Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 17 juin 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire, s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  8   toutes les personnes ici présents. Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre

  9   Prlic et consorts. Merci, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 11   En ce mardi, 17 juin 2008, je salue, M. le Témoin. Je salue MM. les

 12   accusés, Mmes et MM. les avocats, Mmes et MM. du bureau du Procureur ainsi

 13   que toutes les personnes qui nous aident et notamment les interprètes.

 14   Je vais d'abord donner la parole à M. le Greffier qui a quelques numéros IC

 15   à nous donner.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le bureau du

 17   Procureur a fourni sa réponse à la liste de 1D et 3D par le Témoin 1D-AA;

 18   la liste du bureau du Procureur aura le numéro IC 00807 et IC 00808. Merci.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Bien. Maître Karnavas,

 20   je vous donne la parole pour la suite de l'interrogatoire principal.

 21   LE TÉMOIN : MILE AKMADZIC [Reprise]

 22   [Le témoin répond par l'interprète]

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, bon après-midi, Monsieur le

 24   Président, bonjour à vous, Monsieur les Juges, à toutes les personnes ici

 25   présentes, bonjour, Monsieur le Témoin.

 26   Est-ce que je peux demander à M. l'huissier d'abaisser le rétroprojecteur,

 27   parce que je ne le vois pas bien le témoin.

 28   Interrogatoire principal par M. Karnavas : [Suite]

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  1   Q.  [interprétation] Les prochains documents portent sur l'accord d'amitié

  2   et de coopération.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Voyons d'abord le numéro 1D 01942,

  4   1942, dans le premier classeur, Messieurs les Juges.

  5   Q.  Je vous montre un document qui porte la date du 17 juillet 1992, et qui

  6   émane de la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine. C'était la

  7   145e Séance de travail. Est-ce que vous vous souvenez avoir été présent ?

  8   R.  Oui.

  9   M. KARNAVAS : [interprétation] Je n'ai pas reçu l'interprétation.

 10   Q.  Nous le voyons, quand nous voyons la première page, enfin la page 2, on

 11   vous voit figurant en tant que secrétaire général. Si j'ai bien compris,

 12   c'était au cours de cette session-ci qu'il y a eu une discussion concernant

 13   la constitution d'une délégation destinée à aller en République de Croatie.

 14   Nous le voyons au point 1, page 3; c'est cela ?

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   Q.  Nous le voyons, cette délégation devait représenter la présidence ou la

 17   Bosnie-Herzégovine avec Izetbegovic, Ljubic et M. Pelivan. On avait donc

 18   quelqu'un de la présidence, quelqu'un de l'assemblée, et quelqu'un

 19   représentant le gouvernement.

 20   Revenons maintenant à la page 2, ordre du jour, est-il écrit, nous voyons

 21   qu'il y a une partie de la délégation qui doit aller en République -- pour

 22   la République de Bosnie-Herzégovine, et/ou en Croatie et aussi le programme

 23   des pourparlers, "la plateforme" comme il est dit ici ?

 24   R.  Oui, je le vois.

 25   Q.  Document suivant, 1D 01773. Premier classeur. Nous n'avons pas de date,

 26   mais le titre est "Plateforme en vue de réglementer les rapports ou

 27   relations avec la République de Croatie."

 28   Savez-vous, Monsieur le Témoin, si c'est bien le programme qui avait été

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  1   évoqué ou mentionné dans le procès-verbal de la réunion du 17 juillet 1992

  2   ? Veuillez examiner ce texte.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Point 1, "Coopération dans le domaine militaire et international en vue

  5   d'assurer la défense de la Bosnie-Herzégovine contre des agresseurs." Qui

  6   était les agresseurs d'alors ?

  7   R.  D'après la définition de la présidence de Bosnie-Herzégovine, les

  8   agresseurs contre la Bosnie-Herzégovine étaient la JNA, qui était l'ex-JNA

  9   déjà à l'époque, ensuite la République de Serbie-et-Monténégro ou la

 10   République fédérative de Yougoslavie, ainsi que les unités militaires de la

 11   Bosnie-Herzégovine qui ont été menées par le Parti démocratique serbe.

 12   Q.  Si les Juges n'ont pas de questions, je vais passer à un sujet suivant.

 13   Très bien.

 14   Ceci va concerner M. Jadranko Prlic, à cet égard examinons le document 1D

 15   02014.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est le premier classeur, Messieurs les

 17   Juges. 1D 02014.

 18   Q.  La date est le 5 octobre 1992 "Objet : demande afin d'obtenir une

 19   partie du prêt en biens fourni par le Turquie." Nous voyons ici président

 20   du HVO de la communauté croate d'Herceg-Bosna, M. Prlic, qui écrit au

 21   gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine à propos d'un prêt de

 22   50 millions de dollars américains donnés par la Turquie. Vous le voyez ?

 23   R. Oui, je le vois.

 24   Q.  Savez-vous s'il y a eu effectivement ce prêt fait par la Turquie

 25   portant ce montant ou un autre montant ?

 26   R.  Je n'en suis pas sûr, mais je pense qu'il y avait un crédit, oui.

 27   Q.  Document suivant, 1D 02685.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Troisième classeur, Messieurs les Juges.

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  1   Excusez-moi de vous avoir fourni les documents dans le désordre. 1D 02685.

  2   Q.  Est-ce que vous avez le document sous les yeux, Monsieur le Témoin ?

  3   R.  Oui, je l'ai trouvé.

  4   Q.  Vous voyez qu'il porte la signature du vice-premier ministre, ce

  5   monsieur dont vous avez parlé hier, qui a été tué alors qu'il se trouvait

  6   dans ce véhicule blindé des Nations Unies ?

  7   R.  Oui, c'était le vice-président du gouvernement. C'était sa fonction,

  8   c'est comme cela que cette fonction était intitulée, il s'appelait Hakija

  9   Turajlic.

 10   Q.  Nous avons vu la lettre de M. Prlic du 5 octobre 1992. Dans un autre

 11   document, le document 1D 02014, ici dans celui-ci, dans le document 1D

 12   02685, nous sommes le 17 octobre 1992, et ce monsieur indique ceci : "Nous

 13   avons examiné avec soin votre demande du 5 octobre que nous avons reçue

 14   sous le numéro d'ordre 29-22/S 92, quant à l'utilisation d'un prêt fait par

 15   la Turquie d'un montant de 50 millions de dollars américains. Nous vous

 16   informons par la présente que ce prêt n'a toujours pas été approuvé en

 17   République de Bosnie-Herzégovine. Cependant, les pourparlers avec les

 18   autorités turques sont prévus dans un proche avenir, et vous serez averti

 19   de leur tenue."

 20   "Nous voulons vous informer également que le gouvernement de la

 21   République de Bosnie-Herzégovine a pris une décision d'utiliser une partie

 22   de ce prêt, s'il est approuvé, pour répondre aux besoins du conflit armé

 23   dans la région."

 24   Est-ce que vous pouvez tirer une conclusion, d'après ce document,

 25   quant au rapport existant entre le gouvernement de Bosnie-Herzégovine et

 26   les rapports qu'il entretenait avec la communauté croate d'Herceg-Bosna ?

 27   R.  --puisque de toute façon on peut voir que le gouvernement de

 28   Bosnie-Herzégovine reconnaît le HVO ainsi que la communauté croate

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  1   d'Herceg-Bosna à l'époque et qu'il est prêt à coopérer sur le plan

  2   financier et aider avec des fonds, des moyens financiers, comme c'est écrit

  3   ici.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Rien de tout ce que vous avez dit n'a

  5   été traduit parce que vous parlez bien trop vite. Je vous demande de

  6   ralentir, je vous en supplie, je vous en conjure.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc on peut en déduire que le gouvernement de

  8   Bosnie-Herzégovine reconnaît le HVO, et on peut en tirer la conclusion que

  9   le gouvernement de Bosnie-Herzégovine est prêt à aider financièrement le

 10   HVO.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation]

 12   Q.  Merci. Document -- oui.

 13   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci, Maître Karnavas.

 14   Nous aimerions tirer au clair un sujet en posant une question au témoin. Il

 15   est intéressant de relever que le paragraphe même que vous avez eu

 16   l'obligeance de citer dit ceci : "Nous informons par la présente que ce

 17   prêt n'a toujours pas été approuvé en République de Bosnie-Herzégovine…"

 18   Dans l'original, on dit : [en B/C/S]

 19   Je ne suis pas tout à fait sûr s'agissant de ce prêt; est-ce qu'il fallait

 20   qu'il reçoive l'aval du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, parce que

 21   quelque part dans la lettre du Dr Prlic, il est dit que c'est un crédit --

 22   ou un prêt plus exactement, qui doit être donné par la Turquie au

 23   gouvernement.

 24   J'aimerais dès lors poser la question au témoin quel est le point de droit

 25   concerné ici. Pourquoi est-ce que ce prêt devait être approuvé par le

 26   gouvernement concerné ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, je n'étais pas le président du

 28   gouvernement. Mais d'après ce que je sais, le gouvernement de Bosnie-

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  1   Herzégovine avait demandé un prêt. Et si la République de Turquie avait

  2   accordé ce prêt, et si les moyens de fonds étaient transférés sur le compte

  3   du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, la décision du gouvernement aurait

  4   été d'accorder une partie de ces moyens à l'HVO.

  5   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci.

  6   M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, excusez-moi, je voudrais dans la

  7   foulée de la question du Juge Prandler, parce que j'ai les deux lettres

  8   devant moi, dans la lettre de M. Prlic, c'est en anglais évidemment mais

  9   j'essaie de traduire en français, il demande que le Conseil croate de la

 10   Défense reçoive, participe dans la répartition des biens et reçoive un

 11   tiers du prêt. Ça, c'est la lettre de M. Prlic du 5 octobre 1992.

 12   Alors dans la réponse de M. Hakija Turajlic du 17 octobre 1992, au

 13   dernier paragraphe justement, il dit que : Le prêt servira aussi pour

 14   couvrir les besoins du conflit armé dans la région. A mon avis, ce

 15   paragraphe est sibyllin, c'est-à-dire on peut lui faire dire n'importe

 16   quoi, parce que la réponse ne dit pas que le prêt ira au HVO mais le prêt,

 17   une partie du moins, servira pour le conflit armé. Mais qui sera, qui

 18   recevra cet argent ? Ce n'est pas dit dans le paragraphe ? Qu'est-ce que

 19   vous en pensez ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Même avant cette lettre et après, il y avait

 21   un accord qui n'avait jamais été précisé ou qui n'a jamais été écrit, à

 22   savoir que tous les moyens, tous les fonds allaient être partagés en

 23   accordant 30 % à chaque partie, s'il s'agit des trois parties ou 50 % à

 24   chaque partie s'il s'agissait de deux parties.

 25   Hier, j'ai dit que quand on parle de trois côtés, on parlait des Croates,

 26   des Musulmans et des Serbes. Dans ce conflit, à cette époque précisément,

 27   il n'y avait que deux côtés, à savoir les Croates et les Musulmans. J'ai

 28   rajouté une autre explication, ici il s'agit d'un crédit à marchandise, qui

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  1   est exprimé en valeur monétaire. Mais il pouvait comprendre aussi bien

  2   l'argent que la marchandise, ou juste l'un des deux puisque ce n'est pas

  3   précisé.

  4   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, vous avez une

  6   question.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé mais votre dernière réponse

  8   n'en est pas une. Vous dites que : "C'était un prêt en marchandise…" puis

  9   vous poursuivez en disant qu'il aurait pu aussi englober de l'argent et des

 10   marchandises ou l'un ou l'autre. D'abord vous dites que ce sont des biens

 11   qui vont être prêtés, puis après vous dites que ça pouvait être aussi

 12   seulement de l'argent. Vous ne le savez peut-être pas plus précisément, je

 13   ne vous le reproche pas d'ailleurs.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme on peut lire dans la lettre et dans la

 15   réponse de M. Hakija Turajlic, le prêt n'avait pas encore été accordé,

 16   approuvé. Il aurait pu par exemple correspondre à dix millions de dollars

 17   américains en espèce, en argent, et 40 millions en marchandise nécessaire

 18   pour l'effort de guerre et pour la population civile de Bosnie-Herzégovine.

 19   J'ai dit que je n'étais pas le président du gouvernement à l'époque.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] En d'autres termes, ce sont des

 21   suppositions et si vous ne savez pas en quoi il consisterait, parce que

 22   d'après ce que vous saviez à l'époque ça n'avait pas été précisé. On

 23   n'avait pas dit en quoi consisterait ce prêt; est-ce exact ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ce que je sais, cela n'était pas

 25   encore précisé à l'époque.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, une dernière question parce qu'on pourrait y

 28   passer des heures sur cette question, mais je vais tout de suite à

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  1   l'essentiel. Quand vous dites "n'a pas été approuvé", est-ce qu'il fallait

  2   que ce prêt soit approuvé par le gouvernement ou par l'assemblée

  3   parlementaire dans la mesure où s'agissant d'un prêt, ça pouvait avoir des

  4   conséquences sur l'équilibre budgétaire de la loi de finance qui

  5   normalement devait être adoptée annuellement, et donc s'il y a un prêt, il

  6   y a certainement des ajouts et donc il faut une approbation parlementaire.

  7   Est-ce que c'est dans ce sens que vous dites qu'il fallait que ça soit

  8   approuvé ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, il s'agit de l'année 1992 et on peut la

 10   séparer en deux parties. Une première partie où la guerre n'était pas

 11   encore là, où on avait un budget adopté normalement, voté normalement,

 12   ensuite vous avez la deuxième partie de l'année où vous avez un budget de

 13   guerre. D'après ce que je sais, et je répète que je n'étais pas à l'époque

 14   le président du gouvernement, ici, il s'agit de moyens qui ont été

 15   approuvés par des décisions pendant l'époque de la guerre, pendant cette

 16   autre période. Donc ici vous avez deux parties, le gouvernement de Bosnie-

 17   Herzégovine, puis de l'autre côté, vous avez le gouvernement de la

 18   République de Turquie.

 19   Le gouvernement de Bosnie-Herzégovine avait demandé à avoir ces

 20   crédits mais il ne l'avait à l'époque pas encore reçu de la République de

 21   Turquie. 

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Je précise que pour ce qui est du document

 24   1D 02014, c'est dit très clairement en anglais, on dit que c'est un prêt en

 25   biens, en biens, en "commodity" et c'est la raison pour laquelle le témoin

 26   a donné cette réponse. Si je vous montrais ceci ce n'était pas tant pour

 27   montrer si le prêt avait été accordé ou pas, mais plutôt pour montrer que

 28   le gouvernement de Bosnie-Herzégovine reconnaissait la communauté croate

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  1   d'Herceg-Bosna. C'était la finalité véritable de ma question.

  2   Document suivant, 1D 00898. Le premier classeur, Messieurs les Juges.

  3   Q.  Vous l'avez sous les yeux, Monsieur le Témoin ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  D'abord, nous avons la date du 17 novembre 1992, Sarajevo. Nous y

  6   voyons votre nom, président du gouvernement. Donc je suppose qu'à cette

  7   date-là le 17 novembre, vous étiez président du gouvernement de la

  8   République de Bosnie-Herzégovine ?

  9   R.  Oui, je l'étais depuis une semaine à cette date-là.

 10   Q.  Il s'agit d'une décision que vous prenez ou que le gouvernement prend

 11   que vous signez puisque vous êtes président de ce gouvernement pour nommer

 12   et autoriser M. Prlic, le président du Conseil croate de Défense afin qu'il

 13   représente le gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine. Vous

 14   poursuivez, vous dites que par la présente, il est autorisé en qualité de

 15   membre du gouvernement de la République ou de l'état-major du gouvernement

 16   de cette République pour obtenir des éléments afin d'assurer la survie.

 17   Est-ce que ce fut une décision collective, collégiale ou une décision

 18   personnelle de votre part ?

 19   R.  C'était une décision officielle du gouvernement de Bosnie-Herzégovine,

 20   dont j'étais le président.

 21   Q.  Est-ce que ceci a paru dans le journal officiel, ce qui aurait permis à

 22   tout le monde de voir que c'est une décision prise par le gouvernement de

 23   la République de Bosnie-Herzégovine ?

 24   R.  Oui, ça a été publié et toute la procédure a été faite par rapport à la

 25   décision, toute la procédure administrative.

 26   Q.  Partant de votre réponse, nous allons examiner le document 1D 02147. Je

 27   pense qu'il se trouve juste après le document que nous venons de voir dans

 28   le premier classeur.

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  1   Vous l'avez, Monsieur le Témoin ?

  2   R.  Oui, oui.

  3   Q.  Nous avons la date du 20 novembre 1992. Nous y voyons votre nom en tant

  4   que président du gouvernement et on parle ici de "pouvoirs" ou "autorités".

  5   En quoi consiste ce document ?

  6   R.  Sur la base de la décision du gouvernement de Bosnie-Herzégovine

  7   mentionnée tout à l'heure, le Dr Prlic s'est vu attribuer ce pouvoir alors

  8   qu'il s'acquittait de sa mission dans le cadre du gouvernement, il pouvait

  9   donc le montrer aux autorités compétentes pour lui permettre de faire son

 10   travail.

 11   Q.  Si je vous ai bien compris, nous avons une décision rendue et publiée,

 12   et ici vous avez en fait un décret d'application ou une espèce de

 13   procuration qui autorise le Dr Prlic à agir suite en fonction de la

 14   décision qui a déjà été rendue; c'est bien cela ?

 15   R.  Oui, sur la base de cette décision, il peut travailler en Bosnie-

 16   Herzégovine et aussi là où se trouvent les centres logistiques, pour la

 17   plupart ils se trouvaient en Croatie. 

 18   Q.  Nous ne voyons pas de signature en croate. Je suis sûr qu'au moins il y

 19   a un des Juges qui va se demander pourquoi il n'y a pas de signature et en

 20   quoi ceci pourrait être une véritable procuration et qu'on serait habilité

 21   à utiliser si on n'a pas la signature du président du gouvernement. Est-ce

 22   que vous avez une explication à cette absence ?

 23   R.  Ce document a été émis par l'administration du gouvernement et il est

 24   valable, mais accompagné de la décision du gouvernement.

 25   Q.  Oui, je vois M. le Juge Trechsel.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous allez peut-être aborder le

 27   sujet qui m'intéresse maintenant. Nous voyons en effet dans l'avant-dernier

 28   paragraphe qu'il est dit "ces pouvoirs prendront effet le jour où ils sont

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  1   accordés."

  2   La question est de savoir si ces pouvoirs ont été accordés et quand

  3   ils l'ont été, je suppose que c'était votre document suivant qui allait

  4   nous le dire. 

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] La semaine dernière, je vous ai dit que les

  6   grands esprits se rencontrent, mais c'est vrai aujourd'hui aussi.

  7   Q.  Mais effectivement, est-ce que vous pourriez, Monsieur le Témoin,

  8   répondre à la question du Juge Trechsel.

  9   R.  En ce qui concerne la différence des dates, vous avez une différence de

 10   trois jours. Ce document entre en vigueur après avoir été adopté, ce

 11   dernier document, pas le premier. Donc le pouvoir entre en vigueur le 20

 12   novembre 1992.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé, Monsieur le Témoin, je ne

 14   suis pas encore convaincu. La décision examinée auparavant, elle avait été

 15   prise le 17 novembre. Ici, nous sommes trois jours plus tard, mais la

 16   phrase que j'ai citée, elle porte sur l'avenir, on dit que ces pouvoirs

 17   "…prendront effet le jour où ils sont accordés." Il est difficile que ce

 18   soit accordé trois jours avant, sinon on aurait utilisé un passé. On aurait

 19   dit "…ont pris effet le jour où la décision a été rendue."

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que je me souviens très bien que mes

 21   juristes m'avaient dit qu'il serait bien de donner un pouvoir au Dr Prlic,

 22   mis à part la décision qu'il avait. Je pensais que la décision suffisait.

 23   Ils l'ont fait comme ils l'ont fait. Logiquement, le Dr Prlic ne pouvait

 24   pas utiliser le pouvoir sans l'avoir reçu. Il est possible qu'il pouvait

 25   utiliser juste la décision du gouvernement.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que les interprètes

 27   pourraient donner lecture de cette phrase et la traduire ? Peut-être que

 28   quelqu'un pourrait le faire. Monsieur le Témoin, pourriez-vous donner

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  1   lecture de l'avant-dernier paragraphe ? "Ovlascenje" en B/C/S c'est le

  2   premier mot, ainsi les interprètes pourront nous dire ce qu'il en est en

  3   anglais. Peut-être qu'une erreur s'est glissée dans la traduction.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] "Les pleins pouvoirs rentrent en vigueur à la

  5   date de leur promulgation."

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Nous allons en rester là, mais je

  7   dois vous dire que je reste perplexe. A l'époque, je pense que votre avocat

  8   n'était pas Me Karnavas mais quelqu'un de moindre qualité.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin, vous me permettez de vous poser deux

 10   questions parce que ce document est à mes yeux très important et il mérite

 11   une attention soutenue. Nous avons un document qui vient du gouvernement,

 12   le 20 novembre 1992. Ce document, quand on le lit, délègue au Dr Prlic, qui

 13   se trouve être lui le président du Conseil croate, la mission de

 14   représenter le gouvernement de Bosnie sur le territoire de cette communauté

 15   croate. Donc ce texte a des effets juridiques puisque le Dr Prlic est censé

 16   représenter le gouvernement avec évidemment tout cela qui peut être

 17   impliqué. 

 18   A votre connaissance, est-ce que vous en aviez parlé à M. Izetbegovic

 19   avant de prendre ce texte, qui est pour un juriste une reconnaissance

 20   explicite du rôle joué par le Conseil croate au sein de la République de

 21   Bosnie-Herzégovine. Alors, est-ce que vous en avez parlé à M. Izetbegovic ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit hier qu'en Bosnie-Herzégovine il y

 23   avait trois institutions primordiales de l'Etat : le Parlement, la

 24   présidence et le gouvernement. Chaque institution a ses propres

 25   attributions en vertu de la constitution. Cette décision relative à la

 26   représentation se rapporte au gouvernement et non pas à la présidence. Cela

 27   se fonde aussi sur une reconnaissance préalable de la part du HVO et je

 28   l'ai indiqué au président Izetbegovic. Mais je n'ai pas posé cela comme

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  1   sujet de débat de discussion à la présidence de la Bosnie-Herzégovine. Je

  2   me dois d'ajouter ici encore ce qui suit : je ne suis pas sûr que ce soit à

  3   cette occasion-là que le président Izetbegovic m'a indiqué, ou que ce soit

  4   à cette époque-là qu'il l'ait fait, que le HVO aurait été saisi, il a dit

  5   saisi d'un versement d'un million de marks allemand en guise d'aide.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : -- et terminera mes questions. Tout à l'heure vous

  7   avez lu et les interprètes nous ont traduit ceci, "Les pleins pouvoirs

  8   entre vigueur à la date de leur promulgation." Donc on a l'impression que

  9   ce document devait faire l'objet d'une publication officielle et à un

 10   moment donné l'avocat a parlé de publication. Alors est-ce que ce texte que

 11   nous avons tous sous les yeux a été ou pas publié dans le journal officiel

 12   de la République de Bosnie-Herzégovine ? Ou ça n'a pas été du tout publié ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous le confirmer. Ce que je

 14   peux confirmer c'est que la décision elle, a été publiée. En ma qualité de

 15   non-juriste, je ne vois pas de grosse différence entre ces deux documents-

 16   ci. Je pense que le premier document est le document principal, publié au

 17   journal officiel et qu'on peut intervenir en s'y référant, mais je me

 18   trompe peut-être.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Parce qu'en vous posant cette question, si au

 20   journal officiel il y a une publication d'un texte quelconque sur le HVO,

 21   inévitablement ça a une conséquence, c'est que sur le plan juridique il y a

 22   une forme de reconnaissance de l'entité par le gouvernement en exercice,

 23   voire par le président lui-même. S'il n'y a aucune publication, à ce

 24   moment-là on est dans une entité de facto. Mais s'il y a un texte officiel

 25   qui mentionne le HVO comme jouant un rôle au sein de la République, à ce

 26   moment-là, un juriste peut estimer que cette entité est reconnue par le

 27   gouvernement en exercice. Alors d'où ma question. Mais là, vous dites vous

 28   ne pouvez pas répondre pour le document que nous avons sous les yeux qui

Page 29429

  1   est 1D 02147. Mais par contre pour un autre document, vous dites il a été

  2   publié, lui. 

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] L'autre document, le document principal a été

  4   publié et du point de vue terminologique il comporte les mêmes éléments que

  5   l'autre.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document principal peut-être que Me Karnavas l'a,

  7   moi je ne l'ai pas sous les yeux.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le

  9   témoin, si je ne m'abuse parle du document 1D 00898. Il s'agit de la

 10   décision où il est dit que le document sera publié dans le journal officiel

 11   de la République de Bosnie-Herzégovine. J'ai travaillé là-bas et je sais

 12   qu'après que la décision a été prise, il faut un certain temps avant que la

 13   décision ne soit publiée. Enfin c'était la situation à l'époque. Je ne sais

 14   pas si le document a été publié ou pas, mais nous pensons qu'il s'agit là

 15   d'un extrait du journal officiel, cette décision 1D 00898 est un extrait du

 16   journal officiel paru à l'époque. 

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie. Le document suivant est le

 19   document 1D 01945. Il se trouve dans le premier classeur, Messieurs les

 20   Juges.

 21   Q.  Monsieur le Témoin, nous constatons que ce document a été signé par le

 22   Dr Jadranko Prlic. Il porte la date du 12 décembre 1992 et est intitulé

 23   "Protestation", c'est l'objet de ce document. Il s'agit du document qui se

 24   trouve juste après le précédent. Inutile de parcourir l'ensemble du

 25   classeur, il s'agit du document qui se trouve juste après le précédent, 1D

 26   01945. Bien. Merci.

 27   Premier paragraphe, nous voyons votre nom. Je vais en donner lecture :

 28   "La raison immédiate pour laquelle nous nous adressons à la

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  1   présidence et au gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine est le

  2   document du chef d'état-major du commandement Suprême des forces armées, M.

  3   Sefer Halilovic, mais les raisons sous-jacentes sont diverses et ne sont

  4   pas connues." C'est ce que semble dire le texte en B/C/S.

  5   "Nous vous demandons instamment, Monsieur Akmadzic, de faire en sorte que

  6   le gouvernement et la présidence débattent de notre protestation et de

  7   faire le nécessaire pour que ces deux hautes instances de la Bosnie-

  8   Herzégovine répondent sans ambiguïté."

  9   Au deuxième paragraphe, le Dr Prlic indique au milieu :

 10   "Nous sommes déterminés à préserver la Bosnie-Herzégovine et nous

 11   voulons que l'Etat et son organisation interne répondent aux intérêts du

 12   peuple croate qui y habite. A cet égard, nous acceptons les solutions

 13   proposées en vue de l'organisation interne de la Bosnie-Herzégovine

 14   proposées par la Communauté européenne, à savoir la solution selon laquelle

 15   la Bosnie-Herzégovine serait une communauté d'Etat constituée de trois

 16   peuples constitutifs, les Croates, les Musulmans, et les Serbes, composée

 17   de trois unités constitutives formées et organisées sur la base des

 18   principes déjà acceptés, à des principes ethniques sacrés."

 19   Alors apparemment, il y a eu une plainte selon laquelle Halilovic a

 20   fait certaines déclarations et j'en reviens à la page précédente, dernière

 21   partie du paragraphe, on peut lire :

 22   "Il y a eu des discussions de ce genre à plusieurs reprises

 23   concernant la coopération entre les unités du HVO et l'ABiH au sujet du

 24   statut des zones défendues ou libérées, au sujet de la communauté croate

 25   d'Herceg-Bosna, du HVO en tant que forme d'autorité exécutive provisoire

 26   dans la région jusqu'à ce qu'une solution définitive soit trouvée. Nous

 27   avons reçu des garanties selon lesquelles les instances officielles du

 28   gouvernement de la Bosnie-Herzégovine acceptent l'état des choses, l'état

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  1   de la situation ainsi que le rôle et la contribution du peuple croate pour

  2   ce qui est de la défense de la patrie. Cependant, en règle générale, ces

  3   discussions et ces accords, les hauts fonctionnaires au niveau politique,

  4   au niveau de l'Etat, au niveau de l'armée ont toujours publiquement réfuté

  5   ces accords et la coopération planifiée. Cela ne peut plus être considéré

  6   comme un hasard, malheureusement il y a des activités politiques qui

  7   œuvrent directement contre la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat, sa survie

  8   et l'intérêt des peuples croates et musulmans."

  9   Est-ce que vous vous souvenez avoir reçu cette lettre de protestation

 10   du Dr Prlic ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qui est à l'origine de cette plainte ? Au

 13   premier paragraphe, vous dites que Sefer Halilovic, qui à l'époque était à

 14   la tête de l'ABiH et le fondateur de la Ligue patriotique, ligue qui a été

 15   créée en secret, nous le savons. Mais savez-vous de quoi au juste se

 16   plaignait le Dr Prlic ?

 17   R.  Tout d'abord, je voudrais dire que ce document, je l'ai

 18   communiqué à la présidence aussi. Il a été pris en considération par cette

 19   présidence sans qu'il n'y ait de conclusions particulières de tirées. Ici,

 20   le Dr Prlic proteste au nom du HVO et du peuple croate en Bosnie-

 21   Herzégovine au sujet de ce traitement d'inégalité, et ici où il est

 22   reproché aussi du fait de se servir de l'expression "prétendue HVO" que les

 23   autorités de Bosnie-Herzégovine avaient du reste auparavant acceptée comme

 24   étant une partie intégrante des forces armées de Bosnie-Herzégovine.

 25   Le Dr Prlic parle aussi du fait qu'il s'agit d'accepter les

 26   négociations internationales, les plans relatifs à l'organisation de l'Etat

 27   de Bosnie-Herzégovine et une coopération entre les deux composantes de

 28   forces armées.

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  1   Q.  J'appelle votre attention sur le document suivant, 1D 02663.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Il se trouve dans le deuxième

  3   classeur, Messieurs les Juges. Il s'agit de la 182e Séance de la présidence

  4   tenue le 26 décembre 1992.

  5   Q.  Est-ce que vous avez ce document, Monsieur ?

  6   R.  Je l'ai, oui.

  7   Q.  Je ne sais pas exactement quelle est la référence dans la version en

  8   B/C/S, mais en haut du texte anglais il s'agit de la référence qui se

  9   termine par les chiffres 6416. Ce sont les quatre derniers chiffres en haut

 10   de la page en anglais.

 11   Est-ce que vous avez trouvé ce document, Monsieur ? Vous souhaitez peut-

 12   être suivre le texte en anglais. Monsieur l'Huissier, est-ce que vous

 13   pourriez nous apporte votre concours ?

 14   R.  Non, je n'ai pas retrouvé cela.

 15   Q.  Les quatre derniers chiffres sont 6416. Nous allons demander à

 16   l'huissier de nous aider.

 17   Nous voyons votre nom ici, Mile Akmadzic, et vous dites :

 18   "Je dirais qu'il serait bon que M. Jadranko Prlic, au nom

 19   du Conseil de Défense croate et de la Herceg-Bosna, envoie une lettre au

 20   gouvernement et à la présidence. Nous avons mis cela à l'ordre du jour du

 21   gouvernement étant donné que M. Sefer était absent."

 22   Puis votre intervention se poursuit.

 23   Alors inutile d'entrer dans les détails de ce qui s'est passé, car

 24   nous pouvons le lire nous-mêmes, et vous avez dit que rien ne s'était

 25   passé, qu'aucune résolution n'avait été prise. Mais ce que vous avez

 26   mentionné un peu plus tôt, vous avez dit que vous aviez informé la

 27   présidence de cela; était-ce lors de cette séance ?

 28   R.  Oui, c'est à cette session que ça se passait.

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  1   Q.  Quelques pages plus loin, nous voyons le nom de M. Halilovic, peut-on

  2   supposer que M. Halilovic était présent à ce moment-là ?

  3   R.  Oui, il était présent.

  4   Q.  Incidemment, il y a un autre point qu'il est intéressant de remarquer,

  5   car dans l'acte d'accusation il est question de "croatisation" et on parle

  6   notamment de l'utilisation faite de la langue croate. Alors j'appelle votre

  7   attention sur les pages 01806433, les quatre derniers chiffres sont 6433.

  8   Alors regardez en haut à droite de la page. Nous allons parler de M.

  9   Campara, mais avant d'en parler, je souhaiterais vous poser une question.

 10   Vous souvenez-vous si lors de cette séance de travail on a évoqué la

 11   question de la langue ?

 12   R.  Oui, c'était à cette session qu'il a été question de la langue, et j'ai

 13   participé au débat.

 14   Q.  Hier nous avons mentionné le fait que vous aviez obtenu votre diplôme

 15   de l'Université de Sarajevo dans les langues anglais, allemand, latin,

 16   c'est ce que vous avez étudié. Je suppose que vous parliez couramment la

 17   langue parlée en Bosnie-Herzégovine quelle que soit cette langue, mais est-

 18   ce que vous pourriez nous dire s'il existait une langue appelée le

 19   bosniaque, le bosnien à l'époque ?

 20   R.  Non. A l'époque en Bosnie-Herzégovine on parlait officiellement le

 21   croate ou le serbe, que dans la population on abrégeait et même dans les

 22   écoles. On disait serbo-croate ou croato-serbe. La langue bosniaque

 23   n'existait pas.

 24   Q.  Bien. Alors voyons ce qui s'est passé lors de cette séance de travail

 25   de la présidence. M. Izetbegovic était là, et là encore nous parlons de la

 26   date du 26 décembre 1992. Nous avons M. Campara qui dit, je cite :

 27   "L'article 4 dispose qu'en République de Bosnie-Herzégovine la langue

 28   officiellement utilisée est le serbo-croate ou le croato-serbe dans sa

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  1   variante ijkavienne."

  2   Ensuite il dit : "Nous sommes d'avis que cette expression ne peut plus être

  3   utilisée car il n'y a pas de langue bosniaque, et cetera, et que la seule

  4   possibilité, et la présidence pourrait donner l'initiative, qu'à la lumière

  5   de ces éléments, l'affaire devrait être renvoyée devant la commission

  6   chargée des questions constitutionnelles afin que cette disposition soit

  7   annulée pour la période de la guerre et en attendant l'adoption d'une

  8   nouvelle constitution. Cette disposition n'existera plus et les langues de

  9   toutes les nations seront utilisées."

 10   Un peu plus loin, vous dites : "Quelle langue parlerons-nous alors ?"

 11   Campara répond : "Serbo-croate, croate, serbe, bosniaque. En fonction du

 12   décret, c'est le président Izetbegovic qui décidera, dans l'intervalle il

 13   ne faut pas trop en parler." J'imagine que c'était une plaisanterie. C'est

 14   bien ça ?

 15   R.  Oui, c'était une plaisanterie.

 16   Q.  Ganic dit : "Ils disent que nous devons ajouter le bosniaque aux autres

 17   combinaisons permanentes."

 18   Campara : "Nous ne pouvons pas faire cela."

 19   Puis Pejanovic intervient : "Nous parlerons comme nous parlerons, et ils

 20   appelleront sans doute notre langue la langue bosniaque et les autres

 21   langues nécessaires pour les peuples qui vivent ici. Il ne s'agit pas

 22   vraiment d'une question urgente, il faut conclure que l'affaire sera

 23   résolue selon la procédure habituelle en adoptant une nouvelle

 24   constitution, ce qui j'espère sera fait bientôt."

 25   Puis vous intervenez et vous dites : "Je suis d'accord que nous devrions

 26   faire cela. Cependant, il sera difficile de donner un nom à cette langue.

 27   Tout d'abord, la langue utilisée par Vuk Karadzic et Ljudevit Gaj,

 28   créateurs des langues croate et serbe, c'est le herzégovénien." Cela doit

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  1   être clair, alors il y a des rires dans l'assistance.

  2   Puis Campara un peu plus loin dit : "Monsieur le Président, je propose que

  3   vous portiez cette initiative devant l'assemblée afin qu'elle examine cette

  4   requête."

  5   Et voilà ce qu'Izetbegovic, qui était président également du SDA à

  6   l'époque, voilà ce qu'il dit, le SDA était le parti musulman le plus

  7   important en Bosnie-Herzégovine et c'était le représentant musulman lors

  8   des pourparlers de paix, il dit :

  9   "Ce n'est pas une mauvaise proposition, les gens ne pourront pas dire que

 10   nous n'avons pas réagi. Disons que l'affaire devra être examinée par la

 11   commission chargée des questions constitutionnelles de l'assemblée. Comme

 12   l'a dit Churchill : 'Si vous souhaitez qu'un problème ne soit jamais réglé

 13   sans que ce soit la responsabilité de qui que ce soit, présentez-le devant

 14   une commission.' Très bien, c'est très bien. Je pense que c'est une

 15   proposition. Permettons la commission de l'examiner. Par conséquent,

 16   l'affaire a été renvoyée devant la commission chargée des questions

 17   constitutionnelles."

 18   Monsieur, vous étiez présent lorsque ces débats ont eu lieu. Pourquoi ces

 19   débats étaient-ils nécessaires ?

 20   R.  Il y a eu ce débat relatif à la langue. Je crois que vous avez omis les

 21   dires de M. Pejanovic, ligne numéro 3 de cette page. Lorsque j'ai dit que

 22   la langue, elle, a été prise ou a ses origines en Herzégovine, et M.

 23   Pejanovic a précisé que c'était là-bas que la langue avait été le mieux

 24   préservée.

 25   Q.  Et qu'est-ce que cela signifie ?

 26   R.  Ça veut dire que Vuk Karadzic, qui est considéré comme étant le père de

 27   la langue serbe et Ljudevit Guy, qui est considéré comme étant le père de

 28   la langue croate, vers la mi ou la moitié du XIXe siècle, ont pris pour la

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  1   langue soit serbe, soit croate, les fondements en Herzégovine et en Bosnie

  2   orientale, et à l'époque, les hommes de lettres croates et Vuk Karadzic,

  3   lui-même, s'exprimaient en ékavien, comme on le dit ici; et le débat tout

  4   entier a porté sur le fait de savoir comment on appellerait la langue en

  5   Bosnie-Herzégovine, à partir du moment où c'était devenu un Etat autonome,

  6   un Etat indépendant avec trois groupes ethniques constitutifs.

  7   Q.  Merci. Page suivante, voilà ce que vous dites, c'est peut-être

  8   pertinent pour le débat :

  9   "Il faut garder une chose à l'esprit, chaque nation a le droit de donner le

 10   nom qu'elle veut à sa propre langue. La question qui se pose est de savoir

 11   si on peut trouver ce nom ailleurs. En tout cas, toute nation qui parle une

 12   langue a le droit de lui donner son propre nom. Les Autrichiens et les

 13   Américains n'ont jamais utilisé ce droit."

 14   Izetbegovic : "On peut le nom qu'on veut à cette langue. Il ne faut pas

 15   l'interdire. Nous dirons probablement qu'on peut appeler le langage que

 16   nous parlons ce qu'on veut, que ce soit le serbe, le croate, le bosniaque,

 17   donnons-lui à cette langue le nom qu'on veut. Mais il y a d'autres

 18   répercussions, et il faudrait le dire, par exemple, dans des diplômes, il

 19   faudra dire quelle est la langue maternelle. Fort bien. Il y aura saisine

 20   de la commission. Poursuivons."

 21   Vu ces échanges, vu ce qu'a dit Izetbegovic, peut-on tirer des conclusions

 22   quant aux distinctions éventuelles faites entre la langue parlée par l'un

 23   et par l'autre ?

 24   R.  En Bosnie-Herzégovine, les trois peuples constitutifs parlent comme ils

 25   l'entendent. En ces temps-ci ou en ces temps-là plutôt, on appelait cela le

 26   serbe, le croate, le serbo-croate ou le croato-serbe. Le troisième peuple

 27   n'avait pas encore opté en la matière. Et il se trouve qu'à présent le

 28   souhait est exprimé de créer un troisième segment, le bosniaque, à savoir

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  1   que d'avoir trois langues. Nous, Croates, on s'était employé en faveur

  2   d'une égalité des droits pour ces trois peuples à tous points de vue.

  3   Q.  Permettez-moi de vous interrompre. Est-ce qu'on parle de langues qui

  4   sont radicalement différentes avec une syntaxe, une grammaire, un lexique,

  5   un vocabulaire distinct, différent ou est-ce qu'une rose, c'est une rose,

  6   quel que soit le nom qu'on lui donne ?

  7   R.  Ici, on parle des trois variantes linguistiques, je dirais, dont

  8   chacune est compréhensible à chacun. Cependant, chaque peuple a le droit de

  9   s'appeler par son nom, et c'est pour cela que nous avons donné le droit aux

 10   Musulmans, à Washington, nous avons accordé le droit qu'ils s'appellent

 11   Bosniens, et chaque peuple a le droit donc d'appeler sa langue avec le nom

 12   qui leur convient. C'est pour cela que nous étions d'accord que les

 13   Bosniens ait le droit de dire qu'ils parlent la langue bosnienne, mais pas

 14   bosniaque, parce que les Bosniaques, ce sont les trois peuples, puis vous

 15   avez les Herzégoviniens aussi.

 16   Alors que nous avons donné la possibilité aux Musulmans d'appeler leur

 17   peuple, le peuple bosnien, et leur langue la langue bosnienne.

 18   Q.  Passons au document suivant, puis nous reviendrons à un débat que nous

 19   avions déjà eu avant que nous ne partions sur cette tangente.

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Il s'agit du document 02077, premier

 21   classeur, Messieurs les Juges, 9 octobre 1992.

 22   Q.  Ceci vient du journal "Oslobodjenje." Où est-ce que cette publication

 23   s'est faite ?

 24   R.  C'est un quotidien publié à Sarajevo.

 25   Q.  Objet : "Conférence de presse donnée par Izetbegovic à Mostar et son

 26   avis sur les relations entre Musulmans et Croates." Je ne vais pas donner

 27   lecture de la totalité de l'article, je vais plutôt vous demander de vous

 28   concentrer sur les deux derniers paragraphes de la page 1 :

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  1   "Il a également annoncé que les membres d'un comité de coordination

  2   seraient bientôt nommés et chargés de coordonner les opérations militaires

  3   entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine contre l'agresseur commun serbo-

  4   monténégrin. Les membres ont déjà été ou nommés par la partie croate et le

  5   côté de la Bosnie-Herzégovine est d'accord pour qu'il y ait deux

  6   représentants de l'ABiH et un représentant du HVO, que la Bosnie-

  7   Herzégovine va nommer. Le HVO va nommer son représentant dans un jour ou

  8   deux et l'ABiH devrait le faire bientôt ou aussitôt après."

  9   Nous parlons ici de relations entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine,

 10   n'est-ce pas ?

 11   R.  Ici, on parle des rapports entre le peuple croate et le peuple musulman

 12   en Bosnie-Herzégovine.

 13   Q.  Mais cette partie que je viens de vous lire -- un pas à la fois et on y

 14   arrivera. On parle ici des rapports entre la Croatie et la Bosnie ?

 15   R.  Excusez-moi, oui effectivement, ici on parle de la Croatie et de la

 16   Bosnie-Herzégovine et des rapports entre les deux.

 17   Q.  Paragraphe suivant :

 18   "Izetbegovic a déclaré qu'il y aurait bientôt un commandement unique des

 19   forces armées de Bosnie-Herzégovine qui serait établi et se composerait des

 20   chefs de l'ABiH et du HVO. Le président de la présidence de Bosnie-

 21   Herzégovine a décrit l'établissement du Conseil des Musulmans d'Herzégovine

 22   comme étant une réaction compréhensible vu ce que les Croates avaient fait,

 23   mais a dit que c'est une voie inacceptable si l'on veut résoudre les

 24   problèmes en Bosnie-Herzégovine et que c'était une voie que les Musulmans

 25   ne devaient pas prendre."

 26   Quelle conclusion pouvons-nous tirer puisqu'on parle ici d'un commandement

 27   unique des forces armées, pour parler ensuite de l'ABiH et du HVO ?

 28   R.  Donc, il parle des rapports entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine,

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  1   et à l'intérieur de Bosnie-Herzégovine, il parle de rapport entre l'ABiH et

  2   le Conseil croate de la Défense qui représente les forces armées de Bosnie-

  3   Herzégovine. On parle de la coopération, des nominations, il s'agit de deux

  4   segments des forces armées de Bosnie-Herzégovine.

  5   Q.  Examinons le tout dernier paragraphe, il est dit ceci :

  6   "Hier, Izetbegovic a eu des pourparlers avec le président du HVO de la

  7   communauté croate d'Herceg-Bosna, le Dr Jadranko Prlic, premier ministre du

  8   gouvernement de guerre, Jadranko Topic, et cetera." Regardez la photo de

  9   celui-ci, l'original, difficile de voir. Mais est-ce que vous reconnaissez

 10   les visages qui se trouvent aux côtés de M. Izetbegovic ?

 11   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Nous n'avons pas de photo. Moi, je

 12   ne l'ai pas trouvée.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Regardez, ici vous avez la version en B/C/S.

 14   Je pourrais poser une question qui dirigera le témoin, parce que je sais

 15   qu'il se trouve sur cette photo.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est Jadranko Prlic que l'on

 17   voit sur la photo.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est exact. Il est un peu plus chevelu.

 19   Vous savez, ça ne s'arrange pour personne de ce côté-là.

 20   Q.  Sujet suivant, centre logistique, nous allons aborder ce sujet très

 21   rapidement. Hier, vous l'avez dit, ces centres logistiques, ils avaient été

 22   établis et dans ce cadre, nous allons, pour vous le montrer, examiner

 23   certains documents. Le premier sera le document 1D 01145. Tous ces

 24   documents se trouvent dans le cinquième -- pardon, dans le premier

 25   classeur.

 26   Décision portant désignation du directeur du centre logistique de Ploce, M.

 27   Raguz; c'est bien cela ?

 28   R.  C'est exact.

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  1   Q.  C'est un Croate, c'est cela ?

  2   R.  Oui, il est Croate, lui.

  3   Q.  Document suivant, 1D 01146. A Rijeka, Stjepan Meler, lui aussi est

  4   Croate, n'est-ce pas, en tout cas le nom semble l'indiquer ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  1D 01147. Split, Munid Karavdic ?

  7   R.  Karavdic.

  8   Q.  Merci de m'aider. Il est Musulman ?

  9   R.  Il est Musulman, lui.

 10   Q.  1D 01403. Décision portant désignation d'un chef par intérim du service

 11   de l'aide économique, de question économique et de l'aide humanitaire à

 12   l'ambassade de la République de Bosnie-Herzégovine en Croatie, un certain

 13   Dr Josip Goluza. N'avons-nous pas vu une lettre qu'il avait écrite en guise

 14   de protestation ?

 15   R.  Oui, Dr Josip Goluza, il est Croate. Il travaille dans le bureau du

 16   gouvernement de Zagreb.

 17   Q.  --propos en quelques mots, pourriez-vous nous dire ceci, vous dites

 18   l'office ou l'antenne du gouvernement à Zagreb, qu'est-ce que c'était

 19   exactement ?

 20   R.  Au début de la guerre, au tout début, je pense que c'était en avril

 21   1992, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine s'étaient mises d'accord que sur

 22   le plan international, du point de vue diplomatique, qu'elles allaient

 23   s'entraider de toutes les façons possibles. Ensuite, Bosnie-Herzégovine a

 24   ouvert un bureau à Zagreb, c'est le gouvernement de Bosnie-Herzégovine qui

 25   a ouvert son bureau à Zagreb, qui fonctionnait jusqu'à l'ouverture de

 26   l'ambassade de Bosnie-Herzégovine à Zagreb. La Croatie avait aussi une

 27   ambassade à Sarajevo.

 28   Q.  Merci. Document suivant 1D 01287. Décision portant désignation du

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  1   directeur du centre de logistique de Ploce, Salko Handzic ?

  2   R.  Oui, oui, c'est exact.

  3   Q.  Décision suivante, 1D 01301, décision décidant de licencier, de

  4   renvoyer M. Raguz, qu'on avait vu auparavant. Là, nous sommes à la date du

  5   29 avril 1993.

  6   R.  Oui, oui, c'est exact.

  7   Q.  Examinons 1D 02292. Ceci n'aura, bien sûr, pas échappé aux Juges, ici

  8   on a ni sceau ni signature. Pourtant, nous voyons qu'il s'agit d'un résumé,

  9   en tout cas c'est ce qui est dit ici, résumé des livraisons effectuées à

 10   l'ABiH et au Conseil de Défense croate après demande faite par le ministère

 11   de la Défense de la République de Bosnie-Herzégovine et l'état-major

 12   principal des forces armées, centre logistique de Visoko.

 13   Avez-vous des informations à propos de ce document ? Etes-vous en mesure de

 14   le commenter ?

 15   R.  Je peux confirmer qu'il y avait un centre logistique à Visoko, à une

 16   quarantaine de kilomètres de Sarajevo. C'est surtout l'ABiH qui

 17   s'approvisionnait dans ce centre logistique.

 18   Q.  Très bien. Document suivant, 1D 01282, 1282, décision portant

 19   établissement de centres logistiques afin d'assurer l'approvisionnement des

 20   habitants de la République de Bosnie-Herzégovine. Ici, nous voyons qu'il

 21   s'agit de Visoko et la date est celle du 10 mai, alors que c'était avant

 22   dans l'autre document le 25 janvier 1993. Est-ce que nous parlons ici d'un

 23   centre logistique différent, c'est ça que je vous demande ou est-ce qu'il y

 24   avait deux types de centre logistique, l'un pour les armements et l'autre

 25   pour l'approvisionnement, ravitaillement pour les habitants ?

 26   R.  Le premier centre dont on a parlé, celui de Visoko, il s'agissait d'un

 27   centre de logistique militaire. Les autres centres de logistique étaient

 28   plutôt civils.

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  1   Q.  Dernier document dans cette série sur ce sujet, 1D 01302, décision

  2   portant établissement de centres logistiques d'aide humanitaire sur le

  3   territoire de la République de Croatie. La date est celle du 29 avril 1993.

  4   Pourquoi a-t-il été nécessaire de créer un centre logistique pour l'aide

  5   humanitaire en Croatie ? Le savez-vous ?

  6   R.  J'ai dit que la plupart des frontières de la Bosnie-Herzégovine sont

  7   des frontières avec la Croatie, donc les trois-quarts de ces frontières

  8   sont des frontières avec la Croatie, que la Bosnie-Herzégovine pendant

  9   toute la période de guerre mais aussi en temps de paix s'approvisionne par

 10   la Croatie. C'est dans ce sens qu'il y a eu ces centres logistiques qui ont

 11   été créés dans des ports principaux croates, mais pas seulement dans les

 12   ports. C'est depuis ces centres qu'arrivait l'aide humanitaire et autre

 13   aide destinée à la Bosnie-Herzégovine.

 14   Q.  Merci.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais maintenant

 16   aborder un autre sujet. Ça va me prendre plus que dix minutes --

 17   M. LE JUGE MINDUA : Maître Karnavas, excusez-moi. Nous venons de passer en

 18   revue une série de décisions. Et dans chacune de ces décisions, par

 19   exemple, la décision -- enfin inutile de les citer pour ne pas répéter.

 20   Dans chacune de ces décisions, il est mentionné que la décision en question

 21   entre en fonction, entre en vigueur à la date de la publication dans le

 22   journal officiel, "Official Gazette". Je voudrais savoir si le témoin peut

 23   confirmer qu'en cette période de conflit, le journal officiel était

 24   toujours publié et que les décisions en question étaient toujours

 25   promulguées conformément à la loi ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces décisions ont été publiées en accord avec

 27   la loi en vigueur à l'époque. Le journal officiel était publié dans son

 28   format minimal. Certaines décisions entraient en vigueur immédiatement. Par

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  1   exemple, les décisions dont on parle ici sont entrées en vigueur après

  2   avoir été publiées dans le journal officiel.

  3   Les décisions que l'on ne pouvait pas publier dans le journal officiel, à

  4   cause des contraintes de temps ou parce qu'il s'agissait de décisions

  5   extrêmement urgentes, elles entraient en vigueur sans être publiées, en

  6   disant éventuellement qu'on allait les publier par la suite dans le journal

  7   officiel.

  8   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors le mieux, c'est de faire la pause, comme

 10   ça vous attaquerez après l'autre sujet. On fait une pause de 20 minutes.

 11   --- L'audience est suspendue à 15 heures 36.

 12   --- L'audience est reprise à 16 heures 03.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je peux poursuivre ?

 15   Q.  Sujet suivant, Monsieur Akmadzic, la question des districts ou "okrug".

 16   Examinons le document dans le premier classeur, 1D 00509.

 17   Vous l'avez sous les yeux, Monsieur le Témoin ?

 18   R.  Je l'ai.

 19   Q.  On voit la date du 13 août 1992, décret ayant force de loi sur

 20   l'établissement et l'activité des districts. Est-ce que vous connaissiez ce

 21   décret à l'époque ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Pourriez-vous donner quelques explications aux Juges ? Nous voulons

 24   comprendre la teneur de ce décret, sur quoi il porte ?

 25   R.  Le 13 août 1992, c'est une période de guerre déjà, Sarajevo était

 26   complètement encerclée. Les autorités de la Bosnie-Herzégovine se trouvant

 27   à Sarajevo n'avaient pas la possibilité de rester en contact avec les

 28   autorités locales ailleurs sur le territoire de la république. C'est

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  1   pourquoi la présidence de la Bosnie-Herzégovine a repris les fonctions du

  2   Parlement et pris la décision portant création -- je ne dirais pas

  3   décision, je dirais plutôt décret, portant création d'un certain nombre de

  4   départements. Il me semble qu'il s'agissait de dix départements ou

  5   districts, y compris celui de la ville de Sarajevo.

  6   Q.  Très bien. Est-ce que -- vous faisiez déjà partie de la présidence de

  7   Guerre, je suppose, à ce moment-là ?

  8   R.  A l'époque, j'étais secrétaire général, et non pas membre de la

  9   présidence.

 10   Q.  Avez-vous un avis sur cette question, ce décret s'inscrit-il dans la

 11   constitution de ce qui était alors la République de Bosnie-Herzégovine ?

 12   R.  La présidence de la Bosnie-Herzégovine a jugé nécessaire de créer ces

 13   districts, bien qu'il ne soit pas sûr que la chose se soit faite

 14   conformément à la constitution, parce que la constitution ne prévoie pas la

 15   création de tels districts. Or, les modifications à la constitution ne

 16   sauraient être apportées ni par la présidence ni par le Parlement.

 17   Q.  Prenons l'article 8, peut-être va-t-il nous aider à mieux comprendre.

 18   Il est question ici des droits et obligations du district. Les fonctions

 19   énumérées à l'article 8, sont-elles les fonctions qui reviennent à des

 20   municipalités ?

 21   R.  Ce n'était pas les fonctions des municipalités, surtout pas lorsqu'il

 22   s'agit des questions relatives à la mobilisation; la municipalité participe

 23   à la mobilisation mais en coopération directe avec les autorités centrales.

 24   Q.  Nous allons examiner le document suivant, 1D 02418.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Dans le deuxième classeur, Messieurs les

 26   Juges. Nous avons vu qu'il y avait ce décret adopté le 13 août 1992. Ici,

 27   nous avons une lettre du 31 janvier 1993, signée par Izetbegovic pour le

 28   SDA de Bosnie-Herzégovine. Il semblerait, par conséquent, qu'Izetbegovic

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  1   envoie ceci au nom de son parti. Il est dit en haut : "Conformément aux

  2   principes de l'ordre constitutionnel et juridique de la Bosnie-Herzégovine

  3   adoptés à Genève et à la charte des Musulmans de Bosnie-Herzégovine et au

  4   nom du SDA de Bosnie-Herzégovine, par la présente, je donne pleine" - je

  5   souligne pleine - "autorisation au président du comité régional du SDA pour

  6   la Bosnie-Herzégovine, M. Damirovic, chef du groupe d'experts, que le

  7   comité régional doit établir, et il est proposé que soit constituée la

  8   province proposée pour Mostar en coopération avec le représentant du peuple

  9   croate, afin de mettre la dernière main aux derniers éléments permettant la

 10   constitution de cette province sur le plan constitutionnel, les plans légal

 11   et politique."

 12   Le dernier paragraphe dit : "Conformément à cette autorisation, le

 13   président du comité régional du SDA pour l'Herzégovine et le comité lui-

 14   même ont l'obligation d'assurer l'unité démocratique du SDA en Herzégovine

 15   dans l'exécution de cette fonction."

 16   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'avaient pas le texte.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous sommes donc plusieurs mois après

 18   l'adoption de ce décret, et Izetbegovic envoie cette autorisation pour la

 19   province de Mostar.

 20   Q.  Je vous demande maintenant s'il y avait une contradiction entre ce

 21   décret qui est censé établir ce district, laissons de côté la question de

 22   savoir si c'était quelque chose de constitutionnel ou pas, et

 23   l'autorisation donnée par ce parti pour une coopération avec les Croates

 24   pour établir la province de Mostar ?

 25   R.  Je pense que le président, M. Izetbegovic, ne fait pas la distinction

 26   entre les missions du président de la présidence, et celles du président du

 27   Parti de l'Action démocratique. En sa qualité de président du parti, il

 28   peut donner des autorisations propres au parti même, mais il ne peut pas

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  1   donner des autorisations qui relèvent de l'Etat. Le deuxième élément que je

  2   tiens à préciser ici, le 31 janvier 1993, c'est une date postérieure aux

  3   négociations de Genève pour ce qui est de l'aménagement de la Bosnie-

  4   Herzégovine. D'une certaine façon, le président Izetbegovic s'était dit

  5   disposé à suivre les instructions telles que données à Genève concernant

  6   notamment la création de provinces. D'une certaine façon, ici aussi il se

  7   trouve à la recherche d'une coopération avec les Croates. J'imagine que

  8   cela sous-entendait le HVO aussi.

  9   Q.  Regardons l'original de ce texte. Nous y voyons une signature.

 10   Pourriez-vous nous dire, en étant certain, si c'est là la signature

 11   d'Izetbegovic ?

 12   R.  Je peux dire cela avec une certitude totale puisque je connais bien sa

 13   signature. C'est sa signature, celle de M. Izetbegovic.

 14   Q.  Bien. Nous allons voir ce qui se passe à peu près un mois plus tard.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Pour ce faire, nous allons examiner le

 16   document 1D 02565, deuxième classeur, Messieurs les Juges.

 17   Q.  Qu'avons-nous ici ? Une lettre en date du 3 mars 1993, lettre adressée

 18   à M. Demirovic par un certain Rusmir Mahmutcehajic, j'espère avoir bien

 19   prononcé, et en annexe nous avons une lettre envoyée à M. Pasalic, chef du

 20   4e Corps d'armée de l'ABiH. En bas de page nous voyons aussi qu'un

 21   exemplaire devrait être envoyé à M. Jadranko Prlic ce que nous voyons

 22   également à la toute première page où il est dit : "Transmettre un

 23   exemplaire à M. Prlic après avoir copié tous les documents à vos propres

 24   fins."

 25   Ici au point 2, ceci vient du vice-président du gouvernement, celui-ci

 26   envoie une lettre au commandant de l'ABiH, il dit ceci :

 27   "Nous vous envoyons les conclusions du gouvernement de la République de

 28   Bosnie-Herzégovine sur l'application en urgence d'activités en vue

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  1   d'établir les districts de Mostar et de Livno."

  2   Arrêtons-nous un instant. Est-ce que ceci, quand on parle de ce district de

  3   Mostar, est-ce que c'est conforme au document précédent que nous avons vu

  4   qui avait été signé par le président de la présidence qui était aussi

  5   président du SDA, Alija Izetbegovic, le 31 janvier 1993 lorsqu'il demandait

  6   l'aide du comité régional afin d'établir la province de Mostar ?

  7   R.  Ce n'est certainement pas conforme parce qu'il s'agit de districts et

  8   il est question de la mise en œuvre d'un plan issu d'une suite à des

  9   négociations internationales. Les provinces découlaient du plan Vance-Owen

 10   et les districts découlent de la décision de la présidence sur laquelle on

 11   s'est penchée tout à l'heure.

 12   Q.  Bien. Et si nous examinons la toute dernière page de cette lettre avant

 13   d'examiner la liste des délégués, nous constatons qu'il est dit :

 14   "D'après ce que sait le ministère jusqu'à présent, il n'y a pas eu de

 15   réponse officielle ni d'opinion officielle reçue de la part de M. Mate

 16   Boban. Par conséquent, le ministère de la Défense lance de nouveau une

 17   initiative selon laquelle les districts de Mostar et de Livno vont devenir

 18   opérationnels et propose au gouvernement de la République de Bosnie-

 19   Herzégovine qu'il transmette le dossier à la présidence de la République de

 20   la Bosnie-Herzégovine conformément aux articles 56 et 60 du décret en force

 21   de loi, projet de décision."

 22   Est-ce que vous avez retrouvé ce passage, Monsieur ? Il s'agit de la lettre

 23   datée du 25 février 1993 par laquelle sont créés les districts de Mostar et

 24   de Livno; cette lettre est signée par Munib Bisic. Est-ce que vous l'avez

 25   trouvée ?

 26   R.  Je l'ai trouvée.

 27   Q.  Qui est Munib Bisic ?

 28   R.  C'est le ministre adjoint de la Défense de Bosnie-Herzégovine, c'est

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  1   quelqu'un qui est membre du ministère de la Défense. 

  2   Q.  Pourquoi le ministre de la Défense demanderait-il ou prendrait

  3   l'initiative de créer les districts de Mostar et de Livno puisqu'il existe

  4   également un gouvernement civil ? Est-ce que vous auriez une explication à

  5   nous fournir à ce sujet ?

  6   R.  Je n'en ai jamais discuté avec M. Munib Bisic. Je suppose qu'il s'agit

  7   d'un segment militaire, et ça c'est d'un. Je pense d'autre part que ce

  8   n'était pas son travail. Il n'était pas censé faire cela.

  9   Q.  Hier au début de notre entretien, nous avons évoqué les propos de Lord

 10   Owen et ce qu'il avait écrit dans son livre. Il a dit qu'à un moment donné

 11   la présidence était en réalité une présidence musulmane ou destinée aux

 12   Musulmans, et qu'elle était gérée par ses proches collaborateurs.

 13   A ce stade, est-ce que la présidence fonctionne comme elle aurait dû

 14   fonctionner selon les principes de la constitution ?

 15   R.  La présidence était censée fonctionner partant de la constitution, mais

 16   à partir du 12 décembre, cette présidence, je parle de 1992 il s'entend, du

 17   point de vue constitutionnel la concernant, elle-même ne fonctionne pas de

 18   façon tout à fait conforme à la constitution, et cela n'est pas le cas pour

 19   la période dont nous parlons ici non plus.

 20   Q.  A la lecture du document précédent qui était daté du 31 janvier 1993,

 21   vous avez pu nous raconter un petit peu ce qui se passait à la table des

 22   négociations avec les représentants de la communauté internationale. Est-ce

 23   que vous pourriez nous aider à comprendre les choses, au début du mois de

 24   mars 1993, que se passe-t-il pour ce qui est du processus de négociations

 25   pour ce qui est du plan de paix Vance-Owen, où en est-on ?

 26   R.  Début mars 1993, les négociations relatives à la conclusion d'un traité

 27   de paix en Bosnie-Herzégovine basé sur le plan Vance-Owen avaient déjà

 28   évoluées grandement, et comme je l'ai dit hier, au mois de mars les deux

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  1   parties, musulmane et croate, avaient déjà signé ce plan Vance-Owen.

  2   Partant de là, nous avions convenu de la mise en place des provinces, de

  3   leur nombre et de leur limite, c'étaient des frontières entre guillemets,

  4   donc au conditionnel.

  5   Q.  Très bien. Nous allons revenir là-dessus plus tard. Pour le moment,

  6   passons au document suivant, à savoir 1D 01972.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Il se trouve dans le premier classeur,

  8   Messieurs les Juges, 1D 01972, apparemment il n'y a pas de date, on peut

  9   lire 1993.

 10   Q.  Le document est adressé à Lagumdzija qui, si j'ai compris à l'époque,

 11   était le vice-président du gouvernement; est-ce exact ?

 12   R.  C'est exact.

 13   Q.  Et dernière page, le document provient de Jadranko Prlic mais il n'y a

 14   pas de signature. Avez-vous eu l'occasion d'examiner ce document, Monsieur

 15   ?

 16   R.  Oui, je me suis penché dessus.

 17   Q.  A la première ligne on peut lire :

 18   "Dans votre lettre sans numéro de référence, en date du 3 mars 1993,

 19   vous m'avez informé des conclusions du gouvernement…" et ainsi de suite.

 20   A la lecture de ce document, est-ce que vous n'avez pas l'impression

 21   que ce document 1D 01972 a un lien avec le document que nous avons vu plus

 22   tôt, à savoir 1D 02418 ou plutôt -- 1D 02565 ?

 23   R.  Oui, il y a une corrélation.

 24   Q.  Alors savez-vous ce que dit ici le Dr Prlic ? Quel est son message

 25   lorsqu'il dit :

 26   "La création des districts de Mostar et de Livno n'est pas régie par la

 27   constitution actuelle de la République de Bosnie-Herzégovine qui a été

 28   signée par les Musulmans et les Croates lors des pourparlers de paix à

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  1   Genève et à Washington."

  2   M. LE JUGE MINDUA : [interprétation] Genève et New York.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, vous avez tout à fait raison, je ne

  4   sais pas d'où venait Washington. Je ne sais pas pourquoi j'en ai parlé,

  5   peut-être que j'avais toujours M. Biden à l'esprit.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que par ce document, M. Prlic cherche

  7   à prévenir la partie musulmane en Bosnie-Herzégovine, en l'occurrence M.

  8   Lagumdzija, qui se trouve être premier ministre, de la nécessité de s'en

  9   tenir aux négociations internationales, de s'en tenir aussi à la

 10   constitution et aux lois, de s'en tenir aux signatures apposées par les

 11   représentants croates et musulmans aux négociations internationales, chose

 12   qu'il ne fait pas. Et il précise également ici que cette communauté croate

 13   d'Herceg-Bosna se trouve être une communauté à caractère provisoire, et une

 14   fois que les négociations auront abouti, il y aurait modification de cette

 15   communauté.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation]

 17   Q.  Soyons plus concrets car nous pouvons lire le message de M. Prlic, mais

 18   est-ce que vous pourriez nous donner votre avis puisque vous étiez

 19   président du gouvernement, alors pourquoi est-ce que le Dr Prlic a dit à

 20   l'avant-dernier paragraphe :

 21   "Etant donné que votre proposition ne se fonde pas sur la constitution

 22   actuelle de la République de Bosnie-Herzégovine ou sur les principes

 23   constitutionnels convenus à propos de l'ordre constitutionnel futur de la

 24   République de Bosnie-Herzégovine, je n'estime pas qu'il y ait un fondement

 25   juridique ou que cela soit conforme aux pourparlers de paix."

 26   Alors, je souhaiterais connaître votre opinion, qu'en pensez-vous ?

 27   R.  Ce que je pense c'est que Jadranko Prlic prévient ici, à juste titre,

 28   les instances concernées de l'autorité qui est le destinataire de la

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  1   lettre, en disant qu'il convient de s'en tenir à la constitution, aux

  2   négociations internationales, et à ce qui a été convenu entre les deux

  3   peuples. Cette lettre a été envoyée sans que je le sache, enfin la lettre

  4   de M. Lagumdzija a été envoyée sans que je le sache, et je ne l'aurais pas

  5   approuvée.

  6   Q.  Bien. Passons au sujet suivant, nous sommes en janvier 1993. Alors,

  7   vous avez peut-être l'impression que je saute d'une période à l'autre, mais

  8   j'ai organisé mon interrogatoire par thème et j'espère qu'à l'issue de mon

  9   interrogatoire, vous comprendrez la logique.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Document suivant, 1D 01314. 1D 01314. Cela

 11   se trouve dans le classeur suivant, alors je demanderais à M. l'Huissier de

 12   bien vouloir nous aider. Il s'agit du classeur numéro 2. Pour vous,

 13   Messieurs les Juges, il s'agit du premier classeur. 1D 01314. Ce document

 14   émane du Conseil de sécurité, il porte la date du 6 janvier 1993.

 15   Q.  Tout d'abord, avez-vous participé aux négociations qui ont eu lieu à

 16   Genève à l'époque ?

 17   R.  J'étais aux négociations à Genève, mais il se peut qu'à ce moment-là --

 18   oui, j'étais là-bas.

 19   Q.  A l'annexe 1, on peut voir et je souhaiterais vos commentaires, page 6,

 20   coin supérieur gauche, annexe 1; est-ce que vous l'avez trouvé, Monsieur ?

 21   R.  Oui, je l'ai trouvé.

 22   Q.  Nous pouvons lire : Croate de Bosnie, Mate Boban, Mile Akmadzic, et le

 23   commandant Milivoje Petkovic. Puis nous pouvons lire : Bosnie-Herzégovine,

 24   Alija Izetbegovic, Haris Silajdzic, le commandant en chef, Sefer Halilovic,

 25   Kasim Trnka et Hajrudin Somun. Puis nous voyons une liste de Serbes de

 26   Bosnie-Herzégovine, Karadzic, Mladic, Buha, Lukic, Plavsic.

 27   Monsieur, hier vous nous en avez un petit peu parlé. Vous avez essayé

 28   d'expliquer tout cela à M. Biden, mais cela n'a servi à rien. Pour ce qui

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  1   est de la Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges

  2   de la Chambre quelle était votre objection ?

  3   R.  J'avais fait objection pour dire que la Bosnie-Herzégovine ne pouvait

  4   être représentée que par les représentants des trois peuples, à savoir par

  5   une délégation constituée de représentants des trois peuples en présence.

  6   En l'occurrence, dans le concret ici comme on peut le voir, il s'agit de

  7   délégations des trois parties en présence qui prennent part aux

  8   négociations. L'une des parties est la partie croate, l'autre présidée par

  9   Izetbegovic est musulmane, et la troisième est serbe. Or, à ces

 10   négociations il y avait également une délégation de la République fédérale

 11   de Yougoslavie et une délégation de la République de Croatie.

 12   Q.  Bien. Permettez-moi de vous poser la question suivante, elle peut vous

 13   paraître bête mais je vais vous la poser quand même : est-ce que vous vous

 14   êtes jamais plaint du fait que les délégations de Bosnie-Herzégovine

 15   comprennent uniquement des Musulmans, alors apparemment il y a le

 16   gouvernement contre deux autres nations qui participaient aux négociations

 17   et non pas trois nations dont l'une serait appelée la délégation de Bosnie-

 18   Herzégovine qui lui conférait une fausse légitimité puisqu'on aurait

 19   l'impression qu'elle agissait au nom de l'Etat et non pas dans l'intérêt de

 20   son peuple ?

 21   R.  Je dois signaler ici à l'intention des Juges de la Chambre qu'avant

 22   cela à Sarajevo on en avait débattu au niveau de la présidence, et la

 23   présidence, à ma demande, avait adopté une position disant qu'à l'étranger

 24   - d'ailleurs je vous l'ai dit hier - ne pouvait être représentée que par

 25   une délégation constituée des trois peuples. Or, s'il s'agit de

 26   l'aménagement interne de l'Etat, en l'occurrence, il s'agissait de faire en

 27   sorte que les trois peuples négocient entre eux, chaque peuple ayant ses

 28   propres représentants.

Page 29457

  1   Dans le cas concret ici présent, indépendamment du fait que j'ai été

  2   premier ministre au gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, j'ai fait partie

  3   de la composition de la délégation des Croates de Bosnie-Herzégovine comme

  4   on l'indique ici la délégation présidée par Mate Boban, et non pas au sein

  5   de la délégation présidée par Alija Izetbegovic.

  6   Si on avait parlé de relations internes à la Bosnie-Herzégovine vis-

  7   à-vis de quelqu'un d'autre au niveau international, alors je serais assis

  8   au côté de M. Izetbegovic, et au côté du ou des représentants serbes, très

  9   certainement, conformément à ce qui a été convenu au niveau de la

 10   présidence de la Bosnie-Herzégovine.

 11   A cet effet, à Genève j'ai protesté, j'ai demandé au coprésident de

 12   procéder à des rectifications. Ils ont accepté mon argumentation, mais très

 13   souvent par la suite on a considéré que M. Izetbegovic et ses

 14   collaborateurs musulmans étaient la délégation du gouvernement en général

 15   au niveau international. Parce que la délégation de la présidence et la

 16   délégation du gouvernement au niveau international c'était apparenté,

 17   c'était comme si cela était la même chose. On pourrait illustrer la chose

 18   par le fait de voir trois parties signer un accord entre elles, et non pas

 19   un seul homme signant au nom des trois peuples en présence.

 20   Q.  Alors très rapidement pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, nous

 21   connaissons Alija Izetbegovic, nous savons qui il est, ainsi que Haris

 22   Siladzic, Halilovic, mais qui était Kasim Trnka ?

 23   R.  Kasim Trnka était membre, juge du tribunal constitutionnel, de la cour

 24   constitutionnelle, mais je ne sais pas s'il l'était à l'époque.

 25   Q.  Qu'en est-il de M. Somun ?

 26   R.  M. Somun travaillait en tant que conseiller dans la présidence de

 27   Bosnie-Herzégovine, ensuite il est devenu ambassadeur en Turquie. 

 28   Q.  Alors pour ce qui est des cinq personnes qui se trouvent dans la

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  1   rubrique Bosnie-Herzégovine, pourriez-vous nous dire combien de nations

  2   sont représentées ?

  3   R.  Parmi les cinq noms, tous les cinq sont Musulmans.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Passons au document suivant --

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Je souhaiterais que

  6   nous comprenions bien ce que vous voulez dire, Monsieur.

  7   Il s'agissait de négociations tenues essentiellement entre les

  8   peuples constitutifs de Bosnie-Herzégovine, et il y en avait trois. Vous

  9   vous êtes plaint du fait que les Musulmans apparaissent dans la rubrique de

 10   "Bosnie-Herzégovine". Je l'accepte. J'en suis convaincu. Mais pour ce qui

 11   est de la substance, est-ce qu'en principe il n'aurait pas dû y avoir

 12   quatre délégations, c'est-à-dire une délégation pour chaque nation, pour

 13   chaque peuple constitutif, puis une autre délégation qui aurait été en

 14   quelque sorte une délégation mère, qui aurait représenté l'ensemble de la

 15   Bosnie-Herzégovine en tant qu'entité tripartite ?

 16   Alors est-ce que cela vous paraît réaliste ? A quoi cela aurait pu

 17   ressembler à Genève ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais vous dire ce dont on a discuté

 19   lors de la session de travail de la présidence et les décisions qui ont été

 20   prises, à savoir que les trois peuples, les représentants de trois peuples

 21   allaient discuter entre eux, et après cela la présidence comme une entité

 22   qui est composée quant à elle aussi de représentants des différents

 23   peuples, en tout cas ceci devrait être le cas, allait accepter ces

 24   documents s'il pense qu'il faut les accepter.

 25   Donc tout d'abord, quand je dis "Bosnie-Herzégovine", je dis qu'ici

 26   on ne parle finalement qu'au nom d'un seul peuple. On peut dire que c'est

 27   une remarque formelle, de forme, mais ici il s'agissait pendant la guerre

 28   d'une remarque de fond, d'un problème de fond.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne savais pas si c'était la fin

  2   de la réponse; c'est la fin de votre réponse ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai terminé ma réponse.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] En fait, vous ne répondez pas tout à

  5   fait à ma question. Mais pour le moment je vais en rester là. Merci.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation]

  7   Q.  Permettez-moi d'enchaîner là-dessus, Monsieur Akmadzic. En premier

  8   lieu, vous dites que c'était peut-être une question formelle mais qu'en

  9   fait la question est devenue une question de fond. Cela se trouve à la page

 10   44, lignes 9 à 11 du compte rendu d'audience.

 11   Qu'entendiez-vous par là ? Non, non, ce n'est pas dans le document,

 12   Monsieur Akmadzic. Veuillez écouter ma question, je vous indiquerai la page

 13   si nécessaire. Je vous citais la référence dans le compte rendu d'audience.

 14   Vous avez dit que les Musulmans étaient rassemblés sous la bannière de la

 15   Bosnie-Herzégovine. C'était peut-être une question formelle, mais en fait

 16   il s'est avéré que c'était une question de fond. Qu'entendiez-vous par là ?

 17   R.  Ce que je voulais dire c'est que s'il s'agit juste d'un lapsus, d'une

 18   erreur, ou une faute technique, c'est une question de forme, un problème de

 19   forme. Mais puisqu'il s'agit de trois peuples égaux, constitutifs, et que

 20   c'est quelque chose qui s'est produit souvent à plusieurs reprises, ce

 21   n'était pas un cas isolé, ceci devient un problème de fond.

 22   Q.  Bien. Je souhaiterais revenir sur une question qui vous a été posée.

 23   Veuillez y répondre sans détour. La question qui vous a été posée était la

 24   suivante : il y a trois différentes nations, donc il peut y avoir trois

 25   parties différentes, chaque nation aurait son propre représentant et peut-

 26   être qu'il y aurait dû y avoir un quatrième groupe, lequel aurait

 27   représenté l'Etat.

 28   Est-ce que cela aurait été préférable ? C'est ma première question.

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  1   Deuxième question : est-ce que cela aurait été possible compte tenu des

  2   circonstances qui prévalaient à l'époque ? Et je pense avoir bien compris

  3   la substance de la question posée.

  4   R.  Je pense que le résultat aurait été le même. La présidence de Bosnie-

  5   Herzégovine est composée de deux membres plus deux membres plus deux

  6   membres plus un membre. La présidence de Bosnie-Herzégovine ne pouvait pas

  7   se mettre d'accord sur les questions essentielles pour la Bosnie-

  8   Herzégovine puisque le côté serbe souhaitait que la Bosnie-Herzégovine

  9   reste à l'intérieur de la Yougoslavie.

 10   Q.  Permettez-moi de vous interrompre, et je vous demande d'écouter

 11   soigneusement ma question. Je vous demandais ceci : vu les circonstances

 12   qui prévalaient alors, était-il possible que la présidence agissant au nom

 13   de l'Etat ait une délégation, une délégation musulmane, une délégation

 14   croate, une délégation serbe et une délégation de la Bosnie-Herzégovine ?

 15   Est-ce que c'était possible vu les circonstances ?

 16   R.  Non, ce n'était pas possible.

 17   Q.  Très bien. On s'est demandé si c'était un peu la délégation mère, mais

 18   pour ce qui est de la communauté internationale, est-ce que ça pouvait être

 19   considéré comme étant disons la délégation mère avec trois parties

 20   constitutives qui négociaient, est-ce que c'est bien ce que faisait la

 21   communauté internationale, à savoir qu'elle était là un peu pour parrainer

 22   les réunions, pour essayer que ces trois parties s'asseyent à une même

 23   table et négocient ?

 24   R.  Je dois dire qu'on n'a même pas évoqué la possibilité d'avoir une

 25   quatrième partie. Personne n'a proposé cela. Et si on peut parler d'un

 26   coordinateur en quelque sorte, quelqu'un qui supervise tout cela, c'étaient

 27   les coprésidents de la conférence de paix qui jouaient ce rôle.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais dans le sens de la question de l'avocat et

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  1   puis de ce que vous avez posé comme question mon collègue.

  2   Il y a cette conférence à Genève. Alors il y a les trois peuples

  3   constitutifs, les Serbes, les Croates, les Musulmans qui peuvent, eux,

  4   avoir chacun leur propre délégation, ça c'est une chose. Mais comme le

  5   disait mon collègue, est-ce qu'il n'était pas envisageable également

  6   d'avoir une quatrième délégation qui aurait pu être la présidence de la

  7   Bosnie-Herzégovine, elle-même constituée de représentants de chacune des

  8   ethnies concernées avec le premier ministre en exercice, voire également

  9   deux ou trois autres personnalités, ce qui aurait fait quatre composantes,

 10   et tout ça conduit par le président en exercice, M. Izetbegovic.

 11   Ce n'était pas possible ? Et si ce n'était pas possible, pour quelle raison

 12   ? Parce que vous, vous y étiez dedans, nous on est à l'extérieur. On ne le

 13   sait pas. Mais on a les uns et les autres, on sait comment ça marche. Donc

 14   était-ce possible ou pas ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois dire que ce sont les sous-présidents

 16   Lord Owen et Cyrus Vance qui ont organisé ces négociations. C'est eux qui

 17   ont proposé que les trois peuples négocient avec notre accord; cependant,

 18   la question que vous venez de me poser, je pense qu'on pourrait y répondre

 19   comme suit : la présidence souvent, mais pas cette fois-ci pas à Genève,

 20   mais souvent avait ses réunions de travail, ses sessions de travail qui

 21   étaient parallèles aux négociations, donc on pourrait dire que d'un côté

 22   vous avez les trois délégations qui négocient entre elles et ceci est

 23   supervisé par les coprésidents, puis de l'autre côté vous avez cette

 24   présidence élargie, mais souvent sans le volet militaire de la présidence

 25   parce qu'ils avaient leurs négociations à part, donc cette présidence

 26   discutait de thèmes similaires aussi bien chez eux qu'à l'étranger.

 27   Pour résumer, la présidence n'avait pas sa propre délégation mais voyageait

 28   au complet et négociait, par exemple, avec la délégation de la Communauté

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  1   européenne à Bruxelles et quand ils prenaient la décision de négocier, donc

  2   l'initiative venait de la présidence.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. 

  4   Maître Karnavas. J'espère que ma question ne vous a pas entravé.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Non, pas du tout, mais permettez-moi de

  6   poser une question de suivi.

  7   Q.  Hier, vous avez dit qu'à un moment donné Izetbegovic avait des réunions

  8   privées avec ses associés et se comportait comme s'il était le chef de

  9   l'Etat plutôt que d'être simplement un primus inter pares dans l'entité

 10   collégiale de la présidence.

 11   Ma question est celle-ci : étant donné que M. Izetbegovic était d'abord le

 12   chef de son propre parti, le SDA, et étant donné qu'il se réunissait à huis

 13   clos avec ses proches associés et qu'il essayait de faire sa publicité en

 14   tant que chef d'Etat, était-ce vraiment possible qu'il compose une

 15   délégation solide, véritable, digne de foi et fiable pour ce qui est de

 16   cette présidence qui aurait pu aider cette négociation pour l'Etat de

 17   Bosnie-Herzégovine vu les circonstances ?

 18   R.  Non, ce n'était pratiquement pas possible. Je pense que c'est pour cela

 19   qu'on ne l'a pas fait.

 20   Q.  La façon dont j'ai décrit le comportement d'Izetbegovic, était-il

 21   correct ou pas à ce moment-là, je veux dire au moment où vous étiez en

 22   fonction ? Nous parlons ici du mois de janvier 1993.

 23   R.  Vous avez dit la vérité. Parce que M. Izetbegovic, même quand on

 24   prenait des décisions au niveau de la présidence, il agissait différemment

 25   ou parfois même dans le sens contraire des décisions. Je ne dis pas que

 26   c'était toujours le cas, mais cela s'est produit, c'est vrai.

 27   Q.  Fort bien.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé. Je pense que c'était un

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  1   moment assez crucial, ce moment des pourparlers de Genève, c'est un sujet

  2   capital que celui-là.

  3   Monsieur Akmadzic, vous étiez là vous aussi. M. Izetbegovic au cours de ces

  4   négociations a-t-il affirmé avoir ou est-ce qu'il a acquis un statut

  5   particulier puisqu'il était président de la présidence ou présidence de

  6   Guerre ? Ou est-ce qu'on l'a traité comme on traitait la délégation serbe

  7   ou croate ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceux qui ont organisé les négociations et qui

  9   les présidaient, je peux dire qu'ils ont fait leur travail honnêtement.

 10   Mais du point de vue protocolaire, le président Izetbegovic avait un

 11   avantage par rapport à son bureau, son hébergement, les traitements au

 12   niveau des négociations. Mais nous étions là en tant que délégations et

 13   nous avons été traités de façon égale pendant les négociations.

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, c'est vrai que pour un profane

 16   ou quelqu'un qui n'est pas de votre pays, c'est très difficile de

 17   comprendre ce concept de présidence. Parce que dans les démocraties

 18   occidentales, la présidence est toujours incarnée par le chef de l'Etat.

 19   Or, on comprend bien par vos propos que, pour vous, cette présidence, M.

 20   Izetbegovic, n'avait pas un mandat à négocier tout seul, car il faisait

 21   partie de la présidence et que vous étiez au moins trois composantes, et ce

 22   n'est pas à lui qui devait décider pour l'ensemble. Mais si je me mets du

 23   côté des négociateurs, Lord Owen ou les autres, est-ce qu'ils avaient bien

 24   perçu cela de votre point de vue ? Est-ce qu'ils avaient bien compris qu'en

 25   réalité M. Izetbegovic était un parmi les autres, et non pas le chef d'Etat

 26   tel qu'on le comprend en Angleterre, en France, en Allemagne, et cetera ?

 27   Est-ce qu'il n'y avait pas une confusion que vous avez peut-être pu, vous,

 28   ressentir ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que Lord Owen et M. Cyrus Vance

  2   avaient compris notre situation à travers ces négociations permanentes. Ils

  3   ont participé dans le processus des négociations, ils connaissaient très

  4   bien quelle était la situation en Bosnie-Herzégovine. Ils voyageaient en

  5   Bosnie-Herzégovine, ils venaient à Sarajevo et ailleurs. Ils avaient

  6   compris toute la complexité de la situation et du problème, même si dans

  7   leurs pays respectifs le système politique n'était pas le même. Justement,

  8   un tel Etat composé de trois peuples constitutifs, était à l'origine d'une

  9   situation complexe où vous avez un chef de l'Etat qui a un rôle complexe

 10   puisque c'est une présidence où se trouvent représentés tous les peuples,

 11   et même vous aviez un délégué pour les "autres".

 12   Le plan de paix prend en compte même ce groupe défini comme "autres" lors

 13   des négociations. Là, je parle de ceux qui ne se sont pas exprimés en tant

 14   que Musulmans, Croates ou Serbes, donc des minorités. Elles étaient

 15   nombreuses en Bosnie, des Monténégrins, des Juifs, des Yougoslaves qui ne

 16   s'étaient pas exprimés tout simplement, pas encore, et cetera. 

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Karnavas.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Il nous faut avancer. J'espère que ces questions de suivi ne seront pas

 20   débitées sur mon compte. P 01158. Je voulais simplement prendre les

 21   devants, il fallait bien que je le dise. Quatrième classeur, Messieurs les

 22   Juges, P 01158.

 23   Q.  Nous avons déjà vu ce document, c'est un transcript présidentiel

 24   de la journée du 15 janvier 1993. Manifestement, si on voit en bas à droite

 25   en anglais, page 40, on voit votre nom. On peut donc supposer que vous

 26   étiez présent; c'est exact ?

 27   R.  Oui, c'est exact.

 28   Q.  Je ne veux pas trop m'appesantir car le temps nous manque -- tout le

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  1   monde a le document ?

  2   A la date de cette réunion en mars [comme interprété], où en était-on

  3   pour ce qui est du sujet évoqué dans cette conversation ?

  4   R.  Oui, je me souviens, à l'époque on était revenu de Genève. On a

  5   constaté que les négociations-clés se tenaient à Genève, mais il y en avait

  6   d'autres à suivre qui devaient avoir lieu à New York. Et dans ce cas

  7   précis, le président Tudjman, le président de la République de Croatie,

  8   nous a invités à négocier.

  9   Q.  En quelques mots à peine, regardons ce que vous avez dit dans votre

 10   intervention, page 40. Vous dites :

 11   "Merci de me permettre d'exprimer mon avis. En effet, en ce qui concerne le

 12   fonctionnement des gouvernements sur tout le territoire de Bosnie-

 13   Herzégovine, je pense que la situation dans l'administration d'état est

 14   pire pour les Croates qu'elle ne l'est pour les Musulmans à Mostar, ce qui

 15   a été mentionné par M. Izetbegovic.

 16   "Permettez-moi de vous donner quelques faits.

 17   "Dans la présidence de Bosnie-Herzégovine, je pense qu'il y a 15 postes

 18   réservés aux hauts fonctionnaires du gouvernement. Il n'y a qu'un Croate

 19   qui a été accepté depuis les dernières élections, moi, mis à part, moi qui

 20   suis secrétaire général, et si je n'étais pas intervenu, il aurait été

 21   démis de ses fonctions. On trouve une situation analogue au gouvernement de

 22   Bosnie-Herzégovine et à l'assemblée. Bon nombre des nôtres ont été

 23   congédiés, relevés de leurs fonctions sans raisons données.

 24   "Je dois vraiment dire qu'au sein du gouvernement de Bosnie-Herzégovine,

 25   dans un gouvernement où l'on parle d'une égalité des rapports, les Croates

 26   n'ont qu'un rôle tout à fait symbolique.

 27   "J'ajouterai ceci, il me semble, et je pense que c'est vrai mais je ne veux

 28   pas dire que c'est sûr à 100 %, il me semble que les Croates, avec

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  1   l'approbation de l'Union démocratique croate, n'ont jusqu'à présenté

  2   désigné qu'un diplomate, la dame qui s'occupe de l'organisation pour nous à

  3   l'ambassade de Zagreb et qui a d'ailleurs organisé cette réunion. Bon

  4   nombre de personnes ont été désignées sans que nous soyons consultés et à

  5   l'insu du HDZ…" et cetera.

  6   Je voudrais revenir sur autre chose. Tout le problème qui sous-tend

  7   les rapports c'est bien celui-ci.

  8   Je saute quelques paragraphes, et vous dites ceci :

  9   "Je pense qu'il faut mettre en œuvre immédiatement ce qui a été

 10   proposé aujourd'hui, que soit formé un nouveau gouvernement, fonctionnant

 11   sur un principe de droit, le principe de l'accord entre les trois parties

 12   du pays qui devraient y participer."

 13   Voyons ce que dit Izetbegovic.

 14   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas le texte sous les yeux.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation]

 16   "Je ne sais pas ce qui est juste dans ceci ou ce qui ne l'est pas. Et

 17   précisément" -- excusez-moi, page 42. "Je pense que c'est précisément parce

 18   qu'il y a plusieurs faits qu'il serait bon que vous nous aidiez à mettre

 19   sur pied une entité au cours de cette période de transition qui pourrait

 20   nous aider jusqu'à ce que tout ceci soit bien solidifié."

 21   Q.  Izetbegovic, comment ne sait-il pas qu'il n'a pas de Croates au

 22   gouvernement, alors qu'à l'époque vous le lui avez dit ? Est-ce que c'est

 23   quelque chose de concevable ?

 24   R.  C'était possible, puisque M. Izetbegovic attribuait moins d'importance

 25   à ce que j'ai dit, surtout précisément ce que j'ai dit au sujet des cadres.

 26   Il a abordé d'autres questions. Vous savez, sa façon de travailler était

 27   telle qu'il remettait les choses à plus tard.

 28   Q.  Oui, mais vous avez raté l'essentiel dans ma question. Vous dites qu'il

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  1   y avait 15 postes réservés à des hauts fonctionnaires, or il n'y avait

  2   qu'un Croate. Pensez-vous qu'Izetbegovic ne connaissait pas ce fait ?

  3   R.  Il le savait, M. Izetbegovic, il voulait d'ailleurs licencier ce

  4   Croate. Il ne l'a pas fait uniquement parce que je suis intervenu en sa

  5   faveur.

  6   Q.  Très bien. Partie suivante de sa réponse : "Il serait bon que vous nous

  7   aidiez à établir une entité au cours de cette période de transition."

  8   Vous demandez que des mesures soient prises. Concrètement, était-il

  9   nécessaire d'avoir des personnalités internationales, comme Vance et Owen,

 10   qui devraient vous aider à établir cette entité ? C'était vraiment

 11   nécessaire qu'ils interviennent ?

 12   R.  Ce n'était pas indispensable. On aurait pu le faire nous-mêmes. Mais M.

 13   Izetbegovic n'était pas disposé à ce faire. Cette déclaration de sa part

 14   visait à faire comme si devant le président Tudjman il faisait la personne

 15   qui était d'accord, or, ce n'était pas le cas.

 16   Q.  Très bien. Document suivant, 1D 01512. Il se trouve dans le premier

 17   classeur. Vous avez ce document sous les yeux, Monsieur le Témoin ? 1D

 18   01512.

 19   R.  C'est 21.

 20   Q.  Excusez-moi, 21, je m'étais trompé. C'est ce que je voulais dire, 1521.

 21   Je m'excuse auprès de tout le monde.

 22   Deuxième page, on voit dans l'original une date, apparemment c'est le

 23   18 janvier 1993. Regardez les signatures, s'il vous plaît, en effet, il

 24   semblerait qu'on ait votre nom et une signature en dessous, puis il y a une

 25   partie manuscrite disant Boban. Sous votre nom, la signature de qui trouve-

 26   t-on ?

 27   R.  C'est moi qui ai signé. Et ça a été signé par M. Boban avec deux

 28   alphabets. Et il y a un PS.

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  1   Q.  Veuillez nous expliquer l'objet de cette lettre.

  2   R.  Nous prévenions par cette lettre M. Izetbegovic du fait que les

  3   problèmes que nous avions entre nous, il nous convenait de les résoudre

  4   nous-mêmes et non pas de s'adresser pour cela au Conseil de sécurité. Nous

  5   disions ici qu'on était des partenaires, des amis et que nous souhaitions

  6   coopérer.

  7   Q.  Mais par rapport à une décision qui avait été rendue le 15 janvier par

  8   le comité exécutif de la communauté croate d'Herceg-Bosna en matière de

  9   subordination, ça a été qualifié d'ultimatum, est-ce que vous étiez au

 10   courant de l'existence de cette décision ?

 11   R.  Oui, j'étais au courant de la chose.

 12   Q.  Pourriez-vous nous expliquer ceci, car vous étiez à Genève et à Zagreb,

 13   comment avez-vous compris la chose à l'époque ? Puisque après, vous avez

 14   aussi envoyé cette lettre.

 15   R.  A Genève, nous avons convenu d'un plan de paix. Comme je l'ai dit hier,

 16   les trois parties avaient accepté les principes d'aménagement de la Bosnie-

 17   Herzégovine. Nous avions déterminé les provinces qu'il fallait, nous avions

 18   établi un accord militaire où il était précisé de quelle façon les

 19   effectifs militaires se retireraient vers leurs propres provinces. Nous

 20   avons aussi convenu dans la mesure du possible de mettre en œuvre ce plan

 21   aussitôt que possible parce qu'il avait aussi été prévu un cessez-le-feu.

 22   Partant de tout cela, suite à une proposition émanant de M. Boban, il a été

 23   distribué des ordres appropriés.

 24   Q.  Excusez-moi, poursuivez. Je croyais que vous aviez fini.

 25   R.  Dans ces ordres, il est prévu deux éléments. L'un des éléments, c'est

 26   la resubordination; l'autre élément, c'est la création d'un commandement

 27   conjoint. La finalité et l'objectif n'étaient pas la resubordination en

 28   tant que telle, c'était un pas intermédiaire avec pour visée la création de

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  1   ce commandement conjoint. Alors si vous voulez je peux étoffer davantage ?

  2   R.  Non, non, c'est bon.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Document suivant 1D 0820, premier classeur,

  4   Messieurs les Juges, 20 janvier 1993.

  5   Q.  Regardez la version originale à peine lisible mais on voit en haut

  6   Intercontinental, c'est un hôtel de Zagreb, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, c'est exact.

  8   Q.  Regardez le bas de la page, il semblerait qu'on y voit un nom, une

  9   signature. Reconnaissez-vous et le nom et la signature ?

 10   R.  Je reconnais la signature de feu M. Boban.

 11   Q.  Fort bien. Merci. Je pense que nous en avons discuté déjà, mais est-ce

 12   que vous saviez que ceci avait été envoyé ?

 13   R.  Dans le principe, Boban me mettait au courant dans la mesure où c'était

 14   possible. Dans le cas concret ici présent, je ne suis pas sûr, parce que ce

 15   jour justement, le 20 janvier 1993, en raison de problèmes survenus au

 16   sujet de la lettre dont on a parlé tout à l'heure, Lord Owen et Cyrus Vance

 17   nous ont conviés, moi, Boras et Miro Lasic. Nous sommes allés à Sarajevo,

 18   en premier lieu, pour résoudre avec les Musulmans le problème du début des

 19   conflits survenus à Donji Vakuf, et pour apaiser la situation suite à

 20   ladite lettre.

 21   Q.  Bien. Très rapidement, je souhaiterais que l'on examine le document 1D

 22   02730, 1D 02730, troisième classeur. Il s'agit d'un texte paru dans

 23   Vecernji List intitulé "Appel en vue d'une résolution pacifique du

 24   conflit." Alors il s'agit du contenu d'une lettre envoyée par Mate Boban et

 25   Mile Akmadzic à Alija Izetbegovic demandant que les questions litigieuses

 26   soient débattues lors d'une réunion conjointe, et non pas devant le Conseil

 27   de sécurité des Nations Unies.

 28   Est-ce que vous souvenez avoir envoyé cette lettre, Monsieur ?

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  1   R.  Oui, je m'en souviens.

  2   Q.  Est-ce que ce texte reflète fidèlement le contenu de la lettre envoyée

  3   à M. Izetbegovic ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Bien.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Document suivant 1D 02729, troisième

  7   classeur, Messieurs les Juges.

  8   Q.  Il s'agit de la même publication en date du 22 janvier 1993 cette fois-

  9   ci. Il s'agit d'une interview avec Mate Boban et Mile Akmadzic à Zagreb. Si

 10   l'on examine la deuxième page de ce document, on peut lire : 

 11   "La trêve avec les Musulmans" et il est dit :

 12   "Le premier ministre de la Bosnie-Herzégovine, Mile Akmadzic, a parlé

 13   des pourparlers tenus à Sarajevo. Il a dit que les Musulmans avaient montré

 14   leurs véritables sentiments concernant l'égalité des nations en Bosnie-

 15   Herzégovine même avant le début des pourparlers. Depuis qu'ils ont convenu

 16   de participer aux négociations, deux membres de la présidence de Bosnie-

 17   Herzégovine, M. Boras et M. Lasic seulement au bout d'une heure d'efforts

 18   intenses de la part des Croates et des coprésidents de la conférence de

 19   Genève en vue de les persuader."

 20   Est-ce que cela s'est passé ainsi ?

 21   R.  Oui. Et je peux vous apporter des explications.

 22   Q.  Alors je souhaiterais avoir une petite explication puisqu'il y a deux

 23   membres de la présidence - et nous avons les coprésidents qui essaient de

 24   résoudre le problème - pourquoi est-ce que M. Izetbegovic ou les Musulmans

 25   empêchaient ces deux personnes de participer au processus de négociation ?

 26   R.  Nous sommes allés à Sarajevo suite à une invitation de Lord Owen et de

 27   Cyrus Vance. Et la chose a été difficile à organiser parce qu'on voyageait

 28   à bord d'avions énormes, de cargos pour le transport de l'aide humanitaire.

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  1   On est arrivés à Sarajevo, et M. Izetbegovic a dit qu'il ne voulait parler

  2   qu'avec moi des problèmes survenus, sans la présence de M. Boras et de M.

  3   Lasic. J'ai refusé et j'ai dit que nous étions des membres sur pied

  4   d'égalité au niveau de la présidence, mais M. Izetbegovic a continué à se

  5   montrer hésitant parce qu'en raison de nos relations à nous, il a pensé que

  6   ce serait plus facile que de tomber d'accord avec moi, et ce n'est qu'après

  7   de longues tentatives de le convaincre, déployées par le coprésident, M.

  8   Izetbegovic a consenti à ce qu'une réunion conjointe se tienne et elle

  9   s'est tenue.

 10   Q.  Bien. Dans cette même interview, un peu plus loin -- enfin d'abord M.

 11   Boban intervient, puis vous :

 12   "On leur a demandé s'ils pensaient toujours qu'Alija Izetbegovic était le

 13   président légitime de la Bosnie-Herzégovine, en réponse à cette question,

 14   M. Boban a dit qu'il était le président de la présidence, le primus inter

 15   pares, sept personnes en l'occurrence, et que conformément à la

 16   constitution son deuxième mandat avait expiré."

 17   R.  Je l'ai déjà souligné ici dans le prétoire. Son mandat avait pris fin

 18   le 20 décembre 1992.

 19   Q.  Pourquoi a-t-il refusé de renoncer à sa fonction de président de la

 20   présidence, pourquoi n'est-il pas simplement devenu l'un de ses membres ?

 21   R.  J'estime nécessaire de dire aux Juges de la Chambre ce qui suit : le 20

 22   décembre 1991, lorsque M. Izetbegovic a vu la fin de son premier mandat,

 23   lors d'une session de la présidence, il y a eu des votes contre la

 24   prolongation de son mandat, alors qu'il y avait possibilité à ce que ce

 25   soit prolongé en application de la constitution et du règlement, il y a eu

 26   donc vote contre, de la part de Fikret Abdic et de deux représentants

 27   serbes, M. Koljevic et Mme Biljana Plavsic. La partie croate pouvait se

 28   joindre à ces votes. Nos deux membres de la présidence ont voté en faveur

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  1   de la prolongation du mandat d'Izetbegovic, indépendamment du fait que nous

  2   avions eu droit à ce poste du fait de ce principe de rotation nationale

  3   dont j'ai déjà parlé.

  4   Donc M. Izetbegovic a eu son deuxième mandat rien que grâce au vote

  5   croate. Un an plus tard, il ne pouvait plus, en application du règlement,

  6   le rester et il n'a pas eu nos votes non plus. Alors il a expliqué que

  7   l'armée ne le laissait pas descendre de son poste de président. Je lui ai

  8   posé la question de façon ouverte, et il m'a répondu tout aussi

  9   ouvertement. Alors nous, Croates, on pouvait quitter la présidence ou alors

 10   supporter la chose telle qu'elle se présentait. Ni l'un ni l'autre n'était

 11   bien. Nous voulions préserver la Bosnie-Herzégovine quoi qu'il advienne.

 12   Q.  Merci.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas,

 14   puisque nous parlons maintenant de la légitimité de la présidence. Un autre

 15   témoin, Monsieur, a déclaré qu'à l'époque en Bosnie-Herzégovine il y avait

 16   une présidence de Guerre, et non pas une présidence normale.

 17   Là, encore dans ce document, on ne voit pas le terme présidence de

 18   Guerre, il est seulement question de présidence. Alors selon vous, est-ce

 19   que c'est une preuve d'illégalité ou est-ce que c'est juste un point de

 20   forme auquel on ne doit pas accorder beaucoup d'importance ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] D'après la constitution à l'époque, il

 22   n'y avait qu'une présidence de Guerre. On omettait l'adjectif "de Guerre"

 23   pour des raisons de simplification ou pour des raisons qui étaient les

 24   suivantes : si à la présidence il n'était pas débattu de questions

 25   militaires, on jugeait pas si nécessaire que cela d'avoir un représentant

 26   militaire. Mais le fait est qu'il s'agissait d'une présidence de Guerre

 27   créée après la proclamation d'un état de guerre.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

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  1   M. LE JUGE MINDUA : Maître Karnavas, excusez-moi. Je voudrais

  2   continuer dans la foulée de la question du Juge Trechsel.

  3   Monsieur le Témoin, plusieurs fois les témoins nous ont expliqué

  4   qu'en Bosnie-Herzégovine il y avait donc une présidence qui exerçait la

  5   charge de chef l'Etat, la présidence étant l'ensemble de sept personnes, et

  6   non pas le président de la présidence. Ainsi donc le chef de l'armée, ça

  7   devait être la présidence et non pas le président de la présidence. Si donc

  8   le mandat du président de la présidence était fini, je voudrais poser une

  9   question pratique, que prévoyait votre système pour empêcher tout

 10   usurpateur de pouvoir s'approprier les pouvoirs, les attributions de la

 11   présidence ? Etant entendu que le président de la présidence était tout

 12   simplement un primus inter pares et qui n'avait pas de pouvoir en réalité.

 13   Pour être bref, je voudrais savoir si l'armée, par exemple, de la

 14   Bosnie-Herzégovine ne pouvait pas suivre la légalité et non pas se ranger

 15   derrière quelqu'un qui deviendrait usurpateur ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si cette question sera

 17   évoquée une fois de plus à l'occasion de mon témoignage. Aussi voudrais-je

 18   dire pour répondre à la question, que le président de la présidence a

 19   effectivement usurpé le pouvoir. Il s'est bel et bien considéré comme étant

 20   le commandant suprême à la place plutôt de cette présidence qui en était de

 21   fait le commandant collégial.

 22   L'armée de la BH a réagi même par écrit à une lettre émanant de M.

 23   Fikret Abdic. Je veux parler ici de M. Delic qui, par la suite, est devenu

 24   chef d'état-major, et dans la lettre en question, il est dit que l'on se

 25   conformera aux décisions d'Alija Izetbegovic indépendamment de toute autre

 26   chose. Cette lettre a été envoyée vers les unités de l'armée, vers la

 27   totalité des effectifs, M. Abdic à la session de la présidence a protesté

 28   contre la chose.

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  1   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Je voulais informer les Juges de la Chambre

  3   du fait que nous disposons du procès-verbal de cette réunion au cours de

  4   laquelle M. Abdic s'est plaint, et nous y viendrons.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors nous allons faire une pause de 20

  6   minutes et on reprendra dans 20 minutes.

  7   --- L'audience est suspendue à 17 heures 30.

  8   --- L'audience est reprise à 17 heures 50.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Monsieur Akmadzic, il nous reste environ une heure et dix minutes

 12   aujourd'hui. Nous allons maintenant passer à un autre sujet, et nous allons

 13   parler surtout de la signature du plan Vance-Owen.

 14   Je vous invite à examiner le document 1D 02852.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Troisième classeur, Messieurs les Juges, 1D

 16   02852.

 17   Q.  Je vous demanderais de bien vouloir répondre de façon concise

 18   afin que nous avancions rapidement.

 19   Voyez-vous ce document, Monsieur ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  La date est celle du 3 mars 1993. Nous avons déjà vu cette date sur un

 22   autre document. 

 23   Au paragraphe 3, il est dit :

 24   "Le Conseil de sécurité exige que les dirigeants de toutes les

 25   parties au conflit en République de Bosnie-Herzégovine restent pleinement

 26   engagées à New York dans le cadre d'un effort soutenu mené conjointement

 27   avec les coprésidents du comité directeur de la conférence internationale

 28   sur l'ex-Yougoslavie, afin d'obtenir un règlement juste et viable."

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  1   Est-ce que vous êtes resté à New York à l'époque, est-ce que vous avez

  2   continué à être pleinement engagé dans des discussions comme le demandait

  3   le Conseil de sécurité, c'est-à-dire le président du Conseil de sécurité ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Document suivant, 1D 02853. Troisième classeur, nous sommes encore le 3

  6   mars 1993. Il s'agit d'un document analogue à un document que nous avons vu

  7   hier. Il s'agit d'une lettre provenant de M. Sacirbey, ambassadeur de la

  8   Bosnie-Herzégovine auprès de l'ONU à l'époque. Il est dit ici : "J'ai

  9   l'honneur de vous présenter l'accord signé le 3 mars 1993." On peut lire

 10   les noms d'Alija Izetbegovic, Haris Silajdzic, Mate Boban et Mile

 11   Akmadzic."

 12   Page suivante, nous voyons en annexe, il s'agit de l'accord lui-même.

 13   Cet accord prévoie que les neuf membres de la présidence provisoire

 14   désignent un membre chargé d'assumer les fonctions de président de la

 15   présidence.

 16   Tout d'abord, est-ce que cet accord a jamais été mis en oeuvre ?

 17   R.  Cet accord a été signé avant la signature définitive du plan de paix

 18   Vance-Owen, mais il n'a jamais été mis en œuvre.

 19   Q.  Bien. Au paragraphe 9, le texte se lit comme suit :

 20   "Toutes les parties ont proposé les six noms suivants pour servir au

 21   sein de la présidence provisoire : Fikret Abdic, Mile Akmadzic, Franjo

 22   Boras, et Ejup Ganic, Alija Izetbegovic et Miro Lasic." Je suppose que les

 23   trois autres devaient être des représentants serbes; est-ce exact ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Bien. Examinons maintenant le document, 1D 02903.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Troisième classeur, Messieurs les Juges.

 27   Nous voyons l'accord. Si l'on examine la dernière page, la date est celle

 28   du 3 mars 1993. Nous voyons plusieurs signatures.

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  1   Q.  Est-ce que vous pourriez nous confirmer que c'est bien votre

  2   signature qui se trouve sous votre nom ?

  3   R.  Oui.

  4   Et je peux confirmer aussi pour les autres signatures.

  5   Q.  Merci beaucoup. Vous avez lu mes pensées. Le document suivant est le

  6   document 1D 01193.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Premier classeur, Messieurs les Juges. Le

  8   document est daté du 16 mars 1993 --

  9   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas. Je

 10   sais que le temps, c'est de l'argent, mais donnez-nous au moins 30 secondes

 11   pour trouver les documents afin de pouvoir réagir suite à vos questions.

 12   Merci.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] J'aimerais bien que le temps, ce soit de

 14   l'argent, mais j'ai bien compris votre message. Est-ce que nous avons tous

 15   trouvé le document en question ? Je vois que oui. Bien.

 16   Q.  Nous voyons ici que la date est celle du 16 mars 1993, il est dit

 17   en haut de la page : "La présidence de Guerre de la Bosnie-Herzégovine,

 18   lors d'une réunion commune tenue le 14 mars 1993 avec des membres du

 19   gouvernement de la Bosnie-Herzégovine et plusieurs députés de l'assemblée

 20   de Bosnie-Herzégovine provenant de sept partis politiques" - et nous voyons

 21   la liste de ces partis - "de nombreuses personnalités religieuses,

 22   culturelles et publiques, représentant la ville de Sarajevo, après avoir

 23   tenu des débats intensifs sur l'avancement des négociations de paix en

 24   Bosnie-Herzégovine tenues à Genève et à New York, et compte tenu de la

 25   position adoptée par le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine le 11 mars

 26   1993, adopte les conclusions suivantes."

 27   Ma question est la suivante : est-ce que vous avez participé à ces

 28   délibérations au cours desquelles apparemment ces conclusions ont été

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  1   adoptées ?

  2   R.  Je n'ai pas assisté au travail de la présidence, mais j'ai assisté aux

  3   négociations à New York.

  4   Q.  Nous parlons de ce document-ci, des conclusions qui y figurent. Est-ce

  5   que vous avez participé au préambule de la conclusion où il est dit : "La

  6   présidence de Guerre a participé à une réunion commune le 14 mars 1993."

  7   Est-ce que vous avez participé à cette réunion ? 

  8   R.  Non.

  9   Q.  Bien. Examinons ensemble la deuxième page, il me semble quelque peu

 10   curieux que les dirigeants religieux, la présidence de Guerre, les membres

 11   du gouvernement, les membres des partis politiques indiquent au point 3.9 :

 12   "Un programme de mise en œuvre définissant clairement les mécanismes

 13   (forces) et le calendrier (date butoir) doivent faire partie intégrante du

 14   plan de paix. Il est question de cessez-le-feu, de retrait des armes

 15   lourdes et du retrait des forces chetniks d'une partie des territoires

 16   occupés conformément au document militaire signé…" et au dernier paragraphe

 17   on peut lire :

 18   "Si la délégation chetnik ne signe pas les documents de paix dans

 19   leur intégralité, notre délégation présentera de nouveau une demande devant

 20   le Conseil de sécurité en vue d'obtenir une levée partielle et immédiate de

 21   l'embargo sur l'importation des armes imposé à l'ABiH." La date est celle

 22   du 14 mars 1993 et la réunion a été présidée par Alija Izetbegovic.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas, est-ce

 24   que vous pourriez jeter quelque base avant que le témoin commente ce

 25   document, il n'était pas présent, il n'a pas dit qu'il avait vu ce document

 26   avant la date d'aujourd'hui. Il a simplement dit qu'il était présent à New

 27   York.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, si on me

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  1   permettait de poser la question, et si vous pensez que ma question n'est

  2   pas bien posée, est sans pertinence ou dépasse les connaissances du témoin,

  3   je la retirerai volontiers. Mais ma question portait sur l'utilisation du

  4   terme Chetnik, qui est un terme éminemment péjoratif, et je suis sûr que ce

  5   monsieur, qui vivait à l'époque en Bosnie-Herzégovine, a pu l'entendre

  6   dire, c'est comme si on disait des Oustachi pour un Croate et ainsi de

  7   suite.

  8   Q.  C'est ça que je voulais dire. Si on essaie de faire venir

  9   quelqu'un à une table de négociations, par exemple, les Serbes, est-ce

 10   qu'on les qualifie de Chetniks ? Parce qu'on dit une délégation chetnik,

 11   manifestement ceci montre l'état d'esprit de M. Izetbegovic. C'est mon avis

 12   à moi, mais je demande ceci au témoin. Je demandais s'il était correct

 13   d'utiliser ce terme à l'époque ?

 14   M. SCOTT : [interprétation] J'échoue -- j'avais juré que je n'allais pas

 15   intervenir aujourd'hui, mais là j'échoue. Je ne peux pas laisser passer

 16   ceci.

 17   On n'a pas besoin de témoin. Me Karnavas peut poser les questions et

 18   répondre en même temps. Il dit maintenant, c'est mon avis. Si quelqu'un

 19   écoute la question, si les Juges intervenaient, ce serait peut-être bien,

 20   je ne voulais pas intervenir, je vais rester muet. Mais écoutez la

 21   question. Il le dit lui-même, Me Karnavas, c'est mon avis et il demande au

 22   témoin s'il est d'accord avec son avis. C'est tout à fait absurde.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Posez votre question, Maître Karnavas.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation]

 25   Q.  Quand on parle de la délégation chetnik, je sais que vous n'étiez pas

 26   présent, mais de qui parle-t-on ?

 27   R.  Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de répondre à la

 28   question. Le terme "Chetnik" a été utilisé. Et je suis sûr qu'on ne

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  1   l'aurait pas utilisé si j'avais été présent. Parce qu'il s'agit là d'un

  2   terme péjoratif. Il s'agit des Chetniks de la Deuxième Guerre mondiale, et

  3   dans nos rapports en Bosnie-Herzégovine, quand on parle des Chetniks et des

  4   Oustachi, on peut éventuellement utiliser ces mots dans la rue, dans les

  5   cafés, mais pas lors des sessions officielles de travail de la présidence

  6   avec la signature du président de la présidence, qui est la plus haute

  7   instance étatique de la Bosnie-Herzégovine. Voici ce que je peux vous dire

  8   au sujet de l'utilisation de ce terme.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Je rebondis sur ce que disait Me Karnavas et je me

 10   faisais la même remarque.

 11   Quand ce terme est dans un document de cette nature, qu'est-ce que ça sous-

 12   tend de la part de celui qui l'a signé ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] La personne qui a signé un tel document

 14   utilise des termes péjoratifs quand il parle de ce avec lequel il n'est pas

 15   d'accord. Ici, je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il y avait des

 16   unités paramilitaires serbes qui s'appelaient elles-mêmes des unités

 17   chetniks. Mais comme je l'ai dit aujourd'hui, chaque peuple a le droit de

 18   s'appeler comme il le souhaite, mais nous, on ne peut pas leur inventer des

 19   noms surtout pas les noms qu'ils n'acceptent pas eux.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

 21   Maître Karnavas.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation]

 23   Q.  Fort bien. Une dernière question sur ce document. Vous avez vu

 24   l'accord, la lettre de Sacirbey. Examinons maintenant les conclusions. Je

 25   sais que vous n'étiez pas là mais nous voyons au paragraphe 3, il est dit :

 26   "Le plan de paix Vance-Owen pour la Bosnie-Herzégovine au fond est

 27   considéré comme acceptable pour autant que les modifications nécessaires ou

 28   requises y soient apportées…" Bon, je sais que vous n'étiez pas là, mais

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  1   vous y étiez au moment des négociations et de la signature. Ces conditions

  2   faisaient-elles partie de l'accord au moment de la signature de ce dernier

  3   ?

  4   R.  Je dois dire qu'ici il s'agissait d'une session de travail élargie de

  5   la présidence. J'ai dit hier que la présidence peut inviter à la réunion de

  6   la présidence qui il souhaite. Ici on a convoqué les partis politiques,

  7   puisque la présidence voulait entendre les points de vue des députés de

  8   l'assemblée, ceux qui étaient disponibles, ceux qui pouvaient venir

  9   assister à la session de l'assemblée ainsi que les opinions des partis

 10   politiques. 

 11   A la lecture de cela, j'en arrive à la conclusion que la présidence

 12   dans le sens le plus large du terme en tant que chef de l'Etat, en tant que

 13   la présidence de Guerre ou de l'assemblée, dans toutes ces instances, la

 14   présidence a accepté ce plan Vance-Owen sous les conditions indiquées ci-

 15   dessus. Au moment de la signature du plan Vance-Owen, le président

 16   Izetbegovic avait remis aux coprésidents les conditions qui sont énumérées

 17   ici.

 18   Q.  Monsieur Akmadzic, essayez de vous centrer sur ma question, car je n'ai

 19   plus que très peu de temps, très, très peu de temps à ma disposition. Est-

 20   ce que ces conditions faisaient partie de l'accord ?

 21   R.  Non, ces conditions n'en faisaient pas partie.

 22   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs les Juges, mais la

 23   Chambre a l'accord de paix tel qu'il a été signé. C'est dans les archives

 24   des Nations Unies, et je pense que c'est la meilleure réponse possible

 25   plutôt que de demander au témoin ce dont il a peut-être le souvenir

 26   aujourd'hui. Ces conditions se trouvent dans le document. Si vous lisez le

 27   document, vous y trouverez les conditions. Merci.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation]

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  1   Q.  Mettons ce document de côté. Est-ce que ces conditions ont été

  2   négociées lors des négociations qui ont précédé la signature de l'accord ?

  3   R.  On en a parlé mais elles ne faisaient pas partie de l'accord.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Juste une question qui vient de

  5   surgir. Au point 3.4 : "Il est dit ici que les provinces ne devraient pas

  6   être des régions ou zones ethniques." Est-ce que c'est inclus dans ce que

  7   vous dites ou dans ce qui, d'après vous, ne faisait pas partie du plan de

  8   paix Vance-Owen ? Est-ce que ceci est à voir en contraste avec le plan de

  9   paix Vance-Owen. Ça se trouve en anglais en bas de page.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je voudrais accentuer ce qui suit : les

 11   provinces, dans le plan Vance-Owen, étaient conçues de telle façon qu'il

 12   s'agissait de remplir les critères que j'ai évoqués hier le plus possible.

 13   D'abord, vous aviez ces critères ethniques mais il y en avait d'autres.

 14   Cependant, les provinces ne devaient pas avoir le nom des ethnies qui les

 15   composaient. Elles devaient porter le nom de leur capitale.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je n'ai pas encore reçu de réponse

 17   précise. Ce point dit que les provinces ne doivent pas être des zones

 18   ethniques, est-ce que ceci est compatible avec le plan de paix Vance-Owen à

 19   votre avis ou est-ce qu'il s'agit de quelque chose, et vous l'avez dit de

 20   façon générale de ces conditions, est-ce que c'est quelque chose qui n'est

 21   pas conforme au plan de paix Vance-Owen ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est conforme au plan de paix Vance-Owen

 23   ou plutôt avec les neuf principes qui ont été adoptés à Genève le 4 janvier

 24   1993.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation]

 27   Q.  Question de suivi. Pour être bien sûr, et je ne veux induire personne

 28   en erreur, je ne voudrais pas que la Chambre croit que vous avez induit les

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  1   Juges en erreur. Est-ce que toutes ces conditions sont conformes ou

  2   concordent avec ce qui avait été conclu ou fait l'objet d'un accord ?

  3   R.  Oui, mais M. Izetbegovic, quand il s'agit de la question militaire par

  4   rapport aux Serbes, il les appelle Chetniks, sur un papier à part il a

  5   couché cela qui ne faisait pas partie du plan Vance-Owen.

  6   Q.  A Genève, est-ce qu'on appelait les Serbes, Chetniks, est-ce qu'on

  7   disait d'eux que c'était la délégation chetnik ? Est-ce qu'il y avait une

  8   plaque ou un carton qui disait délégation chetnik, par exemple à la table,

  9   et Karadzic disons ?

 10   R.  Non, il s'agit d'un parti qui participait aux négociations, on le voit

 11   dans tous les documents et il s'agit du parti serbe.

 12   Q.  Je sais comment ils se décrivaient eux-mêmes, mais M. Akmadzic, je veux

 13   que vous soyez limpide en la matière, est-ce que les autres, par exemple,

 14   Izetbegovic a jamais dit : Voilà les Chetniks qui s'amènent. Bien. Je suis

 15   content de vous voir Chetnik Karadzic, je ne dis pas, je ne parle pas de la

 16   façon dont se qualifiaient les Serbes mais plutôt comment on les voyait.

 17   R.  C'était un nom péjoratif et vous ne devez pas utiliser un nom péjoratif

 18   quand vous parlez d'une délégation, et d'ailleurs même Izetbegovic ne le

 19   faisait pas dans les documents officiels.

 20   Q.  Fort bien.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] 1D 02885, troisième classeur, Messieurs les

 22   Juges. Ceci vient de Slobodna Dalmacija, 16 mars 1993, décision

 23   anticonstitutionnelle.

 24   Q.  Est-ce que vous avez déjà vu ce document ?

 25   R.  Oui, je l'ai vu.

 26   Q.  De quoi parle cet article ? Intéressez-vous au troisième paragraphe,

 27   s'il vous plaît.

 28   R.  Il s'agit de décisions qui sont prises en absence d'un représentant

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  1   croate, soit qu'il s'agisse des réunions de travail de la présidence ou

  2   d'autres sessions de travail et réunions.

  3   Ce n'est pas le seul exemple, il y a eu beaucoup d'exemples dans ce

  4   sens.

  5   Q.  Monsieur Akmadzic, est-ce que vous savez si ceci est en rapport avec la

  6   conclusion que nous venons de voir ? Car si vous examinez le troisième

  7   paragraphe :

  8   "Comme l'ont annoncé les représentants croates aujourd'hui, ils ont

  9   conclu à leur réunion de Zagreb, 'il n'y a pas un seul représentant du

 10   peuple croate qui est membre de la présidence ou du gouvernement de Bosnie-

 11   Herzégovine et qui aurait participé aux activités de cette séance de

 12   travail, pas plus qu'il n'y en a un qui aurait consenti ou donné son aval

 13   aux décisions et conclusions adoptées lors de cette séance de travail.'"

 14   Est-ce exact ?

 15   R.  Oui, mais dans le sens de l'égalité entre différentes nations, et pas à

 16   la lecture du texte que nous venons d'examiner.

 17   Q.  Je sais qu'il se fait tard, mais je ne veux pas qu'on s'appesantisse

 18   trop là-dessus. A votre connaissance, est-ce qu'il y a un Croate ou des

 19   Croates qui auraient voté au moment de l'adoption des conclusions à l'issue

 20   de la signature de l'accord ? Est-ce qu'il y a des membres croates de la

 21   présidence qui auraient avalisé ceci ?

 22   R.  Pas un des Croates qui étaient officiellement membres de la présidence

 23   ou du gouvernement, peut-être qu'il y avait d'autres parties qui étaient

 24   invitées.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] 1D 02908. Troisième classeur, Messieurs les

 26   Juges.

 27   M. SCOTT : [interprétation] Je veux préciser pour le compte rendu, je ne

 28   sais pas si Me Karnavas veut faire une question de suivi, mais il n'y avait

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  1   non plus pas d'indication pourquoi les Croates n'étaient pas là.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est une question à poser au contre-

  3   interrogatoire.

  4   M. SCOTT : [interprétation] Je fais simplement ce que fait souvent Me

  5   Karnavas. Je vous remercie.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis content de voir que M. Scott a tiré

  7   quelques enseignements.

  8   Q.  Est-ce que nous pouvons examiner 1D 02908. Rapport présenté au

  9   secrétaire général sur les activités de la conférence internationale sur

 10   l'ex-Yougoslavie. Page 11, vous allez voir ce numéro en anglais en haut à

 11   droite, on parle des gouvernements provisoires provinciaux et ceci

 12   permettra de répondre en partie à une question qui vous a été posée.

 13   Monsieur le Témoin, est-ce que ceci traduit ce qui était prévu au

 14   niveau des dispositifs provisoires intérimaires ? Vous voyez le D,

 15   gouvernement provisoire ?

 16   R.  Oui, avec le plan Vance-Owen cela a été prévu.

 17   Q.  Document suivant, P 02088. Quatrième classeur. Déclaration conjointe,

 18   nous l'avons déjà vue. Est-ce que vous avez ce document ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Veuillez l'examiner pendant que les Juges sont à la recherche de ce

 21   document. Page 3, est-ce que vous reconnaissez ces signatures ? Peu importe

 22   le numéro de la page, est-ce que vous avez le document ?

 23   R.  Je l'ai trouvé.

 24   Q.  24 avril 1993, Alija Izetbegovic, Mate Boban, réunion et déclaration

 25   conjointe à l'issue de cette réunion. Point 1 : "Conformément à l'accord

 26   conclu entre Izetbegovic, Silajdzic, Boban et Akmadzic, le 3 mars 1993."

 27   Est-ce que c'est de cet accord que nous parlions auparavant ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Est-ce que c'était avec ou sans les conditions préalables ou plutôt les

  2   conditions ou ce document qui a été signé plus tard par Izetbegovic ?

  3   R.  Non, ces conditions qu'Izetbegovic avait demandées n'avaient pas été

  4   remplies.

  5   Q.  Paragraphe suivant, toujours au numéro 1, l'organe de coordination

  6   oeuvrera à l'application du plan de paix Vance-Owen dans la mesure du

  7   possible. Est-ce que cet organe de coordination a jamais vu le jour ?

  8   R.  Oui, cet organe de coordination avait été créé sans pour autant jamais

  9   fonctionner vraiment.

 10   Q.  Examinons rapidement deux documents. Je ne sais pas si vous pourrez

 11   nous aider --

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Permettez-moi de revenir à votre

 13   première question concernant les signatures. Moi, je ne vois aucune

 14   signature, en tout cas pas la signature de notre témoin. Je ne sais pas

 15   s'il a une explication à cela, à ce qu'il a dit au début.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] Soit que c'est pour Silajdzic.

 17   Q.  Examinez le document, on a uniquement les signatures de Boban,

 18   Izetbegovic, Tudjman étant témoins, pourquoi est-ce qu'on n'a pas votre

 19   signature à vous, car c'est conformément à un accord que vous avez signé

 20   avec d'autres le 3 mars. Manifestement, si on regarde le préambule, on

 21   parle d'une réunion d'Izetbegovic avec Mate Boban.

 22   R.  Le fait que j'ai assisté ne veut pas dire forcément que je devais

 23   signer, puisque cela a été signé par les représentants du côté croate et

 24   musulman, puis un témoin. Cela suffisait.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, un petit mystère regardant ce

 26   document, et vous allez peut-être le lever. La réunion du 24 avril entre

 27   Izetbegovic et Mate Boban semble, d'après les documents, avoir été

 28   organisée par Lord Owen et M. Tudjman. Et on découvre qu'il y a également

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  1   beaucoup d'ambassadeurs présents, Okun, et cetera, et cetera. Voilà que

  2   Mate Boban et Izetbegovic signent ce document. Et voilà que Tudjman en tant

  3   que témoin signe aussi, et moi je me pose la question : mais pourquoi Lord

  4   Owen n'a pas signé lui aussi ? Vous avez une explication pour nous

  5   éclairer. Pourquoi Lord Owen n'a pas signé également ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce document qui est un accord entre deux

  7   parties, Lord Owen ici était un intermédiaire. Il aurait pu éventuellement

  8   le signer comme témoin, mais au moment de la réunion on s'était mis

  9   d'accord que ces deux parties allaient signer le document.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, vous venez de le dire. Il aurait pu signer,

 11   Tudjman signe, mais lui ne signe pas, et c'est ce que je ne comprends pas,

 12   mais bon.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous voulez je peux vous donner une autre

 14   explication. Lord Owen en principe et Cyrus Vance ne signaient pas ce type

 15   de document parce qu'il s'agissait là des accords bilatéraux, donc même pas

 16   en tant que témoins même si c'était sous leurs auspices que les réunions

 17   ont eu lieu, les négociations ont eu lieu.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Q.  Quelques documents pour terminer l'examen de ce sujet, 1D 01443,

 20   premier classeur. Voyons l'original, on y trouve une signature, on voit le

 21   nom d'Alija Izetbegovic. Etes-vous en mesure de confirmer que c'est bien sa

 22   signature ?

 23   R.  Oui, c'est bien la signature de M. Izetbegovic.

 24   Q.  Il n'y a pas de date. Regardons la toute première phrase, elle dit ceci

 25   : "Comme nos deux parties ont signé le plan de paix Vance-Owen, je propose

 26   qu'on commence à l'exécuter dans la mesure du possible dès maintenant."

 27   Vous voyez que ce sont les mêmes termes "dans la mesure du possible" que

 28   dans l'accord, les mêmes que dans l'accord.

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  1   "A mon avis, ceci écarterait le danger de la poursuite du conflit entre

  2   l'ABiH et le HVO et pourrait contribuer à rétablir la confiance qui n'est

  3   plus très bonne entre les personnes de bonne volonté sur les territoires

  4   libres de Bosnie-Herzégovine.

  5   "J'enverrai cette proposition aux coprésidences à Genève et j'attends votre

  6   réponse." Nous avons aussi le document, 1D 02832. Troisième classeur, 1D

  7   02832, 10 mai 1993. Pourriez-vous nous dire si c'est bien la signature de

  8   M. Boban ? La reconnaissez-vous ?

  9   R.  Oui, oui, c'est la signature de M. Boban.

 10   Q.  "Ma réponse positive à votre mémorandum du 10 mai 1993 dans lequel vous

 11   proposiez de commencer l'application du plan Vance-Owen dans la mesure où

 12   il est possible de l'appliquer" - on ne cesse de retrouver ces termes dans

 13   la mesure du possible - donc "dans la mesure où il est possible d'appliquer

 14   maintenant c'est une obligation qui découle de la signature de la

 15   déclaration conjointe du 25 avril 1993."

 16   Deuxième paragraphe, M. Boban dit ceci :

 17   "Malheureusement, les informations que nous avons reçues en retour sont

 18   négatives car vos gens ne l'acceptent pas. Je pense personnellement que

 19   vous devez donner les mêmes pouvoirs à tous les hommes politiques légitimes

 20   qui viennent de votre peuple parce qu'en général ils invoquent un manque

 21   d'autorité quand ils refusent les propositions qui leur sont faites.

 22   "Je propose aussi que vous arrêtiez une date pour avoir une réunion de

 23   l'organe de coordination censée découler de la déclaration conjointe."

 24   Vous étiez sur les lieux à l'époque. Est-ce que vous savez de quoi M. Boban

 25   parle lorsqu'il fournit cette réponse à M. Izetbegovic ?

 26   R.  M. Boban répond en disant qu'il est disposé à coopérer à tout point de

 27   vue. Mais qu'il avait des doutes pour se qui est de savoir si M.

 28   Izetbegovic avait donné des ordres appropriés à l'intention des autorités

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  1   civiles et militaires locales. Et si oui, il dit que les ordres ne sont pas

  2   exécutés. Aussi le prie-t-il de se pencher dessus et d'y accorder

  3   l'attention qui est due. Qui plus est, M. Boban voudrait que cette instance

  4   de coordination se mette à fonctionner puisqu'elle ne fonctionnait pas. Et

  5   que dans le rôle de la présidence, il fallait que cette coordination

  6   s'occupe des tâches qui étaient prévues par nos accords.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Autre sujet qui concerne plus ou moins le

  8   mois de mai 1993. P 02254, quatrième classeur, Messieurs les Juges. P

  9   02254.

 10   Q.  Il s'agit d'une note du président du Conseil de sécurité. Nous avons

 11   déjà vu ce document.

 12   R.  Je le vois, oui.

 13   Q.  Nous allons prendre conjointement plusieurs documents, chaque fois je

 14   vous lirai le passage pertinent avant de passer au document suivant.

 15   Troisième paragraphe :

 16   "Le Conseil de sécurité condamne sévèrement cette grande offensive

 17   militaire déclanchée par les unités paramilitaires croates de Bosnie, ce

 18   qui est tout à fait contraire à la signature du plan de paix pour la

 19   République de Bosnie-Herzégovine signé par les Croates de Bosnie."

 20   Mettons ce document en touche pour passer au document suivant, 1D 02093.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] Pardon, 96, premier classeur, Messieurs les

 22   Juges. Le 11 mai 1993. Le lendemain.

 23   Q.  Toute dernière page, on y voit votre nom, puis un sceau et une

 24   signature, un cachet. C'est bien votre signature ?

 25   R.  Oui, c'est ma signature.

 26   Q.  Est-ce que c'est vous qui avez rédigé cette lettre ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Elle est adressée à un certain Vorontsov, qui était président du

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  1   Conseil de sécurité ?

  2   R.  Oui, c'est exact.

  3   Q.  Pourquoi avoir rédigé cette lettre ?

  4   R.  La finalité de cette lettre était la suivante : il s'agissait

  5   d'informer le président du Conseil de sécurité et le Conseil de sécurité

  6   des grandes difficultés de mise en œuvre de ce plan Vance-Owen, et il

  7   s'agissait de dire que les effectifs de l'armée de BH continuaient à

  8   s'attaquer aux unités croates et aux Croates, et c'est la raison pour

  9   laquelle je sollicite son intervention.

 10   Q.  Bien. Mais au paragraphe 3, vous semblez vouloir faire passer un

 11   message. Vous dites : "La description faite dans la déclaration du HVO

 12   comme étant 'des unités paramilitaires croates de Bosnie' déforment le rôle

 13   du HVO. Le HVO est une armée légitime reconnue par le gouvernement et par

 14   la présidence…", et le reste est très difficile à lire.

 15   R.  Oui, c'est ma réaction vis-à-vis du document précédent, que nous avons

 16   étudié et où il a été question d'une condamnation s'agissant des attaques

 17   aux unités croates qu'on avait qualifiées de paramilitaires; et je voulais

 18   informer le président du Conseil de sécurité pour dire que c'étaient des

 19   effectifs reconnus en tant que partie intégrante des forces armées, ce

 20   n'était pas des forces paramilitaires croates en aucune façon.

 21   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je souhaiterais enchaîner là-dessus

 22   : Maître Karnavas, il y a un instant vous avez demandé au témoin d'examiner

 23   le document 1D 02254 qui vient d'être mentionné de nouveau par le témoin,

 24   il s'agit d'un document provenant du Conseil de sécurité qui se trouve dans

 25   le quatrième classeur. Il est vrai qu'au troisième paragraphe de ce

 26   document, qui émane du président du Conseil de sécurité, donc ce n'est pas

 27   une décision du conseil, mais néanmoins il est important puisqu'il a été

 28   émis au nom du conseil par son président. Effectivement, le troisième

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  1   paragraphe fait référence aux unités paramilitaires croates de Bosnie, et

  2   le texte se poursuit, et on peut lire qu'il s'agit d'attaques dirigées

  3   contre les zones de Mostar, Jablanica et Dreznica.

  4   Voilà ma question : étant donné que cette lettre du président a été rédigée

  5   le 10 mai 1993, et comme les combats à Mostar, si je me souviens bien, ont

  6   éclaté le 9 mai, je me demande si le témoin pourrait nous dire s'il

  7   s'agissait d'un résultat en quelque sorte des combats qui ont éclaté

  8   surtout à Mostar, mais également dans d'autres secteurs. Par ailleurs, je

  9   souhaiterais savoir quelle est sa réaction, quelle est la réaction du

 10   témoin face à la déclaration du président, déclaration faite au nom du

 11   Conseil de sécurité ? Est-ce qu'il s'agissait surtout de Mostar ou d'autres

 12   questions également ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est ici une déclaration que

 14   nous avions qualifié de déclaration présidentielle. Donc c'est à un haut

 15   niveau que la chose se passe. J'ai dit que ce n'était pas une décision du

 16   Conseil de sécurité mais que c'était une décision du président, et dans le

 17   concret il est question de cette situation nouvellement créée à Mostar,

 18   nouvellement créée depuis le jour d'avant, et j'insiste donc pour qu'il y

 19   soit mis un terme; ma réaction était aussi celle de dire qu'il ne

 20   s'agissait pas d'effectifs paramilitaires, et j'ai déjà indiqué aux Juges

 21   de cette Chambre que nous, Croates, en Bosnie-Herzégovine, avons eu pas mal

 22   de difficultés, beaucoup de difficultés, pour ce qui était de convaincre la

 23   communauté internationale du fait que nous étions sur pied d'égalité ou du

 24   moins nous devions nous trouver sur pied d'égalité en notre qualité de

 25   peuple constitutif souverain en Bosnie-Herzégovine, et nos effectifs

 26   militaires étaient-ils ainsi reconnus, notre problème était cependant le

 27   suivant : nous n'avions pas nos ambassades, ni de secteurs chargés de

 28   relations publiques. Nos lobbys on ne les avait pas, la partie bosniaque,

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  1   je veux dire la partie des Musulmans de Bosnie avait tout cela.

  2   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie. Le greffier a

  3   appelé mon attention sur le fait que j'ai peut-être mal cité le document,

  4   alors je tiens à redire que je faisais référence au document 2254. Il

  5   s'agissait du document mentionné par Me Karnavas.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] P 0, ce n'est pas un document 1D, c'est un

  7   document P, ce qui signifie que c'est un document de l'Accusation.

  8   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Oui, mais sur ce document, je peux

  9   lire simplement 1D 02254.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin, comme mon collègue est revenu sur ce

 11   document, une question de suivi. Ce document date du 10 mai. Vous savez que

 12   le 9 mai il s'est passé des événements à Mostar. Ce document également fait

 13   des références à des événements qui se sont déroulés le 21 avril, enfin,

 14   courant avril 1993. Puisque le Conseil de sécurité a aussi fait une

 15   déclaration. Mais ce document parle d'unités paramilitaires. Vous, vous

 16   êtes informé de cela, et on l'a vu avec le document tout à l'heure, vous

 17   rappelez que le HVO est une armée reconnue au sein de la Bosnie-

 18   Herzégovine. Mais n'y a-t-il pas un problème si le Conseil de sécurité

 19   signale des problèmes liés à des actions militaires d'origine paramilitaire

 20   ou d'autres ?

 21   Votre attention n'a-t-elle pas été appelée et pour répondre au

 22   président du Conseil de sécurité, est-ce que vous avez estimé que votre

 23   courrier se suffisait en lui-même ? Le courrier qui figure au 1D 2096.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'existait pas d'effectifs croates, quand

 25   je dis Croate, je parle du peuple croate en Bosnie-Herzégovine. Il n'y

 26   avait pas d'autres effectifs si ce n'est ceux du HVO, du Conseil croate de

 27   la Défense. Alors l'expression unité paramilitaire des Croates de Bosnie

 28   c'était destiné aux -- enfin ça voulait parler du Conseil croate de la

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  1   Défense. Et si j'ai protesté, si je peux le dire, c'est parce que nos

  2   effectifs armés, nos forces armées, celles du HVO étaient reconnues légales

  3   et non pas paramilitaires.

  4   Et deuxièmement, d'après les rapports qui me parvenaient depuis le terrain,

  5   le Conseil croate de la Défense n'avait pas entamé des actions militaires

  6   ou instigué des actions militaires au départ à la date du 9 mai à Mostar.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation]

  8   Q.  Page 80, ligne 20, me semble-t-il, on peut lire qu'il s'agissait au

  9   passé, il s'agissait : "Des unités paramilitaires croates de Bosnie", et ma

 10   consœur me dit qu'elle vous a entendu dire non pas il s'agissait "these

 11   were," mais ces mots "those words," en anglais.

 12   Alors qu'avez-vous dit au juste ?

 13   R.  J'ai évoqué la citation et je l'ai reprise en anglais, me semble-t-il.

 14   Q.  Alors je souhaite enchaîner sur les questions posées par les Juges de

 15   la Chambre. Vous avez dit qu'il n'y avait pas de groupes de pression, qu'il

 16   n'y avait pas de relations publiques, et il est ainsi curieux de constater

 17   que nous sommes le 10 mai, que ces incidents ont eu lieu le 9 mai, donc la

 18   veille, et puis il y a le président du Conseil de sécurité qui rédige cette

 19   note et qui qualifie le HVO d'unités paramilitaires croates de Bosnie, et

 20   en quelque sorte il rejette la responsabilité sur l'une des parties au

 21   conflit, et une seule.

 22   A votre connaissance, est-ce que le Conseil de sécurité a mené des

 23   enquêtes pendant ces 24 heures afin de déterminer ce qui s'était passé et

 24   en est parvenu à cette conclusion ?

 25   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, je souhaiterais que l'on

 26   supprime les commentaires faits par Me Karnavas au compte rendu d'audience

 27   page 80, lignes 10 à 16. Parce que rien ne semble arrêter Me Karnavas, il

 28   continue à ergoter, et je souhaiterais qu'à chaque fois qu'il fait de tels

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  1   commentaires cela soit supprimé du compte rendu d'audience. Je pense que la

  2   Chambre devrait intervenir mais elle ne le fait pas, donc je souhaiterais

  3   que cela soit supprimé du compte rendu.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Si vous m'y autorisez, je souhaiterais

  5   répondre. Le témoin a répondu à une question posée par le Juge Prandler en

  6   disant qu'il n'y avait pas de groupes de pression chargés de relations

  7   publiques, alors ce fait fait partie du dossier. Je suis en droit de les

  8   utiliser dans le cadre de ma question suivante.

  9   Puis nous voyons le 10 mai qu'un incident a eu lieu le 9, donc il

 10   s'agit de faits versés au dossier. Ces faits sont présentés au témoin.

 11   Donc si vous examinez ma question, en fait, on ne peut pas supprimer mes

 12   commentaires du compte rendu d'audience, c'est impossible, mais quoi qu'il

 13   en soit, il s'agit de déclarations du témoin, de faits qui ont été

 14   mentionnés dans la déposition du témoin. Il s'agit de faits du dossier.

 15   C'est la raison pour laquelle je demande comment il est possible que le

 16   lendemain on arrive à ce document. Est-ce qu'il y a eu des enquêtes ? C'est

 17   une question tout à fait légitime, et je ne vois pas où est le problème.

 18   M. SCOTT : [interprétation] Me Karnavas peut appeler cette technique comme

 19   il veut, une technique en boucle ou peu importe comme il l'appelle, mais le

 20   fait est qu'il dit : N'est-il pas curieux - je n'ai plus la référence de la

 21   page, mais il dit : N'est-il pas curieux ou il est quelque peu curieux de

 22   voir que le 10, et ainsi de suite. Il est inutile de formuler les choses de

 23   cette manière. Il peut simplement poser une question.

 24   Comme je l'ai dit hier et comme je continuerai à le dire, on peut

 25   poser des questions ouvertes au témoin, inutile de faire des commentaires,

 26   inutile de présenter sa thèse, il suffit de présenter des questions

 27   ouvertes. Inutile que M. Karnavas continue à qualifier les éléments de

 28   preuve. Ce n'est pas approprié et la Chambre devrait intervenir.

Page 29499

  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Bon, si le mot curieux vous dérange, je vais

  2   reformuler ma question.

  3   Q.  Comment est-il possible qu'en moins de 24 heures le président du

  4   Conseil de sécurité émette cette note telle qu'elle est formulée et avec

  5   les conclusions qui sont là ?

  6   M. SCOTT : [interprétation] On pourrait demander au témoin comment il sait

  7   cela. Comment le témoin peut-il répondre à cette question ? Ça fait partie

  8   du problème. On demande au témoin de faire des suppositions. Me Karnavas

  9   l'a fait tout au long de la journée, il faut que soit mis un terme à cela.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien. Je vais poursuivre différemment.

 11   Q.  Savez-vous si la FORPRONU ou les observateurs de la MOCE ont pu, avec

 12   un certain degré de certitude scientifique, déterminer qui était

 13   responsable, qui a lancé l'agression, qui y a participé, quelles forces ?

 14   M. SCOTT : [interprétation] Il s'agit de commentaires, là encore. La

 15   Chambre connaît les éléments de preuve. La Chambre a entendu le témoignage

 16   des observateurs internationaux qui étaient là le jour des faits, les

 17   représentants du Bataillon espagnol, inutile que Me Karnavas présente ainsi

 18   sa thèse, il peut simplement poser des questions équitables au témoin.

 19   Ce témoin n'a pas montré qu'il était au courant de cela. Il n'était

 20   pas à Mostar. Il ne sait rien à ce sujet, rien du tout.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais passer à autre chose. Je vais passer

 22   à autre chose.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] 

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Mais je dois dire que ça me dérange de voir

 25   que les Juges de la Chambre ne mettent pas un terme à ces interventions.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne suis pas d'accord avec ce qu'a dit M. Scott,

 27   mais d'un autre côté M. Scott a raison sur le fait que vous avez employé le

 28   mot "curieux" et alors vous avez dit : je retire. Après quoi, vous avez

Page 29500

  1   voulu reposer la question et M. Scott est revenu en disant, mais quelles

  2   sont les fondations, est-ce que le témoin savait ce qui s'était passé le 9

  3   mai ? Alors c'est peut-être là le petit trou qui manquait. Vous auriez pu

  4   demander au témoin, avait-il eu connaissance au moment où il envoie sa

  5   lettre au président du Conseil de sécurité de ce qui s'était passé à Mostar

  6   le 9 mai. C'était ça qui manquait peut-être.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Vous avez sans doute raison, Monsieur le

  8   Président. Malheureusement, j'ai des contraintes de temps. Je vais donc

  9   allez de l'avant, 1D 02728, troisième classeur. Il s'agit d'un document

 10   daté du 13 mai 1993. "Contenu d'une lettre envoyée par le premier ministre

 11   de la Bosnie-Herzégovine, Mile Akmadzic, au Conseil de sécurité de l'ONU,

 12   dans laquelle il dénonce ce qu'il considère être une description erronée de

 13   la partie croate dans le conflit opposant les Musulmans et les Croates en

 14   Bosnie."

 15   Q.  Vous avez l'original de ce document. Est-ce qu'il reflète le contenu de

 16   la lettre que vous avez envoyée et est-ce que ce texte a été publié en fin

 17   de compte ?

 18   R.  Oui, c'est exactement ce que j'ai dit et ce que je pensais.

 19   Q.  Bien. Je vais passer au sujet suivant. Il est question de Medjugorje.

 20   Très rapidement, nous savons qu'un accord a été conclu le 18 mai 1993. Il

 21   n'y a plus de mystère là-dessus. Je vous invite à regarder le document 1D

 22   02404, deuxième classeur. Tout d'abord, étiez-vous à Medjugorje lorsque cet

 23   accord a été conclu ?

 24   R.  Oui, j'étais à Medjugorje.

 25   Q.  Au bas de la première page de ce document qui porte la référence 1D

 26   02404, il est question des organes de coordination ou d'un organe de

 27   coordination plutôt, au singulier. Nous voyons votre nom. "Il a été

 28   confirmé" - je cite - "que les personnes suivantes constitueront l'organe

Page 29501

  1   de coordination ainsi qu'il a été convenu à Zagreb le 24 avril." M. Mate

  2   Boban, M. Mile Akmadzic, M. Franjo Boras, M. Alija Izetbegovic, M. Ejub

  3   Ganic, M. Fikret Abdic, puis nous voyons ensuite qu'il y est fait référence

  4   à un gouvernement central au chapitre portant le chiffre romain V, et un

  5   peu plus loin, on peut lire qu'il a été convenu que M. Prlic serait le

  6   premier ministre.

  7   Ce qui m'intéresse surtout, c'est l'organe de coordination. Est-ce qu'il

  8   s'est jamais réuni, est-ce qu'il a agi conformément à l'accord conclu, à

  9   votre connaissance ?

 10   R.  Tout d'abord, le 18 mai 1993, date qui est indiquée ici, il y a eu un

 11   accord à Medjugorje, et à cette réunion il y avait participation de toutes

 12   les personnalités en vue, les présidents, le président Tudjman, la partie

 13   croate et bosniaque ont parlé de la mise en œuvre du plan Vance-Owen et des

 14   autres questions qui revêtaient de l'importance à l'époque, entres autres,

 15   au sujet du conflit survenu le 9 mai à Mostar.

 16   Q.  Très bien. Ça suffira. Ma question était très brève. Est-ce que

 17   l'organe de coordination a jamais fait ce qu'il était censé faire d'après

 18   l'accord conclu ?

 19   R.  Cet organe chargé de la coordination ne s'est jamais réuni.

 20   Q.  Bien. Nous allons sauter quelques documents, et nous allons voir

 21   maintenant le document 1D 02037.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Veuillez garder à l'esprit, Messieurs les

 23   Juges, l'accord conclu le 18 mai 1993. Le 1D 02037, premier classeur. Il

 24   s'agit d'un extrait du livre de Lord Owen.

 25   Q.  Très rapidement, peut-on voir la page 196, avant-dernier

 26   paragraphe -- 186, et je vais lire lentement :

 27   "Ce qui a joué un rôle essentiel dans ma décision, c'était l'insistance

 28   montrée par Douglas Hurd, qui a insisté pour envoyer son adjoint, Douglas

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  1   Hogg, afin de passer deux heures et demie avec moi pendant le déjeuner à

  2   Genève, le 26 mai. Il était accompagné de Jeremy Greenstock, du ministère

  3   des Affaires étrangères." Puis le texte se poursuit.

  4   A la page suivante, nous pouvons lire à droite :

  5   "Doug Hogg voulait que je reconnaisse que le plan de paix Vance-Owen

  6   était dans une impasse. Et j'ai reconnu qu'il ne pouvait avancer que si

  7   l'Europe assumait pleinement la charge de la mise en œuvre militaire sans

  8   l'aide des Etats-Unis mais avec les Européens de l'Est."

  9   Saviez-vous à l'époque, c'est-à-dire le 26 mai, que certaines puissances

 10   européennes comme l'Angleterre, le Royaume-Uni, essayait de faire en sorte

 11   que M. Owen reconnaisse que le plan de paix Vance-Owen était mort ? Est-ce

 12   que vous l'avez appris à l'époque ?

 13   R.  Hélas, non. Lors Owen n'a que tardivement, lors d'une conversation à

 14   Genève, dit à mon attention lorsque j'avais insisté sur la mise en œuvre de

 15   ce plan Vance-Owen, il m'a dit : M. Mile, le plan Vance-Owen est mort.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous terminerons avec celui-ci, il s'agit du

 17   document 1D 02914. Quatrième classeur, Messieurs les Juges, 1D 02914.

 18   Q.  Il s'agit d'un extrait du livre de Boutros Boutros-Ghali intitulé :

 19   "Invaincus, une saga des Etats-Unis et de l'ONU." Vous connaissez cet

 20   ouvrage, n'est-ce pas, Monsieur ?

 21   R.  Je connais le livre, oui.

 22   Q.  Page 68, dernière partie du paragraphe, je vais en donner lecture, le

 23   paragraphe continue sur la page suivante :

 24   "En tant que candidat à l'élection présidentielle, Clinton avait exigé des

 25   actions militaires multilatérales en Bosnie et il a pris ses fonctions en

 26   déclarant que la Bosnie était la crise internationale la plus urgente aux

 27   yeux de l'Amérique. Mais très rapidement, la nouvelle administration

 28   américaine a mis des barrières pour empêcher une action efficace. Cyrus

Page 29503

  1   Vance était certain que les Etats-Unis accepteraient le plan de paix que

  2   lui et David Owen avait négocié."

  3   Je vais sauter quelques lignes. Le texte se poursuit ainsi : "La nouvelle

  4   équipe de Clinton semble n'avoir pas grand-chose à faire avec lui" - c'est-

  5   à-dire Vance - "et encore moins avec Owen.

  6   "Ce qui est pire encore, c'est que les chances de la paix sont

  7   jetées, alors que Clinton et Christopher, en utilisant des termes forts,

  8   ont attaqué le plan Vance-Owen comme un plan cherchant à apaiser les

  9   Serbes. Ils avaient tort. Le plan prévoyait une structure de dix provinces

 10   qui représenteraient tous les groupes de façon juste et reconstituait la

 11   Bosnie en Etat multiethnique et progressivement démilitarisé."

 12   Je saute quelques lignes.

 13   "Tous ces efforts ont été réduits à néant par Clinton et Christopher, qui

 14   ont déclaré que les Etats-Unis proposeraient leur propre plan de paix. Ils

 15   ont appelé à la levée de l'embargo sur les armes pour la Bosnie. Ils ont

 16   dit qu'ils voulaient des frappes aériennes contre les Serbes, même s'ils

 17   savaient que la France, la Grande-Bretagne et la Russie ne seraient pas

 18   d'accord. Et ces frappes aériennes" --

 19   Je saute quelques lignes, fin de la page.

 20   "Vance et Owen sont venus dans mon bureau le 2 février 1993. La

 21   veille au soir, Vance avait rencontré Christopher afin de l'informer du

 22   plan de paix Vance-Owen. Même si la Communauté européenne avait annoncé son

 23   soutien plein et entier, sans ambiguïté, au plan, Christopher semblait

 24   sceptique et négatif. Les Serbes avaient exprimé leur accord, mais les

 25   Musulmans de Bosnie non, largement en raison de l'attitude négative de la

 26   nouvelle équipe de Clinton qui les avait convaincus du fait que les Etats-

 27   Unis leur proposeraient un meilleur marché." Je saute quelques lignes.

 28   Ensuite on peut lire :

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  1   "J'ai décidé de présenter aussitôt un rapport au Conseil de sécurité en

  2   demandant l'acceptation du plan Vance-Owen. Le 8 février, Vance, Owen et

  3   moi-même avons rencontré le dirigeant croate de Bosnie, Mile Akmadzic,

  4   premier ministre de la Bosnie. 'Selon moi', a-t-il affirmé, 'et selon

  5   l'opinion de la plupart des citoyens de Bosnie-Herzégovine, le plan Vance-

  6   Owen est le meilleur; la seule alternative c'est la guerre. D'après nous,

  7   la guerre ne peut pas être couronnée de succès, et aucune des parties ne

  8   peut espérer une victoire.'" Le texte se poursuit : "Mais à Washington, le

  9   ministère bosniaque des Affaires étrangères, Haris Silajdzic, n'a pas été

 10   encouragé à accepter le plan, l'opposition américaine avait considéré que

 11   le plan Vance-Owen était un revers important, voire un arrêt de mort."

 12   Monsieur Akmadzic, est-ce que vous avez eu cette conversation avec M.

 13   Boutros Boutros-Ghali comme il le mentionne, est-ce que vous avez bien dit

 14   les propos qu'il vous attribue ?

 15   R.  Oui, je me souviens du moment où Boutros Boutros-Ghali m'avait reçu, il

 16   y avait les coprésidents de présents, c'était le 8 février 1993, au palais

 17   des Nations Unies. En cette occasion, j'ai informé M. Boutros Boutros-Ghali

 18   et les coprésidents de la situation en Bosnie-Herzégovine et de l'évolution

 19   de la guerre, et j'ai dit, comme cela est cité ici, je l'ai dit à la lettre

 20   pratiquement, et de nos jours encore je dirais la même chose.

 21   Q.  Merci. En conclusion, je vous demande ceci, il est dit ici, page 71 :

 22   "On a demandé à savoir quelles étaient les intentions américaines,

 23   Eagleburger a dit que les Etats-Unis voulaient réduire la partie de 43 % du

 24   territoire donné par le plan Vance-Owen aux Serbes. Il allait falloir deux

 25   ans et demie de plus de guerre ensanglantée et des crimes de guerre pour

 26   que les Etats-Unis donnent aux Serbes 49 %. David Owen plus tard a déclaré

 27   que 'si George Bush avait gagné les élections américaines, la guerre en

 28   Bosnie aurait été finie depuis belle lurette.'" Est-ce que c'est une bonne

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  1   évaluation de la situation vu ce qui se négociait pendant le plan de paix

  2   Vance-Owen et ce qui a fini par être --

  3   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, je fais objection. Comment

  4   voulez-vous que le témoin réponde à cette question. Est-ce que c'était

  5   l'avis de M. Boutros Boutros-Ghali, du président Clinton, ou de Joseph

  6   Biden. C'est absurde, vraiment il faut que cette question soit retirée.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est limpide, Monsieur le Président, et à

  8   Dayton il y avait des cartes et des mécanismes très compliqués destinés à

  9   assurer avec précision quelle serait la répartition territoriale pour

 10   chaque partie.

 11   M. SCOTT : [interprétation] M. Karnavas peut présenter des cartes, c'est

 12   mieux à faire que de demander l'avis du témoin qui n'en sait rien.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Ce monsieur était présent aux négociations

 14   du plan de paix Vance-Owen. Nous l'avons entendu, il a participé à la

 15   totalité du processus. Manifestement, il peut nous dire si le plan de paix

 16   Vance-Owen donnait plus ou moins de terre, disons, aux Musulmans et aux

 17   Croates par rapport à ce que Dayton leur a donné, et s'agissant de deux ans

 18   et demi de plus de combat et de milliers de morts, je pense que quiconque

 19   va en Bosnie peut aller au cimetière et le verra.

 20   Q.  Pourriez-vous répondre à la question ?

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Elle peut être spéculative la question, mais est-ce

 22   que vous pouvez répondre ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répondre, Monsieur le Président. Ici,

 24   je voudrais faire la déclaration suivante : il y eu le plan Cutileiro

 25   accepté par les Serbes et les Croates, et refusé par les Musulmans. Puis il

 26   y a eu le plan Vance-Owen accepté par les Musulmans et les Croates, refusé

 27   par les Serbes, puis accepté, puis refusé.

 28   Puis il y a eu le plan Owen-Stoltenberg accepté par les Serbes et les

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  1   Croates, et rejeté par les Musulmans. Il y eu le plan de Washington signé

  2   par les Croates et les Musulmans, et il découle de ce que je viens de dire,

  3   les Croates ont accepté tous les plans parce qu'ils tenaient à la paix. Il

  4   y a eu les accords de Dayton signé par les Croates sous pression et qui, de

  5   mon avis, puisqu'on me pose la question de donner une estimation, va

  6   générer un grand mal en Bosnie-Herzégovine parce que les Croates vont en

  7   grande partie s'en aller parce qu'ils ne sont pas traités comme un peuple

  8   constitutif et sur pied d'égalité, chose que nous avons défendue toute la

  9   durée de la guerre, en Bosnie-Herzégovine il y a eu 1 % de Croates de

 10   Bosnie tués, et il y a eu 2 % de ces Croates à être blessés.

 11   Cette estimation se trouve être tout à fait justifiée.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, je crois que mon -- demain, bon, il y aura un

 13   problème technique à aborder. Bien. Alors je m'excuse auprès des

 14   interprètes. On a dépassé de presque sept minutes le temps. On essaiera de

 15   rattraper cela prochainement. Bien. Alors nous nous retrouverons comme vous

 16   le savez demain à 14 heures 15. Sauf erreur de ma part il doit vous rester,

 17   Maître Karnavas, autour de 45 minutes. Donc tablez trois quarts d'heure

 18   demain, voilà, et puis après quoi les autres avocats interviendront.

 19   Donc je vous remercie, et à demain.

 20   --- L'audience est levée à 19 heures 07 et reprendra le mercredi 18 juin

 21   2008, à 14 heures 15. 

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