Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 16 juin 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire, s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  8   toutes les personnes ici présentes. Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre

  9   Prlic et consorts. Merci.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 11   En ce lundi, 16 juin 2008, je salue MM. les accusés, Mmes et MM. les

 12   avocats, Mmes et MM. du bureau du Procureur ainsi que toutes les personnes

 13   qui nous assistent.

 14   Je vais en premier lire une décision orale. Ça va être un peu long mais je

 15   vais essayer d'aller vite. Décision orale relative au dépôt par la Défense

 16   Praljak du rapport d'expertise de Slobodan Jankovic.

 17   Le 9 mai 2008, la Défense de l'accusé Praljak a sollicité de la Chambre

 18   l'admission de deux rapports d'expertise de M. Slobodan Jankovic intitulés,

 19   je cite : "Analyse de l'artillerie du HVO, Conseil de Défense croate dans

 20   le secteur de Mostar." Et, je cite : "Analyse de la destruction du vieux

 21   pont sur la base des enregistrements vidéo disponibles conformément à

 22   l'article 94 bis du Règlement."

 23   Le 27 mai 2008, la Défense Praljak a retiré le rapport intitulé, je cite :

 24   "Analyse de l'artillerie du HVO, Conseil de Défense croate dans le secteur

 25   de Mostar." Par réponse, en date du 5 juin 2008, l'Accusation s'est opposée

 26   à l'admission du rapport intitulé : "Analyse de la destruction du vieux

 27   pont sur la base des enregistrements vidéo disponibles" et a contesté la

 28   qualité d'expert de M. Slobodan Jankovic ainsi que la pertinence de ses

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  1   conclusions.

  2   Selon l'Accusation, le témoin s'est formé son opinion uniquement sur la

  3   base d'un examen visuel de l'enregistrement vidéo de la destruction du

  4   vieux pont de Mostar. L'Accusation a, par ailleurs, demandé de pouvoir

  5   mener le contre-interrogatoire de cet expert.

  6   La Chambre qui a délibéré sur cette question observe tout d'abord que M.

  7   Slobodan Jankovic a déjà témoigné en tant qu'expert de la Défense en

  8   matière de balistique dans deux autres affaires du Tribunal. En outre, à la

  9   lecture du rapport d'expertise et du curriculum vitae de son auteur, la

 10   Chambre estime que M. Slobodan Jankovic est, à première vue, habilité à

 11   témoigner en tant qu'expert sur la matière évoquée dans son rapport,

 12   notamment l'analyse des enregistrements vidéo de la destruction du vieux

 13   pont de Mostar.

 14   Cependant, conformément à la demande de l'Accusation, la Chambre considère

 15   que M. Slobodan Jankovic devra comparaître devant le Tribunal, notamment

 16   pour être soumis au contre-interrogatoire. A cette occasion, l'Accusation

 17   aura la possibilité de contester ses qualifications et la validité et la

 18   pertinence des conclusions figurant dans le rapport d'expertise.

 19   La Chambre rappelle que c'est à la lumière de l'audition de M. Slobodan

 20   Jankovic qu'elle statuera sur l'admission dudit rapport. Selon le dernier

 21   calendrier des témoins, le témoin devra comparaître du 30 juin au 3 juillet

 22   2008, en tant que témoin expert de la Défense Praljak uniquement.

 23   La Défense de M. Praljak interrogera le témoin pendant une heure. La

 24   Chambre décide de fixer la durée du contre-interrogatoire pour l'Accusation

 25   à une heure 30 minutes. Et pour l'ensemble des autres équipes de la

 26   Défense, à 30 minutes. Bien. Donc, en deux mots, la Défense Praljak aura

 27   une heure, les autres avocats des accusés auront 30 minutes, et le

 28   Procureur aura une heure 30.

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  1   Et la Chambre statuera in fine sur l'admission du rapport.

  2   Bien. Maître Karnavas, le témoin est prêt ?

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Bonjour,

  4   Monsieur le Président, bonjour, Messieurs les Juges, oui.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors on va introduire le témoin, mais je donne la

  6   parole à M. le Greffier pour quelques numéros IC.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Certaines

  8   parties ont déposé des listes de documents à verser par le truchement du

  9   Témoin 1D-AA. Pour 1D, ce sera le numéro IC 00804. Et ensuite, nous aurons

 10   IC 00805 pour le bureau du Procureur, et 00806 pour 3D. Merci.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 12   Maître Karnavas, on a donc cinq classeurs. Donc quand vous citerez un

 13   document, dites-nous le numéro du classeur.

 14   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais faire de mon mieux, Monsieur le

 16   Président. Tout le monde devrait avoir reçu une liste de l'ordre dans

 17   lequel nous allons utiliser ces documents. Ça c'est fait un peu tard, je le

 18   sais bien.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous

 20   entendez bien dans votre langue la traduction de mes propos. Si c'est le

 21   cas, dites que vous m'entendez et vous me comprenez.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me donner votre nom, prénom et date de

 24   naissance.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Mile Akmadzic. Je suis né le 1er octobre 1939.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Monsieur, déjà témoigné devant un

 27   tribunal sur les faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie ou bien

 28   c'est la première fois que vous témoignez ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la deuxième fois.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous m'indiquer quand vous avez témoigné et

  3   dans quel procès ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] En l'an 2000, dans l'affaire Kordic.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez témoin de la Défense ou de l'Accusation ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais témoin de la Défense.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai oublié de vous demander de m'indiquer la

  8   qualité ou profession que vous avez actuellement ou bien vous êtes retraité

  9   ? Qu'est-ce que vous faites actuellement ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis à la retraite à présent.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je vous demande de lire le serment.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 13   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 14   LE TÉMOIN : MILE AKMADZIC [Assermenté]

 15   [Le témoin répond par l'interprète]

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur. Vous pouvez vous asseoir.

 17   Alors, quelques éléments d'information qui vont être très brefs puisque

 18   vous avez déjà témoigné, donc vous savez comment la procédure se déroule.

 19   Vous allez dans un premier temps devoir répondre aux questions de l'avocat

 20   de M. Prlic, en l'occurrence Me Karnavas, que vous avez dû rencontrer dans

 21   le cadre de la préparation de cette audience. Me Karnavas va vous poser des

 22   questions et va vous présenter des documents.

 23   A l'issue de cette phase, le représentant de l'Accusation qui se trouve à

 24   votre droite, vous posera des questions dans le cadre du contre-

 25   interrogatoire. Et l'Accusation disposera du même temps que la Défense pour

 26   poser ses questions. Les quatre Juges qui sont devant vous pourront

 27   également vous poser des questions. Pour des raisons de commodité, nous

 28   préférons intervenir à la fin des questions posées par la Défense ou le

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  1   Procureur, mais il se peut que lorsqu'il y a un document qui mérite des

  2   questions de suivi et pour éviter d'avoir à revenir sur le document, à ce

  3   moment-là, les Juges peuvent poser des questions dans la suite du document.

  4   Essayez d'être synthétique dans les réponses que vous allez apporter aux

  5   questions. Si vous ne comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez pas à

  6   demander à celui qui vous pose la question de la reformuler. Si à un moment

  7   donné dans le cadre de l'audience vous voulez une interruption pour

  8   diverses raisons, et notamment pour -- parce que vous ne vous sentez pas

  9   bien, n'hésitez pas à lever la main. Et à ce moment-là, j'ordonnerai

 10   l'arrêt de l'audience. Par ailleurs, nous faisons des pauses toutes les

 11   heures et demie, pauses en règle générale d'une durée de 20 minutes, et

 12   parfois à titre exceptionnel, d'une durée de 15 minutes.

 13   Voilà ce que je tenais à vous dire. Bien entendu, la Chambre est à votre

 14   disposition si vous avez des questions à lui poser.

 15   Vous venez de prêter serment tout à l'heure, il y a quelques instants, de

 16   ce fait maintenant vous êtes le témoin de la justice même si vous avez été

 17   appelé par la Défense de M. Prlic. Etant témoin de la justice, ça implique

 18   qu'à partir de maintenant vous n'avez plus aucun contact avec la Défense de

 19   M. Prlic puisque vous êtes maintenant, après votre serment, le témoin de la

 20   justice. Voilà ce que je voulais vous indiquer.

 21   Maître Karnavas, vous avez donc la parole, à moins qu'il y ait -- Maître

 22   Khan.

 23   M. KHAN : [interprétation] Une toute petite chose, Monsieur le Président.

 24   Page 5, ligne 10 du compte rendu d'audience, pour que ceci ne surprenne pas

 25   le témoin, bien entendu, après que Me Karnavas ait posé les questions au

 26   témoin, il sera contre-interrogé par la Défense et non pas par

 27   l'Accusation.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez parfaitement raison, oui. J'oubliais ceci,

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  1   c'est qu'une fois que Me Karnavas aura terminé, les autres avocats des cinq

  2   autres accusés pourront également vous poser des questions dans le cadre du

  3   contre-interrogatoire. Je remercie Me Khan d'avoir comblé cette lacune.

  4   Maître Karnavas, vous avez la parole.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Et je vous re-

  6   souhaite une fois de plus un bon après-midi, Monsieur le Président,

  7   Messieurs les Juges, à toutes les personnes de ce prétoire et autour de ce

  8   prétoire.

  9   Interrogatoire principal par M. Karnavas :

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Akmadzic.

 11   R.  Bonjour.

 12   Q.  Parcourons votre expérience personnelle assez rapidement. S'il n'y a

 13   pas d'objections, je poserai des questions directrices à cet effet. Si je

 14   vous ai bien compris, vous avez dit être né en 1939; c'est ça ?

 15   R.  C'est exact.

 16   Q.  Après avoir terminé l'école secondaire en 1965, je pense que vous avez

 17   suivi des cours à l'Université de Sarajevo et vous en êtes sorti en tant

 18   que vous aviez étudié l'anglais et les langues germaniques ?

 19   R.  C'est exact.

 20   Q.  De 1964 à 1978, vous avez travaillé pour une grosse entreprise,

 21   Energoinvest, à Sarajevo, vous y étiez traducteur et surtout responsable

 22   des questions internationales ?

 23   R.  J'étais traducteur et j'ai travaillé au département international, oui.

 24   Q.  Ensuite en 1978, vous avez commencé à travailler pour la présidence de

 25   ce qui était encore la République socialiste de Bosnie-Herzégovine ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Si je ne m'abuse, vous étiez conseiller pour ce qui est du protocole

 28   international ?

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  1   R.  C'est exact.

  2   Q.  En 1982, vous avez rejoint le comité organisateur des Jeux olympiques

  3   qui se sont tenus à Sarajevo, n'est-ce pas ?

  4   R.  C'est exact, oui. 

  5   Q.  Et je suppose que vous y avez travaillez jusqu'au moment des Jeux

  6   olympiques qui ont eu lieu en 1984, donc ça fait une paire d'années ?

  7   R.  C'est exact, jusqu'à l'année 1984.

  8   Q.  En 1984, vous avez repris vos activités à la présidence où vous étiez

  9   chef du secteur chargé du protocole international jusqu'au début de l'année

 10   1990; c'est bien cela ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Vers le mois de février 1991, vous avez été élu au poste de secrétaire

 13   général de la présidence de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine

 14   ?

 15   R.  Soyons un peu plus précis. En mi-1990, j'étais au cabinet du président

 16   de la présidence et en 1991, j'ai été élu secrétaire général de cette

 17   présidence en février.

 18   Q.  D'accord. Poste que vous avez occupé jusqu'au moment où vous avez été

 19   élu premier ministre de ce qui est devenu la République de Bosnie-

 20   Herzégovine, 10 novembre 1992; est-ce exact ? C'est à ce moment-là que vous

 21   avez été élu premier ministre ?

 22   R.  Oui, oui.

 23   Q.  Et vous êtes resté à ce poste jusque vers le milieu ou la fin du mois

 24   d'août 1993 ?

 25   R.  C'est exact, jusqu'à la fin août, presque.

 26   Q.  Parfait. Nous allons revenir de façon plus détaillée sur certains de

 27   ces moments, mais revenons sur ceci : le 14 novembre 1992, vous avez été

 28   élu un des vice-présidents du HDZ de la Bosnie-Herzégovine ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Ce qui veut dire qu'alors que vous étiez à la présidence, vous aviez

  3   aussi des fonctions dans le Parti HDZ ?

  4   R.  Oui, à un moment.

  5   Q.  Vous savez, pas besoin de parler trop fort parce que les micros sont

  6   très sensibles. Je comprends, vous êtes peut-être un peu nerveux, je vais

  7   essayer de vous aider à vous calmer.

  8   Je pense que c'est le 10 décembre 1993 que vous êtes devenu membre du

  9   conseil présidentiel de la République croate d'Herceg-Bosna ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Au début de 1995, vous avez été élu vice-président de la République

 12   croate d'Herceg-Bosna ?

 13   R.  Le gouvernement de la République croate d'Herceg-Bosna.

 14   Q.  Oui, ça c'était avant les accords de paix de Dayton ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Maintenant que nous avons parcouru de façon assez rapide votre

 17   itinéraire, Général, revenons un peu en arrière pour parler d'abord de vos

 18   fonctions de secrétaire général de la présidence. Expliquez, à l'intention

 19   de ceux qui ne connaissent pas ce que représente ce poste, ce qu'il

 20   représente comme responsabilités, pourriez-vous nous les relater ?

 21   R.  La présidence de Bosnie-Herzégovine se composait de sept membres et

 22   d'un secrétaire général élu par la présidence de façon directe. Il s'agit

 23   d'une fonction administrative très élevée et la personne en question veille

 24   au fonctionnement de la présidence de Bosnie-Herzégovine au sein de cette

 25   présidence et à l'extérieur, du point de vue des activités administratives.

 26   C'est une fonction à responsabilité élevée, mais ce n'est pas une fonction

 27   à caractère politique comme sont les fonctions des membres de la

 28   présidence, et ce n'est pas non plus une fonction électorale.

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  1   Q.  Fort bien. Je vais vous demander de ralentir un peu le débit parce que

  2   vous savez que chacun de nos mots est interprété, et si l'on va à ce débit-

  3   là, je pense que d'ici à la fin de la journée tout le monde sera épuisé.

  4   Alors essayons de ralentir le débit si vous le voulez bien.

  5   R.  Bien.

  6   Q.  Lorsque vous étiez secrétaire général, est-ce que vous étiez investi du

  7   pouvoir ou de l'autorité nécessaire pour voter avec les présidents ou les

  8   membres de la présidence ?

  9   R.  Je ne pouvais pas voter, mais je pouvais prendre la parole.

 10   Q.  Si je comprends, et corrigez-moi si je me trompe, pour ce qui est des

 11   procès-verbaux des réunions, on prenait bien le procès-verbal, on

 12   recueillait un procès-verbal ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Etant donné vos fonctions, est-ce que vous étiez en partie responsable

 15   de l'élaboration de ces procès-verbaux ou est-ce que ceci revenait à

 16   quelqu'un d'autre ?

 17   R.  Les PV étaient rédigés par d'autres personnes. Je les révisais, je

 18   réexaminais, puis je faisais approuver par la session suivante de la

 19   présidence.

 20   Q.  Cette approbation, comment est-ce que vous la donniez ?

 21   R.  Ce n'est pas moi qui approuvais, j'examinais et lorsque je voyais que

 22   cela pouvait aller à la session de la présidence, alors, en application de

 23   la réglementation, la présidence, à sa session suivante, les approuvait,

 24   les acceptait ou alors ne les acceptait pas.

 25   Q.  Ces comptes rendus ou procès-verbaux, une fois qu'ils étaient

 26   approuvés, est-ce qu'ils devaient être signés par quelqu'un afin d'attester

 27   du fait qu'ils avaient été examinés, vérifiés, approuvés ?

 28   R.  Les PV étaient signés par le président et le secrétaire général.

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  1   Q.  Donc c'était vous quand vous occupiez ce poste ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  S'agissant de la présidence, on en a entendu parler, mais puisque vous

  4   étiez un des initiés, faute d'un terme plus adéquat, est-ce que vous

  5   pourriez nous dire comment elle fonctionnait, cette présidence ? Quelles

  6   étaient les responsabilités de la présidence, de la présidence et de ses

  7   membres ?

  8   R.  Comme je l'ai déjà dit, la présidence se composait de sept membres élus

  9   directement par le peuple. Après constitution de celle-ci, donc après sa

 10   première session, il y a élection d'un président. Le président est sur pied

 11   d'égalité avec les autres membres de la présidence, mis à part le fait

 12   qu'il préside aux sessions et il convoque les sessions et il signe les

 13   décisions de cette présidence.

 14   Q.  Nous avons déjà entendu ce terme plusieurs fois, mais peut-être

 15   pourrez-vous nous aider à en vérifier l'exactitude. Est-ce que c'est

 16   considéré comme étant un organe collégial ?

 17   R.  Oui. La présidence est un chef d'Etat collégial, d'abord pour ce qui

 18   est de cette République socialiste de Bosnie-Herzégovine lorsqu'elle

 19   faisait partie de la Yougoslavie, puis ensuite de cette République

 20   souveraine -- de l'Etat souverain de Bosnie-Herzégovine.

 21   Q.  Nous savons qu'il y avait un président de la présidence, est-ce qu'il y

 22   avait aussi un vice-président ?

 23   R.  Non, il n'y avait pas de fonction de vice-président de la présidence.

 24   Lorsque le président partait à l'étranger, on désignait une personne qui le

 25   remplacerait.

 26   Q.  S'agissant de l'armée, est-ce que c'était le président qui était le

 27   commandant en chef de l'armée ou est-ce que c'était l'organe collégial ?

 28   R.  C'est l'organe collégial qui était le commandant suprême des forces

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  1   armées.

  2   Q.  Laissons la présidence de côté un instant, parlons du gouvernement,

  3   puisque nous savons que vous avez été premier ministre. Pourriez-vous, en

  4   quelques mots, nous dire quels étaient les rapports existant entre le

  5   gouvernement et la présidence ? Enfin, je dis gouvernement, peut-être

  6   devrais-je d'abord vous demander, dans votre système, dans ce qu'il était,

  7   ce système, ce qu'était le gouvernement ?

  8   R.  Le gouvernement était une instance de l'Etat, l'une des instances. Il y

  9   a trois instances. Il y avait la présidence en guise de chef d'Etat, puis

 10   il y avait le parlement qui était l'instance législative, et le

 11   gouvernement qui était l'instance exécutive. Nous sommes en train de parler

 12   de l'Etat de Bosnie-Herzégovine ici. L'organe législatif avait un

 13   président, un vice-président, des membres du gouvernement et un secrétaire

 14   également.

 15   Q.  Je reviens à la question que je vous avais posée à propos des rapports

 16   entre la présidence et le gouvernement. Est-ce qu'il y avait une de ces

 17   instances subordonnée à l'autre ? Quels étaient les rapports ?

 18   R.  En fonction de la constitution et de la législation de Bosnie-

 19   Herzégovine, chacune de ces instances avait ses propres attributions; et

 20   l'une et l'autre de ces instances étaient des instances exécutives. La

 21   présidence avait les compétences d'un chef d'Etat et le gouvernement était

 22   le gestionnaire de l'Etat pour ce qui est des questions prévues par la loi.

 23   Q.  Si je comprends bien, le gouvernement se composait de plusieurs

 24   ministères, notamment du ministère des Affaires étrangères ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Avant que vous ne deveniez premier ministre et même après que vous

 27   soyez entré en fonction, le ministre des Affaires étrangères c'était Haris

 28   Silajdzic, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Pourriez-vous, en quelques mots, nous expliquer les rapports qui

  3   existaient entre le ministère et le premier ministre et le président de la

  4   présidence ? A qui les ministres étaient-ils, devant qui étaient-ils

  5   redevables ?

  6   R.  Le ministre répond auprès du gouvernement et du premier ministre. Et le

  7   président de la présidence est l'un des membres de ce cercle de l'Etat

  8   collégial qui, suite à convocation de la présidence, fait en sorte que tel

  9   ministre présente un rapport ou répond à des questions. Mais en principe le

 10   tout se passe par le biais du premier ministre.

 11   Q.  Pendant que vous vous étiez en fonction, pas avant que vous ne deveniez

 12   premier ministre, pourriez-vous dire à la Chambre à quelle fréquence M.

 13   Silajdzic vous faisait rapport des activités qu'il effectuait ? Nous allons

 14   revenir là-dessus mais pourriez-vous le dire rapidement ?

 15   R.  M. Silajdzic, en sa qualité de ministre des Affaires étrangères, fort

 16   souvent séjournait à l'étranger. Il ne présentait pas de rapports ni au

 17   président, ni au premier ministre, ni au gouvernement en tant qu'entité ou

 18   à la présidence en tant qu'entité. Il a eu une fois l'occasion de parler

 19   avec moi de questions relatives à ces séjours à l'étranger. Je l'ai prévenu

 20   à cette occasion-là en lui disant qu'à l'avenir il ne faudrait pas aller à

 21   l'étranger sans l'approbation du gouvernement et sans une "plateforme"

 22   concernant ce qu'il conviendrait de dire et de discuter là-bas.

 23   Au retour au pays, il s'agissait d'informer, m'informer moi et voir

 24   s'il fallait qu'on le transmette à la présidence voire au gouvernement.

 25   Malheureusement il ne s'y est pas conformé. Il n'a pas respecté ou il ne

 26   s'en est pas tenu à une décision dont je lui avais fait part.

 27   Q.  Bien. Alors pour m'assurer que je vous ai bien compris, et afin

 28   d'effectuer une comparaison avec le système qui prévaut aux Etats-Unis, au

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  1   sein du secrétariat d'Etat, ce que l'on appelle le ministère des Affaires

  2   étrangères, cette fonction n'est pas une fonction politique. Le ministre

  3   n'est pas celui qui conçoit ou applique des politiques de sa propre

  4   initiative; cela revient au gouvernement ou aux instances exécutives. En

  5   fait c'est le ministre qui est chargé uniquement d'exécuter et d'appliquer

  6   la politique étrangère.

  7   Est-ce que vous pourriez nous expliquer selon quels pouvoirs le

  8   ministre des Affaires étrangères se déplaçait sans faire de rapports et

  9   Dieu sait ce qu'il faisait alors qu'il était à l'extérieur du pays.

 10   R.  Le ministre des Affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine à partir du

 11   moment où la Bosnie est devenue indépendante, à partir du moment que la

 12   fonction existe, c'est un membre du gouvernement qui est égal à tous les

 13   autres membres du gouvernement. Il ne s'agit pas de quelqu'un qui a été

 14   élu. Ce n'est pas un fonctionnaire qui a été élu. Il a été nommé par

 15   l'assemblée au nom de la présidence. Puisque l'assemblée ne pouvait pas

 16   siéger pendant la guerre, alors qu'il avait déjà été nommé, c'est la

 17   présidence de Bosnie-Herzégovine qui l'a nommé à nouveau et c'est moi qui

 18   l'ai proposé ainsi que le premier ministre. Il est obligé conformément au

 19   code des Affaires étrangères et aux accords et à la plateforme du

 20   gouvernement de représenter la Bosnie-Herzégovine là où il est envoyé, là

 21   où il doit aller représenter la Bosnie-Herzégovine, donc il est censé la

 22   représenter.

 23   Q.  Bien. Venons-en maintenant, avançons un peu, ensuite nous reviendrons

 24   un peu en arrière pour combler les lacunes éventuelles. Il ressort de votre

 25   curriculum vitae qu'entre le mois de février 1991 jusqu'au mois d'août

 26   1993, vous étiez membre -- en fait vous travailliez avec la présidence,

 27   après quoi vous avez été premier ministre. Vous étiez membre de la

 28   présidence de Guerre à l'époque.

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  1   Dites-nous en quelques mots la chose suivante : au cours de cette période,

  2   et même après à votre connaissance, comment la présidence fonctionnait-elle

  3   en tant qu'institution étant donné que vous aviez une constitution et il y

  4   avait des règlements en vigueur. Alors comment les choses étaient-elles

  5   censées fonctionner et qu'elles étaient les responsabilités des uns et des

  6   autres, y compris celles du président de la présidence ?

  7   R.  La présidence de Bosnie-Herzégovine a été créée le 20 décembre 1990.

  8   C'est à ce moment-là que cette présidence a été créée. C'est à ce moment-là

  9   que le président de la présidence a été élu. Lors de la première session de

 10   travail, son mandat était censé durer un an. C'est à ce moment-là que le

 11   règlement du travail de la présidence a été adopté aussi. Selon ce

 12   règlement, le mandat du président de la présidence dure un an. Mais au bout

 13   d'un an, il existe la possibilité de prolonger ce mandat pour une durée

 14   d'un an au maximum.

 15   Ensuite le deuxième critère qui existait en Bosnie-Herzégovine était que le

 16   poste du président de la présidence de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine et

 17   du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, il existe une rotation entre ces

 18   trois postes. Il s'agit des députés qui viennent des trois peuples

 19   constitutifs qui seront nommés à ces trois postes. La présidence de Bosnie-

 20   Herzégovine, à partir de la date du 20 décembre 1990 jusqu'au 20 décembre

 21   1991, a fonctionné complètement selon ce cadre législatif conformément à la

 22   constitution et conformément aux règlements qui régulent le travail de la

 23   présidence.

 24   Lors de sa première session de travail, mis à part la nomination du

 25   président de la présidence, ont été nommés aussi les présidents de l'organe

 26   de la présidence. Vous aviez un organe qui était chargé des questions de la

 27   défense. A la tête de cet organe se trouvait d'après sa fonction le

 28   président de la présidence et c'étaient les conseils de la défense.

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  1   Ensuite vous aviez aussi une autre institution qui était chargée de

  2   protéger la constitution et c'est un membre de la présidence qui était à la

  3   tête de cette instance-là.

  4   Ensuite le troisième organe-clé, c'était la commission des cadres chargée

  5   de nommer différentes personnes aux différentes fonctions-clés de la

  6   Bosnie-Herzégovine, surtout de la présidence.

  7   Donc il s'agissait là de trois instances-clés. Il y en avait deux

  8   autres qui existaient et qui dépendaient de la présidence tel que cet

  9   organe qui s'occupait des décorations, des promotions et un autre qui

 10   s'occupait de toutes sortes de plaintes, pardons présidentiels, et cetera.

 11   Il y en avait peut-être quelques autres dont je ne me souviens pas à

 12   présent.

 13   Mais de toute façon, à la tête de chacun de ces organes de travail se

 14   trouvait un membre de la présidence, quelqu'un qui travaillait à la

 15   présidence, mais il pourrait y avoir aussi d'autres fonctionnaires qui

 16   travaillaient au sein d'autres institutions de l'Etat.

 17   Q.  Monsieur Akmadiz, vous avez dit que jusqu'à un moment donné tout

 18   fonctionnait conformément aux règlements de procédure. Est-ce qu'à un

 19   moment donné les choses ont cessé de fonctionner correctement, et dans

 20   l'affirmative, pourquoi, si vous le savez ?

 21   R.  Mis à part ce fonctionnement de la présidence qui était parfaitement

 22   légal et légitime, il y avait une autre phase du fonctionnement de la

 23   présidence, on pourrait l'appeler la phase d'avant la guerre, où la

 24   présidence très souvent siégeait non stop, et ceci a duré jusqu'au 20

 25   décembre 1992. Ensuite, c'est la guerre qui a commencé et les membres

 26   serbes de la présidence ont quitté la présidence. Ensuite, le 20 décembre

 27   1992, le président de la présidence, Alija Izetbegovic, n'a pas accepté

 28   cette provision constitutionnelle concernant le travail de la présidence ni

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  1   ce qui figure dans le règlement, à savoir de passer son mandat à un autre

  2   membre de la présidence, qui à son tour deviendrait le président et, selon

  3   ce système de rotation, cette fonction devait incomber à un Croate.

  4   Ceci a perturbé le fonctionnement de la présidence. Et à la place des

  5   membres de la présidence qui était des Serbes et qui avaient quitté la

  6   présidence, vous aviez d'autres personnes qui sont venues et qui étaient

  7   aussi des Serbes, mais qui n'avaient pas remporté les élections.

  8   Q.  Je vous interromps un instant. Examinons ensemble les documents afin de

  9   voir si nous pouvons mieux comprendre la situation.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que M. l'huissier pourrait remettre

 11   le premier classeur au témoin.

 12   Q.  Je vous renvoie au document 1D 01408. Nous allons examiner certains de

 13   ces documents assez rapidement. Il s'agit là d'une décision -- premier

 14   classeur, 1D 01408, 10 novembre 1992, il s'agit d'une décision par laquelle

 15   vous avez été élu premier ministre; est-ce exact ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Document suivant, 1D 02873. Cela se trouve au troisième classeur. Nous

 18   l'avons vu avec un autre témoin. Il s'agit du document suivant pour vous,

 19   Monsieur le Témoin. Les documents sont classés, 1D 02873, ce document porte

 20   la date du 2 août 1993, donc nous avançons un peu dans le temps, il s'agit

 21   d'une lettre qu'apparemment vous avez signée dans laquelle vous dites que

 22   vous, ainsi que d'autres membres, Franjo Boras et M. Lasic, aviez décidé de

 23   ne pas participer au fonctionnement de la présidence jusqu'à la fin de

 24   l'offensive menée par l'armée musulmane contre la population croate. Vous

 25   en souvenez-vous ?

 26   R.  Je me souviens de ce document. Je l'ai co-signé avec M. Franjo Boras et

 27   Miro Lasic qui étaient aussi membres de la présidence, en réalité, à

 28   l'époque, à cette date-là, à savoir le 2 août 1993, je n'étais pas membre

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  1   de la présidence.

  2   Q.  -- premier ministre, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, j'y étais. Oui, j'étais le premier ministre et donc j'ai été

  4   membre de la présidence à cause de cette fonction qui était la mienne, à

  5   savoir la fonction du premier ministre.

  6   Q.  Et ceci parce qu'il existait une présidence de Guerre à l'époque,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, à cette époque-là, je ne l'ai pas dit auparavant, il y avait la

  9   présidence de Guerre qui a été élargie de trois membres supplémentaires, le

 10   président du gouvernement, le président de l'assemblée, et il y avait à

 11   l'époque encore la Défense territoriale, donc s'ajoute le commandant de la

 12   Défense territoriale de la Bosnie-Herzégovine, moi, j'ai été membre de la

 13   présidence de Guerre.

 14   Q.  Inutile de nous appesantir sur cette lettre, mais s'agit-il d'une

 15   lettre de démission de votre part ?

 16   R.  Non. Cela ne veut pas dire qu'on démissionne, c'est un avertissement de

 17   la présidence qu'il fallait agir conformément aux lois, qu'il fallait que

 18   la présidence respecte et prenne les décisions en accord avec les lois et

 19   qu'en tant que commandant suprême des forces armées de Bosnie-Herzégovine,

 20   cette présidence doit prendre des mesures adéquates pour que s'arrêtent les

 21   combats et les opérations contre, ici, le peuple croate.

 22   Q.  Le document suivant, 1D 02673, ce document se trouve dans le troisième

 23   classeur. Il est daté du 27 août 1993, nous voyons que le président de la

 24   présidence, Alija Izetbegovic, vous relève de vos fonctions; est-ce exact ?

 25   R.  Oui, c'est à ce moment-là que j'ai été démis de ma fonction de

 26   président du gouvernement et de membre de la présidence et de la présidence

 27   de Guerre de Bosnie-Herzégovine, et ici on explique pourquoi, parce que les

 28   membres du HDZ se sont retirés des organes de l'Etat de Bosnie-Herzégovine,

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  1   cependant, en fonction de la constitution de Bosnie-Herzégovine, vous

  2   pouvez démettre le président de ses fonctions de deux façons. D'un côté, il

  3   peut démissionner lui-même et de l'autre côté, il peut être tenu

  4   responsable de quelque chose et il doit faire l'objet d'une procédure

  5   appropriée.

  6   Q.  D'après vous, est-ce que l'on a suivi les procédures idoines en

  7   l'occurrence ?

  8   R.  Non. On a agi contrairement aux lois et contrairement aux règles du

  9   fonctionnement de la présidence.

 10   Q.  Est-ce que vous pourriez nous expliquer vos rapports avec M.

 11   Izetbegovic, s'il vous plaît ?

 12   R.  J'ai accueilli M. Izetbegovic après les élections quand il est venu à

 13   la présidence, c'était en 1990. Je lui ai fait connaître quelle était la

 14   situation dans la présidence et quel était le mode de fonctionnement de la

 15   présidence d'avant. C'est moi qui lui ai fait connaître tout cela. M.

 16   Izetbegovic m'avait écouté à l'époque, nous avions de bons rapports amicaux

 17   et ceci pendant une bonne période de notre collaboration. Le président de

 18   la présidence, Izetbegovic, après le début de la guerre, a commencé à mener

 19   une politique parallèle, pour ainsi dire. Il prenait des décisions dans le

 20   cercle restreint de ses collaborateurs qui n'étaient parfois même pas

 21   membres de la présidence. Je n'étais vraiment pas d'accord avec cela ainsi

 22   que de nombreuses autres personnes d'ailleurs.

 23   Q.  Merci. Pourriez-vous maintenant vous pencher sur le document 2D 00191.

 24   Ce document se trouve dans le quatrième classeur. Là encore, je vous

 25   présente mes excuses, je suis désolé de ne pas avoir classé ces documents

 26   dans l'ordre pour tout le monde.

 27   Il s'agit du document qui se trouve juste après le document précédent

 28   pour vous, Monsieur le Témoin.

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  1   Vous ne pouvez pas vous tromper. Il s'agit d'un extrait de "L'odyssée

  2   balkanique" de David Owen. Je vais vous donner lecture d'un passage qui se

  3   trouve à la page 52, vers le milieu de la page. Et on peut lire, voilà ce

  4   qu'écrit Lord Owen :

  5   "Lorsque le Croate Mile Akmadzic a été nommé premier ministre de la Bosnie-

  6   Herzégovine, il a déployé de véritables efforts pour faire revivre la

  7   direction collégiale de la présidence. Il est rentré pour à Sarajevo pour y

  8   habiter et il s'est servi de son expérience antérieure en tant que

  9   secrétaire avant la guerre auprès de la présidence pour essayer de

 10   restaurer l'autorité de la coalition croato-musulmane qui avait gagné le

 11   référendum sur l'indépendance que les Serbes avaient boycotté. Cependant, à

 12   la fin de l'année 1992, tout le monde a commencé à bien comprendre qu'il

 13   allait échouer et que c'est un petit groupe de ministres musulmans nommés

 14   par le président Izetbegovic et le vice-président Ejup Ganic qui s'étaient

 15   emparés du pouvoir. La présidence collégiale en tant qu'instance

 16   démocratique ayant une représentation véritable des trois nations

 17   constitutives à l'automne 1993 n'existait plus. Les véritables décisions

 18   étaient prises ailleurs. En réalité, nous traitions avec un gouvernement

 19   musulman qui s'adressait à une population essentiellement musulmane."

 20   Voilà ce qu'a écrit Lord Owen dans son livre qui traite de son expérience

 21   dans le cadre des négociations qui ont eu lieu à l'époque. Est-ce que vous

 22   êtes d'accord avec ce qu'écrit Lord Owen ?

 23   M. SCOTT : [interprétation] Objection, pour ce qui est de ces questions. Il

 24   s'agit d'une question directrice déguisée. On lit la déclaration de

 25   quelqu'un qui n'est pas dans ce prétoire. Ce même témoignage aurait pu être

 26   obtenu auprès du témoin par des questions non directrices : Qu'est-ce que

 27   vous faisiez à l'époque ? Que pensiez-vous des fonctions de président ?

 28   Qu'est-ce que vous avez fait ? Qu'avez-vous fait pour restaurer le

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  1   fonctionnement de la présidence, et ainsi de suite. Tout cela aurait pu

  2   être obtenu par des questions non directrices, qui est la bonne manière de

  3   procéder lors de l'interrogatoire principal. On lui soumet ce texte et on

  4   lui demande s'il est d'accord ou pas. Il s'agit d'une manière assez futée

  5   de poser une question directrice, et l'Accusation s'oppose à cela.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Deux points. Tout d'abord, il s'agit de la

  7   technique utilisée par M. Stringer. En fait, j'étais très surpris de voir

  8   qu'il a réussi à obtenir ce qu'il voulait, donc j'ai bien aimé cela.

  9   Puis je vous renvoie à ma question précédente, M. Akmadzic a raconté

 10   lui-même qu'il y avait deux politiques parallèles, il a dit qu'Izetbegovic

 11   prenait des décisions avec ses proches collaborateurs dont certains

 12   n'étaient pas là. Donc le témoin, en quelque sorte, s'est appuyé sur sa

 13   propre expérience pour fournir ses réponses.

 14   M. Lord Owen valide cela. Cela ne me pose pas de problèmes, je ne

 15   pense pas que l'on devrait m'interdire de poser d'autres questions

 16   concernant les écrits de Lord Owen. Voilà ce que j'ai à répondre sur

 17   l'objection de l'Accusation.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez raison tous les deux. Simplement, quand on

 19   cherche l'efficacité, qu'est-ce qui se passe ? Le témoin, en répondant à

 20   une question non directrice, a expliqué qu'il avait été démis de sa

 21   fonction de premier ministre et il a expliqué pourquoi. Voilà que Lord Owen

 22   écrit son livre où le paragraphe confirme ce qu'il dit.

 23   Alors, Me Karnavas aurait pu dire : je vous présente ce document,

 24   regardez le milieu de la page, lisez-le, pouvez-vous me dire si ça convient

 25   ou ça ne convient pas à ce que vous n'avez -- vous nous avez dit tout à

 26   l'heure, et il aurait dit : c'est exactement ce que je vous ai dit. Voilà.

 27   Alors les objections tirées de la "common law", pourquoi pas, mais quand on

 28   cherche l'efficacité, vaut mieux aller tout de suite au cœur du sujet. Et

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  1   M. Stringer, qui n'est pas là, a employé la même technique une fois. Bon.

  2   Alors, Monsieur Scott, vous pouvez dire ce que vous voulez, mais l'article

  3   de Lord Owen semble confirmer ce que dit le témoin. Alors si vous voulez

  4   que la Défense passe des heures pour lui dire :  avez-vous entendu parler

  5   de quelqu'un qui s'appelle Lord Owen ? Il va répondre oui. Savez-vous s'il

  6   a écrit un livre ou pas ? Bon, tout ça pour arriver à la même chose.

  7   Oui, Monsieur Scott.

  8   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas

  9   toujours été présent dans le prétoire lorsque M. Stringer a interrogé des

 10   témoins, certes, mais s'agissant du fait que M. Stringer s'est servi de

 11   cette technique, c'était dans le cadre du contre-interrogatoire. Il ne

 12   s'agissait pas d'un contre-interrogatoire artificiel. Me Karnavas connaît

 13   bien le système de "common law", il est bien différent.

 14   Et s'agissant des contraintes de temps, on ne peut pas toujours être

 15   menés par un souci d'efficacité. Il serait plus efficace de poser des

 16   questions directrices à tous les témoins. Le mieux serait de ne pas faire

 17   témoigner les témoins et de laisser les avocats parler, mais on ne peut pas

 18   toujours agir dans un souci maximum d'efficacité. Mais dans ce cas, on

 19   n'aurait plus besoin de témoins, on montrerait des livres, on en donnerait

 20   lecture. Ce serait la manière la plus efficace de procéder. Sauf le respect

 21   que je dois à Me Karnavas et aux Juges de la Chambre, l'efficacité à tout

 22   prix ne permet pas de respecter toujours les principes fondamentaux du

 23   droit, donc je maintiens mon objection et les réponses auraient pu être

 24   obtenues par des questions non directrices.

 25   M. STEWART : [interprétation] Nous nous rallions à ce qu'a dit Me Karnavas,

 26   ces principes qui doivent être adoptés dans le cadre de la présentation des

 27   moyens de Défense de Me Karnavas vont sans doute être appliqués par les

 28   autres équipes de la Défense. Nous notons que Me Karnavas s'est servi de

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  1   l'exemple de M. Stringer aujourd'hui, certes, nous voyons qu'il y a eu un

  2   débat entre Me Karnavas et M. Scott. Cette technique a été adoptée,

  3   toutefois, pendant toute la durée de la présentation des moyens à charge,

  4   je m'en souviens. Je n'étais pas là au tout début du procès, mais je me

  5   souviens qu'à de nombreuses reprises lorsqu'on a présenté un document des

  6   Nations Unies ou d'autres documents à des témoins et que l'on a demandé aux

  7   témoins : est-ce que cela correspond à vos souvenirs, en fait, ce n'est pas

  8   du tout différent, qu'il s'agisse de l'extrait d'un livre ou d'autre chose,

  9   c'est pareil. Il y a eu des objections parfois; parfois on allait un peu

 10   trop loin, mais cette approche a été adoptée pendant toute cette période,

 11   et Me Karnavas devrait être autorisé à poser ces questions.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander à mes collègues ce qu'ils en

 13   pensent.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, la Chambre qui a délibéré dit que lors

 16   de l'interrogatoire principal, l'avocat peut à partir de documents ou de

 17   livres montrer et indiquer au témoin une référence audit document et lui

 18   poser une question à partir de là. En ce qui concerne évidemment la valeur

 19   probante à attribuer, la Chambre appréciera cette valeur probante à la

 20   lumière du type de questions posées.

 21   Donc, Maître Karnavas, vous pouvez continuer.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Prenons le document suivant -- excusez-moi.

 24   Q.  Oui, Monsieur Akmadzic. Oui, vous deviez répondre.

 25   R.  Tout d'abord, je vais répondre en vous donnant une réponse affirmative.

 26   Ce qui est dit ici par Lord Owen, c'est exact, même s'il s'agit ici de

 27   compliments qui me sont adressés. Je voudrais aussi ajouter une autre

 28   explication, Lord Owen est arrivé à cette conclusion sur la base des

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  1   négociations auxquelles nous avons participé. Il s'agissait d'une

  2   conférence de paix internationale pour l'ex-Yougoslavie. Même si Lord Owen

  3   n'était pas membre de la présidence, il a bien compris comment cela s'est

  4   passé.

  5   M. Izetbegovic, surtout en 1993, quand son mandant n'était plus

  6   valable, quand du point de vue juridique il n'était plus le président de la

  7   présidence, il a en quelque sorte pris la fonction, il s'est approprié

  8   cette fonction du chef de l'Etat en prenant ces décisions de façon

  9   indépendante et avec ses collaborateurs qu'il s'était choisis très proches.

 10   Il prenait des décisions au niveau international également.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Document suivant, 1D 00942. Premier

 12   classeur, Messieurs les Juges. Vous allez le voir, c'est le programme des

 13   activités de la présidence de Bosnie-Herzégovine, page 2, 26 juin 1992.

 14   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce document, Monsieur ?

 15   R.  Je le reconnais, oui.

 16   Q.  Très bien. C'est une plateforme, un programme d'activités. Certains

 17   d'entre nous ne savent peut-être pas ce qu'est une plateforme, pourriez-

 18   vous nous expliquer ce que ceci est censé être ?

 19   R.  Ce document était censé montrer ou confier une mission pour ce qui est

 20   de faire voir comment il convenait de négocier sur le plan international et

 21   défendre les intérêts de la Bosnie-Herzégovine, pour en informer la

 22   présidence et prendre des décisions par la suite. La présidence de Bosnie-

 23   Herzégovine est une institution comme l'est l'Etat où l'on a fait

 24   représenter tous les peuples constitutifs, les trois peuples constitutifs,

 25   et il y avait un représentant qui venait des autres groupes ethniques. Ça

 26   se rapportait aux minorités, minorités ethniques, voire ceux qui ne

 27   voulaient pas se prononcer pour ce qui est de leur appartenance ethnique.

 28   Tous ceux qui allaient négocier et représenter la présidence étaient

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  1   censés se conformer à la constitution et à la plateforme émise à cet effet

  2   par la présidence.

  3   Q.  Regardons le premier point : quel genre de Bosnie-Herzégovine ?

  4   Regardons le deuxième sous-paragraphe, je vais vous lire :

  5   "La structure interne de la Bosnie-Herzégovine, en tant que

  6   communauté plurinationale et plurireligieuse, se fonde sur le gouvernement

  7   autonome, local et régional, lequel reconnaît les critères économiques,

  8   culturels, historiques et ethniques. Ce type de gouvernement autonome,

  9   local et régional ne peut pas aller à l'encontre des principes d'intégrité

 10   territoriale et du fonctionnement uniforme du gouvernement sur la totalité

 11   du territoire de Bosnie-Herzégovine."

 12   Je vous demande ceci : pour vous, comment comprenez-vous ceci, de

 13   quoi parle cette partie du programme, comment interprétez-vous ceci ?

 14   Quelle est votre grille de lecture ?

 15   R.  On peut voir cela sous deux aspects. Le premier, c'est le fait

 16   que la présidence de Bosnie-Herzégovine, en sa qualité de chef d'Etat,

 17   fonctionne en tant qu'instance collégiale au sein de cet Etat; elle exerce

 18   donc les fonctions d'un chef de l'Etat, et cela se rapporte également aux

 19   autres organismes centraux de l'Etat. Il convient de ne pas perdre de vue,

 20   cependant, leurs intérêts qui sont précisés ici, il y a l'autogestion

 21   locale et l'administration au niveau des autres parties de la Bosnie-

 22   Herzégovine.

 23   Q.  Document suivant.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : -- suivi pour éviter de revenir sur ce document.

 25   Monsieur le Témoin, j'allais vous appeler, M. le premier ministre, vu vos

 26   fonctions passées. Il apparaît dans cette plateforme qu'il y a une

 27   référence très nette aux institutions locales, au pouvoir local et

 28   régional, qui auraient, d'après ce que je vois, une compétence dans le

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  1   domaine de l'économie, dans le domaine de la culture, les critères

  2   ethniques. Alors, ce document qui a été élaboré le 26 juin 1992 à la

  3   présidence de la République de Bosnie-Herzégovine, lorsqu'on le lit,

  4   n'indique-t-il pas de votre point de vue une reconnaissance d'une forme de

  5   pouvoir régional ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] La Bosnie-Herzégovine, dans les différentes

  7   phases de son existence, avait eu différentes formes d'autogestion locale.

  8   La plus petite des formes d'autogestion locale, c'était la communauté

  9   locale. Le premier échelon véritable, c'était la municipalité. Les

 10   municipalités pouvaient établir des liens entre elles pour créer des

 11   communautés de municipalités. Et ça se basait sur plusieurs critères.

 12   Certains de ces critères se trouvent être indiqués ici, mais on n'y indique

 13   pas les critères de communication, les critères géographiques et autres.

 14   Ces ensembles ou entités de municipalités, on les appelait communauté

 15   ou association de municipalités.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : -- dire qu'un peu dans l'histoire il y a eu déjà des

 17   associations de municipalités. Vous avez une référence historique ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle ici du temps du système socialiste et

 19   le système qui a suivi au système socialiste aussi; mais à l'époque

 20   socialiste, ça s'appelait des districts, des régions ou départements.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Ma dernière question. Quand les municipalités se

 22   sont réunies à Grude, enfin certainement peut-être que la Défense y

 23   reviendra, mais quand les municipalités se sont retrouvées à Grude pour

 24   créer le Conseil croate qui donnera par la suite la Republika d'Herceg-

 25   Bosna, est-ce que c'est dans ce cadre, dans ces précédents, que des

 26   municipalités se regroupent et créent une structure du type de celle de la

 27   communauté croate ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que oui. Je ne peux pas l'affirmer à

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  1   100 %, mais je pense que oui. Ce que vous venez de me poser comme question,

  2   Monsieur le Président, se rapporte à la période de guerre, ça se rapporte à

  3   une communauté créée en temps de guerre. La décision en question se réfère

  4   à des dispositions telles qu'indiquées ici. Mais la finalité cruciale, si

  5   j'ai bien compris, ce n'était pas seulement d'établir des liens mais aussi

  6   de mettre en place des préalables à la défense pour que cette Bosnie-

  7   Herzégovine soit défendue.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

  9   Maître Karnavas.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

 11   Document suivant, P 00743, quatrième classeur.

 12   Q.  C'est le document suivant qui porte la date du 14 décembre 1992,

 13   procès-verbal de la deuxième conférence générale du HDZ. Vous nous l'avez

 14   déjà dit, ceci s'est passé le 14 décembre, vous avez été nommé à un des

 15   postes de vice-président, nous le voyons d'ailleurs dans ce document.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] Page 6, Messieurs les Juges.

 17   Q.  Vous voyez les numéros de page dans le coin inférieur droit et nous

 18   trouvons votre nom.

 19   Mais ce qui m'intéresse davantage, c'est d'attirer l'attention des

 20   Juges sur quelque chose que vous pourriez commenter. A cette réunion-ci,

 21   vous êtes intervenu, en tout cas nous avons le procès-verbal.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Ceci se trouve à la page 5, Messieurs les

 23   Juges.

 24   Q.  Au numéro 13, nous voyons votre nom, M. Akmadzic, premier ministre, qui

 25   est fier de faire partie de la nation croate, et on voit le terme en

 26   croate, "naciona", et on dit ceci ensuite : "Il a demandé le soutien que le

 27   HDZ pourra apporter au gouvernement de Bosnie-Herzégovine."

 28   Est-ce que c'est bien rendu, ici, ce que vous avez dit ? Est-ce bien

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  1   ce que vous avez dit que vous demandiez au HDZ de soutenir le gouvernement

  2   de Bosnie-Herzégovine ? Et nous sommes alors, je rappelle la date, au 14

  3   décembre 1992 ? Etait-ce là l'attitude que vous aviez à l'époque ?

  4   R.  Oui, à l'époque ou peu de temps avant cela, j'avais été élu aux

  5   fonctions de premier ministre, j'ai demandé un appui auprès du HDZ de la

  6   Bosnie-Herzégovine tant pour le gouvernement que pour la présidence et pour

  7   l'exercice des autorités de l'Etat en Bosnie-Herzégovine. Le HDZ de la

  8   communauté démocratique croate avait été l'un des trois partis l'ayant

  9   emporté aux élections aux côtés du SDA et du SDS.

 10   En ma qualité de membre de ce parti et de membre de ce groupe ethnique, je

 11   voulais demander leur appui pour mes fonctions et pour l'exercice du

 12   pouvoir à la tête duquel je me trouvais.

 13   Q.  Bien.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Document suivant, 1D 02892, c'est dans le

 15   troisième classeur, Messieurs les Juges. Je répète la cote 1D 02892.

 16   Q.  Veuillez l'examiner, Monsieur, ce document porte la date du 28 janvier

 17   1993. Prenons la deuxième page, nous y voyons votre nom, président du

 18   gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine. J'aimerais que nous

 19   regardions tous le dernier paragraphe de la page 1, ici vous vous adressez

 20   à l'Organisation de la Conférence islamique, c'est une lettre. Vous

 21   souvenez-vous de l'avoir envoyée ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Vous dites dans cette lettre, je reprends le dernier paragraphe,

 24   première page : "Par ailleurs, les représentants du peuple musulman en

 25   Bosnie-Herzégovine n'ont pas encore de politique compréhensible et

 26   insistent pour avoir une Bosnie-Herzégovine unitaire, ce qui est

 27   impossible."

 28   Qu'est-ce que vous vouliez dire par là, "une Bosnie-Herzégovine

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  1   unitaire" ?

  2   R.  A l'occasion de mon élection aux fonctions de premier ministre, au

  3   programme du gouvernement on disait que la Bosnie-Herzégovine était censée

  4   être un Etat décentralisé et qu'en tant que tel seulement il pouvait

  5   subsister, et il était seulement ainsi possible d'avoir cet Etat. Tout

  6   autre Bosnie-Herzégovine qui se fonderait sur un aménagement unitariste

  7   sans respecter la constitutivité de ses peuples, un tel Etat se trouverait

  8   être impossible. Et il fallait donc politiquement s'employer en faveur de

  9   l'interdiction d'une telle approche. J'ai envoyé cette lettre à la

 10   conférence islamique, à l'intention du secrétaire général de celle-ci,

 11   sachant que M. Izetbegovic était influent et considéré dans ce monde-là, et

 12   j'avais demandé leur appui également.

 13   Q.  Oui, mais pourtant lorsque vous dites organisation unitaire, nous

 14   voulons bien comprendre : répondez à la question que je vous ai posée, s'il

 15   vous plaît. Qu'est-ce que vous voulez dire ? Qu'est-ce que c'est une

 16   "organisation unitaire ?"

 17   R.  Cela signifie organisation unitariste sans qu'il y ait autogestion

 18   locale au sens vaste du terme et sans qu'on se base sur les principes qui

 19   étaient discutés jusque-là dans le cadre du plan Vance-Owen et autres plans

 20   relatifs à l'aménagement de la Bosnie-Herzégovine, qui se fonderait sur une

 21   approche régionale avec l'existence de régions, de provinces ou appelez-le

 22   comme vous voulez, qui se fonderait sur la totalité des critères ayant fait

 23   l'objet de négociations jusque-là.

 24   Q.  D'ailleurs, si nous prenons la deuxième page, troisième ligne : "Le

 25   peuple croate recherche une Bosnie-Herzégovine indépendante se composant de

 26   plusieurs provinces dotées chacune d'un grand degré de démocratie et

 27   d'égalité pour les trois peuples constitutifs…" Est-ce bien ce que vous

 28   vouliez dire ?

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  1   R.  Absolument. Nous avons défendu cette attitude, et cette attitude n'a

  2   pas évolué pendant toute la durée de la guerre et pendant toute la durée

  3   des négociations au plan international.

  4   Q.  Un peu plus loin, au milieu du troisième paragraphe :

  5   "Dans ce même sens, nous vous demandons d'avoir une influence 

  6   positive sur les dirigeants musulmans de Bosnie-Herzégovine afin qu'ils

  7   coopèrent très étroitement avec les dirigeants du peuple croate de Bosnie-

  8   Herzégovine et avec la République de Croatie pour s'allier contre notre

  9   agresseur commun."

 10   R.  Oui, c'était à l'époque de la guerre. Nous, les Croates, n'avons pas

 11   quitté la présidence. Les membres serbes qui ont été légalement élus sont

 12   partis de leur plein gré de cette présidence. Les membres croates de la

 13   présidence et en ma qualité de premier ministre et membre de la présidence

 14   de Guerre, nous avons gardé nos fonctions, nous sommes restés à ces

 15   fonctions en insistant sur une Bosnie-Herzégovine internationalement

 16   reconnue qui serait aménagée dans l'intérêt de ses trois peuples, non pas

 17   seulement du peuple musulman et croate, mais des trois peuples,

 18   indépendamment de l'agression en cours. Et nous avions demandé à la

 19   conférence islamique d'influer à cet effet sur M. Izetbegovic afin que

 20   celui-ci accepte les négociations et accepte une organisation de l'Etat

 21   dans ce sens-là.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, la conférence islamique a

 23   répondu à votre lettre du 28 janvier 1993 ? Vous avez eu une réponse ou pas

 24   ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais reçu de réponse à cette lettre.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Autre question. Nous avons vu cette

 27   plateforme de la présidence de Guerre de Bosnie-Herzégovine il y a quelques

 28   instants. Je m'interroge, pourriez-vous nous en dire plus sur les rapports

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  1   existant entre ce que vous dites ici, les intentions musulmanes, et ce qui

  2   est dit dans cette plateforme de la présidence de Guerre qui fait une

  3   référence très claire à l'autogestion ou l'autonomie ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de la plateforme, l'autogestion est

  5   mentionnée et évoquée de façon vague, peu définie. Nous avions accepté ce

  6   type de plateforme. Mais dans ce document, les négociations internationales

  7   et la situation dictaient, dirais-je, davantage d'éléments concrets. Il

  8   fallait qu'en notre qualité de peuple constitutif, tous les trois nous

  9   indiquions ce que nous voulions avoir comme Etat. A l'époque, on en est

 10   arrivés à une conclusion, du moins était-ce la conclusion de nous autres,

 11   Croates, et les autres n'étaient pas loin non plus du reste, que la

 12   meilleure des façons d'aménager la Bosnie-Herzégovine se fondait sur un

 13   principe de provinces. Dès le 4 janvier 1993, nous avions signé les

 14   principes constitutionnels de l'aménagement de la Bosnie-Herzégovine, il y

 15   en avait neuf. L'un des principes était l'existence de la mise en place de

 16   provinces. Nous avions insisté pour que ces principes acceptés et signés

 17   par les trois peuples, le peuple croate, serbe et musulman, soient traduits

 18   dans la réalité selon les possibilités ou selon les modalités qui étaient

 19   celles du moment.

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] 

 21   Q.  Il va peut-être falloir que vous répétiez la dernière partie de votre

 22   réponse. Et n'oubliez pas de ne pas aller trop vite.

 23   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] J'allais dire la même chose. Ça a

 24   déjà été dit deux fois par Me Karnavas. J'allais demander au témoin de

 25   ralentir, de penser aux interprètes parce qu'ils ont besoin de vous suivre.

 26   Je vais vous demander l'obligeance de faire des pauses entre les questions

 27   et les réponses. Je pense que ce serait fort utile.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse.

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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Je peux continuer ?

  2   Q.  Parfait. Document suivant. Si je l'ai inséré, c'est pour mettre en

  3   exergue certains des problèmes que vous avez peut-être rencontrés. 1D

  4   02859. C'est une lettre qui vous est adressée. Qui se trouve, Messieurs les

  5   Juges, dans le troisième classeur.

  6   On me dit qu'il est possible que vous ne l'ayez pas, 2589.

  7   Vous ne l'avez pas, apparemment ? Il y a des copies. Vous avez le

  8   document 1D 02859 ?

  9   R.  Je l'ai.

 10   Q.  C'est une lettre qui vous est adressée. Troisième page. L'auteur, nous

 11   le voyons, est un certain Josip Goluza, vous le connaissez ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Bien. Je n'avais pas reçu la réponse par les interprètes. Qui était ce

 14   monsieur ?

 15   R.  Cet individu était adjoint ministre chargé des relations économiques et

 16   du fonctionnement des centres logistiques.

 17   Q.  Point 2. Je vais simplement éclairer certains passages. Si j'ai bien

 18   compris, la traduction nous dit qu'il avait la responsabilité du

 19   fonctionnement d'un groupe de pression. C'est ça que vous vouliez dire, des

 20   "groupes de pression" ou est-ce que vous parlez d'un centre de logistique ?

 21   R.  Centre de logistique.

 22   Q.  Monsieur, détendez-vous. Je vais vous montrer les documents que vous

 23   devrez examiner, détendez-vous. Deuxième paragraphe, il dit : 

 24   "L'aide humanitaire venant de l'étranger fournie par plusieurs

 25   donateurs n'est pas du tout contrôlée. Les centres logistiques qui sont en

 26   train d'être mis sur pied devraient rétablir l'ordre, surtout pour

 27   contrôler et distribuer l'aide humanitaire."

 28   Troisième paragraphe : 

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  1   "Ceux qui fournissent l'aide humanitaire, que ce soit dans le pays ou

  2   à l'étranger, ces personnes sont connues dans la plupart des cas, mais les

  3   dons d'aide financière n'ont pas de source connue. Le gouvernement a ouvert

  4   12 comptes en Europe qui doivent servir pour recevoir des dons financiers.

  5   Et j'affirme en toute responsabilité que ces fonds ne se trouvent pas dans

  6   ces comptes à l'exception de 440 000 dollars américains envoyés par le

  7   bureau du gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine à Zagreb

  8   venant de la vente de marchandises…" et ainsi de suite.

  9   Voici ma question : est-ce que vous connaissiez l'existence de ces

 10   problèmes ? Pourquoi est-ce qu'ils existaient, ces problèmes ? Peut-être

 11   pourriez-vous nous dire quand ce document a été envoyé à votre bureau ou

 12   vous a été envoyé à vous ?

 13   R.  Cela m'a été remis à Zagreb lorsque j'étais en déplacement à titre

 14   officiel, on me l'a remis. J'ai confié cela aux services du gouvernement

 15   parce que j'étais constamment en négociations pour que ce soit débattu et

 16   que des décisions soient prises. Ceci est le résultat d'un travail effectué

 17   en parallèle avec des activités des autorités de Bosnie-Herzégovine. Il a

 18   été créé des centres logistiques, de l'aide arrivait, il n'y a pas eu plein

 19   exercice d'un contrôle de l'Etat --

 20   Q.  Permettez-moi de vous interrompre. Pourquoi est-ce qu'il régnait un tel

 21   chaos ? Ce document nous le montre clairement, de l'argent disparaît, il

 22   n'y a pas de contrôle de l'utilisation des marchandises. Qui en est

 23   responsable ? Pourquoi est-ce que ces problèmes existent ? Et c'était au

 24   moment où vous étiez premier ministre du gouvernement.

 25   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je voulais

 26   donner le temps à Me Karnavas de poser les questions de suivi, mais on n'a

 27   toujours pas une réponse pour ce qui est du temps, parce que ça fait une

 28   grosse différence, mais je remarque qu'au troisième paragraphe de cette

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  1   lettre il est fait référence au président du gouvernement, qui est alors M.

  2   Pelivan, et je pense qu'il a cessé ses fonctions de premier ministre ou de

  3   président du gouvernement en octobre 1992. Je ne sais pas si ceci peut vous

  4   aider, vous, Monsieur le Juge, ou Monsieur le Témoin, mais peut-être que Me

  5   Karnavas pourrait poser des questions supplémentaires à propos du temps.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Ça ne m'avait pas échappé.

  7   Q.  Vous étiez, vous l'aviez dit, premier ministre du 10 novembre 1992 à la

  8   fin août 1993. Savez-vous à quel moment votre bureau, votre office a reçu

  9   cette lettre ?

 10   R.  Cette lettre a été envoyée vers mon bureau début 1993, tout début 1993,

 11   j'étais premier ministre. Il me semble que ceci se rapportait à un rapport

 12   qui englobait aussi la période où M. Jure Pelivan a exercé ses fonctions.

 13   Q.  Document suivant, 1D 02869.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Troisième classeur, Messieurs les Juges, 1D

 15   2869, c'est juste le document d'après.

 16   Q.  Il porte la date du 17 juillet 1993. Nous avançons dans le temps mais

 17   nous en sommes toujours à cette période où vous étiez premier ministre,

 18   déclaration faite à une réunion de premier ministre de l'initiative

 19   d'Europe centrale, Budapest, 17 juillet 1993. Reconnaissez-vous ce document

 20   ?

 21   R.  Je le reconnais, c'est mon document à moi.

 22   Q.  Très bien. Pourriez-vous nous dire en quoi consistait cet événement ?

 23   R.  La Bosnie-Herzégovine est membre de cette initiative de l'Europe

 24   centrale. Il s'agit d'une dizaine de pays qui étaient d'Europe centrale et

 25   des Balkans et qui ont eu une rencontre à un niveau des premiers ministres

 26   et des ministres des Affaires étrangères, et ça s'est tenu à Budapest le 17

 27   juillet 1993, donc vers cette période-ci de l'année.

 28   Q.  Page 3, prenons le paragraphe en milieu de page, vers la fin, vous

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  1   dites ceci : 

  2   "Il est possible que la Bosnie-Herzégovine soit un Etat décentralisé

  3   et composé de plusieurs unités constitutives permettant la libre

  4   circulation des personnes, des capitaux et des marchandises sur la totalité

  5   du territoire."

  6   Etait-ce là la position que vous défendiez à l'époque ?

  7   R.  Oui, précisément, et je l'ai communiquée lors de cette initiative de

  8   l'Europe centrale. J'ai demandé leur appui, de principe je l'ai reçu

  9   d'ailleurs. Ces positions étaient exprimées aussi par d'autres premiers

 10   ministres. M. Silajdzic était présent à la réunion, il était ministre des

 11   Affaires étrangères et il était tout à fait d'accord avec ce point de vue.

 12   Q.  Si j'ai bien compris, vous avez participé à plusieurs des initiatives

 13   en faveur de la paix, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  S'agissant de ces initiatives auxquelles vous avez participé ou dont

 16   vous aviez connaissance, quelles ont été les initiatives les plus

 17   acceptables pour la Bosnie-Herzégovine, selon vous ?

 18   R.  Vu que j'avais des bons rapports avec M. Izetbegovic, même si j'ai

 19   contesté la légalité de son mandant après la date du 20 décembre 1992, son

 20   mandat de président, je lui ai dit et je l'ai répété partout au niveau

 21   international, que la Bosnie-Herzégovine en tant qu'un Etat des trois

 22   peuples constitutionnels qui n'est pas un Etat croate, serbe ou musulman,

 23   mais un Etat aussi bien des Croates, que des Serbes, que des Musulmans peut

 24   exister en tant qu'un Etat décentralisé et que la meilleure organisation

 25   pour cet Etat serait l'organisation à laquelle nous avons abouti au niveau

 26   des négociations de Genève sous les auspices de cette conférence de paix

 27   internationale pour l'ex-Yougoslavie.

 28   Les coprésidents étaient, dans le cadre de ces comités directeurs,

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  1   Cyrus Vance au nom des Nations Unies, et Lord Owen au nom de la communauté

  2   ou l'Union européenne.

  3   M. KARNAVAS : [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va faire la pause, et il est moins dix,

  5   nous reprendrons à 4 heures 10.

  6   --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

  7   --- L'audience est reprise à 16 heures 14.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

  9   Maître Karnavas, vous avez la parole.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Peut-on passer au document suivant, 1D 02884. Il se trouve dans le

 12   troisième classeur, Messieurs les Juges.

 13   Q.  Est-ce que vous l'avez trouvé, Monsieur ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Ce document porte la date du 20 juillet 1993. A la deuxième page, nous

 16   voyons un cachet, un nom et votre signature. S'agit-il de votre signature ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Il s'agit apparemment d'une lettre adressée au rédacteur dans laquelle

 19   vous expliquez que vous vous sentez obligé d'apporter des explications sur

 20   certaines questions rapportées à l'époque. Est-ce que vous maintenez ce que

 21   vous dites dans cette lettre, Monsieur ?

 22   R.  Oui, je le maintiens.

 23   Q.  Je n'ai pas le temps d'évoquer l'intégralité de cette lettre, mais à la

 24   page 2, avant-dernier paragraphe, on peut lire : "Le gouvernement bosniaque

 25   s'oppose aux sanctions à l'encontre de la Croatie, les sanctions à l'égard

 26   de la Croatie signeraient l'arrêt de mort de la Bosnie."

 27   Est-ce que vous pourriez expliquer cela ? A l'époque, vous étiez premier

 28   ministre, si j'ai bien compris.

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  1   R.  Oui, j'étais le premier ministre à l'époque de la Bosnie-Herzégovine.

  2   Ce n'était pas dans l'intérêt d'avoir ces sanctions, puisque trois quarts

  3   des frontières de la Bosnie-Herzégovine sont la frontière avec la Croatie.

  4   Même s'il y a des conflits, le rapport, les liens politiques, économiques

  5   et humains étaient très étroits, les rapports qui prévalaient avec la

  6   Croatie. Donc les sanctions contre la Croatie auraient des répercussions

  7   sur la Bosnie-Herzégovine, et ce n'était pas dans son intérêt tout

  8   simplement d'avoir et d'imposer ces sanctions.

  9   Q.  Bien. Passons maintenant à un autre sujet. Nous avons entendu des

 10   témoignages ici --

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme nous avons le document sous les yeux, en page

 12   2, le premier paragraphe, vous semblez dire ceci, Monsieur, vous dites que

 13   les incidents ou les clashs entre les deux armées semblent être le résultat

 14   du support implicite de la communauté internationale au génocide serbe

 15   commis contre les Musulmans. Alors vous pouvez nous expliciter ce que vous

 16   avez voulu dire ? Tel que je lis la phrase, j'ai l'impression que l'état de

 17   belligérance qui existe dans votre pays serait dû, en fait, aux Serbes qui

 18   eux, commettraient un génocide à l'encontre des Musulmans. Est-ce la bonne

 19   lecture ou bien il y a une autre lecture à faire de ce paragraphe ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] En tout cas, la guerre dans mon pays était le

 21   résultat de l'agression serbe, de l'agression de la JNA et du Monténégro

 22   contre la Bosnie-Herzégovine.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous dites les clashs entre les deux armées,

 24   vous parlez du HVO et de l'ABiH, je suppose ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ici, dans ce cas précis, je parle du HVO

 26   et de l'ABiH. Mais même ce conflit, il a été provoqué par cette agression

 27   que je viens de mentionner. Avant ce conflit, il y a eu ce dont on a parlé

 28   au niveau de la présidence et au niveau du gouvernement, à savoir qu'une

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  1   agression était en cours surtout en Bosnie-Herzégovine orientale, là il n'y

  2   avait pratiquement pas d'unités du HVO.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, merci.

  4   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas, je

  5   souhaiterais enchaîner sur ce qui viens d'être dit. Le témoin vient

  6   d'indiquer, et je cite ce qu'il dit au dernier paragraphe : 

  7   "Nous avons débattu de cela à la présidence et au gouvernement. Il

  8   s'avérait que l'agression, en particulier menée en Bosnie orientale, était

  9   le résultat du fait qu'il n'y avait pas de HVO…" et ainsi de suite.

 10   Cette lettre du 20 juillet que vous avez adressée au New York Times,

 11   a-t-elle fait l'objet d'un accord au niveau de la présidence de Guerre ?

 12   Avez-vous débattu de ce type de déclaration politique importante au sein de

 13   la présidence ou avec le président Izetbegovic ? Voilà ma question : est-ce

 14   qu'il y avait une position commune formulée par la présidence de Guerre et

 15   au sein de celle-ci ? Merci.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] La présidence de Bosnie-Herzégovine au complet

 17   a donné sa définition de la guerre en Bosnie-Herzégovine. 

 18   Cette définition de la guerre voulait dire que la guerre en Bosnie-

 19   Herzégovine était le résultat d'une agression, de l'agression menée de la

 20   Serbie et du Monténégro de l'époque, qui faisait partie de la République

 21   fédérale de Yougoslavie, de l'armée populaire yougoslave qui existait

 22   encore au début, pas à l'époque dont je parle, mais au début, et à cause

 23   des différentes unités paramilitaires organisées par le Parti du SDS et par

 24   les peuples serbes de Bosnie-Herzégovine. Cette agression, c'était une

 25   agression contre la Bosnie-Herzégovine, et d'après ce que l'on disait à

 26   l'époque, vous avez eu le cas de génocide dans la Bosnie orientale, alors

 27   que vous aviez une agression contre toute la Bosnie-Herzégovine. Cette

 28   agression a provoqué de façon indirecte le conflit entre le HVO et l'ABiH

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  1   parce que l'espace qui était laissé aux

  2   Croates et aux Musulmans était réduit, surtout en Bosnie centrale où la

  3   population musulmane commençait à être déplacée de Jajce en direction de la

  4   Bosnie centrale, en direction de la rivière Neretva et de l'Herzégovine du

  5   sud.

  6   Vu ce déséquilibre qui régnait au sein de la population, vous avez eu

  7   un changement de rapports entre différentes populations et des conflits

  8   sporadiques tout d'abord ont éclaté au niveau local, qui par la suite sont

  9   devenus des conflits bien plus importants mais que l'on n'appelait pas "la

 10   guerre".

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aurais deux questions d'ordre

 12   technique à poser. La première a trait au fait qu'il s'agit d'un document

 13   émanant du gouvernement, d'habitude on déploie de gros efforts pour faire

 14   en sorte que ces documents soient bien rédigés. J'ai l'impression que la

 15   date en haut de la lettre a été modifiée. On a écrit à la machine 1992, et

 16   puis ensuite quelqu'un à la main a changé le 2 pour en faire un 3.

 17   Est-ce que vous auriez des commentaires à faire sur ce point ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était une faute de frappe. C'est moi qui ai

 19   fait ce changement parce que le 20 juillet 1992 je n'étais même pas premier

 20   ministre.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous n'étiez pas premier ministre

 22   mais vous vous êtes servi de l'en-tête du premier ministre, est-ce que

 23   c'était pour donner l'impression qu'il s'agissait d'une lettre du premier

 24   ministre ?

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Juge, le témoin a indiqué qu'il

 26   avait corrigé la date pour montrer 1993.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, parce qu'en juillet 1992 ce

 28   n'était pas --

Page 29361

  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous renvoie à la deuxième page. Il y

  2   avait une lettre jointe en annexe où on peut lire, juillet 1993, le 20

  3   juillet 1993.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, je voulais simplement que les

  5   choses soient claires. Ma deuxième question est la suivante : est-ce que

  6   cette lettre a parue dans le New York Times ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, nous n'étions pas dans la

  8   situation de recevoir le New York Times. Moi, j'espère que cette lettre a

  9   été publiée, en tout cas, je ne peux pas le confirmer. Je n'ai jamais reçu

 10   de réponse du New York Times à ce sujet.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Par la suite, vous n'avez jamais

 12   essayé de le savoir ? Vous aviez sans doute du personnel, puis il y a des

 13   outils de recherche, enfin il y en a eu ensuite. J'imagine que vous aviez

 14   d'autres soucis, mais j'étais simplement curieux.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, à la fin du mois d'août 1993,

 16   j'ai été démis de mes fonctions. Le gouvernement musulman de Bosnie-

 17   Herzégovine a pris les contrôles en entier, contrôlant désormais tout. Moi,

 18   j'avais du mal à récupérer mes documents personnels que j'avais dans mon

 19   bureau.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme on est toujours sur ce document, ça peut être

 22   intéressant, le 23 juillet, le diplomate de votre mission permanente à New

 23   York transmet votre lettre au New York Times, puisque votre lettre n'a pas

 24   été directement au New York Times mais passée par votre ambassade. Si elle

 25   est passée par votre ambassade, et là, l'ambassade fait une référence au

 26   fait que vous êtes un des membres croates de la présidence. Ça veut dire

 27   que c'est votre pays qui est engagé dans cette lettre, pas uniquement vous

 28   en tant que Croate puisque la mission, la représentation de votre pays

Page 29362

  1   transmet officiellement ce courrier au New York Times. Est-ce que je fais

  2   une erreur ou pas en tirant cette conclusion ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, vous ne vous trompez pas, Monsieur le

  4   Président. La représentation ou la mission permanente diplomatique de la

  5   Bosnie-Herzégovine à New York, nous avions un représentant, un ambassadeur

  6   permanent, M. Sacirbey, c'était un Musulman. Il y avait quelques autres

  7   personnes qui travaillaient dans l'ambassade, parmi eux se trouvait M.

  8   Miles Raguz. C'était un Américain né en Bosnie-Herzégovine et c'est lui qui

  9   m'escortait, qui était avec moi pendant mon séjour à New York. Et moi, je

 10   lui ai demandé de communiquer cette lettre, de la transmettre en mon nom,

 11   et il l'a fait.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Peut-être que l'on reviendra plus tard sur

 14   le contenu de cette lettre. Document suivant, 1D 02906.

 15   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, j'attendais de voir si d'autres

 16   questions seraient posées au sujet de ce document, mais avant de passer au

 17   document suivant, alors il appartient au Juge Prandler de savoir s'il veut

 18   poser d'autres questions complémentaires, mais le témoin n'a pas répondu

 19   sur la question de savoir si la lettre a été rédigée communément avec

 20   d'autres membres de la présidence. J'en reparlerai lors du contre-

 21   interrogatoire mais peut-être que le Juge Prandler souhaiterait obtenir une

 22   réponse maintenant.

 23   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Oui, j'en suis conscient, mais suite

 24   à ma question les Juges ont posé d'autres questions donc je n'ai pas

 25   insisté pour obtenir une réponse à cette question mais il s'agit d'une

 26   question importante. Il est important de savoir si les autres membres de la

 27   présidence étaient au courant de cela. De façon générale, je voudrais

 28   savoir s'il y avait au jour le jour une certaine coordination, une certaine

Page 29363

  1   coopération entre la présidence de Guerre et le cabinet du premier

  2   ministre, donc où travaillait le témoin, est-ce qu'il y avait une

  3   coopération sur ces questions importantes ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement non, il n'y avait pas de

  5   coordination au jour le jour. C'est très difficile d'habiter à Sarajevo,

  6   c'était le premier problème. Ensuite il y avait un autre problème, comme

  7   d'autres membres de la présidence, je participais aux négociations

  8   internationales sur la paix en Bosnie-Herzégovine et ceci de façon

  9   continue. Nous nous rendions à Zagreb, à Genève, à New York, à Washington,

 10   dans tous les endroits où les négociations se déroulaient, de sorte qu'il

 11   n'était pas possible de mettre en œuvre une telle communication. De sorte

 12   que nous, les Croates, nous avions proposé à l'époque que la présidence,

 13   conformément aux règles en vigueur en Bosnie-Herzégovine, quitte Sarajevo

 14   et déménage là où il a été possible de fonctionner vu les conditions de

 15   guerre. Il a été proposé qu'il se rende à Livno puisque depuis la JNA, il

 16   existait des conditions sûres de travail pour une présidence à Livno. M.

 17   Izetbegovic ne l'a pas accepté, tout comme il n'a pas accepté qu'il y ait

 18   des corridors ouverts entre Sarajevo et le reste du pays, le reste du monde

 19   alors que Sarajevo était complètement et parfaitement encerclée.

 20   Nous étions transportés jusqu'à l'aéroport dans des véhicules blindés

 21   de l'ONU, ensuite nous prenions des avions qui transportaient l'aide

 22   humanitaire. Mon adjoint, Hakija Turajlic, un Musulman, s'est fait tuer sur

 23   le chemin de l'aéroport, entre l'aéroport et Sarajevo, après avoir escorté

 24   le ministre des Affaires étrangères turc. Il a été tué dans un blindé de

 25   transport de troupes.

 26   Pendant la guerre, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 27   pendant la plupart du temps de la guerre à Sarajevo, nous n'avions ni eau

 28   ni de électricité. Nous n'avions pas de nourriture. Nous n'avions pas de

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  1   chauffage. Nous ne pouvions pas sortir devant chez nous, devant la maison.

  2   Les conditions de vie étaient très difficiles, tout simplement. Les gens

  3   enterraient leurs propres enfants devant leurs maisons.

  4   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Maître Karnavas, vous avez la parole.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

  7   Q.  Je souhaiterais maintenant enchaîner sur ce qui a été dit. Vous avez

  8   mentionné votre adjoint --

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous avez -- vous êtes pris par

 10   une émotion. Vous voulez qu'on s'arrête quelques instants ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je pense qu'on peut poursuivre.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation]

 13   Q.  Je suis désolé de revenir sur la question de votre adjoint, vous dites

 14   qu'il a trouvé la mort à bord d'un véhicule blindé. Il s'agissait de Hakija

 15   Turajlic. En fait, on l'a fait sortir de force du véhicule. Il était sous

 16   la protection des Nations Unies, et les Nations Unies en quelque sorte ont

 17   autorisé que l'on tue cet homme. Elles ne l'ont pas protégé comme elles

 18   auraient dû; n'est-ce pas

 19   vrai ?

 20   R.  Il a été tué au vu et au su des gens des Nations Unies, il y avait la

 21   FORPRONU. Il y avait les forces armées qui ont été contraintes à ouvrir le

 22   véhicule et il a été tué à bord du véhicule au vu et au su de tous. Je ne

 23   me trouvais pas à Sarajevo. Il me remplaçait à ce moment-là. Si j'étais à

 24   Sarajevo, peut-être aurais-je raccompagné ce ministre.

 25   Q.  A votre connaissance, qui a tué ce monsieur ?

 26   R.  Je ne l'ai jamais appris. C'était à un poste de contrôle qui se

 27   trouvait entre l'aéroport et la ville de Sarajevo. C'était un poste de

 28   contrôle tenu par l'armée serbe, et c'est là qu'il a été tué.

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  1   Q.  Revenons-en à la question qui a été posée par M. le Juge, car il s'agit

  2   d'un point assez important. Vous étiez membre de la présidence de Guerre et

  3   vous étiez premier ministre à l'époque; étiez-vous tenu d'obtenir l'aval de

  4   la présidence elle-même pour envoyer des lettres, comme vous l'avez fait,

  5   au rédacteur en chef du "New York Times" ?

  6   R.  Non. Cette lettre doit être comprise comme étant une interview à moi,

  7   dont je n'ai pas eu besoin de demander l'autorisation de la présidence,

  8   parce que le premier ministre n'a pas besoin d'une autorisation de la

  9   présidence pour accorder une interview à un journal. Je ne pouvais pas

 10   l'accorder au "New York Times", c'est pourquoi je leur ai envoyé une

 11   lettre.

 12   Q.  Je vous interromps de nouveau. M. Izetbegovic, qui était le président

 13   de la présidence, a-t-il eu des réunions, fait des déclarations, rédigé des

 14   articles ou des lettres à votre connaissance de la même manière, c'est-à-

 15   dire sans obtenir au préalable l'autorisation de la présidence ?

 16   R.  Oui, il communiquait régulièrement avec l'opinion publique du point de

 17   vue politique et du point de vue des relations avec le public. Et ça, ça

 18   devait être compris comme une relation avec les médias, ce n'est pas une

 19   intervention auprès des Nations Unies ou à un niveau international de haut

 20   niveau où il eut fallu recueillir l'opinion des autres, ça c'est une

 21   responsabilité propre et une évaluation de ma part. M. Izetbegovic, à

 22   l'occasion de ces rencontres internationales d'importance, est intervenu

 23   pratiquement en termes propres, en sa qualité de chef de l'Etat, parce

 24   qu'en sa qualité de président de la présidence son mandant avait déjà pris

 25   fin.

 26   Q.  Bien. Je souhaiterais parcourir rapidement les trois documents suivants

 27   : 1D 02906, qui se trouve dans le troisième classeur, document suivant pour

 28   vous, Monsieur le Témoin, ce document est intitulé : "Ministère chargé de

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  1   la coopération entre les républiques et les relations internationales."

  2   Deuxième page, Mostar, 18 novembre 1993. Reconnaissez-vous ce document ?

  3   R.  Oui, je le reconnais.

  4   Q.  Lorsque nous avons évoqué votre parcours, nous avons dit qu'à un moment

  5   donné vous étiez membre du gouvernement de la République croate d'Herceg-

  6   Bosna. Nous allons voir un document à ce sujet, si j'ai bien compris, à un

  7   moment donné vous avez été nommé ministre chargé des relations, de la

  8   coopération et des relations internationales; est-ce exact ?

  9   R.  Oui, exact.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, votre langue a fourché,

 11   vous parlez du mot "interrelations", en anglais.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, en fait, je voulais parler de la

 13   coopération entre les républiques.

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Cela se trouve à la ligne 13 --

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous présente mes excuses.

 16   Q.  Ce document, de quoi s'agit-il, si vous vous en souvenez ?

 17   R.  Après la création de la République croate d'Herceg-Bosna et de son

 18   gouvernement à l'occasion des négociations internationales, en application

 19   de ce qui est convenu d'appeler le plan Owen- Stoltenberg, conformément à

 20   ce plan il y a eu création de cette République croate d'Herceg-Bosna qui a

 21   disposé de ministères à soi. L'un des ces ministères était le ministère de

 22   la coopération interrépublicaine, c'est-à-dire entre les trois républiques

 23   de la Bosnie-Herzégovine, et l'autre c'était les relations internationales

 24   du point de vue de négociations internationales. 

 25   Ce document signifie en termes pratiques qu'il s'agit d'un programme

 26   de fonctionnement dudit ministère dans le cadre du gouvernement. Comme on

 27   peut le voir, il s'agit d'un ministère de coopération entre républiques et

 28   non pas le ministère des Affaires étrangères, ce qui démontre que la

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  1   République croate d'Herceg-Bosna n'était pas un Etat mais une république au

  2   sein d'un Etat souverain, et en vertu de ce plan concerté au niveau

  3   international, c'était censé être l'une des unités constitutives de cette

  4   Bosnie-Herzégovine.

  5   Q.  Merci.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Document suivant, 1D 01958. Il se trouve

  7   dans le premier classeur, Messieurs les Juges. Vous verrez qu'en haut de la

  8   page, nous voyons un numéro, 115, et au bas nous voyons le numéro 1. J'ai

  9   expliqué qu'il devait y avoir une modification de la traduction dans ce

 10   document, il faut lire "ministère chargé de la coopération entre les

 11   républiques" et non pas "adressé au ministère chargé de la coopération

 12   entre les républiques".

 13   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce document, Monsieur ?

 14   R.  Oui, je le reconnais.

 15   Q.  Fort bien. Il semblerait - et j'ai de bonnes raisons pour le croire -

 16   mais apparemment ceci s'inscrit dans un document qui est plus long. Est-ce

 17   que vous vous souvenez du moment où ce document a été produit ?

 18   R.  Il a été rédigé dès l'époque où ce ministère avait fonctionné, où ce

 19   ministère avait existé, et à l'époque où ce ministère présentait des

 20   rapports relatifs à ses activités. Comme tout gouvernement, ce

 21   gouvernement-ci, celui d'Herceg-Bosna, demandait des rapports pour

 22   déterminer si tout se faisait conformément aux dispositions réglementaires.

 23   Q.  Très bien. Merci.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Document suivant, 1D 02871. Excusez-moi,

 25   Messieurs les Juges, ça se trouve dans le troisième classeur. Là, je vais

 26   un peu vite, mais nous avons beaucoup de documents à examiner,

 27   malheureusement. C'est plus une question d'intendance qui se pose ici. 1D

 28   02871.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, je dois quand même

  2   intervenir pour revenir au document précédent.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] D'accord.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Quelle était la date ?

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Mais c'est le problème qui se posait,

  6   j'avais demandé la date au témoin --

  7   Q.  Est-ce que vous connaissez au moins l'année ? Nous savons qu'en 1993

  8   vous avez été nommé ministre des relations entre les républiques; c'est

  9   bien cela, n'est-ce pas ?

 10   R.  Je n'ai pas la date ici, je ne sais pas vous la confirmer pour sûr,

 11   mais il me semble que ça date du début 1994.

 12   Q.  Document suivant, 1D 02871. Nous le voyons, il porte la date du 16

 13   février 1994, décision portant proclamation des membres du conseil

 14   présidentiel. Prenons le neuvième nom, nous voyons au regard de ce chiffre,

 15   votre nom, et nous voyons Jadranko Prlic, au numéro 6.

 16   Nous allons revenir à ça plus tard, mais dites-nous très rapidement ce

 17   qu'était le Conseil présidentiel de la République croate d'Herceg-Bosna.

 18   R.  Certes. Ce conseil présidentiel avait deux stades. D'abord, il y avait

 19   eu Mate Boban à la tête de ce conseil, ensuite la phase 2, c'est après son

 20   départ. Lorsque ce conseil présidentiel a repris les fonctions de la

 21   présidence collégiale de la République croate d'Herceg-Bosna. Et dans le

 22   cas concret ici, c'était sa composition initiale. Il y en a eu deux.

 23   Q.  Nous allons prendre un autre jeu de documents qui vous concernent eux

 24   aussi mais qui portent sur la période où vous avez participé à certaines

 25   négociations. Monsieur, calmez-vous, c'est le document qui se trouve juste

 26   après celui qu'on vient de voir. Il porte le numéro 1D 02308.

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Premier classeur, Messieurs les Juges.

 28   Q.  Parcourez-le, s'il vous plaît, le 2 février 1993, document envoyé

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  1   à la mission permanente de la République de Bosnie-Herzégovine. On voit du

  2   bas du document votre nom, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, c'est exact.

  4   Q.  On dit que vous alliez assisté à une réunion du Conseil de sécurité au

  5   cours de laquelle sera évoquée la structure politique de la Bosnie-

  6   Herzégovine.

  7   Est-ce que vous vous êtes rendu à New York ?

  8   R.  Oui, je suis allé à New York.

  9   Q.  Bien. Document suivant.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Je m'excuse, Maître Karnavas, parce que je découvre

 11   qu'au Conseil de sécurité, il va y avoir donc une réunion où le premier

 12   ministre se rend et, par ailleurs, dans la délégation, il y a Mate Boban

 13   qui est présent.

 14   Alors, Monsieur, est-ce que vous vous souvenez de - je découvre au

 15   travers de ce document, mais comme tout est très complexe, on apprend tous

 16   les jours - il y a donc eu une réunion du Conseil de sécurité. Vous, en

 17   qualité de premier ministre, vous deviez être présent, mais est-ce que M.

 18   Mate Boban était dans la délégation de la Bosnie-Herzégovine ? Est-ce qu'il

 19   était sur un fauteuil à côté de vous ou pas ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Hélas, je n'étais pas présent à cette réunion

 21   du Conseil de sécurité, j'aurais dû y être. Dans le bâtiment du Conseil de

 22   sécurité, il y a eu des négociations, des pourparlers au plan international

 23   sous l'égide de la conférence internationale. 

 24   M. Boban était reconnu à cet effet comme étant le chef de la

 25   délégation de l'une des trois parties prenantes aux négociations. Donc il y

 26   a eu trois parties en présence de reconnues : la partie croate, la partie

 27   musulmane et la partie serbe. Les délégations étaient dirigées par Mate

 28   Boban pour la délégation croate, Radovan Karadzic pour la délégation serbe,

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  1   et Alija Izetbegovic pour la délégation musulmane. Il y a souvent eu des

  2   façons de traiter les délégations, par exemple, celle d'Izetbegovic comme

  3   étant celle du gouvernement. Or, Izetbegovic n'était qu'à la tête de l'un

  4   des peuples constitutifs de la Bosnie-Herzégovine. Au Conseil de sécurité,

  5   j'étais censé intervenir, mais je n'ai pas pris la parole parce que l'on a

  6   contesté la chose.

  7   On ne m'a jamais expliqué pourquoi d'ailleurs. Je pense que c'est M.

  8   Silajdzic qui est intervenu en sa qualité de ministre des Affaires

  9   étrangères.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous n'avez pas pu, vous, intervenir ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas pu intervenir, mais j'ai été reçu

 12   par le secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros-Ghali, qui m'a reçu

 13   en présence de Lord Owen et de Cyrus Vance, et c'était une réunion

 14   officielle au palais des Nations Unies que j'ai présenté mes points de vue

 15   et les points de vue de mon gouvernement et de mon peuple pour ce qui est

 16   de l'aménagement futur à mettre en place en Bosnie-Herzégovine. M. Boutros-

 17   Ghali a compris la chose et il s'y référait dans son livre intitulé, "Saga

 18   US-UN."

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci. J'espère que nous allons poser des

 21   questions qui vont davantage éclairer ce déplacement.

 22   Prenons le document suivant, 1D 02891, 2891. Troisième classeur, Messieurs

 23   les Juges. C'est le document qui se trouve juste après ce dernier document,

 24   et je vois ici "Itinéraire, M. Mile Akmadzic, premier ministre."

 25   Q.  C'est bien vous, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  C'est l'itinéraire qui était prévu pour vous le 5 février 1993, nous le

 28   voyons de nos propres yeux. Vous étiez censé rencontrer plusieurs

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  1   personnalités ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce que vous les avez rencontrées en tant que membre de la

  4   délégation croate ou plutôt en tant que premier ministre de la Bosnie-

  5   Herzégovine ? Et du fait du poste que vous occupiez, vous étiez aussi

  6   membre de la présidence de Guerre de Bosnie-Herzégovine ?

  7   R.  Je dirais l'un et l'autre, parce que dans ce cas concret, il est

  8   difficile de dissocier les choses. Il s'agissait ici de représentants des

  9   pays membres du Conseil de sécurité à l'époque qui étaient là.

 10   Q.  Mais je suppose que la question précise que je vous pose c'est de

 11   savoir si vous étiez là en qualité de premier ministre de Bosnie-

 12   Herzégovine ou si vous étiez là en tant que Croate représentant le peuple

 13   croate, les Croates de Bosnie-Herzégovine, ou en qualité de ces deux

 14   fonctions ?

 15   R.  Je dirais que j'étais là-bas dans les deux qualités, l'une n'excluant

 16   pas l'autre.

 17   Q.  D'accord. Nous avons aussi votre itinéraire pour le 10 février 1993,

 18   journée au cours de laquelle vous deviez rencontrer plusieurs ambassadeurs.

 19   Prenons le document suivant, 1D 02890.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Peut-être que vous alliez aborder le problème,

 21   je ne sais pas. Ce document où on voit votre planning de rencontres. Et je

 22   vois que vous alliez même rencontrer l'ambassadeur représentant de la

 23   France, de la Chine, de la Russie, donc vous voyez tous -- enfin, tous les

 24   membres permanents. Mais le plus intéressant - c'est la première page du

 25   document - vous êtes accompagné, semble-t-il, de M. Mate Boban.

 26   Regardez la première page. Et alors, ma question : est-ce que Mate

 27   Boban vous a accompagné pendant toutes ces visites avec tout le monde ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Et pourquoi ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu deux raisons à cela. L'une, c'est

  3   que Mate Boban n'avait pas de fonction officielle pour discuter aux Nations

  4   Unies avec les ambassadeurs des pays membres. Deuxième volet, c'est que

  5   c'était une période entre deux négociations ou une période de plusieurs

  6   journées où il y a eu interruption des négociations et où nous nous

  7   attendions à ce qu'il y ait une continuation. Mate Boban était parti pour

  8   avoir des négociations en Europe et je crois qu'il a été reçu en Allemagne

  9   pour des pourparlers à certains niveaux. C'est du moins l'information qu'il

 10   m'a transmise.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation]

 12   Q.  Vous parlez de moments entre les pourparlers et vous parlez des

 13   négociations qui avaient commencé et se poursuivaient avec M. Cyrus Vance

 14   et Lord Owen; c'est cela ?

 15   R.  Oui, justement.

 16   Q.  Bien. Document suivant, 1D 02890. Il semblerait que ce soit un

 17   communiqué de presse. Troisième classeur, Messieurs les Juges. La date est

 18   celle du 8 février 1993. Et ceci nous dit pratiquement ce que vous faisiez

 19   à ce moment-là. 

 20   Le troisième paragraphe à partir de la fin, vous dites : "En sa

 21   qualité de membre de la délégation croate de la République de Bosnie-

 22   Herzégovine, M. Akmadzic a déclaré que les Croates avaient accepté le plan

 23   Vance-Owen comme étant un compromis pénible, que toutes les trois parties

 24   devaient accepter, car c'était le seul espoir réaliste de mettre fin à un

 25   bain de sang."

 26   Est-ce que c'est une déclaration exacte ?

 27   R.  Cette déclaration est exacte, ça se rapporte au 8 février, date à

 28   laquelle j'ai été reçu par M. Boutros-Ghali.

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  1   Q.  Document suivant, 1D 02888, rapport ou lettre du Conseil de sécurité --

  2   non. Non, c'est une lettre adressée au Conseil de sécurité. Troisième

  3   classeur, Messieurs les Juges. 1D 02888. C'est le document suivant pour

  4   vous, Monsieur le Témoin. 

  5   Nous le voyons, c'est votre lettre que M. Sacirbey remet. Il était le

  6   représentant permanent de Bosnie-Herzégovine à l'époque à New York. Page

  7   suivante.

  8   Voici ce que vous dites au deuxième paragraphe :

  9   "Les Croates de Bosnie font aussi partie du gouvernement de la

 10   République de Bosnie-Herzégovine. Le gouvernement bosniaque ne saurait être

 11   uniquement synonyme des Musulmans de Bosnie."

 12   Vous poursuivez en disant ceci : "Lorsqu'on pense à la façon de régler la

 13   politique interne de la République de Bosnie-Herzégovine, il nous faut

 14   reconnaître trois éléments constitutifs différents…"

 15   Au tout dernier paragraphe, vous dites ceci : "Il serait erroné et injuste

 16   à l'égard des Croates de Bosnie-Herzégovine de dire que le côté du

 17   gouvernement de Bosnie, dans vos rapports, fait uniquement -- quand on dit

 18   'gouvernement de Bosnie,' on fait uniquement référence aux Musulmans de

 19   Bosnie."

 20   Est-ce que vous pourriez nous expliciter ceci de façon à ce que nous

 21   comprenions mieux ?

 22   R.  Nous avons eu de grosses difficultés et on en a toujours eu à ce

 23   moment-là. Pour ce qui est de dire que la Bosnie ce n'était pas que la

 24   Bosnie mais que c'était la Bosnie et Herzégovine. Et parler de Croates,

 25   Serbes ou Musulmans de Bosnie n'est pas une bonne façon de s'exprimer parce

 26   qu'il y a aussi l'Herzégovine.

 27   Deuxièmement, la communauté internationale telle qu'on la qualifiait, telle

 28   qu'on l'entendait à une bonne partie de ces négociations, acceptait

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  1   Izetbegovic comme président de la présidence des trois peuples en présence,

  2   et elle considérait comme étant ce type de représentants-là aux

  3   négociations indépendamment du fait que nous ayons déjà eu une décision

  4   émanant de la présidence disant que lorsque nous nous entretenions avec un

  5   Etat étranger, il nous appartenait de désigner une délégation

  6   représentative des trois peuples. Et lorsque nous avions des pourparlers

  7   internes, à savoir des pourparlers relatifs à l'aménagement intérieur de la

  8   Bosnie-Herzégovine, indépendamment de la présidence du coprésident de la

  9   conférence de paix ou de qui que ce soit d'autre, les négociations avaient

 10   eu lieu entre trois peuples, parce qu'il s'agissait de leur Etat à eux et

 11   ces trois peuples étaient sur pied d'égalité. 

 12   C'est donc d'une certaine façon mon mécontentement que je suis en

 13   train d'exprimer en demandant, en priant à ce que les représentants croates

 14   qui le sont toujours et qui ont l'intention de l'être, d'être membres de ce

 15   gouvernement et de la présidence de Bosnie-Herzégovine soient traités de la

 16   même façon que les représentants musulmans. Ici je ne parle pas des

 17   représentants serbes, puisque eux avaient quitté la présidence et le

 18   gouvernement, enfin, du moins ceux qui avaient été élus à des élections.

 19   Q.  Permettez-moi de vous interrompre, car nous allons voir d'autres

 20   documents qui feront peut-être davantage la lumière sur cette question-ci

 21   aussi. 

 22   Document suivant, parce que ça s'imbrique avec le document précédent,

 23   il s'agit du document 1D02889. C'est la lettre officielle qui était envoyée

 24   et qui renvoie au document précédent, document sur lequel on trouve votre

 25   signature, Monsieur, n'est-ce pas, celui que je suis en train de vous

 26   montrer le 2889 ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Parfait. Document d'après, 1D 02848. 2848. Troisième classeur. Cette

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  1   lettre porte la date du 24 février. Deuxième page on y voit votre nom;

  2   c'est votre signature, Monsieur ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Lettre qui est adressée au sénateur Biden. Il était à l'époque

  5   président du sous-comité chargé des affaires européennes faisant partie du

  6   comité au sénat des Affaires étrangères. Un sénateur bien connu. 

  7   Vous semblez lui envoyer une lettre, celle-ci dont je vais lire

  8   certains passages. Fin de la première phrase :

  9   "Je veux vous informer que la déposition de M. Silajdzic en tant que

 10   telle ne représente pas totalement la position du gouvernement de Bosnie-

 11   Herzégovine."

 12   Vous dites que :

 13   "Cette position a été établie dans le programme de novembre par

 14   consensus au gouvernement et la présidence qui faisait office de Parlement.

 15   Ce programme montre que le gouvernement soutient pleinement la conférence

 16   internationale sur l'ex-Yougoslavie, les coprésidents du comité directeur,

 17   MM. Vance et Owen, et leur volonté de trouver par la négociation une

 18   solution à la crise de Bosnie-Herzégovine. Nous cherchons à parvenir à une

 19   paix équitable par ce processus. A notre avis, une paix équitable inclut

 20   premièrement le retour de tous les réfugiés et personnes déplacées qui

 21   veulent rentrer chez elles, l'établissement d'un tribunal pénal

 22   international chargé de traduire en justice ceux qui sont accusés de crimes

 23   de guerre. Troisièmement, la non-reconnaissance de modifications obtenues

 24   par l'agression dont le nettoyage ethnique, et quatrièmement, paiement de

 25   dommages et intérêts à ceux qui ont subi des préjudices du fait de la

 26   guerre.

 27   Vous dites ensuite : 

 28   "Le gouvernement a également décidé que la Bosnie-Herzégovine ne peut

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  1   pas être organisée politiquement en tant qu'Etat décentralisé. Les

  2   propositions concernant l'établissement de provinces constituent une

  3   solution acceptable pour autant que ce ne soit pas basé sur des principes

  4   ethniques mais plutôt sur un mélange de principes ethniques, géographiques,

  5   historiques, économiques et autres obtenus par la négociation. Notre

  6   programme inclut une égalité totale pour les trois peuples de Bosnie-

  7   Herzégovine, les Croates, les Musulmans et les Serbes, comme ils sont

  8   reconnus en tant que tels par la constitution de la République de Bosnie-

  9   Herzégovine."

 10   Là je saute quelques passages. Deuxième paragraphe de la deuxième page. "Je

 11   vous demande dès lors de garder à l'esprit ce qu'a dit M. Silajdzic de

 12   l'état actuel des pourparlers Vance-Owen, et de l'histoire nationale de

 13   Bosnie-Herzégovine est typique de ce que pensent certains membres musulmans

 14   du gouvernement, mais pas ce que pense le gouvernement dans sa totalité."

 15   Dernière phrase du paragraphe suivant, parce que le reste on peut le lire

 16   après.

 17   "Tout comme M. Silajdzic, M. Izetbegovic ne parle pas au nom de la

 18   totalité de la présidence lorsqu'il parle de l'état actuel des pourparlers

 19   Vance-Owen, il parle uniquement en tant qu'un des membres musulmans de la

 20   présidence."

 21   Pourriez-vous nous expliquer ce que vous essayez de dire ici au sénateur

 22   Biden par cette lettre ? Essayez d'être concis, car j'ai d'autres documents

 23   qui se rapportent à la même question.

 24   R.  C'est à peu près comme cela est indiqué dans cette lettre. Avec la

 25   réunion de ces pays membres du Conseil de sécurité, j'avais également

 26   insisté sur la création d'un tribunal pénal international pour les crimes

 27   de guerre. M. Silajdzic est allé à ces entretiens et il a été reçu par M.

 28   Biden sans que je le sache et je me trouvais à New York où j'ai d'ailleurs

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  1   rédigé cette lettre. Du point de vue politique et du point de vue

  2   protocolaire c'était chose très incorrecte que de le faire. 

  3   Troisièmement, sur ce rapport, pour ce qui est des conversations de

  4   M. Silajdzic, ils ont appelé cela témoignage de M. Silajdzic, "testimonez"

  5   [phon], à Washington et son témoignage dénotait de nos positions conjointes

  6   et de notre plateforme adoptée au sein de la présidence de Bosnie-

  7   Herzégovine.

  8   Je voulais par là attirer l'attention du sénateur Biden sur les

  9   circonstances politiques de la Bosnie-Herzégovine telles qu'elles sont

 10   décrites ici. J'ai demandé un traitement sur un pied d'égalité des trois

 11   peuples en présence au sein de la Bosnie-Herzégovine.

 12   Q.  Permettez-moi de vous interrompre. A ce stade des négociations,

 13   Silajdzic et Izetbegovic, est-ce qu'ils sont d'accord avec le plan Vance-

 14   Owen, ou est-ce qu'ils ont leur propre programme ?

 15   R.  Justement à cette époque-là à New York, au bâtiment des Nations Unies,

 16   nous étions en train de discuter du plan Vance-Owen. M Izetbegovic et M.

 17   Karadzic, début janvier à Genève avaient signé ce qu'on a qualifié de

 18   principes et avaient en principe accepté le volet militaire. Il restait à

 19   convenir des provinces et des frontières de ces provinces et de convenir

 20   d'un gouvernement par intérim, à savoir un gouvernement intermédiaire, nous

 21   étions donc en phase de négociations. 

 22   Il n'en demeure pas moins que M. Izetbegovic a fait de son mieux pour

 23   reporter à plus tard la mise en œuvre de ce plan qu'ils ont fini par

 24   accepter mais qu'ils n'ont jamais réalisé.

 25   Q.  Je vous arrête. En ce qui concerne M. Silajdzic, il a comparu devant ce

 26   sous-comité, et d'après ce que vous avez appris, en quoi ce qu'il a dit

 27   n'était-il pas conforme avec la position que défendait la présidence ou la

 28   présidence de Guerre ?

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  1   R.  Les rapports que j'ai reçus montraient bien qu'il n'acceptait pas le

  2   plan de négociations, qu'il continue à insister sur une Bosnie-Herzégovine

  3   unitaire, et cette Bosnie-Herzégovine unitaire correspondait à ce qu'ils

  4   disaient, lui et M. Izetbegovic, un homme, une voix. Et dans une telle

  5   situation, la population musulmane qui était majoritaire devait avoir plus

  6   de votes que les Serbes et les Croates, et c'est l'une des raisons pour

  7   lesquelles la Yougoslavie s'est dissoute.

  8   Q.  Très bien. Document suivant, 1D 02847; 1D 02847.

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas, il y a

 10   une phrase que je voudrais présenter au témoin pour qu'il la commente,

 11   lignes 16 à 18, page 61, vous avez dit ceci : "M. Izetbegovic a fait tout

 12   ce qui était en son pouvoir pour reporter l'adoption de cet accord." Je

 13   pense qu'on parlait alors du plan Vance-Owen, et finalement, il a été

 14   obligé de l'accepter, mais il ne l'a jamais respecté. 

 15   Vous dites qu'il a été forcé de l'accepter, qu'est-ce que vous voulez

 16   dire par là ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'était pas forcé physiquement, mais les

 18   négociations se déroulaient de telle façon qu'il avait accepté le plan

 19   signé le 25 mars à New York, alors que même à l'époque il a dit quelles

 20   étaient les conditions, il a dit : voici, ce sont mes conditions. Donc il a

 21   accepté le plan, mais avec des condition. Ensuite, il n'a jamais permis à

 22   ce que ce plan soit réalisé et mis en œuvre.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur, je suppose que vous êtes

 24   au courant de la différence entre la signature d'un traité international et

 25   sa ratification. Ai-je raison de supposer cela, vous savez pertinemment

 26   cela, n'est-ce pas ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Bien sûr, je ne suis pas surpris. Je

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  1   suis désolé de vous poser une question qui peut vous paraître bête, mais

  2   j'ai appris des parties que l'on peut poser ce genre de question.

  3   Est-ce que M. Izetbegovic a jamais ratifié -- est-ce que les

  4   Musulmans ont jamais ratifié le plan Vance-Owen ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est difficile de parler de ratification par

  6   le Parlement dans le sens classique du terme, parce qu'à l'époque il n'y

  7   avait pas de Parlement. Mais le plan Vance-Owen a été accepté par la

  8   présidence de Guerre comme une solution possible à la guerre en Bosnie-

  9   Herzégovine. 

 10   Le troisième parti aux négociations, le parti serbe, a refusé de

 11   signer ce plan à New York. Ils ont accepté les principes, si mes souvenirs

 12   sont exacts, ils ont accepté qu'il y ait des provinces, mais ils n'ont pas

 13   accepté ce gouvernement temporaire.

 14   Il y a eu des "pressions" de la communauté internationale, et à cause

 15   de cela, ils ont signé le plan dans sa totalité le 2 mai à Athènes, mais à

 16   condition que leur Parlement accepte le plan. Leur Parlement s'est réuni

 17   quelques jours plus tard à Pale, c'est dans la région de Sarajevo. D'après

 18   les informations dont nous disposons, ce Parlement avait rejeté le plan en

 19   expliquant que ceci ne pouvait pas être ratifié que par le biais d'un

 20   référendum.

 21   Nous avons demandé que les côtés musulman et croate continuent à

 22   mettre en œuvre ce plan même s'il a été refusé par le troisième parti dans

 23   la mesure du possible. Mais il n'y a jamais eu de véritable mise en œuvre

 24   de ce plan.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je dois insister quelque peu. Je ne

 26   sais si vous êtes juriste de formation -- je suis juriste moi-même, bien

 27   sûr.

 28   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ne m'en voulez pas si je coupe les

  2   cheveux en quatre. Vous dites que "cela n'avait jamais été respecté", mais

  3   du point de vue du droit, Izetbegovic était-il tenu du point de vue du

  4   droit de respecter ce plan ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois essayer de vous expliquer. Au moment

  6   de la cérémonie solennelle de la signature du plan, dans le bâtiment des

  7   Nations Unies à New York, les représentants des trois partis étaient

  8   présents. Les Croates ont tout signé. Les Musulmans ont tout signé tout en

  9   communiquant un document au co-président, ce document concernait surtout le

 10   troisième parti, les Serbes, où ils demandaient que l'on remplisse

 11   certaines conditions militaires, mais je ne suis pas expert en la matière.

 12   Les Serbes, comme je l'ai dit, avaient refusé de signer le plan à

 13   l'époque, mais ils avaient signé un accord de principe à Genève auparavant,

 14   je vous l'ai déjà dit aussi.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup. Excusez-moi, Maître

 16   Karnavas, vous avez la parole de nouveau.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation]

 18   Q.  Permettez-moi d'enchaîner là-dessus. Monsieur, détendez-vous. Ne vous

 19   inquiétez pas, buvez un verre d'eau.

 20   A un moment donné vous avez dit que Karadzic a signé à Athènes, mais qu'il

 21   a renvoyé la question devant le Parlement de la Republika Srpska qui a voté

 22   de façon négative. C'est ce que vous avez dit un peu plus tôt.

 23   R.  Je me base sur les rapports que j'ai reçus. Malheureusement, je n'étais

 24   pas à Athènes, mais je pense que ceci n'est pas contesté.

 25   Q.  Il y a un instant vous nous avez dit que Karadzic, bien qu'il ait signé

 26   ce document, a renvoyé la question devant le Parlement à Pale, c'est là

 27   qu'il se trouvait à l'époque, et il y a eu un vote; est-ce exact ?

 28   R.  [aucune interprétation]

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  1   Q.  Pour les trois territoires qui ne faisaient pas partie de la

  2   Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine, il n'y avait pas d'assemblée, il y

  3   avait une présidence de Guerre, n'est-ce pas ?

  4   R.  C'est exact, oui.

  5   Q.  Nous avons entendu des témoignages, et corrigez-moi si je me trompe,

  6   selon lesquels la présidence de Guerre en quelque sorte assumait les

  7   pouvoirs de l'assemblée ?

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Bien. Donc au vu de la question posée par M. le Juge, il semblerait que

 10   si le président de la présidence avait signé au nom de la Bosnie-

 11   Herzégovine, il aurait fallu qu'à un moment donné la présidence elle-même

 12   approuve le texte, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Vous souvenez-vous si le plan de paix, ou l'un des plans de paix Vance-

 15   Owen, a été présenté devant la présidence, a-t-il été prévu à quelque

 16   moment que ce soit que la présidence l'examine ?

 17   R.  Je ne me souviens pas qu'on l'ait exposé dans son intégralité.

 18   Q.  Pendant les pourparlers de paix auxquels vous avez participé, et nous

 19   avons entendu des témoignages à cet égard par le passé, est-ce que vous

 20   pouvez nous dire si les négociateurs, puisqu'ils traitaient de trois

 21   nations différentes, la nation croate, la nation musulmane et la nation

 22   serbe, qui faisaient toutes parties de la Bosnie-Herzégovine, qui étaient

 23   leurs homologues ? Il y a Owen et qui devait négocier cet accord entre les

 24   trois nations ?

 25   R.  C'était les représentants des trois peuples. Nous avions trois salles

 26   séparées à Genève. D'un côté, vous aviez Izetbegovic --

 27   Q.  Bien. Poursuivez, je vous en prie.

 28   R.  Le deuxième, Karadzic et le troisième, Boban. Puisqu'on n'arrivait pas

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  1   à se mettre d'accord sur les noms des trois parties, Lord Owen et Vance et

  2   Stoltenberg, cela dépendait de la période, ils ont décidé de couvrir cela

  3   avec les représentants des trois peuples en leur donnant trois noms, en

  4   utilisant les trois noms des trois représentants.

  5   Q.  Nous allons y venir et nous allons voir des documents à ce sujet, mais

  6   il semble au vu de votre lettre que, s'agissant d'Izetbegovic, on le

  7   considère comme le représentant de la Bosnie-Herzégovine et non pas de la

  8   nation musulmane ou du peuple musulman. Est-ce là l'un des objets de vos

  9   griefs ?

 10   R.  Oui, absolument.

 11   Q.  Nous reviendrons sur la question plus tard. Document suivant, 1D 02847,

 12   il s'agit d'une déclaration du sénateur Biden -- troisième classeur. Nous,

 13   les Américains, le connaissons bien, il s'agissait d'un sénateur très

 14   loquace et dès le premier paragraphe nous lisons ce qui suit : 

 15   "Il y a une semaine, le sous-comité chargé des affaires européennes a

 16   tenu une audition qui a duré toute une journée à propos de la politique

 17   américaine en Bosnie. Ce jour-là, le sous-comité a rencontré le ministre

 18   des Affaires étrangères de la Bosnie, le Dr Haris Silajdzic, en partie à

 19   titre privé et en partie dans le cadre d'une réunion publique."

 20   Arrêtons-nous un instant. A ce stade, vous trouviez-vous aux Etats-Unis,

 21   avez-vous rencontré le sénateur Biden ? Vous étiez premier ministre et

 22   Silajdzic était membre de votre gouvernement.

 23   R.  J'étais à New York. Les négociations étaient en cours, et le sénateur

 24   Biden pouvait savoir que j'étais à New York, bien sûr, et que j'étais le

 25   premier ministre.

 26   Q.  M. Siladzic, le Dr Siladzic, vous a-t-il jamais dit de quoi il avait

 27   parlé avec le sénateur Biden à titre privé ? Est-ce qu'il vous l'a dit ? M.

 28   Silajdzic a-t-il jamais informé la présidence, la présidence de Guerre ou

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  1   vous, en tant que premier ministre, de l'objet de ces discussions ?

  2   R.  Il ne m'en a pas informé, mais j'ai reçu un rapport de ces

  3   négociations, un procès-verbal, et j'ai entendu dire que M. Siladzic avait

  4   des liens profonds et sentimentaux dans le cabinet de M. Biden, mais je ne

  5   saurais confirmer cela.

  6   Q.  Vous parlez de sa ou son secrétaire ?

  7   R.  [aucune interprétation]

  8   Q.  Troisième paragraphe, on peut lire :

  9   "Hier, j'ai reçu une lettre du premier ministre de la Bosnie, M. Mile

 10   Akmadzic, membre croate de Bosnie de la présidence bosniaque. La lettre de

 11   M. Akmadzic, que j'ajoute au dossier des procédures tenues jeudi dernier,

 12   était de confirmer que ni le président Izetbegovic ni le ministre des

 13   Affaires étrangères Silajdzic n'était habilité à s'exprimer au nom de la

 14   présidence de Bosnie."

 15   C'est la lettre que nous venons de voir, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, s'il ne respectait pas la plateforme.

 17   Q.  Bien. Puis le texte se poursuit : "Il est impossible de voir tout ce

 18   qui peut se trouver derrière cette lettre." En d'autres termes, on met en

 19   doute les motifs.

 20   "Mais il n'est pas difficile de se rendre compte de l'un des effets

 21   possibles, qui est de saper la crédibilité du gouvernement dont fait partie

 22   M. Akmadzic et de renforcer l'impression que le problème bosniaque revient

 23   à une guerre civile entre trois parties qui sont aussi responsables les

 24   unes que les autres des factions divisées sans espoir de trouver un

 25   compromis…" et ainsi de suite.

 26   Est-ce que c'est Siladzic qui contestait ce qui était dit ?

 27   R.  [aucune interprétation]

 28   [problème technique]

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  1   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, je soulève une objection quant à

  2   la formulation de la question.

  3   Je demande à la sténotypiste de me signaler quand elle sera prête. 

  4   La question est directrice, cela dure depuis quelque temps, mais là je

  5   soulève une objection.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, reprenez.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

  8   Q.  M. Akmadzic, est-ce que l'objet de votre lettre était de saper la

  9   crédibilité du gouvernement et de renforcer l'impression qu'il y avait une

 10   guerre civile entre trois parties ?

 11   M. SCOTT : [interprétation] La question est encore directrice.

 12   C'est Me Karnavas qui témoigne à la place du témoin.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous induisez la réponse, là, Maître Karnavas.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien. Je vais reformuler ma question.

 15   Q.  Nous voyons la réponse du sénateur Biden. Est-ce que vous pourriez

 16   faire des commentaires sur sa réponse pour ce qui est de la crédibilité de

 17   la réponse et de la manière dont ce monsieur a compris votre lettre ?

 18   M. SCOTT : [interprétation] Est-ce que l'on peut donner des instructions au

 19   témoin sur ce qu'il doit dire ?

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Non, c'est une question ouverte. J'utilise

 21   la même technique que M. Scott, apparemment ce témoignage lèse

 22   l'Accusation, mais c'est la même technique que l'Accusation.

 23   M. SCOTT : [interprétation] Non, ce n'est pas du tout la même technique que

 24   moi, et si je l'ai fait, c'était dans le cadre d'un contre-interrogatoire

 25   et non pas lors d'un interrogatoire principal. Et pour que les choses

 26   soient claires, ça ne porte pas atteinte à la thèse de l'Accusation du

 27   tout, c'est amusant, mais cela ne nous conduit nulle part.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, Maître Karnavas. Au début, à la ligne 3

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  1   de la page 69, vous avez dit -- vous, vous voyez la réponse du sénateur

  2   Biden. Pouvez-vous apporter un commentaire ? Et puis laissez-le répondre.

  3   Ça sera suffisant.

  4   Bien. Alors, Monsieur le Témoin.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] -- a déjà vu ma lettre. Moi, j'ai prêté un

  6   serment, et là, je répète ce que j'ai dit. Mon objectif et l'objectif de

  7   mes collaborateurs était de renforcer le gouvernement de Bosnie-Herzégovine

  8   et pas de diminuer l'importance de ce gouvernement. Parce que quand on fait

  9   cela et ceux qui ont fait cela, ce sont ceux qui se sont appropriés une

 10   fonction qui ne leur appartenait pas. M. Izetbegovic l'a fait quand son

 11   mandat a pris fin, quand il n'a pas donné les pouvoirs à un Croate à qui

 12   c'était le tour de prendre le pouvoir selon la constitution et les règles

 13   en vigueur. Moi, à aucun moment dans la lettre, je n'ai dit qu'il s'agit

 14   seulement d'une guerre civile en Bosnie-Herzégovine.

 15   J'ai toujours dit qu'il s'agissait là, avant tout, d'une agression,

 16   et d'ailleurs ici, je vous ai donné la définition de la présidence - pas la

 17   mienne - de cette guerre. J'ai donné mon point de vue, à savoir que c'est

 18   cette agression-là qui a provoqué la guerre entre les Musulmans et les

 19   Croates. Le sénateur Biden ne l'a, de toute évidence, pas compris, et

 20   d'ailleurs il ne s'est jamais entretenu avec moi. Il ne m'a jamais appelé

 21   pour que l'on en parle.

 22   Q.  Très bien. Je ne vais pas m'appesantir sur cette lettre. Examinons le

 23   document 1D 02849, qui se trouve dans le troisième classeur, puis ensuite

 24   nous examinerons le document suivant, 1D 02851.

 25   Mais parlons d'abord du document 1D 02849. Nous sommes le 28 février 1993.

 26   Cette lettre est adressée au sénateur Biden. Vous en êtes l'auteur. A la

 27   page 2, vous essayez de lui expliquer l'objet de votre lettre.

 28   Manifestement, vous n'avez pas vu sa déclaration intitulée : "Une question

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  1   concernant le gouvernement bosniaque."

  2   Au paragraphe 2, vous dites : "L'objet de ma lettre était de vous informer

  3   de la position du gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine

  4   s'agissant des pourparlers de Paix Vance-Owen que l'on confond souvent avec

  5   la position des éléments musulmans au sein du gouvernement."

  6   Arrêtons-nous un instant. A ce stade, quelle était la position des

  7   Musulmans concernant le plan de Paix Vance-Owen ?

  8   R.  J'en ai déjà parlé. La position du gouvernement musulman, pas seulement

  9   par rapport au plan Vance-Owen mais en général, était que la Bosnie-

 10   Herzégovine devait être, comme on disait officiellement, un Etat uni, et

 11   là, ce que l'on sous-entendait, c'était un terme politiquement moins joli,

 12   à savoir un Etat politiquement unitaire.

 13   Q.  A la dernière partie de ce paragraphe, vous dites :

 14   "Alors que le gouvernement dans son ensemble soutient le processus de

 15   paix Vance-Owen, il n'y a aucune position unique du gouvernement sur l'état

 16   actuel des pourparlers Vance-Owen. Chacune des trois parties aux

 17   négociations a sa propre position  actuellement."

 18   Etait-ce vrai de dire ça ?

 19   R.  C'est une déclaration véridique, puisque vous avez trois peuples qui

 20   font partie du gouvernement et de la présidence et qui n'arrivent pas à se

 21   mettre d'accord sur tout.

 22   Q.  Paragraphe suivant, vous dites :

 23   "Je vous ai également informé du fait que le mandat de M. Alija

 24   Izetbegovic en tant que président de la présidence était expiré, et ce,

 25   afin de montrer le besoin immédiat qu'a la communauté internationale

 26   d'aider, non seulement de protéger la souveraineté et l'intégrité

 27   territoriale de la Bosnie-Herzégovine, mais également de veiller à ce que

 28   le pays soit gouverné conformément à ses principes démocratiques et

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  1   constitutionnels."

  2   Est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit, Monsieur ?

  3   R.  Bien sûr. Oui, je maintiens cela au jour d'aujourd'hui encore.

  4   Q.  Avant la pause, et je vois que l'heure de la pause se rapproche, je

  5   souhaiterais que l'on examine le document 1D 02851, troisième classeur.

  6   Nous sommes en mars 1993, nous voyons que cette lettre a été envoyée le 1er

  7   mars 1993 donc, à Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général. Lui, au moins,

  8   devait savoir la nature de vos échanges avec M. Biden, n'est-ce pas ?

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, une petite correction à

 10   apporter au compte rendu d'audience. Page 4, ligne 14, on peut lire 2581,

 11   mais il s'agit de 2518.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, c'est une erreur.

 13   Q.  Puis dernier document, numéro 1D 2850, apparemment vous vous êtes

 14   adressé à Al Gore qui était vice-président américain ?

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   Q.  Je ne souhaite pas poser de question directrice, car sinon nous aurons

 17   une réaction de la partie adverse, mais pourriez-vous nous dire pourquoi il

 18   était nécessaire que vous écriviez une lettre en sus de celle de Biden qui

 19   rencontrait à titre privé le ministère étranger, enfin c'est ce qu'il

 20   affirme, alors pourquoi était-il nécessaire que vous transmettiez ces

 21   lettres à Boutros Boutros-Ghali et à Al Gore ?

 22   R.  J'ai voulu en informer les représentants principaux de la communauté

 23   internationale, de les informer de la situation en Bosnie-Herzégovine, des

 24   difficultés au niveau des négociations, et j'ai demandé l'aide avant tout

 25   des Nations Unies et des Etats-Unis d'Amérique, puisque j'étais à New York

 26   à l'époque, pour qu'ils soutiennent ces négociations et le plan Vance-Owen,

 27   et qu'ils soutiennent aussi nos points de vue politiques, à savoir que la

 28   Bosnie-Herzégovine était un pays décentralisé qui avait trois peuples

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  1   constitutionnels et que de perdre ce caractère serait une véritable

  2   catastrophe.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Peut-être que l'heure est venue de faire la

  4   pause, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous reprenons à 18 heures.

  6   --- L'audience est suspendue à 17 heures 41.

  7   --- L'audience est reprise à 18 heures 03.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. Je vais demander quelques

  9   secondes de huis clos partiel à M. le Greffier.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 11   le Président.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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 19   [Audience publique]

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

 21   Q.  Une simple question d'intendance. Vous avez été ambassadeur de Bosnie-

 22   Herzégovine après la signature des accords de Dayton; c'est bien cela ?

 23   R.  C'est exact.

 24   Q.  Quand et où ?

 25   R.  Ambassadeur de la Bosnie-Herzégovine à Skopje en Macédoine en 2000 et

 26   en 2001.

 27   Q.  Très bien. Merci de cette information. Abordons d'autres documents.

 28   Commençons par le document 1D 01192, premier classeur.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] On ne l'a pas. En tout cas, je ne

  2   l'ai pas.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Vous n'avez pas 1192 ?

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, je l'ai.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.

  6   Q.  Auparavant, et là je reviens à ce que disait Lord Owen dans son livre

  7   lorsqu'il y a eu objection, mais on avait un commentaire de Lord Owen qui

  8   disait que le gouvernement devenait de plus en plus musulman -- pour une

  9   population surtout musulmane. Nous allons examiner plusieurs séries de

 10   documents que je vais éventuellement vous demander de commenter.

 11   D'abord celui-ci, c'est un rapport -- est-ce que, d'abord, vous le

 12   reconnaissez, ce document ?

 13   R.  Oui, je le reconnais.

 14   Q.  Bien. Il semblerait qu'il y a une liste de personnalités destinées à

 15   représenter la Bosnie-Herzégovine; est-ce exact ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  Suis-je en droit de supposer que ce ne sont pas des ambassadeurs en

 18   tant que tels, mais que, malgré tout, ces personnes vont se consacrer à des

 19   relations diplomatiques au nom de la Bosnie-Herzégovine; est-ce exact ?

 20   R.  Vous avez raison. C'est exact.

 21   Q.  Examinons les noms. Est-ce qu'on n'a pas surtout des noms musulmans ?

 22   R.  Oui. Une prédominance musulmane, oui.

 23   Q.  [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, il y a un peu de directif dedans,

 25   mais bon.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est vrai, mais j'essaie de gagner du

 27   temps. C'est manifeste, mais regardons l'Allemagne, je le concède. Là, vous

 28   m'avez pris au piège et j'ai une carte jaune là, sans doute.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais écoutez, je peux peut-être

  2   détendre le jeu en posant une question. Je vois ici ministère de

  3   l'Intérieur, et à regarder le contenu il me semble plutôt quelque chose qui

  4   est destiné au ministère des Affaires étrangères. Alors est-ce que la

  5   traduction est bonne, parce que quand je vois en croate "Inostrane

  6   Poslova," est-ce que c'est bien traduit ? Je vois un conseil qui hoche de

  7   la tête.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Qu'est-ce qu'on a en B/C/S ?

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] "Inostrane."

 10   M. KARNAVAS : [interprétation]

 11   Q.  En dessous de l'intitulé République de Bosnie-Herzégovine, Monsieur le

 12   Témoin, veuillez lire. D'où vient ce document ? De quel ministère ?

 13   R.  Ministère des Affaires étrangères.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Trechsel.

 15   Q.  Si je vois l'Allemagne -- quelle est l'appartenance ethnique de cette

 16   personnalité ?

 17   R.  Je pense que c'est un Musulman, mais je n'en suis pas sûr.

 18   Q.  Pour la France ?

 19   R.  Ça, c'est un Musulman.

 20   Q.  La Belgique et la Communauté européenne ?

 21   R.  Musulman, oui.

 22   Q.  La Grande-Bretagne?

 23   R.  -- n'est pas un Musulman.

 24   Q.  La Russie ?

 25   R.  Un Musulman.

 26   Q.  [aucune interprétation]

 27   R.  Tchécoslovaquie, Musulman.

 28   Q.  Tunisie et l'OLP ?

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  1   R.  Musulman.

  2   Q.  Arrêtons-nous là. Pourquoi envoyez quelqu'un qui va représenter la

  3   Bosnie auprès de l'OLP ? N'oublions pas que nous sommes alors en 1992, si

  4   je ne m'abuse.

  5   R.  Je pense qu'en Tunisie il y a eu beaucoup de réfugiés de l'Organisation

  6   de libération de Palestine, ils avaient leur mission de représentation, il

  7   était donc pratique d'avoir un représentant pour la Tunisie et être en même

  8   temps le représentant pour l'OLP.

  9   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Est-ce que je peux vous aider,

 10   Maître Karnavas. L'OLP a été reconnu par plusieurs pays ou avait déjà été

 11   reconnu comme organisation avant 1990, surtout par les pays qui étaient

 12   alors socialistes mais aussi par d'autres pays non aliéné, c'est pourquoi

 13   je pense que cette décision a été prise. Je pense que le témoin disait

 14   qu'il y avait des réfugiés et que c'était une nécessité supplémentaire de

 15   le faire.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] Et je pense aussi qu'à ce stade, Yasser

 17   Arafat avait installé son siège en Tunisie et c'était la réponse que

 18   j'espérais obtenir, mais je ne voulais pas être directif. Donc maintenant

 19   c'est moi qui dépose comme dirait l'Accusation.

 20   Q.  Et puis pour les Emirats arabes unis ?

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   Q.  -- l'Iran et les républiques islamiques ?

 23   R.  Un musulman.

 24   Q.  Je crois que nous avons saisi. 

 25   Regardez les autres noms, il y en a combien à peu près qui ne donne

 26   pas l'impression d'être des noms musulmans ?

 27   R.  Je n'ai pas compté mais je pense que le pourcentage est plutôt

 28   faible.  

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  1   Q.  Page 2, on dit que :  

  2   "Plusieurs personnes ont été nommées représentants personnels du

  3   président de la présidence." Pour les Etats-Unis, Sacirbey; l'Allemagne,

  4   Suliak; l'Autriche, Urban; la Turquie, Silayci, et pour la Malaisie on a

  5   Ceric.

  6   Première question : pourquoi était-il nécessaire que le président de la

  7   présidence ait des représentants personnels ?

  8   R.  Il est le seul à le savoir. Il n'y avait pas de nécessité politique

  9   véritable. Il s'agissait ici essentiellement d'amis à lui.

 10   Q.  D'accord. Cette réponse me satisfait. "Le président de la présidence de

 11   la République de Bosnie-Herzégovine a autorisé", même page, page 2, "a

 12   autorisé les personnes suivantes à recueillir de l'aide humanitaire au nom

 13   de la République de Bosnie-Herzégovine." Est-ce que nous avons ici une

 14   décision prise par la présidence ou s'agit-il d'une décision prise

 15   personnellement par le président de la présidence. Dites-nous si vous le

 16   savez ?

 17   R.  Je ne le sais pas, mais je n'ai jamais nulle part retrouvé une telle

 18   décision de la présidence.

 19   Q.  Le président de la présidence, était-il habilité à donner une telle

 20   autorisation, à faire ce genre de désignation, de nommer des personnes

 21   censées représenter la Bosnie-Herzégovine sans avoir l'autorisation au

 22   préalable ou sans consultation, tout du moins préalable avec d'autres

 23   membres de la présidence ?

 24   R.  En vertu de la constitution de Bosnie-Herzégovine et en vertu des

 25   règles régissant les travaux de la présidence de Bosnie-Herzégovine, il

 26   n'avait pas le droit de le faire.

 27   Q.  Vous qui étiez membre de la présidence de Guerre à l'époque, qui étiez

 28   premier ministre, est-ce que vous savez combien d'aide on a obtenu de ces

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  1   divers pays ? Pour le dire autrement, est-ce qu'il y avait un système de

  2   comptabilité pour que le processus soit transparent et qu'on sache combien

  3   de fonds était recueilli, combien disons l'Arabie saoudite ou les Emirats

  4   arabes unis ont donné, ou l'Inde ?

  5   R.  Je ne sais pas. Il est très difficile de le savoir. Je ne pense pas

  6   qu'il y ait des renseignements à ce sujet. Chaque pays doit disposer de ce

  7   type de renseignements si tant est qu'il en dispose. 

  8   Q.  Pour ce qui est de ces fonds recueillis ou de cette aide obtenue, pour

  9   autant qu'il y en ait eu, nous ne savons si l'Arabie saoudite a donné

 10   certains de ces pétrodollars à la Bosnie. Sur cette aide, quelle est la

 11   partie qui a été donnée aux municipalités et surtout aux municipalités où

 12   il y avait des non-Musulmans qui résidaient en majorité ?

 13   R.  En termes pratiques, rien. Il était convenu au début, au gouvernement

 14   de la présidence, de faire en sorte que l'aide humanitaire soit divisée en

 15   trois parties. Pendant un certain temps ça a fonctionné. Bien sûr, il est

 16   difficile de faire un partage idéal en trois parties. Ça a fonctionné un

 17   certain temps plus ou moins bien, puis après ça n'a plus fonctionné. Il est

 18   arrivé du pétrole, il est arrivé différentes formes d'aide et d'assistance,

 19   et la Bosnie-Herzégovine a survécu et notamment Sarajevo, mais je ne peux

 20   pas vous parler en termes de contingent.

 21   Q.  N'oubliez pas de ralentir, Monsieur le Témoin, parce qu'on n'a pas reçu

 22   la dernière partie et chaque mot compte.

 23   R.  Je ne peux pas parler de contingentement au de contingent arrivant de

 24   tel ou tel autre pays. Je sais que l'assistance était considérable et je

 25   sais que la Bosnie-Herzégovine en vivait en termes pratiques.

 26   Q.  Document suivant, 1D 0 --

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas. Est-ce

 28   qu'il n'est pas aussi intéressant d'examiner la page suivante qui dit

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  1   ceci : "Le président du gouvernement de Bosnie-Herzégovine a autorisé les

  2   personnes suivantes à recueillir du secours humanitaire." Donc est-ce que

  3   c'est une décision que vous avez prise, vous, Monsieur Akmadzic ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, c'est la date du 21 juin 1992. Je n'étais

  5   pas premier ministre à ce moment-là.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Avez-vous un commentaire

  7   supplémentaire sur le fait que le président n'avait pas  compétence pour le

  8   faire ? Le président du gouvernement avait-il compétence ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non plus. A l'époque où j'étais premier

 10   ministre, pour ce qui est des questions économiques, puisque je ne suis pas

 11   économiste moi-même, j'ai autorisé mon adjoint, celui que j'ai évoqué,

 12   celui qui a été tué sur la route de l'aéroport, à faire ce type de tâche, à

 13   exercer ce type de tâche, mais il ne le faisait pas non plus.

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi d'être intervenu, Maître

 15   Karnavas.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] Pas de problème, Monsieur le Juge.

 17   Q.  Document suivant, 1D 02431. Nous sommes toujours en train d'examiner ce

 18   même sujet, ce même thème.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Deuxième classeur, Messieurs les Juges, 16

 20   octobre 1992, c'est Alija Izetbegovic qui signe ce document. Document qui

 21   dit ceci :

 22    "Conformément à l'accord d'amitié et de coopération conclu entre la

 23   République de Bosnie-Herzégovine et la République de Croatie, les personnes

 24   suivantes sont nommées à la commission chargée de coordonner les activités

 25   militaires au nom de la Bosnie-Herzégovine."

 26   Q.  Nous avons trois noms. Quelle est l'appartenance ethnique de ces

 27   personnes ?

 28   R.  D'après les noms, c'étaient tous des Musulmans. Il se peut que

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  1   l'un quelconque d'entre eux se soit prononcé comme autre, à savoir comme

  2   yougoslave, mais ils ont tous des noms musulmans.

  3   Q.  Excusez-moi si je vous pose cette question, mais est-ce qu'on

  4   peut supposer qu'il n'y avait pas de Croate digne de foi, fiable, solide,

  5   compétent et qui aurait été à même d'occuper ce poste ?

  6   R.  Lorsqu'il s'agit des nominations, il faut que je dise à l'intention des

  7   Juges de la Chambre que j'ai eu une conversation avec Alija Izetbegovic et

  8   je l'ai prévenu des nominations pour ce qui est de Musulmans seulement au

  9   niveau des structures différentes dans la justice, dans les affaires

 10   étrangères, et cetera, et il a dit, "On se penchera là-dessus

 11   ultérieurement. Maintenant, il en est ainsi."

 12   Q.  Vous devez ralentir parce que ce que vous dites est important et je

 13   n'ai pas le droit de poser des questions qui vous guident. Mais si je

 14   regarde votre réponse, la dernière, il me semblerait qu'Izetbegovic prenait

 15   des décisions pour nommer des personnes appartenant à un groupe ethnique

 16   donné, et il vous aurait dit qu'après, il s'occuperait de la question.

 17   C'est cela ?

 18   R.  C'est exact. Pour ce qui est de cette population concrète, et je parle

 19   des Musulmans, on a surtout procédé à des nominations de Musulmans. Alors

 20   je l'ai prévenu de la chose, et il a dit : "Ce n'est pas le moment

 21   maintenant de se pencher sur l'égalité en droit des populations. On se

 22   penchera sur la question ultérieurement."

 23   Q.  Document suivant, 1D 02870.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Troisième classeur, Messieurs les Juges. 1D

 25   02870.

 26   Q.  Une fois de plus, nous avons le ministère des Affaires étrangères, nous

 27   avons une liste de noms; n'est-ce pas ?

 28   R.  C'est exact.

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  1   Q.  Si on examine ces noms de plus près, parcourez tout le document qui

  2   compte plusieurs pages, on voit : "Quelques exemples de népotisme dans le

  3   réseau diplomatique et consulaire de la République de Bosnie-Herzégovine."

  4   Vous voyez ce titre ?

  5   R.  Oui. Oui, je le vois.

  6   Q.  Pouvez-vous nous commenter ce document, le corps diplomatique du

  7   ministère des Affaires étrangères est censé représenter la politique

  8   officielle de la présidence de Bosnie-Herzégovine plutôt que celle du

  9   président de son parti, le SDA --

 10   M. SCOTT : [interprétation] Mais ça va s'arrêter quand, Monsieur le

 11   Président ? Nous avons un commentaire constant de Me Karnavas, alors

 12   apparemment il n'y a que des questions directrices ou des questions qui

 13   suggèrent une réponse. C'est Me Karnavas qui témoigne. C'est vraiment une

 14   façon très bizarre, vous savez, le  "common law" fonctionne depuis des

 15   centaines d'années, c'est simple, des questions ouvertes sont posées, et ça

 16   se fait tous les jours dans le système de "common law". Me Karnavas semble

 17   être incapable de l'appliquer, mais à un moment donné, la coupe est pleine.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Vraiment, je suis triste, je suis navré.

 19   Enfin, ici, je blague. J'ai posé les bases, le témoin a déjà donné des

 20   indications.

 21   Q.  Quoi qu'il en soit, Monsieur le Témoin, pourriez-vous examiner ce

 22   document et nous dire, ce sont des noms donnés par le ministère des

 23   Affaires étrangères, quelle est la nation, le groupe ethnique le plus

 24   représenté ?

 25   R.  Dans le premier document, on voit la signature de Mustafa Bijedic, qui

 26   était ambassadeur de Bosnie-Herzégovine à Genève. Je lui ai demandé de me

 27   communiquer à l'époque la liste des ambassadeurs à l'étranger, et ici --

 28   Q.  Ralentissez, Monsieur, parce que ce sont des informations précieuses,

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  1   sinon je dois poser des questions qui vous dirigent dans vos réponses.

  2   R.  J'ai dit que dans la signature, on voit Mustafa Bijedic, qui se trouve

  3   être ambassadeur de Bosnie-Herzégovine à Genève. A l'occasion de mon séjour

  4   à Genève, je lui ai demandé lors des négociations à ce qu'il me communique

  5   une liste des ambassadeurs de la Bosnie-Herzégovine à l'étranger. Il m'a

  6   communiqué ce document. Dans ce dernier, il nous est donné de voir en page

  7   1 qu'il ne s'agit que d'individus du groupe ethnique musulman.

  8   Q.  Je pense que les Juges pourront examiner le reste du document, il nous

  9   faut avancer.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Prenons quelques exemples concrets, 1D

 11   01276, premier classeur, Messieurs les Juges.

 12   Q.  Il s'agit d'une décision prise le 22 janvier 1993 portant désignation

 13   d'un ambassadeur de la République de Bosnie-Herzégovine en Turquie. Quelle

 14   est l'appartenance ethnique de la personne ainsi désignée ?

 15   R.  Ce M. Hajrudin Somun, il est de nationalité musulmane.

 16   Q.  Document suivant, 1D 01297, toujours dans le premier classeur, 22

 17   janvier 1993. Désignation au Pakistan. Silajdzic, un certain Silajdzic.

 18   Quelle est son appartenance ethnique ?

 19   R.  Sadzida Silajdzic est Musulmane ou comme on dirait aujourd'hui, elle

 20   est Bosnienne.

 21   Q.  Je ne voulais pas manquer de respect à qui que ce soit. 

 22   1D 01348, premier classeur. C'est une décision qui concerne l'Iran.

 23   Omer Behmen. Quelle est son appartenance ethnique ?

 24   R.  Omer Behmen est aussi de nationalité musulmane.

 25   Q.  1D 01347, 11 février 1993. Il s'agit d'une décision portant nomination

 26   du directeur de l'agence de la République de Bosnie-Herzégovine, chargé de

 27   la réception et de la distribution de l'aide humanitaire. Cette personne,

 28   Aziz Sunje ?

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  1   R.  Aziz Sunje est de nationalité musulmane.

  2   Q.  Je m'excuse de ma prononciation. 1D 01347, premier classeur. La

  3   nomination d'un ambassadeur en Tunisie, 18 juillet 1993.

  4   R.  Nerkez Arkihodzic [phon] est Musulman.

  5   Q.  Puis nous en venons à 1D 01310, premier classeur. Décision portant la

  6   désignation d'un consul auprès du consulat de la République de Bosnie-

  7   Herzégovine à Milan.

  8   R.  Muhamed Kresevljakovic est Musulman.

  9   Q.  Merci. J'en ai terminé avec ce sujet. A moins qu'il n'y ait des

 10   questions, je vais passer au sujet suivant. 

 11   Bien. Monsieur, nous allons aborder maintenant un autre sujet. Nous

 12   allons parler de la présidence. Nous allons examiner les PV des réunions --

 13   excusez-moi. Toutes mes excuses. Nous allons parler de la conférence de

 14   Londres. Nous allons parler du document 1D 02438, deuxième classeur. Les

 15   premiers documents de ce classeur traitent de cette question.

 16   Ce document est daté du 21 mai 1992. Nous voyons votre nom au bas de

 17   la page, Monsieur Akmadzic, et dans ce document en anglais il est fait

 18   référence à une lettre du 20 mars --

 19   Puis il y a une lettre de M. Cutileiro. 

 20   Est-ce que vous pourriez faire des commentaires là-dessus ? Pourquoi

 21   était-il nécessaire pour vous d'envoyer une lettre à M. Susak en joignant

 22   en annexe des lettres de Cutileiro et de Pinheiro, lettres adressées à

 23   Izetbegovic -- vous avez demandé, je pense, d'informer M. Brkic. Pourquoi ?

 24   R.  A cette époque-là, c'était le 21 mai 1992, j'étais le secrétaire

 25   général de la présidence. M. Brkic n'était pas à Sarajevo. J'ai demandé que

 26   ce texte tel que reçu par M. Izetbegovic soit aussi envoyé à M. Brkic pour

 27   information.

 28   Q.  Bien. Examinons le document daté du 20 mars 1992. On peut lire : "

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  1   Monsieur le Président", et la lettre s'adresse à Alija Izetbegovic, premier

  2   [comme interprété] paragraphe, il est dit : "Permettez-moi de rappeler que

  3   la seule solution aux problèmes de la Bosnie-Herzégovine réside dans la

  4   poursuite des pourparlers constitutionnels afin d'obtenir un accord final."

  5   Et le texte se poursuit.

  6   Quelle était la position de M. Izetbegovic à l'époque ? Ensuite nous

  7   verrons ce que dit Cutileiro à ce sujet.

  8   R.  A l'époque, c'était un des plans de Cutileiro et Carrington. Le plan de

  9   Cutileiro prévoyait une Bosnie-Herzégovine décentralisée et avait plusieurs

 10   éléments. Je ne voudrais pas entrer dans les détails de ce plan, mais les

 11   Croates et les Serbes avaient accepté ce plan. M. Izetbegovic l'avait

 12   refusé.

 13   Q.  -- le document suivant, il provient de M. Cutileiro, il est daté de la

 14   veille, à savoir du 19 mai. Deuxième paragraphe, on peut lire : "Je suis au

 15   courant des difficultés, mais je ne peux pas être d'accord pour dire qu'il

 16   y a des raisons justifiant un report à une date ultérieure, et je vous

 17   demande de revenir sur votre position pour les raisons suivantes…"

 18   Et au paragraphe suivant, il est dit :

 19   "Je n'ai pas repris les discussions à la légère, comme vous le savez,

 20   le conseil des ministres de la Communauté européenne, le secrétaire général

 21   des Nations Unies et le Conseil de sécurité des Nations Unies nous ont

 22   demandé instamment de reprendre notre travail dans les plus brefs délais."

 23   Et après il parle d'une rencontre à Lisbonne le 20.

 24   Savez-vous pourquoi on a prié M. Izetbegovic, et c'est moi qui

 25   utilise ces termes, quasiment à genoux, d'assister à cette réunion ?

 26   R.  M. Izetbegovic refusait de négocier tant qu'il le pouvait, les

 27   négociations portant sur une Bosnie-Herzégovine qui ne serait pas un Etat

 28   unitaire. Donc il a essayé cette fois-ci aussi, alors que M. Cutileiro le

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  1   met en garde contre les difficultés des communications, et cetera, quand il

  2   s'agit de mener à bien ces négociations et de les organiser.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Le document suivant, 1D 02564, deuxième

  4   classeur, Monsieur les Juges. Ce document est daté du 17 août 1992. Il

  5   semble être adressé à M. Boban et il provient de Lord Carrington.

  6   Q.  Vu vos fonctions, est-ce que vous saviez à l'époque que M.

  7   Carrington était en rapport avec M. Boban, et dans l'affirmative, en quelle

  8   qualité M. Boban traitait-il avec M. Carrington, ou plutôt, Lord

  9   Carrington, excusez-moi ?

 10   R.  Oui, bien sûr. Il s'agit de Lord Carrington, M. Boban était le

 11   représentant des Croates de Bosnie-Herzégovine et il était aussi le

 12   président de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

 13   Q.  Apparemment M. Boban est invité à la conférence de Londres; est-ce

 14   exact ? Deuxième paragraphe. Allez-y.

 15   R.  M. Boban a été invité à la conférence de Londres, il y est allé, mais

 16   pas en tant que représentant officiel. Là-bas il y avait une délégation

 17   officielle de Bosnie-Herzégovine, et j'en faisais partie.

 18   Q.  Qui d'autres faisaient partie de cette délégation ?

 19   R.  A la tête de la délégation se trouvait M. Izetbegovic, moi j'y étais,

 20   pour ce qui est des autres, je ne m'en souviens pas.

 21   Q.  Bien. Et à l'époque, qui était le président du HDZ, si vous vous en

 22   souvenez ?

 23   R.  Le président du HDZ à l'époque était M. Mate Boban.

 24   Q.  Fort bien.

 25   R.  Non, excusez-moi, peut-être pas encore.

 26   Q.  Qui l'a précédé ?

 27   R.  C'était M. Brkic, je pense, à l'époque. Je pense, mais je n'en suis pas

 28   sûr, parce que M. Boban a été élu en même temps que moi j'ai été élu au

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  1   poste de vice-président, c'était au mois de novembre.

  2   Q.  Bien. Document suivant, 1D 02454, deuxième classeur. Il s'agit du

  3   secrétariat de la conférence sur la Yougoslavie. Le document est daté du 24

  4   août 1992. Le document provient de M. Boban. Il dit : 

  5   "Par la présente, je confirme que la délégation croate participera à

  6   la conférence de Londres. Je serai accompagné d'un traducteur et nous

  7   arriverons à Londres le 25 août."

  8   Avez-vous vu M. Boban sur place ?

  9   R.  M. Boban a assisté à la conférence de Londres mais il ne faisait pas

 10   partie de la délégation officielle de Bosnie-Herzégovine.

 11   Q.  Bien.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Document suivant, 1D 01312, nous avons déjà

 13   vu ces documents auparavant, certains d'entre eux. Premier classeur,

 14   Messieurs les Juges.

 15   Q.  J'appelle votre attention, Monsieur, sur la page 13. En anglais,

 16   c'est peut-être plus facile. Page 13, il est question de la structure de

 17   l'Etat.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur l'huissier, nous aurions besoin de

 19   votre concours. Tout en haut de la page, nous voyons en anglais il y a des

 20   numéros de page, page 13, point 2, "structure de l'Etat". Et on voit des

 21   remarques fondamentales.

 22   Sans entrer dans les détails, pouvez-vous nous dire, d'après ce que

 23   vous savez, quelle était la structure de l'Etat, qu'est-ce qu'on a examiné

 24   à l'époque ?

 25   R.  On a discuté de l'organisation de Bosnie-Herzégovine, de l'organisation

 26   administrative, de façon générale.

 27   Q.  Examinons le paragraphe 34. Il est dit :

 28   "D'emblée, il a été reconnu que les points de vue des trois parties

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  1   sont largement différents pour ce qui est de la structure de la Bosnie-

  2   Herzégovine future. L'une des parties à l'origine prônait un Etat

  3   centralisé unitaire, divisé en plusieurs régions ayant des fonctions

  4   essentiellement administratives." 

  5   Quelle partie prenait cette position, Monsieur ?

  6   R.  Pour les fonctions administratives, c'est le côté musulman qui prônait

  7   ces fonctions administratives. En ce qui concerne l'organisation de cet

  8   Etat souverain avec un système décentralisé, c'est le côté croate qui

  9   prônait cette organisation-là.

 10   Q.  J'aurais besoin que vous répondiez à mes questions.

 11   "L'une des parties à l'origine prônait la création d'un Etat

 12   centralisé et unitaire divisé en plusieurs régions ayant des fonctions

 13   essentiellement administratives."

 14   Ma question était la suivante : qui prônait cette position, quelle

 15   partie prônait cette position ?

 16   R.  La partie musulmane.

 17   Q.  Merci. Maintenant, nous allons pouvoir aller de l'avant. Je poursuis la

 18   lecture :

 19   "Une autre partie a estimé que le pays devait être divisé en trois Etats

 20   indépendants, à savoir un Etat pour les peuples musulmans, serbes et

 21   croates respectivement, chacun de ces Etats ayant sa propre personnalité

 22   juridique au plan international et lesquels états pourraient former une

 23   espèce de confédération souple chargée de coordonner certaines de leurs

 24   activités."

 25   Quelle partie prônait cette position-ci ?

 26   R.  La partie serbe.

 27   Q.  Puis ensuite, on peut lire que la troisième partie était en faveur

 28   d'une solution intermédiaire. Je pense qu'il s'agit des Croates, n'est-ce

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  1   pas ?

  2   R.  Oui, c'est exact.

  3   Q.  Paragraphe 37, on peut lire ici :

  4   "Les co-présidents ont également reconnus, cependant, qu'un Etat

  5   centralisé ne serait pas accepté par au moins deux des principaux groupes

  6   ethniques ou religieux en Bosnie-Herzégovine, étant donné que cela ne

  7   protègerait pas leurs intérêts, vu les tensions civiles sanglantes qui

  8   règnent dans le pays."

  9   Page suivante, paragraphe 38 :

 10   "En conséquence, les co-présidents estiment que la seule solution

 11   viable et durable qui ne confirmerait pas un nettoyage ethnique déjà

 12   accompli, et des pratiques inacceptables au plan international, semble être

 13   la création d'un Etat décentralisé. En d'autres termes, un Etat où nombre

 14   des principales fonctions, surtout celles affectant directement les

 15   personnes, seraient assurées par plusieurs provinces autonomes. Le

 16   gouvernement central aurait, lui, des responsabilités minimales; celles qui

 17   sont nécessaires pour qu'un Etat fonctionne en tant que tel et assure ses

 18   responsabilités en tant que membre de la communauté internationale. La

 19   décentralisation proposée semble également correspondre aux souhaits de

 20   toutes les parties en présence comme en témoignent leurs réponses faites au

 21   questionnaires portant sur la répartition des responsabilités

 22   gouvernementales mentionnées au paragraphe 32 ci-dessus."

 23   Monsieur Akmadzic, le paragraphe 38, il reflète la position de quelle

 24   partie, et je parle de la question de l'Etat décentralisé ?

 25   R.  En Bosnie-Herzégovine il y avait trois parties, trois côtés. Les Serbes

 26   et les Musulmans étaient de côtés opposés. La partie croate, pendant toute

 27   la durée des négociations, insistait sur une solution de compromis;

 28   autrement dit, un Etat commun décentralisé où trois peuples constitutifs et

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  1   égaux sont reconnus. Nous pensions qu'un tel Etat était possible à

  2   l'avenir, mais aussi à ce moment-là. 

  3   Q.  Bien. Les Croates de Bosnie-Herzégovine, se sont-ils inspirés d'un

  4   modèle quelconque, modèle qui aurait servi d'exemple sur la manière dont la

  5   Bosnie-Herzégovine, en tant qu'Etat décentralisé, pourrait être mise sur

  6   pied ?

  7   R.  Nous avons étudié plusieurs modèles. Personnellement, j'ai parlé avec

  8   M. Mok en Autriche, où je suis allé avec le président du HDZ, Kljuic. Nous

  9   avons parlé avec les représentants suisses, nous avons pris leur

 10   constitution et nous en sommes arrivés à la conclusion que chez nous, le

 11   type d'Etat qui fonctionnerait le mieux serait un Etat qui ne serait pas

 12   partagé, séparé en trois entités nationales, mais qui serait composé de

 13   plusieurs cantons, provinces, régions basés sur plusieurs principes : de

 14   nombreux principes historiques, géographiques, de communication, culturels,

 15   économiques, et cetera. Nous, nous pensions que la fédération, avec le

 16   peuple majoritaire, souhaite un Etat unitaire, alors que pour ce qui est du

 17   peuple non majoritaire, il souhaiterait faire sécession par rapport à la

 18   fédération. C'est pour cela que cette fédération n'était pas possible.

 19   C'est pour cela que nous prenions cette solution, la solution d'un Etat

 20   décentralisé, des Etats régionalisés qui se mettent ensemble.

 21   Pour nous, le plan Vance-Owen, c'était le meilleur des plans, la

 22   meilleure des solutions.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Document suivant, 1D 02456, deuxième

 24   classeur, Messieurs les Juges. 1D 02456 donc, ce document est daté du 21

 25   octobre 1992. En haut de la page, nous voyons "sixième mouture."

 26   Q.  Est-ce que vous voyez cela ? "Structure constitutionnelle

 27   éventuelle pour la Bosnie-Herzégovine."

 28   R.  Oui, je le vois.

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  1   Q.  Manifestement, il y avait eu cinq projets avant celui-ci. Pourriez-vous

  2   nous expliquer ce qui se passait ?

  3   R.  Là, vous avez des résultats des négociations que vous voyez ici, ce que

  4   pourrait être cette Bosnie-Herzégovine. Ici, on prévoit un Etat qui est

  5   reconnu dans cette frontière internationale telle qu'elle avait à l'époque

  6   de la Yougoslavie, mais un Etat qui comporterait plusieurs provinces et qui

  7   serait un état décentralisé.

  8   Q.  Examinons le document 1D 02883, troisième classeur. 1D 02883. Document

  9   suivant pour vous, Monsieur. Dernière page du document en croate. Est-ce

 10   votre signature que l'on voit là ?

 11   R.  Oui. C'est ma signature, oui.

 12   Q.  Alors, on voit quelque chose d'autre qui est écrit dans une couleur

 13   plus sombre, à propos de 1992. Il y a une question. On se demande ce que

 14   cela fait là. On peut lire "octobre 1992" et c'est écrit à la main. C'est

 15   ce qui apparaît dans la traduction. C'est bien cela ?

 16   R.  Le mois d'octobre 1992, moi je l'ai rajouté par la suite, d'après mon

 17   meilleur souvenir. Ce document, je l'ai préparé pour un groupe de travail

 18   qui travaillait au sein de la présidence. C'était mon point de vue sur les

 19   arrangements possibles en Bosnie-Herzégovine.

 20   Même si je ne suis pas sûr de l'époque dont il s'agit, est-ce que

 21   c'était bien cette date-là ou bien une autre date, c'était bien mon point

 22   de vue ainsi que le point de vue du peuple croate en Bosnie-Herzégovine à

 23   cette époque-là, au tout début.

 24   Q.  Pour autant que vous le sachiez, ce document a dû être rédigé en

 25   octobre 1992; c'est bien cela, ou vers cette date ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  En d'autres termes, je veux m'assurer que les choses sont bien claires,

 28   ce document n'a pas été rédigé avant votre déposition ici aujourd'hui ou

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  1   /avant une déposition que vous auriez faite par le passé. Cela a été rédigé

  2   à l'époque, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, c'était fait à l'époque même si je ne l'ai peut-être pas signé le

  4   jour même. Je l'ai peut-être signé une autre fois.

  5   Q.  Et enfin, ce document reflète-t-il fidèlement votre position de

  6   l'époque, c'est-à-dire la position qui était la vôtre à l'époque ?

  7   R.  C'étaient mes réflexions sur une possible organisation de Bosnie-

  8   Herzégovine qui ne diffère pas, dans beaucoup des éléments, des solutions

  9   que l'on prenait au moment des négociations.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Messieurs les Juges, ceci met un terme à

 11   cette partie de mon interrogatoire. Je n'ai pas assez de temps pour passer

 12   à l'autre volet. Je sais qu'il n'est pas tout à fait 19 heures, et les

 13   interprètes ont travaillé dur aujourd'hui, tout le monde parle assez vite,

 14   donc peut-être que nous pourrions finir un petit peu plus tôt.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 19 heures, alors Maître Karnavas, vous avez

 16   utilisé deux heures, 30 minutes, grosso modo, ce qui fait qu'il vous

 17   restera trois heures et 30 minutes. Peut-être qu'on terminera demain, j'ose

 18   espérer que nous pourrons terminer demain, et après il nous restera deux

 19   jours pour la suite des événements.

 20   Alors, Monsieur le Témoin, donc, comme je vous l'ai dit tout à l'heure,

 21   vous reviendrez pour l'audience qui débutera demain après-midi, parce que

 22   nous sommes d'après-midi, donc nos audiences débutent à 14 heures 15, donc

 23   nous aurons le plaisir de vous revoir demain à 14 heures 15.

 24   Il est donc presque 19 heures, je souhaite à tout le monde une bonne

 25   soirée et nous nous retrouverons demain matin -- demain après-midi.

 26   --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le mardi 17 juin 2008,

 27   à 14 heures 15.

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