eu des

18 débats et, finalement, sur proposition de M. Jure Pelivan, qui était le

19 premier ministre, on a proposé M. Jadranko Prlic, connaissant M. Prlic, à

20 quel point il était capable de bien organiser les choses, à quel point il

21 était compétent, nous nous sommes félicités du fait qu'il soit candidat.

22 Mais, pendant la procédure, c'est l'assemblée de Bosnie-Herzégovine qui a

23 un mot à dire dans cette nomination. Il y a eu des malentendus et,

24 finalement, sa candidature a été retirée.

25 Q. Qu'est-ce qui a conduit en faisant référence de malentendus, qu'est-ce

26 qui a conduit à ces malentendus ? De quoi s'agissait-il ? Pouvez-vous nous

27 en parler ?

28 R. Oui, je peux vous en parler. Je le ferais si je voulais vous fournir

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1 une explication complète, cela prendrait du temps. Je ne souhaite pas

2 fatiguer les auditeurs mais je vais vous en parler. Chaque parti avait mis

3 en place dans ces statuts une procédure qui devait être appliquée lorsqu'on

4 sélectionnait un candidat à certains postes et malheureusement, de la

5 région dont nous venons, tout s'est décidé à la dernière minute. Lorsqu'on

6 devait proposer le nom d'un candidat devant l'assemblée pour que ce nom

7 soit adopté, il s'est avéré que personne n'avait de candidats sérieux et

8 lorsque M. Kljujic est venu à Mostar et M. Pelivan, lorsqu'il est venu

9 également, ils nous ont dit qu'il fallait mettre un terme, une fois pour

10 toute, à cette proposition de candidature qui restait vague car ce poste

11 était très important si les instances devaient fonctionner normalement en

12 Bosnie-Herzégovine, si le pouvoir devait fonctionner normalement. Donc,

13 nous devions absolument proposer un candidat. Nous avons dit au HDZ de

14 Mostar que nous soutenions Jadranko Prlic et M. Kljujic n'était pas ravi du

15 nom de ce candidat, mais après -- et il nous a dit que le HDZ n'allait

16 proposer personne, qu'il n'était pas membre du HDZ. Néanmoins, nous avons

17 insisté. Il a dit : "Ecoutez, passons outre les formalités, nous allons

18 proposer le nom de cet homme et l'élire. C'est une personnalité clé, il va

19 nous aider à résoudre les difficultés qui sont celles de ce pays." Donc,

20 Kljujic a été mis en minorité. Donc, il a décidé de ne pas insister. Il a

21 dit : "Très bien, je ne vais pas insister, vous pouvez présenter la

22 candidature de Prlic et il n'allait pas s'opposer au vote." Donc, M. Prlic

23 a été proposé comme candidat. Il a donc suivi toute la procédure. Il est

24 passé devant la Commission des nominations et M. Prlic a été nommé

25 candidat. Il est passé devant la commission et tout ceci était prêt. La

26 réunion devait se tenir le jour même et c'est alors, bien, je peux dire que

27 ceci est arrivé aux oreilles de Boban, le nom du candidat, j'entends, et il

28 s'y est opposé. Il a insisté et nous a demandé : comment se fait-il que

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1 nous ayons proposer le nom de Prlic à ce poste ? Pour finir, ceci n'a pas

2 été adopté par le bureau du HDZ à Mostar. La réunion n'a pas été convoquée;

3 par conséquent, sa candidature ne pouvait pas être acceptée et donc, c'est

4 par leur entremise que cette proposition, finalement, s'est avérée caduque

5 et que ceci n'a jamais été, ce nom n'a jamais été proposé à l'assemblée de

6 Bosnie-Herzégovine.

7 Q. En tant que membre du HDZ, avez-vous pris part à la nomination de M.

8 Prlic au poste du chef du service financier du HVO d'Herceg-Bosna,

9 nomination qui a été faite par M. Boban ?

10 R. Non, je n'ai aucun renseignement là-dessus. Pour être tout à fait

11 honnête, je n'étais pas ravi que Prlic s'occupe de ce genre de chose. Mais

12 cela, c'est un point de vue tout à fait personnel. Je ne vais pas m'étendre

13 là-dessus.

14 Q. Je vais être obligé de vous poser la question. Pourquoi n'étiez-vous

15 pas ravi des attributions de M. Prlic ?

16 R. Parce que nous estimions tous que M. Prlic était un homme qui avait des

17 capacités. C'était un bon artisan, mais il ne voyait pas d'un bon œil le

18 HDZ. C'était pour nous une désillusion que de constater qu'il participait à

19 un programme à la tête duquel se trouvait Mate Boban.

20 M. SCOTT : [interprétation] Je souhaite simplement retourner vers ma

21 consoeur pendant quelques instants.

22 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

23 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, nous n'avons plus

24 de questions à poser à M. Gagro, au témoin. Je vous remercie.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est six heures 25, il nous reste une demi-

26 heure avant 19 heures.

27 Maître Kovacic, c'est vous qui commencez le contre-interrogatoire ?

28 M. KOVACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais avant de

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1 commencer, je souhaite permettre à M. Praljak, à mon client, de dire

2 quelques mots. Il a dit qu'il ne prendrait pas plus que 15 minutes, et à ce

3 moment-là, je souhaite reprendre après lui.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander à M. le Greffier de me faire le

5 décompte du temps de parole de l'Accusation. Bien. Alors, Monsieur Praljak,

6 allez-y.

7 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :

9 Q. [interprétation] Monsieur Grago, bonjour.

10 R. Bonjour, Monsieur Praljak.

11 Q. J'aimerais simplement parler avec vous plus précisément du printemps et

12 du début de l'été 1992.

13 R. Allez-y, posez vos questions.

14 Q. En 1991, comme vous l'avez dit, l'armée populaire yougoslave et des

15 formations paramilitaires arrivent à Mostar.

16 R. J'aurais une correction à apporter. Le concept que j'utilise oralement,

17 c'est armée yougoslave.

18 Q. D'accord, d'accord. Enfin, elle arrive à Mostar avec les forces

19 paramilitaires et une vingtaine de milliers de réfugiés les accompagnent,

20 en fait, c'est un véritable flux de réfugiés; est-ce exact ?

21 R. C'est exact.

22 Q. Merci. Ces forces occupent trois quarts des positions autour de la

23 ville de Mostar, n'est-ce pas, les positions intéressantes sur le plan

24 militaire dans la ville et sur les hauteurs; est-ce exact ?

25 R. C'est exact.

26 Q. Est-ce que M. Berak [comme interprété] était une espèce de commandant

27 de ces forces ? En tout cas, nous les appellerons les forces.

28 R. Oui. Il n'était pas uniquement responsable du territoire de Mostar.

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1 Q. D'un territoire plus vaste ?

2 R. Plus vaste.

3 Q. Est-ce que M. Perak --

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.

5 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais on

6 parle des forces. Nous aimerions savoir de quelles forces il s'agit, de

7 quelle formation, de quel côté étaient ces forces, quelle partie elles

8 représentaient, s'il vous plaît.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors concernant les forces, Monsieur Praljak, que

10 pouvez-vous lui faire préciser ?

11 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

12 Q. L'armée populaire yougoslave et les Chetniks ont occupé Mostar et les

13 collines environnantes; est-ce exact ?

14 R. Je dirais qu'officiellement sont arrivés à Mostar les hommes dépendant

15 du Corps de Titograd Uzice. C'est qu'a dit officiellement l'armée

16 yougoslave. Qui faisait partie de cette formation, cela, je ne suis pas en

17 mesure de le dire.

18 Q. Merci. Ces forces d'Uzice ou comme vous voudrez les appeler, enfin,

19 maintenant, à partir de maintenant, nous allons les appeler les forces de

20 l'armée populaire yougoslave, elles ont occupé Mostar et toutes les

21 collines environnantes ?

22 R. Ce n'est pas tout à fait cela. Elles sont arrivées le 19 septembre

23 armées jusqu'aux dents à Mostar, cela, c'est exact, mais elles ont investi

24 l'aérodrome, l'Heliodrom et le camp du nord. Ce sont les endroits qu'elles

25 ont investis ce jour-là.

26 Q. Mais, par la suite, elles ont occupé aussi les collines qui se trouvent

27 sur la rive droite de la Neretva en direction de Citluk et plus loin en

28 profondeur vers Siroki Brijeg; ceci est-il exact ?

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1 R. Oui. Il s'est agi d'un processus d'avancée qui a duré un certain temps.

2 Q. Merci. Merci. Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais essayer de

3 travailler un peu plus vite. Merci de votre réponse.

4 Ces hommes bombardaient-ils tous les jours ou pratiquement tous les jours

5 la ville de Mostar avec des armes lourdes, au printemps 1992 ?

6 R. Oui. Au moment où -- enfin, qu'est-ce que je pourrais dire pour parler

7 simplement ? Je dirais : au moment où la guerre a commencé en Bosnie-

8 Herzégovine, ils ont lancé des attaques destructrices sur Mostar et sur

9 tous les lieux importants à ce moment-là.

10 Q. Merci. M. Perak, avant mon arrivée au poste de commandant de cette

11 région, a-t-il à un certain moment émis un ordre selon lequel les forces de

12 Mostar devaient quitter le territoire de Mostar et se retirer dans la

13 direction de l'ouest en laissant l'intérieur de la ville de Mostar aux

14 forces du Corps d'armée de Tito Uzice ?

15 R. Cela, je ne le sais pas.

16 Q. Merci. Si on devait démontrer que M. Perak a bel et bien émis un tel

17 ordre, ne serait-il pas étonnant que vous-même, président de la cellule de

18 Crise, n'ayez pas eu connaissance d'un tel ordre ?

19 R. Cela me semblerait un peu étonnant.

20 Q. Merci beaucoup. Est-il exact qu'ensuite, les forces serbes ont investi

21 Stolac, le plateau de la Dubrava, et que le 15 mai, elles ont expulsé de la

22 rive est de la Neretva vers la rive ouest de la Neretva toute la population

23 musulmane et croate, pratiquement ?

24 R. Ceci est exact, mais je dois ajouter que ces forces avaient déjà commis

25 le massacre de la population musulmane dans le village de Ravno, à ce

26 moment-là. C'était déjà fait.

27 Q. Merci beaucoup. Cette expulsion, qui a eu lieu le 15 mai à Mostar, a-t-

28 elle eu lieu exactement le même jour où vous-même --

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1 R. Vous voyez, c'est une coïncidence.

2 Q. Merci beaucoup. Par la suite, combien d'habitants de la rive sont de

3 Mostar ? Sont-ils arrivés sur la rive gauche après avoir été expulsés par

4 les forces chetniks du Corps d'Uzice ?

5 R. Personne ne pouvait plus rester là-bas. Ceux qui sont restés l'ont payé

6 cher.

7 Q. Merci. Combien de ponts, dans cette courte période de temps, ont-ils

8 été détruits le long de la Neretva, en allant du nord de Mostar jusqu'à

9 Capljina.

10 R. Tous ceux sauf les vieux ponts.

11 Q. Merci beaucoup. Savez-vous qui et de quelle façon -- savez-vous qui a

12 distribué des armes aux gens qui se portaient volontaires pour défendre

13 leur maison sur le territoire de Capljina et de Mostar ? Qui leur

14 fournissait ces armes et comment se les procuraient-ils ?

15 R. La majorité des gens les achetaient eux-mêmes.

16 Q. Merci beaucoup. Mais ces formations étaient-elles donc des formations

17 de volontaires ? Y avait-il eu au préalable quelqu'un qui s'était chargé de

18 la mobilisation ?

19 R. Non, nous nous appelions cela des guerres de villageois.

20 Q. Merci beaucoup. Combien y avait-il de groupes de ce genre dans la ville

21 de Mostar dans la période dont nous parlons, à savoir, au mois d'avril

22 1992 ?

23 R. Tous ceux qui pouvaient porter un fusil se sont levés pour défendre

24 leur maison.

25 Q. Merci beaucoup. Savez-vous ce qui fonctionnait à Mostar à ce moment-

26 là ? Des banques, de la distribution d'eau, de l'électricité, des

27 distributions d'armes, en matière de carburant, en matière de fourniture

28 générale et je reviens donc sur les banques et les institutions

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1 financières. N'est-il pas vrai que toutes ces institutions avaient

2 pratiquement été totalement détruites à ce moment-là ?

3 R. Je ne dirais pas totalement détruites, quand même. Il nous est tout de

4 même resté quelque chose. La mairie a dénombré 126 000 habitants, voyez-

5 vous, à ce moment-là.

6 Q. Merci beaucoup. Si nous regardons Mostar à ce moment-là, c'est-à-dire,

7 à la date du 15 mai, il n'était pas possible d'aller par la route vers

8 Capljina et, vers la côte, il n'était pas possible d'aller par la route

9 vers Stolac. Il n'était pas possible d'aller par la route vers Nevesinje,

10 il n'était pas non plus possible d'emprunter la route pour aller à

11 Jablanica ou à Sarajevo, pas plus qu'à Citluk ou à Siroki Brijeb, n'est-ce

12 pas ?

13 R. C'est exact.

14 Q. Est-ce qu'il restait une route qui permettait d'entrer et de sortir de

15 Mostar à ce moment-là ?

16 R. Je l'ai déjà dit.

17 Q. Merci beaucoup. Ces troupes, subissaient-elles les tirs d'artillerie

18 des forces serbes ?

19 R. Malheureusement, oui, et je crois me rappeler qu'une quinzaine

20 d'habitants de Mostar ont été tués, à ce moment-là, sur cette route.

21 Q. Mais tout ce qui devait servir à nourrir la population ou à tirer des

22 coups de feu et tous ceux dans la ville avaient besoin, à ce moment-là,

23 c'est-à-dire, ces 126 000 habitants, ne pouvaient être desservis que par

24 cette route-là, n'est-ce pas ?

25 R. Absolument, et c'était un très gros problème.

26 Q. Je répète que tous les jours, pendant cette période, les Serbes

27 tiraient sur la ville et qu'il y avait des morts et des blessés.

28 R. C'est exact. Je définis cela par un seul mot, le mot de "chaos" qui

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1 régnait chez nous à l'époque.

2 Q. Le chaos donc et nous avons vu un document qui démontre qu'il régnait

3 également l'anarchie et le terrorisme; ceci est-il exact ?

4 R. D'une certaine façon oui.

5 Q. Merci beaucoup.

6 R. Ce terrorisme, à mon avis, nous ne pouvons tout de même pas le définir

7 comme un concept largement étendu.

8 Q. Merci beaucoup. Savez-vous que, dans cette période, c'est moi qui

9 commandais cette partie du front qui va de Capljina au nord de la ville de

10 Mostar ?

11 R. Je crois même que nous nous sommes rencontrés une fois.

12 Q. Merci. Savez-vous que, dès le mois d'avril 1992, des gens se

13 préparaient à quitter, y compris la partie occidentale de l'Herzégovine -

14 Citluk, Medjugorje, Capljina - parce qu'il avaient peur du danger qui

15 menaçait et parce qu'ils voyaient que les forces du conseil croate de

16 Défense, le HVO, étaient très mal organisées.

17 R. Je ne sais pas, j'émettrais quelques doutes à cet égard. Ils n'avaient

18 tout de même pas peur au point de quitter ces territoires si facilement.

19 Q. Mais savez-vous que toutes les municipalités organisaient le creusement

20 de tranchées à l'entrée de leur localité ?

21 R. J'ai parlé de cela il y a quelques instants. Nous avons demandé au HVO

22 dans certaines municipalités d'établir des moyens de communications de

23 façon à ce que nous puissions nous organiser d'une façon plus simple.

24 Q. Mais pensez-vous que, dans de telles conditions, dans un laps de temps

25 si court, il était simple ou facile de relier ces forces, de les faire

26 communiquer, compte tenu de tous les problèmes que vous connaissiez.

27 Pensez-vous qu'il aurait été si facile que cela de travailler dans une

28 situation dans laquelle ces forces, dès le mois de juin, auraient été

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1 prêtes pour chasser les forces serbes vers la rive droite de la Neretva et,

2 dix jours après, les chasser encore plus en profondeur, assez loin de

3 Mostar, vers Stolac et vers l'ouest de Mostar. Est-ce que vous pensiez que

4 c'était simple ?

5 R. Pas le moins du monde.

6 Q. Je dis souvent que les Serbes sont partis. Est-ce que, quand j'utilise

7 cette expression, vous pouvez comprendre à quel point je suis sensible à

8 cette situation et pouvez-vous comprendre que je vous demande combien les

9 nôtres ont dû payer -- quel est le prix que les nôtres ont dû payer pour le

10 départ des Serbes ? Nos jeunes gens, combien y a-t-il eu de morts et de

11 blessés parmi eux ?

12 R. Je suis sûr que vous le savez encore mieux que moi.

13 Q. Dans ces conditions, à juger par le nombre de morts et de blessés, de

14 jeunes gens qui sont tombés, pouvez-vous envisager qu'il y ait eu conflit,

15 affrontement entre deux forces armées ?

16 R. Pouvez-vous répéter ? Je ne vous ai pas très bien compris.

17 Q. Puisqu'il y avait des morts et des blessés des deux côtés, est-ce qu'il

18 est permis de parler de conflits armés et pas simplement se contenter de

19 dire que les Serbes sont partis comme s'ils allaient en promenade ?

20 R. Je ne sais pas qui a parlé des Serbes qui sont partis. C'est une

21 expression que je n'utilise pas.

22 Q. Merci. Encore quelques petites questions de ma part. Vous avez dit que

23 M. Perinovic avait été remplacé à son poste et que, lorsque cela est

24 arrivé, on a raconté que la raison en était qu'il avait un Serbe dans sa

25 famille. Mais M. Kljujic a aussi perdu son poste ainsi que M. Brkic et

26 d'autres et ils n'avaient pas de Serbes dans leur famille, alors est-il

27 permis de considérer que tout de même M. Perinovic n'a pas été démis de ses

28 fonctions pour cette raison-là ?

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1 R. Je préfère ne pas rentrer dans cette question parce qu'objectivement,

2 c'est une histoire qui a commencé à courir très vite et cela c'est passé au

3 moment où j'avais un rôle actif au sein du HDZ.

4 Q. Merci. Encore une question. Est-ce que seul pont qui est resté debout

5 sur la Neretva était le vieux pont ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce qu'au moment où, l'expulsion des Serbes était en train de

8 s'achever, ce pont n'a pas été recouvert, protégé ?

9 R. Il l'a été, en effet.

10 Q. Savez-vous qui était responsable de la protection, de la couverture de

11 ce vieux pont en plein cœur des combats ?

12 R. Je ne sais pas.

13 Q. Merci beaucoup.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de vous donner la parole, Maître Kovacic, dans

15 la suite des questions qui ont été posées, je m'adresse au témoin. Vous

16 avez dit que vous avez rencontré M. Praljak une fois. Vous vous rappelez à

17 quelle occasion vous l'avez rencontré ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose. J'ai un peu de mal à définir le

19 moment exact. Je ne sais pas si j'occupais encore mes fonctions ou si

20 j'avais déjà été démis de mes fonctions, mais je sais que M. Praljak m'a

21 invité à un entretien. Nous avons conversé très courtoisement, M. Praljak

22 m'a dit qu'il respectait les instances élues du pouvoir à Mostar,

23 légalement, et qu'il s'apprêtait à nommer ce que nous avons appelé l'un et

24 l'autre un officier de liaison. Mais, malheureusement, au sein de notre

25 cellule de Crise, il n'y a jamais eu d'officier de liaison.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a une autre question.

27 M. LE JUGE MINDUA : Merci, Monsieur le Président, juste une question de

28 précision. M. Praljak vous a posé la question, Monsieur le Témoin, il vous

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1 a demandé : savez-vous qui protégeait le vieux pont à Mostar ? Vous avez

2 dit que -- je n'ai pas bien saisi la réponse. Est-ce que vous savez qui le

3 protégeait ou pas ? Le pont était toujours en place lorsque les troupes

4 serbes sont parties ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le vieux pont était dans un état assez

6 bon au moment où les forces serbes ont été expulsées -- chassées de Mostar.

7 M. LE JUGE MINDUA : Il y avait des troupes -- ou un groupe qui le

8 protégeait ce pont, ou il était sauvé seulement comme cela ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, il y avait des combats entre

10 l'armée yougoslave et les unités qui défendaient la ville. A ce moment-là,

11 tout le monde est passé du côté gauche, sur la rive gauche et tout le monde

12 a participé à l'accompagnement de ces hommes-là jusqu'aux collines, après

13 quoi je ne sais pas qui est resté sur place pour défendre et protéger le

14 seul pont qui continuait à assurer la communication entre la rive gauche et

15 la rive droite de la Neretva.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

17 Contre-interrogatoire par M. Kovacic :

18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Gagro, je m'appelle Me Kovacic. Je

19 suis conseil de Défense de M. Praljak. Il y a quelques questions que

20 j'aimerais vous poser.

21 Etant donné que nous parlons du vieux pont. Je vais vous poser une

22 autre question à son sujet. Vous avez très clairement dit que le pont était

23 en assez bon état, mais qu'il avait été endommagé. Est-ce que cela pouvait

24 être constaté à l'œil nu ou est-ce qu'il fallait qu'un expert puisse

25 établir cela ?

26 R. On pouvait voir les endommagements qu'avait subis ce pont. C'était un

27 pont tout de même très spécifique pour la ville de Mostar. Mostar s'y

28 intéressait beaucoup.

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1 Q. Savez-vous qui a provoqué ces dégâts ?

2 R. C'est tout à fait logique. Nos forces occupaient déjà des positions aux

3 environs du vieux pont, puisque c'était seul moyen qui leur permettait de

4 franchir la rivière. A ce moment-là, les forces serbes ont commencé à tirer

5 sur ce pont puisqu'elles se sont rendu compte que c'était le seul moyen de

6 franchir la rivière, le seul moyen de permettre la communication entre les

7 deux rives de la Neretva.

8 Q. Est-ce que ceci signifie que le vieux pont a été endommagé par les

9 forces serbes, par l'artillerie serbe, lorsque les Croates et les Musulmans

10 ont organisés une offensive contre les forces serbes sur la bannière du

11 HVO ?

12 R. Voyez-vous, là, j'ai une petite correction à apporter à ce que vous

13 avez dit, parce que malheureusement, je sais qu'un de mes amis est mort sur

14 le pont, frappé par un obus de mortier. Les forces serbes qui se trouvaient

15 sur les collines ne trouvaient pas très facile de tirer sur ce vieux pont

16 qui était au fond de la vallée. Donc, ce sont surtout des mortiers qu'ils

17 utilisaient.

18 Q. Merci beaucoup. Avant cela, y a-t-il eu des dégâts ?

19 R. Si vous parlez de l'explosion du pont, c'est un pont qui était très

20 ancien. Il avait plus de 460 ans d'existence. Dans les dernières années, il

21 y avait eu des problèmes de vieillissement du pont et il avait fallu

22 étudier ce problème et entreprendre des travaux d'assainissement.

23 Q. Je n'ai pas été très précis. Vous avez commencé à parler de

24 l'historique de ce pont.

25 R. Désolé. Je n'ai pas compris votre question.

26 Q. Je pensais au moment qui a juste précédé les dommages causés au pont

27 par les combats. Mais, enfin, quand les Serbes ont déjà pris le contrôle de

28 pont et que des tirs d'artillerie ont commencé sur la ville, est-ce qu'à ce

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1 moment-là, le pont a été touché pour la première fois ?

2 R. C'est possible, mais ce n'était pas absolument visible.

3 Q. Merci. Au début de votre déposition, à la page 9, ligne 19 du compte

4 rendu d'audience, vous avez parlé de la création du HDZ et vous avez parlé

5 d'alliés entre la communauté de la Herceg-Bosna et le HDZ de Croatie. Vous

6 avez parlé d'une organisation sœur. Vous savez, on va essayer d'éclaircir

7 cela; est-ce que vous vous souvenez du moment où le HDZ a été crée en

8 Croatie pour la première fois ?

9 R. En 1989. Je connais pas mal de détails, alors.

10 Q. Très bien. Le HDZ a été créé en 1989 à Zagreb. A l'époque, il n'y avait

11 aucun conflit et la Yougoslavie était une fédération socialiste et la

12 Yougoslavie existait toujours en tant que telle et fonctionnait

13 normalement. Il y avait d'autres peuples, d'autres groupes politiques qui,

14 à l'époque, avait créé le premier parti libre en ex-Yougoslavie; est-ce

15 exact ?

16 R. Exact.

17 Q. Le SDA a été créé à peu près au même moment à Sarajevo; n'est-ce pas ?

18 R. Exact.

19 Q. Est-il exact que ces partis travaillant sur le territoire de la

20 Yougoslavie, le HDZ en particulier, n'avaient pas de frontières, il n'était

21 pas censé travailler uniquement sur le territoire de la Croatie ?

22 R. C'est ce qu'il a fait.

23 Q. Mais vous conviendrez avec moi qu'en tant que force politique, il avait

24 le plus d'audience en Croatie parce que c'est là que la majorité des

25 Croates habitaient, mais il était tout de même actif également dans

26 d'autres régions de l'ex-Yougoslavie.

27 R. Oui.

28 Q. Conviendrez-vous avec moi que très rapidement, dès la fin 1989, début

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1 1990, le HDZ sème y compris des sections dans divers pays européens ?

2 R. Je ne sais pas cela.

3 Q. Je n'ai pas entendu votre réponse.

4 R. Je n'ai pas suivi cela de près, donc je ne suis pas au courant.

5 Q. D'accord, mais vous êtes d'accord qu'elles ont existé, ces sections.

6 R. Oui.

7 Q. Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez pas mal de renseignements

8 sur la création du HDZ. Est-ce que vous savez, dans ces conditions, quand

9 le HDZ a été officiellement créé sur le territoire de la République de

10 Bosnie-Herzégovine ?

11 R. En tout cas, avant les premières élections multipartites.

12 Q. Donc, à un moment où la Yougoslavie fonctionnait encore ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que déjà, à ce moment-là -- donc, nous étions encore tous

15 habitants du même territoire, mais est-ce qu'il existait, à ce moment-là,

16 des différences en droit entre le HDZ de la Croatie et le HDZ de la Bosnie-

17 Herzégovine ?

18 R. Je crois qu'une tendance existait à aller dans un sens.

19 Q. Cette phrase mérite des explications complémentaires.

20 R. Il existait une tendance parce que, bien sûr, le HDZ de Croatie a

21 commencé à travailler aussi sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine,

22 mais les républiques étaient considérées comme des zones où chacun avait

23 ses propres intérêts. Donc, les Croates avaient leurs intérêts dans la

24 République de Croatie, les Bosniens-Herzégoviens en Bosnie-Herzégovine,

25 donc, pour éviter qu'il y ait opposition, une tendance a commencé à voir le

26 jour qui allait dans le sens d'un HDZ qui construirait son programme et ses

27 orientations principales dans un sens, qui iraient dans le sens de

28 l'intérêt de l'endroit où il existait.

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1 Q. Merci. Mais s'agissant des explications que vous venez de fournir, est-

2 ce la raison pour laquelle vous avez parlé de "parti frère" -- est-ce que

3 votre explication justifie l'utilisation de cette expression ?

4 R. Absolument.

5 Q. Vous avez eu une activité politique à l'époque. Je vous demande donc

6 s'il était permis de dire que le SDA existait non seulement en Bosnie-

7 Herzégovine, mais également en Croatie, parce qu'il y avait des Bosniens,

8 c'est-à-dire des Musulmans en Croatie également.

9 R. Je suppose que c'était dans son intérêt. Il était dans son intérêt

10 d'inclure ses ressortissants ethniques, de les rattacher au programme qui

11 était prévu pour eux. Mais, comme je ne suis pas très

12 -- je n'étais pas très proche d'eux, je ne saurais pas vous donner tous les

13 détails.

14 Q. Je sais que vous ne connaissez pas tous les détails, mais cela, bien

15 entendu, se passait il y a 16 ans, en plus.

16 R. Oui. C'était le début de tout cela, voyez-vous, c'était le début de

17 l'apparition de plusieurs partis politiques en Yougoslavie qui n'avait

18 jamais connu cela.

19 Q. C'est exact. Maintenant, j'aimerais vous rafraîchir la mémoire, si vous

20 voulez bien. Vous rappelez-vous, par exemple, que le SDA avait aussi des

21 sections, ou bien en tout cas, des représentants de ce parti qui

22 travaillaient et existaient sur le territoire de la Croatie ?

23 R. Oui, oui, de telles sections existaient.

24 Q. Merci.

25 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais vous

26 demander votre avis. Je devrais parler croate.

27 Monsieur le Président, j'hésite un petit peu. Je pourrais entamer un autre

28 sujet, mais je pense que ce serait peut-être plus efficace d'interrompre

Page 2758

1 nos travaux ici parce que les questions que je veux poser au témoin

2 devraient s'appuyer sur des diapositives et cela implique encore des

3 retards techniques.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. De toute façon, il est presque 19 heures.

5 Pour la question du temps de demain, d'après les calculs qui ont été faits,

6 l'Accusation a utilisé 2 heures 44 minutes, les Juges ayant pris pour leur

7 part le reste du temps par leurs questions. Donc, en théorie, la Défense

8 doit avoir le même temps, c'est-à-dire aux environs de trois heures.

9 Je vous ai invité la semaine dernière à vous rapprocher, à voir avec vous,

10 donc, pour ce témoin, je ne sais pas qu'est-ce qui a été décidé. Alors,

11 pouvez-vous m'informer du temps qu'il vous est nécessaire ? Maître

12 Karnavas.

13 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président. Je pense

14 que nous devrions pouvoir gérer notre temps et tenir compte de ces trois

15 heures que vous avez évoqué, bon an, mal an, deux heures à trois heures.

16 Cela étant dit, est-ce que l'on peut supposer que le témoin suivant, que

17 nous devrions être prêts demain après-midi, étant donné que nous allons

18 reprendre à 16 heures demain ? Est-ce que nous devons être prêts à contre-

19 interroger le témoin suivant qui est censé revenir, car il doit revenir ?

20 Je préférerais continuer et utiliser ce temps…

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors, Monsieur Scott, le témoin qui revient,

22 j'avais cru comprendre qu'il ne serait là que mercredi. Demain, nous sommes

23 mardi. Monsieur Scott, est-ce que vous avez des informations ?

24 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, non. Je ne peux pas

25 parler avec le témoin. Nous n'avons absolument pas pu communiquer avec M.

26 Smajkic. Je ne connais pas ses projets.

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense que nous pourrons faire une

28 enquête. Je pense qu'il va voyager demain. S'il est là vers midi demain, à

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1 ce moment-là, j'aurais suffisamment de temps et nous pourrions poursuivre.

2 Je ne vois pas pourquoi il faut attendre mercredi avant d'entamer cela.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, nous reprendrons donc l'audience demain

4 à 9 heures. Comme vous le savez, on arrêtera demain à midi et demi. Nous

5 ferons une pause jusqu'à 16 heures parce que les Juges vont être pris par

6 une assemblée extraordinaire Plénière, et nous reprendrons donc demain à 16

7 heures et nous irons jusqu’à

8 19 heures. On y verra beaucoup plus clair demain.

9 M. le Greffier a appelé mon attention également sur quelque chose qui

10 semblait obscur à la lecture du transcript en anglais. Lorsque nous allons

11 -- alors, nous repassons en audience à huis clos, Monsieur le Greffier.

12 Heureusement que j'ai le réflexe.

13 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

14 [Audience à huis clos partiel]

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9 [Audience publique]

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, en audience publique. Il est 19 heures

11 pareil. La montre a disparu. J'espère que M. le Greffier nous en donnera

12 une demain, de marque Suisse, si possible. Je vous remercie et je vous

13 invite à revenir pour demain à 9 heures.

14 --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le mardi 30 mai 2006,

15 à 9 heures 00.

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