Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 7 juillet 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur

  8   les Juges. Bonjour à toutes et à tous. Affaire IT-04-74-T, le Procureur

  9   contre Prlic Jadranko et consorts. Merci.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 11   En ce lundi, 7 juillet 2008, je salue MM. les accusés, Mmes et MM. les

 12   avocats, Messieurs du bureau du Procureur et Madame, ainsi que toutes les

 13   personnes qui nous assistent. Je vais d'abord donner la parole à M. le

 14   Greffier qui a deux numéros IC à nous donner.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Certaines

 16   parties ont déposé des listes de documents qu'elles souhaitent verser au

 17   dossier par l'intermédiaire du témoin Slobodan Jankovic. La liste de 3D

 18   reçoit la cote IC 00823 et la liste du bureau du Procureur recevra la cote

 19   IC 00824. Merci.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 21   Je vais vous demander de passer pendant quelques instants à huis clos

 22   partiel.

 23   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, avant de ce faire, et

 24   pendant que nous le faisons --

 25    [Audience à huis clos partiel]

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 27   [Audience publique]

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour cela, la Chambre souhaite avoir la position de

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  1   Me Karnavas concernant le complément d'information demandé par l'Accusation

  2   pour les témoins Zoran Buntic et Zoran Perkovic. Maître Karnavas, vous

  3   savez que l'Accusation a fait une requête et nous aimerions avoir votre

  4   réponse tout de suite.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je leur ai

  6   fourni les informations supplémentaires que j'avais reçues du témoin. Je

  7   noterais que ce témoin a déposé dans l'affaire Kordic, il avait préparé une

  8   déclaration mais ils ne sont pas parvenus à trouver cette déclaration. Ils

  9   me l'ont demandée, nous leur avons fournie parce qu'il se trouvait qu'on

 10   avait cette déclaration, donc nous avons fourni la déclaration utilisée

 11   pour ce témoin dans l'affaire Kordic et à partir de laquelle ont été menés

 12   l'interrogatoire principal et le contre-interrogatoire. Je crois que nous

 13   avons satisfait à nos obligations. M. Buntic était membre des autorités

 14   exécutives. Il a participé à un certain nombre de réunions, à un certain

 15   nombre de négociations. Toutes ces informations ont été fournies à

 16   l'Accusation. Ils peuvent procéder à leur contre-interrogatoire, je ne vois

 17   aucun dilemme et je ne vois aucune information supplémentaire à leur

 18   communiquer.

 19   S'agissant maintenant de M. Perkovic, je crois qu'il a déjà déposé devant

 20   le Tribunal, et dans sa déposition il va aborder des sujets très semblables

 21   à ce dont il avait parlé lors de sa précédente déposition. Il a participé

 22   aux activités de l'exécutif du HVO, en ce sens qu'il a participé à la

 23   rédaction de textes législatifs. Il a participé à un certain nombre de

 24   réunions, je ne vois pas où est le problème.

 25   Ce ne sont pas des témoins surprises que ces deux témoins, Monsieur le

 26   Président. On remet en question M. Zubak par exemple, qui a occupé un poste

 27   particulier. L'Accusation a décidé de ne pas poser de questions à M. Martin

 28   Raguz, pourtant ils ont les documents. Nous avons fourni à l'Accusation les

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  1   documents où on voit que M. Buntic a participé à un certain nombre de

  2   réunions. Je ne vois pas comment nous pouvons leur fournir des documents

  3   que nous n'avons pas.

  4   Hier dans la soirée, nous avons obtenu des informations supplémentaires et

  5   à partir de ces informations-là, nous avons eu des contacts avec

  6   l'Accusation. Ça correspond à une page, une page d'information

  7   supplémentaire que nous avons communiquée. Mais il n'y a pas de surprise.

  8   Si l'Accusation avait passé en revue les documents que nous avons

  9   l'intention d'utiliser et des documents qu'ils connaissent très bien, ils

 10   auraient su ce qu'il en est. Il y a un seul transcript présidentiel où le

 11   témoin est mentionné, donc aucun dilemme, aucun problème.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 13   Alors la Chambre va rendre la décision orale qui va être un peu plus longue

 14   que la précédente. Décision orale relative à la requête de l'Accusation

 15   demandant un complément d'information pour les témoins Zoran Buntic et

 16   Zoran Perkovic.

 17   Vu la requête écrite de l'Accusation, vu les observations orales de Me

 18   Karnavas formulées ce jour, le 3 juillet 2008, l'Accusation a déposé à

 19   titre confidentiel une requête demandant à la Chambre de demander à la

 20   Défense de l'accusé Prlic de compléter les résumés 65 ter (G) pour les

 21   témoins Zoran Buntic et Zoran Perkovic. La Chambre note que le premier

 22   témoin concerné, Zoran Buntic, va comparaître cet après-midi. La requête

 23   déposée à son égard est par conséquent tardive.

 24   En outre, la Chambre note que la Défense a communiqué une déclaration du

 25   témoin en date du 18 juin 2000. Cette déclaration lue conjointement avec le

 26   résumé 65 ter (G) est suffisamment précise afin de permettre à l'Accusation

 27   de préparer son contre-interrogatoire.

 28   En ce qui concerne le témoin Zoran Perkovic, la Chambre note que le résumé

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  1   65 ter (G) indique que le témoin témoignera notamment sur les instruments

  2   légaux adoptés par le HVO, sur les observations qu'il aurait faites alors

  3   qu'il tenait le poste de conseiller auprès du président du comité exécutif

  4   pour la municipalité de Livno, ainsi que sur ses relations avec divers

  5   membres du pouvoir exécutif du HVO. Ces informations sont trop vagues pour

  6   permettre une préparation de contre-interrogatoire.

  7   En conséquence, la Chambre fait partiellement droit à la requête et demande

  8   à la Défense de l'accusé Prlic de compléter ce résumé en indiquant plus

  9   exactement, premièrement, les instruments légaux sur lesquels le témoin est

 10   censé témoigner; deuxièmement, les noms des personnes avec lesquelles le

 11   témoin se serait entretenu, la date et le lieu de ces entretiens;

 12   troisièmement, la nature des observations faites en tant que conseiller

 13   dans la municipalité de Livno.

 14   La Chambre demande ces informations supplémentaires pour le 10 juillet

 15   2008, au plus tard.

 16   Bien. Donc en un mot, Maître Karnavas, il suffira de compléter sur les

 17   trois points.

 18   Voilà. Nous allons maintenant introduire le témoin.

 19   Simplement, Maître Karnavas, nous avons eu vos deux classeurs, et je vous

 20   remercie de bien nous avoir indiqué les pièces qui vont être évoquées,

 21   selon les cinq sujets que vous allez aborder. Mais, à titre personnel, mais

 22   je pense que mes collègues sont du même avis que moi, si vous pouviez nous

 23   indiquer les pièces qui n'ont pas encore été admises. Voilà. Parce que ça

 24   aurait l'avantage de nous permettre de regarder encore plus ces pièces.

 25   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien que je sache que le travail est quand même

 27   important, mais si vous pouvez le faire, nous vous en remercions.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous allons le faire. Je ne sais pas si je

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  1   pourrai comme ça au débotté le faire, Monsieur le Président, mais nous

  2   allons essayer de répondre à votre demande aussi rapidement que possible.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] J'ai des listes ici qui vous sont destinées

  5   et qui accompagnent les classeurs, je pense que ces listes peuvent vous

  6   donner une idée de ce qu'il en est.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Dans l'intervalle et pour le compte

  8   rendu d'audience, je relève, Maître Karnavas, que vous avez promis de nous

  9   présenter les documents dans l'ordre où vous allez les présenter au témoin,

 10   sachant que ce serait une tâche difficile. Or, je remarque que vous n'avez

 11   pas tenu votre promesse et je dois dire que je le regrette parce qu'il va

 12   falloir qu'on procède à des recherches systématiques dans ces classeurs

 13   comme la dernière fois.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Toutes mes excuses. Je ne veux pas jouer ici

 15   sur les mots. J'ai dit que j'allais essayer. J'essaie de faire de mon

 16   mieux, mais ce n'est pas toujours facile de trouver en plein milieu d'un

 17   procès de nouveaux collaborateurs pour nous aider. Cependant, à votre

 18   intention, Messieurs les Juges, nous avons préparé des listes de toutes les

 19   pièces à conviction, il est également indiqué sur ces tableaux où se trouve

 20   la pièce concernée dans quel classeur. Je vais demander à ce qu'on vous

 21   remette immédiatement ces listes. Il y en a une également qui a été

 22   préparée pour l'Accusation.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 24   Alors, Monsieur le Témoin, levez-vous, s'il vous plaît. Pouvez-vous me

 25   donner votre nom, prénom et date de naissance.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Zoran Buntic. Je suis né le 29 août

 27   1953, à Citluk.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Monsieur Zoran Buntic, déjà témoigné

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  1   devant un Tribunal international, voire national; et si c'est le cas, dans

  2   quelle affaire ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

  4   suis venu déposer devant ce même Tribunal dans l'affaire Kordic en l'an

  5   2000.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous étiez témoin de la Défense ou de

  7   l'Accusation ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais témoin de la Défense.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 10   Je vous demande de lire le serment.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 12   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13   LE TÉMOIN : ZORAN BUNTIC [Assermenté]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur. Vous pouvez vous asseoir.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur, juste un petit problème d'ordre

 18   logistique. Il est donc prévu que vous soyez entendu pendant plusieurs

 19   jours, et il y a un risque potentiel que nous ne puissions terminer votre

 20   audition cette semaine. Y aurait-il à votre niveau des problèmes, s'il

 21   fallait rester jusqu'à lundi prochain ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me suis libéré suffisamment pour venir

 23   déposer ici. J'ai pu remettre à plus tard tout l'ensemble de mon travail,

 24   donc je suis entièrement à votre disposition.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre vous en remercie.

 26   Alors, Monsieur, quelques brèves explications de ma part. Puisque vous avez

 27   déjà témoigné, vous savez comment cela se passe. Vous allez dans un premier

 28   temps devoir répondre à des questions de Me Karnavas, que vous avez dû

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  1   rencontrer. Et Me Karnavas va vous présenter également toute une série de

  2   documents.

  3   A l'issue de cette phase, qui va durer un certain temps, il se peut que les

  4   avocats des autres accusés dans le cadre du contre-interrogatoire qui leur

  5   est autorisé pourront également vous poser des questions. A l'issue de

  6   cette phase procédurale, M. le Procureur, qui se trouve à votre droite,

  7   procédera à ce qu'on appelle ici le contre-interrogatoire. Les quatre Juges

  8   qui sont devant vous interviendront certainement également pour vous poser

  9   des questions.

 10   Comme nous avons beaucoup de documents, il se peut que nos questions

 11   enchaînent sur le document pour éviter le maniement des documents qui peut

 12   prendre du temps, mais cela c'est en fonction bien entendu de l'événement

 13   et des questions posées. Essayez d'être très précis dans les réponses. Si

 14   vous ne comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez pas à demander à

 15   celui qui vous pose la question de la reformuler. Nous faisons des pauses

 16   toutes les heures et demie. Nous avons commencé il y a déjà une demi-heure,

 17   donc dans une heure nous ferons une pause de 20 minutes. Mais si à un

 18   moment donné vous vous sentez pas bien, parce que vous êtes fatigué ou je

 19   ne sais quoi, n'hésitez pas à lever la main pour qu'on puisse interrompre

 20   l'audience parce que vous allez vous apercevoir que répondre sans arrêt

 21   pendant des heures à des questions ça peut être fatiguant, voire même

 22   éprouvant.

 23   La Chambre est à votre disposition pour répondre bien entendu à toutes les

 24   questions que vous pourriez être amené à lui poser en cas de nécessité.

 25   Voilà donc de manière très générale comment va se dérouler cette audience.

 26   Un dernier élément, vous avez prêté il y a quelques instants un serment, ce

 27   qui fait qu'à partir de ce moment vous êtes maintenant le témoin de la

 28   justice. Et donc vous n'appartenez plus à quiconque, sauf à la justice, ce

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  1   qui implique qu'à partir de maintenant vous n'avez plus aucun contact avec

  2   la Défense. Ce qui fait que quand vous allez rentrer dans votre chambre

  3   d'hôtel, vous n'avez pas, bien entendu, à avoir de communication avec les

  4   uns ou les autres, sauf évidemment avec les membres de votre famille pour

  5   leur relater comment ça se passe, et comme ça se passe très bien, je suis

  6   convaincu que vous leur donnerez de bonnes nouvelles. Voilà, Monsieur.

  7   Sur ce, je vais donner la parole à Me Karnavas.

  8   Attendez, je crois qu'il y a Mme Pinter. Oui, Madame Pinter.

  9   Mme PINTER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 10   Juges, pour ce qui est de notre témoin, le 4 juin 2008 comme vous le savez

 11   nous avons déposé une écriture portant sur M. Buntic. Nous avions

 12   l'intention en application de l'article 92 ter de verser au dossier sa

 13   déclaration écrite. Je souhaiterais que ceci ne constitue pas une surprise

 14   pour lui.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous le savons, et bien entendu, nous

 16   envisagerons cette phase procédurale après que nous ayons terminé avec les

 17   questions supplémentaires de Me Karnavas. Et si sur la déclaration écrite

 18   l'Accusation veut contre-interroger, elle pourra, le cas échéant, le faire.

 19    Maître Karnavas, vous avez la parole.

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, et Messieurs

 21   les Juges.

 22   Interrogatoire principal par M. Karnavas :

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Buntic.

 24   R.  Bonjour.

 25   Q.  Avant de passer en revue un certain nombre de documents dans le cadre

 26   de votre déposition, j'aimerais vous demander un bref récit qui pourrait

 27   nous aider justement à passer en revue ces documents de la manière la plus

 28   rapide possible. Vous nous avez dit que vous êtes avocat, pouvez-vous nous

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  1   dire depuis combien de temps vous exercez cette profession et où vous

  2   l'exercez ?

  3   R.  Je suis avocat depuis 1989. Cela étant dit, j'ai eu des interruptions

  4   dans ma carrière d'avocat pour l'essentiel pendant la période de la guerre,

  5   pendant laquelle j'ai exercé un certain nombre de postes de responsabilité

  6   au sein de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et par la suite au sein de

  7   la République croate d'Herceg-Bosna également.

  8   Q.  Et quel type de droit est votre spécialité ?

  9   R.  Je suis dans le droit des affaires pour l'essentiel, et actuellement,

 10   je suis des études à l'Université de Mostar, c'est un troisième cycle

 11   portant sur le droit international.

 12   Q.  Très bien. Entrons tout de suite dans le vif du sujet. Vous nous avez

 13   dit que vous avez participé à la Communauté croate d'Herceg-Bosna et

 14   ensuite à la République croate d'Herceg-Bosna.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardon, Monsieur Karnavas. Pour être

 16   tout à fait précis, on a interprété les propos du témoin de manière qu'il

 17   ressort qu'il a entrepris des études pour obtenir une licence. Mais il est

 18   avocat depuis un bon moment, est-ce que ce ne sont pas plutôt des études

 19   post-grade --

 20   L'INTERPRÈTE : Oui, en effet.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Juge Trechsel. Encore une fois, je

 23   suis désolé de ne pas avoir pu vous remettre tous ces documents dans le bon

 24   ordre. Nous continuerons à essayer.

 25   Q.  Pouvez-vous nous dire quelles ont été vos fonctions initiales au sein

 26   de la Communauté croate de l'Herceg-Bosna ?

 27   R.  C'est par la décision de la présidence de la Communauté croate

 28   d'Herceg-Bosna, en date du 15 mai 1991, que j'ai été nommé chef du service

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  1   chargé de la justice et de l'administration au sein de la Communauté croate

  2   d'Herceg-Bosna. Je pense qu'il convient de préciser que ce n'est pas le 15

  3   mai 1991 que je suis entré en fonction, que c'est plutôt un mois plus tard,

  4   et que c'est vers le 20 juin 1991 que j'ai occupé effectivement ce poste, à

  5   partir de ce moment-là jusqu'à la fin de l'existence de la Communauté

  6   croate d'Herceg-Bosna, c'est-à-dire jusqu'au 28 août 1993. C'est à ce

  7   moment-là qu'a été créée la République croate d'Herceg-Bosna.

  8   Q.  Très bien. Vous avez dit que vous n'êtes pas entré en fonction pendant

  9   à peu près un mois. Y a-t-il une raison à cela ?

 10   R.  Je pense qu'une raison justifiée a existé, c'est-à-dire entre le 10 et

 11   le 15 mais à peu près, 1992, j'ai eu un entretien à ce sujet avec M. Mate

 12   Boban et le président de la municipalité de Citluk, Milan Lovric, ils ont

 13   cherché à me convaincre à accepter ce poste, et pendant ces entretiens,

 14   j'ai accepté de me charger d'exercer ces fonctions et j'ai demandé de

 15   continuer d'exercer les fonctions que j'avais à l'époque, j'étais

 16   commandant adjoint de la défense de Citluk à ce moment-là, c'est-à-dire

 17   j'étais à la tête du détachement de la Défense, que j'exerce ce poste

 18   jusqu'à ce qu'on termine de libérer Mostar et la rive est de Neretva,

 19   Stolac, Capljina. Pendant ce temps-là, on était en train de travailler sur

 20   les préparations de l'opération, mes arguments ont été acceptés et c'est à

 21   cause de ces raisons que c'est uniquement à partir du moment où cette

 22   action avait été menée à son terme que j'ai pris mon nouveau poste.

 23   Q.  Je vous demande de ralentir quelque peu puisque vous êtes interprété et

 24   nous devons garder à l'esprit que cela prend un petit peu de temps.

 25   Pourriez-vous, en remontant un petit peu dans le temps, nous parler un

 26   petit peu de vos fonctions en tant que commandant adjoint. Quelle était

 27   cette fonction au juste, quelles étaient vos attributions ?

 28   R.  Dans un premier temps, le 9 mai 1991, de la part de la cellule de Crise

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  1   de la municipalité de Citluk, j'avais été élu membre de cette cellule de

  2   Crise de la municipalité de Citluk. Ce qui a présidé à cette élection,

  3   c'était la situation de crise qui s'est installée dans la localité de

  4   Polak, de la municipalité de Mostar. Une colonne a été arrêtée, une colonne

  5   d'à peu près de 200 chars et véhicules transporteurs blindés de l'armée

  6   populaire yougoslave, qui partait de Mostar et qui s'acheminait vers le

  7   plateau de Kupres, d'une importance stratégique, c'est ce plateau qui

  8   sépare l'Herzégovine occidentale de la Bosnie centrale et orientale. Depuis

  9   ce plateau, il est possible de développer des opérations militaires de tout

 10   genre vers le sud, dans toutes les municipalités qui se situent en

 11   Herzégovine occidentale. Ce jour-là, au cours de l'après-midi, le conseil

 12   exécutif de la municipalité de Citluk s'est réuni, a élu une cellule de

 13   Crise, et pendant les deux ou trois jours qui ont suivi toutes les

 14   municipalités d'Herzégovine occidentale ont nommé leur cellule de Crise

 15   respectivement, parce que nous étions conscients du fait que tôt ou tard

 16   ces chars allaient être utilisés contre nous.

 17   Il me semble qu'il convient de préciser ici que pour ce qui est de la

 18   composition de la cellule de Crise de la municipalité de Citluk, cette

 19   composition reflétait en principe les dispositions de la loi portant sur la

 20   Défense populaire généralisée et les statuts de la municipalité de Citluk,

 21   à savoir, de par leurs fonctions, ce sont les présidents de la municipalité

 22   de Citluk qui ont été élus, le président du conseil exécutif de la

 23   municipalité de Citluk, le chef de l'état-major de la Défense populaire,

 24   ensuite le chef de la police, et également le chef de la protection

 25   sociale, de son état-major, et un certain nombre de personnes qui, en tant

 26   que membres de la municipalité de Citluk, ont été élues au sein de la

 27   cellule.

 28   Par la suite, le 19 septembre 1991, de la part de la cellule de

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  1   Crise, j'ai été élu commandant de la défense de Citluk, c'est-à-dire le

  2   commandant du détachement de la Défense populaire de la municipalité de

  3   Citluk. Et sans aucun doute, ceci a été la première unité armée de Bosnie-

  4   Herzégovine à opposer une résistance armée à l'armée yougoslave.

  5   Q.  J'aimerais que l'on procède étape par étape. Tout d'abord,

  6   pouvez-vous nous dire s'il s'agissait de l'ancienne Défense territoriale ?

  7   R.  Non. Ce n'est pas la Défense territoriale à l'ancienne puisqu'à

  8   l'époque, ni moi-même ni qui que ce soit d'autre au sein de la cellule de

  9   Crise n'étions capables d'attirer dans nos rangs, sous cette appellation,

 10   des combattants. Donc cette appellation, Défense populaire, a été

 11   compromise vu ce qui s'était passé précédemment. J'entends par là le fait

 12   que l'ensemble de l'armement de la Défense territoriale avait été remis à

 13   la JNA, c'est l'état-major de la Défense territoriale qui avait son siège à

 14   Sarajevo qui avait fait cela, et un Serbe était à la tête de cet état-

 15   major. Pour que le paradoxe soit encore plus grave, l'état-major de la

 16   Défense territoriale de la République de Bosnie-Herzégovine a même versé

 17   les soldes aux unités de la Défense territoriale qui avaient conquis et

 18   occupé des parties de la Bosnie-Herzégovine et qui ont servi des objectifs

 19   de la JNA, qui ont coopéré avec elle. C'est ainsi que ces unités ont occupé

 20   les deux tiers du territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 21   Q.  Je vous arrête de nouveau parce que certains aspects de ce que vous

 22   nous dites sont superflus, d'autres sont importants. Où avez-vous trouvé

 23   les armes si la Défense territoriale avait remis toutes ses armes à la JNA

 24   ? Où avez-vous pu trouver les armes ?

 25   R.  Nous avions deux sources. D'une part, à Citluk, il y avait quatre ou

 26   cinq entreprises qui comptaient des directeurs courageux qui ont refusé de

 27   remettre les armes de la Défense territoriale suite à l'ordre venu de

 28   l'état-major de la Défense territoriale de remettre l'ensemble de

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  1   l'armement à l'armée yougoslave. Ça, c'était l'une de nos sources.

  2   La deuxième, le ministère des Affaires intérieures de la République de

  3   Bosnie-Herzégovine nous a remis 400 fusils semi-automatiques neufs. Je

  4   pense qu'ils ont déployé des efforts considérables pour nous fournir cela.

  5   C'est précisément M. Stojic ici présent qui était adjoint du ministre de

  6   l'Intérieur à l'époque et M. Alija Delimustafic, ils ont signé ensemble cet

  7   ordre pour que ces armes soient remises au détachement de défense dans la

  8   municipalité de Citluk. C'étaient 400 fusils, et les 400 nous ont été remis

  9   de la première source. C'était ça notre armement au départ.

 10   Q.  Encore une fois, je vous prie de parler un petit peu plus lentement

 11   parce que plus l'après-midi avance, plus les choses deviendront difficiles

 12   pour l'interprétation, notamment.

 13   Vous avez dit que certains responsables avaient remis leurs armes.

 14   Pour ceux qui ne savent pas très bien comment fonctionnait la Défense

 15   territoriale et la défense de tout le peuple, comment cela se fait-il que

 16   des directeurs d'entreprises avaient des armes ? Très brièvement, je vous

 17   prie.

 18   R.  Vu le concept de la Défense populaire généralisée, tel qu'il existait à

 19   l'époque en ex-Yougoslavie, comptait deux composantes, je suppose que l'on

 20   sait ici que l'une de ses composantes était l'armée populaire yougoslave,

 21   l'autre était la Défense territoriale. L'armement de la Défense

 22   territoriale n'appartenait pas à l'état-major de la Défense territoriale,

 23   ce sont plutôt les entreprises qui étaient de la propriété sociale en

 24   Bosnie-Herzégovine qui se les procuraient ainsi que les institutions. Donc

 25   toute entreprise disposait de son propre plan d'affectation en situation de

 26   défense et ainsi son mode d'application de ce plan. Ça existait dans toutes

 27   les entreprises sociales de Bosnie-Herzégovine et d'ailleurs dans toute

 28   l'ex-Yougoslavie puisque le concept même de Défense populaire généralisée

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  1   impliquait ces deux composantes.

  2   Il convient de souligner que le commandement de la JNA relevait de la

  3   compétence de la présidence de Yougoslavie et du Grand état-major

  4   yougoslave, tandis que le commandement de la Défense territoriale relevait

  5   de l'état-major de la Défense territoriale des républiques et des

  6   municipalités. En l'occurrence, je pense qu'il convient de souligner que ce

  7   sont les municipalités qui commandaient la Défense territoriale dans tous

  8   les cas si le territoire de telle ou telle municipalité était attaqué. Ce

  9   n'était pas seulement un devoir, c'était également une obligation de

 10   chacune des municipalités conformément à la constitution de la République

 11   de Bosnie-Herzégovine et en vertu de la loi sur la Défense populaire

 12   généralisée de la République de Bosnie-Herzégovine.

 13   Q.  Très bien, merci. A moins que les Juges n'aient des questions précises

 14   concernant ce qui vient d'être évoqué, je vais vous poser des questions

 15   concernant vos fonctions initiales au sein de la Communauté croate

 16   d'Herceg-Bosna; il ne semble pas y avoir des questions de la part des

 17   Juges. Est-ce que vous voulez bien nous expliquer quelles étaient vos

 18   fonctions initiales ? Que faisiez-vous au juste ?

 19   R.  Comme je l'ai déjà indiqué, je suis devenu chef du service chargé du

 20   judiciaire et de l'administration générale au sein du Conseil croate de la

 21   Défense de la Communauté croate Herceg-Bosna. Je suis donc entré en

 22   fonctions vers le 20 juin 1992. Le Conseil de la Défense croate était un

 23   organe exécutif de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, c'est-à-dire

 24   c'était l'organe exécutif comme émanation de sa présidence. Il était

 25   composé du président, du Conseil croate de Défense et de six services, dont

 26   certains comptaient des sous-services. Il convient peut-être de dire que

 27   c'était un organe civil qui était chargé des ressorts civils au sein de la

 28   Communauté croate d'Herceg-Bosna et qu'il était conçu en tant que

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  1   l'exécutif de la présidence de la HZ HB. Il était composé du département de

  2   défense, de celui des affaires intérieures, celui des finances, du

  3   département de la justice et de l'administration générale, du département

  4   de l'économie qui comptait plusieurs sous-départements et du département

  5   des affaires sociales qui également comptait plusieurs sous-services ou

  6   sous-départements.

  7   Au moment où je suis devenu le chef de ce département de la justice et de

  8   l'administration générale, j'ai reçu un certain nombre de documents de la

  9   Communauté croate d'Herceg-Bosna parmi lesquels la décision portant

 10   création de la Communauté croate d'Herceg-Bosna en date du 18 novembre

 11   1991; la décision portant création du Conseil croate de Défense en date du

 12   8 avril 1992; décision statutaire portant l'organisation du pouvoir

 13   exécutif de l'Herceg-Bosna et la décision statutaire portant sur les

 14   autorités locales et municipales de l'Herceg-Bosna et la décision portant

 15   ma nomination. Ce sont les documents qui m'ont été remis le jour où je suis

 16   entré au poste en tant que chef de ce service.

 17   Q.  Très bien. Avant d'entrer dans plus de détails, ce serait bien que nous

 18   puissions expliciter quelques points pour qu'il n'y ait pas de confusion.

 19   Vous nous avez dit qu'il s'agissait d'un organe civil, "organe exécutif de

 20   la présidence" avez-vous dit. Pourriez-vous nous expliquer en quoi

 21   consistait la présidence et quels étaient les liens entre cet organe

 22   exécutif et la présidence ?

 23   R.  La présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna était composée de

 24   plusieurs paires fondateurs, les personnes qui avaient créé la Communauté

 25   croate d'Herceg-Bosna, le 18 novembre 1991. Conformément à la décision

 26   portant création de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, d'après leurs

 27   fonctions c'étaient ceux qui occupaient des postes les plus hauts placés

 28   dans les différentes municipalités faisant parties de la HZ HB, ou bien les

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  1   numéros un du HDZ dans ces différentes unités territoriales. Je pense que

  2   30 municipalités composaient la HZ HB à ce moment-là et ils avaient leurs

  3   représentants au sein de la présidence. 

  4   Conformément à la décision portant création de la HZ HB, la

  5   présidence était conçue en tant que l'organe suprême de gouvernance de la

  6   HZ HB, c'est-à-dire l'organe qui allait avoir une fonction législative. Je

  7   pense qu'il serait peut-être exagéré de dire que c'était l'organe

  8   législatif puisque cet organe n'a jamais fait adopté quelque loi que ce

  9   soit. Sous forme de texte de loi, oui, il a adopté des textes mais pas des

 10   textes qui auraient le caractère d'une loi. Je pense qu'on peut dire que

 11   c'était l'organe suprême de gouvernance dont le rôle était celui de se

 12   doter d'actes législatifs. Tandis que le Conseil croate de Défense était

 13   l'exécutif, l'organe exécutif de la présidence.

 14   Je pense qu'il faut tenir compte de quelque chose, je ne sais pas si

 15   vous avez eu l'occasion de préciser cela de par le passé, je pense qu'il

 16   convient d'opérer une distinction entre le Conseil croate de Défense d'une

 17   part qui est composé des forces armées et des unités armées de la

 18   Communauté croate d'Herceg-Bosna, et d'autre part cet organe exécutif.

 19   Q.  Encore une fois, j'aimerais préciser quelques points. Vous avez dit

 20   qu'il s'agissait de la plus haute instance au sein de la Communauté croate

 21   d'Herceg-Bosna. Comment décririez-vous les liens entre le HVO, organe

 22   exécutif et la présidence ? Quel type d'interaction y avait-il entre ces

 23   deux instances tant dans les faits que sur le plan juridique ?

 24   R.  Je pense que ces relations étaient assez classiques et conformes à ce

 25   qui pouvait exister dans les différentes municipalités. Si l'on veut faire

 26   une sorte de comparaison, la présidence correspondait assez bien à ce qui

 27   était l'assemblée municipale d'une municipalité donnée. Alors que le HVO

 28   avait des fonctions exécutives similaires à celles que pouvait avoir

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  1   l'assemblée municipale d'une municipalité. A mon sens, cela fonctionnait

  2   selon un principe assez similaire, de la même façon dont l'assemblée d'une

  3   municipalité choisissait les membres de son comité exécutif, la présidence

  4   nommait les membres du comité exécutif du HVO qui avait pour fonction de

  5   mettre en œuvre les dispositions qui étaient prises au sein de la

  6   Communauté croate d'Herceg-Bosna.

  7   Q.  Très bien. Plus tôt vous avez mentionné le HDZ, et simplement pour être

  8   tout à fait clair, étiez-vous membre du HDZ à l'époque ?

  9   R.  Non, je n'étais pas membre du HDZ à ce moment-là ni précédemment et je

 10   ne l'ai pas été plus tard. Je n'étais membre ni du HDZ de la République de

 11   Croatie ni du HDZ de Bosnie-Herzégovine. Je pense qu'au moment où j'ai été

 12   nommé dans cette fonction, ni le président Jadranko Prlic, président du

 13   HVO, ni le ministre des Finances, Neven Tomic, n'étaient eux-mêmes membres

 14   du HDZ.

 15   Q.  Vous avez dit que Mate Boban vous avait contacté. Nous avons beaucoup

 16   entendu parler de Mate Boban dans cette enceinte. Pourriez-vous nous

 17   décrire sa fonction ou ses fonctions ?

 18   R.  Au moment où j'ai pris mes fonctions, M. Mate Boban était à la tête de

 19   la présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et il était président

 20   du HVO. Il l'a été à peu près jusqu'au début du mois de juillet, à peu près

 21   jusqu'au 3 juillet, je crois, au moment où a été tenue la troisième séance

 22   de la présidence du HZ HB, et je pense qu'à ce moment il avait des

 23   fonctions importantes au sein du HDZ de Bosnie-Herzégovine. Je ne suis pas

 24   tout à fait sûr s'il était ou non vice-président, mais il était membre de

 25   la présidence du HDZ de Bosnie-Herzégovine.

 26   Q.  Pourriez-vous nous décrire la différence entre le fait d'être président

 27   de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et le fait d'être président de la

 28   présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?

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  1   R.  Je pense que là aussi il s'agit d'un modèle assez classique. Le rôle de

  2   président de la présidence était tenu par M. Boban, mais il était un parmi

  3   les pairs qui étaient sur un pied d'égalité. La présidence c'est un organe

  4   législatif mais en tant que président de la présidence, le président avait

  5   la possibilité de convenir des assemblées futures de la présidence. C'était

  6   sa fonction dans laquelle il avait également deux suppléants, il y avait

  7   deux vice-présidents à la présidence, alors que l'autre fonction, celle de

  8   président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, était une fonction en

  9   principe de nature exécutive. 

 10   Il s'agissait là d'une fonction pour laquelle il n'était pas prévu un

 11   poste d'adjoint et M. Boban, dans cette fonction, assumait également celle

 12   de commandant des forces armées de la Communauté croate d'Herceg-Bosna,

 13   c'est-à-dire l'aile militaire du HVO.

 14   Q.  Simplement à des fins de comparaison, nous avons entendu des

 15   dépositions concernant la manière dont fonctionnait la présidence,

 16   l'échelon de l'Etat, et à moins que je ne m'abuse, je suis sûr qu'on me

 17   corrigera, nous avons appris que tous les membres de la présidence étaient

 18   sur un pied d'égalité et ainsi que le président de la présidence, M. Alijas

 19   Izetbegovic, était le premier parmi ses pairs, mais il n'avait pas un rôle

 20   prépondérant. Pourriez-vous nous dire au sein de la présidence de la

 21   Communauté croate d'Herceg-Bosna, quelles étaient les attributions de M.

 22   Boban comparées aux attributions des autres membres de la présidence ? En

 23   d'autres termes, était-il également premier parmi ses pairs ou avait-il

 24   d'autres attributions supplémentaires au sein de la présidence ?

 25   R.  Je pense que je dois ici établir une distinction par rapport à

 26   différentes périodes. Une première période s'étend entre le 8 avril 1992 et

 27   le 15 août de cette même année. Dans cette première période, M. Boban

 28   assumait la fonction de président de la présidence de la Communauté croate

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  1   d'Herceg-Bosna et en même temps celle de président du HVO. C'est donc cette

  2   période du 8 avril au 15 août 1992, ou le 14 août 1992, c'est donc cette

  3   période pendant laquelle M. Prlic a été chargé par la présidence d'assumer

  4   la fonction du président du HVO.

  5   De la même manière, suite à l'adoption des dispositions relatives à la

  6   création de la HZ HB, c'est-à-dire le 3 juillet 1992, M. Boban assumait

  7   également la fonction de président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna

  8   et était commandant des forces armées de la Communauté croate d'Herceg-

  9   Bosna.

 10   Q.  Bien. Parlons donc de cette période.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je vous écoute attentivement et

 12   c'est très compliqué, excessivement compliqué pour bien comprendre comment

 13   ça fonctionnait. Si je fais une erreur, corrigez-moi. Je crois comprendre

 14   que du 8 avril 1992 au 15 août 1992, M. Boban est président de la

 15   présidence et président du HVO; mais vous avez rajouté que M. Prlic devient

 16   président du HVO et, à ce moment-là, M. Boban va être président de la

 17   Communauté croate plus commandant du HVO.

 18   Alors, pouvez-vous nous préciser parce que ça peut être très confus pour un

 19   observateur de l'extérieur. Pouvez-vous nous repréciser cela ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 21   vais essayer. Conformément à la décision portant création de la Communauté

 22   croate d'Herceg-Bosna, qui avait été adoptée le 18 novembre 1991, M. Boban

 23   était président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, c'est-à-dire

 24   président de la présidence de la HZ HB. Et c'était là une de ses fonctions.

 25   Le 8 avril 1992, la présidence de la HZ HB a adopté une  décision

 26   portant création du HVO. Et à ce moment, la fonction de président du HVO

 27   était assumée de facto et de jure par M. Mate Boban conformément à cette

 28   décision, et cela, jusqu'au 14 août 1992. C'est à ce moment, le 14 août

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  1   1992, que la fonction de président du HVO, la fonction de président de

  2   l'organe civil du HVO a été confiée à M. Jadranko Prlic.

  3   Entre-temps, à savoir le 3 juillet 1992, la présidence de la Communauté

  4   croate d'Herceg-Bosna a amendé la décision portant création de la

  5   Communauté croate d'Herceg-Bosna. C'est alors que, pour la première fois, a

  6   été instituée la fonction de président de la Communauté croate d'Herceg-

  7   Bosna en tant qu'organe exécutif et en tant que commandant suprême des

  8   forces armées.

  9   Je ne sais pas si j'ai clarifié quelque peu la situation.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien jusqu'au 14 août 1992, M. Boban

 11   assumait la présidence tant dans sa branche militaire que dans sa branche

 12   civile, et le 14 août 1992, la branche civile est maintenant sous la

 13   responsabilité de M. Prlic. C'est bien ce que vous nous dites ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exactement cela, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : A compter du 14 août 1992 ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 17   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi mais dans

 18   le compte rendu d'audience en anglais on n'a pas la réponse du témoin à

 19   votre question. Ligne 22, page 27 du compte rendu.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors je vais reposer la question parce qu'elle est

 21   importante.

 22   Je vous ai demandé si jusqu'au 14 août 1992, M. Boban en sa qualité

 23   de président de la présidence du Conseil croate -- enfin de la Communauté

 24   croate assumait la fonction civile et militaire, et à compter du 14 août

 25   1992, la fonction civile passe sous la responsabilité de M. Prlic. Est-ce

 26   bien cela que vous nous dites ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : Et une autre précision, s'il vous plaît.

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  1   A la ligne 20 --

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Encore pas de réponse. Il faut que le témoin

  3   attende. Il faudrait que le témoin réponde une fois encore à la question

  4   qui lui a été posée par le Président.

  5   M. STRINGER : [interprétation] Je crois que Me Karnavas et  moi-même, nous

  6   avons entendu parfaitement le témoin, mais malheureusement ce n'est pas

  7   consigné au compte rendu d'audience.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, redites-moi ce que vous avez dit

  9   parce que deux fois de suite les interprètes n'ont -- voire la sténotypiste

 10   n'a pas enregistrée ce que vous avez dit. Alors vous voulez que je vous

 11   repose la question pour la troisième fois ?

 12   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être on peut

 13   économiser un peu de temps. Dans les deux cas, la réponse a bien été

 14   enregistrée mais un petit peu plus tard. Voilà dans le second cas, c'est en

 15   page 28, ligne 15 après l'interruption. Dans le deuxième cas, je ne vois

 16   plus la page qui s'affiche mais c'est un cas similaire. 

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : A la ligne 15, il y a marqué "That's correct." Donc

 18   vous répondez tel que j'ai posé la question, c'est-à-dire que M. Prlic

 19   devient responsable de la fonction civile à compter du 14 août 1992, Boban

 20   restant responsable militaire.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exactement cela.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : J'aimerais préciser ou vous prie de préciser et de

 23   confirmer une autre fois. A la page 26, ligne 23, vous parlez du HZ HB, HZ

 24   HB, je pense, qui a été établi le 18 novembre 1991, et M. Boban était

 25   président de la présidence de cette communauté. Et plus tard à la page 27,

 26   ligne 9, vous dites entre-temps le 3 juillet 1992, la présidence -- à la

 27   présidence de la présidence, mais la présidence a changé la décision sur

 28   l'établissement de la HZ HB et pour la première fois la position de

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  1   président de la HZ HB a été introduite. Il y a donc une claire différence

  2   entre le président de la présidence d'une part, et le président d'autre

  3   part. Merci.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation]

  6   Q.  Bien. Maintenant que tout cela est tiré au clair, parlons du pouvoir

  7   exécutif au sein du HVO quand vous y avez travaillé dans votre département.

  8   Pouvez-vous nous dire concrètement de quoi était responsable le HVO ? Nous

  9   savons que c'est un organe civil, mais est-ce que vous pouvez nous donner

 10   des détails supplémentaires sur ce point ?

 11   R.  Les compétences du HVO en tant qu'organe civil exécutif étaient

 12   définies par une décision statutaire, celle relative au pouvoir exécutif de

 13   la HZ HB qui a été complétée ultérieurement par une décision prise lors de

 14   la séance du 14 août 1992. Dans ces dispositions, les compétences de chaque

 15   département étaient décrites de façon séparée et parmi elles également

 16   celles de la partie civile du HVO. Donc le HVO, la branche dont je parle,

 17   était conformément aux dispositions de la HZ HB, et il était également de

 18   facto un organe exécutif et, en réalité, l'organe exécutif qui assumait les

 19   fonctions exécutives au sein de la Communauté croate d'Herceg-Bosna.

 20   Q.  Bien. Au sein de votre département, pouvez-vous nous expliquer avec

 21   précision quelle était la nature de vos fonctions, quel était votre travail

 22   quand vous étiez chef de ce département, département chargé de

 23   l'administration et de la justice ?

 24   R.  Le département des affaires juridiques et de l'administration avait

 25   principalement pour compétences de créer les conditions nécessaires au bon

 26   fonctionnement des tribunaux, des tribunaux ordinaires -- ou plutôt des

 27   tribunaux civils. Il s'agissait des tribunaux civils se trouvant sur le

 28   territoire de la Communauté croate de l'Herceg-Bosna.

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  1   Q.  Bien. A partir de cette réponse, j'aimerais qu'on essaie d'aller un peu

  2   plus loin. Avant la mise en place de la Communauté croate d'Herceg-Bosna,

  3   il existait des tribunaux civils déjà. Pourquoi était-il nécessaire à ce

  4   moment-là d'intervenir au niveau de ces tribunaux  ? Parce qu'on peut

  5   partir du principe qu'ils fonctionnaient correctement.

  6   R.  Je pense qu'il ne faut pas oublier certains faits. Depuis le moment où

  7   la Communauté croate d'Herceg-Bosna est instituée le 18 novembre 1991,

  8   entre ce moment donc et le moment où cette HZ HB a réellement commencé à

  9   fonctionner le 8 avril, manifestement la Communauté croate d'Herceg-Bosna,

 10   durant cette période qui suit immédiatement son institution, n'avait

 11   pratiquement aucune activité. Ses activités ne commencent réellement qu'à

 12   partir du 8 avril -- pardon ce n'est pas le 8 avril mais le 4 août de cette

 13   même année, le moment où une guerre généralisée a éclaté sur le territoire

 14   de la Bosnie-Herzégovine, et au moment où tous les organes des autorités

 15   centrales de la Bosnie-Herzégovine se sont retrouvés encerclés et isolés

 16   des autres parties de la Bosnie-Herzégovine. En disant cela, je pense en

 17   particulier à tous les organes de la République de Bosnie-Herzégovine, donc

 18   à l'assemblée, au gouvernement, et à la présidence. Suite à cette situation

 19   où ces organes étaient isolés des autres parties de la Bosnie-Herzégovine,

 20   ils n'étaient plus en mesure d'accomplir leurs fonctions telles que

 21   définies par la loi et la constitution. Ces organes n'étaient donc plus en

 22   situation ni d'assumer leurs fonctions dans les faits ni de commander aux

 23   forces armées afin de défendre le pays, et ils n'étaient pas non plus en

 24   mesure d'administrer le territoire d'un point de vue civil.

 25   Donc après le 8 avril 1992, aucune voie de circulation, aucune des liaisons

 26   avec Sarajevo que ce soit par voie ferroviaire, routière, que ce soit les

 27   services de la poste, que ce soit les transactions bancaires, rien de cela

 28   ne fonctionnait plus. Il n'y avait plus de possibilités de se rendre à

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  1   Sarajevo non plus; quant aux décisions des organes de l'Etat, ces décisions

  2   ne pouvaient plus parvenir aux territoires qui se situaient en dehors de la

  3   capitale assiégée. Tout cela montre que nous étions bien obligés de régler

  4   un certain nombre de questions nous-mêmes. Et de la même façon, si nous

  5   n'avions pas pris en charge la défense de notre territoire, ce territoire

  6   lui aussi aurait été très rapidement occupé et remis aux forces d'agression

  7   et d'occupation.

  8   De la même façon, je voudrais souligner le fait qu'au début du mois

  9   de mai 1992, la présidence de la Bosnie-Herzégovine a rendu une décision,

 10   rendu un décret selon lequel un certain nombre des dispositions des

 11   règlements de l'ancienne Yougoslavie ont été rendus nuls. Cela a créé un

 12   certain nombre de vides qu'il fallait combler. Je pense ici en particulier

 13   aux tribunaux militaires et aux services des procureurs des tribunaux

 14   militaires car les dispositions de l'ancienne Yougoslavie qui réglaient ces

 15   questions ont été rendues nulles et les nouvelles dispositions n'avaient

 16   pas encore été prises.

 17   Q.  J'aimerais rebondir sur votre question. Vous dites que vous deviez

 18   réglementer un certain nombre de choses et je suis sûr que la Chambre de

 19   première instance voudrait savoir ce qu'il en est parce que nous avons

 20   entendu certains soi-disant experts nous parler de certains règlements qui

 21   ont été adoptés. La Communauté croate d'Herceg-Bosna et en particulier vous

 22   dans votre travail, est-ce que vous avez participé à la mise en place d'un

 23   nouveau système juridique ou d'un nouveau système judiciaire, d'un nouveau

 24   système de tribunaux dans cette région ?

 25   R.  Je tiens à souligner que différentes options ont été envisagées.

 26   Finalement l'option qui a été retenue était la suivante : la Communauté

 27   croate d'Herceg-Bosna allait reprendre dans leur ensemble tous les textes

 28   fédéraux et ceux de la République, donc c'était ça le principe à respecter,

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  1   à l'exception des parties où il était indispensable de procéder à des

  2   modifications pour tenir compte des nouvelles circonstances, pour pouvoir

  3   répondre à de nouvelles circonstances par de nouveaux textes.

  4   Q.  Je vous interromps. Où était-il nécessaire d'intervenir ?

  5   R.  Pour être tout à fait concret, c'était dans le domaine de la justice et

  6   de l'administration. Il nous a fallu intervenir comme je viens de le dire,

  7   il a fallu réagir par rapport à la création des tribunaux militaires et des

  8   procureurs militaires, et puis pour ce qui est de l'aspect civil du système

  9   judiciaire, il a fallu également entreprendre certaines choses. Il a fallu

 10   créer à partir de zéro l'organe qui serait compétent de décider sur des

 11   remèdes pour des instances de deuxième degré; c'est-à-dire que la Cour

 12   suprême de Bosnie-Herzégovine siégeait à Sarajevo. 

 13   Un appel, une demande de révision contre une décision de deuxième

 14   instance ne pouvait aucunement être soumise, présentée à la Cour suprême de

 15   Bosnie-Herzégovine pour qu'une décision compétente soit rendue. C'est la

 16   raison pour laquelle la Communauté croate d'Herceg-Bosna a procédé à

 17   l'établissement d'une section, je ne sais pas exactement comment on

 18   pourrait qualifier cela en anglais, je dirais une section, une chambre de

 19   la Cour suprême de la république. Il ne s'agissait pas d'un tribunal

 20   propre, mais il s'agissait d'une chambre du tribunal de la cour de Bosnie-

 21   Herzégovine dont le siège était à Mostar. Egalement, une section du

 22   procureur de la république qui également était basée à Mostar, ainsi qu'une

 23   section du tribunal correctionnel de la République de Bosnie-Herzégovine

 24   qui se prononçait en deuxième instance sur des remèdes suite à des appels

 25   après les décisions de première instance pour ce qui est des affaires dont

 26   est saisie la correctionnelle.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, une petite précision. Les dates

 28   sont importantes, 6 avril 1992, la Communauté européenne et les Etats-Unis

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  1   reconnaissent la Bosnie-Herzégovine; 22 mai 1992, adhésion de la Bosnie-

  2   Herzégovine à l'ONU. Si je me place dans la position d'un juge à Mostar

  3   qui, par exemple, devait s'occuper des divorces ou des affaires à

  4   connotation civile, avant cette date, avant le 6 avril il était juge de

  5   l'ex-Yougoslavie. Voilà que le 6 avril, son pays, la Bosnie-Herzégovine,

  6   est reconnu. Donc il devient jute de la Bosnie-Herzégovine. Mais voilà que

  7   parallèlement, la Communauté croate crée également une juridiction. Alors

  8   vous, qui avez eu des hautes responsabilités en matière judiciaire, les

  9   juges n'ont fait aucune entrave à ce processus où en quelque temps ils

 10   passent sous trois autorités, d'abord la Yougoslavie, puis la Bosnie-

 11   Herzégovine et puis le Conseil croate. Tout ça s'est passé sans aucun

 12   problème ou il y a eu des problèmes, à votre connaissance ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 14   pense qu'il y a un petit malentendu. Lorsque j'en parle, je parle des

 15   tribunaux civils de Bosnie-Herzégovine. La Communauté croate d'Herceg-Bosna

 16   n'a fondé aucun tribunal à part, aucun tribunal civil, elle n'en a pas

 17   créé. Elle a entièrement repris la loi de la république portant sur les

 18   tribunaux réguliers. Pour ce qui est de l'organisation des tribunaux

 19   civils, telle que cette organisation avait existé en Bosnie-Herzégovine

 20   précédemment, ça n'a pas été modifié par une décision ou un décret ou tout

 21   autre acte de la HZ HB. Pour préciser, il y avait en Bosnie-Herzégovine des

 22   tribunaux municipaux ou comme on les appelait à l'époque des tribunaux de

 23   base; ensuite, il y a des tribunaux supérieurs de deuxième instance; et

 24   troisième instance, il y avait la Cour suprême de Bosnie-Herzégovine.

 25   Pour résumer, la Communauté croate d'Herceg-Bosna n'a établi aucun tribunal

 26   nouveau, elle n'a pas touché à l'organisation existante qui était régie par

 27   la loi portant sur les tribunaux réguliers de Bosnie-Herzégovine. Lorsque

 28   je parle de tribunaux réguliers, je ne sais pas comment on traduit cela, là

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  1   je me réfère aux tribunaux civils. Dans cette partie-là, il n'y a eu

  2   création d'aucun tribunal si ce n'est ce que je viens de dire à l'instant,

  3   à savoir qu'on a créé une section, une chambre du tribunal de la République

  4   de Bosnie-Herzégovine, cette chambre était basée à Mostar.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Je prends la situation d'un procureur, qui exécute

  6   les instructions de son ministre de la Justice. Et quand le procureur se

  7   retrouve sous votre autorité à vous, n'y a-t-il pas un changement dans la

  8   chaîne hiérarchique ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non. Il n'y a pas eu de

 10   modifications pour ce qui est de la voie hiérarchique, vous avez toujours

 11   des tribunaux de première instance, des tribunaux supérieurs ou de seconde

 12   instance, et puis la Cour suprême de la République de Bosnie-Herzégovine

 13   qui comptait à partir de ce moment-là sa section à Mostar. Je pense qu'il

 14   convient de souligner que de l'autre côté, la partie bosnienne, à partir du

 15   moment où le conflit a éclaté en Bosnie-Herzégovine, des districts ont été

 16   créés, Zenica de Tuzla et Bihac. Là aussi, sur le territoire de ces

 17   districts, on a créé des sections de la Cour suprême de Bosnie-Herzégovine

 18   pour ces mêmes raisons, les mêmes raisons pour lesquelles on les a créées à

 19   Mostar. Parce que comme je l'ai déjà dit, les remèdes pour ce qui est des

 20   arrêts en deuxième instance ne pouvaient pas physiquement atteindre

 21   Sarajevo. La Cour suprême ne pouvait pas se prononcer là-dessus puisqu'elle

 22   n'était pas en mesure de les envoyer à Sarajevo.

 23   Si je vous ai bien compris, pour ce qui est de votre question qui porte sur

 24   l'organisation, vous me demandez quels étaient les textes de lois qui

 25   étaient adoptés. Par principe, ce qui a été repris par la Bosnie-

 26   Herzégovine c'était repris également par la HZ HB. Dans leur ensemble, tous

 27   les textes fédéraux, s'ils n'avaient pas été déclarés invalides, donc toute

 28   la législation de l'ex-Yougoslavie à moins qu'il y ait une loi ou un décret

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  1   précis qui les invalidait. On a appliqué des lois et des règlements de la

  2   république, et pour ce qui est de la HZ HB, uniquement les textes adoptés

  3   par la HZ HB.

  4   Je ne sais pas si j'ai été clair. 

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. En tout cas, en ce qui me

  6   concerne, je crois que vous avez répondu. 

  7   Mais j'aimerais poser une question toute simple, simplement afin de

  8   préciser le compte rendu. Je crois connaître la réponse mais j'entends les

  9   interprètes parler de tribunaux civils, et la manière dont je comprends ce

 10   terme, enfin il y a deux acceptions possibles : civil par opposition à

 11   pénal, ou civil par opposition à militaire. Je crois que c'est plutôt cette

 12   dernière notion que vous avez à l'esprit, n'est-ce pas ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Par opposition aux tribunaux militaires,

 14   lorsque j'ai parlé de tribunaux civils, non ce n'était pas par opposition

 15   au pénal. C'était la différence entre civil et militaire que j'avais à

 16   l'esprit.

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup. C'est bien ce que je

 18   pensais, mais je pensais que ce serait bon que ce soit précisé au compte

 19   rendu.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il va être l'heure de faire la pause, je crois

 22   qu'il faut qu'on se repose tous parce que c'est assez compliqué. Alors 20

 23   minutes de pause.

 24   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprétation, remplacez le 4 août par le 8 avril

 25   à 15 heures 30. Merci.

 26   --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.

 27   --- L'audience est reprise à 16 heures 13.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous avez la parole.

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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

  2   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pendant la pause, nous avons

  3   révisé la liste des pièces que nous vous avions soumises pour vous aider

  4   conformément à ce que vous nous aviez demandé. Il y a là de nouveaux

  5   exemplaires que nous avons soumis au greffier, vous verrez qu'il y a une

  6   colonne, où on voit la rubrique, pièce déjà versée. Donc les autres pièces

  7   n'ont pas encore été versées. Cela devrait aider les Juges à savoir quelles

  8   pièces ont déjà été versées au dossier. J'espère que cela pourra vous

  9   aider.

 10   Q.  J'aimerais maintenant poursuivre là où nous en étions restés. Nous

 11   parlions du pouvoir judiciaire, vous nous avez dit qu'il n'y a pas eu de

 12   nouveau système judiciaire mis en place. Pourriez-vous nous dire si les

 13   juges qui étaient déjà en fonction, qui travaillaient déjà pour les

 14   tribunaux ou le bureau du procureur ont été remplacés par d'autres ?

 15   R.  Il m'est difficile de vous apporter une réponse directe suite à cette

 16   question. Je pense qu'il faudrait peut-être apporter quelques explications.

 17   Après la libération de Mostar - Mostar qui est la capitale de l'Herzégovine

 18   - le problème qui s'est posé, c'est que de concert avec l'armée populaire

 19   yougoslave on a vu partir un grand nombre de juges qui étaient

 20   d'appartenance ethnique serbe. Je ne sais pas si les Juges de cette Chambre

 21   savent qu'avant que la guerre n'éclate en Bosnie-Herzégovine, la majorité

 22   des juges sur ce territoire étaient des Serbes, c'est-à-dire que

 23   proportionnellement par rapport au nombre d'habitants, les Serbes étaient

 24   considérablement plus représentés dans les organes judiciaires de Bosnie-

 25   Herzégovine. A partir du moment où un grand nombre de juges serbes ont

 26   quitté Mostar, le problème auquel on a dû faire face c'était de voir

 27   comment remplir les postes vacants. Il a fallu réagir vite pour que le

 28   système judiciaire puisse fonctionner, c'est-à-dire au niveau du tribunal

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  1   municipal de Mostar, et également pour ce qui est du tribunal de seconde

  2   instance, sans parler des tribunaux militaires qu'il a fallu faire

  3   fonctionner. Et comme vous l'avez déjà mentionné, il a fallu créer une

  4   chambre de la Cour suprême, et une section du procureur de la République,

  5   et ceci a nécessité un grand nombre de juges.

  6   Je tiens à souligner que l'immeuble du tribunal municipal de Mostar avait

  7   été complètement détruit par l'armée populaire yougoslave, c'est un

  8   bâtiment qui a brûlé, et l'ensemble des archives du tribunal de Mostar sont

  9   parties en flammes. Comme je l'ai déjà dit, il a fallu réagir, mais on

 10   n'avait aucun contact avec le ministère de la Justice basé à Sarajevo, nous

 11   n'avions pas non plus de contact avec le Parlement de Bosnie-Herzégovine,

 12   comme vous le savez, il ne se réunissait pas à ce moment-là. Il nous a donc

 13   fallu remplir les postes aux tribunaux civils, tribunaux ordinaires, et il

 14   a fallu créer des tribunaux militaires, des bureaux de procureurs

 15   militaires, et il a fallu nommer des juges à leurs postes.

 16   Je tiens à ajouter également que mon département chargé de la justice et de

 17   l'administration avait compétence sur des tribunaux civils, tandis que les

 18   tribunaux militaires relevaient de la compétence pour l'essentiel du

 19   département de la Défense. Cette structure n'était pas un phénomène nouveau

 20   parce que du temps de l'ex-Yougoslavie les tribunaux militaires quant à eux

 21   étaient exclusivement de la compétence du personnel militaire et ils

 22   étaient créés dans les différentes régions militaires. Les juges militaires

 23   et les procureurs militaires n'étaient pas des civils, c'étaient des

 24   militaires. Pour ce qui est des tribunaux militaires, ils étaient basés

 25   dans les centres des différentes régions militaires. C'étaient des

 26   bâtiments militaires où ils étaient installés. Ils avaient leurs locaux.

 27   Ils étaient en uniforme militaire lorsqu'ils officiaient et c'était tous

 28   des membres de la JNA qui avaient leur grade respectivement par rapport aux

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  1   fonctions qu'ils exerçaient.

  2   A titre de comparaison, nous avons mis sur pied une structure analogue de

  3   tribunaux militaires au sein de la Communauté croate d'Herceg-Bosna.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai deux questions d'ordre général

  5   tout à fait distinctes. Tout d'abord, une question concernant les pouvoirs

  6   de l'organisation judiciaire dans l'ex-République fédérale de Yougoslavie.

  7   La juridiction civile relevait-elle du pouvoir fédéral ou du pouvoir des

  8   Etats, comme en Suisse où les juridictions civiles dépendent des cantons ?

  9   Et la deuxième question : quelle était la position du bureau du

 10   procureur par rapport au ministère de la Justice ? Est-ce qu'il y avait une

 11   structure hiérarchique ou une certaine indépendance du procureur ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je tâcherai de répondre pour commencer à la

 13   deuxième question posée. Les bureaux du procureur, conformément au système

 14   judiciaire tel qu'il a existé dans l'ex-Yougoslavie - et là je parle des

 15   bureaux du procureur civils - étaient totalement indépendants dans

 16   l'exercice de leur fonction. Donc c'était un organe de l'Etat, mais

 17   indépendant, qui s'acquittait de ses fonctions conformément à la

 18   constitution et à la loi, mais d'une manière complètement indépendante.

 19   Est-ce que vous pourriez me reposer votre première question ? Je ne

 20   suis pas certain de vous avoir bien compris. 

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, je le ferai volontiers. Je suis

 22   désolé si je n'ai pas été assez clair.

 23   Dans une fédération comme l'ex-République de Yougoslavie, les compétences

 24   sont réparties entre la confédération et les différentes parties

 25   constitutives de la Fédération, telle que la Serbie, le Monténégro, la

 26   Slovénie, et ainsi de suite. Pour en venir à l'organisation du système

 27   judiciaire des tribunaux, la nomination des juges, et ainsi de suite, est-

 28   ce que cette question relevait de la compétence de l'Etat fédéral ou de la

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  1   compétence des entités distinctes telles que la Croatie, la Bosnie-

  2   Herzégovine, et ainsi de suite ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. J'ai compris votre question.

  4   Dans chacune des républiques de l'ex-Yougoslavie, le système judiciaire

  5   était organisé à trois niveaux. Il y avait d'une part des tribunaux de base

  6   ou des tribunaux municipaux, la dénomination dépendait des républiques,

  7   c'étaient soit des tribunaux de base soit des tribunaux municipaux, c'était

  8   la première instance; il y avait des tribunaux supérieurs ou des tribunaux

  9   de district, et sous cette dénomination-là, ces tribunaux ont existé dans

 10   les différentes républiques, donc ils s'appelaient simplement soit

 11   tribunaux supérieurs, soit de district; il y avait une Cour suprême dans

 12   chacune des républiques; et il y avait une Cour suprême fédérale qui avait

 13   un certain nombre de compétences pour réagir en cas d'infraction ou de

 14   violation des fois fédérales ou de la constitution fédérale. Il y avait les

 15   trois niveaux dans chacune des républiques, et en plus, il y avait la Cour

 16   suprême fédérale qui avait son siège à Belgrade. Et là je parle de

 17   tribunaux civils, par opposition aux tribunaux militaires.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup. Oui, c'est une

 19   réponse qui est utile, mais qui ne répond pas exactement à ma question. Qui

 20   élisait les juges ? Est-ce que les juges étaient élus ou nommés par les

 21   autorités croates pour prendre l'exemple des autorités croates ou les

 22   autorités fédérales. Est-ce qu'ils étaient rémunérés par le budget de la

 23   Croatie ou le budget fédéral ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que nous ne parlons pas de la Croatie

 25   maintenant, mais il me semble avoir compris votre question puisque nous

 26   sommes en train de parler de la Bosnie-Herzégovine. Les tribunaux

 27   municipaux, les tribunaux de base, ils étaient élus de la part des

 28   assemblées municipales et leur financement provenait du budget municipal.

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  1   Là je parle du système judiciaire du temps de l'ex-Yougoslavie. Lorsqu'il

  2   s'agissait de tribunaux ou de bureaux du procureur de seconde instance, là

  3   ils étaient financés depuis le budget des municipalités dont le territoire

  4   était placé sous leur compétence. La cour Suprême de la république et les

  5   procureurs de la république, ils étaient créés et établis par chacune des

  6   républiques respectivement et les juges étaient nommés par l'assemblée de

  7   la république et leur financement provenait du budget de la république.

  8   Quant aux juges de la cour fédérale, la cour Suprême fédérale yougoslave;

  9   pour l'essentiel, toutes les républiques pouvaient y être représentées avec

 10   un certain nombre de représentants, c'est l'assemblée yougoslave qui les

 11   élisait et le financement là provenait du budget yougoslave.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup. Voilà qui répond à

 13   ma question. Pardon, Monsieur Karnavas.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Il reste une question d'ordre technique.

 15   Parce que, Monsieur le Témoin, vous avez dit quelque chose, c'est la

 16   première fois que je l'entends pendant -- depuis cinq ans que je suis ici

 17   et ça me paraît très important. Vous avez dit que le bureau du procureur

 18   est indépendant, alors même que nous pensions que le procureur est dans une

 19   hiérarchie, et là vous avez dit le bureau du procureur est indépendant.

 20   Alors à partir de ce que vous dites, je vais vous citer un cas et vous

 21   allez me dire quelle est la solution.

 22   Imaginons qu'à Mostar il y ait des individus dont on ne sait pas

 23   exactement qui ils sont, mais ils font une violation de domicile, ils

 24   pénètrent à l'intérieur d'un domicile, ils volent, ils matraquent les gens,

 25   et cetera. Il y a une enquête qui est faite par la police civile, voire la

 26   police militaire, pensant peut-être qu'il y a des militaires, mais on ne

 27   sait pas trop, et ça arrive dans les mains du procureur civil. Si le

 28   procureur civil qui est indépendant ne fait rien, ne donne aucune suite,

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  1   est-ce une situation qui a pu se passer ou qui ne peut pas se passer ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes sortes de situations peuvent se

  3   présenter. Lorsque j'ai dit qu'il y a indépendance dans l'exercice de leurs

  4   fonctions, ce sont d'après la loi des organes indépendants, les bureaux du

  5   procureur. Le code pénal de l'époque prévoyait que le procureur, à chaque

  6   fois qu'il a été mis au courant de la commission d'un crime, était tenu de

  7   lancer une enquête, engager une procédure pour constater si la commission

  8   de l'acte a effectivement eu lieu et si tel était le cas, le cas échéant,

  9   de prendre des mesures afin d'identifier l'auteur ou les auteurs présumés

 10   de cet acte. Je ne sais pas si j'ai cité verbatim la loi mais c'était le

 11   sens de la disposition en question. En passant par ces différents

 12   instruments, le procureur agissait, donc il s'agissait ici du procureur

 13   civil, c'était en passant par le biais de la police civile, pouvait

 14   demander des compléments d'information. Donc en passant par la police

 15   recueillir des preuves.

 16   A la différence d'une loi anglo-saxonne, voire même à la différence

 17   du code de procédure pénale aujourd'hui en vigueur en Bosnie-Herzégovine. A

 18   l'époque, le bureau du procureur ne se chargeait pas de diligenter une

 19   enquête. L'enquête relevait du juge d'instruction, c'est-à-dire le

 20   tribunal, par la personne du juge d'instruction. Et c'était uniquement à

 21   partir de ce moment-là que le procureur pouvait dresser un acte

 22   d'accusation, à partir du moment où les résultats de l'enquête révélaient

 23   s'il y avait suffisamment d'éléments permettant de dresser un acte

 24   d'accusation à l'encontre de tel ou tel individu. En vertu du code pénal

 25   qui est aujourd'hui en vigueur en Bosnie-Herzégovine, le bureau du

 26   procureur peut engager une enquête de manière indépendante. 

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais à l'époque s'il y a une enquête et

 28   que le juge d'instruction ne fait rien -- non si le procureur ne fait pas

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  1   d'acte d'accusation, au-dessus de lui, vous ou une autre autorité ne peut

  2   rien faire ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans tous les cas, il existe une

  4   responsabilité qui va être assumée. Ce que d'autres instances, disons des

  5   organisations politiques ou des organes des instances de pouvoir, ils

  6   avaient la possibilité à ce moment-là de relever de ses fonctions ce juge-

  7   là, ne pas le nommer, par exemple, ou ne pas renouveler son mandat à

  8   l'expiration du mandat. Le mandat était généralement de quatre ans.

  9   Aujourd'hui, cependant les juges, les procureurs sont élus à vie à leur

 10   poste, leur fonction de juge. Donc il y avait ces deux instruments qui

 11   étaient possibles, d'une part, le relever de ses fonctions dans l'ex-

 12   Yougoslavie, c'était rare ou ça ne se produisait jamais. Nous n'avons pas

 13   beaucoup de cas, d'exemples de ce type. Et puis l'autre possibilité, à

 14   l'expiration de son mandat de quatre ans, un juge ou un procureur qui ne

 15   s'acquittait pas correctement de ses fonctions n'était pas réélu.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est comme ce Tribunal. Bien.

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Puisque nous parlons de ces

 18   questions. Tout d'abord, je crois que nous avons bien distingué entre les

 19   procureurs et les juges. Destituer un juge c'est vraiment une question très

 20   épineuse, très sensible. Alors je vais limiter ma question aux procureurs.

 21   Si un procureur refuse de donner suite, d'engager une procédure, y avait-il

 22   des recours possibles pour les victimes, par exemple, que ce soit un

 23   recours adressé à un supérieur hiérarchique du procureur ou un recours

 24   adressé à un tribunal ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] En principe, par rapport à la législation en

 26   vigueur à l'époque, la victime pouvait s'adresser à un procureur

 27   immédiatement supérieur s'il y avait une défaillance dans le fonctionnement

 28   du procureur compétent, la victime pouvait s'adresser au procureur

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  1   supérieur ou celui du district. Ça dépendait un petit peu de la région où

  2   cela se situait en Yougoslavie, et s'il y avait un grief de la part de la

  3   victime à l'encontre du tribunal municipal de district ou supérieur, il

  4   était possible de s'adresser au procureur de la république qui, lui, à son

  5   tour pouvait engager des mesures disciplinaires à l'encontre des procureurs

  6   qui, du point de vue de l'hiérarchie, étaient des subalternes, et

  7   probablement il y avait la possibilité de proposer qu'il soit relevé de ses

  8   fonctions. Comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas quelque chose qui s'est

  9   souvent produit. Ou bien, il y avait la possibilité de se servir de ce

 10   deuxième instrument, donc on ne renouvelait pas le mandat. C'était ce qui

 11   était le plus souvent appliqué dans ce genre de situation.

 12   Mme NOZICA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 13   Messieurs les Juges. Vous avez posé une question très spécifique. Je pense

 14   qu'on pourrait l'aborder pendant le contre-interrogatoire, mais pourquoi ne

 15   pas tirer cela au clair dès  maintenant si le procureur a renoncé à

 16   diligenter une enquête, dans ce cas-là, la victime pouvait-elle s'adresser

 17   au tribunal pour continuer la procédure. Il me semble que c'est dans ce

 18   sens-là que vous avez posé votre question, Monsieur le Juge Trechsel, et ce

 19   serait peut-être une bonne chose que le témoin nous l'explique. Est-ce que

 20   la victime pouvait poursuivre la procédure au pénal ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans un certain nombre de cas cette

 22   possibilité était prévue par la loi, et dans la pratique également c'était

 23   appliqué en Bosnie-Herzégovine et dans le reste de l'ex-Yougoslavie.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie pour ces précisions.

 25   Maître Karnavas.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, merci. Mon éminente consoeur ne devrait

 27   peut-être pas présumer que je ne connais pas le système du simple fait que

 28   je ne suis pas originaire de la région. Ils pourront bien attendre leur

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  1   tour, mais je leur suis gré de leur soutien.

  2   Q.  Maintenant pour rebondir sur les questions posées par le Juge Trechsel

  3   concernant les nominations, vous nous avez expliqué de manière assez

  4   détaillée la manière dont ces nominations avaient lieu. Puisque vous nous

  5   avez dit plus tôt qu'il y avait des postes vacants en raison du conflit,

  6   pourriez-vous nous dire comment l'on a pourvu à ces postes vacants au sein

  7   de la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?

  8   R.  Pour ce qui est des juges et des procureurs dans les instances civiles,

  9   ils étaient nommés conformément à la législation de la HZ HB par la

 10   présidence de la HZ HB, et ce, sur proposition émanant du département de la

 11   justice et de l'administration. Quant à la procédure elle-même plus

 12   concrètement, donc au sein de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, le

 13   département de la justice et de l'administration générale s'adressait, pour

 14   des propositions et des avis s'il s'agissait du tribunal municipal, à la

 15   municipalité; s'il s'agissait d'une instance supérieure, il s'adressait à

 16   plusieurs municipalités. Puis suite à la formulation de ces propositions ou

 17   l'aval donné par des municipalités, une proposition était formulée à

 18   l'adresse de la présidence de la HZ HB. Celle-ci à son tour rendait sa

 19   décision sur la nomination des juges à des postes aux tribunaux civils. Il

 20   y avait une procédure comparable, à l'identique ou analogue pour la

 21   nomination des juges ou des procureurs des instances militaires. Cela après

 22   que la proposition adressée à la présidence de la HZ HB dans cette

 23   situation-là était présentée par le chef du département de la défense,

 24   c'est-à-dire le département de la défense.

 25   Q.  Très bien, merci. Donc il s'agirait de la présidence et non du

 26   président ?

 27   R.  C'était la présidence, excusez-moi, si j'ai dit autre chose c'était un

 28   lapsus.

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  1   Q.  Très bien. Encore quelques questions avant d'aborder un autre thème.

  2   Autant que vous le sachiez, est-ce que qui que ce soit a été destitué,

  3   démis de ses fonctions en raison de son appartenance ethnique ?

  4   R.  C'est de manière catégorique que je dois affirmer devant ce Tribunal

  5   concernant la Communauté croate d'Herceg-Bosna, ce genre de situation ne

  6   s'est pas produit. C'est à l'opposé, tous les juges d'appartenance ethnique

  7   serbe qui sont restés sur le territoire de la Communauté croate d'Herceg-

  8   Bosna, ou plutôt, qui ne sont pas partis avec l'armée populaire yougoslave,

  9   ils sont restés à leur poste. Ils ont continué d'exercer les fonctions qui

 10   avaient été les leurs précédemment, ou ils ont même été promus. Aucun

 11   d'entre eux n'a perdu son poste ou n'a été rétrogradé.

 12   Dans la structure des tribunaux civils au sein de la Communauté croate

 13   d'Herceg-Bosna, les juges qui étaient en poste à l'époque, parmi eux les

 14   Bosniens ou les Musulmans de Bosnie étaient plus nombreux que les Croates,

 15   même si par rapport à la population les Croates étaient majoritaires. A

 16   cela je dois ajouter que la présidente du tribunal du district de Mostar a

 17   été pendant tout ce temps une femme bosnienne, Mme Ziba Nozic. Le président

 18   du tribunal militaire était un musulman, Enes Memic; et pendant quelque

 19   temps le président d'une chambre du tribunal militaire était, me semble-t-

 20   il, Samir Huzic.

 21   Q.  Puis une dernière question avant de commencer à étudier les documents.

 22   Nous savons -- et je vais avancer dans le temps, nous savons qu'à un moment

 23   donné la Fédération était créée suite à l'accord de Washington, puis il y a

 24   eu les accords de Dayton ultérieurement qui ont mis fin à la guerre.

 25   Pouvez-vous nous dire si les décisions prises par les tribunaux, y compris

 26   l'instance de la Cour suprême instituée à Mostar, est-ce que ces décisions

 27   ont été remises en cause et annulées du fait que ces tribunaux n'avaient

 28   pas été régulièrement institués ou n'oeuvraient pas dans le cadre du

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  1   système juridique de la Bosnie-Herzégovine ?

  2   R.  Non. Pour autant que je le sache aucun cas de ce type ne s'est produit.

  3   Q.  Bien.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] A moins que les Juges n'aient d'autres

  5   questions.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous avez dit, c'est la première fois qu'on

  7   entendait ça. Quand la JNA est partie, il y a des juges serbes qui ont

  8   quitté leur fonction. A votre connaissance, quel était leur ratio, 10, 20,

  9   30, 40, 50 % ? Il y a combien de juges qui sont partis et qui ont laissé de

 10   par leur départ une situation certainement problématique. Vous avez des

 11   chiffres ou pas ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de l'ensemble du territoire de la

 13   Communauté croate d'Herceg-Bosna, je pense que c'était entre 15 et 20, et

 14   un certain nombre d'entre eux sont restés. Ils sont restés à leur poste,

 15   ils ont continué d'exercer leur métier de juge.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites 15 à 20, 15 à 20 % ou 15 à 20 juges ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Quinze à 20 %. Là, je tiens compte de

 18   l'ensemble du territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien. Nous allons maintenant commencer à

 21   parcourir certains documents. J'aurais besoin de l'aide de l'Huissier afin

 22   qu'il présente le classeur au témoin. Merci beaucoup.

 23   Q.  Je vais commencer par examiner très rapidement les documents qui ont

 24   institué la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Avant même d'étudier le

 25   premier document, peut-être pourriez-vous nous décrire brièvement, nous

 26   donner une définition sur ce qui était la Communauté croate d'Herceg-Bosna,

 27   d'après vous ?

 28   R.  Je pense que cela relèverait de la spéculation si je m'avançais à dire

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  1   autre chose que ce qui est dans l'article 1, instituant la HZ HB, il

  2   s'agissait d'une organisation, d'une instance politique avec des

  3   compétences politiques, culturelles, sociales, et qui est tout à fait

  4   clairement définie dans l'article 1 de la disposition l'instituant.

  5   Q.  Je vais vous interrompre. Je veux être bien sûr qu'on parle bien de la

  6   même chose, document P 00079, P 00079.

  7   R.  Oui. C'est exact.

  8   Q.  Bien. Reportons-nous au document suivant, un document qui ressemble

  9   beaucoup au précédent, 1D 00488, une décision portant établissement de la

 10   Communauté croate d'Herceg-Bosna. J'y fais référence parce qu'il y a

 11   d'autres documents qui accompagnaient celui-ci ou qui y sont liés.

 12   Veuillez, s'il vous plaît, vous reporter à l'article 2 et nous donner des

 13   observations au sujet de cet article.

 14   R.  Qu'il s'agisse du premier ou du second document, les dispositions sont

 15   identiques. Je pense que cela revient au même --

 16   Q.  Monsieur Buntic, il faut que vous vous reportiez au même document que

 17   moi pour que les choses soient bien claires. C'est 1D 00488, c'est le

 18   document que nous examinons. Le deuxième.

 19   R.  L'article 2 stipule : "La Communauté croate d'Herceg-Bosna est

 20   constituée des municipalités de Jajce, Kresevo, Busovaca, Vitez, Novi

 21   Travnik, Travnik, Kiseljak, Fojnica, Livno, Kupres, Bugojno, Gornji Vakuf"

 22   --

 23   Q.  Monsieur Buntic, nous avons le document sous les yeux inutile donc d'en

 24   donner lecture. Veuillez simplement nous expliquer ce qu'il en est. Vous

 25   dites qu'il s'agit de secteurs. Est-ce qu'on est en train de partager le

 26   territoire de Bosnie-Herzégovine ?

 27   M. STRINGER : [interprétation] Objection, je crois qu'il s'agit là d'une

 28   question directrice, qui suggère une réponse au témoin.

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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Je reformule.

  2   Q.  Si vous vous reportez à l'article 1 et ensuite à l'article 2 du

  3   document.

  4   R.  Je pense, qu'en ce qui concerne cet article, il faut souligner qu'il

  5   s'agit des territoires des municipalités. Lorsque l'on parle des

  6   territoires que recouvrent ces municipalités, je ne suis pas sûr comment

  7   cela se traduit vers l'anglais, cette notion de domaine qui est recouvert.

  8   Mais il est tout à fait certain qu'en croate cette expression du domaine

  9   des municipalités en question n'a pas un sens exactement équivalent à celui

 10   de territoire. Il s'agit en croate de deux expressions différentes ayant

 11   des sens différents. Donc les domaines de ces municipalités et leurs

 12   territoires ne sont pas équivalents.

 13   Dans la disposition que nous examinons, l'on ne parle pas des

 14   territoires au sens strict de ces municipalités, mais de leurs domaines. A

 15   mon sens, lorsque l'on essaie de traduire cela vers l'anglais, il faudrait

 16   parler des parties qui constituent ces municipalités, et cela est

 17   d'ailleurs confirmé par les indications qui sont fournies entre

 18   parenthèses. C'est ainsi que derrière la municipalité de Skender Vakuf,

 19   entre parenthèses on trouve Dobratici. Et après la municipalité de

 20   Trebinje, entre parenthèses on a Ravno.

 21   Q.  Bien. Nous allons passer au document suivant, P 00152, P 00152. Un

 22   document qui porte la date du 8 avril 1992 : "Décision relative à la

 23   création du Conseil de la Défense croate."

 24   R.  Il s'agit d'un document que j'ai déjà eu l'occasion de commenter dans

 25   mes déclarations précédentes. Il est tout à fait patent dans ce document

 26   qu'il institue le HVO, le Conseil de Défense croate en tant qu'organe

 27   suprême de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, et que c'est la défense du

 28   peuple croate, ainsi que d'autres peuples faisant partie de cette

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  1   communauté qui serait attaquée par quiconque, qui constitue la compétence

  2   de ce HVO.

  3   Q.  Avant de passer un autre document, je suis sûr que tout le monde a

  4   remarqué qu'à l'article 2 il est question d'un espace souverain pour la

  5   Communauté croate d'Herceg-Bosna. Est-ce que vous avez des observations à

  6   faire sur ce terme ?

  7   R.  Je pense -- non, je ne pense pas, je suis tout à fait certain, que la

  8   Bosnie-Herzégovine constitutionnellement est définie comme l'Etat de trois

  9   peuples; partant de là, la souveraineté, d'après toujours cette même

 10   constitution, procède du peuple et lui appartient.

 11   Je n'ai pas d'autre explication, quant à ce qui figure à l'article 2.

 12   Q.  Bien. Avez-vous participé à la rédaction de cet instrument juridique,

 13   si vous vous en souvenez, bien entendu ?

 14   R.  Non, car il s'agit là de l'un des documents qui m'ont été remis lorsque

 15   j'ai pris mes fonctions le 26, ils avaient déjà été constitués avant.

 16   Q.  Bien. Document suivant --

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. J'aimerais que nous

 18   réexaminions l'article 2 du document. Ici, me semble-t-il du moins, nous

 19   avons la troisième référence à un espace, une notion géographique. On a eu

 20   d'abord territoire, et on nous a expliqué que c'était une mauvaise

 21   traduction de quelque chose qui était plutôt un domaine, une zone; et ici

 22   nous avons la notion d'espace, ce n'est ni un territoire, ni un domaine, ni

 23   un secteur, qu'est-ce que ça veut dire "espace", que veut dire ce mot ici,

 24   à quoi ça fait référence ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce terme "d'espace" est un troisième mot qui

 26   peut être utilisé en croate et qui, à mon avis, est beaucoup plus proche du

 27   mot "domaine" que du mot "territoire". Je ne suis pas un linguiste qui

 28   pourrait donner de chacune de ces expressions une définition précise, mais

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  1   c'est mon propre avis que j'expose ici quant au sens de ces expressions

  2   dans l'usage quotidien.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Je ne vais pas vous dire que

  4   les choses se sont beaucoup éclaircies, mais bien entendu on ne peut

  5   attendre de vous que les réponses que vous pouvez nous donner. On ne peut

  6   pas en attendre beaucoup plus. Merci beaucoup donc.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Trechsel de cette

  8   question.

  9   J'aimerais que l'on se penche sur le document suivant P 00155, P 00155, un

 10   document qui porte la date du 10 avril 1992.

 11   Q.  On y voit la mention suivante : "Commandement". J'imagine qu'il s'agit

 12   encore une fois d'un document qui précédait votre nomination, n'est-ce pas

 13   ? 

 14   R.  Pour ce qui est de ce document, j'ai appris sa connaissance peut-être

 15   autour du 11 ou du 12 avril 1992, au moment où j'étais commandant adjoint

 16   de la Défense, donc à l'époque où j'étais encore dans les forces armées, et

 17   par conséquent, avant de prendre mes fonctions de directeur du département

 18   de la justice et de l'administration. Et je pense qu'il faut ici souligner

 19   que jusqu'au 10 avril 1992, chaque municipalité disposait de ses propres

 20   forces armées. Dans la municipalité de Citluk, elles s'appelaient les

 21   unités de Défense populaire. A Siroki Brijeg, elles portaient un nom

 22   différent. A Ljubusko, un nom encore différent, et jusqu'au 10 avril, ces

 23   unités municipales intervenaient sous des appellations différentes et sous

 24   l'autorité des cellules de Crise municipales.

 25   A cette époque, dans l'espace de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, on

 26   trouvait également des forces armées sous la dénomination de HOS. J'ai déjà

 27   souligné mon appartenance à l'organisation de la Défense populaire de

 28   Citluk et j'ai insisté sur le fait qu'en tant que membre de cette

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  1   structure, je n'ai pas réussi à obtenir que ces unités se battent sous

  2   l'appellation de Défense territoriale. J'ai déjà énoncé les raisons de

  3   cela. Donc le document en question, je le connais depuis le 11 ou le 12

  4   avril 1992.

  5   Q.  Je vais vous interrompre. Nous ne sommes pas en train de parler de la

  6   défense nationale comme on peut le lire à la ligne 19, je crois. Non, nous

  7   sommes en train de parler de la Défense territoriale, c'est ce à quoi vous

  8   avez fait référence au cours du premier volet d'audience, n'est-ce pas ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Bien. Et les observations que vous avez faites précédemment au sujet du

 11   discrédit jeté sur la Défense territoriale, on en voit l'illustration dans

 12   ce document-ci, n'est-ce pas ?

 13   R.  Ce document fournit également des exemples montrant la façon dont la

 14   Défense territoriale qui existait jusqu'alors a été discréditée. Et sur le

 15   fait que ce nom n'aurait pas été en mesure de motiver les combattants dans

 16   l'accomplissement de leur devoir. Comme on peut le voir, il est mis

 17   l'accent sur une appellation unique de toutes les unités des forces armées

 18   de la Communauté croate d'Herceg-Bosna.

 19   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Maître Karnavas --

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous avons une autre question.

 21   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Maître Karnavas, excusez cette

 22   interruption. Mais s'agissant de ce document que nous avons actuellement

 23   sous les yeux, le document P 00155, j'aimerais que l'on voie ce qui figure

 24   au début du deuxième paragraphe de ce document : "La décision de la

 25   présidence de Bosnie-Herzégovine relative à la Défense territoriale de

 26   Bosnie-Herzégovine, également en date du 8 avril 1992, est une décision

 27   hâtive du point de vue politique en ce moment. Depuis le début de l'attaque

 28   contre le peuple croate, cette même présidence a gardé le silence

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  1   s'agissant des crimes commis contre les Croates."

  2   La question que j'ai à poser au témoin est la suivante, serait-il en mesure

  3   de nous rappeler cette décision de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Je

  4   comprends bien qu'il n'a peut-être pas le document sous les yeux, mais

  5   étant donné qu'il s'agit là d'un des motifs les plus importants, l'une des

  6   raisons qui explique que le commandement du HVO a été mis en place,

  7   j'estime qu'il serait bon et utile de nous rappeler de quel type de

  8   décision il s'agissait, je parle de la décision de la présidence de Bosnie-

  9   Herzégovine, qui est présentée ici comme une décision hâtive. Pourquoi est-

 10   ce qu'on estimait que ce document était inutile et sans intérêt ? Voilà la

 11   question que j'ai à poser au témoin.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que la présidence elle-même a apporté

 13   la meilleure réponse à cette question en changeant, très peu de temps après

 14   la date citée, le nom des forces armées de Bosnie-Herzégovine. C'est alors

 15   que la présidence a choisi de nommer ses forces armées de la Bosnie-

 16   Herzégovine, armée de Bosnie-Herzégovine, cela s'est produit peu de temps

 17   après que la présidence ait décidé de renoncer à l'appellation de Défense

 18   territoriale. Et j'ai déjà dit qu'à mon sens cela était dû au fait que le

 19   nom de Défense territoriale était discrédité.

 20   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] J'aimerais, bien entendu, pouvoir

 21   consulter le document, mais comme ce n'est pas possible, je vous remercie

 22   de toute manière de cette réponse. Merci.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Le document figure au prétoire électronique,

 25   et nous avons parlé longuement de ce document avec M. Akmadzic. Pièce 1D

 26   01219. Je ne sais pas si les Juges souhaitent consulter ce document et

 27   poser des questions à notre témoin à ce sujet. Je n'ai pas le document en

 28   main, mais j'ai sa cote et son numéro de référence, 1D 01219.

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  1   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie, Maître.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous en prie.

  3   Bien. Passons au document suivant. Il s'agit en l'occurrence du document 1D

  4   00899, 1D 00899.

  5   Q.  Nous avons ici un document qui porte la date du 15 mai 1992. Une

  6   décision statutaire. J'aimerais que vous la consultiez. Vous avez trouvé le

  7   document ? Vous avez bien trouvé le document, Monsieur le Témoin?

  8   R.  Oui, je l'ai devant moi. Est-ce que la question a déjà été posée.

  9   Q.  La première question c'est de savoir si vous avez le document sous les

 10   yeux, parce que j'aime procéder par ordre, moi.

 11   Bien. Expliquez-nous qu'est-ce que c'est ce document, cette décision

 12   statutaire ou réglementaire en date du 15 mai 1992 ? Et en répondant à

 13   cette question, peut-être pourrez-vous nous expliquer pourquoi dans le

 14   préambule on parle du 18 novembre 1991 ?

 15   R.  Il s'agit là encore d'un document pour lequel j'ai déjà eu l'occasion

 16   de dire que c'était l'un de ceux qui m'ont été remis au moment où j'ai pris

 17   réellement mes fonctions de directeur du département de la justice et de

 18   l'administration de la HZ HB. Je connais ce document, il s'agit d'une

 19   décision statutaire et j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une décision

 20   portant sur l'institution provisoire de la compétence exécutive et de

 21   l'administration sur le territoire de la HZ HB, ayant rapport au HVO dont

 22   il est dit qu'il a compétence pour exercer le pouvoir exécutif sur le

 23   territoire de la HZ HB, donc dans l'article 1. 

 24   Dans l'article 2, la décision stipule que les membres du HVO sont

 25   élus par la présidence de la HZ HB, et cela sur proposition du président du

 26   HVO.

 27   Q.  Je vais vous interrompre. Une fois encore je précise que je procéderai

 28   par ordre. Article 3 : "Le Conseil de la Défense croate relève de la

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  1   présidence de la HZ HB…" 

  2   Qu'est-ce que ça veut dire, parce que plus bas il est question de

  3   responsabilité collective s'agissant des décisions, et cetera. J'aimerais

  4   que vous nous fassiez bénéficier de vos observations sur ce point.

  5   R.  A mon avis, l'article 3 stipule quelque chose de tout à fait classique,

  6   à savoir que les membres de l'organe exécutif sont toujours responsables

  7   devant l'organe législatif qui les a mis en fonction. Dans le paragraphe 2,

  8   il est stipulé que le président, les vice-présidents, les directeurs des

  9   services et les autres membres du HVO sont collectivement responsables des

 10   décisions prises par le HVO. Il est également stipulé qu'ils sont

 11   responsables à titre individuel, chacun dans leur domaine.

 12   Q.  Je vais vous interrompre. Comment interpréter la chose, parce que dans

 13   mon pays d'origine nous n'avons pas d'organe exécutif collectif. Nous avons

 14   généralement une personne qui dirige, qui est au sommet. Ici, quand il est

 15   question du président, vice-président, chef de département et autres

 16   membres seront responsables collectivement de toutes les décisions, qu'est-

 17   ce que ça veut dire ? Si une décision doit être prise, comment est-elle

 18   prise cette décision par cet organe collectif ? Qui vote ? En fin de

 19   compte, c'est la décision de qui ?

 20   R.  Concrètement parlant, s'agissant du HVO de la HZ HB, la prise de

 21   décision se passe par la majorité des voix, la majorité des voix de

 22   l'ensemble des membres du HVO.

 23   Q.  Est-ce que ça inclut -- non, je vous interromps. Est-ce que ça concerne

 24   également les chefs de département, les autres membres, est-ce que tout le

 25   monde votait ?

 26   R.  Le droit de vote lors des réunions était donné à tous les chefs de

 27   département, des directions et des sous-directions ou départements et sous-

 28   départements. Encore une fois, c'est à la majorité des voix qu'on prenait

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  1   les décisions et celles-ci étaient signées par le président du HVO.

  2   Q.  Je vous interromps. C'était la décision de qui ? Parce que vous nous

  3   dites que c'était signé par le président. Il faut que ceci soit précisé à

  4   cause des dépositions de certains témoins à charge, de la position adoptée

  5   par le bureau du Procureur. C'était la décision de qui ? Nous savons

  6   maintenant que c'était le président qui signait la décision une fois que le

  7   vote de tous était exprimé. Mais c'était la décision de qui ?

  8   R.  En l'occurrence, c'était la décision du HVO en tant qu'organe

  9   collectif.

 10   Q.  Bien. Nous allons passer au document suivant, 1D 00174, très

 11   brièvement.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Excusez cette interruption.Monsieur le

 13   Président, pour le compte rendu d'audience, avec la pièce 1D 00899, selon

 14   la liste de la Défense, ce document n'a pas encore été versé au dossier

 15   mais nous pensons que ce document figure déjà au dossier sous la cote

 16   suivante P 00206. Dans cette version, il y a une traduction officielle et

 17   non pas une traduction officieuse comme c'est le cas pour le document ici.

 18   Je pense que ce serait bon d'utiliser le document que je viens d'identifier

 19   pour le dossier.

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Bon, que ce soit officiel ou pas officiel,

 21   nous sommes tout à fait prêts à ce que le document soit traduit à nouveau.

 22   Parce que pour certains documents, nous ne nous opposons pas à une nouvelle

 23   traduction pour voir ce qu'il en était de la traduction initiale. Mais

 24   j'entends bien M. Stringer, nous le remercions de son intervention. Nous

 25   comprenons sa préoccupation et nous demandons que les deux traductions

 26   soient révisées encore une fois.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Avant de passer à un autre document,

 28   j'ai une question pour le témoin. 

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  1   Qui étaient les autres membres de cette institution, parce que le

  2   terme est vraiment vague. Mais qui étaient ces membres ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] L'article 3 énumère uniquement les fonctions.

  4   Quant à savoir quels sont les départements qui existaient à l'époque, je

  5   les ai déjà énumérés. Mais il faudrait peut-être le répéter. Au sein du HVO

  6   --

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, je crois que c'est à l'article

  8   2 qu'on fait également mention d'autres membres, on en a déjà parlé et je

  9   crois que ce ne sont pas les chefs des départements, ce sont d'autres

 10   personnes. Il y a les chefs des départements et d'autres membres. Moi ce

 11   qui m'intéresse ce sont ces autres membres. Qui sont-ils ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] On entend par là les directeurs des sous-

 13   départements, car comme nous l'avons déjà vu, il y avait des départements

 14   de l'économie et des affaires sociales qui comptaient plusieurs sous-

 15   départements. Sur-le-champ, je n'arrive pas à retrouver les noms de tous

 16   les sous-départements mais je sais qu'il y en avait plusieurs. Le HVO avait

 17   aussi ses commissions tout comme un certain nombre de bureaux créés par

 18   lui.

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pouvez-vous me dire quel était leur

 20   nombre en tout, combien de personnes y avait-il au sein du HVO au sens de

 21   l'article 2, alinéa 1 de cette décision statutaire ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je viens de le dire je ne suis pas

 23   certain quel est le nombre de sous-départements qui ont existé, je ne

 24   voudrais pas me lancer dans des conjectures.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pourriez-vous nous donner une idée

 26   générale ? Y en avait-il 20, 30, 50, 100, même ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que le département de l'économie, là

 28   encore je ne suis pas certain, c'est juste des conjectures, il y avait

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  1   trois, quatre, ou cinq sous-départements. Egalement pour ce qui est des

  2   affaires sociales, dans ce département là il y en avait disons plus que

  3   trois à ce département. Je sais qu'il y avait un sous-département chargé de

  4   la santé, de l'éducation, de l'assistance sociale. Mais je ne saurais pas

  5   vous dire les appellations exactes ni leur nombre exact. Nous pouvons le

  6   voir dans un autre document, nous allons le voir je pense, un document qui

  7   a été adopté lors d'une réunion de la présidence au mois d'août, le 14

  8   août. Il me semble que nous y avons la liste des départements et des sous-

  9   départements avec leurs compétences. Il y a très probablement un document

 10   sur la base duquel nous allons pouvoir constater cela.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous vous fournirons une réponse concrète et

 13   précise ou peut-être par l'intermédiaire du témoin suivant. Nous prenons

 14   bonne note de l'importance que revêt cette question. Malheureusement, je

 15   dois l'avouer cela m'avait échappé.

 16   Q.  Quoi qu'il en soit, 1D 00174, très rapidement. Nous y voyons que la

 17   décision concerne votre nomination et la date est le 15 mai 1992. J'imagine

 18   que c'est un document exact, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, c'est exact. Ce document m'a été lui aussi remis au moment où j'ai

 20   pris mes fonctions.

 21   Q.  Très bien. Venons-en au document suivant, P 00250, il s'agit d'une

 22   décision statutaire concernant le pouvoir exécutif municipal et

 23   l'administration municipale. Nous voyons que ce document est daté du 13

 24   juin 1992, et il serait peut-être intéressant pour les Juges de la Chambre

 25   d'en prendre connaissance dans une certaine mesure. Sans parcourir le

 26   document de manière détaillée, j'aimerais précisément attirer votre

 27   attention sur l'article 6 où il est dit : "Le HVO du HZ HB contrôle la

 28   licéité des activités du HVO municipal."

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  1   Et il y est dit : "…donnera des instructions au HVO municipal dans les

  2   domaines qui relèvent de sa compétence."

  3   Pourriez-vous nous dire quel était l'esprit de l'article 6, pour autant que

  4   vous le sachiez, quel était l'objectif visé par l'article 6, et question

  5   plus importante encore, comment en terme pratique le HVO de la HZ HB

  6   pouvait-il mettre en œuvre l'article 6, compte tenu des réalités sur le

  7   terrain à l'époque ?

  8   R.  Pour commencer, je pense qu'il faut reparler de la situation telle

  9   qu'elle a été jusqu'à ces dates-là, le mois de juin 1992, donc revoir en un

 10   mot le moment de la création de la HZ HB, au moment où des affrontements

 11   ont éclaté sur la totalité du territoire de la Bosnie-Herzégovine. A

 12   l'époque, la défense d'une part et puis la vie civile devait pouvoir

 13   continuer à fonctionner. Dans cette situation d'isolement, lorsque tous les

 14   organes centraux de l'Etat se sont trouvés coupés, l'assemblée, le

 15   gouvernement, et la présidence, il a bien fallu que quelqu'un se charge

 16   d'organiser la vie civile sur ce territoire et il a bien fallu que

 17   quelqu'un défende le pays. Concrètement, c'étaient les municipalités qui se

 18   sont chargées de cela. Chacune s'est dotée d'un certain nombre de textes de

 19   lois et de règlements. Elles l'ont toutes fait respectivement et je ne peux

 20   pas vous dire quel est le nombre d'actes qui ont été adoptés de ce type-là

 21   par municipalité, mais le fait est qu'à ce moment-là, il a bien fallu

 22   qu'elles prévoient une façon de régir toutes les questions civiles et

 23   militaires et qu'à ce moment-là un nombre très considérable de textes ont

 24   été adoptés dans chacune des municipalités. Il a bien fallu qu'elles gèrent

 25   la situation telle qu'elle s'est présentée à partir de ce moment-là. Là

 26   encore, à titre d'exemple.

 27   En tant que commandant de la défense de Citluk, j'ai vu venir des gens me

 28   demander à qui il fallait payer les impôts parce que tout simplement il ne

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  1   leur était pas possible de s'acquitter de leurs impôts sur le plan de

  2   l'Etat parce que la comptabilité ne fonctionnait pas entre la république et

  3   la Yougoslavie, et à partir du début du mois d'avril, il n'y avait plus non

  4   plus de comptabilité au niveau de la République de Bosnie. Ça ce n'est

  5   qu'un seul exemple. Il a fallu que les municipalités adoptent des textes

  6   sur le plan du financement, de la santé, de l'éducation. Les PTT ne

  7   fonctionnaient pas, le système bancaire, les réseaux ferroviaires ou

  8   routiers. A ce moment-là, il a fallu se doter de textes de lois, de

  9   règlements, les municipalités il a bien fallu qu'elles les adoptent. La

 10   finalité de cet article c'est d'essayer d'harmoniser ce nombre énorme de

 11   dispositions qui avaient déjà été adoptées. Est-ce que de fait réellement

 12   c'était possible et dans quelle mesure, ça c'est une autre question. C'est

 13   un processus long et pénible et le HVO a dû faire face à cela pendant toute

 14   cette période qui va de sa création jusqu'à la sécession de l'existence de

 15   la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Tout simplement il n'a pas été facile

 16   de gérer tout ça et de résoudre tout cela.

 17   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Pardon.

 18   J'aimerais poser quelques questions à ce sujet car il me semble que cette

 19   décision revêt une grande importance. Prenons l'article 2, où il est dit

 20   que : "Le HVO municipal est composé d'un président, des chefs de bureau, et

 21   d'autres membres qui sont nommés et destitués par le Conseil de Défense

 22   croate de la Communauté croate d'Herceg-Bosna."

 23   Et il y a également l'article 7 d'après lequel : "Les questions

 24   administratives qui relèvent des compétences de la municipalité sont gérées

 25   par les services administratifs qui sont institués conformément aux

 26   décisions prises par le HVO municipal, exception faite du département de la

 27   défense et de celui de l'intérieur."

 28   Ma question est la suivante : jusqu'à cette date, le 15 mai 1992, je suis

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  1   sûr qu'il y avait des autorités exécutives municipales et des

  2   administrations sur tout le territoire, et ici on ne voit rien qui nous

  3   révèle ce que sont devenues les personnes démises de leurs fonctions.

  4   J'aimerais que vous nous éclairiez sur cette question parce que, bien

  5   entendu, si quelqu'un ou lorsque quelqu'un était démis de ses fonctions que

  6   ce soit au sein du conseil municipal ou de l'administration, cela avait

  7   certainement pour conséquence des paiements à effectuer pour ne prendre

  8   qu'un exemple. Donc ma question porte sur la mise en œuvre de cette

  9   décision statutaire à cette époque.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Premièrement, si je me souviens bien vous

 11   m'avez posé votre question au sujet de l'article 2. Donc par analogie,

 12   comme on a régi la structure du HVO au niveau de la HZ HB, c'est au niveau

 13   municipal qu'on a procédé également. Donc il y a le président, le

 14   directeur, à la différence du HVO de la HZ HB où il y a des départements,

 15   ici ils s'appellent des bureaux dans cette décision. Donc la définition est

 16   comparable des autres membres qui sont nommés et relevés de leurs fonctions

 17   par la présidence de la HZ HB. Donc je pense que cette partie-là est

 18   claire.

 19   Pour ce qui est de la deuxième question que vous m'avez posée, si je l'ai

 20   bien comprise, pourquoi on ne nomme pas les chefs des bureaux de la défense

 21   et de l'intérieur, c'est quelque chose qui a été repris du système

 22   précédent, parce que dans le système précédent, donc du temps de l'ex-

 23   Yougoslavie et du temps où existait la République de Bosnie-Herzégovine, le

 24   bureau ou le département chargé de la défense et de l'intérieur c'est

 25   quelque chose qui ne relevait pas des attributions de la municipalité. La

 26   municipalité n'avait pas la compétence de nommer les chefs ou les

 27   représentants, mais d'après la législation en vigueur à l'époque c'était de

 28   la compétence des organes de la République. Donc ces bureaux dans le

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  1   système antérieur ne relevaient pas de la compétence des municipalités. Je

  2   pense qu'à mon sens, ça a été repris par analogie.

  3   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci pour cette réponse. En fait,

  4   ma deuxième question ne portait pas sur ces deux exceptions, les bureaux ou

  5   départements de la défense et de l'intérieur puisque ces structures-là me

  6   sont déjà familières. Ma question portait plutôt sur le sort réservé à ceux

  7   qui ont pu être destitués, car il ne faut pas perdre de vue que la

  8   situation était difficile et tendue, et je suis sûr qu'un bon nombre de

  9   personnes travaillant au sein de l'administration n'étaient pas Croates,

 10   mais Musulmans ou Serbes, pour ceux qui sont restés sur place. Donc ma

 11   question est de savoir : y avait-il des recours juridiques dont

 12   bénéficiaient les personnes qui ont été démises de leurs fonctions à

 13   l'époque, que sont-elles devenues ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Si on estimait que ses droits avaient été

 15   bafoués, on avait plusieurs options, plusieurs possibilités d'agir. D'une

 16   part, s'il y avait une décision ou un acte par lequel on était licencié ou

 17   relevé de ses fonctions, on pouvait engager une procédure administrative

 18   s'il s'agissait d'un organe de l'Etat. S'il s'agissait d'un licenciement

 19   dans une entreprise, l'individu concerné pouvait engager une procédure dans

 20   le domaine du droit de travail devant des tribunaux du travail avec les

 21   gestionnaires ou devant un tribunal général. Donc il pouvait y avoir un

 22   procès relevant du droit de travail.

 23   Si, en revanche, c'était au pénal qu'on se situe, ou si l'intéressé pensait

 24   qu'il était victime d'un crime, d'une infraction, ils pouvaient déposer une

 25   plainte au pénal contre le suspect.

 26   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci beaucoup.

 27   M. KARNAVAS : [interprétation]

 28   Q.  Compte tenu des questions que je vais vous poser concernant ce

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  1   document, il serait peut-être bon de vous demander de nous décrire les

  2   municipalités et leurs liens avec le HVO, le pouvoir exécutif et bien

  3   entendu le rôle quelles ont joué au sein de la présidence. Tout d'abord,

  4   quel était le degré d'indépendance ou de dépendance des municipalités à

  5   l'époque ? Je vous demanderais de donner une réponse très précise pour que

  6   nous puissions accélérer.

  7   R.  Le document a été adopté le 13 juin 1992. A ce moment littéralement

  8   aucune autre structure du pouvoir n'existait, n'était en place, en dehors

  9   de celles qui existaient à l'échelon municipal, ni à l'échelon fédéral, ni

 10   à l'échelon de la république, n'étaient en place des institutions comme

 11   celles de la HZ HB qui seraient en mesure de fonctionner correctement et

 12   d'exercer un pouvoir exécutif. La seule chose qui fonctionnait à cette

 13   époque, donc au 13 juin 1992, étaient les organes municipaux, et à ce

 14   moment nous ne disposons pas de la branche civile du HVO, elle n'est pas

 15   encore dans l'état où elle sera le 14 et le 15 août.

 16   Q.  Bon. Très bien. Plus tôt je vous ai posé des questions concernant la

 17   présidence. Alors à l'échelon de la municipalité, qui était membre de la

 18   présidence, je parle donc de la présidence de la Communauté croate

 19   d'Herceg-Bosna ?

 20   R.  La présidence de la HZ HB comportait les responsables de plus haut rang

 21   des autorités municipales ou les membres du HVO. La présidence de la HZ HB

 22   était donc constituée des membres de plus haut rang soit des municipalités,

 23   soit des conseils municipaux du HVO; si bien que l'organe administratif le

 24   plus élevé de la HZ HB était formé de représentants municipaux des

 25   municipalités appartenant à la HZ HB.

 26   Q.  Dans le concret, nous parlons du président de la municipalité, n'est-ce

 27   pas ?

 28   R.  Le président ou le directeur, selon l'appellation en vigueur

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  1   localement.

  2   Q.  Très bien. Vous avez également mentionné que cet organe collectif,

  3   cette présidence était composée, entre autres, des présidents des

  4   municipalités ou des plus hauts responsables des municipalités et que cette

  5   présidence était hiérarchiquement supérieure au HVO, l'organe exécutif ?

  6   R.  C'est exact. Et la présidence pouvait relever de ses fonctions à chaque

  7   instant tout membre, tout individu membre du HVO, tout comme d'ailleurs le

  8   HVO dans son ensemble, si le travail de ces derniers n'était pas

  9   satisfaisant. Et si cela se produisait, donc je le répète, le HVO dans

 10   l'ensemble ou un membre individuel pouvait être relevé de ses fonctions.

 11   Q.  Cela me ramène à l'article 6, est-ce que vous ne voyez pas une

 12   contradiction, car il y est dit que : "Le HZ HB HVO contrôle la légalité,

 13   la licéité du travail effectué par le HVO municipal et donne des

 14   instructions au HVO municipal dans les domaines qui relèvent de sa

 15   compétence."

 16   Mais comment peut-on contrôler la licéité des activités d'un organe qui est

 17   hiérarchiquement supérieur, notamment si cet organe a même la compétence de

 18   vous destituer. N'y a t il pas là une contradiction ?

 19   R.  Personnellement c'est assez clair. Il est assez difficile à l'égard de

 20   quelqu'un qui a le pouvoir de vous nommer, de vous instituer dans vos

 21   fonctions et qui a le pouvoir de vous en relever, il est difficile donc

 22   d'agir à l'égard d'une telle entité. Il s'agit d'une situation qui, de fait

 23   comme de jure, est conflictuelle. Mais c'est ainsi qu'il en a été disposé.

 24   Par conséquent, à mon avis, on ne pouvait pas vraiment s'attendre à

 25   ce que le HVO soit en mesure de relever le président d'une municipalité ou

 26   le directeur d'une municipalité de ses  fonctions alors même que le HVO

 27   était responsable précisément devant ces personnes. Mais cet état de fait,

 28   c'est par cette décision qu'il a été institué. Dans la pratique, de

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  1   nombreux problèmes apparaissaient à cause de cela, mais c'est là la

  2   décision telle qu'elle a été prise.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la deuxième pause, il nous restera une

  4   heure après.

  5   Donc on va faire 20 minutes de -- à moins qu'il y avait une question

  6   tout de suite, Maître Karnavas, vous vouliez --

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je pense

  8   qu'en fait c'est un bon moment pour faire la pause.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous faisons 20 minutes de pause.

 10   --- L'audience est suspendue à 17 heures 37.

 11   --- L'audience est reprise à 17 heures 57.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 13   Maître Karnavas, vous avez la parole.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

 15   Q.  Passons à un autre sujet maintenant qui a trait à des événements -- à

 16   des textes législatifs qui sont entrés en vigueur ou se sont déroulés vers

 17   le 3 juillet 1992. On va commencer par le document 1D 1670, DD 01670.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Vous constaterez, Messieurs les Juges, que

 19   dans la version en anglais il est dit qu'il y a eu une réunion le 3 juillet

 20   1993, en fait il faut lire 1992 et pas 1993.

 21   Q.  Avez-vous trouvé le document, Monsieur le Témoin ?

 22   R.  Oui, j'ai le document devant moi. Ce que vous venez de dire est exact,

 23   ce document remonte au 3 juillet 1992, et non pas 1993.

 24   Q.  Si on regarde ce document on va y trouver votre nom et il est exact,

 25   n'est-ce pas, que vous avez assisté à cette réunion de la présidence de la

 26   Communauté croate d'Herceg-Bosna; c'est bien le cas, n'est-ce pas ?

 27   R.  C'est exact j'étais présent.

 28   Q.  Bien. On peut constater au paragraphe 8 qu'il y a eu une discussion et

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  1   qu'un certain Blago Artukovic de Zenica est intervenu, ensuite vous

  2   répondez à ce monsieur, je souhaite simplement l'indiquer. Je ne vais poser

  3   aucune question à ce sujet, la Chambre en aura peut-être quant à elle une

  4   ou deux à vous poser. Ce qui m'intéresse plus c'est le numéro II, le grand

  5   II en chiffres romains, ça se trouve à la page suivante, page 5 pour nous.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'espère que je ne suis pas trop

  7   insupportable, Maître Karnavas, mais ici il est dit qu'il y a une liste des

  8   présents qui fait partie intégrante du document et qui est jointe au

  9   document, d'après ce que je peux lire. Or, cette liste des présents, je ne

 10   la trouve pas et je pense que c'est un document qui ne serait pas sans un

 11   certain intérêt.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec vous, et

 13   vous comprenez bien entendu que si j'avais ce document je n'hésiterais pas

 14   à vous le montrer. Malheureusement, tout ce que j'ai, c'est ce que je vous

 15   montre, c'est le document que nous avons sous les yeux, toutes mes excuses.

 16   Je vais continuer à chercher cette liste --

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] -- nous pouvons peut-être demander au témoin

 19   s'il se souvient de la réunion, il pourra peut-être nous donner des noms de

 20   participants, cela peut-être pourra intéresser la Chambre.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, je ne crois pas. Ce que

 22   j'aurais aimé voir, c'est la liste dans son ensemble. Ça aurait pu me

 23   permettre aussi de mieux comprendre un certain nombre d'autres choses en

 24   rapport avec une question précédente.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.

 26   Q.  Si on se reporte au grand II : "Décision modifiant la décision relative

 27   à l'établissement de la HZ HB."

 28   Ici, on voit votre intervention -- vous donnez les raisons, l'objectif qui

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  1   explique cette décision portant modification. Est-ce que vous pouvez nous

  2   donner quelques explications à ce sujet ?

  3   R.  Il est exact que j'ai été présent à cette réunion, à savoir à la

  4   réunion de la présidence de la HZ HB, et au cours de cette même réunion,

  5   j'ai participé aux débats et j'ai présenté aux membres de la présidence les

  6   raisons et les buts d'un certain nombre de dispositions qui ont été

  7   adoptées lors de cette réunion de la présidence. Je me souviens qu'un

  8   certain nombre de dispositions ont été prises et que parmi elles, l'une des

  9   plus importantes concernait la décision instituant la HZ HB. Au cours de

 10   cette réunion, cette décision a été amendée et complétée. En disant cela,

 11   je pense avant tout à l'article 7 --

 12   Q.  On va y arriver. Procédons par ordre. Commençons d'abord par ce

 13   document-ci, je ne veux surtout pas ici vous agresser ou vous interrompre,

 14   mais nous avons une procédure qui s'applique ici et il faut être très

 15   strict.

 16   Grand VII, vous intervenez au sujet du décret portant confiscation des

 17   biens de certains occupants et transfert de ces biens à l'HZ HB, et vous

 18   donnez un certain nombre d'explications. Nous pouvons voir ces documents,

 19   mais j'aimerais que vous nous disiez quelques mots au sujet de ce qui

 20   figure ici.

 21   R.  Je peux y aller. Je pense les points 6 et 7 sont très similaires. Il

 22   s'agit de deux dispositions semblables. Le premier décret concerne la

 23   saisie de certains biens de l'ex-armée populaire yougoslave sur le

 24   territoire de la HZ HB. Concernant ce décret, j'estime que le but de ce

 25   décret était avant tout de protéger les biens en question, les biens qui

 26   ont été abandonnés par l'armée populaire yougoslave, ou plus précisément il

 27   s'agissait de biens dont le HVO avait pris possession lors de conflits avec

 28   l'armée populaire yougoslave. 

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  1   Je pense qu'il faut ici souligner qu'il s'agit de biens sociaux pour

  2   lesquels il n'est pas possible d'affirmer que la propriété en revenait à

  3   quelqu'un de précis. Car ce concept même de propriété sociale est un

  4   concept sui generis qui est difficile à expliciter à toute personne qui n'a

  5   pas pris part ou participé au système juridique de l'ex-Yougoslavie. Je

  6   pense que si cela l'on traduisait cela de façon simple, comme on le dit

  7   souvent chez nous, il s'agirait de biens qui n'appartiennent à personne ou

  8   qui appartiennent à tous, comme on le dit couramment, ou encore de

  9   propriété sociale. Il faut également souligner que la JNA a procédé avec

 10   tous les biens qui étaient sous le régime de la propriété sociale, les

 11   biens mobiliers sous le régime de la propriété sociale, et qui n'étaient

 12   pas propriété de la JNA, je parle ici des navires, des hélicoptères, des

 13   avions, de l'artillerie, des armes d'infanterie, tous ces éléments ont été

 14   confisqués par la JNA alors qu'il s'agissait de biens qui appartenaient à

 15   tous les citoyens de l'ex-Yougoslavie. Ces mêmes biens ont été utilisés par

 16   la JNA aux fins d'agression et d'occupation de la Bosnie-Herzégovine.

 17   Par les présentes dispositions, la HZ HB a pris possession de ces biens. Il

 18   s'agissait de biens dont elle ne pouvait pas prendre possession au nom d'un

 19   tiers, cela n'était pas possible, et c'est pour cela que ces biens ont été

 20   repris par la HZ HB en son nom propre et à son propre compte. En

 21   définitive, ces biens entraient dans le problème de la succession de l'Etat

 22   de l'ex-Yougoslavie.

 23   Q.  Bien. Maintenant je vais passer à --

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas, mais

 25   là nous abordons un point qui ne manque pas d'intérêt ni d'importance. Pour

 26   ce qui est des autres décrets envisagés, ce procès-verbal nous indique

 27   qu'ils ont été adoptés à l'unanimité. Or ce n'est pas ce qui est mentionné

 28   pour le grand VII. Est-ce que ça veut dire que le texte en question n'a pas

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  1   été adopté, ou est-ce qu'une erreur s'est glissée dans le procès-verbal ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que toutes les dispositions ont été

  3   prises à l'unanimité.

  4    M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Juge, est-ce que vous parlez du

  5   décret concernant les compagnies publiques ?

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, je parle du décret concernant

  7   la confiscation des biens des occupants, mais je suis prêt à croire le

  8   témoin sur parole s'il me dit que ce décret a été adopté. A ce moment-là,

  9   je partirai du principe que le procès-verbal en question n'est pas tout à

 10   fait fiable.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation]

 12   Q.  Bien. Passons maintenant au numéro IX. Il s'agit du décret relatif à

 13   l'organisation, au travail et au domaine de compétence du système

 14   judiciaire. On y voit votre nom, j'aimerais que vous parcouriez rapidement

 15   ce passage, on constate que vous parlez d'une sorte de vide juridique qui

 16   est apparu suite à l'adoption par la République de la Bosnie-Herzégovine

 17   d'un décret sur la non-application du règlement fédéral, et cetera. Vous y

 18   expliquez ensuite d'autres choses.

 19   Sans entrer dans les détails, est-ce que vous maintenez ce que vous

 20   nous avez dit précédemment ici et ce qu'on peut lire dans ce compte rendu ?

 21   R.  Je maintiens cela, et je pense qu'il s'agissait du décret de la

 22   présidence de Bosnie-Herzégovine du 2 mai 1992. Concernant les tribunaux

 23   militaires et les procureurs militaires, il existait effectivement un vide

 24   qu'il fallait combler. J'estime qu'il faut aussi souligner que c'est

 25   important, bien que ce décret précis n'a jamais été concrètement appliqué.

 26   Il n'a jamais été publié au journal officiel de la HZ HB, et par

 27   conséquent, il n'a jamais pris force de loi, il n'a jamais été mis en

 28   œuvre.

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  1   Un nouveau décret a été adopté lors de la réunion du 17 octobre 1992,

  2   réglant ces mêmes questions.

  3   Q.  On va y arriver. Je vous le promets, on va y arriver. Passons au

  4   document suivant, P 00 --

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, en regardant les délibérations

  6   pour l'adoption de ces décrets, l'impression qui se dégage pour un

  7   observateur extérieur, c'est qu'il y a un véritable débat démocratique

  8   entre tous les membres qui participent à la discussion, et que M. Boban est

  9   une voix parmi d'autres, et que l'adoption de ce décret est une adoption

 10   collective qui engage tout le monde. Est-ce qu'on se trompe en disant cela

 11   ou pas ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Les minutes de cette réunion montrent qu'il

 13   n'y a pas eu de contestation de ce décret et qu'il n'y avait pas eu de

 14   propositions d'amendement ou que ce décret soit complété. Concernant ce

 15   décret particulier, il n'y a pas eu de débat et qu'en tant que tel, il a

 16   été adopté à l'unanimité. Il est un fait qu'au cours des réunions de la

 17   présidence, les débats ne se développaient pas de la même façon que ce à

 18   quoi l'on peut s'attendre dans une assemblée régionale ou dans le cadre de

 19   l'assemblée d'un Etat. Il existe probablement différentes raisons à cela.

 20   L'une d'elles est probablement liée à la structure même de la présidence de

 21   la HZ HB, il s'agissait d'une structure liée à un seul parti. Je pense que

 22   dans cette structure de la présidence, il n'y avait pas à mon avis de

 23   représentants d'autres partis politiques. Je ne suis pas sûr, mais s'il y

 24   en avait, je pense qu'ils étaient très peu nombreux.

 25   Si bien que nous étions en présence d'une présidence marquée par ce

 26   phénomène d'un parti unique.

 27   Dans ce cadre, il n'y avait pas une force d'opposition qui aurait

 28   permis qu'un décret soit contesté ou que des opinions dissidentes soient

Page 30303

  1   avancées.

  2   Les participants de cette réunion ont débattu d'un certain nombre

  3   d'autres questions. Peut-être qu'il est intéressant de se reporter à ce que

  4   l'on peut trouver, je crois, en page 2. Mijo Tokic de Tomislavgrad au point

  5   4 aborde une question, et je mentionne cela par rapport à un point qui été

  6   soulevé précédemment. Ce monsieur de Tomislavgrad affirme que Rama et le

  7   front de Kupres se trouvent en totalité sur le territoire de la

  8   municipalité de Tomislavgrad, ce qui signifie que la municipalité de

  9   Tomislavgrad supporte tous les frais aussi bien de Kupres que de Rama.

 10   De cela s'ensuit ce dont nous débattions précédemment, à savoir que

 11   les municipalités devaient s'en sortir elles-mêmes seules, et souvent

 12   étaient obligées de pourvoir aux besoins financiers d'autres municipalités.

 13   Je pense que cela ressort clairement de cet exposé de M. Mijo Tokic de

 14   Tomislavgrad. Mais cela se rapportait à la question précédente, et je vous

 15   prie de m'excuser d'être revenu sur ce point.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] 

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Q.  Passons maintenant au document suivant P 00302, P 00302. Il s'agit

 19   d'une décision portant création de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Si

 20   on se reporte à la fin de ce document on constate qu'il y est indiqué

 21   Mostar, 18 novembre 1991; mais si on regarde la toute première page du

 22   document, on voit qu'il y est question de septembre 1992; et si on se

 23   penche sur ce qui figure dans le préambule on voit qu'il est indiqué, la

 24   décision du 18 novembre 1991 a été modifiée le 3 juillet 1992. Tout ceci

 25   est un petit peu confus. Peut-être serez-vous en mesure de nous expliquer

 26   ce qu'il en est en quelques mots. Précisons cette chose d'abord, avant que

 27   je n'attire l'attention de tous ceux qui sont présents ici dans ce prétoire

 28   sur ce qui figure à l'article 7.

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  1   R.  Il s'agit d'une question d'ordre technique. Il est tout à fait

  2   indubitable que c'est le 18 novembre 1991 qu'a été prise la décision

  3   instituant la HZ HB. Etant donné qu'à cette époque la HZ HB ne disposait

  4   pas de son propre journal officiel, elle n'était pas en mesure de publier

  5   cette décision de façon officielle. Ça a été publié mais pas de façon

  6   officielle. Comme on peut le voir ici, cette décision a été modifiée le 3

  7   juillet 1992 au sujet de quoi je me suis déjà exprimé, au sujet de ces

  8   amendements du 3 juillet 1992.

  9   Ce n'est que dans le premier numéro du journal officiel, en septembre

 10   1992, que cette décision a été publiée dans son texte intégral, à savoir

 11   dotée de ces amendements dans son texte intégral.

 12   Q.  C'est bon. Avant d'examiner l'article 7, je ne sais pas s'il y a des

 13   questions de la part des Juges au sujet du I, raisons, motifs, c'est le

 14   préambule si l'on peut dire. Ce sont les raisons qui expliquent la mise en

 15   place de la communauté. Donc s'il n'y a pas de questions sur ce point, je

 16   vais passer à l'article 7.

 17   L'article 7 on peut y lire : 

 18   "L'autorité suprême sera conférée aux personnes qui sont mentionnées

 19   ci-après, le président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna…

 20   "Deuxièmement, la présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna

 21   qui sera constituée de représentants du peuple croate et des organes

 22   municipaux détenant le pouvoir de leur chef, de leur responsable principal

 23   et des présidents des Conseils croates de la Défense municipaux."

 24   Je crois que vous en avez déjà parlé, vous nous avez expliqué que M.

 25   Boban était devenu président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, c'est

 26   de ça que vous parliez par rapport à ses autres fonctions, dont celle de

 27   président de la présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna; est-ce

 28   bien cela ?

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  1   R.  C'est exact. Je pense que j'ai déjà eu l'occasion de répondre à cette

  2   question, quand j'ai répondu à une question du Président. Effectivement,

  3   cette décision introduite pour la première fois à la fonction de président

  4   de la présidence de la HZ HB en tant que fonction indépendante et qui

  5   n'existait pas avant le 3 juillet 1992.

  6   Q.  C'est très bien. Cela nous est très utile. Pour préciser les choses,

  7   parce que précédemment vous avez expliqué qu'à un moment donné M. Mate

  8   Boban était également président du HVO, j'aimerais que très rapidement on

  9   retourne à un autre document, je m'excuse auprès de tout le monde parce que

 10   je n'ai pas évoqué la question précédemment, le document 1D 00174, décision

 11   portant sur votre nomination. Là on voit Mate Boban, président du HVO et de

 12   la HZ HB. Au moment où il vous nomme à votre poste, le 15 mai 1992, il

 13   semble qu'il ait les deux casquettes, qu'il soit à la fois président du HVO

 14   et président de la HZ HB. J'imagine qu'il a également une troisième

 15   casquette, celle de la présidence, sans oublier l'autre casquette encore de

 16   chef du HDZ; est-ce que c'est bien exact ?

 17   R.  C'est exact. J'ai eu l'occasion de répondre déjà à cette question. A

 18   l'époque qui s'étend jusqu'au 14 et au 15 août, Mate Boban assumait

 19   effectivement toutes ces fonctions.

 20   Q.  Très bien. Ceci a été maintenant établi, document P 00424 et c'est un

 21   document sur lequel on ne va pas vraiment s'appesantir à moins qu'il n'y

 22   ait des questions de la part des Juges, parce que nous avons déjà examiné

 23   en détail certaines des discussions qui se sont déroulées au cours de la

 24   réunion du 3 juillet 1992. Le document P 00424, c'est un document qui est

 25   un décret portant transfert des ressources de la JNA. C'est un document qui

 26   est mentionné dans le procès-verbal de la réunion, n'est-ce pas ? Le

 27   décret, n'est-ce pas ?

 28   R.  Je crois que j'ai déjà dit cela mais la première phrase de ce texte

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  1   précise les choses. L'article 1 parle de propriétés sociales et l'article 2

  2   le dit également de façon également tout à fait explicite. Il est question

  3   de propriétés sociales.

  4   Cela complète ce que j'ai déjà pu dire, je crois.

  5   Q.  Merci. Examinons maintenant le document suivant, P 009553.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Je me tourne d'ailleurs vers les Juges pour

  7   leur dire que si jamais je vais trop vite, et s'ils veulent poser des

  8   questions au sujet des documents, qu'ils n'hésitent pas à m'interrompre.

  9   Q.  Le document que j'appelle c'est le P 09553. Un ordre portant sur la

 10   prise de contrôle des ressources ou des actives de la JNA. Pourriez-vous,

 11   s'il vous plaît, donner lecture de l'intitulé de ce document en croate

 12   parce qu'en anglais on lit : "Ordre". Pouvez-vous nous donner lecture du

 13   titre, simplement du titre de ce texte juridique ?

 14   R.  Il y figure la même chose, donc dans l'un comme dans l'autre des

 15   documents que j'ai en face de moi, il est mentionné : "décret".

 16   Q.  Il s'agit du document portant la référence P 0953. C'est le document

 17   que je suis en train d'examiner.

 18   R.  C'est exact.

 19   Q.  Bien. C'est un document qui porte sur les ressources de la JNA, la

 20   prise de contrôle de ses ressources, et ça correspond aux explications que

 21   vous nous avez données précédemment, n'est-ce pas ?

 22   R.  Exactement.

 23   Q.  Bien. Document suivant, 1D 00 --

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Qu'en est-il de la signature ? On

 25   voit : "Communauté croate d'Herceg-Bosna, présidence, et ensuite président,

 26   Mate Boban." Donc Mate Boban était président de la présidence et occupait

 27   également une fonction à caractère législatif.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Vous me posez la question à moi, Monsieur le

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  1   Juge ?

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, bien entendu, je vous regardais

  3   naturellement mais --

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Non, je me demandais si c'était une question

  5   qui m'était destinée.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me demandais si c'était une question qui

  7   s'adressait à moi ?

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que vous avez bien pris la mesure de

 10   la situation telle qu'elle était dans la réalité. Nous avons déjà dit qu'à

 11   partir du moment où la HZ HB a été créée en novembre, M. Boban assumait la

 12   fonction de président de la présidence de la HZ HB et nous avons également

 13   rappelé qu'à partir du 8 avril 1992, il assumait également la fonction de

 14   président du HVO. Nous avons également dit qu'à partir du 3 juillet 1992,

 15   Mate Boban assumait également une troisième fonction qui est celle de

 16   président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et de commandant suprême

 17   des forces armées du HVO.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation]

 20   Q.  Bien. Passons au document suivant 1D 00161. Il s'agit d'un décret

 21   portant sur la confiscation des biens de l'occupant et du transfert des

 22   biens de l'occupant. En bas du document, on voit président du HVO et de la

 23   HZ HB, Mate Boban, document du 3 juillet 1992. C'est un des instruments

 24   juridiques qui ont été évoqués pendant la réunion dont nous avons vu le

 25   procès-verbal, n'est-ce pas ?

 26   R.  C'est exact. Il s'agit bien de l'un des documents qui ont été évoqués.

 27   Cependant, il importe peut-être de souligner que si des transferts de

 28   propriété ont effectivement eu lieu cela concernait l'article 1(a), donc

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  1   relatif à l'organisation et au corps de l'ex-fédération et à ma

  2   connaissance aucun bien n'a été repris, la propriété d'aucun bien n'a été

  3   transféré tombant sous les alinéas (b), (c), (d) de l'article 1. Je veux

  4   dire que personnellement, je ne suis au courant d'aucun cas de biens qui

  5   auraient été saisis, de biens d'entreprises dont le siège se serait trouvé

  6   en Serbie ou en Monténégro, ou de personnes physiques ressortissantes de

  7   Serbie-et-Monténégro et de Bosnie-Herzégovine.

  8   Q.  Très bien. Merci.

  9   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Pardon de vous poser encore une

 10   question se rapportant à ce document 1D 00161. Un décret important

 11   concernant la confiscation des biens de l'occupant et la cession de ces

 12   biens à la communauté croate. 

 13   Dans le texte de l'un des décrets je ne vois pas une explication

 14   concernant qui était l'occupant et de quels biens s'agissait-il dans le

 15   cadre de ce décret. Nous savons bien qu'il y a eu une offensive menée par

 16   la JNA, que l'on parlait de la JNA, des Chetniks, et ainsi de suite. Mais

 17   il me semble que dans un texte juridique aussi important que celui-ci, avec

 18   des conséquences aussi importantes, l'on s'attendrait à ce qu'il y ait pour

 19   ainsi dire une définition de l'occupant.

 20   Donc je vous demande, d'après vous, est-ce que l'occupant en tant que

 21   tel avait déjà été identifié et défini de manière juridique ? Est-ce que

 22   vous pensez que la mise en œuvre de ce décret se serait heurtée à des

 23   difficultés notamment quant à savoir quel type de biens devaient être

 24   saisis ? Est-ce qu'il ressortait clairement de ce texte qui était concerné

 25   par ce décret ?  

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Le nom de l'agresseur et des forces

 27   d'occupation de la Bosnie-Herzégovine avaient été précisés par une décision

 28   de la présidence de Bosnie-Herzégovine portant proclamation de l'état de

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  1   guerre en date du 20 juin 1992. Dans le préambule de cette décision, il est

  2   précisé ainsi que dans le texte de la décision que les agresseurs contre la

  3   Bosnie-Herzégovine sont l'armée populaire yougoslave; les unités du SDS de

  4   l'armée serbe; et me semble-t-il les unités paramilitaires en provenance de

  5   la République de Serbie. Donc en tant que parti politique on a précisé et

  6   désigné le SDS ainsi que la JNA dans la décision en question.

  7   On a également dit dans cette décision de proclamer l'état de guerre, on a

  8   précisé que d'ores et déjà les deux tiers du territoire de Bosnie-

  9   Herzégovine étaient occupés. Donc on nomme l'agresseur, on nomme les forces

 10   d'occupation. On constate que les deux tiers du territoire de la Bosnie-

 11   Herzégovine du pays sont déjà occupés. Ce décret, si vous souhaitez

 12   connaître mon opinion, je dois vous dire que tout comme la décision de

 13   proclamer de mettre sur pied la Communauté croate d'Herceg-Bosna, rappelle

 14   les textes de lois et de règlements qui ont été adoptés pendant la Seconde

 15   Guerre mondiale par le Mouvement de libération de la résistance des

 16   partisans. Donc tout comme les comités de résistance dans la Seconde Guerre

 17   mondiale réunissaient les différentes fonctions du pouvoir, le législatif,

 18   l'exécutif, le judiciaire, il me semble que c'est un peu à l'image de cela

 19   qu'au sein de la HZ HB, on a rassemblé les pouvoirs législatifs et

 20   exécutifs enfin pour toutes les fins qui vous intéressent et nous en avons

 21   déjà parlé. Mais il convient de dire que le conseil antifasciste de

 22   libération de la Yougoslavie avait, lors de sa deuxième session, pris ce

 23   type de décision au moment où on a pris les biens des forces d'occupation

 24   et de ceux qui avaient collaboré avec ces forces-là.

 25   Les membres de la présidence, en bon connaisseur de l'histoire, me semble-

 26   t-il se sont davantage attachés à l'histoire qu'au droit dans les deux cas,

 27   dans l'un comme dans l'autre tout comme la décision de la municipalité de

 28   la HZ HB dans sa version initiale ne cite pas la constitution pas plus

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  1   qu'aucune autre disposition législative, même si des dispositions

  2   constitutionnelles fermes existent permettant la création de la HZ HB, ceci

  3   fait défaut; mais il existe cet aspect historique, tout comme ici il y a la

  4   décision de la l'AVNOJ portant sur la confiscation des biens de l'agresseur

  5   et des collaborateurs. Et là, je vous donne mon avis, je vous dis ce qui à

  6   mon avis a permis que cette disposition soit formée de cette manière-là

  7   dans le cadre de la création de la HZ HB.

  8   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci de ces explications. Je

  9   n'aurai plus qu'une question.

 10   Si je vous ai bien compris, ce décret se rapporte peut-être aux entités

 11   juridiques de l'ancienne JNA et les "Chetniks" pour ainsi dire et ne se

 12   rapportait pas au citoyen "moyen", encore une fois pour ainsi dire, du

 13   territoire en question, c'est-à-dire, tous les citoyens d'origine serbe en

 14   Herceg-Bosna. Pour être tout à fait franc, ce que je me demande, c'est si

 15   l'absence de définition dans le texte n'aurait pas abouti à des injustices

 16   commises à l'encontre des citoyens ordinaires du territoire concerné.

 17   Si ma question n'est pas très claire, je vais la réitérer. N'est-il pas

 18   possible que lors de la mise en œuvre de ce décret, ce ne sont pas

 19   seulement ceux qui étaient responsables de l'agression qui ont été touchés

 20   et dont les biens ont été confisqués, mais que des citoyens ordinaires ont

 21   également été touchés, des citoyens d'origine serbe qui vivaient sur ce

 22   territoire ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je vous remercie de m'avoir

 24   posé cette question. Je pense que je l'ai bien comprise et il me semble que

 25   je n'y ai répondu que partiellement jusqu'à présent. Oui, ce texte a été

 26   adopté et il a été publié dans le journal officiel de la HZ HB; mais je

 27   vous ai également dit qu'à ma connaissance aucun cas ne s'est produit où

 28   conformément à cette disposition on ait confisqué des biens appartenant à

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  1   un citoyen, quel qu'il soit, de nationalité serbe qui aurait été citoyen de

  2   la Serbie ou du Monténégro. Ce qui s'est produit bel et bien produit,

  3   c'était le fait de confisquer les biens appartenant à la JNA et au

  4   secrétariat à la Défense nationale. Et pour l'essentiel, c'était des

  5   casernes, c'était des bâtiments militaires appartenant à la JNA et

  6   abandonnés par la JNA, ou s'agissant des casernes qui avaient été prises

  7   par le HVO dans le cadre des affrontements avec la JNA. Ce que je tiens à

  8   vous dire, c'est qu'en réalité, je pense qu'aucun cas ne s'est produit où

  9   on aurait appliqué cette disposition pour saisir des biens appartenant à

 10   d'autres citoyens et où ces biens auraient été repris pour devenir des

 11   biens de la HZ HB.

 12   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, un décret qui prévoit la

 14   confiscation peut être légalement justifié quand il s'agit de prendre des

 15   biens appartenant à une entité comme la JNA qui s'en va, et il faut bien

 16   que la caserne soit occupée par quelqu'un. Mais comme le dit mon collègue,

 17   je prends le cas du Serbe classique, prenez, par exemple, je ne sais pas si

 18   ça existait, mais à titre d'exemple, imaginez qu'il y a un coiffeur serbe à

 19   Mostar, la JNA s'en va pour une raison qui lui est personnelle. Il dit : Je

 20   m'en vais moi aussi. Que devient son salon de coiffure, que devient son

 21   appartement ? A priori ça peut être confisqué, mais y a-t-il un processus

 22   d'indemnisation, voire de restitution ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne cherche pas à défendre la teneur de

 24   cette disposition. Je ne cherche pas non plus à affirmer qu'il s'agit d'une

 25   disposition raisonnable ou honnête. De ce point de vue-là, je pense qu'aux

 26   petits (b), (c) et (d), comme je l'ai déjà dit, elle n'est pas justifiée et

 27   je ne pense pas qu'on puisse trouver un argument raisonnable pour défendre

 28   cette disposition pour ce qui est de l'article 1 (b), (c) et (d).

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  1   Toutefois, j'ai souligné précédemment les raisons qui ont été des motifs

  2   pour qu'une telle disposition soit adoptée. En tant que juriste encore une

  3   fois je ne peux pas justifier la finalité ni la teneur des petits (b), (c),

  4   et (d) de l'article 1.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, après les accords de Dayton,

  6   Washington, il y a eu des contentieux de gens qui ont -- ce sont vus

  7   "dépossédés" de leurs biens ? Y a-t-il eu des contentieux, des procès ? Ou

  8   bien il n'y a eu aucun problème ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est possible qu'on se soit mal compris ou

 10   je n'ai pas été assez clair peut-être en évoquant les différents cas de

 11   figure. Lorsqu'il est question de biens qui sont la propriété de personnes

 12   physiques, là, j'entends la propriété au sens classique du terme, comme on

 13   l'entend entre juristes. Là où il y a eu des violations, c'était lorsqu'on

 14   s'est emparé de logements abandonnés qui ne faisaient pas partie de la

 15   propriété privée, c'était plutôt de la propriété sociale ces logements-là.

 16   Une fois que la JNA ait abandonné disons Mostar, il s'est trouvé un grand

 17   nombre de logements militaires abandonnés qui faisaient partie de la

 18   propriété sociale, mais il y avait des logements où habitaient des citoyens

 19   d'appartenance ethnique serbe qui faisaient partie de la propriété sociale,

 20   ces logements-là. Ces citoyens, certes, avaient le droit d'usufruit, ils

 21   étaient des locataires en bonne et due forme. Je ne sais pas s'il faut que

 22   je précise ce que serait le droit de propriété, est-ce que c'était le droit

 23   de location ou d'occupation pour un logement de propriété sociale ?

 24   Et je tiens à ajouter que les dispositions légitimes qui régissaient à

 25   l'époque la question de la propriété sociale et des logements en propriété

 26   sociale stipulaient que dans le cas d'abandon d'un appartement qui était en

 27   propriété sociale, abandon pour une période qui dépassait six mois, on

 28   perdait le droit d'occupation d'un tel logement, puisqu'il ne s'agissait

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  1   pas d'une véritable propriété.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, de mon point de vue, sur la

  3   propriété sociale il n'y a pas de problème apparent. Ma question, c'est sur

  4   la propriété privée d'un Serbe qui a son petit appartement à lui parce

  5   qu'il l'a acheté ou il l'a eu par une succession, je ne sais pas, et il

  6   s'en va, et puis il y a quelqu'un qui vient habiter son appartement. Voilà

  7   le problème. Ce phénomène était-il important ou tout à fait marginal ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais que ce cas de figure aurait pu se

  9   produire entre deux individus sur le plan des particuliers, mais je pense

 10   vous avoir déjà dit que je ne connais aucun cas où la Communauté croate

 11   d'Herceg-Bosna ou le Conseil croate de Défense se soit doté d'une décision

 12   qui, pour ce qui est de la propriété privée, aurait permis que la

 13   Communauté croate d'Herceg-Bosna la reprenne en son nom ou que ce soit le

 14   HVO qui la reprenne.

 15   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne suis au courant de

 16   l'existence d'aucun cas de ce type-là pendant toute la durée de la guerre.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui a posé problème, et il y a eu pas mal

 19   de problèmes, ce sont des logements abandonnés qui faisaient partie de la

 20   propriété sociale et où le droit d'occupation revenait à des citoyens

 21   d'appartenance ethnique serbe. Il y a eu nombre de cas de ce type, mais là

 22   encore ce n'est pas la HZ HB qui a repris ça en sa propriété, s'il ne

 23   s'agissait pas de logements militaires, je précise. Ça c'est une catégorie

 24   à part et j'ai déjà dit au petit (a) que c'est quelque chose qui s'est

 25   produit effectivement, on a saisi les biens qui faisaient partie de la

 26   propriété de la JNA et du secrétariat fédéral à la Défense, c'est comme ça

 27   que ça s'appelait SSNO, donc c'est le point (a), l'article premier en son

 28   petit (a).

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  1   M. KARNAVAS : [interprétation]

  2   Q.  Merci.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Messieurs les Juges, peut-être par

  4   l'intermédiaire d'un autre témoin, nous étudierons la loi régissant les

  5   biens abandonnés et les mesures prises deviendront beaucoup plus claires.

  6   Passons au document suivant P 00292, daté encore une fois du 3 juillet

  7   1992.

  8   Q.  Un décret concernant le traitement des personnes faites prisonnières

  9   lors de combat armé, à l'article 1 nous voyons qu'ils doivent bénéficier de

 10   la protection prévue par la convention de Genève concernant le traitement

 11   des prisonniers de guerre. Puis on peut lire à l'article 2, et j'aimerais

 12   que vous nous fassiez part de vos observations à ce sujet, il est dit : "Le

 13   directeur du département de la justice et de l'administration en

 14   collaboration avec le directeur du département de la défense et celui du

 15   département de l'intérieur désigneront les lieux où les prisonniers seront

 16   détenus, conformément aux dispositions de la convention mentionnées à

 17   l'article premier de ce même décret."

 18   Avant de vous poser la question, je vous donnerai lecture de l'article 3

 19   également où on peut lire : "Le département de la défense sera responsable

 20   de ces installations…" c'est assez clair, mais il est dit à l'article 2 que

 21   vous-même en collaboration avec les autres chefs de département deviez

 22   désigner ces emplacements. Pouvez-vous nous dire comment cet article a été

 23   appliqué, autant que vous le sachiez ? 

 24   R.  C'est exact. Il s'agit là d'un décret qui lui aussi a été adopté le 3

 25   juillet 1992 lors de cette réunion de la présidence que nous avons déjà

 26   évoquée. A ce sujet et au sujet de ce décret, je peux préciser qu'à chaque

 27   fois qu'il y a guerre, et là également il y a eu des prisonniers de guerre.

 28   Je pense qu'il n'est pas possible de faire la guerre sans qu'il y ait de

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  1   prisonniers de guerre, de personnes capturées. Je pense également qu'il a

  2   été nécessaire de se doter d'un règlement qui allait régir cette question.

  3   L'article premier précise que, s'agissant des personnes capturées, elles

  4   font l'objet des dispositions des conventions de Genève portant sur le

  5   traitement réservé aux prisonniers de guerre; l'article 2, quant à lui,

  6   précise de quelle manière seront définies les installation ou les sites où

  7   seront placés les prisonniers de guerre; l'article 3 à son tour précise qui

  8   exercera le contrôle sur ces installations ou les sites, donc il est dit à

  9   l'article 2 que c'est le département de la justice et de l'administration

 10   en coopération avec les départements de la défense et le département de

 11   l'intérieur qui déterminent les endroits, les lieux. Et à l'article 3, il

 12   est stipulé que le contrôle sera exercé par le département de la défense.

 13   Je pense que les dispositions sont claires, le décret est clair, et j'ai

 14   déjà expliqué la finalité et la motivation. 

 15   Q.  Très bien. Dans la mesure où nous avons sous les yeux cet article 2,

 16   pouvez-vous nous expliquer dans quelle mesure vous avez, aux côtés des

 17   autres chefs de département, été impliqué dans le choix du lieu où les

 18   prisonniers allaient être détenus, conformément à ce décret signé par Mate

 19   Boban le 3 juillet 1992.

 20   R.  Une petite explication s'impose, me semble-t-il. Sur l'ensemble du

 21   territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, plus précisément de ces

 22   30 municipalités dont il est question dans le décret portant création de la

 23   HZ HB, il n'y avait ne serait-ce qu'une seule institution d'ordre

 24   pénitentiaire. La seule chose que nous avions à l'époque dont nous pouvions

 25   nous servir, c'était la prison qui relevait de la phase d'instruction du

 26   tribunal de Mostar, du tribunal supérieur donc de seconde instance. Ce

 27   n'était pas un établissement pénitentiaire, c'était un lieu de détention en

 28   phase d'instruction. Et à partir du moment où je suis entré en fonction en

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  1   tant que chef du département de la justice et de l'administration, je m'en

  2   suis occupé immédiatement, j'ai eu un entretien avec le directeur de cette

  3   institution à Mostar qui a porté à ma connaissance la situation à la prison

  4   qui dépendait du tribunal de Mostar, il y avait là des personnes qui

  5   purgeaient des peines de prison mais on y a placé également un certain

  6   nombre de prisonniers de guerre en l'absence de décision prise par

  7   différents tribunaux, ils se sont trouvés dans cette prison. Et évidemment

  8   il fallait régler cette question.

  9   Très vite --

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous arrêter parce qu'il y a une question de

 11   procédure soulevée avec l'Accusation et M. Praljak. Je ne sais pas

 12   laquelle. Le sujet est important et je pense que Me Karnavas y reviendra

 13   demain. Il y reviendra donc demain.

 14   Alors, Monsieur le Témoin, je vais demander à M. l'Huissier de bien vouloir

 15   vous raccompagner et je vous invite donc à revenir pour l'audience qui aura

 16   lieu à 9 heures demain, parce que nous sommes de matinée.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] A 9 heures donc.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors je ne sais pas qui va intervenir en premier,

 19   l'Accusation ou --

 20   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Oui, en effet,

 21   pour les conseils de la Défense, en fait, cela ne se rapporte pas à ce

 22   témoin mais un témoin entendu la semaine passée, le Pr Jankovic. Vous nous

 23   avez demandé de veiller à ce que le compte rendu montre bien que les

 24   écritures présentées la semaine passée par l'Accusation concernant les

 25   objections aux documents dont le versement était demandé par la Défense de

 26   M. Praljak, par le biais des pièces introduites dans le cadre de ce

 27   témoignage, nous avons déposé un document formulant nos objections

 28   concernant ces documents. Il y avait donc des documents en annexe.

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  1   [Le témoin quitte la barre]

  2   M. STRINGER : [interprétation] Et comme la Chambre le sait, nous nous

  3   sommes conformés à la procédure IC en vigueur mais en l'occurrence c'était

  4   un peu particulier car nous avions certains arguments étayés par des

  5   documents en annexe. Donc c'était une écriture que nous avons déposée

  6   vendredi. Le dépôt a eu lieu avant que le Greffe n'attribue une cote IC aux

  7   pièces concernées. Donc nous aimerions qu'il soit consigné au compte rendu

  8   que les écritures de l'Accusation de vendredi passé, nous formulons nos

  9   objections concernant certaines pièces se rapportant au témoin Jankovic, --

 10   en fait cela concerne les pièces de la Défense dont le versement a été

 11   demandé et qui portent les cotes IC 823-3D. Cela a semé un peu de confusion

 12   du point de vue procédural. Nous avons déposé cette écriture assez tôt afin

 13   que les conseils de la Défense puissent en prendre connaissance pendant le

 14   week-end et y réagir le cas échéant. Le délai est assez court pour ce qui

 15   est de ce type d'écritures et des réponses, donc nous avons déposé ce

 16   document même s'il n'avait pas encore été officiellement versé par la

 17   Défense Praljak.

 18   Donc pour être clair, nos écritures s'appliquent au numéro IC 823-3D.

 19   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 20   je pense que mon confrère a déjà expliqué pour l'essentiel de quoi il

 21   s'agit. Nous avons estimé qu'il était nécessaire d'acter au compte rendu

 22   d'audience ce qui s'est passé. Comme mon confrère vient de le dire, le 3

 23   juillet, la Défense du général Praljak a fourni une liste comme on le fait

 24   d'habitude, liste IC. On s'attendait à ce que les cotes soient attribuées

 25   aujourd'hui, comme on le fait depuis deux ans maintenant, mais le Procureur

 26   pour des raisons déjà évoquées que je respecte, il a répondu dès le

 27   lendemain, le 4 juillet avant que la liste IC ne soit finalisée, ne

 28   devienne un document formel, puisqu'il n'y avait pas encore de cotes

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  1   attribuées. Et je me suis attaché à examiner votre décision du 4 avril, à

  2   ce moment-là, et pour être tout à fait certain j'ai vérifié le paragraphe

  3   32 de cette décision où il est question des délais, jour pour jour. Comme

  4   des interprétations diverses étaient possibles, je me suis dit qu'il valait

  5   mieux que je réponde dans un délai de 24 heures, et c'est ce que j'ai fait.

  6   Cette écriture a été enregistrée comme l'autre évoquée par mon confrère.

  7   Et, je pense pouvoir le dire franchement, tout à fait ouvertement, que ces

  8   deux concernent le IC 823, c'est l'objection du Procureur et la réponse

  9   conformément à votre décision du 24 avril, ligne directrice numéro 8. Donc

 10   je pense que nous entendons l'un comme l'autre qu'en fait il ne faudrait

 11   pas réagir suite à ces types d'écriture tant que la liste IC ne s'est pas

 12   vue attribuer un numéro. C'est cela. Je vous remercie.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour ces mises au point de l'Accusation et de

 14   la Défense. Nous avons bien compris que la contestation vient du numéro IC

 15   823, l'Accusation faisant une objection.

 16   Bien. Il est donc 19 heures. J'informe Me Karnavas qu'il a utilisé presque

 17   deux heures, une heure 59 minutes et quelques secondes, mais je lui fais

 18   cadeau de ces quelques secondes, presque deux heures. Voilà. Donc nous nous

 19   retrouverons tous demain à 9 heures. Je vous remercie et bonne soirée.

 20   --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mardi 8 juillet

 21   2008, à 9 heures 00. 

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