Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 8 mai 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, bonjour,

  8   Messieurs les Juges. Bonjour à toutes et tous. Affaire IT-04-74-T, le

  9   Procureur contre Prlic et consorts.

 10   Merci, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce jeudi, 8 mai

 12   2008, je salue les représentants de l'Accusation, je salue M. le Témoin,

 13   Mmes et MM. les avocats, MM. les accusés, ainsi que toutes les personnes

 14   qui nous aident.

 15   Nous devons donc poursuivre aujourd'hui l'interrogatoire principal du

 16   témoin. Avant de donner la parole à Me Karnavas, je voudrais régler une

 17   question administrative pour la semaine prochaine. Le témoin qui est prévu

 18   par la Défense de M. Prlic; la Défense Prlic a demandé quatre heures pour

 19   l'interrogatoire principal. Je constate que ce témoin a déjà témoigné dans

 20   l'affaire Naletilic. Donc je m'interroge sur le fait qu'il faudrait quatre

 21   heures alors que même qu'il y a déjà eu une audition de ce témoin, qui a

 22   duré déjà une journée dans l'affaire Naletilic. Maître Karnavas, est-il

 23   vraiment nécessaire que vous ayez quatre heures pour le premier témoin de

 24   la semaine prochaine ?

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense que oui, Monsieur le Président.

 26   Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, bonjour à tous. Nous

 27   allons essayer de réduire l'interrogatoire principal à trois heures, mais

 28   je ne vous promets pas quelque chose - une promesse que je ne peux pas

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  1   tenir - disons ce sera entre trois et quatre heures. Nous essayerons d'agir

  2   vite. Puisqu'il a déjà témoigné, l'Accusation -- ou plutôt ce monsieur sait

  3   ce qu'il aura à dire. Et j'ajouterais qu'ici en l'occurrence c'était un

  4   sujet assez différent, les avocats de la Défense étaient différents aussi,

  5   ils avaient d'autres habitudes et d'autres façons de procéder. Pour ce qui

  6   est de ce témoin, en fait, il est en rapport avec celui qui va le suivre,

  7   et nous avons souvent entendu l'Accusation dire dans sa thèse de

  8   l'entreprise criminelle commune que, non seulement le gouvernement voulait

  9   annexer une partie du territoire, mais aussi avait maltraité les réfugiés

 10   musulmans pour ce qui est de l'aide à donner en matière d'éducation, ne les

 11   avait pas bien logés, autant de choses que va réfuter, en partie du moins,

 12   le témoin. Je ne me souviens plus si le témoin à charge avait déposé en

 13   audience publique ou à huis clos -- c'était le témoin Krajek. En fin de

 14   compte, j'avais l'intention d'examiner certains points pour avertir

 15   l'Accusation des points qui allaient m'intéresser pour que la semaine

 16   prochaine nous n'ayons pas les mêmes objections déjà soulevées,

 17   l'Accusation a à être fort bien préparée et de ne pas crier un injustice

 18   comme elle l'a fait cette semaine. 

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Une modification au transcript de la page 27 734,

 20   ligne 27. En français, le mot "opposante" doit être changé en "composante".

 21   C'était le problème lié hier à l'intervention de M. Praljak. On a écouté la

 22   bande audio et j'avais raison. J'avais dit "composante" et non pas

 23   "opposante". Bien. Ceci étant dit, je vais donner la parole à Me Karnavas,

 24   étant précisé pour des questions administratives que je souhaiterais que la

 25   deuxième pause ne dure que 15 minutes afin de terminer à 18 heures 25.

 26   Maître Karnavas, vous avez la parole.

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais

 28   corriger ce que j'ai dit hier parce que les échanges furent assez animés et

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  1   il y avait une contrainte en matière de temps, ce qui veut dire que

  2   quelquefois je vais très vite et je ne vais pas jusqu'au bout de mes

  3   pensées, et je voulais m'assurer que lorsque nous avons ce genre d'échange

  4   d'idées intéressant à propos de dépositions, d'éléments de preuve, la

  5   question de savoir si un témoin est un expert ou pas, je voulais m'assurer

  6   que j'avais été tout à fait clair, surtout lorsque j'ai dit à l'un des

  7   Juges de la Chambre qu'ils devraient soulever une objection, et si je l'ai

  8   dit à ce moment-là, c'est pour la raison suivante : à moins qu'il n'y ait

  9   une décision, quelle qu'elle soit, de la Chambre, s'il y a un des membres

 10   de la Chambre qui fait directement objection au versement de tel ou tel

 11   élément de preuve pour quelque raison que ce soit, il faut que ce soit

 12   consigné au dossier. Mais je voulais m'assurer que j'étais bien compris et

 13   dans ce cadre je voulais aussi revenir à la question des Juges de carrière.

 14   Messieurs, si nous avions un jury, j'aurais le droit de faire valoir mes

 15   arguments hors présence du jury pour que mes arguments soient consignés au

 16   dossier. Etant donné que nous avons des Juges professionnels, on n'a besoin

 17   à personne de demander de sortir puisque c'est un axiome, les Juges peuvent

 18   tout entendre même s'ils pensent que la déposition n'est pas recevable, ou

 19   tout du moins il permet aux parties de verser au dossier tout ce qu'elles

 20   veulent dire. Sinon, disons un appel, imaginons l'appel et si je veux

 21   former un recours aux motifs qu'en fait ici la Chambre a fait une

 22   utilisation abusive de son pouvoir discrétionnaire en rejetant tel ou tel

 23   élément, j'aurais grand-peine à montrer qu'il y aurait eu cet usage abusif,

 24   si la Chambre d'appel n'a pas des informations sous les yeux, informations

 25   que je cherchais à obtenir du témoin, à ce moment-là la Chambre d'appel

 26   pourrait concrètement dire : Ecoutez, je pense que les Juges auraient dû

 27   accepter ceci ou pas.

 28   Alors revenons au système anglo-saxon lorsque l'on a un jury, et là je veux

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  1   être clair. Si je fais objection et si un Juge dit, disons : je ne vais pas

  2   accepter cet élément de preuve, mais si on ne sait pas ce que ce témoin

  3   aurait dit, en d'autres termes, ce que les jurés auraient entendu parce que

  4   ce sont eux les juges de fait, à ce moment-là, moi j'ai failli dans mon

  5   travail parce que je n'ai pas accompli mon devoir, et manifestement, la

  6   Chambre d'appel est impuissante puisqu'elle ne sait pas quelle décision

  7   elle pourrait éventuellement changer puisqu'il n'y a rien dans le dossier

  8   d'instance. Alors soyons clair. Hier, j'avais dit qu'il y avait des Juges

  9   professionnels, c'est dans ce contexte que je me prononçais c'est pour que

 10   mes propos soient consignés.

 11   Mais, bien sûr, s'il y a un membre précis de la Chambre qui a un sentiment

 12   catégorique avant d'entendre tous les éléments de preuve, en effet, nous

 13   avons le système romano-germanique lorsqu'il s'agit du versement d'éléments

 14   de preuve, on entend tous les éléments de preuve et en fin de compte c'est

 15   vous qui décidez du poids que vous donnez éventuellement. Même si vous

 16   estimez qu'il n'y a pas suffisamment de base, vous pourrez décider de ne

 17   pas tenir compte de tel ou tel élément. Mais voilà les règles qui régissent

 18   notre travail. Si cependant il y a un Juge de la Chambre qui a un sentiment

 19   très fort, quelles qu'en soient les raisons, et qui estime que le témoin

 20   n'est pas compétent, n'est pas à même de répondre à certaines questions,

 21   première chose, je devrais être autorisé à poser des questions pour que ce

 22   soit consigné au dossier; deuxièmement, je voudrais aussi que la réponse du

 23   Juge soit consignée au dossier, qui dit de façon catégorique : nous

 24   n'allons en aucun cas tenir compte de cet élément. Ça, plus tard si besoin

 25   en est, je pourrais dire qu'il y a eu usage abusif du pouvoir

 26   discrétionnaire dans l'examen de cet élément de preuve, je pourrais aller

 27   même jusqu'à dire qu'il y avait déjà un certain préjugé.

 28   Ce que je n'ai pas dit, ce que j'aurais dû dire hier, c'est autre chose

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  1   encore, quelque chose qui éventuellement était plus important dans le cadre

  2   de l'échange que j'ai eu avec le Juge Trechsel car je n'ai pas bien exposé

  3   ma pensée, parfois il y a des éléments de preuve de suivi qui vont établir

  4   pourquoi tel ou tel témoin est à même d'éclairer un élément que j'essaie de

  5   montrer. Ici, c'était un transcript de 1991 - il n'était pas présent - mais

  6   je pourrais peut-être vous montrer si je parviens à établir un lien avec

  7   d'autres événements, par exemple, si je parviens à montrer qu'il est tout à

  8   fait capable de vous donner un éclairage de ce qui s'est passé parce que --

  9   pour une raison particulière. J'aurais dû le dire plus clairement, à savoir

 10   qu'il faudrait peut-être autoriser le témoin à fournir des réponses à ces

 11   questions, bien sûr sous réserve de la possibilité de prouver un lien plus

 12   tard, montrer rétrospectivement qu'il était à même de donner cet éclairage,

 13   et vous pourriez à ce moment-là voir quel poids vous voudrez donner à ce

 14   qu'il va dire.

 15   Donc je voulais m'assurer que ce que m'efforçais d'établir sera

 16   clair, loin de moi l'idée de me plaindre, je veux simplement être sûr que

 17   nous nous comprenons.

 18   Conformément à ceci, surtout en raison de ce transcript présidentiel,

 19   il y avait eu une décision antérieure disant que nous pourrions les

 20   introduire dans notre présentation, et pour faciliter le déroulement du

 21   procès et pour ne pas perdre de temps sur ce genre de question, je voudrais

 22   vous demander d'avoir, comment dire, une audience du 65 ter avec les

 23   Juristes de la Chambre et les Juges pour ne pas gâcher le temps précieux de

 24   prétoire pour procéder à un échange d'idées et éventuellement trouver une

 25   solution ou tirer des conclusions de façon à économiser le temps d'audience

 26   pour que je n'ai pas à faire d'objections, pour que M. Scott ou un autre

 27   substitut réagisse, réponde, ce qui prend du temps. Voilà ce que je voulais

 28   dire pour que ce soit assez clair. Nous voulons, en effet, nous assurer que

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  1   nous avons un dossier, que nous avons un dossier. Ce n'était pas un manque

  2   de respect à l'égard de M. le Juge Trechsel quand je disais qu'il faudrait

  3   que votre objection soit saisie au dossier. C'est l'idée que j'essayais de

  4   véhiculer hier. Voilà ce que je voulais dire notamment.

  5   Deuxième chose, et c'est un peu différent. C'est en rapport avec les

  6   éléments de preuve que les autres équipes ont l'intention de présenter

  7   pendant cette phase du procès. A dater du 31 mars, si j'ai bien compris,

  8   les équipes de la Défense étaient censées saisir dans le système du

  9   prétoire électronique leurs documents respectifs de façon à ce que les

 10   autres équipes puissent les consulter. Donc il ne fallait pas simplement

 11   donner une liste. Il fallait aussi saisir les documents. Ça n'a pas été

 12   fait par toutes les équipes, j'aurais aimé avoir des précisions. Quelle est

 13   la règle qui s'applique ? En effet, je suis autorisé à des questions

 14   supplémentaires, et je ne voudrais pas ici être dans l'ignorance, c'est

 15   clair, nous ne sommes pas dans une entreprise criminelle commune. Je ne

 16   sais pas quelle est la thèse défendue par les autres équipes. Il y a, d'un

 17   chef d'une équipe, une ignorance totale de ma part quant aux documents, car

 18   je ne les ai pas vus. J'aimerais une décision de votre part, quelle sera la

 19   procédure, parce que l'Accusation, elle, a reçu un CD contenant les

 20   documents, or, la Défense ne l'a pas reçu. Pourquoi la Défense Petkovic a-

 21   t-elle agi de la sorte, je ne sais pas, mais j'aimerais une explication

 22   pour savoir quelle est la procédure, parce que si la Défense Petkovic a le

 23   droit de ne pas le dévoiler, fort bien; mais si ce n'est pas le cas, je

 24   voudrais que nous soient communiqués ces documents tout de suite.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne veux pas intervenir dans les problèmes

 26   internes à la Défense, mais le problème numéro 2 que vous venez de soulever

 27   aurait pu être réglé si vous aviez, vous et vos autres collègues, tenu une

 28   réunion entre vous, où vous auriez demandé à la Défense Petkovic comment se

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  1   fait-il qu'ils adressent un CD à l'Accusation et qu'ils ne vous en

  2   communiquent pas une copie, et vous auriez dû régler ça entre vous. Mais

  3   vous avez raison de soulever le problème. Il m'apparaît de mon point de

  4   vue, mais je n'engage que moi. Quand je parle, sachez que ce n'est que moi

  5   qui parle, pas mes collègues. De mon point de vue, il est tout à fait

  6   normal que lorsque la Défense fait la liste de ses pièces, que tout le

  7   monde, car je dis bien tout le monde, soit au courant, y compris les autres

  8   Défenses. C'est la moindre des choses. Mais ça, ce problème numéro 2, vous

  9   pouvez le régler, le régler facilement entre vous.

 10   Et je crois que Me Alaburic va le régler puisqu'elle veut prendre la

 11   parole.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Avant qu'elle ne le fasse, nous avons

 13   demandé, par exemple, la liste pour aujourd'hui. Nous l'avons demandé très

 14   poliment et très tôt de façon à avoir les documents, et nous avons reçu,

 15   disons, en fait une réponse de Normand : attendez quand vous aurez fini, on

 16   vous le dira. Mais ça fait des semaines qu'on attend. Je ne suis pas en

 17   mesure de négocier et je ne veux pas négocier. Je veux savoir quelle est la

 18   règle à appliquer, et normalement mes collègues et confrères, consoeurs,

 19   devraient respecter les règles comme l'Accusation et la Défense Prlic

 20   doivent le faire.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 23   bonjour. Bonjour à tous et à toutes. Je tiens à dire la chose suivante. Je

 24   ne vois pas du tout de quoi parle Me Karnavas, parce que c'est la première

 25   fois que j'entends dire que ma Défense ou qui que ce soit d'autre ait été

 26   approché par lui en nous demandant une liste de preuves. Véritablement, je

 27   ne sais pas de quoi il parle.

 28   Pour ce qui est des CD avec la liste des pièces de la Défense du général

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  1   Petkovic, il s'agissait de se conformer à une ordonnance qui a été rendue

  2   par la présente Chambre. Nous avions une date butoir pour remettre notre

  3   liste et la liste 65, et nous devions également remettre des documents sur

  4   papier. Nous nous sommes conformés entièrement à l'ordonnance de la

  5   Chambre, laquelle ordonnance ne dit pas que nous sommes obligés de les

  6   faire télécharger dans le e-court. Et jusqu'à présent, nous ne l'avons pas

  7   fait pour des raisons purement techniques. Maintenant, nous sommes en train

  8   de faire le nécessaire pour que tous nos documents soient téléchargés dans

  9   le prétoire électronique. Egalement, s'agissant de tous les documents qui

 10   seront utilisés pendant le contre-interrogatoire aujourd'hui, du témoin qui

 11   est ici, par nous, je me permets de rappeler à Me Karnavas ce qu'il a fait,

 12   ce qu'ont fait toutes les Défenses lorsqu'il s'est agi du contre-

 13   interrogatoire des témoins de l'Accusation. A ce moment-là, nous ne

 14   remettions jamais par avance la liste des documents que nous allions

 15   utiliser, nous ne les remettions pas au Procureur avant le début de la

 16   déposition. Nous remettions au Procureur les documents avant le début de

 17   notre contre-interrogatoire. Les documents que j'ai l'intention d'utiliser

 18   aujourd'hui sont prêts et seront remis à Me Karnavas de la manière

 19   identique que le procédé que nous appliquions pendant la présentation des

 20   moyens de l'Accusation. Si la Chambre de première instance en décide

 21   autrement sur le moment où nous devons remettre les documents pour le

 22   contre-interrogatoire, nous nous conformerons entièrement à la nouvelle

 23   décision de la Chambre. Par conséquent, il ne s'agit absolument pas de

 24   discriminer sur le plan des documents ou d'exclure des documents. Il s'agit

 25   simplement qu'on se comportait à l'identique par rapport au Procureur

 26   lorsque nous contre-interrogions ses témoins.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 28   La Chambre a bien compris le problème. Entre nous, on va délibérer de

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  1   cela. J'en viens maintenant au point numéro un que Me Karnavas a soulevé,

  2   mon collègue va y répondre, mais en tant que Président de la Chambre, je

  3   voulais dire ceci mais je n'engage que moi. Sur ce débat d'hier et

  4   d'aujourd'hui, j'ai l'impression que c'est une tempête dans un verre d'eau.

  5   L'important, l'important n'est pas de savoir si le témoignage d'un expert

  6   est plus important que le témoignage d'un témoin ordinaire. Ce n'est pas ça

  7   le débat. Le débat est simplement de savoir dans ce que dit un expert, de

  8   ce que dit un témoin ordinaire, qu'est-ce qui est utile pour la cause des

  9   uns et des autres. Ce n'est pas parce qu'on est expert qu'automatiquement

 10   ça a une valeur supérieure à ce que peut dire un témoin. Et je l'ai à titre

 11   personnel fait remarquer hier en matière de politique étrangère, en matière

 12   de droit international public, en matière de négociations internationales,

 13   quand nous avons un simple témoin qui se trouvait être ministre, avoir été

 14   ministre aux Affaires étrangères de son pays, avoir participé à toutes les

 15   négociations internationales pertinentes, il m'apparaît que ce qu'il peut

 16   dire a une certaine importance, peut-être au moins également à celle d'un

 17   expert. Voilà ce que je voulais dire à ce stade. Pour moi ce n'est

 18   absolument pas un problème et il aurait mieux valu consacrer tout ce temps

 19   à poser des questions au témoin. Mais mon collègue veut prendre la parole

 20   et je la lui laisse.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne change pas que les mots, ma

 22   démarche est un peu différente, vous le savez. Moi, je viens d'un système

 23   juridique différent. J'ai de bonnes nouvelles et de mauvaises aussi pour

 24   vous. Commençons peut-être par les mauvaises nouvelles. Dans notre système,

 25   dans notre conception, il y a des témoins, il y a des experts. Ce ne sont

 26   pas les mêmes. Il y a des règles pour les experts et des règles pour les

 27   témoins. Et ma prémisse c'était que c'était la même chose ici. Un témoin

 28   vient dire ce qu'il a vu, ce qu'il a entendu, ce qu'il a senti. Vous l'avez

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  1   souvent dit lorsque vous avez parlé des témoins. Quant aux experts, on voit

  2   d'abord s'ils sont compétents. Vous vérifiez ça avec assez de force, bon,

  3   ici je ne suis pas un expert, enfin je n'aurais pas peur d'être expert ici

  4   mais vous savez ce que je veux dire. Un expert manifeste son avis, son

  5   opinion. A mon avis, vous avez posé des questions qu'on poserait

  6   normalement à un expert, c'est pour ça que j'étais intervenu et je pense

  7   qu'il reste une certaine divergence d'opinion. Ça c'était la mauvaise

  8   nouvelle.

  9   La bonne nouvelle. Contrairement au système américain, notamment notre

 10   système n'a pas de règles d'exclusion, ce qui veut dire qu'ici je n'ai pas

 11   mes notes et je ne biffe pas des pages entières en disant tout ceci pour

 12   moi c'est irrecevable. Je voudrais que ce procès respecte rigoureusement le

 13   Règlement mais je n'ai pas un esprit qui exclut.

 14   Vous avez proposé une audience de l'article 65 ter. Je ne suis qu'un

 15   membre de la Chambre, donc je ne suis pas à même de répondre. Je suis sûr

 16   que la Chambre va tenir compte de votre proposition et le Président vous

 17   donnera une réponse. Merci.

 18   M. SCOTT : [interprétation] Mais je ne voudrais pas que nous soyons

 19   laissés sur la touche. Je serai très bref dans mes commentaires mais je

 20   voudrais relever ce que M. le Juge Trechsel a dit.

 21   Pour que le dossier soit clair, je dirais ceci : il a dit avec beaucoup de

 22   force qu'il voudrait que ce qu'il dit soit clairement repris au dossier et

 23   nous, nous aussi. Je maintiens les commentaires formulés hier. Néanmoins,

 24   peut-être qu'effectivement ce système-ci est un peu différent du système

 25   américain ou du système du "common law", mais c'est quand même un système.

 26   Ça veut dire qu'intrinsèquement il a des règles. Pour qu'il y ait système,

 27   il faut des règles, pour les parties, les avocats et pour les Juges, règles

 28   auxquelles il faut obéir. Sinon on n'aurait pas le Règlement. On n'aurait

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  1   qu'une règle, qu'un article et cet article, le seul, dirait bien tout est

  2   bon, tout est acceptable. Or ce n'est pas la procédure qui conditionne

  3   notre fonctionnement. Nous avons des règles d'administration de la preuve

  4   qui s'appliquent aux Juges et aux parties. Je vous remercie, Monsieur le

  5   Président.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais, Monsieur Scott, les règles pour les Juges je

  7   voudrais bien que vous me le précisiez en quoi les Juges ne respecteraient

  8   pas les règles ? Je suis très étonné.

  9   M. SCOTT : [interprétation] Vous les avez dans ce règlement, vous le savez,

 10   je suis sûr.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Continuez, Monsieur Scott, Monsieur Karnavas.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais

 13   m'abstenir de répondre.

 14   LE TÉMOIN : MOMIR ZUZUL [Reprise]

 15   [Le témoin répond par l'interprète]

 16   Interrogatoire principal par M. Karnavas : [Suite]

 17   Q.  [interprétation] Monsieur Zuzul, hier, je pense que nous nous étions

 18   arrêtés à l'examen de diverses questions auxquelles vous avez été partie

 19   prenante. Revenons au document 1D 00397. Voyez on voit 128 en haut de la

 20   page où il est dit : "Déclaration de Franjo Tudjman, président de la

 21   République de Croatie." Voyez le bas, ça a  été dit le 26 août 1992 à la

 22   conférence de Londres. Première question : est-ce que vous étiez présent à

 23   la conférence de Londres ?

 24   R.  Non. A ce moment-là j'étais en visite officielle en Chine.

 25   Q.  A l'époque, étiez-vous basé à Genève ou est-ce que vous étiez encore à

 26   Zagreb, à travailler avec Tudjman ?

 27   R.  A l'époque, j'étais le suppléant du ministre des Affaires étrangères à

 28   Zagreb.

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  1   Q.  Fort bien. Avez-vous eu l'occasion d'examiner ce document ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Nous allons accélérer les choses car nous avons beaucoup de pain sur la

  4   planche. Toute première page, le Dr Tudjman parle de sa frustration face à

  5   la réponse de la communauté internationale dans sa recherche d'une solution

  6   étant donné la poursuite de l'agression contre la Croatie. Est-ce que

  7   c'était le cas à l'époque ?

  8   R.  Oui, absolument. C'est ainsi que cela s'est passé. Rien n'a avancé de

  9   manière positive, et une partie du territoire de la Croatie était occupée

 10   et rien ne permettait de penser que la communauté internationale allait

 11   faire quelque chose pour modifier la situation.

 12   Q.  Permettez-moi de lire un passage, au bas de la première page, début de

 13   la suivante, et je vous demanderai un commentaire. "La République de

 14   Croatie n'a ménagé aucun effort de façon à empêcher l'escalade de la crise

 15   politique, la crise d'Etat dans l'ex-Yougoslavie qui est devenu un conflit

 16   armé. La Croatie propose la transformation de l'ancien état en une

 17   confédération, une association confédérale d'états souverains. Lorsque

 18   cette proposition a été rejetée et lorsque la guerre s'en est suivie, la

 19   Croatie a accepté une solution pacifique en acceptant le plan Vance."

 20   Lors de votre première journée d'audition, vous avez parlé de ce concept de

 21   la confédération du fait que les présidents se rencontraient. Est-ce de

 22   cela que parle le président Tudjman ?

 23   R.  C'est exact. Le président Tudjman se réfère à sa proposition de

 24   transformer la Yougoslavie en communauté confédérale d'états souverains,

 25   entre autres, comme il a dit ici, afin d'éviter un conflit, la guerre,

 26   c'est-à-dire l'agression qui sont prévisibles.

 27   Q.  Fort bien. Troisième paragraphe de la page, voici ce qu'il dit : "Il

 28   faut remarquer que la République de Croatie dans la zone de Slovonski Brod

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  1   jusqu'à Zupanja ne cesse d'être attaquée depuis le territoire de Bosnie-

  2   Herzégovine."

  3   Est-ce que c'est bien ce qui s'est passé à l'époque ?

  4   R.  Oui, à l'époque ça arrivait aussi.

  5   Q.  Où se trouve exactement Slovonski Brod, cette zone jusqu'à Zupanja ? 

  6   R.  Je pense qu'il y a d'abord sur cette carte des axes d'attaques

  7   d'annotées depuis la Bosnie-Herzégovine vers la Croatie.

  8   Q.  Oui, pourriez-vous vous rasseoir. Désolé de ne pas avoir mentionné le

  9   numéro du document. Nous y reviendrons dans un instant pour que ce soit

 10   consigné au compte rendu. Tout d'abord, je vais vous demander de nous dire

 11   exactement comment on appelle cette région ?

 12   R.  C'est la Posavina, la rivière de la Sava. D'un côté, il y a la Croatie,

 13   de l'autre côté il y a les forces serbes et depuis le début croyant que ces

 14   forces pourront réaliser leur objectif premier, à savoir réaliser cette

 15   ligne entre Virovitica et Karlobag, ils ont attaqué de façon intense depuis

 16   le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 17   Q.  Il va falloir que vous ralentissiez un petit peu. Vous étiez en train

 18   de nous montrer la carte, je m'excuse auprès des Juges parce que nous

 19   n'avons pas donné la référence exacte, mais nous savons exactement je pense

 20   de quoi vous parlez. Je précise par ailleurs qu'il s'agit de la pièce 3171,

 21   qui a reçu une cote aux fins d'identification. Quand cette zone a-t-elle

 22   été finalement libérée ?

 23   M. LE JUGE PRANDLER : [Hors micro]

 24   Une question technique, excusez cette interruption. Les interprètes,

 25   Monsieur le Témoin, vous demandent de bien vouloir mettre vos écouteurs

 26   pour les écouter sinon vous ne pouvez pas communiquer avec eux. Veuillez

 27   chausser vos écouteurs pour écouter les interprètes.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation]

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  1   Q.  Je vous précise que le canal 4 vous permet d'écouter l'anglais et le

  2   numéro 6, le croate.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : -- français.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation]

  5   Q.  Oui, veuillez, s'il vous plaît, observer une pause. On me bombarde

  6   d'instructions que je vous transmets.

  7   Mais je reviens à ma question précédente, quand cette zone a-t-elle été

  8   libérée ?

  9   R.  Avec la mise en place -- excusez-moi, excusez-moi parce que si je

 10   m'entends moi-même et que je parle en même temps, ça me gène; est-ce que je

 11   peux ne pas mettre les écouteurs. J'essaie de me concentrer au maximum.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, l'objectif n'est pas que vous

 13   vous écoutiez vous-même, mais que vous écoutiez l'interprétation. Vous

 14   pouvez baisser le volume pour que ça ne vous gène pas, parce que si vous

 15   faites cela, vous allez vous rendre compte si vous allez trop vite pour les

 16   interprètes ou pas, à ce moment-là, vous pourrez moduler votre débit pour

 17   éviter que les interprètes ne puissent plus vous suivre. Je sais que c'est

 18   un petit peu pénible, mais il faut passer par là, ça fait partie du plaisir

 19   de la déposition dans le Tribunal. Excusez-moi, je suis sûr que vous l'avez

 20   déjà remarqué.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] Moi, je veux faire en sorte que sa

 22   déposition soit aussi agréable que possible, n'est-ce pas, Monsieur le Juge

 23   Trechsel ?

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]

 25   M. KARNAVAS : [interprétation]

 26   Q.  Passons à la page suivante, vous donnez un certain nombre de chiffres

 27   concernant les réfugiés, les personnes déplacées. Il y est dit que : "Il y

 28   a encore en Croatie quelque 270 000 personnes déplacées qui viennent de

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  1   diverses régions croates. Il y en a 80 000 qui reçoivent une aide dans

  2   d'autres pays, Hongrie, Autriche, Allemagne, Suisse." Ensuite, on peut lire

  3   que "plus de 400 000 réfugiés se sont enfuis vers la Croatie, en provenance

  4   de la Bosnie-Herzégovine, ainsi d'ailleurs que 35 000 réfugiés croates en

  5   provenance de la Vojvodine et du Kosovo."

  6   Une question, est-ce que ces chiffres sont exacts, je parle des propos

  7   tenus par le président Tudjman lors de la conférence de Londres au sujet du

  8   nombre de réfugiés à l'intérieur de la Croatie elle-même et au sujet du

  9   nombre de réfugiés qui venaient du pays voisin, de la Bosnie-Herzégovine ?

 10   R.  Ce sont des chiffres tout à fait exacts, c'est certain et c'est le

 11   triste reflet de la vérité qui prévalait à l'époque, à savoir qu'il y avait

 12   presque 800 000 personnes à avoir quitté leurs logis.

 13   Q.  Encore un dernier point afin d'éviter d'utiliser, d'éviter --

 14   R.  Il y a une erreur de traduction. On lit à l'écran près de 8 000, moi

 15   j'ai dit près 800 000 personnes avaient été contraintes de quitter leur

 16   foyer.

 17   Q.  Bien. Le président Tudjman dit que la Croatie est attaquée depuis la

 18   Bosnie-Herzégovine, est-ce que c'est exact ? Est-ce que c'est effectivement

 19   ce qui est en train de se passer ?

 20   R.  C'est tout à fait exact.

 21   Q.  Bien. Passons au document suivant, 1D 01935, on voit en haut sur ce

 22   document 1D 01935 : "Président de la présidence de la Bosnie-Herzégovine,

 23   Alija Izetbegovic, et le président de la République de Croatie, Franjo

 24   Tudjman, sur la base d'un accord de coopération et d'amitié conclu entre la

 25   République de Bosnie-Herzégovine et la République de Croatie le 21 juillet"

 26   et je souligne ici, "suite à des négociations entre une délégation de la

 27   République de Bosnie-Herzégovine et la République de Croatie, le 21

 28   septembre 1992 à New York au cours de la 47e Session de l'assemblée

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  1   générale des Nations Unies."

  2   Donc avant, une pré-question : cet accord, est-ce qu'on en a déjà parlé

  3   hier, c'est l'accord dont on a parlé hier, cet accord de coopération et

  4   d'amitié ?

  5   R.  Oui, c'est précisément cet accord-là.

  6   Q.  Passons à la page suivante, et je le mentionne parce que c'est là que

  7   l'Accusation nous a dit qu'Izetbegovic avait été contraint à conclure cet

  8   accord, on met ces pressions sur lui pour cela. Mais il semble que

  9   plusieurs semaines plus tard, une annexe a été produite, annexe à cet

 10   accord, annexe indiquant que : "Les efforts diplomatiques, politiques et

 11   humanitaires de la communauté internationale ne sont pas parvenus à mettre

 12   un terme à ces agressions."

 13   R.  Malheureusement, oui.

 14   Q.  Et on voit que cela concerne aussi bien la Bosnie-Herzégovine que la

 15   République de Croatie. Au point 2 de ce document, il est question d'une

 16   communauté égale et intégrée de trois peuples constituants, je parle de la

 17   Bosnie-Herzégovine; qu'est-ce qu'on entendait exactement par là ?

 18   R.  Ce qu'on avait à l'esprit c'est un élément-clé qui existe et qui passe

 19   par une filière au travers de toutes ces négociations. Pendant des siècles

 20   en Bosnie, il y a trois groupes ethniques qui vivent côte à côte ou

 21   ensemble, sur pied d'égalité. On parle de leur égalité en droit parce

 22   qu'indépendamment de la grandeur d'un groupe ethnique, parce que ceci a

 23   évolué au fil de l'histoire, l'élément constitutif, à savoir l'élément

 24   d'égalité en droit ou d'égalité complète du point de vue des droits et des

 25   lois devait être maintenue. C'est une constante qui était du côté du

 26   président Tudjman et du côté croate, une constante. Cela a été une

 27   position, une revendication, une constante de façon permanente. Je crois

 28   que c'est ce qui a été adopté par la communauté internationale. Depuis le

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  1   début, tout accord de paix parle de la constitutivité [phon] de chacun de

  2   ces peuples. Je pourrais apporter davantage de commentaires pour ce qui est

  3   de savoir pourquoi cela revêtait-il autant d'importance, mais peut-être y

  4   arriverons-nous plus tard.

  5   Q.  Non, nous allons tout de suite le faire parce que ça me semble assez

  6   important, je pense que tout le monde s'en est bien rendu compte.

  7   R.  Si brièvement, on essaie de résumer quelle a été la position de ces

  8   trois peuples en Bosnie-Herzégovine, au travers de toutes ces négociations,

  9   parce que les négociations c'est toujours quelque chose qui se termine par

 10   des compromis. On verra que la position en permanence du côté serbe et

 11   consistait à prendre le plus possible le territoire et maintenir cela. Au

 12   travers des négociations, ils s'emparaient militairement de territoires et

 13   dans les négociations ils insistaient constamment pour conserver ceux dont

 14   ils s'étaient emparés. Pour ce qui est de la position musulmane, après on a

 15   changé de nom pour parler de Bosniens, je crois que l'interprétation est

 16   assez bonne pour ce qui est de la totalité du document et de tous les

 17   documents, et cela consistait à dire qu'ils cherchaient à créer un Etat des

 18   plus unitaire possible. Pourquoi unitaire ? Dans le sens où cela a été

 19   souvent formulé par les représentants de ce peuple musulman, voire bosnien,

 20   à savoir que cet Etat de Bosnie-Herzégovine devait être constitué en

 21   application du principe : un homme/un vote ou une voix. C'est l'un des

 22   modèles possibles de l'aménagement démocratique d'une société, mais cela a

 23   mis en péril le principe de la constitutivité des trois peuples. Parce que

 24   le peuple le plus nombreux qui est ici, le peuple musulman, voire bosnien,

 25   aurait une majorité écrasante. Ça n'a rien de nouveau pour ce qui est de la

 26   Bosnie-Herzégovine. En réalité, la majorité des Etats ou une grande partie

 27   des sociétés contemporaines s'organisent en application d'un principe

 28   fédéral pour qu'il n'y ait pas majorisation [phon] ou mise en minorité sur

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  1   le point de vue du nombre ou sur le point de vue au niveau des territoires

  2   occupés.

  3   On verra que pendant tout ce temps le peuple croate qui est le moins

  4   nombreux et qui est le plus menacé. Au cas où l'on abandonnerait ce

  5   principe et où l'on adopterait le principe de l'unitarisme dans

  6   l'aménagement, c'est le peuple croate qui se trouverait dans la situation

  7   la plus en péril et la plus défavorable. C'est la raison pour laquelle à

  8   l'occasion des négociations le minimum, la limite butoir pour ce qui est du

  9   côté croate c'était de chercher à maintenir ce principe de constitutivité

 10   des trois peuples. Et ce que je me dois de dire c'est que tous les plans de

 11   paix à partir du plan Cutileiro, en passant par le plan Vance-Owen, Vance-

 12   Stoltenberg, les accords de Washington, les accords de Dayton, tous ont

 13   pris en considération cet élément-là, et tous ont pris en considération la

 14   nécessité de faire en sorte que cette communauté quel que soit son type

 15   d'organisation est à tenir compte de cette constitutivité des trois groupes

 16   ethniques en présence. Parce que ce n'est que de la sorte, et je le précise

 17   une fois de plus, que l'on pouvait assurer l'égalité en droit et la survie

 18   de la totalité de ces trois peuples.

 19   Q.  Merci beaucoup pour cette réponse extrêmement complète. Ça va m'éviter

 20   d'avoir à y revenir.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous êtes une personne qui a des

 22   connaissances, des aptitudes, voire même une formation spécialisée, et vous

 23   pouvez nous aider nous, les Juges du fait, à comprendre les problèmes qui

 24   nous sont soumis, et ce que je viens de dire c'est la définition dans

 25   l'affaire Galic rendue le 3 juillet 2002, sur les experts, Tabeau et un

 26   autre expert, dont je n'ai pas le nom. Donc vous êtes particulièrement

 27   placé pour répondre à des questions. Vous venez de nous dire que le fait

 28   qu'il y ait trois groupes ethniques a été pris en compte dans les

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  1   négociations internationales et vous les avez toutes citées, ainsi que les

  2   plans Cutileiro, Vance-Owen, l'accord Washington, et les accords Dayton.

  3   Tout ça c'est très bien. Mais dans la constitution de votre propre pays,

  4   est-ce que les composantes de ces trois groupes ethniques en Croatie,

  5   Serbes, cas échéant Musulmans et autres, ont été intégrées dans votre

  6   propre constitution, que je n'ai pas sous les yeux, mais c'est pour ça que

  7   je vous pose la question ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont bien sûr été pris en compte, et cette

  9   question s'est trouvée résolue conformément aux normes les plus élevées de

 10   la démocratie contemporaine. Cependant, la République de Croatie ne se

 11   trouve pas être organisée en tant qu'Etat fédéral. C'est la raison pour

 12   laquelle il n'y a pas eu de raison de le faire, car l'un quelconque des

 13   autres groupes ethniques qui vivaient en Croatie ne pouvait pas et n'avait

 14   pas la constitutivité qui était présente au niveau des trois groupes

 15   ethniques en Croatie. Les solutions étaient différentes. Ces solutions sont

 16   mentionnées au préambule de la constitution croate. C'est ce qui existe

 17   dans le document qui est repris dans ces documents de façon spécifique. Par

 18   exemple, on garantit des places au parlement croate à des groupes

 19   minoritaires. Il y en a huit, dont trois pour le groupe ethnique serbe;

 20   mais ils ont un statut de minorité nationale, et non pas de peuple

 21   constitutif. Ce sont là des éléments de fait et des éléments historiques

 22   qui ont généré la création d'Etats. La Bosnie-Herzégovine a toujours existé

 23   en tant qu'Etat de trois peuples depuis le départ l'Empire ottoman. Il

 24   était clair qu'en Bosnie-Herzégovine ils avaient à y vivre et c'était le

 25   seul Etat ou la seule patrie qu'ils avaient ces trois groupes ethniques. Je

 26   crois que cela se trouve être correctement défini comme étant trois peuples

 27   constitutifs.

 28   Je pense que jamais personne n'a, de façon sérieuse au niveau des

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  1   négociations, établi de parallèle entre la constitution croate et la

  2   constitution de la Bosnie-Herzégovine. Quand on s'est penché sur les

  3   différents modèles qui pourraient être adoptés pour la Bosnie-Herzégovine,

  4   on s'est notamment penché sur les Etats qui avaient un passé similaire ou

  5   un état de fait analogue. Par exemple, on s'est penché à un moment donné

  6   sur le modèle de la Belgique. Je ne sais pas et je ne puis juger du fait de

  7   savoir quel est le modèle qui est bon et quel est celui qui l'est moins,

  8   mais on avait aussi envisagé le modèle de la Suisse parce qu'on avait parlé

  9   de cantonisation et de dix cantons à mettre en place pour l'organisation de

 10   la Bosnie-Herzégovine. Mais au sein de ces dix cantons, on aurait maintenu

 11   la constitutivité de ces trois peuples, et à un moment donné on s'est

 12   penché de façon sérieuse sur la constitution des Etats-Unis d'Amérique. En

 13   d'autres termes, on s'est penché au sein de la communauté internationale et

 14   au sein des équipes chargées des négociations sur les modèles qui

 15   pourraient être retenus pour ce qui est de la démocratie du monde

 16   contemporain pour répondre et pour satisfaire aux besoins des peuples

 17   constitutifs qui étaient appelés à y réaliser leurs droits respectifs, et

 18   non pas au détriment du fonctionnement des Etats en question.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 20   M. KARNAVAS : [interprétation]

 21   Q.  Merci. J'aimerais demander aux Juges et au témoin d'examiner le

 22   document 1D 2039. Page 2, il y a quelque chose qui a trait à la mise en

 23   place de la République de Croatie qui est l'Etat national du peuple croate

 24   et des membres des autres nations et autres minorités. On y reviendra plus

 25   tard avec d'autres témoins.

 26   Mais s'agissant du document en question, du document que nous examinions

 27   tout à l'heure au paragraphe 3, il est question du droit à se défendre

 28   contre toute agression, et on dit que : "Dans ce cadre un comité conjoint

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  1   va être mis en place jusqu'à la fin de l'agression." Qu'est-ce que cela

  2   voulait dire tout ça, si vous le savez ?

  3   R.  C'est l'élaboration de ce qui avait déjà été prévu dans l'accord de

  4   coopération et d'amitié. Il importe de mentionner ici que ce document signé

  5   à New York, et le président était présent à l'assemblée générale des

  6   Nations Unies. Je faisais partie de notre délégation, et si je ne m'abuse,

  7   et je crois ne pas me tromper, je pense avoir travaillé sur le texte de ce

  8   document aussi. Ce paragraphe exprime la conscience qu'ont les deux

  9   présidents du fait que malheureusement l'agression yougoslave ou plutôt de

 10   l'armée populaire yougoslave ou de l'armée serbe ne s'était pas arrêtée, et

 11   d'une certaine façon il découle de cela, me semble-t-il, un sentiment de

 12   déception du fait de voir la communauté internationale ne pas stopper de

 13   sitôt cette agression. Donc la seule façon de se défendre au cas où l'on y

 14   arriverait c'était de se défendre ensemble. Il s'agissait donc de

 15   renforcer, de préciser ce qui déjà était signé au niveau de cet accord de

 16   coopération et d'amitié.

 17   Q.  Maintenant si on se penche sur le paragraphe suivant, on voit l'élément

 18   qui permettra de compléter votre question.

 19   "La République de Bosnie-Herzégovine et la République de Croatie vont

 20   ensemble demander la levée de l'embargo sur l'importation d'armes en

 21   République de Bosnie-Herzégovine et en République de Croatie."

 22   Pourriez-vous nous parler un petit peu de cette question ? Pourquoi était-

 23   il important de lever cet embargo ? Car l'Accusation, nous le savons,

 24   avance qu'il y a eu une entreprise criminelle commune, et là, on voit que

 25   les deux demandent que l'embargo concernant les armes soit levé, et

 26   j'imagine que l'idée c'est que les Musulmans reçoivent des armes dans le

 27   cadre de l'agression qui a lieu dans le pays, en général, et en Bosnie et

 28   en Croatie également.

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  1   R.  Je ne sais pas de quelle façon s'est armé la Croatie pas plus que la

  2   Bosnie-Herzégovine. Ce que je sais c'est que ces deux pays ont réussi à

  3   s'armer, parce qu'ils ont réussi à se défendre pendant la guerre. Je sais

  4   de quelle façon ces pays ne pouvaient pas s'armer. Ils ne pouvaient pas

  5   s'armer de façon officielle comme la grande majorité des Etats membres des

  6   Nations Unies, de façon à se procurer des armes, les armes qui étaient

  7   nécessaires pour leurs armées respectives. Parce qu'au début de l'agression

  8   yougoslave, il  a été mis en place un embargo qui, par une logique étrange,

  9   se rapportait à la totalité des républiques de l'ex-Yougoslavie à ce

 10   moment-là. Pourquoi dis-je, par une étrange logique ? Parce qu'une

 11   république, voire deux, la Serbie et le Monténégro à l'époque, avaient

 12   gardé toute la quantité des armes qui étaient à la disposition de l'armée

 13   populaire yougoslave. Et non seulement ce fait-là, mais il y a aussi les

 14   armes qui se trouvaient dans les républiques au niveau de ce qu'il était

 15   convenu d'appeler la Défense territoriale. Les institutions yougoslaves ont

 16   saisi ces armes. Ce qui fait qu'au début de la guerre, il y a eu trois

 17   faits. D'un côté, une armée extrêmement bien armée. On disait que c'était

 18   l'une des meilleures armées d'Europe. L'histoire a montré que ce n'était

 19   pas le cas, mais il est certain que c'était une armée extrêmement bien

 20   armée. Et il y avait les autres républiques, la Slavonie d'abord, puis la

 21   Croatie, puis la Bosnie-Herzégovine, qui n'avaient pas d'armées, qui

 22   n'avaient pas ce type d'armements, et le peu d'armements qu'il y avait au

 23   sein de la Défense territoriale a été confisqué. Nous avons un troisième

 24   fait, à savoir celui de la décision de mettre en place un embargo sur les

 25   livraisons d'armes par la communauté internationale, et cela se rapportait

 26   à tous, à ceux qui n'avaient pas besoin d'importer d'armes, donc l'armée

 27   populaire yougoslave, et ceux qui avaient besoin de ces armes pour se

 28   défendre. C'est pourquoi en ce moment-ci, et cela a été souvent un sujet

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  1   étudié par les deux présidents qui ont demandé à la communauté

  2   internationale de leur apporter un appui pour ce qui est de la suppression

  3   dudit embargo. Ce que je puis vous dire, et on le verra dans les

  4   transcriptions ultérieures, c'est que nous avons eu à ce sujet bon nombre

  5   d'activités diplomatiques. Hélas, il n'y a pas eu au moment dont on parle

  6   aucune envie de modifier la décision en question.

  7   Q.  Merci. Passons au document suivant, 1D 01540, un document du conseil de

  8   Sécurité en date du 2 octobre 1992. Je souhaite vous demander des

  9   commentaires très brefs. Première page, on voit que : "Le Dr Franjo Tudjman

 10   et le président de la République fédérale de Yougoslavie, Dobrica Cosic, se

 11   sont réunis le 30 septembre 1992." Est-ce que ça s'est véritablement

 12   produit, cette réunion ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Il semble à la lecture de ce document, n'est-ce pas, que cette réunion,

 15   elle a eu lieu à l'initiative et avec les encouragements de la communauté

 16   internationale, enfin, je veux parler de tous ceux qui participaient au

 17   processus de négociations à l'époque, M. Vance, M. Owen, et cetera ?

 18   R.  Exact.

 19   Q.  Bien. Examinons le premier paragraphe. Je cite : "Les deux présidents

 20   réaffirment les engagements de la conférence internationale de Londres sur

 21   le caractère intangible des frontières existantes à l'exception des

 22   changements conclus suite à des accords pacifiques."

 23   Est-ce que ceci recouvre également les frontières de la Bosnie-Herzégovine

 24   ?

 25   R.  Bien sûr. Etant donné qu'à ce moment-là la Bosnie-Herzégovine était un

 26   Etat reconnu, reconnu à l'intérieur de ses propres frontières.

 27   Q.  Bien.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais ça change un petit peu ce que

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  1   vous venez de dire ou ce qui a été dit, puisqu'on voit au compte rendu

  2   d'audience la viabilité des frontières existantes, ligne 7, page 26, en

  3   fait il s'agit du caractère inviolable et intangible des frontières.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Effectivement, effectivement vous avez

  5   raison. C'est ma faute. Je lis trop vite.

  6   Q.  Bien. Document suivant, 1541. C'est un document qui est en relation

  7   avec le précédent. On voit que c'est encore un document des Nations Unies

  8   du 21 octobre 1992, et à la première page on voit qu'il est question de M.

  9   Dobrica Cosic et qu'il a rencontré M. Alija Izetbegovic le 20 octobre 1992

 10   à Genève. Si vous vous reportez maintenant à l'annexe de ce document et aux

 11   paragraphes 2, 3 et 4 de cette annexe, est-ce qu'il ne semble pas qu'il

 12   s'agit d'un document tout à fait semblable, sauf qu'ici il s'agit de la

 13   République fédérale de Yougoslavie, d'une part, et de la République de

 14   Bosnie-Herzégovine, d'autre part ?

 15   R.  C'est un document vraiment semblable. Les coprésidents ont encouragé et

 16   organisé des rencontres entre présidents. Si je puis juste indiquer qu'il y

 17   a eu une différence importante entre les deux documents. Dans le premier,

 18   au paragraphe 3, si je ne m'abuse, il est question du fait que l'armée

 19   yougoslave quitterait Prevlaka avant le 20 octobre. Pourquoi est-ce que je

 20   mentionne cela ? Parce qu'hier et avant-hier nous avons longuement parlé de

 21   l'agression de l'armée yougoslave sur le secteur de Prevlaka et Dubrovnik.

 22   Il s'agit du secteur dont on a parlé. Ici, le président de la Yougoslavie

 23   reconnaît que cette partie-là est occupée par l'armée populaire yougoslave,

 24   et accepte l'obligation de retirer cette armée avant le 20 octobre. Bien

 25   sûr, ça ne s'est pas produit, pas même dans la fiction. Les attaques n'ont

 26   été par la suite que renforcées.

 27   Q.  Fort bien. Je le précise pour le dossier, c'est le document 1D 01540,

 28   celui dont vous parliez. Prenons maintenant le document 1D 1542, nous

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  1   constaterons que c'est un document qui émane du Conseil de sécurité,

  2   l'assemblée générale, mois d'octobre, 22 octobre plus exactement 1992. Dès

  3   la première page, nous voyons qu'ici c'est quelque chose qui se passe entre

  4   M. Cosic et M. Franjo Tudjman. Regardons l'annexe, il y est dit

  5   qu'apparemment il y a eu une réunion à Genève, le 20 octobre. Il y a ce

  6   paragraphe 6, c'est celui qui m'intéresse le plus, qui dit : "Les deux

  7   présidents réaffirment leur volonté d'exercer toute leur influence pour

  8   trouver une solution équitable et pacifique au conflit de Bosnie-

  9   Herzégovine. Ils exhortent toutes les parties au conflit à ne ménager aucun

 10   effort pour que cessent les hostilités et pour que commencent les

 11   négociations en vue d'un dispositif constitutionnel en Bosnie-Herzégovine

 12   partant d'un accord entre les trois peuples constitutifs."

 13   Nous revenons à cette thèse-là ici. Pourquoi est-ce que je vous pose

 14   cette question, c'est pour ceci : est-ce que c'était le président Tudjman

 15   et éventuellement M. Cosic qui essayaient de se tourner vers la communauté

 16   internationale, les Nations Unies pour qu'ils prennent part à ce processus

 17   ou est-ce que c'était plutôt l'inverse qui s'est passé ?

 18   R.  Il est dit clairement dans le document que la réunion s'est tenue

 19   sous l'égide des coprésidents, MM. Vance et Owen, donc la communauté

 20   internationale organisait ce type de réunions.

 21   Q.  Aidez-moi. Est-ce qu'il est jamais arrivé à la communauté

 22   internationale de demander à M. Tudjman de faire d'abord une réunion avec

 23   quelqu'un et qu'il aurait refusé, que ce soit avec Cosic, avec Milosevic,

 24   avec Karadzic. A votre connaissance, est-ce qu'il a jamais refusé de

 25   s'asseoir à une même table avec quelqu'un pour essayer de négocier une

 26   solution à ce conflit ?

 27   R.  Je ne suis au courant d'aucun cas de figure de ce type-là. A

 28   chaque fois qu'il y a eu une convocation officielle, en passant par moi en

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  1   tant qu'ambassadeur ou quel qu'ait été mon poste, le président Tudjman s'y

  2   est rendu à cette réunion. Mais j'ai souvent entendu la déclaration du

  3   président Tudjman qu'on a critiqué parfois, voire même dans les médias

  4   croates, lui reprochant de négocier par exemple avec Milosevic au moment où

  5   c'était clair que c'était Milosevic qui était l'orchestrateur de cette

  6   agression. Il aurait pu répondre en disant c'est la communauté

  7   internationale qui l'exige, et cette réponse aurait été à la fois simple et

  8   exacte. Mais le plus souvent, ce qu'il disait, c'était : je serais prêt à

  9   négocier, serait-ce avec le diable en personne, si cela pouvait apporter la

 10   paix.

 11   Q.  Fort bien. Prenons le document suivant, 1D 01543, nous sommes

 12   alors le 2 novembre 1992. Il s'agit d'un communiqué conjoint à propos des

 13   pourparlers entre le président de la République de Croatie, M. Tudjman et

 14   Alija Izetbegovic, la date est celle du 1er novembre 1992. Regardons

 15   l'annexe, et nous allons voir le deuxième paragraphe qui dit ceci : ils ont

 16   passé en revue la question de l'application de l'accord d'amitié et de

 17   coopération entre les deux pays et ils ont discuté de plusieurs sujets

 18   d'actualité d'intérêt mutuel, surtout les récents malentendus, pour

 19   répondre peut-être à la question posée par M. le Président qui demandait si

 20   la communauté internationale était au courant. Mais est-ce que nous parlons

 21   ici de l'accord d'amitié et de coopération d'hier ?

 22   R.  Exact.

 23   Q.  Il semblerait que maintenant au moins tout le monde est au courant du

 24   fait que ces deux pays essaient de coopérer contre un agresseur commun ?

 25   R.  Exact.

 26   Q.  Fort bien. Il est dit ensuite ceci : "Le président Izetbegovic a

 27   informé le président Tudjman du fait que la semaine prochaine la Bosnie-

 28   Herzégovine va désigner son ambassadeur à Zagreb."

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  1   Est-ce qu'on a fini par désigner un ambassadeur à Zagreb ?

  2   R.  Je pense que les choses se sont passées exactement comme cela est

  3   annoncé dans ce document.

  4   Q.  Est-ce que le président Tudjman a nommé un ambassadeur en Bosnie-

  5   Herzégovine ?

  6   R.  Exact.

  7   Q.  Paragraphe suivant : "Les deux présidents se sont convenus que les

  8   conflits les plus récents entre certaines unités de l'armée de Bosnie-

  9   Herzégovine et des formations du HVO ont été nuisibles à leur combat

 10   continu contre l'agresseur commun. Ces conflits doivent cesser sur-le-champ

 11   et les coupables démis de leur fonction et punis."

 12   On dit que : "Des commissions conjointes impartiales seront établies afin

 13   d'établir la responsabilité individuelle. Des cas similaires seront évités

 14   à l'avenir grâce à des actions adéquates, dont la formation urgente d'un

 15   commandement conjoint des forces armées de l'ABiH et du HVO."

 16   D'après ce que vous savez, pourquoi était-il nécessaire d'inclure cette

 17   part-ci, où les deux présidents marquent un accord ? Pourquoi est-ce

 18   qu'Izetbegovic -- ou plutôt Tudjman, devrais-je dire, pourquoi est-ce qu'il

 19   discute de cela avec Izetbegovic ?

 20   R.  Sur le terrain, la situation était telle que l'agression des forces

 21   serbes était en cours. Maintenant l'armée de Bosnie-Herzégovine et le

 22   Conseil croate de la Défense se lancent dans la défense de manière

 23   conjointe. Je ne peux pas interpréter exactement les événements tels qu'ils

 24   se sont déroulés sur le terrain puisque j'ai été acteur du volet

 25   diplomatique des événements, mais de toute évidence, pour diverses raisons,

 26   me semble-t-il, comme il est dit ici il y a eu des incidents sporadiques.

 27   Les présidents, par conséquent, se mettent d'abord d'éviter ces incidents,

 28   ils cherchent à trouver des remèdes, des moyens pour atteindre une défense

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  1   efficace, trouver un moyen d'agir conformément à l'accord, à savoir

  2   d'intégrer au mieux ces deux armées et se défendre.

  3   Q.  Bien. Document suivant -- excusez-moi, oui, Monsieur le Juge Trechsel.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [hors micro]

  5   [interprétation] Oui, très bien.

  6   Monsieur Zuzul, vous venez de vous voir indiquer ce passage qui parle du

  7   fait que : "Les coupables doivent être démis de leur fonction et punis".

  8   Vous voyez ? C'est vraiment au milieu de la première page de ce document.

  9   Savez-vous si cette déclaration a été suivie d'actions de part et d'autre ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis au courant des actions entreprises sur

 11   le plan général, cependant je n'étais pas au courant des situations plus

 12   concrètes dans la mise en œuvre de cela sur le terrain pour ainsi dire.

 13   Ceci ne faisait pas partie de mes activités à l'époque. Je pense qu'il y a

 14   eu des mesures de prises, mais je ne pourrais pas dire de quelles actions

 15   il s'est agi, ni quels résultats ont été obtenus.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation]

 18   Q.  Prenons le document suivant, 1D 01312. Nous sommes le 11 novembre 1992,

 19   est-ce que vous avez vu ce document ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Comme nous manquons de temps, je vois le contenu au numéro 4, on parle

 22   de groupes de travail en Bosnie-Herzégovine; puis numéro 7, groupe de

 23   travail sur les questions de succession; numéro 9, groupe de travail sur le

 24   renforcement de la confiance et de la sécurité et les mesures de

 25   vérification. Puis nous avons une série d'annexes, notamment numéro 2,

 26   déclaration conjointe faite à Genève le 30 septembre 1992; numéro 6, une

 27   déclaration conjointe du 20 octobre. C'est bien de ceci que nous avons

 28   parlé ?

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  1   R.  Exact. Nous avons ainsi un document par lequel on précise les modalités

  2   de fonctionnement de la conférence sur l'ex-Yougoslavie à Genève.

  3   Q.  Fort bien. Document suivant, P 00854. Le 3 décembre 1992, on voit le

  4   contenu, on voit au numéro 4, retrait des forces étrangères, page 3, ce qui

  5   m'intéresse surtout, c'est la page 4, paragraphes 10 et 11. Pourquoi, parce

  6   qu'au milieu du paragraphe 10, on dit ceci : "Les forces serbes de Bosnie

  7   apparemment continuent de recevoir des approvisionnements et le soutien

  8   d'éléments dans la République fédérale de Yougoslavie" - Serbie-et-

  9   Monténégro - "il y a aussi des reportages de journalistes qui font état de

 10   ressortissants étrangers qui combattent aux côtés, aux côtés, des forces

 11   croates et musulmanes."

 12   Numéro 11, paragraphe 11 : "Même si la JNA s'est tout à fait retirée de la

 13   Bosnie-Herzégovine, d'anciens membres d'origine serbe de Bosnie sont restés

 14   là ainsi que leur matériel et constituent 'l'armée de la République serbe'.

 15   Plusieurs brigades de l'armée croate sont, de sources sûres, présentées

 16   comme participant activement au conflit. Cette disposition de la résolution

 17   de l'assemblée générale semble n'avoir pas été appliquée."

 18   Pourriez-vous nous faire un commentaire, il apparaîtrait à en croire ce

 19   texte qu'effectivement les forces yougoslaves sont toujours là, même si

 20   elles portent un autre uniforme, mais au fond elles se servent du même

 21   matériel et des mêmes hommes, mais il est également fait référence, nous le

 22   voyons, à des éléments de l'armée croate. Et lorsque vous allez répondre,

 23   vous me direz si la situation avait changé; la République de la Croatie,

 24   son territoire, continuait-il d'être attaqué par la JNA, par les forces

 25   serbes, à partir de la Bosnie-Herzégovine ?

 26   R.  C'est exact. La Croatie est toujours attaquée depuis la Bosnie-

 27   Herzégovine à différents endroits et en particulier dans les environs de

 28   Dubrovnik. Il s'agit de la même période que celle dont nous avons parlé, me

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  1   semble-t-il, hier de manière assez exhaustive. S'agissant de ce rapport du

  2   secrétaire général, il en ressort tout à fait clairement que l'ABiH et les

  3   forces croates combattent ensemble contre un même ennemi. C'est ce qui

  4   ressort tout à fait clairement de l'ensemble du texte et en particulier du

  5   paragraphe 10 de manière plus précise. A l'époque, nous avons estimé -- il

  6   me semble aujourd'hui que ceci est tout à fait conforme à l'accord d'amitié

  7   et aux deux annexes portant application de cet acte d'accord.

  8   Q.  [aucune interprétation]

  9   R.  Et si je puis ajouter, cette phrase parlant des rapports des

 10   journalistes faisant état des étrangers qui combattent dans les rangs des

 11   forces musulmanes et croates, si je ne me trompe pas, c'est à ce moment-là

 12   qu'on a entendu les premiers récits faisant état des unités des

 13   Moudjahidines qui combattaient aux côtés des Musulmans.

 14   Q.  Bien. Document suivant, P 00890. Transcript présidentiel du 10 décembre

 15   1992. P 00890, si je comprends bien, vous étiez présent à cette réunion ?

 16   R.  C'est exact, j'étais présent.

 17   Q.  Une seule question que j'aurais voulu poser le premier jour de votre

 18   déposition, vous avez mentionné un certain Biscevic, qui figure ici dans ce

 19   transcript. Je voulais être sûr que ce petit détail était réglé, vous avez

 20   dit qu'il était l'ambassadeur de Croatie à un moment donné en Turquie,

 21   n'est-ce pas ?

 22   R.  Exact.

 23   Q.  Et qu'à un moment donné le président Tudjman vous avait demandé de le

 24   faire venir pour qu'il donne un coup de main dans certaines négociations où

 25   apparemment il y avait Komsic de Sajarevo aussi ?

 26   R.  Exact.

 27   Q.  Si j'ai bien compris, Biscevic, à l'époque était Croate mais Musulman;

 28   c'est ça ? Enfin, disons de confession, pour faire la différence entre lui

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  1   et disons un Musulman de Bosnie, un Bosnien en tant que membre d'un peuple

  2   constitutif ?

  3   R.  Je connais très bien l'ambassadeur Biscevic. Je ne sais pas ce qui en

  4   est de sa confession, nous avons souvent eu des entretiens, mais ce que je

  5   sais, c'est qu'il est certainement Musulman d'après ses origines.

  6   Q.  Bien. Dans ce transcript-ci, intéressons nous à ceci, vous pourriez

  7   éclairer peut-être notre lanterne puisque vous étiez présent. Page 41, nous

  8   avons une interprétation du président. L'échange est long, mais vu que nous

  9   avons peu de temps, il faudra aller à l'essentiel. Page 42, avant-dernier

 10   paragraphe, qui dit ceci : "Faisons face à la situation. Soyons clairs, la

 11   question ce n'est pas seulement l'antagonisme entre les Croates et les

 12   Serbes en Bosnie-Herzégovine, ce n'est pas seulement le problème des

 13   Musulmans dans ce cadre-là; c'est plutôt le problème de la Bosnie-

 14   Herzégovine dans le conflit qu'a le monde occidental avec le monde

 15   islamique. C'est vraiment l'impasse qu'il faut pourtant franchir et c'est

 16   la raison pour laquelle l'Europe et le monde occidental a autorisé

 17   l'agression de la Serbie, celle menée sur -- l'agression que nous voyons

 18   encore aujourd'hui. Pourquoi est-ce qu'on a essayé de nous rendre

 19   responsables de ces actions ? Il n'empêche que nous nous en sommes sortis,

 20   par conséquent, il semblerait que le monde occidental essayait de porter le

 21   blâme sur nous, mais rappelez-vous il n'y a même pas deux ou trois mois

 22   qu'ils ont posé la question et il y avait eu des sanctions contre la

 23   Croatie, n'est-ce pas ? Donc cette idée a dû être rejetée. Par ailleurs, le

 24   monde islamique a dû aussi accepter le fait que nous sommes ceux qui ont

 25   reconnu la Bosnie et qui ont -- et cetera. Par conséquent, tant en occident

 26   que dans le monde islamique, et vraiment c'est là un fossé qui est très

 27   délicat, nous avons réussi à nous établir pour notre constance. C'est un

 28   peu comme si on faisait la quadrature du cercle depuis le début."

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  1   Et puis il dit : "Voilà, maintenant on l'a fait cette quadrature du cercle.

  2   Ça c'est la vérité. C'est la vérité, et il faut le savoir, car il est vrai

  3   qu'Izetbegovic et les siens n'étaient pas des intégristes pour répandre --

  4   mais il voulait un état islamique et c'est vrai qu'eux, et pas seulement un

  5   état islamique modéré comme la Turquie et l'Egypte mais aussi l'Iran; ces

  6   pays là, à travers lui voulaient semer le trouble, créer des problèmes en

  7   Europe dans ce conflit entre l'Iran, l'intégrisme islamique et en

  8   Occident."

  9   De quoi parle-t-il, parce que dans le premier transcript dont on a parlé

 10   hier, il y avait les références faites à l'Iran et vous venez de passer

 11   beaucoup de temps avec Tudjman et la question de l'Iran va resurgir à un

 12   moment donné. Pourriez-vous nous aider sur ce point, puisque vous avez été

 13   un des initiés, si j'ose dire ?

 14   R.  Il est très difficile de résumer cela en quelques phrases. Car ce que

 15   fait ici le président Tudjman c'est d'apporter une certaine forme de

 16   conclusion. En fait il résume et il prononce un commentaire suite à des

 17   rapports qui lui ont été présentés lors de cette réunion. A la lecture de

 18   cette transcription, vous verrez qu'il s'agit de la politique étrangère et

 19   que la majeure partie du rapport est constituée du rapport de M. Skrabalo,

 20   qui était le ministre des Affaires étrangères à l'époque. Ensemble avec M.

 21   Biscevic, ils s'étaient rendus dans plusieurs pays musulmans où ils ont

 22   discuté concrètement de la situation en Bosnie-Herzégovine et de manière

 23   plus générale des relations entre la Croatie et le monde islamique et non-

 24   islamique. Je peux témoigner que le président Tudjman s'en est

 25   particulièrement soucié parce que peu après cette réunion, en ma qualité de

 26   suppléant du ministre aux Affaires étrangères, j'ai été envoyé en mission

 27   dans toute une série de pays islamiques, pratiquement tous les pays qui

 28   n'avaient pas été visités par le ministre et l'objectif était toujours le

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  1   même, discuter de l'avenir de la Bosnie-Herzégovine, quel rôle souhaite y

  2   jouer la Croatie et comment empêcher que n'arrive en Europe en passant par

  3   la Bosnie-Herzégovine, n'arrive l'islamisme extrémiste que ce soit justifié

  4   ou non. Il est difficile d'en juger maintenant mais le président Tudjman y

  5   a attaché une importance particulière.

  6   Si je puis ajouter. C'est à ce moment-là que sur le plan international il

  7   commence a en être davantage question en 1991, 1992, 1993, on évoque

  8   l'extrémisme, le fondamentalisme islamique. Samuel Huntington, si je ne me

  9   trompe pas, publie son article à peu près à ce moment-là, son article

 10   portant sur le conflit des civilisations dans "Foreign Affairs." On a

 11   beaucoup commenté, on a beaucoup réagi suite à la publication de cet

 12   article. Le président Tudjman lui est un historien et il a toujours aimé

 13   réfléchir en naviguant dans les grandes conceptions historiques et c'est là

 14   encore qu'il agit de la même façon. Il pose une question, enfin pour être

 15   tout à fait franc, c'est une question que j'ai entendue formuler par nombre

 16   d'hommes d'Etats de renom, d'intellectuels à l'époque, y compris de la part

 17   de Samuel Huntington, lui-même.

 18   C'est la question suivante : La Bosnie-Herzégovine devient-elle une entrée

 19   pour le fondamentalisme islamique ? Et sur le plan global général,

 20   lorsqu'il parle des principes à respecter par sa politique, je tiens à le

 21   souligner puisque c'est le message que j'allais transmettre, moi et avant

 22   moi, M. Skrabalo et Biscevic, c'est le message dont nous étions porteurs en

 23   pays islamiques. Le principe était le suivant : la Croatie respectait le

 24   fait que son état voisin était la Bosnie-Herzégovine, que la Croatie

 25   souhaitait et estimait qu'il était indispensable de cultiver, de développer

 26   des relations amicales avec ce pays voisin, mais qu'également au sein de

 27   cette Bosnie-Herzégovine, la Croatie souhaitait protéger les intérêts du

 28   peuple croate.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme je vois que Me Karnavas a changé de classeur,

  2   il serait peut-être temps de faire la pause parce qu'on va arriver à 4

  3   heures. D'après les décomptes, il devrait vous rester 30 minutes, Maître

  4   Karnavas, donc on va surveiller cela de très près. Après vous donc,

  5   commencera le contre-interrogatoire mais manifestement nous n'aurons pas le

  6   temps de passer tous les avocats de la Défense qui vont contre-interroger.

  7   Alors peut-être je crois que c'est, je ne sais pas qui va intervenir en

  8   premier.

  9   Me Alaburic certainement ? Donc il n'y aura qu'elle qui pourra intervenir

 10   ou je ne sais qui.

 11   Oui, Maître Alaburic.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous ne nous sommes

 13   pas particulièrement coordonnés pour ce qui est de l'ordre de

 14   l'interrogatoire. Je pense que ce sera comme d'habitude. Si Me Nozica

 15   n'aura pas de question, comme elle l'a annoncée hier, enfin elle a annoncé

 16   l'éventualité, la Défense de Praljak commencera et je reprendrai après eux.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors de toute façon, si à 18 heures 25 vous n'avez

 18   pas terminé, bien on continuera la prochaine fois parce que -- au mois de

 19   juillet. Et quand je dis la prochaine fois, ça sera toujours bien présent

 20   dans notre esprit.

 21   Alors on fait 20 minutes de pause, et nous reprendrons dans 20 minutes.

 22   --- L'audience est suspendue à 15 heures 41.

 23   --- L'audience est reprise à 16 heures 05.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Karnavas pour la demi-heure qui reste.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais

 26   qu'on me prévienne cinq minutes à l'avance si c'était possible. J'ai essayé

 27   de rationaliser mes questions.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation]

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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, je n'en doute pas.

  2   Q.  Document suivant, 1D 02567, il y a donc un certain nombre de documents

  3   que je ne vais pas aborder, 1D 02567 et pour ce qui est des documents que

  4   je vais vous montrer maintenant nous allons procéder très vite. On voit que

  5   c'est un document en date du 1er juin 1993, ambassade de la République de

  6   Bosnie-Herzégovine, bureau économique et militaire, et au tout début on

  7   voit : "Le 31 mai 1993, vers 1 heure du matin, un groupe comptant au total

  8   19 combattants a quitté le district du commandement du régiment des gardes

  9   de Slunj pour se rendre vers notre commandement. Ils sont tous équipés et

 10   armés. Tout ceci provenant de l'entrepôt numéro 5C."

 11   Page 4. Vous voyez qu'à la page 4, on voit le point 19 : "Dans le district

 12   de votre commandement, de votre zone de responsabilité, il y a six

 13   étrangers. Veuillez faire en sorte qu'ils entrent en contact avec M. Mirsad

 14   Veladzic. On voit un cachet, représentant militaire de Bosnie-Herzégovine

 15   en République de Croatie." 

 16   Hier, nous avons entendu parler d'Avdic qui était président de la

 17   présidence de la Bosnie-Herzégovine et qui à un moment donné, avait demandé

 18   que l'on mette en place un état-major général à Rijeka et ailleurs.

 19   Pouvez-vous nous dire quel est le sujet de ce document ? Que nous montre-t-

 20   il ce document ?

 21   R.  Mon opinion ou mon interprétation de ce document est la suivante : ce

 22   groupe de combattants d'après les noms qu'on a vus, ce sont des Musulmans,

 23   et il a été explicitement dit qu'il y avait plusieurs étrangers parmi eux.

 24   Ils avaient été équipés dans ce régiment de Slunj, donc sur le territoire

 25   de la Croatie. Ensuite, ils sont allés en Bosnie-Herzégovine. Ils ont reçu

 26   des équipements, de l'armement, et on donne le détail des armes.

 27   Q.  Est-ce que ceci démontre encore plus ou c'est une illustration de

 28   l'accord d'amitié et de coopération ?

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  1   R.  Je suppose, et c'est ainsi qu'on doit pouvoir interpréter cet accord,

  2   et ceci est une concrétisation de certaines des parties de ces accords.

  3   Q.  Bien. On va sauter un certain nombre de documents, on va passer

  4   directement au document 1D 0 --

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Où sont-ils envoyés ?

  6   Ici on voit la mention du 5e Corps, mais il y a des corps partout, dans

  7   toutes les armées.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. Vous avez raison. On voit qu'en haut il

  9   est écrit : "Nous transmettons le rapport du bureau du comté de Bihac."

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, mais cette zone n'est pas

 11   couverte par l'acte d'accusation. C'est le coin nord-ouest de la Bosnie-

 12   Herzégovine.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] J'entends bien, Monsieur le Juge. Mais ce

 14   que j'essaie de mettre en évidence c'est qu'il existe une coopération

 15   étroite entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Voilà où je veux en

 16   venir. Ça c'est ce qui est important. Il y a eu un accord qui a été conclu,

 17   et là nous voyons comment cela se manifestait concrètement. Nous en voyons

 18   la preuve et nous voyons une date, la date du 1er juin 1993. Ceci s'appuie

 19   dans le contexte de l'entreprise criminelle commune ayant pour objectif de

 20   se partager la Bosnie-Herzégovine. Nous avons ici des résolutions, des

 21   décisions. On ne sait pas exactement où sont ces combattants dans ces

 22   résolutions de portée générale. Mais ici, nous voyons grâce à ce document

 23   que la coopération est bien réelle. Ceci nous montre également ce qu'il en

 24   est, puisqu'à plusieurs reprises et à de très nombreuses reprises le

 25   président Tudjman a dit qu'il était en faveur de la Bosnie-Herzégovine

 26   contrairement à la théorie de l'Accusation, et on le voit encore ici. Nous

 27   avons des combattants musulmans entraînés en Croatie, armés en Croatie et

 28   qui retournent en Bosnie-Herzégovine. Et une fois qu'ils sont sur place ils

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  1   ont le droit de se rendre où cela leur chante, où ils le veulent, sur

  2   n'importe quel front. Ils peuvent ouvrir le feu sur tout le monde, ils

  3   peuvent tirer sur tout le monde, sur n'importe qui et mutiler et blesser

  4   n'importe qui. Voilà. J'espère que cette fois, que tout ce temps-là n'a pas

  5   été déduit de mes 30 minutes.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, c'était une question que je

  7   vous posais, moi.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. Je voulais simplement m'adresser au

  9   greffe, parce que parfois il oublie d'arrêter le chronomètre. Document

 10   suivant. Ça répondra peut-être aussi à votre question, Monsieur le Juge

 11   Trechsel.

 12   Q.  Document 1D 02573, toujours une variation du même thème, 1D 02573. Nous

 13   avons un document qui émane du club Unski Ljiljani, les Lys de la Una, de

 14   la rivière Una, Zagreb, 31 juillet 1993. La date est importante encore ici.

 15   Voilà ce qu'on peut lire : "Afin de confirmer que les représentants du club

 16   Unski Ljiljani de Munich ont remis 50 000 badges au bureau du comté de

 17   Bihac pour le 5e Corps de l'ABiH actif sur le territoire de la région de

 18   Bihac."

 19   Est-ce que ceci est encore une illustration de l'accord de

 20   coopération et d'amitié.

 21   R.  Je pense que tout ceci se passe dans le cadre de cet accord de

 22   coopération et d'amitié.

 23   Q.  Bien. On a déjà abordé rapidement le document suivant, mais on va le

 24   sauter. Je voulais évoquer le document 2896 qui porte sur l'accord

 25   préliminaire conclu entre la République de Croatie et les parties à

 26   l'accord constitutionnel établissant l'union des Républiques de Bosnie-

 27   Herzégovine, mais très rapidement, ce document, est-ce que c'est un

 28   document qui correspond à ce que vous avez dit le premier jour quand vous

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  1   avez parlé des négociations menées par la Croatie pour obtenir un port pour

  2   la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire un port qui serait utilisé pour le

  3   commerce ? 

  4   R.  Exact. Ce document, à mon avis, a été rédigé par les Nations Unies. Qui

  5   plus est, il est repris dans le document suivant, le rapport du président à

  6   l'intention du secrétaire général des Nations Unies, et cela montre le

  7   souhait ou l'existence d'un souhait pour ce qui est d'avoir un port de

  8   sortie, débouché sur la mer. Dans la suite de l'arrangement, l'organisation

  9   constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine et les relations de la Croatie y

 10   sont mentionnées.

 11   En outre, il importe de dire que la Bosnie-Herzégovine se trouve être

 12   tout à fait clairement définie du point de vue du droit international, à

 13   savoir "land-locked state", "pays sans débouché sur la mer."

 14   Q.  Bien. Merci. Passons à une autre série de documents reliés entre eux,

 15   1D 01320, 1D 01320 qui nous permettra -- enfin, un document que nous

 16   examinerons en parallèle avec la pièce 1D 01321 et 3D 00451. On voit que la

 17   pièce 1D 01321, c'est un texte d'Ivo Komsic, qui a divisé la Bosnie-

 18   Herzégovine. Est-ce que vous le connaissez, rapidement, qui est-ce ?

 19   R.  Oui, je connais M. Komsic depuis le temps des négociations. C'est un

 20   Croate originaire de Bosnie-Herzégovine. Il faisait son apparition parfois

 21   au niveau des négociations, et ce, dans des fonctions variées.

 22   Q.  Bien. Si nous regardons ce document, on voit que c'est une déclaration

 23   conjointe en date du 14 septembre 1993, avec la participation de Franjo

 24   Tudjman et Alija Izetbegovic qui acceptent les principes de la conférence

 25   de Londres. Si vous regardez le paragraphe numéro 5, vous constatez qu'il

 26   est question de la mise en place d'un groupe de travail qui s'occupera de

 27   questions portant sur les divisions territoriales entre les deux

 28   républiques et l'union envisagée de la Bosnie-Herzégovine, avec également

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  1   la question de l'accès à la mer qui est une question qui intéresse les deux

  2   parties, et cetera, et cetera.

  3   En deux mots, est-ce que c'est de cela que vous parliez le premier jour

  4   quand vous aviez dit qu'il existait une déclaration conjointe signée par

  5   Franjo Tudjman et Alija Izetbegovic ?

  6   R.  Exact. C'est le document dont je parlais au premier jour et même hier,

  7   me semble-t-il. Il s'agit d'un document que nous avions établi, moi et M.

  8   Bisevic ainsi que M. Silajdzic et M. Komsic du côté de la Bosnie-

  9   Herzégovine.

 10   Q.  Bien. Document suivant --

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, avant d'aborder le document

 12   suivant, je reste sur ce document de la déclaration Tudjman, Izetbegovic du

 13   14 septembre 1993. On voit qu'en réalité vous êtes d'ailleurs participant

 14   puisque votre nom y figure. Donc vous avez mieux qu'un expert la

 15   connaissance de ce type de problème. Alors en préambule de cette

 16   déclaration, je vois qu'il y a une référence explicite à la conférence de

 17   Londres, à la conférence de Genève, et il est rajouté : "Sur le système

 18   constitutionnel d'une future union de la Bosnie, de la future union des

 19   républiques, en quelque sorte."

 20   Alors cette notion d'union des républiques, à Genève tout le monde était

 21   d'accord, au courant ? Et ce document s'inscrit bien dans la ligne de tous

 22   les travaux intervenus depuis la conférence de Londres en passant par

 23   Genève et les multiples plans ? Est-ce que la solution finale passait par

 24   cette union des républiques avec - on l'a vu avec un document précédent -

 25   l'accès à la mer par un pont avec les routes, avec un chemin de fer, et

 26   cetera, et cetera ? Est-ce que finalement l'objectif final n'était pas de

 27   créer l'union des républiques ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] En ce moment-ci, il me semble que cette

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  1   initiative portant sur cette réunion et ce type de concertation est venue

  2   du président Tudjman. C'est lui qui m'a donné des instructions, et j'ai

  3   procédé à l'établissement de contact, d'un contact avec M. Haris Silajdzic.

  4   Le président Tudjman estimait que les choses évoluaient trop lentement au

  5   sein de la conférence, et il a estimé aussi que, partant d'un intérêt

  6   conjoint du peuple musulman et du peuple croate, il était possible

  7   d'aboutir à un accord. C'est la raison pour laquelle était organisée cette

  8   réunion où, comme on l'a déjà dit, nous étions présents, nous quatre, et

  9   nous nous sommes entretenus des différentes possibilités qui s'offraient à

 10   nous. Comme vous venez de le laisser entendre, Monsieur le Président, nous

 11   avons pris dans les plans établis par la communauté internationale jusque-

 12   là ce qui nous semblait être véritablement un élément sur lequel on pouvait

 13   construire cette future union de Bosnie-Herzégovine. Nous nous sommes

 14   efforcés d'englober toutes les questions-clés, véritablement, et de sortir

 15   ou de présenter une proposition générale. Nous avons formulé cette

 16   proposition de la sorte et ça a été signé par les personnes qui, à ce

 17   moment-là, au sein de la République de Bosnie-Herzégovine, avaient

 18   véritablement le plus de poids politique.

 19   Ce que je puis ajouter, Monsieur le Président, à tout ceci c'est qu'en sus

 20   dudit document, le même jour on a signé un autre document pour lequel on

 21   avait jugé que cela résolverait entièrement le problème des relations entre

 22   la Croatie et la Bosnie-Herzégovine et, à long terme, mettre en place des

 23   relations stables dans cette partie-là du monde. Je parle là d'un document

 24   relatif à une confédération entre la République de Croatie et cette union

 25   de Bosnie-Herzégovine. Ce document ne figure pas parmi ces documents-ci,

 26   car il a été convenu à l'époque qu'on le garderait secret. Je pense bien

 27   que l'on n'ait fait que trois copies dudit document. Il a dû faire surface

 28   quelque part dans le public. Toujours est-il que je me trouve être

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  1   parfaitement au courant de ce document.

  2   A ce moment-là, il y a eu un grand optimisme, une bouffée d'enthousiasme

  3   des deux côtés. Il me semble que nous tous qui étions présents - et ça

  4   c'est signé dans le bâtiment de la mission croate à Genève - nous avons

  5   donc pensé à avoir résolu un grand problème historique. Je peux dire aussi,

  6   à titre d'anecdote, que les représentants de la délégation bosnienne, y

  7   compris M. Ganic qui a toujours été le plus critique et le plus lourd en

  8   matière de négociations, le plus dur en matière de négociations, nous avons

  9   inspecté les locaux de notre mission pour savoir si ça suffirait pour les

 10   besoins des deux Etats. En plaisantant un peu mais en partie dans le

 11   sérieux, on a débattu du problème de savoir si on pouvait construire juste

 12   à côté ou élargir, du moins pour ce qui est du côté croate et il me

 13   semblait que du côté musulman aussi, on avait pensé avoir trouvé la

 14   solution.

 15   Malheureusement, on l'a dit déjà hier, deux jours à peine après cela,

 16   M. Izetbegovic a signé un accord avec Karadzic, et là -- 

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : [chevauchement] -- donc je vais croiser ce que vous

 18   venez dire -- ce document avec ce que nous a dit l'ambassadeur américain à

 19   Zagreb, M. Galbraith, qui était venu il y a plusieurs mois et il nous a dit

 20   ceci. Il nous a dit que quasiment tous les jours, il rencontrait Tudjman -

 21   si je paraphrase ce qu'il nous a dit - et j'ai eu la conviction que

 22   l'ambassade américaine était présente en permanence à la présidence à

 23   Zagreb. Cette déclaration de septembre 1993, telle qu'elle est rédigée,

 24   avait-elle l'accord des Américains ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] L'ambassadeur Galbraith, pour être tout à fait

 26   sincère, est un ami qui m'est très cher, et je me sens plutôt mal à l'aise

 27   pour ce qui est de commenter à son sujet. Mais il est aisé de déterminer

 28   quand est-ce que tel ambassadeur ou tel autre ambassadeur est venu rendre

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  1   visite au président Tudjman. Il n'y avait pas même un possibilité

  2   théorique, ne serait-ce que théorique, de voir un ambassadeur rencontrer le

  3   président au quotidien. Voyez-vous, le président Tudjman, bien qu'ayant

  4   beaucoup de respect à l'égard des Etats-Unis d'Amérique dès le départ,

  5   qu'il ait aimé à avoir des entretiens avec, c'était quelqu'un de très

  6   formaliste. En sa qualité de chef d'Etat, il se conformait strictement au

  7   protocole. La communication entre un ambassadeur d'un Etat et un président

  8   c'est quelque chose de protocolaire et il est facile de déterminer quand

  9   telle chose s'est passée ou pas.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Ministre, c'est pas à vous que je vais

 11   le dire, bien sûr qu'il y a le protocole et il y a les demandes de rendez-

 12   vous mais il y a le téléphone aussi.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact, Monsieur le Président, je n'exclus pas

 14   la possibilité qu'ils se soient ça et là entretenus au téléphone.

 15   Cependant, partant des connaissances qui sont les miennes, il me semble que

 16   l'ambassadeur Galbraith avait très peu participé de façon directe aux

 17   entretiens et aux pourparlers relatifs à la Bosnie-Herzégovine. Il a pris

 18   part en bonne partie, dirais-je, et c'est là mon opinion, il a grandement

 19   contribué à la solution du problème en Croatie, notamment pour ce qui est

 20   de la Slavonie orientale. Mais pour être tout à fait franc, je ne pense pas

 21   qu'il ait informé quiconque de cet accord au moment de son adoption. Et je

 22   ne pense pas que quiconque ait estimé nécessaire de l'en informer, lui,

 23   comme on le verra ultérieurement dans les autres documents --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Votre réponse est suffisante.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Moi, j'ai une question différente à

 26   vous poser, mais qui porte sur le même document.

 27   Au point 5, en haut de la deuxième page, il est question de : "La mise en

 28   place d'un groupe de travail chargé des questions relatives à la division

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  1   territoriale entre les deux républiques dans l'union de Bosnie-Herzégovine

  2   telle qu'elle est envisagée."

  3   Pourriez-vous nous expliquer ce que l'on entend par là exactement quand il

  4   est question de division territoriale ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme cela ressort du titre de l'accord et de

  6   l'ensemble des pourparlers précédents, ça allait être une union composée

  7   des républiques, même si ces républiques seraient constitutives d'une

  8   communauté, d'une union. Il fallait déterminer et définir leur territoire,

  9   comme cela est le cas dans tous les Etats fédéraux ou confédéraux. On

 10   définit le territoire des entités qui compose la fédération et la

 11   confédération. En l'occurrence ce sont des républiques. Donc cela concerne

 12   précisément cette question-là : comment définir le territoire de chacune

 13   des entités respectivement, donc chacune des entités au sein de l'union.

 14   Puisque s'agissant des relations entre les Croates et les Musulmans de

 15   Bosnie-Herzégovine, cela n'était pas toujours très facile, parce qu'une

 16   partie des Croates --

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 18   M. KOVACIC : [interprétation] Une erreur dans le compte rendu d'audience,

 19   si vous m'y autorisez. Je pense que c'est important. Page 46, ligne 11, il

 20   est dit que le témoin a dit : "D'une certaine manière, il m'est difficile

 21   de faire des commentaires au sujet de lui" - de l'ambassadeur Galbraith -

 22   "mais je ne sais pas à quel moment tel ou tel ambassadeur a rencontré le

 23   président Tudjman."

 24   J'écoutais l'original en croate et je vérifiais la transcription, il

 25   me semble que le témoin a dit en réalité : "Ce serait facile de savoir" et

 26   non pas : "Je ne sais pas." Il a dit littéralement : Il serait facile de

 27   savoir, de constater à quel moment tel ou tel ambassadeur a rencontré le

 28   président Tudjman. Il me semble que c'est une différence.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez raison. Dans la traduction française qui

  2   part du B/C/S c'est exactement ce que j'ai entendu, donc ça doit être dans

  3   la transcription anglaise qui n'a pas restitué le même sens.

  4   Maître Karnavas, l'horloge tourne.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, mais enfin c'est défalqué de votre

  6   temps à vous, Monsieur le Président, je pense parce que ça été évoqué suite

  7   à la question que vous aviez posée, vous.

  8   Prenons maintenant 1D 01321.

  9   Q.  Vous parliez d'une espèce d'accord secret -- excusez-moi, excusez-moi.

 10   Regardons le document suivant, puis nous reparlerons de cela, 1D 01321. On

 11   dit ici : "Monsieur le Président, conformément à la déclaration conjointe

 12   d'hier, je vous soumets les noms des membres des groupes de travail qu'il a

 13   été convenu d'établir."

 14   Page suivante, 15 septembre 1993. Voyez le commentaire que l'on

 15   trouve en bas du document qui doit émaner de Komsic, la toute dernière

 16   phrase dit ceci : "En même temps que cette déclaration partant de plusieurs

 17   moutures, on a établi une autre déclaration qui a été signée mais qui n'a

 18   pas été rendu publique et que seuls Izetbegovic et Tudjman ont gardée.

 19   Cette déclaration contient des dispositions sur le maintien de l'intégrité

 20   de la Bosnie-Herzégovine sur l'alliance entre Croates et Musulmans et sur

 21   la confédération entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie. Lorsque Tudjman

 22   a parlé d'une 'confédération' c'est à cette déclaration qu'il pensait ou il

 23   l'avait à l'esprit."

 24   Q.  Première question : avez-vous des informations à propos de cette

 25   déclaration dont il est question ici, cette mouture de la déclaration

 26   évoquée par M. Komsic ?

 27   R.  Oui. Malheureusement, je n'ai pas lu le livre de M. Komsic, donc je ne

 28   savais pas qu'il en parle. Mais c'est précisément la déclaration au sujet

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  1   de laquelle je viens de faire quelques commentaires à l'instant, et c'est

  2   précisément la situation que je viens de décrire lorsque de notre côté on a

  3   pensé être abouti à un accord historique.

  4   Q.  Bien.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Je remercie la Défense de M. Praljak, on me

  6   dit qu'il y a un document qu'a cette Défense, le document 3D00298. Je viens

  7   juste à l'instant même, Monsieur le Président, d'apprendre tout ceci, tout

  8   à fait impromptu et je ne veux surprendre personne ici. Mais est-ce qu'on

  9   peut afficher ceci qui se trouve déjà dans le prétoire électronique ? On va

 10   afficher ce document. Je pense que c'est une version en anglais. Enfin on

 11   l'a en anglais et en croate. Monsieur l'Huissier, est-ce que vous pourriez

 12   aider le témoin pour être sûr qu'il voit ce document à l'écran ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois ce document.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation]

 15   Q.  Fort bien. Il me semble qu'il y a une petite microgestion du prétoire

 16   ici.

 17   Je n'ai pas vu ce document et je ne l'ai pas lu, mais je vous demande de le

 18   regarder. Apparemment il est à notre disposition.

 19   Est-ce que vous pourriez nous dire avec plus ou moins de certitude si ceci

 20   est en rapport avec ce qu'évoquait M. Komsic dans son livre ? Cette partie

 21   que nous avons reprise dans le document 1D 01321.

 22   R.  Ce document je ne l'ai pas revu depuis que je suis parti de Genève cela

 23   fait 15 ans. Mais je suis pratiquement certain que c'est bien ce document-

 24   là. J'ai participé à sa rédaction. En fait, il me semble que je l'ai même

 25   tapé, écrit physiquement.

 26   Q.  Bien. Les avocats de M. Praljak auraient peut-être une question ou deux

 27   à vous poser, mais nous allons poursuivre parce que je crois que le

 28   document suivant est assez révélateur. Il s'agit du document 3D 00451. Je

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  1   répète 3D 00451.

  2   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je suis toujours en train d'examiner

  3   ce document que vous venez de nous montrer. Ce document a été signé par

  4   Alija Izetbegovic, après nous trouvons -- je pense que c'est la dernière

  5   page avant le résolution du conseil de sécurité. Il est écrit ici que cette

  6   déclaration est la première tentative sérieuse d'arrêter les conflits de

  7   guerre entre l'ABiH et le HVO et pour normaliser les relations entre les

  8   Musulmans et les Croates en Bosnie-Herzégovine.

  9   Est-ce que ceci fait partie du document écrit par M. Komsic, ou est-ce

 10   qu'il s'agit ici d'un commentaire qui vient d'un autre document ? C'est ce

 11   que je vous demande. Je voudrais savoir d'où vient éventuellement ce qui se

 12   trouve ici qui est une évaluation de l'analyse.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est un commentaire de M. Komsic. C'est lui

 14   qui a participé à plusieurs activités qui fait ce commentaire sur ce

 15   document. Là aussi lorsqu'il parle, tout comme quand il parle de la

 16   déclaration secrète.

 17   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation]

 19   Q.  Document suivant, 3D 00451. En effet, en réponse à une des questions

 20   posées par un Juge vous avez répondu que malheureusement deux jours plus

 21   tard il y a eu un autre accord, une autre déclaration conjointe signée par

 22   Radovan Karadzic et Izetbegovic ainsi que par Slobodan Milosevic. Est-ce à

 23   ce document-ci que vous faisiez référence ?

 24   R.  C'est exact. Je pense que c'est ce document-là.

 25   Q.  Bien. Prenons le paragraphe 5. Voici ce qu'il dit - là, je saute la

 26   première partie, je prends la deuxième phrase : "C'est en surcroît de

 27   l'engagement déjà pris de trouver une solution permanente au gouvernement

 28   ou à la gouvernance du district de Sarajevo après deux ans. Après avoir

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  1   obtenu une solution acceptable pour tout ce qui est des délimitations

  2   territoriales des trois républiques au sein de l'union. Au cours d'une

  3   première phase de deux ans de l'existence de cette union, il sera prévu de

  4   tenir un référendum à une date convenue par tous au sein des républiques de

  5   l'union, référendum portant sur la question de savoir si les citoyens d'une

  6   république donnée sont d'accord pour rester au sein de l'union ou pour

  7   sortir de celle-ci, pour la quitter. 

  8   "S'il y a dissolution de l'union, tous les droits de l'Union des

  9   Républiques de Bosnie-Herzégovine, y compris le fait d'être membre des

 10   Nations Unies seront automatiquement conférés à une république qui aura une

 11   majorité surtout musulmane."

 12   C'est ce passage qui m'intéresse tout particulièrement. Pourriez-vous nous

 13   expliquer ce qu'on entend ici ? Le président Tudjman et les autres comment

 14   ont-ils compris ceci ? Parce que je pense que nous allons trouver des

 15   documents qui montrent clairement que ceci a été rendu public, qu'on en

 16   discutait, et que vous l'avez appris plus tard. Donc c'est la base que je

 17   pose.

 18   R.  C'est exact. Nous avons été mis au courant de l'existence de ce

 19   document sur le champ. D'ailleurs ces signataires sont les coprésidents de

 20   la conférence de paix. En réagissant sur le champ, nous avons dit tout

 21   d'abord que c'était une manière de trahir l'accord qui venait d'être signé

 22   il y a deux jours. Parce que je pense que le président Tudjman et les

 23   Croates de Bosnie-Herzégovine n'étaient pas au courant de ce texte.

 24   Deuxièmement, le président Izetbegovic signe la possibilité pour la partie

 25   serbe de quitter la Bosnie-Herzégovine, certes, c'est ce qui est prévu dans

 26   tous les accords de paix, si cela se produit par des moyens pacifiques,

 27   mais jamais de par le passé on avait signé un texte disant cela. Et si je

 28   puis souligner quelque chose. Je me rappelle la proposition qui avait été

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  1   faite par le président Izetbegovic au président Tudjman sur le rattachement

  2   de l'Herzégovine occidentale à la Croatie. Si l'on replace cela dans le

  3   contexte de ce document, alors logiquement la conclusion qui s'impose est

  4   la suivante : la direction musulmane souhaite créer un Etat musulman

  5   unitaire avec une population musulmane majoritaire, et c'est par le biais

  6   de cet accord que, parfois automatique, il souhaite transférer les droits

  7   de succession, y compris la place pour cet Etat aux Nations Unies. Donc

  8   d'après notre interprétation de l'époque et d'ailleurs je ne

  9   l'interpréterais pas autrement aujourd'hui, ce document prévoit que la

 10   Bosnie-Herzégovine se décompose et que la partie serbe parte librement où

 11   qu'elle le souhaite, qu'elle parte, que l'Herzégovine occidentale pour les

 12   Croates peut aussi choisir librement, aller, par exemple, à la Croatie et

 13   que le reste constituera un Etat avec une majorité musulmane. Et d'après la

 14   manière dont j'interprète l'importance de ce document cet Etat serait le

 15   pays successeur de la Bosnie-Herzégovine, aurait le droit à son siège aux

 16   Nations Unies.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas, il vous reste cinq minutes.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Mais ceci s'inscrit dans la question que

 19   vous avez posée alors peut-être que vous pourriez me donner quelques

 20   minutes de plus, enfin.

 21   Q.  Voyons maintenant le document P 05155, transcript présidentiel du 17

 22   septembre 1993. Je pense que vous avez eu l'occasion d'examiner ce

 23   transcript en croate, mais tout n'a pas été traduit en anglais. Cependant,

 24   vous avez pu examiner ce texte, et si j'ai bien compris vous êtes mentionné

 25   dans ce transcript, n'est-ce pas ?

 26   R.  C'est exact.

 27   Q.  Je veux gagner du temps. Vous ai-je bien compris, lorsque vous êtes

 28   mentionné, vous avez lu et vous êtes convaincu que ce n'est pas vous qui

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  1   parlez ?

  2   R.  C'est tout à fait exact. Je ne m'en souviens pas si j'étais présent à

  3   cette réunion, mais c'est de manière catégorique que je peux affirmer que

  4   je n'ai jamais prononcé les propos qui me sont prêtés, qui me sont prêtés

  5   dans ce document sous mon nom.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Maître Karnavas, vous

  7   avez dit que tout n'avait pas été traduit. Pourriez-vous nous dire ce qui a

  8   été traduit ? Parce que moi apparemment, j'ai un texte qui est tout en

  9   croate.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Ce qui a été traduit par le bureau du

 11   Procureur et ici j'ai les pages 48 et 49. C'est ce qui est traduit.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vois.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] D'accord. Puisque nous avons le texte en

 14   croate, les Juges aussi, je ne savais pas que les Juges l'avaient.

 15   Q.  Pourriez-vous nous dire quelle était la page en croate ?

 16   R.  En croate c'est la page 01865828.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense que c'est le numéro ERN.

 18   Q.  Pourquoi pensez-vous que ce n'est pas vous qui parlez ici à cet endroit

 19   du transcript ? Quelquefois, on peut se demander si ces transcripts sont

 20   exacts, mais ici pourquoi pensez-vous que ce n'est pas vous ?

 21   R.  La personne qui prend la parole ici parle de conseil d'administration

 22   dont je n'ai jamais été membre. Cet individu évoque des réunions se tenant

 23   tous les 7 à 10 jours auxquelles je n'ai pas pu assister, et matériellement

 24   je n'y ai pas assisté puisqu'à l'époque j'étais à Genève. Et un nom

 25   d'individu est mentionné qui était assis à côté de lui la dernière fois, M.

 26   Fizilic [phon]. Véritablement, je ne me souviens pas qui il est. Il n'a

 27   jamais été assis à côté de moi.

 28   Q.  M. le Juge Trechsel vous a demandé ce qui avait été traduit. C'était

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  1   une bonne question. Mais je pense que -- voyons ce texte parce qu'il y a le

  2   bureau du Procureur qui a traduit une partie pour une raison précise, pages

  3   48 et 49, compte tenu de ce que nous avons déjà évoqué à propos de la

  4   déclaration conjointe Izetbegovic, Karadzic, Milosevic. Regardons cette

  5   partie-ci, pages 48 et 49. Pourquoi ? Parce que ces pages disent ceci :

  6   "Vous avez vu comment était la position en collusion avec les services" --

  7   pas position, excusez-moi c'est opposition, oui "en collusion, en

  8   complicité avec les services de l'étranger qui ne sont toujours pas en

  9   faveur d'une Croatie souveraine qui se sont donnés pour mission de faire

 10   changer la politique croate. 

 11   "Pourquoi, si ce n'est pour renverser Tudjman. C'est un peu

 12   difficile. Ça a raté. Pour défaire le HDZ, et pour ce qui est de cela, ils

 13   y sont parvenus en partie, diront certains, une mauvaise politique à propos

 14   de la Bosnie-Herzégovine.

 15   "Et vous voyez, la politique n'était pas erronée. Au contraire, dès

 16   le départ c'était la seule bonne politique à appliquer dans l'intérêt tant

 17   des peuples croates en Bosnie que pour l'Etat croate. Et vous le voyez, il

 18   l'a signé lui-même après avoir fait le tour du monde. Voyez ce qu'il a dit,

 19   ce dont il a discuté avec nous, en privé, en plus de ce que nous avons

 20   signé publiquement. Nous avons eu des pourparlers, des accords pour dire

 21   que les républiques musulmanes de Bosnie et croates de Bosnie devaient

 22   coopérer plus étroitement, et tant qu'il n'y aurait pas de -- pour avoir

 23   plus tard des liens au sein d'une confédération avec la Croatie, mais que

 24   tant que ce n'était pas développé il fallait qu'il soit indépendant.

 25   "Donc, il l'a signée avec les Serbes et l'a rendu publique, une

 26   déclaration, pour que ceux-ci puissent survivre pendant deux ans au

 27   maximum. Mais voyez, la carte de ce qui serait l'Etat de Croatie, pas

 28   seulement avec la république croate qui manifestement nous appartient, mais

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  1   aussi avec la région de Bihac qui ferait partie intégrante de la

  2   république. 

  3   "Par conséquent, la Croatie n'aurait jamais été aussi grande dans son

  4   histoire, mais ils ont soulevé la question de la nécessité d'un changement.

  5   Le problème c'est que c'est une évaluation tout à fait erronée de la part

  6   de ceux qui soulèvent cette idée.

  7   "Et pourquoi est-ce que je dis ceci ? C'est parce que ces gens ont

  8   donné des instructions non seulement aux leurs, mais ailleurs pour dire que

  9   le HDZ devrait et Tudjman aussi dans le domaine de l'économie que nous

 10   devrions prendre les choses en main. Dans l'intérêt de la Croatie, je ne le

 11   permettrai pas. C'est à vous de faire ça. Vous avez les postes de

 12   responsabilité et c'est vous qui devez appliquer une politique croate qui,

 13   à la fin de la guerre, avec ces frontières, serait plus favorable à la

 14   Croatie et qui veillerait à ce que ce soit logique économiquement, que ceci

 15   ne poserait pas une base économique pour la dissolution de cette politique.

 16   Gardez ceci à l'esprit."

 17   Vu ce qui a déjà été discuté, pourriez-vous nous dire de quoi parle Tudjman

 18   ? Car il semblerait que l'accord signé entre Izetbegovic, et Milosevic, et

 19   Karadzic, est maintenant devenu un accord public.

 20   Q.  Je ne me souviens pas exactement de cette réunion. Je pense que je n'ai

 21   pas dû y assister. C'est ce que je pense. Mais lorsque j'ai lu la

 22   transcription dans sa totalité en langue croate, parce que de ce petit

 23   fragment traduit en anglais, abstraction faite des erreurs comme celles où

 24   on me prête des propos, il est très difficile de comprendre de quoi il

 25   s'agit. En fait, il s'agit d'une réunion entre le président Tudjman et les

 26   personnes qui ont la charge de la politique économique de Croatie, et cette

 27   réunion porte sur des questions économiques et non pas politiques. C'est

 28   pendant cette réunion que le président Tudjman commente la situation

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  1   politique, fait des commentaires sur l'opposition, ce qui est fréquent

  2   parmi les hommes politiques. Il fait des commentaires sur ceux qui le

  3   critiquent, et c'est dans ce contexte-ci qu'il fait des commentaires sur

  4   l'accord qu'il avait signé avec Izetbegovic et l'accord signé par

  5   Izetbegovic et la partie serbe par la suite. Donc c'est uniquement dans ce

  6   contexte général qu'il convient d'interpréter et de lire ces extraits,

  7   parce que ses commentaires ne sont pas très certains. Il n'est pas tout à

  8   fait clair si la confédération dont on s'est convenu avec les Bosniens, si

  9   un jour cet accord sera traduit dans les faits ou pas ?

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, votre temps doit être terminé.

 11   Terminez par une dernière question.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] D'accord. Nous allons faire l'impasse sur

 13   certains documents que nous présenterons à d'autres témoins. Un dernier

 14   document que nous allons examiner. J'invite la Chambre à en faire une

 15   lecture minutieuse et intégrale, 1D 02911. Hélas, le temps qu'il me reste

 16   ne me permet pas de l'examiner. Il nous faudra au moins une journée pour

 17   l'examiner comme il faut.

 18   Q.  Ici, vous êtes mentionné dans ce document qui évoque les questions dont

 19   vous avez parlé, dont l'accord conclu entre Izetbegovic, Karadzic et

 20   Mladic, l'interprétation que font les Américains de ce qui devrait se

 21   passer, qu'ils préféraient que les Serbes s'en aillent, mais que les

 22   Musulmans ne devraient en aucune circonstance être seuls, il ne faut pas

 23   d'entité musulmane, disent-ils, en Europe.

 24   Un commentaire, s'il vous plaît, et donnez une explication complète de ce

 25   transcript présidentiel que nous allons examiner avec d'autres témoins qui

 26   ont participé à cette réunion.

 27   R.  J'ai été présent lors de cette réunion, je me souviens relativement

 28   bien, et je me souviens bien également de tout ce qui a précédé cette

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  1   réunion. Je pense véritablement, si je puis faire part de mon opinion, je

  2   pense qu'il s'agit d'un document important parce qu'il montre la fin d'une

  3   étape du processus de paix et on amorce une deuxième étape. Comme nous en

  4   parlons devant le président Tudjman, moi-même et d'autres personnes, comme

  5   nous le disons, quelques semaines avant cette réunion, nous avons

  6   communiqué de manière très intense avec plusieurs Etats. Moi, concrètement

  7   avec des représentants des Etats-Unis, avec M. Redman. Nous avons eu

  8   l'impression, premièrement, que la conférence de paix avait perdu son élan,

  9   et que même si Lord Owen et M. Stoltenberg la coprésidaient toujours, qu'il

 10   n'y avait guère de chance qu'on aboutisse à une solution par le biais de

 11   cette conférence. Deuxièmement, M. Redman, qui était l'envoyé spécial du

 12   président Clinton, le souligne explicitement à Genève et également sur le

 13   terrain dans la région à plusieurs reprises, il dit que les Etats-Unis

 14   souhaitent prendre part à une solution. On se souviendra, les présidents

 15   Tudjman et Izetbegovic ont lancé des appels à plusieurs reprises aux Etats-

 16   Unis de prendre part au processus. Donc je pense que ça a été bien

 17   accueilli de notre part sans aucun doute. J'ai rencontré M. Redman, et par

 18   la suite j'ai convoqué une réunion entre lui et M. Granic un mois à peu

 19   près avant cette réunion. Il nous a fait part de sa vision d'une

 20   coopération possible entre les Croates et les Musulmans en Bosnie-

 21   Herzégovine. Il me semble qu'il y a eu pas mal de discussions, M. Granic

 22   s'était rendu au Vatican, nous avons compris que le moment était venu de

 23   relancer l'idée de liens plus forts entre les Croates et les Musulmans, et

 24   il en a été pas mal question.

 25   Egalement, en tant que résultat de différentes informations,

 26   différentes initiatives, le président Tudjman suggère à l'intention de la

 27   direction des Croates de Bosnie-Herzégovine de changer de direction. Je

 28   pense que dans la transcription de cette réunion, il est pas mal question

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  1   des individus qui seraient des représentants des Croates, et on souligne

  2   que ça devrait être ceux qui ne seront pas perçus en tant qu'un obstacle

  3   empêchant le rétablissement de la paix et de bonnes relations. 

  4   Après -- excusez-moi, après cette réunion, il y a eu des négociations

  5   qui ont été lancées, des négociations concrètes qui vont aboutir à la

  6   signature de l'accord de Washington et qui vont créer des bases pour les

  7   accords de Dayton. Et il me semble que l'importance de l'accord et de cette

  8   réunion est qu'on peut y voir que le président Tudjman mène une politique

  9   conséquente. Il cherche à protéger les intérêts de la République de

 10   Croatie, mais en même temps il prend soin de la position des Croates de

 11   Bosnie-Herzégovine, et il souhaite qu'on rétablisse la paix.

 12   On peut voir également un autre élément ici. Il me semble que je n'ai

 13   pas eu le temps de souligner cela, alors que j'ai été témoin de ce

 14   processus. La communauté internationale - je serai franc, je serai très

 15   ouvert - il lui est arrivé de critiquer la Croatie à cause de sa

 16   participation en Bosnie, mais cette même communauté internationale sans

 17   arrêt et de manière persévérante a demandé de la part de la Croatie, et

 18   plus concrètement de la part du président Tudjman, d'être celui qui

 19   prendrait part, qui s'impliquerait à la recherche d'une solution en Bosnie-

 20   Herzégovine. Je ne dis pas que là-dedans, lui, tout comme nous tous qui y

 21   avons œuvré, nous n'avons pas commis d'erreurs. Il est beaucoup plus facile

 22   d'envisager les choses rétroactivement que ça ne l'a été à l'époque, mais

 23   maintenant, avec le recul, je pense qu'il est possible d'identifier et de

 24   démontrer cette nature conséquente de la politique croate en passant par

 25   les différents accords, et je le souligne parce que c'est un tournant ici

 26   dans les négociations de paix. Après cet entretien et après l'accord qui a

 27   été signé par la suite, indépendamment de sa qualité, on a avancé dans le

 28   sens de la recherche d'une solution de paix et finalement grâce à Dayton,

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  1   on a pu rétablir la paix, et c'est là que je vois l'importance de cette

  2   réunion et de ce document.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Maître Karnavas --

  4   M. KARNAVAS : [interprétation]

  5   Q.  Merci beaucoup, Monsieur Zuzul. Je vous remercie d'être venu déposer

  6   ici. Tous mes remerciements et j'espère que vous serez aussi honnête, aussi

  7   franc en répondant aux questions de l'Accusation ou à toute autre question

  8   comme vous l'avez été en répondant à mes questions. Merci beaucoup.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors nous allons faire une courte pause de 15

 10   minutes. On reprendra dans 15 minutes. Apres quoi, je donnerai la parole à

 11   Me Kovacic, et on arrêtera à 18 heures 25 impérativement. Merci.

 12   [Le témoin quitte la barre]

 13   --- L'audience est suspendue à 17 heures 02.

 14   --- L'audience est reprise à 17 heures 17.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 16   Maître Kovacic, vous avez la parole.

 17   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous avez la parole, mais il faudrait que le

 19   témoin soit là. C'est toujours avec plaisir qu'on vous entende comme il

 20   faut --

 21   M. KOVACIC : [interprétation] En réalité, Monsieur le Président, l'idée que

 22   j'avais eue c'était de parler de détails en matière de procédure avant

 23   l'arrivée du témoin, ou plutôt ne pas attendre qu'il arrive.

 24   [Le témoin vient à la barre]

 25   M. KOVACIC : [interprétation] Mais si vous préférez, je peux attendre qu'il

 26   arrive.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Allez-y.

 28   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, conformément aux

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  1   instructions données précédemment, je me propose de demander à autoriser M.

  2   Praljak à poser lui-même quelques questions au témoin. Pour ce qui est du

  3   temps, il y a 10 à 15 minutes au plus de prévues. Je précise, pour ce qui

  4   est de ces qualifications, que les questions porteront sur le siège de

  5   Dubrovnik, chose évoquée par le témoin à plusieurs reprises. A ce sujet,

  6   cela se rapportera à la présence de l'armée croate sur le territoire de

  7   l'Herzégovine de l'Est en 1991. A ce sujet, un événement connu, il y a le

  8   convoi appelé Libertas qui allait à Dubrovnik pour porter de l'aide

  9   humanitaire et Praljak avait des connaissances directes, immédiates. Il

 10   était impliqué dans ce qui se passait et il est très qualifié pour ce qui

 11   est de poser les questions, compte tenu de l'expertise qui est la sienne.

 12   Donc je vous demande à ce que vous autorisiez M. Praljak à poser ces

 13   questions. Je vous en remercie.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais consulter mes collègues.

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur Praljak, vous avez vu il y a

 17   eu un débat au sein de la Chambre. La Chambre vous autorise à ne poser que

 18   des questions strictement militaires, parce que les questions diplomatiques

 19   ou autres, votre avocat peut les poser. La Chambre a considéré que dans la

 20   mesure où le témoin vous a rencontré à un moment donné où vous étiez en

 21   train d'effectuer donc une opération militaire à la défense, abordez

 22   uniquement les problèmes militaires, d'autant que le témoin a quelques

 23   connaissances militaires d'après les comptes rendus présidentiels que nous

 24   avons pu lire.

 25   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Je me

 26   propose de poser ces questions et je dirais quelque chose par la suite.

 27   Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Bonjour, Monsieur le

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  1   Professeur Zuzul. C'est ainsi que je vais m'adresser à vous.

  2   Saviez-vous que jusqu'au 31 octobre 1991, Dubrovnik était déjà 33 jours

  3   sous siège depuis le sud, depuis le nord, enfin du côté de la mer et du

  4   côté occidental également ?

  5   R.  Oui, je suis parfaitement au courant.

  6   Q.  Saviez-vous qu'à l'époque, en raison du territoire que vous avez bien

  7   explicité, aux fins d'empêcher les attaques de la JNA pour ce qui est

  8   d'aller au-delà vers le territoire croate, Ploca et ainsi de suite, la

  9   Croatie avait des parties de ses forces armées - je ne vais pas vous

 10   fatiguer avec les brigades - qui ont quitté leur territoire vers

 11   l'Herzégovine de l'Est, et notamment Ravno ? Le saviez-vous ?

 12   R.  Je sais que c'était une nécessité et que ça s'est passé ainsi.

 13   Q.  Merci. Saviez-vous qu'à l'époque Veljko Kadijevic était ministre de

 14   l'armée, à savoir des forces armées de la Yougoslavie, de cette République

 15   socialiste fédérative de Yougoslavie ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Je vais parler d'un livre. Je vais vous donner lecture d'un passage :

 18   "Saviez-vous --

 19   M. SCOTT : [interprétation] Excusez cette interruption, Monsieur le

 20   Président, Monsieur Praljak, mais étant donné que nous sommes au début de

 21   la présentation des moyens à décharge, je pense qu'il faut établir les

 22   lignes directrices en la matière. Or il ne s'agit pas ici d'un contre-

 23   interrogatoire mais de petites questions qui sont posées sur un ton amical.

 24   Je ne pense pas que les questions directrices soient appropriées. Parce que

 25   ce n'est pas du contre-interrogatoire qu'on est en ce moment. Ce qu'on est

 26   en train d'entendre, c'est un interrogatoire principal.

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi de répondre. C'est bel et bien

 28   un contre-interrogatoire. Il a le droit de contre-interroger le témoin et

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  1   de poser des questions directrices ou des questions ouvertes. Ici il pose

  2   des questions directrices. Je ne comprends pas pourquoi l'Accusation

  3   soulève une objection.

  4   M. SCOTT : [interprétation] Je vais vous dire pourquoi et je vais vous le

  5   dire très clairement.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : -- intervenir. La Chambre a rendu des lignes

  7   directrices. La quasi-totalité de tous les problèmes a été évoquée. Ce

  8   n'est pas au dernier moment que vous allez nous surprendre en disant qu'il

  9   y a un problème. Regardez les lignes directrices. Nous avons dit dans les

 10   lignes directrices que lors du contre-interrogatoire la Défense doit

 11   aborder des questions, bien entendu, liées à l'interrogatoire principal de

 12   la Défense. Mais que pour le cas où il aborderait des questions relatives à

 13   sa cause, à ce moment-là ça lui serait décompté dans le temps de -- ça

 14   serait considéré pour nous comme un interrogatoire principal et ça serait

 15   décompté de son temps. Alors il n'a même pas commencé à dire quoi que ce

 16   soit que vous êtes levé. Attendons de voir. Le témoin répondant aux

 17   questions de M. Karnavas, de Me Karnavas, a évoqué des problèmes

 18   militaires. Il a eu la carte Dubrovnik, et cetera, et cetera. On est en

 19   plein dans une question militaire. M. Praljak aborde Dubrovnik. On est dans

 20   le contre-interrogatoire.

 21   M. SCOTT : [interprétation] Oui, peu importe le sujet. Ce n'est pas ça qui

 22   compte. Ce n'est pas ça qui détermine si on a affaire à un interrogatoire

 23   principal ou un contre-interrogatoire. Mais ici, ce n'est pas un contre-

 24   interrogatoire. C'est l'interrogatoire amical d'un témoin amical. Ce n'est

 25   pas un contre-interrogatoire, parce que et lors de l'interrogatoire

 26   principal on ne peut pas poser des questions directrices, et je demande à

 27   tous les Juges de se prononcer sur cette question. Ce n'est pas une

 28   décision qui appartient au seul Président de prendre. C'est une décision

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  1   qui appartient à la totalité de la Chambre de prendre. Ce n'est pas du

  2   contre-interrogatoire, et la raison pour laquelle --

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette remarque qui me va droit au cœur.

  4   Avant de savoir s'il a posé une question directrice ou une question

  5   suggestive, attendons de voir la fin de la question. Vous vous levez, alors

  6   même que je ne sais même pas la question. Si à ce moment-là la question --

  7   M. SCOTT : [interprétation] Peu importe, peu importe. Toutes les questions

  8   posées ont été des questions directrices. Pour l'instant, M. Praljak a posé

  9   uniquement des questions directrices. Chacune de ses questions étaient

 10   directrices. Veuillez, s'il vous plaît, vous reporter aux questions en

 11   examinant le compte rendu d'audience.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Ce sont des questions qui portent sur des

 13   questions de contexte, des informations de contexte, et j'invite tous les

 14   Juges à prendre connaissance de tout ce qui concerne la présentation des

 15   témoins des éléments de preuve, mais il n'est pas nécessaire qu'un contre-

 16   interrogatoire soit hostile. Pas du tout. On peut très bien être amical.

 17   Moi, j'essaie de le faire dans le contre-interrogatoire parfois. Tout

 18   dépend des circonstances.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Ce n'est pas la question du style. C'est la

 20   question de la nature de cet exercice. Oui. Oui, c'est vrai que moi ça fait

 21   plus de 20 ans que je travaille dans un système de "common law", un système

 22   contradictoire. C'est vrai que le contre-interrogatoire peut se faire de

 23   manière amicale. Je l'ai fait à plusieurs reprises, Me Karnavas peut-être

 24   aussi. Je n'en sais rien. Je n'en suis pas si sûr, mais là où je veux en

 25   venir c'est la chose suivante : peu important le style, le style des

 26   questions. Ce n'est pas ça. Je parle de la nature même de ce qui est en

 27   train de se passer. Or, ici ce n'est pas le contre-interrogatoire d'un

 28   témoin hostile; nous avons affaire à un interrogatoire direct d'un témoin.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : -- le témoin est un ami de l'accusé est secondaire.

  2   La question n'est pas là. La Chambre, dans ses lignes directrices, a dit

  3   ceci - je relis ce qui a été écrit dans les lignes directrices - si le

  4   sujet a déjà été abordé lors de l'interrogatoire principal, celui qui

  5   contre-interroge, même s'il fait partie de la Défense, peut poser des

  6   questions directrices. Bon.

  7   Deuxièmement, s'il s'agit de sujets nouveaux non abordés lors de

  8   l'interrogatoire principal, il ne peut pas poser de questions directrices.

  9   L'exemple est le suivant : s'il aborde Dubrovnik, qui a été abordée lors de

 10   l'interrogatoire principal, il peut poser des questions directrices. Si

 11   maintenant M. Praljak veut aborder un sujet non évoqué par Me Karnavas, par

 12   exemple, le calibre des munitions, à ce moment-là il n'a pas le droit de

 13   poser une question directrice. C'est dans les lignes directrices. Vous

 14   imaginez, on a passé des heures à préparer cela. On imaginait bien qu'il

 15   pouvait y avoir une contestation. Donc on a réglé cela. Laissez-lui poser

 16   les questions et s'il y a un dérapage, faites des objections et la Chambre,

 17   de manière unanime, vous donnera raison si vous avez raison. Mais là pour

 18   le moment, je suis incapable de dire quoi que ce soit.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Tout d'abord, Monsieur le Président, ce n'est

 20   pas un contre-interrogatoire. Vous pouvez appeler cela comme vous le

 21   souhaitez, ce n'est pas un contre-interrogatoire.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, si vous --

 23   M. SCOTT : [interprétation] Si la Chambre veut que ce soit la politique

 24   adoptée, la façon de procéder, je l'invite à y réfléchir parce que nous

 25   avons là un témoin amical, un témoin favorable et on lui pose des questions

 26   directrices. Est-ce que c'est vrai ça, est-ce que c'est vrai ça, est-ce que

 27   c'est vrai, mais ça ce n'est pas du contre-interrogatoire, excusez-moi.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : -- Monsieur Scott, si vous n'étiez pas d'accord avec

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  1   les lignes directrices, il fallait faire une demande d'appel des lignes

  2   directrices, car il est bel évident que les témoins qui vont être cités par

  3   la Défense, ce n'est pas apparemment des témoins de l'Accusation. Bon.

  4   Voilà. Prenez constat. Bon. Tout le monde est d'accord.

  5   M. SCOTT : [hors micro]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Deuxièmement, pourquoi voulez-vous qu'il agresse le

  7   témoin par des questions comme un Procureur peut poser à un témoin si le

  8   témoin est hostile ou est un témoin de la Défense ? Et vous, vous voudriez

  9   qu'il soit dans la même situation que vous, moi ça me semble difficile.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Scott, je ne vois pas très

 11   bien à quoi peut mener tout cela.

 12   M. SCOTT : [hors micro]

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Moi, je ne pense pas que ce dialogue

 14   peut nous mener à quoi que ce soit dans ce contexte, dans ce forum, mais

 15   comme il semble que se dégage une divergence s'agissant de la signification

 16   du contre-interrogatoire, je vous suggère de soumettre à la Chambre par

 17   écrit une demande d'interprétation, une demande de précision sur ce point.

 18   Vous pourriez exposer vos vues sur la question et la Chambre pourrait se

 19   prononcer ensuite.

 20   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Trechsel. C'est ce que

 21   nous ferons. Précédemment, lors d'une conférence de mise en état, nous

 22   avons abordé cette question. Nous avons fait savoir quelle était notre

 23   position. Il n'y a rien de nouveau là. Je ne vais pas vous faire perdre

 24   plus de temps à ce sujet, mais le Président, aux lignes 20 à 21, page 67,

 25   il nous a donné des raisons qui expliquent pourquoi justement on n'a pas

 26   ici affaire à un contre-interrogatoire. On est en train de voir un témoin

 27   amical, un témoin favorable qui est interrogé par quelqu'un qui est de son

 28   propre camp. Donc ce n'est pas du contre-interrogatoire.

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  1   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je me sens plutôt mal

  2   à l'aise, mais je voulais sauter et je ne peux pas. Je voulais éviter d'en

  3   parler, je ne peux pas éviter. A plusieurs reprises, il a été fait état du

  4   fait que les Juges de la Chambre, il y a trois semaines si je ne m'abuse,

  5   avaient établi une certaine quantité de règles d'instruction pour ce qui

  6   est de savoir comment traiter ce type de questions ou l'interrogatoire.

  7   Nous sommes des parties en présence. Nous sommes six, voire sept avec

  8   l'Accusation, et il y a les accusés. Nous sommes ici pour défendre les

  9   accusés. C'est avec une grande attention que nous avons étudié les règles,

 10   étant donné qu'il s'agit d'une situation spécifique. Nous sommes dans un

 11   système mixte où personne ne peut se référer à des expériences issues des

 12   juridictions nationales. Ma collègue et moi, pendant toute une journée,

 13   sincèrement parlant, avons examiné, étudié et essayé de simuler la

 14   situation dans le cadre à ce que vous avez prévu dans vos lignes

 15   directrices. Nous avions prévu des questions à un endroit. Je ne vais pas

 16   entrer dans tous les détails. Nous ne sommes pas très certains de l'opinion

 17   des Juges de la Chambre et nous avons rédigé une requête pour ce qui est de

 18   réexaminer certains volets. Mais pourquoi le Procureur à chaque fois ça

 19   devient un style de fonctionnement. Il y a une décision de rendue, on

 20   l'ignore. Il se passe deux, trois semaines. Le délai est écoulé pour ce qui

 21   est d'interjeter appel et on objecte. Je ne veux pas entrer dans tout cela.

 22   J'estime que si les Juges de la Chambre ont établi des règles, comme

 23   le Président de la Chambre vient de le dire, nous sommes tenus de lire ces

 24   règles, de les étudier. Si on n'apprécie pas, si on n'est pas d'accord,

 25   bien sûr il y a un remède juridique. Il y a une façon de faire. Mais

 26   j'estime que ce n'est pas éthique que de débattre dans le prétoire de ces

 27   règles une fois que ces règles sont entrées en vigueur et qu'elles sont

 28   devenues finales parce qu'il n'y a pas eu d'appel à interjeter. Si

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  1   quelqu'un a interjeté appel, je veux bien. Mais nous n'avons pas estimé

  2   qu'il fallait le faire parce qu'il s'agissait peut-être d'une erreur çà et

  3   là. Pour des raisons de procédure, nous avons demandé à ce que des

  4   corrections ou rectificatifs soient apportés. Mais je ne pense pas qu'il

  5   soit correct de poser des questions pour ce qui est du bien fondé, de

  6   l'exactitude ou de la bonne ou mauvaise approche des Juges de la Chambre.

  7   C'est la question que je voulais évoquer. Merci.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, posez vos questions.

  9   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur le Professeur, saviez-vous qu'à l'époque, vers le 31 octobre,

 11   le 1er novembre, il y a eu un convoi appelé Libertas qui naviguait vers

 12   Dubrovnik ?

 13   R.  Je ne connaissais pas la date, mais je sais qu'à cette période cela a

 14   été le cas.

 15   Q.  Saviez-vous que le chef de ce convoi était M. Mesic, qui était

 16   président de la présidence de la République socialiste fédérative de

 17   Yougoslavie ?

 18   R.  Il me semble que oui, mais je ne peux pas vous l'affirmer avec

 19   certitude.

 20   Q.  Merci. Je vais vous donner lecture d'un passage d'un livre brièvement

 21   et on en aura fini. Je cite M. Mesic qui dit : "Je me suis entretenu avec

 22   l'amiral Stane Brovet, un Slovène froid, glacial, adjoint du ministre

 23   Kadijevic. La seule chose dont j'étais certain après, c'était que Slavija

 24   1" - un navire - "ne devait pas aller à Zelenika. Si j'autorisais cela, la

 25   plupart des intellectuels croates et des représentants croates seront

 26   arrêtés et torturés, et peut-être même condamnés à des peines. Pour moi

 27   c'était facile. On enverrait un hélicoptère et on me ramènerait chez moi à

 28   Zagreb. Monsieur le Président, Brovet cogne dur, et nous avons des

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  1   informations sûres disant qu'il y avait sur le bateau des volontaires et

  2   des armes. Si ce n'est pas vrai, pourquoi n'allez-vous pas alors à Zelenika

  3   ? Qu'on examine le contenu du navire et on s'expliquera ensuite."

  4   Mesic répond : "Amiral Brovet, savez-vous ce que vous êtes en train

  5   de faire ? Vous êtes en train de suspecter votre président et votre

  6   commandant suprême pour des activités terroristes. Le Slovène glacial ne

  7   s'est pas laissé ébranler. Il était même mal intentionné et impoli, mais

  8   calme, imperturbable, je dirais avec un léger sourire de ses lèvres très

  9   minces.

 10   "Brovet : Laissez cela de côté, M. le Président pour vos sessions

 11   présidentielles. Ici il y a une guerre qui fait rage. On tire et il y a des

 12   hommes qui meurent. Il n'y a pas de jeu politique et d'astuce politique."

 13   Monsieur Zuzul, saviez-vous que le commandant de la JNA, le président

 14   de la présidence de l'époque, avait été presque emprisonné par l'adjoint de

 15   Kadijevic et traité comme un moins que rien ?

 16   R.  Je me souviens de ce type de déclaration et d'écrits de la part

 17   de M. Mesic.

 18   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai cité ceci

 19   pour indiquer que le président de la présidence et le commandant suprême de

 20   la JNA n'avait aucune fonction véritable. C'était, disons, un titre plutôt.

 21   Mais il exerçait ces fonctions-là lorsque la JNA faisait ce qu'elle faisait

 22   en Croatie et en Slovénie. Alors, j'en ai fini avec ce volet, je vais

 23   parler d'autre chose. J'ai dit que ceci était un tribunal, et il fallait en

 24   raison des victimes déterminer la vérité. Mon droit, mon droit inaliénable

 25   est de faire échouer cet acte d'accusation absurde.

 26   Vous ne pouvez pas l'emporter, Monsieur Scott, par la force. Je ne

 27   vais pas me laisser faire, je ne vais pas laisser bafouer mon droit, mes

 28   connaissances, mon savoir-faire au fil des quatre ans et demi de guerre

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  1   qu'on finisse par tout laisser tomber à l'eau, tout cela parce que

  2   quelqu'un, pour des raisons, je ne sais quelles raisons politiques - et il

  3   s'agissait de Mme Carla Del Ponte - qui dit dans son livre que les Croates

  4   sont des fils de pute, méprisables et sournois --

  5   M. SCOTT : [interprétation] Est-ce que c'est une question ? Excusez-

  6   moi, Monsieur le Président. Est-ce que c'est une question ? Est-ce qu'on va

  7   laisser M. Praljak prononcer ce discours dirigé contre l'Accusation ?

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, on vous a donné

  9   l'autorisation de poser des questions en rapport avec des affaires

 10   militaires. Or, vous êtes en train de plaider contre l'acte d'accusation,

 11   je pense que vous devriez vous conformer à l'ordonnance rendue par le

 12   Président, car c'est le Président qui décide de la manière dont se déroule

 13   cette procédure, ce n'est pas vous.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, votre intervention, qui est une

 15   attaque en règle contre l'Accusation, pourquoi la faites-vous maintenant,

 16   alors que vous aviez eu la possibilité à diverses reprises d'intervenir ?

 17   Pourquoi maintenant, au moment où on est dans la phase d'un contre-

 18   interrogatoire d'un témoin ?

 19   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Parce qu'on parle toujours du fait où

 20   j'ai trois minutes, et il s'agit de ma vie, de mon savoir-faire, de mes

 21   connaissances, de mes faits, de mes nécessités, de ma vérité que j'ai le

 22   droit, de fait, de présenter devant ce Tribunal, qu'il y ait des avocats ou

 23   pas. J'ai déjà -- au sujet du fait d'avoir été privé d'interroger un témoin

 24   et j'ai dit pourquoi je n'avais pas le droit de poser des questions qui

 25   sont au service de vous-même pour que vous appreniez la vérité au sujet de

 26   tout ce qui s'est passé. Je ne veux pas partir sous la guillotine sans

 27   avoir mon droit à la défense. Je n'ai pas pris sur votre temps. Je n'ai pas

 28   abusé de ce temps. Je ne profère pas de phrases superflues mais, Messieurs

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  1   le Juge, à vous de voir le fait que le président de la présidence -- merci.

  2   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, on vous a accordé

  3   du temps conformément à la décision de la Chambre, on vous a donné ce

  4   temps. Pourquoi, pour poser des questions et pas pour faire des

  5   observations au sujet de Carla Del Ponte, des observations que la Chambre

  6   n'a pas à entendre ici. Donc je vous rappelle ce qui vous a été accordé, je

  7   suis d'accord avec ce qui a motivé ceci, mais je pense que vous ne devriez

  8   pas utiliser le temps qui vous a été donné pour aborder des questions qui

  9   n'ont pas été prévues par la Chambre.

 10   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge

 11   Trechsel. Je pensais que quelqu'un d'autre allait poser la question de

 12   savoir -- Merci. Ce n'est pas Trechsel, c'est Prandler. Je m'excuse. Je

 13   pensais que quelqu'un d'autre allait poser la question et que M. le

 14   Procureur s'excuserait pour les propos de Carla Del Ponte qui a dit pour le

 15   peuple dont je fais partie que c'étaient des fils de pute sournois. Merci.

 16   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous le permettez

 17   il y a eu un problème de traduction parce que le général Praljak a

 18   clairement dit -- et ça n'a pas été noté au compte rendu, je ne sais pas si

 19   vous l'avez entendu dans vos écouteurs, il a terminé avec ses questions et

 20   il voulait dire quelque chose, et il a fait ce commentaire. Clairement il a

 21   dit qu'il avait terminé avec ses questions et qu'il voulait s'adresser aux

 22   Juges de la Chambre. Et je crois que s'adressant aux Juges de la Chambre,

 23   personne ne l'a interrompu. Donc il a parlé.

 24   Ce que je voulais encore, et c'est la raison pour laquelle je me suis levé.

 25   Le document, à savoir la partie de ce livre, dont vient de nous donner

 26   lecture le général Praljak, se trouve au e-court, au 1D 01067. En anglais,

 27   il s'agit du 3D 261617. En croate, il s'agit du 3D 261906. Ce document se

 28   trouve sur la liste 65 ter (g). Il figure au prétoire électronique. Il

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  1   s'agit d'un livre de l'actuel président de la République de Croatie, M.

  2   Mesic, intitulé : "Le citoyen président." Je demanderais le versement au

  3   dossier de ce document.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais pour la pièce, matériellement, vous n'en avez

  5   pas donné une copie.

  6   M. KOVACIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Nous ne

  7   l'avons pas fait pendant les préparatifs de ce contre-interrogatoire, parce

  8   que le général Praljak avait estimé que le moment était bien choisi pour

  9   lui poser des questions de ce genre, puisqu'il devait forcément en avoir

 10   connaissance.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Un numéro aux fins d'identification et quand on aura

 12   le document, on donnera un numéro final.

 13   Bien. Alors, Monsieur le Greffier, un numéro aux fins d'identification de

 14   ce livre du général, -- enfin, évoqué par le général Praljak, et livre

 15   rédigé par M. Mesic.

 16   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie. Bien entendu, toutes les

 17   solutions techniques sont les bienvenus. Demain, nous proposerons la liste

 18   IC avec cette référence.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc vous ferez la technique qu'on a faite

 20   pendant la phase du Procureur. Vous ferez donc votre liste IC.

 21   Bien. Alors Maître Alaburic, commencez. J'espère qu'il n'y aura pas

 22   encore de problèmes de procédure. On ne sait jamais.

 23   Mme ALABURIC : [interprétation] Une question, Monsieur le Président,

 24   Messieurs les Juges, Mesdames et Messieurs, pour ce qui me concerne il n'y

 25   a pas de problèmes de procédure, nous pourrons d'ailleurs les régler au fur

 26   et à mesure si jamais ils se présentaient.

 27   Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Zuzul.

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  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  Pour commencer, je pense qu'il serait intéressant de savoir pour les

  3   Juges de la Chambre et également pour mes confrères de l'Accusation, la

  4   chose suivante : est-ce que j'ai pris part à vos préparatifs avant votre

  5   témoignage dans cette affaire ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Est-ce que j'ai pris contact avec vous ? Est-ce que je vous ai fait

  8   comprendre que je cherchais à vous rencontrer avant que vous n'entriez dans

  9   ce prétoire ?

 10   R.  Nous nous sommes parlé une fois par téléphone.

 11   Q.  A cette occasion, est-ce que je vous ai dit que j'ai informé le

 12   défenseur de M. Prlic de mon souhait, mais qu'au moment où nous avons eu

 13   cet entretien, il ne m'avait pas toujours pas apporté sa réponse ?

 14   R.  Pour autant que je m'en souvienne, oui.

 15   Q.  Donc après cette conversation par téléphone que nous avons eue, nous ne

 16   nous sommes pas vus, ne serait-ce qu'une seule fois, avant que vous

 17   n'entriez dans le prétoire, mais nous nous sommes croisés dans le couloir

 18   de ce bâtiment ?

 19   R.  C'est exact.

 20   Q.  Monsieur Zuzul, mon entretien avec vous, je l'ai conçu en deux parties.

 21   Premièrement, je souhaiterais plus ou moins me référer à différentes

 22   réponses que vous avez apportées pendant l'interrogatoire principal; et

 23   dans la deuxième partie, je souhaiterais que l'on se lance dans une analyse

 24   des gestes, des prises de positions de la direction des dirigeants

 25   musulmans dans les négociations qui ont porté sur l'avenir de la Bosnie-

 26   Herzégovine. Et je voudrais me baser sur des transcriptions des réunions de

 27   la présidence de Bosnie-Herzégovine pour ce faire. Mais pour commencer, je

 28   voudrais que l'on aborde ce que vous avez dit dans le cadre de

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  1   l'interrogatoire principal.

  2   Votre dernière réponse à la Défense de M. Prlic a été la suivante : la

  3   communauté internationale a encouragé la participation du président Tudjman

  4   dans la recherche de la solution de Bosnie-Herzégovine. Vous vous en

  5   souvenez ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Est-ce que vous savez que nombre de représentants de la communauté

  8   internationale, des ambassadeurs présents à Zagreb, ont accordé des

  9   entretiens à des médias croates où ils ont expliqué leur attitude, leur

 10   approche, et où ils ont expliqué qu'en fait il aurait été plus simple de

 11   tenter de résoudre tout ce qui concernait les Croates en passant par une

 12   seule personnalité, à savoir le président Tudjman, et que par la suite le

 13   président Tudjman pouvait coordonner les activités des Croates de Croatie

 14   et de Bosnie-Herzégovine, premièrement; et deuxièmement, qu'au sein de

 15   cette coordination, le président Tudjman en procédant conformément aux

 16   souhaits de la communauté internationale pouvaient être plus efficace que

 17   différents représentants de la communauté internationale pris isolément.

 18   Est-ce que vous vous souvenez de ces explications ?

 19   R.  Je pense que plusieurs entretiens de ce type ont été accordés et qu'il

 20   y a eu plusieurs fois ces explications d'apportées.

 21   Q.  Je vous remercie. Le Président Antonetti vous a interrogé au sujet des

 22   peuples constitutifs de Bosnie-Herzégovine. Il vous a posé une question

 23   portant sur les peuples constitutifs, éventuellement, en République de

 24   Croatie également. J'aimerais maintenant me pencher d'une manière un peu

 25   plus approfondie sur la Bosnie-Herzégovine, et ce, pour une raison tout à

 26   fait simple, je souhaiterais expliquer aux Juges de la Chambre le thème du

 27   caractère constitutionnel des peuples de Bosnie-Herzégovine, est-ce que

 28   c'est un sujet qui se manifeste en 1990 ou est-ce que c'était une question

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  1   très importante pour régler les questions en Bosnie-Herzégovine même à

  2   l'époque du communisme ? Comme je suis en droit de vous poser des questions

  3   directrices, pourriez-vous me dire que le sujet du caractère constitutif

  4   des peuples de Bosnie-Herzégovine était également un sujet important à

  5   l'époque de l'existence de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine.

  6   Vous seriez d'accord ?

  7   R.  Oui, tout à fait.

  8   Q.  Vous sauriez peut-être la chose suivante, dès 1944, le conseil

  9   antifasciste de libération nationale de Bosnie-Herzégovine réuni à Sanski

 10   Most a constaté que les Serbes, les Musulmans et les Croates étaient réunis

 11   au sein de la résistance antifasciste et que cette instance, le Zavnobih,

 12   était considérée comme le fondement de la constitutivité de ces peuples de

 13   Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous étiez au courant de ce fait ?

 14   R.  Oui, je suis à peu près au courant de cela.

 15   Q.  Est-ce que vous savez que dans la constitution de Bosnie-Herzégovine,

 16   la constitution de 1974, dans son préambule et également dans les principes

 17   de base, les Musulmans, les Serbes et les Croates étaient définis en tant

 18   que peuples qui constituent la Bosnie-Herzégovine ?

 19   R.  A plusieurs reprise, j'ai entendu cela; donc je suis au courant en

 20   effet.

 21   Q.  Puisqu'à l'époque ces trois peuples sont définis en tant que peuples

 22   constitutifs mais la Bosnie-Herzégovine n'était pas une fédération, il est

 23   donc logique que quelqu'un qui ne connaîtrait pas la situation de Bosnie-

 24   Herzégovine s'interroge comment est-ce qu'on établissait l'égalité entre

 25   ces peuples constitutifs ? Puisque nous connaissons la situation, nous

 26   sommes à peu près de la même génération, et nous savons comment

 27   fonctionnait le régime socialiste, je dirais que le caractère constitutif

 28   était garanti en passant par l'Alliance communiste de Bosnie-Herzégovine et

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  1   la politique qui voulait qu'à tous les postes-clés sur le plan économique

  2   et politique soient représentés des individus venant du peuple musulman,

  3   serbe et croate, à titre proportionnel par rapport à la participation de ce

  4   peuple dans la totalité de la population. Est-ce que nous pourrions être

  5   d'accord là-dessus ?

  6   R.  Je ne souhaite pas me lancer dans des appréciations politiques quant à

  7   la manière dont cela était réalisé, je pourrais être d'accord avec vous

  8   pour dire que les trois peuples étaient représentés.

  9   Q.  Est-ce que nous pourrions être d'accord sur le fait pour dire que la

 10   Ligue des Communistes était un facteur d'intégration, non seulement en

 11   Bosnie-Herzégovine mais également dans l'ensemble de l'ex-Yougoslavie ?

 12   R.  Je peux certainement être d'accord avec ce fait.

 13   Q.  Pourrions-nous être d'accord sur le fait qu'à partir du moment où la

 14   Ligue des Communistes disparaît de la scène politique, il y a une

 15   possibilité que certaines questions, et en l'occurrence il s'agit du droit

 16   des peuples constitutifs, soient garanties d'une autre manière ? Donc à

 17   partir du moment où la Ligue des Communistes quitte la scène politique,

 18   n'est plus un facteur d'intégration, est-ce que l'intégration et l'unité

 19   d'une entité étatique, il faut le garantir d'une autre manière ?

 20   R.  Je pense que c'est une question politique approfondie. Je pense qu'à

 21   partir du moment où un nouvel Etat s'établit, à partir du moment où il y a

 22   une nouvelle souveraineté, il est nécessaire de définir la position d'un

 23   peuple ou de plusieurs peuples qui se situent à l'intérieur de cette

 24   nouvelle souveraineté, donc de manière générale je pense pouvoir être

 25   d'accord avec ce que vous venez de dire, mais l'aspect politique, je pense

 26   que ça nous entraînerait trop loin dans l'interprétation de cela.

 27   Q.  Pourrions-nous être d'accord sur la conclusion suivante, à savoir les

 28   représentants des Croates de Bosnie-Herzégovine ont estimé que, par une

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  1   organisation complexe de Bosnie-Herzégovine sur le plan intérieur qui

  2   garantirait trois entités fondées sur l'appartenance nationale, que ceci

  3   permettrait d'intégrer d'une manière valable la Bosnie-Herzégovine ?

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   M. SCOTT : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, excusez-

  6   moi.

  7   Je m'excuse auprès du conseil. Mais en plus de mon objection permanente

  8   pour ce qui est de ce genre de questions directrices, pour qu'on ne me

  9   reproche pas de ne pas l'avoir fait déjà quand j'aurais dû le faire, en

 10   plus de cela, pour ce qui est de cette question-ci, je ne pense pas que le

 11   témoin puisse parler au nom de tous les représentants de tous les Croates

 12   de Bosnie-Herzégovine comme si tout le monde avait le même avis. Ça c'est

 13   impossible.

 14   "Est-ce que nous pouvons être d'accord pour dire que les représentants des

 15   Croates en Bosnie-Herzégovine…" 

 16   Mais quels représentants ? Quels Croates en Bosnie-Herzégovine ? Ceux

 17   qui étaient à Tuzla ? Ceux qui étaient à Mostar, à Bihac, quels

 18   représentants ? Est-ce que c'était Stjepan Kljuic, Mate Boban, Dario Kordic

 19   ? Il est impossible que ce témoin réponde à cette question.

 20   Mme ALABURIC : [interprétation] Si vous me l'autorisez, Monsieur le

 21   Président --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : A la page 78, ligne 24, quand vous parlez des

 23   représentants des Croates en Bosnie, vous savez bien que c'est très

 24   compliqué. Il y en a qui avaient des options politiques très différentes,

 25   donc avant d'aborder ce thème demandez au témoin s'il connaît la situation

 26   politique des Croates en Bosnie-Herzégovine. S'il a connu les résultats des

 27   élections, quelle tendance il y avait, et cetera, avant d'amener le sujet,

 28   parce que M. Scott à juste titre fait remarquer que votre question semble

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  1   englober tout le monde, alors que la situation est beaucoup plus complexe

  2   que cela.

  3   Mme ALABURIC : [interprétation] Deux explications, si vous me l'autorisez.

  4   Premièrement, pour ce qui est de la nature de mes questions, M. Scott, je

  5   l'invite à examiner les questions que j'ai posées dans le contre-

  6   interrogatoire de M. Herbert Okun, son témoin, également de M. Manolic. La

  7   substance de mes questions, les thèses que j'avance et les réponses

  8   auxquelles je m'attends sont tout à fait identiques. S'agissant de la

  9   deuxième remarque, je la prends en considération tout à fait. Je ne voulais

 10   pas perdre trop de temps sur ce sujet parce que j'ai estimé qu'on savait

 11   ici qu'en 1990, lors des premières élections pluripartites en Bosnie-

 12   Herzégovine, 98 % des Croates ont voté pour le HDZ. Si cette donnée n'est

 13   pas exacte, que l'on me corrige, et j'ai estimé qu'il n'y avait aucun doute

 14   là-dessus si nous parlons de l'année 1990 et 1991, qu'il était clair que

 15   nous parlions de la politique du HDZ en Bosnie-Herzégovine. Ma question ne

 16   concernait pas l'année 1993, si tel avait été le cas j'aurais précisé si

 17   c'était Kljujic, Komsic, Boban ou qui que ce soit d'autre, et je le ferai à

 18   partir du moment où nous aborderons les transcriptions présidentielles de

 19   Bosnie-Herzégovine.

 20   Q.  Monsieur Zuzul --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, vous avez raison mais vous auriez

 22   pu dès le départ en 15 secondes lui dire, avez-vous eu connaissance du

 23   résultat des élections en 1990 ? Il aurait dit oui ou il aurait dit non. Il

 24   aurait dit oui, vous aurez embrayé sur votre question.

 25   Bien, allez de l'avant.

 26   Mme ALABURIC : [interprétation] Très bien.

 27   Q.  Monsieur Zuzul, hier et aujourd'hui avec la Défense de M. Prlic, vous

 28   avez abordé plutôt souvent la question de l'accord d'amitié et de

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  1   coopération passé entre les présidents Tudjman et Izetbegovic. Il s'agit du

  2   document P339. Il s'agit du document qui figure également dans mon jeu de

  3   documents que j'ai préparé à l'intention de la Chambre et de toutes les

  4   parties présentes pour qu'on puisse se repérer plus facilement dans les

  5   documents. Le Président Antonetti a posé une question, il a demandé si ce

  6   document était publié et c'est la raison pour laquelle j'ai préparé à

  7   l'intention des Juges de la Chambre la constitution de la République de

  8   Croatie. Pour ne pas perdre trop de temps, je vous poserai une question

  9   très brève, je m'attends à ce que vous le sachiez.

 10   Articles 132 et 133 de la constitution de Croatie, il est dit qui

 11   peut passer des accords internationaux. Donc c'est le président, en règle

 12   générale, puis à l'article 133, il est précisé que certains accords

 13   internationaux sont vérifiés, confirmés par l'assemblée de la République de

 14   Croatie, le Sabor. En règle générale, lorsqu'ils sont confirmés par

 15   l'assemblée, ils sont publiés au journal officiel.

 16   Est-ce que nous serons d'accord pour dire que cet accord d'amitié et

 17   de coopération ne revêtait pas un tel caractère qu'il exige la vérification

 18   du parlement et la publication au journal officiel ?

 19   R.  C'était mon opinion à l'époque et encore aujourd'hui. Il me

 20   semble que le président avait le droit de signer un tel document sans que

 21   ce document soit ratifié au parlement.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, pour une partie

 23   de cet accord d'amitié et de coopération, on souhaitait qu'on procède à une

 24   analyse plus approfondie. Point 2, parlant de la composante armée du HVO en

 25   tant que composante des forces armées de l'ABiH. Je pense que M. le Juge

 26   Antonetti vous a posé une question là-dessus.

 27   Q.  Essayons d'élaborer un petit peu. Dans mon jeu de documents,

 28   documents 4D 409, s'il vous plaît. Monsieur Zuzul, c'est dans ma liasse de

Page 27828

  1   documents. 4D 409, il s'agit d'un décret. Pendant que vous recherchez je

  2   continue de parler.

  3   "Décret ayant force de loi sur les forces armées de la République de

  4   Bosnie-Herzégovine."

  5   Article 2 stipule que : "Les forces armées de la république sont

  6   composées de l'armée de la république."

  7   Je vais vous poser d'autres questions, puis nous allons résumer à la

  8   fin. Dans cet accord d'amitié et de coopération, en date du 14 -- 21

  9   septembre 1992, en son point 6 il est dit : "La partie armée du HVO

 10   constitue une partie intégrante des forces armées uniques de la République

 11   de Bosnie-Herzégovine. Le Conseil de Défense croate aura ses représentants

 12   au sein du commandement conjoint des forces armées de Bosnie-Herzégovine."

 13   Est-ce que nous pouvons être d'accord, Monsieur Zuzul, sur le fait

 14   que cet accord d'amitié et de coopération exigerait une modification de ces

 15   dispositions que je viens de citer, dispositions du décret ayant force de

 16   loi sur les forces armées où il est dit que les forces armées de Bosnie-

 17   Herzégovine se composent uniquement de l'ABiH. Serions-nous d'accord pour

 18   dire qu'il serait nécessaire de modifier ces dispositions afin de

 19   l'harmoniser avec l'accord d'amitié et de coopération ?

 20   R.  Il me semble que oui.

 21   Q.  Très bien. Voyons maintenant le document 4D 410. Voyons comment les

 22   autorités de Sarajevo s'y sont prises pour le faire. Nous avons le décret

 23   ayant force de loi portant sur la modification du décret ayant force de loi

 24   sur les forces armées et l'article 2 est modifié, désormais il dit : "Les

 25   forces armées de la république sont composées de l'armée de la république.

 26   Parties intégrantes de l'armée sont des unités du HVO ainsi que d'autres

 27   unités armées qui se placent sous le commandement unique de l'armée."

 28   Ma question Monsieur Zuzul, estimez-vous qu'il y a une différence

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  1   substantielle entre ce qui est convenu dans l'accord d'amitié et de

  2   coopération et ce que les autorités de Sarajevo font lorsqu'elles procèdent

  3   à une modification de leurs dispositions. Donc le HVO, aux yeux des

  4   autorités de Sarajevo est une partie de l'ABiH, première différence.

  5   Deuxième différence, on ne procède pas à la création d'un commandement

  6   conjoint des forces armées, les autorités de Sarajevo modifient la loi et

  7   constatent que tout se place sous le commandement unique de l'armée.

  8   Est-ce que nous sommes d'accord sur le fait qu'il y a une différence

  9   substantielle entre l'accord et la disposition Sarajevienne modifiée ?

 10   R.  Il me semble qu'il y a une différente entre l'esprit de l'accord et le

 11   texte.

 12   Q.  Dites-moi, est-ce que vous savez, est-ce que vous avez un élément

 13   d'information quel qu'il soit que des représentants de l'Herceg-Bosna, que

 14   les autorités de l'Herceg-Bosna, cette modification du décret sur les

 15   forces armées de la République de Bosnie-Herzégovine, ont considéré comme

 16   étant une manière de contourner l'accord d'amitié et de coopération. Vous

 17   n'avez pas d'information là-dessus ?

 18   R.  Je ne me souviens pas avoir eu des informations là-dessus.

 19   Q.  La Défense de M. Prlic vous a interrogé sur la Banovina croate dans le

 20   préambule de la constitution croate --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin, je ne me situe pas sur le même plan que la

 22   Défense. Le décret qu'on a sous les yeux, je vous demande de regarder

 23   l'article 1 du décret, le document 4D 410. Tel que je lis l'article 1 du

 24   décret, il apparaît que M. Izetbegovic reconnaît que le HVO fait partie de

 25   l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine. Est-ce que c'est la même

 26   lecture que vous faites ou pas ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. C'est

 28   la première fois que je vois ce document. C'est la première fois que j'en

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  1   prends connaissance. Mais je me souviens bien de l'ambiance et des débats

  2   qui ont porté spécifiquement sur cette partie-là. Les deux présidents ainsi

  3   que les autres ont pu facilement trouver un terrain d'entente pour ce qui

  4   est de l'ABiH et le HVO qui allaient assurer la défense ensemble. La

  5   question essentielle était de savoir comment il allait y avoir intégration.

  6   Et il me semble que de la manière dont cela a été articulé dans cette

  7   disposition, formulé dans cette disposition, que c'est ce que d'emblée au

  8   début des négociations était prôné par les représentants des Musulmans. A

  9   savoir, que tout simplement le HVO allait devenir comme une partie, mais en

 10   réalité il entrerait dans l'ABiH, il ne serait pas intégré en tant qu'armée

 11   existante à ce moment-là. Je me souviens qu'il y a eu pas mal de débats là-

 12   dessus et on a trouvé un compromis. Donc il y avait une armée mais non pas

 13   de la sorte que le HVO s'est simplement introduit dans l'ABiH. Excusez-moi,

 14   je ne suis pas juriste, mais je me souviens bien de ces négociations.

 15   C'était un point important, il me semble que la manière dont ceci est

 16   formulé ici semble aller dans un autre sens que ce dont on était convenu et

 17   ce qu'on a signé dans l'accord d'amitié et de coopération.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : -- sur les modalités savoir s'ils étaient intégrés

 19   ou en parallèle ou dans une autre forme de compromis. Ça c'est - vous

 20   pardonnerez l'expression - la cuisine interne. Mais vous avez été à Genève

 21   aux négociations dans le cadre du plan Vance-Owen. Un négociateur

 22   international d'un pays X qui aurait connaissance de ce document pourrait-

 23   il dire : Je constate que le président Izetbegovic reconnaît l'existence

 24   juridique du Conseil croate de la Défense puisqu'il l'intègre comme élément

 25   composant dans sa propre armée. Est-ce qu'un Américain, un Français, un

 26   Allemand, un Danois, un Suisse pourrait aboutir à cette conclusion en

 27   lisant ce texte ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble que vous avez parfaitement

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  1   raison. Si quelqu'un me montrait ce type de disposition, ma première

  2   réaction serait de penser que du point de vue des Croates, il y a là un

  3   point positif, que le président Izetbegovic reconnaît l'existence du

  4   Conseil croate de Défense, cependant, il me semble que de la manière dont

  5   il conçoit l'intégration au sein de l'ABiH, que ceci nous ramène, Monsieur

  6   le Président, à la question dont il a été pas mal question, et qui est un

  7   des problèmes-clés dans les négociations. La Bosnie-Herzégovine,

  8   indépendamment de la forme qu'elle prenait, en tant qu'état unitaire ou

  9   état, qui allait répondre aux intérêts des différents peuples. Je pense que

 10   cette nuance dans la question de la formulation va dans ce sens-là. Il me

 11   semble que l'interprétation faite par Me Alaburic va dans le sens d'un

 12   contrôle unitaire et non pas vers l'établissement d'un contrôle où il y

 13   aurait une égalité. Je reconnais que c'est de cette manière-là que je

 14   l'aurais interprété.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation]

 17   Q.  Nous revenons à la question de la Banovina croate, à la réponse que

 18   vous avez apportée à la Défense de M. Prlic. Vous nous avez expliqué que la

 19   mention de la Banovina croate dans le préambule est précisément ce qui est

 20   écrit car il est écrit que le caractère étatique, indépendant de la

 21   Croatie, se trouve exprimé, entre autres, dans la Banovina croate. Dites-

 22   nous, s'il vous plaît, c'est une constitution de 1990, et cette

 23   constitution a reçu l'approbation des représentants de l'opposition au

 24   parlement croate également ?

 25   R.  Pour autant que je le sache, oui.

 26   Q.  Est-ce que vous savez si jamais en Croatie, cette partie-là, donc la

 27   référence à la Banovina croate en tant qu'une des sources de l'étaticité

 28   [phon] croate de la souveraineté croate, aurait été mise en relation avec

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  1   des aspirations territoriales de la Croatie de l'époque ?

  2   R.  Je n'ai jamais entendu cela de qui que ce soit.

  3   Q.  Très bien. Merci. Examinons la pièce de la Défense de M. Prlic que

  4   vraisemblablement, il n'y a pas eu le temps de montrer. 1D 2039 dans mon

  5   jeu de document également pour que ce soit plus facile pour vous. 1D 2039.

  6   On vous a préparé ici le texte final des modifications constitutionnelles

  7   de 2001. Monsieur Zuzul, qui est au pouvoir en Croatie en 2001 ?

  8   R.  Il y avait au pouvoir une coalition constituée de plusieurs partis

  9   politiques, le HDZ n'en faisant pas partie, donc le parti qui avait été au

 10   pouvoir précédemment.

 11   Q.  Peut-on dire que les élections de l'an 2000 ont été remportées par les

 12   socio-démocrates et les libéraux qui ont constitué une coalition ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de ces modifications apportées à la

 15   constitution croate, ce sont les modifications apportées par la nouvelle

 16   coalition ?

 17   R.  Exact.

 18   Q.  A ce moment-là, personne en Croatie, voire même ce pouvoir constitué

 19   des socio-démocrates et des libéraux, ne songeait à modifier le préambule

 20   là où il est question de la Banovina croate ?

 21   R.  Oui, je pense que c'est tout à fait exact.

 22   Q.  Le président Stipe Mesic --

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, je ne veux pas vous créer de

 24   difficulté mais dans le document que vous venez d'évoquer, je compare la

 25   version B/C/S et la version anglaise. Dans la version anglaise, il me

 26   semble qu'il manque la deuxième partie du document, la partie 2 où on

 27   retrouve les articles 1, 2, 3, 4. Il semble que ça a été omis dans la

 28   version anglaise.

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  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Si la Défense de M. Prlic me permet pour ce

  2   qui est de commenter leur texte à eux. Ce document a été rédigé uniquement

  3   en raison de ce qui constitue le préambule. Et pour des raisons autres, il

  4   n'a pas été de notre intention de montrer le texte entier, et c'est la

  5   raison pour laquelle on a traduit juste le préambule et pas les

  6   dispositions, les différentes dispositions de la constitution. J'ai estimé

  7   que ce document satisfaisait aux nécessités de mon contre-interrogatoire.

  8   Q.  Monsieur Zuzul, autre question au sujet de cette Banovina croate et de

  9   la constitution. M. Stipe Mesic, président actuel de la République de

 10   Croatie, a été considéré comme étant en faveur d'une Bosnie intégrale. Est-

 11   ce que le président de la république avait le droit de lancer une

 12   initiative pour le changement de la constitution ?

 13   R.  Je pense que oui.

 14   Q.  Pensez-vous que Stipe Mesic a initié les modifications de la

 15   constitution pour biffer de ces fondements les termes de la Banovina croate

 16   ?

 17   R.  Je n'en ai jamais entendu parler et s'il l'avait jugé utile il a eu

 18   bien des occasions de le faire.

 19   Q.  Je voudrais que nous tirions au clair --

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous avez entendu, Maître Alaburic ?

 21   Les interprètes se plaignent. Vous devez observer une pause avant de

 22   répondre, Monsieur le Témoin. Maître Alaburic, vous devez faire une pause

 23   avant de poser une nouvelle question. Et vous, Monsieur le Témoin, bien

 24   entendu, quand vous entendez une question vous n'avez qu'une envie c'est

 25   d'y répondre tout de suite. Mais il faut penser aux interprètes parce que

 26   si vous faites cela ils ne vont pas pouvoir vous suivre et nous nous ne

 27   pouvons pas suivre non plus.

 28   M. SCOTT : [interprétation] Du moment que l'on a déjà interrompu Me

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  1   Alaburic, je soulève une objection ici. S'agissant de cette question, je ne

  2   pense pas que le témoin puisse savoir et se lancer dans des conjectures

  3   pour savoir ce que M. Mesic pouvait faire ou aurait pu faire, s'il avait

  4   parlé avec M. Mesic, et que M. Mesic lui avait dit quelque chose de précis,

  5   à ce moment-là il peut nous le dire, mais il ne peut pas simplement faire

  6   des suppositions quant à ce qu'aurait pu ou pas faire M. Mesic. De nouveau,

  7   c'est mon objection habituelle, mon objection permanente contre ces

  8   questions directrices posées à un témoin amical.

  9   Mme ALABURIC : [interprétation] Je m'excuse auprès des Juges et auprès de

 10   nos interprètes pour ce qui est de cette accélération qui est normale quand

 11   on parle la même langue. Je n'ai pas entendu l'observation qui n'a pas été

 12   donnée sur le canal numéro 6 que je suis en train d'écouter.

 13   Pour ce qui est de l'observation de mon éminent confrère, M. Scott,

 14   je pense que c'est sans fondement parce que je n'ai pas posé  de questions

 15   au sujet des intentions, des volontés, du bon vouloir du président Mesic.

 16   Je lui ai demandé s'il a été au courant du fait que le président Mesic

 17   avait initié des modifications à la constitution dans une direction donnée.

 18   Donc je lui ai posé une question sur l'existence d'un fait.

 19   Q.  Une explication encore au sujet de l'accord entre Alija

 20   Izetbegovic et les Serbes en date du 16 septembre 1993 dont il a été

 21   question avec la Défense de M. Prlic. Vous avez évoqué le 3D 451, et je

 22   voudrais que dans le jeu du document qui est le mien, vous retrouviez le 4D

 23   1040. Il s'agit d'un extrait du livre de Miroslav Tudjman qui comporte

 24   justement cette déclaration. Et à la fin, il est noté que cette déclaration

 25   à la place de Radovan Karadzic a été signée par Momcilo Krajisnik et qu'en

 26   guise de témoins, ça a été signé par Thorvald Stoltenberg et David Owen.

 27   Sur le document original il manque les signatures de Slobodan Milosevic et

 28   de Momir Bulatovic.

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  1   Pour qu'il n'y ait pas de malentendus à l'avenir pour ce qui est des

  2   signatures de cette déclaration, pouvez-vous nous dire si vous avez des

  3   informations à ce sujet ? Est-ce que les explications apportées par

  4   Miroslav Tudjman dans ce document se trouvent être exactes ou pas ?

  5   R.  Il me semble que cela a été signé par Haris Silajdzic et Momcilo

  6   Krajisnik en leur qualité de personnes ayant les pleins pouvoirs du

  7   président Izetbegovic et de Radovan Karadzic, mais c'est ce qui correspond

  8   à mes souvenirs à moi.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, on va arrêter là parce que j'ai des

 10   recommandations à faire au témoin en vue de la prochaine audience. Donc

 11   vous continuerez la prochaine fois.

 12   Alors, Monsieur le Témoin, la situation vous l'avez comprise. Il

 13   était impossible cette semaine de terminer votre audition. Vous avez bien

 14   vu tous les problèmes de procédure qui sont intervenus, et de ce fait

 15   l'Accusation n'a même pas eu le temps de commencer son contre-

 16   interrogatoire.

 17   Par ailleurs, les Juges ont un certain nombre de questions également

 18   encore à poser et nous n'avons pas eu le temps. Vous avez prêté serment.

 19   Vous êtes donc maintenant le témoin de la justice. Ça entraîne des

 20   conséquences. La première conséquence c'est que vous n'avez aucun contact

 21   maintenant, à voir avec Me Karnavas et ainsi qu'avec les autres avocats qui

 22   sont susceptibles de vous poser encore des questions, voire également de

 23   réinterroger s'il y a des questions supplémentaires. Bien entendu, vous

 24   n'avez aucun contact avec le Procureur qui lui va vous poser plus tard des

 25   questions. Bien entendu, vous n'avez pas de contacts avec les Juges.

 26   S'il y a un problème administratif quelconque, votre seul

 27   interlocuteur c'est la Section des Témoins qui est en charge donc d'assurer

 28   la logistique de votre retour dans votre pays; puis votre revenue ici même,

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  1   le 18 juillet. Alors, comme je vous l'ai dit hier, nous ne terminerons

  2   certainement pas le vendredi, donc prévoyez de rester le week-end, parce

  3   que le Procureur aura cinq heures, et avec tous les incidents de procédure

  4   on peut penser que cela fera beaucoup plus que cinq heures. Donc nous

  5   pourrons comme ça redémarrer le lundi matin, et puis nous aurons également

  6   le lundi après-midi. Ce qui fait qu'on aura un bloc qui permettra de

  7   terminer votre audition. Voilà donc ce que je tenais à vous dire.

  8   Si vous avez une question à me poser, profitez-en, sinon je vais être

  9   en mesure de lever l'audience.

 10   Pas de questions, Monsieur le Témoin ?

 11   Oui, Monsieur Scott.

 12   M. SCOTT : [interprétation] Je ne veux pas mettre votre patience à dure

 13   épreuve, mais est-ce que l'on pourrait également dire au témoin qu'il ne

 14   doit avoir aucun contact avec la Défense ou l'Accusation, ou même comme

 15   vous l'avez dit, Monsieur le Président, avec les Juges. Mais il ne doit

 16   avoir aucun contact avec personne. Je pense à des membres de partis

 17   politiques, des membres du gouvernement croate. Il ne doit avoir des

 18   contacts avec personne, personne en rapport avec son témoignage.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, excusez-moi. Là, je pense que

 20   c'est un petit peu déraisonnable. Il peut avoir des contacts, mais il n'a

 21   pas le droit de parler de l'affaire.

 22   M. SCOTT : [interprétation] De sa déposition.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense qu'il faut que tout le monde se

 24   calme, se détende et sachons raison garder. Bien entendu, il ne doit pas

 25   parler de ce qui a été évoqué ici ou de tout ce qui est en rapport avec sa

 26   déposition. Mais à part cela, je pense qu'il faut faire preuve d'une

 27   certaine mesure.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Et puis le témoin qui a exercé de hautes fonctions

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  1   sait parfaitement que cela va de soi. Donc, vous éviterez de parler de

  2   votre témoignage à quiconque, parlez de chose et d'autre, d'accord, mais

  3   n'abordez pas le fait qu'on vous a posé telle question et vous avez répondu

  4   de telle façon, et cetera. Mais ça, c'est tellement évident que ça ne

  5   m'était même pas venu à l'idée d'aborder cet aspect. Voilà. Je vous

  6   remercie. Nous nous retrouverons donc, Monsieur, le 18 juillet. Je vous

  7   remercie.

  8   --- L'audience est levée à 18 heures 23 et reprendra le mardi 13 mai 2008,

  9   à 9 heures 00. 

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