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1 Le mardi 4 juillet 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
7 l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président, et bonjour à
9 tous. Affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic, et consorts.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En cette journée du mardi,
11 4 juillet, je salue toutes les personnes présentes; je salue les
12 représentants de l'Accusation, les avocats, les accusés, et M. Coric qui
13 est revenu parmi nous, et je salue également toutes autres personnes de
14 cette salle d'audience. Nous avons une heure et demie d'interrogatoire
15 principal à continuer avant la pause, et sans perdre de temps, je donne la
16 parole à M. Scott.
17 LE TÉMOIN : JOSIP MANOLIC [Reprise]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. SCOTT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
20 Juges.
21 Interrogatoire principal par M. Scott : [Suite]
22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Manolic.
23 R. Merci. Bonjour.
24 Q. Vous avez perdu la voix ou cela va ?
25 R. Non, cela va.
26 Q. Pour commencer ce matin, je voudrais que l'on parle de votre livre; je
27 pense que vous l'avez sur vous. Ceci vous aidera et nous allons l'afficher
28 à l'écran. Vous avez également un exemplaire du livre.
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1 M. SCOTT : [interprétation] C'est la pièce P 09673. Pour traduction
2 anglaise, Monsieur le Président, je précise qu'un jeu de documents a été
3 distribué. Je vais commencer par l'extrait qui est intitulé : "La clé de la
4 politique de partage de la Bosnie-Herzégovine." Je ne pense pas que ce soit
5 dans les grands jeux de documents, d'après ce que me dit ma commise à
6 l'affaire, mais ceci a été remis à la Chambre il y a quelques minutes. En
7 haut de la page, on lit "Clé pour le partage de la politique de partage de
8 la Bosnie-Herzégovine," et cela correspond aux pages 317 et 321 du livre
9 croate.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous pouvez me montrer cela à
11 l'écran pour m'éviter de chercher cela dans le livre ?
12 M. SCOTT : [interprétation]
13 Q. Tout à fait, je vais faire ce qui vous convient le mieux, Monsieur.
14 M. SCOTT : [interprétation] Donc ce sera la page 317, de la pièce P 09673.
15 Q. Monsieur Manolic, je ne sais pas ce qui vous sera le plus commode, il
16 vous sera peut-être plus facile de vous servir de votre livre, mais, bien
17 entendu, vous avez le choix. Nous commençons en B/C/S page 317.
18 Monsieur, je viens de répéter plusieurs fois le titre, on y lit la chose
19 suivante : "Dans cet entretien accordé à Globus, en cette journée du 22
20 avril 1994, Manolic a expliqué, encore une fois, avec plus de détail que
21 jamais, quelles étaient les principales différences entre lui et le
22 président Tudjman pour ce qui est de la politique envers la Bosnie-
23 Herzégovine."
24 Puis, le prochain paragraphe -- vers la fin de ce paragraphe, il est dit :
25 "Ceux qui me soutiennent, comme on le sait, prônaient une alliance avec les
26 Musulmans et pour une Bosnie-Herzégovine intègre au sein des frontières
27 définies après la Seconde guerre mondiale. Tudjman et Milosevic, cependant,
28 ce sont mis d'accord pour partager la Bosnie-Herzégovine. Tout ce qui a
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1 suivi les négociations qui ont eu lieu à Karadjordjevo en mars 1991, ont
2 montré de très clairement que Tudjman et Milosevic s'étaient mis d'accord
3 sur le partage de la Bosnie-Herzégovine."
4 Alors, Monsieur, si on revient maintenant au premier paragraphe j'attire
5 votre attention à l'endroit où il est dit quelles sont les principales
6 différences entre vous et le président Tudjman à l'égard de la politique
7 envers la Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous pouvez nous dire quelles
8 étaient ces principales différences ?
9 R. Tout d'abord, je respectais les résultats du référendum tenu en Bosnie-
10 Herzégovine. Cela a été un référendum légal, toute la population croate et
11 musulmane a pu s'y exprimer. A partir de là, j'ai toujours défendu la
12 position suivante, il n'y a pas de possibilité réelle de diviser la Bosnie-
13 Herzégovine. En particulier, les situations -- les relations vont
14 s'aggraver au moment de la création de l'Herceg-Bosna parce que deux Etats
15 ne peuvent pas coexistés sur un seul territoire, on ne pouvait voir d'une
16 part la République de Bosnie-Herzégovine en tant qu'un Etat et qu'on -- en
17 sein sur son territoire, on créé une nouvelle république. Ce n'est pas
18 possible, et ce n'est pas viable. Ceci pourrait être viable sur une brève
19 période en tant qu'une solution temporaire avant d'en trouver une finale,
20 alors, ce qu'on dit que Tudjman voulait rattacher l'Herzégovine occidentale
21 à la Croatie. C'était un souhait, c'était la demande exprimée par ces
22 municipalités qu'on a énumérées hier, de ces gens qui vivaient dans ces
23 contrées, qui voyaient leur avenir au sein de la République de Croatie, à
24 l'intérieur de ces frontières.
25 Mais les souhaits sont une chose et la réalité en est une autre et il
26 n'y avait pas de conditions permettant de réaliser ce souhait. Il y avait
27 donc ce différend permanent entre moi et le président Tudjman là-dessus et
28 nous n'avons jamais trouvé un terrain d'entente là-dessus jusqu'au dernier
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1 jour, jusqu'à la signature des accords de Washington qui ont mis fin à ce
2 dilemme en créant la Fédération des Croates et des Musulmans de Bosnie dans
3 ces régions-là.
4 Q. Très bien, Monsieur, je poursuis, je suis toujours sur la même page.
5 Monsieur, au-delà de ce que nous avons déjà lu, il est
6 dit : "Très certainement, l'objet des pourparlers à Karadjordjevo ont été
7 des modifications du tracé des frontières intérieures et le fait d'agrandir
8 les territoires croates et serbes."
9 Alors, est-ce que vous pouvez nous dire comment vous avez compris cela à
10 l'époque ?
11 R. Il n'est pas possible d'agrandir un territoire de quelque Etat que ce
12 soit sans empiéter sur le territoire d'un autre Etat. De même, on n'aurait
13 pas pu agrandir d'un point de vue territorial la Croatie et corriger sa
14 forme en croissant sans empiéter sur le territoire du pays voisin. Bien
15 entendu, soit on allait y parvenir par voie d'accord, soit en ayant recours
16 à la violence. Quant à cette deuxième option, il n'y avait pas vraiment de
17 conditions permettant d'emprunter cette deuxième voie, même si elle était
18 présente.
19 Q. Dans le paragraphe suivant, il est dit : "Tudjman souhaitait incorporer
20 l'Herzégovine occidentale au sein de la Croatie. Il comptait également avec
21 quelques autres parties de la Bosnie-Herzégovine, mais le point le plus
22 important était l'annexion de l'Herzégovine."
23 Pour quelle raison était-ce la chose la plus importante ?
24 R. C'est un territoire qui est ethniquement le plus pur. Les Croates y
25 sont les plus nombreux et ils s'adossent géographiquement à la République
26 de Croatie, donc, il était tout à fait naturel de rattacher d'abord cette
27 partie-là. Mais comme nous le savons, ceci n'a jamais eu lieu.
28 Q. Au paragraphe suivant, vous évoquez les pourparlers à Graz entre Mate
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1 Boban et Radovan Karadzic en 1992. A la fin de ce paragraphe, vous dites :
2 "Ce genre d'intérêts ne peut être satisfait qu'au détriment des Bosniens et
3 du gouvernement central de Sarajevo." Pour quelle raison dites-vous cela ?
4 R. Parce qu'il y a avait deux parties en présence, les Serbes avec Radovan
5 Karadzic et, d'autre part, les Croates avec Mate Boban, ils se sont mis
6 d'accord par écrit pour se partager les sphères d'intérêt dans cette région
7 et cette sphère d'intérêt mettait en péril la question centrale de
8 l'existence de l'Etat de Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat indépendant et
9 souverain.
10 Q. Plus loin, on passera un paragraphe, s'il vous plaît, et on lit un
11 extrait. Ce sera la page 2, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
12 deuxième paragraphe : "D'après cela, la politique officielle croate
13 souhaitait affaiblir le gouvernement de Sarajevo et ceci peut être démontré
14 sans aucun problème. Même avant le conflit entre les Musulmans et les
15 Croates, même avant son début, une décision a été prise à Zagreb de retirer
16 tous les ministres croates du gouvernement central."
17 Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges un petit peu plus en détail ce
18 qui est en est de ces ministres qui ont été retirés du gouvernement ?
19 R. Ecoutez, je pense qu'il s'agit là d'une erreur avant tout qui a été
20 commise par le président Tudjman, le fait qu'il ait accepté cette option du
21 retrait parce que nous, en tant qu'Etat croate, nous avions reconnu la
22 Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat voisin et souverain. Ce n'était pas
23 logique que les membres du même gouvernement retirent leurs ministres du
24 gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Bien entendu, ceci ouvrait la voie à
25 l'agresseur, à l'ennemi, qui, jusqu'à ce moment-là, était cette politique
26 Grand-Serbe de Karadzic.
27 Ceux qui défendaient l'Herceg-Bosna peuvent difficilement défendre ceci car
28 il n'y avait objectivement aucune raison de ne pas respecter les résultats
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1 du référendum sur le caractère intégral de la Bosnie-Herzégovine et sur la
2 décision prise par le gouvernement croate de reconnaître la Bosnie-
3 Herzégovine en tant qu'Etat souverain. Donc, sur deux points, cette
4 décision de retrait était contraire à cela et que ce soit d'un point de vue
5 historique ou, comme nous l'avons vu, sur le plan politique, ce n'était pas
6 défendable.
7 Q. Maintenant, plus loin --
8 R. Le résultat de ce retrait a été, en effet, l'affaiblissement du
9 gouvernement central de Bosnie-Herzégovine et, bien entendu, c'était
10 favorable à l'agresseur, l'agresseur Grand-Serbe, donc, Karadzic et autres,
11 à ce moment-là, et là réside cette erreur du président Tudjman.
12 Q. Maintenant --
13 M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas
14 interrompre, excusez-moi, mais nous avons eu un petit problème technique
15 avec la transcription depuis le début de cette audience. Nous espérions que
16 ceci allait se résoudre en quelques minutes parce que nous voulions que
17 cela se poursuive, mais cela devient de plus en plus difficile, Monsieur le
18 Président, parce qu'il nous faut suivre certains paragraphes à l'écran et
19 on ne peut pas, donc j'aimerais savoir si on peut avoir quelques
20 informations là-dessus.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Il n'y a que votre écran qui ne fonctionne pas ? On
22 nous dit que cela va être réparé dans une ou deux minutes.
23 M. MURPHY : Merci beaucoup, Monsieur le Président.
24 M. SCOTT : [interprétation]
25 Q. Un peu plus loin, à la même page, Monsieur, vous dites : "Que c'est
26 pour la deuxième fois que la décision de retirer les ministres croates a
27 été prise." Est-ce que vous vous rappelez à quel moment cela s'est produit
28 et pour quelle raison ?
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1 R. Je pense que c'était au moment où le conflit avait déjà éclaté entre
2 les Musulmans et les Croates dans cette région, donc, un conflit armé. A ce
3 moment-là, l'Herceg-Bosna et M. Boban ont défendu cela en disant que les
4 ministres croates ne pouvaient pas se maintenir au sein du gouvernement
5 central tant qu'une guerre était en cours entre les Musulmans et les
6 Croates, les Musulmans qui, en fait, contrôlaient les autorités centrales
7 en Bosnie-Herzégovine. Evidemment, là encore, ce retrait n'était pas
8 vraiment dans l'intérêt du peuple croate car l'affaiblissement du
9 gouvernement central de Bosnie-Herzégovine, à ce moment-là, face au
10 principal agresseur, en fin de compte, affaiblissait également la position
11 croate face à son agresseur dans son ensemble parce qu'il n'y avait pas
12 seulement l'agression contre la Bosnie-Herzégovine, l'agression était menée
13 également par le même agresseur contre la Croatie.
14 Q. Monsieur, plusieurs pages plus loin dans votre livre, vous trouverez un
15 paragraphe qui commence par : "Il est évident que l'idée principale est…"
16 Ce sera la page 4 pour ceux qui suivent le texte en anglais. On peut
17 l'afficher à l'écran, Monsieur. Vous pouvez le retrouver dans le livre.
18 C'est une ou deux pages plus loin de l'endroit que nous venons d'examiner
19 où il est dit : "De toute évidence, l'idée principale…" Est-ce que vous le
20 voyez, Monsieur ? Page 320 de votre livre.
21 R. Oui.
22 Q. Il est dit ici : "Il est évident que l'idée principale de la politique
23 de l'Etat croate se ramenait à la partition de la Bosnie-Herzégovine
24 indépendamment de toute autre considération. L'annexion de l'Herzégovine à
25 la Croatie était vraiment l'idée directrice de l'Etat croate, de sa
26 politique au cours des deux dernières années."
27 Si vous pouvez passer un paragraphe, il est
28 dit : "En effet, l'objectif principal de la politique de Tudjman était de
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1 mettre en œuvre le tracé des frontières de la Banovina croate." Le voyez-
2 vous ?
3 R. Oui.
4 Q. Tudjman, Susak et Boban, cherchaient-ils, en effet, à mener cette
5 politique-là ?
6 R. Oui. Je ne pense que Susak et Boban aient faits quoique soit à l'insu
7 du président, du président Tudjman quant à leurs activités car, en fait,
8 Gojko Susak -- vous avez également une déclaration dans le texte où on dit
9 : "Le HDZ de Bosnie-Herzégovine, donc, du parti par l'entremise duquel on
10 mettait en œuvre cette politique n'était qu'une branche, une antenne du HDZ
11 de Croatie." Donc, c'est cela, qui est inacceptable -- inadmissible qui,
12 pendant tout ce temps, nous a causé des problèmes considérables dans la
13 Défense de la thèse disant : "Nous n'avons pas pris part à la guerre en
14 Bosnie-Herzégovine," nous, étant la Croatie. Ces éléments-là permettent de
15 comprendre que, contrairement à cela, la Croatie, Zagreb ont mené une toute
16 autre politique à l'égard de la Bosnie-Herzégovine en tant que république
17 parce que sa création n'aurait pas pu avoir lieu sans qu'il y ait eu cette
18 décision ou plutôt si ceci n'avait pas correspondu à l'attitude ou à la
19 réflexion du président Tudjman à Gojko Susak et d'autres.
20 Nous pouvons suivre la situation à Zagreb quand Susak était ministre
21 croate de la Défense. Vice Vukojevic était un collaborateur qui travaillait
22 dans le même domaine, sauf qu'il avait d'influences dans le domaine
23 législatif. Ensuite, M. Pasalic les a rejoint dans le cadre du même
24 programme.
25 En Bosnie-Herzégovine, les principaux protagonistes de cette
26 politique ont été Boban, Kordic et d'autres, et la troisième équipe qui se
27 retrouve aujourd'hui ici, comment dirais-je, sur le banc des accusés.
28 Q. En bas de cette page, Monsieur, le paragraphe suivant, vous dites :
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1 "Qu'au départ, vous avez gardé ou exprimé quelques réserves, vous ne
2 vouliez directement pas critiqué le président Tudjman." Vers la fin du
3 paragraphe, vous dites : "Qu'il n'y avait plus de raison d'agir ainsi."
4 Puis, vous vous référez, apparemment, à un discours du président Tudjman au
5 Club de députés du HDZ. Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi vous vous
6 souvenez ? Vous dites : "Le président a ouvertement assumé toute la
7 responsabilité pour la politique menée envers la Bosnie-Herzégovine" ?
8 R. Oui. Jusqu'à ce moment-là, nous faisons valoir que Gojko Susak et ce
9 lobby herzégovien comme on l'appelait, que c'étaient eux les principaux
10 protagonistes de cette politique de la Herceg-Bosna et du conflit avec les
11 Musulmans et, par la suite du renversement du pouvoir central, et enfin de
12 compte, ce sont eux qui prenaient ce partage de la Bosnie-Herzégovine;
13 cependant, dans un discours qu'il a prononcé, le président Tudjman, c'était
14 un discours qu'il a prononcé devant les députés du parlement croate et qui
15 a signifié notre séparation définitive. Là, il a dit : "Cette politique
16 menée envers la Bosnie-Herzégovine, c'est ma politique." Donc, il a assumé
17 la responsabilité pour ces politiques. Gojko Susak, ministre de la Défense,
18 à son sujet, il a dit : "C'est un bon ministre puisqu'il met en œuvre ma
19 politique," et je pense que là, on n'a plus besoin de chercher les
20 responsabilités pour ce qui s'est passé dans ces contrées pendant cette
21 période-là.
22 En effet, lors de mes prises de parole en public, il conviendrait,
23 peut-être, de dire que tout au long de cette période, j'essayais de
24 contourner le président Tudjman quand étant le premier responsable,
25 directement responsable de cette politique pour laquelle j'estimais qu'elle
26 était accablante, fatale pour tout l'Etat croate. Il était le chef suprême
27 de l'armée croate et je voulais qu'il ait suffisamment de marge de manœuvre
28 pour pouvoir présenter les choses à une lumière différente de ce qui était
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1 la réalité, à ce moment-là. Vous trouverez cela dans mes transcriptions.
2 Vous trouverez cela dans mon livre. Je souligne les moments qui ont été des
3 moments positifs qui allaient vers la recherche d'une solution. A plusieurs
4 endroits et, en particulier, après qu'il y ait eu l'accord entre les
5 présidents Tudjman et Izetbegovic, je mets en valeur les éléments qui
6 auraient joué un rôle positif, auraient pu apporter des résultats pour
7 résoudre le problème qu'il fallait résoudre en Bosnie-Herzégovine.
8 Q. Monsieur le Témoin, je vais vous arrêter ici. Lorsque vous parlez de
9 l'accord Tudjman-Izetbegovic, est-ce que vous pouvez nous dire un peu plus
10 de quel accord vous parlez et quelle est sa date approximative ?
11 R. Non, cet accord que je viens de mentionner, il se situe à une date
12 ultérieure. C'était déjà en 1994. C'est à ce moment-là qu'on recherchait
13 une solution définitive. C'était avant l'accord de Washington, donc, 1993,
14 le mois de septembre, l'automne de cette année-là, à peu près à ce moment-
15 là.
16 Q. Ce sera à présent la page 246 que je vous invite à examiner de votre
17 livre. Pour les personnes qui suivent la version anglaise, il s'agit du
18 point 6, politique envers la Bosnie-Herzégovine. Ce sera la page 246 de
19 votre livre et si vous cherchez le quatrième paragraphe, le dernier
20 passage, ce sera également le quatrième paragraphe dans la version
21 anglaise. Tout d'abord : "La conclusion a été tirée, que la question
22 concernant la Herceg-Bosna en tant qu'un Etat au sein d'un Etat n'avait de
23 fondement." C'est la page 247, troisième paragraphe de votre livre.
24 Alors, pourrez-vous dire aux Juges, s'il vous plaît, un petit plus à ce
25 sujet-là, à savoir pourquoi la création de la Herceg-Bosna n'avait pas de
26 fondement.
27 R. Il n'y avait aucune possibilité de le faire en théorie et il n'y en
28 avait pas non plus sur le plan pratique car, si nous devions créer un Etat
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1 distinct à l'intérieur d'un Etat existant, cela nous aurait mis en
2 contradiction avec l'ordre juridique et l'ordre constitutionnel de l'Etat
3 en question. Les frontières extérieures d'un pays sont garanties par un
4 certain ordre constitutionnel, mais l'ordre intérieur de ce pays l'est
5 aussi et, bien sûr, une telle politique irait à l'encontre de l'ordre en
6 question.
7 J'ai déjà souligné que cette politique n'était pas réaliste et
8 qu'elle ne ferait de bien ni à l'Etat croate ni au peuple croate de Bosnie-
9 Herzégovine. La plus grosse erreur qui a été faite lorsque l'Herceg-Bosna a
10 été créée en tant que république c'est que la population croate de Bosnie-
11 Herzégovine qui résidait dans le centre de la Bosnie-Herzégovine, et pour
12 beaucoup dans la région de Posavina, bien, ces habitants croates étaient
13 une certaine façon isolée par rapport à l'Herceg-Bosna -- séparée de
14 l'Herceg-Bosna en tant entité étatique, donc, par cette séparation
15 physique, cela affaiblissait l'entité croate de Bosnie-Herzégovine. Le
16 clergé catholique de Croatie ainsi que nombres de partis d'opposition se
17 sont opposés à une telle politique car chacun sait bien que la région de
18 Banja Luka est pour partie une région de la Posavina et qu'on y trouve
19 environ 150 000 catholiques. Lorsque l'évêque de la région a protesté à
20 cause de cette politique et aussi en raison de l'agression Grand-Serbe,
21 Boban a invité les catholiques résidant dans ces régions de venir sur la
22 côte adriatique et de venir en Istria pour y trouver un nouveau foyer, et
23 ce sont de tels propos -- c'est une telle politique qui a affaibli
24 considérablement les Croates de Bosnie-Herzégovine et qui a eu également à
25 mon avis un effet d'affaiblissement par rapport à notre politique dans
26 l'Etat de Croatie, la politique que nous menions vis-à-vis de l'agresseur
27 et qui a donc pesé lourdement d'un point de vue négatif sur la suite des
28 événements.
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1 Q. Plusieurs lignes plus bas, on trouve la phrase suivante : "Certaines
2 mesures de la part de certaines personnes ont montré qu'un Etat séparé
3 était effectivement en train de se créer en Herceg-Bosna."
4 Pourriez-vous nous donner des exemples de telle mesure ? Vous parlez de
5 mesure; pouvez-vous nous en donner des exemples ? Lorsque vous dites de la
6 part de certaines personnes, pourriez-vous identifier ces personnes ?
7 R. Bien, aujourd'hui, nombreux sont ceux qui savent que les personnes qui
8 ont servi en mettre en œuvre cette politique en Bosnie-Herzégovine et dont
9 leur nombre, nous avons déjà parlé de Boban, il s'y trouvait également
10 Kordic, et toute l'équipe qui, à ce moment-là, portait cette politique.
11 Je pense que, lorsque nous parlons de cela, il faut également
12 distinguer entre différentes périodes. Il y a eu Kljuic qui a été président
13 du HDZ et lui a succédé Brkic pendant un laps de temps assez court, bien,
14 ces deux hommes se sont opposés à la politique en question car cette
15 politique allait à l'encontre des intérêts de peuple croate dans les
16 régions concernées.
17 Lorsque j'ai reproché à Susak de mener une politique
18 Erronée, une politique qui tenait compte que des intérêts des Croates en
19 Herzégovine, alors que la politique que je défendais allait entièrement
20 dans le sens des intérêts des Croates qui habitaient toutes les régions de
21 Bosnie-Herzégovine. Donc, voilà où se trouvait la divergence entre nous.
22 Q. Très bien, Monsieur.
23 M. SCOTT : [interprétation] Je vous demanderais maintenant de vous rendre
24 en page 249 de votre livre, deuxième paragraphe, troisième page de la
25 traduction anglaise de ces extraits. On y lit les mots suivants : "La
26 création de l'Herzégovine ne convient pas du tout au moins à l'un des trois
27 groupes en présence, à savoir les Musulmans qui sont majoritaires dans ce
28 pays en raison de 44 % de la population. Leur anéantissement est souhaité
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1 par les radicaux serbes qui de cette façon réaliseraient le plan de la
2 Grande-Serbie, mais je ne peux prétendre que du côté croate il n'y ait
3 personne qui voie dans la division de la Bosnie-Herzégovine une solution
4 également."
5 Q. Un peu plus loin, vous trouverez la référence que vous venez de faire à
6 l'instant et qui fait l'objet de ma question, puisque vous avez parlé de
7 Kljuic et de Brkic. Voyez-vous la page en question dans votre ouvrage, au
8 milieu du paragraphe suivant, il y est fait mention de Kljuic et de Brkic ?
9 R. Oui. J'ai dit que la politique croate en Bosnie-Herzégovine doit
10 également prendre en compte les idées défendues par Kljuic, Brkic et Boban.
11 Ce que je veux dire c'est que nous devons prendre en compte ce que pensait
12 Kljuic qui allait dans le sens des intérêts de toute la population croate
13 et c'était cela la position défendue par Kljuic. C'est la raison pour
14 laquelle ces hommes étaient fermement opposés aux frontières qui étaient
15 définies entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Vous voyez que dans
16 cette partie du texte il est fait état de l'accord Boban, Karadzic, signé à
17 Graz, et c'était là quelque chose de très malhonnête car les Serbes ont
18 contraint Boban à accepter de signer en ne tenant plus compte du principe
19 de répartition ethnique. Or, il n'y avait pas de Serbes résidant dans cette
20 région. Toutefois, ils voulaient acquérir le territoire de ce corridor à
21 leur seul -- pour en assurer le contrôle seul. Ceci était inacceptable car
22 si vous respectez un principe dans la politique que vous appliquez vous
23 devez respecter ce principe dans tous les territoires où votre politique
24 s'applique.
25 Q. Un paragraphe plus bas après en avoir sauté un, si je me trompe, donc,
26 après les références faites à Kljuic et Brkic, vous trouvez le passage qui
27 se lit comme suit, je cite : "Zagreb ne peut pas faire plus que de
28 préconiser un changement de la politique qui a eu des conséquences si
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1 négatives pour la nation croate de Bosnie-Herzégovine."
2 R. D'abord, il y a le conflit armé avec les Musulmans, et ce qui s'est
3 passé c'est qu'il y a eu une appréciation très erronée qui a été faite de
4 la part du lobby herzégovien pour commencer. Ce que je peux dire parce que
5 le président Tudjman a eu quelques hésitations sur ce problème, à savoir,
6 s'agissant de déterminer si les forces croates pourraient vaincre l'ennemi
7 dans le cadre d'un conflit armé en peu de temps et, ensuite, ouvrir la voie
8 à l'application de sa politique. Bien, cela ne s'est pas passé. Ce qui
9 s'est passé c'est que la partie adverse, la partie musulmane, qui proposait
10 constamment un renforcement du gouvernement central de Bosnie-Herzégovine,
11 elle avait un très important potentiel humain qu'elle a utilisé pendant
12 toute la guerre et ce potentiel s'est accru pendant la guerre. Il n'a été
13 gêné que par le fait que d'une part, la politique croate était dans les
14 environs, et que d'autre part, la politique serbe était dans les environs
15 également, ce qui ne lui permettait pas de réaliser pleinement son
16 potentiel, en tout cas, du point de vue de l'armement à distribuer aux
17 ressources humaines présentes en Bosnie centrale et en Bosnie-Herzégovine,
18 de façon générale. Donc, c'est là qu'une erreur a été commise. C'était une
19 erreur qui a concerné l'appréciation du rapport de forces existant dans le
20 territoire et qui a ouvert la voie au conflit armé avec les Musulmans.
21 Q. Monsieur, il y un instant, vous avez utilisé le terme de lobby
22 herzégovien qui n'a sans doute pas encore été utilisé dans ce procès, donc
23 je ne suis pas sûr d'en comprendre le sens. Pourriez-vous dire aux Juges ce
24 que vous entendez par cette expression ?
25 R. Comme tout les lobbys, théoriquement, c'est un groupe humain qui appuie
26 certaines idées communes afin de défendre les objectifs qu'il s'est donné.
27 Lorsque je parle du lobby herzégovien sur la scène politique croate, il
28 s'agissait d'un groupe de personnes qui ont accepté l'idée d'un conflit
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1 armé avec l'aide musulmane comme étant une bonne solution susceptible de
2 les faire avancer dans la politique qu'il défendait. Au nombre de ces
3 hommes, on trouvait Boban, Kordic et d'autres dirigeants de l'époque.
4 Evidemment, on en trouvait des représentants pas seulement au sein des
5 structures suprêmes du HVO ou de l'armée croate, mais également des
6 représentants au niveau local, sur le terrain. J'indique également que ce
7 lobby avait également ses opposants car il aurait été impossible, si tel
8 n'avait pas été le cas, que l'on assiste à la création de partis croates
9 défendant les droits civiques, par exemple, or, c'est ce qui s'est passé en
10 Bosnie-Herzégovine.
11 Q. Monsieur, j'aimerais maintenant vous interroger au sujet de la page 262
12 de votre ouvrage et, pour ce faire, je vous renvoie à l'extrait qui
13 commence en haut de la page 2 de la version anglaise : "La guerre croato-
14 musulmane en Bosnie-Herzégovine," c'est le titre que l'on trouve en haut de
15 cette page. Donc, en page 262 de votre ouvrage, Monsieur, à la fin du
16 paragraphe dont je viens de parler, il est fait référence : "Aux
17 architectes et organisateurs de ceci -- de cette guerre suicidaire pour
18 l'avenir de la Croatie."
19 Lorsque vous parlez d'architectes et d'organisateurs, est-ce que vous
20 pensez aux personnes dont vous venez de parler ce matin ou pourriez-vous
21 encore ajouter quelques mots pour les définir ?
22 R. Je pense à ceux qui défendaient cette politique. Leur erreur
23 fondamentale a résidé dans le fait qu'ils ont mal apprécié le rapport de
24 force et que c'est ce qui les a incité à entrer dans un conflit armé contre
25 les Musulmans. C'est là qu'intervient l'exacerbation des tensions avec,
26 d'un côté, des gens qui ne cessaient de dire : "Nous ne sommes pas ceux qui
27 avons commencé, ceux qui ont commencé, ce sont les Musulmans." C'est là,
28 plus précisément, qu'il devient très difficile de déterminer qui a commencé
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1 et pour quelle raison. Aujourd'hui encore, nous avons un spectacle de
2 tensions qui perdurent, mais qui a tiré la première balle ? Les Musulmans
3 dans la direction des Croates ou les Croates dans la direction des
4 Musulmans ?
5 Q. Vous venez de dire à l'instant que les raisons pour lesquelles le
6 conflit a éclaté sont claires et ensuite vous demandez qui a tiré la
7 première balle. Pourriez-vous nous donner davantage d'information sur ce
8 point, pourquoi était-ce si clair ?
9 R. C'est clair si l'on tient compte de tous les préparatifs qui étaient
10 déjà accomplis. Nous avons l'accord conclut entre Boban et Karadzic et dès
11 lors que vous concluez un accord avec un agresseur, quelqu'un qui jusqu'à
12 ce jour-là était un agresseur à votre encontre, ceci montre bien qu'il y a
13 une appréciation erronée du rapport de force et que cela ne peut que mener
14 à un conflit armé contre les Musulmans en l'espèce. Mais, à ce moment-là,
15 le front contre l'agresseur n'était pas encore totalement éliminé parce
16 qu'en Croatie, il y avait encore des zones de combat, des zones, autrement
17 dit, où les Serbes dominaient.
18 Q. Monsieur, dans le passage suivant de votre ouvrage, deux paragraphes
19 plus loin, vous parlez des camps de concentration créés à l'intention des
20 Musulmans sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. A cette époque,
21 Monsieur, est-ce que vous condamniez l'opération consistant à créer des
22 camps de concentration ?
23 R. Puisque nous parlons d'erreurs fatales qui ont été commises, la
24 première erreur fondamentale -- le point de départ de toutes les erreurs a
25 été le conflit armé et la création des camps. Des prisons, la torture,
26 n'ont été que les conséquences de cette première erreur fatale. Je rappelle
27 que j'étais, entre autres, député au parlement et avec un certain nombre
28 d'autres hommes, nous étions en permanence opposés à cette politique qui
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1 est partie de ce point de départ et qui a abouti aux résultats que je viens
2 d'indiquer. L'erreur ne résidait pas dans le fait de mener des
3 négociations, l'erreur ne réside pas dans le fait que le président Tudjman
4 a discuté avec Milosevic, l'erreur résidait dans les objectifs poursuivis
5 au cours de ces négociations, c'est cela qui est criminel et c'est cela qui
6 a laissé des traces dont nous parlons encore aujourd'hui puisque, dans des
7 conditions bien particulières et y compris devant ce Tribunal pénal
8 international, nous essayons de trouver des solutions aux erreurs du passé.
9 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais
10 réparer une erreur de M. Scott qui dans ses questions a dit : "Vous parliez
11 des camps de concentration" et en citant ce que M. Manolic a dit en réponse
12 à cette interview, il n'est nulle part fait mention de camps de
13 concentration. C'est le journaliste, quelques années plus tard, qui a
14 introduit cette expression dans l'article, donc j'aimerais que M. Scott se
15 corrige.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement, Monsieur Scott, j'ai noté dans la
17 phrase "HVO camps," vous avez, vous, indiqué les camps de concentration,
18 alors d'où vient le problème, Monsieur Scott ?
19 M. SCOTT : [interprétation] Je suis désolé, mais je ne vois pas où est le
20 problème, Monsieur le Président. Dans le livre, en tout cas, dans la
21 traduction dont je dispose, je lis les mots suivants, je cite, et il
22 s'agissait d'une interview accordée à Globus, le 10 septembre 1993, donc,
23 je le lis le passage suivant, je cite : "Manolic a parlé pour la première
24 fois, même s'il ne l'a pas fait tout à fait ouvertement, des camps de
25 concentration destinés à enfermer des Musulmans sur le territoire de
26 Bosnie-Herzégovine."
27 Puis, ensuite, quelques lignes plus bas, nous lisons les mots qui suivent,
28 je cite : "Je suis au courant du fait que les camps du HVO présentement les
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1 Croates de Bosnie de plus en plus à l'image des Serbes."
2 Donc, je ne suis pas sûr de ce qui peut poser problème ici. Il est,
3 tout à fait, clairement question de camps de concentration. Ce sont les
4 mots utilisés par M. Manolic. Très manifestement, il a dit qu'il s'agissait
5 des camps du HVO.
6 M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis me
7 permettre, je pense que ce que M. Praljak essaie de dire, c'est que le mot
8 "concentration" n'apparaît pas dans la version croate du texte, alors
9 qu'elle apparaît dans la version anglaise. En tout cas, c'est ce qu'on me
10 dit.
11 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, si tel est le cas,
12 j'aurais grand plaisir à interroger le témoin pour qu'il apporte des
13 éclaircissements à ce sujet.
14 Q. Monsieur, vous avez entendu l'échange qui vient de se produire. Lorsque
15 vous lisez le texte original en croate, est-ce que les mots "de
16 concentration" ou "camps de concentration" figurent dans le texte en langue
17 croate d'origine ?
18 R. D'abord, nous devons dire que la création de camps de concentration a
19 été maintenue secrète dans une certaine mesure. Le public n'a pas été
20 informé de la création de ces camps. Il faut en être conscient.
21 Je pense qu'une Commission de la Croix Rouge, à moins que ce soit le
22 Croissant Rouge, a établi que des camps du HVO avaient existé sur le
23 territoire de la Bosnie-Herzégovine. Je crois que c'était à Dretelj. Donc,
24 je pense que nous ne devrions pas discuté pour savoir s'il s'agissait de
25 camps de concentration ou pas. La réalité, c'est que des gens y ont été
26 détenus. Certains étaient des civils, certains, des prisonniers de guerre.
27 C'est ce qu'a établi la commission dont je viens de parle. C'est ce qui a
28 entraîné la réaction du ministère croate de l'Intérieur et d'autres
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1 institutions qui voulaient que ces camps de concentration soient fermés.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Manolic, dans votre livre, vous parlez de
3 ces camps. A l'époque, vous étiez à Zagreb ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle était à Zagreb la connaissance qu'avait les
6 hommes politiques comme vous de l'existence de prisons en Bosnie-
7 Herzégovine ? Quelle connaissance aviez-vous, à l'époque ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai souligné déjà qu'il s'agissait
9 pratiquement d'un secret, qu'on n'en parlait pas publiquement à Zagreb, à
10 cette époque-là. Donc, certains éléments d'absence d'humanitaire n'ont pas
11 été rendus publics à Zagreb, à l'époque. C'est la Croix Rouge et d'autres
12 institutions du même genre qui ont réagi en disant : "Qu'il faudrait mettre
13 fin à ce genre de chose." A ce moment-là, le président Tudjman et d'autres
14 sont intervenus en disant qu'il fallait fermer ces camps.
15 Maintenant, combien de temps il a encore fallu ensuite pour organiser
16 la fermeture de ces camps, je ne sais pas.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Le président Tudjman avait-il des services de
18 Renseignements qui lui fournissaient des indications sur ce qui se passait
19 en Bosnie-Herzégovine ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, il était informé le jour même de ce
21 qui se passait. Cela, c'est sûr. Il y avait également des contacts
22 quotidiens, du ministre de la Défense avec Boban et avec les responsables
23 concernés de la Herceg-Bosna. Je n'ai aucun doute là-dessus. Je l'affirme
24 sans hésitation. S'il faut le démontrer, nous serons, tout à fait, en
25 mesure de le prouver.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous semblez dire que le président Tudjman était
27 informé de l'existence de ces camps ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Scott.
2 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, pour le compte rendu
3 d'audience - et après avoir été avisé par Mme Matacic qui parle et lit le
4 croate - que, dans l'ouvrage en langue croate, les mots "de concentration"
5 ne figurent pas, mais je pense que le témoin s'est expliqué abondamment sur
6 sa position à ce sujet.
7 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais que vous descendiez un peu sur la page
8 pour arriver aux mots suivants, je cite : "Dans l'édition du 12 octobre
9 1993 de Danas…" Au bas de la page 262, je cite : "Manolic a eu les choses
10 suivantes à dire au sujet de la responsabilité des autorités croates, vis-
11 à-vis de la guerre avec les Musulmans en Bosnie-Herzégovine : 'J'ai exprimé
12 mon désaccord avec la politique croate vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine
13 en adoptant une position critique eu égard aux mesures prises au sein de la
14 communauté croate de la Herceg-Bosna vis-à-vis de l'intérêt général de la
15 population croate de Bosnie-Herzégovine. Je croyais et je continue à
16 croire, qu'isoler les Croates de Herzégovine affaiblissait l'ensemble de la
17 Croatie en Bosnie-Herzégovine ainsi que la position des Croates de Bosnie-
18 Herzégovine s'agissant de résoudre la crise dans sa globalité'."
19 Alors, en version anglaise, en tout cas, le fait d'utiliser le terme
20 "isoler", "Isoler les Croates de Bosnie-Herzégovine" n'est pas, tout à
21 fait, clair, à mon avis. Que vouliez-vous dire en utilisant ce terme ?
22 D'ailleurs, c'est peut-être un problème de traduction.
23 R. Non, non, ce n'est pas un problème de traduction. C'est un
24 problème de réalité. La réalité c'est que les Croates, on en trouve non
25 seulement sur le territoire de la Herzégovine, mais également dans presque
26 toutes les régions de Bosnie-Herzégovine. Dans certains endroits, ils sont
27 en plus grand nombre. Dans d'autres, en minorité et dans d'autres encore,
28 très, très peu nombreux. Ces Croates se sont sentis menacer lorsque le
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1 conflit ouvert a été déclaré entre les Croates et les Musulmans parce que,
2 jusqu'à ce moment-là, ils ont résisté avec plus ou moins de bonheur à
3 l'agression serbe. Ils ont donc résisté ensemble à Karadzic. A partir de ce
4 moment-là, leur situation est devenue absolument insupportable si je puis
5 utiliser ce terme. C'est là que réside la plus grande erreur commise par la
6 Croatie, vis-à-vis de la Herceg-Bosna et de son fonctionnement. Je vais
7 parler du fait que cette politique ne défendait qu'une partie des Croates
8 résidant en Bosnie-Herzégovine.
9 C'est la raison pour laquelle j'ai dit, tout à l'heure, qu'il fallait
10 aussi laisser la place, de tenir compte de la réflexion de Kljuic sur ce
11 problème. Quand je l'ai dit au président Tudjman, il m'a répondu : "Lui ne
12 parle que dans l'ombre du président Izetbegovic." Or, cela n'était pas
13 vrai. Boban ne s'exprimait pas uniquement dans l'ombre du président
14 Izetbegovic. Il défendait les intérêts de gens, d'habitants croates, qui
15 résidaient dans un territoire où ils pensaient qu'il pouvait uni les uns
16 aux autres. Je parle de l'enclave de Posavina, et cetera, et cetera. Ce
17 sont de ces régions-là que venait la voix de ces Croates qui étaient
18 reprises et amplifiées par Kljuic et d'autres par la suite. Merci.
19 Q. Je vous demanderais maintenant, Monsieur, de passer aux pages 265
20 de votre ouvrage, premier paragraphe entier de cette page. Pour ceux qui
21 suivent en version anglaise, je parle de la page 3 de ce sous document.
22 Monsieur, à cet endroit du texte, vous faites mention de quelque
23 chose dont vous avez déjà parlé il y a quelques instants, à savoir qu'on
24 ait trouvé une référence à l'interview accordée par vous à Globus, le 21
25 janvier 1994. Donc, les propos qu'on trouve, là, ne sont pas l'expression
26 de votre pensée aujourd'hui, mais l'expression, apparemment, de votre
27 pensée en 1994, en janvier 1994, je cite : "Le titre indique que j'incite
28 Mate Boban à appeler les Croates à sortir ensemble de Bosnie pour se
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1 diriger vers les îles et l'Istria. Ceci a sans doute été la critique la
2 plus sévère et la plus radicale de la politique croate officielle vis-à-vis
3 de la Bosnie-Herzégovine, avec un accent particulier mis sur la guerre
4 entre les Croates et les Musulmans qui a atteint son point culminant à ce
5 moment-là."
6 Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre si vous avez des explications
7 complémentaires quant au moment où M. Boban a appelé les Croates à sortir
8 de Bosnie et de quelle façon cela s'intégrait, si tel était le cas, à la
9 politique menée à l'époque ?
10 R. Je pense que ceci a commencé avec l'accord conclut entre Karadzic et
11 Boban. La portion de l'accord qui ne respecte pas la répartition ethnique
12 sur le territoire de Bosnie-Herzégovine est le point de départ, si je puis
13 m'exprimer ainsi, de la politique qui a mené Boban à lancer cet appel aux
14 Croates de la région de Banja Luka, car c'est principalement de cette
15 région de Banja Luka que les Croates ont été expulsés. C'est là que l'on
16 voit la plus grande tragédie subite par les Croates en raison de cette
17 politique irréaliste poursuivie par le lobby herzégovien en Bosnie-
18 Herzégovine.
19 En tant que représentant politique, je me vois contraint de poser la
20 question de savoir ce qui se passait à ce moment-là. Est-ce que la Bosnie-
21 Herzégovine était vraiment à la veille d'un écroulement complet, je ne
22 pense pas. Je pense que la Bosnie-Herzégovine était toujours dans ses
23 frontières de l'AVNOJ reconnues par la communauté des nations et par les
24 Nations Unies et je pense qu'elle aurait dû conserver ses frontières, or,
25 c'est, effectivement, finalement ce qui s'est passé, même si dix ans ont dû
26 s'écouler entre-temps.
27 Mais s'agissant de discuter du démantèlement de l'écroulement interne
28 qui a eu lieu ou n'a pas eu lieu en Bosnie-Herzégovine, il faudra encore
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1 sans doute dix ans de discussion pour déterminer si oui ou non il a eu
2 lieu.
3 Q. Justement, sur ce point, au paragraphe suivant, vous
4 dites : "En dépit de tout, je pense encore que la Bosnie-Herzégovine ne
5 saurait s'écrouler."
6 Ceci étant dit, vous dites ensuite au paragraphe suivant : "Je suis contre
7 toute discussion au sujet d'une Croatie agrandie au dépends de ses voisins,
8 ce qui nous placerait dans une position d'agresseurs qui, par la force,
9 souhaitent s'arroger des territoires au dépends de tiers."
10 Vous dites qu'on ne devrait même pas en parler, mais qui en parlait de
11 cette Croatie étendue ?
12 R. Il y a deux choses à dire à ce sujet. Pourquoi est-ce que je dis ici
13 que la Bosnie-Herzégovine ne va pas s'écrouler, c'est premièrement parce
14 que le groupe ethnique le plus puissant, c'était les Musulmans et les
15 Musulmans étaient en faveur de cet Etat. Ils étaient en faveur d'une
16 Bosnie-Herzégovine unifiée.
17 La deuxième question est aussi d'importance. C'est que cette Bosnie-
18 Herzégovine était reconnue par la communauté internationale, ce qui fait
19 qu'il était plus difficile de la diviser et ce qui rendait également plus
20 difficile toute modification des frontières qui pouvaient peut-être être
21 souhaitée par d'aucuns pour servir leurs propres intérêts.
22 Q. Qui était ceux qui souhaitaient modifier le tracé des frontières,
23 ceux dont vous venez de parler maintenant. Vous dites
24 que : "La modification des frontières étaient rendue plus difficile de ce
25 fait, une modification que d'aucuns appelaient de leurs vœux." Qui étaient
26 ces autres personnes, ceux qui appelaient cette modification des frontières
27 de leurs voeux ?
28 R. Nous avons déjà dit que tout ce groupe d'Herceg-Bosna voulait modifier
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1 les frontières. Il faut également ajouter à cela, vous vous en souviendrez
2 peut-être, que quelques dix municipalités avaient demandé au président de
3 les protéger. Ces municipalités voulaient être annexées à la Croatie, donc,
4 d'une part, nous avons quelqu'un de menace qui souhaite être sauvé, donc,
5 ces petites municipalités, comment font-elles ? Elles essaient d'obtenir la
6 protection de la Croatie, mais les tenants de l'Herceg-Bosna, les
7 organisateurs de cette Herceg-Bosna, ils voulaient le faire de manière
8 déterminée, consciente, et la conséquence en aurait été la suivante.
9 On se demandait ce qui adviendrait de l'Herceg-Bosna, est-ce qu'elle
10 serait annexée à la Croatie ou est-ce que ce serait une sorte de république
11 bananière dans la région. Mais, ultérieurement, aux accords de Washington,
12 ceci a débouché sur la situation que nous connaissons actuellement et qu'il
13 convient de respecter, selon moi. Mais ceci ne peut pas être réalisé par
14 les partisans d'une politique de guerre contre les Musulmans, des gens
15 comme Boban, par exemple, et ceux qui l'ont suivi, ceux qui se prononçaient
16 en faveur de la guerre, en faveur de cette option. Cette nouvelle
17 politique, elle ne pouvait être menée que par ceux qui, même en temps de
18 conflit armé contre les Musulmans, indiquaient qu'il y avait d'autres
19 solutions, qu'on pouvait arriver à trouver un accord pour protéger tous les
20 groupes ethniques, pour protéger les Croates aussi bien que les Musulmans
21 et les Serbes. Je pense que ces gens-là ils vont occuper le devant de la
22 scène de plus en plus.
23 Le président Tudjman a remplacé Boban. Il lui a dit que ce n'était pas de
24 sa faute. Alors, c'était la faute de quelqu'un d'autre. Je ne sais pas s'il
25 faisait allusion à Susak ou à lui-même, cela on ne peut plus lui demander
26 maintenant. Mais le fait est qu'il a remplacé Mate Boban, qu'il l'a démis
27 des fonctions importantes qu'il occupait et il était favorable à une guerre
28 contre les Musulmans, ce qui signifie que selon lui, selon son
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1 appréciation, cet homme pouvait constituer un obstacle à la mise en œuvre
2 des accords de Washington et à la coexistence avec les Musulmans. Ce que je
3 lui ai dit, c'est : "Ne vous contentez pas de remplacer le seul Boban, il
4 faut remplacer tous ceux qui étaient en faveur de cette option," non pas
5 parce qu'il convient de se venger de ces gens-là, mais, tout simplement,
6 parce qu'ils sont incapables de mettre en œuvre ce qui est prévu par les
7 accords de Washington, c'est-à-dire, la coexistence au sein d'une
8 Fédération unie. Plus tôt, on fera partir toutes ces personnes, le plus
9 vite on regagnera la confiance des Musulmans qui à ce moment-là seront en
10 mesure d'accepter cette politique de coopération.
11 Ce qui ne veut pas dire que de l'autre côté, il n'y en avait pas qui
12 étaient en faveur de la guerre et qu'Izetbegovic n'aurait pas dû mener à
13 bien le même type d'exercice de son côté afin de jeter les bases d'une vie
14 normalisée au sein de la fédération. Parce qu'il faut voir se qui s'est
15 passé. Quand les accords de Washington ont été acceptés, ceux qui étaient
16 en faveur de la guerre n'ont eu cesse de chercher des obstacles, des
17 raisons empêchant la mise en œuvre des accords de Washington. Ils
18 n'arrivaient jamais à se mettre d'accord sur qui pourrait faire office de
19 président, sur les limites ou les délimitations de certains cantons, enfin,
20 tout ceci de leur part, c'était leur manière de manifester leur désaccord
21 avec cette nouvelle situation qui découlait des accords nouvellement signés
22 à Washington, l'Etat d'Herceg-Bosna et ses partisans ont formellement
23 accepté ces accords.
24 Je me souviens de Prlic lors d'une réunion nous avons parlé des
25 accords de Washington, et j'avais l'impression qu'il avait une attitude
26 constructive de cette question, il a énuméré les points sous lesquels il
27 convenait encore de travailler pour mettre en œuvre les accords de
28 Washington. Mais tout le monde n'avait pas le même état d'esprit. Certains
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1 cherchaient surtout à compliquer la situation de manière à ne pas mettre en
2 œuvre ces accords. Ce qui a suivi ce sont les accords de Dayton, plus
3 radicaux dans la résolution qu'ils apportent aux problèmes de la Bosnie-
4 Herzégovine.
5 Q. Maintenant, j'aimerais que vous vous référiez à la page 267 de votre
6 ouvrage, deuxième paragraphe.
7 M. SCOTT : [interprétation] Je signale à ceux qui lisent la version en
8 anglais, que cela se trouve à la page 4, troisième paragraphe.
9 Q. Paragraphe qui commence par les mots : "Les déclarations plus
10 fréquentes venant des plus hauts responsables au sujet de l'engagement de
11 l'armée croate contre les Musulmans 'pour défendre le peuple croate.' Ces
12 déclarations ne sont pas réalistes. Cette défense maintenant est pertinente
13 pour la Bosnie centrale, et si les choses continuent comme elles le font
14 actuellement, ce sera également pertinent pour la Neretva. La politique
15 doit tenir compte de toutes les conséquences d'un engagement militaire
16 éventuel sur le territoire d'un autre Etat souverain. Le monde
17 considérerait un tel engagement comme une agression de la Croatie contre un
18 Etat de Bosnie-Herzégovine qui a été reconnu au plan international. Nous
19 pourrions à ce moment-là subir le même traitement que la Serbie."
20 Que savez-vous, Monsieur, et pouvez-vous en faire par aux Juges de
21 l'engagement des forces militaires de la République croate en Bosnie-
22 Herzégovine à cette période, et en particulier, au cours de l'année 1993 ?
23 R. Dans un conflit il y a plusieurs manières de voir la situation évoluée
24 et de voir le conflit amplifié -- s'étendre. D'abord, il y a des
25 volontaires qui sont allés sur place, des gens qui étaient nés sur place,
26 mais qui vivaient à Zagreb ou dans d'autres région de la Croatie même
27 ailleurs dans le monde. Ceci était justifié aussi bien du point de vue de
28 la communauté internationale que du point de vue de ces gens qui étaient en
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1 faveur du conflit contre les Musulmans. Mais, en raison du potentiel très
2 fort des Musulmans, les forces croates ont connu de grandes difficultés.
3 Elles ont été repoussées.
4 Une femme musulmane m'a même déclaré : "Encore un peu et on va les
5 repousser jusque dans la mer." Cela c'était à la fin 1993, au début de
6 l'année 1994 aussi.
7 A ce moment-là, les dirigeants croates, le président et le commandant
8 suprême, ont dû se demander ce qu'il convenait de faire pour éviter une
9 catastrophe militaire -- un désastre militaire en Bosnie-Herzégovine. Le
10 président Tudjman, vu ce qui figure dans la constitution croate et qui
11 précise que la Croatie ne peut utiliser son armée contre un autre Etat avec
12 l'approbation du parlement -- donc, le président Tudjman, vu ceci, avait
13 une certaine marge de manœuvre pour trouver les moyens d'aider les forces
14 du HVO en Bosnie-Herzégovine, les forces qui étaient au bord de la
15 catastrophe. Une solution qu'ils pouvaient trouver donc sans pour autant
16 entrer en contravention de la stratégie internationale -- la politique
17 internationale interdisant tout engagement militaire contre un autre Etat.
18 Nous, notre constitution d'ailleurs nous l'interdisait également, si bien
19 qu'on ne pouvait pas permettre que la Croatie soit -- on ne puisse pas dire
20 que la Croatie puisse être accusée d'avoir engagée une guerre contre les
21 Musulmans en Bosnie-Herzégovine parce que ce n'a pas été le cas tout
22 simplement. Certes, il y a eu un engagement. On peut en accuser le
23 commandement Suprême. Il y a des éléments qui l'indiquent. Pour le ministre
24 de la Défense aussi, beaucoup d'éléments indiquent qu'il a été impliqué,
25 mais il a abusé de ses fonctions, ceci afin d'atteindre des objectifs qui
26 n'étaient pas des objectifs de l'Etat croate dans son ensemble et qui
27 n'étaient pas conforme à la constitution croate.
28 Q. Soyons bien clair sur ce point, Monsieur. En dehors de la question de
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1 la légalité de telles entreprises au vu de la constitution croate, est-ce
2 que vous affirmez que le président de l'Etat, le ministre de la Défense de
3 ce même Etat, ainsi que d'autres comme des hauts responsables de l'armée
4 croate, plutôt des hauts responsables de l'Etat, ont envoyé certains
5 éléments de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine; est-ce que c'est ce que
6 vous êtes en train de dire ?
7 R. Il faudrait lire les comptes rendus des réunions voir les paroles
8 prononcées par le président Tudjman voir quelle était sa position et
9 comment il l'a défendue. Il a dit très clairement : "Nous ne pouvons pas
10 entrer en conflit avec la communauté internationale en déployant l'armée
11 croate, mais nous allons aider de toutes les manières possibles les gens
12 là-bas." On sait très bien comment une aide a été apportée au HVO et à
13 l'Herceg-Bosna, à ce moment-là.
14 Je crois qu'on les a aidé de cette manière, et c'est ce qu'il y a eu de
15 plus positif au cours de ce conflit. Vu la position du HVO en Bosnie-
16 Herzégovine, les dirigeants de l'Herceg-Bosna ainsi que le président
17 Tudjman et Gojko Susak ont été contraints de trouver des solutions par le
18 biais des négociations, des solutions pacifiques. C'est ce qui a débouché
19 sur l'adoption des accords de Washington. C'est la solution qui a été
20 trouvée. Il y avait dans les accords de Washington une disposition
21 extrêmement positive qui précisait que la fédération, une partie de la
22 Fédération pouvait constituer non pas une coalition, mais une Confédération
23 avec la Croatie.
24 Tous les pécheurs qui s'étaient prononcés en faveur de la guerre de cette
25 option-là, ceux qui voulaient rattacher la région à la Croatie, à la mère
26 patrie, tous ceux-ci ont trouvé les justification de leur comportement dans
27 -- ou de leurs vœux dans cette disposition des accords de Washington, mais
28 ces dispositions-là elles n'ont jamais été mises en œuvre. D'ailleurs,
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1 elles sont complètement absentes des accords de Dayton parce qu'en fait,
2 cela aurait eu des conséquences encore plus désastreuses, et non pas
3 seulement en Bosnie-Herzégovine, mais en Europe et partout dans le monde
4 parce que, partout sur la planète, il y a des difficultés causées par la
5 cohabitation de groupes ethniques ou de groupes nationaux qui habitent sur
6 d'autres territoires.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Permettez-moi d'intervenir parce qu'il me semble que
8 vous mélangez plusieurs éléments.
9 La question qui vous a été posée était de savoir comment, compte tenu des
10 difficultés du HVO, une aide a été apportée. Vous avez répondu à la page
11 29, ligne 12, que le président Tudjman a dit que nous ne pouvions entrer en
12 conflit et qui n'était pas possible --
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Un conflit légal.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Qu'à ce moment-là, il fallait aider le HVO par
15 diverses manières. Alors, ce qui m'importe c'est de savoir, avant les
16 accords de Washington, comment la Croatie a aidé le HVO ? Alors, vous le
17 savez ou vous ne le savez pas. Si vous ne savez pas, vous dites : "Je ne
18 sais pas." Si vous le savez, bien, vous nous donnez les informations que
19 vous aviez.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dispose de certaines informations qui
21 reposent sur des éléments que je connais personnellement. D'abord, il y a
22 la question des armes, des armes qui venaient des dépôts d'armes croates,
23 et ceci, par le biais du ministère de la Défense de la République de
24 Croatie. Quant au financement de ce groupe, il s'est fait par un certain
25 nombre de filières et ce ne sont des filières légales parce que si on avait
26 procédé de manière légale, à ce moment-là, il aurait fallu qu'il y a un
27 poste au budget de l'Etat croate qui prévoit : "Le financement d'une aide
28 envers la Herceg-Bosna." Mais, non, cela ne figurait pas au budget;
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1 cependant, il fallait bien trouver des fonds et cela s'est fait par le
2 truchement du ministère des Finances, du ministre des Finances et des
3 banques croates. Il y a également d'autres institutions, plutôt les
4 branches des banques en Herceg-Bosna qui en ont contribué.
5 Il faut aussi dire que les accords de Washington, ils ont été
6 acceptés après quelque chose dont nous nous souvenons tous. Quelque chose
7 qui a été dit au Conseil de Sécurité des Nations Unies, à savoir qu'il y
8 avait des éléments de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine. Ceci a été dit.
9 Ce qui signifie que les Nations Unies ainsi que le Conseil de Sécurité
10 disposaient d'informations leur permettant de tenir de tels propos. Le
11 président Tudjman ainsi que les dirigeants de la Herceg-Bosna n'ont pas pu
12 le nier.
13 Bon, je ne veux pas m'appesantir sur ce fait.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre niveau, saviez-vous, à l'époque, qu'il y
15 avait des éléments de l'armée croate qui étaient en Bosnie-Herzégovine ?
16 Est-ce que vous, vous le saviez ?
17 R. Légalement, on ne savait pas que c'était un secret mais il existait des
18 filières illégales. On pouvait arriver à le savoir. Il n'y avait aucun
19 document sur tout ceci. De tels documents n'existaient pas.
20 Il y avait trois étapes. Trois étapes : D'abord, il y a les
21 volontaires qui intervenaient sur place, qui sont intervenus. Ensuite, il y
22 a certains éléments des unités spéciales qui étaient nécessaires pour
23 renforcer le HVO. Ces éléments-là ont été envoyés sur place. Puis, quand le
24 Conseil de Sécurité a eu vent de la chose, il devait disposer de beaucoup
25 d'éléments d'informations lui permettant de l'affirmer publiquement parce
26 qu'on sait très bien, c'est très connu, c'est bien connu. Il y avait des
27 milliers d'agents de renseignements dans cette région. Des gens qui
28 relevaient de toute sorte d'organisations du renseignement, le Bataillon
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1 britannique, le Bataillon français, et cetera. Donc, tous ces gens-là, ils
2 ont envoyé des gens sur place, des gens sur place qui renvoyaient des
3 informations, des renseignements au sujet de ce qui se passait dans la
4 région. Ce n'était donc un secret pour personne. Mais cela restait secret
5 pour les médias, pour l'opinion publique. Dans les médias, on en parlait
6 peu.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit, à un moment donné, que le ministre de
8 la Défense par rapport à Tudjman aurait outrepassé sa mission. Pouvez-vous
9 m'apporter des éclaircissements sur ce que vous aviez dit, tout à l'heure,
10 sur le positionnement du ministre de la Défense dans cette aide logistique
11 par les divers moyens que vous avez indiqués au HVO ? En quoi le ministre
12 de la Défense avait été au-delà de ce qu'on pu attendre de lui ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Le président Tudjman était le commandant en
14 chef des armées. Le ministre de la Défense ne relevait qu'en partie du
15 secteur militaire. Je crois que, très souvent, il y avait des recoupements
16 entre les différents ressorts, des adaptions. Il arrivait que le ministre
17 de la Défense fasse des choses, entreprenne des choses qui ne soient pas
18 approuvées parfois par le président. Cela s'est produit effectivement. On
19 pourrait en parler plus en détail si c'est nécessaire, si bien que les
20 relations entre le commandement suprême et le ministère de la Défense ou le
21 ministre de la Défense sont les suivantes : le ministre de la Défense
22 désigné par le commandant suprême, le commandant en chef, le président de
23 la république. Donc, il relève de ce président. C'est à lui qu'il doit
24 rendre des comptes.
25 Cependant, il arrivait très souvent que moi, dans mes interventions
26 publiques, je ne m'attaque pas ou je ne m'adresse pas au président, mais
27 plutôt au ministre de la Défense parce que j'estimais que c'était lui qui
28 était la cheville ouvrière de cette politique catastrophique, politique
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1 catastrophique pour le peuple croate. Je le sais également par ce fait, la
2 possibilité au président d'exprimer sa propre position mais comme on l'a
3 vu, il a accepté la responsabilité de cette politique qui était mise en
4 œuvre en Bosnie-Herzégovine et je ne peux pas l'aider, lui, de quelque
5 manière que ce soit.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Quel était le nom du ministre de la Défense ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Le nom du ministre de la Défense était Gojko
8 Susak.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, d'abord, à la page
11 31, vous avez posé une question directe au témoin. Page 31, ligne 14, vous
12 lui avez demandé : "S'il avait une connaissance directe de ces éléments, à
13 l'époque ?" Premièrement, je voudrais savoir de quelle période nous
14 parlons. Je veux savoir, deuxièmement, quel était son poste à
15 l'époque parce que, s'il le savait, à ce moment-là, il devait forcément
16 être au gouvernement et il est possible, à ce moment-là, qu'il s'accuse
17 lui-même -- qu'il s'incrimine lui-même. Donc, je voudrais savoir quelle
18 était l'époque et de quoi on parlait.
19 M. SCOTT : [interprétation] Bien, pour le compte rendu d'audience, Monsieur
20 le Président --
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Un bref constat. Ce type de question peut être posée
22 dans le cadre du contre-interrogatoire. Mais concernant la date, quelle
23 était, à l'époque, votre position ? Etiez-vous parlementaire ? Aviez-vous
24 une fonction ministérielle ? Etiez-vous conseiller du président ? Au moment
25 où vous saviez qu'il y avait des envois d'aide, quelle a été votre
26 fonction, à l'époque ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, j'étais président de la Chambre
28 des hautes du parlement croate, la Chambre des comtés. Ce n'était pas un
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1 poste exécutif. J'étais président d'une Chambre parlementaire où on
2 discutait des activités législatives, donc, je n'avais pas de fonction
3 exécutive.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez le président de cette Chambre, de quelle
5 date à quelle date ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] De mars 1993 à avril 1994, une année. C'est la
7 période dont nous parlons actuelle, la période critique, mais j'avais une
8 activité politique par le biais de discussions, d'entretiens, et cetera.
9 Mais c'est une chose que de participer à la politique de cette manière et
10 une autre de prendre des décisions dont on a à répondre ensuite. Cela,
11 c'est complètement différent.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Très vites, Monsieur Praljak, parce qu'il faut faire
13 la pause.
14 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je souhaiterais que soit apporter une
15 correction au compte rendu d'audience. M. Manolic a donné le nom du
16 ministre de la Défense, Gojko Susak. Mais il a dit, Susak. Je pense qu'il
17 est important de connaître clairement le prénom et le nom de famille de la
18 personne dont on parle, c'est Susak et pas Susak.
19 M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait lui demander s'il
20 était membre du Conseil de Sécurité, à l'époque, et s'il a participé à des
21 discussions qui ont été consignées dans le cadre des transcripts
22 présidentiels ?
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Le prénom du ministre de la Défense ? Monsieur
24 Manolic, quel était le prénom du ministre de la Défense ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Le ministre de la Défense s'appelait Gojko
26 Susak. Gojko, c'était son prénom; Susak, son nom de famille. Est-ce que
27 c'est bon ?
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question sur l'intervention de Me Karnavas.
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1 Avez-vous fait partie du conseil, avez-vous été membre du Conseil de
2 Sécurité ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. D'office puisque j'étais président
4 du parlement, donc j'étais membre de ce conseil. On peut voir dans les
5 comptes rendus des discussions quelles étaient mes positions et quelles
6 étaient les positions qui étaient défendues par d'autres, donc, le
7 président.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que le président de la Chambre est membre de
9 droit du Conseil de Sécurité ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, automatiquement, mais il n'en reste pas
11 moins qu'il doit être désigné par le président.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Désigné par le président ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. J'ai été nommé par le président
14 ainsi que les autres membres de ce conseil.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire la pause pendant 20 minutes et
16 nous reprenons à 11 heures moins 10.
17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
18 --- L'audience est reprise à 10 heures 49.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous avons jusqu'à midi et demi.
20 Monsieur Scott.
21 M. SCOTT : [interprétation]
22 Q. Monsieur, avant de passer à un autre document, ou plutôt, avant de
23 poursuivre avec l'examen de votre livre, sur la base des questions posées
24 par M. le Président, je voudrais que l'on aborde la question des
25 financements. Je pense que vous avez répondu en pensant plus
26 particulièrement à l'aide militaire, à savoir, l'armement, est-ce que vous
27 pouvez fournir des éléments d'information aux Juges au sujet de l'Herceg-
28 Bosna et le HVO en général, comment étaient-ils financés ?
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1 R. Je n'ai pas d'information directe là-dessus. A ce sujet, ce sont les
2 ministres des Finances de l'époque, ministres croates, qui peuvent fournir
3 des informations directes ainsi que certains banquiers par l'entremise
4 desquelles ces transactions ont été faites.
5 Q. Il n'empêche que vous étiez un haut fonctionnaire du gouvernement
6 croate; est-ce que vous saviez comment ces financements étaient assurés ?
7 R. Illégalement, uniquement. En partie, certainement, à partir de l'aide
8 rassemblée à l'extérieur, au Canada, en Australie et ailleurs, une partie
9 certainement passait par les finances croates.
10 M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, mais le témoin
11 mentionne certains postes et il faudrait peut-être bien qu'il cite des
12 noms. Page 36, la ligne 8, qui nous dit qui était le ministre des Finances,
13 qui étaient ces hommes qu'il évoque ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur l'avocat, vous pouvez trouver cela.
15 Ne me demandez pas à moi d'être votre espion -- votre agent qui va vous
16 donner des noms.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Le problème, c'est que nous sommes dans une
18 procédure orale. Ce qui compte, c'est ce que vous nous dites, le tout
19 appuyé par des documents. Donc, si le nom du ministre des Finances que vous
20 connaissez, vous nous ne le dites pas, et si je ne l'ai pas dans un
21 document, nous pouvons avoir un problème. Donc, c'est pour cela que Me
22 Kovacic souhaitait connaître le nom parce que le nom va apparaître après
23 sur l'écran qui est devant vous et les Juges, lorsqu'ils rédigeront le
24 jugement, pourront, le cas échéant, citer le nom du ministre des Finances.
25 Voilà, alors dans votre souvenir, si vous connaissez le nom du ministre des
26 Finances, vous nous le dites. Si vous ne vous en rappelez plus, vous dites
27 que vous avez oublié. Est-ce que vous pouvez nous préciser ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me rappelle pas les noms, ce nom-là non
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1 plus, même si je connais tous ces ministres qui ont occupé les différents
2 postes au sein des différents gouvernements croates. Cependant, je pourrais
3 faire une erreur, alors je préfère ne rien dire. Mais ce sont des
4 informations légales -- des fonctions légales. On peut trouver cela. Ce
5 sont des ministres qui ont exercé des fonctions de telle à telle date dans
6 à ces postes-là.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Kovacic.
8 M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie. Excusez-moi d'interrompre,
9 mais quelques lignes plus haut, le témoin a mentionné des banques
10 également; est-ce qu'il peut nous citer des noms de quelques banques
11 croates, il y en a beaucoup en Croatie ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est la Privredna banka, la
13 banque commerciale et la banque de Zagreb, Zagrebacka banka, c'est par ces
14 banques-là que les transactions ont eu lieu.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, vous avez cité deux banques.
16 Monsieur Scott.
17 M. SCOTT : [interprétation]
18 Q. Monsieur, si vous pouviez aider les interprètes, ils n'ont pas eu le
19 deuxième nom de banque; est-ce que vous pouvez le répéter ? Nous avons la
20 banque Privredna.
21 R. Oui, la banque de Zagreb, Zagrebacka.
22 Q. Pour enchaîner là-dessus, dans le domaine des finances, est-ce que vous
23 n'avez jamais été informé ou est-ce que vous n'avez jamais fait des calculs
24 sur les coûts pour le gouvernement croate d'apporter son appui au HVO dans
25 cette guerre contre les Musulmans de Bosnie-Herzégovine ?
26 R. Je pense que j'ai fait cette analyse dans un entretien. Le fondement de
27 mon calcul -- de mon analyse en était les effectifs du HVO en Bosnie-
28 Herzégovine de l'époque; c'est sur la base de cela que j'ai fait mon
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1 calcul. Je pense que je suis arrivé à un montant d'un milliard et quelques
2 dollars, que cela a été cela le coût de cette guerre pour nous, la guerre
3 en Bosnie-Herzégovine, pour nous ou le coût du HVO. Les effectifs, j'ai su
4 leur nombre grâce au ministère de la Défense, l'adjoint du ministre chargé
5 de la Mobilisation connaissait les effectifs des unités armées du HVO, pas
6 de la HV, en Bosnie-Herzégovine.
7 M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi, mais, encore une fois, le même
8 problème. Le témoin dit que c'est en passant par le ministre adjoint chargé
9 de la Mobilisation qui lui a fourni ces informations au ministère de la
10 Défense; est-ce qu'il connaît son nom ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ademic [phon], c'était le nom de l'homme. Il
12 était chargé en ministère des listes et, en même temps, il procédait à la
13 mobilisation des personnes nées en Bosnie-Herzégovine alors que ces gens-là
14 résidaient en Croatie.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Praljak.
16 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Ademic ou Ademnic, Monsieur Manolic ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, je n'ai plus toutes mes dents.
18 Excusez-moi, on sait de quoi on parle, c'est Adanic.
19 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Donc, ce n'est pas Ademic. C'est
20 Adanic, et il est né à Varazdin, en Croatie du Nord.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, nous savons tout cela.
22 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Il était fonctionnaire auprès du
23 ministère croate de la Défense.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il était adjoint du ministre, il était
25 nécessairement fonctionnaire, enfin, si vous voulez vraiment que moi aussi
26 je coupe les cheveux en quatre.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, c'était M. Adanic. Mais vous avez dit
28 quelque chose. Vous dites qu'il établissait, il faisait partie -- bien, là,
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1 à partir de liste de Croates nés en Bosnie-Herzégovine. Comment pouvait-il
2 avoir les listes de Croates nés en Bosnie-Herzégovine ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que ce n'était pas une liste très
4 précise, mais qu'on savait à peu près qui étaient les Hercegora [phon] qui
5 étaient sur place. Au moment de la crise du HVO - crise militaire - lorsque
6 le HVO s'est trouvé acculer par l'ennemi, on a procédé à la mobilisation à
7 Zagreb et on a demandé à ces gens de se rendre en Bosnie-Herzégovine -- de
8 se rendre dans les rangs du HVO pour une partie d'entre eux. Je ne peux pas
9 vous dire combien, mais je sais qu'une partie d'entre eux ont répondu et
10 ils y sont allés.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous venez de dire que la mobilisation s'est
12 effectuée à Zagreb.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. A Zagreb, voire à d'autres localités
14 croates. On peut dire dans toute la Croatie.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.
16 M. SCOTT : [interprétation]
17 Q. Monsieur, la page 281, est-ce que vous pourriez la tourner dans votre
18 livre ? Dans la version anglaise ce sera l'extrait suivant qui commence en
19 première page, numéro 11. L'intitulé est : "Le début de la crise
20 parlementaire." Donc c'est au point 11.
21 Monsieur Manolic, donc, ce sera la page 281 de votre livre. A un moment
22 donné, est-ce que vous avez demandé que soit qu'on renvoie M. Susak soit
23 qu'il présente sa démission de ses fonctions au gouvernement croate ?
24 Compte tenu de tout ce que vous nous avez dit ce matin, est-ce que vous
25 l'avez demandé ?
26 R. Dans une situation normale, suite aux défaites essuyées par le HVO en
27 Bosnie-Herzégovine, il aurait été normal que l'auteur ou le protagoniste
28 principal de cette politique quitte ses fonctions. Tel a été l'objectif de
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1 mon entretien, en ce moment-là. Alors, la question était de savoir si le
2 président de l'Etat allait choisir cette option-là ou s'il allait préférer
3 à celle-ci le renvoi du président du parlement, le renvoi du président de
4 la Chambre autre que j'étais à l'époque. C'est la deuxième option qu'il a
5 choisi et c'est à ce moment-là qu'on a vu naître la crise dont je parle
6 ici.
7 Q. Pour revenir à ce qu'on a déjà évoqué hier, Monsieur, vers la fin de
8 votre déposition hier, à un moment donné au fond, vous défendiez une
9 position, M. Susak en défendait une autre, et finalement, c'est vous qui
10 avez dû quitter le gouvernement.
11 R. Non, pas le gouvernement, mais c'était le commandant suprême, le
12 président Tudjman, car le gouvernement croate ne s'intéressait guère aux
13 problèmes de l'Herceg-Bosna de cette période-là. Le gouvernement croate
14 s'intéressait davantage aux problèmes économiques, aux problèmes de la
15 transition, reprivatisation, les affaires courantes, normales pour tout
16 gouvernement. Donc, le commandant suprême, en agissant par le truchement du
17 ministre de la Défense, avait le champ libre. Il était libre d'agir, de
18 prendre l'initiative, et de temps à autre, d'autres personnes ont pris part
19 également.
20 Q. Alors, plus loin sur la page 281, le paragraphe suivant, vous semblez
21 dire qu'il ne s'agit pas seulement d'un conflit de personnalité entre vous
22 et M. Susak, et vous dites : "En réalité, cela a été un conflit entre deux
23 politiques totalement différentes et incompatibles, l'une qui a attisé ou
24 lancé la guerre entre les Croates et les Musulmans de Bosnie-Herzégovine et
25 qui défendait la division d'un Etat internationalement reconnu."
26 Est-ce que vous avez besoin de boire de l'eau ?Cela va ? Vous allez
27 bien ?
28 R. Je me sens bien. Vous savez, ce sont des toux d'un vieillard. Est-ce
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1 que vous pouvez reprendre votre question, s'il vous plaît ?
2 Q. Oui. Bien entendu. Monsieur, j'étais en train de donner lecture du
3 paragraphe suivant de votre livre. D'une part, il avait la position qui
4 défendait la guerre entre les Croates et les Musulmans de Bosnie-
5 Herzégovine et la division d'un Etat internationalement reconnu ainsi que
6 l'établissement de liens ou l'intégration de la soi-disant Herceg-Bosna au
7 sein de la République de Croatie, et puis l'autre position était celle qui
8 depuis le début de la crise en Bosnie-Herzégovine insistait sur la
9 nécessité de préserver l'intégrité du territoire de Bosnie-Herzégovine,
10 l'union des Croates et Musulmans.
11 Mme NOZICA : [interprétation] Excusez-moi, s'il vous plaît, mais il
12 faudrait tirer au clair un point. Il me semble que le moment est venu de
13 faire cela. A plusieurs reprises, le Procureur dit : "Votre livre." Alors,
14 ce que l'on vient d'entendre est-ce que ce sont des propos de M. Manolic ou
15 de la personne qui a rédigé le livre ? Car c'est à la troisième personne
16 que cela est raconté -- que le récit est raconté, est-ce que c'est M.
17 Manolic ? Parce que, d'après ce que j'ai compris, ce n'est pas un livre
18 rédigé par M. Manolic. C'est un livre sur M. Manolic et sur ses procès-
19 verbaux. C'est ce qu'on voit en première page. On voit qui est derrière la
20 mise en page -- la rédaction de ce livre reprenant les entretiens de M.
21 Manolic et ces procès-verbaux.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que vous n'avez pas raison. Ce sont
24 des entretiens que j'ai accordés directement, et il y a le commentaire de
25 celui qui d'une certaine manière a préparé cette édition. Je pense que cela
26 ressort tout à fait clairement du texte et on voit où il s'agit du
27 commentaire du rédacteur et où il s'agit de mes propos propres.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
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1 Alors, Monsieur Scott, faites bien ressortir quand il s'agit des
2 propos propres du témoin et quand il s'agit de commentaires vous l'indiquez
3 afin qu'il n'y est pas de confusion. Bien, l'objection était tout à fait
4 valable et intéressante.
5 M. SCOTT : [interprétation] Je présente mes excuses à la Chambre. Je ne
6 peux pas lire l'original, donc, je serais mal placé pour faire cela. Il
7 faudrait que le témoin nous aide, et je pense que si le conseil pense --
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous aider aussi.
9 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, à ce sujet, un élément
10 complémentaire puisque nous ne savons pas quelle est la portion du livre
11 qu'on vous a traduit, on vous a traduit certainement juste quelques
12 fragments, et il semblerait que c'est une sélection, un choix de différents
13 -- d'un certain nombre d'entretiens donnés sur une certaine période. Donc,
14 pour chaque entretien, il faut savoir de quelle période il s'agit.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
16 Alors, Monsieur Scott, continuez --
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux répondre à
18 Me Kovacic ? Mais chaque entretien montre à quel moment il a été accordé et
19 à quel journal, et il n'y a aucune confusion possible là-dessus. Je pense
20 que c'est respecté dans le livre.
21 M. KOVACIC : [interprétation] Est-ce que je peux répondre pour ne pas
22 prêter à confusion. Monsieur Manolic, ce que vous dites est tout à fait
23 exact, mais cela n'a pas été consigné au compte rendu d'audience. Dans le
24 compte rendu d'audience, on ne sait pas de quoi parle le témoin et c'est le
25 compte rendu d'audience qui en fin de compte est important pour nous.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Monsieur Scott, quand vous posez la question,
27 bien replacez la question par rapport au livre, à savoir si c'est le témoin
28 ou celui qui a participé au livre et essayez de donner une date puisque le
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1 témoin semble avoir une parfaite mémoire, donc, il peut très facilement
2 restituer cela dans le temps.
3 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je vais faire de mon
4 mieux. Je présente mes excuses encore une fois, comme je l'ai dit, mais
5 puisque je ne suis pas capable de lire le Croate, ceci me sera difficile,
6 mais je vais essayer d'inviter le témoin à nous aider.
7 Pour le compte rendu d'audience, il serait important de savoir, c'est
8 en 1995 qu'on a publié ce livre. Sur la base de tout ce qui a été dit, en
9 particulier hier, j'ai du mal à croire que c'était une surprise. C'est une
10 livre qu'on peut trouver dans n'importe quelle librairie de Zagreb et les
11 équipes de la Défense savent du moins depuis le mois de mars que ce témoin
12 allait venir et cela me surprendrait vraiment qu'ils ne se soient pas
13 procuré ce livre depuis longtemps. Enfin, il n'empêche que je vais essayer
14 de faire de mon mieux pour aider.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Nozica.
16 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur Scott. Oui, précisément, nous
17 avons lu ce livre et c'est la raison pour laquelle je suis intervenue. Je
18 viens de consulter le compte rendu d'audience et cette partie-là qu'il est
19 en train de prêter au témoin M. Scott, j'ai vérifié la traduction et j'ai
20 vu que le dernier paragraphe -- enfin, l'avant dernier dit : "L'exclamation
21 de Manolic contre le président Tudjman," donc, il est évident, d'après la
22 traduction de ces pages, que cela a été rédigé par quelqu'un d'autre,
23 édité. Ce ne sont pas les propos de M. Manolic. Donc, c'est uniquement sur
24 ce point-là que je suis intervenue, que les portions de son entretien lui
25 soient présentées là où il s'exprime.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Monsieur Scott, peut-être reprendre la question
27 et puis tirer cela au clair pour savoir si c'est lui ou celui qui a
28 travaillé avec lui au livre.
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1 L'INTERPRÈTE : Remplacer le président Tudjman par M. Susak.
2 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
3 Q. Monsieur Manolic, vous venez d'entendre les arguments des conseils
4 depuis quelque temps. Donc, si vous examinez les différents extraits de
5 votre livre, est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, nous aider en nous
6 précisant où il s'agit de votre propos pour distinguer ces endroits des
7 endroits ou c'est quelqu'un d'autre qui s'exprime ou si on vous prête des
8 propos, une position, de nous dire si cela est fait fidèlement ? Est-ce que
9 vous pouvez nous aider ainsi ?
10 R. Je pense que nous pouvons nous mettre d'accord parce qu'à côté de
11 chaque entretien, on voit la date ainsi que le journal auquel on a accordé
12 l'entretien. De même, l'éditeur fait un petit commentaire et, par la suite
13 je réponds aux questions du journaliste. Ce que l'on voit encore à l'écran,
14 bien entendu, ce qu'on y voit, c'est ce que je dis. Je réponds aux
15 critiques qui disaient que c'était un conflit personnel entre moi et M.
16 Susak, ministre de la Défense. A ce moment-là j'ai été catégorique dans ma
17 réponse, j'ai dit que ce n'était pas un conflit personnel, que c'était un
18 conflit entre deux politiques et que je pensais que sa politique était
19 fatale pour les intérêts de l'Etat croate et du peuple croate en Bosnie-
20 Herzégovine et je pense que là j'ai été tout à fait clair.
21 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, j'essaie
22 juste de m'assurer de tout ce qui a été dit ce matin. Je revois maintenant
23 un peu pour voir si on ne peut pas gagner un petit peu de temps. Excusez-
24 moi, je vais avoir besoin de l'aide.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pourrais peut-être vous aider, moi. Je veux
26 dire, aider la Défense à ce qu'elle trouve ses repères dans mon livre.
27 Prenez la page 357 et la même chose s'applique à chaque entretien, vous
28 voyez : "Entretien publié le 14 janvier 1995 dans Novi List." Donc, c'est
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1 uniquement cette période-là et vous avez l'intégralité de mes propos, donc
2 mon analyse des événements dans son intégralité, je pense que ceci ne peut
3 pas prêter à confusion, absolument pas.
4 M. SCOTT : [interprétation]
5 Q. Page 287, s'il vous plaît, de votre livre, pouvez-vous tourner ces
6 pages-là, deuxième paragraphe ? Dans la version anglaise, pour ceux qui
7 suivent en anglais, ce sera la troisième, la dernière page de cet extrait,
8 vers la fin de la page. Encore une fois, Monsieur, est-ce que c'est vous
9 qui vous exprimez ici ? Il y a un paragraphe ici qui répond quelque chose
10 qui vous a été demandé par le président Antonetti il y a quelques moments.
11 Donc, il est dit ici : "Même les espions les plus bas placés en bas de
12 l'échelle étaient au courant des camps de concentration depuis le premier
13 jour où ces camps ont été lancés. Comment Gojko Susak aurait-il pu ne pas
14 le savoir ? Toutefois, ce n'est pas au sujet du fait que Gojko Susak ait su
15 que les camps de concentration existaient, qui a terni l'image de l'Etat
16 croate et les intérêts nationaux croates et qui a compromis les Croates
17 d'un point de vue civilisationnel [phon], culturel et politique, et ce, en
18 tant que ceux qui sont partiellement responsables de la guerre en Bosnie.
19 Il ne faudrait pas maintenant gaspiller du temps en parlant de cela, cela
20 appartient au passé. Maintenant, je veux savoir qui a pris la décision
21 politique pour contrer les camps de concentration en Herceg-Bosna ? Qui
22 plus est, qui a décidé d'assiéger Mostar pendant des mois, qui a décidé de
23 détruire le vieux pont ?"
24 Est-ce que vous avez dit cela ?
25 R. Oui, ce sont entièrement mes propos, mes propos prononcés pendant cette
26 période-là où j'ai donné cet entretien lorsque j'ai analysé les événements.
27 Q. Monsieur, est-ce que vous avez apporté des réponses aux questions que
28 vous posez ici ?
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1 R. Non. Aucune réponse concrète n'a jamais été apportée à cette question,
2 mais je pense que ce qui est tragique c'est que désormais, il incombe à ce
3 Tribunal de définir quelles sont les véritables réponses à ces questions.
4 Q. Paragraphe suivant, nous lisons les mots suivants qui, par conséquent,
5 a commencé la guerre contre les Musulmans." Un peu plus bas, nous lisons
6 les mots suivants : "Celui qui a commencé la guerre doit répondre de ses
7 responsabilités. C'est un fait que le ministre Susak est l'une des
8 personnes qui a, le plus, participé à la mise en œuvre de la politique
9 croate vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine."
10 Alors, est-ce que ce sont des mots émanant de vous ? Si oui, dites-le;
11 sinon, dites qui a prononcé ces mots.
12 R. Oui, oui, ce sont des mots prononcés par moi. Aucun problème, aucune
13 ambiguïté à ce sujet. Il est très facile à la lecture de cet article de
14 distinguer entre les propos émanant du rédacteur du journal et les propos
15 émanant de moi. Mes mots ont été publiés de façon très claire. Aucun
16 problème, ce sont des mots émanant de moi, agrémentés de commentaires
17 supplémentaires.
18 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais j'ai
19 du mal à me retrouver dans la numérotation des pages.
20 Q. Monsieur Manolic, j'aimerais maintenant que vous portiez votre
21 attention sur la page 283 de votre ouvrage. Pour ceux qui suivent en
22 anglais, il s'agit d'un extrait qui commence en haut de la page par les
23 mots : "La réponse du président Tudjman." Ce sont les mots qui figurent au
24 début de cet extrait dans la version anglaise. Si vous avez trouvé ce
25 passage, Monsieur, j'indique que je passe maintenant à la page 2 de la
26 traduction de cet extrait, premier paragraphe de la page 2.
27 Encore, Monsieur Manolic, je vous renvoie à la page 283, deuxième
28 paragraphe de cette page.
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1 Je vous demande encore une fois, Monsieur, si ce sont bien des mots
2 prononcés par lui, je cite : "Tous ces responsables politiques croates
3 qu'il y a encore peu de temps que la coexistence en Bosnie-Herzégovine
4 n'était qu'artificielle devaient avoir honte aujourd'hui de leurs
5 déclarations parce que ces déclarations étaient infondées sur le plan
6 historique ou dans la réalité actuelle de la Bosnie-Herzégovine."
7 Est-ce que vous êtes l'auteur de ces mots ?
8 R. Oui, tout à fait. C'est une polémique que j'engage avec tous ceux qui
9 cherchaient une solution aux problèmes de la Bosnie-Herzégovine par
10 l'option belliqueuse. Je veux parler de Karadzic, Mate Boban et de tous
11 ceux qui souhaitaient régler les problèmes intérieurs de la Bosnie-
12 Herzégovine par la voie des armes.
13 Q. Quand vous dites "Qu'il prétendait que la coexistence avait été --"
14 R. Je pourrais expliquer de façon plus détaillée ce que je pensais, à
15 l'époque. Mon objectif principal était toujours de chercher une solution
16 qui constituerait une issue à tel ou tel problème déterminé et la question,
17 de savoir pourquoi des gens en si grand nombre ont été tués, va devoir
18 obtenir désormais. Il importe que les responsables politiques soient mis
19 face à leurs responsabilités s'agissant du fait d'avoir commencé la guerre
20 en Bosnie-Herzégovine. Ce qui était le plus important, à ce moment-là,
21 c'était de trouver une solution pacifique, une solution acceptable pour
22 tout le monde en Bosnie-Herzégovine, pour tous les groupes qui y
23 résidaient. Je pense que j'ai très clairement évoqué la situation qui en
24 cours d'évolution sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, à cette
25 époque-là.
26 Q. Lorsque vous dites dans une phrase que j'ai citée à l'instant : "Que
27 ces hommes prétendaient que la coexistence en Bosnie-Herzégovine n'était
28 qu'artificielle, que vouliez-vous dire exactement ? En quoi cette
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1 coexistence était-elle artificielle ?
2 R. Pour emmener le peuple vers un affrontement armé, il fallait relier la
3 situation actuelle à l'histoire que ce peuple avait à l'esprit. Ces hommes
4 niaient le fait qu'il y avait eu coexistence sur ce territoire pendant très
5 longtemps. Or, c'est une réalité établie que pendant plus de 40 ans sous le
6 régime de Tito en Yougoslavie, la paix avait régné parmi les trois groupes
7 ethniques qui, désormais, participaient à ce conflit armé ouvert.
8 Q. J'aimerais maintenant appeler votre attention -- j'aimerais appeler
9 votre attention sur la page 284 de votre ouvrage, Monsieur Manolic,
10 quatrième paragraphe de cette page, donc, page 284, paragraphe 4. Dans
11 l'extrait traduit en anglais, il s'agit de la dernière page de cet extrait,
12 un passage situé à peu près au milieu de la page. Nous reparlons là du
13 problème de la participation de l'armée croate aux événements de Bosnie, je
14 cite : "La communauté internationale ne cessait de nous prévenir. Il y a un
15 an, il a été dit à nos dirigeants de ne pas s'ingérer en Bosnie avec notre
16 logistique et notre influence. La communauté internationale veillait donc
17 aux problèmes de la Bosnie-Herzégovine. Les Nations Unies avaient déjà été
18 informées mais la déclaration selon laquelle des éléments de l'armée croate
19 participaient aux événements dans les rangs de l'armée bosniaque n'a été
20 publiée qu'après l'intervention des représentants du gouvernement de
21 Bosnie-Herzégovine aux Nations Unies. Ceci a été le dernier avertissement
22 qui aurait dû être suivi de sanctions à l'encontre des participants à la
23 guerre contre les Musulmans."
24 Est-ce que vous pouvez dire aux Juges de façon générale quel a été le rôle
25 de Tudjman et de Susak dans la politique gouvernementale croate, à ce
26 moment-là, s'agissant des menaces de sanctions évoquées par la communauté
27 internationale ou les Nations Unies ou d'autres instances internationales ?
28 R. Je pense que le président Tudjman en tant que commandant suprême a été
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1 touché par cette menace émanant du Conseil de Sécurité et que ceci est l'un
2 des éléments qui a grandement contribué au fait qu'il ait accepté l'accord
3 de Washington sans aucune objection car la poursuite du conflit l'aurait
4 certainement soumis à des sanctions, aurait certainement soumis la Croatie
5 à des sanctions. La Croatie se serait trouvée isoler internationalement et
6 ceci aurait remis en cause l'indépendance que la Croatie venait d'obtenir.
7 Or, cette indépendance était l'objectif ultime du président Tudjman, de
8 moi-même et de bien d'autres d'entre nous qui avons participé aux
9 événements des années 1990 dans notre région, événements qui ont réellement
10 constitué un très grand changement.
11 Q. Je pense que, s'agissant de l'examen de l'ouvrage dont vous êtes
12 l'auteur, Monsieur, ceci amène l' Accusation à la fin de ces questions à ce
13 sujet.
14 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais demander au Greffier de soumettre
15 maintenant au témoin la pièce P 09645.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je l'ai en anglais.
17 M. SCOTT : [interprétation]
18 Q. Oui.
19 M. SCOTT : [interprétation] Il faudrait remettre le document en langue
20 croate au témoin. Nous avons les deux versions à l'écran. Il faudrait peut-
21 être remettre bon ordre à cela. Merci beaucoup à la régie.
22 Q. Monsieur, ceci est un exemple parmi d'autres, des interviews que vous
23 avez accordées à peu près à cette époque-là. Il semble s'agir d'une
24 interview, d'un article en tout cas qui paraît le 1er avril 1994, et
25 j'appelle votre attention sur ce qui figure au milieu de la page. Je cite :
26 "Selon Manolic, la différence la plus importante entre ces positions et
27 celle de Tudjman réside dans la politique menée vis-à-vis de la Bosnie-
28 Herzégovine. S'agissant de l'accord de Washington, je crois que mon option
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1 eu égard à la Bosnie l'a emporté. Elle repose sur la coopération entre les
2 Croates et les Musulmans et sur le respect de l'intégrité de la Bosnie-
3 Herzégovine."
4 Alors, première question que je vous pose : est-ce que ces mots - et,
5 notamment, les mots : "S'agissant ou eu égard à l'accord de Washington," -
6 sont bien de vous lorsque vous dites "mon option l'a emporté " ?
7 R. Oui. Ce sont des mots prononcés par moi. Je me suis prononcé ainsi dans
8 le débat --
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je m'excuse, Madame Alaburic, je ne vous ai pas vue.
10 Mme ALABURIC : [interprétation] Merci beaucoup. La pièce 9645 n'est pas un
11 extrait de l'interview publié dans Globus. En fait, il s'agit d'une dépêche
12 de Tanjug et Tanjug c'est l'agence de presse de Belgrade, donc, le sigle
13 est Tanjug. C'est donc une dépêche qui présente l'interview du témoin
14 censée avoir été publiée dans Globus. Nous n'avons pas l'article de Globus.
15 Nous ne pouvons pas vérifier l'exactitude de cet extrait qui en fait est
16 une reprise par l'agence serbe, l'agence de presse Tanjug de Belgrade de
17 l'article paru dans le Globus initialement. Je vous remercie.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Scott, tenez compte de cette
19 remarque.
20 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 Q. Bien, Monsieur Manolic, cette déclaration dont j'ai donnée lecture à
22 l'instant reprend-elle de façon exacte votre appréciation de la situation,
23 à savoir que, dans le cadre de l'accord de Washington, vous estimiez que
24 c'est votre option qui l'a emportée s'agissant de régler la question de la
25 Bosnie ?
26 R. Oui. C'est ainsi que j'interprétais la situation à ce moment-là et on
27 voit ici que Tanjug rencontre de ce fait, le 1er avril, et donc à ce moment-
28 là -- à cette date-là, mon intervention allait dans ce sens-là.
Page 4373
1 Q. Pour le compte rendu d'audience, j'indique qu'il s'agit du 1er avril
2 1994, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, 1994.
4 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais maintenant demander au Greffe de --
5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la période où débute la crise
6 parlementaire au Sabor, au parlement croate, crise qui résulte, en fait, de
7 l'absence de concordance entre ma politique et la politique du président.
8 Je n'étais pas seul à ne pas être d'accord avec cette politique. J'étais
9 aux côtés de Mesic, entre autres. Donc, une crise éclate au parlement, car
10 ce qui est demandé à ce moment-là c'est d'émettre de ses fonctions M. Mesic
11 qui était président de l'assemblée et de me démettre moi de mes fonctions
12 également, fonction qui était celle de président de la Chambre des contés
13 ou des régions. L'opposition parlementaire s'est placée de notre côté et, à
14 la seule exception du HSP, tous les autres partis se sont placés de notre
15 côté, partis d'opposition. Ce qui a donné lieu à la crise parlementaire. Le
16 président Mesic, tout comme moi, bénéficiait d'un certain nombre de
17 défenseurs au parlement dans les deux Chambres, donc, le problème n'a pas
18 été facile à régler et il a été par la voie d'un accord entre tous les
19 partis d'opposition et le parti dominant qui était dirigé par le président
20 Tudjman à la clé la démission de
21 M. Mesic à la Chambre des députés et ma démission à moi -- ou plutôt, le
22 fait que j'ai été démis de mes fonctions de président de la Chambre des
23 contés.
24 Q. Merci de ces explications complémentaires.
25 M. SCOTT : [interprétation] Je demanderais à présent au Greffier de
26 soumettre au témoin et d'afficher à l'écran la pièce
27 P 09649.
28 Q. Ceci semble être une interview accordée par vous à Globus, le 6 mai
Page 4374
1 1994; c'est bien cela ?
2 R. Oui, c'est exact. A ce moment-là, je n'étais déjà plus président de la
3 deuxième Chambre du parlement et Mesic n'était plus président du Sabor de
4 l'assemblée parlementaire. A cette époque-là, nous avions déjà fondé le
5 Parti des démocrates indépendants et de Croatie et nous étions donc déjà
6 dans l'opposition par rapport au HDZ et au président de l'Etat.
7 Q. Cette interview est assez longue. Je vous demanderais si vous n'y voyez
8 pas d'inconvénient de vous rendre en page 4 ou page 5 de ce document. Je ne
9 sais pas exactement quel sera le numéro de la page dans la version croate
10 du texte ? En tout cas, il s'agit d'un passage où M. ButkovicP53 vous pose
11 la question suivante, je cite : "Etes-vous en mesure d'estimer les sommes
12 dépensées par la Croatie pour la guerre en Bosnie-Herzégovine ?"
13 C'est l'avant-dernière page de la version anglaise.
14 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'appelle l'attention
15 des Juges de la Chambre sur le fait qu'encore une fois, nous parlons
16 d'éléments très fins et très nuancés des questions qui sont abordées dans
17 l'ensemble de l'article. Donc, je pense qu'il faudrait tout de même parler
18 de ce dont il est question dans l'article pour situer les choses dans leur
19 contexte.
20 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, dans ce document, comme
21 vous le verrez à la lecture de la version anglaise, il apparaît assez
22 clairement, en tout cas, dans les quatre ou cinq premières pages du
23 document que je regarde actuellement, qu'il est question de l'adoption de
24 la kuna en tant que devise du pays. Je ne pense pas que quiconque dans ce
25 prétoire puisse affirmer que cette question est pertinente par rapport à ce
26 qui se passe ici. Donc, Monsieur le Témoin, j'aimerais que vous trouviez le
27 passage dont j'ai parlé tout à l'heure où on trouve cette question : "Etes-
28 vous en mesure d'estimer quelles sommes ont été dépensées par la Croatie
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1 pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine ?" Je vous ai déjà posé cette
2 question. Vous avez dit un peu plus tôt dans votre déposition que vous
3 aviez quelques renseignements dans ce domaine et je crois me rappeler que
4 vous avez dit en avoir parlé dans une interview, donc, lisez votre réponse
5 à cette question dans ce texte, si vous voulez bien. Est-ce qu'elle
6 correspond à ce que vous avez répondu lors de l'interview de mai 1994 ?
7 Deuxième paragraphe, je cite : "On estime que pendant toute la durée de la
8 guerre contre les Musulmans de Bosnie-Herzégovine -- que la durée totale de
9 la guerre contre les Musulmans en Bosnie-Herzégovine a coûté à la
10 République de Croatie au moins trois millions de deutschemarks par jour et,
11 comme la guerre a duré près d'un an, on peut estimer que celle-ci a coûté
12 au total près d'un milliard de deutschemarks."
13 Est-ce que vous voyez cette réponse, page 2 de la version croate du texte,
14 si cela peut vous aider ?
15 R. Ce qui compte ici, c'est ce dont je me souviens et pas les conclusions
16 que j'ai pu tirées à l'époque. Il n'y a pas eu d'analyse sur la base
17 d'indicateurs statistiques exacts. Il s'agit ici d'un calcul qui repose
18 simplement sur une addition des dépenses quotidiennes dues à la guerre,
19 voilà ce dont je parle ici. Donc, c'est un peu le résultat par voie
20 d'addition des différentes analyses arithmétiques que j'ai pu évoquer dans
21 d'autres interviews. Butkovic me repose la question et je ne peux pas lui
22 donner un chiffre exact parce que je ne le connais même pas encore
23 aujourd'hui, il faudrait effectuer ce calcul sur la base de documents de
24 responsables financiers qui pourraient donner un chiffre réaliste.
25 M. KOVACIC : [interprétation] Je ne voudrais pas blesser le témoin de
26 quelque manière que ce soit, mais je pense qu'il serait prudent que
27 l'Accusation lui demande des éclaircissements quant aux soldats dont parle
28 le témoin lorsqu'il parle de 63 ou 64 mille soldats. S'agissait-il de
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1 soldats croates ou de soldats bosniaques ? Qui étaient ces soldats ? On ne
2 le voit pas à la lecture de l'article.
3 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais vérifier, si
4 vous me le permettez.
5 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
6 LE TÉMOIN : [interprétation] L'article porte sur la Bosnie-Herzégovine,
7 donc il porte sur les effectifs du HVO, à ce moment-là. Du HVO et pas de
8 l'armée croate, n'est-ce pas ?
9 M. SCOTT : [interprétation]
10 Q. D'accord.
11 R. Mais cela ne change rien dans la réalité, n'essayez pas de me piéger en
12 me parlant de la différence entre deux milliards ou trois milliards, cela
13 n'a absolument aucune importance. Si grâce à un calcul arithmétique bien
14 précis, on arrive à deux milliards ou à trois milliards, cela ne fait
15 aucune différence sur le plan des faits parce que la guerre a fait des
16 victimes, des victimes en hommes, et a entraîné des dégâts financiers.
17 C'est cela qui compte, c'est la seule chose qui compte, ainsi que des
18 dégâts dans bien d'autres domaines.
19 Q. J'aimerais que tout soit clair. Vous dites que les coûts encourus pour
20 appuyer le HVO en Bosnie-Herzégovine, donc, ce sont des coûts encourus par
21 le gouvernement de Croatie, n'est-ce pas, dont vous parlez ici ?
22 R. Oui, ceux le sont, c'est bien cela. Comment est-ce que cela pourrait
23 être quelque chose d'autre. Ils n'ont pas pu trouver des moyens financiers
24 à tapant sur une pierre, quand même.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Praljak.
26 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je demande que l'on cesse d'insulter
27 les habitants de l'Herzégovine.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'insulte personne.
Page 4377
1 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Ecoutez, une pierre d'Herzégovine,
2 combien nous avons pu obtenir, cela les analyses financières le
3 démontreront, mais je vous prie de parler de cela sans blesser qui que ce
4 soit, et je vous en remercie.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
6 Monsieur Scott, poursuivez.
7 M. SCOTT : [interprétation] Je demanderais au Greffier de bien vouloir
8 soumettre au témoin la pièce P 00054. Monsieur le Président, nous avons
9 indiqué hier que nous allions préparer des copies papier. Il s'agit ici de
10 l'un des comptes rendus des réunions de la présidence, ce sera plus facile
11 pour le témoin si on lui soumet une copie papier. Donc, je demande que l'on
12 remette au témoin cette copie papier du texte.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, oui, c'est bon.
14 M. SCOTT : [interprétation]
15 Q. Monsieur Manolic, vous allez recevoir un exemplaire papier, à moins que
16 vous ne préféreriez regarder le texte à l'écran, mais hier vous avez dit,
17 si je me souviens bien, que vous préféreriez avoir un exemplaire papier
18 sous les yeux, n'est-ce pas ?
19 R. Je pense que cela m'aiderait davantage si on affichait à l'écran le
20 passage exact dans le texte parce que, sinon, il va me falloir tourner les
21 pages. Je suppose que vous savez ce que cela représente de tourner les
22 pages pour chercher un extrait bien déterminé.
23 Q. Oui, Monsieur Manolic, tout à fait. Nous allons donc travailler sur la
24 base du texte qui est affiché à l'écran et si, à moment ou à un autre, vous
25 pensez que vous préférez qu'on vous soumette une version papier, dites-le.
26 Donc, penchez-vous sur cette page, Monsieur, et dites-nous s'il s'agit bien
27 du compte rendu d'une réunion de la présidence de l'Union démocratique
28 croate qui s'est tenue en lieu particulier à la date du 10 mars 1992 sous
Page 4378
1 la présidence de Franjo Tudjman.
2 Vous voyez ce texte, Monsieur ?
3 R. Oui, je le vois, je le vois. Je vois un passage du texte, mais je ne
4 vois pas l'intégralité du texte. Je lis les mots : "Présidant par M. Franjo
5 Tudjman, président de la République de Croatie et du HDZ," et je vois que
6 "l'absence de Stipe Mesic qui est en voyage, Zdenka Babic," et donc
7 justifiait qu'il soit excusé pour cette absence. Perincic en étant informé.
8 Q. J'allais précisément appeler votre attention sur certains passages du
9 texte, mais, avant de quitter la première page, je vous demande, Monsieur,
10 s'il est exact qu'en dehors de Franjo Tudjman qui présidait la République
11 de Croatie, il y avait également le président -- Franjo Tudjman était
12 également président du HDZ, c'est-à-dire, du parti politique de Croatie ?
13 R. Oui. C'est un fait de notoriété publique. Dans toute cette période, il
14 présidait également le HDZ, il l'a fait jusqu'à sa mort.
15 Q. Page 1, dans la suite du texte, on trouve une référence à Boban, je
16 cite : "Mate Boban, vice-président de la Bosnie-Herzégovine est en notre
17 compagnie car il se trouvait à Zagreb et l'ordre du jour le permet, ordre
18 du jour qui a été distribué à tous les participants."
19 Alors, j'appelle votre attention maintenant sur la page 3.
20 M. SCOTT : [interprétation] Avec l'aide du Greffier, je demande l'affiche
21 de la page 3 à l'écran. En version anglaise, je crois que c'est également
22 la page 3 et on discute à cet endroit du texte d'un certain point à l'ordre
23 du jour, je cite : "Non, le tout revenu de la question de la direction du
24 HDZ de Bosnie-Herzégovine." Boban déclare, je cite : "Il y a la démission
25 du président. Il y a le double système d'information qui sans aucun doute
26 est contourné par le HDZ." Tudjman déclare, je cite : "Très bien. Le
27 problème de la direction du HDZ de Bosnie-Herzégovine."
28 Q. Est-ce que - et je rappelle que la date de ce texte est le 10 mars 1992
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1 - est-ce que là où il est question de la démission du président on fait
2 référence à la démission de Stjepan Kljuic qui démission du parti en
3 Bosnie ?
4 R. Oui. On discute ici de la situation du parti et Mate déclare que le
5 président du parti M. Kljuic a soumis sa démission.
6 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais appeler l'attention de chacun sur la
7 page 95 dans la version originale et dans la version anglaise du texte à
8 présent.
9 Monsieur le Président, l'une des raisons pour lesquelles vous trouvez tant
10 de pages blanches dans ce document c'est qu'on s'est efforcé de faire
11 correspondre les numéros de pages dans les deux versions.
12 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais à
13 l'Accusation de citer les numéros ERN des pages parce que, Monsieur le
14 Président, je ne sais pas si vous avez ces pages sous les yeux, mais la
15 pagination utilisée par les employés de
16 M. Tudjman est très suspect. Il arrive qu'on a des difficultés à contrôler
17 si toutes les pages figurent bien dans le texte. Donc, la seule façon qui
18 permettrait aux personnes présentes dans le prétoire de s'y retrouver c'est
19 de s'appuyer sur les numéros ERN, et j'apprécierais que cela soit fait par
20 l'Accusation. Je parle de la version croate, bien entendu. Excusez-moi.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, donnez le numéro de la page en
22 croate et le numéro de la page traduite en anglais. Donc, c'est très
23 simple. Page anglaise vous avez dit 95, traduction, donc, donnez le numéro
24 de la page en croate et apparemment cela doit être le même.
25 M. SCOTT : [interprétation] Oui, il semble que cela soit le numéro ERN
26 01508959. C'est la page qui est affichée à l'écran. Si les conseils de la
27 Défense activent le système de prétoire électronique, le système e-court,
28 ils constateront que le document est affiché. Page 95 en anglais, page 95
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1 en B/C/S. Les deux versions sont actuellement affichées à l'écran. Ce sont
2 des versions qui sont identiques. Mais il suffit pour cela que les conseils
3 de la Défense activent le système de prétoire électronique.
4 Q. Monsieur, vous avez trouvé la page, donc, concernant le président
5 intervient. Il fait référence à Boban.
6 M. SCOTT : [interprétation] Un petit plus haut, s'il vous plaît, j'aimerais
7 qu'on nous présente la partie supérieure de la page.
8 Excusez-moi nous avons quelques difficultés techniques, Monsieur le
9 Président. J'aimerais que le Greffe nous présente le bas de la page. Cela
10 pourrait nous aider. Pour une raison je n'arrive pas à identifier. Les
11 pages sont différentes, elles ont des numéros différents, Est-ce qu'à
12 l'écran, nous avons exactement les mêmes pages, mais pour ce qui est
13 affiché dans le prétoire, ce n'est pas la même chose. Donc, je ne sais pas
14 ce qui se passe. Nous allons essayer d'aider tout le monde ici.
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Si je puis me permettre d'intervenir la page
16 en anglais, la page 95, c'est la dernière partie de la page qui a été
17 indiquée par M. Scott. Vous le constaterez en bas de la page. Cela continue
18 à la page suivante qui est 01508960, je l'indique à mes collègues. Il
19 s'agit là de la version en croate.
20 M. SCOTT : [interprétation] D'accord. Merci beaucoup, Maître Karnavas.
21 Voyons, si nous pouvons régler ce petit problème.
22 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez trouvé ce passage ? Non. Non.
23 M. SCOTT : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait nous passer la page
24 suivante en croate, je vous prie ? Plus bas, s'il vous plaît. Plus bas. On
25 m'indique qu'il s'agit de la page 99 en B/C/S, Monsieur le Président. Page
26 99. C'est la page que l'on doit voir à l'écran. Mais cela ne marche pas,
27 donc, il va falloir utiliser la copie papier. Merci. Je vous prie, de
28 descendre un peu pour que nous voyons le bas de la page.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que le plus simple ce ne serait pas de mettre
2 le B/C/S sur l'ELMO ? Puis, posez votre question et le témoin confirmera ou
3 infirmera.
4 M. SCOTT : [interprétation] Oui, on peut adopter cette solution pour
5 l'instant en attendant de voir si on peut trouver une solution. Je vous
6 prie de nous excuser. Nous avons essayé d'éviter toutes ces difficultés à
7 l'avance, mais, malheureusement, ce problème est arrivé de manière
8 impromptue.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous aider si vous le souhaitez. Les
10 pages que vous faites défiler actuellement, ces pages elles n'ont
11 strictement rien à voir avec tout cela parce qu'ici, il y est question
12 d'affaires internes aux partis qui doivent être chargés de quoi ? Selon
13 moi, cela n'a strictement aucune pertinence ici dans ce procès.
14 M. SCOTT : [interprétation]
15 Q. Je vais vous montrer les passages en question, Monsieur, et à ce
16 moment-là, vous pourrez nous dire si ces passages ont une pertinence
17 quelconque.
18 Pouvez-vous premièrement nous confirmer que M. Tudjman est à la fois le
19 président du parti et le président de l'Etat ? Est-ce que vous avez trouvé
20 le passage où il dit : "Mate peut nous donner quelques informations
21 brièvement, mais, comme vous le savez, il y a eu les développements dans la
22 Bosnie-Herzégovine, plutôt dans le HDZ de la Bosnie-Herzégovine," et
23 cetera ? Page suivante : "Stjepan Kljuic, après l'erreur avec Perinovic, a
24 été excellent. Il a mené une campagne électorale brillante, mais, ensuite,
25 il a pratiquement disparu sous le fez d'Alija Izetbegovic. Le HDZ a
26 pratiquement cessé de mener une politique croate indépendante. Ils sont
27 même allés jusqu'à dire que 'ce n'était pas notre guerre,' si bien que
28 Stjepan Kljuic a déclaré aux journaux étrangers - enfin, je ne sais pas
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1 exactement où - mais il a dit : 'Que c'est nous qui étions responsables de
2 la guerre'."
3 Est-ce que ceci traduit les différents qui existaient entre les différentes
4 factions et les conflits avec M. Kljuic, à savoir que
5 M. Kljuic n'était pas favorable à la politique prônée par Susak et Boban ?
6 R. Je pense que ceci a déjà été prouvé, à savoir que c'était
7 effectivement la raison, Kljuic ne voulait pas mettre en œuvre une
8 politique débouchant sur un conflit avec les Musulmans. Il était favorable
9 à la position prise lors du référendum au moment de la mise en place de la
10 Bosnie-Herzégovine en qu'Etat unifié et souverain. C'était le fondement
11 même de cette scission que l'on a vu apparaître. C'est ce dont vous parlez.
12 Mais je ne vois rien de tel à l'écran. Je ne vois pas de référence à M.
13 Izetbegovic. Je crois que ces propos ont été mal transcrits, à savoir, ce
14 qu'on lui a fait dire : "Que ceci n'est pas notre guerre." Ce n'est pas
15 exact parce que, si on lit le reste de la phrase, on voit la chose
16 suivante. Je cite : "Nos fils ne doivent pas entrer dans l'armée
17 yougoslave." Cela, c'est essentiel. Je pense que ce manque de précision
18 quand on rapporte les propos d'Izetbegovic doit être corrigé, quelque soit
19 les responsables de cette erreur d'interprétation.
20 Q. Justement, vous venez d'anticiper ma question. Les Juges, à plusieurs
21 reprises, ont entendu dire au cours du procès que
22 M. Izetbegovic aurait déclaré : "Ceci n'est pas notre guerre," et vous
23 venez d'en parler. Peut-être, pourrions-nous encore, un petit peu, élaborer
24 tout cela ? Dans quel contexte le président Izetbegovic a-t-il déclaré :
25 "Ceci n'est pas notre guerre." ? Dans quel contexte précis a-t-il tenu ces
26 propos ? Quelle est la nature exacte des propos tenus par le président
27 Tudjman si l'on ne sort cette brève phrase de son contexte ?
28 R. Il ne s'agissait pas d'une déclaration du président Tudjman, mais une
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1 déclaration du président Izetbegovic. Je crois que ceux qui, d'une certaine
2 manière, rendaient les Musulmans responsables du conflit armé en Bosnie-
3 Herzégovine, ces gens-là, ceux qui les accusent d'en être responsables,
4 citent très souvent cette phrase du président Izetbegovic, alors, président
5 de la Bosnie-Herzégovine. Je dis que cette citation n'est pas exacte.
6 Pourquoi ? Parce que ces gens ne mentionnent pas le reste de la phrase.
7 Pourquoi ? Parce qu'il a parlé, il a tenu ces propos en parlant du fait
8 qu'il ne voulait pas envoyer les habitants de Bosnie-Herzégovine dans les
9 rangs populaires yougoslaves. Il voulait que les conscrits ne répondent à
10 la mobilisation. Voilà l'essence de ces propos.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak.
12 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 J'aimerais qu'on précise le titre de M. Izetbegovic. On a parlé de lui en
14 disant que c'était le président de la Bosnie-Herzégovine. Non, il était
15 président de la présidence de la Bosnie-Herzégovine. Il était le premier
16 parmi ses pairs. Ils étaient sept, sept à avoir été élus par trois nations,
17 trois peuples pour les représenter au sein de cette même institution. C'est
18 très différent du titre de président d'un Etat.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je pense que c'est exact. C'est cela,
20 effectivement, la réalité. Cela traduit et cela reflète la position
21 qu'occupait le président Izetbegovic au titre de la constitution.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, et --
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Finalement, au bout du compte, cela ne fait
24 aucune différence.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : vous avez apporté un élément qui va être interprété
26 par les Juges. Vous avez dit que, lorsque M. Izetbegovic a dit : "Ceci
27 n'est pas notre guerre." c'est que cette phrase, il fallait la restituer
28 avec la suite de ses propos où il dit : "Que parce que les ressortissants
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1 de la Bosnie-Herzégovine n'ont pas à intégrer l'armée yougoslave." C'est
2 dans ce sens que vous restituez cette fameuse phrase que l'on lit partout :
3 "Ceci n'est pas notre guerre." Il a dit cela parce qu'il ne voulait pas que
4 des soldats de la Bosnie-Herzégovine soit mobilisés pour le conflit armé.
5 C'est cela ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, c'était l'armée de l'ennemi. C'est
7 cela qu'il faut que vous compreniez.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Scott.
9 M. SCOTT : [interprétation]
10 Q. Une précision sur ce point, Monsieur le Témoin. Vous
11 dites : "L'armée de l'ennemi." Il s'agissait, n'est-ce pas, de l'armée de
12 Milosevic et des Serbes, la JNA, l'armée qui menait -- qui conduisait un
13 certain nombre d'opérations, à l'époque ? Je ne parle pas ici d'opérations
14 précises, mais c'était une armée qui était impliquée dans des opérations en
15 Bosnie, en Croatie, et ce que dit
16 M. Izetbegovic, c'est que les ressortissants de la Bosnie ne doivent pas
17 rejoindre les rangs de la JNA dans cette guerre d'agression menée contre la
18 Croatie et la Bosnie, ou ailleurs, d'ailleurs, en Slovénie, par exemple.
19 R. Je pense que l'opinion est suffisamment informée de ce qu'il en était
20 de la position de l'armée populaire yougoslave à partir de 1990, une armée
21 qui s'est pratiquement effondrée en 1993.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce sont les Juges qui doivent en être informés.
23 Donc, c'est pour nous que vous répondez aux questions. Donc, essayez de
24 nous éclairer.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] L'armée populaire yougoslave qui a été mise en
26 place du temps de Tito et qui, ensuite, a évolué tout au long de 40 années,
27 a été mise en place dans un contexte dans lequel tous les habitants, tous
28 les peuples de Yougoslavie étaient égaux et étaient également représentés.
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1 Cependant, avec la mort de Tito et le chaos qui s'en est suivi en
2 Yougoslavie, un chaos qui a été aggravé par la politique de Milosevic.
3 Cette armée, peu à peu, s'est transformée en armée de Milosevic. Peu
4 importe la situation précédente, puisque, avant, l'armée relevait de la
5 présidence de la Yougoslavie et Stipe Mesic en a été membre jusqu'en 1991,
6 jusqu'à une certaine date en 1991. Mais il faut savoir qu'après cette
7 période, c'est une armée qui s'est alignée complètement sur la politique de
8 Milosevic qui est devenue une armée d'agression, alors même qu'avant,
9 c'était déjà une armée d'agression puisqu'elle avait apporté son concours à
10 certaines formations Chetnik. Elle avait accusé la rébellion serbe en
11 Croatie. Très souvent, quand notre police est allée protéger la population,
12 on a vu l'armée intervenir, faire tampon entre les rebelles et les forces
13 de police régulière croate. Mais chaque fois que l'ennemi était en
14 difficulté, chaque fois que les Chetnik ou les Serbes rebelles étaient en
15 difficulté, l'armée intervenait et d'une certaine façon, l'armée les
16 protégeait. C'est la raison pour laquelle, dès le départ, nous avons
17 considéré que c'était une armée d'agression, une armée qui s'en prenait à
18 la souveraineté de la Croatie et cette armée elle a joué exactement le même
19 rôle en Bosnie, j'espère que j'ai été suffisamment clair.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.
21 Monsieur Scott.
22 M. SCOTT : [interprétation] Merci.
23 Q. Monsieur, j'aimerais que vous vous reportiez à la page 105, on me dit
24 que, maintenant, le système fonctionne. J'espère que c'est le cas. Page 105
25 de la version en B/C/S, normalement, ce devrait être la page 101 -- ou
26 plutôt, 105 en anglais. On me dit ici qu'une fois encore, on devrait avoir
27 la même pagination pour l'anglais et pour le B/C/S, page 105 dans les deux
28 cas.
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1 R. Je pense qu'il faut que vous précisiez qu'il s'agissait là de propos
2 tenus par M. Mate Boban.
3 Q. Oui, justement, je vais vous en parler, je vais vous poser la question.
4 R. Au cas où ce ne soit pas clair à première vue.
5 Q. Oui, c'est une des difficultés que nous rencontrons. Je crois qu'on va
6 procéder page par page.
7 M. SCOTT : [interprétation] On constate, Monsieur le Président, Messieurs
8 les Juges, que M. Boban commence à parler à la page 99 et ses propos sont
9 ensuite transcrits sur les pages suivantes, cela continue pendant plusieurs
10 pages. D'après ce qu'on m'indique, le passage qui nous intéresse se trouve
11 dans la page 101 dans votre version, Monsieur le Président, Messieurs les
12 Juges. On a essayé de régler ce petit problème technique, mais je ne pense
13 pas que ce sera possible finalement vu le temps qui nous a été réparti pour
14 l'interrogatoire principal, donc page 101, je cite : "Heureusement, nous
15 avons quelqu'un qui s'occupe des finances au ministre de l'Intérieur Bruno
16 Stojic, un homme dévoué qu'ils ont voulu mettre à pied et démettre de ses
17 fonctions par écrit justement à cause de cela. Cet homme nous a donné
18 jusqu'à présent plus de 150 voitures de marque Golf, des voitures neuves,
19 pour le territoire de l'Herceg-Bosna, sans oublier les armes, et cetera."
20 Q. Est-ce que vous pouvez nous fournir des informations
21 supplémentaires, Monsieur Manolic, à nous et aux Juges, sur le rôle joué
22 par M. Stojic dans la fourniture de ces 150 Golf, 150 voitures de marque
23 Golf et la fourniture d'armes, apparemment, au HDZ ?
24 M. MURPHY : [interprétation] Un instant, je vous prie de m'excuser.
25 Avant que le témoin ne réponde à la question, est-ce que M. Scott aurait
26 l'amabilité de préciser ladite question afin que nous sachions quelle sera
27 la source des informations données par le témoin ? Est-ce qu'il s'agit
28 simplement de conjectures de sa part sur la base de ce qu'a dit M. Boban ou
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1 est-ce qu'il s'agit d'informations personnelles ?
2 M. SCOTT : [interprétation]
3 Q. Monsieur le Témoin, vous avez participé à cette réunion ? Je vous pose
4 cette question et je vous demande de répondre sur la base de ce qui a été
5 dit lors de cette réunion ou sur la base de conversations que vous auriez
6 eues avec M. Boban ou sur ce que vous l'avez entendu dire à l'époque. Est-
7 ce que vous pouvez, à partir de tous ces éléments, nous fournir des
8 informations supplémentaires au sujet de cette information qui est
9 attribuée à M. Stojic ou qui concerne M. Stojic ? Si vous ne le pouvez pas,
10 dites simplement que vous n'êtes pas en mesure de répondre.
11 R. S'il s'agit d'une réunion du HDZ, Boban y a été invité en tant que
12 numéro un du HDZ en Bosnie-Herzégovine. Moi-même, j'ai participé à cette
13 séance de travail et, effectivement, j'ai entendu ces paroles de la bouche
14 de M. Boban quand il a lancé un certain nombre d'accusations contre Kljuic
15 et on a parlé également des armes, des nominations de certaines personnes à
16 certains postes, et cetera. Mais il s'agissait là de questions internes au
17 parti, il s'agissait aussi de règlements de compte dont l'objectif était de
18 se débarrasser de Kljuic afin d'arriver à l'éliminer pour qu'il ne fasse
19 plus partie de la présidence du parti pour qu'on puisse y mettre à sa place
20 quelqu'un qui serait plus ardent dans sa défense de la politique du parti.
21 C'est une politique qui visait à favoriser le conflit avec les Musulmans,
22 et c'est quelque chose à quoi Kljuic était opposé.
23 S'agissant de ces véhicules de marque Golf et des propos ainsi tenus, un
24 homme fiable, et cetera, je ne connais pas cet homme, donc je ne peux pas
25 vous dire si c'était quelqu'un d'extrêmement doué dans le domaine
26 financier, tout ce que je peux vous dire, ce sont des paroles qui ont été
27 prononcées par M. Boban. D'où tient-il ce chiffre de 150 voitures de marque
28 Golf, je ne sais pas, il faudrait se renseigner auprès des gens qui
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1 vivaient dans la région, qui travaillaient dans la région à l'époque. Lors
2 de la séance de travail, on n'a pas parlé de cela en tant que tel.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous confirmez que M. Boban a évoqué la question des
4 150 voitures Golf, mais M. Stojic, vous ne le connaissiez pas, c'est ce que
5 j'ai cru comprendre, et donc vous ne le connaissiez pas et sur le chiffre
6 de 150 voitures, vous n'en savez rien, sauf que vous l'avez entendu de la
7 bouche de M. Boban ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, oui, c'est le chiffre que j'ai
9 entendu donné, à ce moment-là. Personne n'a fait d'observation de
10 commentaire lors de la séance de travail quant à l'origine de tout cela,
11 personne n'a fait de commentaire.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Ces 150 voitures neuves, il faut les acheter, cela
13 coûte cher une Golf. C'était le parti qui finançait l'achat des 150
14 voitures ? Comment ces voitures pouvaient être mises à la disposition de
15 quelqu'un du HVO, par exemple, ou quelqu'un d'autre, si on ne les achetait
16 pas ? Qui finançait l'achat des 150 voitures ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce que je peux vous dire, c'est ce que
18 j'ai entendu lors de cette séance, j'ai entendu de mes propres oreilles et
19 tout ce que je peux vous dire c'est qu'il n'y a pas eu d'observation
20 supplémentaire au sujet de ces 150 Golf. On pourrait faire des suppositions
21 parce qu'à Sarajevo, il y avait une usine Golf. On pourrait donc supposer
22 que ces véhicules, on est allé les prélever dans les entrepôts de l'usine
23 de Sarajevo. Je ne sais pas si quelqu'un a payé pour cela.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, poursuivez, s'il vous plaît.
25 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais qu'on passe à la page 108 en version
26 électronique, 108 en anglais et en croate, mais je signale à l'intention
27 des personnes qui utilisent la copie papier que cela se trouve à la page
28 104 en anglais sur la copie papier. Donc si, par malheur, la page 108
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1 disparaît en version électronique de l'écran, je vous demande de vous
2 référer à la page 104, 104 de la copie papier distribuée hier.
3 Q. Ici, sur cette page, Monsieur, je ne sais pas si vous avez la page en
4 question à l'écran, oui, bon. Vous voyez qu'il est fait référence à Gagro,
5 je cite : "Le principal organisateur, c'était le secrétaire général du HDZ
6 et le président de la municipalité de Mostar, le frère de ce Gagro, et
7 cetera, et cetera." Est-ce que vous connaissiez un dénommé Gagro, président
8 de la municipalité de Mostar à l'époque, c'est-à-dire, fin mars 1992 ?
9 R. Non, je ne connais pas cet homme, je connais son frère. C'était notre
10 ambassadeur en France. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de lui ensuite.
11 Je n'ai plus de contact. Donc, je n'ai pas eu de contact avec cet homme en
12 tout cas, je ne peux pas vous dire quoi que ce soit à son sujet.
13 Q. Est-ce que vous aviez connaissance de la position politique de son
14 frère de celui qui était président de la municipalité de Mostar, même si
15 vous ne le connaissez pas personnellement ?
16 R. Là, vraiment, si je vous répondais ce serait pure conjecture de ma
17 part. Je crois qu'il y a des gens qui en savent beaucoup plus sur cet
18 homme. Il y a des personnes qui ont des informations plus directes sur ce
19 qu'il est advenu de Gagro.
20 Q. Merci.
21 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais qu'on vous présente la page 110 en
22 version électronique, page 110. Je signale aux personnes qui se réfèrent à
23 la version papier en anglais que ce sera la page 106. Vers le bas de la
24 page, je crois. Merci.
25 Q. Il s'agit d'un certain Juric peut-être pourriez-vous dire aux Juges de
26 la Chambre qui était M. Juric à l'époque quel était son poste en mars 1992;
27 est-ce que vous vous en souvenez ?
28 R. Perica Juric est l'un des fondateurs de l'Union démocratique croate en
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1 Croatie. Pendant toute cette période 1990, 1991, d'une certaine manière il
2 était responsable des contacts avec le HDZ en Bosnie-Herzégovine. De là, le
3 fait qu'il connaisse toute une série de personnalités dans ce milieu-là de
4 Bosnie-Herzégovine. En particulier, je pense qu'il a participé à cette
5 histoire des huit municipalités de la Pasovina bosniaque, là, ces contacts
6 on pourrait dire ont été intenses et les positions qu'il a formulées grâce
7 à ses contacts avec ces gens dans la Bosanska Pasovina. Il m'en a fait part
8 ainsi qu'au président de l'Etat, lors des réunions de la présidence il a
9 pris à ces débats. Il est resté au sein du HDZ jusqu'à notre départ en
10 avril 1994 jusqu'à ce qu'on quitte le HDZ et il a rejoint les démocrates
11 indépendants croates, le parti politique de Mesic qui venait de se créer.
12 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, reprendre le passage où il est dit : "Je
13 prendrais la liberté de proposer --" et là, c'est
14 M. Juric qui s'exprime "avec les présidents de la communauté croate
15 M. Boban, M. Stanic, M. Barac, à savoir, le président des communautés
16 également, le Dr Miljenka Brkic." C'est lui qui est devenu le président en
17 exercice du HDZ de Bosnie-Herzégovine après la démission de M. Kljuic.
18 R. Oui. On comptait sur M. Brkic. On estimait qu'il était la personnalité
19 qui convenait et qui pouvait être la personne autour de laquelle se
20 rassemblerait le corps plus croate de Bosnie-Herzégovine. Non seulement les
21 Hercegora, mais ceux qui vivent ailleurs en Bosnie -- la population croate.
22 D'après nous, pour cette raison là, Miljenka Brkic pouvait être ce point
23 central pour rallier et vers qui convergeraient les intérêts croates en
24 Bosnie-Herzégovine. C'était un homme respecté en Bosnie-Herzégovine. Je
25 pense qu'il l'est toujours. Il n'était pas d'accord avec cette politique
26 lancée par Boban, lui, non plus. Donc, il a dû quitter le jeu, il est sorti
27 de la direction au moment où Mate Boban est devenu président.
28 Q. Ce paragraphe se poursuit à la page suivante. Ce sera donc la page 111
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1 à l'écran et 107 dans la version anglaise.
2 M. Juric est toujours celui qui parle et dit : "Je pense que c'est très
3 important qu'ensemble, avec nos trois hommes les plus importants, que deux
4 d'entre eux assurent cette composante de notre politique. C'est à vous sans
5 aucun doute choisir le président. Vous allez juger quelle est la mesure
6 suivante en Bosnie-Herzégovine et quels sont les hommes sur lesquels vous
7 pouvez compter. Donc, c'est purement opérationnel ce travail qu'un homme
8 politique devra mener à bien. Je vous remercie.
9 "Le président : est-ce que quelqu'un souhaite prendre la parole ?"
10 Monsieur Manolic, pourquoi est-ce que Franjo Tudjman doit décider du
11 président -- de la sélection du président en Bosnie-Herzégovine ?
12 R. Il faut encore une fois revoir la genèse du HDZ en Bosnie-Herzégovine.
13 Ce parti a vu le jour grâce à un appui direct du HDZ de Croatie. Tout
14 changement formel, à commencer par le Statut et le programme, a vu le jour
15 grâce à une sorte de coopération entre la Croatie et une partie de la
16 Bosnie-Herzégovine. C'est la raison pour laquelle Gojko Susak dit, à un
17 moment donné : "Le HDZ de Bosnie-Herzégovine n'est qu'une antenne du HDZ de
18 Croatie." Lorsque nous disons cela avec une antenne -- une branche, alors,
19 cela veut dire que toute la politique qu'il mène est soumise d'une certaine
20 façon au contrôle de la politique -- donc, la branche n'a pas tout le
21 contrôle.
22 Q. Je vous remercie, Monsieur Manolic.
23 M. SCOTT : [interprétation] Je vais en terminer avec ma question.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez de dire : est-ce à dire que vous partagez
25 le point de vue de M. Susak sur le fait que le HDZ de la Bosnie-Herzégovine
26 n'est qu'une antenne du HDZ de Zagreb ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je n'ai jamais partagé cette opinion
28 jusqu'au bout, mais, d'une certaine façon, pour ce qui est de l'aide
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1 apportée à la création de ce parti, je sais que des cadres qui vivaient en
2 Croatie ont pris part à la première assemblée où on a créé le HDZ de Bosnie
3 à Sarajevo et que, par la suite, ils ont pris part d'une certaine façon aux
4 travaux de cet HDZ de Bosnie-Herzégovine.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, il est quasiment l'heure.
6 M. SCOTT : [interprétation] Oui, je sais, Monsieur le Président. Je devrais
7 peut-être préciser cela avant que l'on ne parte en pause.
8 Q. C'est peut-être comparable à ce qu'on a eu hier, Monsieur. Je voudrais
9 préciser la question du Président ou votre réponse.
10 Lorsque vous dites que c'était votre opinion -- votre position, est-ce que
11 vous êtes en train de nous dire que vous estimiez que le parti de Bosnie ne
12 devait pas être la même chose que le HDZ ?
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Il doit lui
14 demander quel a été son point de vue, quelle a été sa position, et non pas
15 poser une question directrice.
16 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, ligne 10, page 72. Il a
17 dit : "Je n'ai jamais entièrement partagé ce point de vue." C'est la raison
18 pour laquelle je lui demande de préciser -- de dire quelle était sa
19 position. C'est ma précision.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous préciser votre point de vue ? Vous dites
21 que vous n'avez jamais partagé les positions de Susak sur beaucoup de
22 sujets, mais, en particulier, sur la question du HDZ de Bosnie-Herzégovine.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans leur totalité, jamais, ou dans sa
24 totalité, jamais. Pour ce qui est des Statuts et du programme, on n'y lit
25 nulle part que c'est une branche du HDZ de Croatie; cependant, vu sa
26 manière d'agir -- vu comment il a vu les lier, comment il a voulu influer
27 sur le HDZ de Bosnie-Herzégovine, bien, il a utilisé cette expression, mais
28 j'estime que, dans un Etat souverain, quelque soit son nom, même si le
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1 parti a le même nom que dans un autre Etat, on n'a pas le droit d'imposer
2 le programme d'un parti vis-à-vis de l'autre. Cela peut être une
3 coopération de deux factions placées sur un plan d'égalité et coopération
4 sur certaines questions.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Karnavas, vous l'avez.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous voulons que
7 ce monsieur s'exprime de manière tout à fait claire et sans ambiguïté. Il
8 nous a dit : "Je ne les ai partagé entièrement," mais ce sont les nuances
9 qui nous intéressent ici. Donc, j'aimerais savoir quelle est la partie
10 qu'il a acceptée.
11 Donc, quelle est la partie de cette position qu'il partageait ?
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce qu'il y a une partie que vous acceptiez et
13 une grande partie que vous réfutiez sur la question du HDZ de la Bosnie-
14 Herzégovine ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] La chose était la suivante : il fallait
16 respecter ce parti. On l'a respecté formellement parlant. Je n'ai pas ici
17 les statuts du HDZ de Bosnie-Herzégovine sur moi, mais il est certain que
18 nulle part. On l'a qualifié d'antenne du HDZ de la mère patrie. Donc, je
19 suis d'accord sur le fait que ce n'était pas une antenne du HDZ de Croatie.
20 C'est une organisation indépendante qui portait le même nom et qui agissait
21 sur le territoire de Bosnie-Herzégovine et qui y était créée.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, on va arrêter. Il est 12 heures 30 passé.
23 Nous allons faire la pause pendant une heure et demie.
24 L'audience reprendra à 14 heures. D'après mes décomptes - je crois que M.
25 le Greffier me le confirme - je pense que l'Accusation a utilisé plus de
26 quatre heures. Donc, en théorie, il devrait vous en rester deux, pas plus.
27 Alors, Monsieur le Greffier, vous me direz exactement le décompte.
28 Voilà, alors nous nous retrouvons à 14 heures.
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1 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 31.
2 --- L'audience est reprise à 14 heures 03.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise, le Greffier m'a fait
4 le décompte des temps de parole, l'Accusation a utilisé jusqu'à présent 4
5 heures et trois minutes, donc, il lui reste deux heures. Autant préciser
6 que moi-même, les avocats et M. Praljak ont utilisé une heure, donc, à
7 l'avenir, je parlerai moins pour ne pas prendre du temps sur l'Accusation
8 ou la Défense.
9 Monsieur Scott, vous avez la parole.
10 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'allons
11 certainement pas prier les Juges à prendre la parole moins souvent puisque
12 de nombreuses fois il est arrivé que les questions des Juges soient les
13 meilleures, donc, nous espérons que vous allez poser des questions autant
14 que vous le jugerez utile.
15 Q. Monsieur Manolic, j'aimerais que Mme l'Huissière vous présente la
16 pièce P 0072. Monsieur, si vous voyez la pièce, pouvez-vous, s'il vous
17 plaît, examiner la première page de ce document. Il semblerait que c'est un
18 procès-verbal d'une réunion. Tout d'abord, il est question d'un déplacement
19 entre le 4 et le 12 juillet 1992 et puis, plus précisément, le troisième
20 paragraphe où il est question d'une réunion. "M. Tudjman nous a reçu en
21 réunion le 5 juillet 1992."
22 Est-ce que vous le voyez ?
23 R. Oui.
24 Q. Ici, il est question de M. Brkic étant présent à cette réunion. Vous
25 vous rappelez si c'était bien M. Brkic qui a été nommé président par
26 intérim du HDZ de Bosnie-Herzégovine suite à la démission de M. Kljuic ?
27 R. Oui, c'est le même Brkic, c'est son rapport authentique. Je l'ai vu à
28 l'époque, je l'ai vu au moment où il était à Zagreb.
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1 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Greffier, peut-on nous afficher la
2 page 3 du document sur le document électronique. Pour ceux qui suivent le
3 document anglais, et je m'explique, c'est la première page 2. Pour quelle
4 raison il y a-t-il des pages en double, deux premières pages, deux
5 deuxièmes, et cetera. Le document original, Monsieur le Président,
6 employait des polices très petites et ce ne sont pas les mêmes polices qui
7 ont été reprises dans la traduction, donc, nous avons plus de pages dans la
8 traduction que dans l'original en B/C/S. C'est la raison pour laquelle tout
9 ce qui figure dans la version originale croate en page 1 apporte le même
10 numéro de page.
11 Nous allons donc, maintenant, nous intéresser à la première page 2 - dans
12 la version électronique, page 3. En haut de la page, si vous voulez
13 remonter plusieurs pages en amont, vous verrez que c'est le président
14 Tudjman qui s'exprime. Il dit : "En faisant venir le roi Aleksandar, M.
15 Panic et d'autres pensent que nous devons être sensibles à la politique de
16 la Croatie en Bosnie-Herzégovine. Nous ne devrions pas nous laisser
17 provoquer puisque c'est précisément ce que l'ennemi souhaite. Nous allons
18 continuer de demander, d'exiger un arrangement cantonal dans les zones que
19 nous avons défendues, là où il est nécessaire de mettre en place et
20 d'organiser son autorité. Vous devez défendre ces zones fermement et
21 empêcher les conflits avec les Musulmans. Ceci n'est pas facile, mais cela
22 est possible si tous les facteurs y participent. Alors, je voudrais
23 maintenant ouvrir la discussion sur la mise en œuvre continue de la
24 politique croate en Bosnie-Herzégovine."
25 M. Brkic remercie le président Tudjman de les avoir invités.
26 Je passe quelques lignes, et ensuite, on a une citation : "De nombreuses
27 personnes demandent si des travaux ont été suspendus ou non, notamment,
28 après les événements de Bugojno et ailleurs. La question est de savoir si
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1 une convention devrait être organisée ou non. Qu'est-ce la Herceg-Bosna ?
2 De quelle nature est cette association ? La Posavina et la Bosnie centrale
3 doivent également être clarifiées. Qu'est-ce le HVO ? Ceci n'a pas encore
4 été précisé suffisamment. Le HVO a suspendu l'autorité régulière civile,
5 voire même le HDZ."
6 Donc, Monsieur, par rapport à ce que vous nous avez dit, hier et
7 aujourd'hui, je pense que vous avez parlé ce matin au sujet de la création
8 d'un Etat au sein d'un Etat. J'aimerais savoir : est-ce que ce que M. Brkic
9 dit ici est quelque chose qui vous concerne, vous aussi, au sujet de la
10 Herceg-Bosna et du HVO ?
11 R. Oui, ce rapport, intitulé rapport qui vient de Brkic, traite de la
12 poursuite du conflit avec Boban, plus précisément, avec la politique parce
13 que l'attitude de Brkic était quand même plus libérale, plus ouverte à
14 l'égard des Musulmans dans les négociations, dans les contacts, cherchant à
15 résoudre nombres problèmes. C'est la raison pour laquelle Boban s'est un
16 petit peu mis en colère.
17 Il a été agacé en entendant le rapport de M. Brkic et l'exposé de sa
18 politique. Les questions soulevées par M. Brkic, ce sont les mêmes que je
19 défendais à l'époque. J'apportais mon appui à Brkic, là-dessus.
20 Brkic a des reproches à formuler pour ce qui est des gestes violents
21 de Boban à l'égard du recrutement des cadres des missions qui nous sont
22 assignées, et cetera, et cetera.
23 Q. C'est le haut de la deuxième page 2 qui m'intéresse. A présent, page 4
24 dans la version électronique. M. Brkic poursuit et il dit : "Des
25 conclusions ont été adoptées par le HDZ. Le HDZ rend hommage au HVO pour ce
26 qu'il a fait jusqu'à présent, en particulier, pour ce qui est des
27 territoires libres; cependant, le HDZ n'est pas d'accord avec la suspension
28 des pouvoirs civils. Je ne dis pas que le HVO ne devrait pas mettre sur
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1 pied des autorités par intérim dans certaines municipalités, en
2 particulier, là où il n'y a pas de pouvoirs locaux, mais il faut faire
3 preuve de prudence lorsqu'on envisage cela. En ouvrant un bureau en Herceg-
4 Bosna, ceci provoque des dilemmes sur un pouvoir double, à savoir,
5 l'autorité de qui devrait être respectée."
6 Excusez-moi, Monsieur. Je vais revenir à la page d'avant.
7 M. Brkic dit ici à un endroit : "Le HVO a suspendu l'exercice des pouvoirs
8 civils réguliers, voire même du HDZ." La question que je cherchais -
9 excusez-moi - je cite : "Est-ce qu'à un moment donné, le HDZ en substance,
10 le HDZ de Bosnie-Herzégovine a, en gros, été suspendu ou ne fonctionnait
11 plus pendant un moment, pendant la durée du conflit entre les Croates et
12 les Musulmans ? Est-ce qu'il a été remplacé par le HVO ?"
13 R. Je ne peux pas aller plus loin pour ce qui a été dit par
14 M. Brkic car il a participé directement à la solution des problèmes qui se
15 sont posés en Bosnie-Herzégovine. Je ne peux que souscrire à ce qu'il dit,
16 mais je ne peux pas formuler de commentaires détaillés au sujet de tous ces
17 événements qui se sont produits là-bas. Je pense que M. Brkic pourrait vous
18 en parler plus concrètement. Il pourrait vous le démontrer -- vous le
19 représenter bien plus concrètement que moi.
20 Q. Très bien. Il y a un moment, me semble-t-il, vous avez dit que M. Boban
21 se trouvait agacer par des commentaires prononcés par
22 M. Brkic. Si vous examinez, tout d'abord, la page 3 de la copie papier,
23 s'il vous plaît, le haut de cette page, page 5 dans la version
24 électronique, il est dit ici : "A en juger," - d'après
25 M. Boban - "si j'avais su que ces hommes avaient été des participants à la
26 réunion et que nous allions avoir ce genre de discussion, il est certain
27 que je ne serais pas venu parce que j'avais d'autres chats à fouetter."
28 Est-ce que c'est à cela que vous vous référez lorsque vous dites que M.
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1 Boban se trouver agacer, irriter par ce que disait
2 M. Brkic ?
3 R. Oui. M. Boban ne supportait pas la critique car l'exposé de M. Brkic
4 consistait à critiquer la situation de fait, qui avait été imposée d'une
5 certaine manière par Boban sur la scène politique de cette région de
6 Bosnie-Herzégovine et il a dit, concrètement, quels étaient les points de
7 cette politique. Je pense que c'est un document qui a une grande importance
8 pour comprendre les événements qui se sont déroulés à ce moment-là. Donc,
9 il s'agit du mois de juillet 1992. La date est celle du 4 juillet.
10 Q. La deuxième page 3, s'il vous plaît. A présent, c'est la page suivante,
11 copie papier en version anglaise, page 6 dans la version électronique à la
12 fois pour le croate et l'anglais.
13 Vers le milieu de ces pages, Monsieur, vous verrez qu'il y a quelques
14 déclarations ou des commentaires qui sont attribués à quelqu'un du nom de
15 Baric. Est-ce que vous pouvez dire aux Juges de la Chambre qui était M.
16 Baric et est-ce qu'il a occupé des postes, à ce moment-là, est-ce qu'il a
17 des fonctions ?
18 R. Je ne connais pas ce monsieur et je n'arrive pas à me rappeler ce qui
19 pourrait avoir de la signification au sujet de ce nom. Je pense que les
20 gens qui ont agi, là-bas ensemble, devraient pouvoir le savoir.
21 Q. D'accord.
22 Si on voit seulement les commentaires de M. Baric, seriez-vous --
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, Baric ou Barac ?
24 M. SCOTT : [interprétation] Je pense que vous avez raison. Je pense que ce
25 nom est Barac. Je pense que j'ai mal prononcé. Je vais demander au témoin.
26 Q. Monsieur le Témoin --
27 R. Je pense que c'est Barac.
28 Q. Merci. Si l'on voit de quoi il s'agit de nos commentaires de M. Barac,
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1 seriez-vous pour dire qu'encore une fois, il exprime son inquiétude au
2 sujet du fait que le HVO s'empare du pouvoir -- s'était emparé du pouvoir à
3 différents endroits ?
4 R. Oui, les positions de Brkic n'étaient pas isolées. C'était partagé par
5 un cercle plus large de membres du HDZ en Bosnie-Herzégovine. C'est la
6 raison pour laquelle cette réunion a été convoquée pour tirer au clair la
7 situation, pour savoir qui a raison, Brkic en défendant ce qu'il défendait,
8 lui et ses hommes, ou était-ce Boban qui avait raison ?
9 Q. D'accord. Pour en terminer avec ce document, ce qu'a dit
10 M. Barac, c'est : "Je pense que la création du HVO a été une bonne chose,
11 mais là où les Musulmans sont majoritaires, ils ne reconnaissent pas cela
12 parce que c'est une prise de pouvoir en douce. La politique consistant à
13 nommer des fonctionnaires hauts placés à Zenica est une très mauvaise
14 politique. Pratiquement tous les responsables hauts placés sont des
15 Musulmans. Les relations avec d'autres groupes ethniques sont très
16 mauvaises, ce sont des avertissements. Il va y avoir un affrontement."
17 Je pense que nous pouvons poursuivre --
18 R. Je vois, dans ces propos, des avertissements lancé par Barac au sujet
19 du territoire de la Posavina, notamment, et de toute la région qui va dans
20 la direction de Tuzla, et je pense que ces avertissements sont présents
21 dans tous les débats avec Boban, c'est-à-dire, avec le courant qui imposait
22 un pouvoir global censé être pris en mains par le HVO en Bosnie-
23 Herzégovine.
24 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on soumette au
25 témoin la pièce P 0312.
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, avant cela, il
27 importe de souligner pour le compte rendu d'audience, eu égard à la pièce
28 précédente, la pièce 312, que M. Manolic a pris la parole lors de cette
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1 réunion. Il a indiqué quelle avait été sa position ici aujourd'hui, mais
2 peut-être pourrait-on tirer au clair l'endroit du texte où il a dit ce
3 qu'il a rapporté ici, aujourd'hui ? Où est-ce que l'on trouve cet appui à
4 M. Brkic ? Autrement, il va falloir que nous abordions cette question au
5 cours du contre-interrogatoire, mais je souligne ceci dans l'intérêt du
6 compte rendu d'audience.
7 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je travaille aussi sous
8 la contrainte du temps. Je crois savoir que ceci figure dans le texte, cela
9 fait partie des éléments de preuve présentés par l'Accusation. La Chambre
10 est au courant de l'endroit exact où ceci se trouve et, si la Défense a
11 d'autres questions, elle peut le faire sur son temps.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Si le document 134, apparemment c'était une réunion
13 qui s'est tenue à la villa Zagorje, le 10 mars 1992.
14 M. SCOTT : [interprétation] Je crois que Me Karnavas et moi-même parlions
15 de la pièce 00312, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, la pièce suivante, il faut savoir la
17 date et où.
18 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'indique à toutes
19 les personnes présentes dans le prétoire que, pour gagner du temps, encore
20 une fois, nous ne pourrons pas aborder tous les documents que nous pensions
21 aborder, tous les comptes rendus en question. J'en sauterai quelques-uns
22 dans l'espoir que la Chambre pourra les examiner plus tard, dans un autre
23 contexte, avec d'autres témoins.
24 Pièce suivante, 03112. Elle porte la date du 2 juillet 1992. Il s'agit
25 d'une réunion du Conseil de la Défense et de la Sécurité nationale tenue
26 dans le palais présidentiel. On m'a dit, Monsieur le Président, que la
27 pagination doit correspondre. Donc, la page 1 de la version papier doit
28 être la page 1 de la version électronique également, aussi bien en croate
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1 qu'en anglais; enfin, c'est ce que j'espère, en tout cas.
2 Q. Monsieur Manolic, je vous demanderais de faire ce que nous faisons déjà
3 depuis quelque temps, c'est-à-dire, penchez-vous sur la page 2 de ce
4 document et veuillez confirmer le fait simplement qu'il s'agit bien d'une
5 réunion du Conseil de la Défense et de la Sécurité nationale, tenue le 2
6 juillet 1993, au palais présidentiel, sous la présidence de M. Franjo
7 Tudjman. Vous remarquerez que, sur la liste des points à l'ordre du jour,
8 le premier point concerne la politique croate eu égard à la Bosnie-
9 Herzégovine.
10 R. Oui, je me souviens de cette réunion. A mon avis, le compte rendu qui a
11 été rédigé à l'issue de cette réunion correspond à ce qui a été dit.
12 Q. Très bien, Monsieur.
13 Nous examinions la page 2 et dans la suite du texte, le président Tudjman
14 continue à s'exprimer. Si nous nous penchons sur la page 3 de ce compte
15 rendu, d'ailleurs, je demande l'autorisation pour gagner du temps, Monsieur
16 le Président, de dire d'emblée que
17 M. Tudjman fait face à de nombreuses critiques, pas mal de gens lui
18 demandent de faire pas mal de choses. On voit ce genre de chose, notamment,
19 en bas de la page 3. La critique vient avant tout des partis d'opposition
20 qui s'expriment les uns après les autres, pratiquement tous. Je cite : "Je
21 ne connais pratiquement aucun parti d'opposition qui soit d'accord avec
22 notre politique au niveau de l'Etat et il y a même eu des demandes de
23 Budisa et de Stipac qui, personnellement, bien que modérées, ont demandé de
24 démettre Tudjman pour les mesures qu'il a prises en vue d'abolir la
25 communauté d'Herceg-Bosna."
26 Puis, au début de la page suivante, page 4 au premier paragraphe, nous
27 lisons les mots qui suivent, je cite : "Mais il était plus important que,
28 dans les rangs du parti dominant, que le HDZ soit inclus des membres du
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1 conseil, qu'il n'y ait pas d'appui unanime à la politique mise en œuvre. Si
2 vous préférez, ce que j'ai fait, en écoutant tous les membres de ce conseil
3 et d'autres, a consisté à prendre des décisions dont je pensais qu'elles
4 étaient conformes à l'intérêt historique du peuple croate et de l'Etat
5 croate. Dans ce sens, je vous demanderais de m'excuser pour mes propos qui
6 attaquent explicitement notre politique et le peuple de Bosnie-Herzégovine.
7 Il n'y a pas eu des accords dans la déclaration de Stipe Mesic, de Josip
8 Manolic -- il y a eu un désaccord déclaré dans les propos de Stipe Mesic et
9 de Josip Manolic et, finalement, de Franjo Greguric."
10 Donc, ceci indique qu'il y a une division au sein du HDZ et la
11 question se pose, à savoir si Tudjman s'apprête à remplacer à leurs postes
12 Boban, Susak, entre autres, n'est-ce pas ? Est-ce que vous avez ce passage
13 sous les yeux ?
14 R. Oui.
15 Q. Si nous lisons ce texte, pouvez-vous, dans vos propres mots, dire aux
16 Juges ce que le président Tudjman s'apprête à faire et qu'il indique dans
17 cette réunion ? Sur quoi portent ses commentaires ?
18 R. Au cours de cette réunion, le président Tudjman défend sa politique et
19 sa position contre les critiques qui viennent des partis de l'opposition.
20 Il a entendu les partis de l'opposition qui préconisaient une politique
21 contraire à la sienne, il souhaite également se défendre par rapport aux
22 critiques qui viennent de son propre parti, à savoir, de l'Union
23 démocratique croate qu'il préside. Il évoque précisément Butkovic qui est
24 ministre de l'Intérieur, ainsi que Mesic et Greguric qui, à un certain
25 moment, a présidé le gouvernement de l'Unité démocratique. En fait, il m'a
26 succédé au mois d'août 1991 et a occupé ce poste jusqu'aux élections de
27 1992. Il a été chef de ce gouvernement et, dans une de ses interviews, il
28 s'est également exprimé de façon critique par rapport à la politique du
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1 président Tudjman. Ses critiques à lui concordaient assez bien avec celle
2 que j'ai exprimé moi-même ainsi que Mesic. La seule différence c'est qu'il
3 exprimait de façon beaucoup plus modérée que moi-même et Mesic même si, à
4 ce moment-là, Mesic avait moins souvent accès aux médias publics qu'à la
5 télévision que moi-même. Ce qui l'irritait particulièrement c'était ma
6 position car, à cette époque-là, au sein du HDZ, compte tenu que j'étais
7 l'un des fondateurs de ce parti et l'un des plus proches collaborateurs du
8 président Tudjman pendant un certain temps, bien, je crois qu'en raison de
9 cela, mes critiques le touchaient plus particulièrement que d'autres. Au
10 cours de cette réunion, nous étions minoritaires car on peut voir ici qu'il
11 a convoqué à cette réunion de nombreuses personnes qui n'étaient pas
12 membres de façon à obtenir un appui plus large à ces positions et,
13 notamment, aux critiques que lui-même avait à diriger à mon encontre et à
14 l'encontre d'un certain nombre d'autres représentants.
15 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais appeler votre attention sur la page
16 numéro 8. Je vérifie. C'est toujours le président Tudjman qui parle, donc,
17 comme on le voit il a parlé assez longuement.
18 Q. Vous avez ce passage sous les yeux ?
19 R. Oui.
20 Q. Il y a deux factions principales au sein du HDZ. L'une qui souhaite
21 rassembler toutes les forces démocratiques de Croatie et qui se voue à
22 défendre les besoins réels de la population et l'autre qui œuvre à la
23 création d'un gouvernement dur. "Je soutiens fermement le premier de ces
24 deux groupes."
25 Alors, la question que je vous pose, Monsieur, c'est : puisque nous voyons
26 que le président Tudjman dit qu'il appartient ou qu'il soutient le premier
27 groupe, d'après votre expérience et vos observations de l'époque, quel est
28 le groupe que soutenait le président Tudjman ?
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1 R. A l'époque, j'estimais et je continue à penser qu'il soutenait, en
2 fait, les durs, c'est-à-dire, le deuxième groupe. Il aurait difficile
3 d'expliquer comment il aurait pu soutenir la première faction puisque, dans
4 ce cas, il aurait eu l'appui des partis de l'opposition de Croatie, et il
5 ne serait pas opposé à nous, puisque pour ma part je défendais une position
6 plus démocratique aussi bien par rapport aux problèmes qui se posaient en
7 Bosnie-Herzégovine que sur les questions intérieures de la Croatie. Mais,
8 pour lui, il était plus acceptable de dire en public qu'il défendait la
9 faction libérale et démocratique.
10 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais appeler votre attention sur la page
11 11 du texte.
12 Q. Vers la fin de son intervention - je vérifie, encore une fois, pour
13 voir si, entre-temps, quelqu'un d'autre a pris la parole, mais je ne crois
14 pas - donc, en page 11, nous voyons la suite de l'intervention du président
15 Tudjman, je cite : "Messieurs, comme vous le savez, car nous en avons déjà
16 discuté tout ceci culmine avec l'idée que la politique croate que j'ai mise
17 en œuvre est totalement erronée - c'est ce que dit certains représentants
18 de la population croate et c'est ce que je lis maintenant dans un document
19 que j'ai reçu - ma politique -- la politique de la Croatie, qui n'est pas
20 seulement la mienne, mais je dois dire qu'il s'agit de la politique que
21 j'ai contribué à créer. Je l'ai mise en œuvre dans la transparence en
22 accord total avec chacun d'entre vous, mais nous en sommes arrivés à un
23 moment très sensible à un moment où des critiques s'expriment à tel point
24 qu'il est permis de se demander si la Croatie pourrait survivre, si le HDZ
25 pourra survivre," et cetera, et cetera. "J'ai mis en œuvre cette politique
26 sur la base de mon appréciation et de vos appréciations de la situation,"
27 et cetera, et cetera.
28 Vous avez déjà parlé aujourd'hui du fait qu'un moment est arrivé où vous
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1 avez exprimé ouvertement vos critiques à l'encontre de Susak et dans une
2 moindre mesure à l'encontre du président Tudjman, mais une déclaration
3 telle que celle-ci vous fait comprendre que dans le temps il en est arrivé
4 à s'impliquer très personnellement dans cette politique ainsi qu'à
5 impliquer Susak, n'est-ce pas ?
6 R. Oui. C'est un phénomène que l'on appelle opportunisme dans le monde
7 politique à savoir que l'on attaque certaines personnes et qu'on ne dit mot
8 de d'autres personnes parce qu'on ne veut pas que l'attention se concentre
9 sur elle. Donc, il y a un certain nombre d'éléments qui semblent que
10 jusqu'à la fin de 1993 c'est ce genre de phénomène qui se développe. J'ai
11 essayé d'en parler avec le président, de lui dire qu'il fallait qu'il fasse
12 connaître ses points de vue en public et qu'il parle publiquement des
13 mesures prises par telle et telle personne plutôt que par moi-même. Mais,
14 en 1994, suite à l'affrontement et aux interventions qu'il a faites au
15 parlement, il a dit qu'il assumait pleinement la responsabilité de cette
16 politique et à ce moment-là nous avons cessé de nous mêler de cela. Nous
17 avons jeté les cartes sur la table et c'est de là que date la distanciation
18 de plus en plus grande que nous avons prise par rapport à lui.
19 Q. Monsieur, dans les quelques pages qui suivent, vous avez quelque chose
20 à ajouter ? Allez-y.
21 R. Vous parliez à l'instant d'un document que j'ai reçu. Je crois que
22 c'est un document qui émanait du ministre des Affaires étrangères de
23 Grande-Bretagne. Ce document comptait plusieurs pages et il donne lecture
24 durant cette réunion de ce document qui sur le fond était censé justifier
25 la politique qu'il menait en Bosnie-Herzégovine et qui était censé
26 également rappeler à la discipline ceux d'entre nous qui étions opposés à
27 cette politique. Car il avait besoin de l'appui de la communauté
28 internationale pour nous museler et, en même temps, pour développer cette
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1 politique aux yeux de la communauté internationale. C'est la raison pour
2 laquelle il a eu besoin de cette lettre assez longue du ministre des
3 Affaires étrangères britanniques qui, si je ne m'abuse, avait adressé cette
4 lettre au plus haut niveau du gouvernement.
5 Pour ma part, immédiatement après la lecture de cette lettre, j'ai
6 mis en doute l'authenticité de cette lettre car je me suis demandé comment
7 un document aussi confidentiel avait pu arriver dans ces conditions. J'ai
8 estimé qu'il s'agissait d'une tentative de mettre des bâtons dans les roues
9 à quelqu'un, maintenant, à qui, et comment ? Cela je ne suis pas assez
10 versé dans toutes ces affaires pour vous le dire. Mais, si vous voulez, je
11 pourrais vous demander de lire cette lettre à moins que toutes les
12 personnes concernées dans ce prétoire l'aient à leur disposition --
13 quelqu'un -- une lecture n'est pas nécessaire.
14 Q. Monsieur Manolic, vous avez effectivement anticipé les questions que je
15 voulais vous poser. M. Tudjman -- le président Tudjman donne lecture de
16 cette lettre que vous venez d'évoquer. Ceci est indiqué dans le compte
17 rendu dont nous discutons, et en page 12 ainsi que dans les quelques pages
18 suivantes, nous trouvons donc le contenu de cette lettre.
19 M. SCOTT : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, j'indique que
20 cette lettre est censée avoir été écrite par Douglas Hogg, et adressée au
21 premier ministre, John Major, à l'époque en question.
22 Q. Comment avez-vous compris les raisons qui ont conduit le président
23 Tudjman à donner lecture de cette lettre ?
24 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, d'abord, alors, cette
25 question a déjà reçu réponse et le témoin a indiqué qu'il souhaitait que
26 lecture soit donnée de cette lettre. Nous sommes ici devant un Tribunal et
27 je pense que le public également mérite que soit donné lecture de cette
28 lettre car M. Manolic a fait des commentaires durant la réunion au sujet de
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1 cette lettre, donc, je pense qu'il importe d'autant plus que cette lettre
2 soit lue avant que le témoin ne réponde à la question qui vient de lui être
3 posée par l'Accusation.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, lisez-la très vite, Monsieur Scott.
5 M. SCOTT : [interprétation] Mais cela ne sera pas déduit de mon temps,
6 Monsieur le Président ?
7 M. KARNAVAS : [interprétation] Je lui prête mon temps.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Cela sera pris sur le temps de
9 Me Karnavas.
10 M. SCOTT : [aucune interprétation]
11 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Madame Nozica.
13 Mme NOZICA : [interprétation] Il y a une erreur, Monsieur le Président. Il
14 est indiqué "premier ministre britannique" dans le compte rendu d'audience,
15 alors que cette lettre a été envoyée par le premier ministre britannique au
16 ministre des Affaires étrangères et pas vice versa; je crois que c'est
17 important.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, c'est une lettre de John Major au ministre des
19 Affaires étrangères.
20 M. SCOTT : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président, et je
21 vous prie de m'excuser si je me suis trompé. Cette lettre est adressée par
22 John Major à M. Hogg, effectivement.
23 En lisant cette lettre en public, Monsieur le Président, je me dois de
24 déclarer au préalable qu'à mon avis, cette position du gouvernement
25 britannique est montée de toute pièce, mais je vais donner lecture.
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, excusez-moi, l'Accusation
27 témoigne maintenant au nom de la reine du Royaume-Uni.
28 M. SCOTT : [interprétation] C'est mon privilège de le faire.
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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, parce qu'ils peuvent faire venir
2 quelqu'un du ministère des Affaires étrangères britannique, ils parlent la
3 même langue, M. Tudjman met en cause l'authenticité de cette lettre, soyons
4 équitables. Il ne peut s'exprimer au nom du Royaume-Uni.
5 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que c'est très
6 important de voir que Me Karnavas souhaite tellement --
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, M. Tudjman n'a jamais eu de doute
8 quant à l'authenticité de cette lettre. Vous avez déclaré quelque chose qui
9 est faux.
10 L'INTERPRÈTE : Il ne dispose pas du texte.
11 M. SCOTT : [interprétation] "Cher Douglas, merci de ton rapport détaillé au
12 sujet de la situation actuelle et passée dans la région de Bosnie-
13 Herzégovine et l'ex-Yougoslavie. Comme vous le savez bien, à partir des
14 discussions préalables aussi bien au sein du cabinet gouvernemental qu'en
15 d'autres occasions, le gouvernement de sa Majesté n'a pas changé de
16 position sur l'une quelconque des questions politiques suivantes.
17 "Premièrement, nous ne sommes pas d'accord pour qu'à l'avenir les
18 Musulmans de Bosnie-Herzégovine soient armés ou entraînés et si on voit
19 distribuer des équipements militaires.
20 "Deuxièmement, nous poursuivrons l'aide que nous apportons au
21 renforcement et à la mise en œuvre pleine et entière de l'embargo décidé
22 par les Nations Unies dans cette région, même si nous savons bien que la
23 Grèce, la Russie et la Bulgarie, fournisse des armes et dispensent des
24 entraînements à la Serbie alors que l'Allemagne, l'Autriche, la Slovénie et
25 le Vatican déploient des efforts comparables en faveur de la Croatie et des
26 forces du HVO dans la région.
27 "Il est d'une extrême importance que de tels efforts déployés par les
28 pays islamistes et des groupes islamistes ne soient pas couronnés de succès
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1 en faveur des Musulmans dans la région. A cette fin et jusqu'à la solution
2 définitive de la situation sur le terrain, à savoir, jusqu'à la partition
3 de la Bosnie-Herzégovine et sa destruction en tant qu'Etat islamiste
4 potentiel en Europe, que nous ne tolérerons pas, nous continuerons à
5 poursuivre la même politique. Par ailleurs, l'erreur qui a consisté à
6 entraîner et à armer les Musulmans -- les combattants afghans contre l'URSS
7 et leur transformation, combattants islamistes dans cette partie du monde,
8 de même qu'en Bosnie-Herzégovine--"
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Lentement.
10 M. SCOTT : [interprétation] Je reprends : "-- dans d'autres régions du
11 monde de même qu'en Bosnie-Herzégovine, cette erreur ne sera pas reproduite
12 avec la population musulmane de Bosnie-Herzégovine. Cela risquerait de
13 mener à des problèmes graves à l'avenir parmi la population musulmane
14 émigrée dans le pays de la Communauté européenne et de l'Amérique du Nord.
15 "Je vous renvoie au document ci-joint qui émane des Etats-Unis et qui
16 porte le titre de : 'Tremplin européen pour l'Iran.' Il porte la date du 1er
17 septembre 1992. Malheureusement, je ne dispose pas de ce document, mais il
18 concorde avec tout ce qui est dit ici, je cite :
19 "Ces critères deviennent de plus en plus pertinents au vue de
20 l'attention manifestée par nos services de Sécurité par rapport aux
21 communautés islamistes des pays occidentaux et, notamment, ici au Royaume-
22 Uni.
23 "Troisièmement, jusqu'à ce que la situation de l'ex-Yougoslavie
24 trouve une solution, nous devons à tout prix veiller à ce qu'aucun Etat
25 considéré comme musulman ne soit autorisé à s'exprimer eu égard aux actions
26 entreprises par les responsables de la politique de l'Occident et ceci
27 concerne particulièrement la Turquie. Il est, par conséquent, nécessaire de
28 continuer avec le himba," - ce qui signifie, d'après ce qu'on m'a indiqué,
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1 ce qui reste de - "donc, il faut poursuivre avec ce qui reste du plan de
2 paix Vance-Owen afin de retarder toute action éventuelle jusqu'à ce que la
3 Bosnie-Herzégovine n'existe plus en tant qu'Etat viable et jusqu'à ce que
4 sa population soit totalement expulsée de ce territoire. Poursuivez dans le
5 sens de la himba, certaines des personnes présentes ne connaissaient pas du
6 mot 'himba', hypocrite, et cetera, tel est le sens.
7 "Même si ceci peut semblé une politique un peu dure, je dois insister
8 auprès de vous et auprès de ceux qui sont à l'origine de la politique du
9 ministère des Affaires étrangères et des forces armées pour dire que c'est,
10 en fait, une politique réaliste qui est dans le plus grand intérêt de la
11 stabilité européenne à l'avenir et de la poursuite d'un système de valeurs
12 qui doit continuer à s'appuyer sur les valeurs de la civilisation
13 chrétienne et de l'éthique chrétienne.
14 "Cet avis, je dois vous en informer, est partagé par d'autres pays
15 européens et d'autres en Amérique du Nord et, par conséquent, nous ne
16 devons pas intervenir dans la région pour céder la population musulmane ou
17 demander la levée de l'embargo sur les armes qui est imposé à son encontre.
18 Les Musulmans de l'Occident doivent être amenés à voir qu'ils ne peuvent
19 s'opposer à l'opposition dans le monde, dans le nouvel ordre mondial et que
20 l'inaction de ce qui est convenu d'appeler les gouvernements musulmans du
21 monde qui ne font rien pour s'opposer à la destruction des Musulmans en
22 Bosnie-Herzégovine et qui ne remplissent pas leurs promesses d'action avant
23 le mois de janvier --" - excusez-moi - "-- avant le 15 janvier 1993, suite
24 à, je suppose, la réunion de la Conférence islamiste et l'organisation des
25 pays islamiques doivent être contrées.
26 "Si l'Occident ne sauve pas les Musulmans, les Musulmans de
27 l'Occident sont totalement impuissants à s'opposer à nous car nous
28 contrôlons leur gouvernement, même si vous n'avez pas tout à fait les mêmes
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1 positions que le ministre de la Défense sur ce point. Il importe dans cette
2 situation que l'ensemble, d'entre nous, il faut une présentation unie
3 contre ceux qui au parlement et dans le pays défendent des positions
4 différentes, notamment, après que l'ancien premier ministre ait vivement
5 acquis une telle politique.
6 "J'attends de tous ceux qui servent ce gouvernement qu'ils assument
7 les responsabilités qui sont les leurs au sein du cabinet.
8 "Avec mes meilleurs sentiments, John Major."
9 Monsieur le Président, avant de passer à autre chose, je vais poser la
10 question suivante. Je vais demander à la Défense de nous dire si elle pense
11 que la himba mentionnée dans cette lettre correspond à la vérité, si elle
12 prouve que cette lettre est authentique, c'est-à-dire, ou si le
13 gouvernement britannique aurait des positions différentes que celles qui
14 sont exprimées dans cette lettre dans la réalité ?
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je rappelle à la
16 Chambre que la charge de la preuve repose sur les épaules de l'Accusation
17 et pas sur celle sur la Défense. L'Accusation est en train de verser ce
18 document au dossier. Elle l'estime authentique. Je dis cela pour le compte
19 rendu d'audience.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous étiez présent lors de cette réunion
21 et avez-vous le souvenir que la teneur de ce courrier a été livrée aux
22 participants à la réunion ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est tout à fait cela. L'intégralité de la
24 lettre que l'Accusation vient de lire a été lue par le président Tudjman
25 lors de la réunion en question. C'est lui qui a donné lecture de cette
26 lettre. J'ai dit pour quelle raison il l'a fait. Je ne peux pas rentrer
27 dans les détails ici, mais j'ai douté de l'authenticité de la possibilité
28 pour un chef de gouvernement d'un pays occidental d'écrire à son ministre
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1 des Affaires étrangères pour traiter d'un problème qui ni avant, ni après
2 ne correspondait à ce qui avait été dit au sujet des Musulmans de Bosnie-
3 Herzégovine. C'est la raison pour laquelle j'estime avoir pleinement le
4 droit de mettre en doute l'authenticité de cette lettre censée avoir été
5 écrite par le chef de gouvernement d'un pays européen à son premier
6 ministre.
7 Puis, deuxièmement, je pense que la nature de telle lettre -- que des
8 lettres de cette nature ne méritaient pas de parvenir jusqu'à nous, c'est-
9 à-dire, jusqu'à un gouvernement dont les positions antimusulmanes étaient
10 assez connues. Alors, comme je l'ai déjà dit, je pense que l'objectif
11 poursuivi était double : premièrement, nous ramener à la discipline et,
12 deuxièmement, faire état d'un appui venant de l'extérieur pour sa
13 politique, vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Murphy, très vite, pour qu'on ne perde pas
15 de temps.
16 M. MURPHY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, sans parler du
17 fait que M. Scott intervienne dans l'intérêt de la reine d'Angleterre en ce
18 4 juillet -- sans même parler de cela, je pense qu'il serait utile que les
19 Juges de la Chambre sachent si, oui ou non, la lettre a été lue au cours de
20 la fameuse réunion en anglais ou si elle a été traduite, ensuite, de
21 l'anglais en croate, ou si une traduction croate de cette lettre a été lue
22 pendant la réunion.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Le président Tudjman a lu cette lettre en anglais ou
24 en B/C/S ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Le président Tudjman a parlé en anglais. Il
26 parlait anglais, mais il a donné lecture de ceci en croate parce que la
27 plupart d'entre nous ne comprenaient pas assez bien l'anglais, et je crois
28 que c'est la raison pour laquelle il a donné lecture d'une traduction en
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1 croate. C'est exactement la même chose que ce qu'on a entendu ici, la
2 traduction littérale de ce qu'on a entendu ici. Il avait déjà fait traduire
3 le texte en croate et il a donné lecture de cette traduction. Il n'a pas
4 procédé à une traduction à vue au cours de la réunion de travail.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, continuez.
6 M. SCOTT : [interprétation]
7 Q. Avant de vous indiquer le passage suivant qui m'intéresse, je vais ici
8 passer à une question que je n'avais pas prévu d'aborder tout de suite,
9 mais c'est en réponse à ce qui a été dit par
10 Me Karnavas. Donc, passons immédiatement à la page 22 du compte rendu. On
11 vous voit intervenir à cet endroit. J'espère que nous reviendrons suite au
12 sujet que je souhaitais aborder d'emblée. Page 22 : "Josip Manolic…" On
13 voit que vous intervenez. Ceci est un peu hors contexte. Donc, on parle
14 d'un certain nombre de critiques qui vous ont été adressées. Vous dites :
15 "Tout d'abord, quand vous parlez en tant que chef d'Etat, je voudrais que
16 vous fassiez la différence entre l'opposition et nous, nous qui sommes
17 assis ici, et que vous fassiez ceci aussi bien dans vos interventions
18 publiques qu'ailleurs."
19 Ensuite, il dit - et là je saute quelques lignes : "Autre chose au sujet de
20 ma déclaration, je n'ai nullement l'intention de défendre mon intervention
21 mais mon objectif, c'était de défendre la politique que vous avez, vous-
22 même, mise en œuvre parce que j'ai commencé à parler de la position de la
23 Herceg-Bosna, cette position, cette Herceg-Bosna qui existait et qui a été
24 créée pour faire obstacle à l'agression. Ceci était vrai et il y a eu des
25 erreurs dans la mise en œuvre de tout cela."
26 Bien, est-ce que vous avez bien déclaré ceci ?
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Il faudrait tout lire. Il faudrait tenir ce
28 qui suit aussi.
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1 M. SCOTT : [interprétation] Mais pourquoi est-ce que je dois le faire ?
2 Alors, pendant le temps qui m'est imparti, Me Karnavas pourrait le faire
3 pendant son contre-interrogatoire.
4 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais justement parce que c'est une phrase en
5 entier. Il ne faut pas interrompre la phrase prononcée par le témoin.
6 M. SCOTT : [interprétation] Si quelqu'un est intéressé, il peut lire. C'est
7 la suite.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais le public ne peut pas le faire.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai devant moi presque un mètre cube de documents.
10 On ne peut pas demander à chaque fois à celui qui pose les questions au
11 témoin de lire toutes les pages. Donc, il faut aller à l'essentiel.
12 Maintenant, si, pendant le contre-interrogatoire, vous voulez appeler
13 l'attention de Juges sur tel ou tel point, vous aurez la possibilité de le
14 faire, mais il faut aller à l'essentiel; sinon, on est là pour 25 ans.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne survivrai à cela.
16 M. KARNAVAS : [interprétation] Ne vous inquiétez pas. Cela ne prendra pas
17 si longtemps que cela. On est en train de prendre cela en plaisanterie,
18 mais il y a quand même une virgule ici. La phrase se poursuit. C'est quand
19 même important. Il faut donner au témoin la possibilité de s'exprimer.
20 M. SCOTT : [interprétation] Pour répondre aux préoccupations de Me Karnavas
21 et dans l'esprit de courtoisie dont j'ai toujours fait preuve, je vais
22 donner lecture du reste de la déclaration que tout le monde a vu dans le
23 prétoire. Je cite : "Il y a eu des erreurs individuelles dans la mise en
24 œuvre de cette politique. J'ai dit que ce problème se limite à des erreurs
25 individuelles pour défendre la politique dans toute sa portée générale.
26 C'est tout ce que j'ai voulu faire depuis le début."
27 Q. Donc, si cela convient à Me Karnavas, pouvez-vous nous dire quoi que ce
28 soit au sujet de ces déclarations et de la position que vous avez prise
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1 pendant cette réunion, réponse aux critiques que vous adressez au président
2 Tudjman ?
3 R. Je crois que, si vous regardez ce que j'ai déclaré ici, on voit
4 clairement les points d'accord qui étaient les nôtres et les points sur
5 lesquels nous n'étions pas d'accord. Je fais part de mon point de vue au
6 sujet de sa politique, la politique mise en œuvre au sujet de la Herceg-
7 Bosna. Je ne vais pas faire, moi-même, l'exégèse de mes propres propos. Il
8 n'est pas utile de donner lecture de ce que j'ai dit pour moi parce que je
9 me souviens parfaitement de ce que j'ai dit.
10 Q. Maintenant, qu'il est dit que : "Dès le début, cela a été mon idée."
11 Dès le début, cela a été votre idée, quoi exactement ? Quelle a été la
12 nature de cette idée, du début à la fin ?
13 R. Cela veut dire ce que j'ai dit. Troisièmement, je pense qu'il y a ici
14 quelque chose d'assez important. Je défends l'entretien et les propos
15 donnés dans un entretien par M. Greguric parce que, lui aussi, il a fait
16 l'objet de critiques puisqu'il présentait une opinion différente, une
17 opinion qui allait à l'encontre de la politique prônée par le président
18 Tudjman.
19 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais qu'on passe à la page suivante, la
20 page 23. En bas de cette page, le quatrième point, il y a un paragraphe qui
21 commence par ce terme, quatrième point au sujet de cette lettre soit disant
22 écrite par John Major. On voit la phrase suivante : "Je serai opposé à
23 toute politique anglaise dans ce sens."
24 Q. Est-ce que vous avez trouvé le passage concerné ?
25 R. Je ne veux pas non plus me lancer dans un commentaire sur ce point-ci
26 parce que j'ai fait part de ma prise de position tout à fait clairement. Si
27 cette lettre était authentique, elle ne proposerait pas une solution
28 valable pour les problèmes rencontrés sur le territoire de Bosnie-
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1 Herzégovine.
2 Q. Donc, si cette lettre était effectivement authentique, et si comme
3 quelqu'un l'a dit il y a quelques instants, elle avait été présentée comme
4 une lettre opposée aux Musulmans. Vous y seriez opposé.
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Objection. Ici, on est en train
6 de faire des suppositions. Il ne s'agit pas de véritables éléments de
7 preuve qui nous sont communiqués, et si on va dans ce sens, à ce moment-là,
8 il faut lire la totalité de la réponse qui est donnée. Il faut commencer
9 par le passage qui dit : "Je suis d'accord avec la politique --" et cetera.
10 Je pense que c'est très clair quand on lit la suite.
11 M. SCOTT : [interprétation] Je ne suis pas convaincu par
12 Me Karnavas.
13 Q. Est-ce que vous avez dit au quatrième point : "Je serais contre une
14 telle politique de la part de l'Angleterre --" ?
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Il faut lire la totalité du passage et pas
16 simplement des extraits; sinon, comment peut-on savoir de quoi il parle ?
17 Je sais que nous, nous pouvons le savoir, mais nous ce que nous demandons à
18 ce monsieur c'est de se lancer dans des hypothèses.
19 M. SCOTT : [interprétation] Le témoin nous a déjà dit qu'il connaît très
20 bien le compte rendu de cette réunion et il peut répondre. M. Karnavas
21 pourra y revenir sur son temps.
22 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais je serai contraint de le faire, c'est
23 justement pour cela que j'interviens.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Manolic, il paraît, dans ce document, que
25 vous exprimez le fait - et en vous fondant certainement sur la lettre du
26 premier ministre que -- en ce qui vous concerne vous êtes opposé à la
27 politique anglaise et également à la politique française parce qu'il y a
28 les mots également "la politique française." Alors, pourquoi étiez-vous
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1 opposé à ce type de politique dans l'ex-Yougoslavie autant que vous vous
2 rappeliez de votre intervention lors de cette réunion ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, ceci est contraire au point de
4 vue que j'ai manifesté s'agissant du référendum et d'une Bosnie-Herzégovine
5 unifiée où il y aurait eu 44 % de Musulmans. Au moment du recensement,
6 c'est le chiffre qui est ressorti.
7 0Deuxièmement, la politique de l'Angleterre et de la France à cette
8 politique a pu à certain moment aller dans le sens de la politique serbe
9 mais cela n'a pas été le cas jusqu'au bout. Les accords de Washington ont
10 aussi traduit le point de vue de la politique française et anglaise. Si
11 bien que cela infirme ce qui figure dans cette lettre, à savoir que soit
12 disant la politique anglaise serait celle que l'on peut voir décrite ici.
13 Il y avait une dame, une ancienne premier ministre, qui ne prenait pas le
14 point de vue qui est exposé dans cette lettre.
15 Aujourd'hui encore, je suis opposé à une stratégie de ce type - à une
16 politique de ce type parce que les difficultés de la Bosnie-Herzégovine ne
17 peuvent être résolues en liquidant le groupe ethnique musulman dans la
18 région. Toute politique d'où qu'elle vienne -- toute doit prendre ceci en
19 contre; sinon, on revient au moyen âge où on a assisté à l'élimination de
20 groupes ethniques entiers dans certaines régions du monde. Je ne pense pas
21 que l'Europe puisse aller dans ce sens maintenant.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Scott.
23 M. SCOTT : [interprétation]
24 Q. Monsieur, avant d'en terminer de l'examen de ce sujet, pour revenir -
25 je l'espère à d'autres questions et à d'autres documents - on voit qu'il y
26 a ici un dialogue qui se poursuit entre vous et le président Tudjman.
27 M. SCOTT : [interprétation] Page 24, notamment, bas de la page 24, et puis
28 au haut de la page 25. J'imagine que Joza c'est un terme affectueux pour
Page 4421
1 désigner Josip, et le président Tudjman dit : "Joza, la politique croate en
2 Bosnie-Herzégovine doit tenir compte de l'Herceg-Bosna et de Boban, mais
3 aussi de Kljuic et de Brkic, Kljuic qui a disparu sous le fez d'Alija," et
4 cetera.
5 Q. Est-ce que vous continuez à nous dire, Monsieur, ce que vous avez déjà
6 dit hier que des gens comme Kljuic, Brkic, on a dû en tenir compte pour
7 décider de la bonne politique à adopter ?
8 R. Quand je dis "Kljuic et Brkic," quand je parle d'eux, je parle d'eux de
9 manière symbolique. Je donne leurs noms de manière symbolique parce qu'ils
10 étaient en faveur des intérêts de la Bosnie centrale et d'autres régions
11 aussi et pas uniquement de zones où il y avait une grande homogénéité de la
12 population du point de vue ethnique. Je pense à l'Herzégovine. Boban ne l'a
13 pas compris. Lui, il défendait sa propre politique, la politique de -- et
14 sa propre ligne, celle de l'Herceg-Bosna qui voulait voir mise en place
15 dans cette zone. Il ne tenait nullement compte de ce qui se passait
16 ailleurs. C'est à ce moment-là que le conflit a eu lieu. C'est seulement
17 les accords de Washington qui ont réussi à mettre un terme à ce conflit.
18 Cela n'a pas été complètement une réussite à 100 %, mais cela a permis
19 d'arrêter le bain de sang. Je crois que c'est la plus grande réussite qui
20 ait été engrangée par les Croates ainsi que par les Musulmans. Mais il faut
21 que j'insiste sur les Croates parce que c'est eux qui étaient dans la
22 situation la plus critique à l'époque du point de vue militaire.
23 Monsieur Praljak, c'est quelque chose avec quoi vous n'êtes peut-être pas
24 d'accord, mais les faits montrent que vous étiez en pleine crise militaire,
25 une crise très dramatique au moment où les accords de Washington ont été
26 signés. Vous avez le droit d'avoir votre opinion sur la question comme tout
27 un chacun.
28 Q. Sur ce point, j'aimerais qu'on revienne à la page 17. Le président
Page 4422
1 Tudjman intervient ici : "Messieurs, il y a quelque temps, j'ai appelé le
2 ministre de la Défense Susak et le chef d'état-major, le général Bobetko,
3 et je leur ai dit de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces
4 zones en Bosnie-Herzégovine soient désignées comme des zones appartenant à
5 la Croatie aux termes du plan Vance-Owen."
6 Ensuite, au bas de la page, il dit "Bien, Messieurs, le ministre de
7 la Défense et le chef d'état-major doivent prendre un certain nombre de
8 mesures. Je leur ai déjà donné l'ordre de garantir les intérêts croates au
9 sens militaire, c'est tout ce qui est nécessaire. Bien entendu, il ne faut
10 pas le faire ouvertement."
11 Cela se passe le 2 juillet 1993. Qu'est-ce qui se passait à ce
12 moment-là, qu'en était-il de la présence de certains éléments croates en
13 Bosnie-Herzégovine à cette époque ?
14 R. Il est manifeste que le président Tudjman se trouvait face à un
15 dilemme. D'une part, il voulait apporter autant que possible son concours
16 sur place et il a pris un certain nombre de mesures -j'ignore la nature
17 exacte de ces mesures militaires ou autres - et il a donné des ordres au
18 chef de l'état-major général, donc, j'imagine qu'il s'agit là de mesures
19 militaires. Mais, à la deuxième phrase, on voit où réside le péril parce
20 qu'il dit : "Surtout, cette assistance, il ne faut pas la donner
21 publiquement." Il avait peur que l'on ne fasse pression sur lui depuis
22 l'extérieur s'il s'engageait militairement en Bosnie-Herzégovine.
23 Q. On va sauter le paragraphe suivant. Je cite : "Au sens militaire et
24 dans tous les services du gouvernement, il convient de faire attention au
25 fait qu'en Bosnie-Herzégovine, nous devons garantir nos intérêts à tout
26 point de vue."
27 Ensuite, j'aimerais que nous examinions, toujours sur le même sujet, ce qui
28 figure à la page 54. Le président Tudjman intervient, je cite : "Quelqu'un
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1 d'autre doit intervenir. Bien, Messieurs, finissons-en. S'agissant des
2 sanctions, je ne pense pas qu'il y ait une véritable menace." Ensuite, il
3 dit, je cite : "Cette menace, elle est encore moins présente aujourd'hui,
4 mais nous devons faire attention, nous ne devons pas donner aux Serbes le
5 prétexte de mener à bien leur propre politique, c'est quelque chose que
6 nous ne devons pas faire, c'est clair. Mais, dans le même temps, nous
7 devons prendre des mesures pour protéger les intérêts croates au sens
8 territorial du terme et vous, général Susak, général Bobetko, vous devez
9 rencontrer les dirigeants de la Bosnie-Herzégovine, Praljak, et cetera, les
10 dirigeants qui sont là-bas avec Boban et Prlic pour décider exactement de
11 ce qu'il convient de faire. Mais il va sans dire que vous ne devez pas
12 mener à bien cette opération de telle manière que cette intervention
13 apparaisse directement."
14 Est-ce que vous avez vu le passage concerné, Monsieur ?
15 R. Oui, j'ai trouvé. Mais c'est quelque chose -- c'est une constante que
16 l'on retrouve dans tout le texte. Il faut passer à l'action, il faut aider
17 l'Herceg-Bosna, mais, surtout, il ne faut pas le faire de manière qu'on
18 puisse le remarquer depuis l'extérieur. C'est un danger qu'il ne cesse de
19 mettre en évidence. On avait affaire là à un homme politique réaliste, il
20 savait bien que s'il y avait des sanctions à cause d'une intervention en
21 Bosnie-Herzégovine, il savait bien que ces sanctions, elles toucheraient la
22 Croatie et elles auraient pour conséquence d'isoler cette même Croatie et
23 qu'elles remettraient en cause la survie-même de la Croatie en tant qu'Etat
24 indépendant -- en tant qu'Etat souverain. C'est la raison pour laquelle il
25 ne cesse d'y revenir et d'insister sur ce point. Il ne faut surtout pas
26 qu'on s'en rende compte, que cela se sache, que cela se remarque.
27 Mais vous vous souviendrez que le Conseil de Sécurité des Nations
28 Unies en a pris note et a remarqué la chose. On se rappellera de ces fameux
Page 4424
1 propos, je cite : "Les éléments de l'armée croate sont présents en Bosnie-
2 Herzégovine."
3 Donc, c'était quelque chose qu'on ne pouvait pas nier, c'était un fait
4 qu'on ne pouvait pas nier, aussi bien dans les discussions entre nous qu'en
5 public. C'est quelque chose qu'on pouvait encore moins infirmer, encore
6 moins nier dans les informations, dans les rapports qui circulaient au
7 Conseil de Sécurité des Nations Unies. C'était là la difficulté rencontrée
8 dans la mise en œuvre de cette politique de l'Etat. Ce n'était vraiment pas
9 très facile.
10 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais maintenant que le Greffier nous
11 présente la pièce P 08012.
12 Q. Est-ce que nous avons ici, Monsieur, le compte rendu d'une réunion,
13 page 2 du document, j'espère que la page 2 sera la même page aussi bien
14 dans la version électronique que dans la version papier. La page 2 nous
15 indique qu'il s'agit de la réunion de la 27e séance du Conseil de la
16 Défense et de la Sécurité nationale, qui s'est tenue le 24 mars 1994 sous
17 la présidence du président Tudjman.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce n'est pas la 27e, mais la 37e.
19 M. SCOTT : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur le
20 Président; vous avez tout à fait raison.
21 Q. Est-ce que vous avez trouvé le passage concerné, Monsieur le Témoin, la
22 37e séance ?
23 R. Je pense qu'effectivement, je m'en souviens. Cette séance de travail,
24 elle a été consacrée au préaccord, elle a précédé l'accord de Washington.
25 On a discuté d'un certain nombre de paragraphes précis des accords de
26 Washington et on a pris position -- on a déterminé nos positions de décider
27 si, oui ou non, il convenait d'accepter ces documents, et je dois dire que
28 la définition fournie par le Conseil de Sécurité datait d'une date
Page 4425
1 antérieure. Il s'agissait d'une façon de faire pression sur le président
2 Tudjman pour qu'il accepte les accords de Washington sans émettre quelque
3 objection que ce soit. Si on veut être objectif, totalement objectif, on
4 doit dire que c'était là au moins un des aspects positifs du caractère
5 autoritaire du président Tudjman. Donc, on l'a vu se manifester aussi bien
6 sur la scène politique croate que sur la scène politique de la Bosnie-
7 Herzégovine. Personne n'a trouvé la force nécessaire pour s'y opposer.
8 Ce groupe en Bosnie-Herzégovine n'a pas été en mesure de résister à
9 cette politique, même si cela représentait un virage à 180 degrés parce
10 que, jusqu'à ce moment-là, ils avaient -- c'est la guerre contre les
11 Musulmans et, soudain, voilà qu'ils allaient se retrouver dans une
12 Confédération où ils vivraient en paix avec les Musulmans. Or, il n'y a
13 aucune résistance, même ceux qui étaient favorables à la guerre, à l'option
14 de la guerre ont donné leur accord du fait de l'autorité dont jouissait le
15 président Tudjman. Donc, ils n'ont pas opposé de résistance, ils ont
16 accepté cette politique.
17 Q. Très bien. Pour que l'on se replace dans le contexte, s'il vous plaît,
18 pour la journée du 4 mars 1994, les accords de Washington n'étaient pas
19 encore accomplis. C'était quelque chose qui s'annonçait mais ce n'était pas
20 encore gagné ?
21 R. C'est exact. C'est un peu plus tard qu'on a signé les accords de
22 Washington. Là encore, on est encore dans la phase préparatoire. Ce sont
23 des documents qui font encore l'objet de discussion. Je pense que c'est à
24 cette réunion qu'on en a discuté.
25 Q. Si on examine le point 1 à l'ordre du jour, on y lit : "Accord
26 préliminaire sur la création d'une Fédération croato-musulmane de Bosnie-
27 Herzégovine et d'une Confédération avec la Croatie" ?
28 R. Oui.
Page 4426
1 Q. En bas de la page, passons en haut de la page 3. Il est fait mention de
2 M. Prlic et de sa présence également à cette réunion. Je pense que vous en
3 avez déjà parlé aujourd'hui; c'est exact ?
4 R. Oui.
5 Q. Page 4 à présent, je vous invite à examiner.
6 R. Je pense qu'à cette réunion, on n'a pas réuni uniquement les membres du
7 conseil. Je pense que c'était une réunion au sens élargi puisqu'on y a
8 convoqué également certains représentants, certains cadres de Bosnie-
9 Herzégovine. Je me souviens de Prlic, en particulier. Il a pris part au
10 débat.
11 Q. Très bien. Passons à la page 4, un peu au-dessus du milieu de la page.
12 "C'est ce que je disais dans un message hier, et s'il en a qui ne le
13 comprenne pas, pourquoi avons-nous créé la République croate de Herceg-
14 Bosna ? Alors, je vais le répéter pour pouvoir aboutir à des résultats avec
15 cette politique. Si ne l'avions pas fait, si nous n'avions pas aujourd'hui
16 la Herceg-Bosna, on aurait la fédération croato-musulmane de Bosnie. On
17 n'aurait pas de Confédération de cette Bosnie croato-musulmane avec la
18 Croatie. En d'autres termes, nous l'aurons dans la sphère de la Croatie.
19 Nous n'aurons pas, je ne dirais pas que nous aurions deux Croatie, mais
20 excusez-moi, nous aurons au moins la moitié de la Bosnie. Ceux qui ne
21 comprennent pas que j'étais l'un de ceux qui ont prôné la division de la
22 Bosnie, ils peuvent tirer leurs propres conclusions."
23 Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, dire aux Juges de la Chambre si ce
24 que dit le président Tudjman en substance ici, c'est que les accords de
25 Washington sont la meilleure chose qui peut être obtenue, qu'en fait, c'est
26 un grand pas en avant.
27 Est-ce que vous vous rappelez que c'est en effet ce que disait le président
28 Tudjman lors de cette réunion, qu'il essaie de vendre les accords de
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1 Washington ?
2 R. Il s'agit de la défense de sa politique eu égard à la Herceg-Bosna et
3 la Bosnie. C'est cela l'essentiel. Il ne veut pas accepter qu'il s'agisse
4 d'un revirement, qu'il s'agisse, en fait, d'une nouvelle orientation vers
5 une nouvelle politique, que ces négociations des accords de Washington
6 annoncent, là. Il ne peut pas accepter cela parce que vous verrez plus tard
7 dans le texte, la déclaration de Susak qui dit : "Mais comment est-ce que
8 nous allons justifier les victimes, la guerre ?" C'est cela le revers de
9 cette politique, reconnaître, à ce moment-là, qu'il ne s'agit pas d'un
10 revirement, qu'il s'agit d'une continuité, qu'on s'inscrit dans la
11 continuité de la politique menée par lui. S'il disait : "Je change de
12 direction," dans ce cas-là, il faudrait qu'il justifie toutes les victimes
13 qu'on a consenties dans ce conflit avec les Musulmans.
14 Q. Monsieur, pour gagner du temps, je voudrais que l'on examine la page 42
15 du document où vous exprimez votre vision, votre opinion de cet accord, les
16 accords de Washington. Pour le compte rendu d'audience, à partir du moment
17 où le président Tudjman a pris la parole, ce qui se passe dans le reste de
18 la réunion, il semblerait qu'on fait le tour de la table et que tout à
19 chacun s'exprime pour faire part de son point de vue.
20 Donc, vous prenez la parole, page 42, je cite :
21 "Josip Manolic : Je pense que cet accord est idéal du point de vue
22 des intérêts de la Croatie. Premièrement, puisque ceci nous libèrera et il
23 nous a libéré. Ensuite, l'exemple que Gojko a présenté montre que s'il n'y
24 avait pas eu d'accord, nous serions placés sur l'embargo. C'est une autre
25 question de savoir si l'accord a pu être passé plus tôt. Si nous avions pu
26 résoudre ce cauchemar et ces pressions des menaces d'embargo plus tôt. Je
27 pense qu'il faudrait laisser le jugement à l'histoire et essayer maintenant
28 de mettre œuvre cet accord. Je pense que les trois parties en présence
Page 4428
1 doivent se féliciter d'avoir passé cet accord --"
2 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi la fin de la citation.
3 M. SCOTT : [interprétation]
4 Q. Monsieur, pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre si vous
5 estimiez que ces accords de Washington étaient en fait ce que vous
6 demandiez depuis quelques temps, vous et Stipe Mesic ?
7 R. Oui. Je peux le dire entièrement que les accords de Washington
8 correspondaient à nos efforts déployés jusqu'à ce moment-là : tout d'abord,
9 consistant à éviter un conflit avec les Musulmans, ensuite, consistant à y
10 mettre fin. Voyez-vous, il n'y a pas eu suffisamment de forces, ni du côté
11 croate, ni du côté musulman pour mettre fin à ce conflit. Par conséquent,
12 il a fallu que des forces internationales s'en mêlent. Ici, en
13 l'occurrence, les Etats Unies d'Amérique qui ont pris l'initiative et tous
14 les autres qui ont pris part à cette négociation des accords de Washington.
15 Mais là, on voit aussi la persévérance. On voit avec quelle persévérance
16 même s'il n'y a aucun logique à ce qu'on défende la continuité de cette
17 politique car de toute évidence, il y avait rupture dans cette politique
18 par rapport à ce qu'elle avait été jusqu'à ce moment-là, vis-à-vis de la
19 Bosnie-Herzégovine. Donc, j'entre dans un polémique. Oui, là, et je pense
20 que là encore j'ai eu raison.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. C'est 3 heures 30. On va faire la pause.
22 Nous reprenons à 4 heures moins 10.
23 --- L'audience est suspendue à 15 heures 30.
24 --- L'audience est reprise à 15 heures 51.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Scott, vous avez la parole.
26 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur, je vous prie de vous reporter page 55
27 de ce même compte rendu. Encore une fois, il s'agit de la pièce P 08012.
28 Là. Le président Tudjman reprend la parole dans les débats, et il dit,
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1 "Quelqu'un d'autre ? Non. Très bien. Alors, très bien. Nous allons terminer
2 avec ce point avant que je passe aux conclusions - récapitulons rapidement
3 la discussion. Je pense qu'il est clair qu'il ressort clairement de
4 l'ensemble des débats que tout le monde est d'accord sur le fait que c'est
5 utile pour la nation croate." Encore une fois, nous parlons maintenant des
6 accords de Washington. "Utile pour la nation croate -- l'Etat croate. Zubak
7 --"
8 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi --
9 M. SCOTT : [interprétation]
10 Q. "-- mais je ne pense pas qu'il convienne d'adopter une seule approche,
11 l'approche qui insisterait sur cela. En même temps, nous devrions affirmer
12 que ceci est le résultat de la cohérence de notre politique. Mesic et
13 Manolic divergent un petit peu ce point."
14 Plus loin, entre autres choses : "Je suis la personne qui a lancé la
15 solution cantonale de Cutileiro."
16 Puis, à la page suivante : "Manolic --"
17 Président : Non, mais vous pensez que nous aurions pu éviter le
18 conflit et que c'est notre erreur. Comme vous l'avez déclaré publiquement à
19 de nombreuses reprises, qu'il y ait eu le conflit avec les Musulmans de
20 Bosnie et ceci n'était pas vrai. Même si j'avais l'intention d'écarter
21 Boban de la scène politique, non pas parce que je pensais que Boban était
22 coupable ou parce que, comme certains d'entre vous le pensaient, le fait de
23 rallier l'Herceg-Bosna aurait été une mauvaise solution afin que tous
24 évoluent de telle manière que la Serbie rejoigne et que l'ouest permette à
25 l'Etat musulman. Il est clair que le fait d'annexer l'Herceg-Bosna à la
26 Croatie est quelque chose qui aurait dû être préparé."
27 Je saute un paragraphe. "Donc, il ne s'agit pas d'un revirement, mais
28 d'une cohérence de notre politique."
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1 Alors, Monsieur, est-ce que vous pouvez réagir ?
2 R. Oui, je pense que tout observateur des événements de Bosnie-
3 Herzégovine, et en particulier, dans l'Herceg-Bosna, et quelqu'un qui
4 aurait suivi la politique du président y aurait vu une rupture, un terrible
5 revirement dans cette politique. Mais, lui, il ne pouvait pas l'admettre et
6 ne pouvait pas le reconnaître. Il fallait qu'il insiste qu'il s'agisse de
7 la cohérence d'une politique car s'il avait reconnu qu'il s'agissait d'un
8 revirement la question qui serait posée, c'est ce que j'avais demandé déjà
9 précédemment, à savoir pour quelle raison est-ce qu'il y a eu un conflit
10 armé entre les Musulmans et les Croates ? Alors, en Bosnie-Herzégovine,
11 donc il aurait été obligé de répondre à cette question.
12 Ce que j'ai affirmé à l'époque, lors de cette réunion et plus tard
13 c'est que le conflit entre les Musulmans et les Croates n'auraient pas dû
14 éclater, et qu'on n'aurait pas dû avoir toutes les victimes qu'on a eues,
15 toutes les difficultés et les problèmes qu'on a connus à cause de ce
16 conflit pas de camp, pas de prison, pas toute une série de ces problèmes
17 qui ternissent l'image de la Croatie et de l'Herceg-Bosna et d'une certaine
18 manière les approches de l'agressivité qui a caractérisé la Serbie lors de
19 la recherche de la solution en Bosnie-Herzégovine. Ce n'est pas acceptable
20 mais c'est un fait car le conflit n'avait pas lieu d'être, et si on n'avait
21 pas eu ce conflit, on n'aurait pas non plus connu les conséquences de
22 celui-ci.
23 Les partis d'opposition, qui ont vu le jour en Bosnie-Herzégovine, le
24 parti de Komsic -- le parti civique de Komsic. Il y en a eu d'autres créés
25 par les Croates également par la suite. Je pense que Kljuic a créé son
26 propre parti à un moment également tous ces partis se sont trouvés dans
27 l'opposition par rapport à la politique menée par l'Herceg-Bosna et Mate
28 Boban à sa tête puis ses héritiers par la suite jusqu'au moment de la
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1 signature des accords de Washington.
2 Voyez-vous, et là, que ce soit face à Komsic non plus, il ne veut pas
3 reconnaître qu'il avait raison. Il dit maintenant Komsic, lui aussi, donc,
4 ce Parti des Droits civiques qui est l'extérieur -- le parti de
5 l'opposition, il dit : "Il a désormais rallié la politique du HDZ," mais
6 cela se justifie difficilement compte tenu des événements passés.
7 Q. Pour que ce soit précisé dans le compte rendu d'audience, page 111,
8 ligne 18, Monsieur, cela commence ligne 17. Vous dites : "Voyez-vous, il ne
9 voulait pas le reconnaître. Il ne voulait pas le reconnaître à Komsic."
10 Vous voulez dire que sa politique était correcte ou pas ?
11 R. Non. Je pense que Komsic cherchait une solution à peu près dans les
12 mêmes eaux que Kljuic et, par la suite, son succès était à peu près sur la
13 même ligne, même si la dénomination n'était pas la même. Mais on ne peut
14 pas nier que Komsic voulait défendre les intérêts des Croates, de la
15 population croate en Bosnie-Herzégovine lui aussi. Même si je pense que par
16 la suite, tout le monde a apporté son appui aux accords de Washington. Là
17 encore, c'est quelque chose de très significatif car le président Tudjman
18 les défendait, les prônait.
19 Q. Très bien. Nous allons examiner le dernier compte rendu. Il s'agit de
20 la pièce P 01325.
21 Monsieur, est-ce qu'il s'agit bien de la réunion du Conseil de
22 Défense et de Sécurité nationale de la République de Croatie, en date du 26
23 janvier 1993, présidée par le président Tudjman ?
24 R. Oui.
25 Q. Alors, nous allons passer en revue quelques fragments de ce texte. En
26 bas de la page 2, nous avons une lettre du président Tudjman --
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce qu'on peut tout d'abord savoir si
28 Monsieur était présent ou non parce qu'on ne retrouve pas son nom en
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1 première page de ce compte rendu ?
2 M. SCOTT : [interprétation]
3 Q. Monsieur, pouvez-vous nous dire si, d'après votre souvenir vous étiez
4 présent à cette réunion ?
5 R. Oui, j'ai assisté à cette réunion.
6 Q. Donc, une lettre émanant de Jadranko Prlic envoyée au président Tudjman
7 au sujet de l'évolution de la situation en Bosnie vers la deuxième moitié
8 du mois de janvier 1993 ?
9 R. Même si certaines personnes qui n'étaient pas membres du conseil
10 avaient elles aussi été convoquées à cette réunion.
11 Q. Merci. Page 5, s'il vous plaît. Une fois qu'on a donné lecture de la
12 lettre de M. Prlic, Susak prend la parole et il dit : "Monsieur le
13 Président, à 11 heures 30 ce matin, j'ai reçu un rapport de Busovaca de la
14 part de Kordic et Bruno Stojic. Ils ont coupé la route qui Kiseljak-
15 Busovaca, dans le village de Kacuni, il n'y a toujours pas eu de
16 changements de la situation, il n'y a pas eu d'autres événements entre-
17 temps."
18 Page 7, au milieu de la page 7, Susak reprend la parole et il dit :
19 "Nous avons reçu un rapport du général Praljak et de Stojic disant qu'Alija
20 ne contrôle pas ses unités."
21 Page 8, ensuite, Susak qui dit : "Je ne sais pas si vous avez parlé à
22 Boban, mais j'ai eu l'occasion de lui parler vers 11 heures ce matin."
23 Le président : "Non, je lui ai parlé hier soir."
24 Ensuite, page 9, encore une fois, Susak -- avant que je ne vous pose
25 la question, donc, Susak dit : "Il commence à manquer de matériel là-bas et
26 il est difficile de le fournir, ils n'ont pas suffisamment de matériel.
27 Praljak et Stojic sont en train d'organiser tout ce qu'ils peuvent dans le
28 sud. Le général et moi avons fait tout ce qui était en notre pouvoir, nous
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1 allons suivre la situation."
2 R. Je pense que la date est importante, la date du 27 janvier. C'est donc
3 la période où les forces croates du HVO se sont trouvées dans une position,
4 dans une situation très difficile d'un point de vue militaire. Il fallait
5 leur accorder un appui plus fort pour qu'ils puissent se maintenir à
6 certains points du front. C'est la raison pour laquelle Susak en parle. Il
7 ne parle pas de difficultés, mais il parle des manières d'aider ces unités
8 qui se trouvent là où les positions du HVO sont mises en péril.
9 Différents individus font différentes appréciations de la situation,
10 ainsi que la direction du parti, mais je pense qu'on a beaucoup parlé de
11 ces difficultés pendant cette réunion, ces difficultés qu'a rencontrées le
12 HVO en Bosnie-Herzégovine.
13 Q. Monsieur, encore une citation, page 12. Mate Granic - c'est vers la fin
14 de la page - il était ministre croate des Affaires étrangères.
15 R. Oui. M. Mate Granic était ministre des Affaires étrangères de la
16 République de Croatie.
17 Q. M. Granic dit : "Monsieur le Président, conformément à ce que vous avez
18 dit hier dans un entretien avec Mme Ogata, j'ai eu un entretien avec M.
19 Prlic et, avant cela, avec le ministre Susak au sujet de la manière de
20 traiter avec les organisations humanitaires internationales pour le
21 moment."
22 Alors, Monsieur, le type d'information qu'on retrouve ici et qui arrive à
23 Zagreb, lettre de Prlic, rapports de Stojic et Praljak, est-ce que ceci
24 correspond à ce que vous avez pu constater, à savoir que M. Susak et le
25 président Tudjman recevaient souvent des informations sur ce qui se passait
26 en Bosnie, qu'ils recevaient ces informations tous les jours ?
27 R. Oui, formellement, c'était un autre Etat; cependant, en pratique, il
28 n'y avait pas de frontières. Il y avait des contacts directs entre le
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1 ministre de la Défense et le président en sa qualité de chef suprême de
2 l'armée avec ces unités-là, ou plutôt avec la direction de l'Herceg-Bosna,
3 son président et ses autres représentants. Je pense que d'autres personnes
4 y ont pris part directement à la différence de moi, qui n'était même pas au
5 courant de la lettre de Prlic.
6 Par quel moyen cette lettre a atteint le président, je suppose par
7 les mêmes voies qu'empruntaient généralement toute communication ou
8 correspondance entre la direction d'Herceg-Bosna et Zagreb, mais je pense
9 donc qu'il y a d'autres personnes qui sont mieux placées pour en parler.
10 Q. Monsieur Manolic, je vous remercie de tout coeur au nom de
11 l'Accusation pour votre déposition.
12 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes arrivés au
13 bout du temps qui nous était imparti et je tiens à indiquer pour le compte
14 rendu d'audience que je crois avoir utilisé un peu plus de cinq heures, ce
15 qui signifie que nous avons utilisé beaucoup moins que ce que nous avons
16 estimé devoir utiliser au départ. Je tiens également à ce que le compte
17 rendu d'audience rende compte du fait, étant donné le grand nombre de
18 pièces à conviction soumises au témoin, que l'on parle souvent du fait que
19 telle ou telle partie va au bout du temps qui lui est imparti, Monsieur le
20 Président, donc, je tiens à indiquer que l'Accusation s'est tenue aux
21 limites qui lui avaient été imposées au départ et que nous avons fait mieux
22 que nos estimations d'origine.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci beaucoup, Monsieur Scott. Pourriez-vous nous
24 dire quels sont les numéros des documents que vous vouliez verser aux
25 pièces ?
26 M. SCOTT : [interprétation] Si vous me le permettez, parce qu'encore une
27 fois, nous avons abandonné un certain nombre de pièces durant cet après-
28 midi, je vous demanderais de pouvoir revenir sur cette question demain
Page 4436
1 matin, si vous me le permettez, pour vous donner la liste complète.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Bien. Alors --
3 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais
4 également que l'on nous donne si possible le nombre de pages que comportent
5 tous les documents versés au dossier. Compte tenu du commentaire que vient
6 de faire M. Scott, je présente cette demande car je pense que cela a un
7 rapport direct avec le temps utilisé. En effet, il utilise tel ou tel
8 document et c'est la raison pour laquelle les délais évoqués au départ ne
9 sont pas toujours réalistes, en tout cas dans l'audition de certains
10 témoins.
11 Nous n'empêchons pas l'Accusation de présenter ses arguments. Elle
12 est en droit de le faire. Elle peut bien entendu utiliser tout le temps
13 dont elle a besoin.
14 Ayant dit cela, je crois que c'est M. Praljak qui va entamer le
15 contre-interrogatoire et je peux également déclarer avec une certaine
16 mesure de certitude que la Défense n'a pas pu aboutir à un accord en bonne
17 et due forme quant au temps qui lui sera nécessaire et la façon dont nous
18 nous répartirons entre les équipes de Défenseurs le temps imparti, car nous
19 avons des clients différents et des stratégies de Défense différente.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Quel est le temps de chacun ? Alors, Maître
21 Karnavas, qu'est-ce que vous avez envisagé pour vous en temps pour M.
22 Prlic ?
23 M. KARNAVAS : [interprétation] C'est une question à laquelle il m'est très
24 difficile de répondre. Je vais vous dire pourquoi.
25 M. Praljak s'exprimera d'abord, ensuite, Me Kovavic, et selon les questions
26 qu'ils vont aborder, je pourrai vous donner une réponse à votre question.
27 Voilà quelle est la situation, malheureusement. J'ai parlé avec certaines
28 de mes consoeurs et certains de mes confrères de façon à parvenir à une
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1 division des sujets entre nous, si possible.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Ibrisimovic.
3 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Puisqu'il
4 est question de documents, M. Scott a indiqué qu'il n'a pas soumis tous les
5 documents qu'il avait prévu de soumettre à ce témoin et il a également dit
6 à un autre moment qu'il allait éventuellement aborder ces documents avec
7 d'autres témoins qui seront entendus plus tard, puisque le principe général
8 consiste à verser au dossier les documents par le biais de témoins.
9 J'indique que les documents qui ont été versés jusqu'à présent ne peuvent
10 être versés qu'à titre d'identification.
11 M. KOVACIC : [interprétation] Deux mots, si vous me le permettez, Monsieur
12 le Président, pour compléter ce qui a déjà été dit du côté de la Défense de
13 façon à ce que vous soyez totalement informé que vous ayez une idée précise
14 de notre situation. D'abord, pendant le week-end, nous avons déjà
15 communiqué assez largement les uns avec les autres par rapport à l'audition
16 en contre-interrogatoire de ce témoin compte tenu du fait que nous avons
17 tous des objectifs différents. Mais nous ne sommes pas parvenus à définir
18 tout à fait précisément les thèmes qui incomberaient aux uns ou aux autres.
19 Quatre équipes de Défenseurs pour le moins estiment avoir de nombreuses
20 questions à poser à ce témoin.
21 Pour ma part, c'est-à-dire en tant que représentant de la Défense de
22 M. Praljak, nous avons vraiment de très nombreuses questions à aborder avec
23 ce témoin, c'est la raison pour laquelle nous avons besoin de pas mal de
24 temps.
25 Vous avez déjà entendu ce témoin, Monsieur le Président, et vous avez
26 vu à la lecture des documents préalables qu'il s'agit d'un témoin qui
27 aborde des points très importants de l'acte d'accusation, directement liés
28 à l'entreprise criminelle commune. De nombreux autres thèmes ont été
Page 4438
1 également abordés. Donc, nous n'avons pas le choix. Nous devons revenir sur
2 l'ensemble de ces questions. Je prévoie de n'aborder que les éléments les
3 plus pertinents et je puis vous assurer que nous éviterons toute répétition
4 même si entre nous, nous ne sommes pas encore parvenus à nous répartir
5 certaines questions. Mais si un conseil aborde une question, il est certain
6 que l'autre conseil éliminera cette question de la liste des problèmes
7 qu'il avait l'intention d'aborder.
8 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, si vous m'y
9 autorisez, j'aimerais aborder un point à titre d'éclaircissement. Nous
10 disposons d'une heure et nous utiliserons cette heure demain matin, mais
11 avant le début de l'audience demain matin, nous vous dirons exactement
12 combien de temps chaque équipe de Défenseurs entend utiliser, car nous ne
13 savions pas quel serait le temps qu'utiliserait M. Scott ni quelle serait
14 la totalité des documents dont il demanderait le versement au dossier, donc
15 nous ne pourrons précisément vous répondre que demain matin. Je vous
16 remercie.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Scott, j'allais me tourner vers
18 vous. Vous avez tous ces documents qui, à part le livre de l'intéressé dont
19 vous pouvez demander l'admission, ce sont des comptes rendus de réunions du
20 Conseil de Sécurité auxquelles a participé l'intéressé. Donc, il les a
21 reconnus. Il nous a dit qu'il était présent. Donc, vous avez toutes les
22 raisons pour demander l'admission de ces documents, à moins que parmi ces
23 comptes rendus, il y en ait d'autres que vous vouliez présenter à d'autres
24 participations aux réunions. Je ne sais pas.
25 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, merci de votre
26 intervention. Je pense que le témoin confirmera. Peut-être aurais-je dû me
27 charger de cette tâche, mais je me suis efforcé d'utiliser le temps qui
28 nous est imparti de la façon la plus efficace possible. Je pense que le
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1 témoin pourra confirmer que les comptes rendus qui ont été assignés à ce
2 témoin correspondent à des réunions auxquelles il a assisté. Si vous le
3 voulez, je peux passer en revue chacun de ces documents à tour de rôle,
4 mais je pense que compte tenu de la déposition de ce témoin, je pourrais me
5 contenter d'en demander le versement globalement. Cela, c'est mon premier
6 point, Monsieur le Président.
7 Mais j'en ai un autre à aborder, cela étant, puisque le point abordé par
8 vous était si important. Je crois pouvoir m'interrompre ici, mais si la
9 Chambre veut que je repasse en revue tous les autres comptes rendus de ces
10 réunions et que j'interroge le témoin au sujet de chacune de ces autres
11 réunions, je peux le faire.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Le mieux, c'est que vous indiquiez au témoin qu'il y
13 a eu, en prenant dans l'ordre le document 37, une réunion le 8 juin 1991.
14 Bon, il y était et il dit oui. Deuxième réunion, document 68, le 12
15 novembre 1991. Le témoin nous dira : "Oui, j'y étais, je n'y étais pas," et
16 cetera. Cela peut aller très vite. Alors allez-y. Ensuite, on écoutera M.
17 Praljak.
18 M. SCOTT : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Je vais
19 demander l'aide de ma commise aux audiences pour ce faire.
20 Q. Monsieur Manolic, vous avez entendu l'échange qui vient d'avoir lieu
21 entre les Juges de la Chambre et le représentant de l'Accusation. Je n'ai
22 pas conservé d'exemplaires de la liste, mais en tout cas, vous avez examiné
23 un compte rendu d'une réunion tenue le 8 juin 1991 et vous avez témoigné à
24 ce sujet. Vous avez également témoigné au sujet d'une réunion tenue le 12
25 novembre 1991. Je crois également me rappeler que vous avez évoqué dans
26 votre déposition la pièce P 00134, compte rendu d'une réunion tenue le 10
27 mars 1992.
28 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, très
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1 franchement, je ne m'étais pas préparé à cette énumération systématique.
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Si je puis vous aider, Monsieur le
3 Président, je suppose que l'Accusation a l'intention de procéder de même
4 avec tous les documents qu'elle avait indiqué vouloir aborder avec ce
5 témoin. Nous pourrions peut-être gagner du temps si dans la nuit,
6 l'Accusation rédigeait une liste, et nous pourrions ainsi mieux travailler
7 dans le cadre du contre-interrogatoire. Je suis tout à fait prêt à proposer
8 ma liste de mon côté.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Il nous faudrait votre liste demain, mais il suffit
10 de reprendre le listing qui était sur le dessus de la pile, et puis, demain
11 vous nous direz : voilà, je demande, puisque M. Manolic était présent,
12 présent, présent, voilà, plus le livre qu'il a reconnu. Puis, la Défense
13 fera pareillement et on gagnera du temps.
14 Parce que c'est -- nous avons dit dans nos décisions antérieures, du
15 moment qu'un document -- la règle, c'est un document est présenté à un
16 témoin. Si le témoin reconnaît ce document d'une réunion à laquelle il
17 était, il n'y a pas de raison de ne pas prendre ce document. Bien. On fera
18 comme cela. Demain, vous nous donnerez la liste et puis on avancera.
19 Bien. Alors, je vais me tourner vers M. Praljak, mais avant de donner
20 la parole à M. Praljak, Monsieur Manolic.
21 On passe maintenant à une phase qui est une phase du contre-
22 interrogatoire. Bien. Alors, en règle générale, dans le contre-
23 interrogatoire, comme on dit en anglais, c'est horrible, c'est-à-dire que
24 les questions peuvent vous susciter parfois de l'irritation, alors, gardez
25 votre calme. J'invite à ceux qui vont poser les questions de les poser de
26 manière calme afin d'avoir une réponse calme. Si une question -- vous avez
27 l'impression d'être agressé par la question, respirez un bon coup, gardez
28 votre calme, puis répondez tranquillement. Nous ne sommes pas dans une
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1 enceinte de gladiateurs. Chacun doit garder son calme. Tâchez donc de
2 répondre, parce que la question qui est posée, si elle est posée, c'est
3 qu'elle a un intérêt, et l'intérêt, c'est en fonction de celui qui la pose.
4 Puis vous, vous répondez à la question. Voilà.
5 Bien. Alors, Monsieur Praljak, vous avez compris. Je vous fais
6 confiance, et vous avez prévu combien de temps, Monsieur Praljak ?
7 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Messieurs les Juges, Monsieur le
8 Président, il y a deux possibilités de contre-interrogatoire de ce témoin.
9 L'une peut permettre une solution très simple du problème grâce à des
10 opérations mathématiques. Le témoin affirme une chose, vous l'interrogez,
11 il répond.
12 La déposition de M. Manolic, qui a été pendant longtemps le numéro 2 à côté
13 du défunt président Tudjman, donc le numéro 2 en Croatie, a ouvert un grand
14 nombre de problèmes qui donneraient lieu, en mathématiques, à une solution
15 quantitative dans le respect des règles établies. Malheureusement, un tel
16 exercice n'est pas chose très aisée. Après des mois et des mois d'efforts
17 de ma part pour tenter de comprendre quelles peuvent être les questions
18 pertinentes dans le cadre du présent procès, je n'ai cessé de m'efforcer de
19 gagner du temps avec un constant sentiment de culpabilité, par crainte
20 d'abuser de la patience des Juges ou du témoin, mais en même temps, en
21 ayant conscience du droit de me défendre et du droit à la dignité qui
22 m'appartiennent.
23 M. Manolic a traité de très nombreux problèmes liés à la politique, liés à
24 la relation entre la vie politique et les crimes commis, liés au
25 fonctionnement du pouvoir et du gouvernement, liés au bruits de couloir,
26 liés à la réalité ou à la non-réalité d'un certain nombre d'événements,
27 donc à l'instant même, je suis incapable de vous dire combien de temps il
28 me faudra pour poser les questions que j'aimerais poser, questions pour
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1 lesquelles j'ai absolument besoin de réponses.
2 Puisque sur le plan politique. M. Manolic et moi-même, nous
3 connaissons depuis déjà pas mal de temps, à savoir, depuis 1989, je
4 pourrais commencer par lui poser une question extrêmement pertinente, à
5 savoir :
6 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :
7 Q. [interprétation] Est-ce que M. Manolic sait, est-ce qu'il a été informé
8 et est-ce qu'il a appris - et là je fais une incise - M. Manolic, pendant
9 une longue période durant la guerre, a été le chef de tous les services de
10 Renseignement de la République de Croatie ? Est-ce que ceci est exact, M.
11 Manolic ?
12 R. Dites-moi de quel moment à quel moment.
13 Q. Une fois que vous avez cessé d'être chef du gouvernement de la
14 République de Croatie et pendant tout le laps de temps précédent, votre
15 entrée dans les fonctions de président de la Chambre des comtés, vous avez
16 dirigé tous les services de renseignement de la République de Croatie,
17 n'est-ce pas, et ce afin de défendre l'ordre constitutionnel ?
18 R. Tout à fait.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Continuez.
20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Ma question fondamentale sera la
21 suivante, par exemple : est-ce que M. Manolic, en tant que personne qui
22 était la mieux informée en dehors du président Tudjman, est-ce qu'à quelque
23 moment que ce soit, à quelque moment que ce soit il aurait entendu dire que
24 Slobodan Praljak, en sa qualité de volontaire et de commandant de Sunja
25 dans la vie politique en tant que commandant du HVO, en tant qu'assistant
26 du ministre de la Défense de la République de Croatie, est-ce qu'à quelque
27 moment que ce soit, par ses paroles ou par ses actes, en intention et à
28 quelque endroit que ce soit, il aurait fait quelque chose qui aurait été
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1 contraire à une quelconque loi ou à une quelconque règle morale ? Si M.
2 Manolic se voyait poser cette question, il pourrait dire aux Juges de la
3 Chambre : bien, une chose s'est passée à tel et tel endroit, dans telle et
4 telle condition, et à tel et tel moment. Si sa réponse consistait à dire :
5 non, je n'ai jamais eu connaissance d'une telle chose, je pourrais me
6 rasseoir. Mais étant donné tout ce que nous avons entendu ici au sujet de
7 la vie politique, du fonctionnement du gouvernement, des conditions dans
8 lesquelles tout cela s'est passé --
9 Bien, Messieurs les Juges, Monsieur Manolic, on discute ici comme si
10 on était dans une éprouvette. Il n'est pas question de mort, il n'est pas
11 question de blessés, il n'est pas question d'expulsés, il n'est pas
12 question de terreur, de peur, il n'est pas question de douleur, il n'est
13 pas question de chagrin, il n'est pas question de haine. Tout est couvert
14 par une chape de silence et de douceur. On se retrouve dans les couloirs.
15 Or, j'ai une question à poser. Dans tout ce grand jeu, dans toute cette
16 série de réunions conduisant à des conclusions, ma mère qui vit à Mostar a
17 encore une question qui lui vient à l'esprit : qui est-ce qui va me
18 protéger ? Est-ce qu'on va me tuer comme on a tué les gens de Vukovar ?
19 Est-ce qu'on va commencer à assassiner et est-ce qu'on va se mettre à me
20 menacer d'expulsion ? Voilà des questions qui sont posées par des dizaines
21 de milliers de personnes.
22 Si, donc, en introduction de mon contre-interrogatoire, j'abordais --
23 M. SCOTT : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Ceci a assez
24 duré. Nous ne sommes pas ici à un moment justifiant des discours prolongés
25 ou des plaidoiries. Je pense que la Chambre devrait demander à M. Praljak
26 de s'en tenir à l'essentiel.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Commencez vos questions.
28 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] D'accord, d'accord. Je vais commencer,
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1 et sachez que ceci continuera jusqu'au moment où j'en aurais terminé.
2 Q. Monsieur Manolic, s'agissant des comptes rendus des réunions de la
3 présidence, les réunions tenues chez le président Tudjman dans le cadre du
4 Conseil de Défense et de Sécurité nationale, ces réunions avaient-elles
5 pour utilité entre autres de discuter de tous les thèmes qui circulaient,
6 de tout ce qui pouvait être valable ? Est-ce que ces réunions se
7 déroulaient sur le même ton qu'une discussion que l'on peut avoir à la
8 maison dans son salon ou dans la rue avec des proches ? Est-ce que ces
9 réunions se déroulaient donc sur un ton excluant toute responsabilité
10 obligatoire, est-ce que ces conversations se menaient sur un ton très libre
11 dans un seul et unique but qui était de voir comment, tout simplement, on
12 pouvait régler certains problèmes ?
13 R. Je ne crois pas que les choses se sont passées ainsi. Lisez les titres
14 des rapports. On voit que dans un laps de temps d'une heure, une heure et
15 demie, deux heures maximum, certains sujets devaient être traités, donc il
16 y avait des limites de temps, il y avait également des limites qui
17 découlaient des points inscrits à l'ordre du jour, on ne pouvait pas sortir
18 de ces points. Quand vous parlez de discussions libres dans un salon, et où
19 on aurait pu aborder des questions tout à fait quotidiennes pour arriver à
20 discuter de crimes, je dis non et je le dis de façon très ferme.
21 Q. Ce que je vous demandais c'est est-ce qu'il n'était pas possible de
22 discuter de tous ces thèmes de façon beaucoup plus libre qu'ailleurs ?
23 Parce que dans le cas de n'importe quel gouvernement, de n'importe quelle
24 réunion à haut niveau, quand on sait que les choses vont se dire sans être
25 connues de l'opinion à l'extérieur, on parle beaucoup plus librement que si
26 on sait que tout sera rendu public.
27 R. Non, ce n'est pas exact, ce n'est pas exact. Car au moment où la
28 sténotypie était en train de travailler, au moment où le procès-verbal
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1 était en train d'être rédigé, il n'était pas destiné à l'opinion, il était
2 destiné aux gens qui participaient à ces réunions de façon à ce que les
3 opinions et avis exprimés par les participants soient inscrits noir sur
4 blanc, il n'est pas besoin d'en discuter pendant des heures, on le voit
5 très clairement à la lecture des comptes rendus d'audience en question. On
6 voit quels étaient les thèmes abordés.
7 Je ne pouvais pas, pour ma part, m'écarter de ces thèmes. Vous, vous
8 pouvez dire ce que vous voulez.
9 Q. Non, mais je vous demande une réponse précise. Tout cela n'était pas
10 destiné à l'opinion à l'extérieur, n'est-ce pas ?
11 R. En effet.
12 Q. Ces comptes rendus des réunions de présidence n'étaient pas ensuite
13 distribués aux participants à ces réunions de façon à ce qu'ils puissent
14 les lire, les vérifier, les corriger éventuellement avant que la version
15 définitive ne soit autorisée; oui ou non ?
16 R. Non. Pour ma part, et je n'étais pas le seul, aucun des participants à
17 ces réunions n'a jamais eu sous les yeux les comptes rendus que nous avons
18 passés en revue ici aujourd'hui. Aucun d'entre-nous n'a autorisé la
19 rédaction de ces comptes rendus.
20 Q. Merci.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Le sténotypiste qui, comme la sténotypiste qui est
22 dans la salle d'audience, tapait sur sa machine tout ce que les personnes
23 dans la salle de réunion disaient ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais vous parler des détails
25 techniques, mais je suppose qu'une grande partie des débats était
26 enregistrée. Il y avait transcription sur papier par la suite par quelqu'un
27 qui écoutait la cassette et on obtenait un texte écrit. Je ne peux pas
28 répondre par oui ou par non, car vraiment je ne suis pas un spécialiste des
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1 aspects techniques.
2 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
3 Q. Mais chacun des participants de ces réunions savaient-ils à tout moment
4 que ce qu'ils disaient était enregistré ou ne le savaient-ils pas ?
5 R. Je pense que tout le monde le savait.
6 Q. Est-ce que vous le pensez ou est-ce que vous le savez avec certitude ?
7 R. Je le pense, je le pense, parce que je n'ai jamais posé la question aux
8 autres participants en leur disant : "Est-ce que toi tu savais que cette
9 réunion était enregistrée ?"
10 Q. Merci beaucoup.
11 R. Le président disait quelquefois : "Maintenant, reprenez votre sérieux,
12 ce qui va être dit à partir de maintenant sera enregistré." Il est arrivé
13 qu'il le dise, mais je ne suis même pas sûr que cela figure aux comptes
14 rendus. Il le disait tout de même assez rarement.
15 Q. Merci beaucoup. Est-il courant, chez les journalistes ou chez qui que
16 ce soit d'autre, d'établir une distinction assez importante entre une
17 conversation qui fait intervenir le ton de la parole, les mimiques et les
18 sourires ou le sérieux du propos ? Est-ce qu'il peut y avoir une grande
19 différence entre voir et entendre quelqu'un en train de s'exprimer et
20 simplement écrire un texte qui a été transcrit à partir d'une cassette ?
21 R. En théorie, oui, mais cela ne concerne pas ces réunions.
22 Q. Est-ce que vous vous êtes occupé de la question du discours, de la
23 parole, de la langue, pour pouvoir dire avec une exactitude et une
24 spécialisation technique que ce n'était pas le cas dans ces réunions ?
25 R. En effet, ce n'était pas le cas dans ces réunions. Je vous ai dit ce
26 qui s'est passé effectivement, je ne suis pas en train d'entrer dans un
27 débat philosophique au sujet de ce qui aurait été possible en théorie et de
28 ce qui ne l'était pas. Monsieur Praljak, il faut que nous soyons concrets,
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1 maintenant.
2 Q. Monsieur Manolic --
3 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous demanderais à tous les deux,
4 Messieurs, puisque vous parlez tous les deux votre langue maternelle, de
5 bien vouloir tenir compte des interprètes. Première chose, il conviendrait
6 que tous les deux vous ralentissiez quelque peu votre débit et
7 deuxièmement, je vous prierais de bien vouloir ménager une pause entre la
8 fin des questions et le début des réponses. N'oubliez pas, je vous en prie,
9 que pour vous, avoir cet échange dans votre langue maternelle est la chose
10 la plus facile du monde, mais que c'est un peu moins facile pour les
11 interprètes qui doivent vous interpréter. Je vous remercie chaleureusement
12 de bien vouloir suivre mon conseil. Merci.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge, de cet
14 avertissement.
15 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.
16 Q. Monsieur Manolic, pourquoi est-ce que toute discussion théorique
17 devrait se voir qualifier de façon assez négative, comme vous venez de le
18 faire, de débat philosophique. La philosophie c'est après tout la recherche
19 de la vérité et, Monsieur Manolic, je vous demande si, n'importe où dans le
20 monde, l'usage existe lorsqu'on veut utiliser un document qui a été
21 enregistré secrètement, le plus souvent, est-il en général d'usage que ce
22 document soit remis au préalable aux personnes présentes de façon à ce
23 qu'elles en agréent le contenu ? Car je le redis et c'est ce que je vous
24 dis à vous, il y a une différence, très souvent, une différence très
25 importante entre ce qu'on peut déduire à la vue d'un visage et de ses
26 mimiques, à l'audition d'une voix et du ton de la voix et à la lecture d'un
27 texte écrit.
28 R. Je suis d'accord quant à l'existence de cette différence qui peut être
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1 importante, tout à fait d'accord. Mais --
2 Q. Merci beaucoup. Merci.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le fil de ce que M. Parljak a dit, M. Praljak a
4 parlé d'un enregistrement secret. Quand vous étiez réunis, la sténotypiste,
5 elle était physiquement là ou vous étiez enregistré avec des bandes dont
6 vous ne saviez pas qu'il y avait des bandes. Est-ce qu'il y avait une
7 secrétaire, une sténotypiste qui était dans la salle de réunion avec le
8 président Tudjman, vous-même et tous ceux qui figurent sur les listes ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pourrais pas vous affirmer comment les
10 choses se sont faites, mais ce que je peux vous affirmer, c'est que je n'ai
11 pas vu de sténotypiste dans la salle ou autour de la table. Ce qui signifie
12 que la technique d'enregistrement était adaptée de sorte à ce que les
13 choses se fassent dans une autre pièce. C'est ce que je pense. Mais je
14 pense que M. Praljak vise un objectif bien précis, à savoir, remettre en
15 cause l'authenticité de ces transcriptions écrites, en tout cas s'agissant
16 de les utiliser devant des tribunaux comme celui-ci ou dans d'autres
17 instances.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : On a passé depuis hier beaucoup d'heures à regarder
19 et lire vos interventions face au président Tudjman. Quand vous interveniez
20 pour faire part de votre sentiment, est-ce que vous saviez que ce que vous
21 disiez était enregistré ? Vous avez été chef des services de Renseignement,
22 vous devez quand même avoir quelques connaissances en la matière. Quand
23 vous vous exprimiez devant le président Tudjman, saviez-vous que c'était
24 enregistré ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne me suis jamais posé la question, je
26 n'ai d'ailleurs jamais posé la question au président, je ne lui ai jamais
27 demandé s'il y avait enregistrement ou pas. C'était une question qui le
28 concernait lui ainsi que ses proches, son staff technique, et c'est avec
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1 eux qu'il avait organisé la chose. Cela ne m'intéressait pas tout cela.
2 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
3 Q. Monsieur Manolic, mais peu importe que cela vous ait intéressé ou pas.
4 J'affirme quelque chose ici. Je lance une affirmation et vous pouvez ne pas
5 être d'accord si vous le voulez, sans pour autant vous interroger sur
6 l'objectif de mon affirmation.
7 A l'exception des moments où le président Tudjman ait déclaré
8 expressément que la réunion était enregistrée dans tous les autres cas,
9 tous les autres, tous les participants à cette réunion, y compris moi-même,
10 ignoraient qu'il y avait enregistrement de la réunion; est-ce vrai ou pas ?
11 R. Non. Personne ne le savait. C'est justement cela le point essentiel.
12 Q. Justement, c'est ce que nous essayons de déterminer. Les gens ne le
13 savaient pas. Ils ne le savaient à moins que l'on indique expressément que
14 la réunion était enregistrée. Merci. Merci beaucoup.
15 Monsieur Manolic, c'est moi qui pose les questions ici. Il faut que nous
16 avancions un petit peu.
17 Le principe de la volonté signifie que parfois les émotions que nous
18 ressentons, ces émotions nous les réfrénons et nous les contrôlons. Par
19 exemple, en pleine attaque contre la Croatie et la Croatie est la proie des
20 flammes, une décision est prise au sein du Conseil de Sécurité, décision
21 d'imposer un embargo et de refuser à une nation entière un droit. Dans ces
22 circonstances, je reconnais tout à fait devant la Chambre de première
23 instance que cela peut susciter en moi des émotions extrêmement vives, des
24 émotions que je ressentirais envers de grandes puissances telles que la
25 France, les Etats-Unis, la Chine, la Russie, parce que soudain je ressens
26 un grand sentiment d'injustice. Je pense ce qui a été fait n'a pas lieu
27 d'être. Je pense qu'il y a là mesure non civilisée. Je pense que c'est
28 contraire à toutes les normes d'empêcher une nation de se défendre et de
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1 permettre à quelqu'un d'autre d'aller s'en prendre à elle.
2 Est-ce que je peux reposer ma question ?
3 M. SCOTT : [interprétation] Ici, encore une fois, on voit que M. Praljak se
4 lance dans des discours.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, évitez les discours et allez à l'essentiel.
6 Dans votre propre intérêt.
7 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Selon moi, il est essentiel de
8 déterminer si moi, vu les circonstances -- quand je suis avec ma femme dans
9 une pièce, et quand je sais qu'on ne m'a pas enregistré, ou qu'on ne
10 m'enregistre pas, si dans ces circonstances, je tiens des propos et que je
11 les ai pas dits en public, est-ce que ces propos peuvent être utilisés
12 contre moi ?
13 M. SCOTT : [interprétation] Je pense que ce que me dit
14 M. Praljak n'a pas eu lieu d'être ici, s'il veut poser des questions au
15 témoin, qu'il le fasse. Ce qu'il vient de dire n'a pas lieu d'être.
16 M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir pour vous aider,
17 je pense ce qui intéresse M. Praljak ici et ce qu'il essaie de démontrer
18 c'est que si personne ne savait qu'il y avait enregistrement, alors il est
19 manifeste que les gens n'étaient pas sur leur garde dans leurs propos.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak.
21 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Bien. Nous en avons terminé de ce
22 point. Nous pouvons passer à autre chose. En fait, je peux en terminer de
23 mes questions.
24 Q. Dans de telles circonstances, on assistait à un véritable bain de sang,
25 quand la Croatie est la proie d'un conflit, est-ce qu'on peut contrôler ses
26 émotions vu ces circonstances ? Est-ce que tout un chacun n'a pas le droit
27 à ses émotions face à un tel crime ? Est-ce que vous-même vous n'avez pas
28 éprouvé de telles émotions ?
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1 R. Ecoutez, si on parle des sanctions qui ont été imposées contre la
2 Croatie à l'époque, oui, je peux être d'accord avec vous, mais ce n'est pas
3 ce dont on est en train de parler ici. Ce n'est pas l'objet de nos débats.
4 Nous nous sommes pas en train de nous demander si ces sanctions étaient
5 justifiées ou pas. Je ne crois pas que cela soit la question pertinente
6 ici. Je crois que vous venez d'utiliser plus d'une demi-heure à cette fin,
7 on aurait pu en terminer beaucoup plus rapidement que cela n'est fait
8 jusqu'à présent, oui ou non.
9 Q. Monsieur Manolic, je ne suis pas votre étudiant.
10 R. Moi non plus.
11 Q. Je ne suis pas votre élève. Je ne suis pas votre étudiant. Laissez-moi
12 me défendre comme je le souhaite, je ne suis pas ici à l'école des jeunes
13 communistes, à l'école de la Ligue des Communistes, l'école du parti. Je
14 suis en train de me défendre. Répondez à mes questions. C'est pour cela que
15 vous êtes ici.
16 Dans ce livre que j'ai entre les mains, on relève quelque 227 documents,
17 documents qui viennent du président Tudjman, du gouvernement croate, du
18 parlement croate, des documents signés par toutes ces personnes au cours de
19 ces événements, la plupart de ces documents ont trait à la Bosnie-
20 Herzégovine. Me Karnavas ainsi que son équipe de la Défense dispose de la
21 totalité de ce document en langue anglaise. Je vais très brièvement en
22 arriver à mes questions.
23 Le 27 février 1991, 27 février donc, une déclaration a été adoptée au sujet
24 de la souveraineté de l'indivisibilité de la souveraineté de l'Etat de la
25 Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous avez connaissance de ce document ?
26 R. Oui, oui, je crois qu'effectivement il y a un document de ce type qui
27 existe.
28 Q. Cette déclaration, elle a été adoptée parce que les représentants de la
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1 nation musulmane, du peuple musulman au sein de l'assemblée de la Bosnie-
2 Herzégovine et les représentants des Croates se sont prononcés en faveur de
3 cette déclaration à l'assemblée, n'est-ce pas ?
4 R. Monsieur Praljak, moi qui suis ici un témoin devant ce Tribunal je ne
5 peux pas vous parler de ce qui s'est passé dans certaines régions de
6 Bosnie-Herzégovine. Je ne peux vous parler que des événements auxquels j'ai
7 participé en personne. Je ne peux vous parler que ce qui s'est passé à ce
8 moment-là. Vous essayez de me faire parler de la Bosnie-Herzégovine. Je ne
9 suis allé dans cette région qu'à une ou deux reprises quand je suis allé à
10 Sarajevo, et je n'ai pas non plus participé à beaucoup de discussions sur
11 ces problèmes. S'il vous plaît, épargnez-moi, parce que tout ce que je peux
12 vous dire à ce genre de question c'est non.
13 Q. Là, je suis un petit peu perdu.
14 R. Moi aussi.
15 Q. Vous êtes venu ici pour déposer, pour témoigner, et vous avez
16 constamment parlé des relations existant entre la politique croate, ou
17 plutôt, vous avez parlé de l'implication de la Croatie dans les événements
18 de Bosnie-Herzégovine. Comment pouvez-vous affirmer que vous n'en savez
19 rien de tout cela ? Que vous n'avez qu'aucune idée, que vous ne vous êtes
20 pas rendu dans la région à l'époque, que cela ne vous intéresse pas.
21 R. Je n'ai aucune raison d'avoir connaissance des documents adoptés en
22 Bosnie-Herzégovine ou par l'une quelconque de ces institutions. Ce n'est
23 pas ce genre de choses que je suis venu déposer. Je suis venu déposer au
24 sujet de ce qui figure dans le document et des comptes rendus des séances.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Répondez en regardant les Juges pour éviter des
26 débats inutiles. Vous écoutez la question et vous me regardez.
27 Continuez, Monsieur Praljak.
28 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
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1 Q. Il faut que je vous dise que cette déclaration que les Croates ont
2 approuvée, on peut dire à son sujet qu'il y avait 44 représentants du HDZ
3 en Bosnie-Herzégovine, et vous accusez le HDZ d'avoir travaillé à la
4 partition du pays. Je vous pose la question suivante au sujet de ce
5 document : "La République de Bosnie-Herzégovine est un Etat démocratique,
6 souveraine, unifiée et indivisible, l'Etat de tous les citoyens qui y
7 résident."
8 Point 2 : "Les frontières de la Bosnie-Herzégovine sont intangibles."
9 Ce n'est que vers la fin du document qu'on mentionne le droit de la
10 population, le droit des habitants et c'est ce qui est un peu étrange. Vous
11 n'avez jamais entendu parler de ce document ?
12 R. Non. Je n'ai pas envie non plus de parler de ce document longuement.
13 Q. Le 29 juin 1991, le président Alija Izetbegovic a évoqué l'avenir de la
14 République socialiste fédérale de Yougoslavie. A ce moment-là, il a
15 identifié six éléments, six questions importantes; est-ce que vous avez
16 connaissance de ce document-là ?
17 R. Non.
18 Q. Savez-vous qu'à l'époque, M. Izetbegovic avait demandé au ministère des
19 Affaires étrangères américains, M. James Baker, la chose suivante. Je vais
20 le citer. Il avait demandé : "Que la communauté internationale concentre
21 ses efforts sur la Bosnie-Herzégovine car une guerre civile, qui
22 constituait une menace réaliste, se déclencherait indéniablement en premier
23 lieu dans cette république-là. Baker partageait ce point de vue." Voilà ce
24 que Izetbegovic a ajouté.
25 Donc, est-ce que vous en avez connaissance de tout cela ?
26 R. Cette question n'a jamais été évoquée lors des réunions du Conseil de
27 la Sécurité de la Défense nationale. En tout cas, pas aux réunions
28 auxquelles j'ai assisté. Une fois encore, ma réponse est non.
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1 Q. Merci. Le 7 juillet 1991 a été adopté la déclaration de Brioni qui se
2 lit comme suit : "Les participants à la troisième série de négociations
3 entre les représentants de la Communauté européenne et les représentants
4 yougoslaves ont adopté un document aux fins de trouver une solution
5 pacifique au conflit."
6 Un peu plus loin, on lit la chose suivante, je cite : "Les peuples de
7 la Yougoslavie sont les seuls à pouvoir décider de leur avenir. Les
8 négociations doivent débuter très vite et au plus tard, le 1er août 1991.
9 Tous les aspects de l'avenir de la Yougoslavie sans aucune condition
10 préalable et sur la base des principes figurant dans le document final de
11 Helsinki et de la charte de Paris, et cetera, et cetera, tout ceci doit
12 être impliqué et appliqué."
13 Brioni se trouve en Croatie, est-ce que vous avez connaissance de ce
14 document ?
15 R. Oui. J'ai connaissance de cette réunion. Je sais qu'elle au lieu mais
16 je n'y ai pas participé, moi personnellement.
17 Q. Oui, mais à ce moment-là, vous étiez premier ministre ?
18 R. Pouvez-vous me donner la période concernée ?
19 R. Il s'agissait du 7 juillet 1991.
20 R. Oui, le 7 juillet 1991, effectivement.
21 Q. Donc, vous étiez premier ministre et on se trouve dans une situation
22 dans laquelle on évoque le destin du peuple que vous menez ici ?
23 R. J'ai répondu à votre question. Je sais qu'il y avait eu une réunion.
24 Effectivement, je sais sur quoi elle a débouché. C'est ce que j'ai répondu.
25 Que voulez-vous d'autres ?
26 Q. Merci beaucoup. A La Haye -- ici même à La Haye, le 6 août 1991, la
27 Communauté européenne a adopté une déclaration portant sur la Yougoslavie.
28 Il s'agissait de la déclaration des ministres des 12 Etats, puisqu'à
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1 l'époque, la Communauté européenne ne comptait que 12 Etats membres. Ces 12
2 Etats ont exigé de la présidence de la Yougoslavie qu'elle organise de
3 manière urgente une Conférence sur l'avenir de la Yougoslavie. Ces 12 pays
4 étaient même prêts à organisation ladite conférence, eux-mêmes. Ces
5 négociations devaient se fonder sur le principe suivant qui disait : "Que
6 tout changement des frontières internes ou externes était exclu et qu'il
7 convenait dans toutes les républiques de garantir les droits des
8 minorités." Connaissez-vous ce document ?
9 R. Non. Ce document n'a pas été présenté lors d'une des réunions à
10 laquelle j'ai assisté.
11 Q. Cela suffit. Merci.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : A l'époque, vous étiez premier ministre. Il se tient
13 à La Haye une réunion et il y a une déclaration des ministres de l'Union
14 européenne constituée à l'époque de 12 Etats qui portent sur la
15 Yougoslavie, sur une future conférence sur la Yougoslavie, et vous nous
16 dites que vous n'étiez pas au courant ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une chose que d'en être informé, cela en
18 est une autre bien différente que de participer. Alors, je n'ai pas
19 participé à cette réunion et je crois que cette résolution, on en a traité
20 en Yougoslavie, au niveau de la présidence de la Yougoslavie. Ce sont eux
21 qui en ont débattu. Si vous me donnez la date, à ce moment-là, je pourrais
22 vous répondre de manière plus précise.
23 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] C'était le 6 août 1991. Monsieur
24 Manolic, je vous pose une question, est-ce que vous aviez connaissance de
25 ce document, à l'époque ?
26 R. A l'époque, j'ai eu connaissance de l'existence de ce document.
27 Q. Merci.
28 R. Je crois que notre ministre y a participé. En tout cas ultérieurement,
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1 cela n'a pas évoqué lors des séances auxquelles, moi-même, j'ai assisté.
2 Q. Ma deuxième question sera la suivante : M. Franjo Tudjman, président de
3 l'Etat croate a-t-il participé de manière active à l'élaboration de chacun
4 de ces documents ?
5 R. Oui, je crois qu'il a participé de manière très active à l'élaboration
6 de tous ces documents.
7 Q. Merci beaucoup.
8 R. Mais cela ne signifiait pas --
9 Q. Merci beaucoup, Monsieur Manolic.
10 R. Mais soyez correct.
11 Q. Répondez à mes questions sans ajouter quoi que ce soit, s'il vous
12 plaît. Vous avez expliqué tout ce qu'il convenait d'expliquer en répondant
13 aux questions de M. Scott. Je vous pose des questions comme vous avez,
14 vous-même, souhaité qu'on vous les pose. Je vous ai demandé si vous savez
15 quelque chose ou pas sur tel ou tel sujet. Quant à ce que pensait l'un ou
16 l'autre, de tel ou tel sujet, ce n'est pas ce qui nous intéresse ici. Les
17 Juges sont là pour déterminer l'existence, la pertinence de certains faits
18 et quant à nos opinions personnelles, ce n'est pas ici qu'il convient de
19 les exprimer. Merci beaucoup.
20 Savez-vous que le 2 août 1991, on a assisté à la signature historique entre
21 les Serbes et les Musulmans, accord signé par Muhamed Filipovic et Radovan
22 Karadzic. Aux termes de cet accord, les Serbes et les Musulmans ont évoqué
23 sans participation des Croates leur coexistence. Ils ont essayé de trouver
24 un accord sur cette coexistence. Avez-vous connaissance de cet accord ?
25 R. Non. J'ai simplement entendu parler de l'existence de cet accord.
26 Q. Merci beaucoup. Au paragraphe 5 de cet accord, on peut lire. Je cite :
27 "Nous manifestons -- nous nous disons intéresser à ce que les Croates de
28 Bosnie-Herzégovine vivent avec nous en étant pleinement égaux aux autres.
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1 Nous les invitons à prouver cet accord quelque soit la position de la
2 République de Croatie au sein de la Yougoslavie ou à l'extérieur de la
3 Yougoslavie. Les Croates de la Bosnie-Herzégovine constituent une nation
4 qui, tout à fait, égale aux autres."
5 Monsieur Manolic, si vous étiez Croate, si vous étiez Croate de Bosnie-
6 Herzégovine, est-ce que vous considèreriez un tel accord comme une sorte
7 d'acte de trahison envers les Croates, des Croates à qui on offre une
8 solution à la situation à l'article 5 du dit accord, mais après toutes les
9 discussions seulement ?
10 R. Nous n'avons jamais parlé de cet accord.
11 Q. Merci, le 8 octobre 1991, le parlement de la République de Croatie a
12 adopté une décision portant scission de toutes les relations d'Etat ou
13 toutes les relations juridiques avec la République fédérale socialiste de
14 Yougoslavie. Est-ce que vous avez connaissance de ce document ?
15 R. Oui, j'ai participé à ce processus.
16 Q. Je vais vous donner lecture des points 4, 5 et 6 dudit document.
17 "Point 4. La République de Croatie reconnaît l'indépendance et la
18 souveraineté des autres républiques de l'ex-République fédérale socialiste
19 de Yougoslavie en se fondant sur le principe de la réciprocité et elle se
20 déclare prête à établir, avec les républiques contre lesquelles elle n'est
21 pas engagée dans un conflit armé, des relations de bonne entente sur le
22 plan politique, économique, culturel, et autre.
23 "Point 5. La République de Croatie en tant qu'Etat souverain et
24 indépendant garantit les droits de l'homme fondamentaux ainsi que les
25 droits des minorités nationales qui sont explicitement garantis par la
26 déclaration générale des Nations Unies dans le document final de la
27 Conférence d'Helsinki, dans le document de l'OSCE et dans la Charte de
28 Paris. Tout ceci s'inscrit dans le cadre du processus d'intégration
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1 européenne. La République de Croatie est prête à s'engager dans des
2 associations entre Etats et des associations à caractère régional et
3 démocratique avec d'autres pays.
4 "Point 6. La République de Croatie poursuivra le processus
5 d'établissement de droits et d'obligations mutuels envers les autres
6 républiques de l'ex-RSFY et de l'ex-fédération."
7 Voilà ce qu'on peut lire dans ce document. Est-ce qu'un tel document
8 aurait pu être adopté sans l'accord et le soutien express de Franjo
9 Tudjman ?
10 R. Non.
11 Q. Merci.
12 R. Oui, mais vous me donnez lecture d'une déclaration qui n'a strictement
13 rien à voir avec le procès en l'espèce.
14 Q. Monsieur Manolic, je vous en prie.
15 R. Merci.
16 Q. Vous avez dit aux Juges de la Chambre ainsi qu'à toutes les personnes
17 présentes beaucoup d'absurdités me concernant, vous avez fourni un grand
18 nombre d'informations totalement dépourvues de crédibilité, et j'ai le
19 droit de lire les 227 documents qui ont été élaborés sous la direction et
20 sous l'influence du pouvoir politique de Franjo Tudjman dont vous nous
21 dites qu'il se trouvait à la tête d'une entreprise criminelle.
22 R. Ce n'est pas vrai.
23 Q. Je vous en prie. Je vais les passer en revue, ce qui me permettra
24 d'établir la continuité de cette politique qui transparaît dans chacun de
25 ces documents. Vu les circonstances de l'époque, les gens souffraient, il y
26 avait des morts, l'organisation de l'Etat s'effondrait peu à peu,
27 s'effritait et les gens réagissaient de la seule manière possible.
28 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, je vais vous
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1 interrompre et je vous prie de m'en excuser, mais aux lignes 21 et 22 du
2 compte rendu d'audience, dans votre question au témoin, vous avez dit à la
3 Chambre, vous avez dit, je cite : "Vous avez dit aujourd'hui à la Chambre
4 et à tous ceux qui sont présents ici un certain nombre de choses qui manque
5 totalement de crédibilité, vous avez lancé des absurdités qui montrent
6 votre ignorance, et cetera." Selon moi, si c'est véritablement votre
7 sentiment, si vous estimez que certain nombre d'éléments d'information
8 totalement dépourvus de crédibilité ont été proférés à votre encontre, le
9 mieux, c'est de poser des questions vraiment concrètes au témoin sur ce
10 point, de poser des questions vraiment concrètes à M. Manolic sur ce point.
11 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Mais je m'excuse, Monsieur le Juge,
12 mais M. Manolic ne cesse de m'interrompre alors que j'essaie d'expliquer ce
13 que je veux expliquer, je ne le ferai plus.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas exact.
15 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
16 Q. Le 8 novembre 1991, le Parlement de la République de la Croatie a
17 adopté des conclusions au sujet de l'agression menée contre la République
18 de Croatie.
19 "Point 4. La République de Bosnie-Herzégovine et la République du
20 Monténégro sont invitées à ne pas permettre que leur territoire national
21 soit utilisé dans le cadre d'une guerre menée contre la République de
22 Croatie.
23 "Point 5. Il est demandé à tous les Etats, et en particulier aux Etats
24 membres de la Communauté européenne et des Nations Unies, d'établir des
25 relations diplomatiques avec la République de Croatie. La République de
26 Croatie continuera à participer aux travaux d'une conférence portant sur la
27 Yougoslavie à La Haye, conférence organisée par les Etats membres de la
28 Communauté européenne."
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1 Demain, je vous montrerai une carte sur laquelle on peut identifier toutes
2 les régions de la République de Bosnie-Herzégovine à partir desquelles on
3 attaquait la République de Croatie. Est-ce que vous êtes au courant de
4 cela ?
5 R. Mais cela n'a aucun rapport.
6 Q. Monsieur Manolic, répondez, s'il vous plaît.
7 R. Je n'ai pas suivi l'évolution des opérations militaires en détail,
8 n'essayez pas de me faire parler d'événements individuels.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Cela n'a aucun rapport. Si M. Praljak vous pose
10 la question, c'est que pour lui il y a un rapport, que pour le moment les
11 Juges nous ne voyons pas, mais il a certainement une idée. Alors, répondez
12 à la question et on verra bien s'il y a un rapport. S'il n'y pas de
13 rapport, M. Praljak aura perdu beaucoup de temps pour rien, mais on ose
14 espérer qu'il y a un rapport.
15 Continuez, Monsieur Praljak.
16 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi. Une
17 correction pour le compte rendu d'audience. Un document a été mentionné,
18 ligne 21, page 139. C'est la date du 8 novembre qui figure ici, mais la
19 date exacte est celle du 8 octobre.
20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
21 Q. Monsieur Manolic, c'est le parlement croate qui adopte cela et vous en
22 êtes membre du parlement. Ce n'est pas Praljak qui le dit, c'est le
23 parlement qui le dit. "Nous sommes attaqués depuis le territoire de Bosnie-
24 Herzégovine ainsi que depuis le territoire du Monténégro." Le chef du
25 gouvernement, M. Manolic, ne peut pas me répondre devant ce Tribunal, que
26 son pays, à Dubrovnik, à Zadar, à Sibenik, à Slavonski Brod, dans la région
27 de Vukovar, a été attaqué depuis le territoire de Bosnie-Herzégovine. Vous
28 ne le savez pas ?
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1 R. Je le sais, mais je ne vois pas pourquoi vous le voulez, à quoi est-ce
2 que cela vous est utile de me présenter tous les documents --
3 M. LE JUGE ANTONETTI : L'accusé vous demande si la Croatie a été attaquée à
4 partir de la Bosnie-Herzégovine. Vous répondez, oui ou non.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, elle l'a été.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Elle l'a été.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais il a oublié la Serbie.
8 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
9 Q. Je ne l'ai pas oubliée, mais nous parlons de la Bosnie-Herzégovine à
10 présent.
11 Vous étiez le chef du gouvernement de l'État qui a été attaqué. Un tiers de
12 votre territoire a été occupé, des centaines de milliers de personnes
13 expulsées. Avez-vous adressé une lettre à
14 M. Izetbegovic, le président de la présidence de l'Etat, qu'il a utilisé
15 pour vous attaquer -- pour lui poser une question, à savoir qu'a-t-il fait
16 -- que fait-il ou qu'a-t-il l'intention d'entreprendre pour empêcher ce qui
17 est en train de se dérouler ? Ne lui avez-vous jamais adressé une telle
18 lettre ?
19 R. Mais vous avez une confusion pour ce qui est des dates. Si vous dites
20 que c'est le 8 octobre, alors, je n'étais pas chef de gouvernement à ce
21 moment-là, donc ceci ne relevait pas de mes attributions de me mettre en
22 contact avec le président de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Mais ce
23 que je suppose, c'est que le président Tudjman a certainement été en
24 contact avec le président Izetbegovic. Je ne le sais pas, je le suppose.
25 Q. Merci.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Le Conseil de Sécurité ne s'est pas réuni pour
27 savoir quelle allait être la réaction officielle de la Croatie vis-à-vis du
28 président Izetbegovic ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne pense pas qu'on puisse retrouver
2 cela dans les comptes rendus, et d'ailleurs, je ne me souviens pas qu'on
3 ait discuté de cela. C'était des prérogatives directes du ministre de la
4 Défense, de notre Grand état-major et du président en sa qualité du chef
5 suprême des forces armées.
6 J'aimerais que M. Praljak me pose des questions pour lesquelles il dit
7 qu'elles sont absurdes, impossibles ou je ne sais trop quoi, comment il les
8 a qualifiées.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, continuez, il nous reste cinq
10 minutes.
11 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Voilà, juste pour revenir à quelque
12 chose. M. Manolic dit que l'attaque menée par une attaque contre une autre
13 est quelque chose qui relève des généraux et du Grand état-major et qui n'a
14 rien à voir avec le parlement -- le gouvernement. Mais si les généraux
15 agissaient de leur propre chef dans ce genre de situation pour empêcher le
16 meurtre de plusieurs centaines de civils à Slavonski Brod et des 27 enfants
17 - j'ai montré cela aux éminents Juge de la Chambre - donc, si les
18 militaires avaient agi de leur propre chef en envoyant les militaires pour
19 empêcher l'attaque, alors, on aurait dit que c'est l'armée croate qui agit
20 dans un autre Etat, on aurait mis en question la légitimité du
21 gouvernement, et cetera, d'accord.
22 Q. Mais qu'en est-il des parents de ces enfants ? Ceux qui soulèvent la
23 question de la légitimité devraient apporter une réponse. Ce que je suis en
24 train de dire, est-ce exact ou non ?
25 R. Vous prononcez un discours comme si vous étiez à un rassemblement où on
26 parlait des risques qui pèsent sur l'Etat. Vous ne mentionnez pas
27 l'institution qui était censée répondre.
28 Q. Un instant, Monsieur Manolic, vous étiez le numéro 2 de cet Etat. Vous
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1 étiez très proche du numéro 1 de l'Etat. Vous étiez l'ami proche et
2 camarade de cet homme. Mais, au nom de Dieu, comment avez-vous réagi ? Est-
3 ce que vous vous êtes adressé au gouvernement ? Est-ce qu'en votre qualité
4 de membre du Parlement, vous avez exigé qu'on agisse ? Qu'avez-vous
5 entrepris ?
6 R. A ce moment-là, je n'étais ni membre du gouvernement, ni député au
7 Parlement; je n'étais que fonctionnaire qui était à un poste où il fallait
8 recueillir tous les éléments d'information et les fournir au président. Lui
9 ainsi que les autres institutions qui étaient censées réagir ont réagi.
10 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] J'en aurai terminé, si vous acceptez,
11 Monsieur le Président, pour aujourd'hui, et je poursuivrai -- excusez-moi,
12 s'il vous plaît, je ne terminerai pas --
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous poursuivrez, mais vous allez poursuivre pendant
14 combien de temps, demain ? Oui, vous avez dit tout à l'heure : "Je vais
15 poursuivre." Il vous faudra combien de temps, encore ? Parce que vous avez
16 parlé de 227 documents; vous n'allez pas lire 227 documents. Cela veut dire
17 qu'on sera là, comme je disais, pendant 25 ans, donc ce n'est pas possible.
18 Vous allez utiliser combien de temps, demain ?
19 L'INTERPRÈTE : L'accusé Praljak hors micro.
20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Tout simplement, je ne sais pas comment
21 présenter 227 documents qui, en détail et dans leur intégralité, rejètent -
22 - réfutent les thèses avancées soit par le Procureur, soit par ces témoins.
23 Je n'ai l'intention de donner lecture de rien du tout, sauf que je souhaite
24 que 227 documents soient mis à la disposition de la Chambre en langue
25 anglaise et française, et je suis convaincu que ces honorables Juges, sur
26 la base de ces documents, prendrons la décision que je suis tout à fait
27 prêt à accepter. Si on vous dit que ceci est possible, je saute tout cela
28 et j'en aurai terminé très rapidement.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, Maître Kovacic, il y aura 227 documents
2 qui seront versés comme pièces de la Défense de
3 M. Praljak. Donc, faites la liste. Je pense que vous vous êtes mis d'accord
4 avec M. Praljak pour nous établir cette liste, à moins que vous ne
5 découvriez le problème à l'instant.
6 M. KOVACIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président, ceci ne pose pas
7 problème. En principe, il est prévu que tous ces documents, 227 et ce livre
8 -- enfin, il y en a certains qui ne sont peut-être pas absolument
9 indispensables, mais ce livre, c'est quelque chose de très pratique, parce
10 que ce document réunit tous les documents en un seul, parce que --
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. La meilleure chose c'est de verser le
12 livre.
13 M. KOVACIC : [interprétation] Oui, précisément, c'est cela l'idée. Mais il
14 reste la question des traductions. Il nous faudra satisfaire cette
15 exigence.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, il est 17 heures 20, donc, Monsieur,
17 nous reprenons l'audience demain à 9 heures. Comme je vous l'ai indiqué
18 hier, d'ici là, vous ne rencontrez personne. Je souhaite à tous une belle
19 soirée. Nous nous retrouverons demain à 9 heures.
20 --- L'audience est levée à 17 heures 18 et reprendra le mercredi le 5
21 juillet 2006, à 9 heures 00.
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