Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 13 décembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez l'affaire, s'il vous

6 plaît.

7 M. LE GREFFIER : Bonjour, Monsieur le Président. Affaire

8 IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je salue les

10 représentants de l'Accusation. Je salue tous les avocats, et notamment Me

11 Murphy qui est revenu parmi nous. Je salue également, bien sûr, les

12 accusés.

13 Nous allons poursuivre nos travaux par l'audition en continuation du

14 témoin, mais avant cela, j'ai deux décisions orales à rendre et à faire un

15 rappel concernant des pièces IC. J'invite les parties à fournir les listes

16 IC pour le Témoin CO, qui est comparu les 6 et 7 décembre. J'invite

17 également les parties qui n'ont pas encore fait pour le Témoin CQ, qui a

18 comparu les 11 et 12 décembre, étant précisé que le Procureur 2D, 4D, 5D

19 ont déjà donné leur liste. Maintenant, il m'incombe de lire deux décisions

20 orales. La première est relative aux pièces produites lors du témoignage du

21 Témoin CL, qui a comparu le 4 décembre 2006.

22 La Chambre décide d'admettre les éléments de preuve suivants présentés par

23 l'Accusation au motif qu'ils présentent une certaine valeur probante et une

24 certaine pertinence. Je vais lire lentement : P 01021, P 08983, P 08985

25 sous pli scellé, P 09583, IC 00134 sous pli scellé, IC 00135.

26 La Chambre rejette l'élément de preuve P 08986 au motif qu'il n'a pas été

27 soumis au Témoin CL lors de son témoignage. Par ailleurs, la Chambre

28 constate que la Défense n'a demandé l'admission d'aucun élément de preuve.

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1 Deuxième décision orale, concernant les pièces relatives au témoignage du

2 Témoin CG, qui a comparu le 28 novembre 2006. La Chambre décide d'admettre

3 les éléments de preuve suivants présentés par l'Accusation, au motif qu'ils

4 présentent un certain degré de fiabilité, de valeur probante et de

5 pertinence : P 09770 sous pli scellé, P 03035, P 03652, P 03063, P 03668,

6 P 08858 sous pli scellé, P 09086, P 09738, P 09739, P 09740, P 09742,

7 P 09743.

8 Etant précisé que pour cette dernière pièce, celle-ci est admise par une

9 décision prise à la majorité. En revanche, la Chambre rejette l'admission

10 des éléments de preuve suivants demandés par l'Accusation, au motif qu'ils

11 n'ont pas été présentés en audition par l'intermédiaire du Témoin CG. Il y

12 en a trois : P 03659, P 03665, P 03670.

13 La Chambre tient à rappeler à l'Accusation qu'elle peut présenter ces

14 pièces par l'intermédiaire d'un autre témoin ou déposer une requête écrite

15 aux fins de demander leur admission, conformément aux prescriptions de la

16 décision du 29 novembre 2006 portant sur l'admission d'éléments de preuve.

17 La Chambre décide d'admettre les éléments de preuve versés au dossier par

18 la Défense de M. Stojic mentionnés dans la liste IC 00129, ceux de la

19 Défense de M. Praljak mentionnés dans la liste IC 00128, ainsi que la pièce

20 4D 00461 versée au dossier par la Défense de M. Petkovic, au motif que ces

21 éléments de preuve présentent un certain degré de fiabilité, de valeur

22 probante et de pertinence.

23 Voilà nos deux décisions orales.

24 Concernant le témoin qui viendra en fin d'après-midi et qui sera entendu

25 demain, l'Accusation, par courrier, a fait savoir qu'elle souhaitait avoir

26 un temps supplémentaire de telle sorte que l'Accusation dispose de trois

27 heures et demie, compte tenu du fait que, lors du récolement, le témoin à

28 venir a expliqué qu'il avait rédigé un livre sur Gabela. La Chambre, qui en

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1 a délibéré ce matin, ne fait pas droit à cette demande et dit que

2 l'Accusation aura en tout et pour tout deux heures et demie, pour le témoin

3 qui succédera au témoin de tout à l'heure, et que pour le dernier témoin de

4 la semaine, la Défense aura deux heures et demie.

5 La Chambre, par ma voix, tient à rappeler que le témoin de cette fin

6 de semaine va déposer sur Gabela. Nous avons déjà de nombreux témoignages

7 sur Gabela, de nombreux éléments de preuve sur Gabela et que dans ces

8 conditions, il n'était pas nécessaire de rajouter en plus une heure

9 d'interrogatoire principal.

10 Donc, sans perdre de temps, nous allons introduire le témoin qui

11 attend, étant précisé que l'Accusation dispose de 20 minutes et que la

12 Défense aura une heure globalement. L'idéal, ce serait que nous terminions

13 avant la première pause ce témoin, faire la pause de 20 minutes et

14 commencer le dernier témoin aujourd'hui, poursuivre demain, afin de

15 permettre à la Défense d'utiliser les deux heures et demie pour le contre-

16 interrogatoire et permettre également aux Juges de poser les questions,

17 s'ils l'estiment nécessaire.

18 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, je vous donne la parole

20 également, parce que vous avez quelques numéros IC à nous donner. Ensuite,

21 je donnerai la parole à M. Scott.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 [interprétation] Un addendum à la liste du Témoin CM qui se verra

24 attribuer une cote IC 171, puis, il y a une liste de pièces à conviction

25 pour le Témoin CQ qui se voit attribuer une liste IC 172. La liste 2D sera

26 au sujet du CQ -- du Témoin CQ sera le IC 173. La réponse du bureau du

27 Procureur sera versée au dossier au travers donc de ce qui concerne le

28 témoin CQ, par le biais de 2D et ce sera la pièce à conviction IC 174. Il

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1 s'agira du 5D, une liste de pièces à conviction pour Kiseljak -- non une

2 liste des pièces à conviction pour le CQ qui sera -- se verra attribuer la

3 cote 175. Le 4D se verra attribuer la cote IC 176.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

5 Monsieur Scott.

6 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis avoir une

7 minute de temps pour des questions de procédures, parce que d'habitude,

8 vers la fin de la journée, nous sommes tous quelque peu pressé. Alors, tout

9 d'abord, je tiens à dire que l'Accusation demanderait, une fois que l'on en

10 arrivera à la série de ces journées de travail et juste à la veille des

11 faits, c'est-à-dire demain, ce sera notre dernière journée de travail et

12 nous voudrions demander à la Chambre de fournir au Greffe -- ou plutôt, de

13 demander au Greffe de fournir à la Chambre une liste de mises à jour pour

14 ce qui est des temps mis à la disposition. Nous nous sommes dit que ce

15 serait là une information utile pour tout un chacun, étant donné que nous

16 terminons les procès en cours pour l'année calendaire en cours. Nous

17 estimons qu'il serait utile d'avoir des statistiques. Cela, c'est d'un.

18 De deux, Monsieur le Président, nous voudrions faire une objection pour ce

19 qui est du temps -- des limites de temps qui nous sont imparties pour ce

20 qui est du témoin suivant. La Chambre a déjà

21 --

22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- décision que la Chambre a rendu. Pas d'objection.

23 Donc, si vous remettez en cause nos décisions, ce n'est pas possible.

24 M. SCOTT : [aucune interprétation]

25 M. LE JUGE ANTONETTI : A moins que j'aie mal compris.

26 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je fais part de notre

27 objection. Je crois que c'est une pratique usuelle que de présenter des

28 objections concernant les décisions pour ce qui est de présenter la

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1 position qui est la nôtre. Je ne connais pas une autre procédure à ce

2 sujet.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : -- rendue peut faire l'objet d'un appel. A ce

4 moment-là, vous demandez une certification d'appel. Il n'y a pas d'autres

5 commentaires.

6 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, j'espère qu'il -- enfin,

7 je pense qu'il serait beaucoup plus productif que d'engager un dialogue

8 avec les Juges de la Chambre et que ce serait beaucoup plus efficace que de

9 procéder en permanence à des interjections d'appel parce qu'en cas de

10 dialogue et d'échange, ce serait plus productif que de toujours demander

11 une autorisation ou une certification d'appel.

12 Il n'est pas exact de dire que l'Accusation avait demandé davantage de

13 temps. D'après les estimations à l'origine en application du 65 ter, nous

14 avions estimé que nous aurions besoin de quatre heures et nous avons réduit

15 ce temps. Etant donné que l'Accusation se trouve à être sous les

16 contraintes de temps extrêmes, nous voudrions laisser -- enfin, nous

17 demander de laisser un peu de marge de manœuvre pour que l'Accusation

18 puisse utiliser son temps de façon plus appropriée. Après considération de

19 ce que ce témoin viendra nous dire, nous estimons que ce serait une

20 utilisation équitable du temps et nous demanderions que cela soit

21 réexaminé. Merci.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. On va vérifier si sur la liste 65 ter, vous

23 aviez prévu quatre heures. Ce qui m'étonne un peu, mais nous allons

24 vérifier cela.

25 Si nous avons du temps jusqu'à demain 19 heures, il n'y a pas de problème,

26 mais comme nous terminons l'année demain à 19 heures, nous devons tenir

27 compte de contraintes de calendrier.

28 Par ailleurs, j'ai cru comprendre que pour le témoin de demain, il y aurait

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1 une pièce ou des pièces concernant la destruction d'une mosquée, qui

2 apparemment ne figure dans l'acte d'accusation. Alors, n'est-ce pas du

3 temps perdu d'interroger un témoin concernant un fait qui n'est pas dans

4 l'acte d'accusation ?

5 Monsieur Scott, la Juriste de la Chambre vient de m'indiquer que sur la

6 liste 65 ter, c'était deux heures et pas quatre heures, comme vous le

7 dites.

8 M. SCOTT : [interprétation] Il se peut que je me trompe. Je vais

9 revérifier. Je veux bien admettre qu'il y a possibilité d'erreur, mais ce

10 ne sont pas là les informations qui m'ont été communiquées avant que nous

11 venions dans le prétoire. Maintenant, pour ce qui est de la deuxième partie

12 de votre commentaire, je ne sais pas si c'est une question rhétorique ou si

13 c'est une question à laquelle je suis censé apporter une réponse. Mais pour

14 ce qui est de la mosquée, je ne vais pas -- je n'ai pas l'intention de

15 dépenser le temps imparti à cette fin-là.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout cela pour dire que si on aborde la destruction

17 d'une mosquée qui n'est pas dans l'acte d'accusation, ce n'est pas

18 nécessaire d'aborder la question. Donc voilà. C'est ce que je tenais à vous

19 dire.

20 LE TÉMOIN : ISMET POLJAREVIC [Reprise]

21 [Le témoin répond par l'interprète]

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, bonjour, Monsieur.

23 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

24 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est donc la dernière journée d'audience pour vous

25 et l'Accusation a 20 minutes à nouveau pour vous poser des questions et

26 ensuite, la Défense aura une heure pour contre-interroger.

27 Voilà. Monsieur Poryvaev, je vous donne la parole.

28 M. PORYVAEV : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. On vient de me

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1 dire que j'avais encore 21 minutes.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : -- pas mégotter pour une minute.

3 Interrogatoire principal par M. Poryvaev : [Suite]

4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Poljarevic.

5 R. Bonjour.

6 Q. Je voudrais que vous vous penchiez sur la pièce à conviction P 07158.

7 R. Est-ce que vous pouvez répéter le numéro, je vous prie ?

8 Q. P 07158. Il s'agit d'une liste de détenus à Jablanica et Sovici et dans

9 d'autres secteurs et prisons qui étaient censés rester à l'Heliodrom parce

10 qu'ils devaient être échangés avec les Croates de Jablanica. La liste a été

11 établie avec les personnes qui s'y trouvaient le 14 décembre 1993.

12 Monsieur le Témoin, ce que je voudrais, c'est que vous vous penchiez plutôt

13 sur la deuxième page une fois que vous aurez parcouru la première page.

14 R. Oui. Je vois que ce sont là les personnes qui ont été avec moi au camp,

15 et je vois Semir Junuzovic. C'était quelqu'un qui était mineur à l'époque

16 et qui se trouvait au camp. Je crois avoir vu d'autres mineurs, j'ai vu

17 également des personnes assez âgées des retraités, comme par exemple, Salko

18 Kukic. Je n'arrive pas à voir quel est le numéro qui se trouve face à son

19 nom.

20 Q. Est-ce que vous voyez votre propre nom, Monsieur ?

21 R. Mon nom y est.

22 Q. Quel numéro ? Vous êtes le numéro 40. Peut-être votre classeur est-il

23 trop -- peut-être cela est écrit trop serré.

24 Monsieur le Témoin, j'ai une question. Combien de Musulmans a-t-il été

25 transféré de Ljubuski en mai 1993 vers l'Heliodrom, à peu près ?

26 R. Il va falloir que vous me l'indiquiez de quel mois vous parliez ?

27 Q. Mois de mai.

28 R. Oui, la question a été celle de savoir de combien de prisonniers avait-

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1 on transféré d'où à où ?

2 Q. De Ljubuski à l'Heliodrom.

3 R. Je crois qu'il a été transféré plus de 100 personnes, à la date du 27

4 mai, de Ljubuski vers l'Heliodrom.

5 Q. Monsieur le Témoin, ce document est daté du 14 décembre, comme je vous

6 l'ai déjà dit, et exception faite des quatre personnes qui se trouvaient

7 dans d'autres municipalités on voit 51 personnes au total qui étaient

8 restées à l'Heliodrom à l'époque. Veuillez me dire ce qui suit : qu'est-il

9 arrivé au reste des détenus de Sovici à l'Heliodrom ?

10 R. Ils ont tous été transférés avec moi à l'Heliodrom, et ils étaient plus

11 nombreux que cela n'est indiqué ici. Je crois que certains ont été

12 transférés de Sovici pour faire partir d'un groupe, puis d'autres ont

13 ultérieurement fait partie d'un autre groupe pour être transférés à

14 l'Heliodrom.

15 Q. Peut-être n'avez-vous pas bien compris ma question. Je vous ai dit que

16 dans ce document il est fait état d'une cinquantaine de personnes

17 originaires de Sovici et de Doljani.

18 R. Oui.

19 Q. Ils se trouvaient en décembre 1993 à l'Heliodrom. Ma question est celle

20 de savoir : ce qui s'est passé au reste ? A savoir, aux 60 et quelque

21 personne qui ont été transférées de Ljubuski vers l'Heliodrom vers la fin

22 du mois de mai 1993 ? Savez-vous quel a été leur sort ?

23 R. Il a eu des personnes qui ont perdu la vie lorsqu'elles ont été

24 emmenées pour des travaux forcés. Certains s'étaient trouvés à l'Heliodrom

25 ainsi qu'à d'autres sites pour aller faire des travaux forcés.

26 Q. Nous allons revenir sur ce point un peu plus tard.

27 A présent, Monsieur Poljarevic, j'aimerais que nous passions à la pièce à

28 conviction P 07183.

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1 R. Oui, je l'ai.

2 Q. C'est la page 3 qui va m'intéresser. Voyez-vous les détenus de Sovici

3 page 3 ? Je vous invite à regarder la deuxième colonne à partir de la

4 droite vous verrez le nom de la municipalité.

5 R. Ferid, fils de Rasid, Perid -- excusez-moi. Falko Dzuliman [phon] au

6 numéro --

7 Q. Essayez d'être un peu plus rapide. Nous allons examiner les pages 4 et

8 5 à présent. Non, ce ne sont pas les noms en particulier qui m'intéressent.

9 R. Sovici, Zaim, fils de Fehin Helbet, au numéro 50 de Sovici.

10 Q. Est-ce que vous pouvez maintenant tourner la page 9 ? Sous la liste de

11 noms il y a eu quelques commentaires de noter sur cette page. Vous voyez

12 les commentaires ? Tout d'abord, ce qui est dactylographié.

13 Il est dit dans ces remarques que le reste des personnes de la liste ont

14 été engagées à fortifier les positions du HVO, et que c'est la raison pour

15 laquelle elles ne peuvent pas être relâchées.

16 La date du document est celle du 15 décembre 1993. Monsieur Poljarevic,

17 vous m'entendez ?

18 R. Oui, je vous entends. Qu'avez-vous demandé ?

19 Q. Les détenus qui ont été envoyés faire des travaux forcés en décembre

20 1993, était-ce bien cela ?

21 R. Oui, naturellement. Comme avant cela.

22 Q. Après le mois de janvier 1993, non, excusez-moi, décembre 1993.

23 R. Oui. De même en janvier et février, jusqu'en mars où j'ai été échangé.

24 Q. Vous personnellement, vous avez été affecté aux travaux forcés ?

25 R. Personnellement, non, je l'ai évité autant que possible et j'ai eu la

26 chance qu'on ne m'a pas choisi. J'ai été ramené de Gabela à l'étage

27 supérieur où je me suis trouvé parmi les gens qui étaient majoritairement

28 de Stolac. Ils allaient participer aux travaux forcés, et je me cachais

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1 derrière pour ne pas y aller parce que je ne souhaitais jamais y aller.

2 Q. Monsieur le Témoin, voici ma question : nous parlons de deux listes.

3 Nous avons la liste du 14 décembre, la liste du 15 décembre. A l'époque,

4 est-ce qu'on a suggéré que vous seriez relâché, suggestion -- proposition

5 lancée par la direction du camp, du camp du Heliodrom ?

6 R. Excusez-moi, de quelle période parlez-vous ?

7 Q. Décembre. C'est de décembre 1993 que nous parlons.

8 R. Oui. En décembre, j'ai figuré sur une liste destinée à l'échange.

9 Beaucoup de gens ont été échangés en décembre. Nous étions 43 qui sommes

10 restés jusqu'à la fin dans le gymnase du Heliodrom, dans la salle réservée

11 aux sports là-bas. C'est là qu'ils nous ont gardés pendant sept jours. On a

12 dû faire toutes sortes de travaux dans l'enceinte, et le 25 mai, on a été

13 transférés à Gabela.

14 Q. Ma question a été --

15 R. Excusez-moi, j'ai dit mai. C'était le 25 décembre. C'est le 25 décembre

16 qu'on m'a transféré à Gabela, avec ce groupe de 43 personnes.

17 Q. Je vous ai demandé la chose suivante : est-ce que vous aviez le choix -

18 - le choix de la destination, au moment de votre libération ?

19 R. On cherchait à envoyer les gens surtout dans les pays tiers. J'ai eu la

20 chance -- je voulais retourner à Jablanica. C'était cela mon désir. Je

21 voulais savoir qui était là, qui était en vie. Je ne voulais pas aller dans

22 un pays tiers parce que, pendant dix mois, je n'ai eu aucun contact avec

23 eux.

24 Q. Très bien. La pièce 07498 à présent, s'il vous plaît.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Concernant cette liste, cette 1 183, vous avez omis

26 de dire, dans la première page, il est indiqué que les individus dont le

27 nom est cerclé font l'objet de poursuites criminelles. Si on va à la

28 première page, par exemple, je vois que le numéro 150, Mustafa, fils d'Emir

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1 Arfadzan de Sovici, né en 1969, fait l'objet de poursuites criminelles. De

2 même, le numéro 62, Samir, fils de Hasan Arfadzan, la même chose. Ce qui

3 expliquerait qu'il y a une catégorie de personnes qui ne pouvaient pas être

4 relâchées parce qu'il y a des poursuites à leur encontre.

5 Alors, Monsieur le Témoin, saviez-vous que parmi vos camarades certains

6 faisaient l'objet de poursuites sur le plan judiciaire ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne savais pas du tout. Je n'étais au

8 courant d'aucune poursuite qui aurait été engagée.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

10 Maître Ibrisimovic.

11 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.

12 Si on examine l'original du document, page 9, on voit qu'à la fin, il y a

13 une mention manuscrite où il est dit : "On a entouré des personnes contre

14 qui on a engagé des poursuites. Mais ce n'est pas quelque chose qu'on

15 retrouve dans l'original. En fait, ce qui se trouve en anglais, on ne le

16 retrouve pas dans l'original. Je ne sais pas si la traduction comporte des

17 éléments qui provient d'un autre original ou quoi.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : La traduction en anglais, manifestement, c'est la

19 fin de la page 9 en B/C/S, qui est traduit en anglais par le premier

20 astérisque qui fait une référence à la liste avec le chiffre 369 et la

21 mention de la mosquée. Puis, les deux astérisques concernant le chiffre 359

22 et la mention manuscrite à la fin de la page est traduite en anglais.

23 Concernant les cercles autour des numéros. L'Accusation aurait dû aussi

24 nous renseigner parce qu'il y a une question que les Juges peuvent se poser

25 et ils n'ont pas de réponse. Sur le tableau, il y a des colonnes. La

26 dernière colonne, c'est service. Par exemple, il y a des individus qui vont

27 être soit transférés, affectés dans des unités, des entités, on ne sait pas

28 trop. Si vous allez à la page 5, Monsieur Poryvaev, vous verrez que les

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1 détenus émanant de Sovici, les numéros 43, 113, 108, 91, 146, il y a marqué

2 : "MUP BH". Est-ce que l'Accusation peut nous dire ce que cela signifie ?

3 J'ai constaté également qu'il y a, à la page 7, concernant quelqu'un de

4 Sovici, le numéro 151, Atif Rados. Il y a marqué : "RS MUP BH." RS MUP BH,

5 cela voudrait dire Républika Srpska. Est-ce que, Monsieur Poryvaev, vous

6 avez une explication à nous donner ?

7 M. PORYVAEV : [interprétation] La seule explication que je pourrais

8 apporter est qu'il est possible qu'il y ait eu une procédure engagée en

9 République serbe à l'époque. C'est tout ce que j'en sache. Certaines de ces

10 personnes ont pu être transférées là-bas sur la demande des autorités

11 serbes.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Alaburic.

13 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, en réalité, je crois

14 que nous souhaitons tous savoir s'il s'agit de la République serbe ou non.

15 Mais nous pensons que non, que c'est les Unités de réserve du MUP de

16 Bosnie-Herzégovine, RS.

17 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] C'est le secrétariat des Affaires

18 intérieures de la république. C'est cela l'abréviation. Ce qui est écrit à

19 la main, à la fin, on voit : "On a entouré d'un cercle les numéros de

20 personnes contre qui on a engagé des poursuites. Ce qui suit en anglais ne

21 figure pas dans l'original.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la traduction anglaise, à la page 2, vous

23 verrez la légende concernant la colonne service, et vous verrez qu'il y a

24 marqué en anglais : "RS MUP BH, Républika Srpska, MUP BH." Alors, c'est

25 peut-être une erreur de traduction. Je ne sais pas.

26 Bien. Poursuivez, Monsieur Poryvaev.

27 M. PORYVAEV : [interprétation] Je veux que M. le Témoin examine la pièce

28 07498. C'est une liste de civils et de prisonniers de guerre qui ont perdu

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1 la vie pendant les travaux. Cette liste a été adressée au bureau des

2 échanges, M. Berislav Pusic, et la date est celle du

3 6 janvier 1994.

4 Q. Monsieur le Témoin, voyez-vous des noms sur cette liste que vous

5 connaissez ?

6 R. Oui, Ismet Cilic, c'est un nom que je connais.

7 Q. D'autres noms ?

8 R. Pardon. Mustafa Tasic, Sefik Tasic, Salim Kladusak.

9 Q. Est-ce que vous connaissez dans quelles circonstances ils sont morts ?

10 R. Ils ont été emmenés faire du travail forcé sur les positions de tir de

11 Mostar, des positions de combat.

12 Q. S'il vous plaît, Monsieur le Témoin, pouvez-vous répéter ce que vous

13 avez dit l'interprète ne vous a pas entendu ?

14 R. Ils ont été emmenés faire du travail forcé sur la ligne de front à

15 Mostar. Ils y ont été emmenés de l'Heliodrom.

16 Q. Qu'est-il advenu de ces gens ?

17 R. Ils ont été tués. Hélas, ils ne sont plus en vie.

18 Q. Comment le savez-vous ?

19 R. Excusez-moi, je ne vous ai pas entendu.

20 Q. Comment le savez-vous ?

21 R. Je le sais. C'étaient mes voisins. Je sais que leurs corps ont fait

22 d'échange. Nombre de mes voisins étaient avec eux envoyés à ce travail

23 forcé et ils ont été des témoins oculaires.

24 M. PORYVAEV : [interprétation] Ma dernière pièce, P 08820.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

26 M. PORYVAEV : [interprétation]

27 Q. Monsieur le Témoin, voyez-vous ce document ?

28 R. Oui, je le vois. C'est un extrait de l'acte du décès. Il s'agit d'Ismet

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1 Cilic, de son nom et prénom.

2 Q. C'est le même Ismet Cilic qui a été mentionné dans le document

3 précédent ?

4 R. Il faut que j'examine un petit peu. Oui.

5 Q. Qu'est-ce qui vous amène à dire cela ?

6 R. C'est parce que je vois qu'il est né le 24 janvier 1953, et je connais

7 bien son âge. C'était mon voisin. Il était de quatre ans mon aîné, cela je

8 l'ai toujours su.

9 Q. Le nom de son père ?

10 R. Mustafa.

11 M. PORYVAEV : [interprétation] Monsieur le Président, j'en terminé mon

12 interrogatoire principal est terminé.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense maintenant.

14 Maître Karnavas.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

16 les Juges, Monsieur le Témoin. Nous n'avons pas de questions pour ce

17 témoin. Nous le remercions d'être venu déposer ici.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Avocat suivant. Je précise que chaque avocat

19 normalement a dix minutes.

20 Maître Nozica.

21 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai reçu cinq

22 minutes de la Défense de M. Praljak. J'en aurais pour quatre minutes.

23 Tout simplement, j'ai communiqué ma liste des pièces à la Chambre

24 hier. Une pièce a été ajoutée aujourd'hui. Vous avez deux pièces en tout.

25 Contre-interrogatoire par Mme Nozica :

26 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.

27 R. Bonjour.

28 Q. Je serais très brève. Mes questions appellent des questions très brèves

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1 également compte tenu du temps qui m'est imparti j'espère que vous

2 m'aiderez à avancer le plus vite possible.

3 R. Je vais faire de mon mieux.

4 Q. Je vous remercie. Nous avons vu votre déclaration. Vous dites dans

5 votre déclaration ce qui s'est passé à partir du 17 avril. Vous étiez où

6 dans la matinée de ce jour-là ?

7 R. Dans la maison natale, ma propre maison natale, à 8 heures du matin.

8 Q. A 8 heures, donc, c'est le moment où d'après vous le conflit a éclaté ?

9 R. Oui, donc, jusqu'à 8 heures je me suis trouvé dans ma maison.

10 Q. Je dois faire une petite pause pour que le transcript se termine pour

11 qu'il n'y ait pas de chevauchement entre ce que nous disons. Que faisiez-

12 vous au moment où le conflit a commencé ? Vous avez pris part au conflit,

13 qu'avez-vous fait à 8 heures du matin ?

14 R. Je suis sorti de ma maison et, pour l'essentiel, j'ai essayé de suivre

15 ce qui se passait. On était trois, ou plutôt quatre. On était près d'une

16 autre maison, on a tout suivi pour que ces gens mal intentionnés, méchants

17 ne viennent pas ne nous attaquent pas.

18 Q. Vous étiez membre de l'ABiH à l'époque ?

19 R. Non.

20 Q. Vous ne l'étiez pas ?

21 R. Non.

22 Q. De manière générale, vous l'avez été à un autre moment ?

23 R. Je considère que je ne l'ai pas été, parce que pendant cette période

24 dont je parle dans ma déclaration, c'était une composition conjointe de la

25 Défense territoriale. Il y avait des Croates et des Musulmans. Au tout

26 début de l'agression serbe, mais c'était au tout début très brièvement.

27 Q. Ai-je bien compris vous n'étiez pas membre de l'ABiH, vous étiez membre

28 des Unités mixtes des Musulmans de Bosnie et des Croates ?

Page 11630

1 R. Oui.

2 Q. A Sovici y avait-il une Unité de l'ABiH ?

3 R. Oui. Après c'est devenu l'ABiH. Cela s'est transformé. La Défense

4 territoriale qui avait existé ou qui avait été créée au début.

5 Q. Je voudrais entendre ce que vous savez de la situation avant le 17

6 avril 1993. A ce moment-là, d'après vous, l'ABiH existait-elle à Sovici ?

7 R. Oui.

8 Q. D'après vous, il y avait combien de membres ?

9 R. Il était facile de le savoir. Tous les membres à Sovici c'était pour la

10 plupart des Musulmans si ce n'est quelque gens de Kladusa, qui était du

11 côté du HVO jusqu'à ce que le conflit n'éclate où on les a pratiquement

12 jeté dehors. On les a chassé. Ce n'était pas beaucoup de gens, peut-être 60

13 à 70 hommes d'active.

14 Q. Vous avez pris en charge une arme pendant vous étiez dans cette armée

15 conjointe, comme vous l'appelez, et le 17 avril, vous aviez eu une arme ?

16 R. Oui, au tout début, comment dirais-je, quelque jour peut-être un mois,

17 pendant un mois, j'ai eu une arme, mais j'ai eu un différend avec le

18 commandant Ovnovic, donc, on m'a pris l'arme. Ce jour-là très précisément

19 je n'avais aucune arme à Sovici.

20 Q. D'après vous, quelles étaient les armes qu'avaient les autres membres

21 de l'ABiH à l'époque ?

22 R. Je peux vous dire que la majorité avait des fusils de chasse, des

23 fusils M-48, c'étaient d'anciens fusils, peut-être quelques pièces de fusil

24 semi-automatique, et automatique.

25 Q. D'après ce que vous avez vu de vos propres yeux, l'ABiH a-t-elle tiré

26 ce jour-là sur le HVO ?

27 R. Je ne peux pas vous dire avoir vu cela et à tirer, mais il y avait un

28 endroit où il avait un poste de contrôle, où il y avait des membres de

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1 l'ABiH là, il y avait des tirs. Mais, quant à savoir d'où provenaient ces

2 tirs, qui étaient ces attaquants, je ne sais pas. C'était trop loin pour

3 voir à l'œil nu qui était ces gens.

4 Q. Vous pouvez nous dire de quel poste de contrôle vous parlez ? Quelle

5 position ? Géographiquement, c'était quoi ? C'était quoi le nom ?

6 R. Mackovica, en direction du mont Vran.

7 Q. Matckovac ?

8 R. Non, Mackovica, M-a-c-k-o-v-i-c-a.

9 Q. Pour le compte rendu d'audience, je répète pour qu'on précise. L'ABiH,

10 est-ce qu'elle a établi des lignes la veille ou avant ? Vous étiez au

11 courant de cela ?

12 R. Je n'étais au courant d'aucune ligne établie.

13 Q. Est-ce que vous saviez Mackovica, cela englobe Duga Greda également ou

14 c'est une autre position ?

15 R. Oui, Duga Greda, cela fait partie -- c'est partie intégrante de

16 Mackovica.

17 Q. Très bien. Dites-moi, comment on vous a arrêté ? Vous étiez où quand on

18 vous a arrêté ? Vous étiez chez vous ?

19 R. Oui. Un ultimatum a été dressé par le truchement d'une femme qui avait

20 été en bas du village, entre le milieu du hameau et Brajkovici où j'étais.

21 C'était au crépuscule qu'elle m'a apporté le message me disant que je

22 devais prendre un maximum de femmes, de personnes âgées et d'enfants, de

23 les mettre à bord d'un autocar et de les amener à Jablanica, en l'espace

24 d'une heure.

25 Q. Mais d'où venait cet ordre, s'il vous plaît ?

26 R. C'était les Unités croates qui avaient ordonné cela, qui était en

27 contact avec Dzemal Ovnovic, le commandant en bas, le commandant de

28 l'armée.

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1 Q. Pour que ce soit tout à fait précis, et cette femme, que vous a-t-elle

2 dit ? Ovnovic a donné l'ordre ou le HVO a donné l'ordre ?

3 R. Le HVO a donné l'ordre à Ovnovic et c'est lui qui nous a transmis

4 l'ordre.

5 Q. Comment elle savait que le HVO a donné cet ordre à Ovnovic ? Savez-vous

6 tout ce que vous appris par la suite ?

7 R. Non, elle me l'a dit personnellement, parce que M. Ovnovic a reçu une

8 camionnette d'Ivan Rogic pour qu'il ramasse des membres de sa famille et

9 quelques voisins, pour partir de Jablanica. Quand il est arrivé et cherché

10 des membres de sa famille et ses voisins, enfin, tout ce qu'il pouvait

11 emmener à bord de la camionnette, il est parti vers le bas et la femme est

12 sortie au cours de la soirée et m'a transmis cela.

13 Q. Vous-même, vous êtes parti ? Vous avez obéi à cet ordre ? Vous avez

14 essayé de rassembler un maximum de femmes, d'enfants, de personnes âgées ?

15 R. Oui.

16 Q. Que s'est-il passé ?

17 R. Alors, toutes ces personnes qui ont été rassemblées, des personnes

18 âgées, femmes, enfants, on est arrivé à un poste au milieu du hameau près

19 de l'école élémentaire de Sovici. Là, on nous a arrêté. Il y avait un poste

20 de contrôle et nous avons été capturés, nous les hommes. On nous a emmenés

21 dans le sous-sol de la maison de Stipo Kole. Elle est -- femmes et les

22 personnes âgées ont été acheminées vers l'école immédiatement.

23 Q. Donc, par rapport à ce que vous avez vécu, par rapport à ce qu'a vécu

24 Ovnovic, apparemment, certains ont dit que les femmes et les enfants

25 devaient partir et, après, vous avez été arrêtés et on les a empêchés de

26 partir; c'est bien cela ?

27 R. Oui.

28 Q. Un document que vous avez, je suppose, 2D 00285. Avant le début de

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1 l'audience, le Procureur m'a fait savoir qu'il n'allait pas demander le

2 versement de cela. C'est votre déclaration. Je voudrais qu'on la place sur

3 le rétroprojecteur. C'est votre déclaration du

4 5 janvier 1996. Le 3 mai 1997, vous avez confirmé la teneur de cette

5 déclaration aux enquêteurs du bureau du Procureur. Vous reconnaissez la

6 déclaration ?

7 R. Oui.

8 Q. Je vais me contenter de vous présenter une seule portion de ce texte.

9 Vous en avez parlé en 1996 très brièvement. La première phrase, vous dites,

10 pendant l'attaque, vous étiez dans votre maison familiale ?

11 R. Oui.

12 Q. L'attaque a commencé à 9 heures ?

13 R. Je crois que j'ai dit à 8 heures.

14 Q. Oui, oui. Excusez-moi. C'est ce qui est -- c'est bien ce qui est écrit,

15 8 heures. Je suis en train d'essayer de lire deux pages en même temps.

16 Donc, l'attaque a commencé à 8 heures le 17 avril 1993; le voyez-vous ?

17 R. Oui.

18 Q. "Sur le champ avec des voisins, j'ai essayé d'organiser la défense de

19 nos maisons."

20 R. Oui.

21 Q. "Les soldats du HVO ont attaqué surtout de la manière la plus intense.

22 Les positions Mackovica et Duga Greda, et en même temps, sans arrêt, ils

23 pilonnaient les localités civiles. Les lignes ont été percées le même jour

24 vers 16 heures."

25 R. Oui.

26 Q. Donc, vous avez parlé de lignes qui ont été percées. Vous savez qu'il y

27 avait deux lignes ? Donc, vous avez parlé de lignes de défense.

28 R. Je les ai appelé des lignes, mais, en réalité, il s'agissait de

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1 tranchées. Il y avait deux tranchées et dans mon livre, on n'appellerait

2 pas cela une ligne de défense.

3 Q. Néanmoins, vous dites que les lignes de défense ont été percées, qu'on

4 les a traversées. Ceci est au pluriel. Donc, il existait des lignes de

5 défense, à ce moment-là ?

6 R. Ecoutez, peut-être que ceci a été mal exprimé. Je ne sais pas pourquoi

7 j'ai utilisé ce terme.

8 Q. J'ai un autre document. Le P 0 --

9 M. LE JUGE ANTONETTI : A la ligne 2, de la page 22, il y a en anglais : "In

10 my book", "dans mon livre." Vous avez écrit un livre ? Pourquoi vous dites

11 dans mon livre ? Vous pouvez m'expliquer ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas écrit de livre.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi vous dites "dans mon livre" ? Ou c'est une

14 mauvaise traduction de vos propos en B/C/S ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas remarqué cela et je n'ai rien

16 dit à propos d'un livre.

17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suppose que c'était une figure de

18 style.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

20 M. MURPHY : [interprétation] Si je puis me rendre utile. C'est une

21 expression idiomatique utilisée en anglais et on pourrait également

22 l'utiliser pour dire : "D'après ma définition." Quelquefois, on dit cela en

23 anglais. On dit : "Dans mon livre," mais il ne s'agit pas de mon livre, à

24 proprement parlé.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une dernière question. Me Nozica vous a

26 présenté le document 2D 00285 où vous expliqué que l'attaque est arrivé le

27 17 avril, que les lignes ont été percées à 4 heures, et cetera. Puis, il y

28 a une phrase après, qui nous intéresse - nous les Juges - qui n'a pas été

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1 évoquée. Vous dites ceci : "L'attaque du village a été effectuée par des

2 Unités du HVO venant de Jablanica avec des Unités de Tuta et quelques

3 Unités de Croatie." Alors, qu'est-ce qui vous a permis de dire que, lors de

4 l'attaque, il y avait trois composantes : le HVO, des Unités de Tuta et des

5 Unités de la Croatie ? Parce que c'est écrit là. Est-ce que vous pouvez me

6 préciser ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais sans doute parler du HVO et je

8 voulais parler de cette formation dans son ensemble. Mais il y avait les

9 Unités de Tuta qui faisaient partie du HVO. Voilà. Donc, c'est peut-être

10 cela l'explication. C'est la troisième composante.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : -- qui avait des Unités venant de Croatie ? Dans

12 votre esprit, cela voulait dire quoi ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, tout simplement parce que j'ai vu des

14 insignes, des insignes qui semblaient indiquer que c'était le HV sur les

15 uniformes.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous avez vu des soldats qui avaient des

17 insignes HV ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

20 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite simplement

21 signaler le fait que je vais omettre cette phrase, mais ceci est inclus

22 dans sa déclaration qui a été versée au dossier. Cela se trouve au

23 paragraphe 5, à la première page. Il parle de HVO, des Unités de Tuta et de

24 l'armée croate. Donc, je n'avais pas l'intention d'omettre cette phrase.

25 Est-ce que nous pouvons regarder la pièce maintenant P 01958 dans le

26 système électronique du prétoire ? C'est une pièce de l'Accusation. C'est

27 la pièce numéro 01958.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant que vous posez la question, je viens d'étudier

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1 ce document qui émane de l'Accusation. C'est un document; à part le cachet

2 des archives, d'où vient ce document ? Est-ce que vous vous êtes préoccupée

3 de savoir d'où venait ce document, qui a établi ce document, Maître

4 Nozica ?

5 Mme NOZICA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est la question

6 que j'allais poser au témoin. Je vais lui soumettre mon hypothèse. Je vais

7 lui dire -- je vais lui parler de la source, à mon avis, de ce document.

8 Cela se trouve au point 82, et cela, semble-t-il, est quelque chose que le

9 témoin ait dit, donc nous allons essayer d'établir cela avec le témoin.

10 Q. Je suppose que nous parlons de déclarations qui ont été recueillies par

11 vous, Monsieur, le jour, comme vous nous l'avez dit, où un monsieur

12 répondant au nom d'Azimovic gardait les registres, et vous avez été

13 interviewé par un certain homme qui s'appelait Ivan. C'est ce que vous avez

14 dit. C'était le 17 ou le 18. Est-ce que je vous ai bien compris ?

15 R. C'était le 18.

16 Q. Bien. Donc, le 18, avant de partir pour Ljubuski ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce que nous pouvons maintenant regarder, Monsieur le Témoin --

19 c'est un document qui est assez long, et l'Accusation nous l'a fourni. Il

20 manque quelques pages. Mais si dans la version croate, vous pouvez regarder

21 l'avant-dernière page, numéro 82. Ceci est votre déclaration.

22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Nozica, nous sommes dans

23 l'obscurité la plus totale. Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi il

24 s'agit ? Quel est ce document ? Je crois que c'est tout à fait injuste.

25 Vous nous soumettez un texte et vous précisez quel paragraphe le témoin

26 doit lire, et nous sommes censés savoir de quoi il s'agit. Nous n'avons

27 aucune connaissance de ce document. Nous ne savons pas de quoi il s'agit.

28 Vous dites qu'il a recueilli telle ou telle déclaration. Nous n'avons même

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1 pas la première page de ce document. Je crois que nous devrions avoir même

2 la dernière page. Nous avons toute une série de pages vierges. Vraiment,

3 c'est un document assez étrange. Je crois que vous devriez peut-être

4 éclairer notre lanterne, ou en tout cas nous aider à comprendre votre

5 contre-interrogatoire.

6 Mme NOZICA : [interprétation] Toutes ces questions devraient être posées à

7 l'Accusation, car c'est l'Accusation qui nous a fourni ce document. Ce que

8 je souhaite faire maintenant, c'est établir avec le témoin si ceci fait en

9 réalité partie de la déclaration qu'il a donnée le 18, lorsqu'il a eu son

10 entretien.

11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] De quel 18 s'agit-il ? Il y a 12, 18

12 de chaque mois -- chaque année, donc, je souhaite savoir de quel mois, de

13 quelle date il s'agit.

14 Mme NOZICA : [interprétation] Oui, le 18 avril 1993. Car le témoin, hier

15 pendant sa déposition, a dit qu'il avait donné une déclaration et que ceci

16 avait été consigné par un certain Azimovic, et qu'il a été interviewé par

17 un certain Ivan.

18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est beaucoup mieux ainsi. Merci.

19 Mme NOZICA : [interprétation]

20 Q. Monsieur, est-ce que vous avez retrouvé le point 82 ?

21 R. Oui.

22 Q. Avez-vous eu l'occasion de voir de quoi il s'agit ?

23 R. Oui.

24 Q. Au niveau du premier paragraphe, on peut voir certains de vos

25 coordonnés. Vous avez été engagé dans l'armée à partir du mois de mai. On

26 vous a remis simplement un fusil automatique. C'est Dzemal Ovnovic qui vous

27 l'a donné. Ensuite, on peut lire que vous avez eu un différend, que vous

28 avez redonné le fusil, et vous poursuivez en disant que certaines femmes

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1 vous ont transmis un ordre de Dzemal aux fins d'évacuer les femmes et les

2 enfants à Jablanica. Ensuite, vous décrivez ceci un peu plus long, vous

3 dites avoir entendu parler de l'existence d'un PAM pour la première fois

4 pendant les vacances de Bajram. Mais vous ne savez pas qui est arrivé avec

5 ce véhicule et à quel moment. Est-ce que, Monsieur, il pourrait s'agir là

6 de quelque chose que vous auriez dit le 18, lorsque la déclaration a été

7 recueillie ? Est-ce que vous avez dit quelque chose de la sorte ?

8 R. Je ne sais pas s'il s'agit de la même déclaration, la déclaration du

9 18, celle qui a été prise a l'école. Mais ils ont recueilli une déclaration

10 à Ljubuski également, à mon arrivée là-bas. Donc, je ne sais pas très bien

11 sûr quoi porte cette déclaration, laquelle c'est exactement. Tout ce que je

12 peux dire, c'est ceci : on m'a remis un fusil. A quelle date au mois de

13 mai, dites-vous ? Quelle année ?

14 Q. On peut lire ici : "La personne susmentionnée a été engagée dans l'ABiH

15 depuis le mois de mai de l'année dernière lorsqu'on lui a remis un fusil

16 automatique remis par Dzemo Ovnovic, qui était le commandant."

17 R. Oui. Cela signifie que c'est le mois de mai 1992.

18 Q. On ne peut pas lire l'année ici, mais c'est ainsi que les choses se

19 sont passées; c'est cela ?

20 R. Oui, c'est ainsi que les choses se sont passées en 1992.

21 Q. Ce qu'on peut lire dans ce document, la teneur de votre déclaration,

22 que vous ayez fait cette déclaration le 18 ou à Ljubuski qu'importe, mais

23 est-ce bien ce que vous avez dit ?

24 R. Oui. Mais je ne sais rien à propos de ce PAM, sur cette arme PAM. Je ne

25 sais rien à ce sujet.

26 Q. Vous ne vous souvenez pas d'un PAM ?

27 R. Non, je ne me souviens pas d'un PAM et je ne me souviens pas avoir

28 parlé de l'existence de ce PAM lorsque j'ai fait ma déclaration.

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1 Q. Est-ce que vous voulez bien vous reporter à la page 1, s'il vous plaît.

2 Je vais vous poser une ou deux questions -- deux ou trois questions courtes

3 là-dessus. Je souhaite vous poser des questions à propos de noms, s'il vous

4 plaît. Est-ce que nous pouvons afficher la première page, s'il vous plaît,

5 où on peut lire, au regard du numéro 1 : "Ovnovic." Est-ce que vous voyez

6 ce qu'on peut lire ? Regardez sur votre écran. Vous avez la page 4. Au

7 numéro 1, c'est Ovnovic, qui a fait une déclaration, et dans la

8 déclaration, on peut lire que c'était un membre de l'ABiH à Jablanica, que

9 le bataillon de l'armée qui se trouvait à Sovici comprenait 120 soldats, et

10 que plus tard, ils y ont rajouté Doljani, ce qui comprenait, à ce moment-

11 là, 168 soldats.

12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est un peu confus encore, et je

13 souhaite préciser quelque chose. Le témoin a dit, à deux reprises, qu'il

14 avait été interrogé par le HVO. Il a déclaré comment ceci s'est passé. Il

15 était sans cesse passé à tabac. Il était dans une posture extrêmement

16 inconfortable. Je crois que d'après la convention contre la torture de

17 1985, une telle déclaration ne devrait pas être versée au dossier et nous

18 ne devrions entendre aucun mot à ce sujet. Je ne sais pas ce que vous avez

19 à ajouter à cela.

20 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Juge, la déclaration de ce

21 témoin, qui a été fournie, qui fait partie de ce recueil de documents,

22 n'est pas contesté. Nous avons reçu toute une série de documents de la part

23 de l'Accusation. Si nous avions eu le temps, nous aurions pu établir avec

24 le témoin à quel moment cette déclaration a été faite. Car nous avons ici,

25 au total -- je suis d'accord pour dire que ce document est incomplet. Mais

26 il y a 86 personnes nommées ici. Si nous avions le temps, nous pourrions

27 passer en revue tous les noms, ce qui nous permettrait d'établir si oui ou

28 non ces personnes ont été interrogées le 18 avril 1993. En ce qui me

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1 concerne, c'était très important pour moi d'établir si, oui ou non, ce

2 témoin a fait ce type de déclaration. Ici, dans le document, on peut voir

3 qu'il y a également une liste d'armes qui étaient en possession de chaque

4 personne de particulier ce jour-là, le jour où le conflit a éclaté à Sovici

5 ce jour-là. Je souhaitais passer en revue ceci avec le témoin, les noms qui

6 sont cités ici dans ce document pour savoir si le témoin connaît ces

7 personnes et si ce type d'armes existait à Sovici. Je suis tout à fait

8 d'accord avec ce que vous venez de dire. Sa déclaration a été présentée au

9 témoin simplement pour qu'il puisse la reconnaître. Il ne s'agissait pas du

10 tout d'utiliser cette déclaration contre lui. Il s'agissait simplement de

11 reconnaître cette déclaration et d'établir un certain nombre de faits qui

12 ont été évoqués dans ce document.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : -- à mon avis, vous avez certainement dû épuiser les

14 15 minutes, alors pouvez-vous, par une question générale, faire ressortir

15 le message que vous adressez aux Juges, que je crois comprendre, mais

16 posez-lui la question, puis on enregistrera sa réponse. Je devine ce que

17 vous vouliez établir.

18 Mme NOZICA : [interprétation]

19 Q. Monsieur, je vais vous poser cette question, étant donné que je n'ai

20 pas le temps de parcourir l'ensemble du document, au point 4, nous avons le

21 nom de Nijaz Kladusa. Est-ce que vous connaissez ce nom ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que c'est quelqu'un de votre village ?

24 R. Oui, et le nom de son père est Momir.

25 Q. Oui. Maintenant, regardez le numéro 26, Kukic, Omer, le fils de Safet.

26 Est-ce que vous connaissez ce nom-là ? Est-ce que cela vous est familier ?

27 M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous avez déjà 18 minutes. Vous deviez avoir 10

28 minutes plus cinq minutes, 15 minutes. Vous avez déjà dépassé de trois

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1 minutes. Vous n'allez pas repasser le numéro 26, le numéro 4, et cetera.

2 Posez-lui votre question, puis il va répondre. J'ai lu le document. J'ai lu

3 les 86, les déclarations. Pour moi, je suis parfaitement informé de la

4 teneur du document. Posez-lui la question.

5 Mme NOZICA : [interprétation]

6 Q. Monsieur, ces noms, et j'en ai trouvé deux, et je souhaitais vous poser

7 une question à propos d'un troisième nom. Quoi qu'il en soit, on dit ici

8 qu'il y avait beaucoup plus d'armes et quasiment toute personne qui a fait

9 une déclaration était en possession d'une arme, quasiment chaque personne

10 qui est citée dans ce document. Est-ce que vous aviez connaissance de cela

11 au moment où ceci est arrivé, ou est-ce que vous ne saviez rien à ce sujet,

12 de la façon dont l'Unité à Sovici avait été armée ?

13 R. Je savais avec certitude que cette unité était très mal équipée et

14 disposait de très peu d'armes. Il y a des gens qui n'avaient pas d'armes du

15 tout, et je connaissais ces gens.

16 Q. J'ai déjà dépassé mon temps et je ne peux pas vous poser une autre

17 question, mais il s'agit d'une question très importante, et je suis sûre

18 que les autres avocats de la Défense vont reprendre cette question-là.

19 Merci.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, votre camarade, Arfadzan Senad,

21 qui est le numéro 70 de ce document, dit ceci : Le bataillon avait deux M-

22 53, cinq à six M-48, quatre à cinq PAP, six

23 M-72, deux 82 mortiers de 82 millimètres avec 40 obus, et cetera. Voilà ce

24 que disent vos camarades. La Défense vous demande est-ce que vos camarades

25 étaient armés ou pas et vous dites : Non, ils étaient faiblement armés.

26 Alors, qu'est-ce que vous dites ? Faiblement, bien armés, pas du tout

27 armés, moyennement armés ? Comment vous qualifiez l'armement de cette unité

28 qui était présente ? C'est indiscutable à partir de tous les 86

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1 témoignages. Il y avait au moins déjà deux mortiers de 82 millimètres.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais qu'ils ont dit qu'ils ont disposé

3 d'un. Je n'ai jamais entendu parler du second avant aujourd'hui. A savoir

4 de combien de pièces ils disposaient, à savoir s'ils étaient bien armés ou

5 faiblement armés ou moyennement armés, je ne suis pas un expert, je ne peux

6 pas vous le dire. Je ne peux pas vous dire de quel type de fusils ils

7 disposaient et de combien de fusils il y avait par membre de chaque unité.

8 Je ne sais pas ce qu'on peut estimer comme étant moyennement armés ou bien

9 armés.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : -- un RPG. C'est ce que dit votre camarade. Bon. On

11 va en rester là.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le savais pas.

13 Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :

14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je vous demande de bien

15 vouloir regarder un document. Vous avez reçu un jeu de documents que je

16 vous ai donné.

17 Mme ALABURIC : [interprétation] Maintenant, est-ce que nous pouvons le

18 placer à l'écran, puisqu'il est dans le système électronique du prétoire.

19 C'est la pièce P 01979. P 01979. C'était un document qui émanait de la

20 police judiciaire -- non, et on peut y lire, et en pièces jointes il y a

21 une liste de personnes qui avaient participé à la guerre contre le HVO dans

22 le village de Sovici, Doljani, et autres, et il s'agit de courtes

23 déclarations ici.

24 Q. Est-ce que vous avez retrouvé ce document, Monsieur le Témoin ?

25 R. Est-ce que j'ai déjà vu cette déclaration ? C'est cela votre question ?

26 Q. J'entends, est-ce que vous avez pu retrouver le document et lire ce

27 qu'on peut lire en haut du document ?

28 On peut lire qu'en annexe ou en pièces jointes il y a une liste de

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1 personnes et les courtes déclarations correspondantes. Je souhaite

2 simplement attirer l'attention de la Chambre sur le fait qu'il s'agit de

3 déclarations qui ont été citées par ma consoeur, Me Senka Nozica, et qu'en

4 fait il s'agit de deux documents qui font partie d'un seul et même

5 document.

6 A savoir s'ils sont distincts ou pas, je souhaite simplement indiquer

7 différentes choses.

8 Monsieur le Témoin, ce qui m'intéresse ici : on précise dans ce

9 document qu'il y avait 53 personnes qui étaient en fuite, 85 qui ont été

10 interrogés, ce qui correspond à peu près à moins de 140 personnes. Vous

11 avez dit que dans l'ABiH à Sovici à l'époque il y avait 60 à 70 hommes.

12 R. Oui.

13 Q. Pourquoi il y a un tel décalage entre les chiffres ?

14 R. Je ne peux pas vous l'expliquer. Si quelqu'un d'autre peut le

15 faire, qu'ils le fassent. Ils peuvent nous expliquer combien de personnes

16 il y avait à l'époque et combien de personnes vivaient à Sovici à l'époque.

17 A ce moment-là, vous pourriez arriver à un chiffre juste.

18 Q. Fort bien. Regardez maintenant le document suivant, s'il vous

19 plaît, celui que vous avez dans votre série de documents.

20 Mme ALABURIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons l'avoir dans le

21 système électronique, s'il vous plaît. Il s'agit de la pièce 4D 00472.

22 C'est un document qui émane du 4e Bataillon, qui se trouvait à Sovici.

23 Q. Quel était le nom de l'Unité de l'ABiH ? Est-ce bien le 4e Bataillon ?

24 R. Oui, je crois que c'était bien le 4e Bataillon.

25 Q. Est-ce que c'était le 4e Bataillon de la 44e Brigade de Montagne ?

26 R. Oui, je suppose.

27 Q. Cela faisait partie du 4e Corps ?

28 R. Oui.

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1 Q. Il n'y avait pas de forces locales sporadiques, mais ces forces avaient

2 été intégrées aux brigades de l'ABiH; est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. La liste que vous avez sous les yeux n'est pas datée, mais il s'agit

5 d'une liste des émoluments reçus, ou des salaires, plutôt, et il y a 156

6 personnes qui figurent sur cette liste. Il en découle que 156 personnes

7 avaient un butin de salaire et cela faisait partie de la masse salariale et

8 ils ont reçu un certain salaire en tant que soldats de l'ABiH.

9 Dans cette colonne, vous verrez quelles sont leurs responsabilités.

10 Il y a des fusils, ceux qui portaient des fusils, ceux qui étaient --

11 portaient des mitraillettes, et cetera, sur cette liste. Est-ce qu'il y a

12 des noms que vous connaissez ? Est-ce qu'il s'agissait d'habitants de

13 Sovici ?

14 R. D'après ce que je vois, il y avait des habitants de Doljani également,

15 pas seulement Sovici, mais Doljani aussi.

16 Q. Très bien. Sovici et Doljani. Donc, pour ce qui est du numéro 1, nous

17 avons ici le nom du commandant du bataillon, c'est exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Ensuite, il y a des assistants, des adjoints, et cetera. Est-ce que

20 vous connaissez ces gens-là ?

21 R. Oui.

22 Q. Merci. Bien. Maintenant, j'aimerais -- Un instant, s'il vous plaît.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : -- effectivement, la liste des membres du 4e

24 Bataillon dit de Sovici, les deux dernières colonnes, l'avant-dernière

25 colonne, c'est le montant des émoluments. Il y a un tiret, donc, on ne sait

26 pas quel était le montant. La colonne numéro 6, c'est la signature, et il

27 n'y a aucune signature sur ce document.

28 Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, puis-je vous fournir

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1 une explication ? A mon sens, c'est la seule explication logique. La

2 signature voudrait dire que le salaire qui a été versé a effectivement été

3 reçu et donc, si la colonne est vide, cela signifie que les personnes n'ont

4 pas reçu quelque chose et n'ont pas accusé réception de ce salaire.

5 C'est un document très important à cause du nombre de personnes qui

6 faisaient partie de la masse salariale ici. Donc, ceci correspond

7 exactement à ce que nous pouvons constater dans le document qui a été

8 présenté par Me Nozica au point 1, où on peut lire que le commandant du

9 bataillon nous a donné le chiffre total et je le cite : "Le bataillon, qui

10 venait de Sovici, comprenait 120 soldats et, plus tard, ont été ajoutés les

11 hommes de Doljani. Donc, ceci représentait un total 168 soldats. Le général

12 était aux commandes, commandant Dzemal était aux commandes."

13 Donc, cette citation était celle d'un document qui a été présenté par mon

14 collègue, P 01958.

15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ecoutez, j'ai une courte question à

16 poser au témoin.

17 Est-ce que vous avez votre nom -- votre propre nom sur cette liste,

18 Monsieur le Témoin ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je n'ai pas regardé tous les noms,

20 mais si quelqu'un retrouve mon nom, j'aimerais bien le voir. Je n'ai pas

21 reçu d'argent, je n'ai pas reçu de salaire moi-même.

22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne l'ai pas trouvé non plus, mais

23 je souhaitais simplement que vous le confirmiez. Merci beaucoup.

24 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, je souhaite

25 simplement vous rappeler que le témoin nous a dit qu'il n'était pas membre

26 de l'ABiH.

27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je le sais, mais je n'étais pas

28 certain -- je n'étais pas sûr que vous alliez le croire.

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1 Mme ALABURIC : [interprétation] Etant donné que je n'ai pas retrouvé son

2 nom sur la liste, bon, je le crois.

3 Q. Donc, Monsieur le Témoin, je souhaite maintenant aborder avec vous la

4 question de votre déclaration, celle que vous avez faite -- déposée au

5 centre de Sécurité de Konjic en 1996, document qui vous a été montré par ma

6 consoeur, Me Nozica. Il s'agit du document

7 2D 00285. Si vous souhaitez revoir ce document, ceci fait partie du jeu de

8 documents que Me Nozica vous a remis.

9 Vous nous avez dit que l'attaque a commencé le 17 avril 1993, à 8 heures du

10 matin.

11 R. Oui.

12 Q. Donc, on vous a lu une phrase, une phrase extraite de votre déclaration

13 et nous n'avons pas pu en parler. Donc, en compagnie de vos voisins, vous

14 avez commencé à organiser la Défense de vos foyers, de vos maisons, tout de

15 suite. Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez fait cela, comment

16 vous avez organisé la Défense et qu'est-ce que vous avez fait

17 personnellement à cet égard ?

18 R. Dans le sens où nous sommes sortis devant chez nous, il y avait, à 50 à

19 100 mètres de nos maisons, nous avions une meilleure visibilité. On pouvait

20 regarder de part et d'autre et on pouvait mieux voir ce qui se passait,

21 pour voir si quelqu'un ne s'approchait pas de nos maisons ou en train de

22 faire du mal à nos familles. C'est comme cela que nous avons assuré la

23 défense de nos maisons.

24 Q. Donc, en fait, vous partez en reconnaissance; c'est cela ?

25 R. Ecoutez, si vous pensez que partir en reconnaissance, c'est un système

26 de défense, à ce moment-là, oui, c'est ce que nous faisions.

27 Q. Quoi d'autre ? Si vous deviez voir l'ennemi approcher, qu'est-ce que

28 vous auriez fait ? Quel type de défense auriez-vous organisée ?

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1 R. Ecoutez, je ne sais pas. Nous espérions que ce genre d'incidents ne se

2 produise pas. Je ne sais pas ce que nous aurions fait. Nous n'y avons

3 jamais vraiment réfléchi.

4 Q. Donc, vous étiez en haut du village, n'est-ce pas, dans la partie haute

5 de la Mahala ?

6 R. Oui.

7 Q. Donc, il y a là le milieu de la Mahala, le haut et la partie basse de

8 la Mahala, n'est-ce pas, là où vous habitiez ?

9 R. Oui.

10 Q. Quelle distance y a-t-il entre la partie supérieure de la Mahala, la

11 partie moyenne et la partie basse ?

12 R. Il y avait trois Mahala à Sovici, dans le village. Ces Mahala étaient

13 proches les uns des autres et proches des hameaux voisins. Donc, la Mahala

14 du milieu se trouvait à 100, à 150 mètres de Brajkovici, du hameau. En tout

15 cas, si les maisons de part et d'autre étaient proches de l'autre.

16 Alors que Cilici était un hameau qui était un hameau mixte. Il y

17 avait des Croates et des Musulmans.

18 Q. Quelle distance y avait-il du centre de la Mahala d'en haut, par

19 rapport au centre de la Mahala du milieu, le centre de la Mahala du bas ?

20 R. Peut-être 200 mètres entre les différents centres des différentes

21 Mahala. Le haut et la Mahala du milieu et de la Mahala du milieu, la Mahala

22 du bas, c'était peut-être un kilomètre, peut-être un peu plus.

23 Q. Donc, c'est à peu près jusqu'à 16 heures de l'après-midi que vous avez

24 observé ?

25 R. Oui.

26 Q. A ce moment-là, la ligne de défense a été percée ?

27 R. Oui.

28 Q. Dans quelle partie de Sovici on l'a percée ?

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1 R. C'est ce que je viens de dire. C'est l'endroit de Mackovica et Duga

2 Greda. J'ai déjà mentionné cet endroit. Vous voulez savoir les distances ?

3 Q. Oui. La distance et est-ce que c'est plus près du haut ou du bas du

4 hameau ?

5 R. C'est le haut du hameau de la Mahala. Je dirais à trois kilomètres de

6 distance.

7 Q. A 16 heures, on a percé la ligne défense. Il faisait déjà nuit; c'est

8 cela ?

9 R. Très vite, la nuit est tombée.

10 Q. D'accord. Alors quelle était la visibilité ? Comment est-ce que vous

11 vous déplaciez ? Vous aviez de l'éclairage ? Il y avait le clair de lune ?

12 R. Mais on sait comment est un village sans électricité. Vous pouvez

13 l'imaginer.

14 Q. Je peux vous dire l'image que j'ai moi, à l'esprit, à savoir cela fait

15 la nuit noire.

16 R. Je pense que c'était une journée plutôt claire. On ne peut pas dire

17 qu'il était impossible de se déplacer, au moment de la tombée de la nuit,

18 quand on ne pouvait plus se déplacer à pied.

19 Q. D'accord. Mais comment est-ce que vous avez appris que ligne défense

20 était tombée ?

21 R. Duga Greda, tout simplement. J'ai entendu des chants et la célébration

22 des Unités croates, donc, le HVO qui s'est trouvé à Duga Greda. Avant, les

23 tirs s'étaient arrêtés. Ensuite, on a entendu leurs chants, la célébration

24 et des tirs, coups de feu en l'air.

25 Q. C'est à une distance de trois kilomètres, à peu près ?

26 R. Oui, à peu près.

27 Q. Vous avez vu l'un quelconque de ces soldats ? Vous les avez vus entrer

28 dans Sovici avant que cette dame n'arrive, qui vous a transmis le message,

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1 disant qu'il fallait que vous rassemblez les gens, que vous partiez pour

2 Jablanica ?

3 R. Mais ces soldats, je ne peux pas savoir qui était là, ni quand ils sont

4 arrivés, ni d'où ils sont arrivés. Il y avait des soldats en amont de

5 Brajkovici, dans ce petit hameau, à 100 mètres de ces maisons, 150 mètres,

6 tout au plus. Là, je les ai vus, mais je ne peux pas affirmer juste avant

7 que la nuit ne tombe, je n'ai pas pu les distinguer à l'œil nu. Donc je ne

8 peux pas vous affirmer rien au sujet de l'identité de ces gens.

9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, je ne voudrais pas

10 qu'il soit de malentendu.

11 Monsieur le Témoin, vous étiez en train de dire que vous avez entendu

12 des chants à trois kilomètres de distance.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Alors, vous entendez bien mieux que

15 moi.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est possible à l'époque. Peut-être que c'est

17 plus vrai aujourd'hui.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur, je voudrais que vous me donniez

19 votre point de vue sur les événements qui se sont déroulés à Sovici et qui

20 ont été constatés par d'autres Juges dans la Chambre Naletilic. Voilà ce

21 qui est dit et j'aimerais, comme vous étiez présent, nous dire si c'est

22 vrai ou il y a des erreurs. Cela va être très bref.

23 Le HVO a commencé a bombardé le village en début de matinée le 17

24 avril 1993. Les tirs provenaient du secteur de Risovac. Au sud de Sovici le

25 HVO a continué à bombarder Sovici sans interruption jusqu'à 17 heures

26 environ le 17 avril 1993. Les tirs d'artillerie ont détruit le haut du

27 village de Sovici et quelques maisons. L'ABiH a riposté. Vers 17 heures, le

28 chef des forces musulmanes de Sovici, Dzemal Ovnovic s'est rendu, Ovnovic

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1 avait sous ses ordres quelque 170 soldats qui appartenaient au 4e Corps de

2 l'ABiH -- entre 70 à 75 soldats de l'ABiH se sont rendus bien que leur chef

3 se soit rendu. Certains soldats de l'ABiH ont néanmoins refusé de déposer

4 les armes et se sont enfuis dans les collines et les bois où se sont cachés

5 dans les maisons, et ont continué à tirer.

6 Bien. Est-ce que ce que je viens de vous lire correspond

7 à ce que vous aviez vécu sur place ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que cela ne correspond pas.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Cela ne correspond pas. Alors, cela ne correspond

10 pas sur quels points ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne correspond aux événements qui ont eu

12 lieu et ce que j'ai observé et ce que j'ai déclaré.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, en quoi précisément ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Il faudrait -- c'est un peu --

15 enfin j'ai entendu pas mal de texte. Je me suis un petit peu perdu

16 maintenant. Je ne sais pas ce qu'il faut --

17 M. LE JUGE ANTONETTI : -- deux mots. D'après ce qui a été dit par d'autres,

18 le combat a duré au moins jusqu'à 17 heures et l'ABiH s'est défendue

19 jusqu'à 17 heures. Est-ce que vous êtes d'accord ou pas avec cela ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas d'accord.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous êtes d'accord sur le fait que le

22 chef Dzemal Ovnovic s'est rendu aux environs de 17 heures ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est avant qu'il s'est rendu.

24 Avant 5 heures.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : -- le troisième point, il y en a qui ne se sont pas

26 rendus et ils se sont enfuis. C'est vrai ou c'est faux ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

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1 Maître Alaburic, vous avez presque terminé votre temps, alors terminez vite

2 par une question.

3 Allez-y.

4 Mme ALABURIC : [interprétation] Je viens de recevoir cinq minutes de la

5 Défense du général Praljak.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Alors, on va essayer d'aller jusqu'à 4 heures

7 et on arrêtera parce qu'on aura fait presque une heure 45 "non stop".

8 Mme ALABURIC : [interprétation]

9 Q. Monsieur le Témoin, revenons maintenant à notre obscurité à 16 heures,

10 le 17 avril 1993. C'était la nuit noire. Vous avez vu, entendu à une grande

11 distance des militaires. Je souhaitais vous pose la question suivante : à

12 ce moment-là, en réalité, vous n'avez --

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges, on n'est pas d'accord avec votre constat.

14 Il serait fort étonnant qu'au mois d'avril, le 17 avril, il fasse à 17

15 heures nuit noire. C'est impossible. Le 17 décembre, oui, pas le 17 avril.

16 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, cette appréciation

17 ne vient pas de moi. C'était véritablement la réponse du témoin lorsque je

18 lui ai demandé s'il faisait noir il m'a répondu. Je lui ai demandé : "Est-

19 ce qu'il y avait du courant dans le village ?"

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Il a dit que : "La journée était claire." C'est ce

21 que je me souviens. Il n'y a pas dit -- reposez-lui la question. Si cela a

22 un intérêt, mais a priori, je ne vois pas quel est l'intérêt.

23 Mme ALABURIC : [interprétation]

24 Q. Monsieur le Témoin, dites-nous, s'il vous plaît, au moment où on a

25 percé les lignes de défense de Sovici, est-ce qu'il faisait noir ?

26 R. Non.

27 Q. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi maintenant vous dites qu'il ne

28 faisait pas noir alors qu'à l'instant vous avez dit que c'était la nuit ?

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1 R. Je pense que je ne me suis pas exprimé ainsi ou je n'ai pas bien

2 compris la question sans doute donc j'ai pensé à un moment ultérieur plus

3 tard.

4 Q. Dans votre déclaration de 1996 vous parliez de la soirée, des heures de

5 la soirée lorsque vous avez décrit ces événements, le départ, le transfert,

6 votre reddition au HVO. Vous avez parlé des heures de la soirée. Alors,

7 dites-nous pourquoi avez-vous parlé de la soirée si vous pensez que c'était

8 le jour ?

9 R. Pourquoi la reddition, le rassemblement des gens, des enfants, femmes,

10 enfants, personnes âgées, cela s'est passé au moment où il faisait noir. Je

11 ne peux pas vous dire à quelle heure cela a eu lieu ce rassemblement. J'ai

12 dit jusqu'à 16 heures on voyait. Je suis certain qu'on voyait bien jusqu'à

13 16 heures.

14 Q. Pouvez-vous nous dire si c'était de jour, ou si c'était déjà la nuit au

15 moment où vous avez entendu les militaires du HVO célébrer ou se réjouir ?

16 R. C'était encore de jour, on pouvait encore voir.

17 Q. Lorsque vous dites : "On pouvait encore voir," vous voulez préciser,

18 s'il vous plaît, qu'est-ce que cela veut dire ? Il y a une grande

19 différence entre la journée, le crépuscule et la nuit, l'obscurité.

20 R. On voyait nettement les silhouettes des gens.

21 Q. Les silhouettes des gens ?

22 R. Oui.

23 Q. Lorsque vous dites : "Les silhouettes," est-ce que cela veut dire que

24 vous ne pouviez pas distinguer les détails sur la personne que vous voyez ?

25 R. Naturellement, je ne pouvais pas voir à l'œil nu. Je n'avais pas

26 d'instrument pour mieux voir.

27 Q. Dans cette situation étiez-vous en mesure de voir un badge, emblème,

28 insigne, quoi que ce soit de ce genre sur les militaires du HVO ?

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1 R. A Godurada [phon].

2 Q. Oui, à ce moment-là. Lorsque cela a eu lieu.

3 R. A cette distance je n'ai pas pu le voir.

4 Q. Suis-je en droit d'en déduire qu'à ce moment-là vous n'avez pas vu

5 parce que vous ne pouviez pas voir qui que ce soit avec l'insigne de

6 l'armée croate ?

7 R. Oui, c'est vrai pour ce moment-là, mais à un autre moment j'en ai vu.

8 Q. On y viendra, on y viendra. A cette distance vous n'avez rien vu. A 16

9 heures il y a eu la reddition, les femmes et les enfants ont été emmenés.

10 R. C'était après 16 heures et il faisait déjà nuit.

11 Q. C'était déjà quand la nuit est tombée ?

12 R. Oui, c'était après 16 heures.

13 Q. Une femme vous apporte un message. Elle vous dit de rassembler les

14 femmes et enfants de les emmener à Jablanica et à ce moment-là c'était de

15 nuit ou le jour ?

16 R. Non, il faisait déjà noir et on pouvait se déplacer plus librement.

17 Q. A ce moment-là vous avez rassemblé des gens, vous avez essayé de les

18 emmener à Jablanica et au milieu du hameau on vous a arrêté.

19 R. Oui.

20 Q. Dites-nous, s'il vous plaît, combien de soldats vous ont arrêté ?

21 R. Je peux dire qu'il y en avait pas mal, peut-être près de 50 militaires.

22 Q. Dites-nous, cette rencontre a duré combien de temps avec ces

23 militaires, avant qu'on vous emmène dans un bâtiment dans ce village ?

24 R. Cela a duré quelques minutes, le temps qu'ils me poussent dans la cave

25 de cette maison.

26 Q. A ce moment-là, vous avez pu observer les uniformes de ces militaires ?

27 Vous avez remarqué quelque chose, distingué quelque chose de

28 caractéristique, reconnu quelqu'un ?

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1 R. Je ne peux pas vous affirmer à quel moment je l'ai remarqué. Je ne sais

2 pas si c'était ce soir-là ou le lendemain.

3 Q. Mais quoi ?

4 R. Ces insignes dont vous parlez. C'était de nuit quand on m'a poussé là-

5 bas. Si, par exemple, une voiture arrivait avec des phares allumées, on

6 pouvait distinguer tel ou tel insigne. Mais on ne pouvait pas vraiment voir

7 beaucoup parce que c'était de nuit.

8 Q. Très bien, Monsieur le Témoin. Je comprends parfaitement. Je ne vais

9 plus vous poser de questions là-dessus. Vous avez dit que l'attaque sur

10 Sovici a été menée par des Unités du HVO de Jablanica. Mais vous vouliez

11 parler de l'unité, proprement dite, du HVO de Jablanica ou autre chose ?

12 R. J'ai pensé aux Unités de la municipalité de Jablanica qui s'étaient

13 redéployées quelques jours avant et qui s'étaient regroupées à Sovici et à

14 Doljani.

15 Q. Est-ce que vous savez, s'il vous plaît, qu'en tout les effectifs du HVO

16 de Jablanica étaient autour de 350 hommes ?

17 R. Je ne sais pas.

18 Q. Savez-vous que les Unités de l'ABiH à l'époque, dans ce même secteur,

19 comptaient 2 500 hommes à peu près ?

20 R. Mais cela n'est pas possible.

21 Q. Dans ce prétoire, le premier homme de la défense de Jablanica du côté

22 de l'ABiH l'a affirmé.

23 R. Donc, cela fait un million d'hommes par rapport à 100 ?

24 Q. Vous avez dit que votre épouse vous avait informé que quand elle est

25 partie, vers le 21 d'après ce que j'ai compris, qu'il y a eu des incendies

26 de Sovici; est-ce bien vrai ?

27 R. Le départ de Sovici ou de la maison ? Qu'est-ce qui vous intéresse ?

28 Q. Votre épouse est partie de Sovici et elle a dit qu'elle a vu l'incendie

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1 des maisons; c'est bien cela ?

2 R. Je pense qu'elle a dit qu'elle a été forcée de sortir de la maison et

3 qu'à ce moment-là elle l'a vu.

4 Q. C'est à ce moment-là qu'elle l'a vu ?

5 R. Si on l'a fait sortir de la maison vers l'école et non pas de Sovici,

6 pour se rendre dans une autre localité.

7 Q. Non, ce n'est pas la même chose qui figure dans vos déclarations, mais

8 on n'a pas le temps.

9 R. Je ne pense pas qu'il devrait y avoir de différend.

10 Q. Après la pause, on peut y revenir.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites après la pause on peut revenir. Cela

12 dépendra du temps qui vous reste. Je vais demander à M. le Greffier qu'il

13 fasse le total. Nous reprenons exactement dans 20 minutes.

14 --- L'audience est suspendue à 16 heures 04.

15 --- L'audience est reprise à 16 heures 24.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, on va passer à un autre avocat. Maître

17 Alaburic a eu 21 minutes. Oui ?

18 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Contre-interrogatoire par Mme Tomasegovic Tomic :

20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je reviens à une partie de votre

21 déposition d'hier, lorsque vous avez parlé d'Andrija Groznica. Vous l'avez

22 mentionné au sujet du véhicule qui vous a été pris, vous vous en souvenez ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous avez dit, hier, que d'après vous, c'était un policier militaire,

25 cet homme. De la manière dont j'ai interprété votre déclaration, vous y

26 êtes arrivé sur la base d'un document qui vous a été présenté précédemment

27 par le Procureur et aussi parce que cet homme portait un uniforme de

28 camouflage; c'est bien cela ?

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1 R. Il n'y a pas que cela. Il y avait le document et puis il y avait

2 d'autres personnes qui ont dit : "J'ai entendu dire qu'il était --"

3 Q. Qu'il était policier militaire ?

4 R. Oui.

5 Q. C'est un document qui est utilisé par le Procureur hier, P 02131. Je ne

6 pensais pas qu'on allait en avoir besoin, mais est-ce qu'on pourrait le

7 retirer et l'afficher ? P 02131.

8 Monsieur, c'est un document du poste de police de Jablanica. Il s'agit du

9 MUP de Jablanica et c'est un document de la police civile donc. Il est

10 question dans ce document de l'engagement des policiers civils qui ont été

11 versés dans les Unités du HVO. En tant que policier civile, on voit ici

12 mention faite d'Andrija Groznica, puis, quelques lignes plus loin, on voit

13 le nom de famille Azimovic, que nous avons entendu à plusieurs reprises

14 aujourd'hui également. C'est signé par Ivan Rogic, qui était le chef du

15 poste de police, commandant du poste de police. Alors, à l'examen de ce

16 document, vous admettez que vous avez pu commettre une erreur en disant

17 qu'Andrija Groznica était un policier militaire ?

18 R. Je ne pense pas avoir fait une erreur. Il y avait deux Andrija

19 Groznica.

20 Q. Donc, il y en avait deux. Ce n'est pas celui qui figure dans ce

21 document ?

22 R. Celui dont vous parlez n'est pas celui-ci.

23 Q. Donc, ce n'est pas le même.

24 R. Non.

25 Q. Très bien. Alors qu'est-ce qui s'est passé à la faculté du génie

26 mécanique ? Parlons de cela. Hier, dans votre témoignage, et je reviens à

27 la période où vous avez été maltraité à cette faculté, vous avez dit qu'on

28 vous a battu. Alors vous avez été battu par la police militaire et par

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1 toute personne qui pouvait rentrer dans le bâtiment de la faculté de

2 mécanique où il y avait le MUP ?

3 R. Oui.

4 Q. Je me permets d'attirer votre attention sur votre déclaration,

5 déclaration versée au dossier par le Procureur du 3 mai 1997, version

6 anglaise page 5, paragraphe 3. Je précise à l'attention des Juges. Je lirai

7 ce que vous avez dit. Vous avez dit la chose suivante : "Les soldats du HVO

8 nous ont pris nos pièces d'identité et nos renseignements personnels et

9 nous ont emmenés dans la cave. Dans la cave, dans le sous-sol, nous avons

10 trouvé un homme qui avait peur de nous. Après notre arrivée dans cette

11 cave, ils ont emmené d'autres Musulmans. Le lendemain, on n'a reçu

12 absolument pas de nourriture et on a été forcé à chanter. Moi, et d'autres

13 Musulmans, on a été passé à tabac, gravement. Au cours des deux nuits qui

14 ont suivi, on nous a forcé à nous allonger par terre et par conséquent, on

15 ne pouvait pas voir les soldats."

16 R. Oui.

17 Q. Je vais vous lire les corrections apportées à votre déclaration, donc,

18 le 11 décembre 2006, vous avez apporté ces corrections. Au point 7, vous

19 dites : "Au poste du MUP de Mostar, j'ai été passé à tabac par des membres

20 de la police militaire qui m'ont battu avec des matraques. Les personnes

21 qui l'ont battu portaient les uniformes de la police militaire du HVO."

22 R. On parle de quel genre de matraques ?

23 Q. On parle de "mât de drapeau".

24 R. Oui.

25 Q. Vous dites que la police militaire et ceux qui pouvaient entrer vous

26 ont battu. Puis, vous avez dit que puisque vous aviez le visage tourné vers

27 le sol, vous ne pouviez pas les voir. Puis, la troisième déclaration dit

28 que c'est seulement la police militaire qui vous a battu.

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1 Dites-moi : où est la vérité ?

2 R. Toutes ces déclarations, en vérité, sont exactes parce qu'ils m'ont

3 tous battu, et nombreux sont ceux qui m'ont asséné beaucoup de coups. Dans

4 la majorité des cas, je ne pouvais pas les voir parce qu'on était obligé de

5 se mettre dans une position qui ne nous le permettait pas. Mais là où j'ai

6 été battu avec cet objet qui fait partie d'un drapeau, je n'ai pas eu le

7 temps de m'allonger par terre à temps. J'étais pendant quelque temps un peu

8 tourné vers la porte au-dessus des autres, la porte où se trouvait le

9 policier qui me frappait, donc ce coup plus dur, je l'ai vu. En partie,

10 j'ai pu décrire que c'était un policier. Dans ce cas-là, ce cas où j'ai

11 reçu le coup le plus dur et le plus douloureux, cela, je l'ai vu. Nombre de

12 fois, j'ai été asséné de coups -- j'ai reçu des coups, mais je ne voyais

13 pas les gens. On avait les têtes par terre, et je le faisais volontiers, le

14 plus vite possible, pour me trouver plus bas que quelqu'un d'autre, pour

15 que quelqu'un d'autre essuie les coups. Cette fois-là, je ne sais pas si

16 c'était la dernière fois, mais cette fois-là, cela ne m'est pas arrivé --

17 cela ne m'a pas réussi.

18 Q. Cette fois-là, vous l'avez vu ?

19 R. Oui. J'ai dit que ce sont les militaires qui nous ont pris les pièces

20 d'identité.

21 Q. Oui, c'est ce que j'ai lu dans votre déclaration.

22 R. Je suppose que je l'ai dit en fait. Souvent, j'estime que toutes les

23 personnes ayant un uniforme sont des soldats, des militaires, à mes yeux.

24 Donc, peut-être, je n'ai pas cherché à préciser que c'était la police

25 militaire. J'ai simplement dit des "militaires." Mais, à mes yeux, tous les

26 policiers militaires, ou quelque soit l'unité à laquelle ils appartiennent,

27 ce sont des militaires à mes yeux, donc, je suppose que c'est cela

28 l'erreur.

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1 Q. Il me semble que vous ne connaissez pas très bien les Unités du HVO,

2 que vous ne savez pas bien distinguer entre elles.

3 R. Je ne sais pas comment vous l'expliquer. Souvent, je n'avais pas le

4 droit, ou je n'osais pas regarder là où je voulais.

5 Q. Non, non, pas dans ce cas-là précisément. Mais de manière générale,

6 vous connaissez bien ou pas bien la structure militaire du HVO, leurs

7 emblèmes, leurs insignes, leurs uniformes ?

8 R. Je ne connaissais pas vraiment très bien parce que je n'osais pas les

9 regarder.

10 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Merci,

11 Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : -- suivant.

13 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Nous avons quelques questions pour ce

14 témoin, nous aussi. Je tiens à dire - je crois que mes collègues ont entamé

15 les questions, ainsi que M. Trechsel, M. le Juge. Mon éminent confrère, M.

16 Poryvaev, aurait dit hier que ce témoin a fait partie des forces locales de

17 la défense. Dans le résumé en application du 65 ter, il est dit qu'il était

18 membre de la Défense territoriale. Alors, cela c'est pour les besoins du

19 compte rendu d'audience que je voulais le dire. Merci.

20 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic :

21 Q. [interprétation] On a entendu dire qu'il était à Ljubuski, à Mostar et

22 à Heliodrom, dans ces centres de détention.

23 R. Oui, et à Capljina, et à bon nombre d'autres endroits.

24 Q. Mais aujourd'hui, pour la première fois, vous mentionnez que vous avez

25 été à Gabela. Combien de temps êtes-vous resté à Gabela ?

26 R. Je suis resté sept jours à Gabela.

27 Q. Savez-vous que contre vous il y avait une procédure pénale d'entamer et

28 que cela a été le fondement de votre détention ?

Page 11663

1 R. Je n'en sais rien. Je sais que ces gens se cachaient avec moi, et

2 heureusement pour nous qu'à l'occasion des échanges, nous avons eu l'idée

3 de faire la liste des gens, parce qu'on a remarqué qu'on nous cachait --

4 qu'on nous dissimulait, afin que cela soit transmis à la Croix-Rouge et aux

5 autorités de la Bosnie-Herzégovine afin d'être recherchés. Cela a

6 effectivement eu lieu. La Croix-Rouge nous a retrouvés le 31 décembre à

7 Gabela.

8 Q. Mais je vous ai demandé autre chose. Je vous ai demandé si vous avez

9 connaissance du fait que vous faisiez l'objet d'une poursuite au pénal ?

10 R. Non, je ne le savais pas.

11 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je crois, Monsieur le Président, que nous

12 allons aller plus vite. J'aimerais qu'on remette au témoin les copies

13 papier. Cela nous fera gagner du temps.

14 L'INTERPRÈTE : Les interprètes seraient grés à Me Ibrisimovic de se

15 rapprocher du micro.

16 M. IBRISIMOVIC : [interprétation]

17 Q. Le premier document est le 6D 00216. Il s'agit d'un document qui est

18 daté du 28 décembre 1993.

19 R. Je vois.

20 Q. Numéro 4, on dit : "Ismet, fils de Momir." J'imagine que c'est vous.

21 R. Oui.

22 Q. Il est dit ici qu'il y a une procédure au pénal d'entamer à l'encontre

23 de ces prisonniers de guerre, qui vont être transférés de Gabela à --

24 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le nom.

25 M. IBRISIMOVIC : [interprétation]

26 Q. -- et c'est bien ce qui est inscrit, et ici [imperceptible] ?

27 R. Oui.

28 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez maintenant nous dire quand est-ce que

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1 vous avez quitté exactement l'Heliodrom ?

2 R. De quelle direction parlez-vous ?

3 Q. Quand est-ce que vous êtes sorti au final de l'Heliodrom pour aller à

4 Jablanica ? Jusqu'à quand êtes-vous resté à l'Heliodrom ?

5 R. Jusqu'au 1er mars.

6 Q. Mon collègue attire mon attention sur le fait qu'à la page 7, ligne 1,

7 on devrait lire "Poljarevic" et non pas "Konjevic Polje".

8 R. La même page, dites-vous ?

9 Q. Non, non, c'est au compte rendu d'audience que je pensais. Alors, vous

10 êtes sorti de l'Heliodrom le 1er mars 1994 ?

11 R. Oui.

12 Q. Saviez-vous qu'à ce moment-là il y avait une procédure au pénal lancée

13 contre vous ?

14 R. Non, je ne le savais pas.

15 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que le

16 document -- que le témoin se penche sur le document qui a été versé au

17 dossier, qui était sur la liste de l'Accusation au numéro 181. Il s'agit du

18 document P 07985. C'est le deuxième des documents dans la série, 07985.

19 Q. Avez-vous réussi à retrouver ? En haut, vous avez bureau du procureur à

20 Mostar.

21 R. Oui.

22 Q. On y lit : "Contre un certain nombre de personnes il a été lancée une

23 procédure au pénal pour délits au pénal cités aux articles," un tel et un

24 tel, et j'aimerais que vous passiez maintenant à la page 3, au numéro 90 de

25 la liste. "Ismet Poljarevic, fils de Momir."

26 R. Page 3 vous avez dit ? Quel numéro ?

27 Q. 90.

28 R. Je n'ai pas de numéro 90 à la page 3.

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1 Q. Alors, c'est la page 2. Il vaut mieux suivre le numéro d'ordre plutôt

2 que la page.

3 R. Oui, je le vois.

4 Q. Est-ce là votre nom ?

5 R. Oui, c'est bien mon nom.

6 Q. Voyez-vous que le bureau du procureur militaire -- le ministère public

7 -- le procureur de l'armée vous reproche des faits. Je voudrais que nous

8 nous référions à la dernière page du document. Il y a un cachet qui n'est

9 pas clair, mais est-ce que vous pouvez nous lire ce qui figure au-dessus de

10 la signature, en version originale ?

11 R. Le mot qui est tapé à la machine est Jablanica.

12 Q. On dit "poste 3" --

13 R. Vous parlez de la partie manuscrite ?

14 Q. Oui. Est-ce qu'on dit bien "examiné par" ?

15 R. Oui, et il y a une signature.

16 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ces questions ont

17 été soulevées parce que, lorsque le témoin, au numéro 180 de la liste de

18 l'Accusation, pages 10 314 et 10 315, en version anglaise, cela dit que --

19 on dit que c'est "communiqué à", or, c'est, en langue originale, "examiné

20 par." Le témoin vient de nous donner lecture de la mention qui figure en

21 dernière page dudit document.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Qui a examiné ?

23 M. IBRISIMOVIC : [interprétation]

24 Q. Non, j'ai expliqué aux Juges, vous avez bien donné lecture du mot

25 "examiné", "pregledao".

26 R. Oui.

27 Q. Donc, je viens de donner une explication à l'intention des Juges.

28 J'aimerais que maintenant nous revenions au document 7183, celui que vous

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1 avez vu.

2 R. 7183.

3 Q. Oui. C'est la liste des personnes qui devraient rester dans des

4 cellules d'isolement.

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez reconnu certaines personnes ?

7 R. De qui parlez-vous ?

8 Q. Ce que je voulais dire, c'est qu'aujourd'hui, vous aviez affirmé, déjà,

9 que vous connaissiez certaines personnes.

10 R. Si je l'ai dit, dites-moi. Dites-moi de quelle personne vous parlez.

11 Q. Ecoutez, le document, c'est 7183 et non pas 7813, comme le dit le

12 compte rendu.

13 R. [aucune interprétation]

14 Q. Non, non. Je le disais pour les besoins du compte rendu d'audience.

15 Alors étant donné qu'on ne nous a pas apporté d'explications, la première

16 colonne, RP --

17 R. Quelle page ? Quel numéro ?

18 Q. Ecoutez, commencez par le début, par 175, puis 189.

19 R. Oui, mais qu'est-ce que -- que voulez-vous que je vous dise ? Je ne

20 connais pas ces personnes.

21 Q. Vous ne savez pas ce que veulent dire ces numéros ?

22 R. Je ne sais pas ce que veulent dire ces numéros.

23 Q. J'aimerais que vous vous penchiez maintenant sur le document suivant,

24 le P 7131.

25 R. Numéro ?

26 Q. 7131. C'est un document du 12 décembre 1993. Ici, sur ce document, si

27 on a le temps de l'examiner, on verra que c'est la même personne qui sont

28 citées au numéro 7183 du 15 décembre.

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1 R. Je ne sais pas. Je ne comprends si c'est toujours la même personne et

2 pourquoi est-ce qu'on les cite.

3 Q. Regardez. L'individu, le numéro 2, Mustafa Copelj.

4 R. Oui. Que voulez-vous que je vous dise. Je ne connais pas cet homme.

5 Q. Alors penchez-vous sur le document que je vous ai montré tout à

6 l'heure, le 7183, sur le numéro 2, page 2. On voit le même --

7 R. Page comment ?

8 Q. Page 2.

9 R. Mais ici, je n'ai pas de pagination.

10 Q. Alors, on voit Mustafa Copelj.

11 R. Oui. Alija Copelj.

12 Q. C'est Mustafa Copelj, Alija est son père. Cette liste a été faite par

13 ordre alphabétique et on s'est servi des renseignements du 7183, daté du 12

14 décembre 1993.

15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Avec votre autorisation et très

16 brièvement, Monsieur le Témoin, en 7183, qui est la liste alphabétique ?

17 Est-ce que vous retrouvez votre propre nom ? Cela doit être plus facile

18 parce que c'est arrangé par ordre alphabétique, ce qui vous ramènerait

19 probablement à la page 6.

20 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Si je peux vous aider, le témoin ne s'est

21 pas retrouvé sur la liste, mais il a reconnu le nom de Poljarevic, Zijo.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet. Fils de Mustafa.

23 M. IBRISIMOVIC : [interprétation]

24 Q. Alors, nous avons, sur cette liste, 135 numéros.

25 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce que je voulais

26 dire, c'est que le 7183 a été repris dans l'ordre alphabétique, et cela

27 reprend les données du 7131. C'est les mêmes personnes.

28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je voulais juste dire, pour les

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1 besoins du compte rendu d'audience, que ce sont là des listes où le témoin

2 n'a pas -- ne s'est pas retrouvé.

3 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Grand merci.

4 Q. Alors, j'ai une autre question, Monsieur. Vous nous avez dit qu'après

5 l'Heliodrom, vous êtes allé à Jablanica.

6 R. Oui. Le 1er mars 2004. Non. 1994, pardon.

7 Q. Lorsque vous avez été interrogé par mon confrère, vous avez dit que des

8 collègues étaient envoyés vers des pays tiers.

9 R. C'est en décembre qu'on nous a proposé des pays tiers.

10 Q. Vous, vous avez choisi Jablanica ?

11 R. En effet.

12 Q. Merci. Je n'ai plus de questions pour vous.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : -- intervenus ? L'Accusation a des questions

14 supplémentaires ?

15 M. PORYVAEV : [interprétation] Non, merci, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, votre audition vient de se terminer. Je

17 vous remercie d'être venu et d'avoir apporté, par vos réponses, un concours

18 à la manifestation de la vérité. Je formule au nom de mes collègues mes

19 meilleurs vœux pour votre retour dans votre pays et je vais demander à Mme

20 l'Huissière de vous raccompagner et de nous amener le dernier témoin.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Je me suis efforcé d'être le

22 plus sincère et le plus précis possible. Je ne voudrais certainement rien

23 faire de mal, ni dire quoi que ce soit d'erroné. Je vous remercie une fois

24 de plus. J'ai fait de mon mieux.

25 [Le témoin se retire]

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je crois que c'est

27 M. Kruger que je salue, ainsi que M. Mundis que je salue. Ils n'étaient pas

28 là en début d'audience. Comme nous l'avons indiqué à

Page 11669

1 M. Scott, tout à l'heure, le dernier témoin, l'Accusation aura deux heures

2 et demie globalement. Ce qui fait que vous ne terminerez pas aujourd'hui,

3 vu que d'ici 19 heures, il nous reste deux heures, avec 20 minutes de

4 pause. Donc, vous poursuivrez demain et faites pour le mieux pour vraiment

5 centrer vos questions sur les points essentiels.

6 M. KRUGER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à tous

7 et à toutes dans le prétoire. Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

8 voudrais juste mentionner un aspect.

9 M. Scott a indiqué tout à l'heure qu'il avait l'impression que le temps

10 imparti était de celui de quatre heures en application des estimations en -

11 - du 65 ter. C'est moi qui lui ai donné une estimation erronée. Nous avions

12 pensé avoir besoin de quatre heures, du moins c'était une évaluation. Mais,

13 Monsieur le Président, grand merci, les deux heures et demie seront

14 suffisantes et je crois que peut-être, nous pourrions éventuellement

15 terminer avant.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

17 Bien. Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier -- bien dans votre langue

18 la traduction de mes propos. Si c'est le cas, dites que vous me comprenez.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous comprends.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été cité comme témoin par l'Accusation.

21 Pouvez-vous, dans le cadre de la prestation de serment, nous donner votre

22 nom, prénom, date de naissance ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Sejfo Kajmovic. Je suis né le 22 novembre

24 1951.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession ou activité actuelle ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je travaille dans l'administration de la

27 communauté islamique dont je suis le secrétaire.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Monsieur, déjà témoigné devant un

Page 11670

1 tribunal national ou international sur les faits qui se sont déroulés dans

2 votre pays, dans les années 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994, ou c'est la

3 première fois que vous témoignez.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment que Mme

6 l'Huissière vous présente.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 LE TÉMOIN : SEJFO KAJMOVIC [Assermenté]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

12 Bien. Monsieur, quelques brèves explications de ma part. Vous allez devoir

13 répondre à des questions qui vont vous être posées par l'Accusation. Vous

14 les avez rencontrés hier et peut-être même ce matin. L'Accusation va vous

15 poser des questions et va vous présenter des documents pour que vous

16 formuliez vos observations. L'Accusation a prévu un temps global de deux

17 heures et demie, mais peut-être que ce temps sera raccourci. Une fois que

18 ceci sera terminé, les avocats de la Défense qui sont situés à votre gauche

19 pourront vous poser des questions, voire le cas échéant, MM. les accusés,

20 qui sont plus en retrait de la salle, et de même les quatre Juges qui sont

21 devant vous, s'ils estiment nécessaire, nous vous poseront des questions

22 aux fins de clarification parce que des éléments importants appellent de

23 votre part des réponses en question que nous vous poserions éventuellement.

24 S'il y a une difficulté quelconque, n'hésitez pas en nous faire part.

25 Essayez d'être précis dans vos réponses car ce sont vos réponses et les

26 documents qui seront pour nous des éléments de preuve soumis à notre

27 appréciation quand nous statuerons au vue de l'ensemble des éléments qui

28 nous seront également apportés par la Défense, donc, soyez précis. Nous

Page 11671

1 allons tout à l'heure faire une pause de 20 minutes et nous y irons jusqu'à

2 19 heures. Demain, vous reviendrez pour l'audience qui débutera demain à 14

3 heures 15, et en tout état de cause, l'audience se terminera à 19 heures.

4 Voilà de manière très générale la façon dont va se dérouler cette audience

5 et je vais maintenant donner la parole à l'Accusation qui va commencer

6 l'interrogatoire principal.

7 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Dites-nous, s'il vous plaît, si la pause va avoir lieu à moins quart, à 6

9 heures moins quart.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : On fera la pause à 6 heures moins quart. C'est à

11 votre convenance, pour ma part, je n'ai aucun problème.

12 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Interrogatoire principal par M. Kruger :

14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

15 Monsieur, dites-nous si, en juillet 1993, vous avez vécu à Domanovici dans

16 la municipalité de Capljina.

17 R. Oui.

18 Q. Pour être plus concret, vous avez résidé à Recice où vous avez été

19 imam ?

20 R. Oui.

21 Q. Monsieur, serait-il exact de dire que vous êtes marié et que vous étiez

22 à l'époque marié également et que vous aviez trois filles ?

23 R. En effet.

24 Q. A l'époque, vos filles avaient 17, 14 et 8 ans, respectivement ?

25 R. Moins. La plus âgée était en deuxième année de secondaire, celle du

26 milieu était à l'école primaire et la plus jeune n'était pas encore à

27 l'école.

28 Q. Merci. Depuis quand êtes-vous imam à Recice ?

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1 R. Depuis l'été 1975.

2 Q. Avez-vous été membre d'une organisation militaire, d'une armée ?

3 R. Non, mis à part la JNA.

4 Q. O.k. Très brièvement, pour situer le contexte général aux fins

5 d'informer les Juges, je dirais que jusqu'en avril 1993, vous avez été

6 membre du meshihat pour la Bosnie.

7 R. Oui.

8 Q. Vous m'avez expliqué de façon assez étoffée cela hier. J'aimerais que

9 vous me confirmez si j'ai bien compris. Le meshihat de la Bosnie serait-il

10 l'instance gouvernante élue en matière religieuse pour tout ce qui concerne

11 la communauté islamique de la Bosnie ?

12 R. Oui.

13 Q. Aux fins de compléter cette brève description s'agirait-il là du

14 deuxième des niveaux pour ce qui concerne la communauté islamique en

15 général qui existait à l'époque sur la totalité des territoires de l'ex-

16 Yougoslavie ?

17 R. Le meshihat était l'instance exécutive de la communauté islamique au

18 niveau de la République de Bosnie-Herzégovine.

19 Q. Merci. Monsieur le Président, j'aimerais que vous vous rapprochiez un

20 peu des micros afin que tout un chacun puisse bien vous entendre. Merci.

21 Cette structure organisationnelle que vous venez de nous décrire, cette

22 structure a été dissoute en 1993; a-t-elle cessée d'exister en 1993 ?

23 R. Oui, avec le démantèlement de l'Etat fédéral de la RSFY. Il y a eu des

24 intégrations de toutes les instances fédérales et, par la suite, cette

25 instance-là s'est nuée pour constituer un autre organe. En somme, cette

26 instance, oui, s'est désintégrée.

27 Q. Merci. Monsieur le Témoin, Monsieur le Témoin, au fil de l'année 1992,

28 lorsqu'il y avait sur le territoire où vous avez résidé un conflit avec les

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1 Serbes. Dites-nous, si vous aviez un certain moment quitter Domanovici

2 brièvement ?

3 R. Pas à ce moment-là; 40 jours après le début des conflits, je suis allé

4 brièvement à Brac où se trouvait ma famille.

5 Q. A votre retour, veuillez indiquer aux Juges brièvement, dans quel état

6 vous avez retrouvé votre maison et la mosquée à Recice ?

7 R. Les deux étaient en assez bon état. Cela c'est bien -- cela a été bien

8 conservé. Il n'y a pas eu de dégât.

9 Q. Avez-vous remarqué d'autres destructions lors de votre retour dans le

10 secteur ?

11 R. Oui, bon nombre de maisons avaient déjà été incendiées.

12 Q. De quelles maisons s'agissait-il ?

13 R. Des maisons serbes essentiellement qui ont été incendiées.

14 Q. Après votre retour, avez-vous été rejoint par d'autres membres de votre

15 famille ?

16 R. Oui, plus tard, un peu plus tard.

17 Q. Se trouvait-il être des réfugiés dans le secteur où ils se trouvaient à

18 Kalinovik ?

19 R. Oui, c'étaient des membres de la famille au sens large du terme. Ma

20 famille à moi était à Brac suite au conflit avec les Serbes. Mes parents à

21 mon frère et ces deux -- mes parents, mon frère avec ses deux enfants, mon

22 beau-père, ma belle-mère et d'autres membres de la famille au sens large du

23 terme nous ont rejoints.

24 Q. Est-ce que d'autres membres de cette famille au sens large du terme se

25 trouvaient à l'époque faire partie des rangs d'une armée quelconque pendant

26 1993 ou vers cette période ?

27 R. Non, aucun.

28 Q. Monsieur le Témoin, nous allons brièvement passer à un autre sujet. En

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1 1993, avez-vous été actif au sein de l'organisation humanitaire appelé

2 Merhamet ?

3 R. Oui.

4 Q. Dans -- en fonction -- en quelle capacité êtes-vous intervenu ?

5 R. Bien, j'étais membre de l'organisation et j'ai essentiellement vaqué à

6 des approvisionnements.

7 Q. Brièvement, pourriez-vous nous indiquer quel était l'objectif principal

8 poursuivi par Merhamet en 1993 ?

9 R. L'objectif principal consistait à se procurer des vivres de première

10 nécessité. De la farine en premier lieu, pour les réfugiés et pour la

11 population locale parce que celle-ci se trouvait déjà paupérisée.

12 Q. Merhamet, avait-il pour cible un groupe ethnique particulier ?

13 R. A peu près, oui. Essentiellement, la population bosniaque, parce que la

14 population croate, elle, avait une organisation qui s'appelait Caritas,

15 mais tous ensemble, nous avons été approvisionnés par le UNHCR et il y

16 avait plusieurs familles serbes qui n'étaient pas parties et dont je me

17 suis également occupé.

18 Q. Bien. Alors, mis à part l'approvisionnement en denrée alimentaire,

19 avez-vous -- enfin, est-ce que Merhamet avait apporté des services ou un

20 approvisionnement en produits médicaux ?

21 R. Oui. Nous avions une infirmerie où intervenaient des médecins et des

22 infirmières et nous avions une pharmacie qui disposait pour les temps de

23 l'époque, d'un choix assez bon de médicaments.

24 Q. Alors, cette infirmerie et cette pharmacie, dispensaient-elles des

25 services rien qu'à des Bosniaques, des Musulmans de Bosnie, où est-ce que

26 cela était destiné à d'autres, également ?

27 R. A tous ceux qui se seraient adressés à nous.

28 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais que nous passions à présent à un autre

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1 sujet. En 1993, les Juges de la Chambre ont entendu déjà des témoignages au

2 sujet de la montée des tensions entre les Croates de Bosnie ainsi que -- et

3 les Musulmans de Bosnie, s'agissant de votre secteur. Alors, pourriez-vous

4 nous dire ce qui s'est passé, ce que vous savez s'être passé au centre

5 scolaire ou Capljina ?

6 R. Au centre des Etudes secondaires de Capljina, il y a eu une

7 insurrection des élèves du groupe ethnique bosniaque pour ce qui est des

8 emblèmes et insignes de l'Herceg-Bosna qui était utilisés, et compte tenu

9 de l'instauration plutôt agressive de l'utilisation de la langue croate.

10 Q. Est-ce que cela a été utilisé comme étant les seuls symboles en usage

11 ou est-ce que cela a été introduit en parallèle de symboles et de la langue

12 utilisée jusque-là à l'école ?

13 R. Non. Tout le reste a été éliminé.

14 Q. Monsieur, en octobre 1992 et en janvier 1993, les conflits de Prozor et

15 Gornji Vakuf ont-ils eu un -- une répercussion s'agissant des Musulmans de

16 Bosnie de votre secteur ?

17 R. Oui. Cela s'est répercuté de façon assez négative là où je vivais. Il y

18 a eu une montée des tensions, une montée également de la défiance.

19 Q. Dans la première moitié de 1993, quels étaient les médias que vous avez

20 pu suivre dans votre secteur ? J'entends par là la télévision et la presse

21 écrite.

22 R. Je pense que nous avons pu suivre la télévision de Sarajevo et deux

23 chaînes croates, le 1er et le 2e programme, ou la 1ère et la 2e chaîne.

24 Q. Avant que de venir à parler de la presse écrite, dites-nous si, en

25 juillet 1993, ces chaînes étaient toujours disponibles, à votre

26 connaissance ?

27 R. Les deux chaînes étaient toujours visibles, mais je ne suis pas sûr au

28 sujet de la chaîne de la Bosnie-Herzégovine parce qu'il y avait un

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1 répétiteur de détruit. Je ne sais plus si on a pu encore l'avoir.

2 Q. Quand vous parlez des deux autres chaînes, vous référez aux chaînes

3 croates ?

4 R. Oui, aux chaînes croates. Nous captions bien.

5 Q. Pour ce qui est de la presse écrite, des journaux, des magazines, quels

6 étaient les journaux que vous aviez sur le territoire de votre communauté,

7 dès le début 1993, première moitié 1993 ?

8 R. Les journaux et magazines de la Croatie. La presse locale et autre ne

9 pouvait physiquement pas être fournie ou apportée en raison de la situation

10 qui prévalait sur les routes conduisant jusqu'à Sarajevo.

11 Q. Est-ce que cette situation différait de ce qui prévalait auparavant ?

12 R. Je crois que les tensions ont fait leur travail, ont eu de l'effet. La

13 situation s'est certainement détériorée.

14 Q. Excusez-moi. Je crois que ma question n'a pas été des plus claires. Mes

15 excuses. Pour ce qui est des médias, et des médias disponibles ou

16 accessibles, dites-nous si, en 1993, vous aviez un diapason plus large de

17 médias à votre disposition ?

18 R. Je ne pourrais pas le dire. Les journaux avaient du mal à nous parvenir

19 dès le début de la guerre. Les voies de communication étaient ainsi.

20 Q. Je voudrais que l'on parle de la présence du HVO dans cette zone où

21 vous avez vécu en 1993. A Domanovici, après la fin de l'occupation serbe,

22 est-ce que le HVO s'est déployé à Domanovici ?

23 R. Oui.

24 Q. Où cela ?

25 R. C'est à l'entrée de Domanovici. En fait, il y avait là un hôpital pour

26 les malades mentaux et c'est cela qui a été utilisé comme caserne.

27 Q. Vous dites : "A l'entrée de Domanovici." Dans quel sens, de quel côté ?

28 R. De Capljina, sur la gauche, à l'entrée.

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1 Q. Vous savez quelle est l'Unité du HVO qui se cantonnait à cet endroit ?

2 R. Je pense que c'était des groupes -- c'était la Brigade de Knez Domagoj

3 de Capljina, je pense. Je pense que c'était cela, car c'était dans leur

4 zone de responsabilité.

5 Q. Pour ce qui est de l'Unité Knez Domagoj, pour autant que c'est la même

6 unité que l'Unité du Prince Domagoj ?

7 R. Je me suis peut-être trompé pour ce qui est de l'intitulé de l'unité,

8 mais toujours est-il qu'elle était cantonnée à la caserne de Grabovina.

9 Q. Vous savez qui était le commandant de cette unité ?

10 R. Oui, c'était le colonel Obradovic.

11 Q. Monsieur le Témoin, en plus du QG de la caserne à l'hôpital des malades

12 mentaux, est-ce qu'il y a eu d'autres endroits que le HVO a utilisés à

13 Domanovici ?

14 R. Oui. Ils ont utilisé l'école élémentaire pendant quelque temps, mais

15 cela viendra plus tard. C'était un peu de temps avant le conflit et avant

16 les expulsions.

17 Q. A la fin du mois de juin 1993, est-ce que ces deux endroits que vous

18 avez mentionnés étaient occupés, utilisés par le HVO ?

19 R. Oui.

20 Q. Monsieur le Témoin, ce deuxième endroit que vous avez mentionné, c'est

21 l'école primaire. La présence du HVO à cet endroit, est-ce que cela a

22 provoqué des problèmes ? Est-ce que cela a perturbé d'une manière

23 quelconque des habitants ?

24 R. Oui. Je pense que cela a causé une grande peur et l'inquiétude. C'est

25 comme cela d'ailleurs qu'ils se sont comportés. Ils intimidaient, et vêtus

26 de noir comme ils étaient, en uniformes noirs, cela faisait peur.

27 Q. Est-ce que vous pouvez décrire des actions particulières qui ont eu cet

28 effet d'intimider ou que vous avez perçues comme étant intimidantes ?

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1 R. Oui. Jusqu'à tard dans la nuit, ils chantaient des chansons oustachis

2 qui étaient diffusées par les haut-parleurs, et c'est cela probablement qui

3 nous inquiétait tous.

4 Q. Vous dites qu'ils ont utilisé un système de haut-parleurs. C'était un

5 système interne ou externe ?

6 R. Je suppose externe aussi puisqu'on entendait parfaitement bien. On

7 entendait à l'extérieur de cet endroit.

8 Q. Vous étiez en mesure d'entendre cela depuis chez vous, depuis votre

9 maison ?

10 R. Oui, et on entendait bien plus loin aussi.

11 Q. Votre maison, elle est à quelle distance de l'école primaire ?

12 R. Mon école ? Si on parle de l'école, c'est mon mekteb, c'était à côté de

13 ma maison, de la mosquée. C'est à un kilomètre à peu près, vers Stolac, sur

14 la gauche, sur le premier kilomètre.

15 Q. Merci. Parlons maintenant du mois d'avril 1993. Témoin, que savez-vous

16 de l'arrestation de Musulmans à partir du mois d'avril ? Qu'avez-vous vu

17 vous-même ? Qu'avez-vous vécu ?

18 R. Je sais quand ces arrestations ont commencé, quand on a commencé à

19 arrêter et à emprisonner des Musulmans de Bosnie, des intellectuels. Nombre

20 de mes amis ont été arrêtés à ce moment-là. Je sais de quoi il s'agit. Bien

21 entendu, cela m'a fait peur. Tout un chacun parmi nous s'attendait à être

22 arrêté. Il y avait un sentiment d'insécurité généralisé. Voilà, une grande

23 pression psychologique.

24 Q. A un moment donné, avez-vous essayé de rendre visite à ces gens qui

25 étaient incarcérés ?

26 R. Oui, j'ai fait un effort. J'ai réussi à leur rendre visite au début

27 juin 1993, pour le Bajram. Je suis allé les voir à la caserne à Grabovina.

28 Q. Vous y êtes allé tout seul ou vous étiez en groupe ?

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1 R. Il y avait trois de mes amis qui sont venus avec moi, des gens qui

2 étaient proches de moi, dans mon dzemat.

3 Q. Comment étiez-vous habillé à ce moment-là ?

4 R. Je portais des robes noires, que je porte officiellement. On l'appelle

5 dzubba. J'avais le couvre-chef spécial qui porte - comment dirais-je - un

6 ruban blanc.

7 Q. Comment est-ce qu'on a pris les dispositions pour faire naître cette

8 visite ?

9 R. Vous pouvez répéter ?

10 Q. Comment est-ce qu'on a organisé cette visite ? Comment on s'est pris ?

11 R. On avait collecté des vivres, comme c'était le début du Bajram. Il y

12 avait des pâtisseries, des jus de fruit, des cigarettes. On a organisé tout

13 cela dans le village.

14 Q. Vous savez comment l'autorisation a été donnée, comment on s'est

15 coordonné avec les autorités de la caserne de Grabovina ?

16 R. Oui. Je pense que c'est le colonel qui a donné l'autorisation, le

17 commandant. Je pense que c'est lui en personne. Autrement, on n'aurait pas

18 pu faire cela.

19 Q. Comment s'est déroulée cette visite ?

20 R. De mon point de vue, avant tout, on a couru un grand risque. Cette

21 visite a entraîné un risque très important. On n'était pas certain de

22 retourner après. Les tensions étaient exacerbées un petit peu à cause des

23 conflits à Prozor et à Gornji Vakuf. Donc, cela rendait la situation un peu

24 plus difficile. Cependant, on a réussi, on a mené à bien cette visite.

25 Q. Avez-vous eu l'occasion de voir des officiels -- des personnes qui

26 auraient pris part à cette incarcération ?

27 R. Oui. Devant cet immeuble où on avait arrêté ces intellectuels, Bosko

28 Previsic nous a accueillis. Je pense que c'était lui le commandant de ce

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1 que j'appellerais une prison.

2 Q. Bosko Previsic, c'est quelqu'un que vous connaissiez à l'époque ? Qui

3 était-ce ?

4 R. Non, je n'avais pas eu de contact avec lui. Puisqu'il était garçon de

5 café, il est possible que je l'aie vu, mais on n'a pas eu de contact

6 véritable. Je pourrais dire que je ne le connaissais pas.

7 Q. Plus tard au cours de cette année, vous l'avez vu ?

8 R. Oui.

9 Q. Où cela ?

10 R. Au camp de Gabela.

11 Q. Merci. On y reviendra…

12 Monsieur le Témoin, ce jour-là, au début juin, lorsque vous êtes allé

13 voir les intellectuels à la caserne de Grabovina qu'a fait Boko Previsic ce

14 jour-là ?

15 R. Il nous a accueillis. Vraiment, il n'y a pas eu de mauvais traitement

16 physiquement. Il nous a donné dix minutes, accordé dix minutes pour visiter

17 ce qu'on pouvait visiter pendant ce temps-là. Il y avait des prisonniers

18 au rez-de-chaussée, à l'étage également, donc, on y est allé à l'étage.

19 Q. Très bien. Parlons du 30 juin 1993. Est-ce que vous pouvez dire aux

20 Juges de la Chambre ce jour-là vous rentriez de Split avec le convoi du

21 Merhamet, que s'est-il passé ?

22 R. Oui. On était en route à Split avec le convoi du Merhamet et à la

23 frontière entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, Doljani on a été

24 arrêté. Les camions ont été confisqués. Le chauffeur a été arrêté. Notre

25 véhicule nous a été pris également et nous on a été remis à Dretelj. Nous

26 quatre qui étions à bord de ce convoi.

27 Q. Ces quatre personnes qui étaient dans le véhicule c'était qui ?

28 R. Moi, Hasan Palic, mon principal de Capljina, président de Merhamet,

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1 Hadji Alija Suta, et Zlatar Buzaljko, qui est parti à cause de médicaments

2 parce qu'il était le responsable de la pharmacie.

3 Q. Dans ce convoi il y avait combien de camions ?

4 R. Je crois qu'il y en a eu cinq. Cinquantaine tonnes de marchandises à

5 peu près en tout.

6 Q. Cette marchandise qu'était-ce ?

7 R. Pour l'essentiel de la farine, un petit peu de médicaments. Je ne sais

8 pas ce qu'il y a eu autre chose, mais la majorité c'était la farine.

9 Q. Est-ce que vous aviez une autorisation pour transporter ces biens,

10 cette marchandise ?

11 R. Oui, On avait tous les papiers en règle depuis la sortie de Capljina

12 jusqu'au chargement, au retour, tous les papiers étaient en règle.

13 Q. Vous dites que lorsque vous êtes parti de Capljina, vos documents

14 étaient en règle, mais qui vous a émit ces documents alors, qui les a

15 délivré ? Quelle autorité ?

16 R. Celui qui était compétent en la matière. Je ne sais pas exactement qui.

17 M. Dzevanica me semble-t-il. C'est lui qui a dû signer cela, c'est lui qui

18 délivrait ce genre d'autorisation. Ou l'un de ses collègues. L'organe

19 compétent pour les déplacements.

20 Q. Il y avait un en-tête qui était utilisé pour ces documents ?

21 R. Je crois que pour ce qui est de l'en-tête, croyez-moi, je n'ai pas

22 vérifié le document, les papiers comme il y avait le président de Merhamet.

23 Je suppose que c'est lui qui s'en est occupé. Enfin, cela devait être

24 l'Herceg-Bosna, des choses habituelles.

25 Q. M. Dzevanica était un représentant officiel de la communauté croate

26 d'Herceg-Bosna, pour autant que vous le sachiez ?

27 R. Oui.

28 Q. Vous avez vu quand on a chargé la marchandise à bord de ces camions du

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1 convoi ?

2 R. Oui. A l'entrepôt. C'était tout ce qui a de plus habituel. Il n'y avait

3 pas de procédure spéciale.

4 Q. Pour le compte rendu d'audience, y avait-il des armes ou des munitions

5 transportées à bord de ce convoi ?

6 R. Non, non. Certainement pas.

7 Q. Alors, on vous a emmené à Dretelj. Vous savez ce qui est advenu des

8 camions, de la marchandise qui était à bord de ces camions et puis de votre

9 véhicule ? Vous savez si cela a été restitué ?

10 R. Non, jamais.

11 Q. Vous êtes arrivé à Dretelj à quelle heure à peu près le 30 juin 1993 ?

12 R. C'était un petit peu avant le soir. Comme c'était une journée d'été,

13 c'était un petit peu après 8 heures du soir.

14 Q. A votre arrivé à Dretelj il n'y avait que votre groupe qui est arrivé

15 ou il a eu d'autres personnes qui sont arrivés également ?

16 R. Vraiment je n'ai vu personne.

17 Q. Qui vous a emmené à Dretelj ?

18 R. La police, la police militaire.

19 Q. Qui appartenait à quelle organisation ?

20 R. Au HVO, bien sûr.

21 Q. Monsieur, vous-même vous êtes resté combien de temps à Dretelj ?

22 R. Jusqu'à minuit à peu près.

23 Q. Pendant ce temps-là qu'avez-vous vu, qu'avez-vous vécu ?

24 R. Etant donné que nous étions à l'entrée près du portail d'entrée, je ne

25 pouvais pas voir grand-chose, mais on a été insulté verbalement par des

26 soldats ivres ou à moitié ivres, mais je ne peux pas dire qu'on nous ait

27 maltraité physiquement.

28 Q. Ces soldats qui étaient ivres ou qui avaient bu un verre de trop, ils

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1 appartenaient à quelle unité ?

2 R. C'était le HVO. C'était la caserne du HVO.

3 Q. Il est vrai que vous avez pu être remmené par la suite chez vous par le

4 HVO dans vos maisons respectives, vous-même et l'iman, Hasan Palic ?

5 R. Oui, après minuit par le véhicule de la police, j'ai été emmené à

6 Domanovici, et lui par la suite à Capljina.

7 Q. A partir de ce moment-là les Juges de la Chambre ont entendu dire que

8 les Musulmans de Bosnie étaient arrêtés. Est-ce que vous en avez été témoin

9 dans votre secteur, vous avez entendu parler de cela ?

10 R. Oui. On s'est mis à arrêter de manière plus intense, plus massive

11 dirais-je, les Musulmans de Bosnie.

12 Q. Est-ce que cela a eu un impact sur vous personnellement ? Comment vous

13 avez réagi à cela ?

14 R. J'avais peur, moi aussi, j'avais peur pour moi, plutôt pour des membres

15 de ma famille et pour les fidèles. On ne sait jamais quand on viendra vous

16 chercher et quand on vous ramassera. On venait sans préavis, sans

17 explication. On venait, on prenait des gens, on les emmenait à Dretelj.

18 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que je peux maintenant parler du 13

19 juillet ? Vous pouvez dire aux Juges de la Chambre ce qui vous est arrivé

20 dans la matinée du 13 juillet 1993 ?

21 R. Donc, le 13 juillet dans la matinée, c'était vraiment tôt le matin, on

22 a été réveillé par des coups de feu. Ma famille, moi-même, on s'est

23 réveillé. On s'est levé. On a vu que quelque chose était en train de se

24 passer. Cela nous a fait peur, bien entendu. On ne comprenait pas de quoi

25 il s'agissait, mais, de toute évidence, il y avait eu un conflit armé parce

26 qu'on voyait un incident à Glavica des buissons en feu, donc, des traces de

27 combat. Donc, cela montrait clairement qu'il y avait eu un combat. On ne

28 savait pas de quoi il s'agissait, mais voilà. Donc, vite, on aura compris

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1 qu'il fallait entreprendre quelque chose, qu'il fallait s'évacuer, partir

2 de cet endroit.

3 Q. Merci.

4 M. KRUGER : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais qu'on se

5 serve d'une carte pour se repérer. La carte peut s'afficher à l'écran. Cela

6 va prendre peut-être un quart d'heure. Peut-être que le moment est venu

7 pour faire une interruption de séance.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

9 Alors, nous allons faire une interruption. C'est presque

10 5 heures 35, donc, nous arrêtons pour 20 minutes et nous reprenons dans 20

11 minutes.

12 --- L'audience est suspendue à 17 heures 32.

13 --- L'audience est reprise à 17 heures 54.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Kruger.

15 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Bien. Monsieur le Témoin, vous regardez une carte. Vous avez évoqué le

17 fait qu'il y avait quelque chose comme un conflit armé ou des combats à ce

18 moment-là. Est-ce que vous saviez, à ce moment-là, qui combattait qui ?

19 R. Bien sûr. Je ne connaissais pas les personnes en question, mais je

20 savais qu'il y avait un conflit entre les Musulmans de Bosnie, mais je ne

21 sais pas comment, ni sous quelle forme ils étaient organisés, mais c'était

22 un conflit entre les Musulmans de Bosnie et le HVO. Il n'aurait pas pu

23 s'agir d'un autre conflit.

24 M. KRUGER : [interprétation] Si je peux demander à

25 Mme l'Huissière de placer la pièce 09789 ou de la faire apparaître dans le

26 système électronique et du prétoire.

27 Q. Monsieur, je vais vous montrer une carte, maintenant. C'est une carte

28 un peu grossière de Capljina, la carte que je vous ai également montrée

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1 hier.

2 M. KRUGER : [interprétation] Merci. Si nous pouvions agrandir. Merci

3 beaucoup. Bien. Donc, nous avons agrandi la carte.

4 Q. Est-ce que vous reconnaissez cette carte ? S'agit-il bien d'une carte

5 plus grande, d'un extrait d'une carte plus grande que nous avons vu hier ?

6 R. Oui. Oui. Je connais bien cette région.

7 Q. Monsieur le Témoin, je vais vous demander, au cours de votre

8 déposition, de faire quelques annotations sur cette carte et je vais vous

9 demander d'indiquer les emplacements en question à l'écran. Je vais vous

10 demander de placer -- d'indiquer par la lettre X l'endroit, à peu près, où

11 se trouvaient votre maison et la mosquée.

12 R. C'était à peu près ici, à un kilomètre de l'intersection de

13 Radovanovici, en direction de Stolac.

14 Q. Ce croisement que vous avez déjà évoqué, est-ce que c'est là qu'il y

15 avait la caserne du HVO et l'ancien hôpital psychiatrique ?

16 R. La caserne se trouve à l'autre extrémité de Domanovici. Il fallait

17 traverser Domanovici d'abord, et ensuite, continuer et la caserne --

18 ensuite, vous avez la caserne dans le dos, vers l'entrée.

19 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer l'endroit où se trouvait l'entrée de la

20 caserne ? Est-ce que vous pouvez entourer ceci d'un cercle, s'il vous

21 plaît ?

22 R. Monsieur, ici se trouve la sortie de Dobranovici en direction de

23 Capljina. Cela se trouvait à peu près ici depuis la route principale en

24 direction de Capljina.

25 Q. Donc, l'intersection des routes, est-ce que c'est l'endroit qui est

26 marqué d'une étoile, juste à droite du cercle que vous venez de dessiner ?

27 R. Oui. Cette petite étoile, c'est l'intersection.

28 Q. Avant de poursuivre, Monsieur le Témoin, au sein de votre communauté

Page 11688

1 religieuse, est-ce que vous connaissiez Hasan Hasic ?

2 R. Oui. Oui, je le connaissais bien. Pendant de nombreuses années.

3 Q. Est-ce que vous pourriez indiquer ?

4 R. Depuis le jour même de leur arrivée, il y a 18 ans et demi.

5 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer par le chiffre 1 l'endroit à peu près

6 où se trouvait sa maison ?

7 R. Depuis l'intersection de Domanovici, si vous allez en direction de

8 Mostar, près de 100 kilomètres environ, il y a la petite route qui mène à

9 la Mahala, qui s'appelle Glavica, et sa maison est la seconde sur la route,

10 qui se trouve à gauche; c'est la maison de Hasan.

11 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer par le chiffre numéro 1, à cet endroit-

12 là, de façon à ce que nous puissions établir la différence.

13 R. Oui, pardon.

14 Q. Bien. Vous avez dit avoir vu des combats dans la zone de Satorova

15 Glavica. Est-ce que vous pourriez indiquer, par le chiffre numéro 2,

16 l'endroit à peu près où ceci s'est déroulé Satorova et Glavica.

17 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Cela ne se trouve pas à 200 kilomètres,

18 mais à 200 mètres. Il y a une erreur ici dans le compte rendu.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, c'est 200 mètres.

20 M. KRUGER : [interprétation] Je remercie, Monsieur Praljak, pour cela.

21 Q. Bien. Monsieur le Témoin, nous allons revenir sur cette carte dans

22 quelques instants. Vous avez, un peu plus tôt, évoqué, avant la pause, le

23 fait que vous saviez que vous deviez faire quelque chose pour quitter cet

24 endroit et pour assurer votre propre évacuation. Qu'est-ce que vous avez

25 fait, vous et votre famille, ce matin-là, lorsque vous avez entendu les

26 premiers combats.

27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous

28 interrompre, mais vous avez vous-même interrompu le témoin. Le témoin était

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1 sur le point de nous indiquer à quel endroit se trouvait Satorova Glavica,

2 et vous avez été interrompu. Peut-être que vous souhaitez revenir sur ce

3 point.

4 M. KRUGER : [interprétation] Oui.

5 Q. Je vois que le numéro 2 a été inscrit sur la carte. Sur votre écran,

6 est-ce bien l'endroit où se trouve Satorova Glavica ?

7 R. Oui, oui. Oui, c'est Satorova Glavica ici.

8 Q. Monsieur le Témoin, où vous êtes-vous rendus, vous et votre famille,

9 lorsque vous avez entendu les combats ce matin-là ?

10 R. Nous sommes allés dans la direction opposée par rapport à l'endroit où

11 on entendait les coups de feu, de l'autre côté de la route, et vers le sud-

12 est, en direction -- ou on pourrait dire en direction du sud-ouest.

13 Q. Vous vous êtes dirigés essentiellement vers la forêt ?

14 R. Oui, de l'autre côté de la route.

15 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez indiquer sur la carte -- pourriez-vous

16 indiquer sur la carte, par une ligne, l'endroit à peu près où se trouve la

17 forêt vous vous êtes allés.

18 R. Voilà, cela c'est la forêt, depuis la route, de ce côté-ci, où nous

19 nous sommes rendus. Cela correspond -- c'est à peu près ici. Cela fait

20 partie du village d'Oplicici et comprend le fleuve. Cela n'est pas une

21 forêt à proprement parler. Il y a beaucoup de villes. Il y a beaucoup de

22 péchés, et cetera -- il y avait des vergers.

23 Q. Est-ce que vous pourriez marquer ceci par une ligne quelque part,

24 simplement pour nous indiquer -- que nous puissions faire la différence.

25 R. [Le témoin s'exécute]

26 Q. Merci. Monsieur le Témoin, est-il exact de dire que près de votre

27 maison, il y avait une colline qui s'appelait Podkosa ou Potkosa ?

28 R. Oui, oui.

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1 Q. Est-ce que vous pourriez l'indiquer également sur la carte. Pardonnez-

2 moi.

3 R. Ici. Ici, à l'endroit où il y a une bifurcation en direction de Lokva.

4 Ici, à l'endroit où il y a un panneau.

5 Q. Vous avez indiqué ceci par le chiffre 4; c'est exact ?

6 R. Oui, oui.

7 Q. Bien. Monsieur le Témoin, dans cette zone où vous êtes allés, si on

8 peut dire qu'il s'agit d'une forêt, combien de temps êtes-vous restés dans

9 cet endroit ?

10 R. J'y suis resté -- je n'y suis pas resté dans le bois. Nous étions dans

11 la forêt pendant la journée. Nous avons dormi dans la Mahala le soir, et

12 nous avons passé deux nuits à Oplicici, dans le village voisin, donc, entre

13 le 13 et le 17, le jour où j'ai été arrêté.

14 Q. Merci. Je ne sais pas si ceci a été traduit, mais je vous ai entendu

15 parler de Cuckovina. Est-ce que j'ai mal compris ?

16 R. Oui, j'ai parlé de Cuckovina. C'est un hameau dans ma paroisse, dans

17 mon dzemat, près du village de Oplicici et cela se trouve au sud-est de ma

18 maison et de ma mosquée.

19 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez indiquer l'endroit où se trouve

20 Cuckovina sur la carte. Est-ce que vous pourriez l'indiquer par le chiffre

21 6, s'il vous plaît.

22 R. [Le témoin s'exécute]

23 Q. Monsieur, pourriez-vous indiquer un autre endroit sur la carte, s'il

24 vous plaît. Est-ce que vous pourriez nous indiquer l'endroit où se trouvait

25 la mosquée d'Aladinici, l'emplacement approximatif, et veuillez l'indiquer

26 par le chiffre 5, s'il vous plaît.

27 R. C'est près d'ici.

28 Q. Merci.

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1 M. KRUGER : [interprétation] Monsieur le Président --

2 Q. Pardonnez-moi, Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez apposer vos

3 initiales en bas à droite de la carte, simplement inscrivez les lettres SK,

4 s'il vous plaît.

5 R. [Le témoin s'exécute]

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour les besoins du transcript, le Greffier m'a dit

7 que c'est la pièce P 09276. Oui. Qu'en fait qu'il y aurait, pour cette même

8 carte, deux numéros ?

9 M. KRUGER : [interprétation] Notre commis à l'affaire vient de me dire la

10 même chose. Est-ce que la carte précédente a déjà été versée au dossier ?

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Bon, on va donner un numéro IC, donc, cela va

12 résoudre le problème. Allez. Un numéro IC, Monsieur le Greffier.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce IC 177, Monsieur le

14 Juge.

15 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Monsieur, pouvez-vous regarder la carte à l'écran. Pendant quelques

17 instants, ceci nous -- garder tout simplement la carte à l'écran, ceci nous

18 permettra de mieux comprendre la déposition du témoin. Bien.

19 Monsieur --

20 M. KRUGER : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que --

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Petkovic.

22 L'ACCUSÉ PETKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais

23 aider le témoin à apporter une modification. Le numéro 5, ce n'est pas la

24 route en direction d'Aladinici. La route en direction d'Aladinici tourne

25 vers la droite, et nous parlons d'une mosquée.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez raison, c'est sur la route de

27 Stolac. Merci.

28 M. KRUGER : [interprétation]

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1 Q. Monsieur le Témoin, avez-vous des commentaires à faire suite à cela ?

2 R. Aladinici se trouve sur la route en direction de Stolac, donc, la

3 suggestion qu'on vient de faire est tout à fait exacte et tout à fait

4 justifiée.

5 Q. Est-ce que vous souhaitez apporter des modifications au schéma que vous

6 avez fait ?

7 R. Oui, oui. C'est très important. Oui, c'est très important.

8 Q. Quel type de corrections souhaitez-vous apporter ?

9 R. C'est facile d'indiquer Aladinici, l'endroit qui se trouve en direction

10 de Stolac. C'est sur la route.

11 Q. Je vois que ce numéro 5 que vous avez dessiné, est-ce que vous

12 souhaitez placer ceci à un autre endroit de la carte ?

13 R. Oui, oui. Oui, oui, oui.

14 M. KRUGER : [interprétation] Avec l'aide de Mme l'Huissière, s'il vous

15 plaît.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela se trouve à trois kilomètres environ de

17 l'intersection en direction de Lokva. La mosquée se trouve sur la gauche,

18 sur la route même.

19 M. KRUGER : [interprétation]

20 Q. Donc, est-ce que vous voulez biffer ou gober le premier numéro 5 que

21 vous avez indiqué ?

22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- dit qu'il fallait donner un autre numéro, vu la

23 modification. Alors, Monsieur le Greffier, pour la carte révisée.

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce IC 178, Monsieur le

25 Juge.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

27 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous

28 remercie, Monsieur Petkovic.

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1 Q. Donc, Monsieur le Témoin, je vais revenir à mon ancienne question. Les

2 combats que vous avez entendus dans la matinée du 13 juillet 1993, est-ce

3 que ces combats se sont poursuivis et est-ce que ces combats ont cessé à un

4 moment donné ou pas ?

5 R. Oui, à un moment donné. En réalité, je n'ai peut-être même pas entendu

6 les coups et les choses se sont calmées après. Il n'y avait que des coups

7 de feu sporadiques, quatre ou cinq heures plus tard.

8 Q. Est-ce que depuis l'endroit où vous étiez, vous pouviez voir des

9 troupes ou apercevoir le mouvement des troupes, des soldats, leur

10 [imperceptible] ?

11 R. Oui.

12 Q. De quel type de soldats s'agissait-il ?

13 R. J'ai pu observer le mouvement des troupes sur la route en direction de

14 Stolac, la route de Stolac en direction de Lokva. Sur ce tronçon de la

15 route, on pouvait bien le voir.

16 Q. Quelles troupes ou soldats pouviez-vous voir sur cette route, pour

17 autant que vous puissiez les voir ?

18 R. Oui, c'était les troupes du HVO. En tout cas, c'est ce que je pensais,

19 à ce moment-là.

20 Q. Donc, ce jour-là et dans les jours qui ont suivi, dans lesquels vous

21 vous êtes trouvé dans la région, dans votre esprit, quelle était l'armée

22 qui se trouvait dans la région ou tout autour de la région dans laquelle

23 vous vous trouviez ?

24 R. Oui. C'était évident que le HVO avait pris le contrôle de l'ensemble de

25 cette région et qu'elle la contrôlait.

26 Q. Bien. Monsieur le Témoin, si nous pouvons maintenant passer à la

27 question des mosquées dans la région. Depuis l'endroit où vous étiez, est-

28 ce que vous pouviez apercevoir votre mosquée, une partie de votre mosquée ?

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1 R. Depuis l'endroit où je l'ai trouvé, je ne pouvais pas voir toute la

2 mosquée. Je pouvais peut-être entre apercevoir la partie supérieure du

3 minaret et j'aurais dû me rapprocher, mais c'était assez risqué.

4 Q. Avez-vous remarqué quelque chose par rapport à votre mosquée pendant

5 que vous étiez dans cette forêt ?

6 R. J'ai simplement vu la fumée lorsqu'on -- elle était en proie aux

7 flammes.

8 Q. Quand ceci s'est-il passé ?

9 R. Honnêtement, je n'ai pas gardé de journal et je pourrais me tromper

10 facilement au niveau de la date. Mais tout ce dont je parle s'est passé

11 entre le 13 et le 17, les quatre jours où je me suis trouvé là. Peut-être

12 que c'était le lendemain, donc, le 14 juillet.

13 Q. Après avoir vu la fumée dans votre mosquée, avez-vous eu l'occasion, au

14 cours de ces quatre jours, de voir votre mosquée, votre maison ?

15 R. Oui. Le lendemain, je pouvais mieux voir lorsque le lendemain déjà la

16 visibilité était meilleure. Le HVO occupait toute cette ligne et mon père

17 s'est rendu à cet endroit-là le soir même et lorsqu'il est rentré, il m'a

18 raconté ce qui s'était passé. En réalité, nous ne savions même pas qu'il

19 nous avait quitté.

20 Q. Que vous a relaté votre père ?

21 R. Que la mosquée avait été incendiée, que notre maison avait brûlé

22 jusqu'au sol et nous avions une vache. Nous n'avions pas eu le temps de la

23 détacher. De toute façon, nous pensions qu'elle n'allait pas survivre,

24 donc, malheureusement, cette vache a également brûlé. Cette vache était

25 dans notre étable de fortune, qui se trouvait derrière la maison. C'était,

26 en réalité, un garage que nous avions transformé en étable.

27 Q. Après que votre père vous ait dit cela, est-ce que vous avez eu

28 l'occasion de voir de vos propres yeux votre maison et la mosquée, votre

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1 mosquée ?

2 R. Oui. Oui. Je l'ai vu de mes propres yeux.

3 Q. Qu'avez-vous vu ?

4 R. Les cendres. Les ruines. Tout avait été brûlé, comme il nous l'avait

5 dit. Bien sûr, il ne s'est pas rendu directement sur les lieux, mais je

6 suis allé suffisamment près pour les voir.

7 Q. Depuis la forêt, est-ce que vous pouviez apercevoir d'autres mosquées

8 dans la région ?

9 R. Oui. J'ai pu voir deux mosquées : celle de Lokva, celle d'Aladinici. Je

10 les voyais, c'était celles que je voyais le mieux.

11 Q. Avez-vous remarqué quelque chose par rapport à ces deux mosquées ?

12 R. Oui. J'ai vu qu'elles brûlaient. On avait mis le feu à ces deux

13 mosquées.

14 Q. Par rapport à votre propre mosquée, à Recice, pourriez-vous nous dire

15 si ceci s'est passé le même jour au plus tard ?

16 R. Je crois que c'était le même soir. C'est à ce moment-là que j'ai vu les

17 flammes.

18 Q. Lorsque vous avez vu ces flammes, est-ce que ces deux mosquées étaient

19 en proie aux flammes en même temps ou à des moments différents ?

20 R. Elles brûlaient en même temps. Je les ai vues en train de brûler. Je ne

21 sais pas exactement à quel moment on y a mis le feu, mais elles brûlaient

22 en même temps.

23 Q. Pendant que ces mosquées brûlaient, y avait-il encore des combats dans

24 la région, à l'endroit où se trouvaient ces mosquées, quelque chose que

25 vous auriez pu remarquer ou entendre ?

26 R. Non. Il n'y avait plus de combats.

27 Q. A ce moment-là, d'après vos observations, ce que vous avez pu

28 remarquer, qui contrôlait la région dans laquelle se trouvaient ces

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1 mosquées ?

2 R. Le HVO, sans l'ombre d'un doute.

3 Q. Monsieur, dans cette région où vous et votre famille vous vous étiez

4 mis à l'abri, est-ce que d'autres familles s'étaient mises -- se cachaient

5 dans la région, dans ce même endroit ?

6 R. Oui.

7 Q. Qui était ces personnes qui se cachaient là aussi ?

8 R. Bien, il y avait surtout des gens des localités proches de la route de

9 Domanovici, des gens qui se trouvaient dans la ligne de tir et c'est pour

10 cela qu'elles sont parties se cacher sans doute.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : -- question à poser. Vous venez de dire qu'il y

12 avait trois mosquées qui ont brûlées, la vôtre, celle de Lokva, et celle de

13 l'Aladinici. Vous avez dit que vous aviez été voir la vôtre et vos propres

14 termes il n'y avait que des cendres. Ce que j'aimerais savoir c'est que

15 quand vous avez vu de vos propres yeux votre mosquée, est-ce que vous avez

16 pu déterminer la façon dont elle avait brûlée ? Etait-ce des obus qui

17 étaient tombés dessus ? Est-ce que la mosquée avait été minée puis il y

18 avait eu une explosion ? Ou bien il y avait eu un incendie accidentel ? Ou

19 on avait déversé un produit inflammable, et cetera ? Est-ce que vous avez

20 une idée sur la façon dont votre propre mosquée a pris feu ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, compte tenu de ce qui

22 se passait à l'époque, et compte tenu de mes conclusions personnelles, j'ai

23 décidé qu'on y avait mis le feu de façon délibérée, parce qu'il n'y avait

24 pas d'obus. Je dirais simplement qu'on a mis le feu. La mosquée n'avait pas

25 explosée. Je sais que ceci s'est passé après -- pendant la guerre. C'est

26 simplement qu'on y avait mis le feu de façon et c'était fait de façon

27 délibérée.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : On a mis le feu mais de quelle façon vous avez des

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1 éléments pour nous indiquer de quelle façon le feu a pris ? Ou bien vous ne

2 pouvez pas nous renseigner ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Honnêtement je ne sais rien à ce sujet.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour ces précisions.

5 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Q. Monsieur, les autres personnes qui se trouvaient dans la forêt en même

7 temps que vous, pourquoi se cachaient-ils, ou de quoi se cachaient-ils ?

8 Ceci pour le compte rendu d'audience.

9 R. Surtout parce qu'ils avaient peur et avaient peur de représailles et

10 ils avaient peur d'être maltraités et ils avaient peur d'être tués. Je ne

11 sais pas ce qui leur traversait l'esprit à chacun.

12 Q. S'agissait-il tous de Musulmans de Bosnie ?

13 R. Oui, oui.

14 Q. Monsieur, est-ce que maintenant nous pouvons passer à la date du 17

15 juillet ? Avant de passer à cette date, je souhaite vous poser une autre

16 question. Avez-vous vu autre chose brûlée hormis les mosquées ou d'autre

17 bâtiment qu'on détruisait ?

18 R. Oui. Beaucoup de maisons des Musulmans étaient en flammes surtout à

19 Lokva et à Aladinici. Ceci pouvait se voir très distinctement. On voyait

20 bien que sur la colline les maisons étaient en proie aux flammes. Les

21 maisons qui se trouvaient sur les hauteurs à Bivolje Brdo. Ceci avait été

22 fait de façon systématique.

23 Q. Merci, Monsieur. A la date du 17 juillet 1993, vous étiez dans le

24 hameau de Cuckovina avec votre famille, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, c'est exact. Nous y avons passé la première et la dernière nuit.

26 Q. Veuillez dire aux Juges de la Chambre, s'il vous plaît, comment vous

27 avez quitté cet endroit ce jour-là, et comment se fait-il que vous avez

28 quitté cet endroit ce jour-là ?

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1 R. Dans la matinée du 17 juillet, un jeune homme du voisinage est venu

2 nous voir et est venu voir les personnes chez qui j'étais, chez qui nous

3 étions car nous étions invités par cette famille, et ils ont dit qu'à 5

4 heures il fallait être prêts car des camions viendraient les évacuer de

5 Cuckovina.

6 Q. Ce jeune homme du voisinage était-ce un soldat ?

7 R. Oui, oui, c'était un soldat du HVO.

8 Q. Est-ce que le soldat vous a dit où on allait vous emmener, et ce qui

9 allait vous arriver ?

10 R. Il nous a dit que c'était surtout pour notre propre sécurité qu'on nous

11 emmenait ailleurs.

12 Q. A 5 heures, ce jour-là, est-ce que des camions sont effectivement

13 arrivés ou un camion est-il arrivé ?

14 R. Oui. Plusieurs camions sont arrivés et ils ont pris certaines personnes

15 du village, donc certaines personnes sont allées à bord de leur propre

16 camion. Nous étions en haut du camion et nous avons voyagé comme cela.

17 Q. Aviez-vous le choix ? Auriez-vous pu rester à l'endroit où vous étiez ?

18 Vous a-t-on laissé le choix ?

19 R. Non, pas vraiment. On ne nous a pas laissé le choix. On pouvait

20 simplement s'enfuir. Ce n'était pas vraiment un choix possible, car le

21 risque était trop grand.

22 Q. Où les camions se sont-ils dirigés après cela, camion à bord duquel

23 vous étiez ?

24 R. Nous sommes passé devant Domanovici. Nous avons -- nous sommes passés

25 par Domanovici.

26 Q. Oui. Dans quelle direction ?

27 R. A l'époque il y avait un restaurateur très connu sous le nom de Han,

28 c'était un restaurateur qui avait surtout des produits orientaux et c'est

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1 là qu'on nous a fait descendre.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : -- une question.

3 M. LE JUGE MINDUA : Excusez-moi, Monsieur le Procureur. Juste une courte

4 question.

5 Vous parlez de camion, de camion militaire, à qui appartenait ces camions ?

6 Est-ce qu'il y avait des insignes sur ces camions qui transportaient des

7 personnes, Monsieur le Témoin ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, c'étaient des camions civils

9 et les chauffeurs à bord étaient des civils aussi. Ce n'était pas des

10 militaires.

11 M. LE JUGE MINDUA : Ces camions étaient réquisitionnés par le HVO ou

12 c'étaient des civils qui s'étaient portés volontaires pour aider la

13 population à partir ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose qu'ils n'y sont pas allés de leur

15 plein gré. Je crois qu'ils ont été engagés, mobilisés, prenez-le comme vous

16 le voulez, par le HVO.

17 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

18 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

19 Q. Monsieur le Témoin, vous étiez en train de nous dire concernant ce

20 restaurateur Han, alors, pouviez-vous poursuivre, ou est-ce que cela se

21 trouvait ?

22 R. Cela se trouve dans la vieille ville de Pocitelj, l'établissement est

23 dans un style oriental. Du reste toutes les bâtisses là-bas le sont. Il y

24 avait la mosquée, la Madrasa, les bains publics du temps des Turcs encore.

25 C'était là que se trouvait une grande colonie artistique. Elle est

26 d'ailleurs utilisée de nos jours encore. C'est une espèce de quartier

27 oriental. Tout y est dans un style oriental. Les maisons, les

28 constructions.

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1 Q. Lorsque vous êtes arrivé cette nuit-là est-ce que tous ces bâtiments

2 étaient encore intacts ?

3 R. Oui. Je n'ai pas remarqué des destructions d'endroits qui auraient été

4 dévastés.

5 Q. Jusqu'à quand êtes-vous resté à Pocitelj ?

6 R. Peut-être jusqu'à 9 heures, à peu près 9 heures du soir.

7 Q. Qu'est-il arrivé, vers 9 heures du soir ?

8 R. Là, les hommes ont été embarqués à bord des camions. D'abord, ils les

9 ont séparés des femmes. Puis, ils les ont emmenés.

10 Q. Quand vous dites "ils," à qui vous référez-vous ?

11 R. Au HVO. Ce que je pense, enfin, ce que j'ai à l'esprit, c'est la police

12 du HVO.

13 Q. Quand vous dites : "Police du HVO," est-ce que cela signifie police

14 militaire ou pas ?

15 R. Oui. Police militaire.

16 Q. Monsieur, avant que de se pencher sur ce qui vous est arrivé à vous-

17 même, dites-nous brièvement ce qui est arrivé à votre famille après tout

18 ceci ?

19 M. LE JUGE ANTONETTI : -- j'avais une question à poser que vous ne posez et

20 je vais la poser.

21 Vous venez de dire qu'il y a eu la séparation par la police militaire du

22 HVO. Comment faisiez-vous la distinction entre les soldats du HVO et des

23 policiers militaires du HVO ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je pouvais le faire de façon

25 évidente. La police militaire porte des ceinturons blancs et le reste des

26 équipements est blanc : les gaines de pistolet, les matraques, tout est

27 blanc. C'est ainsi qu'on fait la différence.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Voilà une précision, Monsieur Kruger.

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1 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 Q. Monsieur le Président, pourriez-vous, brièvement, dire aux Juges ce qui

3 est arrivé à votre famille lorsque vous avez été emmenés de Pocitelj ?

4 R. Ma famille, comme bon nombre d'autres familles qui sont venues avec

5 moi, avec nous, certaines sont arrivées avant, s'étaient trouvées des

6 endroits pour habiter à Pocitelj. Il y avait des résidences secondaires,

7 des maisons abandonnées, et ils ont trouvé de quoi s'installer pendant une

8 semaine, une dizaine de jours, je ne sais pas trop.

9 Q. A la fin de cette période de temps, que leur est-il arrivé ?

10 R. Ce que je sais, c'est qu'après, le HVO les a fait monter à bord d'un

11 camion. Ils ont voyagé par l'Herzégovine occidentale jusqu'à Jablanica, je

12 pense. Je n'en suis pas trop sûr. Mais ils ont été emmenés pour un échange

13 qui ne s'est pas produit. Je ne sais pas pourquoi.

14 Q. Le soir où vous avez été emmenés pour être embarqués à bord d'un

15 camion, où vous a-t-on emmenés ?

16 R. Ils nous ont directement emmenés au camp de Gabela.

17 Q. Quand est-ce que vous êtes arrivé au camp de Gabela, à peu près ?

18 R. Je pense qu'il était vers 11 heures environ. La nuit, donc vers 23

19 heures.

20 Q. Le soir, donc. Quand vous êtes arrivé donc vers 11 heures du soir, que

21 vous est-il arrivé ?

22 R. On nous a fait descendre du camion. Nous avons tous voyagé à bord du

23 même camion. On nous a planté là, devant le portail, pendant une heure. On

24 nous a malmené verbalement. On nous a interrogé. Pour l'essentiel, c'est

25 cela.

26 Q. Quand vous dites "nous," à qui vous référez-vous ? Ceux qui étaient à

27 bord du camion et qui ont été alignés au portail ?

28 R. Je parle de moi et des gens qui ont fait partie de mon groupe. C'est en

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1 tout et pour tout un groupe d'une vingtaine de personnes.

2 Q. Y a-t-il eu d'autres personnes à venir à Gabela le même soir ?

3 R. Je n'en suis pas certain. Je suppose que si. Ils ont dû être amenés

4 plus tard.

5 Q. Les gens de votre groupe, était-ce tous des Musulmans de Bosnie, des

6 hommes ?

7 R. Oui, c'était tous des hommes, des Musulmans de Bosnie. Ils étaient tous

8 originaires de Cuckovina, la localité de laquelle nous étions venus.

9 Q. Votre frère, était-il avec vous ?

10 R. Oui, mon frère était avec nous. Il a été également arrêté.

11 Q. Quand vous dits qu'à l'arrivée, on vous a malmené verbalement et

12 interrogé, qui vous a malmenés verbalement et qui est-ce qui vous a

13 interrogés ?

14 R. Je sais seulement qu'il s'appelait Marko. C'était un homme corpulent,

15 plutôt bâti en athlète et brutal.

16 Q. Est-ce qu'il était présent lorsque vous êtes arrivés ? Est-ce qu'il

17 était le seul présent à votre arrivée à Gabela ?

18 R. C'est lui qui nous a interrogés, mais à côté du portail. Il y avait

19 l'adjoint de Bosko Previsic, Nikola Andrun. Lui, il était resté assis. Il

20 n'a rien dit. Il n'a rien fait non plus. Il n'a rien fait.

21 Q. Marko et Nikola Andrun portaient-ils des uniformes ?

22 R. Oui, oui.

23 Q. Quels uniformes ?

24 R. Marko avait une espèce de t-shirt avec des bretelles, dans le style

25 Rambo et un pantalon.

26 Q. Ces deux personnes, pendant que vous êtes restés à Gabela, est-ce que

27 ces deux personnes sont restées à Gabela ou étaient-elles là juste cette

28 nuit ?

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1 R. Oui. Ils étaient là depuis un bon moment.

2 Q. Donc suite à cet accueil comme vous venez de le décrire, où avez-vous

3 été installés dans ce cas, dans ce centre de détention ?

4 R. Nous avons été placés dans le hangar numéro 3. C'est le troisième dans

5 la série. On nous a mis sur le côté droit de la toute première porte. C'est

6 probablement parce que là encore, il devait y avoir un peu de place.

7 Q. Dans ce hangar numéro 3, quand vous y êtes amenés, cette nuit-là,

8 quelles sont les impressions que vous avez eues ? Veuillez le décrire à

9 l'intention de la Chambre.

10 R. Tout d'abord, on était à l'étroit. On n'a pas pu se coucher. On n'a

11 même pas pu s'asseoir convenablement. C'est ainsi que nous avons accueilli

12 le pied jour. Jusque-là, on ne pouvait rien voir. On pouvait juste deviner

13 ce qu'il y avait autour et on pouvait entendre çà et là quelque chose.

14 Q. Quand le jour s'est fait, quelle est l'impression que vous vous êtes

15 faite au sujet du nombre de personnes dans le hangar ?

16 R. J'ai pu voir que c'était déjà plein, qu'il y avait plusieurs centaines

17 de gens. Je ne pouvais bien sûr pas connaître le chiffre exact, mais

18 c'était plein.

19 Q. Alors, ce hangar avait-il des fenêtres, des portes qui étaient

20 ouvertes ?

21 R. Oui. Il y avait deux portes, larges. Des fenêtres, qui se trouvaient

22 très haut, presque un peu en dessous du toit, en enfilade. Ces fenêtres

23 étaient fermées et les portes également.

24 Q. Pourriez-vous décrire la qualité de l'air, tel que vous vous en

25 souvenez, s'agissant du hangar ?

26 R. L'air, l'air. Il n'y avait pratiquement plus d'air. On se sentait comme

27 des poissons sur du sable. Il faisait chaud. Il y avait beaucoup de gens

28 qui avaient fait leurs besoins, petits et gros besoins, à l'intérieur.

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1 Certains étaient battus, certains étaient blessés. Enfin, c'était horrible.

2 Q. Comment a-t-on distribué la nourriture à partir de votre arrivée,

3 pendant cette première partie de séjour à Gabela ?

4 R. J'ai eu de la chance de recevoir le lendemain un premier repas, un

5 déjeuner. Ceux qui ont été arrêtés avant moi n'avaient rien reçu. C'est là

6 qu'on avait tous reçu un premier repas. Du moins, ce que j'ai reçu, moi, je

7 dirais d'abord qu'on a distribué à manger depuis un grand récipient

8 typiquement militaire. Il n'y avait pas suffisamment de récipients, donc il

9 fallait que les uns mangent vite pour que les autres puissent recevoir à

10 manger. C'était plutôt un repas modeste, frugal. Il y avait deux ou trois

11 cuillères de liquides, un bout de chou et un morceau de pain. Un pain --

12 une miche de pain était coupée en 12, 15, même 18 morceaux, et c'était la

13 ration journalière pour chacun, pour les 24 heures à venir.

14 Q. C'est le repas que vous avez reçu le premier jour, d'après ce que vous

15 avez dit. En comparaison, comment étaient les repas que vous avez reçus par

16 la suite ?

17 R. Par la suite, cela a été en tout cas mieux que le premier, mais loin

18 d'être suffisant pour rassasier quelqu'un. De temps en temps, il y avait

19 des petits pois ou des macarons. Mais le morceau de pain a été très mince à

20 chaque fois, tout petit, insuffisant bien sûr. Quoi que l'on nous ait

21 donné, c'était insuffisant.

22 Q. Mais après ce premier jour lorsque vous avez reçu un repas, dans la

23 période qui a suivi, avez-vous reçu plus d'un repas par jour ou pas ?

24 R. Non. Tout un mois, nous n'avons reçu qu'un repas par jour, de ce genre-

25 là.

26 Q. Pour ce qui est de l'eau, qu'en a-t-il été ?

27 R. Pour ce qui est de l'eau, cela a été encore plus critique. Nous n'en

28 recevions presque pas au début. Ou alors, c'était symbolique, un seau de 7

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1 ou 8 litres pour 400 personnes. Il eut été préférable de ne pas en apporter

2 parce que nous avons été mis à l'épreuve avec.

3 Q. Quel a été l'effet qu'a eu cette petite quantité d'eau que vous

4 receviez ? Qu'est-ce que cela a fait, à votre niveau et au niveau des

5 autres détenus dans le hangar ?

6 R. Je pense que cela nous a donné encore plus envie de boire

7 -- nous a donné encore plus soif parce qu'il n'y avait pas de quoi avoir

8 une goutte chacun. Bien entendu, rapidement on se déshydratait. On

9 transpirait, et on ne renouvelait pas la quantité de liquide.

10 Q. Monsieur, y a-t-il eu, à votre connaissance, des gens qui ont souffert

11 de séquelles à long terme suite à cette pénurie d'eau, suite à cette

12 déshydrations ?

13 R. Oui. Je pense être l'un de ceux-là. J'ai des difficultés avec mes

14 reins, avec mes organes digestifs. Mais je sais qu'il y a eu des gens qui

15 se sont vraiment sentis mal. Un homme, dont les reins ont cessé de

16 fonction, un voisin à moi -- encore dans le camp -- lorsque nous étions

17 dans le camp, il s'est senti mal et il a été emmené à l'hôpital. Je crois

18 que depuis, il y a eu une transplantation de faite et qu'il est encore en

19 vie. Mais cela s'est forcément répercuté sur le fonctionnement de

20 l'organisme -- des organes.

21 Q. Le personnel du centre de détention -- excusez-moi, à Gabela, avait-il,

22 ce personnel, connaissance ou conscience du résultat de ce manque d'eau et

23 de l'effet que cela pourrait avoir sur les détenus ?

24 R. Oui, bien sûr, ils ont certainement dû le savoir.

25 Q. Qu'est-ce qui vous le fait dire ?

26 R. Il a été évident que les gens souffraient. Bon nombre d'entre eux

27 s'évanouissaient. Ce genre de chose.

28 Q. Le commandant de ce centre de détention, Bosko Previsic, d'après ce que

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1 vous en savez, avait-il connaissance de ce qui se passait concernant la

2 condition dans laquelle se trouvaient les détenus ?

3 R. Oui. Il devait, à part entière, avoir connaissance de la situation.

4 Q. Mais qu'est-ce qui vous le fait dire ?

5 R. Je sais. Je sais qu'il a été au courant de toute chose. Il a veillé aux

6 choses qui arrivaient : la nourriture, combien il en arrivait, comment les

7 gens agissaient. Il était souvent présent. Il a donc pu voir.

8 Q. Avez-vous remarqué, dans votre hangar, qu'il se serait adressé aux

9 détenus en votre présence ?

10 R. Oui, à plusieurs reprises. Il venait presque tous les matins. Il tenait

11 une espèce de discours, de monologue, avec moult injures, humiliations.

12 Parfois, il venait l'après-midi, même le soir, et il parlait ou il

13 entreprenait des choses, une descente, et il venait s'adresser à nous.

14 C'était plutôt désagréable. Je dirais humiliant, en ce qui nous concerne.

15 Q. Monsieur, lorsque vous êtes arrivé dans le hangar -- vous avez décrit

16 les conditions, mais j'aimerais que vous nous décriviez si vous avez

17 remarqué des blessures au niveau de personnes que vous avez vues dans ce

18 hangar.

19 R. Oui. Dès le matin, j'ai pu voir des images terribles, des gens qui ont

20 été passés à tabac. Il était évident qu'ils avaient été torturés

21 auparavant. Je ne sais pas si cela s'est fait à l'occasion de l'arrestation

22 ou sur place, mais il doit y avoir eu l'un et l'autre.

23 Q. Mais à quoi avez-vous pu le constater ? Quelles sont les blessures

24 concrètes ou les circonstances, les conditions, l'état de chacun, que vous

25 auriez concrètement relevés ?

26 R. Ce que j'ai relevé d'abord, dès qu'il s'est fait jour, à ma droite, il

27 y avait deux hommes. C'étaient des voisins de Rotimlja. Je connaissais leur

28 nom de famille, pas leur prénom. L'autre, c'était un jeune homme blond.

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1 L'autre s'appelait Sako, je crois. Il était plutôt brun, lui. Pour Bajram,

2 il avait un œil poché. Il avait des bleus sur le front, sur le corps.

3 J'avais l'impression que ses côtes étaient cassées parce qu'il ne pouvait

4 presque pas respirer. L'autre, sur sa poitrine, il avait encore une

5 blessure, une blessure ouverte. On pouvait voir des traces d'infection.

6 Plus tard, on m'a dit qu'à l'occasion de l'arrestation, on avait brûlé

7 quelque chose dessus, un tas de papier dont on a fait une torche.

8 Il y avait deux frères Donko dont le père s'appelait Halil et lui

9 aussi a été battu. Eux aussi ont été battu. Il semblerait que cela ne s'est

10 pas passé à l'occasion de l'arrestation, mais là, certains ont donc été

11 battus lors de l'arrestation d'autres sur place.

12 Q. Avez-vous vu des gens battus dans le hangar, dans votre hangar numéro

13 3 ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que vous pourriez étoffer votre propos à l'attention des Juges ?

16 R. Certes. J'ai vu arriver un groupe de plusieurs personnes. Il y avait

17 parmi eux un policier haut de taille. Il portait l'uniforme de la police

18 militaire. Il avait une matraque aussi. Il y avait à côté un homme bâtit en

19 athlète qui portait un ceinturon large avec des - je ne sais plus si

20 c'étaient des clous ou des carrés en métal dessus - mais c'était lourd. Je

21 pense qu'il portait cela pour donner des coups. Alors ce groupe lorsqu'il

22 est entré a demandé après Zuhric et juste à côté de moi il y avait

23 plusieurs Zuhric du village d'Oplicici. Il y avait un père et un fils de

24 mon village. Alors, ils ont répondu : "Présents à plusieurs." Devant nous

25 encore ils ont commencé à leur asséner des coups. Le policier était le plus

26 brutal. Il a donné des gifles avec sa matraque. Il y avait un jeune homme,

27 un garçon, Zuhric. Je sais que son père s'appelait Mujo, c'était donc le

28 fils à Mujo. Lui on l'a fait sortir de l'autre côté de la porte, on l'a mis

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1 contre le mur et on l'a battu avec cette matraque. Il gémissait et il se

2 tordait, se contorsionnait jusqu'à s'écrouler. Les autres ont été battus à

3 l'intérieur. Ils ont été battus moyennant matraque, moyennant coups de pied

4 dans la figure, et ainsi de suite. Un jour, quelques jours après mon

5 arrestation on a emmené un autre Zuhric.

6 Q. Excusez-moi. Puis-je vous interrompre ?

7 R. Oui, oui, allez-y.

8 Q. Si vous permettez, je voudrais vous interrompre avant que vous laissez

9 continuer avec ce récit. Ce grand policier qui portait un uniforme de la

10 police militaire, que vous avez mentionné, de quelle police militaire était

11 l'uniforme en question ?

12 R. HVO. HVO. Personne d'autre ne pouvait entrer là.

13 Q. Les autres hommes qui faisaient partie du groupe était-ce des

14 militaires ou des civils ?

15 R. J'ai remarqué ce civil bâtit en athlète. Par la suite, les gens de mon

16 entourage on dit qu'il était originaire de Split. C'était un costaud de

17 Split. Il venait là pour tabasser les détenus. Les autres je n'arrive plus

18 à m'en rappeler. C'était encore l'époque où tout un chacun pouvait

19 librement asséner des coups et passer à tabac.

20 Q. Ces personnes qui sont venues ce jour-là, ai-je bien compris de ce vous

21 avez dit, ce n'était pas des gens qui faisaient partie du centre de

22 détention de Gabela, ils n'avaient aucune fonction officielle pour autant

23 que vous le sachiez ?

24 R. Non, je pense que non.

25 Q. A votre connaissance, le personnel de Gabela avait-il conscience de

26 l'accès de ces personnes dans les lieux et de ce que ces gens faisaient ?

27 R. Oui. Il savait certainement ce qui était fait.

28 Q. Pourquoi ? Qu'est-ce qui vous le fait dire ?

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1 R. J'en suis certain. Ils devaient forcément le savoir. Ils devaient

2 passer par le portail. Ils étaient vus de quelqu'un. Ils ont dû s'annoncer

3 à quelqu'un. Toujours est-il que je suis certain qu'ils le savaient.

4 Q. Lorsque je vous ai interrompu vous étiez en train de nous parler de

5 l'autre Zuhric qui était emmené là de votre village.

6 R. Ce que je voulais dire il s'agissait Halil Zuhric lors de son

7 arrestation il a été emmené à la caserne de Grabovina. C'est là qu'il a été

8 tabassé. En fait, on l'a apporté, on l'a traîné parmi nous. Son père,

9 l'autre Mujo Zuhric, pas le premier a été ramassé lui, emmené. Il n'est

10 jamais revenu. Il a été abattu.

11 Q. Monsieur, ces cas de passage à tabac que vous venez de relater et que

12 vous avez vus, était-ce les seuls cas que vous avez vus, ou est-ce qu'il y

13 en a eus d'autres sans pour autant entrer dans le détail ? Dites-nous juste

14 s'il y a eu d'autres occasions ?

15 R. Oui. Il y en a eus. Lors de l'arrivée de groupes, qui sortaient de la

16 caserne pour aller, par exemple, travailler, ce groupe était

17 obligatoirement inspecté. C'était le commandant Boko qui le faisait et s'il

18 trouvait chez l'un d'entre eux des cigarettes ou une boite de conserves

19 celui-ci recevait un coup dans la tête, un coup de crosse de fusil.

20 Il y avait un jeune originaire de Basko [phon] et je sais quand il a

21 été frappé au front ce dernier a porté une ecchymose pendant très

22 longtemps.

23 Q. Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur.

24 M. KRUGER : [interprétation] Monsieur le Président, je vois qu'il est 7

25 heures. Je pense avoir besoin d'encore 20 à 25 minutes pour ce témoin

26 demain.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

28 Alors il est donc 19 heures. Nous allons interrompre nos travaux et nous

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1 reprendrons pour le dernier jour de l'année. L'audience -- demain à 14

2 heures 15. Je vous remercie.

3 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le jeudi 14 décembre

4 2006, à 12 heures 15.

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