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1 Le mercredi 7 mai 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
6 l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
8 les Juges. Bonjour à toutes et à tous. Affaire IT-04-74-T, le Procureur
9 contre Prlic et consorts. Merci.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
11 En ce mercredi 7 mai, je salue les représentants de l'Accusation, Mmes et
12 MM. les avocats, MM. les accusés, ainsi que toutes les personnes qui nous
13 aident dans notre tâche.
14 Pour l'information, Me Karnavas, il a utilisé une heure et 19 minutes,
15 donc, il fera la soustraction pour le temps qui lui reste.Et on va
16 introduire le témoin.
17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
18 LE TÉMOIN : MOMIR ZUZUL [Reprise]
19 [Le témoin répond par l'interprète]
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. L'audience va se poursuivre avec
21 la poursuite de l'interrogatoire principal.
22 Je donne la parole à Me Karnavas.
23 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,
24 Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes
25 dans ce prétoire et autour de celui-ci.
26 Interrogatoire principal par M. Karnavas : [Suite]
27 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je suis ravi de vous revoir ici.
28 J'espère que vous avez passé une bonne soirée.
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1 Hier, au moment où nous nous sommes arrêtés, je vous posais une question à
2 propos du concept de la notion de Confédération, et vous étiez sur le point
3 de terminer votre réponse lorsque nous avons dû interrompre et suspendre
4 l'audience. Vous parliez longuement déjà de ce concept, mais en ce qui
5 concerne ce concept de la Confédération, est-ce que les présidents Tudjman
6 et Izetbegovic ont signé un accord concernant ce concept ?
7 R. Le président Tudjman et le président Izetbegovic ont signé un accord
8 mutuel portant sur une confédération, le 14 septembre 1993 si je ne
9 m'abuse. Cet accord a porté sur un élément. On avait convenu de le garder
10 secret. Une copie est restée chez chacun des présidents et une copie est
11 restée dans les bureaux de la mission de la République de Croatie à Genève.
12 Q. Merci.
13 R. Bien entendu, s'agissant de cet accord, j'en suis parfaitement bien au
14 courant puisque j'ai participé aux négociations, et physiquement parlant
15 c'est moi qui l'ai rédigé.
16 Q. Fort bien. Nous en parlerons plus tard vers la fin de votre audition
17 aujourd'hui, mais pour conclure sur ce sujet, est-ce que vous savez si le
18 président Izetbegovic a jamais signé d'autres accords avec d'autres
19 parties, qui auraient eu un effet ou qui auraient été en rapport avec
20 l'accord dont vous venez tout juste de parler ?
21 R. Oui. Deux jours seulement après cela, le président Izetbegovic a signé
22 avec M. Karadzic un accord similaire où il n'a pas été question de
23 Confédération. Il était question d'une union ou de républiques au sein
24 d'une union. Ce qui est intéressant au niveau de cet accord c'est :
25 d'abord, le fait qu'Izetbegovic l'avait fait sans pour autant le mentionner
26 du tout à la partie croate, il ne l'a pas mentionné auprès du président
27 Tudjman.
28 Et pour ce qui est de la teneur même de cet accord, ce qu'il est
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1 intéressant de noter, c'est que le président Izetbegovic a signé une
2 possibilité prévoyant pour la partie serbe, au bout de deux ans, la
3 possibilité de quitter cette union. En d'autres termes, la Bosnie-
4 Herzégovine serait démantelée.
5 Q. Très bien. Nous allons reparler de cela aussi plus tard. Je veux
6 m'assurer que tout est parfaitement clair dans mon esprit, et d'ailleurs
7 dans celui des Juges. Qu'est-ce que vous nous dites : vous dites que le
8 deuxième accord, conclu deux jours plus tard entre Izetbegovic et les
9 Serbes, envisageait la possibilité d'un dépeçage de la Bosnie-Herzégovine
10 deux ans après cet accord; est-ce ça ?
11 R. Exact.
12 Q. Bon. Nous allons bientôt examiner les documents, et nous le ferons
13 rapidement, mais une dernière chose auparavant. Est-ce qu'il vous est
14 arrivé d'être présent lorsque Izetbegovic a offert d'autres parties de la
15 Bosnie-Herzégovine à quelqu'un d'autre. Car j'ai un peu l'impression que,
16 partant de cet accord, il offre aux Serbes un morceau de la Bosnie-
17 Herzégovine. Est-ce qu'il lui est arrivé d'ouvrir à autrui d'autres parties
18 de la Bosnie-Herzégovine, et si ce fut le cas, à qui ?
19 R. J'étais présent à Genève, me semble-t-il, au printemps 1993, avant
20 l'événement en question, date à laquelle le président Izetbegovic a
21 directement proposé au président Tudjman l'annexion d'une région, celle de
22 l'Herzégovine occidentale, à la République de Croatie.
23 Q. Très bien.
24 R. Je pense que ça s'est passé dans une pause de négociations à Genève.
25 J'étais en compagnie du président Tudjman, et nous avons approché le
26 président Izetbegovic, comme cela était de coutume à l'occasion des pauses.
27 Juste avant cela, à la réunion, il y a eu une conversation assez
28 tendue entre la partie serbe - je dirais même désagréable - pour ce qui est
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1 de la partie bosnienne et le président Izetbegovic. Il me semble que le
2 président Tudjman avait plutôt pour motivation des raisons humaines pour ce
3 qui est de s'approcher. Je ne peux pas me souvenir exactement qui est-ce
4 qui était en compagnie du président Izetbegovic. Il me semble que c'était
5 M. Raguz qui était avec lui à ce moment.
6 Au travers de notre conversation, le président Izetbegovic, de façon
7 tout à fait directe, a proposé ce que je viens de vous dire. Autrement dit,
8 il s'agissait, pour l'Herzégovine occidentale, de la dissocier de la
9 Bosnie-Herzégovine et de l'annexer à la Croatie. Il n'a pas précisé le
10 territoire en question. Et le président Tudjman, lui, n'a pas accepté de
11 conversation de ce type.
12 Lorsque nous sommes partis, lors du déjeuner, le président a continué
13 à parler de cela. Mon impression était celle de dire qu'il s'est trouvé
14 surpris. Il a toutefois estimé qu'indépendamment du comment et du pourquoi
15 Izetbegovic l'avait présenté, convaincu donc que cela ne pourrait
16 constituer ou apporter une solution ni pour la solution de la crise en
17 Bosnie-Herzégovine, ni pour ce qui est du statut du peuple croate en
18 Bosnie-Herzégovine.
19 Au bout d'un certain temps, et je dirais qu'il s'est passé plus d'un
20 an peut-être, voire même davantage de temps, lorsque j'ai parlé de cet
21 épisode au ministre Granic, qui se trouvait être ministre des Affaires
22 étrangères à l'époque, il m'a raconté que lui s'était trouvé présent une
23 fois à une réunion où le président Izetbegovic avait avancé une proposition
24 similaire. Cette autre proposition, dont a parlé, comme je viens de le
25 dire, le ministre Granic, englobait même des précisions territoriales. Il a
26 été précisé quelles étaient les municipalités qui entreraient dans la
27 composition de ce territoire ainsi dissocié. Cependant, d'après Granic, le
28 président Tudjman, à cette occasion-là aussi, a refusé de parler de ce type
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1 de solution.
2 Q. Fort bien.
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Un instant, excusez-moi. Monsieur
4 Zuzul, vous avez dit qu'il y avait des raisons humaines. C'est en tout cas
5 la traduction que j'ai reçue. Pourriez-vous étoffer votre propos ? Est-ce
6 que vous parliez de raisons d'ordre personnel ? Qu'est-ce que ça veut dire
7 des raisons humaines ? Je ne comprends pas bien.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant cette session, et là je parle de
9 mémoire, il me semble qu'il y a eu une attaque verbale assez rude de la
10 part de M. Krajisnik, me semble-t-il, vis-à-vis de M. Izetbegovic. Il
11 semblait que M. Izetbegovic, probablement, s'était trouvé blessé par cette
12 façon de parler au sein d'une salle de négociations. Je précise aussi qu'il
13 y a eu plusieurs situations où les négociateurs serbes avaient coutume
14 d'adopter une façon rude, je dirais même vulgaire, pour ce qui est du
15 comportement à l'égard des autres délégations. Et cela a été l'une des
16 situations de ce type.
17 Pour ce qui est du président Tudjman, je pense qu'il s'est approché de lui
18 de façon humaine, et ça, c'est une interprétation que j'en fais. Je veux
19 être clair sur ce point.
20 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
21 M. KARNAVAS : [interprétation]
22 Q. Bien. On me dit qu'il faudrait peut-être dire en anglais ce que "lucki"
23 veut dire parce que la traduction qu'on a reçue en anglais n'est peut-être
24 pas juste.
25 R. Je dirais aussi, moi, humaine; enfin, qui se base sur l'empathie.
26 Q. En d'autres termes, Izetbegovic avait été un peu assailli et il était
27 un peu dans son coin. Tudjman, cet homme d'Etat, s'approche de cet être
28 humain pour peut-être le consoler après qu'il ait été attaqué par
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1 Krajisnik; c'est ça ?
2 R. C'est comme ça que j'interprétais les choses.
3 Q. Et c'est au cours de, disons, cet échange, qu'Izetbegovic a offert
4 l'Herzégovine occidentale, qu'a rejetée Tudjman.
5 R. Mais ça n'a pas été une réaction immédiate. Nous avons entamé une
6 conversation qui a porté sur des sujets variés. Et à un moment donné, on a
7 commencé à parler de la nécessité d'aboutir enfin à une solution. A ce
8 moment-là, le président Izetbegovic a dit : "Et bien, si" -- enfin, je
9 n'ose pas citer exactement. Mais à ce moment-là, il a avancé une
10 proposition aux termes de laquelle l'Herzégovine occidentale pourrait se
11 dissocier et être annexée à la Croatie.
12 Q. Restons à ce sujet encore un instant. Est-ce qu'il y a eu une contre-
13 proposition du président Tudjman : "J'ai pas besoin de l'Herzégovine
14 occidentale. Donnez-moi Neum, puisque c'est un port en profondeur." ?
15 R. A ce moment-là, il n'y a pas eu de proposition d'avancée du côté du
16 président Tudjman du tout, mis à part une réponse claire disant que ce
17 n'était pas une solution acceptable.
18 Q. Très bien. Nous allons maintenant examiner certains documents. Je vais
19 vous demander de fournir des réponses concises et si j'ai besoin d'un
20 complément d'informations je vous le dirai, car nous avons un grand nombre
21 de documents. Il faut donc que nous agissions promptement, mais je pense
22 que les informations que vous avez fournies sont une bonne base.
23 Vous devriez avoir reçu des classeurs, à moins qu'on les ait emportés. Non,
24 ils sont là.
25 R. Oui.
26 Q. Prenons le premier, premier document 1D 02039.
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Vous voyez, ici nous l'avons. C'est la
28 constitution de la République de Croatie. Nous l'avons déjà vue. C'est un
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1 document que tout le monde connaît ici vu la conversation que nous avons
2 eue hier. Je pense que c'est bien connu, mais puisque vous êtes le premier
3 témoin.
4 Q. Nous avons un témoin qui s'appelle Donia, qui travaille pour
5 l'Accusation et qui est venu témoigner ici. Il a fourni un rapport dans
6 lequel il fait des références à la Banovina. Il a cité d'autres personnes à
7 l'appui de sa thèse, qui veulent que le président Tudjman avait des
8 velléités de rétablir les confins de la Banovina et à Hrvatska. Dans son
9 rapport, comme au cours de sa déposition, il a fait référence à la
10 constitution plus exactement à son préambule.
11 Je voudrais que vous examiniez ce document 1D 02039, c'est la
12 première page, l'avant-dernier point ou tiret qui dit ceci : "Pour établir
13 la Banovina de Croatie en 1939, par laquelle l'état ou l'identité de l'Etat
14 de Croatie a été rétabli dans le royaume de Yougoslavie."
15 Pourriez-vous nous apporter un commentaire sur ce préambule, mais
16 sachant que d'abord vous n'êtes pas l'auteur de la constitution mais que
17 vous étiez membre du gouvernement ? Vous êtes Croate, vous devez connaître
18 la constitution de votre pays; est-ce que vous avez un commentaire ?
19 D'autant que vous travaillez aussi avec M. le président Tudjman.
20 R. Bien sûr, que je puis commenter. Je pense connaître relativement
21 bien la constitution croate en ma qualité de citoyen ainsi qu'en ma qualité
22 de représentant officiel.
23 C'est de façon catégorique que j'affirme que ce type d'interprétation
24 n'a rien à voir avec l'idée qui se trouve au niveau de ce qui constitue
25 préambule à la constitution croate.
26 Q. Et pourquoi ?
27 R. Parce que toute personne lisant cette page -- ce texte sans pour
28 autant nécessairement avoir des connaissances juridiques, comprend
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1 clairement qu'il est question ici d'une continuité du droit croate à la
2 souveraineté et non pas à un territoire parce que, si l'on parlait ou si
3 cela se rapportait à un territoire, ceci se trouverait être tout à fait
4 absurde car le territoire de la Croatie à la lecture de tout cela
5 constituerait 10 % du territoire présent, ou ça pourrait aller jusqu'à 200
6 % des territoires actuels. Ça engloberait des territoires de l'Autriche et
7 de la Hongrie, de l'Italie, de la Slovénie, et peut-être même jusqu'au
8 Saint-siège de l'église catholique.
9 Alors, si je puis vous apporter une explication complémentaire, en
10 quoi consiste l'importance de cette Banovina croate dans le contexte du
11 droit à la continuité des Croates à un état.
12 Comme on le sait partant de l'histoire et c'est ce qui est évoqué
13 ici, en 1918, après le démantèlement, la désintégration de la monarchie
14 austro-hongroise, et à la fin de la Première Guerre mondiale, partant aussi
15 du principe du droit à l'autodétermination avancé par Woodrow Wilson, le
16 président des Etats-Unis d'Amérique, les Croates -- ou plutôt, les
17 représentants croates à la Conférence de Versailles ont opté en faveur
18 d'une unification avec les Serbes et les Slovènes pour constituer un
19 royaume des Serbes, Croates et Slovènes. En sauvegardant et préservant leur
20 souveraineté ainsi que leur propre parlement, ça a duré jusqu'en 1928,
21 lorsque les représentants des Croates ont été abattus dans un attentat à
22 l'intérieur même du parlement yougoslave.
23 Suite à quoi, en 1929, le roi de l'époque, le roi de Yougoslavie a
24 octroyé une nouvelle constitution, définissant la Yougoslavie en tant que
25 monarchie absolue. Cette constitution a aboli quelle que souveraineté que
26 ce soit pour ce qui est du peuple croate.
27 Pour cette raison-là, il est extrêmement important eu égard à la
28 continuité de l'idée et au fondement constitutionnel et juridique en 1939,
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1 de préciser qu'il y a eu concertation entre représentants des gouvernements
2 serbes et croates, Cvetkovic et Macek suite à une décision du roi pour
3 donner lieu à une décision portant création d'une Banovina, étant le Bana
4 croate. Ça ne s'est jamais réalisé car, peu de temps après, il y a eu une
5 Deuxième Guerre mondiale. Mais pour ce qui est de la Croatie, cela est très
6 important parce qu'on lui a restitué son droit à la souveraineté croate qui
7 se perpétue au niveau des documents de 1943, 1945, et ça va jusqu'à la
8 constitution de 1974.
9 Je ne veux pas prétendre être expert en matière de questions ou de sujet
10 constitutionnel ou de questions de droit, mais je suis personnellement
11 convaincu que c'est là, la seule et unique bonne interprétation de ce qui
12 constitue le préambule.
13 Q. Merci. Pourriez-vous nous aider de façon plus concrète, bien entendu, à
14 la lumière de votre explication mais vu dans un autre contexte ?
15 John Kenneth Galbraith - plus exactement son fils, vous le connaissez - cet
16 économiste célèbre, mais son fils est venu déposer car il était ambassadeur
17 américain en Croatie. Il s'appelle Peter Galbraith. Il a déclaré que le
18 président Tudjman avait des aspirations territoriales. Il croyait que la
19 Bosnie-Herzégovine n'allait pas et ne devrait pas continuer à rester un
20 état souverain et qu'une partie importante de la Banovina, du territoire de
21 Bosnie, devrait désormais devenir une partie du territoire croate. Il dit
22 qu'il s'est forgé cette opinion après avoir souvent rencontré quelquefois
23 plusieurs fois dans une même journée Tudjman. Il disait que Tudjman avait
24 un préjugé à l'égard des Musulmans de Bosnie et il a dit même à un moment
25 donné que, mais ceci étant un argument qu'il présentait pour étayer
26 davantage sa thèse, il disait qu'apparemment, la Croatie avait pour
27 politique d'accorder la citoyenneté croate à tout Croate de souche qui
28 voulait devenir Croate par rapport à la Bosnie-Herzégovine de l'époque,
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1 c'était une autre façon d'asseoir ses ambitions territoriales.
2 Et je vous cite ceci, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour vous
3 rappeler que ce témoin a déposé le 12 septembre 2006, en audience publique,
4 et les passages que j'ai synthétisés viennent de la page 6 435, de la page
5 6 436, des pages 6 427 et 28 ainsi que des pages 6453 et 54.
6 Première question : est-ce que vous avez rencontré M. Peter Galbraith ?
7 R. Oui, je le connais bien.
8 Q. Rappelez-vous, vous avez parlé hier d'un Groupe de contact et d'après
9 le contexte que vous avez esquissé, j'ai compris qu'il avait vu le jour
10 parce que le plan Owen-Stoltenberg avait capoté alors que là c'était un
11 effort conjoint des Nations Unies et de l'Union européenne.
12 R. C'est l'impression que j'ai eue. Je pense que c'est exact.
13 Q. Vous dites qu'un des membres du Groupe de contact était des Etats-Unis.
14 Je vous ai demandé ou je note ceci, puisque Peter Galbraith était
15 l'ambassadeur américain en Croatie, est-ce qu'il représentait son pays au
16 cours de ces négociations dans le Groupe de contact, à votre connaissance ?
17 R. Non. Il n'était pas un représentant au sein du Groupe de contact. Le
18 représentant des Etats-Unis d'Amérique, le plus actif des représentants des
19 Etats-Unis d'Amérique, celui qui a été nommé à ce poste par le président
20 Clinton, c'était l'ambassadeur Charles Redman.
21 Q. Très bien. Alors, connaissiez-vous bien Peter Galbraith ?
22 R. Je pense que je le connaissais plutôt bien.
23 Q. Bien. Il indique que le président Tudjman ne voulait pas que la Bosnie-
24 Herzégovine existe. Est-ce que c'est exact selon vous ?
25 R. Je pense que cette déclaration est inexacte.
26 Q. Et qu'en est-il de sa déclaration selon laquelle il souhaitait rétablir
27 les frontières le long de la Banovina ?
28 R. Je pense que là encore nous avons une déclaration inexacte.
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1 Q. Bien. Il a parlé de cette politique. Politique, précisément, j'ai
2 souligné ce terme, parce que dans certains cercles et dans certaines
3 circonstances ça pourrait une notion un peu négative. Alors, vous qui
4 connaissez bien la constitution croate : les Croates où qu'ils se trouvent,
5 quel que soit leur lieu de naissance, ont-ils la possibilité au titre de
6 cette constitution de disposer d'un passeport croate ?
7 R. Oui.
8 Q. Par ailleurs, les Croates où qu'ils se trouvent dans le monde, ont-ils
9 la possibilité, grâce à la constitution, d'être député dans le Sabor ?
10 R. Oui.
11 Q. Et si je ne m'abuse, certains sièges sont spécifiquement alloués à ces
12 Croates parce que si l'on remonte dans l'histoire il y a toujours eu des
13 communautés croates qui se sont constituées dans le monde et qui ont été
14 organisées de façon à répondre à ses besoins particuliers ?
15 R. C'est exact. Et si je puis ajouter quelque chose, à savoir souvent j'ai
16 la sensation qu'on interprète de manière erronée cela. Même s'il existe
17 toute une série d'états qui accordent ce droit à leurs citoyens qui vivent
18 à l'étranger, leur diaspora, de prendre part à leur vie parlementaire, la
19 Croatie quant à elle avait toute une série de raisons qui pouvaient la
20 citer à leur accorder ce droit, leur donner cette possibilité car, à partir
21 du moment où par la volonté des citoyens suite à des élections
22 démocratiques, l'Etat -- la République libre de Croatie a été créée, est
23 reconnue sur le plan international, on ne pouvait pas et on devait pas
24 passer sous silence le fait qu'il y avait pratiquement le même nombre de
25 Croates vivant sur le territoire de la Croatie et de Croates éparpillés de
26 par le monde, donc à l'extérieur de la Croatie.
27 Pourquoi on ne devait pas passer outre ce fait ? Une bonne partie des
28 Croates se sont exilés pour des raisons économiques, cependant, un grand
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1 nombre de Croates sont partis aussi pour des raisons politiques du temps du
2 communisme, et cela ils ne pouvaient pas revenir dans le pays physiquement,
3 ils ne pouvaient pas le faire même pendant les vacances ou pour visiter
4 leurs proches. Donc, le fait de donner la possibilité aux Croates faisant
5 partie de la diaspora de prendre part à la vie politique en Croatie, ce
6 fait d'une certaine façon a permis de corriger dans une certaine mesure au
7 moins l'injustice pour laquelle ils n'assumaient -- ils ne devaient assumer
8 aucune responsabilité.
9 Et on a également introduit une disposition qui existe dans toute une
10 série d'Etats démocratiques.
11 De même, si je puis.
12 Il me semble que c'est assez important puisque dans votre question
13 vous m'avez demandé également ce qui en était de la possibilité de ce faire
14 émettre un passeport croate. Est-ce que je peux en parler ?
15 Q. Très brièvement.
16 R. Il est exact de dire que la grande majorité des Croates qui vivent en
17 Bosnie-Herzégovine possèdent également la citoyenneté croate et le
18 passeport croate puisque ceci est autorisé tant par les lois de la
19 République de Croatie que par les lois de Bosnie-Herzégovine. Cela étant
20 dit, sur la base de ce que j'en sais, je pense pouvoir affirmer que l'autre
21 Etat avec un certain nombre de -- que le deuxième Etat, d'après sa taille
22 quant au nombre de ressortissants ayant un passeport croate, ce sont les
23 Etats-Unis d'Amérique, donc, d'après ce que disait l'ambassadeur Galbraith,
24 on avait l'important qu'il y avait des aspirations croates sur le
25 territoire des Etats-Unis d'Amérique. Donc, j'affirme que c'est une
26 affirmation absurde, que ces deux choses n'ont aucun lien. Que le droit de
27 se faire délivrer un passeport ne peut être confondu avec les aspirations
28 territoriales.
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1 Q. Merci. Nous allons maintenant passer au document suivant, 1D 02910,
2 c'est une retranscription présidentielle. C'est un numéro
3 D parce que les pages ont été ajoutées, et nous avons traduit 12 pages, P
4 00037 au départ, donc, les 12 pages supplémentaires sont l'ajout que nous
5 avons fait. Ce qui veut dire tous ici dans le prétoire auront un peu de
6 lecture supplémentaire à faire.
7 Bien. J'aimerais lire ce qui figure dans la liste 65 ter de l'Accusation à
8 propos de ce document. Ce sera la base de mes prochaines questions. Vous
9 avez ceci, Monsieur le Témoin, voici ce que dit le Procureur. Cette
10 transcription montre que Franjo Tudjman avait des ambitions territoriales
11 claires vis-à-vis de la Bosnie. Cette transcription évoque également
12 l'accord conclut entre les Serbes et les Croates à Karadjordjevo en vue de
13 diviser ou de scinder la Bosnie. Ensuite, on donne des références aux pages
14 2, 5 à 8, 38 à 39. Avez-vous le document sous les yeux ?
15 R. Oui, je l'ai sous les yeux.
16 Q. Bien. C'est donc une transcription présidentielle qui vient de la 7e
17 Session du Conseil d'Etat suprême qui correspond à la date du 8 juin 1991.
18 D'abord, étiez-vous présent ?
19 R. Non, je n'étais pas présent. A ce moment-là, je n'avais pas d'activité
20 politique.
21 Q. Très bien. Avez-vous eu la possibilité de prendre connaissance de ce
22 transcript présidentiel ?
23 R. Oui, oui.
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, un instant. Excusez-
25 moi. Une correction, s'il vous plaît. Dans le compte rendu, quelque chose a
26 disparu, malheureusement, mais le numéro du document n'aurait pas reflété
27 correctement. Il y a un petit 8 en trop, et ça risque de poser problème
28 pour s'y retrouver par la suite.
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1 M. KARNAVAS : [interprétation] D'accord. Alors je redonne le numéro de la
2 pièce, c'est 1D02910.
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] En effet, c'est exact. Merci.
4 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, tout à fait. La pièce de l'Accusation
5 portait la cote P00037. La seule chose, c'est que nous avons ajouté par la
6 suite un certain nombre de pages, notamment les pages 96 à 100 ainsi que
7 d'autres. Vous serez en mesure de remarquer quelles sont les pages en
8 question. Elles ne sont pas numérotées, mais vous verrez qu'il est inscrit
9 : "Traduction officieuse provisoire," "unofficial translation," en anglais,
10 en haut à droite de la page.
11 Q. Bien, quoi qu'il en soit, passons à la deuxième page très brièvement.
12 J'aimerais que vous vous intéressiez à ce qui est dit à propos de la
13 sixième réunion du président de la république.
14 On voit : "Comme on peut le conclure du communiqué, certains progrès ont
15 été accomplis dans les pourparlers qui se sont tenus jusqu'à présent et que
16 la Serbie, à savoir également le Monténégro, a accepté le principe
17 fondamental de l'établissement d'une alliance de république souveraine."
18 Et puis le texte se poursuit, vous voyez, et l'on voit ensuite le nom de
19 Izetbegovic en bas de la page.
20 Alors, d'abord, pourriez-vous nous expliquer ce qu'il en est du contexte ?
21 Nous sommes en juin 1991, le 8 juin exactement. Alors que se passe-t-il à
22 ce moment-là en Yougoslavie et autour de la Yougoslavie ? Et je vais
23 demander -- s'il vous plaît, je vais demander soit de parler un petit peu
24 plus vite, soit d'être un peu plus synthétique pour que nous puissions
25 avancer.
26 Je suis désolé auprès des interprètes qui doivent aussi accélérer la
27 cadence.
28 R. A ce moment-là, je dirais que c'est pratiquement dans l'état de panique
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1 qu'on cherche une solution pour empêcher l'effondrement et la dissolution
2 de la Yougoslavie. Il est tout à fait clair, à ce moment-là, que la
3 Yougoslavie ne peut pas se maintenir à l'état où elle est ou sous sa forme
4 à ce moment-là. La présidence collégiale ne fonctionne pas, toutes les
5 républiques constitutives ont leurs gouvernements et leurs présidents et on
6 cherche une solution. Les présidents se rencontrent régulièrement, ceci
7 fait partie de cette recherche, l'on voit que cela découle. Donc, cette
8 réunion se tient après la sixième rencontre des présidents. La communauté
9 internationale, pour sa part, ne -- semble plutôt manquer d'intérêt par
10 rapport à la dissolution de la Yougoslavie. Certes, elle fait part de sa
11 position, elle dit qu'elle estime que la Yougoslavie devrait se maintenir
12 sous une certaine forme.
13 Deux républiques occidentales, la Slovénie et la Croatie, qui, j'ose le
14 dire, certainement étaient les plus développées sur le plan économique,
15 mais aussi où le processus de démocratisation interne de la société était
16 le plus avancé, ces deux républiques, donc, proposent un modèle, modèle
17 d'une organisation confédérative de la Yougoslavie. Autrement dit, il ne
18 s'agit pas nécessairement du démantèlement de la Yougoslavie, mais de
19 l'organiser comme une Confédération un petit peu à l'imagine de la
20 Commission européenne, voire même du Benelux au départ. C'est une
21 proposition qui a été formulée sur la base d'une idée lancée par le
22 président Tudjman, une Commission mixte slovène-croate a élaboré cette
23 idée. Les représentants de la Serbie et du Monténégro ont rejeté ne serait-
24 ce que d'entamer des pourparlers là-dessus et avancent une proposition tout
25 à fait contraire -- opposée pour le maintien de la Yougoslavie, à savoir
26 rendre l'Etat encore plus unitaire qu'il ne l'a été en fonction de la
27 constitution de 1974, et serait placée très notement
28 -- très clairement sous la domination de la Serbie et de Belgrade.
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1 C'est -- l'élément clé, à ce moment-là, c'était la position qui allait être
2 adoptée par le président de la Bosnie-Herzégovine,
3 M. Izetbegovic, et également par M. Gligorov, qui était le président de la
4 Macédoine. Ces deux hommes ont eu du mal à prendre une décision puis
5 finalement, lorsqu'ils ont fait part de leur position, elle se rapprochait
6 considérablement de la position de Belgrade et de la Serbie. Et M.
7 Izetbegovic, à un moment donné, a également déclaré que la Bosnie-
8 Herzégovine serait prête à se maintenir dans cette Yougoslavie réduite.
9 Après cela - et c'est uniquement après cela et après ce document - la
10 Slovénie et la Croatie prennent des mesures qui mènent au démantèlement de
11 la Yougoslavie -- mènent à leur départ de la Yougoslavie. Ce qu'il convient
12 de souligner, même si à ce moment-là cela -- ce plan international, on n'a
13 pas vraiment prêté attention à cela, il était tout à fait clair que sur le
14 territoire de l'ex-Yougoslavie, une guerre allait éclater, car l'armée
15 yougoslave était prête à intervenir. D'ailleurs, c'était à peu près au
16 début de l'année 1991, on le sait maintenant clairement, ils avaient
17 préparé une situation où l'armée allait reprendre le pouvoir. Et,
18 d'ailleurs, tout un chacun savait -- comprenait que la Serbie était en
19 train de se préparer pour la guerre. Il y avait une formule qui a été
20 reprise dans un des livres : "Peut-être que nous ne savons pas travailler,
21 mais nous savons nous battre." Et cette formule a été reproduite par toute
22 une série d'hommes politiques serbes.
23 Aujourd'hui, par exemple, lorsqu'on lit ces documents, on voit quelles ont
24 été les anticipations de la CIA et d'autres instances. Ils ont prévu un
25 démantèlement de la Yougoslavie par la guerre et ils ont pensé que cette
26 guerre serait sanglante. Mais, à ce moment-là, ces personnes -- enfin, sur
27 le plan international, personne n'a vraiment prêté attention à cela, et je
28 pense que c'est dans ce contexte général qu'il convient de situer ce débat-
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1 ci.
2 Q. Très bien. Alors, y a-t-il eu des discussions particulières pour
3 dépecer telle ou telle république, parce qu'ici, il y a quelques références
4 à Karadjordjevo et l'Accusation avance, entre autres, qu'il y a eu une
5 réunion entre Tudjman et Milosevic, et qu'au cours de cette réunion, ils
6 avaient décidé de scinder -- de couper en deux la Bosnie.
7 R. Dans ce document, je n'ai pas trouvé un rapport parlant de la rencontre
8 de Karadjordjevo. Peut-être que c'est une omission de ma part, mais il me
9 semble qu'il n'y est pas.
10 Q. Bien. Alors, j'aimerais que l'on parcoure, à la page 38, un passage de
11 ce document. Nous avons pas le temps de passer en revue tout le document,
12 il nous faudrait des heures entières. Mais je vais simplement attirer votre
13 attention sur cette page.
14 Donc, la page 38, voici ce qui est dit : "Le président : Très bien,
15 concluons sur ce point. Premièrement, s'agissant de cette proposition, j'ai
16 dit - et le procès-verbal le reflètera - que cette proposition
17 d'Izetbegovic et Gligorov est, en fait, une tentative visant à préserver
18 et, d'une certaine manière, à renforcer la constitution de 1974,
19 fondamentalement, en tout cas. La Serbie l'a accepté, mais étant donné sa
20 propre interprétation eu égard à la création d'une fédération démocratique
21 plus effective, ils sont sûrs de ne pas changer d'avis à cet égard. Par
22 conséquent, la solution réside dans ce qui est dit ici, à savoir la
23 division de la Bosnie-Herzégovine. Et si nous y parvenons, peut-être
24 pourrons-nous trouver une base permettant la mise en place d'un alliance de
25 république et d'état souverain."
26 Ensuite, cela continue : "Je crois que nous devrions parvenir à cela parce
27 que ceci va tout autant dans le sens des intérêts de la Serbie que de ceux
28 de la Croatie. La composante musulmane n'a pas d'autre porte de sortie si
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1 ce n'est d'accepter cette solution même s'il ne sera pas facile de trouver
2 la solution, mais en gros c'est celle-là. Voilà."
3 Ensuite, il y a un autre paragraphe où il parle de la Communauté
4 européenne, et le dernier paragraphe -- en tout cas, le paragraphe suivant
5 se conclut ainsi : "Par conséquent, la question se pose de savoir si une
6 communauté est possible, s'agissant des rapports économiques et autres qui
7 existent dans la partie orientale de la Yougoslavie."
8 Alors, si vous regardez cette partie du texte, une page parmi 163 pages, on
9 peut avoir l'impression que ce que propose Tudjman en réalité c'est qu'il y
10 ait découpage de la Bosnie-Herzégovine et répartition de ces différentes
11 parties au moins entre la Serbie et la Croatie. Alors, est-ce que c'est
12 l'impression que vous avez dégagée à la lecture de ce document ?
13 R. L'impression que j'ai eue c'est qu'il a relaté -- repris la
14 conversation dont il est question, donc, de cette conversation, il s'agit
15 de cette conversation entre les six présidents. Je ne pense pas du tout
16 qu'il s'est agi d'une proposition car il ressort de cette transcription
17 dans son intégralité qu'il n'est jamais question de discuter de cette
18 proposition. C'est tout le contraire, la conversation porte sur la question
19 de la Confédération de toutes les républiques, donc, des six républiques du
20 moment par la décision de leur -- par la voie de -- d'une décision prise
21 par leur président élu. J'ai -- par exemple, j'ai ici le texte croate sous
22 les yeux, page 0 952 du texte croate, où le président Tudjman dit de
23 manière explicite : "Nous pouvons partir du fait que la Croatie peut
24 trouver un certain intérêt dans le maintien d'une communauté des états
25 souverains." Et, je pense que c'est là qu'on arrive à la ligne directrice,
26 l'idée majeure, d'après moi, de l'ensemble de sa politique en tant qu'homme
27 d'état où il dit : "De cette manière-là, qu'on aboutisse à un partage
28 pacifique." Il ajoute : "A une solution pacifique du problème croate serbe
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1 sur le territoire croate et ailleurs." Donc, je pense que c'est uniquement
2 dans le contexte de la situation de l'époque et aussi dans --
3 Q. Oui, oui, j'y arrive.
4 M. KARNAVAS : [interprétation] Alors, il devrait y avoir des numéros de
5 pages; la première page était la page 43, Monsieur le Président. Moi aussi,
6 je veux que tout ceci soit clair dans le compte rendu.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [Hors micro]
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Vous devriez avoir la page 43 sur 163.
9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai la page 9, et ensuite, je passe
10 directement aux pages 38, 39 et 40. Alors, je n'ai pas la page dont vous
11 parlez. Je n'ai pas la page 34.
12 Je sais que je fais l'objet d'une discrimination ici parce qu'il semblerait
13 que les autres Juges de la Chambre disposent de la page en question, je
14 vais penser aux mesures à prendre pour réagir face à une telle
15 discrimination.
16 M. KARNAVAS : [interprétation] Nous nous excusons auprès de vous, et nous
17 photocopions et nous imprimons énormément de pages et je vais donc rejeter
18 la faute sur la technologie.
19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vos excuses sont acceptées.
20 M. KARNAVAS : [interprétation] C'est une traduction de l'Accusation mais
21 attention je n'accuse pas l'Accusation ici d'être à l'origine de tout ceci.
22 M. SCOTT : [aucune interprétation] --
23 M. KARNAVAS : [interprétation] Tout le monde semble être extrêmement
24 susceptible.
25 M. SCOTT : [hors micro]
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Non, ce que j'ai essayé de faire comprendre
27 c'est que cette partie du texte a été traduite par le Procureur tandis que
28 nous, nous avons fait traduire d'autres pages. Donc il ne devrait pas y
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1 avoir de pages manquantes mais, bien sûr, c'est notre faute, il y a eu un
2 petit problème au moment de la photocopie de ces documents. Il faut que
3 l'Accusation fasse moins de preuve de susceptibilité.
4 M. SCOTT : [hors micro]
5 M. KARNAVAS : [interprétation]
6 Q. [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je profite de ce problème
8 technique pour vous poser une question connexe. Nous avons un compte rendu
9 présidentiel qui est celui relatif à la septième session du conseil suprême
10 de l'Etat de la République de Croatie tenue le 8 juin 1991. Il y a
11 plusieurs mois, il y a eu une contestation de la part de la Défense sur ces
12 transcripts présidentiels, et comme apparemment vous êtes quelqu'un qui a
13 peut-être participé à une de ces réunions, vous allez pouvoir lever
14 certains problèmes.
15 Première question, avez-vous vous-même participé à des réunions du conseil
16 suprême de l'Etat ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas participé à cette réunion. Je me
18 suis contenté de lire les transcriptions.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais avez-vous participé à d'autres réunions ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai participé à de nombreuses réunions
21 mais c'est à partir du moment où en 1992, je suis arrivé à mon poste.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, en 1992. Quand vous participiez à ces réunions
23 avec le président Tudjman, y avait-il quelqu'un qui était chargé
24 d'enregistrer tout ce qui se disait entre les participants ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, oui, c'est exact. Lors de ce type
26 de réunion, oui.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : C'était un secrétaire, un fonctionnaire, une
28 personne spécialisée ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces réunions étaient enregistrées et par la
2 suite, on écrivait des procès verbaux, des transcriptions des
3 enregistrements. Pour autant que je le sache, plusieurs personnes engagées
4 professionnellement en tant que dactylographes le faisaient.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Vous venez par vos réponses
6 d'authentifier la réalité de ces transcripts.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux ajouter quelque chose,
8 Monsieur le Président ?
9 M. KARNAVAS : [interprétation] Bien. Nous allons je l'espère aujourd'hui
10 parler d'un transcript où est mentionné M. Zuzul. Il y a un échange, nous
11 le verrons auquel il n'a pas participé. Alors l'authenticité, c'est une
12 chose, la précision et l'exactitude c'en est une autre. Mais nous y
13 viendrons à un moment donné ou à un autre.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Le témoin voulait rajouter quelque chose.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était véritablement ce que M. le
16 Défenseur vient de mentionner. A la lecture de ces transcriptions, j'ai
17 l'occasion là pour la première fois d'en prendre connaissance de manière
18 détaillée, j'ai pu remarquer nombre d'erreurs. Il y a beaucoup d'erreurs
19 dans le texte, des citations ou des identifications de personnes, et
20 puisque je sais quelles ont été les circonstances dans lesquelles on a fait
21 les enregistrements, je sais que ces conditions n'étaient pas
22 satisfaisantes, ce qui ne m'étonne pas. Mais j'ai la sensation
23 personnellement qu'il faut procéder à une solide vérification de chacune
24 des transcriptions. Et, je me servirai de l'exemple de ma propre personne
25 pour vous dire par la suite, par exemple pour vous signaler une erreur ou
26 des erreurs dans les transcriptions.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
28 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, votre problème
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1 est-il résolu ? Oui, toutes nos excuses, une fois encore. L'Accusation n'y
2 est pour rien. Je ne voulais pas faire porter la faute sur qui que ce soit
3 d'autre.
4 Q. J'ai remarqué que dans l'une de vos réponses, vous avez utilisé un
5 terme "unitaire," ou "cherchant à unifier," en tout cas, et j'ai vu que sur
6 l'une des pages que nous avons faites traduire ça devrait être les pages -
7 je ne sais pas - 46, 47 -- 96 à 99, quelque chose comme cela. Donc, pas 46,
8 47, 48, 49, mais 96, 97, 98 et 99. Il est dit la chose suivante : "Par
9 conséquent, il est nécessaire que nous coopérions jusqu'à ce que toutes les
10 possibilités aient été épuisées et que nous établissions, en principe et
11 sur un plan personnel, les meilleurs rapports possibles, parce que ceci va
12 dans notre intérêt et c'est aussi dans l'intérêt de l'armée et des
13 individus, parce que nous ne resterons pas silencieux. Bien entendu, nous
14 ne resterons pas silencieux à propos de tels cas. Nous leur ferons valoir
15 l'existence de ces éléments, des éléments communistes dogmatiques et
16 promoteurs du concept de la Grande-Serbie unitaire, puisqu'ils existent
17 dans la société, et pas seulement au sein de l'armée, mais également dans
18 toutes les strates de la société, ainsi que des extrémistes qui se cachent
19 parmi nous et risquent d'entraver une solution politique."
20 Voilà, j'aimerais m'attarder un petit peu là-dessus, sur ce concept de
21 Grande-Serbie "unitaire." Qu'est-ce que cela veut dire ?
22 R. S'agissant de nous autres qui avons grandi en Yougoslavie, cette
23 signification d'"unitariste" était un terme au quotidien. Ce n'était pas
24 seulement un élément qui découlait de la pratique juridique, parce que plus
25 l'Etat fédéral était unitaire, voire unitariste, moins il y avait de droits
26 à l'égard des républiques. L'histoire de la Yougoslavie est une histoire de
27 définition d'unitarisme par rapport à l'aménagement fédéral.
28 Dans ce paragraphe concret que vous venez de citer, le président
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1 Tudjman, de mon avis, fait référence à un événement déjà survenu en Serbie
2 à ce moment-là. A l'époque de la Yougoslavie, en Serbie, dans le contexte
3 de ce système fédéral découlant de la constitution de 1974, à l'intérieur
4 de la Serbie il y avait deux provinces autonomes, la Vojvodine et le
5 Kosovo.
6 Au moment où il est débattu de la question, la Serbie avait déjà
7 aboli les droits d'autonomie dans les deux provinces, et en particulier au
8 Kosovo. Et c'est à partir de ce moment-là jusqu'à maintenant, où il y a eu
9 proclamation d'un Etat et reconnaissance de l'indépendance du Kosovo en sa
10 qualité d'Etat à part, depuis ce jour-là, la crise au Kosovo a duré. Le
11 président Tudjman ne l'ignorait pas. Il le savait fort bien. Les autres
12 participants ici présents le savaient également.
13 Il fait référence à cette Serbie unitariste supprimant tous ces
14 droits d'autonomie et convie à la création d'une Yougoslavie alors qu'il
15 est clair que cette Yougoslavie ne serait pas construite sur un des
16 fondements fédéraux ou confédéraux, mais unitaristes. C'est à cela que se
17 réfère ce passage-ci.
18 Q. Très bien. Avançons. Passons au document suivant, car nous avons pris
19 un peu de retard. Document 1D 00894. Ceci vient de "L'odyssée des Balkans."
20 Nous avons déjà vu ce document. Nous avons déjà vu ces pages aussi, donc,
21 ceci ne constitue pas un document nouveau. Il n'y aura aucune surprise. Il
22 y a une chose que je souhaite soumettre à votre examen.
23 Lord Owen, dans le chapitre 2, dit ceci -- nous nous trouvons à la fin du
24 deuxième paragraphe de la première page. "Le Pays-Bas avait la présidence
25 de la Communauté européenne à partir du moment où éclate la guerre en
26 juillet jusqu'en décembre 1991, et suite à un visite à La Haye, j'ai
27 découvert que le 13 juillet 1991, lorsque les déclarations d'indépendance
28 de Slovénie et de Croatie n'avait que 18 jours d'existence, le gouvernement
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1 néerlandais avait suggéré aux autres pays membres de l'union européenne que
2 l'option des modifications convenues à certaines des frontières internes
3 entre les républiques yougoslaves soit examinée."
4 Si je vous demande d'examiner ceci, c'est parce qu'ici on parle de modifier
5 les frontières internes. Au vu de votre expérience, savez-vous s'il y avait
6 des négociateurs internationaux qui - et j'insiste sur ceci - qui lançaient
7 l'idée qu'on pourrait éventuellement déplacer les frontières internes ? Si
8 je le dis, c'est parce que, dans la thèse de l'Accusation de l'entreprise
9 criminelle commune, c'était la Croatie qui était à l'origine de ce projet
10 de modification des frontières.
11 M. SCOTT : [interprétation] Merci.
12 Monsieur le Président, je sais qu'il y a des Juges de la Chambre qui
13 n'aiment pas nécessairement que l'on intervienne. Je crois que je suis
14 resté muet, sauf une fois aujourd'hui. Mais ici, je dois faire objection et
15 je ne cesserai de le faire parce que
16 Me Karnavas n'a pas de bonnes raisons de faire des discours et de dire,
17 voilà, c'est que l'Accusation affirme dans sa cause. C'est une façon de
18 souffler des réponses au témoin. On dit : Voilà, c'est ce que l'Accusation
19 a dit, et vous maintenant, vous êtes censé, Monsieur le Témoin, ne pas être
20 d'accord avec ceci. Il faut que Me Karnavas ne pose pas de questions
21 directrices. Par exemple, est-ce que vous vous êtes trouvé à cette réunion
22 ce jour-là. De quoi avez-vous parlé ? Est-ce que vous avez parlé de ce
23 sujet à M. Izetbegovic, oui ou non ? Mais il n'y a vraiment aucune raison
24 qui permet au conseil de la Défense de faire des discours et de dire :
25 Voilà, c'est ce que l'Accusation va dire. Alors, il faut que vous -- je
26 m'entende à ce que vous disiez le contraire. C'est une façon de souffler
27 les réponses, et je m'y oppose.
28 Puisque j'ai la parole, permettez-moi de dire aussi ceci. Je voudrais le
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1 dire précisément pour que le compte rendu et le dossier soient clairs pour
2 ce qui est du dernier transcript présidentiel, et ceci n'est pas dirigé du
3 tout contre la Défense. Mais je voudrais que le dossier soit précis, car je
4 sais qu'on a fait des déclarations dans la presse croate, des déclarations
5 dans les médias croates qui disent, par exemple, que l'Accusation ne s'est
6 servie que de brides des transcripts présidentiels, elle en a demandé le
7 versement. Vous savez, ce n'est pas vrai. L'Accusation a dit qu'elle
8 voulait demander le versement de la totalité, de la première à la dernière
9 page, de ce transcript, à quelques rares exceptions lorsque le transcript
10 est très, très long. Il est clair que, par exemple, les 80 dernières pages
11 n'avaient rien à faire parce qu'on parlait d'un accord de libre échange
12 avec la Chine. Il n'était pas nécessaire d'avoir 80 pages là-dessus. Donc,
13 ces exceptions étant posées, nous avons demandé le versement de chacune des
14 pages de chacune des transcriptions. Lorsque les médias vont écrire demain
15 en Croatie ce qu'il en était de l'audience, les médias vont dire : M.
16 Karnavas avait d'autres extraits parce que l'Accusation n'avait pas été
17 équitable. Je veux que tout soit clair, nous avons demandé le versement de
18 la totalité, et c'est la Chambre qui a décidé d'en retenir seulement
19 certains morceaux.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Concernant les médias, ce n'est pas le problème de
21 la Chambre. Nous n'allons pas faire notre jugement à partir de tel ou tel
22 article des médias. Ça, c'est une chose. C'est votre problème, ce n'est pas
23 le nôtre.
24 En revanche, concernant l'objection que vous formulez.
25 Maître Karnavas, cette objection me semble partiellement fondée. Vous
26 auriez dû, au départ, demander au témoin : Avez-vous eu connaissance de
27 changements éventuels de frontières intérieures. Alors, il répond oui, non,
28 et cetera. A ce moment-là, vous lui aurez dit : Regardez ce que dit Lord
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1 Owen dans son ouvrage. Bon. A partir de là, il aurait dit, oui,
2 effectivement. Et puis là, en troisième, vous lui direz : L'Accusation,
3 dans son acte d'accusation, dit ceci. Etes-vous d'accord, pas d'accord ?
4 Voilà.
5 Sinon, vous -- sinon, vous induisez la réponse.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Fort bien, mais je m'oppose à ce que
7 l'Accusation dit, à savoir que je souffle les réponses au témoin. Parce que
8 d'abord, c'est un narratif que nous avons. On nous parle d'échanges ou de
9 modifications des frontières. C'était Izetbegovic qui avait offert une
10 partie de la Bosnie-Herzégovine, où il avait décidé d'un accord pour
11 permettre que la moitié de la Bosnie soit séparée. Donc, ce n'est pas
12 souffler des réponses au témoin. Mais je tiens compte de vos observations
13 et je vais changer de technique.
14 Q. A ce propos, Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez connaissance du
15 fait que des négociateurs internationaux auraient proposé la possibilité
16 d'envisager ou de voir ce que donnerait la modification des frontières à
17 l'intérieur de la Yougoslavie, à savoir des frontières entre les
18 républiques ?
19 R. Je sais que la possibilité de changements pacifiques de frontières a
20 été évoquée dans plusieurs documents internationaux. Lord Owen en parle
21 dans plusieurs passages de son livre, et ça c'est l'un des passages en
22 question.
23 Dans cette phase-là de la conférence sur l'ex-Yougoslavie, cela a,
24 d'une certaine façon, constamment existé comme option sur le tapis. C'était
25 donc un changement de frontières concerté dont il était question, et j'en
26 ai parlé hier. Cela a été initié par les représentants de la communauté
27 internationale, à savoir l'échange de territoires éventuel entre la Croatie
28 et la Serbie. Donc, il y a eu des réflexions de ce genre, et je sais que
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1 cela a été évoqué dans plusieurs documents internationaux.
2 Q. Fort bien. Prenons le document suivant, 1D 00893. Je pense que nous
3 l'avons déjà vu celui-là aussi, mais sans faire d'autres commentaires, je
4 voudrais relever que c'est un document que tout le monde connaît.
5 Examinons-le. C'est la conférence de la Communauté européenne et il s'agit
6 d'un projet de convention. Mention est faite de Lord Carrington et on y
7 fait une proposition de traité. Intéressez-vous tout d'abord au premier
8 article où il est question de nouveaux rapports entre les républiques. Au
9 1(c), un état commun composé de républiques égales pour les républiques qui
10 veulent rester dans cet état commun. Sous (f), reconnaissance de
11 l'indépendance au sein des frontières existantes, sauf convention allant
12 dans un sens différent, de ces républiques qui désirent rester.
13 Et puis vous avez l'article à la page 16, statut spécial. Il est
14 question de personnes qui font partie d'un groupe national ou ethnique ou
15 qui ont un statut spécial d'autonomie. On parle de l'autorisation
16 d'utiliser des emblèmes nationaux, un système d'enseignement, et cetera.
17 Première question : connaissez-vous ce document ?
18 R. Oui, je connais ce document.
19 Q. A votre connaissance, était-ce ce dont on discutait à l'époque ?
20 R. Ça a constitué un cadre au sein duquel les réflexions ont été évoluées
21 entre 1991 et la Conférence de Londres en 1992, parce que ceci a constitué
22 en réalité le seul document officiel de la communauté internationale.
23 Q. Très bien. Le préambule nous le montre, nous sommes à ce moment-là en
24 novembre 1991. Que se passait-il à ce moment-là en Croatie ?
25 R. La Croatie, juste avant cela, avait pris sa décision de devenir
26 indépendante, ça s'est passé le 8 octobre, et sur le plan international, la
27 Croatie s'efforce d'aboutir à une reconnaissance internationale de sa
28 qualité d'Etat, mais aussi de ses frontières à elle. Dans le cadre de ce
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1 document, on verra qu'il y aura bientôt ou aussitôt une reconnaissance de
2 la part de l'Allemagne de façon officieuse. Puis cela a été reporté au
3 début du mois de janvier 1992, date à laquelle les Etats européens, suite
4 au Saint-Siège, ont reconnu la Croatie dans le cadre de ses frontières.
5 Pour ce qui est du plan intérieur en Croatie, la guerre s'enflamme. Il y a
6 escalade, et l'armée yougoslave attaque de plusieurs côtés. Comme je l'ai
7 dit hier, la Croatie se trouve pratiquement coupée en deux parties.
8 Q. Très bien. Le document suivant, P 00089, document de l'Accusation. Nous
9 l'avons déjà vu. Plusieurs témoins en ont longuement parlé. Certains y ont
10 fait référence dans les travaux qu'ils ont écrits. Nous sommes, à ce
11 moment-là, le 27 décembre 1991. Vous nous avez déjà pratiquement dit ce qui
12 se passait politiquement et physiquement en Croatie.
13 Permettez-moi de vous demander tout d'abord si vous avez lu ce transcript
14 présidentiel ?
15 R. Oui, je l'ai lu.
16 Q. Etiez-vous présent --
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi --
18 M. KARNAVAS : [interprétation] P 00089.
19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, non, c'est le bon numéro, mais
20 c'est quel classeur ?
21 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais normalement, on a respecté l'ordre
22 chronologique -- en tout cas, la numérotation, donc il faut prendre le
23 classeur suivant. Il y a un numéro 1, numéro 2 --
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Numéro 2.
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Si je ne respecte pas l'ordre, je vous le
26 dirai. Je n'ai que trois classeurs. C'est pour cela.
27 Q. Quoi qu'il en soit, je vais vous poser une question préliminaire,
28 puisque tout le monde est en train de chercher le document. Est-ce que vous
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1 étiez présent ?
2 R. Je n'ai pas été présent.
3 Q. Bien. Abordons rapidement quelques points. Tout d'abord ceci : étant
4 donné votre poste, votre participation à divers événements, vous sentiez-
5 vous compétent pour discuter de certaines parties du contenu de ce
6 document ?
7 R. Je pense que oui. Je pense que je puis parler d'événements pour ce qui
8 est de l'interprétation du document, et par un concours de circonstances,
9 après avoir lu pour la première fois ce document, peut-être pourrais-je
10 apporter des informations complémentaires susceptibles d'apporter de
11 l'éclairage pour ce qui est du temps et des circonstances dans lesquelles
12 ceci s'est produit.
13 Q. Bien.
14 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, une fois de plus -- les micros ne
15 veulent pas fonctionner, apparemment.
16 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à la lumière de ce qui vient
17 d'être dit, je vais soulever une objection. On ne peut pas simplement dire
18 : Dites-moi comment vous interprétez ce document. Car le témoin n'en a pas
19 une connaissance personnelle. Il n'était pas à cette réunion, il nous l'a
20 dit. C'est un terme qu'aime utiliser Me Karnavas. Ici, c'est de la
21 communication pratiquement. Parce que, voilà, j'ai un témoin qui vient du
22 gouvernement de Tudjman qui va donner sa version des événements. Bon, je ne
23 m'oppose pas à cela, s'il pose une question précise sur une réunion
24 technique. Il y a un instant, il demandait, par exemple, ce que ça voulait
25 dire "unitariste." Je n'y ai pas fait d'objection. Je me disais que peut-
26 être le témoin pourrait nous aider sur ce point. Mais si maintenant on se
27 contente de prendre la transcription présidentielle d'une réunion où le
28 témoin n'était pas - il n'était même pas dans le gouvernement à ma
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1 connaissance à l'époque, puisque nous sommes à ce moment-là en décembre
2 1991 - et lui dire : "Voilà, bon, à votre avis, qu'est-ce que vous en
3 pensez ? Comment interprétez-vous ce dossier ?" Parce que ce n'est que ça,
4 de l'interprétation. Objection.
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Je l'ai bien entendue, cette objection.
6 Permettez-moi d'y répondre, et je ferai preuve d'une grande mesure dans ma
7 réponse.
8 L'Accusation a fait venir M. Donia, quelqu'un qui est diplômé des Etats-
9 Unis, qui a fait -- étudié le XIXe siècle, les Musulmans à Sarajevo, qui a
10 une -- un passé bancaire, et puis 27 ans plus tard, écrit un livre avec
11 très peu de notes de bas de page. Et puis il devient un "expert de
12 l'Accusation." Il lit ceci et puis il cite ce document. Ribicic, un juge
13 constitutionnel en Slovénie, il rédige un ouvrage qui est censé analyser la
14 législation fondamentale qui fait une analyse constitutionnelle d'Herceg-
15 Bosna.
16 Et si vous regardez ces parties du transcript, moi, je les regarde
17 aujourd'hui, bon, je ne l'ai pas amené parce que je n'en ai pas eu le
18 temps, malheureusement, mais vous verrez que je fais référence à des
19 parties où il dit : "Après avoir lu ce transcript-ci, j'ai changé d'avis."
20 Et si vous vous souvenez de cela, il y a eu un échange assez animé où même
21 vous, Monsieur le Juge Trechsel, vous êtes intervenu. Vous dites : "Oui,
22 mais qu'en est-il de tous ces autres transcripts ?" Il a dit : "Bon, je ne
23 les ai pas lus." Alors, à ce moment-là, j'ai dit qu'on devrait retirer son
24 rapport du dossier parce que, manifestement, ce rapport il a été rédigé
25 alors qu'il n'avait lu qu'un transcript et pas les autres. Et, si je me
26 souviens bien, à ce moment-là, le Juge Trechsel a dit : "Bien, il ne peut
27 pas passer toute sa vie à -- à lire tout ceci," mais ça pourrait être
28 étoffé.
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1 Mais quoi qu'il en soit -- quoi qu'il en soit, ce que j'essaie de
2 dire c'est ceci : lorsque c'est l'Accusation qui veut avoir quelqu'un qui
3 n'était pas présent et qui prend, comme ça, un rien d'un transcript, et je
4 dirais même que ce n'était pas tout à fait correct lorsqu'il a dit qu'il
5 avait - je parle du Procureur ici - qu'il avait demandé le versement de
6 tout. Non, il a demandé le versement de parties qui sont traduites. Donc,
7 demander et obtenir, c'est autre chose, donc, si vous n'avez que deux ou
8 trois passages sur plus de 160 pages, bon.
9 Mais, enfin, je laisse ça de côté. Et puis il fait venir des gens qui
10 étaient extérieurs et non pas des participants et il leur demande de faire
11 des commentaires. Et puis il se sert de ça comme base pour établir notre
12 entreprise criminelle commune. Et, moi, pour la première fois, je fais
13 venir quelqu'un qui a connaissance des événements. Et si M. Scott avait
14 bien écouté - parce que là je pense qu'il est un petit peu énervé - mais
15 s'il avait écouté la fin de la réponse de M. Zuzul qui dit qu'ayant lu
16 ceci, il est maintenant à même de faire un commentaire sur certaines
17 choses, je pense qu'il est un peu énervé, M. Scott, il n'a pas écouté toute
18 la réponse. Et voilà où nous en sommes maintenant, on perd un temps
19 pourtant précieux.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : -- on perd -- on perd un temps. Vous avez tous les
21 deux raisons.
22 Ce qu'il aurait fallut, Maître Karnavas, vous auriez dû, pour éviter
23 l'objection - vous êtes un grand professionnel et vous savez très bien
24 comment faire - vous auriez dû dire, dans un premier temps, au témoin :
25 "Lors du 'proofing,' nous avons examiné tous les deux, le document P 89 qui
26 fait 125 pages. Dans ce document, on a évoqué telle et telle page. L'expert
27 Donia, dans son rapport, a dit ceci et cela. Pouvez-vous, Monsieur le
28 Témoin, éclairer la Chambre sur tel, tel et tel élément ?" Et à ce moment-
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1 là, le Procureur n'aurait pas fait son objection.
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Permettez-moi d'ajouter ceci. Ce qui
4 me frappe, c'est que vous vous comparez maintenant les témoins, le témoin
5 que vous avez ici à la barre, et vous le comparez à des experts cités par
6 l'Accusation. Je ne pense pas que ce soit là quelque chose parfaitement
7 équitable. On demande à un expert de fournir des opinions. Un témoin, il
8 est censé se prononcer sur des faits dont il a été témoin. La question, à
9 mon avis, que vous posez à votre témoin, c'est une question qu'il faudrait
10 poser à un expert. Mais je pense que votre témoin n'est pas cité en qualité
11 d'expert. Nous n'avons pas, disons, les bases qui feraient de lui un
12 expert, et c'est le problème, c'est là le problème.
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge, je ne suis
14 vraiment pas d'accord avec vous, avec tout le respect que je vous dois,
15 parce que Ribicic il a étudié le droit, c'est tout, rien d'autre. Alors,
16 qu'est-ce qui fait de lui un expert pour prendre un transcript présidentiel
17 et dire, partant de ceci, il va faire procéder à une analyse
18 constitutionnelle ? Le fait qu'on dise de quelqu'un qu'il est expert ne
19 veut pas dire qu'il en soit un. Donia a travaillé pour l'Accusation et ça
20 fait 25 ans que je suis avocat, et je crois que je sais que je peux
21 demander à une personne profane de fournir un avis d'expert s'il est
22 capable de le faire parce que c'est une -- une question qui devait servir
23 de base. Bon, alors, je lui dis, après avoir lu ceci, il peut le commenter
24 ? Bon, parce que même si c'est un témoin des faits, c'est un expert.
25 Pourquoi ? Parce qu'il y a passé du temps dans ce lieu, il était avec le
26 président Tudjman, il connaissait l'événement, il représentait le
27 gouvernement. Alors, vous dites non de la tête, mais c'est vrai, c'est un
28 fait.
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1 Ecoutez, écoutez. Monsieur le Juge Trechsel, je vous demande ceci :
2 commencez, s'il vous plaît, à manifester pour le dossier vos objections
3 parce que j'ai l'impression ici, à ce stade -- à ce stade, que vous
4 empiétez sur ma défense, que vous limitez ma défense, non seulement dans le
5 temps, mais aussi sur la portée des arguments que je fais valoir. Et je
6 pense ne pas être d'accord avec votre analyse, mais si c'est le cas, je
7 voudrais que ce soit dit clairement au dossier. Dites-moi quelle est la
8 portée, dites-moi comment je dois faire. Alors, je pourrai faire valoir des
9 arguments pour un appel interlocutoire mais, à ce stade, vu la façon dont
10 vous interprétez les choses, je suis pas du tout d'accord, surtout lorsque
11 vous dites, en fait, que nous sommes ici devant des Juges professionnels.
12 Mais c'est justement pour ça, parce qu'on peut pas avoir le porc et
13 l'argent du porc. Mais je crois que le témoin peut faire un commentaire
14 puisqu'il était présent, il connaît les circonstances des conditions. Si
15 vous me permettez de poser les questions que je voulais poser, vous
16 verriez.
17 Bon, la question du poids que vous accordez, ça c'est une autre paire de
18 manches, mais je pense que j'essaie de poser la base, une base, une
19 prémisse qui me permettait de poser ces questions parce que je ne demandais
20 pas un avis d'expert.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous m'avez défié, et je vais vous
22 répondre.
23 Je ne prononce pas d'objections, je me contente de vous rappeler que nous
24 avons des témoins, en vertu du règlement, et nous avons des experts, selon
25 ce même règlement. Et pour moi, c'est quelque chose de gros d'entendre dire
26 que c'est la même chose et qu'on peut permuter témoins experts, et experts,
27 témoins selon votre bon gré. Peut-être que je me trompe.
28 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne veux pas ici
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1 m'engager dans un débat philosophique aujourd'hui, mais prenons une
2 hypothèse. Je fais venir, en tant que témoin des faits, un général. En --
3 en vertu de son poste, de ses fonctions, de ses connaissances, de son
4 expérience, est-ce qu'il n'est pas à même, ce général -- à même capable et
5 prêt, si je lui posais une question, de répondre à une question technique
6 sur des questions militaires qui sont en dehors de ce qu'il a vu ? Bien
7 entendu, que je peux le faire. Est-ce qu'il faut que je dise que c'est un
8 expert ? Bien sûr que non. Si c'est pertinent, je devrais avoir le droit de
9 poser cette question.
10 Ici, je ne veux pas ici faire un travail de sabotage par l'Accusation, mais
11 je peux effectivement poser des questions techniques.
12 Disons que j'ai un témoin ordinaire à qui je demande s'il peut reconnaître
13 la voix de quelqu'un puisqu'on a un enregistrement. Si je peux poser les
14 bases montrant que cette personne peut reconnaître la voix de cette
15 personne parce qu'il l'a entendu 100 ans -- 100 fois au téléphone, à ce
16 moment-là, il peut déposer, si vous voulez, en tant qu'expert, car il est à
17 même de reconnaître la voix. Donc, c'est comme ça qu'on peut le faire.
18 Ici, je ne cite pas ce témoin-ci en tant qu'expert, même les questions
19 n'essayaient pas non plus d'obtenir une question -- une réponse d'expert.
20 Je lui demande de donner un avis, une opinion sur ce qu'il a compris après
21 avoir lu ces documents. Et si on lui avait donné la permission de le faire,
22 il aurait pu vous dire qu'après avoir lu ces documents, il a une expérience
23 personnelle qui lui permet de discuter de certains sujets. Ça ne fait pas
24 de lui un expert.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant la pause, Monsieur Scott.
26 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai fait preuve
27 de patience et j'espère que M. -- Me Karnavas pourra ainsi reprendre son
28 souffle.
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1 Je suis tout à fait d'accord avec ce que disait le Juge Trechsel, c'était
2 d'ailleurs dans mes notes, mais il m'a devancé, félicitations.
3 Mais, maintenant, on dit que ce témoin est un expert, mais c'est la
4 différence que je faisais entre les témoins à charge et les témoins à
5 décharge. Et permettez-moi d'ajouter à la lumière des questions soulevées
6 hier que nous pouvons maintenant ajouter aux carences, l'absence d'un
7 rapport d'expert. On n'avait déjà pas de déclaration préalable, on n'avait
8 pas de bon résumé, on n'avait pas non plus -- on n'avait pas été avisé
9 qu'on aurait un expert, on n'a même pas ici un rapport d'expert.
10 Maintenant, on a un expert comme ça qui a roue libre et qui peut dire
11 voilà, qui était membre du gouvernement de Tudjman, qui peut répondre à
12 tout. Ça ne se fait pas.
13 Avec tout le respect que je dois à la Chambre, je respecte chacun des
14 Juges, on ne peut pas dire : voilà ce sont des Juges professionnels comme
15 si ça veut dire qu'il n'y a pas de règlement. Oui, bien sûr, vous êtes des
16 Juges de métier, vous êtes des Juges mais n'empêche qu'il y a un Règlement
17 de procédure et de preuve qu'il faut respecter, se contenter de dire que ce
18 sont des Juges professionnels, donc, on a ici libre cours, ce n'est pas
19 correct. Ce ne sont pas des questions techniques. J'ai fait un commentaire
20 il y a quelques instants, si quelqu'un dit que c'était un terme judiciaire,
21 par exemple, puisque je suis général, je sais ce que ça veut dire. Mais
22 ici, ce ne sont pas des questions techniques, ce sont des questions
23 manifestement politiques qui sont vraiment parfaitement directes. Alors, je
24 vais vous donner, dit-il, mon interprétation politique des événements. Je
25 n'étais pas à la réunion et je n'ai jamais vu ce document, mais maintenant
26 que je l'ai lu je vais vous livrer mon interprétation politique de ces
27 événements. C'est tout ce qu'on reçoit rien d'autre pas plus. Je vais
28 poursuivre de faire objection à ce genre de déposition.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais donner mon sentiment personnel. Tout
2 d'abord, je ne suis pas d'accord avec ce que vient de dire M. Scott.
3 Nous avons un témoin qui a été ministre des Affaires étrangères de la
4 Croatie, qui a été le représentant de la Croatie dans les négociations
5 internationales, qui a participé également aux travaux relatifs au plan
6 Vance-Owen. La Défense interroge le témoin sur des questions relatives aux
7 frontières, aux rencontres entre Tudjman et d'autres personnalités, sur ces
8 problèmes géopolitiques, à ce moment-là, sans que le témoin soit un expert
9 mais dans son domaine des affaires étrangères, il est certainement expert
10 car si un ministre des Affaires étrangères n'est pas capable de discuter de
11 problème de politique étrangère, à ce moment-là, où sont les experts. Je
12 rappelle par ailleurs que la Chambre est constituée de deux anciens
13 ambassadeurs.
14 Par ailleurs, la Défense de mon point de vue a le droit de poser des
15 questions au témoin, la seule question qui peut se poser résiduellement
16 [comme interprété] est de faire en sorte que les questions posées ne sont
17 pas dans le cadre de cette procédure typiquement "common law" que les
18 questions lors de l'interrogatoire principal ne sont pas suggestives, et
19 c'est en cela que l'Accusation peut faire des objections. Maintenant, si la
20 Défense pose des questions au témoin qui entame la thèse de l'Accusation,
21 ça c'est un autre problème, et ce n'est pas parce que la thèse est entamée
22 qu'il faut faire systématiquement des objections. Alors, on a perdu
23 quasiment presque une demi-heure sur un problème procédural alors que ce
24 que, moi, m'intéresse - et je pense que c'est le cas de mes collègues -
25 c'est le fond du dossier.
26 Nous allons faire une pause de 20 minutes et nous reprendrons dans 20
27 minutes.
28 --- L'audience est suspendue à 15 heures 50.
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1 --- L'audience est reprise à 16 heures 12.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.
3 Maître Karnavas, vous avez la parole.
4 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
5 Juges.
6 Q. Monsieur Zuzul, examinons la page 27 de ce document, s'il vous plaît, P
7 00089, je le rappelle, 27 décembre 1991.
8 Je vais donner lecture d'un passage. Je vais vous demander de bien vouloir
9 faire des observations sur ce passage, si vous le pouvez.
10 Alors le président, donc le président Tudjman c'est ce qui est dit ici. Je
11 vais d'abord regarder le bas de la page.
12 Il y a de nombreuses indications --
13 L'INTERPRÈTE : Les interprètes entendent très mal Me Karnavas. Il semble
14 qu'il y ait un autre micro dans la salle d'audience qui soit allumé.
15 M. KARNAVAS : [interprétation]
16 Q. -- qui accepte donc -- suite de la lecture : "Qui accepte volontiers la
17 Serbie dans ce rôle gendarme contre les Musulmans pour éviter
18 l'établissement d'un Etat musulman en Europe."
19 Alors, dans les différentes positions que vous avez occupées, n'avez-vous
20 jamais entendu quelques préoccupations que ce soit de la part des Etats-
21 Unis ou d'autres pays, pays de l'occident, des préoccupations et une
22 certaine réticence eu égard à l'établissement de cet Etat musulman en
23 Europe ?
24 R. Certainement c'est cela que le président Tudjman avait à l'esprit. Il
25 pensait qu'il y avait des préoccupations à la fois aux Etats-Unis
26 d'Amérique et dans certains pays européens qui le redoutaient l'éventualité
27 de la création d'un Etat purement islamique en Europe.
28 Q. Bien. Alors, à ce moment-là, le 27 décembre 1991, la Croatie avait-elle
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1 reconnu l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, donc, le 27 décembre 1991
2 ? En fait, je devrais reformuler la question : la Bosnie-Herzégovine avait-
3 elle choisi de devenir indépendante à ce moment-là déjà ?
4 R. Je pense que le processus était en cours afin d'accéder à
5 l'indépendance mais, à ce moment-là, il n'y avait encore eu la
6 reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine.
7 Q. A la page suivante, page 28, je vais passer là-dessus brièvement. Il
8 est dit la chose suivante : "Izetbegovic même Stipe" - je suppose qu'il
9 parle ici de Stipe Mesic - "pourrait s'en souvenir, a dit un jour
10 ouvertement qu'il préférerait une solution dans laquelle la Slovénie semble
11 s'en irait. La Bosnie serait plus associée avec la Serbie et
12 l'établissement de frontières se ferait sur la base de franchissement de
13 frontières entre la Croatie et l'Herzégovine de sorte qu'un Croate
14 d'Herzégovine ne pourrait pas aller dans sa propre Croatie. Est-ce que l'on
15 établirait des douanes, est-ce qu'on établirait les choses, donner des
16 ordres concernant le carburant qui serait vendu, et cetera. Y aura-t-il une
17 monnaie finalement ? Est-ce que tout ceci devrait être mis en place
18 ensemble ? Ce sont des problèmes qui se posent au quotidien, des problèmes
19 tant administratifs que législatifs, l'établissement de nouvelles relations
20 qui seraient insupportables non seulement pour la Croatie compte tenu de la
21 configuration de ces frontières mais également pour la partie croate de
22 l'Herzégovine et le territoire de Bosnie.
23 "En outre, si la Bosnie-Herzégovine devait rester entière, quelles
24 seraient les perspectives de la Croatie ici ?"
25 Et si l'on poursuit la lecture, que l'on passe au prochain paragraphe
26 : "Au cours des pourparlers dans de telles circonstances, nous appuyons la
27 position visant à préserver une Bosnie-Herzégovine souveraine précisément
28 parce que la politique préconisant la Grande-Serbie a soulevé la question
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1 des zones serbes en Croatie.
2 "Par conséquent de telles circonstances, il ne serait pas d'un point
3 de vue politique que nous soulevions la question d'une démarcation des
4 frontières en Bosnie-Herzégovine. Toutefois, si vous en souvenez dès 1989,
5 nous avons indiqué dans notre délégation, nous avons rappelé -- pardon, la
6 déclaration historique du HDZ, et nous avons dit que nous étions en faveur
7 d'une Bosnie-Herzégovine souveraine à moins que son existence soit remise
8 en question parce que, dans ce cas-là, compte tenu des intérêts du peuple
9 croate, et nous devons soulever la question des frontières de la Croatie."
10 Alors, je vous pose la question suivante : à ce moment-là, dans le
11 temps, étiez-vous membre du HDZ ?
12 R. Je suis devenu membre du HDZ au mois d'octobre mais je n'étais que
13 simple membre.
14 Q. Et quel était le territoire de la Croatie qui était occupé ou qui
15 faisait l'objet d'attaque, à ce moment-là, s'il y en avait ?
16 R. A ce moment-là, pratiquement un tiers a été occupé. Vukovar était déjà
17 tombé, la Slavonie orientale était occupée, depuis le
18 1er octobre, des attaques ont été lancées sur Dubrovnik, l'occupation de
19 Dubrovnik, et à peu près, à ce moment-là, il y a eu pilonnage direct de
20 Dubrovnik.
21 Q. Très bien. Compte tenu de votre parcours, de votre expérience et de vos
22 connaissances, êtes-vous à même de déchiffrer, si vous voulez, je parle de
23 la page 28 ce qui est dit par le président Tudjman : "Izetbegovic, même si
24 Stipe s'en souviendrait, a un jour dit ouvertement qu'il serait en faveur
25 d'une solution aux termes de laquelle la Slavonie s'en dirait la Croatie
26 aurait un peu plus et la Bosnie serait plus étroitement associée avec la
27 Serbie."
28 R. Oui, j'en ai parlé précédemment. J'avais -- à savoir il y a des
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1 indications claires que dans la recherche d'une solution pour la
2 Yougoslavie, la direction musulmane a penché plutôt du côté serbe, et M.
3 Izetbegovic l'a dit à plusieurs reprises. Voire il le répète à ce moment-là
4 où on voit pratiquement commencer la guerre, et des attaques sur la Bosnie-
5 Herzégovine car, avant cela, il y a eu des villages en Bosnie-Herzégovine
6 plus précisément dans l'arrière pays de Dubrovnik, en Herzégovine
7 orientale, ces villages avaient été attaqués par la JNA et ont été
8 complètement détruits.
9 Q. Quelle était l'armée dont disposait la Croatie à l'époque ?
10 R. C'est assez bien que la Croatie avait organisé son armée à ce moment-
11 là. Elle avait précisé les Défenses, elle a empêché des percées nouvelles
12 de la JNA mais, à ce moment-là, elle n'a pas pu complètement défendre son
13 territoire. Je pense que j'en ai parlé en détail hier. Le danger imminent,
14 à savoir la veille du Nouvel an en 1992, me semble-t-il, c'était la
15 situation de Dubrovnik et l'éventuelle chute de Dubrovnik et de cette
16 région. Donc, il ne s'agissait pas seulement de l'occupation du territoire
17 autour de Dubrovnik mais également le risque que Dubrovnik, lui aussi, soit
18 pris.
19 Q. D'accord. Alors, procédons par étape sur ce point. A ce moment-là, les
20 forces de la JNA sont-elles en Bosnie-Herzégovine et si oui à quel endroit?
21 R. Très certainement, tout à fait, il y en a en Bosnie-Herzégovine. Je
22 pense que officiellement on n'avait pas encore demandé d'ailleurs qu'ils
23 quittent la Bosnie-Herzégovine. Je n'en suis pas tout à fait certain mais
24 il me semble que ça n'intervient que peu tard. Des Unités de la JNA se
25 trouvent en Bosnie-Herzégovine, à ce moment-là, et très certainement
26 lancent des attaques sur le territoire croate. J'ai mentionné plusieurs
27 fois le territoire autour de Dubrovnik où les forces qui étaient venues du
28 Monténégro, de l'Herzégovine, des forces de la JNA attaquent Dubrovnik.
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1 Mais vous aviez ce type d'attaque également dans la Posavina et également
2 en amont dans les surplombs par rapport à Knin. Donc, à plusieurs endroits,
3 il y a eu des attaques lancées par la JNA de Bosnie-Herzégovine.
4 Q. Très bien, très bien. Hier, vous nous avez dit que vous aviez rejoint
5 l'armée à ce moment-là, étiez-vous au sein de l'armée ou au sein du
6 ministère de la Défense ?
7 R. A ce moment-là, j'étais partiellement dans les rangs de l'armée croate.
8 Q. Étiez-vous affecté à un endroit en particulier ?
9 R. Nous étions stationnés à Zagreb, mais à ce moment-là, plus précisément,
10 à plusieurs reprises, moi-même, mes collègues, nous sommes déplacés, nous
11 sommes allés vers le sud, vers Dubrovnik, notre objectif était d'entrer
12 dans la ville mais ça n'a pas été possible.
13 Peu avant cela, peut-être un mois et demi avant cela, je me suis trouvé
14 dans le secteur de Prizren et lorsque j'ai dit que j'avais peut-être
15 quelques éléments d'explication supplémentaire qui pouvaient jeter la
16 lumière sur le contexte de cet entretien --
17 Q. Attendez, procédons par étape. Avant d'en venir à tout ceci, je
18 voudrais être certain d'avoir bien compris les choses. Nous sommes en
19 décembre 1991, la Croatie a déclaré son indépendance, la Croatie fait
20 l'objet d'offensive de la part de la JNA. La JNA lance des attaques du
21 territoire de la Bosnie-Herzégovine, et si j'ai bien compris ce que vous
22 avez dit dans votre déposition hier, la Bosnie-Herzégovine n'a rien fait
23 pour mettre un terme à ces offensives, peut-être qu'elle n'était pas en
24 mesure de le faire. Alors, permettez-moi de vous poser une question compte
25 tenu de tous ces éléments de ce contexte et je vais essayer de bien
26 formuler la question de manière à ce que vous puissiez y répondre et que
27 l'on ne m'accuse pas de question directive.
28 Y a-t-il eu des discussions sur la viabilité de la Bosnie-Herzégovine en
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1 tant qu'Etat ? Et si oui, parlez-nous de ces discussions. Et je vous parle
2 ici de cette période-là dans le temps parce que l'on sait, à ce moment-là,
3 que la Bosnie-Herzégovine n'a pas encore déclaré son indépendance.
4 R. Je suppose qu'il y en a eu. Mais dans le contexte de la défense de la
5 Croatie on ne peut pas dire qu'il y ait eu un interlocuteur en Bosnie-
6 Herzégovine pour mener des entretiens tant soit peu sérieux.
7 Q. D'accord.
8 R. Excusez-moi pour être plus précis, pour ce qui est des dirigeants au
9 niveau de la direction de Bosnie-Herzégovine.
10 Q. D'accord. Et à votre connaissance -- et bon, peut-être que vous ne le
11 saviez pas, à l'époque en décembre, mais que vous l'avez appris par la
12 suite; en tout cas, avez-vous su compte tenu de votre expérience et des
13 fonctions que vous avez occupées, quelle était la position d'Izetbegovic, à
14 ce moment-là ? N'a-t-il jamais dit : "Nous sommes en faveur de
15 l'indépendance, nous nous opposons à la Yougoslavie, nous voulons ceci ou
16 cela" ? S'est-il exprimé publiquement qui pourrait nous dire précisément
17 quelle était sa position et ses responsabilités à l'époque ?
18 R. Sa position n'est pas tout à fait claire eu égard à l'avenir de la
19 Bosnie-Herzégovine. Il s'est dit enclin que c'était la solution proposée
20 par Belgrade, et s'agissant de la guerre sa position, malheureusement,
21 était claire parce que c'est dans une déclaration publique qu'il a affirmé
22 que ce n'était pas leur guerre et qu'il ne souhaitait pas s'immiscer dans
23 cette guerre. Si on peut interpréter un petit peu dans ce transcript il y a
24 un représentant des Croates qui parle de son entretien avec le général
25 Kadijevic, c'est plus précisément M. Kljuic et il dit que : "M. Kadijevic -
26 - ou plutôt, l'armée, non seulement ne va pas agresser la Bosnie-
27 Herzégovine mais au contraire qu'elle va accepter que le contrôle soit pris
28 par des partis nationalistes en Bosnie."
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1 Et sans aucune raison c'était naïf de penser cela puisque la guerre
2 était déjà bel et bien commencée.
3 Q. Bien. Alors, pour être tout à fait sûr de bien comprendre, qui est M.
4 Kadijevic ?
5 R. M. Kadijevic à l'époque il était ministre de la Défense de la
6 Yougoslavie qui était en train de se décomposer.
7 Q. Bien. Et par "armée," vous entendez quelle armée ?
8 R. La JNA. L'armée populaire yougoslave.
9 Q. Bien. Alors, pour être sûr que j'ai bien compris, parce que je ne suis
10 pas tout à fait sûr, il y a un échange entre Tudjman et Kljuic. Nous savons
11 tous que Kljuic était à l'époque président du HDZ puisque nous l'avons vu
12 ici. Alors, qu'est-ce que Kljuic dit également à Tudjman, à ce moment-là,
13 et soyez précis, s'il vous plaît, le plus précis possible pour que nous
14 comprenions bien ?
15 R. Dans cette transcription qui est plutôt longue nous voyons que Kljuic
16 est le représentant du HDZ de Bosnie-Herzégovine et qu'au préalable il a eu
17 un entretien avec le général Kadijevic. Une question lui est posée
18 explicitement par le président Tudjman, il lui demande s'il a eu un
19 entretien avec Izetbegovic et Karadzic en tant que dirigeants politiques.
20 Les deux autres peuples de Bosnie-Herzégovine il est clair qu'il n'en a pas
21 eu. Il est clair que lui, tout comme Izetbegovic ou du moins c'est qu'il me
22 semble que, lui tout comme Izetbegovic croient que l'armée yougoslave peut
23 constituer une partie de la solution mais qu'elle ne constitue pas une des
24 causes de la crise. Mis à part Kljuic une délégation importante de Croates
25 de Bosnie-Herzégovine assistent à la réunion, là encore, si j'ai bien lu,
26 ce sont des repré --
27 Q. Oui. Attendez. Attendez. Je ne veux pas rentrer dans tout le débat.
28 Cette question-ci est particulièrement importante. Kljuic parle avec
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1 Kadijevic, bon, vous dites qu'ils étaient un peu naïfs ou [imperceptible].
2 Je crois que c'est ce que vous avez dit. Je veux que tout ceci soit
3 particulièrement clair. Nous savons que, pour remettre les choses dans leur
4 contexte, la Croatie faisait l'objet d'agression à partir de la Bosnie-
5 Herzégovine, et maintenant, nous avons le plus haut représentant croate qui
6 dise certaines choses. Il dit, semble-t-il, qu'il pourrait effectivement
7 avoir affaire avec la JNA, c'est-à-dire avec le gouvernement de Sarajevo.
8 Alors, qu'est-ce qui s'est dit à ce moment-là puisque vous comprenez les
9 événements mieux que nous ?
10 R. Ce que je souhaitais souligner précisément c'est que d'une part nous
11 avons M. Kljuic qui dit précisément ce que vous venez de dire -- ce que
12 j'ai dit précédemment, ce que vous venez de dire un instant, il fait part
13 de sa conviction qu'un accord est possible et que cet accord il serait même
14 possible de le passer avec l'armée yougoslave. Puis d'autre part, nous
15 avons un groupe de Croates de Bosnie-Herzégovine qui se rendent auprès du
16 président Tudjman, président de la Croatie, et qui lui présente une liste
17 de propositions qui sont considérablement différentes de ce que dit Kljuic.
18 Q. Très bien. Dans ce transcript, on voit le nom de Mate Boban. Le
19 connaissiez-vous à l'époque ?
20 R. Oui, je connaissais M. Boban. Je l'avais connu bien avant la guerre. Je
21 ne peux pas dire que nous étions particulièrement proches. C'est quelqu'un
22 qui est plus âgé que moi. J'ai grandi dans une bourgade qui s'appelle
23 Imotski. M. Boban était directeur dans cette même localité d'une des
24 entreprises les plus importantes qui s'appelait "Napredak," "le progrès,"
25 donc, on s'est connu à ce moment-là. On se connaissait depuis ce moment-là,
26 mais pendant la guerre juste avant cela, j'ai eu un contact indirect avec
27 M. Boban.
28 Q. D'accord. Bien. Je crois que plutôt vous aviez l'intention de dire
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1 quelque chose et je vous ai un petit peu interrompu.
2 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Oui. Excusez-moi, de vous
3 interrompre Maître Karnavas. Mais puisque nous parlons du document du
4 procès-verbal de cette réunion présidée par Franjo Tudjman, le président
5 Franjo Tudjman, j'aimerais saisir cette occasion dès maintenant sans
6 attendre demain lors de la séance de questions des Juges. J'aimerais donc
7 saisir cette occasion pour poser une question particulière au témoin
8 puisque nous avons sous les yeux ce document et que vous, Maître Karnavas,
9 vous avez déjà posé un certain nombre de questions sur la page 28, je
10 crois, de ce document et d'autres. Alors, j'aimerais moi parler de la page
11 31 de ce même document, le document 00089, je crois. A la page 31, il est
12 question du futur de la Bosnie-Herzégovine et il y a des remarques
13 intéressantes.
14 Alors, je vais vous faire une citation, le président Tudjman dit :
15 "En d'autres termes, la souveraineté de la Bosnie dans les circonstances
16 actuelles du point de vue croates est-elle que non seulement n'avons-nous
17 pas à la défendre mais qu'il ne faut même pas soulever la question
18 publiquement ? Pourquoi ne pas accepter cette proposition de démarcation
19 qui établirait trois différentes régions en Bosnie-Herzégovine."
20 Ensuite, bon, j'interromps ici, nous en avons déjà parlé ce matin. Je
21 poursuis la citation : "Donc, pourquoi ne pas accepté cette proposition de
22 démarcation lorsque -- puisqu'elle est dans l'intérêt du peuple croate, des
23 Croates présents ici dans cette république et du peuple croate de Bosnie-
24 Herzégovine ? Parce que je ne vois pas la moindre raison -- la moindre
25 raison valable de s'opposer à cette proposition. Par ailleurs, dans les
26 pourparlers que j'ai menés personnellement avec Izetbegovic et Milosevic,
27 en outre, l'un d'entre nous en Bosnie a rédigé une proposition de
28 démarcation au terme de laquelle les zones croates et celles que vous avez
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1 fait figurer dans la communauté d'Herceg-Bosna et dans la communauté --
2 donc, et la Posavina, la Croatie n'obtiendrait pas seulement ces deux
3 communautés, mais aussi, pour des raisons géopolitiques, Bihacka Krajina et
4 Cazinska, ce qui satisferait quasiment pleinement les intérêts nationaux
5 croates, non seulement les intérêts présents, mais aussi ceux de l'avenir.
6 Ensuite, donc, pour les zones restantes ou les secteurs restants."
7 Alors, Monsieur Zuzul, voici ma question : que pensez-vous de cet extrait
8 du procès-verbal s'agissant de la position du président Tudjman sur le
9 futur de la Bosnie-Herzégovine, et je rappelle que nous sommes ici fin 1991
10 ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge, de m'avoir
12 posé cette question. Si je puis dire, ce n'est pas parce que je faisais
13 partie du gouvernement de Tudjman, je l'ai été, mais c'est parce que je
14 souhaite dire la vérité de la manière dont je l'ai perçue, de la manière
15 dont je la vois quand je me pose cette question. Donc, permettez-moi d'en
16 parler ainsi.
17 Dans cette transcription, il me semble que nous voyons l'un des principes -
18 - ou plutôt, tous les principes de la réflexion que porte Tudjman sur
19 l'avenir, à savoir pour quelles raisons cette frontière de la Croatie
20 constitue une protection du peuple croate en Bosnie-Herzégovine, une
21 manière d'arrêter la guerre.
22 Lorsqu'il en parle, il parle d'un partage à l'intérieur de la Bosnie-
23 Herzégovine, mais ce sur quoi je souhaitais attirer l'attention à la
24 lecture de ce transcript, c'est la chose suivante : la proposition que
25 soumet à Tudjman une délégation de Croates de Bosnie-Herzégovine --
26 comporte 19 points. Tudjman répond, on le voit au point 27 -- plutôt, page
27 27, qu'il n'avait pas une connaissance de ces conclusions, mais il prend en
28 considération la -- le messages des Croates. Si cela peut être intéressant,
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1 je peux formuler un commentaire, pourquoi je pense que c'est important.
2 Tudjman répond, il leur dit pour quelle raison il pense que la seule
3 solution qui serait probablement acceptable, et là nous parlons d'une
4 période qui précède les négociations, que c'est la démarcation -- la
5 délimitation à l'intérieur des frontières de Bosnie-Herzégovine.
6 Même si, à ce moment-là, le président Tudjman sait que cette réponse ne
7 paraîtra pas satisfaisante à tous, car certains estiment véritablement
8 qu'une partie de la Bosnie-Herzégovine doit être rattachée à la Croatie,
9 certains estiment véritablement que le moment historique est venu où c'est
10 uniquement de cette manière-là qu'on peut aborder les choses. Mais mis à
11 part -- mais il a d'une part ces réflexions-là et d'autre part la réflexion
12 du président Tudjman, donc le président de la république. Et je pense qu'il
13 y a, entre les deux, une différence claire.
14 Si je puis ajouter ce que j'en sais personnellement de la situation qui a
15 prévalu et, plus concrètement, pour ce qui est de
16 M. Boban. Par pure coïncidence, je sais que peu de temps avant cela, le
17 président Tudjman avait un contact avec M. Boban et cela d'une manière qui
18 traduit l'ensemble des événements tels qu'ils se sont déroulés à l'époque.
19 Et je les ai vécus, je peux en témoigner d'après ma propre expérience. J'ai
20 été dans les rangs de l'armée croate, comme je viens de le dire, et je me
21 dirigeais vers Dubrovnik. Nous étions plusieurs universitaires de la
22 partie, nous -- nous souhaitions apporter notre concours à la Défense. Nous
23 sommes arrivés à Opuzen et nous avons compris que la situation frôlait la
24 panique, que l'armée Croatie, qui était en gestion, n'était pas capable de
25 défendre ce secteur, et ce qu'il leur manquait, c'était à la fois des
26 effectifs, mais aussi des moyens, des ressources.
27 Et puis nous avons eu un entretien avec le commandement et quelqu'un a posé
28 une question, a demandé : "Mais qu'en est-il des Croates d'Herzégovine ?"
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1 puisque c'est un fait connu qu'il y avait beaucoup de -- d'hommes
2 d'Herzégovine qui s'étaient portés volontaires pour défendre la Croatie
3 dans les rangs de l'armée croate. Et parmi nous, dans notre groupe, donc,
4 nous étions des représentants de l'armée croate de Zagreb, il y avait M.
5 Marinko Boban. En Croatie, il était connu en tant que père de Zvonimir
6 Boban, probablement le footballeur croate le plus connu. C'est peut-être
7 une petite indiscrétion.
8 J'ai voyagé avec Marinko Boban dans une voiture qui avait été offerte à son
9 fils par le club de foot de FC Milan. Tels étaient -- tels étaient les
10 temps à l'époque, au début de -- où nous commencions à organiser notre
11 défense.
12 Donc, on était autour de cette table et quelqu'un a dit, à un moment donné
13 : "Mais peut-être que Boban peut aider, peut-être qu'il peut trouver des
14 volontaires," et cette personne se référait à Mate Boban, qui venait d'être
15 élu numéro 1 des Croates d'Herzégovine, c'est-à-dire dans une partie de
16 Bosnie-Herzégovine. Nous avons appelé le président Tudjman et j'ai compris,
17 dans cette conversation, qu'il était au courant de l'existence de Mate
18 Boban, mais qu'il ne le connaissait pas personnellement.
19 Donc, c'était à peu près au début -- fin octobre, début novembre. C'était
20 donc légèrement deux mois avant cette réunion qui s'est tenue à Zagreb.
21 Cependant, le président Tudjman a accepté que M. Marinko Boban parte pour
22 l'Herzégovine, d'où il était natif, et qu'il demande à son parent, à Mate
23 Boban, si celui-ci pouvait apporter une aide ou assistance à la défense de
24 Dubrovnik. Marinko Boban est revenu cette même nuit, tard dans la nuit,
25 tard après minuit, et il nous a rapporté que Mate Boban avait promis qu'il
26 allait avoir un Bataillon de volontaires qui se tiendrait prêt pour aller
27 défendre ou lancer une offensive contre la JNA en Herzégovine. C'étaient
28 des Croates, mais de Bosnie-Herzégovine.
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1 Et Marinko Boban a dit, par après au président Tudjman, que c'est
2 effectivement ce qui s'était produit. Donc, quelques jours plus tard, un
3 groupe de volontaires de Croates d'Herzégovine avait rejoint -- ou, si vous
4 voulez, s'est lancé dans la défense de l'Herzégovine orientale. C'était eux
5 qui se situent à l'arrière de Dubrovnik, ce qui, pour la défense de
6 Dubrovnik, a été peut-être -- ou certes un des éléments-clé. Donc, à la
7 lumière de la vérité telle que je l'ai perçue moi, pourquoi est-ce que ça
8 m'a semblé important ? Ça m'a semblé important précisément dans le contexte
9 de cette réunion; autrement dit, le président Tudjman sait non seulement
10 qu'il bénéficie d'un soutien politique de la part de ces Croates
11 d'Herzégovine comme cela est dit ici mais ce qu'il sait aussi c'est qu'il
12 en a besoin à ce moment-là pour atteindre l'un de ces objectifs
13 stratégiques les plus importants, à savoir pour savoir pour pouvoir
14 défendre Dubrovnik. Et, lors de cette réunion, il prend en considération ce
15 qui lui dise, il sait que qu'il soit d'accord ou pas d'accord ou dans
16 quelle mesure il soit d'accord avec leur proposition et leur point de vue,
17 ce sont eux -- eux, les seuls qui peuvent apporter ce complément à la
18 défense.
19 Je ne sais pas si, entre cet épisode que je vous ai décrit et leur
20 entretient concret, il y a eu d'autre contact entre le président Tudjman et
21 M. Boban. Ça, véritablement, je ne le sais pas. Mais ce qui me semble,
22 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est que lorsque l'on place
23 cela dans le contexte qui nous intéresse, alors, la lecture de ces
24 transcriptions dans leur ensemble prend un sens différent. Les propositions
25 sont avancées, mais non pas de la part du président Tudjman, lui, il
26 discute de ces propositions mais avec des interlocuteurs qu'il prend en
27 considération, parce qu'ils sont membres du même parti politique mais aussi
28 parce qu'eux, le respectent à leur tour politiquement. Mais pour être tout
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1 à fait franc, c'est aussi, à mon sens, parce qu'il sait, à ce moment-là,
2 qu'il a grand besoin de ces hommes pour attendre ses objectifs politiques
3 et avant tout pour pouvoir défendre la frontière croate.
4 Excusez-moi, si je me suis lancé dans une interprétation qui
5 ressemble à autre chose que ne devrait être mon témoignage. Mais
6 véritablement, il m'a semblé que ceci jetait une autre lumière, une lumière
7 différente au transcript.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Vos réponses sont très longues, essayez d'être plus
9 synthétique.
10 Je profite de la question qu'a posée mon collègue, et votre réponse,
11 et ça ne sera pas décompté dans le temps de la Défense, rassurez-vous,
12 Maître Karnavas.
13 Pour aborder un sujet qui me semble extrêmement important. C'est vos
14 propres propos qui ont appelé à nouveau mon attention sur ce problème.
15 Je constate lors de cette réunion où il y a la rencontre entre
16 Tudjman et la délégation de l'Herceg-Bosna, qu'au point numéro 1, il est
17 indiqué que : "La communauté de l'Herceg-Bosna va apporter son entiers
18 concours à la reconnaissance et à l'établissement final de la République de
19 Croatie." Ça, c'est au point numéro 1.
20 Mais partant de là, et comme vous avez été un proche du président
21 Tudjman. Vous avez eu des fonctions éminentes, j'aimerais savoir pourquoi
22 la République de Croatie n'a pas reconnu officiellement à un moment donné
23 la République de l'Herceg-Bosna. Et je vous pose cette question, sur le
24 modèle de ce qui vient se passer récemment où certains pays ont reconnu le
25 Kosovo. Comment à l'époque la Croatie n'a pas voulu ou n'a pas pu
26 reconnaître officiellement la République de l'Herceg-Bosna. Est-ce que vous
27 pourrez répondre à cette question ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, si vous avez parlé de
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1 la République de l'Herceg-Bosna et parfois ce terme était utilisé pour
2 parler de l'organisation des Croates, de mon avis et d'après ce que j'en
3 sais la Croatie n'a jamais envisagé de façon sérieuse une reconnaissance de
4 cette entité-là en guise de république indépendante.
5 Pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, enfin de la République de Bosnie-
6 Herzégovine, en sa qualité d'état souverain, la Croatie a été si je ne
7 m'abuse le premier état avoir reconnu la Bosnie-Herzégovine au moment où la
8 Bosnie-Herzégovine avait demandé cette reconnaissance. En ce moment-ci, la
9 Bosnie-Herzégovine - et je parle, bien sûr, par cœur - n'a pas -- à ce
10 moment-là, n'a pas demandé une reconnaissance de la part de la Croatie, ni
11 de la part de la communauté internationale.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites qu'à aucun moment -- à aucun moment,
13 la Croatie n'a envisagé de reconnaître la République de l'Herceg-Bosna. Ça
14 n'a jamais été dans les préoccupations des responsables de l'époque, et
15 vous, vous n'avez jamais entendu parler de cette possibilité ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai entendu parler de la possibilité d'une
17 désintégration de la Bosnie-Herzégovine et un démantèlement suivant des
18 modèles différents. Je n'ai jamais entendu parler à des négociations
19 internationales variées, il en a aussi été question, mais pour ce qui est
20 de voir la Croatie reconnaître unilatéralement une organisation des Croates
21 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine qui portait des appellations
22 différentes, Herceg-Bosna, et cetera, voire la Croatie de reconnaître en
23 guise d'Etat souverain, je n'ai jamais été présent à une réunion de ce type
24 et je ne pense pas, je ne sais pas si une possibilité de ce genre a été
25 sérieusement envisagée par la direction au sommet croate.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Permettez-moi de poser une question
27 de suivi après la question posée par M. le Juge Prandler. Pour ce faire, je
28 voudrais que nous revenions à ce transcript présidentiel page 34. Je pense
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1 que ce ne serait pas juste de ne pas vous donner l'occasion de commenter
2 ceci. Nous avons ici une citation de M. Tudjman : "Il me semble par
3 conséquent que précisément comme nous avons profité de ce moment historique
4 pour établir une Croatie indépendante reconnue internationalement, je pense
5 que l'heure est venue de saisir l'occasion de réunir le peuple croate à
6 l'intérieur des frontières les plus larges possible."
7 Comment, à votre avis, faut-il comprendre ces paroles ?
8 M. KARNAVAS : [interprétation] A moins qu'il ne réponde à cette question,
9 vous avez sauté une page. Je n'ai jamais posé la question parce qu'en fait,
10 ça aurait dû être suite à la citation faite par
11 M. le Juge Prandler. Il faut lire également la page 33, car il me semble
12 qu'elle n'est pas vraiment possible de répondre à la question de M. le Juge
13 Prandler sans lire le paragraphe du haut de la page 33, après cela, on
14 pourra passer à 34 parce que c'est chronologique, s'il vous convient;
15 sinon, je reviendrai à ça plus tard. Mais je pense que si on n'a pas lu la
16 page 33, je crains fort que là on passe une sélection peu arbitraire.
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous voulez lire ce passage,
18 faites-le.
19 M. KARNAVAS : [interprétation] Effectivement, il dit : "Et de créer," et
20 là, on reprend là où M. le Juge Prandler s'était arrêté. Donc, la suite de
21 la pensée c'était de créer une déclaration : "Donc, par conséquent, sur les
22 parties qui restent de Sarajevo où on y voit surtout des Musulmans et
23 quelques Croates catholiques qui restaient, ce qui ressemblerait à une
24 petite terre historique de Bosnie, par conséquent, ce serait une zone
25 tampon dans la démarcation entre la Serbie et la Croatie et dans de telles
26 conclusions, il faudrait qu'elle s'appuie grandement sur la Croatie. Et
27 ceci satisferait aussi les acteurs nationaux qui maintenant commencent à
28 compter sérieusement comme vous l'avez dit sur la fonction de gendarme de
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1 la Serbie qui pourrait contrôler cet élément musulman islamique en Croatie,
2 dont l'intention est d'établir avec l'aide de Téhéran et Tripoli, un Etat
3 islamique en Europe."
4 C'est cette partie-là que je voulais insérer puisque nous avons parlé
5 auparavant de ce qu'il avait dit à propos de ce rôle de gendarme, à propos
6 de la position américaine. Voilà, c'est que je voulais que l'on garde à
7 l'esprit parce que ça dresse le -- si vous voulez, c'est du moins
8 l'impression que j'ai, à mon avis, il y a un lien entre tout ceci. Mais je
9 ne peux pas évidemment diriger le témoin dans sa réponse.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] La façon dont j'ai perçu à la lecture de cette
11 transcription de la totalité de ce débat est la suivante : Tudjman répond
12 en premier lieu à des propositions qui sous une forme très concrète juste
13 avant cela lui aurait été faite, le 19, dirais-je, et il parle de
14 différentes variantes. Il est question de cantonisation. Il est question de
15 républiques. Il est question de variantes très variées, diversifiées et
16 toutes les options sont ouvertes. Et pour ce qui est de la communauté
17 internationale, il y a aussi une possibilité de partage de la Bosnie-
18 Herzégovine qui est ouverte parce qu'on a vu dans certains documents que
19 ses idées étaient connues. Et dans ce contexte, Tudjman discute, et dans le
20 débat, il intègre ses convictions personnelles qui sont celles d'affirmer
21 que l'occident ne souhaite avoir un Etat musulman autonome de créer que,
22 d'une certaine façon, ce qui souhaitait c'était d'avoir une zone tampon
23 autour. J'appellerais cela, moi, réflexion, étude, plutôt que proposition.
24 Pour ce qui est de la question ou du paragraphe qui vient d'être
25 évoqué par M. le Juge on y voit qu'il n'est de façon -- qui sépare de façon
26 claire une Croatie internationalement reconnue. Il parle, je vais
27 interpréter librement de fierté parce qu'il sait que la Croatie bientôt
28 serait reconnue internationalement. Donc, il parle de ces frontières
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1 internationales et l'autre voie, pour ce qui est d'une interprétation
2 concrète et plus difficile, il parle de territoires croates ou de ce
3 territoire qui revêt l'intérêt ou qui attire l'intérêt des Croates et là,
4 il est sous-entendu en premier lieu 30, voire plutôt 28 municipalités.
5 Je crois qu'on peut reconnaître la différence qu'il existe, notamment
6 dans le contexte de la question précédente. Il se penche sur des
7 possibilités et des options, ou de façon évidente, il laisse ouvert les
8 décisions et réactions ouvertes et les décisions et réactions futures. Ou
9 il parle de façon claire, très claire des frontières de la Croatie.
10 Je ne pense pas que Tudjman pouvait être aussi catégorique et aussi
11 fier s'il ne savait pas qu'il y aurait reconnaissance internationale de la
12 Croatie. Si, en même temps, il avait eu l'idée de la modification de ces
13 frontières dans un avenir proche, nous, qui l'avons connu, savions que ce
14 n'était pas quelqu'un de naïf. D'un côté, il parle de la reconnaissance de
15 Croatie et de frontières internationalement reconnues; et il parle d'autre
16 part des différentes possibilités pour ce qui est du dénouement à envisager
17 au niveau de la Bosnie-Herzégovine.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Karnavas, poursuivez.
19 M. KARNAVAS : [interprétation] Avez-vous d'autres questions,
20 Messieurs les Juges ? S'il n'y en a pas, nous pourrons passer à l'examen du
21 document suivant. Et je pense que désormais en tant que de besoin il est
22 tout à fait convenable et l'idéal, c'est effectivement que la Chambre
23 intervienne si elle a des questions qu'elle veut poser à propos d'un
24 document.
25 Q. Document suivant P 00130. Autre document dit de transcript
26 présidentiel. Pour gagner du temps, nous voyons qu'il s'agit de la réunion
27 du 3 mars 1992, et dès la première page, vous allez constater que votre nom
28 figure parmi les personnes présentes à cette réunion. Il s'agit de la pièce
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1 P 00130; vous l'avez ?
2 R. Oui.
3 Q. Je ne veux pas perdre trop de temps à l'examen de ce document, je vous
4 demande dès lors si vous avez eu l'occasion de lire ce transcript
5 présidentiel ?
6 R. Oui.
7 Q. Il y a une partie qui m'intéresse très rapidement avant de vous
8 demander si vous voulez souligner certaines choses, page 65, deuxième
9 paragraphe, il est dit ceci : "Je pense que c'est un gros problème qu'il
10 faut résoudre en toute urgence, à savoir celui de la communication. La
11 marine de guerre croate, la 6e Zone opérationnelle, et surtout dans le
12 contexte du problème de l'Herzégovine."
13 Ceci intervient après le transcript que nous avons fini d'examiner.
14 Pourriez-vous nous dire en quoi la situation avait éventuellement changé en
15 Croatie par rapport à la JNA et par rapport à l'agression dont nous avons
16 parlé hier ?
17 R. A ce moment-là, la situation complète a évolué dans une certaine
18 mesure. La Croatie est un Etat reconnu et il y a eu déjà des zones de la
19 FORPRONU de mises en place ou en phase de mises en place, donc, il n'y a
20 pas de danger militaire direct immédiat dans la plupart des territoires de
21 la Croatie. La situation se trouve être gelée. Mais il y a toujours un
22 danger direct dans le secteur de Dubrovnik parce que, même après la
23 reconnaissance là-bas, le mandat de la FORPRONU ne s'est jamais étiré au
24 secteur ou à la région de Dubrovnik et plus au sud par rapport à Dubrovnik.
25 Alors, ce que je suis en train de dire et ce que les autres avaient dit,
26 concernant la finalité essentielle de cette réunion, c'était notamment
27 dirigé ou tourné vers les problèmes de l'armée, dont parlaient les autres,
28 et ce qui me concernait et les autres qui étaient avec moi, nous étions à
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1 peine rentrés d'une visite à cette réunion dans le secteur de Dubrovnik, et
2 nous avons parlé des problèmes que connaissait la défense là-bas. C'était
3 des problèmes de communication de transmission entre les différentes
4 parties de l'armée croate, à savoir la marine et l'armée de terre, et
5 l'impossibilité de communiquer sur le plan formel avec les unités ou -
6 pourrais-je dire - sur un plan formel d'unité; il s'agissait plutôt de
7 volontaires de l'Herzégovine qui se trouvaient sur le territoire de Bosnie-
8 Herzégovine, ceux dont j'ai parlé déjà quelque peu auparavant. C'est à cela
9 que ce rapportait ma phrase dans ce rapport.
10 Peut-être pourrais-je ajouter encore que le groupe dont je faisais partie
11 se penchait notamment sur les activités psychologiques et informatives, à
12 savoir des problèmes au niveau des communications entre les parties
13 différentes de l'armée et c'était les segments dont nous nous étions
14 occupés.
15 Q. Je crois qu'il faudra ralentir un peu le débit. Maintenant nous allons
16 un peu trop vite, mais est-ce qu'il y a d'autres choses que vous voulez
17 évoquer dans ce transcript ? Sinon, on passera au document suivant. Je
18 voulais en parler puisque vous étiez présent à cette réunion.
19 R. Je pense que, pour ce qui est du contexte des choses, nous avons
20 essentiellement parlé déjà pas mal de ce sujet.
21 Q. Bien. Document suivant, P 00131, l'Accusation dit que c'est un document
22 important car ce transcript fait état de discussions au sein du
23 commandement militaire supérieur et montre l'assistance logistique apportée
24 par des armes mais aussi par des unités militaires aux Croates de Bosnie.
25 Référence à la page 27, on voit que là on fait référence au secteur de
26 Dubrovnik.
27 Avant d'entrer dans les examens des détails, nous voyons que vous étiez
28 présent à cette réunion. Le lendemain du transcript précédent, puisque nous
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1 sommes là le 4 mars 1992, mais vous n'êtes pas seul, il y a d'autres
2 personnes présentes, y compris un certain Daidza, pourriez-vous tout
3 d'abord nous dire si vous connaissiez cette personne, quel poste il
4 occupait ?
5 R. Oui, j'ai fait la connaissance de M. Daidza à l'occasion d'une de ses
6 visites au champ de bataille vers le sud. Je ne sais pas si ça s'est fait
7 juste avant cela, mais au moment où j'ai fait sa connaissance, il était
8 commandant d'une unité qui se composait, pour l'essentiel, de volontaires
9 musulmans qui, au moment où nous les avons rencontrés, se trouvaient en
10 formation ou en préparatifs de quelque -- en quelque sorte, en Croatie. Si
11 je ne me trompe pas, ça devait se situer près de Makarska, peut-être Backa
12 Polje, je ne suis pas tout à fait certain de la -- au sujet de la localité.
13 Mais je sais pour sûr qu'il commandait cette unité de volontaires musulmans
14 qui, bien entendu, se battait aux côtés des volontaires croates contre
15 l'armée yougoslave.
16 Q. -- demander une fois de plus de ralentir un peu, mais vous parlez de
17 volontaires musulmans. Est-ce que c'étaient des volontaires de Bosnie-
18 Herzégovine, ou est-ce qu'ils venaient de Croatie ?
19 R. Ils étaient de Bosnie-Herzégovine, d'Herzégovine.
20 Q. Vous parlez aussi de formations ou entraînements. Je suppose que vous
21 parlez de formations à structures militaires.
22 R. Je pense qu'il s'agissait, en premier lieu, d'un entraînement
23 militaire.
24 Q. Auparavant, vous avez évoqué ce qui avait reçu comme cote la cote 3D
25 03171. C'est la carte et vous aviez indiqué le secteur de Dubrovnik. Vous
26 aurez peut-être un commentaire sur la page 25 du transcript.
27 Daidza a dit ceci : "On m'a chargé de disposer ou de prendre des
28 dispositifs sur la vallée de Neretva avec d'autres commandants parce que
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1 c'était notre dernière ligne de défense." Et puis il dit : "Je voudrais
2 faire une déclaration brève," ce qu'il fait. Puis, à la page 27, toute
3 dernière phrase, on parle d'un certain Luka Djanko.
4 R. Oui.
5 Q. Djanko, merci. Vous voulez parler de la zone de responsabilité du
6 secteur de Dubrovnik qui ne couvre que le petit territoire avant la
7 municipalité de Dubrovnik, celle de Metkovic, Ploce, je ne réussis pas à
8 prononcer l'autre --
9 R. Vrgorac ?
10 Q. Oui, en Bosnie-Herzégovine. Et puis, le texte se poursuit en lisant
11 ceci : "C'est particulier en raison de quelques éléments parce que Neum et
12 l'Herzégovine est coupée et on a pas beaucoup de profondeur par la défense.
13 La municipalité de Dubrovnik est encerclée et a des problèmes subjectifs au
14 niveau du commandement. Il y a des actions à -- en Herzégovine sans ordres
15 écrits donnés par l'état-major et je suis déjà dans la -- les Croates
16 d'Herzégovine sont incapables de défendre la ligne allant de Mostar à
17 Popovo Polje, et je pense qu'ils ont aux environs 22 000 canons
18 d'artillerie et c'est assez. Je vais dire quelques mots de plus," et puis
19 après une discussion s'ensuit.
20 Est-ce que ceci rend compte de ce que vous disiez hier à propos de Neum,
21 des difficultés qu'il y avait à couvrir toute -- tout le secteur méridional
22 de la Croatie ?
23 R. Oui, cela constitue une illustration encore plus spécifique de ce dont
24 j'ai déjà parlé. Je peux, par exemple, vous donner une illustration en
25 parlant d'un épisode concret. J'ai, pour la première fois, rencontré M.
26 Djanko là-bas et il était commandant de l'armée de terre croate dans ce
27 secteur, non pas de la marine. Et il y avait des informations disant que
28 des chars yougoslaves étaient en train de se diriger vers Opuzen, à savoir
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1 vers la ligne sur la rivière Neretva. Et lui, à ce moment-là, lorsque nous
2 sommes arrivés là, avait envisagé de façon sérieuse la destruction d'un
3 pont sur Bistrina. C'est une petite rivière dans le secteur.
4 Cependant, lorsqu'on s'est penchés sur la carte, on a pu voir que ça
5 n'avait aucune signification ou aucun sens stratégique parce que, s'il
6 détruisait ce pont-là, il empêchait le passage par ce territoire étroit de
7 la Croatie, mais eux poursuivraient leurs déplacements par -- en passant
8 par le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Qu'est-ce que j'illustre par là
9 ? Il était tout à fait clair qu'il s'avérait impossible de défendre ce
10 territoire au cas où ne venait pas à être intégrée dans la défense, la
11 défense de certaines parties de l'Herzégovine, parce que c'est de là que
12 venaient, en bonne partie, les attaques.
13 Q. Bien, merci. Passons à trois documents que je vais vous passer l'un
14 après l'autre pour en mentionner quelques passages pertinents et vous
15 demander un commentaire, pour autant que ceci convienne à la Chambre, parce
16 que ceci nous permettrait une certaine économie du temps en raison du fait
17 que ces documents portent à peu près sur le même sujet.
18 Voyons d'abord le document P 00205, document du Conseil de sécurité, 15 mai
19 1992. Avant d'examiner le document, je vous demande ceci : à ce moment-là,
20 à cette date, est-ce que la Croatie envoie des effectifs en Bosnie-
21 Herzégovine pour attaquer le gouvernement de Sarajevo ?
22 R. Bien sûr que non.
23 Q. Est-ce que des troupes ont été envoyées pour attaquer le peuple
24 musulman ? Et vous venez de nous dire qu'il y avait des volontaires
25 musulmans formés en Croatie qui assistaient la Croatie dans sa défense
26 contre la JNA, laquelle lançait des attaques depuis le territoire de la
27 Bosnie-Herzégovine sur la Croatie; c'est bien cela ?
28 R. Exact.
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1 Q. Bon. Voyons cette résolution du Conseil de sécurité, page 2, point 2,
2 on dit : "Se félicite des efforts déployés par la Communauté européenne
3 dans le cadre des discussions pesant sur les dispositifs constitutionnels
4 pour la Bosnie-Herzégovine sous les auspices de la Conférence pour la
5 Yougoslavie et exhorte la reprise des discussions sans retard de façon à ce
6 que -- et aussi on exhorte une participation active et constructive des
7 trois communautés de la Bosnie-Herzégovine à ces discussions," et cetera.
8 Première question : étiez-vous au courant de ces activités, qu'il y avait
9 des discussions en cours portant sur des dispositifs constitutionnels en
10 Bosnie-Herzégovine ?
11 R. J'étais informé de ça.
12 Q. Bien. Est-ce qu'à un moment donné -- c'est une question de base qui me
13 servira de base à d'autres questions plus tard. Est-ce qu'à un moment
14 donné, vous avez participé à diverses activités, que ce soient des
15 négociations, des discussions, à la rédaction de -- d'accords, activités
16 basées en partie sur -- ou dues aux discussions portant sur ces dispositifs
17 constitutionnels en Bosnie-Herzégovine ?
18 R. Pour ce qui est de la totalité du temps, il est certain que cela ait
19 été le cas dans plusieurs situations. Déjà, dès ce moment-là, j'étais
20 intégré dans les négociations, j'ai pris part aux entretiens.
21 Q. Point 3. Il exige que toute forme d'immixtion venant de l'extérieur de
22 la Bosnie-Herzégovine, notamment de la part d'Unités de la JNA ou
23 d'éléments de l'armée croate, cessent sur-le-champ et que les voisins de la
24 Bosnie-Herzégovine agissent tout de suite pour mettre fin à ces actions et
25 défendre l'intégrité de la Bosnie-Herzégovine."
26 Première question : à votre avis, est-ce qu'il y avait des éléments de
27 l'armée croate sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine et, s'il y en
28 avait, où se trouvaient-ils, ces éléments, à ce moment-ci, à la lumière des
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1 circonstances et des activités dont vous avez déjà parlé jusqu'à présent ?
2 R. Je n'ai pas d'information concrète à ce sujet, mais je crois bien que
3 cela -- qu'il y a eu des éléments de l'armée croate sur des territoires de
4 la Bosnie-Herzégovine. Je n'ai aucune raison de douter de ce rapport-ci. Il
5 est tout à fait évident, toutefois, que, compte tenu de la situation
6 totale, qu'à ce moment, ils se battaient uniquement contre l'armée
7 populaire yougoslave qui se trouvait, comme cette résolution le dit, sur le
8 territoire de la Bosnie-Herzégovine.
9 Q. Nous allons bientôt examiner d'autres résolutions; cependant, pourriez-
10 vous nous aider sur ce point ? Hier, nous avons parlé des Nations Unies, du
11 fait que les Nations Unies avaient rien fait pour envoyer des effectifs de
12 combat pour défendre l'intégrité du territoire et l'avis des Croates, vu
13 les actions agressives menées par la JNA.
14 A supposer, et vous ne -- vous nous avez dit que vous étiez dans la
15 région, que vous connaissiez fort bien la région, donc, on a ici la base
16 qu'il nous faut puisque vous étiez dans l'armée, donc, vous connaissez les
17 questions aussi sur ce plan-là. A supposer qu'il y avait des éléments de
18 l'armée croate qui s'étaient retirés, qui se seraient retirés de cette zone
19 autour de Dubrovnik et un peu plus loin, un peu plus haut du côté de Neum.
20 Et supposons ici, puisque c'est un cas que nous posons, on verra plus tard
21 qu'en fait, c'est bien comme ça que ça s'est passé, supposons que la JNA ne
22 se soit pas retirée de ce territoire. Qu'est-ce qu'il se serait passé dans
23 cette partie méridionale de la Croatie ?
24 R. Hier, je disais qu'à l'époque il y avait déjà suffisamment d'éléments
25 d'information convaincants disant que l'armée serbe et l'armée yougoslave,
26 à ce moment-là, étaient placées entièrement sous le contrôle de la
27 direction serbe, donc, leur objectif était de -- d'établir la frontière sur
28 la rivière Neretva. Personnellement, j'aimerais l'impression que s'il n'y
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1 avait pas eu de volontaires d'Herzégovine, de ces Croates, s'il n'y avait
2 pas eu non plus de volontaires musulmans qui ont combattus à leurs côtés -
3 et là encore, j'insiste, il s'agit de mon impression personnelle - s'il n'y
4 avait donc pas eu d'aide qu'ils ont reçue de la part de l'armée croate ou
5 des portions de l'armée croate, que sur le plan militaire, cet objectif
6 aurait pu être atteint.
7 Quel aurait été le sort de la Bosnie-Herzégovine par la suite ? Comment se
8 seraient déroulées les négociations de paix par la suite ? Ça, on peut --
9 on peut se lancer dans des conjectures là-dessus, mais c'est un fait que de
10 dire que toutes les négociations de paix portant sur la Bosnie-Herzégovine
11 partaient du fait que la partie serbe contrôlait une certaine partie du
12 territoire. Et que parfois on ne tenait pas compte du -- de la manière dont
13 ce territoire avait été pris.
14 Q. Bien. Alors, il y a un point 4 - nous l'avons déjà examiné - où l'on
15 parle des : "Demandes ou exigences selon lesquelles ces unités de l'armée
16 yougoslave et éléments de l'armée croate se trouvaient en Bosnie-
17 Herzégovine se retirent, ou bien soient placés sous l'autorité du
18 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine ou qu'ils soient démantelés, désarmés
19 et que les armes en question soient placées sous surveillance
20 internationale effective." Et il est également -- est question -- est
21 question d'une demande à propos de cet établissement de programme de
22 surveillance internationale, demande du secrétaire général.
23 Alors, s'agissant de cette dernière partie de la déclaration, y a-t-il eu
24 assistance internationale dans ce secteur-là et, si oui, laquelle ?
25 R. Il me semble qu'avant tout c'était le monitoring.
26 Q. D'accord. Alors, les observateurs étaient-il en mesure de riposter face
27 à la JNA ?
28 R. Je ne pense pas que cela était leur mandat. Très certainement, à ce
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1 moment-là, ils n'avaient pas ce mandat-là et ils n'avaient pas non plus la
2 force de le faire. Je pense que nous le savons et nous le savons également
3 grâce aux jugements qui ont été prononcés par ce Tribunal que parfois,
4 lorsqu'ils ont eu la possibilité ou la force de le faire, ils n'ont pas su
5 empêcher certaines catastrophes humanitaires imminentes ou évidentes.
6 Q. Très bien. Les deux documents suivants portent la date --
7 M. LE JUGE ANTONETTI : -- question de suivi sur le document qu'on vient de
8 voir qui est le 205, si je ne me trompe. C'est bien celui-là, Maître
9 Karnavas ?
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, c'est ça, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la résolution au point -- à la page 2 dans la
12 version anglaise, au point 4, il est demandé que les Unités de l'armée
13 croate, maintenant, en Bosnie, se retirent. Alors, c'est un sujet qui nous
14 a occupés pendant des heures, j'allais dire des dizaines, voire peut-être
15 même des centaines d'heures.
16 A votre connaissance, Monsieur, y avait-il des Unités de l'armée croate en
17 Bosnie-Herzégovine ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'à ce moment-là, il y a eu des
19 éléments de l'armée croate en certains points de Bosnie-Herzégovine.
20 Comment définir ces éléments ? Ça c'est une autre question. Mais ils
21 combattaient tous ensemble avec tous ceux qui se défendaient contre l'armée
22 yougoslave et contre l'agression serbe, comme je le disais. Par exemple, en
23 République de Croatie, nous avons salué cette résolution. A ce moment-là,
24 j'étais au ministère des Affaires étrangères.
25 Et pourquoi est-ce qu'on a accueilli favorablement cette résolution ? Parce
26 que cette résolution offre deux options, deux possibilités. D'une part, que
27 l'armée yougoslave se retire de Bosnie-Herzégovine, c'était un moment où
28 l'optimisme régnait encore dans les institutions internationales. Certains
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1 espéraient encore que cela était possible. Donc, dans ce cas-là, la
2 question du maintien d'éléments quels qu'ils soient de l'armée croate
3 serait devenue complètement superflue, il n'y aurait plus rien à faire là-
4 bas, à partir de ce moment-là. Mais si cela ne se produisait pas, il y a
5 l'autre partie de la résolution, en fait, la -- la suite du point 4 de la
6 résolution, à savoir que ces forces soient placées sous le contrôle du
7 gouvernement de Bosnie-Herzégovine.
8 Monsieur le Président, je peux vous en témoigner. A l'époque, nous avons
9 pris contact avec la Bosnie-Herzégovine afin d'opérationnaliser les
10 conclusions qui découlent de cette résolution.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, ma question se limite au mois de mai 1992. Pour
12 la suite, on verra ultérieurement. Continuez, Maître Karnavas.
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. Alors, les deux documents suivants portent la date du
15 30 mai 1992 et ils correspondent au même point que nous avons évoqué
16 brièvement dans notre discussion. Regardez la page 2 du document
17 P 00232. En milieu de page, il est dit la chose suivante : Extrêmement
18 préoccupé de l'évolution de la situation en Croatie et y compris de
19 violations persistantes de cessez-le-feu et de l'expulsion qui se poursuit
20 de civils non-serbes et de l'obstruction et du manque de coopération avec
21 la FORPRONU dans d'autres secteurs de la Croatie."
22 Alors, pouvez-vous nous aider là-dessus ? De quoi parlent-ils lorsqu'ils ne
23 cessent de parler d'expulsions continues, permanentes, de civils non-serbes
24 en Croatie ? Alors, de quoi parlent-il ici, de quoi parle-t-on ?
25 R. Ici, ils parlent de ce qui est en train de se produire dans les zones
26 qu'on a appelées des zones de la FORPRONU. Ce sont des parties de la
27 Croatie qui ont été occupées par les Serbes. On a mis sur pieds ce qu'on a
28 appelé la République serbe de Krajina et c'est là qu'on a vu arriver se
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1 déployer les forces internationales. Mais indépendamment de cela, des
2 persécutions se poursuivent de -- à l'encontre de toute la population non-
3 serbe, qu'il s'agisse de ces hommes-là ou d'autres, d'ailleurs. Et
4 lorsqu'il est question de manque de coopération, il est évident, compte
5 tenu du moment au -- dont il s'agit, que ces autorités autoprogrammées dans
6 les zones occupées ne coopèrent pas avec la FORPRONU, alors, ces autorités
7 autoproclamées étaient-elles aidées par les forces armées en particulier,
8 ou menaient-elles ces expulsions de manière tout à fait indépendante ?
9 R. Depuis le tout début, ils ont reçu une aide directe de la part de
10 l'armée populaire yougoslave, ils étaient armés, leur commandement, la
11 structure du commandement était en partie directement empruntée à la JNA,
12 l'un des commandants dans ce secteur de Knin et le général Mladic avant
13 qu'il ne passe en Bosnie-Herzégovine, donc, c'est un secret de polichinelle
14 que c'est, en fait, un mariage entre les dirigeants autoproclamés sur la
15 base de l'idée de la création de la Grande-Serbie et de l'armée yougoslave,
16 qui entre-temps a cessé de prétendre que c'était préservé la Yougoslavie.
17 En fait, elles participent à l'occupation de la Croatie, et bientôt ce
18 serait aussi l'occupation de la Bosnie-Herzégovine.
19 Q. Avant de passer à la question suivante sur ce document précisément,
20 pouvez-vous nous dire la proportion de territoires croates qui est occupée
21 à ce moment-là ? Ceci pourra revêtir une certaine pertinence parce que
22 parfois dans ce prétoire, on a tendance à oublier un peu la proportion du
23 pays et les dégâts considérables qui ont été subis en Croatie.
24 R. Véritablement je ne voudrais pas essayer de me faire passer pour un
25 expert. A en juger d'après les documents que j'ai reçus dans le cadre de
26 mes activités diplomatiques, c'est que j'ai eu l'occasion de voir également
27 dans les documents internationaux, c'est entre 25 au minimum jusqu'à 30 %
28 au maximum du territoire qu'on parlait. Donc, à peu près d'un tiers du
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1 territoire croate qui était occupé à ce moment-là.
2 Q. Bien. Au paragraphe 2 -- non, pardon, en page 3, point 2, on dit que :
3 "Il était exigé que tous les éléments ou que tout élément de l'armée croate
4 qui demeure présent en Bosnie-Herzégovine agisse conformément au paragraphe
5 4 de la Résolution 752 très rapidement." Alors, dans les 15 jours qui
6 séparent le document que nous avons examiné tout à l'heure, c'est-à-dire P
7 0025 et celui-ci donc P 00232, la situation a-t-elle évolué sur le terrain
8 ou pas ?
9 R. Non. Il n'y a pas eu de changement significatif de la situation, mais
10 les activités diplomatiques ont été intensifiées entre la République de
11 Croatie et la Bosnie-Herzégovine, et bientôt, ceci amènera la signature
12 d'un accord qui satisfait entièrement les conditions qui ont été établies
13 par le Conseil de sécurité.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] On me dit que la cote qui apparaît dans le
15 compte rendu n'est pas bonne. Il faudrait lire
16 P 00205.
17 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
18 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. Donc, non simplement pour corriger le
19 compte rendu, c'est sans doute moi qui ai fait un lapsus et c'est la raison
20 pour laquelle la cote qui apparaissait tout à l'heure dans le compte rendu
21 n'était la bonne.
22 Q. Alors, le document P 00233 maintenant, c'est le dernier document de
23 cette série, il porte la même date. Vous nous avez dit que la JNA n'avait
24 pas quitté les lieux en tout cas pas les secteurs de Bosnie-Herzégovine à
25 partir desquels ils attaquaient la Croatie.
26 J'aimerais simplement faire ressortir quelques éléments de ce document.
27 Pour bien comprendre quelle était la réalité véritable. Regardez le dixième
28 paragraphe : "S'agissant du retrait d'éléments de l'armée croate qui se
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1 trouvent maintenant en Bosnie-Herzégovine, les informations disponibles à
2 New York semble indiquent que ce retrait ne s'est pas produit. La FORPRONU
3 a reçu des informations fiables faisant état de membres de l'armée de la
4 Croatie en uniformes opérant dans le cadre de formations militaires en
5 Bosnie-Herzégovine étant membres de celle-ci.
6 "Les autorités croates n'ont cessé de défendre la position selon laquelle
7 les soldats croates qui se trouvent en Bosnie-Herzégovine ont quitté
8 l'armée croate et ne relèvent plus de son autorité. Les observateurs
9 internationaux, toutefois, n'ont aucun doute sur le fait que les positions
10 de Bosnie-Herzégovine sont sous le contrôle --" sont -- pardon, je n'arrive
11 pas bien à lire que --
12 "-- des parties de la Bosnie-Herzégovine sont sous le contrôle de
13 l'armée croate qu'ils appartiennent à la Défense territoriale locale, à des
14 groupes paramilitaires, ou à l'armée croate. On en est pas sûr -- ou
15 plutôt, on n'est pas sûr que dans les circonstances qui -- on ne sait pas
16 très bien dans les circonstances qui prévalent comment il serait possible
17 de mener à bien le retrait ou le démantèlement exigé par le conseil."
18 Alors, vous avez parlé de M. Daidza. Si vous ne pouvez pas répondre à ma
19 question, dites-le. Mais M. Daidza relevait-il du contrôle de l'armée
20 croate ou l'autorité croate ?
21 R. Je ne saurais pas vous répondre à cette question. Je pense que ça me
22 semblait parfaitement clair de savoir contre qui combattait Daidza ainsi
23 que ses volontaires, mais quant à savoir sous le contrôle de qui il était
24 placé, je ne pourrais pas vous répondre avec la certitude voulue.
25 Mais M. Daidza est originaire de Bosnie-Herzégovine. Je pense qu'on le
26 sait, je le sais. C'est un fait généralement connu. Il est originaire de
27 Bosnie centrale, me semble-t-il.
28 Q. Bien.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Question d'ordre général, Monsieur le Témoin. A
2 l'époque, vous deviez lire les Résolutions du Conseil de sécurité, je
3 suppose. Votre département ministériel devait scruter à la loupe tout ce
4 qui était écrit.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Assemblée. J'étais à l'époque au
6 ministère des Affaires étrangères. Nous avions pris connaissance de chacune
7 de ces Résolutions, et nous essayons d'agir conformément aux Résolutions.
8 Là, je parle au nom du ministère des Affaires étrangères.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous le savez, ces Résolutions sont le fruit
10 de collection d'information diverse émanant des forces internationales
11 présentes sur le terrain, d'autres sources, et cetera. Dans votre position,
12 avez-vous noté à quelque moment que ce soit de graves erreurs dans les
13 Résolutions qui pouvaient mentionner certains faits, et cetera ? Est-ce que
14 vous avez quelques cas très précis à nous dire où ce qui a été écrit
15 [imperceptible] manifestement erroné, faux basés sur des éléments peu
16 fiables ? Est-ce que vous avez un ou deux exemples à nous citer
17 spontanément ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne saurais pas me
19 rappeler d'une Résolution ou d'un rapport du secrétaire général où j'aurais
20 eu l'occasion de relever comme vous venez de le dire quelques erreurs
21 essentielles. Si cela s'est produit, il y a eu une réaction de notre part
22 pendant qu'on travaillait sur la rédaction des Résolutions. Il m'a semblé
23 parfois qu'on avait tendance dans ces Résolutions -- on avait tendance à
24 établir une sorte d'équilibre des forces ou d'approches équilibrées face
25 aux différentes parties concernées, et nous qui connaissions la situation
26 sur le transmissions, nous avions la sensation que cela ne reflétait pas
27 véritablement la situation telle qu'elle était réellement.
28 Comme je pense pouvoir dire que j'ai entretenu des relations assez bonnes
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1 avec toute une série de représentants internationaux, il m'est arrivé d'en
2 parler, peut-être même de protester officiellement. Et la réponse que je
3 recevais le plus souvent c'était qu'ils étaient là pour établir les faits,
4 et non pas pour se lancer dans des appréciations de ce qui était en train
5 de se produire, de savoir qui était coupable et qui ne l'était pas.
6 Nous, nous avions la sensation que cette approche n'était pas toujours très
7 productive mais, là encore, peut-être était-ce uniquement la sensation que
8 nous avions parce qu'en fin de compte, moi, je représentais la République
9 de Croatie. J'admets que mon attitude -- mon approche était subjective,
10 elle l'était certainement, mais je ne pourrais pas vous dire que j'ai
11 remarqué de graves erreurs dans ces documents.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, avant la pause --
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, si vous me le permettez un dernier
14 point sur ce document, et ensuite, effectivement, le moment se prêtera bien
15 à la pause.
16 Q. J'en reste au même document, le document 233, parce que vous avez parlé
17 de Mladic et la question peut nous intéresser ici. Regardez le paragraphe
18 numéro 5 en page 2 du document. Il est dit
19 que : "Le gros des membres de la JNA ont été déployés en Bosnie-Herzégovine
20 -- qui, pardon, ont été déployés en Bosnie-Herzégovine étaient des citoyens
21 de cette République et n'étaient donc pas couverts par les autorités de
22 Belgrade. Décision du 4 mai en vue du retrait de la JNA de la Bosnie-
23 Herzégovine. La plupart d'entre eux semblent s'être ralliés à l'armée de ce
24 que l'on appelle la République serbe de Bosnie-Herzégovine. D'autres ont
25 rejoint les rangs de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine" -- je
26 n'arrive pas à lire le mot suivant -- "sous le contrôle politique de la
27 présidence de cette République. D'autres ont peut-être rejoint différents
28 groupes de forces irrégulières opérant sur place."
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1 Alors, vous avez parlé tout à l'heure du général Mladic, qui se trouve à un
2 moment donné en Croatie, officier de la JNA. Pourriez-vous nous dire ce que
3 l'on entend exactement par ce qui est dit au paragraphe 5, ce qui pourrait
4 être important lorsque l'on parle de ce personnel de la JNA ?
5 R. Si nous parlons de tentatives d'établir des rapports objectifs dont je
6 viens de parler à l'instant, mon interprétation est la suivante : le
7 secrétaire général en a été informé, a reçu des rapports comme cela figure
8 ici, à savoir que des membres de la JNA originaires de Bosnie-Herzégovine
9 venaient de rejoindre les armées nouvellement constituées.
10 En réalité, il n'y a pas eu de changement du tout. Ce sont finalement
11 les mêmes militaires qui conservent exactement le même équipement et il me
12 semble que cet équipement est mentionné quelque part, si je ne me trompe.
13 Dans ce rapport du secrétaire général, on en parle, et ils ont toujours la
14 même structure de commandement. Et hélas, avec le temps on verra, il me
15 semble que c'est la première fois, là, que le général Mladic est mentionné
16 dans un document, un document -- mais, avec le temps, on verra où il a pris
17 part, comment il a participé et sous le contrôle de qui il a été placé.
18 Donc, en fait, c'est une mascarade, ce sont les mêmes militaires qui se
19 trouvent placés sous le même commandement toujours.
20 Q. Très bien. Merci.
21 M. KARNAVAS : [interprétation] J'en ai terminé pour l'instant, Monsieur le
22 Président.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire une pause de 20 minutes.
24 --- L'audience est suspendue à 17 heures 40.
25 --- L'audience est reprise à 18 heures 03.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous avez la parole.
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Désolé de vous interrompre dans
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1 votre élan, mais avant la pause je ne voulais pas abuser de votre temps
2 mais j'avais quand même une question à poser à M. Zuzul, pour demander une
3 précision.
4 Au cours des toutes dernières minutes qui ont précédé la pause, vous et
5 lui, vous avez parlé de certaines résolutions du Conseil de sécurité des
6 Nations Unies, je pense que c'était à la page 74, lignes 1 et 2. Monsieur
7 Zuzul, vous avez dit, et je vous cite : "J'étais là pour représenter la
8 Croatie," et cetera. Ma demande de précision est la suivante : au vu du
9 résumé que nous avons reçu, on ne voit pas clairement si vous étiez
10 également posté à New York ou si vous êtes uniquement posté à Genève à
11 cette époque. Auparavant, vous avez dit avoir été posté, envoyé à Genève en
12 tant que représentant permanent à Genève de la Croatie. Mais si je vous ai
13 bien compris, vous vous êtes également trouvé à New York en qualité de
14 représentant permanent de la Croatie, ou étiez-vous uniquement là en tant
15 que membre d'une délégation ? Je voudrais savoir si vous vous êtes trouvé
16 de façon permanente à Genève ou si vous avez parfois participé aux réunions
17 de l'assemblée générale à New York ou aux réunions du Conseil de sécurité ?
18 Merci d'avance.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Au moment de
20 l'adoption de ces résolutions, je me trouvais au ministère des Affaires
21 étrangères. J'étais ministre adjoint aux affaires étrangères. Et, j'ai déjà
22 commencé à vaquer aux négociations. Je n'étais pas encore nommé
23 ambassadeur. Je suis devenu à ce moment-là ministre adjoint des affaires
24 étrangères. Et j'ai été ambassadeur aux Nations Unies à Genève, comme vous
25 l'avez si bien compris, je le suis devenu le 1er février 1993.
26 Mais en ma qualité de ministre adjoint et de suppléant par la suite,
27 puis comme ambassadeur à Genève, j'ai été régulièrement membre de nos
28 délégations tant à New York, et j'ai participé directement aux travaux et
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1 aux débats relatifs à l'élaboration de toutes les résolutions, bien sûr, du
2 côté croate.
3 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci.
4 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Prandler.
5 Q. Je voulais relever ce qui se trouve à la ligne 24, page 74, parce que
6 la traduction que nous avons reçue dit ceci, "ces gens se sont efforcés
7 d'être objectifs." Mais d'après ma collègue, vous avez utilisé le mot
8 "Pokusaj", alors je ne sais pas si je prononce bien, mais est-ce que ça
9 veut dire "tentative" ou "effort", parce que ça ne veut pas nécessairement
10 dire la même chose. Qu'est-ce que vous avez dit exactement quand on vous a
11 posé une question à propos des rapports ? Est-ce qu'on parlait de faire des
12 efforts ou de faire des tentatives ? Je veux pas vous souffler la réponse,
13 mais apparemment vous avez utilisé le terme "Pokusaj", on n'a pas le compte
14 rendu en croate malheureusement. Pourriez-vous nous le dire ?
15 R. Je dirais qu'ils font des efforts.
16 Q. Fort bien. Je pense que nous pourrons aborder rapidement les quelques
17 documents suivants pour arriver à des sujets plus substantiels. D'abord, on
18 a un document de l'Accusation P 00263, transcript présidentiel de la
19 réunion qui s'est tenue le 15 juin 1992. Bien entendu, dans la liste des
20 pièces à charge, l'Accusation indique les pages qui les intéressaient
21 étaient les pages 66, 67, elle indique ce transcript nous montre qu'il y a
22 des unités de l'armée croate qui sont envoyées en Bosnie et y établissent
23 des postes de contrôle, des "check-points". Prenons cette page-là, la page
24 67, si vous le voulez bien.
25 Soit dit en passant, elle montre aussi que vous étiez présent. Je ne
26 sais pas si vous vous souvenez avoir été présent, en tout cas, la première
27 page montre votre présence. Page 67, je la comprends comme suit, vous avez
28 eu l'occasion de voir non seulement la version en anglais, mais de la
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1 comparer avec la version en croate. Ça peut revêtir une certaine
2 importance. Il reviendra à la Chambre d'en juger, mais voyez le tout
3 dernier paragraphe qui dit ceci : "Le nombre de cas de vols et de larcins
4 semble augmenter." Est-ce qu'il y a des mots qui manquent ici ?
5 R. Il est exact de dire que j'étais présent à cette réunion. Bien sûr,
6 lorsque j'ai lu les transcriptions, je me suis souvenu de la chose parce
7 qu'il s'est passé presque 16 ans depuis. Mais à la lecture de la version
8 croate et de la version anglaise et de la transcription, j'ai relevé le
9 fait qu'en version anglaise il manquait un mot qui, dans ce contexte-ci,
10 peut modifier de façon substantielle la signification. En anglais, il
11 s'agit de la page 67. En croate -- je ne sais pas exactement vous dire le
12 marquage des pages, il me semble que c'est le 714. Il manque le mot
13 "oratkum" [phon], "par le retour" ou "par retour." Si nous traduisons ce
14 paragraphe, il manque ce mot, "en retour" ou "par retour." Je ne suis pas
15 un expert en matière d'anglais, mais compte tenu de ma connaissance de
16 l'anglais, ça ne peut être traduit que par deux façons : "withdrawal",
17 "retrait" ou "retour", "return", "retour."
18 Si vous ajoutez ce mot à ce paragraphe, indépendamment du fait de
19 savoir si vous allez traduire par "return" ou "withdrawal", il me semble
20 que la signification est tout à fait autre. Ce paragraphe montre que
21 véritablement des éléments de l'armée croate qui se trouvaient sur le
22 territoire de la Bosnie-Herzégovine revenaient chez eux, et en revenant, au
23 retour, ils procèdent à certaines activités criminelles.
24 Q. Bien. Pour ce qui est de la question des postes de contrôle, est-ce que
25 vous voulez lire le paragraphe, il ne fait que quelques lignes.
26 R. Le même ?
27 Q. Oui, vous pouvez nous lire en croate ou le lire en anglais, comme vous
28 voulez. Ce qui vous convient le mieux puisque le transcript a été conçu en
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1 croate.
2 R. Je pense que c'est le mieux de le lire en croate, comme ça on aura une
3 nouvelle traduction.
4 "En outre, il y a croissance de vols et de vols aggravés, aliénations de
5 biens mobiliers et à certains points, il y a acheminement d'engins,
6 d'équipements du territoire de l'Herceg-Bosna où les unités et les
7 individus ayant pris part en contrebas aux combats, s'en revenant en
8 Croatie, ont emmené en guise de butins de guerre, des tracteurs et tout
9 engin agricole autre, et cetera.
10 "Néanmoins" -- paragraphe suivant. "Néanmoins," disais-je, "nous avons mis
11 là des postes de contrôle puissants, et je dirais que nous empêchons ce
12 type de choses de façon fort efficace."
13 Q. Fort bien. Puisque vous étiez présent, maintenant que le contexte est
14 établi et que nous avons relevé l'erreur, lorsqu'on dit : "Nous avons
15 établi des postes de contrôle, des 'check-points'", ici, qu'est-ce que
16 c'était comme lieux, et quand on dit "ici," c'était où dans ce contexte ?
17 R. Je ne peux pas vous confirmer où se trouvaient ces postes de contrôle,
18 parce que je ne le sais pas dans le concret. Mais il me semble, partant du
19 contexte ici présent, qu'il s'agit de postes de contrôle sur le territoire
20 de la Croatie.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je précise aux fins du dossier, est-
22 ce qu'il ne serait pas utile de mentionner que c'est Mate Lausic qui
23 intervient ici ? Ce n'est pas Boban, ce n'est pas le témoin.
24 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi. Effectivement, peut-être que je
25 me fatigue un peu là.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Nous sommes tous un peu fatigués.
27 M. KARNAVAS : [interprétation] J'aurais dû le dire, c'est vrai.
28 Q. Qui est ce monsieur, afin que ce soit clair au dossier ?
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1 R. Je pense qu'à ce moment-là il était commandant de la police militaire
2 de l'armée croate.
3 Q. Très bien. Document suivant, P 00336, transcript présidentiel du 21
4 juillet.
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il faut prendre un autre classeur.
6 M. KARNAVAS : [interprétation]
7 Q. -- 21 juillet 1992. Etablissons le contexte, tout d'abord. A ce moment-
8 là de l'histoire, qu'est-ce qui se passe en Croatie ? Est-ce que la JNA
9 s'est déjà retirée ? Est-ce que les attaques ont cessé ? Vous aviez dit
10 qu'il y avait jusqu'à 30 % du territoire qui avait été occupé, alors
11 maintenant est-ce que la Croatie a retrouvé le contrôle de son territoire
12 au sein de ses frontières reconnues internationalement ?
13 R. En Croatie, il n'y a pas beaucoup de changements de survenus parce
14 qu'il y a de bonnes parties du territoire qui sont encore occupées. Il n'y
15 a pas d'activités de combat majeures, d'après ce que j'en sais, parce que
16 les forces de la FORPRONU se trouvent présentes dans ces régions.
17 Cependant, rien n'évolue dans le sens positif. Il y a changement de
18 relations entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, car la Bosnie-
19 Herzégovine, entre-temps, s'est vue être reconnue comme état, reconnue
20 aussi par la Croatie.
21 Et peut-être dans le contexte tout entier de ce récit, il serait
22 utile de mentionner le fait qu'au référendum avant la création ou la -- de
23 la Bosnie-Herzégovine, il n'y a eu que les Bosniens et les Croates à y
24 avoir pris part. Les Serbes ont refusé de prendre part au référendum. Le
25 président Tudjman a convié de façon publique les Croates, habitants de la
26 Bosnie-Herzégovine, à voter au référendum et à voter en faveur de la
27 proclamation d'une République souveraine de Bosnie-Herzégovine.
28 Tout de suite après la proclamation ou très rapidement après la
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1 proclamation de cette république, la Croatie a reconnu son indépendance et,
2 en termes pratiques, nous avons procédé à des consultations diplomatiques
3 immédiates. Ce document se rapporte à une première grande réunion après la
4 reconnaissance. Je dirais, cependant, que dans le contexte des résolutions
5 mentionnées tout à l'heure, il y a eu vers la mi-juin à peu près le
6 président Tudjman et le président Izetbegovic à avoir fait une déclaration
7 conjointe, et j'étais en compagnie du président Tudjman lorsque nous
8 l'avons rédigée.
9 Cette déclaration, entre autres, se rapportait à des questions
10 évoquées dans le courrier du secrétaire général et dans les résolutions du
11 Conseil de sécurité. En d'autres termes, la Croatie a souhaité tout de
12 suite se conformer à ces documents. C'est le contexte total, général. Suite
13 à ces activités diplomatiques assez intenses, il y a eu la tenue de cette
14 réunion entre la direction de la Bosnie-Herzégovine et celle de la Croatie
15 à Zagreb au mois de juillet.
16 Q. Merci. Alors, agissons de façon méthodique. Je suis cependant content
17 que vous ayez dressé le contexte car je l'utilise pour aborder ma question
18 suivante. Dans la description 65 ter que faisait l'Accusation, description
19 qu'elle faisait de ce transcript présidentiel, alors l'Accusation a dit que
20 je faisais comme ça de l'interprétation, un peu de communication, entre
21 guillemets --
22 M. SCOTT : [interprétation] Objection. Je la repose maintenant cette
23 objection. Il ne sert à rien de faire ces préambules, ces critiques
24 préliminaires. Cette une question, posons-la, donnez une page pour autant
25 ta question soit équitable. Il est vraiment inutile et superflu d'avoir ces
26 remarques.
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, je suis en
28 train de me défendre d'allégations. L'Accusation m'a accusé de vouloir
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1 donner une tournure particulière à des choses qui n'étaient pas là. Alors,
2 ici, on a Tudjman qui insiste auprès du président bosniaque et le témoin le
3 sait bien.
4 M. SCOTT : [interprétation] Mais c'est de nouveau souffler la réponse,
5 parce que maintenant je vous dis quelle est la position de l'Accusation,
6 donc vous êtes sûr que vous n'allez pas être d'accord. Donc c'est une façon
7 de souffler -- mais posez tout simplement la question.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Ecoutez, faisons le point ici. J'ai
9 rencontré le témoin, j'ai examiné les documents. Si je voulais lui souffler
10 des réponses, j'aurais pu le faire à ce moment-là. C'est absolument
11 ridicule ce qui est en train de se passer.
12 Ce Procureur a rencontré chaque témoin, examiné chaque document avec
13 chacun d'eux, puis maintenant ici, on allègue qu'il y a entreprise
14 criminelle commune. On affirme que Tudjman faisait pression sur le
15 président de Bosnie pour passer un accord, document suivant. Ça c'est
16 l'interprétation que fait l'Accusation. J'ai le droit de le relever parce
17 que ce témoin peut commenter. Alors ici, dire ou sous-entendre que moi, je
18 fais sous entendre, c'est absolument ridicule, et c'est un euphémisme.
19 M. SCOTT : [interprétation] Mais, écoutez, je vous demande, Monsieur le
20 Président, à vous tous Messieurs les Juges, rappelez-vous lorsque nous
21 faisions la présentation des moyens à charge de nos témoins, et je n'étais
22 pas là, je vous dis maintenant, Monsieur le Témoin, quelle est la cause
23 défendue par l'Accusation et voilà la réponse que j'attends de vous et si
24 vous regardez telle ou telle partie de l'acte d'accusation, je n'ai jamais
25 préfacé ma question de cette façon. On pose une question à un témoin qui
26 est venu, on lui pose ces questions-là, c'est tout. On ne commence pas à
27 présenter les conclusions juridiques ou sa propre interprétation, on se
28 contente de poser les questions.
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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais c'est la charge de la preuve, c'est
2 l'Accusation qui a le pouvoir de présenter des allégations et qui a toute
3 latitude pour rédiger l'acte d'accusation à sa guise. Alors, maintenant on
4 a voulu donner une certaine interprétation à ce transcript présidentiel
5 pour le faire verser au dossier. Je n'invente rien du tout. C'est ce que
6 fait l'Accusation, c'est son invention, et ce sont eux qui doivent apporter
7 la preuve et je me défends.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges sont en train de réfléchir comment
9 accélérer la rapidité des procès. Vous, tous les deux, vous venez de nous
10 donner une illustration qui fait que parfois les Juges interviennent.
11 Alors, Maître Karnavas, vous voulez mettre en évidence un élément.
12 Très bien. Alors, pour mettre en évidence cet élément, vous dites au
13 témoin : "Regardez le transcript, il y a telle phrase qui est indiquée." Il
14 confirme, il affirme, je ne sais. Et après quoi, vous dites : "Voilà, il
15 apparaît dans l'acte d'accusation ceci, et cetera," puis, on va de l'avant.
16 M. KARNAVAS : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président, mais ce
17 n'est pas dans l'acte d'accusation. C'est dans la description que fait
18 l'Accusation des éléments de preuve. Mais je comprends, évidemment la
19 description ce n'est pas un élément de preuve, mais vous verrez une requête
20 que j'ai déposée où je fais objection à cette qualification, parce que ça
21 s'inscrit dans toute l'attaque que je fais de la thèse de l'Accusation,
22 parce qu'en essayant de présenter des éléments de preuve, elle a dû faire
23 la description de ce que montre à son avis l'élément de preuve en question.
24 C'est pour ça que je fais objection. L'Accusation a réagi en disant non,
25 non, notre description fait partie des éléments de preuve. Mais je vous ai
26 reçu cinq sur cinq. J'avance et je vais aborder sans plus tarder, sans
27 ambages ce document.
28 Est-ce que tout le monde s'est un peu calmé là.
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1 Q. Le 21 juillet 1992, discussion, examinez ceci quelques instants
2 seulement puisque nous allons bientôt examiner le document suivant. Page
3 59, M. Franjo Tudjman, président, dit ceci, je le cite : "M. le Président
4 Izetbegovic, nous n'avons que peu de temps, est-ce que nous pourrions
5 terminer ce volet-ci de la discussion, et est-ce que ceci peut être la base
6 de nouvelles discussions entre les états, à savoir que les deux
7 délégations, pour dire que le statut des Croates en Bosnie-Herzégovine
8 devrait s'organiser partant de trois unités constitutives en Bosnie-
9 Herzégovine, en tant que l'une des trois unités constitutives de la Bosnie-
10 Herzégovine, et aussi il faudrait un accord pour dire que les forces de
11 défense du conseil de Défense croate doivent faire partie intégrante des
12 forces de Défense de la Bosnie-Herzégovine et qu'elles doivent être
13 représentées dans le commandement conjoint des forces de Bosnie-
14 Herzégovine."
15 Vu le poste que vous avez occupé, vu votre action personnelle dans ces
16 événements, pourriez-vous nous dire plus exactement pourquoi le président
17 Izetbegovic, je parle du président Tudjman, pourquoi il mène cette
18 politique avec Izetbegovic à l'époque ?
19 R. Justement, j'étais présent à cette réunion. Je pense que cela a été une
20 réunion très importante. A mon avis, elle illustre bien les principes de la
21 réflexion du président Tudjman ainsi que les principes régissant le
22 comportement du président Tudjman pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine.
23 Il accepte M. Izetbegovic en sa qualité de président d'un état voisin
24 souverain que la Croatie a reconnu. Il exprime sa préoccupation pour ce qui
25 est de la situation, de la condition des Croates en leur qualité de peuple
26 constitutif dans cet état, et il présente une proposition qui se fonde sur
27 les propositions avancées à l'époque par la communauté internationale. On
28 parle du plan Cutileiro encore, disant que la population croate, mais au
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1 sein de la Bosnie-Herzégovine, ait une position sur pied d'égalité avec les
2 autres peuples.
3 Et dans l'autre partie, non seulement il exprime mais il propose que les
4 forces de la Défense croate en Bosnie-Herzégovine passent sous le
5 commandement conjoint de la Bosnie-Herzégovine, afin de répondre pour le
6 mieux aux nécessités de la défense vis-à-vis de l'agression.
7 Je pense que ce paragraphe illustre bien la position du président
8 Tudjman, à ce moment-là, pas seulement, à ce moment-là, du reste. Ça s'est
9 formulé, à ce moment-là, mais, hier et aujourd'hui, j'ai essayé de vous
10 expliquer que l'impression que j'ai eue à partir du début de la crise en
11 Bosnie-Herzégovine était celle d'affirmer que les positions du président
12 Tudjman se trouvent être définies au travers de ces trois principes-là. Et
13 ces trois principes-là on peut les voir dans ces deux phrases de la
14 proposition qu'il a avancée.
15 Q. Avant de passer au document suivant je vous demande ceci : est-ce que
16 le président Tudjman avait l'intention de subordonner les Croates et
17 l'armée croate en Bosnie-Herzégovine HVO à l'armée qu'il y aurait eu pour
18 le gouvernement de Sarajevo quelle quel soit ? Ou lorsqu'il dit "partie
19 intégrante" est-ce qu'il était animé d'autres intentions ?
20 R. Non. Il voulait l'un et l'autre. Il voulait que les Croates obtiennent
21 une place adéquate au sein du gouvernement et au sein des structures du
22 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, y compris au niveau du commandement
23 de l'ABiH. Mais de faire en sorte que les forces de la Défense croate comme
24 il le dit explicitement deviennent partie intégrante et inaliénable
25 inséparable des forces armées de Bosnie-Herzégovine. Ces deux éléments-là
26 sont indissociables à mon avis. Il faut donc qu'il y ait de facto une armée
27 mais au sein du commandement il faut qu'il y ait participation des Croates.
28 Q. Apparemment, d'après ce qu'on me dit, c'était les forces de défense et
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1 non pas les forces de l'ABiH. Vous savez, c'est un désavantage pour moi, je
2 ne comprends pas le croate et ma collègue me dit qu'à la page 85, ligne 18
3 il y a une erreur. Est-ce que vous pourriez vérifier et nous le redire ?
4 Parce qu'il y a quelque nuance importante car j'imagine déjà -- je vois
5 déjà l'Accusation afféré à prendre des notes en vue du contre-
6 interrogatoire et je ne voudrais pas ici que quelque chose ce soit perdu
7 dans la traduction et que ce soit lésé.
8 R. Vous parlez de cette traduction à l'écran ?
9 Q. Apparemment, ça a été corrigé.
10 R. -- une question.
11 Etant donné que je n'ai pas la possibilité de suivre en parallèle ce qui
12 est dit et la traduction, et étant donné que j'ai relevé à plusieurs
13 reprises des erreurs, et étant donné qu'entre ce que je témoigne
14 aujourd'hui et demain et le témoignage à venir il se passera quelque mois.
15 Je veux m'excuser de mon ignorance. Mais puis-je avoir un droit de vue sur
16 les transcriptions de mon témoignage et sur ces documents ? Etant donné que
17 je comprends parfaitement que je ne puis contacter ni la Défense ni
18 l'Accusation ni les Juges, le Tribunal. Donc, est-ce qu'il y a cette
19 possibilité à ma disposition et est-ce que c'est une requête logique ? Je
20 m'en excuse. Mais ceci vient de me faire penser à la chose.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, les transcripts sont publics, et
22 normalement, ils sont accessibles à tout le monde. Donc, d'ici que vous
23 revenez au mois de juillet, vous aurez largement le temps via internet
24 avoir accès au transcript de l'audience de ce jour sans aucun problème.
25 Sauf si le système tombait en panne, on ne sait jamais.
26 M. KARNAVAS : [interprétation]
27 Q. Prenons le document suivant P 00339 c'est en effet en rapport avec le
28 document précédent. P 00339. 21 juillet 1992, le titre dit : "Accord
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1 d'amitiés et de coopération entre la République de Bosnie-Herzégovine et la
2 République de Croatie."
3 Une fois de plus je veux m'assurer que nous sommes sur la même longueur
4 d'onde et que tout le monde comprend bien. A cette date, la Croatie a
5 reconnu l'indépendance de la Bosnie, n'est-ce pas ?
6 R. C'est exact.
7 Q. Dans ces frontières internationalement reconnues, n'est-ce pas ?
8 R. Exact. Exact.
9 Q. Bien. Nous n'avons plus tellement de temps pour nous attarder sur ce
10 document. Ce n'est pas non plus tout à fait nécessaire mais j'aimerais que
11 l'on examine le paragraphe numéro 8 de ce document. Le paragraphe numéro 8,
12 je vais le passer en revue élément par élément. "Compte tenu de l'agression
13 continue des forces militaires serbes et monténégrines contre la République
14 de Bosnie-Herzégovine. Mais également largement menée contre la République
15 de Croatie des zones continues se situant en République de Bosnie-
16 Herzégovine, le président de la présidence de la République de Bosnie-
17 Herzégovine et le président de la République de Croatie lance un appel à la
18 communauté internationale et en particulier aux Etats-Unis, à la Communauté
19 européenne et aux Etats-Unis d'Amérique, afin que ceux-ci prennent des
20 mesures concrètes et efficaces pour mettre un terme énergique à l'agression
21 contre leurs Etats pour prévenir toute perte vie humaine ultérieure pour
22 lutter contre la persécution et l'expulsion de leurs citoyens et la
23 destruction de leurs biens."
24 Je m'interromps. Ici, on nous dit considérant ou compte tenu de l'agression
25 continue, alors, est-ce que l'agression se poursuivait bel et bien à ce
26 moment-là, comme cela est décrit dans ce
27 paragraphe ?
28 R. Absolument.
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1 Q. Très bien. Je sais que nous en avons un peu parlé déjà. Un appel est
2 lancé aux Nations Unies, à la Communauté européenne, aux Etats-Unis
3 d'Amérique, afin que ceux-ci prennent des mesures concrètes et efficaces
4 pour mettre un terme énergique à l'agression contre leurs Etats. Alors, à
5 la date de cet accord, le 21 juillet ou par la suite, les Etats-Unis ont-
6 ils envoyé des soldats de combat pour protéger l'intégrité territoriale de
7 la Croatie, et/ou de la Bosnie-Herzégovine contre la JNA ou quel que soit
8 l'agresseur qui se soit tourné contre ces Etats à ce moment-là ?
9 R. Non. A ce moment-là, personne n'envisageait l'envoie de forces censées
10 combattre l'armée populaire yougoslave. Et si je puis formuler un
11 commentaire suite à ce paragraphe car j'ai pris part directement à la
12 rédaction de tout cela, nous avons ici un appel lancé directement par les
13 deux présidents, appel lancé aux Etats-Unis d'Amérique puisque le président
14 Clinton était élu, et le président Tudjman lui avait déjà envoyé une lettre
15 lui faisant part de sa conviction, que faute de participation directe des
16 Etats-Unis, la crise ne trouverait pas de solution et c'est la raison pour
17 laquelle nous avons fait figurer cela dans la déclaration, enfin, dans cet
18 accord conclu entre les deux présidents et les deux présidents étaient
19 d'accord pour cela. Et si je puis ajouter un commentaire concernant ce
20 document qui à mes yeux revêt une importance toute particulière, non
21 seulement il n'y a eu aucune pression exercée entre les deux parties mais
22 nous avons négocié - je ne sais pas quel terme est utilisé - nous avons
23 cherché à nous convaincre mutuellement sur chaque mot. Je ne dis pas dans
24 chaque paragraphe. Donc, M. Trnka du côté bosniaque et moi-même du côté
25 croate ainsi que quelques autres, nous avons vraiment réalisé cela suite à
26 un travail commun. Et le document a été signé par les chefs de délégation,
27 documents préparés par des membres de délégation, et en fait ce sont des --
28 c'est de manière très sérieuse que nous avons préparé tout cela. Puisque
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1 les représentants des deux Etats y ont participé.
2 Q. Très bien. Sans oublier ceci, passons à la partie suivante du
3 paragraphe numéro 8. Cet objectif -- c'est cet objectif strie que les deux
4 états maintiendront leur coopération passée qui a été couronnée de passé et
5 poursuivront la coordination des activités défensives dans" - et je
6 souligne bien le "dans" - "dans les zones contiguës des deux états."
7 Alors, voici quelle est la première question : est-ce là un récit fidèle à
8 la réalité ? La coopération passée a-t-elle effectivement aboutie à des
9 succès entre ces deux parties en ce qui concerne les activités de défense
10 dans les secteurs contigus ?
11 R. Lorsqu'on parle de coopération réussie, je pense qu'on entend par là le
12 fait d'avoir empêché l'armée yougoslave -- d'avoir empêché d'atteindre
13 l'ensemble de ses stratégies -- objectifs stratégiques de l'époque. Avant
14 tout, le fait de l'avoir empêchée de s'emparer du territoire allant jusqu'à
15 la rivière Neretva. Le fait de l'empêcher -- d'établir la frontière là-bas.
16 Q. "Conscient du fait que les deux états sont menacés à moins qu'un terme
17 soit mis dans les plus brefs délais à l'agression dont ils sont la cible,
18 menacés donc par davantage de destructions et l'annihilation de leur -- de
19 l'entité et de l'intégrité de leur état, les deux états, si les efforts de
20 la communauté internationale demeurent vaincs, prendront toutes les mesures
21 nécessaires pour établir une coopération plus large dans le domaine
22 militaire et coordonner les opérations militaires afin de" - et je pense
23 qu'ensuite ce qui est dit - "afin de repousser le danger qui les -- qui les
24 menace."
25 Est-ce précis ici, oui ?
26 R. Oui.
27 Q. Bien. S'agissant de cette coopération plus large dans la sphère ou le
28 domaine militaire et de la coordination des opérations militaires, puisque
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1 vous avez participé au processus de négociations, pourriez-vous nous dire
2 si, à ce que -- à ce stade, il était envisagé de faire ? Je sais que nous
3 avons les transcripts présidentiels, on pourrait sans doute glaner ces
4 informations-là de ces conversations, mais vous y avez participé. Que
5 pouvez-vous nous dire ?
6 R. Réellement, à l'époque, cela signifiait toute forme de coopération
7 possible entre l'armée croate et l'ABiH; autrement dit, non pas des Croates
8 en Bosnie-Herzégovine, mais de l'armée croate et de l'ABiH. On a même
9 envisagé -- on a même parlé -- possibilité qui
10 -- ouverte par ce paragraphe, donc, possibilité de lancer des actions
11 militaires conjointement, si nécessaire.
12 Q. Bien. Enfin, le paragraphe 9, très brièvement, voici ce qu'il y est dit
13 : "Il y a un accord en vue d'adopter un protocole relatif à l'établissement
14 de relations diplomatiques entre les deux états au niveau des ambassades,
15 signature immédiate." Cela a bel et bien eu lieu, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : -- minute, mais pour moi, c'est un document
18 intéressant qui a déjà été abordé avec d'autres témoins et je ne vais pas
19 manquer de laisser passer l'occasion de poser la question à quelqu'un qui a
20 participé à l'élaboration du document.
21 On a la preuve, par le document précédent sur le transcript présidentiel
22 dont la réunion a duré dix heures et quart, que ce document a été fait dans
23 la foulée de cette réunion et que le témoin y a participé.
24 Alors, voilà ma question, Monsieur le Témoin : ce document, qui est signé
25 par les deux présidents, qui est un accord d'amitié et de coopération entre
26 les deux républiques, est-ce que ce document, au niveau de votre pays, a eu
27 une diffusion ? A-t-il été publié dans la gazette officielle de votre
28 République ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un document qui a été publié
2 pratiquement le même jour ou le lendemain, je ne suis pas certain et je ne
3 suis pas expert en la matière. Je ne sais pas si ça fait partie des traités
4 ou accords qui, normalement, devraient être publiés dans le journal
5 officiel.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la question qui allait suivre : est-ce que ce
7 -- cet accord international devait être, d'après votre loi - je n'ai,
8 malheureusement, pas eu le temps de vérifier cela - devait être ratifié par
9 le parlement ? Ou bien, c'était de la compétence du président d'engager son
10 pays dans son accord international sans ratification ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis d'avis que la ratification n'est pas
12 nécessaire dans ce cas. D'après la constitution de l'époque, le président
13 de l'état pouvait signer ce type d'accords sans qu'il y ait ratification
14 par le parlement. Je pense que, d'après la constitution de la République de
15 Croatie d'aujourd'hui, ce type d'accord pourrait même être signé par le
16 ministre des Affaires étrangères. D'ailleurs, c'est ce qui se produit
17 souvent dans d'autres états également. Mais je pense que, d'après ces
18 attributions constitutionnelles, le président était habilité à signer cet
19 accord.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans ce document, vous avez fait des références à
21 plusieurs résolutions du Conseil de sécurité, notamment la dernière en date
22 du 13 juillet 1992. Est-ce que vous avez officiellement envoyé ce document
23 à New York pour informer la communauté international qui, d'ailleurs, va
24 prendre une résolution dans le document suivant que Me Karnavas allait
25 peut-être aborder; est-ce que vous avez envoyé ce document à la communauté
26 internationale pour lui porter à sa connaissance que, dorénavant, l'armée
27 du HVO était partie composante de l'ABiH tel que le prévoit le paragraphe
28 numéro 6 ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons informé de ce document la
2 communauté internationale dès le lendemain.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà mes questions.
4 Maître Karnavas.
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : -- M. Praljak qui s'est levé je ne sais pour quelle
7 raison.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Laissez-moi deviner.
9 Alors, permettez-moi de poursuivre.
10 Q. Le document suivant porte la cote 1D 02295.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak.
12 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, en croate, on a
13 reçu une interprétation de vos propos disant que, dans le document, il est
14 écrit que le HVO serait opposé à l'ABiH. C'est ainsi que ça a été traduit
15 en croate, excusez-moi.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai jamais dit ça. Je n'ai pas dit ça. Donc, il y a
17 une erreur de traduction en croate. J'ai simplement dit que l'armée du HVO
18 était, d'après le document, partie intégrante de l'ABiH. C'est ce que j'ai
19 dit. Alors, je demande aux interprètes d'être particulièrement vigilants
20 parce qu'à plusieurs reprises, on a constaté un mot, une virgule pouvait
21 avoir une importance capitale. Donc, si les accusés ou les avocats ou M. le
22 Procureur, lui-même, constate des problèmes, qu'il n'hésite pas à
23 intervenir dans l'intérêt de tous.
24 M. STEWART : [interprétation] Oui, oui c'est vrai. En fait, il y a la même
25 erreur dans l'anglais. Donc, en fait, ce que vous avez dit va corriger
26 également le compte rendu en anglais.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, parce que, moi, quand je parle, je n'ai
28 pas le nez fixé sur le transcript en anglais, donc, je vous regarde, je
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1 préfère regarder les avocats que regarder le transcript.
2 Maître Karnavas, cessez d'y regarder.
3 Je vous donne la parole.
4 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, nous souhaitons remercier effectivement
5 M. Praljak, c'était une correction importante; nous le remercions. Merci.
6 Merci de nous avoir aidé à apporter cette correction. Le danger des
7 éléments de preuve indirects qui nous poussent à tirer des conclusions
8 hâtives.
9 Q. Très bien. Alors, je vais parler du document suivant. Le document 1D
10 02295. C'est le document suivant, qui porte la date du 6 août 1992, donc
11 quelque temps après l'accord que nous avons examiné, et ce qui est dit tout
12 en haut c'est ceci : "Je suis venu sur le territoire de la République de
13 Croatie sur décision de la présidence de la République de Bosnie-
14 Herzégovine." Et puis on voit un nom en bas, Fikret Abdic. Est-ce que vous
15 savez qui c'est ?
16 R. Oui, je savais qui était M. Abdic.
17 Q. Fikret Adbic donc. Bien nous en reparlerons au travers de la déposition
18 d'autres témoins. Alors que dit-il ici, il dit que : "Sa tâche consiste à
19 organiser des activités qui sont actuellement très importantes pour la
20 Bosnie-Herzégovine."
21 Je laisse de côté la phrase suivante et je continue ma lecture : "Compte
22 tenu de l'accord entre Etat récemment signé, nous considérons que la
23 Croatie est le bon endroit pour mettre en place un certain nombre
24 d'activités qui ont des répercussions pour les deux républiques. Avec votre
25 accord, nous avons l'intention d'établir ici un quartier général principal
26 en vue d'apporter un appui à la Bosnie-Herzégovine son quartier général
27 sera situé à Rijeka et il y aura plusieurs états-majors régionaux dans
28 différents lieux en Croatie."
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1 Et si l'on passe au tout dernier paragraphe, la première phrase on lit ce
2 qui suit : "Nous vous demandons de bien vouloir adopter une décision
3 légalisant les activités de notre état-major principal et des états-majors
4 régionaux en République de Croatie, dont les sièges seront décidés par
5 accord mutuel."
6 Alors, ma première question est la suivante : il parle d'un accord entre
7 Etat récemment signé; y a-t-il eu d'autres accords que celui que nous
8 venons de constater, et qu'Alija Izetbegovic a été pressé à signer ? Si
9 l'on en croit ce que disent certains.
10 R. Je pense que M. Abdic se réfère à l'accord que nous venons d'examiner,
11 parce que ce type de lettre découle logiquement en tant que mise en œuvre
12 de cet accord. Il pourrait même se référer à un accord précédent, celui que
13 j'ai mentionné du mois de juin, mais il me semble que c'est précisément
14 celui-ci qu'il a à l'esprit.
15 Q. Bien. Il évoque également la formation d'un état-major principal, alors
16 à votre avis qu'entend-t-il par là ? Que demande-t-il exactement ? Est-ce
17 qu'il s'agit là du secteur militaire ou
18 civil ? De quoi parle-t-il ?
19 R. Je l'interprète de la manière suivante, je pense qu'avant tout cela
20 concerne la logistique militaire ce serait un centre de logistique
21 militaire. Comme il ressort à l'examen de cette carte, la Bosnie-
22 Herzégovine a une frontière uniquement avec la Serbie c'est de là commence
23 l'agression, et puis la partie est de la Bosnie-Herzégovine est occupée par
24 les Serbes. En d'autres termes, le seul lien vers le -- qui ouvre la
25 Bosnie-Herzégovine vers l'extérieur cela passe par la Croatie, et c'est par
26 la Croatie que sont passés tous ces réfugiés si nombreux, et également tout
27 l'acheminement d'aide humanitaire, de l'équipement sanitaire, les
28 médicaments, des vivres. Tout passait par la Croatie. Malheureusement, la
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1 République de Croatie et la Bosnie-Herzégovine se sont trouvées exposées à
2 une décision injuste de la communauté internationale.
3 Je présente mes excuses à la Chambre et je souhaite corriger ce que j'ai
4 dit précédemment, à savoir la République de Croatie et la Bosnie-
5 Herzégovine ont été victimes de la décision portant embargo sur la
6 possession d'armes. Comme les deux, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine
7 n'étaient pas armées, elles étaient aux prises avec un adversaire, un
8 ennemi bien armé, bien équipé, à savoir la JNA et l'armée populaire
9 yougoslave.
10 Il est évident, il est clair pour tout un chacun qu'ils ont cherché à
11 s'armer par tous les moyens possibles, et l'acheminement des armements vers
12 la Bosnie-Herzégovine je ne pourrais pas témoigner à ce sujet parce que je
13 n'ai pas de connaissance concrète précise. Mais il suffit de jeter un coup
14 d'œil sur la carte pour comprendre comment cela a pu passer. On a écrit là-
15 dessus.
16 Et l'impression qu'on a eue que c'est qu'une bonne partie de la communauté
17 internationale face aux faits que la décision qu'ils avaient prise était
18 profondément injuste parce qu'ils ont empêché la victime de s'armer pour
19 pouvoir se défendre. L'impression que j'ai, c'est à cause de cela, une
20 bonne partie de la communauté internationale - comment dirais-je - a fermé
21 les yeux parce qu'il s'est agi de l'approvisionnement du transport des
22 armes également de divers équipements, autres équipements militaires en
23 passant par la Croatie pour la Bosnie-Herzégovine.
24 Et si je puis ajouter un commentaire, la République de Croatie réellement
25 si elle avait souhaité s'emparer d'une partie du territoire de la Bosnie-
26 Herzégovine, bien, alors, ce ne serait pas tellement logique de prendre la
27 décision de l'aider à s'armer, et il est certain qu'elle l'a aidée.
28 Q. Bien. Demain nous allons examiner quelques documents qui vont dans ce
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1 sens. Très bien.
2 J'aimerais maintenant que l'on examine le document suivant,
3 P 0386 -- pardon, P 00386. C'est un document du 13 juillet, c'est-à-dire
4 une semaine après la demande formulée après que M. Abdic a formulé sa
5 demande. Résolution 771 --
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander à M. le Greffier de me donner le
7 décompte du temps.
8 M. KARNAVAS : [interprétation]
9 Q. Bon. Alors, si vous regardez ce document et le document suivant, P 387,
10 et si l'on regarde également l'autre document P qui suit, P 00406, si vous
11 regardez ces différents documents quelques instants, vous verrez que ce
12 sont tous des documents qui émanent des Nations Unies. Le premier, 386, est
13 en date du 13 août; le deuxième toujours du 13 août; et le troisième du 25
14 août. Alors, très rapidement, je vous demande si la situation sur le
15 terrain a évolué; en d'autres termes, si la JNA ou des éléments de la JNA
16 ont quitté le territoire de la Bosnie-Herzégovine, et si le danger a cessé
17 d'exister, concernant la Croatie, s'entend.
18 R. En Croatie, il n'y a pas eu de modification substantielle pour ce qui
19 est de la Bosnie-Herzégovine, on voit de plus en plus clairement que
20 l'armée yougoslave s'empare du territoire et qu'elle viole toutes les
21 dispositions du droit international. Et je pense qu'ici dans cette
22 Résolution, de manière tout à fait explicite il est question du nettoyage
23 ethnique. Au point 2, il est question des actions lancés par l'armée serbe
24 sur le territoire de Bosnie-Herzégovine à ce moment-là.
25 Q. Oui, mais alors de quel document ?
26 R. Le document 386.
27 Q. Très bien. Mais, par exemple, dans l'autre document -- par exemple, le
28 document 406, à la page 3, paragraphe 3, on nous dit : "Qu'il est exigé
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1 également que ces unités de l'armée populaire yougoslave et les éléments de
2 l'armée croate présents en Bosnie-Herzégovine soit que ceux-ci se retirent
3 soit qu'ils se soumettent à l'autorité du gouvernement de la Bosnie-
4 Herzégovine."
5 Alors, d'après la réponse que vous avez donnée il y a un instant, il me
6 semble bien que l'armée et la JNA sont toujours sur place, sur le
7 territoire de l'armée de la Bosnie-Herzégovine ?
8 R. Est-ce que je peux expliquer ? La pièce P 406, c'est une Résolution
9 adoptée par l'assemblée générale, c'est différent des Résolutions du
10 Conseil de sécurité. Il y a une différence. Il n'y a pas de force
11 exécutoire. Mais la procédure d'adoption est différente également. Cette
12 résolution dans son adoption, ces préparatifs prennent plus de temps que ce
13 n'est le cas lorsqu'il s'agit des Résolutions du Conseil de sécurité. Car
14 si la situation était différente ce serait tout à fait inutile de
15 mentionner les forces croates puisque l'accord qui règle cette question
16 précisément en citant les Résolutions déjà signées, donc, en traduisant
17 dans les faits les dispositions des exécutions, les respectent.
18 Mais je peux vous dire que je connais cette résolution, puisque lorsque les
19 diplomates de Bosnie-Herzégovine ont engagé la procédure pour que cette
20 résolution soit adoptée, la Croatie leur a apporté son plein soutien. Et
21 personnellement, j'ai porté le texte de la proposition de cette résolution
22 au président Tudjman qui m'a habilité à donner des instructions à notre
23 corps diplomatique pour fournir leur soutien plein et entier à la Bosnie-
24 Herzégovine pour l'adoption de cette Résolution.
25 Je pense que vous devez le savoir, pour qu'une résolution soit
26 adoptée par l'assemblée générale, une majorité absolue de 180 et quelque
27 pays membres est nécessaire, donc pays membres de l'assemblée générale.
28 Donc, c'est davantage un point politique qu'autre, mais pour ce qui nous
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1 concerne, pour ce qui concerne une relation entre la République de Croatie
2 et la Bosnie-Herzégovine, c'était une confirmation, une traduction dans les
3 faits de notre accord d'amitié. Nous avons apporté notre plein soutien à
4 cette résolution.
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Bien, nous n'avons plus tellement de temps
6 pour aujourd'hui, Monsieur le Président, je ne veux pas faire durer.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous avez utilisé trois heures 45
8 minutes, donc, il vous restera une heure 15 minutes.
9 Alors, mon souci est de savoir demain si les autres avocats vont contre-
10 interroger, et si c'est le cas, ils ont deux heures 30.
11 Alors, à ce stade, qui va contre-interroger. Il y a Me Alaburic qui dit
12 oui.
13 Maître Alaburic.
14 Mme ALABURIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je pense que ce
15 serait très bien de profiter de la présence de M. Zuzul qui connaît
16 beaucoup de choses sur les sujets qui nous sont importants; j'ai
17 l'intention de lui poser quelques questions pour ma part. J'ai à ma
18 disposition mes 30 minutes. J'ai demandé aux Défenses de M. Stojic et Pusic
19 de me céder leur temps et, si nécessaire, et si nous estimons que mon
20 interrogatoire est utile, je vais demander aux autres Défenses -- si elles
21 n'ont pas de questions, je vais leur demander de me céder leur temps.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, il y a déjà vous qui allez intervenir pour une
23 heure 30.
24 Maître Nozica, vous intervenez aussi ?
25 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pour le moment,
26 je ne pense que nous aurons des questions à poser. Nous aurons notre
27 décision demain. Si nous n'avons pas de questions, nous allons céder notre
28 temps à Me Alaburic.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.
2 M. KOVACIC : [interprétation] Non, nous n'aurons pas de questions, peut-
3 être une ou deux très brèves de la part de M. Praljak, mais nous étudions
4 encore la question. Mais très probablement, non, nous n'aurons pas de
5 questions. Il est plus sûr que nous nous n'en ayons pas, que si nous n'en
6 ayons, mais ça sera qu'une ou deux minutes au maximum.
7 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Au vu de la situation comme elle
8 se présente maintenant, nous n'aurons pas de questions, mais nous aurons
9 notre décision définitive demain. Comme Me Nozica vient de vous dire, nous
10 allons probablement céder notre temps à
11 Me Alaburic.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, en tout état de cause, demain nous
13 terminerons au plus tard à 18 heures 30. Si, peut-être que les Juges auront
14 du temps pour poser des questions, si nous n'avons pas assez de temps, vous
15 savez que l'audience se poursuivra le 18 juillet et à cet égard, Monsieur
16 le Témoin, le 18 juillet c'est un vendredi. Le Procureur aura cinq heures
17 pour contre-interroger, manifestement, avec tous les problèmes
18 administratifs, objection, et cetera, on n'aura pas temps de terminer
19 vendredi. Ce qui devrait logiquement poursuivre lundi matin, ce qui va vous
20 amener à rester pendant le week-end du 18 au 20. Donc, j'espère que ça ne
21 vous posera aucun problème, surtout que les week-ends à La Haye sont forts
22 agréables quand il fait beau. Donc, prenez vos dispositions pour être à la
23 disposition de la Chambre le vendredi 18 et certainement le lundi, parce
24 qu'après le contre-interrogatoire du Procureur, il y aura certainement des
25 questions supplémentaires, donc, de ce fait il faut au moins prévoir deux
26 jours.
27 Donc, voilà ce que je tenais à vous dire à titre d'anticipation, parce que
28 le mois de juillet c'est dans -- ayant encore le temps mais pour que vous
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1 preniez vos dispositions d'ores et déjà, sachant que malheureusement que
2 parfois le mois de juillet vous avez peut-être prévu vos vacances, je ne
3 sais pas.
4 C'est peut-être contraignant pour vous, mais il est impossible de
5 faire autrement. En tout état de cause, le Procureur ne pouvait
6 manifestement pas commencer son contre-interrogatoire cette semaine, on le
7 voit très bien.
8 Donc, voilà ce que je tenais à vous dire. Nous reprendrons donc
9 l'audience demain à 14 heures 15. Je vous formule donc les mêmes
10 recommandations qu'hier, à savoir, Monsieur le Témoin, aucun contact avec
11 quiconque pendant tout le temps où vous êtes sous serment. Voilà, je vous
12 remercie, donc, à demain.
13 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le jeudi
14 8 mai 2008, à 14 heures 15.
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