Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 14 septembre 2006

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Les accusés Praljak, Coric et Pusic ne sont pas présents dans le prétoire]

  5   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, vous pourrez appeler le 

  8   numéro de l'affaire.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Affaire

 10   IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En ce jeudi 14 septembre 2006 - et le dernier

 12   jour de l'audition de M. l'Ambassadeur - je salue toutes les personnes

 13   présentes, les représentants de l'Accusation, tous les avocats, ainsi que

 14   les trois accusés présents, dans la mesure où j'ai été informé du fait que

 15   trois des accusés sont actuellement malades et ne sont donc pas venus, mais

 16   sont assistés de leurs avocats présents. Dans ces conditions, nous pouvons

 17   continuer l'audience.

 18   Je voulais simplement préciser une autre petite chose, concernant la

 19   mise en œuvre de l'article 70, puisque hier à quelques reprises, il y a eu

 20   un problème lié à des questions posées et à des objections formées par

 21   l'Accusation ou par le témoin. Donc, je rappelle aux uns et aux autres que,

 22   si jamais le témoin estime qu'il n'a pas à répondre à la question, il nous

 23   le dit. Si les représentants du gouvernement américain estiment que la

 24   question est hors du champ de l'interrogatoire, ils peuvent nous le dire et

 25   si le Procureur estime également que la question n'est pas adaptée, le

 26   Procureur peut nous le dire.

 27   Malheureusement, les Juges n'ont pas de pouvoir d'appréciation

 28   souveraine en la matière parce que nous sommes liés par cette Règle et par


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  1   la jurisprudence du Tribunal en la matière. Donc, tout cela pour dire que,

  2   si le témoin ne veut pas répondre, il ne répond pas. Je ne peux pas le

  3   contraindre à répondre. Voilà, parfois, il peut arriver que des questions

  4   soient "border line", on ne sait pas si cela rentre dans le champ ou c'est

  5   juste à côté. Parfois, cela peut être très compliqué, mais je comprends

  6   cette situation, mais je dois tenir compte également de l'article du

  7   Règlement et de la jurisprudence qui en est issue. 

  8   Voilà. Alors, il nous reste maintenant jusqu'à 13 heures 45. Je vais

  9   donc donner la parole aux avocats.

 10   LE TÉMOIN : PETER GALBRAITH [Reprise]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 13   les Juges.

 14   Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin, Monsieur l'Ambassadeur.

 16   Je m'appelle Vesna Alaburic. Je suis avocate à Zagreb. Je défends les

 17   intérêts du général Milivoj Petkovic dans la présente affaire.

 18   Vous avez dit que vous étiez en bons termes, mais que vous aviez coopéré

 19   avec le gouvernement croate, les représentants de l'opposition politique.

 20   Vous dites que vous êtes allé à la convention des libéraux, que vous avez

 21   rencontré les représentants des médias internationaux -- ou indépendants

 22   plutôt qui participaient au travail de protection des droits de l'homme.

 23   Nous connaissons donc vos activités à Zagreb. Reconnaissez-vous que les

 24   Etats-Unis ont été un des pays les plus actifs en Croatie pour essayer de

 25   retrouver des solutions au problème que rencontrait le pays et qu'ils ont

 26   essayé de contribuer au développement des relations démocratiques.

 27   R.  Oui, de 1993 à la fin de mon mandat, effectivement. Je ne dis pas que

 28   ce ne soit pas le cas après, mais je vais me limiter à la période où


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  1   j'étais sur place.

  2   Q.  Merci. Est-ce que vous avez entendu des évaluations de la situation en

  3   Croatie, dans les médias indépendants des évaluations selon lesquelles vous

  4   contribuez à la protection des droits de l'homme en République de Croatie,

  5   évaluations selon lesquelles sans votre coopération la situation aurait été

  6   encore plus grave.

  7   R.  Je comprends bien les tenants et les aboutissants, les implications de

  8   votre question, mais je pense que c'est plutôt aux autres de répondre à

  9   cette question, ce n'est pas à moi de le dire. J'espère que c'est vrai.

 10   J'espère qu'il est vrai que les Etats-Unis et moi, personnellement, nous

 11   avons contribué à l'amélioration de la situation en Croatie pour la

 12   promotion de la paix et du développement de la démocratie et des droits de

 13   l'homme pour toutes les communautés quelle que soit leur origine ethnique.

 14   Mais j'imagine que le verdict définitif sur tout cela, ce sont d'autres qui

 15   devront le prononcer.

 16   Q.  Merci. Ces derniers jours, vous nous avez dit que vous étiez allé en

 17   Croatie à l'invitation du président Tudjman, notamment, et que des

 18   représentants des gouvernements de l'ex-Yougoslavie voulaient que les

 19   Etats-Unis participent activement à la résolution de la crise en ex-

 20   Yougoslavie.

 21   J'aimerais vous rappeler une interview que vous avez accordée au magazine

 22   Globus.

 23   Mme ALABURIC : [interprétation] J'aimerais que le Greffier nous présente la

 24   pièce en question à l'écran. 4D 00326.

 25   Q.  Il n'y a que deux passages de cette interview qui m'intéressent, parce

 26   que je vais vous poser des questions à ce sujet. Mais si vous estimez qu'il

 27   y a d'autres passages de cette interview qui présentent un intérêt, nous

 28   pouvons les faire traduire également, mais pour l'instant je ne fais


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  1   traduire que deux extraits et je vais en donner lecture. Je cite :

  2   "D'autre part nous n'avons pas simplement pris la décision de venir ici,

  3   tout simplement, pris simplement cette discussion. On nous a demandés de

  4   venir -- de revenir. On nous a imploré de venir. Je ne pourrais vous dire à

  5   combien de reprises le président Tudjman a demandé l'aide des Etats-Unis en

  6   1993, 1994 et 1995. Il nous a demandé de nous impliquer, de nous engager

  7   diplomatiquement et d'envoyer nos soldats ici. Nous avions entendu le même

  8   genre de chose de la part des dirigeants de Bosnie-Herzégovine. D'ailleurs,

  9   nous avons reçu les mêmes demandes du président Milosevic lui aussi."

 10   Est-ce que vous vous souvenez de cette interview, Monsieur l'Ambassadeur ?

 11   R.  J'ai accordé de nombreuses interviews, et je ne pourrais affirmer que j

 12   me souviens de celle-ci, en particulier, mais, maintenant, que vous m'en

 13   montrez le texte, je m'en souviens. Je suis sûr à 100 % que les propos qui

 14   y figurent ici sont bien ceux que j'ai tenus. En tout cas, cela traduit ce

 15   que je propose pensais à l'époque et ce que je pense toujours aujourd'hui.

 16   Q.  Merci beaucoup.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic, en regardant le document en B/C/S

 18   que j'ai sous les yeux, je constate qu'apparemment, il doit y avoir une

 19   question posée qui est en gras. Puis, il y a la réponse. Là, vous publiez

 20   la réponse de M. l'Ambassadeur. Il aurait été intéressant de savoir quelle

 21   était la question posée par le journaliste et sa réponse. Est-ce que vous

 22   l'avez la question ? Vous pouvez l'indiquer ?

 23   Mme ALABURIC : [interprétation] Si on se rapporte à la version en B/C/S,

 24   j'aimerais qu'on nous présente la page suivante à l'écran, la page suivante

 25   de l'interview. C'est cela. La question commence au début de la première

 26   colonne, et elle est la suivante, je cite :

 27   "Est-il exact de dire que l'Etat croate, suite aux décisions des Croates de

 28   Bosnie-Herzégovine de boycotter les élections, se trouve maintenant dans


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  1   une situation politique extrêmement difficile du point de vue international

  2   également avec la menace qui pèse -- menace de sanctions -- menaces très

  3   sérieuses ?"

  4   Ensuite, on voit le début de la réponse, je cite :

  5   "Les amis de la Croatie ont de toute manière été extrêmement déçus par les

  6   mesures prises par le HDZ de Bosnie-Herzégovine enfin les mesures que

  7   menaçaient de prendre ce HDZ de Bosnie-Herzégovine. Les Etats-Unis ont

  8   clairement fait connaître leur préoccupation, nous avons fait connaître nos

  9   préoccupations et l'Union européenne a fait de même. Je pense que peut-être

 10   les dirigeants de Croatie et de Bosnie notamment les dirigeants bosniens

 11   croates n'ont pas compris ce qui est en jeu, et je dois dire que ceci

 12   montre encore une fois à quel point -- la mauvaise compréhension des

 13   relations internationales."

 14   Ensuite, il y a un passage dans lequel il est question des millions de

 15   dollars ou des milliards de dollars dépensés par les Etats-Unis pour

 16   garantir la paix en Bosnie. Ensuite, il y a un autre passage --

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce n'est pas nécessaire de continuer. Bien. Le texte

 18   qu'on a à l'écran est une réponse faite à une question posée et vous avez

 19   évoqué la question. Bien. Poursuivez.

 20   Mme ALABURIC : [interprétation]

 21   Q.  D'après ce que vous nous dites, dès le début 1993,

 22   M. Tudjman -- le président Tudjman voulait que les Etats-Unis interviennent

 23   pour permettre de résoudre la crise qui touchait les territoires de l'ex-

 24   Yougoslavie. Si bien que la question que je voudrais vous poser est la

 25   suivante : vu les conversations que vous avez eues avec le président

 26   Tudjman, aujourd'hui décédé, pourriez-vous dire qu'il estimait que l'armée

 27   et l'administration américaine pouvaient se révéler efficace, ou est-ce que

 28   ce n'était pas le cas ?


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  1   R.  Oui, il pensait que nous étions efficace.

  2   Q.  Est-ce qu'il pensait sincèrement qu'en faisant intervenir les Etats-

  3   Unis on pourrait arriver à mettre un terme aux hostilités et qu'on pourrait

  4   arriver à obtenir la paix ?

  5   R.  Je pense qu'il avait le sentiment que notre engagement c'était la

  6   dernière chance de mettre un terme à cette guerre.

  7   Q.  A partir de l'expérience qui est la vôtre, pouvez-vous nous dire si

  8   quelqu'un souhaite utiliser des moyens militaires pour arriver à un

  9   objectif politique, est-ce qu'il serait possible que l'intéressé demande

 10   aux Etats-Unis d'intervenir militairement pour faire face aux problèmes se

 11   posant sur le territoire en question ? Si le président Tudjman avait

 12   souhaité conquérir certaines régions de Bosnie-Herzégovine, est-ce qu'il

 13   aurait demandé à l'armée américaine d'intervenir sur le territoire de

 14   Bosnie-Herzégovine ? Si je présente les choses en terme extrêmement simple.

 15   R.  On est en train de parler deux périodes distinctes. Au moment où nous

 16   avons envoyé nos troupes sur place, après les accords de Dayton, autant que

 17   je m'en souvienne, le président Tudjman ne m'a pas fait part de sa volonté

 18   de faire venir les troupes américaines avant les accords de paix parce

 19   qu'il comprenait, comme tous les autres, que cela ne se produirait pas de

 20   toute façon. L'intervention des troupes américaines c'est quelque chose qui

 21   a eu lieu suite aux accords de Dayton. Il voulait qu'il intervienne en

 22   Slavonie orientale dans le cadre des accords d'Erdut, mais cela ne pouvait

 23   pas être le cas l'administration américaine ne pouvait l'accepter. Donc

 24   nous avons envoyé un général américain à la tête de la mission, un homme

 25   qui est également un diplomate.

 26   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Si bien que, quand il demandait l'intervention

 28   américaine, il demandait l'intervention active de la diplomatie américaine.


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  1   Il est sans doute utile de se souvenir qu'au moment où en 1991 la guerre a

  2   éclaté en ex-Yougoslavie, la démarche des Européens, leur approche c'était

  3   qu'il s'agissait là d'un problème européen, que l'Europe allait y faire

  4   face, et que les Etats-Unis n'avaient nul besoin de s'en mêler. Or ceci

  5   correspondait tout à fait à la volonté de l'administration Bush qui venait

  6   à peine de s'extirper de la guerre dans le Golfe persique et avait à faire

  7   face à de nombreuses difficultés résultant de l'effondrement de l'Union

  8   soviétique, puis, il y avait aussi l'élection présidentielle de 1992.

  9   Je crois qu'en 1992 le gouvernement croate - en tout cas, le gouvernement

 10   de Bosnie-Herzégovine, cela c'est sûr - souhaitait voir les Etats-Unis

 11   participer plus activement à ce qui se passait, mais c'était une année

 12   d'élection aux Etats-Unis et c'était donc impossible. On espérait qu'avec

 13   le nouveau gouvernement en 1993, cette intervention aurait lieu.

 14   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Pour ce qui est de la politique de

 15   l'Union européenne --

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai une question suivante : si je comprends bien,

 17   finalement, l'intervention de votre pays commence quasiment à partir du

 18   moment où vous remettez votre lettre de créance, ou cela s'est fait quand

 19   même antérieurement à votre arrivée personnelle ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Indéniablement, cela a commencé avant mon

 21   arrivée. Nous avions un envoyé spécial chargé de l'ex-Yougoslavie, mais je

 22   pense qu'il est juste de dire que, tout au long de l'année 1993 et puis

 23   ensuite en 1996 [comme interprété] -- en tout cas, tout au cours de l'année

 24   1993 puis en 1994 et en 1995, notre intervention n'a cessé d'augmenter de

 25   manière considérable. D'ailleurs, dès le début, il y a eu intervention,

 26   participation des Etats-Unis, mais ce n'est pas ce que les parties en

 27   présence dans la région, en tout cas la Bosnie et la Croatie souhaitaient.

 28   Mme ALABURIC : [interprétation]


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  1   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Nous allons parler dans la deuxième

  2   partie de notre contre-interrogatoire de la politique de l'Union européenne

  3   et de la politique des Etats-Unis, mais je voudrais d'abord parler de

  4   l'engagement des troupes militaires américaines en ex-Yougoslavie.

  5   Conviendrez-vous qu'au sein de la communauté internationale, il y avait un

  6   débat au sujet du mandat des forces des Nations Unies qui devaient être

  7   envoyées sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, et je parle ici de la

  8   FORPRONU ?

  9   R.  Oui. Il y a toujours eu des discussions au sein de la communauté

 10   internationale au sujet de l'autorité, du mandat de la FORPRONU.

 11   Q.  Est-ce que la question qui était la plus débattue c'était de savoir si

 12   ces forces auraient le droit d'intervenir en cas de conflit armé ou si

 13   elles auraient simplement le droit d'escorter les convois humanitaires et

 14   de surveiller la situation, de surveiller ce qui se passait autour de ces

 15   convois humanitaires ?

 16   R.  Il y a eu de nombreuses discussions au sujet des Règles d'engagement

 17   des forces de la FORPRONU.

 18   Q.  Est-ce que vous conviendrez avec moi que la FORPRONU n'avait pas le

 19   droit d'intervenir lors des affrontements armés, qu'elle n'avait pas le

 20   droit d'essayer de mettre un terme activement à ce type d'affrontement

 21   parce que l'armée américaine n'était pas présente au sein de la FORPRONU,

 22   parce que l'armée américaine n'était pas présente sur le terrain ?

 23   R.  Non. Je ne suis pas d'accord, ce n'est pas la raison pour laquelle la

 24   FORPRONU n'avait pas l'autorité d'intervenir en cas de conflit armé. Il y

 25   avait là des hommes au sein de ces forces, des hommes extrêmement

 26   compétents. On avait là des troupes venant de Grande-Bretagne et de France

 27   notamment. La raison pour laquelle ils n'intervenaient pas cela

 28   s'expliquait par le mandat confié à la FORPRONU ainsi que par les décisions


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  1   des pays qui avaient envoyé leurs soldats sur place. Je ne pense pas que

  2   cela ait quoi que ce soit à voir avec l'absence des militaires américains

  3   sur place.

  4   Q.  Pouvez-vous nous confirmer que le président Tudjman a proposé que les

  5   forces de l'OTAN interviennent sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine

  6   et sur le territoire de la Croatie ?

  7   R.  Oui, ceci est vrai, après les accords de Dayton en tout cas. L'OTAN a

  8   pris un rôle de premier plan au sein des forces internationales sur place

  9   et ensuite, il y a eu effectivement des discussions où il y a évoqué un

 10   rôle que pourrait jouer l'OTAN.

 11   Q.  Pouvez-vous nous dire, si avant l'intervention de l'OTAN, avant

 12   l'intervention des Etats-Unis, pouvez-vous nous dire combien d'années avant

 13   cette intervention le président Tudjman a demandé l'intervention de l'OTAN

 14   pour essayer de rétablir la paix sur le territoire de l'ex-Yougoslavie ?

 15   Combien d'années auparavant ?

 16   R.  Je ne pense pas être en mesure de répondre à cette question.

 17   Q.  Merci. J'aimerais que nous parlions maintenant du président Tudjman, du

 18   défunt président Tudjman, parce que je pense que l'opinion que vous avez du

 19   président Tudjman est forte importante en l'espèce.

 20   Le premier jour de votre déposition, vous nous avez expliqué que le

 21   président Tudjman pensait que la Bosnie-Herzégovine ne pouvait et ne devait

 22   pas subsister en tant qu'Etat indépendant. Vous avez dit qu'à de nombreuses

 23   reprises, il avait présenté son point de vue au sujet des délimitations

 24   territoriales et il a également présenté son point de vue au sujet de ses

 25   aspirations territoriales concernant certaines régions de la Bosnie-

 26   Herzégovine.

 27   Je voudrais vous poser à ce sujet la question suivante : est-il exact de

 28   dire que le gouvernement de la République de Croatie n'a pas mené d'attaque


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  1   contre le pays voisin de Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire que l'armée de

  2   Croatie n'a pas mené de telle attaque ?

  3   R.  Indéniablement la guerre qui a eu lien en Bosnie-Herzégovine, elle a

  4   député à cause de Milosevic, de ses alliés serbes de Bosnie, ce sont eux

  5   qui ont déclenché la guerre, mais l'armée de la République de Croatie était

  6   impliquée dans le conflit en Bosnie-Herzégovine, notamment quand elle a

  7   combattu l'ABiH.

  8   Q.  Excusez-moi, mais vous n'avez pas répondu à ma question. J'étais en

  9   train de vous parler de l'agression, l'agression menée contre la Bosnie-

 10   Herzégovine. Je vais vous aider à définir ce terme d'agression.

 11   Le Procureur, dans son acte d'accusation, ne retient pas contre l'accusé le

 12   fait d'avoir participé à une agression, le Procureur ne reproche pas non

 13   plus à la Croatie d'avoir agressé la Croatie [comme interprété]. Je parle

 14   d'agression au sens ordinaire du terme.

 15   M. SCOTT : [interprétation] Ici, Monsieur le Président, on est en train de

 16   se lancer dans une discussion sur la terminologie juridique. Je crois qu'il

 17   n'y a aucun malentendu, effectivement, la position de l'Accusation c'est

 18   que le gouvernement de Croatie a été impliqué dans une agression active

 19   contre le gouvernement de Bosnie et a envoyé des troupes en Bosnie pour ce

 20   faire. Donc je ne veux pas que la position de l'Accusation soit présentée

 21   de manière erronée, quelle que soit la terminologie que l'on souhaite

 22   utiliser.

 23   Mme ALABURIC : [interprétation] Pour ce qui est de la question du problème

 24   juridique, je ne pense pas qu'il s'agisse là simplement d'une question de

 25   concept juridique, de définition du terme d'agression. Le témoin nous a

 26   parlé de gouvernements légitimes, de gouvernements licites, légaux,

 27   d'armées légales, et cetera. Donc, je pense que l'ambassadeur est tout à

 28   fait à même de comprendre ma question au sujet de la teneur de l'acte


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  1   d'accusation. Inutile de se lancer dans un débat.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Reformulez votre question en termes clairs afin que

  3   l'ambassadeur, qui a fait des études de droit, puisse répondre.

  4   Mme ALABURIC : [interprétation]

  5   Q.  Bien. Donc, ma question était la suivante : pouvez-vous nous confirmer

  6   que la République de Croatie n'a jamais été impliquée dans une agression

  7   contre son voisin, contre la Bosnie-Herzégovine ?

  8   R.  M. le Président a tout à fait raison. Effectivement, j'ai un diplôme en

  9   droit, mais il faut quand même que je signale que je n'aie jamais pratiqué

 10   le droit. J'hésite, je suis assez réticent à l'idée d'intervenir dans ce

 11   débat en donnant mon opinion sur ce point ce n'est pas que j'hésite à faire

 12   part de l'opinion qui est la mienne. Tous ceux qui me connaissent savent

 13   que ce n'est pas mon genre. Mais je suis ici dans un prétoire, entouré de

 14   juristes, d'avocats, et je pense qu'il y a manifestement ici d'autres

 15   personnes qui sont mieux à mêmes de répondre à ce type de question.

 16   Je suis vraiment ici venu déposer au sujet des faits, au sujet de mon

 17   expérience en tant que diplomate en Croatie. Donc, je vais simplement

 18   essayer de présenter les faits -- de dire les faits tels que je les ai vus,

 19   tels que nous les voyons.

 20   L'armée croate, enfin, j'espère que vous pourrez me laisser répondre

 21   à cette question parce que l'armée croate a participé -- a été impliquée

 22   dans des actions militaires menées contre le gouvernement de Bosnie-

 23   Herzégovine. Nous avons estimé que c'était là quelque chose d'illicite et,

 24   comme je l'ai déjà dit, nous avons évoqué la question à de très nombreuses

 25   reprises, de manière répétée, avec le gouvernement de Croatie. Nous avons

 26   menacé d'imposer des sanctions contre la Croatie, y compris cet ultimatum

 27   du 3 mars 1994 par le président du Conseil de sécurité, qui donnait à la

 28   Croatie 15 jours pour retirer ses troupes du territoire de Bosnie. Tout


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  1   cela parce que nous pensons que ces activités n'étaient pas légales. 

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur l'Ambassadeur, en termes simples, la

  3   question que vous pose la Défense tourne autour du terme "agression". En

  4   langage diplomatique, l'agression d'un pays A contre un pays B, c'est

  5   quoi ? C'est une guerre, à un moment particulier, dans la vie de deux

  6   pays ? C'est quoi une agression d'un pays A contre un pays B ?

  7   M. SCOTT : [interprétation] Je suis désolé d'interrompre. Mais je dois dire

  8   une fois de plus qu'il s'agit d'un terme très précis --

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : En termes diplomatiques, c'est un diplomate, je lui

 10   ai demandé en diplomate, comment peut-il qualifier s'il peut, il n'est pas

 11   obligé de répondre, comment il conçoit une "agression" et sans parler de la

 12   Croatie et de la Bosnie-Herzégovine, je lui ai dit si un pays A et un pays

 13   B, et si on parle d'agression comment lui en diplomate il peut qualifier

 14   cela, alors, ou il peut ou il ne peut pas. Laissez le répondre. S'il ne

 15   veut pas répondre il ne répond pas, mais s'il répond il répond.

 16   Alors, Monsieur l'Ambassadeur, si vous voulez répondre, vous répondez; si

 17   vous ne voulez pas répondre, vous ne répondez pas, et on passe à un autre

 18   sujet.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer de contourner les connotations

 20   juridiques de ce terme et voir comment on comprend la notion d'agression

 21   dans le monde diplomatique, ou comment je l'entends, moi. Primo, cela veut

 22   dire que les forces armées d'un pays pénètrent dans le territoire d'un

 23   autre pays dans des circonstances qui ne sont pas considérées comme étant

 24   une autodéfense. Secundo,  cela devrait inclure l'envoi des troupes d'un

 25   pays sur le territoire d'un autre pays contre la volonté juridiquement

 26   exprimée de ce pays, lequel pays est international reconnu. C'est dans ce

 27   sens-là que je fais entrer également la situation des circonstances où des

 28   troupes d'un pays étranger se trouvent engager dans des combats contre les


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  1   forces d'un gouvernement qui était légalement établi dans ce pays-là.

  2   Le tout entre dans cette situation que je souhaiterais à définir en tant

  3   que agression en des termes diplomatiques.

  4   Mme ALABURIC : [interprétation]

  5   Q.  Je vous remercie. Il serait intéressant de voir maintenant, maintenant

  6   que nous avons entendu votre définition de l'agression, seraient connues

  7   comme des agressions qui ont été commises par les USA d'Amérique, les

  8   Etats-Unis d'Amérique. Dites-moi, s'il vous

  9   plaît : à part ces guerres-là combien d'agressions ont été perpétrées par

 10   les Etats-Unis d'Amérique et combien d'agressions sont en cours ? Si vous

 11   ne pouvez pas répondre à cette question, je passe à un autre sujet.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Hors sujet. Passez à autre chose.

 13   Mme ALABURIC : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Q.  En quelques mots les relations de feu président Tudjman avec la

 15   communauté internationale, d'après vous, le président Tudjman était-il

 16   conscient du fait que sans une bénédiction internationale, sans un aval

 17   international la République de Croatie ne pouvait pas être un pays

 18   souverain et indépendant ?

 19   R.  Oui, je crois que ceci devait être exact.

 20   Q.  D'après vous, le feu président Tudjman était-il conscient du faut que

 21   sans l'aval donné par la communauté internationale, aucune modification de

 22   frontières d'Etat des pays de l'ex-Yougoslavie n'était possible, à moins

 23   que de voir toutes les parties intéressées se mettre d'accord dans d'autres

 24   termes, d'une autre façon ?

 25   R.  Votre question est en quelque sorte formulée de façon étrange -- à

 26   double tranchant. Il m'est difficile d'y répondre directement. Vous me

 27   demandez : si, par exemple, M. Tudjman était conscient du fait que, sans

 28   une bénédiction de la communauté internationale, aucun changement des


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  1   frontières d'Etat de pays et par les pays de l'ex-Yougoslavie ne serait

  2   possible ? Est-ce que vous voulez dire par là, vous me posez la question de

  3   voir si des parties entre elles seraient d'accord si même la communauté

  4   internationale n'avalisait pas une telle situation ? Ceci aurait pu être

  5   possible.

  6   Q.  Première question, Monsieur Tudjman, était-il conscient que sans la

  7   permission, sans l'aval de la communauté internationale la modification des

  8   Etats -- des frontières d'Etat des pays de l'ex-Yougoslavie n'était pointe

  9   possible ?

 10   R. Je crois pour ma part que lui savait que si la communauté internationale

 11   ne l'acceptait pas, il ne pourrait y avoir aucune modification des

 12   frontières d'Etat par et entre les Républiques de l'ex-Yougoslavie,

 13   reconnue, modification reconnue par la communauté internationale.

 14   Q.  Pour expliciter la seconde partie de ma question, il s'agissait de

 15   certaines sections du territoire. Si par exemple, c'est après une procédure

 16   constitutionnelle, la République de Croatie décide de céder une partie de

 17   ce territoire disons au Monténégro, disons, est-ce que cela veut dire que

 18   c'est un problème entre ces deux pays ?

 19   Mais nous n'avons pas le temps évidemment de continuer là-dedans. Dites-moi

 20   : d'après vous, le président Tudjman était-il conscient du fait sans la

 21   permission de la communauté internationale, on ne devait pas et ne pouvait

 22   pas modifier l'ordre constitutionnel intérieur de la Bosnie-Herzégovine ?

 23   R. Non. Je ne le pense pas, je ne pense pas que ce que vous venez de dire

 24   était exact.

 25   Q.  Pouvez-vous nous dire comment on pouvait modifier l'ordre intérieur de

 26   la Bosnie-Herzégovine à cette époque-là, sans que pour autant le tout soit

 27   béni par la communauté internationale ?

 28   R.  Entre autres, c'est lui qui était en quelque sorte le sponsor de la


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  1   création de la soi-disant République d'Herceg-Bosna, ce qui n'a pas été

  2   avalisé par la communauté internationale. Cette république, pendant

  3   longtemps après, lorsqu'elle devait être dissoute, démantelée, a continué

  4   d'exister. Dans des documents, on faisait référence à cette entité encore

  5   qu'il y a eu pas mal de démarches faites par les Etats-Unis d'Amérique, par

  6   l'Union européenne et d'autres pays où il a été dit entre autres qu'il

  7   s'agissait d'une entité illégale et que ceci n'était autre chose que

  8   violation de toutes conventions et accords internationaux alors que cette

  9   entité existait. Voilà la réponse à votre question. Voilà pourquoi je

 10   disais tout à l'heure que ceci ne pouvait pas être exact.

 11   Je peux vous donner un autre exemple, à savoir la constitution de la

 12   Republika Srpska. Quelque chose où la communauté internationale s'opposait

 13   alors que ce quasi-Etat a été formé, à cette époque-là, en 1992.

 14   Q.  Oui, mais ce que vous venez dire justement vient de confirmer ma

 15   thèse, c'est-à-dire sans l'aval, sans la bénédiction de la communauté

 16   internationale et modifications intervenues à l'intérieur du territoire de

 17   la Bosnie-Herzégovine n'auraient pas pu être possibles. Mais, suivons un

 18   certain ordre.

 19   R.  Une seconde, s'il vous plaît. Ce n'est pas cela, ce que j'aie dit tout

 20   à l'heure. Votre question était la suivante : "Pouvait-il y avoir des

 21   modifications à l'échelle intérieure en Bosnie-Herzégovine sans la

 22   reconnaissance de la communauté internationale ?" J'ai répondu : "Oui, et

 23   il y avait des cas de cette modification." Maintenant, vous essayez de

 24   modifier vous-même ce que je viens de dire pour dire qu'il s'agit de

 25   modifications reconnues internationalement. Oui, il y avait peut-être des

 26   modifications, mais qui n'ont pas été reconnues. C'est ce que je voulais

 27   dire.

 28   Q.  Je voulais dire pour ma part que ces modifications ne pouvaient pas


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  1   être reconnues sans l'aval de la communauté internationale, ce qui veut

  2   dire que qui dit aval de la communauté internationale dit présupposition de

  3   tout changement à l'échelle intérieure de la Bosnie-Herzégovine. Mais

  4   prenons un autre cours dans nos pensées et questions.

  5   R.  Je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Il y a eu des modifications

  6   qui n'étaient pas reconnues, il y en avait pas mal. Je suis tout à fait

  7   contre le terme d'aval ou de bénédiction. Quelques fois, on peut

  8   reconnaître quelque chose mais le reconnaître comme étant quelque chose

  9   d'affreux mais qui correspond à des réalités.

 10   Q.  Bon. Prenons un autre cours. Au début de l'année 1993, nous sommes

 11   encore en 1992, au début des hostilités -- excusez-moi, pas en 1993 mais au

 12   temps du démantèlement de la Yougoslavie et au temps de la création d'un

 13   Etat indépendant de Bosnie-Herzégovine; la Bosnie-Herzégovine a-t-il été un

 14   Etat unitaire ?

 15   R.  Je dois faire une observation, à savoir vous posez des questions qui en

 16   fait sont au-delà du cadre de ce qui devrait être l'objet de ma déposition,

 17   je ne peux pas vous répondre à cette question sans m'étonner, pour dire :

 18   pourquoi est-ce que c'est à moi que vous posez cette question ? Cela sort

 19   du cadre de ce je devais traiter ici. Pourquoi me posez-vous cette

 20   question, s'il vous plaît ?

 21   Q.  Je vais très volontiers vous dire le pourquoi de cette question,

 22   Monsieur l'Ambassadeur. Voyez-vous, l'entité serbe, l'entité croate, les

 23   formes de s'organiser des peuples serbe et croate en Bosnie-Herzégovine,

 24   vous les avez considérés comme chose illégale, illégitime. Or ma question

 25   est de savoir : quel était cet ordre constitutionnel, ce régime pour que la

 26   Republika Srpska et la Herceg-Bosna soient considérées comme quelque chose

 27   d'illégale ?

 28   Essayons de désarticuler : comment se présentait l'Etat de Bosnie-


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  1   Herzégovine et essayons d'en déduire la raison pour laquelle il y a eu la

  2   création de Herceg-Bosna ou de la Republika Srpska. Parlons un peu, si vous

  3   voulez bien, de légitimité et de légalité du soit disant gouvernement de

  4   Sarajevo. Voilà pourquoi je trouve que ma question est en relation directe

  5   avec vos propos que nous avons entendus ici au cours de votre déposition de

  6   deux jours, car nombre sont ceux qui considèrent que la substance et

  7   l'essence même de la guerre en Bosnie-Herzégovine était une tentative de se

  8   mettre d'accord sur l'ordre intérieur de ce pays. Les Musulmans d'un côté

  9   voudraient avoir un Etat unitaire alors que les Serbes et Croates,

 10   respectivement, chacun pour soit, souhaitaient voir un Etat composé de

 11   trois entités nationales. D'où évidemment les conflits, et cetera.

 12   Je répète : d'après vous, d'après vos informations, au temps du

 13   démantèlement de l'ex-Yougoslavie, la Bosnie-Herzégovine était-elle un

 14   était unitaire ?

 15   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, excusez-moi, Monsieur

 16   l'Ambassadeur.

 17   M. l'Ambassadeur peut répondre à cette question s'il le souhaite, mais je

 18   voudrais reformuler et répéter l'objection faite au terme de l'article 70.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur l'Ambassadeur, M. le Procureur estime que

 20   la question posée par la Défense est susceptible d'entrer dans la Règle de

 21   l'article 70, mais c'est à vous d'apprécier si vous pouvez répondre à la

 22   question.

 23   Alors, la question posée par Me Alaburic est en fait très compliquée, mais

 24   je synthétise un peu sa position. Elle veut savoir votre point de vue,

 25   alors point de vue d'un diplomate ou du représentant du gouvernement

 26   américain en Croatie, ou du simple homme que vous êtes; si de votre point

 27   de vue la création de la République Herceg-Bosna qualifiée d'illégale est

 28   vraiment illégale dans la mesure où la Défense tend à soutenir la thèse que


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  1   la Bosnie-Herzégovine était constituée de trois entités : les Serbes, les

  2   Croates et les Musulmans.

  3   C'est cela le sens de sa question. Alors, vous y répondez, vous n'y

  4   répondez pas. Si vous ne voulez pas y répondre, passez à autre chose. C'est

  5   comme vous voulez.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de cette

  7   explication. Merci au conseil de la Défense également de l'explication

  8   faite par elle. Je vais répondre à cette question, mais dans le cadre de ma

  9   déposition, par conséquent, au titre de l'article 70 du Règlement de

 10   procédure et de preuve.

 11   Par conséquent, si on considère cela comme une question par laquelle voir

 12   comment les Etats-Unis d'Amérique ont considéré la Bosnie-Herzégovine

 13   pendant que j'étais l'ambassadeur. Laissez-moi répondre si cela ne vous

 14   permet pas, vous pouvez toujours évidemment continuer, mais je crois

 15   pouvoir savoir ce que vous voulez obtenir dans cette question.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation]

 17   Q.  Ma question ne porte pas sur la période où vous êtes entré en poste

 18   d'ambassadeur, mais je vous parle de l'année 1990, 1991 du temps du

 19   démantèlement de la Yougoslavie.

 20   R.  Bon, essayons de répondre comme suit : en 1993, lorsque je suis arrivé

 21   à Zagreb, lorsque nous avons étudié toutes ces questions et problèmes, nous

 22   avons considéré que l'Etat de Bosnie-Herzégovine, à la suite du référendum

 23   de 1992, nous l'avons considéré cet Etat comme internationalement reconnu,

 24   doté de structures constitutionnelles reconnues, doté d'un gouvernement à

 25   la tête duquel se trouvait le président Alija Izetbegovic. Il s'agissait

 26   d'un gouvernement légal qui exerçait son autorité sur l'ensemble des

 27   territoires de Bosnie-Herzégovine, mais qu'il y avait aussi d'autres

 28   entités, y compris celle de Republika Srpska et celle d'Herceg-Bosna, alors


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  1   que ces deux entités n'étaient pas illégales. Voilà. Voilà l'attitude qui

  2   était la nôtre. C'est que nous avons observé la situation en 1993 à la

  3   lumière des événements de 1992.

  4   Mme ALABURIC : [interprétation] Je voudrais que l'on place sur le

  5   rétroprojecteur la pièce à conviction P 08632. Il s'agit du livre David

  6   Owen : "L'odyssée des Balkans." Version croate, pages 51 et 52; pages 41 et

  7   42, version anglaise. Excusez-moi, nous n'avons pas de version croate, il

  8   s'agit que de version anglaise, et je me reprends. Il s'agit des pages 51 à

  9   52 du livre. En e-court, il s'agira de pages 41 et 42. Excusez-moi. Par

 10   conséquent, pages 51 et 52, lorsque vous vous référez au livre. Version e-

 11   court pages 41 et 42.

 12   Peut-on en obtenir un agrandissement, s'il vous plaît ? Si vous pouvez

 13   d'abord de vous occuper de la page 51, le tout dernier paragraphe, en bas

 14   de page.

 15   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je vous prie de nous donner lecture de la

 16   première phrase de ce dernier paragraphe, page 52.

 17   R.  "Dans tous les documents issus de la conférence et aux réunions, nous

 18   avons voulu obtenir une aptitude à l'égard de

 19   M. Izetbegovic comme étant président et à l'égard de ses ministres comme

 20   membres d'un gouvernement d'un Etat indépendant, encore que nous ayons été

 21   conscient du fait qu'il s'agissait de trois parties en conflit et qui

 22   devaient obtenir une solution par voie de négociation."

 23   Q.  Merci.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation] Je voudrais obtenir maintenant en e-court,

 25   page 42, et page 52 du livre.

 26   Q.  Je voudrais que vous nous donniez lecture des trois dernières phrases

 27   du premier paragraphe de cette page. Les trois dernières phrases du premier

 28   paragraphe. La phrase qui m'intéresse dans ce contexte comment par : "La


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  1   présidence collégiale en tant qu'instance démocratique…"

  2   Oui, le dernier paragraphe qui commence par : "The collective Presidency…",

  3   "La présidence collégiale…" Pouvez-vous nous donner lecture de ces trois

  4   phrases, s'il vous plaît ?

  5   R.  Oui, bien sûr : "La présidence collégiale, en tant qu'instance

  6   démocratique qui en vérité représente trois nations constitutives, en

  7   automne 1993, n'existait plus. Les vraies décisions étaient prises

  8   ailleurs. Nous, en fait, nous étions en contact avec le gouvernement

  9   musulman qui était un gouvernement de la population majoritaire."

 10   Q.  Est-ce que vous croyez que David Owen était dans son droit lorsqu'il

 11   évoque de telles attitudes représentées cette fois-ci par Alija

 12   Izetbegovic ?

 13   R.  Pour ce qui est des Etats-Unis d'Amérique, le président Alija

 14   Izetbegovic était le président de l'ensemble de l'Etat de Bosnie-

 15   Herzégovine. Il était à la tête d'un Etat internationalement reconnu,

 16   reconnu par l'ONU, et par les membres -- par les Etats membres de l'ONU.

 17   Q.  Pouvez-vous nous dire, si dans vos conversations avec des représentants

 18   de toutes les trois nations constitutives de la Bosnie-Herzégovine, avec

 19   qui avez-vous eu des conversations parmi les représentants des Serbes de

 20   Bosnie-Herzégovine ?

 21   R.  Je pourrais peut-être expliquer cela -- de le faire.

 22   Q.  Juste donnez-nous les noms, s'il vous plaît.

 23   R.  La réponse à la question est la suivante : j'ai été à l'ambassade -- à

 24   un poste en Croatie. Par conséquent, je ne parlais avec aucun représentant

 25   des Serbes de Bosnie pendant la période pertinente d'ailleurs pour ce qui

 26   est de ma déposition.

 27   Q.  Savez-vous qui était le représentant des Serbes de Bosnie qui a pris

 28   part aux réunions organisées par des représentants de la communauté


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  1   internationale et lesquelles réunions touchaient de près les rapports

  2   importants pour la Bosnie-Herzégovine ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Pouvez-vous nous dire qui c'était ?

  5   R.  L'un d'entre eux était Radovan Karadzic.

  6   Q.  Pouvons-nous nous dire à de telles réunions ce qu'il y avait pour

  7   représenter les Croates de Bosnie-Herzégovine ?

  8   R.  Cela dépend, je suppose, quelque fois c'était Mate Boban.

  9   Q.  A de telles réunions les Musulmans de Bosnie avaient-ils leurs

 10   représentants à eux ?

 11   R.  Le président de l'Etat de Bosnie-Herzégovine internationalement

 12   reconnu, le président Alija Izetbegovic, était à de nombreuses réunions de

 13   ce genre. Je pense que dans de telles circonstances -- circonstances des

 14   hostilités en cours il est tout à fait normal que dans le cadre des

 15   négociations de paix, il est tout à fait normal de voir le président de cet

 16   Etat rencontrer des représentants des nations armées dans ce même pays.

 17   Cela ne veut pas par là qu'il n'ait que le représentant d'une partie. Mais

 18   il est vrai qu'en tant que chef politique, président, il est président de

 19   l'ensemble de l'Etat mais à la tête d'un parti. George Bush est le

 20   président des Etats-Unis d'Amérique et chef du Parti républicain aux Etats-

 21   Unis.

 22   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, si, à de telles réunions, M. Alija Izetbegovic

 23   représentait toutes les trois nations constitutives de la Bosnie-

 24   Herzégovine, il en découle que les Musulmans n'avaient pas leur

 25   représentant à de telles réunions; est-ce exact ?

 26   R.  Ce que je voulais dire tout à l'heure il faut l'interpréter comme suite

 27   : le président Alija Izetbegovic était le président de l'Etat de Bosnie-

 28   Herzégovine -- cela comprend l'ensemble du territoire de Bosnie-


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  1   Herzégovine. J'ai dit également que lui était chef d'un parti politique, et

  2   ce qui semble tout à fait normal, dans de telles négociations lui

  3   participait en deux qualités.

  4   Encore une fois, je peux vous dire que si le président George Bush,

  5   rencontre des démocrates de congrès, c'est en même temps en qualité de

  6   président des Etats-Unis d'Amérique et en qualité de chef du Parti

  7   républicain qu'il les a rencontrés. Il a été élu président et par la même

  8   occasion il peut promouvoir le programme politique de son propre parti.

  9   Q.  Etant donné ce rôle double tel que vous le décrivez, pouvez-vous nous

 10   dire : M. Izetbegovic, avant de se présenter, se déclarait-il être

 11   représentant des Musulmans ou était-il à prendre la parole au nom de tous

 12   les citoyens de Bosnie-Herzégovine ? Comment saviez-vous qu'il parlait tant

 13   qu'en qualité de président d'un Etat et en tant que représentant des

 14   Musulmans ?

 15   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 16   est-il possible de fixer quelques dates peut-être et les lieux pour parler

 17   de ces réunions au cours de ces cinq années ?

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic, est-ce que vous avez les réunions

 19   précises où le témoin peut nous être utile ? Parce que, là, pour le moment,

 20   nous ne voyons pas où vous voulez aller.

 21   Mme ALABURIC : [interprétation] J'ai en vue les réunions de Genève, de New

 22   York, de Washington et de Dayton. Je pense à toutes ces réunions, dans le

 23   cadre de la communauté internationale, qui ont traité de l'avenir de la

 24   Bosnie-Herzégovine.

 25   Mais, étant donné que le témoin, lui-même, nous disait qu'il savait

 26   qui étaient les représentants de certaines et différentes nations de

 27   Bosnie-Herzégovine, nous considérons comme, tout à fait, pertinents de

 28   l'entendre parler, lui, de ces réunions. Pour ce qui est de la pertinence


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  1   et de la non-pertinence des ces questions, je crois qu'il est important de

  2   savoir que si, à une réunion, les Etats-Unis d'Amérique considèrent des

  3   représentants de l'Etat comme étant un gouvernement légitime et

  4   représentants de l'ensemble de l'Etat, alors, de nombreuses questions sont

  5   ouvertes quant à l'engagement des Etats-Unis dans les hostilités et je

  6   crois que nous pouvons y parvenir si j'ai suffisamment de temps.

  7   Par conséquent, s'il est possible de tirer au clair de quelles

  8   régions il s'agit lorsque Alija Izetbegovic était représentant de l'Etat.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic, le problème c'est que, pour

 10   l'acte d'accusation, les Juges, nous ne sommes pas saisis de la question du

 11   rôle dans Etats-Unis dans le conflit. Nous sommes saisis des comportements

 12   de plusieurs personnes par rapport à l'entreprise criminelle commune, par

 13   rapport à des crimes qui ont été commis dans plusieurs municipalités.

 14   Là, vous voulez aborder le rôle des Etats-Unis dans la question.

 15   Donc, c'est peut-être historiquement intéressant, mais par rapport à la

 16   défense de votre client et par rapport au jugement que nous devons rendre,

 17   est-ce qu'on est en train de perdre son temps. Mais vous devez avoir une

 18   stratégie. Alors, allez tout de suite au cœur de la question. Posez la

 19   question au témoin en disant, voilà, de mon avis, j'estime que… Est-ce que

 20   vous êtes d'accord avec moi ou vous n'êtes pas d'accord avec moi ?

 21   Mme ALABURIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

 22   Président. J'estimais que le fait de montrer une déclaration, la

 23   déclaration de David Owen, disant qu'Alija Izetbegovic était le président

 24   seulement d'un parti au combat, ce conflit, c'est-à-dire les Musulmans. Je

 25   pensais que j'entrais dans le cœur du débat.

 26   Mais, concernant la pertinence de ces questions, je crois que ces

 27   questions seront pertinentes pour déterminer l'évaluation de ce témoin, lui

 28   faire savoir de quelle façon ce témoin a déposé ? Est-ce qu'il a


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  1   effectivement évalué correctement la situation en ex-Yougoslavie ? C'est

  2   donc la raison pour laquelle j'estime que ces questions sont fortes

  3   intéressantes.

  4   Q.  En ce qui concerne votre témoignage ou votre déposition -- 

  5   Mme ALABURIC : [interprétation] Je m'excuse. Je demanderais, Monsieur le

  6   Président, de bien vouloir me dire combien de temps il me reste, étant

  7   donné que mes collègues attendent et sont en train de vérifier l'heure ?

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

  9   L'INTERPRÈTE : Microphone pour M. le Président, s'il vous plaît. 

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Excusez-moi.

 11   Le micro n'était pas activé. Je disais que M. le Greffier vient de

 12   m'indiquer que vous avez utilisé 42 minutes.

 13   Mme ALABURIC : [interprétation] Avec votre permission, je

 14   souhaiterais passer maintenant au sujet de la légitimité du HVO.

 15   Q.  Hier, à plusieurs reprises, vous nous avez dit que l'armée des Croates

 16   de Bosnie-Herzégovine, donc, les forces armées appelées, le HVO, que cette

 17   armée était illicite. Je souhaiterais lier à ceci, et vous poser un certain

 18   nombre de questions, mais essayons d'être bref.

 19   Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que pendant les résistances de la

 20   République socialiste fédérative de Yougoslavie que la JNA était la seule

 21   armée légale en Bosnie-Herzégovine, tout comme sur le territoire d'autres

 22   ex-Etats de l'ex-Yougoslavie -- d'autres Républiques de l'ex-Yougoslavie ?

 23   R.  Je crois que la situation était un peu plus complexe, puisqu'il y avait

 24   la JNA, mais, simultanément, il y avait également des forces des Défenses

 25   territoriales qui étaient organisées conformément à la constitution de la

 26   Yougoslavie.

 27   Q.  Mais la Défense territoriale, si vous vous souviendrez, il ne

 28   s'agissait pas d'une armée pour ce qui est de la Défense territoriale. Si


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  1   vous consultez la constitution, il n'y avait qu'une armée et c'était la

  2   JNA, armée populaire yougoslave.

  3   R.  La question est vraiment de savoir ce que représentent les forces

  4   armées légales. Il faudrait définir ce que cela veut dire exactement.

  5   Q.  Je vous demanderais de bien vouloir répondre à ma question, à savoir

  6   s'il est exact de dire que seule l'armée populaire yougoslave était l'armée

  7   légale pendant la période au cours de laquelle -- pendant toutes les

  8   périodes pendant laquelle la Yougoslavie socialiste ? Si vous ne le savez

  9   pas, dites-le-nous ?

 10   R.  Je dirais que la JNA était l'armée de la Yougoslavie.

 11   Q.  Merci. Je crois qu'il n'est pas contesté de dire qu'en avril 1992, la

 12   Bosnie-Herzégovine a été reconnue comme un Etat indépendant, n'est-ce pas ?

 13   Ce qui veut dire qu'au mois d'avril 1992, la République socialiste

 14   fédérative de Yougoslavie n'existait plus, est-ce que vous serez d'accord

 15   donc, pour dire avec moi qu'à cette époque-là - ou avant cela - la JNA

 16   s'est ouvertement placé du côté des Serbes, et ce, pour dire, en Croatie et

 17   en Bosnie-Herzégovine ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Serez-vous d'accord avec moi pour dire qu'étant donné que la situation

 20   était telle à ce moment-là, en 1992, il n'y avait pas d'armée en Bosnie-

 21   Herzégovine qui aurait pu être considérée comme étant une armée reconnue,

 22   légitime selon les critères nécessaires et qu'elle aurait pu assurer la

 23   sécurité des citoyens et des biens dans certaines parties de Bosnie-

 24   Herzégovine ?

 25   R.  Ce que je peux dire, ce que je pourrais dire c'est que le gouvernement

 26   de Bosnie-Herzégovine reconnu par la communauté internationale était celui

 27   qui devait établir les forces armées qu'il souhaite avoir et que ce sont

 28   ces forces armées qui deviendraient ou qui étaient censées être les forces


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  1   légitimes de la Bosnie-Herzégovine.

  2   Q.  Donc, de votre réponse, je conclus que le gouvernement de Sarajevo n'a

  3   pas fait cela. Donc, ma question est la suivante : Je fais une petite

  4   digression pour vous demander la chose suivante. Je souhaiterais revenir,

  5   un peu, en arrière dans l'histoire pour ce qui est de la révolution

  6   française de 1789, quelle était l'armée légale, à ce moment-là, à cette

  7   époque ?

  8   R.  Je ne suis pas d'accord pour que vous tiriez une telle conclusion.

  9   Quand je dis que le gouvernement de Sarajevo n'a pas agi d'une certaine

 10   façon. Je crois que vous ne pouvez pas insérer et faire cette conclusion-

 11   là. Mais je dirais qu'avec certitude que la révolution française sort du

 12   champ de l'article 70. Donc, je refuse de répondre à cette question.

 13   Q.  Très bien. Serez-vous donc avec moi pour dire que lorsque les Etats se

 14   démantèlent lors de révolutions, lorsque l'on crée de nouveaux Etats, les

 15   concepts de juridiques légales, illégales ne peuvent pas être définis

 16   facilement et que, très souvent, une chose, qui n'avait pas été légitime ou

 17   légale avant la révolution ou avant cette période, devient, tout d'un coup,

 18   légale, sans faire l'objet d'une disposition quiconque dans la loi ?

 19   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Permettez-moi de poser cette

 20   question à Me Alaburic. Je crois que vos questions, qui découlent des faits

 21   historiques, sont plutôt éloignées de la question qui nous occupe. Je crois

 22   que l'ambassadeur est venu pour déposer sur d'autres sujets. Je crois qu'il

 23   serait mieux que vous posiez des questions qui sont liées à l'affaire qui

 24   nous occupe en l'espèce et qui font l'objet de l'article 70. J'apprécierais

 25   grandement si vous auriez la gentillesse de vous en tenir à l'article 70.

 26   Merci.

 27   Mme ALABURIC : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Q.  J'avais noté que nous allions faire une petite digression historique


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  1   pour revenir en Bosnie-Herzégovine et constater qu'au début de 1990 [comme

  2   interprété], il n'y avait pas d'armée pour défendre la population de

  3   certaines parties de cet Etat, de l'attaque de l'armée des Serbes de

  4   Bosnie. La question suivante se pose : est-ce que la population d'un

  5   territoire, est-ce que chaque peuple a le droit de s'auto défendre ? Est-ce

  6   que chaque peuple a le droit de s'organier et de défendre ses biens, ses

  7   demeures des agresseurs et des attaques dont ils font l'objet ?

  8   R. Il est certain que les citoyens, que la population a le droit à une

  9   autodéfense dans certaines circonstances.

 10   Q.  Est-ce que vous savez si justement sous la direction du HVO que c'est

 11   sous leur direction que Mostar a été libérée des forces des Serbes de

 12   Bosnie que c'est sous leurs ordres que Mostar a été libérée ? Non pas

 13   seulement Mostar, comme souffle les accusés, je ne voulais pas élargir le

 14   sujet, mais également d'autres parties de Bosnie-Herzégovine.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous, Maître Alaburic, préciser à quelle date

 16   exactement, pour que la réponse soit --

 17   Mme ALABURIC : [interprétation] Vers le milieu de 1992, donc le mois de

 18   juin 1992, libération de Mostar sous le commandement du HVO, et c'est les

 19   Unités musulmanes qui ont également été impliquées sous les ordres du HVO

 20   et un très grand nombre de Musulmans, bien sûr, qui étaient dans le HVO.

 21   Q.  Est-ce que vous estimez qu'il s'agissait d'un acte illicite dans ce

 22   cas-ci ?

 23   R.  Non, pas nécessairement.

 24   Q.  Pourriez-vous nous dire si, s'agissant des accords de Washington, si on

 25   a tout à fait ou s'agissant encore une fois de la résolution des questions

 26   militaires, si Rasim Delic, le général au nom de l'ABiH, et Ante Roso, au

 27   nom du HVO, est-ce qu'ils étaient -- le général Rasim Delic, pour l'armée

 28   de l'ABiH, et Ante Roso, pour l'armée du HVO, est-ce qu'ils ont participé


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  1   de façon complètement égale dans la résolution donc de ces questions

  2   militaires ?

  3   R.  Oui. Je dirais que oui.

  4   Q.  Est-ce que vous pourriez confirmer que ces deux généraux ont signé des

  5   documents selon lesquels ils ont accepté le principe pour la structure de

  6   l'armée fédérale de Bosnie-Herzégovine et que l'armée de l'ABiH ainsi que

  7   le HVO sont devenues des parties de l'armée fédérale ayant une part égale

  8   dans la défense.

  9   R.  Je crois que oui, je crois que c'est exact.

 10   Q.  Merci beaucoup.

 11   R.  Mais il faudrait bien sûr dire que c'était conformément aux décisions

 12   du gouvernement légitime ou légal de Bosnie-Herzégovine.

 13   Q.  Je souhaitais terminer ici mais je dois vous poser une autre question.

 14   Dites-moi si les représentants des Croates de Bosnie-Herzégovine tels M.

 15   Zubak et M. Alija Izetbegovic pour représenter les Musulmans, est-ce qu'ils

 16   ont agi de façon tout à fait égale ? Est-ce qu'ils ont eu une part égale

 17   dans leur désaccord ?

 18   R.  Je crois que oui, oui.

 19   Q.  Je vous remercie. Malheureusement, il nous reste encore un très grand

 20   nombre de questions et je souhaiterais simplement les mentionner pour le

 21   compte rendu d'audience. J'avais l'intention de demander au témoin de nous

 22   dire quelque chose concernant cette déclaration qu'il était tout à fait

 23   symptomatique, que le président Tudjman était le représentant des Croates

 24   de Bosnie-Herzégovine. Je souhaitais analyser également la façon dont les

 25   représentations consulaires en Bosnie-Herzégovine agissaient, qui étaient

 26   du côté des intérêts musulmans exclusivement. Je souhaitais également poser

 27   une question concernant sur la possibilité de l'influence de M. Tudjman, M.

 28   Susak et M. Granic sur les Croates de Bosnie-Herzégovine. Je voulais


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  1   également passer à l'analyse du concept de territoire croate en Bosnie-

  2   Herzégovine et que cela ne comprenait pas le territoire de la République de

  3   Croatie, mais bien le territoire des Croates de cet endroit-là, de cette

  4   région-là. Ensuite, je souhaitais poser la question suivante : ce n'est pas

  5   que le président Tudjman qui utilisait des cartes, mais bien toutes les

  6   personnes qui ont participé dans les discussions concernant l'avenir de

  7   Bosnie-Herzégovine.

  8   Je voulais également discuter du fait que M. Tudjman, à chaque fois

  9   qu'il communiquait avec des personnes, il établissait toujours, il

 10   expliquait toujours ses positions sur l'avenir de Bosnie-Herzégovine et

 11   qu'il n'était absolument pas nécessaire d'avoir des services secret ou des

 12   informations particulières pour savoir ce qu'il pensait. Je crois que c'est

 13   tout à fait pertinent pour la commission ou pour pouvoir parler

 14   d'entreprise criminelle commune.

 15   Je voulais également analyser la déclaration du témoin selon laquelle

 16   il parlait de l'Etat musulman et du désir de Tudjman de créer un Etat

 17   musulman. Ensuite, je voulais parler du livre de David Owen appelé,

 18   intitulé : "Odyssée des Balans," qui contredit ceci, et je voulais

 19   également parler de l'accord Izetbegovic-Krajisnik, après lequel il aurait

 20   été absolument impossible d'organiser un référendum, deux ans plus tard,

 21   séparant la Bosnie de l'Herzégovine, même si cela s'est déroulé en

 22   septembre 1993.

 23   Je voulais également prouver que les Musulmans étaient favorables à

 24   une guerre et que cela a été établi par une délégation britannique

 25   lorsqu'ils se sont rendus sur les lieux et qu'ils ont eu des communications

 26   avec des témoins auxquels ils ont parlé, et après voir analysé

 27   l'information reçue par certaines personnes. Je voulais également aborder

 28   la politique des Etats-Unis et la Communauté européenne.


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  1   Pour dire finalement à la fin - je suis désolée de parler si vite -

  2   pour expliquer, pour pouvoir prouver à la fin de mon contre-interrogatoire

  3   pour dire que les personnes des Etats-Unis ont participé dans l'accord de

  4   Washington et -- les accords de Washington et l'accord de Dayton, et que

  5   ces personnes estimaient qu'il était tout à fait correct d'agir, que la

  6   politique des Etats-Unis était tout à fait correcte en Bosnie-Herzégovine,

  7   je voulais également prouver que la Republika Srpska fait face à un

  8   référendum sur l'indépendance aujourd'hui et de ce même genre de

  9   discussions sont tenues quant à l'organisation interne de la Bosnie-

 10   Herzégovine.

 11   Je voulais également conclure avec les paroles de Lord Owen qui avait

 12   dit que les Etats-Unis, lorsqu'ils changent leur politique après que Bill

 13   Clinton ait pris le pouvoir, si donc ils n'avaient pas pris part de cette

 14   façon-là en 1993 -- en février 1993, donc, que le plan Vance-Owen aurait

 15   été accepté, la paix aurait été établie en Bosnie-Herzégovine.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous reviendrons sur le sujet et, comme cela,

 17   vos vœux seront exaucés. Alors, je ne sais pas qui va continuer.

 18   Normalement, il nous reste dix minutes avant la pause, donc, le mieux

 19   ce serait peut-être de faire la pause pendant 20 minutes et de continuer

 20   après.

 21   Maître Karnavas.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Une intervention simplement. Je ne

 23   suis pas le prochain. Mme Alaburic a pris une heure et 20 minutes, donc, je

 24   voudrais vraiment être très ferme là-dessus. On m'a déjà dit que, dans le

 25   passé, d'employer le temps de mes collègues lorsque nous avons quelqu'un --

 26   lorsque nous avons un témoin plus particulièrement, lorsque c'est sa

 27   dernière journée de déposition, il faudra respecter le temps des autres.

 28   Donc, je crois qu'il nous faut recalculer le temps qui nous est imparti


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  1   parce que, s'il se trouve que l'on soit le dernier à poser des questions,

  2   il ne nous reste plus de temps.

  3   Encore une fois, je voudrais dire que les contraintes temporelles,

  4   malheureusement, placent les conseils de la Défense dans la position où ils

  5   ne peuvent pas adéquatement défendre leurs clients. Mme Alaburic l'a

  6   également dit.

  7   Même si je soutiens, j'appuie sa façon d'agir, je ne peux pas

  8   accepter, je ne suis pas d'accord pour dire que des conseils de la Défense

  9   puissent poser toutes les questions. Je défends mon client seulement dans

 10   l'affaire ici qui nous occupe.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Il nous reste dix minutes avant la pause. Je

 12   pense que le mieux c'est de faire la pause maintenant, et on reprendra

 13   après. Donc, nous reprendrons dans 20 minutes aux environs de 10 heures 40.

 14   --- L'audience est suspendue à 10 heures 21.

 15   --- L'audience est reprise à 10 heures 42.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'audience est reprise.

 17    Oui, Maître Alaburic, qu'est-ce que vous voulez nous dire ?

 18   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, une demande

 19   simplement puisque mon collègue, Me Karnavas, se plaint puisque j'ai

 20   utilisé plus de temps que celui qui était prévu pour moi et que cela lui

 21   porte préjudice. Je serais -- je voudrais -- enfin, cela m'intéressait que

 22   le Greffe me dise exactement combien de temps j'ai utilisé ?

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] 57 minutes, Madame Alaburic.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Il nous reste donc maintenant, pour

 26   M. Stojic, 45 minutes; pour M. Prlic, 45 minutes; pour M. Coric,

 27   25 minutes. Voilà.

 28   Alors, je donne la parole au premier qui veut intervenir.


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  1   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense

  2   de M. Coric n'a aucune question à poser à ce témoin. Merci.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

  4   Alors, qui -- alors, maintenant, c'est ou M. Stojic ou pour

  5   M. Prlic, comme vous voulez.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il était

  7   prévu que je commence et, ensuite, Me Murphy prendra le relais.

  8   Je ne veux pas laisser de côté ce que je voulais déjà dire

  9   précédemment. L'argument que je voulais présenter, c'est-à-dire que

 10   lorsqu'un témoin vient et que c'est son dernier jour de déposition, il faut

 11   revoir le système de calcul, à moins de faire revenir le témoin depuis les

 12   Etats-Unis si on n'a plus de temps. Je ne pense pas que ce soit juste pour

 13   le témoin et que cela soit justifié.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, commencez.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Fort bien.

 16   Contre-interrogatoire par M. Karnavas :

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 18   R.  Bonjour.

 19   Q.  Comme vous voyez ce n'est pas facile d'être avocat de la Défense ici.

 20   Je vais commencer par dire que --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas, je ne peux laisser passer votre

 22   phrase. Quand vous dites que ce n'est pas facile d'être conseil de la

 23   Défense ici, vous contestez le Tribunal, ce qui n'est pas admissible de la

 24   part d'un avocat. Dites plutôt que vous travaillez dans des conditions

 25   difficiles limitées par des périodes de temps, mais cela nous en sommes

 26   tous conscients, mais vous ne livrez pas à une attaque du Tribunal en

 27   disant que ce n'est pas facile d'assurer son rôle d'avocat devant ce

 28   Tribunal.


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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Je n'étais pas en train d'attaquer le

  2   Tribunal. Je disais que, parfois, entre collègues, nous sommes en conflit,

  3   les uns contre les autres. C'est ce que je voulais dire, donc, je ne

  4   voulais nullement offenser le Tribunal. Hier,

  5   M. Scott, en fait, m'a devancé quand il vous a demandé si vous étiez ici

  6   pour apporter votre assistance à l'Accusation. Je voudrais d'abord dire --

  7   présenter des excuses publiquement. Je pense que je suis allé un petit peu

  8   au-delà de la réalité. Je pense que vous essayez, effectivement, de nous

  9   aider, mais je voudrais m'excuser de cette remarque.

 10   Q.  Cependant, ceci étant dit, si on vous écoute, on a l'impression que

 11   vous êtes tout à fait fier de parler au nom de l'administration Clinton et

 12   de sa politique en Croatie en tant qu'ambassadeur des Etats-Unis ?

 13   R.  J'étais ambassadeur et mon rôle c'était de représenter les Etats-Unis

 14   et le président. Avec le recul, je pense que les Etats-Unis ont beaucoup

 15   fait. Nous avons joué un rôle important qui a permis de mettre un terme à

 16   la guerre entre les Musulmans et les Croates, on a pu soulager les

 17   souffrances, et permettre la fin de la guerre en Bosnie, et l'accord de

 18   paix d'Erdut en 1995.

 19   Q.  Mais vous reconnaissez que, quand vous venez ici, vous dites, vous

 20   présentez ces positions comme étant les bonnes, n'est-ce pas ?

 21   R.  Je suis venu ici pour dire la vérité.

 22   Q.  Bon. Revenons un petit peu en arrière avant que vous ne veniez

 23   témoigner ici. Quand on regarde votre carrière, quand on regarde votre CV,

 24   je pense qu'il est juste de dire qu'entre le moment où vous avez fini vos

 25   études universitaires votre carrière c'est une carrière qui vous a mené

 26   dans les milieux des affaires étrangères, des affaire internationales,

 27   n'est-ce pas, c'est dans ce domaine que vous avez exercé ?

 28   R.  C'est exact.


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  1   Q.  Avant d'être nommé ambassadeur en Croatie, vous ne faisiez pas partie

  2   du corps diplomatique c'est-à-dire que vous n'avez pas gravi tous les

  3   échelons du Département d'Etat au ministère des Affaires étrangères

  4   américain ?

  5   R.  C'est exact. J'étais employé par le Comité des relations

  6   internationales au sein du Sénat.

  7   Q.  Si bien que quand on vous a nommé ambassadeur en Croatie c'était un

  8   nomination politique ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Je ne veux pas dire que les autres nominations de ce type ne soient pas

 11   politiques, mais il y a une différence entre quelqu'un qui fait ces classes

 12   au sein du Département d'Etat et le cas de quelqu'un qui fait l'objet d'une

 13   nomination à caractère politique.Vu l'expérience qui est la vôtre, il

 14   semble que vous avez eu un mentor, quelqu'un qui vous a poussé pour --

 15   qu'il a fait tout pour que le président Clinton présente votre nom au

 16   Sénat, ou rassembler des fonds - je ne sais pas si c'est le cas - pour la

 17   campagne Clinton, avec peut-être des documents ou alors peut-être que vous

 18   avez écrit des articles sur les questions de politiques étrangères. Est-ce

 19   que l'une de ces trois éventualités est la bonne ?

 20   R.  Je crois que le terme de "nomination politique" quelqu'un nommé de

 21   cette manière cela implique le cas de figure de quelqu'un qui a été, soit à

 22   rassembler des fonds ou quelqu'un qui a été élu précédemment, un élu. Or,

 23   ma carrière, cela a toujours une carrière de fonctionnaire. J'étais employé

 24   par le gouvernement. Ce qui est sûr c'est que je n'ai pas été choisi parce

 25   que j'avais rassemblé des fonds, parce que je n'en ai absolument pas

 26   rassemblé. On ne m'a pas non plus choisi parce que j'avais écrit des -- ou

 27   rédigé des documents qui pouvaient servir au cours de la campagne

 28   électorale dans lesquels étaient développés les prises de position, pas du


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  1   tout. Je n'ai pas vraiment participé à cette campagne électorale;

  2   cependant, il y a des gens qui aussi bien au sein de l'administration qu'au

  3   sein du Sénat américain, cela ce n'est pas surprenant me connaissaient, ils

  4   pensaient que j'avais certaines compétences et que je pouvais contribuer au

  5   travail de l'administration américaine.

  6   Mais je crois que la réponse à votre question c'est que pratiquement tout

  7   de suite après les élections, l'équipe de transition a pris contact avec

  8   moi, avant que quiconque ait pu intervenir pour me demander si je voulais

  9   devenir membre de cette administration.

 10   Q.  Est-ce que c'est à ce moment-là qu'on a pris contact avec vous -- il

 11   faut que je ralentisse. On vous a dit que vu votre expérience passée, il

 12   était possible que la Croatie ou l'ex-Yougoslavie soit une possibilité ?

 13   R.  Non. En fait, on a discuté avec moi d'un certain nombre de postes

 14   envisageables.

 15   Q.  Vous dites que vous n'avez pas été impliqué de manière importante.

 16   Alors, en fait, si c'est le cas, si vous n'avez pas été impliqué de manière

 17   importante dans cette campagne, dans la campagne Clinton, dans le domaine

 18   des affaires étrangères, dans quelle mesure y avez-vous quand même

 19   contribué ? Même si ce n'était pas de manière considérable ?

 20   R.  Bien entendu, je connaissais beaucoup des conseillers de la campagne

 21   électorale, donc il m'arrivait de m'entretenir avec eux. Mais comme je vous

 22   l'ai dit, je ne me souviens pas d'avoir participé de manière active en

 23   dehors de quelques conversations, il est possible que j'aie rédigé un mémo

 24   à une personne ou à une autre. en 1992, j'ai fait énormément de

 25   déplacements. Je crois que j'ai fait 12 déplacements à l'étranger pendant

 26   cette seule année 1992.

 27   Q.  Je vais vous poser une question cela vous parait évident pourquoi je

 28   vous la pose, il y a une raison, ne vous inquiétez pas. Mais voilà ma


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  1   question, si j'ai bien compris ce qui -- votre -- c'est la question qui

  2   vous intéressait au premier plan, l'Irak, mais, en tout cas, c'est un

  3   domaine si on vous retrouve un domaine où vous étiez spécialisé, c'est

  4   celui-là.

  5   R.  Oui, en fait, si vous aviez interrogé les gens en 1992, ils vous

  6   auraient dit que mon domaine de spécialisation c'était l'Indes, le

  7   Pakistan, l'Asie méridionale. En tout cas, j'ai obtenu pas mal de

  8   reconnaissance suite au travail que j'ai accompli au sujet de l'Irak, en

  9   particulier au sujet de Kurdistan pendant la période allant de 1987 à 1993.

 10   Q.  Depuis lors, je ne crois pas que votre point de vue ait beaucoup évolué

 11   à ce sujet. Il semble que la solution que vous proposiez pour l'Irak

 12   c'était qu'elle se divise en trois nations, les Kurdes, les Shiites et les

 13   Sunnites. Je simplifie, bien entendu, à outrance, mais cela permet de

 14   résumer cependant en gros la position qui était la vôtre.

 15   R.  Pour être très précis, ma position c'est que l'Irak s'est déjà divisé

 16   avec un Kurdistan indépendant d'une part et une entité Shiite au sud, une

 17   unité sunnite et arabe au centre. Les Etats-Unis et la communauté

 18   internationale ne devraient pas selon moi se lancer dans des efforts

 19   extrêmement coûteux et futiles à mon avis pour rassembler ces trois

 20   entités.

 21   Q.  Bien. Conviendrez-vous avec moi, je ne veux pas que nous nous arrêtions

 22   trop sur ce thème, mais conviendrez-vous avec moi que les Sunnites et les

 23   Shiites ne sont pas des nations constitutives comme c'était le cas en

 24   Bosnie, on avait les Serbes, les Musulmans et les Croates, n'est-ce pas ?

 25   R.  Les Kurdes, bien entendu, constituaient une nation. Mais, dans mon

 26   livre : "La fin de l'Irak," j'écris qu'il y a des éléments parmi les

 27   Shiites, bien entendu, il s'agit là de groupes religieux, tout comme les

 28   Musulmans en Bosnie sont les représentants d'une religion, mais il s'agit


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  1   d'une religion qui comporte des éléments d'identité nationale, avec une

  2   évolution. Il y a donc des parallèles, un parallèle que l'on peut établir

  3   entre cette identité Shiite et l'identité des Musulmans de Bosnie.

  4   Q.  Fort bien. Au moment où vous avez été nommé et quand vous êtes arrivé à

  5   Zagreb, à ce moment-là, vous êtes arrivé à peu près au milieu du troisième

  6   acte d'une pièce qui en comptait quatre, avec d'abord la dissolution de la

  7   Yougoslavie, acte un. Acte deux, c'est la guerre, avec la Slovénie, la

  8   Croatie, l'indépendance. L'acte trois, c'est la situation de Bosnie

  9   jusqu'aux accords de Washington. Puis, ensuite, l'acte quatre, c'est

 10   Washington à Dayton. Pour simplifier, mais on peut dire que vous êtes

 11   arrivé au milieu de l'action, n'est-ce pas ?

 12   R.  Tout dépend du nombre d'actes que vous attribuez à cette pièce puisque

 13   le Monténégro, après tout est devenu indépendant, il y a quelques mois à

 14   peine, mais je suis arrivé sur place donc en tant qu'ambassadeur après le

 15   démantèlement, enfin, après l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie,

 16   après la proclamation de l'indépendance de la Bosnie et le début de la

 17   guerre en Bosnie-Herzégovine.

 18   Q.  Bien. Au cours de la campagne présidentielle de 1992, campagne des

 19   élections présidentielles américaines, cette question, enfin si je me

 20   souviens autant que je m'en souvienne a fait l'objet de débats animés,

 21   enfin de débats en tout cas entre les gens de Clinton et les gens de Bush,

 22   puisque Clinton disait que s'il était élu il aurait une attitude beaucoup

 23   plus active, qu'il s'engagerait beaucoup plus et il prônait peut-être pas

 24   directement mais, en tout cas, indirectement, l'envoi de troupes sur place

 25   pour résoudre la situation; est-ce que cela n'est pas exact ? 

 26   R.  Il promet en tout cas un rôle plus actif de la part des Etats-Unis

 27   d'Amérique. Il se prononçait en faveur de l'utilisation des frappes

 28   aériennes contre les forces qui attaquaient Sarajevo. Il se prononçait en


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  1   faveur de la levée de l'embargo sur les armes, mais je ne pense pas qu'il

  2   ait prôné l'envoi de troupes américaines en Bosnie.

  3   Q.  Il ne l'a pas prôné ouvertement, mais, en tout cas, l'essentiel de ce

  4   qu'il disait, c'est qu'il voulait que les Etats-Unis adoptent une attitude

  5   plus affirmée dans -- au sujet de ce dossier ?

  6   R.  Il pensait qu'il ne fallait pas autoriser l'existence de camp de la

  7   mort, le pilonnage aveugle de civils, et cetera. Mais je ne veux pas vous

  8   laisser cette impression que d'une manière ou d'une autre on ait envisagé

  9   d'envoyer des soldats américains en Bosnie, et ceci, de manière directe ou

 10   indirecte, parce que ce n'était vraiment pas le cas.

 11   Q.  Mais on envisageait l'utilisation de la force ?

 12   R.  Oui, de l'armée de l'air.

 13   Q.  Les frappes aériennes, cela peut avoir un effet tout aussi meurtrier

 14   voire plus que l'envoi de troupes terrestres. On l'a vu plus tard.

 15   R.  L'utilisation des frappes aériennes plus tard en Bosnie, comme on a pu

 16   le voir, effectivement, étaient -- avaient un impact considérable.        

 17   Q.  J'imagine que, si on regarde l'autre face de la médaille, le camp Bush

 18   était critiqué parce qu'il n'en faisait pas assez parce qu'à l'époque,

 19   comme vous l'avez dit, on estimait que c'était là un problème européen,

 20   qu'il fallait laisser les Européens se charger de cette question qu'ils

 21   pouvaient résoudre la question. Ceci est un peu simpliste, bien entendu,

 22   mais cela nous donne une idée de la situation.

 23   R.  Il avait plusieurs raisons à tout cela. D'abord, le gouvernement Bush

 24   ne disait pas qu'il fallait que les Européens s'occupent de cette question.

 25   Ce sont les Européens qui ont dit qu'il pouvait s'occuper de cette

 26   question. 1992 c'était l'année de l'Europe. Il faut savoir que le

 27   gouvernement Bush avait déjà beaucoup de pains sur la planche avec le

 28   démantèlement de l'Union soviétique, la Première Guerre dans Golfe


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  1   persique, puis aussi face à une campagne électorale où le sentiment général

  2   c'était que le président n'avait pas fait grand-chose au niveau national

  3   qu'il s'était beaucoup trop impliqué à l'étranger, il n'avait nullement

  4   envie de s'impliquer dans ce nouveau problème qui apparaissait en ex-

  5   Yougoslavie.

  6   Il faut ajouter que certains des premiers conseillers du président Bush,

  7   notamment, Lawrence Eagleburger, qui était l'adjoint au secrétaire d'Etat,

  8   c'est-à-dire le ministre des Affaires étrangères, ainsi que Brent

  9   Scowcroft, avaient participé à l'effort diplomatique en Yougoslavie donc

 10   ils avaient un certain parti pris sur ce point.

 11   Q.  Vous parlez de parti pris. En fait, Eagleburger, si j'ai bien compris,

 12   avait été ambassadeur en Yougoslavie.

 13   R.  Oui.

 14   Q.  On peut dire que c'était un vieux briscard, dirons-nous, en matière de

 15   Balkans, qu'il connaissait bien la région. Si je me souviens bien,

 16   Zimmerman avait travaillé sous ses ordres à l'époque.

 17   R.  Il a travaillé sous ses ordres quand il était adjoint du secrétaire

 18   d'Etat. Je ne sais pas si Zimmerman était chargé enfin conseiller politique

 19   à Belgrade quand Eagleburger était ambassadeur, c'est peut-être possible.

 20   Q.  Mais, en tout cas, Eagleburger connaissait bien, n'est-ce pas, la

 21   Yougoslavie ?

 22   R.  Oui, c'est exact.

 23   Q.  Le gouvernement Clinton arrive au pouvoir en janvier 1992, n'est-ce pas

 24   ?

 25   R.  Non, 20 janvier 1993.

 26   Q.  Oui, bien, 1993. A ce moment-là, il y avait un processus de

 27   négociations qui était en cours, qui avait déjà commencé avec les Européens

 28   qui essayaient de trouver une solution au démantèlement de la Yougoslavie,


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  1   n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui, c'est exact.

  3   Q.  Hier, vous nous avez dit qu'avant de venir ici, enfin avant de --

  4   plutôt qu'avant d'aller dans la région, vous aviez reçu un certain nombre

  5   d'informations. Si je me souviens bien de ce que vous nous avez dit hier,

  6   vous avez déclaré qu'avant même d'arriver, vous aviez eu des sortes de

  7   marches -- d'ordres de marche - terme que j'utilise à dessein - en tout

  8   cas, vous avez des instructions, des  consignes qui avaient pour objectif

  9   de vous faire faire deux choses

 10   -- deux ou trois choses. Premièrement, il fallait inciter Tudjman -- ou

 11   informer Tudjman qu'il devait changer sa politique envers la Bosnie-

 12   Herzégovine; et numéro deux, qu'il devait se débarrasser de deux personnes,

 13   en particulier, à savoir le général Praljak et le Mate Boban; est-ce que

 14   c'est exact ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  D'accord.

 17   R.  Bon. Il faut que l'on soit très clair. J'ai dit, effectivement, que

 18   j'avais reçu un certain nombre d'informations -- de renseignements et

 19   j'avais parlé avec beaucoup de personnes avant prendre mes fonctions en

 20   tant qu'ambassadeur en Yougoslavie; cela c'est tout à fait normal. Il faut

 21   savoir aussi qu'en 1991 et en 1992, je m'étais rendu à quatre reprises en

 22   ex-Yougoslavie pendant le démantèlement du pays et que j'avais rencontré

 23   pratiquement tous les dirigeants de la région -- du pays. Les instructions

 24   qui m'avaient été données -- portaient notamment sur l'accès de l'aide

 25   humanitaire, et cetera, tout ce que j'ai dit hier. Mais ma conclusion

 26   personnelle -- au bout d'un certain temps sur place sur le terrain, ma

 27   conclusion personnelle c'était que Boban et Praljak --

 28   Q.  Devaient partir.


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  1   R.  -- devaient partir, et c'est une décision qui était soutenue pour mon

  2   gouvernement.

  3   Q.  D'accord.

  4   R.  Je souhaiterais ajouter que Boban faisait l'objet de beaucoup

  5   d'attention, surtout parce que c'était un des dirigeants les plus

  6   importants.

  7   Q.  Afin que les choses soient extrêmement claires, je voudrais savoir la

  8   chose suivante, avant d'arriver en Croatie, vous n'aviez pas d'opinion

  9   personnelle sur la nécessité pour Praljak et Boban de s'en aller.

 10   R.  Oui, c'est exact. Je n'avais pas cette opinion.

 11   Q.  Est-ce que vous aviez des informations déjà sur ces deux personnes ? Ou

 12   est-ce que c'est après votre arrivée que quand vous avez commencé à faire

 13   le tour des bureaux, et cetera, que vous avez rencontré les gens que vous

 14   avez pu vous forger une opinion au sujet de ces deux individus ?

 15   R.  Bien entendu, c'est très difficile --

 16   Q.  Je Comprends.

 17   R.  -- 13 ans plus tard, de se souvenir des informations qui m'ont été

 18   communiquées et du moment où elles m'ont été communiquées. Puisque les

 19   briefings que l'on reçoit sont des briefings extrêmement approfondis puis

 20   j'ai eu des conversations aussi extrêmement approfondies. Mais je pense

 21   qu'il est juste de dire que Boban et Praljak avaient été évoqués au cours

 22   des briefings que j'ai reçus avant de partir, mais j'aurais du mal à vous

 23   donner le jour où l'endroit où ces informations m'étaient communiquées tout

 24   cela s'est passé il y a très longtemps.

 25   Q.  S'agissant du président Tudjman et de sa politique en matière de --

 26   pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, vous nous avez parlé de la voie

 27   de soldats de la HV en Bosnie, et cetera, de l'aide humanitaire. Est-ce que

 28   c'est quelque chose dont vous avez informé à Washington, est-ce qu'on vous


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  1   a fait part de prise de position définitive, est-ce qu'on vous a demandé

  2   d'aller parler en terme tout à fait ferme à Tudjman sur ce que vous saviez,

  3   est-ce que vous attendiez de lui qu'il le fasse ?

  4   R.  Je crois qu'on a l'impression que les instructions c'est un document

  5   écrit que l'on suit, mais ce n'est pas comme cela que les choses se

  6   passent. Les dirigeants du gouvernement Clinton souhaitaient que je fasse

  7   pression sur le président Tudjman afin que ce dernier respecte l'intégrité

  8   territoriale de la Bosnie-Herzégovine, et afin qu'il mette un terme aux

  9   atrocités qui étaient commises par les Croates de Bosnie, par les forces

 10   croates de Bosnie, afin que soit mis un terme à la guerre entre les

 11   Musulmans et les Croates, et afin qu'il joue un rôle constructif --

 12   Q.  D'accord.

 13   R.  -- dans le processus de paix.

 14   Q.  D'accord. Mais, si on prend les choses à rebours, si on peut en déduire

 15   que le gouvernement Clinton, quelles que soient les personnes précises qui

 16   vous aient fourni ces informations, ces briefings, j'imagine que c'est le

 17   bureau balkan, au sein du Département d'Etat, ministère des Affaires

 18   étrangères -- mais, en tout cas, à ce moment-là, le gouvernement Clinton --

 19   l'administration Clinton avait une idée bien déterminer, à savoir que

 20   Tudjman faisait tout cela en Bosnie-Herzégovine, et que donc votre mission

 21   -- s'explique donc la mission qui vous a été confiée ou du moins une partie

 22   de la mission qui vous a été confiée.

 23   En d'autres termes, cela où je veux en venir c'est que vous n'êtes pas

 24   arrivé sur place, vous avez vu ce qui se passait, puis, vous avez dit :

 25   voilà, il y a des atrocités, les problèmes avec l'aide humanitaire, et

 26   cetera, pas du tout. On vous l'avait dit -- vous l'avez dit auparavant --

 27   vous avez dit avant que vous arriviez et c'est une opinion que vous aviez

 28   avant d'arriver sur la base des informations qui vous avaient été


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  1   communiquées. C'était une opinion bien arrêtée.

  2   R.  Non. Oublions cette idée d'opinion bien arrêtée --

  3   Q.  D'accord.

  4   R.  -- mais il est vrai que je savais beaucoup de choses avant d'arriver.

  5   Nous avions une ambassade à Zagreb. Donc, il y avait des rapports qui nous

  6   étaient communiqués. Il y avait aussi beaucoup d'informations qui

  7   paraissaient dans la presse.

  8   Q.  Bien. Est-ce que vous avez lu le livre de David Owen, qui a été

  9   mentionné précédemment par mon consoeur ? J'imagine que cette région vous

 10   intéresse. Je voudrais savoir si vous avez lu le livre ?

 11   R.  J'en ai lu des extraits.

 12   Q.  Bien. J'imagine que vous avez sans doute consulté l'index pour voir où

 13   était mentionné votre nom puis vous avez lu les passages où on donne votre

 14   nom et c'est une réaction tout à fait normale, tout à fait humaine.

 15   R.  Il est possible que j'aie regardé l'index pour voir si on mentionnait

 16   mon nom.

 17   Q.  Cela ne relève peut-être pas de l'article 70, mais bon.

 18   Donc, vous reconnaîtrez avec moi que Lord Owen, c'est quelqu'un de très

 19   sérieux.

 20   R.  Oui, je suis d'accord. C'est quelqu'un de très sérieux.

 21   Q.  Il avait été député en Angleterre pendant 24 ans, et au cours de sa

 22   carrière, il a également été ministre des Affaires étrangères du Royaume-

 23   Uni, n'est-ce pas ?

 24   R.  C'est exact.

 25   Q.  A ce titre, au cours de cette période, il ne représentait pas le

 26   gouvernement britannique mais il était là sur place pour représenter

 27   l'Union européenne, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Son acolyte, si l'on peut dire, c'était Cyrus Vance, l'un des sages qui

  2   représentait Washington ?

  3   R.  Je ne pense pas qu'il soit exact de dire que Cyrus Vance était

  4   l'acolyte de David Owen. Parce qu'en fait, Cyrus Vance, c'était celui qui

  5   avait -- il était à un échelon supérieur et quand j'ai parlé avec Vance, je

  6   me suis rendu compte que c'est lui qui a obtenu la nomination d'Owen en

  7   tant que représentant de l'Union européenne parce qu'il connaissait Owen

  8   précédemment, au moment où Vance était secrétaire d'Etat et Owen le

  9   ministre des Affaires étrangères britanniques.

 10   Q.  Vance représentait les Nations Unies ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Donc, il ne représentait pas le Département d'Etat américain ?

 13   R.  Absolument pas. Il représentait les Nations Unies.

 14   Q.  Mais comme nous le savons, il a été secrétaire d'Etat de

 15   l'administration Carter.

 16   R.  Oui, jusqu'à sa démission.

 17   Q.  Suite à ce qui s'était passé en Iran ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Puis, il y a eu ensuite Bryzinski, je crois. Mais avant d'occuper ce

 20   poste au sein de l'administration Carter, il avait servi au sein du

 21   gouvernement de Johnson.

 22   R.  Oui, au sein du gouvernement de Johnson et peut-être même au sein du

 23   gouvernement Kennedy.

 24   Q.  Si on regarde l'ouvrage de David Owen, il semble que l'administration

 25   Clinton, au moment de son élection et dès janvier lorsqu'elle a pris le

 26   pouvoir, était tout à fait opposée au plan de paix Vance-Owen.

 27   R.  Il s'agit d'une attitude de David Owen. Franchement parlant, je crois

 28   qu'il a tort.


Page 6656

  1   Q.  Bien. Par exemple, M. Owen, il parle d'une réunion de janvier 1993.

  2   Lui, il était avec Vance. Pourquoi est-ce que je le considère comme un

  3   partenaire un petit peu peut-être d'ordre inférieur ? Vous avez une raison

  4   de me corriger. Donc nous avons Vance et Owen qui ont rencontré votre chef,

  5   C'était Warren Christopher qui était secrétaire d'Etat, ministre des

  6   Affaires étrangères à cette époque-là, essaye de l'informer du plan Vance-

  7   Owen. Parait-il, nous devons emprunter le terme de M. Owen comme tel, peut-

  8   être allons-nous le citer à la barre pour dire que

  9   M. Christopher était vraiment mal informé; cela se passait en janvier.

 10   R.  Quant à moi, je dirais plutôt que cette question de voir ce que M.

 11   Christopher savait ou ne pas savait, c'est une question à lui poser à lui.

 12   Je ne peux pas savoir ce que lui savait et ce qu'il ignorait.

 13   Q.  Oui. Mais M. Owen déclare qu'après cette réunion, il était tout à fait

 14   évident que M. Christopher, primo, était mal informé, secondo, il ne

 15   prêtait pas trop d'attention au plan Vance-Owen. Brièvement, après cela,

 16   ils apparaissent devant les caméras, un jour plus tard, nous voyons

 17   diffuser par la chaîne télévision CNN qu'il y a une conférence de presse de

 18   Christopher. Là, sous une fausse lumière, ils présentent le plan Vance-

 19   Owen, n'est-ce pas ?

 20   R.  Je ne me souviens pas de cette partie de ce chapitre de livre, mais

 21   comme je vous l'ai déjà dit, je n'en ai lu que quelques parties.

 22   Q.  Fort bien. Hier aussi, d'autres évidemment chapitres et parties de ce

 23   livre, nous allons le soumettre pour étude au témoin. Mais maintenant, nous

 24   n'avons pas le temps, mais je vous présente un tableau global. Certains de

 25   mes collègues d'ailleurs en ont parlé.

 26   M. Owen présente une situation où au début de l'administration Clinton,

 27   janvier, février, mars, laquelle administration a tout fait pour faire

 28   échec au plan Vance-Owen parce que, d'après eux, ne serait-ce que ce que


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  1   nous avons lu dans les médias, ce plan-là est en mesure de promouvoir le

  2   nettoyage ethnique; est-ce que vous en savez quelque chose ?

  3   R.  C'est une affaire extrêmement compliquée.

  4   Q.  Je vous en prie. Essayons de nous en tenir à ce que disait la presse.

  5   Est-ce que la presse s'en ait saisi ? Est-ce que l'administration Clinton

  6   s'en servait dans ses communications avec l'opinion publique ? Vous savez

  7   très bien comment on peut faire apparaître dans la presse ceci ou cela.

  8   Evidemment, l'administration Bush en représente vraiment l'apogée de

  9   l'affaire, mais, pendant que vous vous êtes préparé pour venir en poste et

 10   l'administration Clinton dit pour la presse que le plan Vance-Owen était en

 11   mesure, était en train de promouvoir le nettoyage ethnique parce que d'un

 12   côté, la partie musulmane devait signer ce plan, et si l'administration

 13   Clinton le fait comme il l'a fait en public, de toute évidence, les

 14   Musulmans ne se mettront pas d'accord. Est-ce que vous vous rappelez que

 15   cela se passait ainsi dans la presse ? Répondez par "oui" ou par "non", ou

 16   par "je ne m'en souviens pas."

 17   R.  Je ne m'en souviens pas.

 18   Q.  Fort bien. Je ne voudrais pas évidemment trop insister là-dessus, mais

 19   si cela est écrit dans le livre de David Owen, nous pouvons supposer qu'il

 20   a fait des références. Est-ce que vous avez des raisons de ne pas le

 21   croire ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Bien. M. Owen dit plus tard dans son livre que le Vance -- que par le

 24   processus de paix Vance --

 25   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Karnavas.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Je m'excuse.

 27    M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Voulez-vous, s'il vous plaît,

 28   suivre. Il faut permettre à la cabine française de nous suivre.


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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Je m'excuse.

  2   Q.  Maintenant, êtes-vous d'accord ou vous n'êtes pas d'accord, ou peut-

  3   être allez-vous voir autrement la façon dont M. Owen présente les choses

  4   dans son livre, lorsqu'il dit qu'en sa capacité de représentant de l'Union

  5   européenne de concert avec M. Vance, que lui était l'un des deux

  6   architectes de ce plan de paix, ensuite, il y avait des membres de la

  7   Communauté européenne, tels la France, l'Allemagne, Danemark et autres, que

  8   tous soutenaient entièrement le plan de paix qu'ils venaient de promouvoir,

  9   à cette époque-là. Par conséquent, lui et Vance ne travaillaient pas à

 10   titre individuel, mais il s'agit de dire que d'une façon collective, ils

 11   étaient soutenus par des pays ou des représentants de pays en faveur de ce

 12   plan qu'ils voulaient promouvoir ou qu'ils voulaient offrir au temps des

 13   négociations, considérant que ce plan a été acceptable pour l'Union

 14   européenne.

 15   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je suis sensible,

 16   pourtant je sais que M. Karnavas n'a pas trop de temps. Mais je crois que

 17   je me dois de dire que nous devons avoir des données concrètes concernant

 18   le livre ou il faut soumettre pour étude ce livre. Je ne sais pas s'il

 19   s'agit d'une caractérisation faite par M. Owen ou Karnavas qui en fait

 20   l'interprétation. Comme

 21   M. l'Ambassadeur vient de le dire, il s'agit de choses très concrètes. Nous

 22   ne voyons pas quel est le contexte de ces fragments et chapitres de livre.

 23   Il faudra les soumettre au témoin pour étude.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je le ferai

 25   volontiers, mais, tout simplement, je n'ai pas de temps. Il faut me croire

 26   sur parle parce qu'à un moment donné, nous allons soumettre ce livre pour

 27   le proposer pour être versé au dossier. Si je fais une mauvaise

 28   interprétation, alors, non seulement ceci il va être négligé, mais il


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  1   s'agit d'ailleurs d'une pièce à conviction du bureau du Procureur, chemin

  2   faisant, P 08632. Je ne suis pas en train de tirer des citations ignorées

  3   par l'Accusation. Il s'agit d'une pièce à conviction à eux. Je crois que M.

  4   Scott a bien lu le bouquin. Si ce n'est pas M. Scott qui l'a lu, c'est,

  5   bien sûr, M. Mundis.

  6   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je ne conteste pas le

  7   fait que nous avons le livre en possession. Le problème est qu'il faut

  8   soumettre pour étayer de certains chapitres de ce livre au témoin.

  9   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais reformuler la question.

 10   Q.  Est-ce que vous saviez --

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : En règle générale, les Juges ont confiance en les

 12   avocats qui font des références puisque le code de déontologie des avocats

 13   les oblige à ne pas trahir la vérité et à dire les choses telles qu'elles

 14   sont. Donc, à priori, si Me Karnavas avance quelque chose, c'est qu'il l'a

 15   lu et c'est bien écrit comme cela dans le livre. Sauf, si l'Accusation

 16   peut, séance tenante, dire que -- le contraire. Sous le bénéfice des

 17   observations, on avance.

 18   Vous avez la parole, Maître Karnavas.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Si j'ai fait quelques citations à tort, on peut évidemment me punir. Je

 21   vous remercie --

 22   M. SCOTT : [interprétation] Je ne sais pas s'il a tort de tirer telle ou

 23   telle citation - je n'ai pas cette citation sous mes yeux - il s'agit d'un

 24   livre important. Je ne sais pas si M. Karnavas vient de tirer quelques

 25   citations de contexte.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : J'aurais eu à votre place le livre sous les yeux, au

 28   fur et à mesure que Me Karnavas parle je regarde, voilà. Parce que vous


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  1   vous levez, vous contestez ce qu'il dit, mais très bien, mais sur quelle

  2   base vous le contestez.

  3   M. SCOTT : [interprétation] Bien, numéro un --

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous l'accusez de travestir la vérité,

  5   c'est une pièce de l'Accusation, il vous a même donné le numéro. Donc,

  6   faites venir tout de suite le numéro, comme cela vous contrôlez ce qu'il

  7   dit.

  8   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas quelle

  9   est la citation, tirée de quelle partie du livre. Je ne sais pas où et à

 10   quoi me référer.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais reformuler la question, juste pour

 12   sauver du temps.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas, si possible, indiquez la page ou

 14   le paragraphe si vous le -- si c'est en votre possession.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est justement le problème pour moi, je

 16   n'osais pas évidemment gaspiller le temps, mais nous avons le troisième

 17   chapitre : "Plan de paix Vance-Owen," troisième chapitre. Je ne sais pas

 18   quel est le chapitre que l'Accusation n'a pas lu, mais l'Accusation en a

 19   traité amplement.

 20   Q.  Monsieur s'il vous plaît, avez-vous lu par hasard ce chapitre, le

 21   troisième paragraphe ? Oui ou non.

 22   R.  Je ne m'en souviens pas.

 23   Q.  Bien. Vous rappelez-vous si les pays européens, qui participaient à ce

 24   processus, ces pays européens avaient accepté le plan de paix Vance-Owen;

 25   se sont-ils mis d'accord ces pays européens ?

 26   R.  Je crois que, généralement parlant, les pays européens soutenaient ces

 27   plans, mais je ne peux pas en parler en détail.

 28   Q.  Est-ce que vous sauriez surpris d'apprendre, Monsieur l'Ambassadeur


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  1   qu'au cours de ces négociations, chaque partie sortait des cartes

  2   géographiques ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Je suppose qu'il y a quelque chose dont vous vous rappelez en lisant le

  5   livre, que M. Owen lui, avait une opinion ferme. Vous en avez parlé vous-

  6   même, à savoir opinion ferme du fait que les frontières d'Etat ne sont pas

  7   intangibles. Il y a une possibilité de voir différentes républiques se

  8   mettent à négocier quant aux frontières d'Etat ?

  9   R.  Permettez-moi d'en parler pour ne pas qu'il y ait des confusions. Le

 10   plan Vance-Owen ne comprenait pas la modification des frontières d'Etat de

 11   Bosnie-Herzégovine --

 12   Q.  Je vous en prie, allons-y pas par pas. Je vais être très franc avec

 13   vous.

 14   R.  Oui, mais je vous ai déjà dit que David Owen était en faveur de

 15   changement de frontières d'Etat, mais c'était une attitude à lui, chose qui

 16   n'a pas été partagée par les Etats-Unis d'Amérique.

 17   Q.  Je suis d'accord, je vous comprends. Mais, avant votre venue sur la

 18   scène des événements, événements qui consistent en un plan américain, il y

 19   a eu des conversations avec des gens tels que Lord Owen et ses

 20   interlocuteurs. Par exemple, parmi eux, M. Tudjman ou peut-être on a évoqué

 21   des idées, peut-être des idées qui n'ont pas plus aux Américains, on s'en

 22   occupera plus tard. Mais peu importe, on évoquait des idées portant

 23   changement des frontières d'Etat à l'échelle internationale. Je ne dis pas

 24   que ceci était le cas, qu'on voulait le promouvoir, mais on en parlerait,

 25   on en parlait.

 26   R.  Ce n'était pas le plan Vance-Owen.

 27   Q.  Je comprends, mais ce n'était pas ma question. Vous avez, vous-même,

 28   témoigné devant le Sénat. Je ne suis qu'un avocat, vous soyez quelqu'un


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  1   avec qui je ne peux pas être comparé. Mais vous devez pouvoir répondre à ma

  2   question ? Dites-moi si vous pouvez le faire.

  3   Vous n'avez pas besoin de relire à l'écran ma question.

  4   R.  Je m'excuse que je --

  5   Q.  Le fait est que Owen a parlé avec le président Tudjman des possibilités

  6   de changer les frontières d'Etat, n'est-ce pas ? 

  7   R.  Quant à moi, dans ma déposition j'ai dit que lui parlait de certains

  8   changements limités, par exemple, portant sur le corridor dans le sens où

  9   le territoire au nord de la Sava doit être cédé à la Bosnie.

 10   Q.  Mais ma question était beaucoup plus précise. Ce que nous voulons

 11   obtenir est la chose suivante : vous venez ici, vous nous dites que Tudjman

 12   - chose sur laquelle je suis d'accord avec vous - Tudjman, toutes les fois

 13   où cela lui était rendu possible, sortait des cartes, essayait de faire

 14   valoir sa vision à lui quant aux frontières d'Etat de la Croatie.

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Donc, lui, tel un enfant incorrigible, demande une glace de plus, les

 17   parents lui disent non cela suffit une glace. Il veut en avoir davantage.

 18   Lorsqu'on lui dit qu'il n'y a pas de changement de frontières d'Etat, de

 19   voir Tudjman sortir avec des cartes nouvelles. Il était historien avant

 20   tout, lui, il avait sa propre vision de ce que devait être les frontières

 21   d'Etat de la Croatie ?

 22   R.  Oui, il en avait une vision claire.

 23   Q.  Oui. Mais vous devez vous entendre reconnaître comme suit, chose

 24   reconnue en partie par vous, que d'un autre côté, il y avait David Owen qui

 25   représentait l'Union européenne et qui parlait ouvertement, franchement,

 26   avec ses interlocuteurs tel Tudjman, que c'était une bonne chose, peut-être

 27   cela allait bien de réviser les frontières d'Etat.

 28   R.  Permettez-moi d'y répondre.


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  1   Primo, les modifications des frontières d'Etat proposées par David

  2   Owen étaient vraiment minimales. Il n'y avait aucune ressemblance entre les

  3   changements offerts par Owen et ceux offerts par Tudjman. Secundo, lorsque

  4   David Owen offrait des modifications des frontières d'Etat il ne le faisait

  5   pas au nom de l'Union européenne en  tant que représentant de l'Union

  6   européenne. Voilà la raison pour laquelle j'ai dit que ces pays soutenaient

  7   le plan Vance-Owen et je pense que lui David Owen, d'une façon tout à fait

  8   autonome, individuelle, agissait lorsque il veut le faire valoir ses

  9   propres attitudes. Ce que je ne pense pas qui était une bonne chose et

 10   correcte. Je crois que lui, enfin sapait les processus de négociations de

 11   paix.

 12   Q.  Très bien. C'est votre attitude à vous. Mais essayons de reprendre le

 13   contexte. David Owen, était sur la scène avant que vous y parveniez ?

 14   R.  Oui, j'étais venu en décembre 1991, ce n'est pas vrai.

 15   Q.  Mais vous étiez en mission, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Vous vous y rendiez en 1991, autrefois en 1992, essayons de voir en

 18   quoi consistaient ces missions, quelle était la situation de gouvernement

 19   de Bosnie-Herzégovine à cette époque-là ?

 20   R.  À quelle mission vous referez-vous qui était la mienne ?

 21   Q.  En 1992, en 1991, d'abord, quelle était à cette époque-là, la situation

 22   de ce gouvernement de Bosnie-Herzégovine, était-il fonctionnel ? Était-ce

 23   un gouvernement parfaitement en chute libre ? Est-ce que le gouvernement

 24   pouvait procurer tous les services de protection, par exemple des citoyens,

 25   est-ce que les salaires étaient payés, est-ce que les militaires pouvaient

 26   fonctionner ? La banque centrale fonctionnait-elle, et cetera.

 27   R.  Lorsque j'étais là-bas en novembre 1992, ce pays était victime d'une

 28   agression brutale, cruelle, la capitale de cet Etat était sous le siège des


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  1   forces armées des Serbes de Bosnie, les "snipers" tiraient aveuglément sur

  2   un bon nombre de gens innocents. Des mines de mortier tombaient partout. Je

  3   crois qu'il était difficile pour le gouvernement de fonctionner dans de

  4   telles circonstances. Voilà ce qui arrive toutes les fois où un pays se

  5   trouve victime d'une agression. De même, en était-il pour les pays

  6   européens qui ont été d'ailleurs occupés par les Nazis ?

  7   Q.  Fort bien. Mais, à cette époque-là, lorsque vous êtes venu, avez-vous

  8   eu l'opportunité de vous rendre dans Bosnie pour voir quelle était la

  9   situation qui régnait entre Croates et Musulmans ?

 10   R.  Oui. Je me suis rendu à Mostar lors de l'une de ces missions, aussi

 11   dans d'autres secteurs d'Herzégovine.

 12   Q.  Fort bien. Dans les rapports qui ont été les vôtres, quelles étaient

 13   les analyses faites, vos conclusions quant aux événements en Bosnie

 14   centrale et Herzégovine ?

 15   R.  Ce n'est qu'à une occasion que j'aie dressé un rapport de retour d'une

 16   mission, il s'agit d'un rapport sur le nettoyage ethnique en Bosnie-

 17   Herzégovine en août 1992.

 18   Q.  Fort bien. Enfin, le point central de votre rapport portait sur le

 19   nettoyage ethnique où vous disiez que ce sont les Serbes qui faisaient ce

 20   nettoyage ethnique à l'encontre des Croates et des Musulmans ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Fort bien. Alors, vous n'avez pas eu pour thème d'étudier les relations

 23   entre Musulmans, Croates et Serbes d'un point de vue politique, mais il

 24   s'agissait plutôt de rapporter sur le nettoyage ethnique ?

 25   R.  Ecoutez, essayons de voir les choses telles qu'elles étaient. Une

 26   première mission qui était la mienne en décembre 1991 avait pour thème la

 27   situation générale qui prévalait dans l'ex-Yougoslavie. Lorsque déjà la

 28   guerre en Croatie avait été entamée, la Slovénie et la Croatie ayant déjà


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  1   proclamé leur indépendance respectivement. Mon second voyage -- seconde

  2   mission -- non, pendant la première mission, je me suis rendu dans toutes

  3   les républiques et dans le Kosovo. Lors de la deuxième mission, en août

  4   1992, notre principale mission consistait à étudier la situation qui

  5   régnait dans les camps de concentration dirigés par des Serbes et le

  6   nettoyage ethnique. Une troisième mission, en octobre 1992, concernait tous

  7   les pays créés après le démantèlement de l'ex-Yougoslavie et portait sur la

  8   situation politique. Une dernière, quatrième mission, en laquelle je me

  9   suis rendu avec le sénateur Patrick Moynihan, était une mission qui trait

 10   de Dubrovnik, Mostar, Bosnie-Herzégovine.

 11   Q.  Fort bien. Lors de ces missions, avez-vous étudié la structure

 12   politique, l'ordre politique et constitution de Bosnie-Herzégovine depuis

 13   leur accession à l'indépendance pour avoir une vue d'ensemble sur la façon

 14   dont cet Etat fonctionnait à un plan politique ? Répondez par "oui" ou par

 15   "non" ou "je ne m'en souviens pas".

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Fort bien. S'agit-il de dire que c'était là l'une des parties de vos

 18   rapports ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Vous nous faite que mentionner que Tudjman -- je veux dire plutôt,

 21   Izetbegovic était président de Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous seriez

 22   surpris d'entendre dire qu'il était président de la présidence et non pas

 23   de cet Etat, du pays ? Est-ce que c'est surprenant pour vous ? C'est à

 24   l'Accusation ou aux Juges de la Chambre d'en faire connaissance, qui

 25   pourraient me corriger si je me ravise.

 26   R.  Non, cela ne me surprendrait pas.

 27   Q.  Fort bien. Comment fonctionnait cette présidence ? Avez-vous une idée

 28   là-dessus ? Répondez par "oui" ou par "non" ou "je ne sais pas."


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  1   R.  J'en ai une idée peut-être là-dessus.

  2   Q.  Fort bien. Je ne vous demande pas de nous l'expliquer en détail, mais,

  3   si je vous dis, par exemple, qu'Izetbegovic avait plus de pouvoir que

  4   d'autres, étant donné qu'il était président de la présidence, est-ce cela

  5   qui est la vérité ? Répondez par "oui" ou par "non" ou "je ne m'en souviens

  6   pas", voilà les options que vous avez.

  7   R.  Oui. Il l'a été.

  8   Q.  Si je vous disais : encore une fois vous avez tort.

  9   R.  Quoi ? Parce que j'avais tort tout à l'heure ?

 10   Q.  Non, non. Cette fois-ci, vous avez tort parce que ses pouvoirs

 11   n'étaient pas plus grands que ceux des autres.

 12   R.  Très bien.

 13   Q.  Voulez-vous que je vous explique un petit peu ce que je viens de dire ?

 14   R.  Non, non. Vous me posez la question de savoir si ses pouvoirs étaient

 15   plus grands, plus importants. Je dirais que peut-être d'un point de vue

 16   juridique ses pouvoirs n'étaient pas plus grands.

 17   Q.  Très bien. Très bien. Mais --

 18   R.  Je crois que j'avais bien répondu à votre question alors que vous dites

 19   que j'avais tort.

 20   Q.  Nous parlons de l'aspect de jure de droit.

 21   R.  Mais vous n'avez pas demandé cela.

 22   Q.  Oui, mais essayons de nous corriger. S'il était -- primo, s'il était

 23   paraisse [phon] le premier parmi les égaux, le fait est que ceci ne

 24   correspondait pas à la vérité et qu'en Bosnie, il y avait des Croates de

 25   l'ordre de 17 % [comme interprété] du total des nationaux et que lui devait

 26   s'occuper de Musulmans, il était Musulman, pour être aussi de paraisse. Il

 27   devait les représenter tous, Croates et Musulmans, et tous les autres de la

 28   même façon. C'est cela que vous voulez dire ?


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  1   R.  Ecoutez, il s'agit d'une pratique diplomatique normalisée. Il y a, par

  2   exemple, un individu à la tête d'un Etat, est-ce le président, est-ce le

  3   président collégial ou d'une présidence, et cetera. Lui, il est à la tête

  4   d'un Etat et voilà comment il doit agir. Ainsi, donc, il était perçu par

  5   l'ensemble de la communauté internationale.

  6   Q.  Fort bien. Puis-je vous demander comme suit : dans cette analyse faite

  7   par vous et lors de ces quatre missions, avez-vous jamais rédigé un rapport

  8   dans lequel et par lequel, s'il n'a rien d'autre, vous auriez peut-être

  9   cité les fonctions qu'avait à exercer ce gouvernement et les fonctions que

 10   M. Izetbegovic, comme étant le président du gouvernement, pouvait assurer à

 11   une échelle locale ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Ne serait-il tout à fait raisonnable, même si vous ne vouez pas

 14   répondre à cette question, ne serait-il donc pas raisonnable que l'accent a

 15   été mis sur le fait qu'à l'échelle municipale, à l'échelle locale ? Les

 16   gens se voyaient auto organisés pour que leurs écoles puissent fonctionner,

 17   pour que les salaires puissent être payés, pour que l'armée puisse

 18   fonctionner, pour qu'une autoprotection puisse être mise sur place ? Est-ce

 19   que cela vous semble peu naturel ?

 20   R.    Oui, vous avez dit si c'était raisonnable et compréhensible.

 21   Q.  Fort bien. Etant donné que vous êtes juriste, et si je comprends bien,

 22   vous n'avez pas pratiqué, un juriste pratiquant, mais vous étiez à

 23   l'université de Georgetown, vous avez suivi un excellent programme dans le

 24   domaine de droit international et des relations internationales. Je voulais

 25   vous demander de vous pencher sur la constitution de l'ex-Yougoslavie et de

 26   la Bosnie-Herzégovine pour nous dire que, par exemple, d'après la

 27   constitution, peut-on voir les municipalités s'auto organisées dans de

 28   telles situations d'urgence ou catastrophes naturelles ?


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  1   R.  Oui. Je crois que je vais peut-être décliner de la possibilité de

  2   répondre à votre question.

  3   Q.  Bien.

  4   R.  Parce que simplement pour répondre à cette question, il faudra que je

  5   me pose en juriste.

  6   Q.  Fort bien. Vous avez à vos côtés deux bons juristes, juristes de

  7   Département juridique. Je crois qu'autant était-il la situation et de la

  8   même façon se présentait-elle à l'ambassade américaine en Croatie ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Mais vous avez eu la possibilité de consulter des juristes du ministère

 11   des Affaires étrangères au cas où il vous a fallu faire une analyse

 12   juridique. Je suis certaine que les Etats-Unis d'Amérique ont suffisamment

 13   de ressources pour permettre de tels services à leurs ambassadeurs partout,

 14   n'est-ce pas, je suppose ?

 15   R.  Les Etats-Unis d'Amérique disposent de suffisamment de ressources en

 16   matière de diplomatie, mais pas peut-être autant qu'il le faudrait pour ce

 17   faire sur ce davantage.

 18   Q.  Fort bien. Mais est-ce que, par exemple, vous avez demandé à ce qu'on

 19   vous donne des opinions juridiques, une recherche faite, et cetera, pour

 20   savoir quelle serait une structure à mettre en place si le plan Vance-Owen

 21   était adopté ? Ensuite, il y a l'autre plan Owen-Stoltenberg, et cetera.

 22   Quelles seraient les structures à mettre en place à la lumière de ces

 23   plans ? Est-ce que vous avez reçu des instructions quelconques à ce qu'il

 24   vous fallait faire à l'égard de Tudjman, par exemple ? Ou quels seraient,

 25   du point de vue politique, les changements à espérer en Bosnie-

 26   Herzégovine ?

 27   R.  J'étais intéressé à ce qui se passait en Bosnie-Herzégovine. Je

 28   rassemblais des informations de toutes sortes de sources, et lorsqu'il


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  1   s'agit de ces questions-là, ce n'est pas qu'il était toujours nécessaire

  2   d'obtenir des analyses d'ordre juridique de la part du ministère des

  3   Affaires étrangères, du "State Department". Il y avait des gens extrêmement

  4   bien placés, capables, experts en matière constitutionnelle en Croatie,

  5   Bosnie-Herzégovine, et cetera.

  6   Q.  Fort bien. Est-ce que peut-être que lorsque vous avez fait ces

  7   démarches auprès de Tudjman, est-ce que vous avez essayé de comprendre dans

  8   quelles circonstances l'Herceg-Bosna a été créée -- a été établie ? Comment

  9   cette entité a été politiquement parlant structurée ? Ou par qui ? Quelles

 10   ont été les compétences légalement parlant ? Quelle était la législation,

 11   et cetera ? Est-ce que vous avez eu tout cela à faire dans vos analyses ?

 12   R.  Certainement. Je me suis occupé des questions touchant à la structure

 13   intérieure de l'Herceg-Bosna.

 14   Q.  D'après vous Mate Boban était à la tête, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui. Telle était ma conclusion.

 16   Q.  Est-ce que vous avez pu voir qui étaient ses adjoints en dessous, par

 17   exemple, de cette instance ? Qui a eu quelles responsabilités, par exemple,

 18   de l'armée, de questions civiles, de gouvernement civil, et cetera ? Qui a

 19   fait quoi ?

 20   R.  Je crois qu'à cette époque-là je m'en suis certainement occupé de cela.

 21   Q.  Je suppose qu'à cette époque-là et peut-être que je n'ai guère besoin

 22   de vous poser des questions très concrètes, 13 années se sont écoulées

 23   depuis, donc est-ce que -- pour parler de mémoire -- pour vous demander ce

 24   que vous en saviez, vous, après 13 années qui se sont écoulées ?

 25   R.  Certainement à cette époque-là je savais beaucoup mieux que maintenant.

 26   Q.  Est-ce que vous avez su si la banque centrale de Bosnie-Herzégovine a

 27   fonctionné, si oui a-t-elle pu faire circuler la monnaie nationale à toutes

 28   les municipalités, quelle soit serbe, croate, musulmane ou mixte ? Répondez


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  1   par "oui", par "non" ou "je ne m'en souviens pas."

  2   R.  Bien, dans ce cas-là aucune des options que vous offrez ne correspond

  3   guère.

  4   Q.  Bien.

  5   R.  Parce que les Serbes avaient leur monnaie --

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, donnez-moi le décompte du

  7   temps de parole de Me Karnavas.

  8   Oui. Poursuivez.

  9   M. KARNAVAS : [interprétation]

 10   Q.  Dites-nous : la Bosnie-Herzégovine, avait-elle sa monnaie à elle et la

 11   banque centrale fonctionnait-elle, s'il vous plaît ? Répondez par "oui",

 12   par "non" ou "peut-être". Si tel n'est pas le cas, si la monnaie n'existait

 13   -- une monnaie nationale n'existait pas de toute évidence quelqu'un a dû

 14   faire quelque chose pour qu'il y ait quelque chose en guise de monnaie pour

 15   avoir de quoi, par exemple, payer telle ou telle course pour payer les

 16   salaires, et cetera. Ma question est la suivante : y a-t-il eu une banque

 17   centrale ? Fonctionnait-elle ? Y a-t-il eu une monnaie nationale en

 18   circulation dans le centre du territoire ? Répondez par "oui" ou par "non"

 19   ou "je ne m'en souviens pas."

 20   R.  Voulez-vous que je vous donne une seule réponse ou faut-il répondre à

 21   chacune de ces questions ?

 22   Q.  Bien, c'est à vous de faire le choix.

 23   R.  Bien. Je ne me souviens pas maintenant à quel moment la banque centrale

 24   a été mise en place. Il est certain qu'étant donné l'agression il était

 25   difficile pour la banque centrale de fonctionner. Pour autant que je m'en

 26   souvienne, pour une première période en Bosnie-Herzégovine dans les

 27   secteurs qui étaient sous contrôle du gouvernement de Bosnie-Herzégovine

 28   c'est le deutschemark qui était en circulation.


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  1   Q.  Fort bien. Je comprends bien votre réponse. Je voudrais m'occuper

  2   maintenant de plusieurs questions à la fois mais le temps nous presse. On

  3   ne parlera plus de ce sujet. Vous avez dit que même s'il y a eu dans le

  4   total de la population des Croates de l'ordre de 17 % à un moment donné ce

  5   pourcentage étant diminué parce qu'il aurait été possible d'obtenir la

  6   nationalité croate. Est-ce que vous vous en rappelez ?

  7   R.  Oui. J'ai dit que c'était quelque chose qui m'a été dit par Susak et

  8   par d'autres.

  9   Q.  Bien. Dites-nous : les Etats-Unis d'Amérique ont procédé à des

 10   changements de lois. Nous avons deux juristes ici qui sont des gens bien

 11   formés d'après -- puis, reprenez-moi, si je ne m'abuse, les citoyens

 12   pouvaient avoir une double nationalité et un second passeport, n'est-ce pas

 13   ? Est-ce que vous pouvez répondre ?

 14   R.  Oui, je sais il y a des circonstances dans lesquelles il peut y avoir

 15   une double nationalité.

 16   Q.  Fort bien. Le fait est que Tudjman avait permis aux Croates de Bosnie-

 17   Herzégovine de se faire délivrer un second passeport, d'avoir une seconde

 18   nationalité, n'est-ce pas un fait ? Si vous ne le savez pas, dites que vous

 19   ne le savez pas, n'est-ce pas, un fait que c'était une possibilité offerte

 20   à chaque Croate où qu'ils habitent, à Cleveland, à Ohio, au Brésil, ou dans

 21   Herceg-Bosna ? C'était une invitation ouverte à tous les Croates parce

 22   qu'une première fois dans son histoire, la Croatie était devenue pleinement

 23   Etat indépendant.

 24   R.  Oui, je réponds par le fait que c'était vraiment inhabituel.

 25   Q.  Oui, peut-être nous autres Américains, cela semble inhabituel --

 26   R.  J'ai dit "inhabituel" parce qu'aucun autre Etat n'avait jamais procédé

 27   de la sorte.

 28   Q.  Certainement. Mais la politique selon laquelle on donnait des


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  1   passeports pour pouvoir amoindrir la population de Bosnie-Herzégovine --

  2   R.  Ce n'est pas ce que j'ai dit --

  3   Q.  D'accord.

  4   R.  J'ai dit seulement que c'était une conséquence. En fait, ce qui est

  5   arrivé c'est qu'il y a un très grand nombre de personnes qui sont parties

  6   envers la Croatie puisque la Croatie était plus sûre -- elle était plus

  7   prospère eu égard à la guerre en Bosnie.

  8   Q.  Certainement. Si, par exemple, des obus tombent sur vous, il est

  9   certain que vous souhaitiez partir.

 10   R.  Oui, justement.

 11   Q.  Bon. Cela n'a pas été -- enfin, c'est une question dont on en a parlé.

 12   Je ne dis pas que c'est exactement ce que vous avez dit.

 13   Vous avez également parlé des réfugiés, je ne vais pas entrer s les

 14   détails. Je souhaiterais néanmoins parler de combattants étrangers. Est-ce

 15   que vous saviez, à l'époque, qu'il y avait des combattants étrangers en

 16   Bosnie-Herzégovine ? "Oui", "peut-être", "je ne sais pas."

 17   R.  Oui, justement, j'ai déjà déposé longuement sur la présence de

 18   l'armée croate en Bosnie-Herzégovine.

 19   Q.  Très bien. Qu'en est-il des combattants des pays islamiques ?

 20   R.  Il y en avait effectivement, aussi.

 21   Q.  Nous allons certainement entendre parler de cette chose - d'un expert

 22   qui va venir témoigner ici, mais s'agissant des Moudjahiddines qui étaient

 23   venus, est-ce que vous saviez que ces Moudjahiddines venaient et ils

 24   faisaient partie d'Al-Qaeda.

 25   M. SCOTT : [interprétation] Objection. Ressort du champ -- il n'y a

 26   absolument aucune permission allouée à ce témoin de parler de ceci. Cela

 27   ressort du champ de l'article 70.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais passer à autre chose, Monsieur le


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  1   Président. Je ne vais poser cette question.

  2   Q.  Est-ce que vous n'avez jamais donné une démarche d'Izetbegovic, soit

  3   vous-même ou par l'entremise de l'ambassadeur américain qui se trouvait à

  4   Vienne alors qu'il aurait dû être à Sarajevo, mais ne pouvait pas puisque

  5   le gouvernement de Sarajevo ne fonctionnait pas encore. Est-ce que le

  6   Département d'Etat des Etats-Unis n'a jamais envoyé une démarche à

  7   Izetbegovic disant : ne faites pas venir les Moudjahiddines puisque les

  8   Moudjahiddines ne sont pas

  9   -- parce que ce n'est pas une bonne idée ?

 10   R.  L'ambassadeur américain était à Vienne parce que l'agression contre

 11   Sarajevo a fait en sorte qu'il n'était plus sûr pour lui de rester à

 12   Sarajevo. Sarajevo était une ville assez dangereuse. Il s'est rendu

 13   régulièrement sur place, même s'il prenait des risques, tout comme les

 14   autres représentants internationaux, certains ont même perdu leurs vies. Je

 15   n'aime pas cette implication

 16   -- je n'approuve pas votre question concernant mon collègue.

 17   Q.  Oui, mais est-ce que vous n'avez jamais donné des démarches ? "Oui" ou

 18   "non" ?

 19   R.  Oui, mais vous devriez lui poser une question à lui --

 20   Q.  Oui, vous étiez là. Vous dites ce que vous savez ce qui s'est passé en

 21   Bosnie centrale. Je vous demande si le Département d'Etat pour lequel vous

 22   travaillez vous avez obtenu des informations, est-ce que vous savez s'ils

 23   ont émis des démarches à M. Izetbegovic ? "Oui", "peut-être", "je ne sais

 24   pas."

 25   M. SCOTT : [interprétation] Objection. Hors du champ de l'article 70.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est bien dans le champ de l'article,

 27   Monsieur le Président.

 28   M. SCOTT : [interprétation] Il n'y a absolument aucun endroit où on dit que


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  1   le gouvernement des Etats-Unis fait partie de cette conversation.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, tout ce que j'essaie

  3   de dire c'est que la personne qui se trouve devant nous a déjà dit qu'elle

  4   savait à l'époque ce qui se passait en Bosnie centrale. Il parle

  5   d'atrocités commises, et il parle également de toutes ces généralités,

  6   mais, lorsque je lui pose une question concrètement, à savoir ce qui se

  7   passait sur le terrain, c'est là que je souhaiterais poser cette question.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me demandez si nous savions s'il y avait

  9   des combattants étrangers sur le terrain. Je crois que j'ai déjà répondu à

 10   cette question.

 11   M. KARNAVAS :

 12   Q.  Bien.

 13   R.  Vous passez maintenant à autre chose. Je crois que je peux dire très

 14   clairement que c'est dans les accords de Dayton qu'on peut voir que le

 15   gouvernement des Etats-Unis savait très bien qu'il y avait la présence de

 16   combattants étrangers, et justement, l'une des dispositions dans les

 17   accords de Dayton, là où on a vraiment insisté, c'est le départ de tous les

 18   combattants étrangers. Cela, bien sûr, comprenait les Moudjahiddines.

 19   Q.  Très bien. Je comprends, mais c'était en 19 -- l'accord de Dayton est

 20   arrivé en 1995, mon ami. Mais, même avant cela, les Moudjahiddines sont

 21   restés. Ce n'est pas là ma question. Mais vous êtes sur les lieux en 1993,

 22   vous savez que les Moudjahiddines sont là. Donc, soit vous ou votre

 23   collègue, est-ce que vous avez donné une démarche --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Tout d'abord, on vous dit que vous avez déjà utilisé

 25   57 minutes. Mais il aurait été beaucoup plus subtil de poser la question au

 26   témoin en disant : saviez-vous s'il y a eu des atrocités en Bosnie-

 27   Herzégovine ? Réponse : oui. Il fallait lui demander : qui, selon vous,

 28   avait pu commettre les atrocités ? Il aurait dit : X, Y. A ce moment-là,


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  1   vous aurez décliné.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez tout à fait

  3   raison, eu égard aux contraintes temporelles, je saute des étapes. Mais

  4   vous avez tout à fait raison.

  5   Q.  D'abord, Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez répondre aux

  6   questions du Président ? Est-ce que vous saviez s'il y avait des atrocités

  7   commises, faites contre les Croates par les Musulmans ? Si oui, où et par

  8   qui ? Qui s'étaient livrés à ces atrocités ?

  9   R.  Il y avait des atrocités commises effectivement par les Bosniens, des

 10   atrocités avaient été commises donc par les Bosniens, par les forces du

 11   gouvernement ainsi que par les combattants étrangers appelés

 12   Moudjahiddines.

 13   Q.  Est-ce que vous savez si vous ou votre collègue du Département d'Etat,

 14   Madeleine Albright, qui était là, qui prononçait des discours, qui parlait

 15   contre l'utilisation de la force dans la région, est-ce que vous savez si

 16   des démarches avaient été faites et données à Izetbegovic pour s'assurer

 17   que ces combattants étrangers soient expulsés, soient -- ne participent

 18   plus. Nous savons très bien que même les Musulmans, les locaux, les

 19   habitants de la place avaient très peur d'eux, ils ne voulaient pas qu'ils

 20   restent là.

 21   M. SCOTT : [interprétation] Objection. Cela sort du champ abordé par

 22   l'article 70.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.

 24   M. SCOTT : [interprétation] Ceci est clairement hors du champ.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, en fait, vous avez raison.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation]

 27   Q.  Vous avez parlé un peu de l'armement, de l'envoi d'armement pendant

 28   cette période. Je souhaiterais aborder cette question étape par étape. Est-


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  1   ce que vous savez à quel moment l'embargo d'armes avait été mis en place

  2   pour cette région-là en Bosnie-Herzégovine ?

  3   R.  Septembre 1991, Conseil de sécurité des Nations Unies 713.

  4   Q.  Est-ce que les Etats-Unis ont voté ou non ?

  5   R.  Oui. Ils ont voté pour, l'administration a voté pour.

  6   Q.  Je sais que vous nous avez dit que vous n'étiez pas juriste, mais

  7   néanmoins vous étiez membre du corps diplomatique. Est-ce que vous savez si

  8   cette résolution était contraignante ? Est-ce que c'était une loi

  9   contraignante; c'est-à-dire que les nations qui appartiennent aux Nations

 10   Unies, est-ce qu'elles devaient absolument se plier à cette résolution ?

 11   Est-ce que c'était une loi contraignante ?

 12   R.  Oui, c'est une loi contraignante.

 13   Q.  Mais il semblerait ici que même si l'administration avait voté en

 14   faveur, c'était néanmoins contraignant également sur l'administration

 15   Clinton ?

 16   R.  Oui, c'était une loi contraignante pour les Etats-Unis également.

 17   Q.  C'était également le fait pendant le temps que vous étiez ambassadeur

 18   représentant les Nations Unies en Croatie ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Il semblerait, n'est-ce pas, à la lecture du livre de Holbrooke, qui a

 21   été votre collègue et qui était également un démocrate, il mentionne dans

 22   son livre de façon plutôt favorable que l'embargo des armes avait été violé

 23   et en fait les Etats-Unis, ils savaient très bien que cela s'était passé,

 24   deux ans avant 1994. Donc, à partir de 1992, les armes avaient été envoyées

 25   en Bosnie-Herzégovine lors des deux administrations, administration de Bush

 26   et l'administration de Clinton. Est-ce que j'ai raison ? M. Holbrooke, a-t-

 27   il raison ?

 28   Je ne sais pas si c'est nécessaire. C'est la note en bas de page 1951


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  1   [comme interprété].

  2   R.  Oui, effectivement. On envoyait des armes en Croatie et en Bosnie, et

  3   effectivement les Etats-Unis étaient au courant de cela. Les Etats-Unis ne

  4   connaissaient peut-être pas tous les détails, mais ils savaient que

  5   certaines armes avaient été envoyées effectivement.

  6   Q.  Très bien. Mais serait-il juste de dire, lorsque le président Tudjman

  7   est venu vous voir, est-il exact de dire qu'il vous a demandé qu'est-ce

  8   qu'il va faire, puisque l'Iran voulait envoyer les armes en Croatie et en

  9   Bosnie aux Musulmans de Bosnie, en qu'on a simplement fermé l'œil à la

 10   situation, que les Etats-Unis et ses représentants, c'est-à-dire, vous-

 11   même, l'ambassadeur des Etats-Unis en Croatie ?

 12   R.  C'est tout à fait juste. Il est juste de dire que le président Tudjman

 13   m'a demandé mon point de vue à la suite d'une demande, en fait, il a

 14   demandé quel était le point de vue des Etats-Unis à la suite d'une demande

 15   qui avait été faite par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, envoyé au

 16   gouvernement de Croatie, à savoir si les armes ont peut-être passé par la

 17   Croatie et si elles se rendaient dans l'ABiH. Pour répondre à cette

 18   question, je lui ai dit que je n'avais absolument aucune instruction, on

 19   n'a reçu aucune instruction.

 20   Q.  Oui. Très bien. Mais c'était cela, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui. En fait, je lui ai dit que je n'avais pas d'instruction. Vous

 22   pouvez tirer les inférences que vous voulez.

 23   Q.  Non, ce n'est pas à moi, mais aux Juges de la Chambre. Mais avant cela,

 24   vous savez très bien que des armes étaient envoyées en Bosnie-Herzégovine

 25   et même si votre pays, votre gouvernement, comme vous le dites, avait voté

 26   en faveur de la résolution. Vous avez néanmoins -- vous n'avez pas, en fait

 27   -- ou votre gouvernement n'a pas - je devrais plutôt dire - puisque vous

 28   n'étiez pas en position


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  1   -- très bien. Vous ne faites absolument aucune objection pour ce qui est

  2   d'individus, qui étaient des citoyens des deux Etats, de partir de la

  3   Croatie et de se rendre en Bosnie-Herzégovine pour se battre là, pour

  4   combattre sur le territoire ?

  5   R.  [aucune interprétation]

  6   Q.  Vous personnellement, qu'est-ce que vous pensez sur la base de votre

  7   interprétation de la loi ? Est-ce qu'il s'agirait d'une situation juridique

  8   dans votre livre ?

  9   R.  Les Etats-Unis avait un problème avec les forces qui combattaient

 10   contre un gouvernement juridique de Bosnie-Herzégovine

 11   -- le gouvernement légal plutôt de Bosnie-Herzégovine.

 12   Q.  Hier, vous avez caractérisé les autres forces comme étant -- en fait,

 13   je ne me souviens pas de la phrase que vous aviez employé -- les

 14   irréguliers, vous avez dit les irréguliers. Qui étaient ces irréguliers ?

 15   Je ne me souviens pas. Je ne comprends pas ce qu'étaient ces forces

 16   irrégulières. Qui étaient ces forces irrégulières telles que vu par le

 17   gouvernement des Etats-Unis que vous représentiez ? Bien sûr, vous étiez

 18   plutôt de leur côté -- en fait, du côté des Etats-Unis. Qui était l'armée

 19   régulière ? C'était le HVO. Est-ce que c'était les forces -- les renégats

 20   que vous aviez, qui étaient les personnes qui se comportaient de façon

 21   illicite ? Qui étaient ces "forces irrégulières" ? Encore une fois, est-ce

 22   que vous faites référence au HVO ? "Oui", "non", "peut-être", "je ne sais

 23   pas."

 24   R.  Permettez-moi de vous répondre à la question de cette façon-ci : les

 25   autorités légales en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire, le gouvernement dans

 26   -- un pays reconnu gouverne internationalement, donc, c'est un pays --

 27   c'est un gouvernement à Sarajevo, et c'est à ce gouvernement qui devait

 28   déterminer quelles étaient les forces armées légales en Bosnie-Herzégovine.


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  1   Puisque le HVO était impliqué dans la guerre contre l'ABiH, contre les

  2   autorités légales de Bosnie-Herzégovine, donc, ils opéraient de façon

  3   illicite, ils comportaient de façon, si vous voulez, comme s'il s'agissait

  4   des irréguliers. Voilà c'est cela. C'est à cela que je faisais référence.

  5   Q.  Permettez-moi de vous poser maintenant une question sur ceci : est-ce

  6   que vous maintenez la position suivante parce que vous dites que l'ABiH a

  7   toujours agi de façon légale contre le HVO ou contre les Croates ?

  8   R.  Ce n'est pas ce que je dis.

  9   Q.  Fort bien. Essayons de découper cette question. Les Unités de l'ABiH.

 10   Si les Unités de l'ABiH attaquent de façon illicite ou sont des agresseurs,

 11   selon vous, en vous basant sur votre définition, si elles mènent une guerre

 12   contre les Croates ? Est-ce que ceci est légal ou non, et est-ce que le HVO

 13   s'engage de façon illicite contre l'ABiH, qui est l'agresseur dans ce cas-

 14   ci ? "Oui", "non", "peut-être", "je ne le sais pas", "trop compliquée pour

 15   répondre."

 16   R.  Je présume que votre question si -- est la suivante, c'est-à-dire que,

 17   si une force armée légale est engagée dans une activité illicite, est-ce

 18   qu'à ce moment-là, compte tenu du fait que les citoyens d'un pays sont dans

 19   le pays, est-ce qu'ils ont le droit de prendre part à la résistance ?

 20   Q.  Oui, voilà. C'est une façon de voir les choses, de poser la question,

 21   mais le HVO était également le citoyen de ce pays, bien sûr, mais, oui,

 22   effectivement, nous avons des témoignages -- nous avons entendu des

 23   témoignages disant qu'il s'agissait d'une force légale.

 24   R.  Pour être tout à fait clair au compte rendu d'audience -- au

 25   transcript, j'avais parlé de "résistance".

 26   Q.  [aucune interprétation]

 27   R.  Voilà. Pour répondre à la question, je crois qu'en fait, c'est une très

 28   bonne question et j'espère que vous allez la poser à quelqu'un qui a


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  1   beaucoup plus d'expériences dans la question que moi, qui est plus

  2   spécialité que moi pour répondre

  3   Q.  Très bien. Merci beaucoup. Maintenant, je vais juste ouvrir une autre -

  4   - enfin, vous posez une autre question avant de me rasseoir --

  5   Concernant l'armement et l'envoi de l'arme --

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges vous font observer que vous avez

  7   largement dépassé le temps, et qui aura Me Murphy et peut-être des

  8   questions supplémentaires de l'Accusation.

  9   M. KARNAVAS : [interprétation] Je comprends tout à fait, oui. Me Murphy

 10   vous souhaitera dire quelque chose, prendre la parole.

 11   M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que la Défense

 12   de Coric avait encore 20 minutes, en fait, ils ont alloué leurs 20 minutes

 13   à notre Défense. Enfin, ils nous ont remis leur portion de 20 minutes.

 14   Donc, je crois qu'après la pause, je vais pouvoir terminer mon contre-

 15   interrogatoire au plus tard une heure 45, et peut-être même avant cela,

 16   présumant comme nous allons prendre la pause maintenant et que Me Karnavas

 17   terminera.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Les 20 minutes de la Défense de Coric vous avaient

 19   été données à vous ou à Me Karnavas ou à personne ? J'avais cru comprendre

 20   que c'était à personne.

 21   M. MURPHY : Me Tomasegovic Tomic m'a donné 20 minutes dont elle dispose.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 23   Monsieur Scott, est-ce que vous auriez après des questions

 24   supplémentaires ? Parce qu'il faut qu'on gère le temps.

 25   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, dans des circonstances

 26   normales, oui, je l'aurais fait. Je crois que  l'ambassadeur devrait avoir

 27   la possibilité de préciser certains points. Mais je sais très bien qu'il

 28   faut terminer l'audition de ce témoin avant 13 heures 45, et je ne veux


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  1   certainement pas le retenir. Donc, eu égard aux circonstances, nous allons

  2   abandonner l'idée de poser des questions supplémentaires, mais j'aurais

  3   souhaité poser des questions supplémentaires. Cela est vari.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Encore quelques minutes, Monsieur le

  5   Président, avec votre permission. Pour le compte rendu d'audience, M.

  6   Murphy m'avait donné une note, donc, je savais très bien de quoi il

  7   s'agissait. Voilà.

  8   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, cette question d'armes donc les armes qui

  9   arrivaient d'Iran. C'était une question assez controversée à l'époque. En

 10   fait, les républicains essayaient de miser beaucoup là-dessus quand il a

 11   été de la question politique, politiquement parlant et cela leur a aidé --

 12   R.  Oui, il est tout à fait vrai que les républicains ont essayé de se

 13   servir de la situation, effectivement.

 14   Q.  Mais vous avez néanmoins dit qu'il s'agissait d'une réalité sur le

 15   terrain. Je souhaiterais vous montrer un document, et vous pourriez peut-

 16   être simplement vérifier si ce document vous a été montré lorsque vous avez

 17   témoigné je crois dans d'autres affaires. Il s'agit d'un numéro --

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis vraiment désolé de ne pas avoir ce

 19   document, le numéro ERN. C'est le numéro 1C ou plutôt

 20   IC 00034. C'est un document qui porte la cote e-court. On pourrait peut-

 21   être le mettre sur le rétroprojecteur.

 22   Q.  Il y a un numéro de pièce. Je crois que c'est un document qui a été

 23   présenté lors de l'affaire Milosevic. Je voudrais simplement m'assurer si

 24   vous savez si ce document ne vous a jamais été montré. Je voulais

 25   simplement vous demander si ce document vous a été présenté dans l'affaire

 26   Milosevic lorsque vous avez témoigné ?

 27   R.  Je ne me souviens vraiment pas à moins de revenir au transcript de

 28   l'affaire Milosevic.


Page 6684

  1   Q.  Mais le document lui-même, ne parle-t-il pas -- si vous examinez la

  2   teneur du document, si vous feuilletez les pages, vous ne trouvez pas,

  3   qu'en réalité, on parle ici -- c'est la question d'envoi d'armes depuis

  4   l'Iran en destination de Bosnie-Herzégovine pendant que vous étiez en

  5   poste ?

  6   R.  En l'absence de --

  7   Q.  Si vous voulez vous pouvez prendre le document, l'examiner --

  8   R.  Je ne dis pas que je ne veux pas le lire, mais cela me prendra un

  9   certain temps avant d'en prendre connaissance --

 10   Q.  Prenez-le. Prenez-en connaissance. Ne pensez-vous pas que ce document

 11   fait état des choses dont nous avons parlé, des armes qui avaient été

 12   envoyées depuis l'Iran en Bosnie pendant que vous étiez en poste ? Si vous

 13   examinez le document vous verrez que c'est pendant la période pendant

 14   laquelle vous étiez en poste.

 15   R.  Bien --

 16   Q.  Je --

 17   R.  -- franchement --

 18   Q.  Si vous voulez l'examiner peut-être pendant la pause, vous pourrez nous

 19   le dire -- nous dire après la pause si vous le reconnaissez ou non.

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] De toute façon, Monsieur le Président,

 21   s'agissant du document, je vais demander le versement au dossier du

 22   document en question. Je veux simplement demander au témoin de s'assurer en

 23   lisant le document qu'il s'agit bien de ce que je lui ai demandé.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause parce que c'est midi 10. On va

 25   faire une pause de 20 minutes et on reprendra à midi 30.

 26   --- L'audience est suspendue à 12 heures 10.

 27   --- L'audience est reprise à 12 heures 29.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, avant l'interruption, il y avait une


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  1   pièce qui avait été présentée au témoin, qui a eu l'occasion d'examiner ce

  2   document pendant la pause, alors --

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien. Je n'ai qu'une question en

  4   vérité.

  5   Q.  Monsieur, le document, est-ce que c'est un document que vous avez déjà

  6   vu ?

  7   R.  Si vous dites que ce document m'a été montré dans l'affaire Milosevic,

  8   alors, oui effectivement, je l'ai vu avant.

  9   Q.  Le document comporte le numéro de pièce à conviction, mais le contenu

 10   du document, en fait, a trait -- je ne vous demande de nous donner

 11   l'assurance du fait que, enfin de nous dire que ce que contient le

 12   document, contient des propos vrais, mais je voudrais simplement savoir

 13   s'il est effectivement vrai que le document a trait à l'envoi des armes de

 14   l'Iran en Bosnie-Herzégovine pendant la durée de l'administration Clinton ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Très bien.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Alors, une dernière question, je

 18   souhaiterais que l'on montre au témoin la pièce 1D 00917. En fait, c'est la

 19   pièce. Je demanderais que ce document soit versé au dossier. Alors, cela

 20   met fin à mon contre-interrogatoire.

 21   De nouveau, je suis vraiment désolé d'avoir, peut-être, mal cité

 22   certains de vos propos et pour les malentendus qui auraient pu survenir.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons quelques secondes.

 24   Monsieur Scott, la Défense demande l'admission de ce document qui

 25   apparemment, avait déjà été présenté dans l'affaire Milosevic. Y a-t-il une

 26   objection à l'admission du document ?

 27   M. SCOTT : [interprétation] Je n'ai pas encore vu le document, Monsieur le

 28   Président. Quand j'aurais l'occasion de voir le document, à ce moment-là,


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  1   je vous le dirai. Je crois que le Règlement a été -- une décision a été

  2   rendue par cette Chambre, que l'Accusation doit toujours examiner les

  3   documents versés par la Défense.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.

  5   Monsieur Murphy.

  6   M. MURPHY : [interprétation] Merci beaucoup.

  7   Contre-interrogatoire par M. Murphy :

  8   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur.

  9   R.  Bonjour.

 10   Q.  Je m'appelle Peter Murphy. Je suis accompagné de mon collègue, Mme

 11   Senka Nozica. Nous représentons les intérêts de

 12   M. Bruno Stojic.

 13   R.  Très bien.

 14   Q.  Vous nous avez dit avoir rencontré M. Tudjman, le président Tudjman à

 15   plusieurs reprises.

 16   R.  Oui, c'est exact exactement le fait.

 17   Q.  J'imagine que vous avez eu l'occasion de bien le connaître.

 18   R.  Oui. Je crois qu'on peut dire cela.

 19   Q.  Je crois que l'on peut résumer vos propos sur lui. Vous nous avez dit

 20   qu'en fait, c'était un nationaliste croate. Il était un nationaliste

 21   croate.

 22   R.  Oui. C'était vraiment, effectivement le cas.

 23   Q.  Lorsque vous avez déposé dans l'affaire Milosevic et je peux

 24   certainement vous donner des références aux questions et vous montrer le

 25   compte rendu d'audience si vous en avez besoin, mais vous souvenez-vous de

 26   l'avoir décrit comme étant un dirigeant très efficace, chef efficace ?

 27   R.  Oui. Je l'ai décrit comme étant un chef efficace, un dirigeant

 28   efficace. Je crois que c'est, tout à fait -- vous avez raison de dire que,


Page 6687

  1   je crois que je l'ai dit dans l'affaire Milosevic, déjà.

  2   Q.  Au même moment, vous avez dit qu'il s'était entouré de conseillers

  3   compétents, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui. Je l'ai déjà dit, effectivement.

  5   Q.  Dans ce contexte, vous mentionnez M. Granic et M. Susak; est-ce exact ?

  6   R.  Oui. C'est mon opinion que ces deux personnes étaient des personnes

  7   très compétentes.

  8   Q.  Si M. Tudjman avait souhaité ou avait eu la motivation de créer une

  9   grande Croatie, cela ne veut pas nécessairement dit que ses conseilleurs

 10   avaient la même motivation ?

 11   R.  Non. Je ne crois pas.

 12   Q.  Il n'est pas non plus -- on ne peut pas dire non plus dire que tous les

 13   Croates, Bosniens qui ont pris part dans l'Herceg-Bosna avaient également

 14   les mêmes motifs et les mêmes convictions ?

 15   R.  Non. Je crois que vous avez, tout à fait, raison.

 16   Q.  Je souhaiterais vous poser un certain nombre de questions sur la

 17   Communauté croate d'Herceg-Bosna. Si j'ai bien compris votre témoignage,

 18   vous devez estimer que cette dernière est une entité illégale ?

 19   R.  Nous estimions l'Herceg-Bosna être une république et qu'elle n'était

 20   pas une entité légale, juridique.

 21   Q.  Mais avant cela, vous savez très bien, n'est-ce pas, que lorsque

 22   l'Herceg-Bosna a été créée, elle avait été appelée initialement, non pas

 23   république mais Communauté croate d'Herceg-Bosna.

 24   R.  Oui, je le sais.

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire à quel moment la Communauté croate

 26   d'Herceg-Bosna a été créée de façon formelle ?

 27   R.  Je ne crois pas pouvoir vous donner des dates précises, à ce moment-ci.

 28   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord avec moi et corrigez-moi si je m'abuse


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  1   que la création formelle de cette dernière était le 18 novembre 1991 ?

  2   R.  Je crois que vous avez raison. Cela me semble être juste.

  3   Q.  Revenons maintenant en arrière et sur la base de votre expérience, je

  4   souhaiterais que l'on puisse recréer un peu ce qui s'est passé à l'époque.

  5   Lorsque le mois de juillet 1991 est arrivé, il y avait déjà une guerre

  6   entre la JNA et les Serbes de Bosnie d'une part donc, la JNA où les Serbes

  7   de Bosnie d'une part et la Croatie d'autre part; est-ce que c'est exact ?

  8   R.  Juillet 1991 ?

  9   Q.  Oui.

 10   R.  Je ne crois pas que les Serbes de Bosnie étaient impliqués. A ce

 11   moment-là, c'était la JNA et les Serbes de Krajina.

 12   Q.  Oui. Vous avez, tout à fait, raison. Mais donc, il y avait une guerre

 13   dans laquelle la JNA était impliquée contre la Croatie. Est-ce exact ?

 14   R.  Oui, tout à fait.

 15   Q.  En septembre 1991, les Nations Unies avaient imposé l'embargo sur les

 16   armes pour ce qui est de l'ex-Yougoslavie, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, tout à fait.

 18   Q.  Je ne vais pas maintenant redemander de répéter votre témoignage quant

 19   à ce que vous nous avez dit, mais vous serez d'accord que c'était un

 20   embargo qui était, effectivement, en existence contre tout le monde, à

 21   l'exception des Serbes ?

 22   R.  Oui, c'est exact.

 23   Q.  Est-ce que vous savez à quel moment la République de Bosnie-Herzégovine

 24   a été reconnue par les Etats-Unis ?

 25   R.  Je ne pourrais pas vous donner de date précise, mais c'était, soit en

 26   avril ou en mai 1992.

 27   Q.  Est-ce que l'on pourrait parler de la date du 6 ou du 7 avril ?

 28   R.  Je crois que oui, c'était la même journée lorsqu'on a reconnu la


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  1   Slovénie et la Croatie.

  2   Q.  En fait, la Croatie n'avait-elle pas été reconnue quelques jours plus

  3   tôt ?

  4   R.  Je crois un peu plus tôt.

  5   Q.  Par les Etats-Unis ?

  6   R.  Non, pas par les Etats-Unis.

  7   Q.  Par la Communauté européenne ?

  8   R.  Oui, c'est cela.

  9   Q.  Donc, vous seriez d'accord avec moi pour dire que la Communauté

 10   d'Herceg-Bosna avait été créée en novembre 1991, et c'était avant la

 11   reconnaissance de la République Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, tout à fait.

 13   Q.  Lors de l'interrogatoire principal, on vous a posé une question. Nous

 14   pouvons examiner le document si vous voulez ? Mais je ne crois pas que cela

 15   soit nécessaire. On vous a posé une question quant à une réunion à laquelle

 16   vous avez participé avec le président Tudjman, en octobre 1993. Lors de

 17   cette réunion, il avait mal cité l'ambassadeur allemand et français, disant

 18   qu'on croyait d'une façon générale que la Bosnie-Herzégovine ne pouvait pas

 19   survivre. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  N seriez-vous pas d'accord avec moi pour dire qu'en été 1991, pour

 22   revenir maintenant à deux ans avant les événements, la question, c'est de

 23   savoir si la Bosnie-Herzégovine pouvait survivre était une vraie question ?

 24   C'est une question bien véritable, une question qui se posait déjà, à

 25   l'époque ?

 26   R.  Pendant l'été 1991 ?

 27   Q.  Oui.

 28   R.  Pour ce qui est de la guerre qui s'est en suivie, la réponse à votre


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  1   question est oui. Mais à l'époque, la communauté internationale s'est

  2   plutôt concentrée sur la question de la Slovénie et de la Croatie et la

  3   guerre qui est en train de se préparer en Croatie.

  4   Q.  Mais cette guerre avait été menée, tout du moins en partie, en se

  5   servant du territoire de la Bosnie-Herzégovine comme étant un tremplin

  6   depuis lequel on allait attaquer la Croatie, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, c'est tout à fait juste. Mais je crois qu'il est important d'avoir

  8   en vue, de se rappeler une chose, à savoir le QG des opérations de l'ONU en

  9   Croatie devait avoir son siège à Sarajevo, la raison pour laquelle ceci a

 10   considéré comme un plus sûr.

 11   Q.  Oui. Mais, il s'avérait que ceci n'était pas tout à fait juste et vrai.

 12   R.  La communauté internationale a dû comprendre que la survie de la

 13   Bosnie-Herzégovine était maintenant mise en cause, mais ceci n'a pas été

 14   vrai. Y a eu quelques bévues, il me semble, dans ce sens-là.

 15   Q.  Il est évident que la survie en 1992, la survie de la Bosnie-

 16   Herzégovine était mise en cause, que ceci a été tout à fait clair pour la

 17   communauté internationale, n'est-ce pas, à cette époque-là ?

 18   R.  Il y avait une préoccupation croissante là-dessus, et de toute

 19   évidence, en avril, le tout pouvait être lu en première page partout.

 20   Q.  Bien. Conviendriez-vous pour dire que depuis novembre 1991 jusqu'à la

 21   signature des accords de Dayton, en fait à aucun moment, le gouvernement de

 22   Bosnie-Herzégovine n'a été en totalité efficace pour tenir son contrôle sur

 23   l'ensemble de son territoire ? 

 24   R.  Je suis d'accord avec vous là-dessus.

 25   Q.  Je crois qu'aujourd'hui vous vous êtes déjà mis d'accord en réponse à

 26   l'une des questions de mon confrère de l'un des conseils de la Défense que

 27   le fonctionnement du gouvernement de Bosnie-Herzégovine en cette période-là

 28   était rendu difficile, extrêmement difficile étant donné qu'il y a eu les


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  1   hostilités des conventions de guerre ?

  2   R.  Absolument, exact.

  3   Q.  En novembre 1991, si l'on observe la situation d'un point de vue adopté

  4   par les Croates de Bosnie, seriez-vous d'accord pour dire que ces derniers

  5   avaient de bonnes raisons d'appréhender la situation étant donné leur futur

  6   politique et social ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Vous avez dit qu'en 1992, en août, vous avez dressé un rapport sur les

  9   nettoyages ethniques perpétrés par les Serbes ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Nous allons nous référer au procès contre Milosevic, vous avez dit que

 12   votre opinion a été que Milosevic se proposait de créer une Grande-Serbie

 13   en accord avec les Serbes de Bosnie ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Je crois que lors de votre déposition vous avez dit que ses prétentions

 16   territoriales devaient inclure; sinon, l'ensemble de territoires de la

 17   Bosnie-Herzégovine, alors au moins une partie de la Bosnie-Herzégovine et

 18   une partie de la Croatie ?

 19   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit à ce procès.

 20   Q.  Vous avez dit également que même lorsqu'en 1993 il fut avéré clair que

 21   le but poursuivi, à savoir portant sur la Grande-Serbie, était

 22   effectivement devenu impossible, que Milosevic, nonobstant, avait de très

 23   grandes prétentions territoriales ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Une fois de plus, au détriment de la Bosnie-Herzégovine, la Croatie ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Dans le cadre du même procès, vous avez dit qu'en 1992, la JNA, qui est

 28   devenue plus tard la VRS, armée de la Republika Srpska et d'autres unités


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  1   paramilitaires avaient opéré sur une vaste échelle en Bosnie-Herzégovine ?

  2   R.  Oui, cela est vrai. 

  3   Q.  Aujourd'hui, en déposant vous avez dit ce à quoi on se référa pas trop

  4   que pour diverses raisons, y compris pour la raison des élections

  5   présidentielles de 1992, peut-être les Etats-Unis d'Amérique n'étaient pas

  6   en mesure de prendre des mesures et actions aussi efficaces que possibles

  7   pour prévenir tout cela, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, certainement, il s'agit d'un point de vue qui est à moi, là-

  9   dessus.

 10   Q.  Maintenant, étant donné votre expérience, vos compétences, j'aimerais

 11   vous entendre dire quelque chose d'autre pour répondre à une autre question

 12   que j'ai à poser et traitant de la communauté d'Herceg-Bosna. Au printemps

 13   1991, par conséquent, quelque temps avant la création d'Herceg-Bosna, le

 14   parti politique serbe, le SDS, était engagé à organiser les municipalités,

 15   les communautés, les municipalités de Bosnie; est-ce que c'était vrai là ?

 16   R.  Oui, je crois que ceci était vrai.

 17   Q.  L'une de ces communautés principales fut établie à Bosanska Krajina,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  Je crois que oui.

 20   Q.  En automne 1991, ces communautés municipales ont été transformées en

 21   soi-disant districts autonomes serbes, n'est-ce pas, les SAO ?

 22   R.  Oui, je pense que cela est vrai.

 23   Q.  Est-ce vrai aussi de dire qu'en octobre 1991 les Serbes de Bosnie ont

 24   formé leur propre assemblée indépendante ou approximativement à cette

 25   époque-là ?

 26   R.  Oui, vous les avez ces dates-là, mais je crois que vous avez raison.

 27   Q.  Même si je m'en abuse, là peut-être il y aura quelqu'un qui me

 28   reprendra. Ne vous en faites pas.


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Suivant les mêmes principes, en novembre 1991, le Parti SDS, le 9 ou le

  3   10 novembre, a organisé un référendum, un plébiscite portant sur l'avenir

  4   du pays dans le cadre de la Yougoslavie ?

  5   R.  Oui. Cela est exact.

  6   Q.  De concert avec vous, j'essaie de décrire la situation, d'en brosser un

  7   tableau, de ce tableau à cette époque-là, nous ne pouvons que présumer que

  8   lorsqu'en novembre 1991 une Communauté croate a été organisée en Herceg-

  9   Bosna, le tout fut établi dans ce cadre politique générale ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Pour ce qui est de la notion de légalité des entités, est-ce que vous

 12   faites une différence, distinction entre la Communauté croate d'Herceg-

 13   Bosna et la République croate d'Herceg-Bosna ?

 14   R.  Serait-il peut-être davantage aisé et plus rapide pour moi si je vous

 15   expliquais ce que nous avons considéré comme illicite ou illégal. Nous

 16   avons considéré comme non légal le fait de voir exister une entité qui

 17   tente d'exercer des fonctions de gouvernement propre, d'avoir ses forces

 18   armées engagées dans un conflit contre l'armée de la Bosnie-Herzégovine

 19   internationalement reconnu. Par conséquent, étant donné que la Communauté

 20   croate d'Herceg-Bosna s'est trouvée créer en tant qu'entité, cette

 21   Communauté croate d'Herceg-Bosna avait réuni toutes les pré-conditions pour

 22   être qualifiée de création illégale. Le fait est que cette Communauté

 23   croate continuait d'exister une fois qu'on était parvenu à un accord

 24   portant sa dissolution. Une fois de plus, à mon sens, cette Communauté

 25   croate ne fait que réitérer cette idée qu'il s'agissait d'une entité

 26   illégale.

 27   Q.  Si je comprends de ce que vous dites, Monsieur l'Ambassadeur, si vous

 28   dites pour qualifier qu'il s'agit là de quelque chose d'illégal, cela se


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  1   trouve beaucoup plus fonder sur des activités menées par cette communauté à

  2   l'encontre du gouvernement de Bosnie-Herzégovine plutôt que de se voir

  3   fonder sur l'existence même de cet Etat ?

  4   R.  Oui, ce que j'ai dit, lorsque j'ai dit que l'exercice de mandats

  5   gouvernementaux, y compris détenir les forces armées, cela qui plus est,

  6   était considérer comme étant à l'encontre des gouvernements qui ont été

  7   internationalement reconnus.

  8   Q.  Lorsque vous faites état de cette opinion, vous avez pris encore une

  9   fois en considération le fait que la Communauté croate d'Herceg-Bosna avait

 10   été établie pratiquement avant la reconnaissance internationale de la

 11   République de Bosnie-Herzégovine ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Maintenant, lors de l'interrogatoire principal et vous en avez parlé

 14   très en détail, je ne veux pas évidemment faire de redondance, mais

 15   essayons de faire un résumé. Vous me dites si je l'ai bien fait ou pas.

 16   D'après vous, la République de Croatie soutient, et sponsor, en quelque

 17   sorte, et dirige le HVO d'Herceg-Bosna; est-ce exact ?

 18   R.  Oui, et substantiellement dans une grande mesure. Oui, cela est exact.

 19   Q.  En déposant n'avez-vous longuement parlé du président Tudjman comme

 20   étant de facto le président et le commandant en chef du HVO ?

 21   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit en déposant, et c'était mon point de vue.

 22   Q.  Vous avez dit que de facto M. Susak était le ministre de la Défense du

 23   HVO, tout comme il a été le ministre de la Défense de la Croatie ?

 24   R.  Oui, en déposant je l'ai dit aussi, et il s'agit aussi de point de vue

 25   qui est le mien.

 26   Q.  Toutefois, vous en qualité d'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique,

 27   vous avez voulu qu'une action soit entreprise, vous vous rendiez à Zagreb

 28   pour y parvenir, n'est-ce pas, et le demander ?


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  1   R.  L'adresse à laquelle s'adresser pour obtenir un quelconque résultat

  2   auprès du HVO se trouvait à Zagreb, cela est vrai.

  3   Q.  Ne ressort-il pas, Monsieur l'Ambassadeur, de la déposition qui est la

  4   vôtre, que dans la mesure où les Croates de Bosnie voulaient exercer des

  5   responsabilités gouvernementales ou administrative en Communauté croate

  6   d'Herceg-Bosna, n'était autre chose que des marionnettes entre les mains de

  7   la République de la Croatie ?

  8   R.  Je ne voudrais pas me voir impliquer dans des qualifications de quelque

  9   chose qui devrait traiter de marionnettes, et cetera, mais je m'en tiens à

 10   ce que j'ai dit, à savoir le gouvernement croate avait un contrôle

 11   essentiel, je dirais, et substantiel sur le HVO, c'est-à-dire sur les

 12   autorités des Croates de Bosnie-Herzégovine.

 13   Q.  Maintenant vous dites "contrôle substantiel" ou "essentiel" mais vous

 14   n'avez pas qualifié ainsi ?

 15   R.  Vous avez dit "marionnettes" ce n'est pas moi qui ai prononcé ce mot.

 16   Ainsi que je l'ai d'ailleurs un petit peu préconçu lors de l'interrogatoire

 17   principal, et de fait à mon sens, le président Tudjman était le président

 18   d'Herceg-Bosna et que Gojko Susak était de fait le ministre de la Défense

 19   avec tout ce que cela impliquait.

 20   Q.  En répondant aux questions de Me Karnavas, vous dites qu'à cette

 21   époque-là, dans une certaine mesure, vous vous étiez familiarisé avec

 22   certains actes législatifs adoptés par la Communauté croate d'Herceg-Bosna,

 23   il s'agit de lois adoptées par cette communauté ?

 24   R.  Ce que j'ai dit pour dire que je me suis familiarisé avec -- et dans

 25   une certaine mesure avec certaines structures ou organigramme,

 26   organisation, je suppose qu'il s'agissait, entre autres, de l'acte

 27   législatif d'Herceg-Bosna.

 28   Q.  Avez-vous jamais pu rencontrer William Tomljanovich ? Il s'agit d'un


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  1   chercheur qui fait des recherches dans le cadre du bureau du Procureur.

  2   R.  Cela est possible, mais je ne m'en souviens pas maintenant.

  3   Q.  L'avez-vous rencontré afin de vous entretenir avec lui dans le cadre de

  4   ce qui se passe dans ce procès ?

  5   R.  J'ai pu rencontrer des enquêteurs du bureau du Procureur, bien sûr.

  6   Q.  Je vous posais la question de savoir si M. Tomljanovich était quelqu'un

  7   que vous avez rencontré.

  8   R.  Possible. Cela est possible.

  9   Q.  Ma question est de voir quand était-ce ?

 10   R.  J'ai pu rencontrer des enquêteurs du bureau du Procureur à tant de

 11   reprises, que franchement parlant, il m'est difficile d'être davantage

 12   précis. Je m'en excuse auprès de cette Chambre de première instance. Le

 13   fait est que je m'occupe de tant de choses pendant toutes ces années depuis

 14   que j'ai quitté la Croatie. Je crois que cette toute première rencontre

 15   date de 1999.

 16   Q.  Je vous comprends, Monsieur l'Ambassadeur. Mais je crois qu'une

 17   dernière fois vous avez déposé dans le cadre du procès Milosevic, en 2003 -

 18   -

 19   R.  Non, il s'agit du procès de Martic en avril 2006.

 20   Q.  Bien. Mais pour ce qui est de ce procès-là, cette affaire, affaire à

 21   l'encontre des Croates de Bosnie pas à l'encontre des Serbes de Bosnie,

 22   est-ce que vous vous rappelez peut-être concrètement quand vous avez pu les

 23   rencontrer ?

 24   R.  J'ai pu les rencontrer à plusieurs reprises déjà au ministère des

 25   Affaires étrangères "State Department" en 1990, peut-être au printemps. A

 26   plusieurs reprises, lorsque j'étais venu pour les besoins de l'affaire

 27   contre Martic, je crois que j'ai pu les rencontrer en décembre 2005 lorsque

 28   j'étais venu -- parce que cité à la barre à La Haye dans le contexte d'un


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  1   crime de guerre à l'encontre des Néerlandais en Irak. Je crois ensuite dans

  2   le cadre aussi du procès Milosevic et dans d'autres situations.

  3   Q.  Oui. D'accord. Mais pas au cours du mois dernier ?

  4   R.  Oui. Pendant ce laps de temps j'ai pu rencontrer des gens du bureau du

  5   Procureur.

  6   Q.  Bien. Vous n'avez pas eu la possibilité de lire le rapport de M.

  7   Tomljanovich qui a été préparé afin d'être soumis dans le cadre du présent

  8   procès, et qui traite de la structure des autorités gouvernementales de la

  9   communauté d'Herceg-Bosna ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Avant de vous rendre ici pour déposer dans le cadre de ce procès, avez-

 12   vous entrepris des mesures quelconques pour vous faire rafraîchir vos

 13   souvenirs pour ce qui est de l'organisation et de la structure générale de

 14   la communauté d'Herceg-Bosna ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Bien. Je vais vous poser une question d'ordre général : avez-vous été

 17   informé du fait que la Communauté croate d'Herceg-Bosna a été créée pour

 18   représenter ce que nous appellerions une structure administrative ?

 19   R.  Oui, je crois que cela est correct à dire ainsi.

 20   Q.  Savez-vous que des démarches ont été faites, mesures prises pour qu'on

 21   s'occupe entre autres de questions d'ordre politique et social pour

 22   prévenir la criminalité ?

 23   R.  Oui, je crois que c'est exact.

 24   Q.  Saviez-vous qu'ils ont mis en place des commissions qui devaient être

 25   chargées de l'information et de l'enquête de ces crimes ?

 26   R.  Je ne peux pas dire que je m'en souviens très précisément, mais les

 27   parties en conflit avaient leurs commissions respectivement chargées

 28   d'enquêter sur les crimes de guerre, qui chacune s'occupait de crimes


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  1   perpétrés par la partie adverse, mais pas par leurs autorités propres.

  2   Q.  Saviez-vous qu'ils ont établi également un système de jurisprudence et

  3   une juridiction à part, qu'ils ont fait adopter un code pénal ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Saviez-vous que des dispositions ont été adoptées également qui

  6   traitent des réfugiés ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Qui traitaient également d'échange de prisonniers ?

  9   R.  Je suis certain que des dispositions légales avaient été adoptées aux

 10   fins d'échange de prisonniers, oui.

 11   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je voulais, chemin faisant, vous poser une

 12   autre question. Est-ce que vous parlez le croate ? Est-ce que vous pouvez

 13   lire le croate ?

 14   R.  Non, ou plutôt, c'était vraiment à un niveau très bas.

 15   Q.  Avez-vous pris connaissance de publications d'une communauté d'Herceg-

 16   Bosna qui était le journal officiel, Narodni List ?

 17   R.  Oui, je crois que j'ai eu connaissance de l'existence de cet organe.

 18   Q.  Le tout pris en compte, ce dont on traite maintenant, conviendrez-vous

 19   de dire qu'il y a la possibilité de voir la création de la Communauté

 20   croate d'Herceg-Bosna avoir un rapport quelconque avec les mesures

 21   défensives prises en vue de se défendre contre la menace serbe et qu'il ne

 22   s'agirait pas d'ambition territoriale du président Tudjman ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vous pouvez admettre une possibilité, est-ce que vous pouvez

 25   adopter une possibilité d'avoir d'autres mobiles à l'origine de

 26   l'administration de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, sans parler et

 27   hormis ce qu'il y avait comme obsession du président Tudjman quant aux

 28   frontières d'Etat de la Croatie ?


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  1   R.  Oui, bien entendu. Comme vous venez de le décrire, l'Herceg-Bosna a

  2   assuré l'exercice de bon nombre de fonctions gouvernementales. Il ne

  3   s'agissait pas seulement et uniquement d'ambitions territoriales du

  4   président Tudjman.

  5   Q.  Bien, Monsieur l'ambassadeur.

  6   M. MURPHY : Avec l'assistance du greffier d'audience, je voudrais

  7   qu'on vous soumette une autre pièce à conviction en e-court. Il s'agit du

  8   numéro P 09504.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Murphy, c'est un document sous pli scellé,

 10   alors il faut passer en audience à huis clos, à moins que les questions --

 11   M. MURPHY : Je ne m'en souviens pas, Monsieur le Président. Je ne pense

 12   pas, mais -- non --

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Non ?

 14   M. MURPHY : [interprétation] Non, non. M. Scott -- non.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 16   M. MURPHY : [interprétation]

 17   Q.  Est-ce que vous avez le document sous les yeux ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Il s'agit d'un télégramme envoyé de Zagreb, de l'ambassade de Zagreb en

 20   octobre 1993, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, c'est tout à fait exact -- pardon, qu'est-ce que vous dites ?

 22   Q.  Il s'agit d'un télégramme qui était envoyé par l'ambassade de Zagreb au

 23   cours du mois d'août 1993; est-ce que c'est exact ?

 24   R.  Oui, tout à fait.

 25   Q.  En réalité, dans ce télégramme, vous faites état d'une visite faite par

 26   les officiers de l'ambassade, donc vous les aviez envoyés sur le lieu que

 27   l'on appelle l'Heliodrom; est-ce exact ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Je souhaiterais que l'on prenne le paragraphe qui est intitulé

  2   "Résumé."

  3   M. Scott a attiré votre attention sur certains passages du document en

  4   question. Je ne souhaiterais pas revenir sur tous ces passages, mais il y a

  5   un ou deux -- une ou deux questions que je souhaiterais vous poser,

  6   néanmoins. Quatre lignes plus bas lorsqu'on prend ce paragraphe, donc

  7   quatre lignes à partir du début, on peut voir que vous dites : "Les

  8   officiers ont eu le droit d'entrer de façon illimitée partout dans le

  9   bâtiment."

 10   R.  Pour être tout à fait juste, il faut lire : "Les représentants du camp

 11   ont empêché que des conversations privées se fassent avec les prisonniers,

 12   mais les officiers ont eu la permission de partir -- de se déplacer partout

 13   dans la prison."

 14   Q.  Oui, tout à fait, j'ai omis de mentionner le début de la phrase parce

 15   que je crois qu'il n'y a pas eu suffisamment de temps.

 16   Mais bon, est-ce que vous pourriez nous lire également la phrase qui

 17   suit ?

 18   R.  "De façon générale, les prisonniers avaient un aspect correct,

 19   ils étaient nourris et avaient accès à l'aide médicale."

 20   Q.  Revenons maintenant -- et je ne suis pas tout à fait certain de la

 21   page, c'est soit sur e-court, ou aimeriez-vous un numéro R ? Passons au

 22   paragraphe qui s'appelle "Nourriture et aide médicale." C'est peut-être

 23   deux pages plus loin en anglais, bien sûr. Oui, je vois. C'est donc le

 24   paragraphe en question.

 25   M. MURPHY : [interprétation] Merci. Vous l'avez agrandi. Je vous en

 26   remercie.

 27   Q.  Est-ce que vous voyez sous l'intitulé "Nourriture et soins médicaux" --

 28   voyez-vous cet intitulé ?


Page 6702

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Cinq lignes à partir du début, ou plutôt, cinq lignes à partir du bas,

  3   je vais vous en donner lecture.

  4   "L'équipe de l'ambassade s'est rendue dans la clinique médicale bien

  5   équipée et ont appris du médecin qui se trouvait sur les lieux qu'il ne

  6   s'occupait pas seulement de prisonniers, mais également de civils qui

  7   n'étaient plus en mesure de se rendre à Mostar, compte tenu des combats."

  8   Encore une fois, c'est quelque chose d'autre que vous avez reçu comme

  9   information. C'est les officiers que vous aviez envoyés pour mener

 10   l'inspection qui vous ont informé de ces faits ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  En dernier lieu, si nous pouvons passer sur la dernière page, la page

 13   suivante qui porte le titre "Evaluation générale ou globale" --

 14   M. MURPHY : [interprétation] Pourriez-vous, je vous prie, agrandir le

 15   paragraphe ? Merci.

 16   Q.  Encore une fois, je ne vais pas répéter les passages qui vous ont

 17   déjà été lus auparavant. Cinq lignes à partir du haut, vous voyez une

 18   phrase qui commence par les mots : "Le nombre de 1 400

 19   prisonniers … ?"

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Plus loin, on peut voir : "Le nombre de 1 400 prisonniers qui a été

 22   donné par le commandant correspondait à ce que les officiers ont vu, même

 23   si un chiffre exact nécessiterait un recensement formel."

 24   Ensuite, nous pouvons lire un peu plus bas la phrase suivante : "Les

 25   conditions semblaient être acceptables de façon générale avec -- nous ne

 26   semblons pas apercevoir des signes très évidents de malnutrition ou de

 27   mauvais traitements."

 28   Est-ce que c'est exact ?


Page 6703

  1   R.  Oui.

  2   Q.  M. Scott vous a donné lecture d'autres passages de ce rapport. Je ne

  3   vais pas les relire, mais s'agissant des passages dont je vous ai donné

  4   lecture, ces passages reflètent tout à fait bien les rapports que vous

  5   aviez reçus ?

  6   R.  Oui, parce que nous essayions d'être le plus objectifs possible, bien

  7   sûr.

  8   M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que vous me

  9   permettez d'avoir quelques instants pour consulter mon collègue ?

 10   [Le conseil de la Défense se concerte]

 11   M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, cela met fin à mon

 12   contre-interrogatoire. Merci.

 13   Q.  Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur.

 14   R.  Merci.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci, Maître Murphy.

 16   Alors, Monsieur Scott, il nous reste quelque temps, si vous avez des

 17   questions supplémentaires. Vous vous plaigniez tout à l'heure de ne pas

 18   pouvoir, là vous avez la possibilité.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Je dois vous dire, Monsieur le Président, en

 20   toute honnêteté, que je ne m'attendais vraiment pas à pouvoir poser des

 21   questions, donc j'apprécie grandement l'efficacité de Me Murphy.

 22   Nouvel interrogatoire par M. Scott :

 23   Q.  [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, quelques questions en guise de

 24   précision. Nous avons parlé d'un certain nombre de choses. Seriez-vous

 25   d'accord pour dire que lorsque nous parlons des événements en ex-

 26   Yougoslavie, qu'il est très important de parler de dates spécifiques et de

 27   mentionner les lieux de façon spécifique ?

 28   R.  Oui.


Page 6704

  1   Q.  Pourriez-vous confirmer aux Juges de la chambre, si vous le savez, est-

  2   il exact de dire qu'entre 1991 et 1995, jusqu'aux accords de Dayton, il y

  3   avait à plusieurs reprises, à plusieurs endroits en Bosnie-Herzégovine, les

  4   Croates et les Musulmans qui ont combattu ensemble contre les Serbes ?

  5   R.  Oui, effectivement.

  6   Q.  Est-ce que vous pourriez nous donner des noms de lieux ?

  7   R.  Ils ont combattu ensemble en 1992. Ils ont défendu Sarajevo ensemble,

  8   et en réalité, ils ont également combattu ensemble lors de certains

  9   événements dont on a parlé aujourd'hui, y compris la libération de Mostar,

 10   par exemple. Il faudrait se rappeler, bien sûr, que les Bosniens, les

 11   Musulmans de Bosnie constituaient une composante importante dans le HVO

 12   lorsque la guerre a commencé, la guerre croato-musulmane. Après, par la

 13   suite, après l'accord de Washington, de nouveau il y a eu une alliance

 14   militaire efficace et de fait formée entre les Croates de Bosnie et le

 15   gouvernement de Bosnie. Pour être tout à fait clair, car je crois qu'il ait

 16   pu y avoir quelques ambiguïtés, c'est après cela, après que la guerre

 17   croato-musulmane eût été terminée que je m'étais entretenu, comme je l'ai

 18   dit, au conseil de M. Prlic, que je m'étais entretenu avec le président

 19   Tudjman pour lui dire que je n'avais pas reçu d'instructions sur la

 20   question d'armes qui provenaient, qui arrivaient en Bosnie. Mais de toute

 21   façon, après cela, une coopération très proche existait entre ces deux.

 22   En 1995, et c'est très important de donner ces dates, bien sûr, et de

 23   dire ceci : le gouvernement de Bosnie a demandé l'aide de l'armée croate

 24   pour leur aider à mener une offensive militaire à Livno, dans la vallée de

 25   Livno; c'est après Srebrenica. J'étais présent lors d'une réunion de

 26   Tudjman et Izetbegovic où le gouvernement de Bosnie-Herzégovine a présenté

 27   une demande légitime, légale, et le gouvernement de Croatie a accepté de

 28   leur donner du renfort. Le résultat final était qu'une campagne militaire


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  1   s'est menée, qui a changé l'équilibre et a créé les conditions qui nous ont

  2   menés directement à Dayton quelques mois plus tard.

  3   Q.  Des éléments de preuve existent et vous avez témoigné depuis le début

  4   pour dire que la population croate en Bosnie-Herzégovine était évaluée à 17

  5   ou à 17,5 %, mais que selon vous, c'était peut-être moins que cela.

  6   R.  C'était 17 % dans le recensement de 1991, mais ce n'était pas un point

  7   de vue personnel, mais c'était un point de vue des représentants croates

  8   qui connaissaient -- par exemple, le ministre Susak pensait que la

  9   population était tombée à 12 %, le pourcentage était tombé à 12 %, 12 à 10

 10   %.

 11   Q.  Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges de la chambre si les

 12   Croates, soit les Croates en Croatie ou les Croates en Bosnie, est-ce

 13   qu'ils auraient pu espérer de pouvoir mener une défaite, de pouvoir

 14   combattre les Serbes ?

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. D'abord,

 16   cela ressort du champ couvert par le contre-interrogatoire, et même si

 17   cette question découle du contre-interrogatoire, il faudrait d'abord

 18   établir, à savoir si notre témoin est capable de répondre à cette question.

 19   Je demanderais que le fondement soit établi pour que l'on puisse poser

 20   cette question au témoin.

 21   M. SCOTT : [interprétation] Je crois que nous l'avons fait. Nous parlons de

 22   la démographie, nous parlons du pourcentage de population, donc les

 23   effectifs --

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président,

 25   permettez-moi de rappeler mon collègue ici que l'Ambassadeur, à l'époque,

 26   ne s'était jamais rendu en Bosnie centrale et il n'a pas dit non plus qu'il

 27   connaissait les capacités des diverses unités au sein de la Bosnie

 28   centrale. A moins d'établir une base pour pouvoir parler de cela, je crois


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  1   que nous sommes en train d'entrer dans des -- nous posons une question au

  2   témoin sans que le témoin puisse nous donner une bonne réponse, sans

  3   émettre des conjectures.

  4   M. SCOTT : [interprétation] Jusqu'à présent, tout le monde a pensé que M.

  5   Galbraith avait suffisamment de connaissances pour parler de tout. On lui a

  6   posé des questions sur un très grand nombre de sujets et on lui a également

  7   posé des questions sur les questions militaires. C'était l'ambassadeur lui-

  8   même qui a dit et qui a soulevé cette question de la population et a parlé

  9   très souvent, tout comme il l'a fait il y a quelques instants, des Serbes,

 10   des Musulmans et des Croates, donc de la coopération musulmane-croate, et

 11   ceci découlait directement de cela.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Voilà pourquoi je --

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, reformulez votre question pour qu'on

 14   puisse en apprécier la pertinence et le fait qu'elle est bien reliée au

 15   contre-interrogatoire. Quelle question vous voulez poser ?

 16   M. SCOTT : [interprétation]

 17   Q.  La question, donc : est-ce que les Croates auraient pu espérer de

 18   combattre les Serbes et de gagner une guerre contre les Serbes sans la

 19   participation des Musulmans ?

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Encore une fois, où ? De quel endroit parle-

 21   t-on ?

 22   M. SCOTT : [interprétation] Entre 1991 et 1992 en Bosnie.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] La Bosnie était un grand pays. Il y avait

 24   une guerre, Musulmans contre les Musulmans, Serbes contre les Croates,

 25   Serbes contre les Croates, Croates, et cetera, et cetera. On parle de

 26   quelle région ? Posavina, Bosnie centrale, Herzégovine ? De quelle région

 27   parle-t-on ?

 28   M. SCOTT : [interprétation] La Bosnie, la Bosnie. Nous avons parlé de la


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  1   Bosnie.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] De quelle façon est-ce que c'est pertinent ?

  3   Je ne vois vraiment pas la pertinence. Encore une fois, j'insiste pour dire

  4   que cela ressort du champ. Il n'y a pas de base, non plus, d'établie.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La question que vous voulez poser, quelle est

  6   la pertinence par rapport à l'acte d'accusation ? Qu'est-ce que vous voulez

  7   démontrer au travers de la réponse éventuelle du témoin ? Parce que la

  8   question que vous posez, ce sont des événements hypothétiques -- enfin, une

  9   hypothèse qui aurait pu être envisagée avant sa prise de fonction, puisqu'à

 10   l'époque, il n'était pas ambassadeur. Donc, s'il répond à votre question,

 11   c'est parce qu'il a pu avoir des connaissances sur ce sujet antérieurement.

 12   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons posé

 13   plusieurs questions, mais la pertinence est la suivante. Je voudrais savoir

 14   s'il y a une -- il semblerait que l'arme et l'équipement militaire avaient

 15   été envoyés en passant par la Croatie aux forces musulmanes. Il y a

 16   plusieurs explications à cela, mais on a dit que c'est parce que les

 17   Musulmans combattaient ensemble contre les Serbes, donc c'est la

 18   pertinence. C'est ce que j'essaie de d'établir, et également de savoir ce

 19   que les ambitions du président Tudjman étaient sur cette question, c'est-à-

 20   dire que je veux permettre à l'ambassadeur de répondre, car il s'agissait

 21   d'une session fort complexe, et Tudjman devait calculer ou prendre compte

 22   de plusieurs facteurs, y compris celui d'envoyer les armes en Bosnie pour

 23   que -- ce fait-là était nécessaire.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : [chevauchement] -- sur l'objection estiment que vous

 25   pouvez poser la question.

 26   Alors, Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous pouvez répondre à la

 27   question de M. Scott ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] La question -- en fait, il me faudra peut-être


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  1   répondre en partie. D'abord, d'écouter la question, soutenue par la

  2   Croatie, les Croates de Bosnie n'avait absolument aucune chance de gagner

  3   la guerre contre les Serbes, de combattre les Serbes. Donc, la Croatie,

  4   elle-même, en déployant l'armée qu'elle avait, en 1995, aurait pu être en

  5   mesure ou a pu, de toute façon, combattre les Serbes de Croatie et les

  6   Serbes de Bosnie. Mais de toute façon, ils ne pourront pas le dire car

  7   c'était -- tenaient ses conjoints. Mais ce qui est très important de dire

  8   c'est que l'on parle du fait que les Etats-Unis et d'ailleurs, non pas

  9   seulement les Etats-Unis, mais également l'Allemagne, la France, la Grande-

 10   Bretagne, tous les pays, en principe, savaient que les armes se rendaient

 11   en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Ils ont tous choisi de fermer l'œil

 12   car la seule différence entre les Etats-Unis et les autres pays, c'est que

 13   les Etats-Unis, on leur a demandé par -- le président de la Croatie s'est

 14   rendu aux Etats-Unis, ils ont dit de répondre. Enfin, ils n'ont pas

 15   répondu.

 16   Donc, si la guerre croato-musulmane ne s'était pas terminée, il

 17   aurait été très probable presque certain que des sanctions auraient été

 18   imposées sur la Croatie qui aurait coupé, de façon très certaine, l'arrivée

 19   d'un grand nombre d'armes en Croatie. A son tour, la Croatie n'aurait pas

 20   pu reprendre ces territoires ou n'aurait pas pu changer l'équilibre

 21   militaire en Bosnie. Donc, la Croatie, elle-même, avait des raisons très

 22   fortes liées à l'intégrité territoriale de la Croatie, elle-même, de

 23   s'assurer que la guerre croate-musulmane se termine et de soutenir une

 24   alliance militaire avec les forces bosniennes.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je comprends, tout à

 26   fait, la déclaration faite par l'ambassadeur, mais je souhaiterais

 27   néanmoins rappeler les Juges de la Chambre que nous ne sommes pas ici

 28   devant une -- ce n'est pas une réunion de ce comité du Sénat. Il ne


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  1   faudrait pas oublier quel est l'objet de l'affaire. Je sais que nous avons

  2   effectivement établi l'entreprise criminelle commune pour l'embargo. On lui

  3   a posé cette question. Je comprends le commentaire de l'ambassadeur.

  4   J'apprécie également la position de l'ambassadeur, ce qu'il nous dit.

  5   J'apprécie tout ce qu'il nous dit. Quelle était la position des Etats-Unis

  6   à l'époque, et cetera ? Mais je crois que cela, vraiment, ressort du champ.

  7   M. SCOTT : [interprétation] C'est, tout à fait, inapproprié, je crois qu'il

  8   a voulu se lever que pour faire un discours comme cela arrive assez

  9   souvent. Donc, je trouve que son commentaire est, tout à fait, inapproprié.

 10   Bien.

 11   Q.  Maintenant, Monsieur l'Ambassadeur, permettez-moi de vous poser cette

 12   question. Vous étiez assez clair lorsque vous avez dit que la République de

 13   Croatie avait, par exemple, donné son aide pour ce qui est des réfugiés en

 14   ex-Yougoslavie et qu'elle a soutenu les réfugiés, l'aide humanitaire,

 15   assuré l'arrivée de l'aide humanitaire. Vous nous en avez parlé lors du

 16   contre-interrogatoire, je crois, surtout hier. Mais je voudrais vous donner

 17   l'occasion, la possibilité car il faudrait certainement vous poser cette

 18   question, car lorsque vous aurez quitté, on dira certainement qu'à cause de

 19   ce que vous avez dit, cela ne correspond pas avec Tudjman, Susak et autres,

 20   voulant avoir l'objectif d'une Grande-Croatie. J'aimerais que vous

 21   expliquiez aux Juges de la Chambre de quelle façon est-ce qu'on pourrait

 22   expliquer, réconcilier ces deux faits ?

 23   R.  Je ne vois absolument pas aucune incohérence. D'abord, je crois qu'il

 24   avait une impulsion humanitaire sincère de la part des dirigeants croates,

 25   Mate Granic, je crois, était sincèrement préoccupé par la question des

 26   réfugiés et les habitants de Croatie, je crois, représentaient une société

 27   libérale, humanitaire. Il avait une sympathie publique, énorme en Croatie.

 28   Pour les habitants de Bosnie-Herzégovine, je me rappelle que lors d'une de


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  1   mes visites sur la place principale à Zagreb, j'ai vu un drapeau de Bosnie-

  2   Herzégovine, il y avait des gens qui s'y rendaient pour allumer des

  3   bougies. Donc, le rôle humanitaire des Croates reflète la bonté de la

  4   société croate. J'ai déjà dit, mais je vais répéter, que les ambitions

  5   visant à établir une Grande-Croatie étaient partagées par un très petit

  6   nombre de personnes. La plupart des Croates n'étaient pas toujours en

  7   faveur des Herzégoviniens et ils n'avaient pas, du tout, d'annexer ce petit

  8   territoire. Mais il y avait un tout petit groupe, Tudjman, Susak et autres

  9   qui voulaient, qui étaient, qui prônaient l'idée d'une Grande-Croatie. Mais

 10   je crois que Tudjman et Susak, tous les deux, néanmoins, étaient --

 11   prônaient en fait les mesures humanitaires. Donc, cela dit, je ne peux pas

 12   dire que tout ce qu'ils ont fait était complètement mauvais.

 13   Mais outre cela, il y avait également une préoccupation pratique. La

 14   Croatie avait besoin de l'appui de l'occident et l'une de ces cartes

 15   politiques principales pour l'Europe et pour les Etats-Unis, c'était le

 16   rôle des réfugiés, leur rôle dans l'aide humanitaire fournie aux réfugiés.

 17   C'était une raison très importante pour laquelle nous avions été choisis

 18   pour imposer les sanctions sur la Croatie. Nous étions réticents d'imposer

 19   des sanctions sur la Croatie, non pas parce que nous avions -- nous

 20   pensions que les Croates allaient maintenant se venger sur les réfugiés,

 21   mais nous pensions que la vie en Croatie serait très difficile maintenant,

 22   et qu'elle ne pouvait plus être en mesure de mener à bien cette assistance

 23   humanitaire.

 24   M. SCOTT : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Le Juge Mindua a une question.

 26   M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, durant votre déposition, votre

 27   témoignage, vous avez fait mention de créer de violations de droits de

 28   l'homme qui sont commises sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine


Page 6712

  1   pendant la période qui nous concerne. Tout à l'heure, lorsque Me Murphy

  2   vous a présenté la pièce à conviction

  3   P 09504, nous avons pu constater que votre télégramme faisait mention de

  4   détenus qui étaient bien traités, avec des soins médicaux, et cetera, qui

  5   leur étaient apportés. Alors, ma question est de savoir : Quelle est votre

  6   conclusion personnelle au sujet de la détention de ces personnes ? Nous

  7   sommes en octobre 1993, quelle est donc votre conclusion au sujet de la

  8   détention des personnes à l'Heliodrom ? En général, quelle est votre

  9   conclusion par rapport à la détention des personnes en Bosnie-Herzégovine ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] En général, les gens étaient tenus dans des

 11   conditions affreuses en Bosnie-Herzégovine. Peut-être, c'étaient les Serbes

 12   de Bosnie qui ont, surtout, enfreint à toute règle et loi à leur encontre.

 13   Pour ce qui est du HVO, le HVO a géré les différents cas, la situation

 14   dépendait, variant d'un camp à l'autre, d'une époque à l'autre. Bien

 15   entendu, nous avons eu accès à des camps et des pressions ont été exercées

 16   et les conditions ont été améliorées. Mais lorsque le commandant de Kosare

 17   a déclaré que des gens de l'ambassade américaine venaient pour faire

 18   inspection. Ils ont eu la possibilité de mettre un peu d'ordre, mais ils

 19   n'ont pas permis pour autant d'enquêter sur les prisonniers en ayant des

 20   conversations avec. Nous nous sommes rendus compte du fait que dans

 21   certains camps, les conditions étaient affreuses. Il y a eu des passages à

 22   tabac, des exécutions sommaires, que les conditions sanitaires étaient loin

 23   de pouvoir être satisfaisantes, qu'il y a eu des cas de viols. Dans

 24   d'autres camps, la situation s'avérait meilleure. Mais je voudrais noter

 25   que même à l'Heliodrom -- camp l'Heliodrom, l'un des sujets traité était

 26   les travaux forcés sur la ligne de front, ce qui faisait que des

 27   prisonniers, des gens détenus, couraient le risque de se faire tirer.

 28   M. SCOTT : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, j'ai passé rapidement toutes mes notes, je n'ai

  2   plus de questions à poser.

  3   R.  Merci.

  4   Questions de la Cour : 

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai une question qui vient dans la suite de la

  6   question de mon collègue. En tant qu'ambassadeur à Zagreb, je présume qu'un

  7   ambassadeur a à sa disposition une revue de presse, la télévision, la

  8   radio, il a une source d'information. Pendant le temps que vous étiez en

  9   fonction, surtout pendant ces mois postérieurs au mois de juin, donc,

 10   pendant toute la période de ce semestre de 1993, est-ce que vous vous

 11   souveniez, via les médias, des informations sources qui se passaient en

 12   Bosnie-Herzégovine ? Est-ce qu'il y avait un fond d'information ? On voit

 13   aujourd'hui comment cela se passe en Irak ou ailleurs, on a la CNN, on a

 14   beaucoup d'information, quasiment en temps réel, rien qu'à voir ce qui

 15   s'est passé dernièrement à Beyrouth, est-ce que vous, à votre époque, vous

 16   aviez des informations, vous venez d'évoquer tout à l'heure les prisons, on

 17   a eu des éléments de preuve comme quoi des journalistes ont été sur place.

 18   Il y a eu certainement des reportages. Est-ce que vous, via les médias, non

 19   pas par vos autres sources d'information traditionnelles, mais par les

 20   médias, vous aviez une vision de ce qui était en train de se passer ?

 21   R.  Monsieur le Président, bien sûr, nous disposions de toutes sources

 22   d'information. Je me dois de vous dire que pour ce qui est des médias, des

 23   masses médias, ces derniers sont parmi les moyens les plus importants en

 24   matière d'information. Pour les gens qui ne sont pas dans le gouvernement,

 25   peut-être, ces derniers pourraient avoir l'impression qu'il s'agissait de

 26   sources secrètes, mais de grandes valeurs. Mais ce sont les masses médias

 27   qui nous ont permis des informations d'une très, très grande importance.

 28   Bien entendu, il y avait des médias locaux. Si vous avez pu suivre ce qui a


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  1   été diffusé par des chaînes de télévision locale, et des stations de radio

  2   locales, vous avez pu avoir un autre tableau brossé de la situation. Mais

  3   c'est la presse internationale qui s'est montré absolument héroïque dans

  4   son effort et dans ces travaux pour présenter la Bosnie-Herzégovine. Ainsi

  5   donc, il a été diffusé une série d'images sur les hostilités de guerre en

  6   Bosnie-Herzégovine, et cela a été diffusé dans chacun des foyers. Il n'y a

  7   pas que nous autres, mais toutes les fois on savait très bien ce qui se

  8   passait dans Sarajevo, dans Mostar, Omarska, et cetera. Par conséquent, il

  9   s'agissait d'une source d'information d'extrême importance, qui a permis de

 10   voir tout ce qui se passait là-bas, pour en avoir un tableau global.

 11   Ensuite, un autre avantage, c'est que les journalistes qui étaient en

 12   mission, qui passaient en Bosnie, passaient par Zagreb. Ils venaient me

 13   voir. Donc, je pouvais en tirer un avantage sur ce qu'ils disaient pour

 14   présenter et diffuser, mais j'ai pu également exploiter leurs propos mêmes.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : A partir des sources fournies par les médias, tout

 16   ce que vous pouviez voir à la télévision ou par les journalistes, est-ce

 17   que cela pouvait permettre à ce moment-là à vous à faire des démarches

 18   auprès du président Tudjman pour appeler son attention sur ce que la

 19   communauté internationale était en train de voir par les médias, et qu'il y

 20   avait peut-être lieu à agir ?

 21   R.  Ma réponse est affirmative. Agir est de deux façons : j'ai pu, et je

 22   l'ai fait, à savoir j'ai rédigé des rapports sur ce qui apparaissait dans

 23   les masses médias internationaux. Secondo, j'ai pu envoyer toujours des

 24   messages sur ce qui étaient mes interviews accordées à la presse,

 25   magazines, télévision, chaque télévision croate. Franchement parlant, tout

 26   ce que j'ai dit en déposant ici, et lorsqu'il s'agit de décrire les

 27   démarches que j'ai faites auprès de Tudjman, tout cela m'a aidé parce que

 28   dans tous les messages envoyés par moi, c'était ce que j'ai dit en public.


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  1   J'ai dit que je considère la Croatie responsable de la conduite du HVO.

  2   J'ai dit que si on ne pouvait pas améliorer la situation, la Croatie

  3   courait le risque de tomber sur le coup des sanctions. J'ai été engagé à

  4   parler en public de la présence de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine.

  5   Par conséquent, pour moi, pour parler de votre diplomatie, le fait que j'ai

  6   envoyé des messages là-dessus, franchement, c'était une façon de supporter

  7   le peuple croate. La majeure partie de ces gens-là en Croatie était des

  8   gens, comme je l'ai dit, qui n'ont pas soutenu la politique de Tudjman à

  9   l'égard de la Bosnie.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, votre témoignage vient de se terminer. Je

 12   veux vous remercier aux noms des Juges d'être venu à La Haye. Ce n'est pas

 13   la première fois que vous venez. J'espère que ce sera la dernière fois,

 14   parce que vous n'allez pas passer votre vie devant des Juges en train de

 15   témoigner. Je vous exprime notre gratitude. Je remercie également les

 16   représentants du gouvernement américain qui vous ont accompagné, assisté

 17   pendant cette audition. Au nom de tous, je fournie mes meilleurs vœux pour

 18   votre retour dans votre pays.

 19   Je vais demander à Mme ou à M. l'Huissier de bien vouloir vous

 20   raccompagner, ainsi que les représentants du gouvernement américain à la

 21   porte de la salle d'audience.

 22   [Le témoin se retire]

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Il nous reste quelques minutes. Je vais donner la

 24   parole aux uns, aux autres, pour les numéros de pièces afin qu'on puisse

 25   disposer de ce temps.

 26   Monsieur Scott.

 27   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous proposons

 28   pour versement au dossier par le biais de ce témoin, les pièces à


Page 6716

  1   conviction P 05047, P 06251, P 09502, P 09503, P 09504, P 09505, P 09506, P

  2   09507, P 05104, P 09508, P 09498, P 09499, P 03240, P 05090, P 06412, P

  3   09501, P 09500, P 09697, P 03673,

  4   P 05047, P 07789, P 09510, et P 07475.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne maintenant vers les avocats de la

  6   Défense, donc, dans l'ordre que vous voulez, peut-être, Maître Karnavas,

  7   après ainsi de suite.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président, je n'avais

  9   qu'un seul document, pièce à conviction, je crois qu'il s'agissait de 1D

 10   00917, mais, pour autant que je sache l'Accusation aimerait pouvoir avoir

 11   la possibilité pour vérifier s'il s'agissait d'une pièce à conviction

 12   reprise du procès contre Milosevic, mais, en tout cas, c'est la seule pièce

 13   à conviction que nous avons voulue proposer pour être versée au dossier.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Murphy.

 15   M. MURPHY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La Défense de M.

 16   Stojic n'a pas de document.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 18   Monsieur Kovacic.

 19   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai des documents que

 20   nous avons -- dont nous nous sommes servis, une réserve faite, s'il vous

 21   plaît. La chose peut être à revoir à corriger. Nous nous sommes servis de

 22   documents qui avaient déjà été versés au dossier. Chose qui n'a pas été

 23   marquée. Mais nous pouvons le compléter. Il s'agit de documents 3D 00141,

 24   3D 00320, 3D 00375, 3D 00376, 3D 00377, 3D 00186, 3D 00299, ensuite, 3D

 25   00378. Il s'agit Monsieur le Président, de ce document qui a été mis sur le

 26   rétroprojecteur, nous lui avons fait accorder un numéro et une cote.

 27   Ensuite, pour ce qui est des pièces à conviction du Procureur, on verra

 28   bien quelles en sont les cotes, je voudrais proposer ces documents pour


Page 6717

  1   être versés au dossier sous P, si vous voulez, il s'agit de P 9601, P 6251,

  2   P 3112. Merci. Il s'agit de pièces à conviction dont je me suis servi.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic.

  4   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons qu'une

  5   seule pièce à conviction, il s'agit de l'interview accordée par

  6   l'ambassadeur Galbraith publiée par la revue Globus, il s'agit de la pièce

  7   à conviction 4D 00326. Je vous remercie, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, nous rendrons notre décision après avoir

  9   revérifié tous ces numéros, toutes les pièces.

 10   Dans les deux minutes qui restent, mon attention est appelée sur la mise en

 11   œuvre de l'article 89(F) concernant les témoins car j'ai appris que le

 12   Procureur avait l'intention également de faire verser des documents. Comme

 13   il n'y aura pas d'interrogatoire principal, il serait souhaitable, à ce

 14   moment-là, Monsieur Scott qu'on montre très vite au témoin à partir du

 15   système e-court les documents en lui disant voilà, je vous présente le

 16   document numéro 1, 2, 3, 4, et cetera, le reconnaissez-vous ? A ce moment-

 17   là, il dit oui, ces documents je les reconnais, je les ai vus. Bien, est-ce

 18   que c'est comme cela que vous comptiez faire ?

 19   M. SCOTT : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. Je

 20   vous remercie beaucoup d'avoir précisé ce point. Je crois qu'il a eu peut-

 21   être léger malentendu concernant la procédure. La plupart de ces témoins,

 22   pour la plupart de ces témoins la procédure 89 serait de procéder de la

 23   façon suivante, enfin introduire le témoin dans le prétoire, on lui permet

 24   d'examiner ces déclarations préalables et de nous confirmer si,

 25   effectivement, c'était bel et bien leur témoignage ou s'ils diraient la

 26   même chose. L'Accusation pourrait leur poser peut-être quelques questions

 27   pour clarifier certains points ou insister sur certains points de leur

 28   témoignage et les documents qui seraient présentés au témoin, à ce moment-


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  1   là seraient passés en revue avec le témoin. Donc, il y a peut-être un léger

  2   malentendu, cela peut arriver, certainement dans quelques cas de pensée qui

  3   n'a absolument rien que d'avoir quelqu'un qui renaît la déclaration du

  4   témoin. La déclaration du témoin en fait, la partie principale de la

  5   déposition du témoin, mais il y a également d'autres documents qui seraient

  6   annexés, c'est-à-dire, effectivement, nous présenterions toutes les pièces

  7   au témoin.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous verrons au fur et à mesure.

  9   Maître Alaburic.

 10   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, un seul point, une

 11   requête, en fait. Le 7 septembre, nous avions reçu en français une décision

 12   relative au fait admis et, malheureusement, nous ne sommes en mesure de

 13   lire, le conseil ne se sent pas tout à fait à l'aise avec la langue

 14   française et donc nous n'étions pas en mesure de voir s'il y a des bases

 15   pour faire appel. Donc, je vous demanderais de nous permettre de discuter

 16   de cette décision lorsque nous recevrons le texte anglais. C'est à ce

 17   moment-là que nous pourrions peut-être formuler une opinion ou lancer un

 18   appel.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Pas de problème. Vous avez toujours le droit de

 20   faire une requête pour demander une certification d'appel, toujours, mais

 21   la Chambre décide.

 22   Il est donc 12 heures 45. Je vais vous souhaiter un bon week-end et surtout

 23   à ceux qui sont actuellement malades, je leur souhaite un prompt

 24   rétablissement pour avoir le plaisir de les revoir donc lundi. Nous nous

 25   retrouvons donc lundi à 14 heures 15.

 26   --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le lundi 18 septembre

 27   2006, à 14 heures 15.

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