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1 Le mercredi 24 janvier 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro
6 de l'affaire, s'il vous plaît ?
7 M. LE GREFFIER : Bonjour, Monsieur le Président. Affaire
8 IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je salue toutes les personnes présentes : les
10 représentants de l'Accusation, Messieurs et Mesdames les avocats, ainsi que
11 MM. les accusés. Je salue également toutes les personnes de la salle
12 d'audience. Je formule également, au nom de mes collègues, mes prompts vœux
13 de rétablissement pour M. Petkovic, qui n'est pas dans la boxe aujourd'hui.
14 Nous devons poursuivre nos travaux. Avant cela, je vais rendre une décision
15 orale concernant la tenue d'une Conférence 65 ter. Donc, je vais lire
16 lentement tout en vérifiant au transcript qu'il n'y a pas d'erreur de
17 traduction.
18 Hier, la Chambre a été saisie d'une requête déposée conjointement par
19 les conseils de la Défense. Cette demande fait suite aux écritures déposées
20 en vertu de l'article 92 bis concernant la municipalité de Gornji Vakuf.
21 Requête de l'Accusation du 15 décision 2006, réponse de la Défense du 12
22 janvier 2007, demande d'autorisation de déposer une réplique de
23 l'Accusation en date du 18 janvier 2007.
24 Sur cette demande d'autorisation, la Chambre à titre exceptionnel
25 fait droit à ladite demande. Dans la requête déposée hier, la Défense nous
26 demande la tenue d'une Conférence 65 ter afin d'aborder les points suivants
27 :
28 D'abord, l'Accusation semble s'accorder pour dire que les attaques
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1 sur les villages de la municipalité de Gornji Vakuf visaient des cibles
2 légitimes. Par conséquent, la Défense ne serait plus tenue de présenter des
3 moyens à décharge à cet égard.
4 Deuxièmement : quelle est l'interprétation à donner à l'article 92
5 bis, notamment en ce qui concerne l'élément de temps évoquer par
6 l'Accusation ?
7 Troisièmement : l'Accusation prétend-elle qu'il n'existait pas de conflit
8 entre les Croates et les Musulmans en Bosnie-Herzégovine en 1991 et 1992 ?
9 Sur le premier point dans sa demande d'autorisation de déposer une réplique
10 l'Accusation prétend que le fait que le village Gornji Vakuf ait été
11 défendu ou non n'est pas pertinent puisqu'elle n'a pas allégué une attaque
12 illégale, en tant que violation des lois et coutumes de la guerre, telle
13 que reconnue par l'article 3 du Statut.
14 D'abord, la Chambre souligne qu'elle n'est pas tenue par l'interprétation
15 de l'acte d'accusation telle qu'exposée par l'Accusation dans cette
16 demande. La question de l'existence d'une cible militaire légitime se pose
17 notamment dans le cadre des destructions et des meurtres allégués aux
18 paragraphes 66 et 72 de l'acte d'accusation. Ainsi, cette question est
19 pertinente par rapport aux allégations liées à la municipalité de Gornji
20 Vakuf et les parties sont tenues de présenter des éléments à cet égard.
21 En ce qui concerne la question de savoir si ce point est tellement crucial
22 qu'il faut permettre le contre-interrogatoire d'un ou plusieurs témoins
23 dont les déclarations écrites auraient été soumises en vertu de l'article
24 92 bis du Règlement, la Chambre renvoie à la décision qu'elle rendra à cet
25 égard.
26 Sur le deuxième point, pour ce qui est de l'application de l'article 92 bis
27 du Règlement, la Chambre exposera sa position par rapport à l'implication
28 des critères posés à l'article 92 bis dans sa décision qu'elle rendra
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1 prochainement sur la requête 92 bis concernant Gornji Vakuf.
2 Sur le troisième point, que les Musulmans et Croates de Bosnie aient
3 entrepris de monter une défense conjointe, à un moment donné, n'exclut pas
4 pour autant l'existence d'un conflit.
5 En conclusion, la Chambre n'estime pas nécessaire d'aborder les points
6 mentionnés, les écritures de la Défense nous ayant demandé la tenue d'une
7 conférence 65 ter.
8 Pour résumer, la Chambre rendra dans les prochains jours une décision
9 sur la requête initiale concernant Gornji Vakuf et nous répondrons dans
10 cette requête à tous les points que la Défense a indiqué dans ces écritures
11 qui nous ont été communiquées hier. Voilà, ce que je voulais vous indiquer.
12 Alors, Monsieur Bowen, je vous salue. J'espère que vous avez passé une
13 excellente soirée. Je vous rassure tout de suite votre audition n'ira pas
14 au-delà du début de cet après-midi. M. Praljak a encore trois quarts
15 d'heure, me semble-t-il et M. le Greffier va me confirmer. Sans perdre de
16 temps, je vais laisser la parole à
17 M. Praljak qui va vous poser les questions qu'il estime utiles à vous
18 poser.
19 LE TÉMOIN : JEREMY BOWEN [Reprise]
20 [Le témoin répond par l'interprète]
21 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
22 Bonjour, Messieurs les Juges.
23 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak : [Suite]
24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
25 R. Bonjour.
26 Q. Avant de commencer, je vous prie, d'essayer à cause de limitation de
27 temps, vous savez, j'aimerais bien en parler avec vous et discuter beaucoup
28 de questions diverses, mais, malheureusement, comprenez-moi, s'il vous
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1 plaît, les 45 minutes qui me sont imparties ne sont pas suffisantes pour
2 tous les thèmes que j'aimerais examiner avec vous. Je vous prie d'essayer
3 de répondre aussi brièvement que possible par oui ou non, lorsque c'est
4 faisable. Si on a besoin de détail, nous vous les demanderons. Merci.
5 Lorsque vous êtes arrivé la première fois à Mostar depuis Sarajevo via la
6 Bosnie centrale, vous avez traversé Konjic et Jablanica, n'est-ce pas ?
7 R. J'ai été dans les pourtours de Konjic et je suis allé -- mais mon
8 volume n'est pas assez élevé. Est-ce que je peux remonter le volume ? Est-
9 ce que c'est ce bouton-ci ? Ou baissez parce que c'est très fort le son.
10 Oui. Cela va mieux. Merci beaucoup.
11 Q. Savez-vous que, d'après le recensement de la population de 1991, il y
12 avait 11 748 Croates à Konjic et 2 826 Musulmans ?
13 R. Non.
14 Q. Savez-vous quel était le listing des Croates de Konjic à l'époque où
15 vous avez traversé cette région ? Que s'est-il passé avec les Croates
16 depuis le printemps 1993 ?
17 R. Non. Je n'étais pas au courant.
18 Q. Savez-vous qu'à Jablanica d'après le recensement de 1991 il y avait 2
19 346 Croates et puis 7 806 Musulmans à Jablanica ?
20 R. Je ne le savais pas.
21 Q. Etes-vous au courant du destin des Croates de Jablanica à partir du
22 printemps 1993 ?
23 R. Je peux devenir à quoi vous voulez en venir pour ce qui est de Konjic
24 et de Jablanica. Je n'ai pas de détail précis.
25 Q. Merci beaucoup. Veuillez vous référer maintenant à la carte qui se
26 trouve à votre côté droit sur ce panneau. Sur cette carte, les positions de
27 l'ABiH sont marquées par la couleur verte; par la couleur rouge, la
28 position serbe; et en bleu, sont les positions du HVO. C'est d'après les
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1 informations dont nous disposons. Nous avons essayé également de tracer le
2 chemin que vous avez pris pour arriver à Mostar. C'est d'après les
3 informations dont nous disposons. Vous pouvez éventuellement corriger s'il
4 faut ce tracé qui est marqué par la couleur rouge. On a -- si cette ligne
5 rouge qui mène de Jablanica via les montagnes était bien le chemin que vous
6 avez pris dans la mesure où vous vous en souvenez ?
7 R. Ce que je vois est en orange.
8 Q. Mais si vous parlez de cette ligne-là, oui.
9 R. Je n'ai pas vu sur une carte, mais je suppose que cela est à peu près
10 le bon trait, Tout cela commence au bon endroit et cela finit plus ou moins
11 au bon endroit.
12 Q. Merci beaucoup. Les positions de l'armée serbe depuis l'enclave de
13 Konjic et les positions de l'ABiH, du HVO; les connaissiez-vous à peu
14 près ?
15 R. A peu près, oui.
16 Q. Merci. Au moment où vous avez fini les enregistrements pour les besoins
17 de votre documentaire, vous avez pris votre Land Rover et vous vous êtes
18 dirigé vers le nord, de nouveau vers Jablanica.
19 R. Non, ce n'est pas exact.
20 Q. Mais alors, vous êtes parti dans quelle direction, depuis Mostar, vous
21 avez déclaré qu'il y avait des réflecteurs, des coups de feu, alors où est-
22 ce que vous êtes parti ? Étant donné que cela se trouvait au nord de
23 Mostar, alors dites-nous : êtes-vous parti vers Jablanica donnant dans la
24 direction de nord, étant donné que les projecteurs étaient au nord ?
25 R. Ils n'ont pas été filmés à notre départ. Quand nous sommes partis, nous
26 sommes partis vers le sud, vers Medjugorje, pour aller ensuite à Split, de
27 cette direction à Split.
28 Q. Merci beaucoup. Je vais me référer maintenant à la pièce, en fait au
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1 compte rendu du témoignage du témoin qui est un religieux à Mostar, page 2
2 991, puis page 2 992 --
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, mais nous ne voyons pas
4 le numéro du document au compte rendu d'audience. Est-ce que vous pourriez
5 répéter cette cote ou la page ?
6 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Il s'agit du compte rendu du 4 mai 2006
7 -- pardon, je m'excuse.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai rien, je n'ai pas ce document.
9 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Vous n'avez pas besoin de ce document,
10 c'est le compte rendu d'audience du 31 mai 2006. Il s'agit du témoin, Seid
11 Smajkic. Des pages en question sont 2 991, puis 2 992, puis 2 993.
12 J'ai posé la question suivante --
13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé, mais nous nous
14 n'avons pas ce document non plus apparemment, peut-être qu'il a reçu une
15 cote.
16 M. KOVACIC : [interprétation] [hors micro]
17 L'INTERPRÈTE : Toujours hors micro. L'interprète explique c'est parce qu'il
18 y a plusieurs micros qui sont branchés en même temps.
19 M. KOVACIC : [interprétation] Apparemment, cela ne marche pas. Je suis
20 désolé.
21 M. Praljak vous fournit une référence en nous donnant la date et la
22 page du compte rendu d'audience, en l'espèce. Il va lire une partie du
23 compte rendu d'audience. Nous n'avons pas préparé le compte rendu
24 d'audience, je suis désolé, mais je ne peux pas vous aider pour ce qui est
25 des -- je ne sais pas si le micro marche.
26 L'INTERPRÈTE : L'interprète rappelle quand plus de trois micros sont
27 ouverts, ils se débranchent.
28 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] La question que j'ai posé ce
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1 jour-là était la suivante : "Regardez, s'il vous plaît, la carte." Je
2 demanderais qu'on place cette carte ici sur le rétroprojecteur, c'est la
3 même carte que j'avais à l'époque présentée au témoin. Je pense que cela
4 pourrait nous être utile. Donc, mes questions étaient relatives à la route.
5 En fait, si on pouvait passer par la route de Mostar vers Jablanica et
6 Konjic, notamment consciemment le pont de Bijela et le rond point à côté du
7 pont de Bijela.
8 Je vais poser la question suivante, ce qu'on voit là c'est une
9 surface de l'eau, c'est un petit lac. Ensuite, on a le pont Bijela qui,
10 selon nos informations, avait été détruit par l'artillerie serbe. Pouvez-
11 vous, à partir des photographies aériennes, satellitaires, voir s'il y
12 avait là des routes à gauche et à droite des routes asphaltées ?
13 A ce moment-là, le Juge, le Président de la Chambre a posé la
14 question, s'il s'agissait de 150 mètres ou de 150 kilomètres. Ce n'était
15 pas clair. On a constaté par la suite qu'il s'agissait d'une distance entre
16 150 et 200 mètres. La réponse du témoin était que c'était une -- que cette
17 bretelle, en fait, était utilisée par l'armée bosniaque, qu'elle a été
18 utilisée après le dynamitage de ce pont vers Jablanica.
19 Ma question suivante était, c'est exact. Ensuite cette route asphaltée vers
20 Sarajevo, Konjic et Jablanica était là. Puis ensuite, la route était
21 interrompue sur une distance de 250 mètres à peu près. Ensuite, la route
22 asphaltée continuait vers Blagaj. Cela est-il exact ? Réponse du témoin :
23 "Oui, c'est exact."
24 Q. Monsieur Bowen, je vous prie maintenant de nous montrer sur la
25 carte où -- à quel endroit exactement sur cette route entre Mostar
26 Jablanica -- à quel endroit précis le HVO contrôlait cette route ? Où est-
27 ce qu'ils se trouvaient, d'après ce que vous savez ? Avez-vous vu de vos
28 propres yeux que cette route a été bloquée à un endroit précis ou vous avez
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1 juste entendu ce que M. Humo vous a dit, concernant cette route ?
2 R. Je n'ai pas tout à fait compris pour vous parler de la route allant de
3 Konjic à Jablanica. Vous avez demandé si elle avait été bloquée ou coupée.
4 Q. Jablanica-Mostar.
5 R. Je vois Jablanica-Mostar.
6 Q. Pourriez-vous nous montrer à quel endroit précis cette route entre
7 Jablanica et Mostar était interrompue -- coupée par le HVO ? C'est la
8 première question.
9 La deuxième, avez-vous vérifié cela personnellement ou vous vous êtes
10 contenté des informations données par M. Humo ?
11 M. SCOTT : [interprétation] Peut-être que la question à poser serait de
12 savoir si le témoin a des connaissances à ce propos, puisque s'il y a été
13 sur cette route, s'il a des renseignements parce que rien dans le dossier
14 nous dit qu'il aurait parcouru cette route ou avait des connaissances à son
15 propos.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Bowen, le général Praljak semble par
17 ces questions mettre en cause ce que vous avez dit le commandant Humo.
18 Celui-ci vous aurait dit, la route est bloquée, on va passer par le chemin
19 alternatif. Le général Praljak semble, par sa question, indiquer que cette
20 route n'a jamais été coupée. Alors, est-ce que vous avez fait confiance au
21 commandant Humo totalement ? Ou vous aviez été vérifié qu'effectivement, la
22 route avait été coupée ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ni l'un, ni l'autre ? Je me suis d'abord
24 appuyé sur des renseignements fournis par les Nations Unies, par la
25 FORPRONU, de l'Unité de Sarajevo, et puis, le Bataillon espagnol m'avait
26 donné des renseignements à propos de la FORPRONU à Jablanica.
27 Effectivement, je n'ai pas emprunté cette route en véhicule, si je peux
28 m'en souvenir, parce que je n'avais pas l'habitude d'aller à l'époque vers
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1 la ligne de confrontation rien que pour le plaisir alors que les Nations
2 Unies m'avait déjà présenté la situation sur le terrain. Je crois que ce
3 serait assez dangereux d'aller vers la ligne de confrontation entre le HVO
4 et l'ABiH simplement pour voir si je pouvais m'en sortir rien qu'avec des
5 paroles.
6 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
7 Q. Savez-vous si le Bataillon espagnol avait, à cette époque-là, utilisé
8 cette route pour arriver à Jablanica et depuis Jablanica à Mostar ?
9 R. Sans doute que oui parce que la FORPRONU a pu franchir des lignes de
10 confrontation alors que les journalistes ne le pouvaient pas.
11 Q. Merci beaucoup. Je n'ai plus de questions sur ce thème. Connaissez-vous
12 la chaîne de télévision allemande CDF ?
13 R. Oui.
14 Q. Savez-vous que le 1er septembre 1993, j'ai donné un ordre afin que
15 l'équipe de CDF soit autorisée de montrer -- et qu'ensuite, ils ont
16 diffusé des images enregistrées à Gabela partout dans le monde ?
17 R. Je ne le savais pas, non.
18 Q. Savez-vous -- ou connaissez-vous le nom d'un de vos confrères
19 journaliste qui était témoin devant ce Tribunal, Ed Vulliamy ?
20 R. Je le connais.
21 Q. Savez-vous qu'il a déclaré, en tant que témoin devant ce Tribunal, que
22 le 8 ou le 9 septembre 1993, il a permis -- a donné un ordre d'aller à
23 Dretelj, donc, j'ai ordonné qu'on laisse à Dretelj. Connaissez-vous cela ?
24 R. Non.
25 Q. Bien. J'aimerais maintenant présenter au témoin la pièce 300673. En
26 attendant, dites-nous : connaissez-vous le nom de Sally Becker ?
27 R. Sally Becker. Est-ce que c'est elle qui a synchronisé l'ange de
28 Mostar ? C'était peut-être quelqu'un d'autre.
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1 Q. C'est exactement cette personne-là. Vous avez entendu d'elle ?
2 R. Oui, effectivement, ce nom me dit quelque chose, si c'est bien de cette
3 personne-là qu'on parle.
4 Q. Veuillez vous référer maintenant sur le document qui est affiché à
5 l'écran. L'état-major du HVO, le 1er septembre 1993 : "L'autorisation par
6 laquelle il autorise Sally Becker, humanitaire, de traverser les points de
7 contrôle et d'aller à la partie gauche de Mostar en contrôle des forces
8 musulmanes..."
9 "Elle va amener avec elle des enfants, des malades et des personnes
10 malades, non puissantes avec deux véhicules sanitaires." Vous avez vu cet
11 ordre ?
12 R. Oui.
13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je voudrais poser une question à M.
14 le Témoin. Est-ce que vous aviez des informations à propos de ce qu'a fait
15 Mme Sally Becker à Mostar, de cette action de sauvetage qu'on l'a autorisée
16 à menée ou est-ce que c'est maintenant seulement que vous l'apprenez ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis assez sûr qu'il s'agit de la même
18 personne effectivement. Il y avait -- on appelait cette femme, dans la
19 presse anglaise, "l'ange de Mostar," et je pense l'avoir vue lors de ma
20 première visite. Elle parlait, à ce moment-là, des tentatives qu'elle
21 menait pour assurer une évacuation médicale.
22 Je pense que, lors de notre deuxième visite, nous sommes venus par le
23 sud, donc, on est passé par ces lignes. Mais c'est lors de ma première
24 visite que je suis allé avec des soldats de l'ABiH de la zone qui se
25 trouvait près de Jablanica. La deuxième fois, je suis venu dans un véhicule
26 en passant par le sud de Mostar, et c'est par là que je suis reparti aussi,
27 avec un véhicule du HCR.
28 L'INTERPRÈTE : L'interprète corrige : ce qui a été dit auparavant à propos
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1 de Sally qui était appelée "l'ange de Mostar" dans la presse britannique.
2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
3 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
4 Q. Voulez-vous vous vous référez maintenant, s'il vous plaît, à la pièce
5 3D 00696.
6 Vous voyez, Monsieur Bowen, que dans ce document, il s'agit de nouveau de
7 cette même personne, même si cela n'est pas explicitement marqué. Mais on
8 voit que c'est une autorisation. On dit qu'il faut permettre le passage
9 sans obstacle, avec l'escorte policière, entre Citluk, Zitomislic, Jinjani
10 Gorani, et arrivée en République de Croatie, aux personnes suivantes. Puis,
11 on voit que cette autorisation est signée par le général Slobodan Praljak.
12 R. Je vois.
13 Q. La pièce suivante : 3D 00697 du 15 septembre 1993. Il s'agit de nouveau
14 d'une autorisation permettant le passage sans obstacle, avec escorte
15 policière, entre Citluk-Zitomislic-Mostar rive gauche, pour Sally Becker,
16 avec un véhicule sanitaire du HVO. Puis encore deux noms, dans un véhicule
17 blindé, la signature du général Praljak. Voyez-vous cela ?
18 R. Oui.
19 Q. Veuillez-vous vous référez maintenant à la pièce 3D 00693. Il s'agit en
20 fait du livre écrit par Sally Becker : "L'ange de Mostar." C'est un livre
21 qui a été écrit en anglais. Je vous prie de vous référer à la page 74 de ce
22 document.
23 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, pendant qu'on présente le livre,
24 j'aimerais demander ceci : est-ce que M. Praljak a des questions à poser à
25 ce témoin ? Sinon, on fait ce qu'on a fait tellement de fois, c'est-à-dire
26 présenter des faits à des témoins et demander au témoin si M. Praljak a
27 bien lu. Je veux dire, on n'a présenté aucun élément de base. Sinon, est-ce
28 qu'on demande au témoin s'il a bien lu ceci : est-ce que c'est un test de
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1 lecture, ou est-ce qu'il y a des questions à poser à ce témoin ?
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Veuillez poser la question.
3 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Procureur, Messieurs les
4 Juges, j'ai des questions. Puisque le témoin lui-même a déclaré hier qu'il
5 était impossible d'arriver -- d'atteindre la rive droite à cause des
6 obstacles posés par le HVO, donc, moi-même. Tous ces documents ici ont pour
7 but de montrer que la situation était tout à fait différente, à mon avis. A
8 mon avis, tous ces documents relatifs, à l'époque où le témoin se trouvait
9 sur place, sont tout à fait pertinents si on veut établir la vérité dans
10 cette affaire.
11 Veuillez-vous référer maintenant à la page 74, le paragraphe 3.
12 M. SCOTT : [interprétation] C'est peut-être vrai et ce n'est peut-être pas
13 vrai, mais cela ne change rien au fait qu'on ne sait pas si le témoin a des
14 éléments. M. Praljak aura de nouveau pu dire de présenter ces éléments,
15 mais si on dit au témoin : est-ce que j'ai bien lu ceci ? Ceci n'a rien à
16 voir avec l'espèce en tant que tel.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, M. Praljak a expliqué -- il a
18 indiqué qu'il y a une série de documents qu'il présente au témoin qui
19 contredisent le fait qu'on ne pouvait pas accéder à Mostar. Voilà c'est
20 bien ce que je crois avoir compris dans la démarche de M. Praljak.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Tout à fait d'accord. C'est la
22 lecture que je fais moi aussi maintenant. Mais à l'instar de l'Accusation,
23 je crois que ceci n'est pas un contre-interrogatoire. C'est une
24 présentation d'éléments de preuve. Il présente des documents en tant que
25 preuves qu'il adresse aux Juges, et le moment n'est pas venu de présenter
26 les éléments à décharge. Ici est une phase dans cette procédure prévue pour
27 la présentation des éléments à décharge, donc le témoin n'a rien à apporter
28 comme contribution, je pense qu'il ne convient pas de soumettre ces
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1 éléments alors que nous sommes au stade d'un contre-interrogatoire.
2 M. MURPHY : [interprétation] Est-ce que je pourrais apporter mon aide. Une
3 fois de plus, je suis désolé de revenir à ce thème, mais si les Juges nous
4 disent que la Défense aura l'occasion de présenter des témoins dans une
5 phase ultérieure, je me dois de répéter ce que j'ai déjà dit, ceci est
6 contraire à la charge de la preuve qu'a l'Accusation qui est présenté des
7 éléments probants avant qu'on ne demande à la Défense de présenter ses
8 éléments en tant que de besoin.
9 Deuxième chose : M. Scott fait objection au fait que
10 M. Praljak montre un document au témoin et lui demande : "S'il l'a bien
11 lu ?" Mais 80 % de l'interrogatoire principal mené par l'Accusation ces
12 trois derniers mois c'est précisément ce qui s'est fait sous cette forme-
13 là, nous avons fait preuve de beaucoup de tolérance en ne soulevant pas
14 d'objection, oui, c'est cela la pratique, je pense qu'on devrait donner la
15 même marge de manœuvre.
16 La question qui se pose ici est basée sur les réponses du témoin
17 aujourd'hui parce qu'il a dit que la deuxième fois il avait pu entré par le
18 sud dans Mostar sans difficulté en passant par la ligne, et ceci soulève
19 une question légitime on peut se demander dans quelle mesure ceci cadre
20 avec ce qu'il a dit hier à propos de la difficulté qui aurait eu à parvenir
21 à Mostar Est, tout ceci pour respecter l'équité de la procédure. Je vous
22 exhorte, Messieurs les Juges, à donner une certaine latitude à M. Praljak.
23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Sauf le respect que je vous
24 dois, je n'ai pas parlé de citer des témoins. J'ai parlé de la présentation
25 de documents qui sont sans aucun rapport avec le témoin et qui n'ont qu'un
26 rapport très éloigné avec ces dires. Je n'ai pas dit que tout le travail
27 fait par M. Praljak n'était pas correct. Il est certain qu'il a des
28 questions fort utiles qu'il a posées. Mais le fait de faire pleuvoir des
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1 documents sur le témoin alors que le témoin ne peut pas témoigner à propos
2 de ce document. Il ne peut pas le faire. Là, je pense que je persiste à
3 croire que ceci ne s'inscrit pas correctement dans ce contexte.
4 M. MURPHY : [interprétation] En tant qu'avocat de "common law", je
5 vous remercie de ce commentaire mais je demanderais que cela s'applique
6 aussi à l'Accusation. Ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.
7 M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir très
8 rapidement, Messieurs les Juges. Lorsque des documents sont montrés à un
9 témoin, documents susceptibles, par exemple, d'éclairer de façon différente
10 certains faits, faits dont on a parlé un témoin dans sa déposition, à
11 savoir qu'il n'était pas au courant de certains autres faits. S'il les
12 avait connus à l'époque ces faits il l'aurait peut-être eu un avis
13 différent. Dans de tel cas, ces documents sont pertinents car ils montrent
14 que le témoin n'était pas informé au moment il a tiré certaines
15 conclusions. Je pense que c'est l'objectif poursuivi par le général
16 Praljak.
17 Dernière chose, nous ne savons pas combien de temps nous aurons pour
18 la présentation de nos éléments à décharge. Je n'ai pas encore soulevé de
19 cette question puisque ceci est porté en appel comme question, mais il
20 faudrait bien l'aborder tôt ou tard. Combien de temps aurons-nous ? Il nous
21 faut au moins une idée afin de prendre des décisions tactiques quant à ce
22 que nous allons présenter comme éléments pendant la présentation des moyens
23 à charge ou à décharge, si nous décidons de présenter une défense.
24 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai posé au
25 témoin la question s'il connaissait Sally Becker ou s'il avait entendu
26 parler d'elle. Il a répondu que oui. Il a également déclaré qu'il savait
27 qu'elle avait été appelée : "L'ange de Mostar" à Londres, puis la même dame
28 a publié un livre qui porte le même titre. Ensuite, le témoin a montré dans
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1 son documentaire la situation dans laquelle vivaient les enfants à Mostar.
2 Donc, je vais maintenant montre ce que le HVO -- via cette dame a dit
3 à Mostar Est. Quoi à faire avec les enfants et leur mère. Cela montrerait
4 les actions entreprises par le HVO relatives à cette question. Je vous
5 prie, de me permettre d'interroger le témoin.
6 M. SCOTT : [interprétation] Je pense que l'Accusation doit avoir le droit
7 et la possibilité de répondre à certains des arguments présentés.
8 Effectivement, c'est un témoin écurant parce que la Défense n'a pas
9 nécessairement l'obligation de présenter des éléments, mais ceci ne veut
10 pas dire pour autant qu'on fasse un raisonnement à l'inverser en disant
11 qu'on ne peut pas, effectivement, dire qu'ils peuvent présenter n'importe
12 quels éléments pendant la présentation de nos moyens. On fait venir un
13 témoin, on ne peut pas le bombarder de documents d'une kyrielle de
14 documents dont il n'a aucune connaissance dont il n'a rien à dire. J'ai
15 fait objection au compte du dossier, mais je n'ai pas fait objection à la
16 question de savoir si le témoin savait qui était Mme Becker.
17 Est-ce que je peux terminer, Monsieur le Président, s'il vous plaît ?
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je dois vous dire que je suis un peu étonné de ce
19 que vous dites --
20 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit qu'elle n'a pas reçu la traduction.
21 Excusez-moi.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- oui, Monsieur Scott, je vais vous redonner la
23 parole, mais je suis un peu saisi par ce que vous venez de dire. Vous dites
24 que vous êtes étonné que la Défense présente à un témoin des documents dont
25 il n'a aucune connaissance.
26 Oui, Monsieur Scott.
27 L'Accusation passe son temps à présenter à des témoins des documents qu'ils
28 ignorent totalement. Donc, ce que vous dites se retourne contre vous
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1 puisque vous faites pareil. Alors, on essaie --
2 M. SCOTT : [interprétation] Pas du tout, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : On essaie de --
4 M. SCOTT : [interprétation] Ce n'est pas vrai.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a des témoins qui sont venus, vous leur avez
6 présenté des documents militaires qui ne connaissaient strictement -- ils
7 ignoraient l'auteur de document sauf il y avait un petit point c'est que ce
8 document se référait à leur propre situation. C'est ce qui est en train de
9 faire, me semble-t-il, l'accusé Praljak en présentant un livre écrit par
10 "L'ange de Mostar" relatif à ce que cette dame a pu faire ou voir.
11 Bon. Voilà. Je mets dans la balance l'Accusation et la Défense et je
12 ne vois pas pourquoi vous vous opposez aux faits qu'il veut présenter un
13 livre, dont d'ailleurs pendant que vous parliez les uns et les autres, rien
14 qu'en lisant déjà la première page ou le premier paragraphe. Je me suis
15 rendu compte qu'il y avait déjà une question sur la circulation et les
16 barrages, ce qui permettait à l'accusé Praljak de poser déjà une question.
17 Bon. Alors, c'est là où je ne vous comprends pas, Monsieur Scott.
18 Mais poursuivez. Je vais peut-être mieux comprendre.
19 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Je me permets de marquer mon désaccord face à vos observations. Ce n'est
21 pas ce que l'Accusation a fait. Elle a cité des témoins en rapport avec des
22 témoins. Les témoins n'ont parlé peut-être pas de la source, mais des faits
23 énoncés dans ces documents, et d'après ce que nous savons - et peut-être
24 qu'on a eu des erreurs occasionnelles - mais vu nos intentions et notre
25 pratique, les témoins ont toujours été en mesure d'ajouter quelque chose
26 aux documents pour dire : "Si, ceci cadrait avec le [imperceptible] sur le
27 terrain; si, cela reflétait bien ce qui s'était passé dans leurs villages
28 vers cette période, et cetera." Je ne suis pas du tout d'accord pour dire
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1 que cela revient à la même chose. Ce n'est pas la même chose. C'était la
2 deuxième chose que je voulais dire à Me Murphy, sauf le respect que je lui
3 dis, il n'est pas juste de dire de l'Accusation. Ce qu'il a dit nous y
4 faisons objection.
5 Troisième chose, Monsieur le Président, ce qu'un des conseils a dit
6 semblait dire que le témoignage de M. Bowen ne serait pas correspondant à
7 ce qu'il a dit hier sur ce point. Je ne suis pas d'accord. Puis de toute
8 façon vous pourrez vérifier au compte rendu d'audience. Je crois et je le
9 fais valoir. M. Bowen a dit qu'il est entré et sorti de Mostar, et chaque
10 fois ce qu'il a dit correspond tout à fait à ce qu'il a déclaré hier. Vous
11 le pourrez le vérifier, en reprenant le compte rendu d'audience.
12 M. KOVACIC : [interprétation] Je ne voudrais vous faire perdre davantage de
13 temps, mais je dois dire quelque chose, je pense que tout ce débat qui nous
14 a fait perdre sept ou huit minutes, mais le résultat d'une intervention du
15 Procureur était tout à fait prématuré parce que M. Praljak avait commencé
16 par présenter quelques documents, et il avait l'intention de poser une
17 question à la fin de la présentation de ces pièces. Donc, cette
18 présentation des pièces a été interrompue délibérément pour amoindrir le
19 poids de cet exercice.
20 Deuxièmement, le témoin se trouvait sur place, il nous a raconté ce qu'il
21 avait vu. En plus, le Procureur nous l'a présenté comme un très grand
22 expert pour la Bosnie. Je ne vais pas maintenant mettre en question ses
23 connaissances, mais ce qu'on a entendu hier de la part de M. le Procureur,
24 c'était ce témoin; ce témoin sait tout sur la Bosnie.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
26 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
27 Q. Page 74, livre écrit par Sally Becker, vous pouvez le lire, c'est en
28 anglais. On parle du Dr Ivan Bagaric, le commandant de la Section médicale
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1 du HVO, je cite : "Nous les Croates, nous n'avons rien contre les civils
2 innocents dans cette guerre. Nous autorisons, ils pensent à Mme Becker,
3 nous l'autoriserons à aller à Mostar Est pour évacuer pas seulement un
4 enfant, mais tous les enfants qui se trouvent dans l'hôpital de Mostar Est
5 avec leur mère."
6 Alors, dites-nous maintenant, Monsieur Bowen : connaissiez-vous les
7 activités de Mme Becker et savez-vous que tous les enfants qu'elle avait
8 évacués ont été transférés à Split pour y être hospitalisés pour qu'on leur
9 administre les soins nécessaires ?
10 R. Oui, je sais que Sally Becker a réussi à évacuer quelques
11 soldats, mais je dois dire que je maintiens tout à fait ce que je dis dans
12 le documentaire à propos de l'évacuation médicale. Je dois ajouter qu'on
13 avait une démarche tout à fait différente envers des travailleurs d'aide
14 humanitaire, par exemple, surtout pour celles comme Sally, comme si on ne
15 peut pas comparer des torchons des serviettes, par rapport aux journalistes
16 de grande chaîne.
17 Q. Vous avez déjà dit cela hier, donc, ce n'est pas la peine de répéter.
18 Maintenant, veuillez-vous référer à la pièce 3D 00700. La date est le 24
19 septembre 1993. Dites-nous si Eamonn Matthews, Brian Hulls, Nicholas Walker
20 et Vanessa Vasic Janekovic étaient membres de votre équipe ?
21 R. Oui, c'était mon équipe. C'était notre document. C'est ce jour-là qu'on
22 est entré dans le sud, comme je l'ai dit, dans Mostar.
23 Q. Alors, c'est une autorisation. Eux autres, ils ont le passage jusqu'au
24 dernier point de contrôle de la police militaire du HVO à Buna à l'équipe
25 de la télévision de la BBC, qui est en train d'enregistrer un documentaire
26 dans cette région, puis suivre ces noms. Le document est signé par Slobodan
27 Praljak, donc, par moi-même.
28 Voyez-vous ce document; c'est bien cela ?
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1 R. Effectivement, oui. C'est comme cela, c'est donc bien vrai.
2 Q. Je ne souhaite pas maintenant débattre sur ce que vous avez déclaré
3 hier, on vous a -- l'HVO vous a autorisé à faire un documentaire sur la
4 rive gauche, en vous empêchant en même temps d'y arriver. Est-ce que cela
5 vous parait logique ?
6 R. Non, cela ne parait pas logique, j'en conviens. Mais, malheureusement,
7 c'est bien ce qui s'est passé.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bowen, quand j'ai vu ce document, je me
9 suis posé la même question de la logique. Hier, en vous écoutant, on avait
10 l'impression qu'à côté HVO, il y avait un blocage total, vous ne pouviez
11 pas faire de reportage. Là, il y a un document qui semble dire le
12 contraire. Alors, ce document qui a été signé le 24 septembre 1993, comment
13 vous l'avez obtenu ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Eamonn Matthews, c'est celui qui l'a obtenu
15 pendant qu'il était à Mostar Ouest ? Je pense que j'ai été clair tout de
16 long. La deuxième fois, on est entré en passant par la ligne du HVO, ligne
17 du sud. J'ai été tout à fait clair, j'ai toujours dit la même chose.
18 Manifestement, il est impossible de franchir une ligne de confrontation
19 sans avoir l'autorisation des personnes qui participent à cette
20 confrontation. Alors, la question maintenant qui est celle de la logique,
21 j'en conviens, moi aussi, je suis un peu interloqué. Cela est un peu
22 surprenant qu'on puisse recevoir l'autorisation de filmer en franchissant
23 ces lignes alors qu'on ne nous donnait pas l'accès du côté du général
24 Praljak, malheureusement, c'est bien comme cela que la situation se
25 présentait.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais je vais reposer la question,
27 qui vous a sans doute déjà été posée. Est-ce que vous avez fait une demande
28 d'autorisation pour filmer aussi sur le côté occidental de la Neretva ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous l'ai déjà dit. Je n'ai pas participé à
2 chaque étape de la discussion qu'a eu lorsqu'il est allé voir avec qui
3 était notre interprète. Je n'ai pas vu ou suivi toute la conversation, on
4 n'en a fait qu'un rapport verbal. Mais il est revenu et il m'a dit : on n'a
5 pas eu -- reçu la coopération que nous voulions pour travailler du côté
6 ouest, mais on a la permission de franchir la ligne pour aller à Mostar
7 Est. Pour obtenir cette permission, elle aussi, je suis sûr qu'il a
8 bénéficié de l'assistance de membre de la Mission d'observation de l'Union
9 européenne, qui, je sais, nous a aidé pour obtenir ce papier. En tout cas,
10 c'est ce dont je m'en souviens.
11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
12 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, je pense que vous avez peut-être
13 répondu à ma question. Je voulais vérifier, dans les scènes que nous avions
14 vues hier, s'il y a des parties qui ont été tournées à Mostar Ouest ?
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez bien compris la question. Dans
16 le film que nous avons vu hier, est-ce qu'il y a --
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : -- [chevauchement] tourné zone HVO ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je vous l'ai dit hier, rien n'a été filmé
20 dans la zone de HVO. Les seules images que vous avez vues dans la zone du
21 HVO s'étaient filmées des positions avancées de l'ABiH.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, allez-y. Le Greffe me dit que vous
23 auriez utilisé déjà 40 minutes.
24 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Comment j'ai utilisé.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, vous pourrez vérifier parce
26 que je suis un peu étonné.
27 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je n'ai pas pu utiliser plus 15
28 minutes, à mon avis.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le Greffier s'excuse. En réalité, 32 minutes,
2 hier et aujourd'hui.
3 Allez-y.
4 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
5 Q. Monsieur, Monsieur Matthews, vous a-t-il informé que je l'avais prié de
6 faire des enregistrements dans ces régions-là, comme c'est marqué dans le
7 document, que j'ai prié de venir même sur la rive droite pour filmer ce qui
8 s'est passé pour satisfaire aux exigences de la profession journalistique ?
9 R. Non.
10 Q. Merci. Donc, il est logique, et je pense que vous allez être d'accord
11 avec moi que je vous ai laissé passer vers la rive gauche, que j'ai ordonné
12 à l'artillerie, aux tireurs, à tout le monde, cessez le feu, afin que vous
13 puissiez passer pour filmer pour votre documentaire. Cela vous paraît
14 logique, n'est-ce pas ?
15 R. Je n'ai pas tout à fait saisi tous vos propos. Est-ce que vous pourriez
16 répéter ? Parce que, malheureusement, je ne vois pas le compte rendu de
17 l'audience affiché à l'écran que j'ai devant moi.
18 Q. La conclusion logique qu'on peut tirer de tout cela, que j'ai laissé
19 passer votre équipe jusqu'à la rive gauche de la rivière Neretva,
20 qu'ensuite, j'ai donné l'ordre aux tireurs embusqués, ensuite que j'ai dit
21 à l'artillerie d'ouvrir le feu, que j'ai demandé à tout le monde de faire
22 tout ce qui est possible afin que vous puissiez faire un documentaire de
23 guerre qui vous permettrait par la suite d'obtenir un prix. Vous trouvez
24 cela logique, ou peut-être un peu absurde ?
25 R. Ce n'est pas la question d'absurdité qui se pose ici. Nous avons filmé
26 ce que nous avons vu de ce côté-là de Mostar. On n'a rien fabriqué. Ce sont
27 des choses qui se sont passées que nous avons filmées. Impossible de
28 commenter ce que vous avez dit à M. Matthews puisque je n'étais pas là.
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1 Q. Bien. Merci. Alors, la pièce 3D 00733, s'il vous plaît. Il s'agit d'un
2 livre écrit par le général Sefer Halilovic intitulé : "Une Stratégie rusé."
3 Savez-vous qui est Sefer Halilovic ?
4 R. Oui.
5 Q. Bien. Page 138. Je ne sais pas quelle page ce sera en anglais, peut-
6 être la même. Il est écrit : L'équipe prépare la documentation nécessaire
7 pour l'opération nommée Neretva '93, que Delic, par sa signature et son
8 cachet, autorise toutes ces activités. Nous partons immédiatement sur le
9 terrain, et cetera.
10 Savez-vous que, dans ce même livre, cette même opération, selon les
11 dires de M. Halilovic, devait amener l'armée bosniaque à la frontière
12 occidentale de la Bosnie-Herzégovine ? C'est ce qu'il dit dans ce livre.
13 Donc, ce n'est pas ce qu'on voit ici sur cette page, mais c'est ce qu'il
14 est dit dans ce livre. Savez-vous cela ?
15 R. Non, je ne connais ces ordres. En tout cas, je ne les connaissais pas à
16 l'époque.
17 Q. Savez-vous à quel moment cette opération a eu lieu, dans quelle
18 période ? Si vous ne le saviez pas à l'époque que cette opération était en
19 cours, alors j'imagine que vous ne connaissez pas les dates non plus.
20 R. C'est exact.
21 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que les frontières occidentales
22 de la Bosnie-Herzégovine sont en fait les frontières avec la République de
23 la Croatie, avec la Dalmatie, Dubrovnik, Split, et cetera ?
24 R. Je suppose. Je connais la carte, oui. Ouest, oui, effectivement. Mais
25 il y a aussi le nord-ouest, bien sûr.
26 Q. Merci beaucoup. Etant donné que depuis le 24 septembre vous vous
27 trouviez à Mostar, j'aimerais vous présenter maintenant le document
28 3D 00740. 3D 00740. Il s'agit d'un ordre de combat donné par le
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1 commandement du 4e Corps, signé par le commandant du 4e Corps,
2 M. Arif Pasalic. Vous connaissez M. Arif Pasalic. Vous savez qu'il était
3 commandant du 4e Corps, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, je l'ai rencontré.
5 Q. Page 1 de document. On va le faire très rapidement parce que nous
6 n'avons pas suffisamment de temps, mais nous allons présenter plus tard ces
7 documents ensemble avec la carte. "De l'arrière des forces adversaires --"
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, le document 740, on ne l'a pas
9 dans le classeur. Le dernier document, c'est 739, et c'est signé par Rasim
10 Delic.
11 M. KOVACIC : [interprétation] Cela devrait être le premier document qui est
12 derrière la liste parce qu'il a été rajouté plus tard. Cela devrait être
13 comme cela. Je ne sais pas.
14 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
15 Q. Monsieur Bowen, vous voyez ce document. Vous connaissiez M. Pasalic.
16 Nous allons plus tard voir que c'est bien lui qui a signé ce document. Il
17 mentionne : "L'ennemi, les forces oustachi du HVO," et cetera. Donc, vous
18 voyez déjà il nous appelle des Oustachi.
19 Puis, point 2, il dit que les forces ont infligé de lourdes pertes à
20 l'ennemi au niveau des hommes et du matériel. Il poursuit en disant que le
21 Groupe opérationnel nord, lui aussi, avec ses forces, ont lancé des
22 opérations d'actives à Djubrani et à Planinica ainsi que dans la vallée de
23 Mostar.
24 Est-ce qu'on peut voir la dernière page à l'écran, s'il vous plaît.
25 Dans la signature, nous avons M. Arif Pasalic. Mais voyons au point 7 : "La
26 préparation à l'attaque seulement suivant le signal ouest."
27 Document suivant, s'il vous plaît, dont le numéro est 3D 00736.
28 R. En anglais, il est écrit "illisible." Ce n'est pas ce que vous venez de
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1 lire.
2 Q. Ici, c'est écrit à la main, et je ne sais pas pour quelle raison ceci
3 n'a pas été traduit, car ce n'est pas du tout illisible. Il est écrit : "Il
4 faut effectuer les activités seulement suite au signal ouest," mais je
5 laisse aux soins des interprètes d'interpréter cela.
6 Veuillez passer maintenant à l'écran le document 3D 00736, intitulé ordre
7 d'attaque. La date est celle du 15 septembre 1993. Approuvé par le
8 commandant Arif Pasalic. C'est un long ordre signé par le commandant Samir
9 Drljevic. Il commande un axe dans cette opération. Bien sûr, nous ne
10 pouvons pas lire l'ensemble de cet ordre, mais est-ce que vous pouvez
11 confirmer qu'il est écrit ordre d'attaque, et ensuite on développe en
12 détail tous les axes d'attaque de l'ABiH.
13 Veuillez maintenant examiner la dernière page, où il est écrit
14 combien d'unités de combat et combien d'équipement de combat doit être
15 alloué à chacun des combattants. Puis, il est écrit que ceci a été envoyé
16 au 1er Bataillon, 2e Bataillon, 3e Bataillon, le commandant du 4e Corps
17 d'armée, l'organe des opérations et de l'entraînement, et cetera. Ensuite,
18 c'est signé par le commandant Samir Drljevic, et nous voyons le cachet de
19 l'ABiH. Est-ce que vous voyez le cachet ?
20 R. J'ai la version en anglais, et je ne vois pas de cachet. Mais
21 maintenant je vois le cachet, effectivement.
22 Q. S'il vous plaît, ma question est la suivante : S'agissant de ces
23 activités de l'ABiH et de ses préparatifs, est-ce que vous étiez au courant
24 de cela à l'époque ? Il sera mieux de poser cette question en présentant à
25 M. Bowen le document suivant.
26 Malheureusement, Monsieur Bowen, je vais vous lire maintenant certains
27 extraits du livre d'Esad Sejtanic. Est-ce que vous avez entendu parler de
28 ce nom à Mostar ? Est-ce que vous avez entendu dire que c'était un
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1 commandant à Mostar ?
2 R. Peut-être un commandant assez insignifiant, mais pas important.
3 Q. M. Sejtanic a écrit un livre au sujet de l'Herzégovine : "De la porte
4 de feu de la Bosnie." Ceci était publié. Je vais vous lire lentement et
5 vous demandez ce que vous savez au sujet des activités décrites dans ce
6 texte --
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que nous devons avoir
8 normalement ce document ?
9 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Non.
10 Q. A la page 170, il est dit : "Les lignes établies -- les lignes de la
11 Défense face aux forces serbes n'étaient pas actives sur le plan de la
12 défense; cependant la contrebande de toutes sortes y fleurissaient et
13 notamment s'agissant des vivres tel que le sucre, la farine," et cetera.
14 A la page 181, il est dit : "Dans le cadre des préparations pour les
15 activités de combat, on a commencé à parler ouvertement de la possibilité
16 de faire en sorte que le camp serbe vienne en aide en fournissant le
17 soutien d'artillerie direct et en fournissant à nous des matériels
18 d'importance vitale et des équipements, et notamment en vendant un grand
19 nombre de pièces d'obus d'artillerie de calibre différent."
20 Par la suite, je vais vous demander à quel point vous connaissiez
21 l'artillerie appartenant au 4e Corps d'armée, mais je continue.
22 "J'ai assisté à une réunion sur la ligne de contact avec les forces serbes
23 dans le village appelé Busak où Safet Orucevic, Fatima Leho et Sefkija
24 Dziho ont défini les conditions sous lesquelles le camp serbe allait nous
25 aider dans nos activités de combat. Le camp serbe a accepté toutes les
26 conditions. Ils allaient nous donner des obusiers -- un obusier de 128
27 millimètres et 200 projectiles, et ainsi de suite. En tant que signe de
28 notre reconnaissance pour la coopération réalisée jusqu'à présent, Safet
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1 Orucevic a présenté à Novica Gusic, le commandant de la Brigade de
2 Nevesinje, une Golf GX totalement neuve."
3 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Praljak, de
4 vous interrompre. Jusqu'à présent, je me suis retenu de poser des questions
5 ou de remettre en question les sujets abordés dans le cadre du contre-
6 interrogatoire effectué par vos collègues, hier après-midi -- aujourd'hui.
7 Je ne souhaitais pas vous interrompre non plus lorsque vous avez demandé au
8 témoin, M. Bowen, pourquoi il n'est pas allé à Mostar de l'Ouest. A mon
9 avis, la question porte sur ce qu'il nous a présenté au sujet de Mostar
10 Est. En ce moment, je crains que la Défense, c'est-à-dire vous-même, et les
11 autres adressent cette question, la question de savoir : ce qui se passait
12 à Mostar Est ? Car de mon point de vue au moins, la question principale
13 n'est pas celle de savoir pourquoi il n'est pas allé à Mostar Occidentale.
14 Cela c'est le premier problème que je souhaite que vous abordiez.
15 Puis, la deuxième question c'est que maintenant vous avez mentionné des
16 interviews différentes et des parties d'un livre, et vous avez parlé encore
17 une fois des intentions et les discussions avec les Serbes, et cetera. Je
18 suis quelque peu étonné car ceci n'a rien à voir avec ce que le témoin, M.
19 Bowen, nous a dit hier au sujet de la situation dans Mostar Est. Je pense
20 vraiment que le contre-interrogatoire devrait se concentrer sur les sujets
21 majeurs traiter de manière prépondérantes par le témoin en question. Ici il
22 ne s'agit pas seulement de M. Bowen, mais de tous les témoins qui ont
23 déposé jusqu'à présent, et je pense que la Défense devrait traiter de la
24 question de savoir : ce qui s'est passé à Mostar Est ? Ce qui est vrai et
25 ce qui est faux dans le documentaire que nous avons vu hier et ce genre de
26 chose. A mon avis il s'agit là des questions d'importance majeure, et c'est
27 la raison pour laquelle je souhaite vous demander à vous et à vos collègues
28 de traiter de ces points.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous donner la parole, Maître Karnavas.
2 Monsieur Praljak, je souscris entièrement à ce que vient de dire mon
3 collègue. Ce témoin vient pour parler de ce qui s'est passé à Mostar Est, à
4 l'appui de son audition l'Accusation a produit une vidéo, une vidéo très --
5 qui évoque plusieurs sujets, donc, comme le dit mon collègue, et il a tout
6 à fait raison, ce qui nous intéresse nous les Juges qu'est-ce qui s'est
7 passé à Mostar Est, au travers de cette vidéo. Vous, vous lui posez des
8 questions sur Mostar Ouest, vous lui posez maintenant des questions sur les
9 Serbes et autres, tout cela est peut-être très intéressant en arrière plan,
10 mais ce qui nous intéresse car nous à l'issue de l'audition de ce témoin,
11 nous allons délibérer pour tirer de cette audition ce qui est important au
12 niveau de la pertinence par rapport à l'acte d'accusation, et ce qui a une
13 valeur probante au travers des éléments de preuve.
14 Les questions que vous posez qui peuvent être intéressantes sur un plan
15 général ne sont pas dans les sujets que nous, les Juges, nous allons
16 aborder fondamentaux. C'est pour cela que mon collègue vous dit attention
17 M. Praljak, vous gaspillez du temps pour rien. Est-ce que vous arrivez à
18 comprendre cela ?
19 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président --
20 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Je donne la parole à
21 Me Karnavas.
22 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais peut-être pouvoir vous aider,
23 Monsieur le Président, et je pense que c'est un dilemme que la Défense en
24 général rencontre mais au début de l'interview le témoin parle de la
25 propagande croate, de la situation sur les lignes de front et puis continue
26 en disant que les forces croates étaient aidées, soutenues par le
27 gouvernement croate, et cetera. Je peux dire que ce témoin était dans le
28 théâtre là-bas, mais il n'a pas vu l'ensemble du contexte, il est arrivé
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1 quelque part au milieu de la pièce, ou au moment du troisième acte. Il ne
2 sait pas ce qui s'est passé avant. Il ne sait pas ce qui s'est passé en
3 même temps ou par la suite. Il voit un seul côté. Pourtant, il est en train
4 de faire tout un film des événements vus du point de vue de l'est. Il dit
5 qu'il n'a pas pu aller à l'ouest cependant il a reçu l'autorisation de
6 l'ouest lui permettant de travailler à l'est. C'est une histoire
7 différente; cependant, je pense que nous devons créer et peindre une image
8 correcte et nous voyons les conditions à l'hôpital. Ceci est indéniable.
9 Cela figure dans le film et, d'autre part, cet homme vient ici alors qu'il
10 ne sait pas vraiment préparé, il ne sait pas ce qui se passe en général
11 dans le théâtre de la guerre, là-bas. Je pense que ce que le général
12 Praljak essaie de nous montrer, c'est qu'il n'a pas vu dans cette vidéo que
13 l'ABiH avait reçu des ordres d'attaque. Il ne sait pas ce qui s'était passé
14 auparavant. Il a été guidé par quelqu'un afin de voir certaines choses, de
15 manière partiale. Si cette vidéo va seulement servir de base pour montrer
16 les conditions, je pense que ceci ne va pas être l'image d'ensemble.
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, Maître Karnavas, nous allons
18 avoir l'image d'ensemble par le biais d'un grand nombre de témoins. Vous ne
19 pouvez pas vous attendre à ce qu'un seul témoin nous peigne une image
20 d'ensemble, même pas une image bien équilibrée.
21 M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis d'accord avec vous.
22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Donc, je pense que le but de cette
23 présentation de ce documentaire n'est pas tellement important, de ce point
24 de vue là, car nous avons placé cela dans les manches d'ensemble et nous
25 voyons que dans une certaine mesure, ceci présente les choses de manière
26 partiale. Donc, nous allons entendre l'avis de l'autre partie, mais nous ne
27 pouvons pas voir une image d'ensemble dans le contexte de cette déposition.
28 M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis d'accord avec vous. Je suis quelque
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1 peu soulagé. Mais quelque peu seulement.
2 Mme ALABURIC : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le
3 Président, je souhaite ajouter quelques phrases. Je souhaite dire que les
4 questions posées par le général Praljak sont directement liées au
5 documentaire et notamment aux mots prononcés par notre témoin aujourd'hui,
6 le journaliste Bowen. A la minute 36 du film, nous avons entendu le
7 journaliste Bowen dire : "Le général Pasalic n'était pas heureux malgré le
8 fait qu'il aurait dû l'être au cours des 30 heures de combat intense, ses
9 hommes ont pu avancer et traverser une banlieue contrôlée par les Croates
10 et arriver jusqu'à la colline de Hum qui surplombe Mostar. Probablement, il
11 s'agit de leur victoire individuelle la plus importante dans cette guerre."
12 Il en découle que le témoin savait que l'ABiH effectue des activités de
13 combat et d'attaque.
14 Deuxième phrase, à la minute 37 du film, il est dit : "Cependant un ordre a
15 été envoyé de Sarajevo, leur demandant de se retirer." Donc, le témoin sait
16 que cet ordre a été envoyé. Permettez-moi encore deux phrases seulement
17 concernant l'approvisionnement en munitions dans Sarajevo aussi. Puis la
18 phrase suivante : "Mais de toute façon les commandants indépendants de
19 Mostar achètent les armes de la part des Serbes." Donc, c'est le témoin qui
20 a introduit ce sujet.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez assisté aux interventions des uns et des
22 autres. M. Praljak, peut-être il s'y prend mal mais Me Alaburic vient un
23 peu d'éclaircir le paysage. Quand vous étiez en reportage, en août et en
24 septembre, est-ce que vous-même, vous avez été témoin d'une action
25 militaire de l'ABiH contre le HVO. Parce que le documentaire que vous
26 faites, nous voyions des civils qui traversent des zones. Nous voyions des
27 soldats de l'ABiH. Nous voyions la nuit également des civils qui
28 traversent. Nous avons à l'hôpital, des blessés et des morts, voilà ce que
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1 l'on voit dans votre vidéo. En revanche, aucune action d'attaque sur le
2 HVO. La Défense soutient que pendant cette période, il y a eu des attaques.
3 Alors, comme vous, vous étiez présent, mais il y aura d'autres témoins qui
4 viendront, alors cette question sera certainement éclaircie par d'autres
5 témoins. Est-ce que vous-même, vous pouvez nous dire oui effectivement
6 pendant que je faisais mon reportage il y a eu des attaques de l'ABiH ou
7 pendant que je fais mon reportage, c'était le calme plat ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque nous étions afin de filmer le
9 documentaire, le général Pasalic a pu passer beaucoup de temps avec nous.
10 L'opération mentionnée dans ces ordres était terminée, fin septembre, au
11 moment où nous sommes arrivés. Comme l'avocate dit, elle a décrit la
12 manière dont ces forces étaient arrivées vers la colline de Hum et,
13 ensuite, se sont retirées. Elle a dit que c'était en raison des ordres
14 émanant de la capitale de Sarajevo. Il m'intéressait de voir ce document
15 car ceci portait sur ce qu'on disait dans le film, à savoir qu'il y avait
16 une opération militaire assez sérieuse qui se déroulait là-bas, à l'époque,
17 mais lorsque nous y sommes arrivés c'était terminé. Je m'intéressais
18 également à la manière d'obtenir une confirmation au sujet de ce que les
19 gens de l'ABiH m'ont dit au sujet du fait qu'ils recevaient des armes de la
20 part des Serbes. Je souhaite dire seulement au cas où quelqu'un comprend
21 mal le documentaire, que ceci n'a jamais été présenté par la BBC à l'époque
22 d'une manière différente que la manière dont les choses sont vues d'un côté
23 de la ligne des fronts. A aucun moment je n'ai essayé de suggérer des
24 agneaux qui étaient tout simplement massacrés. Ils se battaient avec
25 intensité et c'était une guerre comme une autre, avec les gens des deux
26 côtés qui se battaient de manière féroce et qui étaient tués des côtés.
27 C'était la guerre et c'était comme cela que les choses se déroulaient. Le
28 document que vous voyez, j'aurais aimé pouvoir accéder d'autres personnes
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1 appartenant à l'autre camp à l'époque.
2 Je souhaite également dire que afin de répondre à votre question,
3 pendant que nous étions là-bas, il y a eu des échanges de tirs des deux
4 côtés de la ligne de confrontation. Il y avait l'artillerie là-bas aussi et
5 des tirs isolés. Mais d'après ce que j'ai pu voir, il n'y a pas eu
6 d'opération militaire concertée. Les commandants étaient assez détendus.
7 Par exemple, il y avait une scène du film dans laquelle les commandants
8 sont ensemble dans une maison. Ils boivent un verre ensemble, ensuite ils
9 tirent sur le mur.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Au mois de septembre où vous êtes là, pendant
11 les 15 jours, est-ce qu'il y a eu à un moment donné une offensive de l'ABiH
12 sur le HVO, ou il y avait les lignes de front, cela se passe comme cela se
13 passe d'habitude, des tirs d'artillerie de part et d'autre. Est-ce qu'il y
14 a eu une offensive au sens militaire comme vous avez pu en vivre sur le
15 terrain ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après la manière dont je me souviens,
17 il y avait des tirs de mortier et d'armes légères assez constamment mais il
18 n'y avait pas d'offensive militaire pendant que nous étions là-bas, visant
19 à percer les lignes, par exemple.
20 Pourquoi est-ce que je dis cela ? C'est ce que j'ai conclu sur la
21 base de l'état d'esprit des commandants, sur la base du fait que les
22 troupes se déplaçaient partout dans la ville. Nous sommes allés au nord et
23 au sud de l'ensemble de l'enclave. Comme je l'ai dit, les commandants
24 étaient détendus. Bien sûr, ils allaient à la ligne de front pour
25 s'acquitter de leur devoir. Mais pendant une opération militaire,
26 normalement, les soldats se déplacent suivant certaines règles, puis
27 ensuite, il y a des pertes, des blessés, un nombre assez important
28 d'ailleurs de morts et de blessés. J'ai été dans plusieurs guerres, dans
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1 plusieurs offensives, c'est ce que j'ai vu. Alors qu'ici, pendant que nous
2 filmions, il y avait des échanges de tirs des deux côtés de la ligne de
3 confrontation, mais non pas vraiment une véritable et concrète offensive.
4 Cependant, je savais qu'il y avait des combats intenses car c'est ce qu'on
5 m'avait dit lors de ma première visite, et ma deuxième visite il y avait
6 beaucoup plus de dégâts qu'au moment -- toutes.
7 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite
8 remettre en question la crédibilité de ce témoin.
9 Q. Je vous demande de me permettre de lire un extrait du livre, à la page
10 183, il est dit : "Les activités de combat ont commencé tôt dans la matinée
11 du 20 septembre." Ici, il est question de 1993. "Et ont suivi la dynamique
12 planifiée, notamment le long des ailes, où nous nous attendions avoir du
13 succès, que l'on allait utiliser pour continuer les activités de combat
14 allant jusqu'au noyau de la ville. Les unités --" et je vous prie de --
15 s'il vous plaît --
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges vous écoutent avec attention, puisque vous
17 mettez en cause la crédibilité du témoin et vous citez un livre, en lisant
18 une page, 183, mais nous ne l'avons pas. Il aurait été utile, pour votre
19 propre cause, si vous estimez que cette pièce est fondamentale, de la faire
20 traduire et de nous la communiquer.
21 Bien entendu, je vous fais confiance dans la lecture, mais il y eut
22 été préférable de l'avoir en notre possession.
23 Alors, vous avez lu la phrase, posez-lui la question.
24 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président,
25 malheureusement, cette nuit nous n'avons pas eu le temps de traduire cela.
26 Ceci, avec les ordres et les cartes en annexe, va être remis à la Chambre
27 de première instance. Permettez-moi de lire encore deux phrases. Tout
28 d'abord, les unités dans le centre-ville avaient du succès au début, le
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1 long de -- vers l'agglomération de Balinovac."
2 Q. Est-ce que cette agglomération vient avant Mostar et est-ce que
3 ceci se trouve du côté ouest de Mostar ? Est-ce que vous savez, Monsieur le
4 Témoin ?
5 R. Je ne connais pas ce quartier, mais si vous dites que c'était du
6 côté ouest, je vous crois sur parole.
7 Q. Ecoutez la suite de la phrase, s'il vous plaît. "Avec - et je repère -
8 avec un soutien serbe épouvantable, le succès semble être probable." A la
9 fin de la page, il est dit : "Les conséquences des activités de combat des
10 unités du 4e Corps d'armée étaient horribles. Nous avions plus de 30 morts
11 et plus de 100 blessés, que ce soit des blessés graves ou des blessés
12 légers."
13 D'après ces données-là, cette attaque a commencé le 20 et a duré jusqu'au
14 30, lorsque le tout a été arrêté, conformément aux mots prononcés dans
15 votre filme.
16 Est-ce que vous étiez au courant de cela, et si vous ne saviez rien au
17 sujet de telles opérations offensives aussi importantes, comment se fait-il
18 que vous ne le saviez pas à l'époque ? C'est ma question.
19 R. Je suppose qu'à la fin -- que la fin -- l'opération à été moins
20 importante que ce qui n'est suggérée, bien sûr. Pendant que j'étais là-bas,
21 des activités se déroulaient sans cesse. Mais personne ne m'a dit on a une
22 grande offensive qui est en cours. Le général Pasalic a pu passer l'après-
23 midi avec moi, et le jour suivant. S'il y avait une offensive en cours, il
24 n'aura pas pu faire cela. Au moment où nous avons commencé notre interview,
25 il a dit que l'offensive avait déjà été terminée, cette opération-là.
26 Q. Peut-on placer sur le rétroprojecteur ce document, s'il vous plaît. Car
27 je souhaite poser une autre question au témoin. Sur le rétroprojecteur,
28 s'il vous plaît.
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1 Hier, dans notre filme --
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour les besoins du transcript, pendant que vous
3 posiez la question, nous regardions la carte, et les Juges constatent que
4 le secteur de Balinovac est situé à Mostar Ouest, tout en haut de Mostar
5 Ouest. Donc pas dans le zone de Mostar Est, mais à l'extrémité de la ville.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais là-bas pour la guerre. J'y ai passé
7 une certaine période de temps et je n'ai pas pu connaître chaque partie de
8 Mostar, le nom de chaque quartier. J'accepte ce que vous dites à ce sujet.
9 Je ne connaissais pas cet endroit ou si je le connaissais, je l'ai oublié.
10 M. SCOTT : [interprétation] Ceci est conforme au compte rendu d'audience.
11 Vous avez dit que Balinovac était du côté ouest. C'est à la page 38, ligne
12 12 -- lignes 8 à 12. Je ne sais pas où est l'incohérence.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Il n'y a aucune incohérence, mais je voulais, pour
14 les besoins du transcript, bien faire ressortir que Balinovac était dans
15 Mostar Ouest, pas dans Mostar Est. C'est quand même important de le savoir.
16 Parce que cela veut dire qu'étant dans Mostar Ouest, Monsieur Scott, vous
17 qui avez appartenu aux forces armées, vous deviez savoir qu'il peut y avoir
18 une attaque qui peut provenir, non pas de Mostar Est, mais par ailleurs. De
19 l'importance de bien situé Balinovac dans le plan.
20 Allez. Dernière question, parce que le temps passe.
21 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je pense que j'ai encore un peu de
22 temps puisque les autres avocats et vous-même, vous avez parlé assez
23 longuement pendant mon temps.
24 Q. Mais une autre question. Nous avons vu une femme tuée sur la rive de la
25 Neretva hier, dans le filme. Puisque les Juges sont allés à Mostar et
26 puisqu'ils ont pu voir que la Neretva se trouve en bas d'un canyon qui est
27 extrêmement profond, de 15 à 20, et que les deux rives se séparaient par
28 une distance de 15 à 20 mètres. Ici, j'ai essayé de faire un calcul. Si
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1 l'on sait que la profondeur de ce canyon est de 15 à 20 mètres, avec une
2 largeur de 50 mètres, vous serez d'accord avec moi pour dire, n'est-ce pas,
3 que les positions du HVO étaient à une distance de 350 mètres, voire plus,
4 de la rive de la Neretva la plus proche. J'ai essayé de calculer à quelle
5 hauteur un tireur embusqué devait se trouver pour pouvoir toucher par balle
6 une femme qui était sur la rive de la Neretva.
7 Ma question est la suivante, Monsieur Bowen : lorsque vous avez vu cette
8 femme qui gisait près de la Neretva, est-ce que vous êtes descendu ? Est-ce
9 que vous êtes allé de l'autre côté ? Puisque vous avez dit qu'elle avait
10 été tirée dessus par les membres HVO. Est-ce que vous êtes donc descendu et
11 est-ce que vous avez essayé de voir de quel angle on aurait pu tirer sur
12 elle ? Est-ce que vous avez pu voir si, en face, il y avait un bâtiment aux
13 200 mètres, selon mon premier calcul, et 100 mètre selon mon deuxième
14 calcul. Est-ce que vous vous êtes tourné vers la partie qui se trouvait en
15 face pour essayer de deviner d'où on aurait éventuellement pu tirer pour
16 tuer cette femme ?
17 R. Je comprends votre question et je peux vous dire que c'est Nigel
18 Chandler, un caméraman, qui a filmé cette séquence, et je n'étais pas avec
19 lui au moment où il a filmé cela. Je n'étais pas avec lui et je n'ai pas pu
20 procéder à de telles vérifications.
21 Q. Oui, Monsieur Bowen. Mais dans votre documentaire, vous tirez la
22 conclusion. Je n'ai jamais entendu parler de votre caméraman. Je vous
23 entends, vous, parler et dire que cette femme que votre caméraman avait
24 enregistrée et filmée à dix mètres de distance, qu'elle avait été tuée par
25 un tireur embusqué du HVO. Qu'est-ce que c'est que cela ? C'est de la
26 poésie ou du sérieux, quand on parle de la cause de décès d'une femme qui
27 est tuée ?
28 R. Il ne s'agit pas de poésie ni de liberté poétique. Il s'agit de ce que
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1 quelqu'un a vu.
2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si on regarde la carte de Mostar,
3 est-ce que vous avez une idée de l'endroit où cette femme faisait la
4 lessive ? Est-ce que c'était vers le haut de Carinski Most, ou est-ce que
5 c'était près de Crnica ou près de la vieille ville ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas une carte ici sous la main.
7 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
8 Q. Vous avez cela sur cette autre carte à droite, à votre droite. Non. A
9 votre gauche. Pardon.
10 R. Un instant, j'en ai une très bonne vue ici aussi.
11 Q. C'est une bonne carte ici.
12 R. Difficile de dire. Je ne veux pas me tromper. Je pense que ce
13 serait deviné que de vous dire à peu près. Parce que je n'avais pas -
14 -
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ne dites rien si vous ne savez pas.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai une idée, mais ce serait 50 % de deviner.
17 Tout un calcul avec en plus l'endroit où normalement on se serait trouvé à
18 ce moment-là.
19 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je voudrais vous présenter encore un
20 document. La pièce 2D 0086.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous avez presque utilisé les 45
22 minutes, donc, cela va être le dernier document.
23 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit le micro pour l'accusé Praljak, s'il vous
24 plaît.
25 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
26 Q. Monsieur Bowen, hier nous avons entendu dans votre documentaire qu'à la
27 base de certaines pièces d'identité vous avez pu conclure que l'armée
28 croate se trouvait dans la région de Mostar et que cela se faisait
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1 évidemment sous les ordres venus de Zagreb. Alors, cela c'est un rapport,
2 une information de la section de Sécurité du département de la Défense, on
3 y voit 14 noms. Dites-nous, si vous connaissez un de ces noms ? Saviez-vous
4 ou si ces gens-là se trouvaient à Mostar, s'ils étaient dans les rangs de
5 l'armée BH, et saviez-vous qu'ils étaient payés en dinars croates par
6 l'armée bosniaque ?
7 R. Je ne connais pas ces noms. Je ne savais pas qu'il s'agissait de
8 mercenaires britanniques du côté de la BH. Si j'avais su j'aurais essayé de
9 les contacter. C'était vraiment dommage que je ne le sache pas cela aurait
10 été vraiment une évolution tout à fait intéressante et un bon reportage.
11 Q. Alors, comment cela se fait que vos amis, M. Humo et
12 M. Pasalic, ne vous ont jamais montré ces personnes, vos compatriotes ?
13 C'est ma première question ? Puis, la deuxième question : est-ce que vous
14 disposiez des informations selon lesquelles ces anglais, ces britanniques
15 auraient été envoyés là-bas sur la rive est -- envoyés par le gouvernement
16 britannique ou par la Reine ?
17 R. Je vous le dis, j'aurais vraiment bien aimé qu'ils m'en parlent, Humo
18 et Pasalic.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Un instant, s'il vous plaît. C'est une hypothèse de
20 la part de M. Praljak.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends. Est-ce que le gouvernement
22 britannique les aurait envoyés ? Je savais qu'il y avait des forces
23 spéciales britanniques qui se déplaçaient dans beaucoup de parties de la
24 Bosnie, mais je n'y ai vu personne qui ressemblait à un soldat britannique
25 pendant que j'étais à Mostar. Cela c'est certain. Je ne pense pas que le
26 gouvernement britannique soit intervenu de façon militaire du côté du
27 gouvernement de Sarajevo et de ses forces. Si c'était vrai ce serait une
28 évolution fort intéressante même aujourd'hui, et si j'avais davantage de
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1 documents je vous promets que je ferais un reportage là-dessus, un
2 documentaire, même aujourd'hui.
3 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Messieurs les Juges, je suis vraiment
4 désolé, j'aurais encore beaucoup de questions à poser au sujet de
5 l'artillerie, des pièces qui se trouvaient à côté de l'hôpital, des
6 activités au centre-ville, sur le nombre de Croates qui se trouvaient à
7 l'est, le nombre de Musulmans du côté ouest, la différence entre le
8 nettoyage ethnique et l'expulsion. Donc, des questions sur beaucoup de
9 choses dont le témoin s'est, à mon avis, parfois, d'une manière précipitée,
10 déclaré, donc, je ne peux que le remercier maintenant pour ses réponses.
11 Merci.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de clôturer, Monsieur Praljak, vous avez dit
13 ceci, et en ma qualité de Juge, je dois appeler votre attention sur vos
14 propos. Je n'ai pas le droit de vous interroger, donc, je ne vous interroge
15 pas, mais je vous dis que vous avez dit ceci à la page 25, ligne 2, et vous
16 l'avez répété également à la page 24, ligne 21, vous avez dit : "Pour
17 permettre au témoin de faire son reportage que vous avez donné l'ordre à
18 l'artillerie et aux snipers d'un cessez-le-feu." Vous avez dit cela à deux
19 reprises. C'était dans le transcript. Alors, vous vérifierez.
20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Non, non, non, c'est faux. Ecoutez, ce
21 que j'ai dit c'était une hypothèse et cette hypothèse était la suivante :
22 serait-il logique qu'un commandant militaire autorise une équipe de BBC
23 d'aller du côté des adverses pour filmer un documentaire et puis nous avoir
24 donné cette autorisation -- d'ordonner donc toujours on parle d'un
25 hypothèse toujours d'ordonner à son artillerie aux tireurs embusqués ou aux
26 personnes qui expulsaient les Musulmans, donc, de faire tout cela afin de
27 lui permettre de faire un documentaire qui serait éventuellement imprimé.
28 Je disais que je trouvais cela absurde et je demandais à M. Bowen s'il
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1 était d'accord avec moi que c'était bien quelque chose d'absurde ou qu'il
2 pensait que c'est tout à fait normal pour des criminels.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette explication.
4 Monsieur Scott, des questions supplémentaires ?
5 M. SCOTT : [interprétation] Oui. Deux, Monsieur le Président.
6 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président --
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.
8 M. KOVACIC : [interprétation] Si vous me le permettez juste un détail,
9 j'aimerais bien poser une question brève. J'ai besoin de deux minutes. M.
10 Praljak n'a pas pu la poser. Je pense que c'est très important.
11 Contre-interrogatoire par M. Kovacic :
12 Q. Bonjour, Monsieur Bowen, je représente l'accusé Praljak. Dans le
13 documentaire que nous avons vu hier aux minutes 8,49 secondes, nous
14 entendons votre commentaire disant jusqu'à maintenant, à part les haut-
15 parleurs par lesquels nous pouvons entendre la propagande croate, et
16 cetera, et cetera. Cela signifie selon vous qu'il y avait des haut-parleurs
17 qui étaient là pour diffuser de la propagande croate. Vous savez bien de
18 quoi je parle maintenant, vous avez trouvé ?
19 R. Oui, je regarde à l'instant même du compte rendu ou le compte rendu, la
20 transcription.
21 Q. 8 minutes 45 secondes.
22 R. Oui, oui, c'est ce que je regarde, Monsieur.
23 J'aimerais vous expliquer à quoi je fais référence ici.
24 Q. Non, non, permettez-moi de vous interrompre. Je voulais juste vous
25 diriger vers le thème, donc, nous allons discuter maintenant. Pas la peine
26 d'expliquer maintenant davantage.
27 R. D'accord, j'ai compris, excusez-moi. Oui, maintenant, je vois à quoi
28 vous faites référence. Je suis en train de le lire.
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1 Q. Merci. Avec ce commentaire sur l'enregistrement nous entendons une voix
2 féminine et ils nous avons bien écoutés attentivement cet enregistrement.
3 Cette personne dit : "Le code de la République croate est 385, par la
4 Slovénie 386," et cetera, et cetera. Donc, ma question pour vous est la
5 suivante : parlez-vous la langue croate ?
6 R. Je ne parle pas le croate mais je sais ce qui disait, enfin je
7 comprends quelques mots. J'ai compris que c'étaient des chiffres. Nous
8 avons écouté l'enregistrement. Permettez-moi, cette diffusion s'est
9 poursuivie pendant plusieurs jours, jour par jour. On a tout entendu et
10 j'ai écouté cela avec notre interprète qui m'a décrit ce qu'ils disaient.
11 Mais dans le montage, il y a quelques mots qui ont été captés, mais ceci
12 n'enlève rien au fait que le HVO n'a pas dit que ceci c'était fait pour
13 donner dans numéros dans cette cité où il n'y avait pas de téléphone, mais
14 il y avait un objectif qui était de faire passer le message de politique,
15 propagande, sur la ligne de front. J'ai passé un certain temps avec des
16 gens qui vivaient dans des appartements et ils entendaient cela tout le
17 temps, durant la nuit aussi. Je vous ai dit : "J'ai été là avec une
18 interprète qui m'a traduit tout ceci."
19 Q. Donc, votre interprétation de ces paroles que vous avez entendue était
20 qu'il s'agissait là de la propagande. Expliquez-moi quel est le lien entre,
21 par exemple, les indicatifs pour la Slovénie, et la propagande croate ?
22 Quel était le lien entre la Slovénie et la propagande croate ? Parce que,
23 dans cette réponse, nous avons entendu évidemment votre conclusion, mais
24 cela n'a rien à voir avec ce que nous entendons. S'agit-il là de la
25 propagande slovène ? Est-ce que je pourrais interpréter cela de cette
26 manière, de la même façon que vous interprétez cela comme de la propagande
27 croate, ces histoires des indicatifs pour la Slovénie, par exemple ?
28 R. Je crois que vous avez dit une absurdité. J'ai été très clair. J'ai dit
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1 que, pendant plusieurs heures par jour, on diffusait l'opinion croate sur
2 la ligne de front par des haut-parleurs peut-être qu'on rediffusait des
3 éléments qui concernaient ou qui contenaient un élément d'information
4 publique, à savoir le meilleur numéro à informer. De toute façon, il n'y a
5 pas de téléphone dans la ville. Cette diffusion, ce n'était pas la
6 meilleure façon de passer un coup de fil, enfin on n'a pas vraiment fait
7 tout un plan de tout cela.
8 J'ai dû expliquer pourquoi il y avait ces bruits de haut-parleur sur
9 l'enregistrement, sur la bande sonore. J'ai dit que ce n'était pas
10 différent d'autres fronts dans des villes en Bosnie. Ce n'était pas la
11 première fois que j'avais entendu des haut-parleurs diffuser pendant
12 plusieurs heures par jours certaines choses sur une ligne de front. C'est
13 cela que je voulais dire, c'est cela mon message, c'était cela.
14 Q. Bien. Alors, avez-vous enregistré ou faire un enregistrement audio de
15 d'autres parties de cette propagande sonore ou selon ce que nous avons
16 entendu dans votre documentaire. Donc, c'est une question très simple, oui
17 ou non, s'il vous plaît ?
18 R. Bien, je n'ai pas les bandes je ne peux pas vous répondre. J'avais une
19 interprète qui m'a interprété tous ces propos. Quand on fait un
20 documentaire pour la télévision, on filme des brides. Ce qui s'est passé
21 normalement dans la profession et M. Praljak peut vous en parler, c'est
22 qu'on filme bien sûr, mais qu'on branche on débranche la vidéo, ce qui veut
23 dire que la bande son n'est pas continue. Ce qui s'est passé à ce moment-
24 là, c'est que le caméraman, il a enregistré une bande son qu'il colle à
25 l'image. Ici, notre caméraman qui ne parle pas le croate n'a pas compris
26 que là on donnait des informations téléphoniques. Mais dans le script, il y
27 a d'autres personnes qui m'ont donné notamment l'interprète qui m'ont donné
28 une interprétation.
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1 Q. Merci pour cette explication de nature technique mais vous serez
2 d'accord avec moi, que dans votre documentaire nous n'avons entendu rien, à
3 part ces cinq ou six mots que j'avais cités, n'est-ce pas ? Oui ou non.
4 Vous avez le transcrit de cet enregistrement ?
5 R. J'ai fait rapport de ce qui se passait là, c'est cela que j'ai relaté.
6 Mais écoutez, d'accord, c'est vrai on aurait dû choisir un morceau, une
7 bribe de bande de son qui était meilleure, qui connaît mieux l'image parce
8 que cela sème un peu la confusion, j'en conviens. Mais je vous ai dit qu'il
9 n'y avait de la propagande qui était diffusée par ces haut-parleurs.
10 Q. Bien, continuons. Donc, c'était tout simplement votre choix d'un
11 échantillon de cette propagande pour les besoins de votre documentaire?
12 R. Je n'ai pas participé à ce choix de cette bribe de bande de son, parce
13 qu'on était en collectif, on travaillait en équipe, mais je l'ai dit, je ne
14 confectionne pas de choses, je ne fabrique pas, je tiens à le dire. Parce
15 que, Messieurs les Juges, on n'a formulé toute sorte d'allégation eu égard
16 à ma profession, à mon métier de journaliste. Je suis journaliste depuis
17 longtemps et je puis vous dire, j'ai découvert et je le sais, j'ai été
18 formé aussi. Je sais qu'il ne faut pas fabriquer quoi que ce soit. Ce
19 n'était pas nécessaire de fabriquer quoi que ce soit à Mostar. Qu'est-ce
20 que qui s'y passait, il se passait des choses très dramatiques, c'est pour
21 cela qu'on en parle encore 14 ans plus tard. C'était vraiment très
22 dramatique. Tout y était. Tout y était là devant nos yeux. Je n'ai rien
23 confectionné et de plus je m'en tiens et je soutiens ce qui a été l'objet
24 de mon reportage. Je n'ai pas dit de mensonge à propos de la guerre.
25 M. KOVACIC : [interprétation] Oui. Mais ce que je voulais dire à M. Bowen
26 c'est très clair. Quelque soit l'explication de nature technique que vous
27 avez donnée concernant la façon dont cela a pu arriver, vous avez déclaré
28 qu'il y avait la propagande croate. Alors, ceux qui regardent votre
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1 documentaire, ils ont vu quelque chose de tout à fait différent pas de la
2 propagande. Voilà, êtes-vous d'accord ?
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Cela a été dit clairement, je pense.
4 J'aurai, en fait, deux questions à vous poser, Monsieur Bowen. Voici la
5 première : est-ce que vous connaissiez la signification de ce passage ?
6 Est-ce que ce passage vous avez été traduit auparavant ou est-ce que vous
7 vous avez simplement fait confiance à votre caméraman, pensant qu'il allait
8 choisir un échantillon représentatif ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je sais ce que cela veut dire, "tri osam
10 pet" je connais la traduction de ces mots. Il serait peut-être utile que je
11 vous dise en deux mots comment on travaille dans une situation de ce genre.
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Répondez simplement à la question.
13 Est-ce que vous connaissiez la signification, est-ce que vous saviez que
14 quelqu'un qui comprend le croate allait entendre des informations
15 téléphoniques dans le commentaire ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand on a regardé le produit fini avant qu'il
17 ne soit diffusé, avec l'autre interprète qui était avec nous à Mostar, elle
18 l'a dit précisément. Elle a dit que c'était simplement des chiffres qui
19 étaient annoncés. C'est l'explication qu'elle nous a donnée. Effectivement,
20 nous étions au courant mais pour des raisons techniques, malheureusement,
21 c'était la partie de bande de son la plus claire qu'on avait. Mais ceci
22 n'empêche pas et là je reviens -- je le dis en tant que journaliste
23 consciencieux, c'était de la propagande qu'on diffusait. On ne donnait pas
24 des commentaires de football par haut-parleur.
25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Deuxième question : pourriez-vous
26 nous donner un exemple, est-ce que vous vous souvenez d'une phrase qui a
27 été dite et qui vous poussait à dire que c'était de la propagande ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pourrai pas vous donner une phrase
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1 précise, mot pour mot. Mais quand j'étais là, j'écoutais, que faisaient-
2 ils, ils diffusaient les nouvelles mais vu du côté croate de la lorgnette.
3 On dit une fois de plus nos troupes sont victorieuses sur ce front-ci, sur
4 ce front-là. Pareil, quand j'écoutais la télévision BAH de Sarajevo,
5 ailleurs, ils donnaient leur version des faits. Là aussi, on disait qu'il y
6 avait plusieurs victoires. On disait que l'ennemi était vraiment de façon
7 honteuse en train de réprimer la population, comme les Croates le font
8 aussi.
9 Pour moi, c'était des deux côtés de la propagande. C'était la raison d'être
10 des médias occidentaux. C'était pour arriver au front de la vérité et de ne
11 pas accepter tel ou telles façons d'informer qu'avaient les protagonistes
12 de la guerre de représenter les choses.
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Nos interprètes ont besoin d'une pause,
14 Monsieur le Président, cela fait près de deux heures que l'on travaille. Je
15 sais que l'Accusation a quelques questions à poser, mais je crois qu'il
16 faut être juste là.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : On va reprendre dans 20 minutes. Il y a M. Praljak
18 qui a besoin de quelques secondes pour une précision. Donc, nous
19 reprendrons et M. Praljak interviendra en quelques secondes, ensuite, le
20 Procureur terminera l'interrogatoire supplémentaire.
21 --- L'audience est suspendue à 16 heures 08.
22 --- L'audience est reprise à 16 heures 30.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Je crois que M. Praljak a une précision.
24 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Tout d'abord, je demanderais que le
25 témoin signe et note la date d'aujourd'hui sur la carte pour laquelle il
26 avait déclaré qu'elle correspondait à peu près à la réalité.
27 Concernant la décision par laquelle j'ai autorisé l'équipe de la BBC
28 à filmer son documentaire, c'est la pièce 3D 00700, il y avait une
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1 confusion. Il y est écrit précisément : "L'équipe qui en train de filmer un
2 documentaire dans cette région." Je demande aux interprètes de faire bien
3 leur travail et de traduire cela comme j'ai dit là. "L'équipe qui est en
4 train de filmer dans nos régions," cela signifie que cela couvrait la
5 totalité -- l'ensemble de cette région, les deux côtés. Voilà, donc, toutes
6 les régions sous le contrôle du HVO.
7 Puis, troisièmement -- je voudrais finir, si vous me le permettez.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.
9 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Troisièmement, question de la
10 synchronisation de l'enregistrement audio et vidéo. Quand M. Bowen a
11 constaté que l'enregistrement ne contenait pas la propagande croate, il
12 aurait pu enregistrer ce qu'il souhaitait et d'une certaine manière glisser
13 au-dessus de l'enregistrement vidéo; c'est possible.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Tout d'abord, pour la question de la
15 traduction, Monsieur Praljak, pouvez-vous lire, dans votre langue, le
16 texte. Comme cela, les interprètes vont nous traduire, et on verra ce qu'il
17 convient d'en tirer comme conclusion. Lisez dans votre langue le premier
18 paragraphe.
19 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] "Nous autorisons le passage,
20 jusqu'au dernier point de contrôle de la police militaire du HVO à Buna,
21 pour l'équipe de télévision de la station BBC qui est en train de filmer un
22 documentaire dans cette région -- dans ces régions."
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, vous étiez levé.
24 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense
25 qu'une partie du problème a été évacuée. Tout d'abord, je voulais le dire
26 pour qu'il n'y ait pas de confusion dans le dossier d'audience. M. Praljak
27 a demandé une fois de plus au témoin de signer et de dater un des éléments.
28 Je voudrais savoir quelle est la signification qu'il faut apporter à ceci.
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1 La Chambre a déjà donné certaines indications dans ce sens, mais je voulais
2 m'assurer que le compte rendu est très clair quant à la signification que
3 le fait de signer aurait.
4 Deuxième chose : maintenant, nous avons la traduction par les équipes
5 d'interprètes de ce document. Je ne pense pas que ce soit acceptable,
6 surtout dans ce contexte, que M. Praljak se lève pour nous dire ce que cela
7 voulait dire véritablement. Nous avons les termes qui ont été désormais
8 interprétés par les interprètes. Maintenant, il ne peut pas donner sa
9 propre interprétation.
10 Je pense que j'aurai quelques dernières questions à poser au témoin.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a une carte que vous devez avoir. Pouvez-vous
12 la -- Monsieur Praljak, c'est laquelle ? C'est celle qui est à sa droite ?
13 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] C'est celle qui est à sa droite, celle
14 qui est plus longue. Le témoin a déclaré que cela pourrait correspondre à
15 la réalité. Je ne dis pas que le témoin ait déclaré que c'était à 100 %
16 exact. Tout est dans le compte rendu d'audience, donc, il n'a qu'à signer
17 cette carte-là. Merci.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : La carte est -- pour la Chambre, c'est clair. C'est
19 que la carte a été présentée au témoin, on lui a posé une question, et il a
20 répondu à la question dans le transcript.
21 Donnez un numéro IC, Monsieur le Greffier.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro IC 247, Monsieur le
23 Président.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : On approche de la fin. Alors, les questions
25 supplémentaires, Monsieur Scott.
26 M. SCOTT : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.
27 Nouvel interrogatoire par M. Scott :
28 Q. [interprétation] Monsieur, vous nous avez parlé, au cours de
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1 l'interrogatoire principal, du reportage que vous faisiez des événements de
2 Vukovar. Pourriez-vous dire aux Juges qui furent les principales victimes
3 de ce qui se passait à l'époque à Vukovar ?
4 R. C'étaient les Croates.
5 Q. Pourriez-vous dire aux Juges si, à votre connaissance, il y a quelqu'un
6 du côté croate qui s'est plaint de la façon dont vous relatiez les
7 événements ? Que vous n'auriez pas, par exemple, parlé de ce qui se passait
8 du côté serbe ?
9 R. Non, au contraire.
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous le savez aussi bien que la
12 Chambre, lorsqu'un journaliste fait un reportage, il y a des retombées du
13 reportage. Je présume que quand ce reportage est passé à la BBC, il y a
14 peut-être des gens qui sont venus dire : Bravo. C'est honteux. Je ne sais.
15 Logiquement, si on veut apprécier une suite d'un reportage, le Procureur
16 peut demander est-ce qu'il a eu des critiques sur ce reportage, dont
17 notamment des critiques de Croates. Voilà. Cela vaut ce que cela vaut, mais
18 c'est pour le plan, le contexte.
19 Alors, Monsieur Bowen, vous avez compris la question. Je présume que ce
20 reportage a eu un succès d'écoute. Est-ce qu'il y a eu des critiques à la
21 suite de la diffusion de ce reportage ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a eu des critiques, Monsieur le
23 Président, qui sont venues du côté serbe. Lorsque je me suis déplacé pour
24 aller du côté serbe, en fait on m'a tenu à bout portant. J'ai même été
25 placé en détention dans une cellule pendant un certain temps parce qu'ils
26 étaient fâchés de la façon dont on avait fait le reportage sur ce qui se
27 passait du côté croate.
28 Quand je suis revenu du côté de Zagreb, lorsque j'allais pratiquement
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1 quotidiennement à Vukovar, les Croates étaient très contents parce que nous
2 mettions en exergue ce qui se passait là-bas.
3 Je le dis que la seule critique que nous avons eue à ce moment-là est venue
4 des Serbes qui n'étaient pas contents.
5 M. SCOTT : [interprétation]
6 Q. Malheureusement, vous l'avez dit vous-même. On a ici mis en cause votre
7 intégrité de journaliste. Pourriez-vous dire aux Juges ceci lorsque vous
8 avez entendu dire qu'il y avait des prisonniers croates du côté des
9 Musulmans et qu'on vous a autorisé à filmer, pourquoi, est-ce que vous
10 vouliez inclure cela ?
11 R. Je savais que le fait d'utiliser des prisonniers pour des travaux
12 forcés, par exemple, sur une ligne de front, c'était un crime de guerre,
13 c'est ce qu'ils faisaient. Cela m'intéresse toujours vivement de voir les
14 aspects du droit interview humanitaire qui s'applique à ce que j'ai fait
15 comme reportage au sujet dans des zones de guerre. Je me replaçais ceci
16 dans un contexte. Donc, j'ai utilisé ce cadre du droit international
17 humanitaire.
18 Je pense que je l'ai dit clairement, je ne sais pas exactement ce que j'ai
19 dit dans le scénario, mais je l'ai dit, j'ai dit que ce n'était pas une
20 bonne chose de faire cela. Je ne savais pas si cela se trouve dans ces
21 mots-là -- si j'ai utilisé les mots de "crimes de guerre," dans le
22 documentaire, mais le message que je voulais faire passer c'était que
23 c'était une partie prenante à une guerre et qui était résolue à mener ces
24 guerres de façon assez impitoyable. Je n'avais pas à dire qui était les
25 bons et qui étaient les méchants. Je m'intéressais surtout aux effets
26 qu'avait cette guerre sur les civils. Je ne voulais pas ici faire de
27 jugement sur celui qui avait raison ou pas dans cette guerre.
28 Q. Si comme le disait la Défense vous écriviez quelque chose en faveur des
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1 Musulmans, est-ce que vous pensez qu'il y a dans les images que vous avez
2 montrées, des images qui donnaient un avis favorable des Musulmans ?
3 R. Non. Cela montrait la réalité de ce qu'ils faisaient. Je ne les ai pas
4 présentées sous un angle particulièrement favorable. Je le regarde ici dans
5 le scénario, on dit que le commandant n'avait pas essayer de dissimuler la
6 façon dont l'ABiH traitait ces soldats. Effectivement on fait creuser des
7 tranchées dans les parties les plus exposées de la ligne de front --
8 prisonniers. C'est ce qui est dit.
9 Je n'essayais pas ici de présenter l'ABiH comme étant les bons dans cette
10 guerre-ci. Ce qui m'intéressait le plus c'était les conditions, la
11 détresse, la pression qui s'exerçaient sur quelque 25 000 civils qui se
12 trouvaient à Mostar Est.
13 Q. Je vous remercie.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que je peux poser quelques questions
15 supplémentaires, Monsieur le Président. Ce sera très rapide.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre ne vous donne pas ce droit de poser à
17 nouveau des questions après les questions supplémentaires, c'est une
18 jurisprudence constante des Chambres et de la Chambre d'appel. Voilà. Mais
19 si vous voulez revenir après sur certains points, il y aura d'autres
20 témoins, et vous pourrez à loisir revenir sur ce qui a été dit.
21 M. KARNAVAS : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président. Mais je
22 tiens à ce que ceci soit acté, je sais sur -- la Chambre d'appel a dit à
23 propos de nouvelles questions supplémentaires. J'aimerais que la Chambre
24 demande à ce témoin -- lorsqu'ils ont demandé l'autorisation et lorsque
25 cette autorisation apparemment aurait été rejetée par le commandant du HVO,
26 ce qui semble être différent, est-ce qu'il a mentionné Vukovar, est-ce
27 qu'il avait présenté une image très positive des Croates à Vukovar et donc
28 ils devaient être rassurés ?
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1 J'aimerais aussi et ceci n'a été mentionné par personne, est-ce que ce
2 témoin n'a jamais vu l'ordre du général Praljak et est-ce qu'il l'a
3 interprété d'une façon ou d'une autre, est-ce qu'il a compris par là qu'il
4 ne pouvait rien filmer ? Ou est-ce que ceci lui a été rapporté par les
5 producteurs ? En d'autres termes, est-ce qu'il l'a vu cet ordre et est-ce
6 qu'il l'a compris comme voulant dire qu'il ne pouvait pas du tout filmer du
7 côté de Mostar ou du côté ouest de la rivière ? Parce que je pense que ces
8 questions n'ont pas été du tout abordées.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais reprendre à mon propre compte.
10 Questions de la Cour :
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Non pas parce que je trouve une solution à un
12 problème mais parce que j'ai moi-même étudié cet ordre, et je m'étais posé
13 la question mais en raison du temps, j'avais préféré laisser les uns les
14 autres s'exprimer. Quand vous avez eu en votre possession l'ordre puisqu'il
15 est marqué que cet ordre doit servir aux "check-points" pour vous permettre
16 de circuler, est-ce que vous l'aviez lu vous-même ? Ou ce sont vos
17 collaborateurs qui l'avaient avec eux, parce que je présume circulant à
18 l'époque il y avait des contrôles, et quand il y a un contrôle on sort le
19 papier. Est-ce que vous l'aviez lu ce document ?
20 R. Je suppose qu'il s'agit bien du même document. Effectivement. Je
21 conduisais le véhicule, et lorsque nous nous sommes arrêtés au poste de
22 contrôle du HVO j'ai remis ce papier aux soldats qui s'y trouvaient.
23 J'aimerais apporter une précédente comment est-ce qu'on obtient ce genre de
24 documents dans ce genre de situations ? On obtient le document après la
25 discussion, et quelqu'un vous dit, voilà vous avez eu vos négociations,
26 votre discussion, nous vous donnerons la réponse, puis ils vous donnent un
27 document et vous espérez que ce document concerne l'accord passé. C'est
28 toujours comme cela. On a toujours ce document après la fin de la réunion.
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1 On attend un peu, il faut le dactylographier et ils reviennent et vous
2 l'emportez.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vois en anglais : "I handed the pièce." Quand
4 vous avez remis le document ? Est-ce que vous l'aviez lu, vous, ou après la
5 discussion, il y avait le document et vous ne l'avez pas lu ?
6 R. Ecoutez, oui, oui, je l'ai regardé, j'ai vu que tous nos noms y
7 figuraient, on avait mal écrit le nom de Matthews, mais je ne lis pas le
8 croate. Je ne connaissais que de façon limitée le croate. Je connaissais
9 environ 100 mots utilisés au poste de contrôle et je ne pourrais pas
10 l'écrire ou le lire. Notre interprète nous a expliqué que c'était le
11 laissez-passer qui allait nous permettre de franchir le point de contrôle
12 du HVO, et ce qui est certain c'est que nous n'avons pas compris ceci comme
13 étant une autorisation nous permettant de filmer des deux côtés.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que le témoin était présent aux
15 négociations ? C'est ce qui est important ici, et cela doit être dit. J'ai
16 compris que ce n'était pas le cas.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Il me semble que vous aviez répondu -- vous aviez
18 dit que vous en n'étiez pas occupé. Cela devait être Matthews qui s'en
19 était occupé dans les négociations. Bon. C'est ce que j'ai compris. Peut-
20 être ai-je mal compris ? Quand le document a été donné par le général
21 Praljak est-ce que vous aviez participé aux négociations, ou c'est Matthews
22 qui s'en était occupé ?
23 R. Non, non, Monsieur le Président, vous l'avez bien expliqué. Je n'étais
24 pas présent à ces négociations je croyais l'avoir dit plusieurs fois.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, c'est ce que j'avais compris, c'est pour cela
26 que je ne vous ai pas demandé des précisions.
27 Bien. Votre témoignage vient de se terminer. Il a été long. Puisqu'il a
28 quasiment duré deux jours. Je vous remercie au nom de mes collègues d'avoir
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1 répondu aux questions de l'Accusation, des avocats, des accusés, et des
2 quatre Juges. Je formule donc mes meilleurs vœux pour votre retour dans
3 votre pays, et la continuation de votre métier de journaliste. Je vais
4 demander maintenant à Mme l'Huissière de vous raccompagner.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.
6 [Le témoin se retire]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, pour le témoin suivant nous
8 avions donc indiqué que l'Accusation aurait deux heures. J'ai cru
9 comprendre qu'il y avait une vidéo qui fait quasiment une heure, donc ce
10 qui voudrait dire vidéo et interrogatoire principal un maximum de deux
11 heures, et nous avions donc dit que la Défense aurait du temps pour contre-
12 interroger. Etant précisé maintenant qu'une fois que le Procureur aura
13 terminé, nous devrions terminer le contre-interrogatoire demain à 19
14 heures.
15 Bien. Alors, c'est bien comme cela, Monsieur Scott, que vous avez
16 prévu le déroulement ?
17 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
18 Apparemment, il y a certaine confusion qui règne. La vidéo n'a rien à voir
19 avec le témoin suivant. Nous avions prévu il y a quelques jours de cela
20 cette vidéo lorsqu'on a communiqué à tout le monde, notamment à la Chambre,
21 le programme et cela a été expliqué dans une lettre ultérieurement qui
22 aurait dû vous être distribuée aujourd'hui ainsi qu'à la Défense.
23 On présente par là plusieurs éléments de vidéo. Vous-même, Monsieur
24 le Président, nous vous avions à plusieurs reprises -- vous aviez été, à
25 plusieurs reprises, invité à vous présenter des séquences vidéo, ce que
26 nous pourrions faire demain, mais ceci n'a rien à voir avec le témoin
27 suivant.
28 Lorsqu'il aura terminé son audition, nous vous proposons de diffuser
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1 ces éléments vidéo qui font environ une heure.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : A moins de n'avoir rien compris. Il y a un témoin
3 qui vient ?
4 M. SCOTT : [interprétation] Oui.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : S'il y a une vidéo, la vidéo va être présentée au
6 témoin pour que --
7 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : La vidéo n'a rien à voir avec le témoin ?
9 M. SCOTT : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président, pas de lien
10 entre les deux.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, là, je comprends beaucoup mieux. Pas de lien
12 entre les deux. Très bien.
13 Pour votre interrogatoire de ce témoin, il vous faut combien de temps ?
14 M. SCOTT : [interprétation] Deux heures.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Compte tenu du contre-interrogatoire, la vidéo qui
16 n'a aucun lien, manifestement ne pourra pas être diffusée demain. Je ne
17 vois pas comment on pourrait le faire. On verra bien.
18 Le témoin.
19 M. SCOTT : [interprétation] On peut la diffuser n'importe quand.
20 Manifestement, si demain on n'a pas terminé à 19 heures, le témoin, on
21 n'aura pas la vidéo demain.
22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
23 M. KOVACIC : [interprétation] Juste une minute. Concernant cette vidéo,
24 aujourd'hui, nous avons reçu un courrier du Procureur avec une liste de
25 tous les enregistrements vidéo que le Procureur souhaite nous présenter en
26 absence de témoins. Je ne me suis pas encore consulté avec les conseils de
27 la Défense, mais au nom de l'accusé Praljak, je m'oppose à ce que cette
28 vidéo soit présentée dans un délai si bref. Il s'agit de matériel très
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1 volumineux. Nous n'avons pas pu nous préparer pour ce matériel. C'est tout.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je suis étonné. Ce matériel a été diffusé, la pièce
3 P 1041, 2159, il y a déjà des mois, voire des années, et vous dites ne pas
4 eu le temps de se préparer.
5 La moindre des choses dans un procès de ce type c'est d'abord de
6 regarder en priorité la vidéo. C'est évident.
7 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, cela n'a pas dû être
8 bien interprété. Je ne parle pas de l'enregistrement que nous avons vu avec
9 le témoin précédent, mais je parle d'une vidéo mentionnée dans le courrier
10 d'aujourd'hui, le 24 janvier, par laquelle le Procureur nous a informés
11 qu'ils souhaitaient, demain, nous présenter dix ou 11 enregistrements vidéo
12 en absence de témoins. C'est à cela que je m'oppose.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, vous êtes à peine entré que je vous
14 pose une question. On a, après ce témoin, une vidéo, une vidéo qui est
15 constituée de plusieurs séquences, avec des numéros. P 1041, 2159, 2463,
16 3879, 4238, 6786, 7431, 9307. Toutes ces bandes vidéo ont été communiquées
17 à quel moment à la Défense ?
18 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je vais
19 m'occuper de cette question si vous me le permettez. Vous l'avez dit à
20 l'instant. Il s'agit là de pièces prévues par la liste 65 ter, et nous
21 avions communiqué notre intention de les diffuser. Que sont ces séquences ?
22 On a rassemblé ces séquences pour avoir une bande d'environ une heure, et
23 nous l'avons fait sachant que c'était là ce que la Chambre nous demandait
24 de faire.
25 Si la Chambre ne veut pas que soit présenté comme cela, vous pouvez
26 bien sûr nous le dire. Mais nous étions partis de cette idée - de vos
27 instructions.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme les Juges vont se réunir demain, comme nous
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1 nous réunissions quasiment à tous les jours, nous allons en débattre, et
2 demain nous vous dirons le sort à donner à cette vidéo, ayant enregistré
3 l'opposition de la Défense au motif qu'elle n'a pas eu le temps de se
4 préparer.
5 LE TÉMOIN : JOVAN RAJKOV [Assermenté]
6 [Le témoin répond par l'interprète]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, bonjour. Vous êtes cité comme témoin par
8 l'Accusation. Avant de vous faire prêter serment, je vous demande de vous
9 lever. Vous allez me donner votre nom, prénom, date de naissance.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Jovan Rajkov, né le 26 août 1957.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est, Monsieur, votre profession actuelle ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis médecin -- docteur, métier chirurgien,
13 et je travaille dans un hôpital au sud de Mostar.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Docteur, avez-vous déjà témoigné devant un tribunal
15 international ou un tribunal national sur les faits qui se sont déroulés
16 dans votre pays dans les années 1990 ou c'est la première fois que vous
17 témoignez ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est la première fois aujourd'hui.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment que Mme
20 l'Huissière vous présente.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Docteur. Vous pouvez vous asseoir.
24 Comme c'est la première fois que vous témoignez, quelques éléments
25 d'explication de ma part sur la façon dont va se dérouler cette audience
26 qui peut paraître très compliquée pour quelqu'un qui n'a pas l'habitude.
27 Vous aurez à répondre, dans un premier temps, aux questions qui vont vous
28 être présentées par l'Accusation, que vous avez dû rencontrer hier et ce
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1 matin. L'Accusation vous a indiqué qu'elle aurait besoin de deux heures, et
2 on vous présentera certainement des documents. L'Accusation nous a remis
3 presque un demi-mètre de hauteur de documents.
4 Une fois que nous aurions terminé cette phase, les avocats de la
5 Défense qui sont situés à votre gauche, qui sont nombreux, ainsi que les
6 accusés, pourront vous poser des questions dans le cadre du contre-
7 interrogatoire.
8 Nous avons décidé de donner un temps suffisamment important à la
9 Défense pour vous contre-interroger. Etant précisé que dans mon esprit, et
10 je pense que c'est également dans l'esprit de mes collègues, votre audition
11 va se terminer demain à 19 heures. Essayer d'être très précis quant à vos
12 réponses, car vos réponses, qui seront traduites en anglais et qui
13 figureront sur un écran que vous avez devant vous, constitueront ce qu'on
14 appelle le transcript. Par ailleurs également, comme éléments de preuve,
15 nous aurons les documents qui seront produits tant par l'Accusation que par
16 la Défense.
17 Les quatre Juges qui sont devant vous pourront à tout moment, c'est
18 ce que le Règlement prévoit, vous poser des questions, et certainement nous
19 aurons l'occasion de vous poser des questions soit pour préciser des
20 réponses que vous avez données aux uns et aux autres, soit parce qu'il nous
21 apparaît nécessaire que vous nous éclairiez sur certains points, car nous
22 avons, nous, la mission, dans le futur, une fois que le procès sera
23 terminé, de délibérer sur ce dossier.
24 Si vous éprouvez quelques difficultés en cours d'audience, n'hésitez
25 pas à nous en faire part. Notamment, si à un moment donné, vous vous sentez
26 mal - parce qu'il peut arriver, même si vous êtes médecin, que des témoins
27 éprouvent quelques malaises - et à ce moment-là, vous nous faites signe et
28 nous arrêtons l'audience.
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1 Voilà, de manière très générale, la façon dont va se dérouler cette
2 audience. Mais je pense que le Procureur a dû déjà vous indiquer les
3 grandes lignes.
4 Je donne immédiatement la parole à Mme Egels, que je salue.
5 Mme EGELS : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je salue toutes
6 les personnes ici présentes.
7 Interrogatoire principal par Mme Egels :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Monsieur le Témoin,
9 pourriez-vous, en quelques mots, dire aux Juges de la Chambre quel est
10 votre bagage professionnel et ce que vous avez fait à partir de 1989
11 jusqu'en 1993.
12 R. Vous avez mentionné 1989. J'ai fini mes études primaires -- secondaires
13 à la Faculté de médecine à Sarajevo, passé mon examen d'Etat et commencé à
14 travailler en tant que volontaire ou avec un -- pour les urgences de 1989
15 jusqu'à 1992, mais il y avait des interruptions. Je n'étais pas employé
16 d'une façon continue. Je travaillais plutôt comme un volontaire. Vous
17 m'avez posé la question pour la période après 1992, si vous voulez ?
18 Q. Effectivement. Jusqu'en avril 1993, s'il vous plaît.
19 R. Donc, avril 1993, à partir de 11 avril 1993 jusqu'à 11 juin 1993, je
20 travaillais d'urgence et le commandant de l'armée a déclaré qu'il n'aurait
21 plus besoin de moi. Alors, j'ai essayé de faire quand même quelque chose
22 pour ne pas rester comme cela. Donc, j'ai rejoint la protection civile où
23 je n'étais pas enregistré. J'y étais, je travaillais, je faisais ce que je
24 pourrais, mais je n'existais pas officiellement là-bas. Un jour, une liste
25 avec environ 19 noms serbes et trois noms musulmans est apparue, et sur
26 cette liste, il était marqué que ces personnes-là devaient quitter les
27 locaux de la protection civile, d'où je tirais la conclusion logique, la
28 plus judicieuse, serait de partir aussi moi-même. Puis ensuite, je suis
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1 resté un peu chez moi, en attendant d'établir un lien avec l'armée
2 bosniaque, le 27 août 1992. A partir de cette date-là, j'ai travaillé comme
3 médecin pour les Bataillons de Mostar de l'ABiH du Corps médical de
4 bataillon. Voilà.
5 Ensuite, le service médical a été transféré. Il se trouvait d'abord dans
6 les locaux de caserne sud de Mostar. Cela a été fait parce que j'ai insisté
7 qu'il fallait trouver des locaux plus appropriés, cela s'est fait en
8 octobre 1992 et je suis resté là-bas jusqu'en mai 1993, au moment où cet
9 hôpital, ce début d'hôpital a commencé à être créé et a fonctionné.
10 Q. Revenons en arrière. Vous venez de dire que vous étiez à l'institut
11 d'hygiène depuis octobre 1992, par la suite. Vous verrez maintenant une
12 carte qui porte la cote 9517, est-ce que vous pourriez nous montrer sur
13 cette carte où se trouve cet institut d'hygiène ?
14 Puis je vais vous demander de marquer l'endroit où se trouvait l'institut
15 d'hygiène en apposant le chiffre 1, s'il vous plaît.
16 R. Permettez-moi de vous dire que ce plan n'est pas vraiment détaillé, ni
17 très précis. Je suppose que c'est un plan touristique. Je crois que
18 certaines ruelles, noms aussi donc permettez-moi de prendre un peu de temps
19 avant de m'orienter. Vous voulez que j'appose un numéro ?
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur la carte P 9517. Plusieurs témoins nous ont fait
21 part de ce type de remarque. Certains témoins nous ont même dit qu'il y a
22 des noms de rue qui avaient changé. Il était important pour l'Accusation de
23 trouver une carte de Mostar de 1993 ? Je présume que vous ne pourrez pas
24 répondre mais en tant que Juge professionnel, c'est une remarque qui me
25 vient immédiatement à l'esprit.
26 Mme EGELS : [interprétation] Monsieur le Président, une réponse complète
27 n'est pas quelque chose que je puisse vous donner. Mais effectivement, il
28 était très difficile de trouver une carte précise si ce n'est des cartes
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1 militaires de Mostar en 1993, mais les cartes militaires sont tellement
2 détaillées que nous avons un autre problème où il sera difficile de trouver
3 simplement une rue sur cette carte. C'est la raison pour laquelle nous
4 avons choisi cette carte commerciale pour vous donner une idée de ce à quoi
5 les choses ressemblaient à l'époque.
6 Q. S'agissant de cette localité en particulier, est-ce que vous pourriez
7 nous dire, Monsieur le Témoin, quel était le nom de la rue dans laquelle se
8 trouvait l'institut d'hygiène ?
9 R. Avec votre permission, je vais ajouter aussi que s'agissant de cette
10 carte, derrière cette ligne de démarcation il n'y a pas de changement
11 s'agissant des noms des rues. Donc, les noms des rues sont restés
12 identiques.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Praljak voulait dire quelque chose sur la carte.
14 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Nous pouvons voir une image très
15 précise de Mostar, près de vous, peut-être vous pouvez vous servir de cette
16 carte très précise où l'on voit toutes les rues pour marquer l'emplacement
17 de cet institut.
18 Mme EGELS : [interprétation] Je crois que c'était justement le but du jeu.
19 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire le nom de la rue dans laquelle se
20 trouvait l'institut d'hygiène ?
21 R. La rue s'appelait la rue de Tito, c'est dans cette rue que l'institut
22 se trouve encore aujourd'hui. C'est la rue principale.
23 Q. Est-ce que cette rue est située dans Mostar Est ou Ouest ?
24 R. Est.
25 Q. Merci. Vous nous avez dit --
26 M. LE JUGE ANTONETTI : D'abord, est-ce que nous pourrions avoir un numéro
27 IC, s'il vous plaît ?
28 Mme EGELS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais je souhaitais
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1 demander cela un peu plus tard. Je souhaitais poser des questions au sujet
2 d'autres localités sur cette carte. Mais --
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Peut-être nous pourrions un numéro parce que ce sera
4 plus simple.
5 Monsieur le Greffier, numéro IC.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ils recevront la cote numéro IC 248,
7 Monsieur le Président.
8 Mme EGELS : [interprétation]
9 Q. Vous nous avez dit que vous êtes entré au sein de l'ABiH, ensuite, vous
10 avez commencé à exercer le métier de médecin au début, ensuite vous étiez à
11 l'Institut d'hygiène jusqu'en avril 1993. Pour parler de la période au mois
12 d'avril 1993, est-ce que l'hôpital de guerre a été établi à cet emplacement
13 à l'emplacement où se trouvait l'institut d'hygiène à Mostar Est ?
14 R. Non. On ne peut pas dire vraiment qu'il s'agissait de l'établissement
15 d'un hôpital de guerre. Car nous et les autres membres du personnel de ce
16 service médical, donc, il y avait six médecins, six infirmiers et six
17 chauffeurs nous avons transféré le dispensaire du camp sud à l'institut
18 d'hygiène et nous utilisions la partie qui se trouvait dans la cave. Du
19 côté gauche, il y avait une petite pièce qui servait à accueillir les
20 patients, c'est là qu'ils restaient toute la journée, puis un petit dépôt
21 de médicaments. L'une des pièces devait être utilisée par les dentistes,
22 mais ceci ne s'est jamais terminé. Nous n'avons jamais obtenu les
23 équipements nécessaires.
24 Ce que nous avons pu faire, c'était cela. Peut-être en avril, peut-être au
25 mois de mai, grâce au fait que nous avions quitté la partie droite qui
26 s'était vidée, il y avait quelques nouvelles pièces dans la partie droite,
27 donc, nous avons pu utiliser certains équipements qui existaient sur place,
28 comme des équipements servant à la stérilisation qui avait été utilisée
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1 dans l'institut d'hygiène. Donc, nous avons pensé que c'était idéal pour
2 les urgences, comme une salle d'opération. Puis, il y avait d'autres
3 pièces, d'autres salles qui pouvaient être utilisées, où nous avons trouvé
4 des équipements. Lorsque nous avons trouvé des équipements qui pouvaient
5 servir dans le cadre d'une opération, nous avons pu effectivement utiliser
6 tout cela. Donc, au mois d'avril, ceci ressemblait à une salle d'opération.
7 Donc, je suis un chirurgien, je peux dire que cela ressemblait à cela.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Docteur, oui, il y a une divergence. L'Accusation a
9 qualifié votre établissement d'hôpital de guerre. Vous, vous avez semble-t-
10 il dit non. Vous avez dit que c'est le dispensaire du camp sud qu'on a
11 transféré. Le statut juridique de cet hôpital, entre guillemets. Pour vous,
12 était-il civil ou militaire, le personnel dont vous-même étiez-vous civil
13 ou sous statut militaire ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout au début en 1992/1993, effectivement
15 c'était un dispensaire et par la suite s'est devenu un hôpital de guerre.
16 Effectivement, il y avait un dispensaire qui avait été organisé par l'ABiH,
17 et effectivement, le personnel était placé sous la surveillance pour ainsi
18 dire de certains commandements. Je ne sais pas exactement qui donnait les
19 ordres, qui -- mais pendant la guerre tout est placé quelque part sous le
20 commandement militaire. Mais si votre question porte sur la question de
21 savoir si seulement les soldats y étaient traités, ce n'était pas le cas.
22 L'ensemble de la population, les femmes, les enfants, les civils, sans
23 aucune différence, ce qui ressort de nos protocoles.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous aviez un statut de militaire, vous
25 aviez une carte militaire, ou vous étiez un civil qui travaillait dans un
26 hôpital militaire ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Personnellement, j'avais une carte militaire
28 depuis août 1992, et à l'époque c'était d'ailleurs la seule manière de
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1 rester dans la partie est à moins d'être habitant d'y avoir une maison, un
2 appartement, c'était la seule manière d'obtenir autorisation de se trouver
3 du côté est.
4 C'était donc la seule possibilité.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Avancez --
6 Allez-y, Madame Egels.
7 Mme EGELS : [interprétation] Peut-on demander au témoin d'examiner la pièce
8 à conviction 9865 ? Qui fait partie des trois classeurs qui sont à coté de
9 vous, et c'est dans le dernier classeur.
10 Q. Reconnaissez-vous le bâtiment qui figure sur cette photographie ?
11 R. Oui, certainement. C'est le bâtiment de l'institut d'hygiène à Mostar
12 dans la rue de Tito. A l'époque, le bâtiment était peint différemment.
13 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez nous montrer sur cette
14 photo, éventuellement, en utilisant la photo qui se trouve à l'écran devant
15 vous -- est-ce que vous pouvez nous montrer à quel endroit se trouvait
16 d'abord la partie médicale de ce bâtiment ? Est-ce que nous voyons cela sur
17 cette photographie ? Vous avez parlé de la cave de ce bâtiment.
18 R. Vous voulez que je vous montre la partie médicale. C'est possible. Je
19 dois vous dire qu'il ne s'agit pas réellement d'une cave car le tout
20 n'était pas au-dessous du niveau de la terre. C'est ce qu'on peut voir ici.
21 Ici cela correspond au niveau du plafond de la partie dans laquelle se
22 trouvait la cave. Donc, à peu près un tiers de cette partie était au-dessus
23 de la terre. Nous pouvons voir que cette partie-là était au-dessus.
24 Puis, ce dont je parlais au début, cette partie-là, c'est la pièce où était
25 le séjour ou la cuisine. Cela changeait de but. L'accueil était en face. Je
26 ne peux pas vous montrez ici car ce bâtiment avait une entrée de l'autre
27 côté, en arrière. Donc, en prenant les escaliers il y avait une petite
28 pièce, qui était à ce niveau-là à gauche, mais de l'autre côté, puis, la
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1 pharmacie était à côté de la salle de séjour. Puis, l'autre partie avec les
2 salles qui sont devenues les salles d'opération. Ceci se trouvait ici, au-
3 dessous de cette partie-là, le long de l'ensemble de la partie latérale du
4 bâtiment. Puis, à côté par la suite a été installé la salle des soins
5 intensifs.
6 Mme EGELS : [interprétation] Puis-je demander au Greffier d'audience
7 d'attribuer un numéro IC à ce document, s'il vous plaît ?
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce numéro IC 249,
9 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
10 Mme EGELS : [interprétation]
11 Q. Monsieur le Témoin, en avril 1993, est-ce que vous pouvez nous dire qui
12 occupait le reste du bâtiment ? Là, je veux parler des autres étages
13 supérieurs du bâtiment.
14 R. En avril 1993, voilà comment je peux vous expliquer cela : nous en tant
15 que service médicale lorsque nous sommes arrivés dans ce bâtiment, nous
16 étions des locataires, ou des invités, de la
17 1ère Compagnie de Douaniers du bataillon qui occupait ce bâtiment pour se
18 reposer ou c'était l'endroit où ils se regroupaient avant de partir
19 effectuer leur mission.
20 Il y avait une petite salle -- une petite pièce qui venait après l'entrée
21 principale. C'est là que se trouvait, entre parenthèses - enfin, entre
22 guillemets, en centre de Transmission car il y avait un opérateur avec un
23 petit appareil à l'intérieur. Puis, ils n'avaient de pièce vraiment
24 permanente, mais ils utilisaient ce qui leur plaisait à des moments
25 différents. Donc, ils nous ont cédé la cave pour ainsi dire et ils se
26 déplaçaient un peu parmi les pièces différentes jusqu'au moment où tout le
27 bâtiment a été cédé au service médical et les patients étaient par la suite
28 à l'étage supérieur.
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1 Q. En avril 1993, est-ce que l'ensemble du bâtiment était déjà utilisé aux
2 fins médicales ?
3 R. En avril 1993, c'était seulement une partie du local qui était utilisée
4 aux fins médicales, et non pas l'ensemble du bâtiment.
5 Q. Si nous parlons maintenant du mois de mai 1993, est-ce que vous pouvez
6 nous dire si c'est à ce moment-là que l'ensemble du bâtiment a été utilisé
7 à des fins médicales ?
8 R. Si vous voulez que je vous le dise avec exactitude, je peux vous parler
9 de la date du 9 mai. Je peux vous dire ce qu'on utilisait exactement le 9
10 mai, après les choses se passaient de manière graduelle, mais je vais vous
11 dire ce qu'on utilisait le 9 mai. Il y avait l'accueil, la petite pièce à
12 gauche de l'escalier en bas, ensuite, la salle de séjour, la pharmacie dont
13 je parlais tout à l'heure, la salle des opérations, puis, une petite pièce
14 en bas dans laquelle il y avait tout au plus sept à huit lits. C'était la
15 situation ce jour-là.
16 Q. Le 8 mai 1993, est-ce qu'il y a eu des soldats qui étaient hébergés
17 dans ce bâtiment, des soldats qui appartenaient à la compagnie que vous
18 avez mentionnée ? Ou est-ce qu'il y avait des armes recueillies dans ce
19 bâtiment ?
20 R. Le 9 mai, ils y étaient encore, ils étaient à l'étage. Nous n'avions
21 pas encore repris cet étage pour les besoins médicaux, et comme je l'ai
22 dit, parfois, ils utilisaient ces pièces, ils s'y reposaient, et cetera.
23 Il y avait des armes là-bas, je m'en souviens, avant notre reprise de la
24 cave, il y avait une petite pièce où ils prenaient quelques armes
25 insignifiantes. Lorsque j'ai vu cela, je me suis dit, il y aurait dû avoir
26 de meilleurs équipements. On leur a demandé d'écarter cela, ils l'ont fait,
27 donc, ces armes ne se trouvaient pas là le 9 mai. Je ne sais où ils les ont
28 transférées. Ce n'était plus dans le bâtiment, pas après le 9 mai.
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1 Q. Monsieur le Témoin, parlons maintenant de la date du 9 mai, je souhaite
2 vous parler de cette date en particulier. Est-ce que vous pouvez nous dire
3 à quoi ressemblait la situation sur ce jour-là d'après vos souvenirs et
4 depuis l'endroit où vous vous trouviez à ce moment-là ?
5 R. Est-ce que je peux commencer à parler à partir de quelques jours plus
6 tôt, si cela ne pose pas de problème ?
7 Q. Oui, allez-y.
8 R. Je vais vous dire pourquoi. C'est parce que je suis venu -- j'étais de
9 service. Au travail, nous étions de service pendant 24 heures d'affiler. Je
10 suis arrivé le 6 mai et déjà, comme les gens disent, la situation était
11 bien tendue dans la ville. Il y avait des tensions qui montaient. On
12 sentait le danger dans la ville. Il était dangereux de traverser la ville
13 en portant l'uniforme d'une Unité de l'ABiH si on passait à côté des autres
14 soldats. Ce jour-là, j'étais en vêtements civils. J'y ai passé le jour du 6
15 et j'ai attendu jusqu'au matin du 7 car il fallait que je soumette un
16 rapport au
17 Dr Rahmo, qui était le chef du service médical. Je pense qu'il commandait
18 le bâtiment à Vranica. Je ne sais pas exactement.
19 Le matin, je lui ai soumis un rapport et à ce moment-là il m'a dit que la
20 situation était tendue et qu'il valait mieux que je reste sur place et que
21 je dise aux autres équipes qu'elles restent sur place elles aussi. Donc, le
22 6, le 7 et le 8 mai, nous avions énormément de travail. Puisqu'ils disaient
23 littéralement cela c'était des rumeurs, mais les gens disaient que la
24 situation était tendue, donc, il fallait se préparer pour quelque chose,
25 mais on ne savait pas pourquoi car il n'y avait pas d'ordres précis.
26 J'avais toujours l'impression que tout se passait de manière spontanée et
27 seulement en fonction des activités de nous qui y avons travaillé. Nous
28 avons équipé, au mieux de nos possibilités, la partie qui nous ressemblait
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1 à la salle des opérations. Nous avons trouvé des couvertures.
2 Nous avons sélectionné un certain nombre de médicaments qui pourraient nous
3 servir au cas où nous recevrions un grand nombre de blessés, mais nous
4 n'étions pas sûrs si quelque chose allait arriver, et quoi si oui. Je sais
5 que dans l'après-midi du 8 mai, le Dr Konjhodzic est venu et il a dit : "On
6 m'a dit --" et il ne m'a pas dit qui. Il a dit : "On m'a dit qu'il faudrait
7 que je sois là -- ici. Faut-il que je viens ou pas ?" Je lui ai demandé où
8 il habitait. Il a dit qu'il habitait à Ledara. Je savais que c'était à la
9 frontière de la ligne de démarcation entre le HVO et l'ABiH. Je lui ai dit
10 qu'il était plus intelligent qu'il vienne. Il est venu, et le matin, vers 5
11 heures du matin, il était logé à côté de moi.
12 Le pilonnage intense a commencé. Cela tirait de partout. Vraiment, on
13 était pris de court. On était tellement étonné. Personne ne nous disait
14 rien. On a allumé la radio. On entendait des déclarations disant des choses
15 dans le sens l'action du HVO et forces de police est en cours. On demande
16 aux membres de l'ABiH de rendre leurs armes, d'avancer le drapeau blanc. Au
17 bout d'une certaine période, d'une brève période, des blessés sont arrivés.
18 Ils commençaient à arriver à ce moment-là. C'est le cahot mi-organisé qui
19 s'est installé à l'hôpital car, vous savez, lorsque vous avez un grand
20 nombre de blessés qui viennent et qui ont besoin d'une intervention
21 chirurgicale, ceci transforme le dispensaire en un hôpital car il est
22 nécessaire de leur fournir les soins appropriés.
23 Q. Ce premier jour, le 9 mai, est-ce qu'il y a des victimes qui ont été
24 amenées à l'hôpital ?
25 R. Oui, le matin même. Pas immédiatement à 5 heures. Vous savez, les gens
26 ne savaient même pas où il fallait venir avec les blessés. C'est une petite
27 ville. Les gens se parlent entre eux, s'informent entre eux. Vers 8 heures,
28 9 heures, déjà nous avions la première personne décédée. C'était un soldat.
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1 Je me souviens, il gisait sur son ventre sur un brancard.
2 Puis, la deuxième personne, c'était une de nos infirmières. Elle
3 avait 19 ans. Elle était Linda Petkovic, elle s'appelait. Je sais elle
4 était l'une de ces "darkers", et elle se lançait toujours dans des
5 situations dangereuses et risquées. Elle était partie. Elle avait emprunté
6 la route principale, avec une voiture des urgences et un chauffeur. C'était
7 un véhicule blanc, italien. Ils ont réussi à partir, et nous avons entendu
8 dire que son véhicule a été touché par un projectile antiaérien lorsqu'ils
9 revenaient de Konak. Le chauffeur a été blessé, mais Linda est morte.
10 C'était la deuxième victime.
11 Ce jour-là, il y a eu 14 morts, donc, j'ai pu me rappeler. Il y avait
12 14 morts. D'ailleurs, on m'avait demandé de faire quelque chose avec ces
13 cadavres. Je les ai placés dans une pièce vide qui était à l'étage. Je l'ai
14 fait par terre car il n'y avait pas d'autres endroits. Je les ai
15 littéralement alignés les uns à côté de l'autre par terre dans cette pièce.
16 Q. Lorsque vous parlez de cette Linda, l'infirmière, et vous dites qu'elle
17 était dans un véhicule des urgences, est-ce que ce véhicule portait, de
18 manière claire, les marques d'un véhicule sanitaire ?
19 R. Oui. C'était un véhicule des premiers soins, des urgences. Ce n'était
20 pas un véhicule normal, civil.
21 Q. Lorsque ces civils sont arrivés, lorsque ces premières victimes, ces
22 premiers blessés sont arrivés à l'hôpital, est-ce qu'il était possible
23 d'enregistrer le nom ou le diagnostic concernant cette personne, ce 9 mai ?
24 R. Il y avait un registre de patients. Il y avait un registre utilisé
25 seulement par le service chirurgical jusqu'à ce moment-là. Il n'y avait pas
26 de registre séparé qui était tenu à partir de ce premier jour. Nous
27 utilisions simplement la dernière page de ce registre. Mais peut-être que
28 ce n'était pas vraiment bien tenu. Nous pouvons parler des raisons de cela.
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1 Mais c'est la conclusion qui pousse à conclure que le cahot régnait à
2 l'hôpital.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a une question du Juge.
4 M. LE JUGE MINDUA : Procureur, juste une question de clarification. J'ai
5 peur que la confusion s'installe dans mon esprit.
6 Parce que, maintenant, Docteur, votre hôpital commence à recevoir des
7 blessés, mais avant, vous aviez dit qu'il y avait des militaires, des
8 soldats, et qu'il y avait dans la cave, je pense, des armes, aux alentours
9 de la date de 8 mai; est-ce que c'est bien cela ?
10 Pour le moment -- pendant que vous avez des malades, des blessés, les
11 militaires qui étaient là -- sont toujours là, ils sont partis ? Les armes,
12 qu'elles sont-elles devenues ? Juste cette précision, s'il vous plaît.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que vous n'avez peut-être pas entendu
14 tout ce que j'ai dit. Je suppose que c'est cela l'explication.
15 Ce jour-là, il n'y a pas eu d'armes dans ce bâtiment. Je le sais car
16 je sais que cette pièce, la pièce dans laquelle auparavant se trouvaient
17 les armes, que ceci avait été écarté, mais ce n'était pas le 8 mai. C'était
18 fait avant le 9 mai. Je ne sais pas exactement à quelle date, mais je sais
19 que pendant que nous étions dans la cave, j'ai vu une fois cette pièce
20 ouverte et j'ai vu qu'il y a eu quelques armes à l'intérieur. C'était
21 immédiatement après notre arrivée. Immédiatement, nous avons demandé qu'ils
22 reprennent ces armes. Ils ont pris un certain temps pour trouver un endroit
23 où placer ces armes. Je ne sais pas exactement où ils l'ont fait, mais ceci
24 n'a pas été transféré ailleurs dans le bâtiment car, par la suite, je
25 connaissais très bien ce bâtiment et je connaissais chaque coin de ce
26 bâtiment, donc, je sais avec certitude que ces armes-là ne se trouvaient
27 pas à l'hôpital, à ce moment-là, dans ce bâtiment.
28 S'agissant de l'armée, comme je l'ai dit, ils nous avaient cédé la cave à
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1 ce moment-là. Effectivement, certains d'entre eux étaient dans certaines
2 pièces à l'étage, simplement pour se reposer, pour passer leur temps pour
3 ainsi dire car ce bâtiment avait été alloué à la 1ère Compagnie de douanier,
4 et les membres de cette compagnie c'étaient des gens qui habitaient aux
5 alentours. Si vous regardez cette carte - je ne sais pas si vous la voyez -
6 vous pouvez voir qu'un Institut d'hygiène est dans la partie de la ville
7 appelée Carina, la douane, donc, l'Institut d'hygiène se trouve dans la
8 partie de la ville appelée Carina, et la compagnie était la 1ère Compagnie
9 de Carina. Ces gens-là, ils habitaient aux alentours, donc, ils n'avaient
10 besoin d'être dans ce bâtiment.
11 M. LE JUGE MINDUA : Merci.
12 Mme EGELS : [interprétation]
13 Q. Revenons à la question précédente. Vous avez expliqué que les blessés
14 qui étaient arrivés le 9 mai, avaient été enregistrés dans le registre
15 d'admission. Je vais vous demander d'examiner la pièce P 02789, dans le
16 premier classeur que vous avez, juste à vos côtés. Je précise le numéro
17 2789.
18 Premier document, pardon, j'ai dit 89, mais c'est 86. Monsieur, est-ce que
19 vous reconnaissez ce document ?
20 R. Oui, je sais ce que c'est. C'est l'une des dernières pages du registre
21 d'admission dont nous avons parlé, qui a été fait à partir du 9 mai. Je
22 suis sûr qu'il s'agit de cela parce qu'il y a ici sur cette page quelque
23 chose de très caractéristique.
24 Q. Qu'est-ce que c'est qui est caractéristique ? Pourriez-vous nous le
25 dire ?
26 R. C'est le patient numéro 5, sur cette liste 4545, le patient né en 1976,
27 c'était une femme enceinte qui devait accoucher. Je me souviens bien
28 qu'elle est arrivée chez nous le 9 mai.
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1 Q. Je vais vous demander de nous expliquer de quelle façon il faut lire ce
2 registre d'admission, à commencer par la première colonne.
3 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
4 je m'excuse, la version électronique que nous voyons sur les écrans n'est
5 pas la bonne.
6 Mme EGELS : [interprétation] P 02786.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exactement cette
8 Page-là.
9 Mme EGELS : [interprétation]
10 Q. Donc, comme je l'ai dit, est-ce que je peux vous demander de nous
11 expliquer de quelle façon il faut lire ce document, à commencer par la
12 première colonne où nous avons des numéros, des chiffres.
13 R. Écoutez, la première colonne, il y a le chiffre mais juste avant il y a
14 encore quelque chose, ce sont des marques que nous utilisions, que nous
15 avons commencé à utiliser avec le temps afin de simplifier la procédure, en
16 même temps d'avoir le plus d'information possible parce que le seul
17 registre que nous avions -- la seule possibilité d'avoir d'information
18 c'était ces registres-là. Parce que ce n'étaient pas les registres des
19 hôpitaux, de vrais registres, c'est quelque chose que nous avons trouvé et
20 nous avons utilisé. Ce sont les registres utilisés par la JNA. Vous voyez
21 ici, il y a quelques mots dans ce sens-là. On mentionne la JNA, donc, nous
22 essayons toujours de noter le plus rapidement possible des éléments de
23 base, le nom, le prénom, l'année de naissance.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Il faut que je comprenne quelque chose. Pouvez-vous
25 nous commenter ? Le premier qui est inscrit, en allant de la gauche vers la
26 droite, et nous dire colonne par colonne, qu'est-ce que c'est ? Je vois
27 que, sur la gauche, il y a un carré -- un carré noir, puis, il y a un P, et
28 cetera. Expliquez-nous tout cela.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Le P encerclé, cela signifie "réception"
2 accueil. Le patient était admis à l'hôpital. Ensuite, on a un chiffre,
3 c'est le nombre de patients dont on est arrivé -- au nombre 4541, c'est par
4 l'ordre d'arrivée des patients. Ensuite, c'est le nom du patient, l'année
5 de naissance, puis ensuite, le diagnostic. Si vous souhaitez, je peux vous
6 expliquer quel était le diagnostic marqué dans ce registre.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Le premier, quel était le diagnostic ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Le diagnostic pour le premier patient était -
9 il y a beaucoup d'abréviations - signifie qu'il y avait plusieurs
10 blessures. V, cela signifie virus, donc, blessures ou plaies, ce sont des
11 blessures causées par des balles sur la poitrine du côté droit, sur le
12 bras, au bras. Puis, il y a d'autres informations que je peux expliquer
13 également, que je considère pertinentes.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Le troisième patient, numéro 4543, ce numéro
16 est encerclé. Nous faisons cela pour savoir qui a été déchargé de
17 l'hôpital, qui a été tué, qui est mort. Donc si vous voyez dans un registre
18 un numéro comme cela encerclé, cela signifie qu'il est mort. Vous voyez, il
19 n'y a pas d'année de naissance, cela signifie probablement que nous n'avons
20 même pas réussi à apprendre l'année de sa naissance. Il est marqué qu'il
21 était soldat. Nous essayons toujours de marquer s'il s'agissait d'un civil,
22 d'un soldat, d'un enfant, et cetera, parce que nous essayons toujours
23 d'être aussi précis que possible, parce qu'il y avait des personnes qui
24 avaient -- qui portaient le même nom. Puis, le diagnostic, c'est la
25 blessure explosive de la poitrine et de l'abdomen. Puis, à la fin, le
26 diagnostic final, il est mort à 13 heures 20 demain. Donc, le cercle là, le
27 chiffre encerclé, cela nous servait au protocole.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Celui qui remplissait ce registre, c'est un médecin,
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1 un infirmier, un militaire, un civil ? Qui fait ce travail
2 d'enregistrement ? Là, on voit pour les premiers, c'est la même écriture,
3 donc, cela devait être la même personne.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, pour ces quelques premiers noms, c'est
5 écrit de la même main. Le principe était le suivant : les diagnostics
6 étaient obligatoirement écrits par les médecins. Nous avons vu qu'ici dans
7 ce cas-là, les médecins écrivent les autres informations, il a également
8 marqué le nom et le prénom, l'année de naissance, et cetera. Plus tard,
9 quand l'hôpital a commencé à avoir de plus en plus de patients, de plus en
10 plus de blessés, en fonction de personnes qui travaillaient à ce moment-là,
11 bien que nous faisions tout ce qu'il fallait faire afin de pouvoir finir
12 compléter notre travail, donc, nous essayons de nous organiser un
13 auxiliaire médical de partager les tâches.
14 Par exemple, quand je travaillais moins, il y avait un infirmier qui
15 était tellement expérimenté, et elle était prête de finir ses études de
16 médecine, donc elle était presque médecin. Donc, cette personne-là, un
17 homme infirmier, il marquait les noms. Je regardais de quoi il s'agissait.
18 J'essayais d'établir un diagnostic que je marquais sur un petit bout de
19 papier, puis ensemble, on essayait de concilier toutes ces données et de
20 les marquer dans le registre. On pouvait parfois voir deux écritures pour
21 la même personne et parfois on voyait une seule écriture. Il y avait donc
22 deux personnes -- deux infirmiers qui notaient le diagnostic, mais c'était
23 le médecin qui le dictait aux infirmiers.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : -- mérite d'être clair.
25 Il est 6 heures moins 20. On va faire 20 minutes de pause et on
26 reprend à 18 heures.
27 --- L'audience est suspendue à 17 heures 40.
28 --- L'audience est reprise à 18 heures 00.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. Je crois qu'il faut
2 donner un numéro IC à un document, Monsieur le Greffier.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le croquis à la main de la rive de la
4 Neretva deviendra la pièce IC 250.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Cela a pris cinq secondes. Merci. C'est comme cela
6 qu'il faut travailler.
7 Allez-y Maître.
8 Mme EGELS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Q. Monsieur le Témoin, revenons à la pièce qu'on était en train d'examiner
10 avant la pause. Le document 2786. Pour ce qui est des diagnostics à la
11 première ligne, vous parlez d'une plaie par explosion. Est-ce que vous
12 pourriez nous dire quel est le diagnostic de base qu'on peut poser pour une
13 blessure de guerre, et qu'on pourrait retrouver dans ce genre de registre ?
14 R. C'est très simple. Il y a deux groupes de plaie, des plaies causées par
15 des explosions et des blessures, des plaies causaient par une balle. Le
16 premier type c'est le résultat des explosions des mines, des grenades, des
17 obus, et cetera. Puis, l'autre type, il y a des blessures par balle d'un
18 côté; on a seulement un orifice d'entrée pour l'autre type de ces plaies.
19 Puis, des plaies on a un orifice d'entrée et un orifice de sortie.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que cette classification résulte de normes
21 internationales sur le distinguo affaire entre des balles de nature
22 explosive et des balles perforantes ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout le monde n'est pas d'accord sur la
24 classification des plaies dans une certaine partie. Je dois vous expliquer
25 cela. La question qui se pose toujours est si la plaie est causée par une
26 balle qui explose, et cela je le connais plutôt par l'expérience que par la
27 littérature spécialisée. Parfois, il arrive que quelqu'un soit touché par
28 une balle et que la balle ne reste pas entière, mais la balle explose à
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1 l'intérieur du corps et c'est très difficile. Par exemple, si vous ne
2 disposiez pas des appareils à rayons X, vous ne pouvez pas savoir
3 immédiatement de quel type de plaie il s'agit. S'il y a, par exemple, dans
4 la plaie des éclats d'obus ou de partie d'une balle, donc, il est difficile
5 d'établir s'il s'agit d'un type de plaie ou de l'autre. Mais en pratique,
6 la plaie de type qui s'appelle en latin, "sclopetarium", en fait, seulement
7 de savoir si elle a été faite par une arme de feu ou pas. C'est tout. C'est
8 vraiment la base sur laquelle nous déterminons le type de plaie.
9 Mme EGELS : [interprétation]
10 Q. Dans ce registre ces plaies causées par engin explosif ou par arme à
11 feu par balle, comment sont-elles mentionnées ?
12 R. Je n'ai pas tout à fait compris votre question. Quand vous dites
13 comment elles sont mentionnées ces plaies, pourriez-vous être un peu plus
14 précise ou peut-être l'interprète je ne sais pas --
15 Q. Bien, lorsqu'on lit le diagnostic inscrit dans ce registre, les termes
16 utilisés, est-ce qu'on dit, par exemple, plaie par explosion ou par arme à
17 feu ? Est-ce que c'est écrit dans votre langue, ou est-ce que c'est écrit
18 dans une autre langue ? Si c'est écrit dans une autre langue, quels sont
19 les termes utilisés pour décrire ces types de blessures ?
20 R. Bien. Alors, le diagnostic chez nous est toujours marqué en langue
21 latine, si j'ai bien compris votre question. Ce n'est pas la description de
22 plaie qu'on voit ici, mais le nom de type de plaie en latin.
23 Q. Quel serait le terme latin pour dire blessure par explosion ?
24 R. Vulnus explosivum.
25 Q. Qu'est-ce qu'on dirait en latin pour blessure par balle, par exemple ?
26 R. Vulnus sclopetarium ou vulnus transsclopetarium, si on a des orifices
27 d'entrée et de sortie.
28 Q. Merci. Si vous feuilletez ce document que vous avez devant vous, est-ce
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1 que quelque part vous reconnaissez votre écriture ?
2 R. Je dois vous dire qu'il n'est pas facile de trouver parce que le
3 document original il est un peu plus grand. Par exemple, regardez le
4 chiffre 46104610, le diagnostic a été écrit par ma main, par contre, le nom
5 n'était pas. Puis 4630, c'est moi qui ai écrit le nom, mais pas le
6 diagnostic. Ensuite, 4602 tout ce qui est écrit a été écrit par ma main à
7 part la thérapie -- le traitement prescrit. Puis plus loin je ne vois pas,
8 par exemple, la 4613, on voit aussi c'est moi qui ai écrit le diagnostic et
9 le traitement à administrer.
10 Q. Merci. Revenons au 9 mai, à la situation qui régnait dans l'hôpital. Au
11 cours des jours qui ont suivi, comment parce que la situation a évolué à
12 l'hôpital on s'entend.
13 R. Ce premier jour, notre problème principal était que nous avions des
14 patients qu'il fallait opérer, notamment un jeune homme. Je me souviens
15 qu'il était touché à la cuisse et aux organes génitaux. Il fallait
16 l'opérer. Mais tout ce que nous pouvions faire était de l'opérer sous
17 l'anesthésie locale parce que le seul médecin qui avait des connaissances
18 chirurgicales était le Dr Konjhodzic qui, heureusement pour nous, était en
19 même temps le chirurgien et le neurochirurgien. Il avait ces deux
20 spécialités. Mais on n'avait personne qui pouvait anesthésier le patient,
21 on ne pouvait pas l'endormir. Dans la nuit, entre le 9 et 10, nous l'avons
22 opéré sous anesthésie locale, ce n'était pas du tout agréable ni pour le
23 patient ni pour nous. Notamment pour moi, c'était affreux parce que j'étais
24 débutant, et médecin généraliste.
25 Dans les jours qui ont suivi, on a essayé de contacter toutes les personnes
26 que nous rencontrions -- c'était de faire venir à l'hôpital un
27 anesthésiste, le seul qu'il y avait chez nous à l'hôpital et encore un
28 chirurgien. Donc, plus tard, disons 48 heures plus tard, il y avait deux
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1 chirurgiens, puis nos trois médecins généralistes, puis un dentiste.
2 Si vous voulez que je rajoute encore quelque chose à cela, oui, à ce
3 moment-là pendant ces trois premiers jours nous étions déjà obligés de
4 faire partir les soldats de l'immeuble parce que nous n'avions plus
5 suffisamment d'espace pour les patients. Le nombre maximum de lits que nous
6 avons réussi à mettre dans cet espace était 13. Donc, nous avons 13 lits
7 dans notre service de soin intensif, qui se trouvait à côté de deux salles
8 d'opération puis à l'étage on avait deux pièces, et dans chaque pièce, 13
9 lits. Donc, 26 plus 13 du sous-sol, c'était donc la capacité maximum de
10 notre hôpital. Pendant ces premiers quelques jours -- pendant la première
11 semaine, déjà à ce moment-là, nous étions obligés de mettre les patients
12 ailleurs, même pas à la proximité de l'hôpital tout simplement parce qu'ils
13 n'ont plus suffisamment d'espace. C'étaient des patients qui devaient
14 normalement être hospitalisés et sous surveillance médicale.
15 Q. Vous venez de parler d'autres endroits. De quels endroits parlez-vous,
16 pourriez-vous le préciser ?
17 R. Il s'agit des endroits ou des locaux qui se trouvaient dans des
18 immeubles qui portaient des noms qu'ils avaient déjà avant la guerre. Par
19 exemple, ce que nous appelions le dispensaire, c'est le terme qu'on
20 utilisait à l'armée pour nommer un endroit où on mettait les soldats
21 malades, qui n'étaient pas capables d'aller, par exemple, de creuser des
22 tranchées. Par exemple, les soldats qui avaient mal à la gorge, donc,
23 c'était une pièce qui ressemblait à une chambre d'hôpital où les patients
24 pouvaient être sous surveillance médicale.
25 C'est ce que nous appelions un dispensaire partant du nord vers le
26 sud. Il y en avait un à Zalik dans un abri atomique. Ensuite, un autre --
27 Q. Permettez-moi de vous interrompre. Reprenez la carte de Mostar qu'on
28 vous a montré auparavant, s'il vous plaît, qui porte maintenant le numéro
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1 IC 248. Pourriez-vous nous indiquer sur cette carte ces différents locaux ?
2 R. Vous voulez que je les montre ou que je les marque ? Le marquer est
3 assez épais, cela ne facilite pas les choses.
4 Q. Mais simplement utilisez un crayon et indiquez le numéro. Par exemple,
5 pour ce premier local à l'abri atomique, inscrivez le numéro 1, et puis à
6 Zalik, 2.
7 R. Je peux le faire souvent comme cela --
8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- comme il a marqué pour le dispensaire, le numéro
9 1, il faut à ce moment-là le chiffre 2.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Le chiffre 2, je peux vraiment juste
11 montrer la direction dont laquelle se trouvait Zalik. On ne le voit pas ici
12 sur la carte et il se trouve plus au nord de ce que nous voyons ici sur
13 cette carte.
14 Je continue?
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, continuez.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Le suivant c'est le l'immeuble qui se trouvait
17 en face qui n'avait pas un nom officiel. C'était juste un immeuble en
18 construction. Il n'y avait que des colonnes, un mur en arrière, comme
19 étages juste le sol, heureusement qu'il y avait un sous-sol que nous
20 utilisions avant que le sous-sol soit complètement inondé. Voilà c'est
21 vraiment directement en face de l'Institut d'hygiène.
22 Puis le suivant --
23 Mme EGELS : [interprétation]
24 Q. C'est le numéro 3, je le précise aux fins du compte rendu.
25 R. Le suivant se trouvait dans l'immeuble des assurances Dunav. Numéro 4,
26 je suppose.
27 Q. Oui.
28 R. Puis le suivant, vers le sud, dans le sous-sol de l'immeuble de
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1 sécurité social, rue Fejiceva. A peu près par là. Numéro 5.
2 Le suivant vers le sud qui a été utilisé pendant un moment avant que
3 l'immeuble ne soit touché et brûlé, il s'agit de l'ex-immeuble de la Ligue
4 des Communistes, donc, on appelait cela l'immeuble du comité. Numéro 6.
5 Q. 6, oui.
6 R. [Le témoin s'exécute]
7 Voilà c'est ici. Puis le suivant ce sont les locaux de l'ex-centre
8 médical de Brankovac. C'est un immeuble relativement grand. Au début on
9 utilisait que le sous-sol, et plus tard ils étaient obligés d'utiliser les
10 autres étages dans la mesure du possible.
11 Q. Dans tous ces bâtiments combien d'installations aviez-vous la
12 possibilité d'utiliser pour les patients et pour le matériel ?
13 R. Je dois dire que l'équipement était quasiment inexistant dans ces
14 dispensaires, pour la raison suivante. Il n'avait que des lits là-bas
15 qu'ils pouvaient trouver pour mettre des patients. Il y avait une
16 infirmière qui était chargée de surveiller les patients. Les infirmiers se
17 relayaient. Il y avait un peu de pansements, de compresses, un peu
18 d'analgésiques, pas d'instruments. Puis, le médecin venait de temps en
19 temps au besoin, quand on l'appelait. Un médecin faisait une tournée de
20 dispensaire et intervenait au besoin.
21 Nous avions un plan selon lequel les patients étaient amenés chez nous pour
22 les pansements pendant la nuit. La situation n'était pas exactement la même
23 pour tous les dispensaires.
24 La situation était un peu différente pour le dispensaire de Zalik,
25 parce qu'un médecin habitait à sa proximité.
26 En ce qui concerne le dispensaire de Brankovac, au bout de quelques
27 semaines, nous avons été obligés d'y loger un service de médecine interne
28 parce que nous avions beaucoup de patients avec des problèmes cardiaques et
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1 troubles semblables. En fin de compte, l'Institut d'hygiène devait être
2 utilisé que pour la chirurgie. Environ une quinzaine de jours plus tard, à
3 Brankovac, nous nous occupions seulement de médecine interne à l'institut,
4 des patients qu'il fallait opérer. Ensuite, ils repartaient à Brankovac
5 pour le repos.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites, si j'ai bien compris, l'Institut
7 d'hygiène, le dispensaire qui a un numéro 1, c'est là où se trouvent
8 normalement les chirurgiens -- les trois chirurgiens, les deux
9 généralistes, et c'est là où vous réceptionnez tous ceux qui ont été
10 blessés ou tués. Ils sont traités sur place, voire opérés. Ensuite, vous
11 les dispatchez dans les six autres lieux, avec une spécialisation pour
12 Brankovac, où il y a la médecine interne. Vous nous dites que, dans les
13 autres lieux, il y avait peu de choses. Il y avait des lits, bien entendu,
14 des compresses, des pansements, quelques médicaments, mais le groupe
15 opérationnel des médecins était surtout localisé à l'Institut d'hygiène,
16 donc, au numéro 1. Vous nous indiquez que, dans la nuit, ceux qui se
17 trouvaient dispatchés pouvaient revenir à l'Institut d'hygiène pour des
18 pansements, et puis ils repartaient.
19 Est-ce bien comme cela que se présente la situation, sur le plan
20 médical, des dispositions qui ont été prises pour faire face à la
21 situation ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, exactement comme vous avez dit,
23 sauf que chez nous, à l'institut, il y avait un anesthésiste, deux
24 chirurgiens et trois médecins généralistes. En ce qui concerne les patients
25 qui étaient amenés chez nous, c'était en fait notre plan. Nous voulions le
26 faire ainsi, mais nous ne pouvions pas toujours le réaliser. Tous les
27 patients qui avaient besoin de soins supplémentaires, une intervention. Par
28 exemple, c'est un traitement de plaie chirurgicale, donc, ces patients-là
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1 venaient chez nous, ou si c'était trop dangereux, alors, nous y allions les
2 voir dans les autres dispensaires.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : -- que ce dispensaire recevait tant des militaires
4 que des civils.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Un enfant qui souffrirait d'une appendicite, ses
7 parents, est-ce qu'ils l'amenaient directement au dispensaire ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, directement chez nous, à l'institut
9 d'hygiène. Chaque patient qui nécessitait une intervention chirurgicale
10 était amené chez nous. Cela n'était pas limité à cela. Une fois, j'ai dû
11 réanimer une personne qui avait subi un arrêt cardiaque.
12 Cela dépendait aussi du fait si c'était nous, l'institut, qui étions
13 les plus proches. Mais cela peut être une appendicite, des hernies,
14 n'importe quoi.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons bien compris -- enfin, j'ai bien
16 compris.
17 Mme EGELS : [interprétation]
18 Q. Monsieur le Témoin, à l'exception de l'Institut d'hygiène et de ces
19 dispensaires, est-ce qu'il y avait à Mostar Est, après le
20 9 mai, d'autres instituts, d'autres dispensaires; et lesquels si c'était le
21 cas ?
22 R. Il y en avait d'autres. Des endroits que nous appelions des postes de
23 secourisme, mais plus tard, on les appelait les services ambulatoires.
24 C'étaient des postes que nous avons créés parce qu'il n'était pas possible
25 de transporter les patients sur de telles distances. C'est pour cela que
26 nous avons créé des services ambulatoires à plusieurs endroits. Je peux
27 essayer de les énumérer et de les marquer et numéroter ici. Je ne suis pas
28 sûr seulement si vous allez pouvoir vous retrouver ensuite sur ce plan.
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1 J'aimerais bien que vous me donniez un autre stylo si possible. Celui-ci
2 est très épais. Merci.
3 Je peux marquer ?
4 Q. S'il vous plaît.
5 R. J'ai déjà mentionné l'abri atomique de Zalik où il y avait les services
6 ambulatoires, où travaillait le Dr Duranovic. Il faut que je marque cet
7 endroit de nouveau ou pas ?
8 Q. Non.
9 R. Rue Santic, ou juste à côté, parce que la rue Santic était sur la ligne
10 de front, mais tout près de cette rue, il y avait un service ambulatoire
11 qui s'appelait Santic, et je vais le marquer maintenant sur le plan. C'est
12 le numéro 8, maintenant, n'est-ce pas ?
13 Il se trouvait dans une ex-pâtisserie, dans l'espace entre un mur et un
14 bar.
15 Ensuite, à Crnica, il y avait le service ambulatoire de Crnica.
16 Puis, à Semovac.
17 Q. Je tiens à le préciser, aux fins du compte rendu d'audience parce que,
18 pendant que vous exécutez, ce n'est pas indiqué. Crnica, ce service
19 ambulatoire, vous lui avez donné le numéro 9; c'est cela ?
20 R. Oui.
21 Q. Pour Semovac, c'était le numéro 10 ?
22 R. Oui.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : On constate que le long de la ligne de front, il y a
24 trois services ambulatoires : 8, 9, 10.
25 Très rapidement, quel était l'équipement médical dans ces services
26 ambulatoires ? Il y avait une infirmière, un médecin ? Il y avait qui ?
27 Qu'est-ce qu'ils avaient comme équipement à leur disposition ? Parce qu'ils
28 étaient tout près de la ligne de front, donc c'est là où il pouvait avoir
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1 des victimes à secourir rapidement. Qu'est-ce qu'ils avaient comme
2 équipement ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais juste marquer encore un endroit où
4 se trouvait un service ambulatoire et je vous décrirai ensuite tout ce
5 qu'ils avaient. Juste le service numéro 11. C'était à peu près ici.
6 Chacun de ces services ambulatoires disposait d'un médecin. Il s'agissait
7 des médecins généralistes. Lesquels ? Ceux qui habitaient à proximité, je
8 peux vous dire comment il s'appelait si vous le souhaitez. A Zalik
9 travaillait un médecin qui habitait dans un immeuble tout près de la
10 clinique. A Santiceva, il y avait un médecin qui habitait dans un bâtiment
11 juste à côté du service ambulatoire. A Crnica, c'était un médecin qui,
12 avant le conflit, habitait Mostar Ouest, mais il avait été expulsé et il
13 habitait tout près du service ambulatoire. Puis à Semovac et Mahala, là-
14 bas, il y avait un médecin qui travaillait dans les deux services, et sa
15 maison se trouvait à peu près au milieu entre ces deux endroits.
16 Il y avait aussi quelques infirmières qui n'étaient pas vraiment des
17 infirmières, c'étaient des étudiantes de l'Ecole de médecine secondaire qui
18 avaient quelque connaissance de base mais qui n'avaient pas fini leurs
19 études et qui disposaient de matériel de base pour panser les plaies. Ils
20 n'avaient pas d'instruments chirurgicaux, parce que toutes les plaies de ce
21 type-là c'étaient nous qui les traitions. Puis ils disposaient d'un peu de
22 médicaments de base, des analgésiques, quelques antibiotiques, quelques
23 médicaments contre la diarrhée, ils n'en avaient pas beaucoup ni au point
24 de vue de quantité ni de genre de médicament, donc c'était en général les
25 médecins ou les infirmiers qui se trouvaient à proximité. Les soldats qui
26 étaient sur la ligne, ils venaient directement chez eux. Donc, cette
27 région, pendant toute la guerre il y avait des gens qui habitaient, qui
28 n'ont jamais quitté ces quartiers.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une précision, concernant les analgésiques,
2 est-ce qu'ils étaient de classe III de type morphine ou morphinique ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Seulement l'hôpital disposait des analgésiques
4 de ce groupe-là, puis seulement deux sortes. Je ne sais pas comment nous
5 avons obtenu ces analgésiques, mais je sais bien qu'à un moment ou avant le
6 conflit, ces médicaments ont apparu tout d'un coup. J'étais très surpris,
7 on avait relativement en grande quantité de ces analgésiques très forts. Il
8 y avait du Fortral et de la morphine. Je ne sais pas quels étaient
9 exactement les quantités, on avait 3 000 ampoules pour d'un de ces
10 médicaments et 5 000 de l'autre. C'est nous qui avions cela chez nous à
11 l'institut et nous allons très vite utiliser tout cela, même avant la fin
12 du conflit.
13 Mme EGELS : [interprétation]
14 Q. Je reviens à l'institut d'hygiène et à la situation qui prévalait. Vous
15 venez de parler de l'équipement ou des médicaments utilisés. Est-ce que
16 vous pourriez nous donner plus d'explication, comment est-ce que l'hôpital
17 était équipé pour être à la hauteur de tous ces blessés qui arrivaient ?
18 R. Il s'agissait d'un hôpital, d'un service chirurgical. Donc votre
19 question doit concerner l'équipement chirurgical. Tout d'abord, la table,
20 on avait une qui était d'occasion. Elle a été déjà beaucoup utilisée avait
21 un défaut terrible, on ne pouvait pas la maintenir à une hauteur bien
22 précise. Elle tombait sans arrêt, on devait la bloquer pour la garder à une
23 hauteur précise. Puis, on avait une autre table d'opération de campagne. Ce
24 n'était pas très pratique mais cela nous a quand même bien servi. Puis au
25 tout début, on avait une lampe pour les opérations, mais de l'époque
26 préhistorique, je ne sais pas où ils ont réussi à la trouver, peut-être que
27 quelqu'un l'avait jetée et que c'est comme cela c'est arrivé jusqu'à nous.
28 Puis on avait des sources de succession pour la succession de sang et les
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1 autres sécrétions corporelles qui étaient électriques. Puis des appareils
2 pour l'anesthésie, deux appareils de ce type, qui selon nos connaissances
3 appartenaient auparavant à la JNA et qui ont dû être apportés du camp de
4 sud au camp nord. C'étaient des appareils très vieux, mais simples. Donc
5 ils nous servaient bien. Mous manquions de quelques équipements très
6 importants. Je ne suis pas anesthésiste mais je peux vous dire en ce qui
7 concerne l'anesthésie, nous pouvions endormir les patients, nous disposions
8 des barbituriques, cela sert à endormir les patients. Nous pouvions les
9 détendre parce qu'il faut que les muscles du corps se détendent afin qu'on
10 puisse opérer le patient. Parce que chaque fois que vous touchez à un
11 muscle ou à un nerf il y a une réaction réflexible. Donc, même si le
12 patient dort donc on ne peut pas opérer. Donc heureusement, nous avions ces
13 deux substances qui nous permettaient donc d'endormir et de relaxer le
14 patient mais nous n'avions pas des bouteilles d'oxygène. Même si vous ne
15 voyez pas une bouteille d'oxygène dans une salle d'opération, il y a peut-
16 être des tuyaux. A un moment, nous n'avions ni l'un ni l'autre. Nous
17 utilisions l'air ambiant. Quelqu'un de ceux qui opéraient, l'anesthésiste
18 ou un des infirmiers devait utiliser une pompe manuelle et faire respirer
19 le patient cet air ambiant.
20 Ensuite, nous n'avions pas de gaz hilarant, le gaz qui est nécessaire
21 pour maintenir le patient dans cet état disons presque mort parce que le
22 patient n'est pas conscient, on met le patient sous respiration
23 artificielle, il n'y a que son cœur qui marche, c'est quasiment la mort, ce
24 que nous avions dont nous disposions n'était pas suffisant pour maintenir
25 le patient dans un niveau d'anesthésie nécessaire pour les opérations.
26 En ce qui concerne les instruments, nous en avions au début, comme j'étais
27 débutant j'étais persuadé que c'était très bien, comme c'était bien équipé.
28 Mais maintenant je sais que c'était rudimentaire, que c'était largement
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1 insuffisant. On devait les laver très rapidement, les stériliser très
2 rapidement. Entre les interventions, les jeux d'instruments n'étaient pas
3 complets. Il y a toujours quelque chose qui manquait.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le tableau que vous venez de faire, il me
5 semble qu'il manque quelque chose, la question du sang ? Aviez-vous des
6 réserves de sang, par exemple un blessé qui avait perdu du sang concernant
7 les transfusions, la détermination du groupe sanguin, universel, A+, et
8 cetera. Comment faisiez-vous pour la question du sang ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce problème a été résolu d'une manière très
10 primitive, disons. Il y avait quelques flacons avec une solution qui sert à
11 déterminer le groupe sanguin. Nous avions un jeu de ces flacons. Très vite,
12 nous devions effectuer des transfusions. Nous ne savons pas comment
13 déterminer le groupe sanguin. Alors je m'en souviens très bien, moi et ma
14 collègue Focic, nous avons essayé d'épuiser dans nos souvenirs des études
15 pour nous souvenir comment il fallait effectuer ces tests parce que j'étais
16 absolument sûr que j'avais le groupe 0, et on a cherché quelqu'un qui
17 savait exactement quel était son groupe sanguin, donc, on prenait nos
18 échantillons, puis avec ces solutions, on essayait de voir le résultat.
19 Alors, nous avons par des essais répétés, réussi à trouver comment on
20 détermine sur ce plateau. On avait un plateau pour servir le café qu'on
21 utilisait pour tester le groupe sanguin. Puis, en ce qui concerne la
22 substance utilisée pour voir l'interaction entre le sang du patient et le
23 sang du donneur, cela on ne pouvait le faire on n'avait rien pour effectuer
24 ce test.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous aviez suffisamment de sang, ou il en
26 manquait et à ce moment-là vous faisiez des transfusions in situ ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Justement vous avez trouvé le mon terme pour
28 ce que j'essayais d'expliquer sans trouver le terme approprié.
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1 On donnait cela suivant les besoins. On prenait et on donnait in
2 situ. On n'avait pas de réserve. On n'avait même pas de moyen de
3 réfrigération. Il ne s'agissait pas de frigo habituel, mais des frigos
4 particuliers pour ce genre de chose. Donc, nous n'avions jamais de réserve,
5 mais à chaque fois si nous avions besoin du sang, nous le prenions et
6 immédiatement donnions aux patients.
7 Mme EGELS : [interprétation]
8 Q. Monsieur le Témoin, nous allons revenir sur ce que vous avez dit au
9 sujet des instruments chirurgicaux et du besoin de les stériliser. Quels
10 étaient les équipements de stérilisation dont vous disposiez à cette
11 époque-là à l'hôpital ?
12 R. Je ne sais pas si j'ai déjà dit que l'institut d'hygiène avait deux
13 grands autoclaves, il s'agit d'un grand appareil sous forme d'une casserole
14 où on peut arriver à une haute pression, et c'est là que l'on peut procéder
15 à la stérilisation. Au début on utilisait ces deux autoclaves, mais il
16 était nécessaire d'utiliser l'électricité. Après, on avait plus
17 d'électricité on ne pouvait pas en disposer pour pouvoir faire fonctionner
18 ces appareils. A ce moment-là, on a cessé de les utiliser et à partir de ce
19 moment-là on a utilisé un autre appareil autoclave. Ceux qui voyaient cela
20 de l'extérieur trouvaient cela grotesque mais c'était utilisable. C'était
21 un vieil autoclave militaire et il fallait allumer le feu de bois pour
22 l'utiliser. Il fallait utiliser aussi une cheminée. Donc, c'est la raison
23 pour laquelle nous ne la gardions pas à l'extérieur, mais à l'extérieur sur
24 un balcon, et pour stériliser les instruments qui doivent être stérilisés
25 de manière sèche, donc, en utilisant la vapeur, nous avons utilisé pour ce
26 faire deux grandes portes avec une serrure qui ne fonctionnait pas, mais,
27 heureusement, avait deux manches, donc, nous pouvions tenir la porte fermée
28 en tenant ces deux manches. Donc, c'est ainsi que nous avons stérilisé nos
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1 instruments, et ces instruments étaient restés sur place.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : -- des instruments, est-ce que vous avez eu des
3 patients qui sont décédés d'infection survenue en raison des mauvaises
4 conditions de stérilisation ou d'autres ? Est-ce que l'opération était
5 réussie, les blessures étaient consolidées, mais, malheureusement, vu les
6 conditions le malade ou le patient développait une infection du type
7 septique ou autre qui faisait que, malheureusement, les médicaments que
8 vous aviez ne permettaient pas de maintenir l'intéressé en vie ? Ou avez-
9 vous pu réguler cette questions ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne puis vous dire qu'il y a eu des décès en
11 raison du fait que la stérilisation n'aurait pas été satisfaisante, la
12 raison en est la suivante : s'il y avait des plaies inflamées [phon] et il
13 y en avait, ma conclusion logique serait sans me défendre ni défendre la
14 qualité de la stérilisation j'aurais tendance à trouver un lien entre cela,
15 et ce qu'on dit à chaque fois qu'il y a une blessure de guerre qui est
16 toujours dès le départ infectée par définition. Je dois nier cela au fait
17 que cette blessure a été provoquée par un objet sale qui a peut-être été
18 rejeté d'un mur, et cetera. Mais d'après ce que je sais personne n'est mort
19 en raison d'une septicémie--
20 Mme EGELS : [interprétation]
21 Q. Vous avez mentionné également le manque d'électricité et de l'eau. Est-
22 ce que vous pouvez nous dire à quoi ressemblait la situation s'agissant de
23 ces deux éléments nécessaires dans le fonctionnement d'un hôpital, l'eau et
24 l'électricité ?
25 R. S'agissant de cette question-là, au début le premier mois la situation
26 était merveilleuse, tout fonctionnait, il y avait de l'eau, il y avait de
27 l'électricité. On pouvait utiliser de manière régulière les appareils dont
28 on disposait; cependant, à un moment donné, je ne me souviens pas de la
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1 date exacte, nous avons perdu la possibilité d'utiliser l'eau et
2 l'électricité, c'était très difficile. Vous savez, il était difficile de se
3 laver les mains sans parler d'autres choses. S'agissant de l'eau, il y
4 avait un grand réservoir en plastic, assez grand, je ne saurais vous dire
5 le volume, et il servait à tenir l'eau et aussi à protéger la fenêtre
6 devant la salle d'opération et juste devant il y avait -- juste au-dessous
7 il y avait du sable et de la terre qui était entassée -- puis, il y avait
8 un conteneur plus petit qui était devant la fenêtre de la cuisine. C'est
9 visible sur les photographies. C'était là que les gens passaient leur
10 journée. Puis, il y avait un troisième réservoir qui était un conteneur
11 d'environ 100 litres pas lus, et qui était devant la fenêtre de l'accueil.
12 Tous ces réservoirs ont été reliés avec un tuyau avec une espèce de
13 caoutchouc. Nous utilisions les pinces pour arrêter l'eau. C'était la
14 situation en ce qui concerne l'eau.
15 En ce qui concerne l'électricité : au début, avant le début du
16 conflit, un homme par hasard, et c'était un heureux hasard, il passait à
17 côté du bâtiment il a dit : "Est-ce que vous avez un groupe électrogène ?"
18 Je me suis demandé : Pourquoi il posait cette question, je lui ai dit :
19 "Que non." Il a dit : "Bien, il y a un groupe électrogène dans une maison
20 qui est en haut sur la colline. Il y avait un groupe électrogène là-bas.
21 Visiblement, il savait que ce groupe électrogène était de bonne qualité
22 même s'il ne l'avait pas utilisé depuis longtemps. Nous avons procédé à un
23 test. Il a suggéré qu'on le déplace et j'ai dit : "D'accord." Je ne sais
24 pas comment nous avons réussi à ce faire. Mais le lendemain ce groupe
25 électrogène a été transféré à l'hôpital. C'était un groupe électrogène
26 énorme et très puissant. Je ne peux pas vous dire en terme numérique, mais
27 je sais qu'un grand nombre de personnes ont participé à son transfert et
28 l'utilisaient. Il y avait la radio, le service administratif de la
Page 12922
1 présidence de Guerre, et cetera, certains commandements, et cetera. Puis
2 aussi quelques consommateurs privés. Ce qui a provoqué des problèmes mais
3 ce n'était pas cela le problème principal. Le problème principal était que
4 ce groupe électrogène utilisait beaucoup de carburant et nous n'en avions
5 pas suffisamment. Il ne fonctionnait pas pendant longtemps.
6 Il était allumé lorsqu'on avait une intervention
7 chirurgicale importante dans la salle; sinon, on travaillait dans le noir -
8 - dans la presque obscurité. On utilisait les lumières des couloirs de la
9 cave.
10 La cave était allumée avec deux petites ampoules qui étaient
11 rattachées à un groupe électrogène dans le mur.
12 Cela, c'était pour ce qui est de l'électricité dont de l'eau. Pour ce
13 qui est du système du tout-à-l'égout, il va mieux de ne pas poser la
14 question. Il n'était pas possible de nettoyer quoi que ce soit. Il y avait
15 une seule toilette qu'on utilisait tous, et c'était horrible.
16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur le Témoin, au début de ce
17 récit, vous avez dit que le premier mois était très bien. Est-ce que vous
18 pouvez nous dire de quel mois il s'agissait, s'il vous plaît ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle du début. Peut-être ce n'était pas
20 pendant tout un mois. Peut-être que c'était pendant plus longtemps ou moins
21 longtemps. C'est important pour vous, je comprends cela, mais je ne me
22 souviens pas vraiment quand nous n'avions plus d'électricité. Disons que je
23 me souviens que le
24 30 juin, par exemple, il y avait de l'électricité dans l'institut
25 d'hygiène. Donc, cela veut dire que c'est un peu plus longtemps par rapport
26 à ce que j'avais dit. Mais après cela, je ne me souviens plus du moment où
27 on avait une lumière aussi forte que celle qu'on a ici, à l'hôpital.
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup.
Page 12923
1 Mme EGELS : [interprétation]
2 Q. Pour revenir à la salle d'opération, vous avez dit qu'au début, vous
3 utilisiez une lampe extrêmement puissante pendant les opérations. Mais
4 après que vous n'aviez plus d'électricité, qu'est-ce que vous utilisiez ?
5 R. Après, cette lampe était connectée au groupe électrogène, s'il y avait
6 des carburants; sinon, un médecin - je ne sais pas lequel - mais je sais
7 que c'était un médecin. Je pense qu'il venait de l'organisation, Médecins
8 du Monde. Nous avons reçu trois ou quatre lampes que l'on met sur le front,
9 qui sont utilisées par les explorateurs des cavernes. Il ne s'agissait pas
10 de lampes de meilleure qualité, mais des petites lampes fabriquées en Chine
11 et bon marché, qui avaient des piles derrière, avec quelques fils, et puis
12 une petite lampe devant. Il ne faut pas penser qu'il s'agissait d'une lampe
13 que l'on mettait sur le front, qui était extrêmement puissante et reliait
14 notre appareil, et cetera. J'en avais une. Je la gardais
15 -- je pouvais la garder; sinon, normalement, les médecins partageaient la
16 même. Celui qui en avait besoin la prenait de son collègue.
17 Q. Qu'en est-il --
18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Docteur Rajkov, est-ce
19 que vous avez une quelconque idée concernant la situation qui prévalait
20 dans les hôpitaux de l'autre côté de la Neretva ? Est-ce que vous avez eu
21 des contacts avec vos collègues dans la partie de la ville contrôlée par le
22 HVO, sur la rive ouest de la Neretva ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Personnellement, je n'ai eu aucun contact
24 direct et personnel avec les collègues qui étaient du côté de l'ouest,
25 comme vous le dites. Mais, logiquement, l'hôpital qui existait avant la
26 guerre, qui pour des raisons d'organisation ou de guerre ou de construction
27 était situé à un certain endroit, c'est un hôpital qui existait avant la
28 guerre, qui était équipé conformément aux règles régissant ce genre
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1 d'institut. Si c'était un hôpital chirurgical avant la guerre, ceci reste
2 le cas pendant la guerre aussi. L'hôpital disposait de tous les
3 équipements. S'ils avaient besoin de quelque chose, ils pouvaient faire
4 acheminer cela, car cette partie de la ville n'était pas assiégée.
5 C'est mon idée de ce qui se passait de ce côté-là, et je pense que
6 j'ai raison.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- également vous la poser. Car, en principe, un
9 médecin n'a pas à entrer dans des problèmes politiques. Est-ce qu'il vous
10 est arrivé d'essayer, malgré la situation, de prendre attache avec l'autre
11 côté pour des évacuations sanitaires d'urgence qui appelaient des
12 interventions beaucoup plus fines et équipées eu égard aux pathologies que
13 vous deviez traiter ? Soit ceux qui étaient de l'autre côté, soit le cas
14 échéant les organisations internationales du style HCR, CICR, ou l'Unité de
15 la FORPRONU, qui avait quand même des véhicules blindés et qui pouvait,
16 dans certains cas, faire du transport sanitaire. Est-ce que tout ce volet
17 périphérique a été recherché, utilisé à votre niveau ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] A mon niveau, personnellement parlant, non. Je
19 travaillais comme chirurgien, donc, je n'étais pas un organe de contrôle ou
20 de commandement. Mais je sais que notre chef, pour ainsi dire, le chef de
21 l'hôpital -- ou le directeur, était en contact avec le Bataillon espagnol.
22 Je ne sais pas si c'était sa véritable nomination, mais c'est ce qu'on
23 disait. Plus probablement avec d'autres organisations de l'autre côté,
24 certaines organisations internationales.
25 Je sais que des évacuations ont été organisées. Je sais qu'à deux
26 reprises, elles ont échoué. Après que moi-même, j'avais rédigé une liste,
27 je l'ai fait extrêmement vite car il fallait qu'ils partent immédiatement,
28 en utilisant les véhicules de transport de troupes du Bataillon espagnol.
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1 Il fallait qu'ils partent. Ils sont partis au bout d'une heure et demie et
2 ils sont revenus. J'ai dit : "Pourquoi ?" Ils ont dit : "On ne nous a pas
3 laissé passer." Je ne sais pas qui leur a interdit de passer. Je suppose
4 que ce n'était pas le camp bosniaque. Ils ont répondu simplement qu'ils ne
5 pouvaient pas passer car ils n'ont pas été autorisés à ce faire.
6 Je sais qu'une fois, il fallait évacuer certaines personnes par
7 hélicoptère, et cet hélicoptère a resté bloqué à Medjugorje.
8 J'ai un exemple personnellement d'une évacuation, mais je pense que ceci
9 s'est déroulé par le biais du Bataillon espagnol, et ensuite, par le biais
10 des officiers de liaison. Il nous a fallu 24 heures pour organiser cela.
11 Ceci s'est passé après le conflit.
12 Mme EGELS : [interprétation]
13 Q. Mis à part le personnel habituel de l'hôpital, est-ce que pendant la
14 période qui a suivi le 9 mai, parmi les membres du personnel de l'hôpital,
15 il y en avait qui venait de la partie qui se trouvait à l'extérieur de
16 Mostar Est ?
17 R. Si après le 9 mai il y avait d'autres membres du personnel médical qui
18 nous sont venus en aide ? La réponse est oui. Oui, car ceux qui avaient une
19 expérience ou des connaissances médicales se proposaient, se portaient
20 volontaires. Ceux qui avaient travaillé à l'hôpital et vivaient du côté
21 est, ils le faisaient. Mais, vous savez, ce n'était pas une nette
22 amélioration, car il s'agissait d'un petit nombre d'infirmières
23 expérimentées. Cela dit, très peu d'entre elles avaient travaillé dans le
24 service chirurgical. Il n'y a pas eu de nouveaux médecins, par exemple,
25 donc ceux qui étaient là au début, leur nombre n'a pas changé. Rien n'a
26 changé dans ce sens.
27 Q. Qu'en est-il des médecins qui venaient de l'extérieur de Mostar Est,
28 par exemple, de Mostar Ouest, après le 9 mai ?
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1 R. De Mostar Ouest. De Mostar Ouest, personne n'est jamais venu dans notre
2 hôpital.
3 Q. Y a-t-il eu des médecins ou des infirmières d'autres organisations ou
4 hôpitaux qui sont venus à un certain moment pour vous aider ?
5 R. Oui.
6 Q. Tout d'abord, là je dis tout d'abord, car je pense que c'étaient ceux
7 qui sont venus en premier et en plus grand nombre c'étaient les médecins
8 appartenant à l'organisation Médecins du Monde. La plupart d'entre eux,
9 c'étaient des Espagnols même s'il y avait un médecin assez âgé
10 britannique, je m'en souviens.
11 Puis quelques autres, en ce qui concerne les autres membres du
12 personnel médical, il y en avait je pense qui appartenaient aux Médecin
13 sans Frontières, mais c'étaient les gens qui appartenaient au service tel
14 que l'épidémiologie, l'hygiène ou les soins pour enfants, pas vraiment de
15 pédiatrie. Puis, il y avait quelques médecins qui venaient de temps en
16 temps en vague de Sarajevo. C'était cela.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire le break. Juste ma dernière
18 question pour éclairer, parce que vous avez répondu à beaucoup de question,
19 ce qui facilitera la tâche de tout le monde demain. Est-ce qu'il vous est
20 arrivé de soigner des Croates qui avaient pu être blessés lors du conflit
21 qui étaient prisonniers ou qui se trouvaient dans la zone de Mostar Est ?
22 Est-ce que cela vous est arrivé ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas seulement que ceci nous arrivait,
24 mais la pratique habituelle. On fournissait l'aide chirurgicale, opératoire
25 et autre à tout le monde, qu'il s'agisse de qui que ce soit, pas seulement
26 des prisonniers du HVO, mais, par exemple, je me souviens d'un soldat du
27 bataillon espagnol qui a été touché près du pont, son nom figure dans le
28 registre d'admission. Donc, on les recevait, on les traitait, on les
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1 faisait subir des opérations chirurgicales au besoin. J'ai effectivement
2 opéré certains d'entre eux, je me souviens.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Il faut terminer l'audience aujourd'hui. Il nous
4 restera demain quatre heures, beaucoup de questions ont été abordées.
5 J'espère que l'Accusation recentrera pour permettre à la Défense de contre-
6 interroger, peut-être que parmi la Défense il y a des spécialistes en
7 matière de médecine, donc, nous verrons cela demain.
8 Quoi qu'il en soit, Docteur, au nom de mes collègues, je vais vous
9 souhaiter une bonne soirée. Comme vous le savez, vous êtes donc témoin de
10 la justice, vous n'avez plus à rentrer en contact avec l'Accusation. Donc,
11 nous nous retrouvons pour l'audience qui débutera demain à 14 heures 15. Je
12 vous remercie.
13 --- L'audience est levée à 19 heures 04 et reprendra le jeudi 25 janvier
14 2007, à 14 heures 15.
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