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1 Le jeudi 15 mars 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous m'indiquer le
6 numéro de l'affaire, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : Monsieur le Président, Bonjour. Affaire
8 IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
10 En ce 15 mars 2007, je salue MM. les accusés. Je salue toutes les personnes
11 de cette salle d'audience. Nous devons poursuivre nos travaux avec un
12 témoin qui va venir plus tout à l'heure. Avant cela, est-ce que, Monsieur
13 le Greffier, vous avez des numéros IC.
14 M. LE GREFFIER : Oui, Monsieur le Président.
15 [interprétation] : Plusieurs parties ont présenté des documents, des
16 listes de documents qui vont être versés par le truchement du Témoin DE. La
17 liste présentée par le bureau du Procureur aura le numéro IC 486. La liste
18 présentée par 1D, aura le numéro 487. La liste présentée par 3D aura le
19 numéro IC 488. La liste présenté 4D aura le numéro IC 489. Le bureau du
20 Procureur a également présenté une liste supplémentaire de documents qui
21 devra être versée au dossier par le truchement du témoin, Marijan Biskic.
22 Cette liste se verra attribuer le numéro 490, IC 490. Merci.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
24 Tout d'abord, concernant les dates de jours d'audience au mois de
25 juillet, au mois d'août, la Chambre dans un premier stade avait fixé du 7
26 juillet au 7 août. Le Procureur nous a fait un écrit nous signalant que
27 début août, il y avait un problème concernant la reproduction, qu'à ce
28 moment-là, on pouvait être face à un problème technique de reproduction. De
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1 ce fait, donc, nous en avons délibéré hier, nous avons décidé de décaler
2 d'une semaine. Ce qui fait que nous aurons donc la fin de la session aura
3 lieu le 13 août, qui est un vendredi. Il n'y aura pas -- en réalité, ce
4 sera le jeudi 12 juillet et nous reprendrons nos travaux le lundi 13 août à
5 14 heures 15.
6 C'est donc la décision de la Chambre en la matière.
7 Par ailleurs, suite à l'intervention de Me Karnavas, la Chambre a délibéré.
8 Nous rendrons dans les prochains jours une décision qui sera certainement
9 orale. Mais pour le moment, nous n'avons pas encore finalisé cette décision
10 qui est en cours d'élaboration et vous en serez informé dès qu'elle sera
11 terminée.
12 Cependant, à titre personnel, j'indique que pour ma part, je suis en
13 train d'examiner également la question qui a été soulevée, non pas tant sur
14 le fond que sur la forme. On regarde les articles 44 et 77 du Règlement. Je
15 serais certainement amener à me prononcer à titre individuel sur cette
16 question. J'estime, à titre personnel, qu'en tant que Juge, conformément
17 aux pouvoirs qui me sont conférés par le Règlement, j'ai le droit de poser
18 toute question à tout moment.
19 Par ailleurs, concernant M. Scott, j'ai remarqué hier à plusieurs
20 reprises que vous avez dit que, si vous aviez eu le temps, vous auriez fait
21 ceci, vous auriez fait cela. Vos propos m'ont évidemment interpellé, et
22 dans le courant de la nuit, j'ai fait le calcul suivant, Monsieur Scott, et
23 prenez note de ce que je dis.
24 Vous avez l'intention, dans ce procès, de demander l'admission de 10
25 000 documents. Si un document, nous prenons six minutes pour un document,
26 c'est une moyenne générale, six minutes, 10 000 documents par six minutes,
27 cela fait 60 000 minutes. Si je divise par 60 minutes pour trouver le
28 nombre d'heures, nous serions à presque 1 000 heures pour examiner les
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1 documents. Par quatre heures de jours d'audience, cela nous ferait 250
2 jours d'audience, rien que pour les documents. A partir de là, il est
3 évident qu'on ne peut pas voir tous les documents que vous aviez
4 l'intention au départ de présenter.
5 C'est pour cela que la Chambre, dans sa sagesse, vous a autorisé à
6 présenter des documents par requête écrite, de telle façon qu'à l'audience,
7 vous présentez des documents qui vous paraissent les plus importants. Bien
8 entendu, il y a des questions que vous ne pourrez pas poser, puisque vous
9 ne pouvez pas présenter tous les documents. Cela va de soi. Mais à chaque
10 fois, vous dites : "Je n'ai pas le temps, je n'ai pas le temps." Bien. On
11 ne peut pas comparer un procès où il y a 1 000 documents, avec un procès où
12 il y aura peut-être 20 000 à 30 000 documents.
13 Je regardais par curiosité intellectuelle ce matin le procès
14 Blagojevic et je constate que dans le procès Blagojevic, il y avait eu 800
15 documents par l'Accusation, 170 documents par la Défense de Blagojevic lors
16 du contre-interrogatoire. Ce qui n'a rien à voir avec ce procès. Donc, la
17 taille de ce procès impose une méthode de travail telle qu'elle soit la
18 plus rationnelle possible. On ne peut pas appliquer les mêmes règles d'un
19 procès antérieur par rapport au procès actuel car, si on appliquait ces
20 mêmes règles, et si je me réfère à l'affaire Blagojevic, les accusés ne
21 pourraient ne pas poser de questions.
22 Voilà. Alors, les 10 000 documents et, malheureusement, on ne pourra
23 pas tous les voir à l'audience. Il faut en être bien conscient. Il faut
24 présenter les documents les plus importants. Alors, je sais que, dans le
25 témoin qui va venir, on a un nombre de documents raisonnable, ce qui
26 permettrait, normalement, l'examen de tous ces documents grâce à la
27 procédure 92 ter. Alors, la Chambre, qui avait été saisie au titre de
28 mesures de protection du Témoin L, donc, ordonne les mesures de protection
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1 et notamment le huis clos. Nous avons débattu de la question de savoir s'il
2 y aurait pseudonyme et distorsion de visage, ou huis clos. Nous avons
3 estimé que, compte tenu des documents et de ce qu'il pourra dire, il serait
4 facilement identifiable. De ce fait, nous préférons donc le huis clos.
5 Dans ces conditions, Monsieur le Huissier, vous baissez le rideau et
6 nous introduisons le témoin.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Etant précisé pour la Défense et ce qui, évidemment,
8 va l'intéresser en premier lieu, c'est qu'hier, nous avons également
9 délibéré sur le temps qui serait accordé aux uns et aux autres. On a pris
10 connaissance de la teneur des documents, et cetera, ce qui, donc, nous
11 amènerait à donner à M. Petkovic 40 minutes, à M. Praljak 40 minutes, à M.
12 Prlic également 40 minutes, parce que son nom apparaît dans un document,
13 semble-t-il, et les trois autres accusés auraient chacun 20 minutes, mais
14 charge à vous si vous voulez donner votre temps aux uns et aux autres.
15 Bien. Cela, c'est à vous de faire comme vous voulez, mais voilà, de manière
16 très générale, la façon dont nous avons réparti le temps.
17 Etant précisé également que la Chambre, compte tenu du temps parce que cela
18 risque d'être très court, il se peut que la restitution du temps, des uns
19 aux autres, dans certains cas, peut ne pas être justifié. Mais cela, nous
20 verrons au cas par cas, étant précisé que l'Accusation aura, au maximum,
21 une heure.
22 Donc, Monsieur Flynn, je vous salue et faites en sorte que dans l'heure qui
23 vient, les documents soient présentés.
24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
25 LE TÉMOIN : TEMOIN L [Assermenté]
26 [Le témoin répond par l'interprète]
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier
28 que vous entendez bien, dans votre langue, la traduction de mes propos. Si
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1 c'est le cas, dites que vous me comprenez.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Oui, je vous entends.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur, la Chambre vous accorde les mesures
4 de protection, ce qui fait que vous allez être entendu à huis clos, donc
5 personne ne saura que vous êtes venu et que vous témoignez. Mais pour des
6 besoins de la procédure, il faut que vous me donniez votre nom, prénom et
7 date de naissance.
8 Attendez, on va à huis clos, parce que je pensais que c'était automatique.
9 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos, Monsieur le Président.
10 [Audience à huis clos]
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8 [Audience publique]
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous appuyer sur le bouton ?
10 Bien. Alors, Monsieur Scott, le "planning" pour la semaine à venir ?
11 M. SCOTT : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai pas regardé
12 exactement le nombre de témoins, mais nous avons l'intention de convoquer
13 un certain nombre de témoins qui vont témoigner sur les faits, la semaine
14 prochaine. Sept, environ. Voilà. Sept témoins, environ, vont être convoqués
15 cette semaine et nous espérons donc pouvoir aller assez vite en besogne.
16 Voilà. Voilà tout ce que je peux vous dire. Je ne vais pas vous donner de
17 noms précis parce qu'il se peut qu'il y ait des mesures de protection pour
18 certains.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : -- je précède, c'est que parmi eux, il doit y avoir
20 des 92 ter. Je l'ai déjà dit, pour moi, la procédure du 92 ter, c'est
21 l'admission d'un document, le cas échéant, du témoignage écrit, bien
22 entendu, vous l'avez compris, quelques documents en liaison directe avec ce
23 témoin du 92 ter. Voilà, c'est cela, tout le sens de cette procédure.
24 Si la procédure est contournée pour faire un interrogatoire principal
25 parallèlement à l'écrit, on est dans une autre procédure. Bon. Je sais
26 qu'il n'y a pas de jurisprudence bien parfaite en la matière, mais moi qui
27 ai participé à l'assemblée plénière des Juges, lorsqu'on avait introduit
28 cette disposition, dans mon esprit, parce que je pense en être l'auteur,
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1 c'était une procédure accélérée qui permettait l'admission d'un document,
2 mais qui avait le mérite de permettre à la Défense de contre-interroger.
3 C'était surtout pour que la Défense puisse contre-interroger. Voilà. Mais
4 je constate que votre pratique est en fait différente. C'est que vous posez
5 des questions en même temps sur les documents et il vous arrive de
6 présenter beaucoup de documents au 92 ter. Donc, l'objectif de la procédure
7 est un peu contourné.
8 Alors, pour la semaine prochaine, vous dites qu'il y en aura sept. Bon,
9 j'espère que dans les sept, il n'y aura pas aussi des quantités de
10 documents, d'autant qu'on vient de le voir pour le cas précédent, il peut y
11 avoir des documents qui peuvent être présentés à d'autres témoins.
12 Monsieur Scott.
13 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous remercie.
14 Nous sommes tout à fait d'accord avec vous car l'un des grands objectifs
15 qui sous-tend l'article 92 ter est justement de permettre que plus d'un
16 moyen de preuves soit présenté de façon écrite, et ce pour aller plus
17 rapidement et être plus efficace. Ceci étant dit, et comme vous le savez,
18 je suis membre du comité du Règlement qui a rédigé l'article, il est
19 également indiqué que l'un des objectifs est de faire en sorte d'autoriser
20 l'interrogatoire principal dans son intégralité, ou alors, en partie viva
21 voce, en partie de façon écrite, ou l'une ou l'autre, ou les deux ensemble.
22 L'Accusation a indiqué, depuis plusieurs mois maintenant, dans le cadre de
23 ce procès, que la Chambre s'en souviendra, en fait, que nous avons donc
24 suivi un interrogatoire principal hybride, en quelque sorte, avec dans
25 certains cas des questions posées à propos de la déclaration. Parfois, il y
26 a déposition viva voce du témoin et c'est d'ailleurs la pratique suivie par
27 d'autres Chambres, également, parce que cela permet de sauver du temps, de
28 ne pas trop perdre de temps, à propos des questions qui ne sont pas -- ou
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1 des extraits ou de parties qui ne font pas l'objet d'un examen direct.
2 Donc, c'est une méthode qui permet de se -- de gagner du temps.
3 De toute façon, nous pensons que, pour ce qui est de la semaine
4 prochaine, et pour tous ces témoins, il ne va pas y avoir représentation
5 d'un grand nombre de documents. Nous allons continuer à essayer d'utiliser
6 ou d'appliquer l'article 92 ter du mieux que nous pouvons au vu de la
7 jurisprudence et au vu de ce que stipule l'article.
8 Je voulais également- bon, j'en ai terminé donc avec vos
9 observations, mais je voulais également parler d'autre chose, Monsieur le
10 Président.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez la parole juste pour terminer sur le 92
12 ter. J'ai pris bonne note de ce que vous avez dit et je suis d'accord avec
13 sur le point que c'est une procédure qui permet de gagner du temps.
14 D'ailleurs, dans la décision que vous critiquez, nous avons rappelé que
15 cette procédure a permis de gagner 45 heures de temps par rapport au temps
16 estimé sur la liste 92 ter, ce témoin était venu viva voce. Donc, vraiment,
17 c'est un gain de temps important et je suis entièrement d'accord avec vous
18 et cette procédure pourra évidemment être utilisée si la Défense le
19 souhaite pour ses propres témoins.
20 Alors, je vous donne la parole parce qu'on a du temps et vous vouliez
21 aborder d'autres points.
22 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je serai très
23 bref.
24 Juste pour confirmer ce dernier sujet comme nous l'avons déjà dit
25 d'ailleurs que bien sûr dès le premier jour et même pendant la phase
26 préalable au procès, nous avions toujours prévu d'optimaliser au mieux
27 l'utilisation de ce qui est devenu le 92 ter qui était auparavant l'article
28 89 (F). Mais nous avons toujours eu l'intension au sein de l'Accusation
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1 d'utiliser au maximum cet article dans la mesure où nous pensons que cela
2 est raisonnable. Toujours pour gagner autant de temps que possible.
3 Alors, je ne voudrais surtout pas qu'il y ait une erreur car au début
4 de la semaine, la Chambre s'était adressé, ou avait parlé à propos d'un
5 dépôt d'écritures de la part de l'Accusation, mais il s'agissait du contact
6 entre M. Pusic et un témoin à Mostar.
7 Alors, pour que tout soit bien clair, il n'y a jamais eu requête
8 déposée. Plusieurs références ont été faites au fait que le Procureur avait
9 déposé une requête. L'Accusation n'a pas présenté de requêtes et
10 l'Accusation n'a demandé qu'aucune mesure ne soit prise, cela a été déposé
11 tout simplement à titre d'information de la Chambre. Il se peut qu'à
12 l'avenir des mesures doivent être prises mais, nous n'avons pas à la
13 Chambre de première instance, nous ne lui avons pas demandé d'agir. Donc il
14 n'y avait pas, la Chambre n'avait pas à renier ou à refuser ou à nier cela.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste, juste deux précisions par rapport à ce que
16 vous dites. Je reviens au 92 ter parce que à la ligne 9 vous dites que 92
17 ter a remplacé 89 (F). Je n'ai pas le Règlement, malheureusement, sous les
18 yeux, mais j'ai l'impression que l'article 89 (F) n'a pas été supprimé -
19 mais je me trompe peut-être - mais j'ai l'impression que cet article a été
20 maintenu. Oui, il est toujours maintenu, j'ai le Règlement. Ce qui voudrait
21 dire, Monsieur Scott, en théorie, qu'on pourrait aussi utiliser à nouveau
22 cette procédure 89 (F) qui a été utilisée dans d'autres procès. Donc, là
23 aussi, vous avez des voies - j'allais dire des voies, j'allais dire même un
24 boulevard - une autoroute devant vous, si vous voulez utiliser le 89 (F),
25 car cela a déjà été utilisé.
26 Bien, ceci étant dit, le deuxième point, vous revenez sur l'affaire Pusic.
27 Bon, je prends note que pour vous c'était un élément d'information que vous
28 portez à la connaissance de la Chambre, la Chambre a rendu une décision
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1 orale compte tenu des implications. Je n'avais pas eu le temps de
2 développer un autre argument. Je voulais dire que si à l'avenir vous vous
3 trouvez confronté devant ce type de situation, la première règle c'est d'en
4 informer immédiatement l'autre partie. La deuxième règle c'est qu'avant
5 l'audience, de nous le dire et pas de nous mettre devant le fait accompli
6 parce que la dernière fois on a été quasiment mis devant le fait accompli.
7 Mais vous nous avez expliqué que ce jour-là vous aviez eu 14 heures de
8 travail. Ce que je peux également comprendre. Donc, voilà ce que je voulais
9 indiquer.
10 Mais mon collègue veut parler aussi.
11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je voudrais juste confirmer et
12 réitérer le fait que la Chambre était tout à fait consciente du fait que
13 l'Accusation n'avait pas déposé de requête et les parties, ni l'autre
14 partie non plus d'ailleurs. Je m'excuse si la formulation reprise de la
15 décision orale ait pu engendrer un malentendu, je le regrette vivement, et
16 je peux vous assurer, Monsieur, que nous étions tout à fait conscients de
17 la situation pour ce que qui est de la procédure comme vous l'avez indiqué.
18 M. SCOTT : [interprétation] Il se peut que cela soit une erreur de
19 traduction, mais je suis sûr que le compte rendu d'audience nous permettra
20 de voir qu'il y a des références qui ont été faites à une requête déposée
21 par l'Accusation.
22 Je ne pense pas qu'il s'agit d'un fait accompli. Les informations ont
23 été fournies à la Chambre de première instance à titre d'information. Il se
24 peut qu'à l'avenir l'Accusation n'ait pas la possibilité de présenter ses
25 informations immédiatement à l'attention de la Chambre de première instance
26 parce qu'il y a des enquêtes supplémentaires qui devront être effectuées
27 par l'Accusation. L'Accusation est tout à fait consciente du fait que nous
28 nous sommes préoccupés par ces possibilités d'interférence avec les témoins
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1 et il est évident que nous -- et alors, donc, il se peut que nous attirions
2 l'attention de la Chambre de première instance là-dessus, mais pas de
3 suite. Je vous remercie.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
5 Monsieur Karnavas.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Juge, hier, j'ai fait
7 quelques observations à propos de ce qui s'était passé la journée
8 précédente et à propos de ce qui d'après moi est une procédure qui est
9 quasiment universelle, en tout cas au sein de Tribunal à l'exception de
10 cette Chambre de première instance pour ce qui est de formuler des
11 questions. Je voudrais préciser ma position, mon avis, parce que, Monsieur
12 le Président, vous avez fait certaines remarques et je pense que ces
13 remarques ne sont pas forcément toujours utiles. Vous avez par exemple dit
14 : "Je voudrais savoir si vous voyez inconvénient à ce que je pose une
15 question avec votre autorisation sans que je sois accusé de vos droits.
16 Vous n'allez pas me reprocher le fait de poser une question. J'aurais dû
17 poser ma question de suite mais cela n'est pas du goût de la Défense. Donc,
18 je préfère attendre," et cetera, et cetera.
19 Donc, je crois comprendre qu'il semblerait qu'il y ait une confusion à
20 propos de ce que j'essais de transmettre comme message à la Chambre de
21 première instance. Je vais essayer d'être méthodique.
22 Donc, premièrement, ni l'Accusation ni la Défense n'ont jamais dit
23 que la Chambre de première instance n'a pas le droit de poser des
24 questions. Manifestement le Règlement prévoit cela et vous pouvez poser des
25 questions à tout le monde. Ce -- plutôt, ce que je dis, c'est que la
26 pratique au sein de Tribunal consiste à, premièrement donner la possibilité
27 à l'Accusation de procéder à l'interrogatoire principal et cela est suivi
28 par la Défense, le contre-interrogatoire, et ensuite, cela est suivi par
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1 les questions des Juges. Puis, il y a la possibilité de poser des questions
2 supplémentaires à propos de toute question posée par les Juges. Hier,
3 d'ailleurs nous avons eu un exemple de ceci.
4 A la fin des questions posées par M. Praljak vous avez posé une
5 question, Monsieur le Président, une question qui était pertinente et
6 ensuite le général Praljak a demandé d'avoir la possibilité de poser une
7 autre question, et sa question est une question de suivi à la suite de
8 votre question. Cela semblait tout à fait logique. Cela c'est la procédure
9 que nous préférons. Je ne suis absolument pas en train de suggérer qu'il
10 s'agit d'une procédure rigide.
11 Mais ma préférence, S'il y a un malentendu, s'il y a un quelque chose
12 qui doit être précisé, il faut le faire sur le champ, cela ne nous pose
13 aucune problème.
14 Mais si je passe d'un chapitre à un autre, normalement je me tourne
15 vers vous, Monsieur les Juges, si vous avez des questions à poser par
16 opposition à attendre jusqu'à la faim. Cela c'est l'approche que je
17 retiens, et je pense que c'est une approche qui me semble utile.
18 Alors, d'où vient le problème ? Je le dis parce que je souhaite que vous
19 compreniez mon dilemme parce que nous avons passé beaucoup de temps pour
20 essayer de prendre en considération beaucoup de documents, beaucoup
21 d'informations, et ce, en un laps de temps qui n'était pas si long. Si je
22 présente un document, et avant qu'on ne me donne la possibilité de poser
23 les questions qui me semblent nécessaires à propos du document. Si vous
24 commencez à poser les questions parce que, bien entendu, vous avez des
25 questions à l'esprit, vous avez tout à fait le droit de poser ces
26 questions. Les -- il faut, en fait, que vous preniez une certaine
27 direction, donc, il se peut que, moi aussi, je dois emprunter cette
28 direction, peut-être que je n'avais du tout l'intention de prendre cette
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1 direction, mais du fait du temps limité que vous m'avez accordé, cela nous
2 pose problème, d'où un sentiment de frustration. Je dois absolument
3 m'assurer, Monsieur le Président, que vous compreniez. Je ne suis pas en
4 train de vous dire que vous ne pourrez pas poser de questions.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, vous avez tout à fait raison. C'est peut-être
6 une incompréhension. Je suis parfaitement d'accord avec ce que vous venez
7 de dire. Je n'ai pas de divergence sur ce plan, mais je vous dirais tout à
8 l'heure pourquoi. Continuez.
9 M. KARNAVAS : [interprétation] Bien. Le problème que nous avons et
10 l'Accusation a le même problème également. Nous avons beaucoup de
11 documents. La semaine dernière, je vais vous donner un exemple concret. Il
12 y a eu une intervention, c'était une objection en fait de M. le Juge
13 Trechsel. J'ai présenté un document qui avait trait à cette opération
14 Araignée. Je n'ai pas abordé cela, parce que une observation très exacte
15 qui a été faite par le Juge Trechsel. Le problème c'est que du fait du
16 temps limité, si je n'ai pas le temps de développer, je vais passer à autre
17 chose.
18 Lorsque je termine ce volet ou ce chapitre, vous comprenez ce que
19 j'ai essayé de présenter, puis il y a d'autres témoins parfois qui suivent
20 ou à qui ont été posés ce genre de questions également. Alors je peux vous
21 assurer que en ce qui me concerne, nous travaillons d'arrache-pied pour
22 essayer de comprendre les facteurs qui doivent être présentés, les éléments
23 qui doivent être présentés. Dans le cadre de l'interrogatoire principal,
24 ils doivent relater l'histoire pour que ce qu'ils veulent présenter soit
25 présenté et nous, nous avons la possibilité de contester cette relation en
26 quelque sorte, si cela est nécessaire. Si cette narration n'est pas
27 présentée d'une façon qui nous permet de la contester, à la fin de la
28 présentation des moyens à charge, il va avoir un problème nous allons les
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1 problèmes à contester, ce qui est présenté.
2 Tout ce que je vous dis en fait, Monsieur le Président, c'est d'avoir
3 confiance à nous, parce que nous sommes des professionnels. Faites-nous
4 confiance. Vous allez pouvoir comprendre. Je ne suis absolument pas opposé
5 à ce que vous posiez autant de questions que vous le souhaitez mais donnez-
6 moi au moins la possibilité de développer mes différents éléments. Si vous
7 voulez poser une question, parce que pour vous cela est important -- cela
8 me gène, je n'ai jamais suggéré, je ne suggérerais jamais que vous n'avez
9 pas la possibilité et le droit de poser des questions. Je comprends très
10 bien le Règlement et vous pouvez poser des questions quand vous le
11 souhaitez.
12 Mais tout ce que je suis en train de vous dire, c'est que parfois, il
13 semble y avoir une certaine impatience. Pour certains contre-
14 interrogatoires, s'il s'agit d'un témoin difficile, vous ne pouvez pas être
15 trop directe avec le témoin, parce que si vous êtes trop direct avec le
16 témoin, vous n'en tireriez jamais rien. Si vous nous dites à l'avance et
17 que le témoin entend cela, nous avons perdu tout notre effet surpris. Donc
18 je voudrais bien m'assurer qu'il n'y ait pas de malentendu à propos du
19 message que j'essaie de vous transmettre, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je suis en plein accord avec ce que vous dites et il
21 n'y a pas de divergence dans le fond de votre intervention, et bien entendu,
22 nous répondrons sur le plan juridique à ce que vous avez dit, et à ce
23 niveau là je vous l'indique, mais soyez assuré que vous avez toute notre
24 confiance. Simplement je vais vous citer deux événements qui sont intervenus
25 et faute de temps, je n'ai même pas moi-même posé la question, et je vais
26 vous expliquer quels sont les deux éléments.
27 Je me rappelle plus quel témoin, je sais que vous n'étiez pas là parce que
28 vous étiez pris par ailleurs, mais il y avait votre co-conseil qui était
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1 présent. Je crois que c'est Me Nozica qui avait produit un document qui
2 était l'accord entre Tudjman et Izetbegovic sur la reconnaissance par
3 Tudjman et Izetbegovic du HVO en tant qu'armée de la Bosnie-Herzégovine,
4 donc un document très important. Ce document est arrivé comme ça au cours
5 d'un contre-interrogatoire et on n'a pas abordé, en réalité, toutes les
6 conséquences de ce document, à savoir est-ce que ce document avait été
7 adressé au secrétaire général de l'ONU. Comme c'était un traité de
8 coopération mutuelle entre les deux pays, est-ce que ce document avait été
9 publié dans le journal officiel, et cetera. Il y avait toute une série de
10 questions à poser. Alors, faute de temps je n'ai pas posé la question,
11 peut-être que vous y reviendrez certainement sur ce document mais à l'époque
12 j'ai eu l'impression qu'on allait très vite et la j'aurais pu poser des
13 questions, je ne les ai pas posées.
14 Deuxième élément, cela concerne la Défense de M. Coric, un jour,
15 au cours d'un témoin il y a un document qui est apparu très vite et dans le
16 document, il y avait la mention suivante, c'est un document qui venait de la
17 police militaire. Le rédacteur de ce document indiquait que c'étaient les
18 hommes de Tuta qui faisaient à Mostar de l'épuration ethnique. Donc, ce
19 policier militaire adressait à son autorité le compte rendu. Bon, sur le
20 coup, je me suis dit voilà la police militaire qui dénonce donc des faits
21 dans lesquels eux, ils ne participent pas. Donc, c'était très important ce
22 document. J'ai eu envie d'intervenir de poser des questions. Si à ce moment-
23 là j'étais intervenu, peut-être que la Défense de M. Coric m'aurait dit,
24 non, on va parler de ce document plus tard, et cetera, donc faute de
25 temps je n'ai pas intervenu. Mais j'aurais pu intervenir alors, j'ose
26 espérer que ces deux documents vont réapparaître un jour ou l'autre, mais si
27 un jour ils ne réapparaissent pas par la Défense des uns ou des autres, le
28 Procureur ne revient pas, et que les Juges puisqu'on a des dizaines de
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1 milliers de documents, on oublie cela. Ce serait un préjudice pour les uns
2 et les autres donc quand nous, nous intervenons c'est qu'on essaie d'aller
3 vers la vérité. Hier, je n'étais pas sur un autre point d'accord avec vous,
4 quand vous avez dit que le procès est l'affaire des parties, certes mais il
5 y a la vérité de l'Accusation, il y a votre vérité et il y a les Juges qui
6 doivent dire la vérité tout court, avec un grand V et que, à ce moment-là on
7 est obligé d'essayer par nos questions de compléter certains éléments et mon
8 sentiment, mais je vous l'ai déjà dit, c'est que dans 95 % à 90 % des cas,la
9 plupart de nos questions heu… tombent en faveur de vos clients.
10 Je vais juste terminer par un autre exemple, cela concernait la
11 Défense de M. Praljak. Un jour le témoin expert sur les sniping, on voit
12 les photos, et cetera et j'ai demandé moi-même qu'on repasse les photos
13 parce que je m'étais rendu compte que dans la photo, il y avait un autre
14 endroit où on pouvait tirer et manifestement, ni les uns ni les autres n'y
15 avaient pensé et c'est de moi-même que j'ai demandé à ce que l'on repasse la
16 photo. Alors peut-être que M. Praljak allait le faire après, je n'en sais
17 rien, mais moi, je me suis dit c'est quand même important pour lui si à ce
18 moment-là je ne le fais pas.
19 Donc, bien souvent les questions viennent en faveur de la Défense. Quand
20 vous dites qu'il n'y pas de procès équitable, et cetera, jamais vous
21 n'aurez une Chambre telle qu'elle est composée qui soit aussi en faveur des
22 droits de la Défense, jamais. Quand vous dites appliquer ce que font les
23 autres Chambres, moi, je peux vous dire qu'ici nous avons permis aux accusés
24 de poser des questions et vous savez que, dans l'affaire Blagojevic,
25 l'accusé n'a pas pu poser les questions. On a permis aux accusés de choisir
26 leur avocat. On a pris une série de décisions en faveur de la Défense et que
27 lorsque vous dites qu'on est susceptible de porter atteinte au procès
28 équitables, croyez-moi, on est meurtrit d'entendre cela. C'est vraiment
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1 blessant, surtout la façon dont on travaille et j'espère que vous aurez
2 compris au travers de mes propos qu'il y a peut-être une incompréhension
3 mutuelle, mais je tenais à vous le dire.
4 Alors, bien entendu, vous avez raison sur le fil conducteur. On va
5 s'efforcer de vous laisser développer dans le contre-interrogatoire votre
6 argumentation, et à ce moment-là, vous aurez donc toute satisfaction. Mais
7 il se peut qu'il y ait des moments où il faudra qu'on intervienne parce
8 qu'on pourra sentir, à ce moment-là, qu'il y a quelque chose.
9 Un dernier exemple, un jour il y a eu un témoin cela concernait M.
10 Pusic. M. Pusic était censé avoir été présent dans un lieu de détention.
11 Bon. D'après le témoignage du témoin et puis de moi-même, j'ai demandé au
12 témoin - M. Pusic est là - "Est-ce que vous le reconnaissez," et le témoin
13 a dit : "Non, je ne le reconnais pas, ce n'est pas lui." Bien. Devais-je ne
14 rien dire ? Devais-je ne pas poser la question ? Voilà un véritable problème.
15 Donc, moi j'ai un témoin qui dit que Pusic est là, je lui dis était-il là,
16 réponse, non, ce n'était pas lui, je ne l'ai pas vu. Ce n'était pas celui-
17 là. Voilà.
18 Donc, j'essaie de vous faire comprendre qu'au travers de nos questions,
19 nous, nous essayons d'atteindre la vérité, et que bien souvent le résultat
20 des questions cela peut vous être favorable.
21 Si vous voulez reprendre la parole.
22 M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense que Me Murphy souhaite intervenir à
23 propos de cette quête pour trouver -- élucider la vérité, je pense que
24 c'est son domaine.
25 M. MURPHY : [interprétation] Je suis conscient du fait que
26 Me Karnavas a assumé la responsabilité de parler au nom de tous les accusés
27 et je pense qu'il a pris l'initiative en la matière et il s'est exprimé en
28 toute franchise ici.
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1 Je ne savais absolument pas qu'il allait faire cette observation hier à la
2 Chambre de première instance, donc, je n'ai pas eu la possibilité de
3 considérer ma réponse, mais après y avoir réfléchi cette nuit, je
4 m'exprimerais de façon légèrement différente, car je pense qu'une partie du
5 problème -- est justement ce que vous venez d'indiquer, Monsieur le
6 Président, il s'agit de la nature de ce procès : est-ce qu'il s'agit d'un
7 procès contradictoire car nous avons en quelque sorte une confrontation des
8 cultures entre la procédure inquisitoire et la procédure contradictoire et
9 nous sommes tous en train de faire des efforts pour essayer de faire de ce
10 système hybride un système équitable et ce dans l'intérêt de toutes les
11 parties ce qui n'est pas chose aisée ?
12 Mais je dois dire, Monsieur le Président, que depuis -- que dès le début de
13 l'existence du Tribunal, lorsque le Président Cassese avait fait son
14 discours au cours duquel il a présenté le Règlement de procédure et de
15 moyens de preuve le 11 février 1994, il a dit, de façon très, très claire,
16 que les Juges avaient délibérer à l'époque et avaient décidé d'avoir, et de
17 se baser sur ce qu'ils ont appelé une procédure essentiellement
18 contradictoire pour ce qui est de la forme, des modes de procès. Alors,
19 bien entendu, il y a eu moult amendements et modifications pour le
20 Règlement, et même si du fait des contraintes de temps, il y a plusieurs
21 présidents qui ont amené des amendements, mais il n'empêche
22 qu'essentiellement, il s'agit d'un système contradictoire car dès le
23 premier jour du procès -- dès les premiers jours du Tribunal, plutôt, le
24 Procureur a mené à bien des enquêtes comme dans le système contradictoire,
25 ce qui fait que le Procureur veut étoffer et développer ses éléments à
26 charge, et non pas développer les éléments à charge de la Défense, ce qui
27 est de notre responsabilité.
28 Nous, parmi la Défense, nous n'avons jamais pu bénéficier de la gamme
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1 de protection qu'offre le système inquisitoire. En France, par exemple,
2 c'est un système que je connais, en Suisse que je connais un peu moins
3 bien, mais il y a quand même toute une série de protections qui sont
4 développées et mises au point pour les accusés qui -- par exemple, vous
5 avez l'existence du Juge d'instruction. Je ne sais pas quelle est la
6 situation en Suisse, Monsieur le Juge Trechsel, mais dans d'autres pays,
7 ces protections existent.
8 Pour ce qui est de la Défense, les protections accordées sont les
9 protections du système contradictoire donc cela dépend, il faut avoir le
10 droit de mener à bien une enquête de façon indépendante. Il faut avoir le
11 droit de pouvoir présenter nos éléments à décharge dans le cadre du contre-
12 interrogatoire et je sais qu'il y a un élément qui est une source de
13 frustration pour les Juges car vous ne pouvez toujours -- vous ne pouvez
14 pas toujours voir où veut en venir la Défense. Lorsque nous posons des
15 questions, lorsque vous dites que vous posez les questions qui vont en
16 faveur de la Défense. Je sais ce que vous faites -- mais peut-être que ces
17 questions vont -- militent en faveur de la Défense mais peut-être que non.
18 Puis, ce qui me perturbe en tant qu'avocat qui a pratiqué le système
19 contradictoire depuis de nombreuses années, c'est peut-être également le
20 cas de l'Accusation, lorsque vous dites, Monsieur le Président, qu'il y a
21 la vérité de l'Accusation et la vérité de la Défense.
22 Puis qu'il y a votre vérité avec un V majuscule, je pense que ceux
23 d'entre nous qui travaillons dans le système contradictoire, nous voulons
24 véritablement que la vérité éclate. C'est la vérité, en fait, c'est pour la
25 vérité que nous sommes engagés et nous pensons que le système
26 contradictoire est un système qui est particulièrement propice pour faire
27 ne sorte que la vérité éclate parce que lorsque vous avez les deux
28 éléments, la vérité émerge en quelque sorte de ces deux façons de procéder.
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1 Mais alors, peut-être pas de façon directe comme dans le système
2 inquisitoire, mais nous avons donc des années et des siècles d'expérience
3 et j'aimerais vous rappeler que dans ce procès, ce n'est pas la vérité avec
4 un V majuscule que l'on ne peut pas forcément toujours atteindre, mais il
5 faut savoir si l'Accusation peut prouver la culpabilité des accusés au-delà
6 de toute doute raisonnable, à partir de certaines allégations qui sont
7 présentées. Si la Défense établit qu'il y a un doute raisonnable et peut-
8 être que nous partirons tous d'ici en disant, finalement, nous ne sommes
9 pas sûr véritablement de ce qui s'est passé, nous ne savons pas si nous
10 pouvons véritablement savoir ce qui s'est passé à cause de la complexité
11 des documents, du nombre de documents et du manque de fiabilité d'un
12 certain nombre de témoins, néanmoins le droit stipule qu'au lieu de la
13 situation les accusés ont le droit d'être acquitté. Notre objectif,
14 l'objectif de la Défense, je sais que l'on peut parfois le présenter de
15 façon cynique mais ce n'est pas notre intention, nous voulons tout
16 simplement aider la Cour -- la Chambre pour voir s'il y a existence d'un
17 doute raisonnable.
18 Je sais que vous ne voulez pas mettre à mal le système
19 contradictoire, mais parfois, l'on peut interpréter de cette façon
20 certaines observations. J'aimerais vous rappeler avec tout le respect que
21 je vous dois, Monsieur le Président, que du fait des protections offertes à
22 la Défense, il faut que ce soit un système essentiellement contradictoire
23 dans lequel nous opérons parce qu'il faut savoir que les gardes fou
24 essentiels qui permettent de protéger l'accusé, auxquels vous êtes habitué
25 dans le système inquisitoire ne sont pas présents dans ce Tribunal, ne sont
26 pas présents dans ce mode de procès.
27 Je pense, Monsieur le Président, que Me Karnavas a attiré notre
28 attention sur son souhait de mener à bien un contre-interrogatoire de façon
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1 tout à fait libre sans aucune inhibition, il ne souhaite pas nier ou
2 refuser le rôle que doit jouer la Chambre de première instance. Mais il dit
3 tout simplement que, dans le cadre du système contradictoire, le droit du
4 contre-interrogatoire est peut-être la protection la plus fondamentale
5 offerte aux accusés et elle est donnée par l'article 21 du Statut, et c'est
6 tout simplement ce que nous voulons transmettre un tel message à la Chambre
7 de première instance.
8 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous donner la parole.
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Une seconde, vous aurez la parole
11 tout à l'heure. Je pense que c'est ce que vous aviez demandé tout
12 simplement de procéder à une conversation là-dessus, Maître Karnavas ?
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, justement. C'est ce que nous avons
14 demandé.
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien. Alors, là, je crois que
16 nous pouvons nous rendre à cette fin de semaine et puis après essayer de
17 rédiger notre démission étant donné le manque de compétences que vous venez
18 de nous attribuer et de façon pas très aimable. Mais, enfin bref, nous, au
19 sein de cette Chambre de première instance, nous avons déjà traité de tous
20 ces problèmes et nous avons pu conclure que nous ne devrions pas en
21 discuter davantage aujourd'hui parce que nous ne sommes pas au grand
22 complet. Nous ne sommes que d'eux ici à cette Chambre et tout simplement il
23 ne serait pas équitable ceci n'est pas évidemment du bon sens de traiter de
24 tout cela en l'absence du Juge Prandler qui est un membre à part entière de
25 cette Chambre de première instance. Voilà la raison pour laquelle je vous
26 ai interrompu, sinon le Juge Prandler lui-même devrait être là. Voilà
27 pourquoi je me suis abstenu de faire des commentaires quant à moi. Voilà
28 pourquoi je n'ai pas interpellé le Procureur pour l'inviter à prendre la
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1 parole bien quoi qu'il ait voix au chapitre et il aurait des choses à dire
2 --
3 M. KARNAVAS : [interprétation] Quant à moi, je suis certain qu'il serait
4 bon que nous aussi, nous puissions nous faire entendre après quoi. Lorsque
5 vous aurez entendu les uns et les autres, vous pouvez réexaminer l'ensemble
6 des questions évoquées. Mais, enfin, je suis certain que M. Scott est
7 quelqu'un qui est doué de grand talent et au pied levé, sans se préparer,
8 il peut se lever pour nous dire ce qu'il a envie de nous dire. Peut-être se
9 décidera-t-il, tout simplement, à prendre la parole une autre fois.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
11 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'avais pas
12 demandé la parole hier pour m'exprimer, et cela pour deux raisons. Une
13 première raison, c'est celle qui était évoquée par
14 M. Murphy. Je ne savais pas que tout ceci allait être un sujet de débat.
15 Seconde raison, je vous fais savoir mon approche à moi. Je respecte
16 les attitudes de Me Karnavas et Murphy et de mes collègues. Je suis là
17 depuis pas mal d'années et j'ai une bonne expérience en la matière et je
18 suis ce que vous faites. J'ai une attitude qui est à moi et je peux
19 toujours vous la faire savoir. Pour ce qui est de l'attitude de mes autres
20 collègues, je les respecte.
21 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge,
22 j'ai deux choses à dire, sans trop prendre de temps. Nous avons dit qu'à 95
23 % des questions posées par les Juges vont en faveur -- à la faveur et en
24 faveur du conseil de la Défense. Je me dois de dire qu'il y a une donné un
25 peu préoccupante. Si quand, par exemple, que 95 % du total des questions
26 posées sont en faveur du conseil de la Défense, nous devrions tous nous
27 lever. Ce qui me préoccupe notamment, c'est 95 % des questions en faveur
28 des conseils de la Défense, mais ce qui me préoccupe, ce sont les 5 % en
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1 faveur du conseil de l'Accusation, lesquels 5 % peuvent être vraiment d'un
2 grand poids qui pourrait se répercuter sur une décision finale, pour parler
3 cette fois-ci en termes d'équité ou d'iniquité.
4 Pour ce qui est des Juges qui sont attelés à chercher la vérité matérielle,
5 je suis d'accord avec ce que vient de dire mon confrère Murphy. Une fois de
6 plus, le conseil de la Défense du général Petkovic, pendant des années,
7 s'emploie à dire que ce n'est pas la vérité qui doit être établie, mais les
8 faits qui sont importants en vue de prendre une décision concernant la
9 culpabilité ou l'acquittement des accusés. Je voudrais tout simplement
10 porter à la connaissance de cette Chambre de première instance que les
11 Juges sont tenus de chercher la vérité matérielle, factuelle, en ex-
12 Yougoslavie. Vous en savez long. Obliger les Juges à se mettre à la
13 recherche d'une vérité factuelle et même s'il y a, évidemment, telle ou
14 telle disposition d'esprit d'autres des parties dans le procès, il faut
15 tenir compte des faits qui sont importants et décisifs, je dirais, lors de
16 la prise de décision.
17 Nous, en Croatie, nous avons considéré comme un progrès, un pas
18 démocratique de l'avant, lorsque ces procédures ont été modifiées et
19 lorsque les Juges ont été acquittés de cette obligation de s'atteler à la
20 recherche de la vérité factuelle, matérielle. Donc, c'est dans le cadre des
21 éléments avancés par les parties qu'on peut prendre une décision. Si, par
22 exemple, le Procureur, n'a pas pu trouver le bien fondé d'un acte
23 d'accusation, l'inculpé devrait être acquitté.
24 Je n'ai plus rien à ajouter. Je suis entièrement d'accord avec ceux
25 qui ont parlé avant moi et s'il faut en traiter, nous allons nous y
26 préparer complémentairement. Je vous remercie, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre va continuer à délibérer et nous vous
28 dirons si nous faisons une audience spécialement consacrée audit problème.
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1 Il est donc 13 heures. Je vais donc lever l'audience. Nous nous
2 retrouvons lundi à 14 heures 15. Je vous remercie.
3 --- L'audience est levée à 13 heures 02 et reprendra le lundi 19 mars 2007,
4 à 14 heures 15.
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