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1 Le lundi 21 juillet 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Monsieur le Greffier, appelez le
6 numéro de l'affaire, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à
8 tous. Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts. Merci.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
10 En ce lundi 21 juillet 2008, je salue MM. les accusés, Mmes et MM. les
11 avocats, M. Scott et ses collaborateurs ainsi que toutes les personnes qui
12 nous assistent.
13 Je vais d'abord donner la parole à M. le Greffier pour des numéros IC.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Certaines parties ont soumis des listes de documents à verser par le
16 truchement du témoin Zoran Buntic. 1D, ce sera la cote
17 IC 00827. La liste 2D sera 00828. La liste 3D 00829. La 4D 00830. La liste
18 5D 002833. Et la liste de l'Accusation portera la cote 832. La précédente
19 sera sans doute 831.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Je
21 crois que M. Scott veut intervenir.
22 M. SCOTT : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président. Mais tout
23 à fait brièvement. Est-ce que nous pourrions passer l'espace d'un instant à
24 huis clos partiel ?
25 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Monsieur le Greffier.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes désormais à huis clos
27 partiel.
28 [Audience à huis clos partiel]
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14 [Audience publique]
15 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Donc, c'est 4D qui va mener
16 le contre-interrogatoire. Il lui reste deux heures et 60 secondes. Comme
17 vous voyez c'est très précis.
18 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
19 LE TÉMOIN: MIOMIR ZUZUL [Reprise]
20 [Le témoin répond par l'interprète]
21 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur, vous savez que votre contre-
24 interrogatoire va se poursuivre, et c'est Me Alaburic qui, pour la Défense,
25 va vous contre-interroger dans un premier temps, et après, ce sera au
26 Procureur de faire son contre-interrogatoire.
27 Maître Alaburic, vous avez la parole.
28 Oui. Alors, Maître Alaburic, mon collègue me rappelle, si vous abordez des
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1 sujets nouveaux, vous nous l'indiquez. Si vous abordez des questions qui
2 découlent directement de l'interrogatoire principal, ça rentrera dans votre
3 contre-interrogatoire. Si ce sont des sujets nouveaux, indiquez-le-nous à
4 l'avance.
5 Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, bonjour. Bonjour,
6 Monsieur Zuzul. Bonjour à tous nos confrères et collaborateurs dans le
7 prétoire.
8 Monsieur le Président, j'estime que toutes mes questions, d'une certaine
9 façon, seront liées aux sujets et documents qui ont déjà été vus ou montrés
10 à l'occasion de l'interrogatoire principal. Mais si vous jugez que des
11 éléments de mes questions sortent de ces cadres, je ne m'opposerai pas à ce
12 que vous considériez ce temps comme du temps pris sur la défense du général
13 Petkovic.
14 Contre-interrogatoire par Mme Alaburic : [Suite]
15 Q. [interprétation] Monsieur Zuzul, je ne vais pas vous rappeler ce que
16 nous avons dit la fois passée. Je crois bien que vous vous en souvenez fort
17 bien. Je vais continuer suivant le planning qui était le mien au mois de
18 mai.
19 Pour commencer, je voudrais vous rappeler une question posée par M. le Juge
20 Antonetti, qui se rapportait à des documents des Nations Unies. Et on vous
21 a demandé si vous pouviez montrer une résolution ou un rapport du
22 secrétaire général qui comporterait des erreurs majeures. La question et la
23 réponse figurent à la page 27 713 et la page d'après, 27 714. Alors,
24 Monsieur Zuzul, vous avez répondu que vous n'aviez pas remarqué des erreurs
25 majeures, mais ce que vous pouviez reprocher en quelque sorte à la
26 communauté internationale, c'est le fait d'avoir essayé de mettre en place
27 une espèce d'équilibre des responsabilités. Vous souvenez-vous de votre
28 réponse ?
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1 R. Oui, je m'en souviens.
2 Q. J'aimerais que vous expliquiez de quel type d'équilibre dans les
3 responsabilités vous parliez dans votre réponse.
4 R. A l'occasion de plusieurs rencontres que j'ai eues personnellement avec
5 des représentants de la communauté internationale, il m'a été donnée la
6 possibilité d'entendre des réponses disant que dans les zones de la
7 FORPRONU croate ou en Bosnie-Herzégovine, là, pour déterminer à qui la
8 faute et à qui n'est pas la faute. Entre d'autres termes, ils disaient, je
9 le crois du moins, ils disaient vouloir rapporter objectivement de ce qui
10 se passait sur le terrain sans prendre en considération l'image totale. Et
11 cela créait l'impression que c'est artificiellement qu'on essayait
12 d'établir un équilibre des culpabilités. Parce que si vous excluez le fait
13 dans les zones de la FORPRONU que ces territoires de la Croatie étaient
14 occupés et que c'est ce qui a précédé l'arrivée de la communauté
15 internationale, et lorsque vous essayez d'informer rien qu'à partir d'un
16 moment donné sans prendre en considération ce qui s'était passé avant, on
17 se fait une idée qui, objectivement, n'est pas juste.
18 Q. Monsieur Zuzul, dites-nous, est-ce que vous avez été relativement bien
19 informé au sujet des événements en Croatie dans ces années 1990, et cela
20 vous permet-il -- permettait-il de juger du fait de voir des erreurs de
21 contenu dans un rapport des Nations Unies ou pas ?
22 R. Je pense bien avoir été relativement bien informé.
23 Q. Dites-nous, étiez-vous aussi bien informé au sujet des événements en
24 Bosnie-Herzégovine ?
25 R. S'agissant des événements mêmes sur le terrain en Bosnie-Herzégovine,
26 je n'étais certainement pas aussi bien informé que cela n'était le cas en
27 Croatie, mais pour ce qui est de la situation générale, notamment pour ce
28 qui est des événements liés aux négociations et à ce qui se passait à la
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1 conférence sur l'ex-Yougoslavie, j'étais relativement bien informé.
2 Q. Bien. J'aimerais maintenant aborder avec vous un autre sujet, un sujet
3 qui se rapporte aux transcripts dont il a déjà été question avec la Défense
4 du Dr Prlic le 7 mai. Il s'agit du 00131. Ça se trouve dans le classeur de
5 la Défense de Jadranko Prlic. Je reconnais que je ne sais pas quel est le
6 numéro du classeur en question puisqu'ils étaient plusieurs, ces classeurs.
7 Monsieur Zuzul, je crois que vous n'avez pas à consulter le document
8 même. Je vais essayer de vous rappeler certaines parties de cette
9 transcription pour que nous puissions commenter ensemble.
10 Il s'agit d'une transcription d'une réunion entre le président
11 Tudjman avec le ministère de la Défense de la République de Croatie, le QG
12 de l'armée croate et les commandants militaires qui s'est tenue le 4 mars
13 1992, et dans l'interrogatoire principal, vous avez parlé du contexte de la
14 défense de la Croatie du sud. Alors, Dr Zuzul, vous avez été présenté comme
15 étant psychologue à l'administration IPD du ministère de la Défense de la
16 République de Croatie. En était-il ainsi au mois de mars 1992 ?
17 R. C'est exact. Début mars 1992, c'était les fonctions que j'occupais.
18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Alaburic. Au
19 compte rendu, je lis ceci -- enfin, on vous présente en tant que
20 psychologue. Vous voulez dire qu'on vous présentait ou qu'on vous présenta
21 comme psychologue ? Cette phrase, telle qu'elle est, et bien elle ne tient
22 pas vraiment la route.
23 Mme ALABURIC : [interprétation] Je -- j'ai voulu dire qu'il a été présenté
24 comme psychologue. Et chaque fois que quelqu'un prenait la parole, il
25 disait -- il se présentait, il disait ses fonctions, et le Dr Zuzul a été
26 présenté comme psychologue à l'administration du ministère de la Défense.
27 Q. Ce document a déjà un statut de pièce à conviction dans notre classeur,
28 et il comporte plusieurs alinéas que je voudrais que vous commentiez en
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1 votre qualité de participant à ce débat, Monsieur Zuzul. Alors, à cette
2 réunion, et je précise pour les Juges qu'il s'agit de la page 46 de la
3 version anglaise de la transcription, indiqué qu'il y avait deux catégories
4 de personnes : les uns étaient ex-membres de la JNA, et les autres étaient
5 ceux qui n'appartenaient pas à cette armée -- n'y -- n'ont pas appartenu à
6 cette armée. Vous avez indiqué que dans certaines parties de la République
7 de Croatie, il y avait des tensions entre ces deux types de personnes.
8 Vous souvenez-vous de cet avertissement que vous aviez
9 formulé ?
10 R. Oui, je m'en souviens.
11 Q. Ce qui m'intéresserait en ce moment-là, c'est la position du président
12 Tudjman. Le président Tudjman a-t-il jugé si -- que toutes les personnes
13 qui voulaient s'engager dans la défense du pays, indépendamment du fait de
14 savoir s'ils étaient auparavant -- s'ils avaient été officiers de la JNA,
15 devaient trouver une place quelconque dans les unités ou dans une
16 institution chargée de la défense du pays ?
17 R. Oui. Je puis témoigner partant d'une conversation directe avec le
18 président Tudjman que c'était précisément son opinion, parce que seulement
19 une journée ou deux après mon intervention, le président Tudjman m'a
20 convoqué pour un entretien. Nous nous sommes entretenus justement sur ce
21 sujet, et à l'occasion de cette conversation, il m'a même proposé des
22 fonctions au sein du ministère de la Défense.
23 Q. Je voudrais que vous nous aidiez à comprendre une autre déclaration de
24 feu président Tudjman, page 92 de la version anglaise de la transcription,
25 et il a dit, je citerais : "Comme le Pr Zuzul l'a, à mon avis, indiqué ne
26 faites pas de déclaration politiques quelle que soit, et l'armée n'a pas sa
27 place sur la scène politique."
28 Alors, Docteur Zuzul, feu président Tudjman avait-il vraiment estimé que
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1 l'armée ne devait vaquer qu'à la Défense du pays et qu'elle ne devait pas
2 être un facteur actif en matière de politique ?
3 R. Mon opinion à l'époque était la suivante : le président Tudjman
4 estimait que pour la défense de l'Etat et pour la création d'une armée le
5 mieux serait de voir cette armée s'occuper le moins possible de politique.
6 Q. Bon. Une autre déclaration très importante, qui est une espèce de petit
7 discours sur trois pages, il s'agit des pages 103 à 105 de la version
8 anglaise. Je vous demanderais brièvement -- ou plutôt, j'aimerais
9 brièvement vous rappeler, Monsieur Zuzul. Le président Tudjman a dit que
10 les Etats-Unis d'Amérique n'avait toujours pas reconnu la Croatie, et une
11 partie des officiers ou des intervenants politiques aux Etats-Unis
12 considéraient en quelque sorte la Croatie comme étant une continuation de
13 l'Etat croate indépendant le NDH, et ce président Tudjman avait indiqué
14 qu'il y avait ce parti du droit, le HOS, et que ces unités-là se référaient
15 notamment à Pavalic [phon], elle prenait des photos de ces militaires de
16 l'armée militaire avec un "U" sur leur couvre-chef et que d'autres
17 portaient des insignes des "SS" qu'ils traçaient des cartes de cet Etat
18 croate indépendant de l'époque." Et je vais faire la chose courte, mais je
19 cite ce que M. Tudjman a dit : "Ce sont des fascistes. C'est une poursuite,
20 une continuation de la NDH." Il a donc convié tous les commandants
21 militaires de l'armée croate à s'opposer violemment à ceci et empêcher
22 toute identification des soldats avec l'une des idéologies qui faisait
23 partie de ce jeu de complément ou de qualificatif "Fascistes" pendant la
24 Deuxième Guerre mondiale.
25 Alors, le président Tudjman a-t-il défendu cette politique antifasciste de
26 la direction de l'Etat et de la direction militaire ?
27 R. Au travers de toutes les conversations, des communications et des
28 activités qui ont été les miennes au côté du président Tudjman, je n'ai
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1 plus à entendre de sa bouche que des opinions antifascistes. Du reste,
2 c'est un fait notoirement connu que de dire que le président Tudjman a été
3 l'un de ceux qui c'était battu contre le fascisme, et si je puis ajouter à
4 titre personnel, que c'était véritablement l'un des sujets que très souvent
5 nous avons débattu étant donné que mon père avait également été intégré à
6 la lutte antifasciste. Et non pas en Croatie ou en Yougoslavie du reste
7 mais en Belgique. Alors nous en avons longuement parlé, et assez souvent
8 parlé. Et lorsque -- puisque j'étais assez jeune à l'époque, j'avais
9 beaucoup d'intérêt, je portais beaucoup d'intérêt à entendre ces réflexions
10 là-dessus.
11 Q. Alors, comme on pourrait le dire en terme très simple, le président
12 Tudjman c'était un général à Tito, n'est-ce pas ?
13 R. C'est exact.
14 Q. Je vous demanderais, Monsieur Zuzul, d'essayer de commenter certaines
15 déclarations et certains événements reliés au plan Vance-Owen et les
16 négociations du mois de janvier 1993. Et j'aimerais que vous nous le
17 rappeliez parce que vous étiez présent à ces négociations, et vous étiez au
18 courant des plans de la communauté internationale.
19 R. Exact. Début février - 1er février 1993, pour être plus précis - je suis
20 devenu ambassadeur de la République de Croatie à Genève et, entre autres,
21 ma mission consistait à suivre les négociations de paix.
22 Q. A l'occasion de ces négociations avez-vous fait la connaissance de M.
23 Herbert Okun ?
24 R. Oui, j'ai fait la connaissance de l'ambassadeur Okun.
25 Q. Bien. Je vais vous montrer certaines de ses déclarations, et je vous
26 demanderais de commenter pour savoir si c'est exact ou pas, et si vous
27 estimez qu'il conviendrait d'ajouter quelque chose, on se mettra d'accord
28 là-dessus.
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1 Donc, la déclaration de M. Okun est la suivante, je cite : "Les Croates
2 étaient très enthousiasmes, non seulement du point de vue des cartes mais
3 aussi du point de vue du plan Vance-Owen tout entier."
4 C'est noté au PV, 16 752.
5 Dites-nous, Docteur Zuzul : est-ce que cette évaluation relative à
6 l'enthousiasme des Croates est, de votre avis, exacte ou pas ?
7 R. Bien, je pense que la constatation est exacte. Je ne sais pas si, je
8 parlerais "d'enthousiasme," moi-même, mais je dirais certainement que les
9 Croates étaient très disposés à accepter le plan Vance-Owen dans son
10 intégralité.
11 Q. Dès la page suivante du PV, Herbert Okun dit, cependant, ce qui suis,
12 je cite : "Les Croates de Bosnie ont signé le plan Vance-Owen au mois de
13 janvier 1993 sachant que les Serbes, et dans une moindre mesure les
14 Musulmans, n'accepteraient pas cela en paquet."
15 Alors, Monsieur Zuzul, de votre connaissance, les Croates ont-ils
16 véritablement accepté ce plan Vance-Owen sincèrement jusqu'au bout de façon
17 enthousiasme, ou est-ce qu'ils avaient pensé qu'ils accepteraient mais les
18 autres parties n'accepteraient pas et que cela finirait bien par tomber à
19 l'eau ?
20 R. J'ai plus de facilité à parler des positions officielles de la Croatie.
21 Et ce que je peux dire c'est la Croatie officielle a véritablement avec
22 beaucoup de sérieux accepté ce plan Vance-Owen parce que nous avions pensé
23 que cela nous conduirait vers une solution en Bosnie-Herzégovine aussi, et
24 que cela apporterait une solution également aux problèmes de la Croatie
25 parce qu'une partie de la Croatie était encore occupée, et que cela
26 contribuait à un apaisement général. C'est ce que je puis vous affirmer
27 avec certitude.
28 Pour ce qui est des collègues croates de Bosnie-Herzégovine, j'ai eu
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1 l'occasion de m'entretenir avec bon nombre d'entre eux à l'époque, bien que
2 je ne les représentais pas d'un titre officiel, et mon impression était
3 celle de dire, qu'eux aussi acceptaient cela de façon franche.
4 Q. Je vous demanderais maintenant de commenter certaines observations
5 liées aux cartes. Herbert Okun nous a dit que les débats relatifs aux
6 cartes étaient permanents et litigieux. Est-ce que vous pensez que ce
7 jugement se trouve être exact ?
8 R. Je pense que c'était plutôt exact.
9 Q. Dans mon jeu de documents, j'ai préparé un document qui porte le P
10 9276. Il s'agit de cartes. Entre autres, celle de la banovina croate et de
11 la délimitation des provinces en Bosnie-Herzégovine en application du plan
12 Vance-Owen daté de janvier 1993. Le document a déjà un statut d'élément de
13 preuve, de pièce à conviction.
14 Et ce que je voudrais vous demander c'est d'ouvrir ce jeu qui parle de :
15 "La Banovina en 1939," et l'autre document, qui est un plan de paix Vance-
16 Owen, daté du 2 janvier 1993. Nous n'allons pas entrer dans le détail. Mais
17 de ce que l'on pourrait considérer comme étant une conclusion de prime à
18 bord.
19 Si vous vous penchez sur ces deux cartes, Monsieur Zuzul, est-ce que l'on
20 pourrait tomber d'accord d'une certaine façon sur le fait de dire que ce
21 territoire qui est indiqué comme étant la Banovina de 1939 sur le
22 territoire de la Bosnie-Herzégovine ressemble énormément aux provinces
23 croates en application du plan Vance-Owen de janvier 1993 ?
24 R. Il me semble que vous avez raison. C'est assez similaire.
25 Q. Mis à part ces deux cartes, à l'occasion des négociations, avez-vous eu
26 l'occasion de voir d'autres cartes avec des territoires plus ou moins
27 grands qui seraient qualifiés de territoire croate ?
28 R. A l'occasion de ces négociations, il y a eu beaucoup de cartes et des
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1 territoires variés. Ils étaient plus grands ou plus petits que ceci.
2 Q. Si nous essayons de trouver une espèce de dénominateur commun pour
3 toutes ces cartes, est-ce que l'on pourrait constater que dans toutes les
4 cartes, les territoires croates sont ceux de l'Herzégovine occidentale, à
5 savoir le territoire Tomislavgrad, Posusje, Ljubusko, et cetera. J'ai dit
6 Tomislavgrad, Posusje, Ljubusko, Grude, et cetera pour ne pas énumérer la
7 totalité des municipalités. Puis une partie de la Bosnie centrale et une
8 partie de la Posavina de Bosnie. Donc, ces trois groupes de territoires ou
9 de régions, est-ce qu'on peut tomber d'accord, Professeur Zuzul ?
10 R. Oui, exact.
11 Q. Alors, si ici dans ce prétoire nous essayons de nous référer aux
12 critères ethniques ou d'entité économique pour définir les territoires ou
13 la population croate constituerait une majorité absolue ou relative, et
14 pour dire que ce territoire représenterait une entité cohérente, est-ce
15 qu'on l'on dessinerait une fois de plus l'Herzégovine occidentale, une
16 partie de la Bosnie centrale, et des parties de la Posavina de Bosnie ?
17 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, désolé de vous interrompre,
18 Maître, mais ce qui m'inquiète c'est l'inexactitude du compte rendu
19 d'audience. Nous voulons tous savoir de quoi nous parlons ici. Je comprends
20 que Me Alaburic ne veuille pas nécessairement parcourir toutes les
21 municipalités qui sont affirmées comme étant parties de l'Herceg-Bosna,
22 mais nous estimons qu'il y a une autre catégorie de territoire qui n'est ni
23 l'Herzégovine ni la Bosnie centrale.
24 Regardons la carte, vous l'avez à votre disposition, Messieurs les Juges,
25 nous serions éventuellement d'accord pour dire que quand on se sert du
26 terme de "Herzégovine occidentale," c'est peut-être ce qu'on appelle Livno,
27 Tomislavgrad, Posusje, Grude, Ljubuski, ces municipalités limitrophes. Mais
28 nous ne sommes pas d'accord pour dire que, par exemple, dans cette zone, il
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1 y a Jablanica, non pas que ceci fasse partie donc de la Bosnie centrale ni
2 de l'Herzégovine occidentale. Donc, lorsqu'on pose des questions à M.
3 Zuzul, qui ne délimite pas exactement le territoire décrit, ceci peut semer
4 la confusion ou le manque de clarté. Il faudra peut-être un peu plus de
5 détail si Me Alaburic veut être tout à fait exacte.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic.
7 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je remercie mon
8 collègue, M. Scott pour ce commentaire. Mais je dois avouer que je ne
9 comprends pas son objection sur le fond. J'aimerais simplement appeler
10 l'attention sur le fait que la question que j'ai posé au Dr Zuzul ne
11 concerne pas le territoire de l'Herceg-Bosna. Dans ma question, je parlais
12 des territoires qui sont inclus dans la Banovina en 1939 ainsi que des
13 territoires qui sont désignés comme des provinces croates aux termes du
14 plan Vance-Owen de janvier 1993. Donc, je n'ai à aucun moment parlé de
15 l'Herceg-Bosna, par conséquent, l'observation qui concerne Jablanica et
16 d'autres localités est considérée par moi comme totalement infondée et n'a
17 rien à voir avec le témoignage du Dr Zuzul qui n'est pas appelé à parler du
18 territoire de l'Herceg-Bosna mais qui est invité à parler de ce que je lui
19 ai demandé dans ma question. Et je crois d'ailleurs qu'il a répondu à ma
20 question -- excusez-moi, le témoin n'a pas répondu à ma question, donc je
21 demanderais Monsieur le Président, que l'on permette au témoin de répondre
22 à la question qui lui a été posée.
23 Q. Oublions que l'Herceg-Bosna a existé à quel que moment que ce soit, si
24 quelqu'un aujourd'hui souhaitait en Bosnie-Herzégovine créer une autre
25 entité, donc ce qu'on appelle une troisième entité. L'entité qu'il est
26 convenu d'appeler la Croatie ou l'entité croate. Est-ce que si l'on tient
27 compte des critères économiques ou de critère autres mais assimilés aux
28 critères économiques; est-ce que l'on pourrait penser à une entité
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1 régionale ou ethnique qui couvrirait donc les territoires incluant
2 l'Herzégovine occidentale, des parties de la Bosnie centrale et des parties
3 de la Posavina bosniaque ?
4 R. Ce que je peux dire dans ma déposition en me fondant sur ce que je sais
5 du travail effectué par les participants aux négociations, c'est que la
6 carte qu'ils ont établie est reposée sur les critères que vous venez
7 d'évoquer, c'est-à-dire sur les critères ethniques, les critères
8 économiques et les critères territoriaux. D'ailleurs ce sont des experts de
9 la communauté internationale qui ont établi cette carte. Il n'y avait parmi
10 eux aucun expert dépendant de l'un ou l'autre des parties aux négociations.
11 Mais, pour ma part, je pense que quel que soient l'expert qui ait établi
12 une telle carte, il serait parvenu à peu près à la même carte.
13 Q. Je vous remercie. J'aimerais maintenant Docteur Zuzul que vous nous
14 commentiez la possibilité d'une division de l'ex-Yougoslavie et que vous
15 nous parliez des états qui auraient pu en découler. Vous avez dans votre
16 document le document 4D -- la pièce
17 4D 540. Il s'agit de l'avis de la Commission Badinter. C'est donc déjà un
18 élément de preuve. On y trouve les conditions devant présider à la
19 reconnaissance de la République de l'ex-Yougoslavie en tant qu'état. Vous
20 n'avez pas besoin de lire l'intégralité de ce texte, vous vous en
21 souviendrez sans doute.
22 Mais, en tout cas, il y a un critère qui est évoqué qui confirme que
23 les Républiques de l'ex-Yougoslavie seront reconnues dans les frontières
24 qui étaient les leurs du temps de leur existence, frontières sur le plan
25 administratif.
26 Alors, Docteur Zuzul, est-ce que vous avez connaissance de l'avis de
27 la Commission Badinter ?
28 R. Bien que la Commission Badinter ait émis son avis avant que je ne
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1 commence à participer au travail diplomatique, en tant que simple citoyen
2 et plus tard en tant que diplomate, j'en avais connaissance. Donc, j'ai pu
3 dire sans la moindre réticence et très librement qu'une énorme majorité, je
4 dis bien une énorme majorité des habitants de la République de Croatie a
5 admis cette décision avec bonheur.
6 Après toutes les années qui se sont écoulées depuis, je puis dire que
7 c'était la seule décision acceptable, à savoir que les frontières des
8 nouveaux états ne peuvent être que celles qui étaient les anciennes
9 frontières des anciennes républiques de l'ex-Yougoslavie.
10 Q. Penchons-nous maintenant sur le document suivant, la pièce 4D
11 00542. C'est un document qui vient du conseil des ministres de la
12 Communauté européenne et qui s'intitule ligne directrice présidant à la
13 reconnaissance de nouveaux états d'Europe de l'Est de l'Union soviétique.
14 Ce document date de décembre 1991.
15 Et au dernier point de la page 1, nous lisons les mots qui suivent :
16 "Par reconnaissance de l'inviolabilité de toutes les frontières qui ne
17 peuvent être modifiées que par des voies pacifiques, et sur accord
18 conjoint."
19 Alors, Docteur Zuzul, je vous demande si vous connaissiez ce document
20 émanant du conseil des ministres de l'Union européenne ?
21 R. J'en avais connaissance. Il ressentait de ce document que la
22 Slavonie et la Croatie ont été reconnues un mois plus tard.
23 Q. Dites-nous, Docteur Zuzul, est-ce bien une réalité que tous les experts
24 professionnels de façon générale ont appuyé l'idée que les nouveaux Etats
25 émanant de l'ex-Yougoslavie devraient avoir comme frontière ce qu'il est
26 convenu d'appeler les frontières de l'AVNOJ ?
27 R. Absolument. Je dirai simplement quelque chose qui va peut-être un peu
28 au-delà de votre question, mais ce sont ces documents qui m'y ont fait
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1 penser. A plusieurs reprises durant le procès -- durant cette affaire, et
2 je l'ai remarqué également dans l'acte d'accusation, on trouve le désir de
3 la Croatie de demeurer dans les frontières de la Banovina croate, et le
4 document que nous avons maintenant à l'écran prouve l'absurdité d'une telle
5 idée de départ, ou en tout cas d'une telle inspiration, car la Banovina
6 croate n'englobait pas, en réalité, des parties très importantes de la
7 République de Croatie : l'Istrie, qui est l'une des régions les plus belles
8 et les plus importantes de la Croatie; la ville de Rijeka, qui a une
9 population de plus de 200 000 habitants; la ville de Zadar, qui a une
10 population de 100 000 habitants. Autrement dit, si quelqu'un devait
11 proposer aux habitants de la Croatie les frontières de la Banovina croate,
12 qui leur feraient perdre des territoires habités approximativement par un
13 demi million d'habitants aujourd'hui, des territoires qui,en tout état de
14 cause,font partie intégrante de la Croatie, donc,si on leur proposait cela
15 en leur offrant en échange quelque chose qui ni sur le plan territorial, ni
16 sur le plan historique, ne peut être comparé à ce qu'ils perdraient, je
17 pense que de telles personnes ne pourraient pas être considérées comme des
18 personnes sérieuses. Très sincèrement, je ne connais pas une seule personne
19 sérieuse qui aurait la moindre compétence -- ou même pas une seule personne
20 dans le public, dans -- dans la population qui, si on lui présentait la
21 carte actuelle de la République de Croatie, opterait en toute liberté pour
22 la Banovina croate.
23 Q. Je vous remercie, Docteur Zuzul. Vous avez ajouté un commentaire
24 intéressant. Vous avez ajouté -- et il convient d'ajouter la Banovina,
25 n'est-ce pas, que vous n'avez pas mentionnée ?
26 R. Oui, et la Banovina. C'est exact.
27 Q. Alors, penchons-nous maintenant sur un autre document qui est également
28 -- qui traite du même sujet. Il s'agit du document 34428 qui est également
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1 une pièce à conviction. C'est une note officielle émanant de la réunion
2 avec la délégation française. Elle a été établie par le général Anton Tus.
3 Et je vous renvoie à la page 2 de ce document. Je répète la cote du
4 document qui vient de la Défense du général Praljak, il s'agit de la pièce
5 3D 00482. Alors, en page 2, ce document date de janvier 1993 et concerne
6 une réunion qui a eu lieu le 13 janvier. En page 2 de ce document, on
7 reprend les propos du général Praljak, et ce sont ces propos que je vais
8 maintenant citer. Je cite : "Les Croates se déclarent favorables à une
9 République de Bosnie-Herzégovine intégrée dans le respect des droits de la
10 population croate. Les problèmes qui opposent les Musulmans et les Croates
11 en Bosnie-Herzégovine résultent des objectifs différents assignés au combat
12 politique. Les Croates luttent pour un Etat de Bosnie-Herzégovine qui
13 garantirait l'autonomie des Croates alors que les Musulmans se battent pour
14 un Etat civil. Il s'ensuit que les Croates sont les seuls à se battre
15 réellement pour un vrai Etat de Bosnie-Herzégovine." Et puis en page 3,
16 avant-dernier paragraphe, c'est le général Tus qui parle à la Conférence de
17 Genève, et il parle de la nécessité de créer sur un pied d'égalité un Etat
18 serbe en Bosnie-Herzégovine en disant que cette nécessité serait une erreur
19 qui ne contribuerait pas à résoudre la question serbe en République de
20 Croatie. En rapport avec ce document, et notamment en rapport avec l'idée
21 de départ exprimée par le général Tus, je vous pose la question suivante :
22 Docteur Zuzul, en tant que quelqu'un qui était très proche du président
23 Tudjman - et vous pouvez fournir votre témoignage sur ce que vous savez de
24 première main - est-ce que la République de Croatie, dans les frontières de
25 l'AVNOJ, avait la moindre valeur pour le président Tudjman, et est-ce qu'il
26 n'avait rien contre, quelles que soient les circonstances à votre avis ?
27 R. C'est absolument certain, c'est exact.
28 Q. A votre connaissance, le président Tudjman était-il au courant du fait
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1 qu'en divisant la Bosnie-Herzégovine pour créer un certain nombre d'Etats
2 indépendants, la question de la survivance des frontières des Républiques
3 de l'AVNOJ se poserait et même, la question de la survivance de la
4 République croate à l'intérieur des frontières AVNOJ ? En d'autres termes,
5 est-ce qu'une telle évolution en Bosnie-Herzégovine n'aurait pas légitimé
6 en Bosnie-Herzégovine l'exigence de la population serbe justifiant qu'elle
7 demande la création d'une troisième entité distincte en Bosnie-Herzégovine
8 ?
9 R. Je crois qu'il était conscient de cela, et il est tout à fait certain
10 qu'un tel risque existait. Je préfèrerais ne pas entrer maintenant dans le
11 fait de discuter dans quelle mesure une telle position aurait été légitime
12 en Croatie à l'époque, mais ce qui est un fait, c'est qu'en 1993 ou en
13 1994, les Serbes résidant en Krajina -- dans la Krajina croate, ainsi que
14 les Serbes résidant sur le territoire de la Republika Srpska de Bosnie-
15 Herzégovine avaient déjà pris et compris officiellement des décisions
16 allant dans le sens d'une unification -- d'une réunification entre eux, ce
17 qui - c'est certain - aurait mis en danger les frontières et même la
18 survivance de la République de Croatie.
19 Q. Docteur Zuzul, dites-nous, je vous prie, si le défunt président Tudjman
20 considérait que la communauté internationale était sérieuse lorsqu'elle
21 insistait sur le fait de ne pas permettre la moindre modification sous la
22 contrainte des frontières des anciennes Républiques de l'ex-Yougoslavie ?
23 R. Je considère qu'il pensait que la communauté internationale était
24 sérieuse à ce sujet et qu'il était convaincu que des modifications des
25 frontières par la force ne seraient pas autorisées. Mais il était souvent
26 question dans les négociations internationales d'une modification pacifique
27 des frontières.
28 Q. J'aimerais que vous précisiez un peu ce que vous venez de dire au sujet
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1 des négociations où il était question des modifications pacifiques des
2 frontières. Pourriez-vous nous dire exactement des frontières -- de quelles
3 frontières de la République de Croatie vous parlez ?
4 R. La seule exemples dont j'ai connaissance -- le seul cas où, à ma
5 connaissance, le président Tudjman a accepté de participer à de telles
6 négociations concernait la possibilité d'un échange de territoires dans le
7 secteur de Neum, en Bosnie-Herzégovine, donc, échanger cette région de Neum
8 contre une zone déterminée en Croatie. J'en ai déjà parlé. Nous avons reçu
9 des propositions d'échanges de territoires, et j'indiquerai à titre
10 d'exemple que j'ai entendu dire à plusieurs reprises que la République de
11 Croatie ne serait pas en mesure de restituer la Slavonie orientale, et
12 qu'il était donc préférable que nous négociions à ce sujet avec les Serbes
13 afin d'obtenir un échange de cette zone contre des terroristes de la
14 Posavina de Bosnie-Herzégovine, éventuellement, et à deux reprises, j'ai
15 entendu très nettement que la partie serbe nous proposait un échange de
16 cette zone contre les territoires occupés dans les environs de Knin.
17 Autrement dit, on nous proposait d'échanger un territoire croate contre un
18 autre territoire croate. Mais je n'ai à aucun moment constaté que le
19 président Tudjman aurait été prêt à accepter l'une quelconque de ces
20 propositions.
21 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous préciser ce que vous venez de dire au
22 sujet d'un échange concernant la zone de Neum. Est-ce que vous parliez des
23 pourparlers qui auraient dû résulter de la possibilité pour la Bosnie-
24 Herzégovine de disposer d'un port lui appartenant sur la côte adriatique,
25 port destiné à assurer son développement économique ?
26 R. Exact. La Bosnie-Herzégovine, ou pour être plus précis, les
27 représentants musulmans, revenaient en permanence sur la question de cette
28 sortie sur la mer, question qu'ils considéraient comme essentielle. Et au
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1 cours de toutes les négociations, la question qui suivait immédiatement
2 était la question de Neum et du statut de Neum.
3 Q. Docteur Zuzul, j'aimerais maintenant, par opposition à ce que nous
4 venons de voir des déclarations relatives à la réalité politique et aux
5 positions de la communauté internationale, que vous examiniez les
6 déclarations du président Tudjman au sujet des frontières de la République
7 de Croatie, qu'il qualifiait d'absurdes ou de frontières qui n'étaient pas
8 naturelles. Il disait que la Croatie était le seul Etat du monde qui
9 présentait un aspect de croissant et affirmait que ce n'était pas naturel.
10 Alors, voici ma question : nous venons d'évoquer ces déclarations du
11 président Tudjman au sujet de l'aspect non naturel des frontières; est-ce
12 que ces déclarations pouvaient être lues par l'opinion publique croate dans
13 les journaux, ou est-ce qu'elle pouvait entendre le président Tudjman en
14 parler à la télévision ? Est-ce qu'elle pouvait trouver trace de cela dans
15 les médias ?
16 R. Je crois que oui.
17 Q. Nous pouvons donc conclure que ces déclarations du président Tudjman
18 n'ont pas été connues par quoi que ce soit grâce à des moyens d'espionnage
19 ou à des écoutes secrètes, n'est-ce pas ?
20 R. Exact. Et je vous donnerais mon exemple. Si je me souviens bien, le
21 président Tudjman a prononcé une déclaration de ce genre au cours d'un
22 débat public dès la période qui précédait les premières élections
23 démocratiques en Croatie.
24 Q. Vous pensez de cette déclaration sur le croissant, n'est-ce pas ?
25 R. C'est cela.
26 Q. Dites-nous, le défunt président Tudjman était historien, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Puisque vous étiez son collaborateur et que vous occupiez un poste
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1 important dans le monde politique en Croatie, auriez-vous à aucun moment
2 considéré que de telles déclarations faisaient partie des responsabilités
3 officielles ou des comportements politiques du président Tudjman et
4 qu'elles pouvaient avoir un effet sur la politique étrangère de la Croatie
5 et la politique de l'Etat de façon générale ?
6 R. Si vous me donnez un peu de temps, je vais pouvoir vous détailler mon
7 impression. J'ai toujours eu le sentiment que le président Tudjman abordait
8 certains problèmes sous deux angles. Premier angle, en sa qualité
9 d'historien qui a consacré plusieurs décennies de sa vie à étudier la
10 situation sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, notamment les relations
11 liant les différentes populations habitant ces -- ce territoire, et qu'il
12 l'a fait aussi en tant qu'historien philosophe, si je puis me permettre
13 cette expression, donc, en tant qu'historien philosophe, j'ai le sentiment
14 qu'il appréciait de réfléchir aux grandes théories qui ont présidé aux
15 solutions internationales les plus importantes. Donc, lorsque -- lorsqu'il
16 s'exprimait dans ces termes -- lorsqu'il s'exprimait en tant qu'historien
17 et théoricien de l'histoire, le Dr Franjo Tudjman était capable de traiter
18 de tous les problèmes liés à la création de la Bosnie-Herzégovine et à
19 toutes les difficultés qui ont surgi sur le territoire de la première ainsi
20 que de la seconde Yougoslavie, et il lui arrivait aussi, c'est vrai,
21 d'exprimer quelques doutes quant à la possibilité qu'avait la Bosnie-
22 Herzégovine de survivre dans l'avenir. D'ailleurs, il n'est pas le seul
23 historien, il n'est pas le seul responsable politique, et il n'est pas non
24 plus le seul philosophe qui exprimait de telles positions à l'époque.
25 Certains les expriment toujours aujourd'hui. Mais en tant que responsable
26 d'un Etat qui, comme il le disait lui-même, s'était vu offrir la
27 possibilité historique de créer un Etat de Croatie indépendant, à mon avis,
28 il a agi de façon rationnelle et pragmatique en admettant le fait que la
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1 Bosnie-Herzégovine avait été reconnue en tant qu'Etat et à en juger par son
2 comportement, en tant que chef d'Etat, je conclurais et je vais vous dire
3 ma pensée très clairement. Donc, son action - et là, je parle de des
4 consignes qu'il nous donnait à nous diplomates ainsi qu'à d'autres, j'en
5 suis certain - donc, ces consignes -- ces instructions allaient toujours
6 dans le sens de la préservation de la Bosnie-Herzégovine mais également
7 dans le sens de la protection nécessaire pour les Croates habitant sur le
8 territoire de la Bosnie-Herzégovine.
9 Q. Merci d'avoir apporté ces explications complémentaires.
10 Docteur Zuzul, dites-nous, je vous prie, si, en étant présent à l'occasion
11 de ces négociations internationales, vous avez pu observer des participants
12 à ces négociations non pas seulement en leur qualité enfin du point de vue
13 politique mais en votre qualité de
14 psychologue ?
15 R. J'ai été formé en qualité de psychologue. J'ai suivi un entraînement
16 puisque j'ai passé une bonne partie de ma vie comme enseignant, professeur
17 de psychologie, et je suppose que je pourrais utiliser une analogie de ce
18 type. Comme vous, éminents juristes pour la plupart, vous avez du mal à
19 vous pencher sur des documents sans pour autant relever les aspects
20 juridiques contenus dans ce document. Donc, il est probable que, pour la
21 plupart d'entre nous psychologues, il est difficile d'éviter un fait, à
22 savoir celui que nous avons été formés en tant que psychologue. Ceci dit,
23 je n'affirme pas que mes conclusions ou les conclusions de quel que d'autre
24 psychologue que ce soit se trouveraient être plus exactes que celles d'un
25 observateur profane, observateur ordinaire.
26 Q. Je me propose de vous montrer des documents et j'aimerais vous demander
27 des commentaires pour ce qui est des éléments défendus par la délégation
28 d'Alija Izetbegovic qui est l'une des parties en conflit en Bosnie-
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1 Herzégovine, et j'imagine que ces déclarations et vos commentaires
2 permettront aux Juges de mieux comprendre ce qui se passait véritable.
3 Le premier document dans mon jeu de documents est le 4D 01118. Il
4 s'agit d'une transcription d'une session de la présidence de la République
5 de Bosnie-Herzégovine datée du 26 novembre 1993.
6 Alors, Docteur Zuzul, je voudrais vous poser une question au sujet de
7 la page 4 de cette transcription dans notre langue à nous, et en version
8 anglaise c'est la page qui porte le DD 003364. Alors, entre autres, ici il
9 est question de démilitarisation. D'après vos souvenirs, ce sujet relatif à
10 la démilitarisation a-t-il fait partie des sujets étudiés aux négociations
11 internationales ?
12 R. Oui, ça et là, il a été bel et bien question de démilitarisation.
13 Q. Penchons-nous sur ce qu'a dit Alija Izetbegovic au sujet de la
14 position prise par sa délégation, je cite : "Je dirais deux ou trois mots
15 au sujet de la démilitarisation. Il convient de défendre aussi une autre
16 thèse. Lorsque nous avons accepté cette démilitarisation, nous avons
17 réfléchi ainsi, personne ne rendra les armes légères, c'est sûr. Par
18 conséquent, qui est-ce qui sera démilitarisé ? Ce seront les parties qui
19 auront des armes lourdes, par conséquent, nous, on n'est pas concerné.
20 C'est ainsi que nous raisonnions du point de vue de ces différentes
21 démilitarisations, cela ne nous concernerait pas, ce sont les autres qui
22 devraient restituer les chars et placer sous contrôle l'artillerie lourde.
23 Ils ont restitué 100 chars - je me rectifie - ils restitueraient 100 chars,
24 nous, on en restituerait quatre ou dix; je ne sais pas quel est le ratio à
25 présent. Il en va de même pour l'artillerie, ratio de 1 pour 10. Les armes
26 légères vont être cachées par tout un chacun, bien sûr, ou alors seront
27 confiées à la police. Aussi avons-nous estimé que cela constituerait une
28 façon d'enlever ces chars de la Bosnie ? Cependant, après avoir inspecté la
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1 Bosnie-Herzégovine, par ici, il nous semblerait qu'il nous faudrait une
2 armée et qu'il faudrait assurer sur le plan juridique -- je m'excuse le lis
3 la phrase et il faut qu'elle existe en tant qu'ABiH, ce qui ne nous
4 convient pas c'est cette démilitarisation de la Bosnie-Herzégovine parce
5 que personne ne nous défendra."
6 Alors, Docteur Zuzul, d'après ce que vous en savez, la délégation
7 musulmane, à savoir bosnienne, s'était-elle employée véritablement en
8 faveur d'une démilitarisation, à un moment donné, et au bout d'un certain
9 temps, a-t-elle cessé de s'employer en faveur de ce principe parce qu'ils
10 ont jugé que cela mettrait en péril ou porterait préjudice à leurs intérêts
11 à eux ? Alors, aviez-vous des informations quelconques à ce sujet ?
12 R. Je pense que personnellement que la démilitarisation n'a jamais
13 été prise par qui que ce soit au sérieux en tant qu'option parce qu'il
14 était tout à fait clair que la partie serbe, voire l'armée yougoslave
15 n'était pas disposée à restituer ces armes. Et il était tout aussi clair
16 que la communauté internationale n'avait pas la détermination qu'il fallait
17 pour les déposséder de ces armes. Il est certain que la Croatie aussi et
18 notamment la partie musulmane au tout début de la guerre verrait cette
19 démilitarisation d'un bon œil. Mais comme je vous l'ai déjà dit, personne
20 n'y prêtait foi.
21 Néanmoins si vous le permettez, je voudrais faire un commentaire en
22 ma qualité de psychologue. J'ai connu et j'avais de l'estime pour M. Alija
23 Izetbegovic, en sa qualité d'individu qui était profondément préoccupé, on
24 le voyait profondément préoccupé par le sort, la destinée de son peuple. Il
25 me semble cependant que ce paragraphe dont vous avez donné lecture était
26 assez typique de sa personne au cours des négociations. Car, dans un bref
27 passage, il défend lui-même deux thèses qui se trouvent à l'opposé l'une de
28 l'autre. Dans les quelques premières phrases, il s'emploie en faveur de la
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1 démilitarisation, et dans les quelques phrases suivantes, il est contre et
2 il s'adresse à son parlement à lui, si je ne m'abuse. Ça arrivait assez
3 souvent lors des négociations aussi, y compris les négociations directes,
4 les entretiens, les pourparlers.
5 Si vous le permettez, j'aimerais faire une observation. Il me
6 semblait que parfois cela créait des malentendus du point de vue de la
7 communication qu'il y avait, qui circulait entre lui et le président
8 Tudjman. Ce dernier de règles lorsqu'il prenait une décision et il les
9 prenait de façon relativement ferme, et à ce moment-là, cette décision il
10 voulait la mettre en œuvre. Le président Izetbegovic, lui - et là, je
11 précise une fois de plus que c'est une expérience personnelle qui est la
12 mienne - avait beaucoup de mal à prendre une décision et quand il en
13 prenait une, il n'était pas sûr de le voir -- on n'était pas sûr de le voir
14 près à la mettre en œuvre ou pas. Et je dirais une fois de plus que je n'ai
15 pas voulu dire quoi que ce soit de mal à son sujet. Il me semble que bon
16 nombre de ceux qui comme moi ont eu l'occasion de l'observer, se
17 trouveraient être d'accord avec cette conclusion-là.
18 Q. Docteur Zuzul, vous venez de nous présenter une conclusion à laquelle
19 j'avais souhaité aboutir après examen de l'une de ces transcriptions. Mais,
20 bon, je pense que vos thèses on pourra les confirmer dans la suite comme
21 étant des observations tout à fait exactes. Penchez-vous sur la partie
22 suivante de cette transcription qui en page croate se trouve être à la page
23 13, et au-delà -- et en version anglaise, c'est le 1D 003374, et au-delà,
24 il s'agit d'un texte relativement long. Je me propose de le résumer et je
25 le pense pouvoir le faire de façon correcte.
26 Alija Izetbegovic prévient du fait que seul l'Amérique est favorable à une
27 Bosnie intégrale, et à l'intention du Juge Antonetti, je vais citer la
28 partie relative à la France : "Et bien, cela ne sert à rien puisque la
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1 politique en France est conduite par le président Mitterrand."
2 Et on voit plus loin comment Izetbegovic et ses dirigeants étaient
3 favorables à une Bosnie-Herzégovine unitariste et unique, unifiée.
4 Et je cite maintenant une partie qui figure vers la moitié de cette
5 première partie, ce premier segment : "Je répète à présent la partie de ma
6 question. Après cette observation au sujet de la France et de Mitterrand,
7 Alija Izetbegovic fait savoir que l'objectif de sa politique est une Bosnie
8 intégrée."
9 Et ensuite, je cite : "Je ne vois pas en ce moment si des forces quelles
10 quel soient qui seraient capable de réaliser cette idée. Je ne les vois
11 pas. Montrez-moi du doigt quelles sont ces forces-là, qui pourraient nous
12 faire aboutir à une Bosnie intégrée. Ici si vous avez à l'esprit l'armée
13 elle peut défendre ces régions-ci, ici, et exercer des pressions et nous
14 autres moyennant la politique que nous défendons, aboutir à l'élargir
15 quelque peu. Mais l'armée n'a pas la force qu'il faut pour arriver jusqu'à
16 Banja Luka. Et ce n'est même pas la peine de le dire. Il n'y a que des gens
17 qui sous la coupe d'illusion qui peuvent l'affirmer."
18 Et là, je m'arrête parce que la phrase continue.
19 Alors, Docteur Zuzul, pour commencer, Banja Luka c'était la capitale
20 de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?
21 R. L'une des deux principales villes que les Serbes ont considéré de la
22 sorte; il y avait Banja Luka et l'autre ville c'était Pale. Il est certain
23 qu'il s'agissait de régions occupées par les Serbes.
24 Q. En votre qualité de connaisseur de la situation à l'époque, est-ce
25 qu'Alija Izetbegovic voulait dire en réalité que l'ABiH n'avait pas la
26 force d'arriver jusqu'à Banja Luka, à savoir libérer la Bosnie-Herzégovine
27 de l'armée de la Republika Srpska, n'est-ce
28 pas ?
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1 R. Je pense que votre interprétation est tout à fait exacte.
2 Q. Docteur Zuzul, partant de vos présences aux Conférences
3 internationales, était-il apparent que cette délégation musulmane de Bosnie
4 --
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Alaburic,
6 revenons à votre question précédente. Moi, j'ai compris que vous demandiez
7 si c'était l'une ou l'autre des possibilités. Et la réponse est ceci : "Je
8 pense que votre interprétation est correcte." Et vous, vous demandiez si
9 c'était un choix. Sans doute, vous attendiez, vous, à ce que le témoin
10 répondre en choisissant l'une ou l'autre des possibilités. Il ne peut pas
11 répondre comme il l'a fait en disant : "Oui, c'est tout à fait exact." Vous
12 savez, ici c'est une exception à la règle dans laquelle, à savoir qu'on
13 doit répondre : "Oui, non, ou je ne sais pas." C'est peut-être un problème
14 sémantique. Je parle de la page 26, lignes 6 à 9.
15 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, si je puis apporter un
16 éclaircissement. Ici le "ou," "or" se rapporte à une notion, à savoir deux
17 notions : arriver jusqu'à Banja Luka ou libérer ce territoire. Donc, vous
18 pouvez l'interpréter comme vous voulez. Pour les Serbes, ce serait une
19 agression; pour les Croates et les Musulmans, ce serait une libération
20 d'une partie de ce territoire de la Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, ma
21 question n'est pas une question alternative avec -- ou comportant des
22 alternatifs, mais c'est la libération qui est une notion alternative pour
23 ce qui est de l'arrivée de l'ABiH jusqu'à Banja Luka. Et je pense que c'est
24 ainsi que M. Zuzul a compris la chose.
25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Il a dit qu'il n'avait pas
26 reçu de traduction non plus. Mais ça c'est plus facile pour lui puisqu'il
27 vous comprend. Merci de cette explication, Maître.
28 Mme ALABURIC : [interprétation] Fort bien.
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1 Q. Docteur Zuzul, il me semble que vous vouliez ajouter quelque chose; si
2 ce n'est pas le cas on peut passer à autre chose -- à une question
3 suivante. Je voulais vous demander si, à votre connaissance, lors de ces
4 Conférences internationales, il apparaissait clairement que les délégations
5 bosniennes, voire musulmanes, s'employaient en faveur d'une Bosnie-
6 Herzégovine unifiée. Quand on dit "unifiée," c'est contraire à un Etat
7 complexe, c'est-à-dire fédération, confédération ou quoi que ce soit de ce
8 genre-là ?
9 R. Si l'on devait tracer une ligne, voire recourir à un qualificatif
10 concernant le comportement des délégations bosniennes, voire musulmanes, je
11 pense véritablement que c'était cette intervention en faveur d'un Etat
12 unifié, mais dans le sens de "unitariste". Qui plus est, c'est plutôt du
13 point de vue politique que je l'entends que du point de vue territorial.
14 Q. Merci de cette réponse.
15 Penchons-nous sur la partie suivante du PV, page 19, version croate et
16 version anglaise, c'est le 3380. C'est une conclusion plutôt courte de la
17 part d'Alija Izetbegovic. Je vais en donner lecture intégralement. Je cite
18 : "Nous pouvons conclure d'une chose jusqu'à présent. Voire une délégation
19 aller là-bas, avoir plus ou moins d'une plate-forme que l'on connaît, plus
20 les efforts relatifs à l'élargissement des fonctions et des territoires et,
21 par surcroît, l'absence d'une signature, et ainsi de suite. Est-ce qu'avec
22 ces instructions-là, on peut aller là-bas, être vu et revenir chez
23 nous ?"
24 Alors, partant de là, Docteur Zuzul, il découlerait de façon
25 inéquivoque que la délégation bosnienne a pour instruction de ne rien
26 signer, d'aller négocier et de revenir sans signature du tout. Est-ce que,
27 de votre avis -- de votre expérience, il y aurait eu des situations où les
28 délégations bosniennes se comportaient bel et bien ainsi ?
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1 R. Je n'ai jusqu'à présent jamais eu l'occasion de voir une forme aussi
2 claire que celle-ci pour ce qui est de M. Alija Izetbegovic s'adressant à
3 sa délégation. Mais, vraiment, j'ai souvent en l'impression qu'ils ne
4 s'efforçaient pas de trouver une solution. Ils étaient plutôt là pour
5 négocier -- donc, pour négocier, voire encore pour gagner du temps.
6 Q. Merci. Nous verrons au-delà et ultérieurement comment vont évoluer les
7 positions de la délégation musulmane. Penchez-vous maintenant sur le 4D
8 01052. 01052. Il s'agit d'une transcription d'une session de la présidence
9 de la République de Bosnie-Herzégovine du 29 décembre 1993.
10 J'ai choisi des parties que j'ai jugées importantes. Peut-être une partie
11 qui n'est pas si importante que cela, mais qui est intéressante -- excusez-
12 moi. Version anglaise, il s'agit -- non, version croate, il s'agit -- nous
13 allons suivre la numérotation qui figure en bas à droite.
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Alaburic, il se
15 peut que j'aie de nouveau mal compris quelque chose. Ici, nous avons un
16 titre -- un numéro, et c'est une réunion du
17 29 décembre. Mais ensuite, nous avons le compte rendu -- le transcript lui-
18 même, qui parle du 26 décembre. Alors qu'est-ce que j'ai mal compris ?
19 Pourriez-vous me le dire ?
20 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, j'aimerais que
21 vous m'indiquiez où est-ce qu'on dit 26 décembre, au juste, parce que, moi,
22 je ne retrouve pas cette date dans mon document.
23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais c'est la toute première page.
24 En anglais, dans la traduction.
25 Mme ALABURIC : [interprétation] Oui, je viens de le voir. C'est une erreur
26 de traduction. Une erreur dans version anglaise. Il s'agit de la 233e
27 session, ce n'est pas contesté, mais dans l'original, vous pouvez voir
28 qu'il s'agit du 29 décembre, et c'est le traducteur qui a fait une erreur.
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1 Je m'excuse de ne pas avoir relevé cela. Je n'ai pas contrôlé la traduction
2 dans tous ses moindres détails.
3 M. LE JUGE TRECHSEL : Je vous remercie.
4 Mme ALABURIC : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
5 Q. Alors, ce que je voulais pour commencer vous entendre commenter, c'est
6 suivre cette numérotation dans la version -- dans notre langue, donc, les
7 numéros qui se trouvent en bas à droite. Et je vous demande de vous pencher
8 sur le 0700, version anglaise, il s'agit de la 26e et 27e page. Je vous
9 dirai brièvement de quoi s'occupe la présidence de la Bosnie-Herzégovine.
10 Ils sont en train de dire que ce n'est pas une bonne chose de -- que de
11 voir l'armée à Boban qualifiée de Ustasha, parce que suivant une enquête
12 d'un hebdomadaire politique de Zagreb appelé Globus, la direction de
13 l'Herceg-Bosna avait 200 et quelques années
14 -- 521 ans de -- d'affiliation au parti et qu'il n'y avait aucun Ustasha
15 parmi ces gens-là. Par conséquent, on ne devrait pas les qualifier
16 d'Oustacha. Alors, comment remplacer la terminologie : terroristes,
17 fascistes, bandits de grands chemins, vampires, et que sais-je. On parle
18 donc de Vampires, d'Hommes à Boban, et ce genre de chose.
19 Alors, d'après vous, Docteur Zuzul, la politique officielle d'Alija
20 Izetbegovic, comment qualifiait-elle la direction de l'Herceg-Bosna et les
21 commandants du HVO ? Avez-vous des informations à ce sujet ou pas ?
22 R. Je ne me permettrais pas de parler de la façon officielle dont cela
23 était qualifié, et on parle ici d'un argot, le fait est que les médias et
24 le parler au commun avait coutume de recourir à des moyens d'identification
25 très simplistes et simplifiés datant de la Deuxième Guerre mondiale pour
26 parler d'Ustasha et de Chetniks. Parmi les Croates et les Musulmans de
27 Bosnie-Herzégovine, ça ne pouvait pas être utilisé compte tenu des
28 analogies de la Deuxième Guerre mondiale parce qu'il y avait des uns et des
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1 autres -- tant des Croates que des Musulmans se trouvant du côté des
2 Partisans, mais aussi du côté des Oustacha.
3 Donc, c'est un parler de la rue, au sens politique, je veux parler aussi de
4 cette politique, entre guillemets, de sous-sol qui entrait en utilisation
5 de façon générale. Je n'ai pas remarqué qu'il ait été fait recours à ce
6 type d'argot aux réunions officielles, mais j'étais conscient du fait que
7 la communication, d'une manière générale, s'en trouvait plus difficile.
8 Tant entre les nations qu'entre les hommes politiques.
9 Q. Merci, Docteur Zuzul. Penchons-nous maintenant sur une déclaration
10 d'Alija Izetbegovic en page 703 et au-delà. Version anglaise, il s'agit de
11 la page 29 et au-delà. C'est fin décembre 1993. L'armée de Bosnie-
12 Herzégovine mène une offensive sur le territoire de la Bosnie centrale. On
13 en arrivera à cette partie de la transcription. Ce qui m'intéresse à
14 présent, c'est la chose suivante, je cite : "Lorsqu'il s'agit du
15 comportement concret de l'armée en Bosnie centrale, ce qu'ils disent
16 s'agissant des négociations, c'est à la lettre la chose suivante : Rien
17 n'est convenu avant que tout ne soit arrêté, par conséquent, la Bosnie
18 centrale ce n'est pas convenu. L'armée a le droit de recours à une liberté
19 d'action car rien n'a encore été arrêté."
20 Docteur Zuzul, d'après les connaissances qui sont les vôtres, la politique
21 de la délégation musulmane était-elle véritablement celle-là, à savoir
22 laisser à chaque fois de côté un sujet sans qu'on ait abouti à un accord
23 sur ce sujet-là ? Et, compte tenu de cette politique que rien n'est convenu
24 tant que tout n'a pas été arrêté, il y a de nouveau un débat de relancé sur
25 ces mêmes questions, alors que d'autres intervenants estimaient qu'on avait
26 déjà abouti à des solutions sur ces mêmes sujets.
27 R. Je ne peux pas affirmer pour ma part si la partie bosnienne voire
28 musulmane le faisait délibérément. Moi, j'étais présent plusieurs fois, et
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1 à l'occasion de plusieurs négociations où non seulement M. Izetbegovic mais
2 d'autres représentants des Musulmans présentaient des positions suivant
3 lesquelles rien n'est convenu tant que la totalité des sujets ne se trouve
4 être arrêtée.
5 Je me souviens même assez bien d'une situation où à l'occasion d'une
6 pause dans les négociations et ce en ma qualité de personne ayant déjà
7 commencé à vaquer à la théorie des négociations où j'ai commencé sur un
8 plan intellectuel non pas politique de prouver qu'avec une telle approche
9 il se trouverait impossible d'arriver, d'aboutir dans les négociations à
10 des relations quelles que complexes que ce soit, et ceci se trouverait être
11 confirmé par tout manuel lié aux négociations ou relatif à des
12 négociations. Toujours est-il qu'ils insistaient de façon persistante sur
13 cette façon de faire et cela laissait les négociations constamment ouvertes
14 sans que l'on aboutisse à des conclusions.
15 D'autre part, les négociateurs internationaux préféraient ce type
16 d'attitude parce que ça leur permettait de laisser les négociations
17 ouvertes eux aussi.
18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur
19 Zuzul, d'après vous, est-ce qu'il s'agit d'une mauvaise attitude, rien ne
20 fait l'objet d'un accord tant que tout n'a pas fait l'objet d'un accord, ou
21 est-ce que c'est une attitude tout à fait possible dans le cadre des
22 négociations ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela est une position possible et a bien des
24 négociations fort présentes. Mais dans la plupart des négociations les plus
25 complexes - et là, il s'agissait de négociations fort complexes - ce type
26 d'attitude, à mon avis, et je pense que la plupart des experts en la
27 matière tomberaient d'accord avec moi; cela mène à une impossibilité
28 d'aboutir à un accord.
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1 Par exemple, si je puis illustrer, pour convenir de solutions politiques il
2 faut qu'auparavant convenir d'un cessez-le-feu. Si vous dites nous ne
3 pouvons convenir un cessez-le-feu car nous n'avons pas convenu de solutions
4 politiques, cela interdit l'aboutissement à un accord quel qu'il soit.
5 Pour être concret -- pour parler dans le concret, maintenant, ça me
6 revient, lorsque sur le principe on tombait d'abord sur un cadre de
7 solution à appliquer à la Bosnie-Herzégovine, on disait : "Oui, certes mais
8 on n'est pas tombé d'accord sur la délimitation des différentes
9 municipalités."
10 Mais d'autre part, donc, l'accord obtenu sur d'autres éléments n'est
11 pas valide puisqu'on n'a pas tout convenu. Du point de vue de la théorie et
12 de la pratique des négociations, vous ne pouvez pas convenir des
13 spécificités, des détails si vous n'êtes pas tombé d'accord sur les lignes
14 générales du cadre, en tant que tel. Ça a été mon opinion à l'époque et je
15 pense la même chose au jour d'aujourd'hui.
16 Ce que je n'oserais pas affirmer, c'est de dire que la partie
17 musulmane le faisait du fait d'une obstruction sciemment faite vis-à-vis de
18 ces négociations. Et, à plusieurs reprises, je me suis servi du terme
19 gagner du temps, temporiser, parce que j'avais l'impression que cette
20 partie musulmane et en particulier le président Izetbegovic était convaincu
21 qu'avec le temps, au fil du temps, cette position dans les négociations ne
22 ferait que se renforcer. Cela peut n'être que mon impression à moi.
23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause parce que c'est l'heure. On va
25 faire une pause de 20 minutes.
26 J'indique à la Défense Petkovic qu'il lui reste 45 minutes.
27 --- L'audience est suspendue à 15 heures 52.
28 --- L'audience est reprise à 16 heures 12.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. Je crois que le Juge
2 Prandler a une question à poser.
3 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie, et je suis désolé
4 de vous prendre un peu de temps, Maître Alaburic, mais ma question ne
5 durera qu'une minute; enfin, ce n'est pas votre temps tout à fait. Et je
6 voulais tout simplement obtenir une petite confirmation de votre part, et
7 j'aurais aimé poser la même question à M. Zuzul, que M. le Juge Trechsel.
8 Vu mon expérience dans le domaine en question, à savoir les
9 négociations internationales, je pense que le principe qui a été mentionné
10 est un principe positif de façon générale. Donc, sans trop nous appesantir
11 sur cette question, je souhaiterais vous demander la chose suivante,
12 Monsieur Zuzul : est-ce que vous pensez véritablement que le principe en
13 question a empêché la partie croate de poursuivre les négociations et
14 d'aboutir à des résultats positifs ? Voilà ma question.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, absolument pas. Cela n'a pas empêché la
16 partie croate et la partie croate ne l'a jamais abordé que comme quelque
17 chose qui pourrait être négatif. Il s'est agi, si vous me permettez de
18 préciser, d'une position qui était celle de la partie musulmane dans les
19 conditions suivantes : lorsque vous avez des négociations durables vous
20 passez des jours, des jours, à discuter, et vous arrivez sur un point à un
21 accord, et pour autant que l'une ou l'autre des parties s'en tienne au
22 principe consistant à penser que rien n'est conclu tant que tout n'est pas
23 conclu. Et si l'on ajoute à cela la possibilité d'interpréter ce principe
24 en estimant que tout ce qui a été conclu précédemment s'annule, alors, dans
25 la pratique, cela peut entraver n'importe laquelle négociation. Pour ma
26 part, j'ai interprété ce principe de cette façon et il n'est arrivé de
27 penser que la partie musulmane l'a interprété de cette façon aussi.
28 Et si vous permettez, j'aimerais apporter une illustration
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1 supplémentaire. Alors, qu'est-ce qui se passe ? Nous négocions un jour,
2 deux jours, des dizaines de jours, mais si l'une des parties s'en tient au
3 principe consistant à penser que rien de ce qui a été débattu ne vaut rien,
4 tant que le dernier jour, nous n'avons pas mis un point final surtout quand
5 nous ne sommes pas entendus sur tout, alors, il arrivait au moment où cette
6 partie peut dire : "Et bien, tout ce qui a été conclu jusqu'à présent et
7 entendu jusqu'à présent ne vaut plus rien, il faut tout recommencer depuis
8 le départ."
9 Ce que j'ai dit, c'est que : dans la pratique et dans la théorie, si
10 on s'en tient à un principe de ce genre, cela aboutit à l'impossibilité de
11 conclure un accord. Quant à mon idée selon laquelle il arrive parfois, je
12 ne dis pas toujours, mais il arrive parfois que les pourparlers se mènent
13 dans ces conditions, j'ai toujours la même idée. Et j'espère avoir répondu
14 à votre question, Monsieur le Juge.
15 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur
16 Zuzul.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, vous avez la parole. J'ai été trop
18 généreux tout à l'heure; je vous ai dit 45 minutes, les décomptes me disent
19 43 minutes.
20 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie de
21 votre générosité, et j'espérais être en mesure de vous rendre votre
22 générosité en utilisant pas l'intégralité de ces
23 43 minutes.
24 Q. Docteur Zuzul, je remercie les Juges des questions qu'ils vous ont
25 posées, et j'aimerais à présent que nous nous en résumions à deux positions
26 fondamentales. Pouvons-nous convenir que si l'on atteint pas un accord sur
27 tous les éléments en discussion, l'accord n'est pas conclu; c'est bien cela
28 ?
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1 R. Bien entendu.
2 Q. Et, dites-moi, Docteur Zuzul, si l'une des négociations qui participe
3 aux négociations, même les négociations consciencieusement et délibérément
4 de façon à ce qu'il n'y ait jamais la possibilité de s'entendre sur tous
5 les éléments en discussion pour que ce principe selon lequel l'accord n'est
6 pas conclu tant qu'un accord n'existait pas sur tous les éléments en
7 discussion; est-ce qu'une partie qui agit de cette façon n'empêche pas un
8 accord de se combler ? Est-ce que ce n'est pas une façon d'éviter que la
9 solution au problème soit trouvée ?
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Alaburic, je me demande s'il
11 est bon d'utiliser le terme "délibéré," une fois encore, sachant que le
12 témoin a déclaré qu'il ne pouvait confirmer qu'il y avait une politique
13 délibérée. Je pense que ce n'est pas tout à fait correct. Peut-être
14 pourriez-vous reformuler votre question ?
15 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, ma question, celle que je
16 viens de poser, est une question très générale qui n'a rien à voir avec la
17 politique de la partie musulmane. C'est une question générale qui peut
18 concerner d'autres situations impliquant, y compris les Croates. Je ne
19 tiens pas à interroger ce témoin sur les positions de principe, car nous le
20 ferons avec d'autres témoins et nous avons déjà pas mal de documents qui le
21 font.
22 Q. Donc, ma question je vous la répète, Docteur Zuzul : si une délégation
23 se comporte de cette façon délibérément et consciencieusement et que
24 certains problèmes restent irrésolus, est-ce que l'on ne peut pas
25 considérer une telle façon de faire comme désireuse de ne pas conclure
26 l'accord ?
27 R. Je pense qu'on peut interpréter les choses ainsi, j'en suis certain, et
28 j'ai essayé de le dire dans ma réponse à M. le Juge Prandler. Je pense
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1 qu'il peut s'agir effectivement d'obstruction, à savoir que si un principe
2 légitime est considéré comme un principe absolu, et là, je parle du
3 principe selon lequel tant que tout n'est pas conclu rien n'est conclu, et
4 ce principe dans ce cas peut être utilisé pour détruire l'ensemble du
5 processus. Ce principe est un bon principe lorsque les participants aux
6 négociations négocient dans un esprit de bonne volonté et de désir
7 d'aboutir à un accord. Mais, dans le cas contraire, cela peut être une
8 obstruction à la conclusion d'un accord.
9 Q. Je vous remercie, Docteur Zuzul. Continuons à analyser ce texte. Il est
10 question des attaques sur Vitez, en page 704 de la version croate, et en
11 page 29 de la version anglaise, Stjepan Kljuic s'efforce de poser la
12 question de savoir s'il ne serait pas bon que l'armija de Bosnie-
13 Herzégovine se lance dans la libération de Foca plutôt que d'aller dans la
14 direction de Vitez. Et nous lisons que : "Du point de vue de la Bosnie-
15 Herzégovine et du point de vue de la population musulmane, il pourrait se
16 faire que Foca soit plus important."
17 Alors, Docteur Zuzul, savez-vous quelle était la partie belligérante qui
18 tenait sur son contrôle la ville de Foca ?
19 R. Je ne serais vous le dire en cet instant. Mais à en juger par les
20 phrases que je lis dans ce texte -- enfin je préférerais en fait ne pas me
21 lancer dans une interprétation des mots de M. Stjepan Kljuic.
22 Q. Quelles pages plus tard, c'est-à-dire en page 709 de la version croate,
23 et en pages 33, 34, de la version anglaise, M. Siber, qui était le
24 commandant adjoint de l'ABiH, et je pense que sa position est intéressante
25 car nous pourrons voir qui attaquait qui, dit ce qui suit, et je cite en
26 page 710, la fin de son propos -- je cite : "Je suis en train de vous dire
27 que l'ABiH a une force suffisante s'agissant de Busovaca, Vitez et d'une
28 partie de Novi Travnik tenus actuellement par le HVO sous le commandement
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1 absolu des hommes de Boban, donc, des Herzégoviens, et ce n'est pas le cas
2 de Kiseljak qui est tenu par la FORPRONU et où on ne peut rien faire. Donc,
3 je vous dis que l'ABiH a les moyens et les forces suffisantes pour entrer
4 dans ces localités dans un délai de 48 heures. Et, si nous parlons de
5 Mostar, la même chose se passera sur la rive gauche de Mostar. Quant à
6 l'industrie de Vitez, et notamment les segments de l'industrie de Vitez qui
7 importe pour cet Etat, la même chose s'y passera."
8 Alors, je vous pose la question suivante : Docteur Zuzul, est-ce que vous
9 saviez que, vers la fin de 1993, donc, à l'époque des négociations, l'ABiH
10 était en train de délibérément lancer une action destinée à libérer
11 Busovaca, Vitez et des parties de Novi Travnik du contrôle exercé par le
12 HVO ?
13 R. J'ai été au courant d'affrontement ponctuel et d'escarmouche dans ces
14 secteurs mais je dois vous dire très sincèrement que je suis surpris de
15 lire ce texte et de me rendre compte qu'il est question d'opération
16 planifiée. Je n'en avais pas la moindre idée et je pensais que personne de
17 notre côté, personne parmi les participants aux négociations n'a été au
18 courant de cela.
19 Q. Alors, maintenant, voyons ce qu'il en est de la direction de Sarajevo
20 qui a planifié cette offensive à l'insu des autres, pages 35, 36 de la
21 version anglaise, et je cite ce que dit Stjepan Kljuic
22 -- je cite : "Est-ce que nous pourrions vous faire quelque chose dans notre
23 intérêt car, aux Nations Unies, on nous a mis en accusation et nous devons
24 répliquer puisqu'on nous a montrés du doigt ? Alors, pourquoi ne pas aller
25 à la télévision et dire que l'ABiH n'a pas prévu une offensive contre Vitez
26 ? Mais, entre nous, écoutez, nous ne sommes pas des enfants. Nous savons,
27 comme Ivo l'a dit, qu'il -- que quelqu'un a plus d'expérience de la vie que
28 quelqu'un soit plus mûr, que certains parlent davantage, que certains
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1 parlent moins, et cetera. Mais nous nous rendons tous parfaitement compte
2 que, stratégiquement parlant, c'est Vitez et Novi Travnik qui sont les
3 localités les plus importantes pour l'ABiH, car c'est là que se trouvent
4 les industries. Comme cela a été dit, cela pourrait nous mener vers les
5 vingt ans à venir."
6 Je saute quelques lignes, et je reprends la citation : "J'ai dit une fois
7 que le -- j'ai dit cela une fois au président, et j'ai dit que, dans
8 l'intérêt de la communauté internationale, il faudrait déclarer que nous ne
9 sommes pas en train de monter la moindre offensive et en deuxième lieu,
10 qu'il faudrait arrêter quelle qu'offensive que ce soit avant le 18."
11 Alors, dites-nous, Docteur Zuzul : est-ce que vous avez été au courant du
12 fait qu'Alija Izetbegovic ou l'un de ses représentants à la direction de
13 Sarajevo faisait des déclarations publiques en indiquant qu'aucune
14 offensive n'était en cours alors même qu'une offensive très importante se
15 déroulait sur le terrain, et que la date même de la fin de cette offensive
16 était déjà déterminée ?
17 R. Je n'en avais pas la moindre idée et je crois que personne du côté de
18 ceux qui participaient comme nous aux négociations n'en a eu la moindre
19 idée. Je me félicite de constater que finalement un accord a pu être conclu
20 à l'issue de ces négociations mais je suis absolument et sincèrement ébahi
21 de constater ce double jeu.
22 Q. J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur la pièce 4D 009300 --
23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je souhaiterais poser une petite
24 question. J'ai l'impression que vous avez sous-entendu la réponse déjà,
25 mais je pense, malgré tout, que cette question est pertinente. Nous lisons
26 la transcription des débats; est-ce que vous savez si ces débats se sont
27 soldés par une décision ? Est-ce qu'une décision a été prise en fin de
28 compte ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand vous dites "des décisions," vous voulez
2 dire des discussions émanant des négociations ou des -- quand vous dites
3 "des décisions," vous parlez des décisions résultant des négociations ou
4 des décisions résultant des luttes sur le
5 terrain ?
6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je parle des décisions mettant en
7 œuvre certains points convenus lors des discussions et qui vous auraient
8 surpris.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais affirmer et je ne sais pas si
10 suite à tout cela il y a eu un comportement concret, autrement dit une mise
11 en œuvre de ces décisions par l'ABiH. Ça, je ne le sais pas. Mais, Monsieur
12 le Président, j'espère que vous m'autoriserez à poursuivre, en disant
13 pourquoi j'ai fait part à la Chambre de ma surprise. Vous vous rappellerez
14 peut-être ce que j'ai déjà dit, personnellement --
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, mais vous avez déjà
16 répondu à ma question. Je préférerais que l'on ne passe pas davantage de
17 temps sur ce point.
18 Excusez-moi, Maître Alaburic.
19 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, nous savons bien qu'il
20 faut apporter la preuve du fait, la preuve de la réalité de ces actes
21 politiques après avoir établi les fondements comme nous venons de le faire.
22 Et, le général Praljak se consacrera à cela -- la Défense du général
23 Praljak se consacrera à cela dans les mois qui viennent.
24 J'aimerais que nous nous penchions sur la pièce 4D 009300 qui est un
25 document datant du 14 janvier 1993, la page qui se termine par les numéros
26 232 m'intéresse. Cela commence au début de la page 9 dans la version
27 anglaise et en B/C/S c'est la fin de la page 11 et le début de la page 12.
28 Là, nous voyons un certain M. Ljubjankic qui participe à cette
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1 réunion et lit une décision allemande au sujet du déroulement des
2 négociations au cours des derniers jours, et il est question dans ce texte,
3 entre autres, de l'offensive lancée par l'armée de Bosnie-Herzégovine sur
4 Vitez. J'aimerais que nous nous concentrions sur les propos d'Alija
5 Izetbegovic, je cite : "Car ils ont dit qu'ils voulaient maintenant faire
6 la guerre. Je dis nous avons besoin de Vitez à cause de l'avenir et pas en
7 raison du fait que nous désirons à présent faire la guerre."
8 Nous serons accusés de vouloir nous emparer de vitesse pour
9 poursuivre la guerre. Ce n'est pas cela, la raison -- vitesse nous est
10 nécessaire pour l'avenir."
11 Alors, Docteur Zuzul, pouvez-vous me dire si vous aviez la moindre
12 idée du fait qu'au début de l'année 1994 - je dis bien au début de 1994 -
13 des combats avaient lieu entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO pour
14 la prise de vitesse ?
15 R. Je ne savais rien de précis à ce sujet mais je recevais ponctuellement
16 des renseignements portant sur certains combats qui se déroulaient dans
17 certaines régions de la Bosnie centrale.
18 Q. J'aimerais maintenant appeler votre attention sur une partie de ce
19 rapport allemand qui est cité par M. Ljubjankic, je cite : "Suite aux
20 derniers efforts déployés pour établir la paix, en tout état de cause, il
21 est devenu très clair que la partie musulmane place toujours au premier
22 plan l'option de guerre. C'est le moins que l'on puisse dire. Il est
23 manifeste que ce qu'elle veut, c'est obtenir des Croates ce qu'elle n'a pas
24 pu réussir à obtenir des Serbes." Je termine la citation, même si, dans la
25 suite du texte, il y a aussi des constatations intéressantes.
26 Docteur Zuzul, dites-nous si, pendant les négociations avec la communauté
27 internationale, vous avez acquis le sentiment, ou est-ce que vous auriez
28 appris que la direction musulmane à Sarajevo s'était rendu compte qu'elle
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1 ne pouvait obtenir aucun résultat dans les combats qui l'opposait à l'armée
2 de la Republika Srpska, qui était plus forte que l'armée de la Bosnie-
3 Herzégovine, et qu'elle se serait dit qu'en revanche, elle pouvait obtenir
4 quelque chose à l'issue des combats contre le Conseil croate de Défense --
5 le HVO ?
6 R. Je ne saurais dire que j'avais des renseignements précis à ce sujet,
7 mais je dois dire que c'est une idée qui m'est venue à l'esprit de temps en
8 temps.
9 Q. Page 240 et pages suivantes de ce procès-verbal, qui correspond à la
10 page -- aux pages 19 et 20 de la version anglaise, Alija Izetbegovic répète
11 que, si nous n'avons rien -- si nous n'avons pas tout conclu, nous n'avons
12 rien conclu.
13 Et un peu plus loin, deux phrases -- j'aimerais que nous nous
14 arrêtions sur deux phrases prononcées par lui, et je cite : "Bien entendu,
15 nous devons défendre une Bosnie intégrée sans oublier que la présence de
16 l'armée est la raison qui nous permet d'envisager une autre solution qu'un
17 Etat intégré."
18 Alors, Docteur Zuzul, est-ce que vous saviez que la direction musulmane de
19 Sarajevo s'était rendu compte du fait qu'elle ne parviendrait pas à obtenir
20 un Etat intégré en raison de la Republika Srpska et des actions de l'armée
21 de la Republika Srpska parce que l'armée de Bosnie-Herzégovine n'aurait pas
22 la force de battre l'armée de la Republika Srpska ?
23 R. Je dois dire que l'idée m'est venue en tête, et d'ailleurs, ce procès-
24 verbal confirme cette idée que j'ai pu avoir. L'idée m'est venue à l'esprit
25 que l'objectif poursuivi par la direction musulmane constituait à créer un
26 Etat de Bosnie-Herzégovine intégré, et l'idée qui peut être concrétisée au
27 vu des situations réelle est l'idée que la partie musulmane était prête à
28 renoncer à certains territoires plutôt qu'à renoncer au principe d'une
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1 Bosnie-Herzégovine intégrée, je l'ai eue aussi.
2 Et puis, ce que confirme aussi ce procès-verbal, c'est l'idée que la
3 partie musulmane négocie parfois, non pas dans le but d'atteindre une
4 solution, mais pour faire passer le temps de façon à ce qu'entre-temps se
5 créent, d'une façon ou d'une autre, les conditions permettant la
6 réalisation de l'objectif poursuivi, c'est-à-dire la création d'une Bosnie-
7 Herzégovine intégrée.
8 Je peux vous donner en exemple une situation que j'ai vécue
9 personnellement. A un certain stade des négociations, je crois que c'était
10 à Zagreb, le président Tudjman a déclaré au président Izetbegovic la chose
11 suivante : "Mais voyons, Alija, vous dites que vous avez subi plusieurs
12 milliers de morts. Combien faut-il de morts pour que, finalement, vous
13 deveniez prêt à discuter en vue d'une solution ?" Et à cette question, le
14 président Izetbegovic lui a répondu : "Même s'il devait y avoir des
15 millions de morts, il restera encore des millions qui pourront vivre dans
16 les conditions dans lesquelles il importe de vivre." Alors, ce que je viens
17 de vous citer, c'est ce que j'ai en mémoire, mais je dois dire que cette
18 conversation a réellement marqué ma mémoire, et d'une certaine façon, elle
19 correspond tout à fait à l'image globale dont nous parlons.
20 Q. Docteur Zuzul, je vous remercie. Mon contre-interrogatoire est terminé.
21 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je fais cadeau de mon temps à
22 mon collègue de l'Accusation sans la moindre restriction. Je vous remercie.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Alaburic, pour votre générosité.
24 Bien. Monsieur Scott.
25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il est peut-être important de
26 préciser quelque chose pour qu'il n'y ait pas de malentendu. Me Alaburic ne
27 peut, bien entendu, pas vous céder son temps, mais vous en avez
28 suffisamment.
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1 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, c'était une plaisanterie,
2 bien sûr. Je sais bien que nous sommes sur un pied d'égalité dans notre
3 contre-interrogatoire avec M. Scott, mais il n'est pas question de nous
4 partager notre temps. Merci.
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, la pointe d'humour a été
6 transmise.
7 M. SCOTT : [interprétation] Merci.
8 Bonjour, une fois de plus, Messieurs les Juges et à toutes les personnes
9 ici présentes.
10 Contre-interrogatoire par M. Scott :
11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Zuzul. Une grande partie de votre
12 déposition a contribué à conforter la thèse de l'Accusation, ce qui veut
13 dire qu'il y a beaucoup de choses que nous n'aurons pas besoin d'examiner,
14 vous et moi. Mais j'ai quelques questions à vous poser à propos de la
15 préparation à votre déposition.
16 Avant de venir ici devant les Juges au mois de mai pour entamer votre
17 audition, dites-nous : qu'est-ce que vous avez effectué comme préparatifs ?
18 Est-ce que vous avez rencontré quelqu'un ? Est-ce que vous avez consulté
19 des documents ? Qu'est-ce que vous avez fait précisément ?
20 M. KHAN : [interprétation] Auparavant, avant qu'une réponse ne soit donnée,
21 je ne veux pas ici -- avant qu'une réponse ne soit faite à cette question,
22 et je ne veux pas me montrer pédant ou faire la difficulté -- fustiger
23 l'inclinaison qu'avaient certains, apparemment, à sortir leurs questions de
24 commentaires, et à mon humble avis, c'est précisément ce que M. Scott vient
25 de faire dans son propos liminaire. Il dit : "Une grande partie de la thèse
26 de l'Accusation était prouvée." Bien sûr, c'est quelque chose que vous,
27 Messieurs les Juges, devrez trancher en temps utile. Je ne voudrais pas que
28 le silence sous quelque forme qu'il soit, soit considéré comme étant un
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1 assentiment -- ou un acquiescement, une acceptation de ce que vient de dire
2 M. Scott.
3 M. SCOTT : [interprétation]
4 Q. Veuillez nous dire quels sont les préparatifs que vous avez effectués
5 avant de venir déposer ici au mois de mai ?
6 R. Monsieur Scott, dans le désir de me préparer du mieux possible afin de
7 contribuer à l'établissement de la vérité et uniquement de la vérité, car
8 c'est le but que j'assigne à mon séjour ici, j'ai rencontré les
9 représentants qui assurent la Défense de
10 M. Prlic. J'ai examiné les documents que les conseils ont mis à ma
11 disposition, et en discutant avec les conseils de la Défense, nous avons
12 donc étudié ces documents. Je me suis entretenu une seule fois au téléphone
13 avec Me Alaburic, et c'est tout.
14 Q. Lorsque vous avez rencontré les avocats de M. Prlic, est-ce qu'une
15 déclaration a été préparée à résumer une esquisse -- l'ossature de votre
16 déposition ? Est-ce que quelque chose vous a été présenté en guise de
17 résumer quelque chose qui engloberait ou qui résumerait la déposition que
18 vous étiez censé faire en [imperceptible] ?
19 R. Je ne me souviens de rien de ce genre.
20 Q. Vous vous souvenez que lorsque vous avez quitté ce prétoire au mois de
21 mai, le Président de la Chambre vous avait averti que vous n'étiez pas
22 censé parler à qui que ce soit entre la date qui a été celle d'alors et
23 celle d'aujourd'hui. Je voudrais vous demander maintenant si vous avez
24 parlé à qui que ce soit de votre déposition, de ce que vous avez déjà dit
25 dans ce cadre ou de ce que vous étiez censé recommencer aujourd'hui ? Et
26 quand je dis "qui que ce soit," je parle de n'importe qui; est-ce que vous
27 avez parlé à qui que ce soit de votre déposition ?
28 R. Mon épouse était dans la galerie du public à l'époque, elle est
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1 d'ailleurs aujourd'hui pendant ma déposition. Je ne la mettrais pas dans la
2 catégorie de n'importe qui. Et il est évident que j'ai parlé avec elle de
3 ma déposition dans des termes -- et dans des termes très généraux, j'en ai
4 discuté avec des personnes que je placerais dans la catégorie de mes
5 proches dans ma vie privée. Mais selon la façon dont j'ai compris les
6 propos du Président de la Chambre, la dernière fois, je n'ai discuté avec
7 personne qui, à mon avis, pourrait être peu ou prou impliqué dans l'affaire
8 avec de telles personnes je n'ai évidemment pas du tout discuté de la
9 question.
10 Q. Qui sont les personnes qui font partie de votre vie privée à qui vous
11 auriez parlé de votre déposition ?
12 R. Il me serait difficile de me rappeler exactement qui sont ces
13 personnes. Car, premièrement, je suis un homme heureux --
14 Q. Désolé, est-ce que c'est si difficile que ça de se souvenir du nombre
15 de personnes à qui vous avez parlé de votre déposition ?
16 R. De la teneur de ma déposition, je ne crois pas en avoir discuté avec
17 qui que ce soit. Mais ce qui est un fait c'est qu'une grande partie de la
18 Croatie et une grande partie de la Bosnie-Herzégovine savent qui je suis et
19 savent que j'ai témoigné. Cela a été dit dans les médias. Ma déposition
20 était publique. Toute personne désireuse de le faire a pu suivre ma
21 déposition. Je n'ai discuté par personne --
22 Q. Ecoutez, ce n'est pas la question que je vous posais. Je n'ai que peu
23 de temps à ma disposition et je m'excuse d'avance si je dois vous
24 interrompre. Ce qui m'intéresse ce n'est pas ce qu'ont dit les médias. Il y
25 a quelques instants vous avez dit et je cite, je regarde le compte rendu :
26 "Certaines personnes qui font partie de ma vie privée." Donnez-nous des
27 noms, s'il vous plaît.
28 R. Excusez-moi, Monsieur le Procureur, mais vraiment je ne comprends pas
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1 parfaitement votre question. Je pense qu'il me faudrait des précisions car,
2 lorsque vous me demandez de quoi j'ai parlé, j'ai parlé, par exemple, avec
3 les membres de ma famille pour leur dire comment je m'étais senti dans ce
4 prétoire. Est-ce que cela signifie discuter de quelque chose qui a un
5 rapport avec le procès ? Je ne sais pas.
6 Q. Mettons votre famille de côté. Mettons votre famille de côté; à qui
7 d'autre avez-vous parlé de votre déposition ?
8 R. Je ne saurais me rappeler ici même aujourd'hui avec qui exactement j'en
9 ai parlé, mais, à mon avis, je n'ai parlé avec personne de quoi que ce soit
10 qui aurait un intérêt sur le fond par rapport à ma déposition ou au procès.
11 Q. Depuis votre venue en mai, vous vous attendiez à ce que vous alliez
12 revenir pour terminer votre déposition. Depuis ce temps, au mois de mai,
13 est-ce que vous vous êtes livré à d'autres préparatifs ? Est-ce que vous
14 avez procédé à l'examen d'autres documents depuis le début de votre
15 déposition ?
16 R. Aucun document particulier -- non, excusez-moi, si, si. J'ai lu sur
17 internet des documents qui étaient publiés et qui avaient un rapport avec
18 d'autres procès. Et puis j'ai lu des livres relatifs à cette période et à
19 cette région, et rien de bien important, sauf un livre dont je pense que le
20 Procureur le connaît. C'est un livre qui est publié par la "CIA" -- ou, en
21 tout cas, par des analystes de la "CIA," et qui s'intitule : "Les lieux de
22 combat dans les Balkans." Ce livre m'a permis de me rafraîchir la mémoire
23 sur certains événements. En dehors de cela, je dirais que je n'ai pas eu la
24 moindre activité. Je n'ai rien entrepris par rapport à ce procès.
25 Q. -- avoir examiné ou consulté ce document en passant par internet sur
26 d'autres procès. Quels étaient ces autres procès ?
27 R. J'ai vu sur internet une partie de la déposition de M. Mile Akmadzic,
28 pas toute sa déposition, une partie seulement, ainsi qu'une partie de la
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1 déposition de M. Rebic.
2 Q. Est-ce qui vous a poussé à faire cela ? Qu'est-ce qui vous a donné à
3 penser que vous vouliez revoir ce qu'avaient dit
4 MM. Akmadzic et Rebic avant de venir ici ?
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, je vais soulever une objection
6 face à ce genre de question. Il n'y avait pas d'interdiction à poser sur ce
7 genre d'action. Et si j'ai bien compris, d'après les sources que j'ai,
8 l'Accusation a été très active pour essayer de trouver des choses négatives
9 à propos du passé politique ou de la vie privée de ce témoin. Donc, je
10 pense qu'il n'y avait aucune interdiction qui avait été imposée, et il n'y
11 a aucun mal à ça. Et ce témoin a demandé à avoir une copie du compte rendu
12 d'audience, on lui a dit qu'il pouvait consulter l'internet. Alors, si
13 maintenant on essaie de placer les restrictions, il faudrait le faire avant
14 que le témoin ne quitte le prétoire une première fois, et pas maintenant.
15 Objection. Je voudrais savoir quelle est la pertinence de ce genre de
16 question.
17 Et j'espère que je pourrai avoir une décision.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
19 M. SCOTT : [interprétation] Nous n'avons rien laissé entendre. Nous n'avons
20 aucun -- parlé de [imperceptible] quelque chose qui n'aurait pas été bien
21 fait. C'est simplement une enquête afin que la Chambre puisse voir quelle
22 est la valeur probante à donner à ce témoin lorsqu'il s'est agi de se
23 préparer pour sa déposition. Si
24 Me Karnavas n'a pas d'objection quant à la teneur même et si tout le monde
25 peut le faire, alors, que j'aie une réponse à ma question, ma question
26 étant celle-ci : qu'est-ce qui a poussé le témoin à croire qu'il était
27 utile de revoir ce qu'avaient dit M. Akmadzic et M. Rebic avant qu'ils ne
28 reviennent ici à La Haye ? Pourriez-vous nous répondre, Monsieur le Témoin
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1 ?
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, répondez, Monsieur le Témoin.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci bien, Monsieur le Président.
4 D'abord, convaincu d'utiliser la langue croate de façon précise et de
5 comprendre assez bien la langue anglaise, je n'ai dit à aucun moment que
6 j'aurais étudié les témoignages de M. Akmadzic ou de
7 M. Rebic. Ce que j'ai dit, c'est que j'ai utilisé internet, comme cela m'a
8 été proposé, puisqu'on m'a dit que je pourrais trouver les comptes rendus
9 des dépositions sur internet et que c'était la seule façon pour moi de les
10 obtenir, internet n'étant pas le moyen le plus facile pour lire. Mais,
11 après, je me suis rendu compte qu'il existait des comptes rendus d'autres
12 dépositions qui me semblent être des éléments admirables très utiles et
13 très efficaces pour se rendre compte de la façon dont les choses évoluent.
14 Mais pour vous dire la vérité, comme ces dépositions étaient longues, que
15 j'étais avec ma famille en vacances, je n'ai regardé ces dépositions que
16 très superficiellement et rapidement, et je viens de le dire avec la plus
17 grande sincérité à l'instant. Il ne m'est jamais venu à l'esprit, et
18 personne ne me l'a d'ailleurs laissé entendre, que ceci pourrait être
19 contraire aux obligations que je dois respecter en tant que témoin.
20 M. SCOTT : [interprétation] Abordons d'autres points fondamentaux.
21 J'aimerais qu'on montre au témoin une carte qui porte la cote P 09276. Ça
22 se trouve dans la -- la classe des -- de l'Accusation. Je ne sais pas si
23 c'est plus facile de l'afficher à l'écran. C'est la toute première carte
24 qui m'intéresse. Je rappelle le numéro de la pièce, P 09276. Est-ce que il
25 y a -- oui, il y a une copie dans le classeur -- dans le classeur numéro 2.
26 Ceci pourra peut-être nous aider tous. P 09276. Je crois qu'on a quelques
27 difficultés. Est-ce qu'on peut l'afficher à l'écran ?
28 Q. Monsieur Zuzul, veuillez examiner l'écran que vous avez devant vous. Ce
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1 sera amplement suffisant pour les besoins que j'en aurai. Regardant la
2 carte, je rappelle qu'il s'agit de la première carte de la classe de
3 l'Accusation, P 09276. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'en
4 décembre 1990, à la suite des élections -- des premières élections libres
5 en Bosnie-Herzégovine qui se sont tenues vers le mois de novembre ou de
6 décembre 1990 -- chaque partie du territoire se trouvant à l'intérieur des
7 lignes du -- du tracé rouge Bosnie-Herzégovine -- que chaque pouce de
8 terrain à l'intérieur de ces lignes appartenait à la Bosnie-Herzégovine
9 qui, à l'époque, se trouvait tout à fait intégrée dans le système de la
10 République fédérale type socialiste de Yougoslavie, n'est-ce pas ?
11 R. D'après ce qu'il me semble voir, c'est un -- une carte précise, donc,
12 c'est exact.
13 Q. En décembre, si nous avançons d'une année dans le temps pour arriver au
14 mois de décembre 1991, la situation restait identique. Tout le territoire
15 se trouvant à l'intérieur de ce -- cette ligne formant un tracé rouge
16 restait le territoire de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?
17 R. Je pense que oui. Cela me semble évident.
18 Q. Et nous arrivons fin mai 1992, après que la Bosnie-Herzégovine soit
19 devenue un Etat indépendant, un Etat membre des Nations Unies, cette ligne
20 rouge -- en rouge vif reste la frontière reconnue internationalement de cet
21 Etat qui est Etat membre des Nations Unies et tout le territoire qui se
22 trouve à l'intérieur de cette ligne reste, sans aucune exception,
23 territoire de l'Etat souverain de Bosnie-Herzégovine.
24 R. Oui, c'est exact.
25 Q. Et -- et ceci est vrai au moins -- au moins jusque vers le milieu de
26 l'année 1994 pour chacun de ces jours qui se sont écoulés au cours de cette
27 période, chaque pouce de terrain de cette zone est resté partie du
28 territoire souverain de l'Etat de Bosnie-Herzégovine.
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1 R. D'après moi, c'était tout le temps une partie intégrante de la Bosnie-
2 Herzégovine souveraine, jusqu'à nos jours.
3 Q. Dans la même veine, à compter du moment où la Bosnie-Herzégovine est
4 devenue un Etat indépendant -- Etat membre des Nations Unies, en mai 1992,
5 à partir de ce moment-là et au moins jusque vers le milieu de l'année 1994,
6 le gouvernement reconnu internationalement de cet Etat membre des Nations
7 Unies, c'était le gouvernement qui était surtout basé à Sarajevo, n'est-ce
8 pas ?
9 R. En principe, c'est exact. Je n'oserais pas affirmer où est-ce que cela
10 a toujours été stationné.
11 Q. Je ne sais pas si je comprends véritablement la dernière partie de
12 votre réponse. Excusez-moi, j'ai -- ce n'était peut-être pas très clair.
13 R. Si je puis apporter un éclaircissement, je pense pouvoir dire qu'il y a
14 eu des moments où le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, pas plus que la
15 présidence, ne pouvait accéder à Sarajevo. Et me demander maintenant de
16 confirmer la chose alors que je ne le sais pas vraiment, ce serait peut-
17 être prétentieux de ma part d'affirmer quoi que ce soit, mais je pense que
18 ce que vous avez dit me semble être exact.
19 Q. Merci. Non, non, je ne vous posais pas de question à propos d'une
20 liberté de mouvement en matière de déplacements, mais vous confirmez ce
21 principe à l'intention des Juges, même si vous pensiez que c'était peut-
22 être -- que vous pensiez que c'est une bonne ou une mauvaise idée, peu
23 importe, c'est un gouvernement de cet Etat membre des Nations Unies et
24 gouvernement reconnu internationalement, c'était bien le gouvernement de la
25 Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?
26 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous le permettez
27 une petite objectif. Il n'est pas contesté le fait que l'on reconnaisse des
28 Etats en matière de droit international, et on ne reconnaît pas les
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1 gouvernements de certains pays, ce qui fait que les gouvernements peuvent
2 changer, mais l'Etat de -- reste un élément du droit international à titre
3 permanent. Merci.
4 M. SCOTT : [interprétation] Quoi qu'il en soit, ceci n'a aucun effet -- pas
5 le moindre effet sur ma question. Je répète la question que je posais au
6 témoin, je pense qu'il y a répond, mais étant donné qu'on a -- qu'il a
7 apporté une précision, je veux que tout soit clair. Je répète dès lors ma
8 question.
9 Q. Ce gouvernement reconnu internationalement de cet Etat, c'était bien le
10 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine qui, en premier lieu, tout du moins
11 pendant cette période, était basé à Sarajevo, n'est-ce pas ?
12 R. Sarajevo, ça a tout le temps été la capitale de l'Etat indépendant
13 internationalement reconnu de Bosnie-Herzégovine. Je crois que c'est
14 incontesté.
15 Q. Monsieur, est-ce que il y avait un autre gouvernement qui affirmait
16 représenter cet Etat membre des Nations Unies qui aurait été reconnu par la
17 communauté internationale ? Est-ce que il y avait quelque part ailleurs un
18 autre gouvernement qui représentait cet
19 Etat ?
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, mais nous parlons de quelle
21 période ?
22 M. SCOTT : [interprétation] Je l'ai déjà dit; nous parlons de la période
23 qui va de mai 1992 et qui se termine au milieu de l'année 1994.
24 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Puisque nous avons entendu des
25 témoins qui sont venus dire qu'il y a eu plusieurs négociations et que
26 Izetbegovic était représenté comme étant -- présenté comme étant un membre
27 de la nation -- nation musulmane, laissez faire le Procureur. On comprend
28 très bien la question et on attend la réponse. Votre objection ne sert à
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1 rien.
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Je m'oppose à la forme donnée à cette
3 question car nous avons entendu des témoins, nous avons eu des éléments où
4 nous avions Akmadzic qui était le premier ministre aux Etats-Unis.
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Karnavas, je ne comprends pas
6 très bien la nature de votre objection. Est-ce que vous partez du principe
7 que tous les témoins vont dire la même chose, s'il y a certains témoins qui
8 ont dit quelque chose, vous voulez dire qu'on ne peut pas reposer la même
9 question à un autre témoin ?
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais j'examine la question posée et nous
11 avons des témoignages, il y avait trois parties différentes à des
12 négociations internationales.
13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Et c'est tout, point final, on ne
14 peut pas reposer la même question; c'est-ce que vous pensez ? Je suis
15 désolé, nous, il nous faut sous peser, sous peser la déposition du témoin
16 ce qu'il dit ici, et on ne peut -- on ne saurait s'attendre à ce que chacun
17 témoin dise la même chose. Si un témoin a dit quelque chose, il se peut que
18 l'autre témoin dise la même chose ou quelque chose de différent. Et j'ai
19 peine à comprendre en quoi votre objection serait justifiée.
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que je peux avoir une décision ? Mon
21 objection c'était sous la forme de la question. Ce sont des faits qui ne
22 sont pas exactement présentés. On peut retenir mon objection ou la rejeter,
23 mais je dois avoir une décision --
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre objection est rejetée.
25 Bien, continuez.
26 M. SCOTT : [interprétation]
27 Q. Monsieur Zuzul, je ne peux pas faire le difficile ici. Je ne cherche
28 pas à couper les cheveux en quatre. Je veux une réponse claire, qui -- il
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1 se peut que certains portaient des casquettes différentes, la Chambre en a
2 entendu parler. Mais, moi, je parle du gouvernement en tant qu'entité, la
3 communauté internationale devait bien avoir un interlocuteur. Les Nations
4 Unies à New York devait quand même bien avoir un interlocuteur puisque
5 c'était un Etat membre des Nations Unies. Si quelqu'un pendant toute cette
6 période, dans cette période qui va de mai 1992 au milieu de l'année 1994,
7 c'était quand même bien le gouvernement de cet état de Bosnie-Herzégovine.
8 Et, tout ce que je dis c'est que la plupart des gens diraient que c'était
9 le gouvernement de Sarajevo, n'est-ce pas ?
10 R. Si l'on veut la clarté vraiment, la façon dont vous l'avez dit est
11 exacte. Mais il est tout aussi exact de dire que les représentants qui
12 étaient en même temps les représentants de la Bosnie-Herzégovine dans les
13 négociations au sujet de la Bosnie-Herzégovine, ils faisaient figure d'une
14 partie concrète, et cela risque de générer des points obscurs. Pour moi, il
15 n'y a pas eu de problème à l'occasion de mon témoignage, j'ai dit de M.
16 Izetbegovic c'était le président de la Bosnie-Herzégovine. Et, je sais qu'à
17 un moment donné, et on pouvait se poser la question si du point de vue de
18 la constitution de la Bosnie-Herzégovine sa fonction était vraiment celle-
19 la. Mais pour moi, je n'ai pas eu de dilemme; c'était le gouvernement de la
20 Bosnie-Herzégovine mis à part lorsque dans les négociations, il
21 représentait l'une des parties en présence au sein de la Bosnie-
22 Herzégovine.
23 Q. Vous avez répondu à mes questions, oui, Monsieur, pour ce qui est
24 d'autres personnes qui portaient d'autres casquettes, vous reconnaissez
25 qu'il n'y avait du côté croate des gens qui eux aussi ont plusieurs
26 fonctions dont une personne déjà mentionnée
27 M. Akmadzic, n'est-ce pas ? Parfois il agissait du HDZ, parfois au nom de
28 l'Herceg-Bosna, d'autres fois encore en tant que représentant personnel de
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1 Franjo Tudjman et il lui arrivait aussi d'être premier ministre de Bosnie-
2 Herzégovine, n'est-ce pas ?
3 R. Je ne pourrai pas confirmer parce que vous avez énuméré bon nombre de
4 fonctions, et comme je l'ai déjà dit auparavant, je peux le répéter si vous
5 le souhaitez, et cela n'était pas le cas de
6 M. Akmadzic. M. Izetbegovic, parfois il faisait figure de président de
7 Bosnie-Herzégovine et parfois il faisait figure d'un parti politique, à
8 savoir le SDA, et parfois encore il était le représentant des Musulmans en
9 Bosnie-Herzégovine.
10 Q. Et tout comme M. Bush, président des Etats-Unis, est le numéro un du
11 Parti républicain, parfois il agit en tant président des Etats-Unis. Je
12 pense que ça, ça peut être établi, mais avançons -- passons à la Grande-
13 Serbie. Vous vous êtes servi de ce concept au moins sept ou huit fois
14 pendant l'interrogatoire principal. Vous avez évoqué la Grande-Serbie;
15 pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que ça veut dire pour vous
16 quand vous dites Grande-Serbie ?
17 R. C'est exact, je me suis servi de ce terme, je ne suis pas le seul du
18 reste. Je pense qu'il y avait un consensus assez large parmi ceux qui se
19 sont penchés sur l'étude de l'histoire du démantèlement de l'ex-
20 Yougoslavie. En Serbie, il y avait un groupe d'intellectuels qui avait
21 formulé l'idée, le concept de la Grande-Serbie, qui inclurait l'Etat serbe
22 en englobant dans cet Etat tous les Serbes indépendamment du fait de savoir
23 où est-ce qu'ils résidaient.
24 Pour ce qui est des termes concrets, entre autres, cela figure dans ce
25 qu'il est convenu d'appeler le mémorandum de l'académie serbe des sciences
26 et des arts qui est un document officiel. Pour ce qui est des termes
27 concrets à un moment donné, vers le début des années 90, cette politique a
28 commencé à être mise en œuvre par l'occupation d'une partie des territoires
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1 de la République de Croatie, puis au travers me semble-t-il de l'occupation
2 d'une certaine partie du territoire de la Bosnie-Herzégovine. Donc, cela
3 visait à réaliser le plan relatif à la création de ce qu'il est convenu
4 d'appeler la
5 Q. Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur, mais à cet égard, et
6 en fait, ça découle de ce que vous venez de dire. Dans le cadre de cette
7 pratique, de cette habitude, vous l'avez dit -- vous avez souvent utilisé
8 la notion de nettoyage ethnique; pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre
9 ce que vous entendez quand vous utilisez ces termes ? Qu'est-ce que ça veut
10 dire pour vous ?
11 R. A mes yeux et aux yeux de la majorité de cette notion, c'est de
12 dire que l'on chasse par la force une partie de la population depuis des
13 territoires où cette population a vécu depuis des siècles. Rien parce que
14 cette population fait partie d'un groupe ethnique. Et, si je ne m'abuse, ce
15 terme a été utilisé pour la première fois de façon tout à fait justifiée
16 dans le cadre de l'occupation de Vukovar, lorsque la population croate
17 toute entière et non seulement croate mais aussi la population non-serbe au
18 complet ont été chassées de cette région. Ça a été réitéré dans d'autres
19 territoires occupés par les Serbes, et ensuite, cela s'est produit en
20 Bosnie-Herzégovine.
21 Q. Lorsque vous vous servez de ces termes, quand vous parlez de
22 Vukovar, vous pourrez peut-être si vous vouliez répondre à cette question
23 de Vukovar, comme vous voulez. Mais vous parlez de l'expulsion, éviction
24 forcée, et quels sont les autres comportements ou agissements qui pour vous
25 relèvent ou font partie ou qui se sont produits d'ailleurs dans le cadre du
26 nettoyage ethnique ? Si vous voulez parler de Vukovar, je vous en prie.
27 R. J'ai parlé en termes généraux, très généraux, bien que l'on ne
28 puisse rien dire de positif s'agissant d'un comportement aussi vilain. Mais
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1 mis à part l'expulsion, il y a eu des meurtres en masse, des déportations
2 en masse, enfin, tout ce qui visait à faire en sorte qu'une population d'un
3 groupe ethnique disparaisse de cette région, d'une région déterminée. Et,
4 cela s'est produit même à Vukovar, je dirais plutôt ça s'est produit
5 d'abord à Vukovar.
6 Q. La destruction de lieux de culte -- de biens culturels, ou destiné à
7 l'enseignement, vu ce que vous avez observé vous-même, vécu pendant ces
8 guerres des Balkans. Quel rôle est-ce que tout ceci joue dans le nettoyage
9 ethnique ?
10 R. Ça servait à des fins de nettoyage ethnique dès le début de
11 l'agression, les monuments religieux, les édifices religieux ont
12 particulièrement été exposés à des attaques et à des dévastations.
13 Q. Et pourquoi ? En quoi la destruction des sites consacrés à le religion
14 appartenant aux autres - et j'insiste sur ce terme - en quoi était-ce
15 inscrit dans le cadre de nettoyage ethnique ?
16 R. J'ai du mal à répondre à cette question parce que, moi aussi, parfois
17 je me la pose, cette question, de savoir pourquoi, si j'essaie de me
18 pencher sur la chose, je dirais que non pas la raison acceptable mais la
19 raison rationnelle c'était de montrer à la population qu'elle ne pourra
20 jamais revenir dans cette région. Parce que ce n'est pas un secret du tout
21 que de dire que ces institutions religieuses revêtent beaucoup d'importance
22 pour ce qui est de la sauvegarde de l'ethnicité d'un groupe. Il y a eu, je
23 dois dire, beaucoup d'éléments irrationnels et que des dévastations se sont
24 faites par pure haine.
25 Q. Je vous reconnaisse -- remercie. Nous reviendrons un peu plus tard sur
26 certains de ces sujets. Parlons de votre position telle que vous nous
27 l'avez décrite.
28 Lorsque vous étiez ministre adjoint des Affaires étrangères, je pense
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1 que c'est le premier poste que vous avez occupé au sein du gouvernement
2 croate, à l'époque où vous exerciez ces fonctions, pourriez-vous nous dire
3 qui était votre supérieur hiérarchique direct; en d'autres termes, qui
4 dirigeait votre travail, de qui receviez-vous vos consignes ?
5 R. Dans cette brève période d'à peu près deux mois, le ministre était M.
6 Zvonimir Separovic.
7 Q. Et je suppose qu'il en découle que c'est lui qui vous confiait vos
8 tâches, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, en principe, lui aussi, mais dans une certaine mesure à partir de
10 ce moment-là, c'était aussi le président Tudjman.
11 Q. Lorsque vous avez été nommé ministre adjoint des Affaires étrangères,
12 qui était votre supérieur ?
13 R. Le ministre c'était le Pr Skrabalo, avec qui j'avais à vrai dire
14 fonctionné en tant que membre d'équipe. Et tous les deux nous présentions
15 nos rapports au président Tudjman.
16 Q. Vous êtes ensuite devenu représentant de la Croatie au près des Nations
17 Unies à Genève à l'époque, d'après vous qui était votre supérieur
18 hiérarchique ?
19 R. Mon supérieur direct était le ministre des Affaires étrangères, le Dr
20 Granic.
21 Q. Etait-ce uniquement sur le papier, ou est-ce que M. Granic contrôlait
22 votre travail, vous donnait des instructions, vous disait quelles positions
23 devaient être adoptées à Genève, ou était-ce que quelqu'un d'autre ?
24 R. Ce n'était pas seulement pour la forme le Dr Granic était mon supérieur
25 hiérarchique, nous avons bien coopéré; cependant, je recevais bon nombre
26 d'instruction directement du président Tudjman, notamment les instructions
27 qui portaient sur les négociations. Alors, si vous êtes intéressé par des
28 explications, je dirais que, dans le fonctionnement normal, à savoir dans
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1 mes activités diplomatiques au quotidien, je communiquais avec le ministère
2 des Affaires étrangères, à savoir avec M. Granic, en sa qualité de
3 ministre, et M. Sanader, qui était ministre adjoint. Dans les négociations
4 je communiquais directement avec le président Tudjman et, à l'époque,
5 notamment du fait que j'étais devenu l'émissaire spécial du président
6 Tudjman pour les négociations, donc, il était logique que de me voir
7 communiquer directement avec lui.
8 Q. Afin que les Juges de la Chambre comprennent un peu mieux vos
9 communications à l'époque, nous parlons maintenant de l'époque où vous
10 étiez représentant de la Croatie auprès des Nations Unies à Genève. A
11 quelle fréquence vous entreteniez-vous avec M. Granic ou avec M. Tudjman ?
12 Etait-ce tous les jours, une fois par semaine ? Est-ce que vous vous
13 parliez au téléphone le matin ? Alors, quelle était la fréquence de vos
14 contacts avec ces personnes ?
15 R. Je pense que je pourrais dire que, s'agissant de M. Granic, je lui
16 parlais pratiquement au quotidien; avec le président Tudjman, c'était plus
17 rare, ce n'était pas quotidien mais c'était quand même relativement
18 souvent. A l'époque où il y avait des négociations, cela pouvait arriver au
19 quotidien, mais ce n'était pas une règle. C'était surtout la résultante de
20 ce qui se passait à l'occasion ou lors de la conférence.
21 Q. Parlons maintenant de M. Susak. Vous connaissiez déjà
22 M. Susak lorsque vous étiez ministre délégué aux Affaires étrangères puis
23 ministre adjoint aux Affaires étrangères, n'est-ce pas ?
24 R. Il est exact de dire que j'ai fait sa connaissance lorsque j'étais dans
25 l'armée croate, à savoir dans le ministère de la Défense.
26 Q. Comment avez-vous fait la connaissance de M. Susak ?
27 R. Je me trouvais avec un groupe de collègues, de professeurs à
28 l'université, et nous avions eu des idées pour ce qui est de l'organisation
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1 des activités idéologiques et psychologiques au sein du ministère de la
2 Défense, et c'est au travers de ces activités-là qu'on a fait mieux
3 connaissance avec ou de M. Susak, le ministre. Il me semble qu'on s'était
4 entretenu d'abord avec le général Tus puis ensuite avec le ministre Susak.
5 Q. Avez-vous développé des liens avec M. Susak, après cette première
6 rencontre, est-ce que M. Susak, tout comme le président Tudjman, était
7 quelque chose avec qui vous aviez des contacts
8 directs ?
9 R. Il est vrai que j'ai développé ma relation avec M. Susak à titre privé
10 aussi. Nous avions bien des amis en communs. Nous avions assez souvent
11 coutume de communiquer, pour ce qui est du travail ça ne s'est jamais fait
12 suivant les modalités qui étaient celles avec
13 M. Tudjman ou avec le ministre M. Granic. Je ne sais pas, je n'ai pas
14 connaissance d'une situation où le ministre Susak serait venu me donner des
15 instructions en ma qualité d'ambassadeur à quelques points de vue que ce
16 soit.
17 Q. [aucune interprétation]
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Une petite intervention au niveau de la
19 traduction. J'ai dit que je ne souvenais pas de la moindre occasion où M.
20 Susak m'aurait donné des instructions en tant qu'ambassadeur --
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous étiez donc ambassadeur de
22 la Croatie à Genève. Le Procureur vous a demandé comment ça se passait au
23 niveau des communications entre M. Tudjman et M. Granic, et vous avez
24 expliqué qu'on vous appelait au téléphone. Et vous avez indiqué la
25 fréquence, et moi, ce que je voudrais savoir : est-ce que comme ça se passe
26 en matière diplomatique, vous envoyez des rapports écrits sur l'état des
27 négociations, vous faisiez des télégrammes diplomatiques, et est-ce que de
28 Zagreb vous arrivaient des instructions précises, ou bien, tout se passait
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1 au téléphone ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est du fonctionnement diplomatique
3 normal, à savoir du fonctionnement de la mission après des Nations Unies à
4 Genève, je pense que cette communication se faisait comme dans toutes les
5 autres missions, à savoir au travers d'échanges de moyens de communication
6 diplomatiques, à savoir télégrammes, notes, et cetera. Nous envoyions cela
7 régulièrement et nous en recevions régulièrement aussi, y compris
8 s'agissant des instructions. Car d'une certaine façon, depuis mon départ
9 vers Genève, mon rôle a été défini suivant deux filières. Le travail
10 habituel auprès des Nations Unies, et nous avons effectué cela, Monsieur le
11 Juge, conformément aux modalités qui étaient celles des -- de toutes les
12 autres missions.
13 Pour ce qui est toutefois du suivi des activités de la Conférence relative
14 à l'ex-Yougoslavie et de la participation aux négociations, là aussi, la
15 majeure partie se déroulait par le biais de communications diplomatiques
16 habituelles. Mais, assez souvent, cette communication se faisait
17 directement, par conversation téléphonique car les choses se déroulaient
18 tout simplement très vite, et j'avais aussi des instructions et j'avais le
19 droit, partant de mes responsabilités, de jauger de l'importance des
20 choses. Et lorsque c'était le cas, je contactais directement voire soit le
21 ministre, voire le président de la -- de l'Etat -- le chef de l'Etat sans
22 pour autant avoir à passer par la filière diplomatique habituelle.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
24 M. SCOTT : [interprétation]
25 Q. Monsieur Zuzul, parlons maintenant de Mate Boban. Vous avez déjà évoqué
26 son nom dans le cadre de votre déposition. Vous avez dit que vous
27 connaissiez déjà M. Boban et qu'en réalité, vous aviez grandi dans la ville
28 d'Imotski, où travaillait M. Boban. Vous avez déclaré qu'avant les
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1 événements que vous venez de mentionner, événements survenus en décembre
2 1991, vous avez dit, je cite : "J'étais en contact direct avec M. Boban."
3 Vous souvenez-vous de la nature de vos contacts avec M. Boban en décembre
4 1991 ou vers cette date ?
5 R. Si mes souvenirs sont bons au sujet de ce que j'ai dit au juste,
6 j'étais en contact indirect avec M. Boban, du fait que mon ami et son
7 parent à lui, que - j'imagine que c'est un parent - M. Marinko Boban avait
8 contacté M. Mate Boban du point de vue de l'organisation possible de
9 volontaires en vue de la libération voire en vue d'apporter de l'aide dans
10 la défense de Dubrovnik. Je ne me souviens pas d'avoir eu une conversation
11 directe, pour ma part, au moins de décembre 1991, avec M. Boban. Je
12 l'exclus -- non, non, je n'exclus pas -- non, je ne me souviens pas.
13 Q. Je n'ai pas l'intention de m'appesantir là-dessus vu ce dont nous avons
14 parlé jusqu'à présent. Cela apparaît à la page 26 789 du compte rendu
15 d'audience, on peut lire : "J'étais direction en contact avec M. Boban au
16 cours de cette période," mais vous avez modifié cela.
17 Alors, quel type de relation avez-vous développé au fil du temps avec M.
18 Boban - et j'ai à l'esprit les années 1992, 1993, 1994 - à l'époque où il
19 était président d'Herceg-Bosna. Nous sommes tous d'accord, je pense, pour
20 dire que cela a eu une grande influence sur votre vie à l'époque. Quelle
21 était la nature de vos contacts avec
22 M. Boban ?
23 R. Je n'ai pas parfaitement compris la constatation faite par vous,
24 Monsieur le Procureur, mais selon ce qu'il me semble, je ne saurais être
25 d'accord pour dire que sur ma vie, le fait que je connaissais Mate Boban
26 avait une influence significative. Ce fait n'a eu aucune influence
27 significative sur ma vie.
28 Q. Non, non, ce n'est pas ce que j'ai dit, Monsieur. Je pensais à
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1 l'Herceg-Bosna. Nous pouvons convenir, je pense, qu'à l'époque, l'Herceg-
2 Bosna a eu une importance particulière pour votre vie; sinon, vous ne
3 seriez pas là aujourd'hui. S'agissant de l'Herceg-Bosna -- de vos contacts
4 avec l'Herceg-Bosna, est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges de la
5 Chambre quel type de relation vous avez développé au cours de cette époque
6 avec Mate Boban ?
7 R. Monsieur le Procureur, je vais une nouvelle fois commencer par la
8 constatation que l'Herceg-Bosna n'a -- n'avait pas non plus une influence
9 importante sur ma vie. La République de Croatie, oui, et le rapport que je
10 faisais en rapport avec la République de Croatie, mais pas l'Herceg-Bosna.
11 Mais --
12 Q. Quoi qu'il en soit, nous aurons suffisamment de temps pour parler de
13 ces questions plus en détail, mais pourriez-vous nous décrire vos rapports
14 avec M. Boban à l'époque ?
15 R. Comme je l'ai déjà dit, nous nous connaissions dans notre vie privée.
16 Nous communiquions l'un avec l'autre chaque fois qu'il lui arrivait de
17 venir à Genève. D'ailleurs, il était normal qu'il vienne à la mission où
18 nous nous trouvions. Il m'arrivait d'aller avec lui, pas toujours, mais il
19 m'arrivait d'aller avec lui à certaines réunions. Il nous arrivait parfois
20 de discuter de certaines questions politiques. Il m'arrivait parfois y
21 compris de faire état de désaccords par rapport à ce qu'il pensait ou à ce
22 qu'il faisait dans son travail. Mais, dans l'ensemble, j'avais des
23 instructions qui me venaient de Zagreb et je me comportais comme cela
24 m'était indiqué par mes supérieurs.
25 Q. Vous venez de dire que parfois, vous exprimiez votre désaccord par
26 rapport à certains de ses points de vue ou par rapport à certaines de ses
27 actions. Alors, avec quoi n'étiez vous pas d'accord au juste ?
28 R. Mon style -- ma façon de penser est manifestement différente de celle
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1 de M. Boban. Je me suis efforcé de lui démontrer que sa manière dure
2 pouvait parfois ne pas régler les problèmes et irriter les gens auxquels
3 ils s'adressaient. Donc, c'était dans ce sens qu'allaient mes observations.
4 Quant au fond, je rendais compte régulièrement au ministre quand c'était
5 nécessaire et à M. Tudjman quant à ce qui se passait, et je leur laissais
6 toute latitude de décider à quel moment une intervention ou un entretien
7 pouvait être nécessaire avec M. Boban ou avec qui que ce soit d'autre,
8 d'ailleurs.
9 Q. Vous n'étiez pas d'accord avec son style, bien. Est-ce que vous n'étiez
10 pas d'accord non plus avec sa politique ou avec son comportement ?
11 R. Ecoutez, Monsieur le Procureur, j'étais ambassadeur, et je m'occupais à
12 remplir ma fonction de la façon la plus professionnelle qui soit car, à
13 Genève, je n'étais pas représentant politique, et donc, je ne m'occupais
14 pas de politique.
15 Q. Excusez-moi. Je vous pose cette question à vous en tant qu'être humain.
16 Mettons de côté le fait que vous ayez été ambassadeur. Est-ce que vous
17 désapprouviez la nature de la politique adoptée par M. Boban en qualité
18 privée, en qualité professionnelle, peu importe ? Vous avez dit que vous
19 désapprouviez son style. Est-ce que vous désapprouviez également son
20 comportement, ses actions ou les politiques qu'il suivait ?
21 R. Bien, il est très difficile de répondre de façon générale à une telle
22 question. Si vous m'interrogez sur une situation précise, je peux vous
23 donner mon point de vue, mais comment une situation pourrait exister dans
24 laquelle on s'entendrait surtout avec quelqu'un dans une situation aussi
25 complexe ? Bien sûr, qu'il m'arriverait de ne pas être d'accord avec lui
26 comme avec beaucoup d'autres représentants politiques.
27 Q. Donnez-nous un exemple, quelque chose de marquant. Je suis sûr que vous
28 ne voulez pas faire perdre leur temps aux Juges, en invoquant un point
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1 anodin. Donc, donnez-nous un exemple important ?
2 R. Excusez-moi, dans la mesure où c'est vous qui me posez les questions,
3 je crois qu'il faudrait que vous me posiez une question concrète sur une
4 situation déterminée, pas me poser une question générale en me demandant si
5 je suis d'accord ou pas d'accord avec quelqu'un, ça c'est vraiment trop
6 général.
7 Q. J'appelle votre attention sur la pièce à conviction - un instant, je
8 vous prie - P 10402. Ce document doit se trouver dans l'un de vos
9 classeurs.
10 M. SCOTT : [interprétation] Il s'agit du troisième classeur.
11 P 10402.
12 Q. Monsieur le Témoin, vous pouvez vous pencher sur la version croate ou
13 la version en anglais, comme vous préférez. Il s'agit d'extraits de
14 l'ouvrage de Mate Granic est l'auteur. Je vous renvoie à la page 70,
15 correspond à la page 5 en anglais.
16 Voilà ce que dit M. Granic dans son livre : "Mate Boban a joué un rôle
17 particulier dans ce conflit. J'ai entendu parler de lui pour la première
18 fois en 1992, date à laquelle il est devenu chef du HDZ en Bosnie-
19 Herzégovine. Nous avons été officiellement présentés peu de temps après
20 mais nos premiers contacts sérieux ont eu lieu seulement après que j'ai été
21 nommé à la tête de la diplomatie croate. Nous avons assisté à plusieurs
22 réunions tenues entre les autorités croates et des Croates de Bosnie-
23 Herzégovine. Nous n'avons jamais été proches et nous étions en faveur de
24 positions différentes. Boban a été quelqu'un de très borné, il était rempli
25 de haine à l'encore des Musulmans de Bosnie. Il était en faveur du fait que
26 les Serbes de Bosnie pensaient qu'il pouvait conclure un accord avec eux
27 indépendamment des politiques criminelles menées par Kordic, Mladic, et
28 leurs collaborateurs. J'ai bien compris que c'était lui le plus grand
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1 obstacle pour la paix en Bosnie-Herzégovine. Lors des réunions, il ne
2 parlait jamais des Musulmans de Bosnie ou des Bosniens, mais des Turcs ou
3 des Balija."
4 Alors, cette description de M. Boban correspond-elle à votre expérience ?
5 Est-ce que vous êtes d'accord avec ce qui est dit ici ?
6 R. Ça c'est l'avis de M. Granic. Il a écrit cela plusieurs années après
7 les faits. A l'époque dont nous parlons, il n'exprimait pas cette position
8 dans les mêmes termes qu'ici; cependant, je puis me dire d'accord avec
9 certaines parties de cette position.
10 Car j'avais en vérité l'impression que M. Boban avait plus de facilité à
11 s'entendre avec les Serbes de Bosnie-Herzégovine qu'avec les Musulmans de
12 Bosnie-Herzégovine. Toutefois, indépendamment de cela, je ne dirais pas que
13 M. Boban était le plus grand obstacle à la paix en Bosnie-Herzégovine. Je
14 crois que dire cela c'est exagéré.
15 Q. Qu'en est-il de l'affirmation selon laquelle il était rempli de haine à
16 l'égard des Bosniens et qu'il ne parlait jamais des Bosniens ou des
17 Musulmans mais toujours des Turcs ou des Balija ?
18 R. Je l'ai entendu utiliser ces termes mais je ne dirais certainement pas
19 qu'il n'utilisait que ces termes. Il est vrai qu'il disait souvent les
20 Musulmans, mais il lui arrivait également de dire les Turcs ou les Balija.
21 Q. L'heure serait bientôt venue de faire la pause, mais je souhaiterais
22 terminer ce volet. Au milieu du paragraphe, il est dit que : "Leurs
23 positions étaient tout à fait différentes."
24 Vous nous avez dit que vous travaillez en étroite collaboration avec le Dr
25 Granic; est-ce que vous pourriez nous dire en quoi les positions de M.
26 Granic différaient de celles de M. Boban car le
27 Dr Granic dit ici que ces positions étaient radicalement différentes de
28 celles de M. Boban.
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1 R. Dans ce passage du texte, il fait une déclaration de nature très
2 générale qui concerne une période très longue. Je pense qu'effectivement,
3 il y a eu un moment où il y a eu des différences de principe entre les
4 positions de M. Granic et les miennes également d'une part et les positions
5 de principe de M. Boban d'autre part au sujet de l'accord de Washington,
6 c'est-à-dire au sujet de la possibilité de créer une fédération regroupant
7 les Croates et les Musulmans. M. Granic et moi-même pensions que c'était
8 une option réalisable, et donc, possible, et on voit à la lecture des
9 transcriptions que M. Tudjman le pensait également.
10 Je crois que M. Boban ne pensait pas que cela était réalisable. Je
11 crois que c'est là que réside la plus grande différence de point de vue à
12 ce moment-là. Il me semble que ce que M. Granic a à l'esprit en écrivant
13 les mots que nous lisons ici, c'est cela.
14 Q. [aucune interprétation]
15 M. SCOTT : [interprétation] Je demande l'indulgence de la Chambre de
16 façon à ce que nous puissions terminer avec cette question avant la pause.
17 Q. Vous dites que M. Boban ne pensait pas que c'était viable. Alors,
18 quand vous dites cela, à quoi pensez-vous, qu'est-ce qui n'était pas
19 d'après M. Boban ?
20 R. Je crois avoir parlé assez longuement du fait qu'à un certain
21 stade des négociations et, avant tout, dans les échanges avec les
22 représentants américains, mais également avec les représentants musulmans,
23 nous avons commencé à travailler en vue de nous entendre sur la création
24 d'une fédération --
25 Q. Excusez-moi, ma question portait sur M. Boban. Alors, peu importe
26 ce que disaient les Américains, peu importe ce que disaient les Musulmans,
27 d'après M. Boban, qu'est-ce qui n'était pas viable ?
28 R. Monsieur le Procureur, c'est exactement ce que j'essayais de vous
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1 dire dans ma réponse; M. Boban considérait qu'une telle fédération ne
2 pouvait pas voir le jour.
3 M. SCOTT : [interprétation] Je ne veux pas abuser de la patience des Juges,
4 nous y reviendrons après la pause.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Une petite correction au transcript. Il y a une
6 erreur à la page 56, ligne 18; il est indiqué, dans la version anglaise,
7 "Juge Antonetti," alors qu'il faut lire : "The Witness." Voilà.
8 Nous faisons une pause de 20 minutes, nous reprendrons dans 20 minutes.
9 --- L'audience est suspendue à 17 heures 44.
10 --- L'audience est reprise à 18 heures 05.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise.
12 Monsieur Scott, vous avez la parole.
13 M. SCOTT : [interprétation]
14 Q. Pour ne pas perdre de temps, passons à un autre sujet.
15 N'est-il pas juste de dire qu'à partir de 1990 et jusqu'au moment où
16 il y a eu reconnaissance internationale de leur statut d'Etat, tant la
17 Croatie que la Bosnie-Herzégovine faisaient partie de l'Etat de Yougoslavie
18 dont le territoire allait jusqu'aux frontières externes des deux -- des
19 diverses républiques de l'ex-Yougoslavie ?
20 R. Il est exact qu'elles faisaient partie de la République fédérative
21 socialiste de Yougoslavie jusqu'à la proclamation de l'indépendance.
22 Q. Et jusqu'au moment où leur indépendance a été déclarée et reconnue, les
23 forces armées de cet Etat reconnu internationalement, à savoir les forces
24 armées de la République fédérative socialiste de la Yougoslavie pouvaient
25 être placées en garnison, cantonnées et se déplacer en [imperceptible] de
26 cet Etat.
27 R. Jusqu'au moment, et tant qu'elles représentaient les forces armées de
28 ce pays et que ce pays existait, je crois que c'est exact.
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1 Q. Serait-il dès lors juste de dire que de façon -- à cet égard, tant
2 Tudjman qu'Izetbegovic en 1991 se trouvaient dans une situation qui était
3 pratiquement la même pour eux deux, sachant que par rapport à l'Etat dont
4 ils faisaient partie et par rapport aux forces armées de cet Etat ?
5 R. Je crois que oui.
6 Q. Et tout du moins en 1990, mais aussi pendant l'année 1991, ni aucun des
7 -- je ne devrais pas parler d'individus, je ne peux pas parler de Tudjman
8 ni d'Izetbegovic, mais ni la Croatie, ni la République de Bosnie-
9 Herzégovine n'avaient de forces armées significatives mis à part les forces
10 qui étaient sous la tutelle ultime du gouvernement fédéral de Yougoslavie.
11 R. Jusqu'à un certain moment, la République de Croatie, la République de
12 Bosnie-Herzégovine ainsi que toutes les républiques de l'ex-Yougoslavie
13 avaient également une Défense territoriale qui était sous le contrôle des
14 institutions de la république et non des institutions de la fédération.
15 Q. En 1990, est-il exact de dire qu'en Croatie, comme en Bosnie-
16 Herzégovine, la JNA, sous une forme ou une autre, a saisi les armes qui
17 appartenaient à la Défense territoriale dans ces deux républiques ?
18 R. Exact.
19 Q. Vous l'avez dit, en cours d'audition, lorsque le conflit d'armé avec la
20 JNA avec les forces de l'ex-Yougoslavie ou peut-être avec la République de
21 Serbie, lorsque ce conflit a éclaté, la Croatie n'avait que des moyens
22 militaires très limités, et je crois pouvoir vous citer en disant qu'elles
23 étaient vraiment d'une faiblesse navrante et -- et qu'effectivement, ces
24 forces armées n'étaient pas en mesure de s'opposer aux forces de la JNA
25 dans -- sur -- dans beaucoup de parties du territoire.
26 R. C'était mon avis, effectivement.
27 Q. Est-il juste de dire -- rappelez-vous, vous étiez un citoyen de ce
28 pays, à l'époque, est-il juste de dire qu'on a beaucoup critiqué le
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1 président Tudjman parce que, lui, son gouvernement, n'avait pas fait
2 davantage pour ce préparer à un conflit armé, un conflit militaire avec la
3 Yougoslavie ?
4 R. Il y a eu des critiques de ce genre, c'est exact. Il y a eu de telles
5 critiques.
6 Q. Est-il exact de dire, et vous avez effleuré ce sujet déjà auparavant,
7 lorsque arrive le deuxième semestre de l'année 1991, les forces serbes de
8 la JNA occupaient au moins un tiers du territoire de la Croatie ?
9 R. Je pense que ce -- ceci est à peu près exact.
10 Q. En cours d'interrogatoire principal, vous avez indiqué qu'à cette
11 époque-là, les dirigeants de la Bosnie-Herzégovine n'avaient rien fait pour
12 protester face aux actions de la JNA ou pour soutenir la Croatie lors de
13 ces événements divers intervenus en 1991. A un moment donné, plus
14 exactement le 9 janvier 1991, la présidence ou le gouvernement fédéral
15 yougoslave avait donné l'ordre aux forces paramilitaires illégales dans les
16 républiques de déposer les armes; vous vous en souvenez ?
17 R. Oui, oui. Je me souviens avoir dit dans ma déposition que l'impression
18 générale, c'était que la direction de Bosnie-Herzégovine ne faisait rien
19 pour appuyer la Croatie.
20 Q. Vous souvenez-vous que, le 21 janvier 1991, les dirigeants de la
21 Bosnie-Herzégovine, soutenus tant par la Croatie que par la Slovénie dans
22 le conflit qu'elle avait avec la présidence du gouvernement, avaient
23 exhorté la présidence fédérale yougoslave de revenir sur ses actions et sur
24 ses menaces qui étaient de désarmer des forces supposées illégales, des
25 forces paramilitaires, en Croatie et en Slovénie ?
26 R. Je n'ai pas le souvenir de cela, mais je n'exclus pas que ce soit
27 exact.
28 Q. Vous souvenez-vous qu'en août 1991, la Bosnie-Herzégovine, comme la
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1 Macédoine, ont annoncé qu'elles ne permettraient pas à leurs conscrits de
2 faire leur service militaire en dehors de leurs républiques respectives ?
3 R. Bien, j'ai un souvenir approximatif de cela. Je ne sais pas exactement
4 quand cela a été dit ni en quels termes exactement.
5 Q. Ceci nous amène à ce qui a été appelé la déclaration où ces termes,
6 apparemment, de M. Izetbegovic, ce n'est pas à nous. Vous en avez parlé à
7 la page 27 618. La Chambre l'a longuement entendu parler de cette
8 déclaration. Il l'a faite, M. Izetbegovic le 6 octobre 1991. Est-ce que,
9 vous, vous l'avez entendu exprimer ces termes -- dire cela ?
10 R. Personnellement, je n'étais pas à l'endroit où il l'a dit. Mais des
11 déclarations plus nombreuses que nécessaires ont été faites dans lesquelles
12 j'ai confiance, et donc, je crois, encore aujourd'hui, que tel a été bien
13 le cas.
14 Q. Et d'ailleurs, ces quatre mots "ce n'est pas notre guerre,"
15 s'inscrivait dans une déclaration bien plus longue qu'il a faite à
16 l'époque. Est-ce que vous avez lu la totalité de cette déclaration ?
17 R. Je ne me souviens pas.
18 Q. Est-ce que vous vous souvenez du contexte dans lequel il a dit : "Ce
19 n'est pas notre guerre" -- dire, à l'intérieur même de la déclaration --
20 R. Je ne me souviens pas de la déclaration mais je me souviens du contexte
21 historique en Croatie et dans toute cette région à l'époque, et ce contexte
22 a rendu très connue la région en général.
23 Q. Ma question porte sur le contexte de cette déclaration. Mais vous avez
24 dit que vous n'aviez pas entendu s'exprimer ce jour-là, vous ne vous
25 souvenez pas avoir lu la totalité de la déclaration; c'est bien cela ?
26 R. Je crois que c'était exact.
27 Q. N'est-il pas exact de dire que comme tant d'autres vous avez répété ces
28 termes exprimés par M. Izetbegovic quand ils étaient tirés de ce contexte
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1 sans savoir quel était précisément le contexte dans lequel il s'était
2 exprimé ?
3 R. Non, ce n'est pas le cas. Je pense que je connais assez bien le
4 contexte de ces événements politiques ainsi que l'importance d'une telle
5 déclaration dans le contexte politique marqué par le début du démantèlement
6 de l'ex-Yougoslavie.
7 Q. -- il vous est impossible de nous dire ce qu'il y a d'autre dans cette
8 déclaration, le 20 septembre 1991. Stjepan Mesic était alors le président
9 yougoslave, il a appelé les soldats yougoslaves à déserter et à se ranger
10 du côté des dirigeants élus en Bosnie-Herzégovine et en Croatie ?
11 R. J'ai un souvenir approximatif, mais je ne me rappelle pas la date avec
12 précision.
13 Q. Est-ce que -- ce que le président Izetbegovic a dit quelques jours à
14 peine plus tard, est-ce que ce n'était pas là exprimé sa solidarité avec
15 Stjepan Mesic en Croatie lorsqu'il a dit : "Ce n'est pas notre guerre" ?
16 Est-ce qu'il ne dit pas aux jeunes hommes de Bosnie à ces conscrits de ne
17 pas aller dans la JNA lutter contre la Croatie ? Est-ce que ce n'est pas là
18 ce que dit sa déclaration si vous aviez pris la peine de lire toute la
19 déclaration ?
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Le conseil est en train de
21 déposer, et je suis quelque peu surpris de voir l'absence de réaction de la
22 part des Juges --
23 M. SCOTT : [interprétation] Mais tout ceci c'est dans le dossier.
24 M. KARNAVAS : [interprétation] Qu'on me laisse parler et puis le conseil
25 peut dire ce qu'il veut. Si vous voyez les questions et les réponses
26 précédentes, le témoin dit ne pas avoir vu cette déclaration, qu'il en a un
27 souvenir plus ou moins flux et vague. Maintenant, lui pose une question,
28 après quoi il y a une déclaration faite par l'Accusation sans point
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1 d'interrogation à la fin de la voix. Et c'est du témoignage, objection, et
2 je pense que c'est avec beaucoup d'éloquences que Me Khan nous a dit que ce
3 genre de déclaration présente beaucoup de danger. Et je pense qu'il
4 faudrait mettre en garde l'Accusation tout comme on me met en garde, et
5 qu'on malmenasse quand je m'emporte.
6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur Karnavas.
7 Pourquoi ne pas soumettre ce document au témoin, vous avez d'autres façons
8 de l'amener là où vous voulez qu'il soit ? Je pense que là l'objection
9 soulevée est tout à fait valable.
10 M. SCOTT : [interprétation] Le témoin a dit qu'il n'avait pas lu cette
11 déclaration. Je ne vais pas lui montrer une déclaration qui n'a jamais vue.
12 Mais la Chambre, elle, a déjà vu cette déclaration.
13 Q. Vers cette même période, le 27 janvier 1991, vous vous souvenez que le
14 président Tudjman a effectivement renforcé et reconnu le droit qu'avait la
15 JNA d'arrêter des personnes qui étaient surtout à l'époque des activistes
16 d'un parti parce qu'elle aurait eu possession illégale d'armes. Est-ce que
17 vous vous souvenez que le président Tudjman a soutenu -- a encouragé cet
18 acte ?
19 R. D'abord, je n'ai pas dit tout à l'heure que je n'avais jamais vu la
20 déclaration de M. Izetbegovic car je l'ai vue à plusieurs reprises. Ce que
21 j'ai dit c'est que je ne l'avais pas bien entendue. Et je crois que les
22 deux choses sont différentes.
23 Deuxièmement, s'agissant de ce que vous venez d'aborder dans votre
24 question, je n'en ai vraiment pas le souvenir.
25 Q. Puisque vous revenez à cette question, je vous repose la question :
26 pourriez-vous nous dire ce qu'il y a d'autre dans le reste de la
27 déclaration ? Vous dites que vous l'avez vue plusieurs fois, alors, dites-
28 nous : mis à part ces quatre mots dont vous vous souvenez, quel était le
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1 contexte ? Qu'est-ce qu'on a dit en plus de ces quatre mots ? Et donnez-
2 nous le contexte et la signification qu'il fallait donner à ces
3 déclarations.
4 M. KARNAVAS : [interprétation] Vraiment injuste envers le témoin, tant
5 d'années se sont écoulées, et maintenant, on lui demande de se souvenir
6 quelque chose qui s'est dit il y a des années. Je crois que le Juge
7 Trechsel a dit qu'il y avait une autre façon -- une autre technique pour
8 obtenir une réponse. Moi, personnellement, je n'ai pas voulu souffler de
9 suggestion. Je ne suis pas ici pour faire le travail du substitut mais,
10 effectivement, il faudrait lui montrer le document, et s'il veut poursuivre
11 son contre-interrogatoire, pas de problème, mais il n'est pas très juste de
12 demander à un témoin de se souvenir de quelque chose qu'il a entendu il y a
13 15 ans. Soyons réalistes.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Monsieur Scott, je ne sais pas très bien ce que
15 vous voulez mettre en évidence. Donc, je vous laisse poser les questions,
16 mais comme le dit Me Karnavas, et on gagnerait du temps si vous avez la
17 déclaration exacte dans le contexte de
18 M. Izetbegovic, autant lui montrer.
19 M. SCOTT : [interprétation] Je n'ai pas le temps, Monsieur le Président. Et
20 j'ai déjà fait valoir ce que je voulais, je ne veux pas maintenant
21 polémiquer avec lui. Ce qui compte c'est qu'il ne s'en souvient pas du tout
22 de cette déclaration. Tout ce qu'il a en tête ce sont ces quatre mots : "Ce
23 n'est pas notre guerre."
24 Q. Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous qu'en mai 1991, le président
25 Tudjman a approuvé une décision prise à l'unanimité par la présidence
26 collégiale de la RSFY pour donner davantage d'autorités à la JNA pour
27 régler des conflits d'ordre ethnique ?
28 R. Véritablement, je ne m'en souviens pas. A l'époque, j'étais aux Etats-
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1 Unis, et dans votre question, il y a trop d'éléments détaillés. Donc,
2 vraiment, je n'ai pas le souvenir.
3 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ceci : en mai 1991, le président
4 Tudjman a exhorté un groupe de Croates de souche en Bosnie-Herzégovine qui
5 étaient du côté de Mostar et qui avaient protesté en faisant le blocus en
6 bloquant un convoi de la JNA ? Il leur a dit de mettre fin à cette
7 protestation et de laisser passer le convoi, vous en souvenez --
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Autre objection, je m'oppose à cette
9 technique. Soit on montre le document pour que le témoin le voie, mais on
10 demande maintenant au témoin de se souvenir de certaines choses. C'est là
11 pratiquement du domaine de l'impossible à ce stade. Je ne m'oppose pas à ce
12 genre de question; cependant, si ceci va être le socle sur lequel on va
13 s'appuyer pour demander le versement du document, là, je serais vraiment
14 catégorique, car on ne donne pas l'occasion au témoin de voir le document.
15 Alors, sur quoi s'appuie-t-il, M. Scott, pour dire ce genre de chose ? Je
16 ne sais pas, je crois qu'on a le droit de le savoir.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, vous lui demandez s'il s'en
18 souvient. Lui, il dit : je ne m'en souviens pas parce qu'à ce temps-là,
19 j'étais aux Etats-Unis. Bon, très bien. A ce moment-là, pour lui rafraîchir
20 la mémoire, vous lui montrez le document, vous lui dites : je vous présente
21 un document faisant état de cela. Il dit : je l'ai vu, je ne l'ai pas vu,
22 j'étais aux Etats-Unis, j'ai fait chose que de lire des documents ou la
23 presse. Et puis, voilà.
24 M. SCOTT : [interprétation]
25 Q. Oui, la question que je vous pose était celle-ci : est-ce que vous vous
26 souvenez que M. Tudjman a demandé à des Croates de souche qui étaient à
27 Mostar de mettre fin au blocus qu'ils faisaient d'un convoi de la JNA ?
28 Dites-moi si vous vous souvenez ou pas, c'est tout.
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1 R. J'ai déjà répondu. J'ai dit que je ne me rappelais pas ces événements -
2 - ou enfin, pas des éléments très précis -- très détaillés les concernant.
3 Q. En octobre 1991 et plus tard, le gouvernement de Tudjman a autorisé les
4 forces de la JNA -- les effectifs de la JNA à quitter leur caserne en
5 Croatie, en portant chars, munitions et autres matériels.
6 R. Ça, je me souviens à peu près.
7 Q. Est-ce que ça s'est passé ?
8 R. Je crois que cela s'est partiellement passé. Bien entendu, la
9 motivation du président Tudjman c'était la volonté que l'armée yougoslave
10 quitte le territoire croate.
11 Q. Ils ont été autorisés à partir en emportant armes, munitions.
12 R. Je ne me rappelle pas des détails et je pense qu'il est assez difficile
13 de vous répondre de façon générale car, si je ne me trompe pas, les choses
14 ne sont pas passées de manière identique dans les différentes régions de la
15 Croatie. Il y a des régions où les commandants des unités de l'armée
16 yougoslave se sont contentés de rendre leurs armes. Il y a d'autres régions
17 où ils se sont opposés. Donc, il est difficile de répondre de façon
18 générale à cette question.
19 Q. Mais voici ce à quoi je veux en venir; n'est-il pas exact de dire qu'en
20 1990 et en 1991, la capacité qu'avait Izetbegovic ou Tudjman de faire quoi
21 que ce soit pour essayer d'enrayer les actions de la JNA c'était une
22 capacité tout à fait limitée, n'est-ce pas ?
23 R. Limitée, elle était mais le temps a montré que tout de même la chose
24 n'était pas impossible. Le temps l'a prouvé.
25 Q. Vous avez dit notamment que M. Izetbegovic croit, à l'époque quand vous
26 parlez de ça - vous parlez du mois de juin 1991 - qu'il pensait que les
27 forces fédérales, la JNA, n'allaient pas attaquer la Bosnie-Herzégovine,
28 n'est-ce pas, ce que vous avez dit à la page 27 687 du compte rendu
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1 d'audience ? Je vous demande ceci : pendant le plus clair de 1991, est-ce
2 que ceci n'avait pas été aussi l'attitude de M. Tudjman, ou est-ce qu'il
3 croyait qu'il pouvait éviter un conflit armé avec la Yougoslavie avec la
4 JNA ?
5 R. Pendant une partie de l'année 1990, je pense que ceci a réellement été
6 la position du président Tudjman. Pour être plus précis, je dirais que
7 l'idée c'était qu'à travers les négociations et par une intervention de la
8 communauté internationale, on pouvait arriver à une solution.
9 Q. Effectivement, est-ce que ce n'est pas précisément pour cela que
10 Tudjman et Milosevic se sont rencontrés à Karadjordjevo afin de négocier un
11 accord en vertu duquel la Croatie ne serait pas attaquée et que tous deux
12 ils se concentreraient plus tôt sur la Bosnie-Herzégovine ?
13 R. Je ne sais pas exactement quelle a été la teneur des conversations, les
14 entretiens à Karadjordjevo. Comme on le sait, personne mis à part Tudjman
15 et Milosevic n'y était et personne ne sait directement de quoi ils ont
16 parlé. Connaissant -- ayant fait la connaissance du président Tudjman à
17 posteriori, je crois fermement que les motivations -- sa motivation pour ce
18 déplacement vers la réunion avec Milosevic avait été une tentative de faire
19 stopper la guerre et faire en sorte qu'une solution pacifique soit trouvée.
20 Q. Nous n'allons pas afficher la carte; si quelqu'un le souhaite, nous
21 pouvons le faire. Mais si l'on examine la carte de l'ex-Yougoslavie, on
22 constate, n'est-ce pas, que la Serbie n'a aucune frontière commune avec la
23 Slovénie, et pourtant il est exact, n'est-ce pas, que la JNA était contre
24 l'indépendance de la Slovénie, donc, la Slovénie qui venait de proclamer
25 son indépendance ?
26 R. C'est exact.
27 Q. Savez-vous si Tudjman ou son gouvernement ont fait quoi que ce soit
28 pour empêcher la JNA de traverser le territoire croate afin de mener des
Page 31123
1 actions en Slovénie ?
2 R. Bien qu'il me paraisse évident quelle est la logique que vous
3 poursuivez, mais toute personne connaissant la situation, alors, savait
4 pertinemment bien que la Croatie ne pouvait pas stopper l'armée yougoslave.
5 Du reste, cette intervention de l'armée yougoslave n'a duré qu'une dizaine
6 de jours. Et, la Slovénie n'a pas sérieusement entamé une guerre, et la
7 Croatie n'a pas non plus été en situation de se porter à son secours. Et,
8 l'armée croate, comme on le peut le conclure partant des documents
9 disponibles -- la JNA, partant des documents disponibles, n'avait pas des
10 intentions sérieuses. Je crois pouvoir dire que ni la Slovénie, ni la
11 Croatie n'ont aidé l'une ou l'autre.
12 Pour ce qui est de l'imprécision ici, je n'ai pas dit -- j'ai dit jusqu'au
13 bout à part entière.
14 Q. Savez-vous si le président Tudjman n'a jamais dit à Kadijevic que la
15 Croatie ne s'immiscerait pas dans les problèmes entre la Serbie et la
16 Slovénie ?
17 R. Non, je n'en suis pas au courant.
18 Q. A cet égard, vous avez également déclaré qu'en Croatie et en Bosnie-
19 Herzégovine, les gens avaient pris l'initiative de s'armer; est-ce bien
20 cela ?
21 R. Le fait est qu'ils se sont armés en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.
22 Q. Conviendrez-vous avec moi que les Musulmans avaient autant de droits
23 que les Croates de se préparer à l'éventualité d'un conflit, de s'armer ?
24 R. Tout à fait certain.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, dans votre réponse, il peut y
26 avoir une approximation mais qui résulte également de la question.
27 L'armement des populations, c'est un armement spontané ou on leur a dit de
28 s'armer ? Ce qui ne serait pas la même chose.
Page 31124
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur le Président. Je
2 m'efforce de répondre de façon précise mais je n'ai pas compris la question
3 avec précision. Je pense que, du moins, en Croatie, il est survenu deux
4 choses en parallèle. La population s'est organisée de façon spontanée, ça,
5 j'en ai été le témoin. La grande majorité de mes collègues a essayé de se
6 procurer des armes quelles qu'elles soient sans avoir un objectif concret.
7 D'autre part, le gouvernement, aussi, s'est efforcé de façons variées à se
8 procurer des armes et à en assurer donc -- s'en procurer pour sa défense.
9 Il y a eu donc deux processus -- il y en a eu probablement un troisième, de
10 processus, à savoir qu'un grand nombre de Croates dans la diaspora avait
11 essayé de s'organiser aux fins d'aider au travers des -- d'envois d'armes,
12 tant vers la Croatie, me semble-t-il, que vers la Bosnie-Herzégovine, et
13 peut-être vais-je me rectifier. Je dirais un grand nombre de Croates et
14 autres, pas seulement des Croates.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci pour cette réponse complémentaire.
16 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci de cette
17 précision. C'est moi qui aurais dû être plus clair.
18 Q. Est-il exact de dire que, dans la situation que nous avons décrite,
19 s'agissant du gouvernement croate et du gouvernement de Bosnie-Herzégovine,
20 ces deux gouvernements ont pris des mesures pour s'organiser, pour s'armer.
21 En même temps, des personnes et des groupes le faisaient également; c'est
22 bien cela ?
23 R. Je pense que c'est exact.
24 Q. Je souhaiterais évoquer certaines des négociations de paix auxquelles
25 vous avez participé. En rapport avec les questions posées par Me Alaburic,
26 nous avons longuement parlé du processus de négociations. Vous avez déclaré
27 lors de l'interrogatoire principal que les négociations aboutissaient
28 généralement à une espèce de compromis, c'est bien cela ?
Page 31125
1 R. En principe, oui.
2 Q. Chaque partie aux négociations a droit de rester sur ses positions et
3 de se montrer dur.
4 R. C'est exact.
5 Q. Et je suis sûr que dans le cadre de votre expérience, vous avez pu
6 constater qu'il existait toutes sortes de tactiques -- on peut approcher
7 les choses de différentes manières pour obtenir ce qu'on veut.
8 R. C'est exact.
9 Q. Ce processus peut être frustrant et il n'arrange peut-être pas les
10 choses, mais c'est ce que veut le principe de négociations, n'est-ce pas ?
11 R. Exact.
12 Q. Vous avez mentionné des cas, les situations où les représentants
13 musulmans se présentaient, recevaient des informations mais n'étaient pas
14 en mesure de prendre des décisions. Je pense que cela arrive fréquemment.
15 Une partie peut se présenter à une réunion en disant : "Nous sommes ici
16 pour écouter, voyons ce que vous avez à dire. Nous ne pouvons pas prendre
17 de position -- de décision aujourd'hui, mais dites-moi quelle est votre
18 position et nous verrons plus tard." Ce n'est pas inhabituel, n'est-ce pas
19 ?
20 R. Il est tout à fait certain que ce n'est pas le cas. Cependant, lorsque
21 ce type de stratégie est utilisé pour faire obstruction aux négociations,
22 alors, on ne peut parler d'éléments positifs. Et je n'ai jamais affirmé que
23 c'était de cette façon-là qu'on avait eu recours à la stratégie. J'ai dit
24 que mon impression était parfois celle de penser que c'était de cette façon
25 qu'on s'efforçait de négocier sans pour autant aboutir -- arriver à aboutir
26 à un accord. C'était l'impression que j'avais.
27 Q. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire -- enfin, je vais
28 paraphraser ce que vous avez dit, et corrigez-moi si je me trompe. Ce
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1 principe qui veut que rien n'est convenu tant que tout n'a pas été convenu;
2 est-ce que vous conviendrez avec moi que l'inverse pourrait être tout
3 autant destructif, improductif ? Ce n'est pas parce que quelque chose a été
4 convenu que tout l'a été nécessairement, n'est-ce pas ?
5 R. Tout à fait certain. Chaque méthodologie, chaque approche utilisée aux
6 fins de faire obstruction à des négociations est négative de façon égale.
7 Q. Je veux être tout à fait clair. Beaucoup pensent, et un nombre de ces
8 personnes sont venues témoigner ici -- beaucoup pensent que le problème,
9 côté croate, de façon générale, c'est que lorsque l'on s'était mis d'accord
10 sur quelque chose, les Croates faisaient comme si tout avait fait l'objet
11 d'un accord, qu'il y ait eu un accord ou pas. Est-ce que vous avez déjà
12 entendu ce type de commentaire ?
13 R. Je ne puis me souvenir de cela dans le concret, mais il est exact de
14 dire que la partie croate était intéressée, une fois une chose convenue,
15 par la nécessité de passer à la mise en œuvre, parce que l'idée motrice
16 était celle de voir au plus tôt mettre en œuvre pour au plus tôt faire
17 mettre un terme à la guerre.
18 Q. N'est-il pas juste de dire qu'à plusieurs reprises, les négociateurs
19 étrangers et/ou les Serbes et/ou les Musulmans ont dû dire : "Attendez, on
20 n'est pas encore là. On s'est mis d'accord sur certaines choses, mais pas
21 sur tout, donc on ne peut pas aller de l'avant." Est-ce que cela ne s'est
22 pas produit un certain nombre de fois ? En janvier 1993, en mars 1993 ?
23 R. Il est tout à fait normal et certain de voir ce type de chose survenir
24 dans toutes les négociations et encore davantage dans des négociations
25 aussi compliquées -- aussi complexes.
26 Q. Un peu plus tôt, vous avez mentionné les réunions présidentielles
27 tenues en juin 1991. Il y a eu des négociations.
28 M. Izetbegovic et M. Gligorov ont exprimé leurs positions, et Tudjman,
Page 31127
1 d'après la transcription de la réunion tenue le 8 juin 1991 - P 0003 - a
2 dit, je cite : "Pour l'essentiel, la Serbie l'a accepté, mais interprété
3 les choses à sa manière."
4 Alors, qu'est-ce que ça veut dire ? Vous dites que l'une des parties
5 a accepté la position exprimée mais l'a interprétée à sa manière. Qu'est-ce
6 que cela veut dire ?
7 R. Je ne saurais interpréter cette phrase car, en réalité, je ne sais pas
8 dans quel contexte elle a été prononcée et comment cela était fait. Pour ce
9 qui est d'une interprétation générale, tout un chacun d'entre nous sait
10 qu'une partie, ayant accepté une chose, l'a interprétée différemment.
11 Alors, je ne sais pas maintenant me souvenir de la teneur concrète de ce
12 passage. Le fait est que j'ai cité, du moins par cœur, la -- les dires de
13 Tudjman, et cette phrase, telle que je la vois en anglais maintenant, je
14 n'arrive plus à la caser dans ce que j'aurais éventuellement dit à
15 l'époque.
16 Q. Excusez-moi, je ne veux pas vous induire en erreur. Il s'agit d'une
17 déclaration attribuée à M. Tudjman dans un transcript présidentiel. En tant
18 que négociateur chevronné, je voulais vous soumettre l'idée suivante.
19 Lorsqu'on dit qu'une partie a accepté la position exprimée mais l'a
20 interprétée à sa manière, je voulais savoir ce que vous en pensiez, je ne
21 vous imputais pas cette déclaration du tout.
22 Nous avons parlé -- ou plutôt, vous avez parlé de l'accord de Washington,
23 vous nous avez dit que vous aviez été impliqué à un stade assez précoce des
24 négociations, au stade préliminaire, en réalité.
25 R. Oui, exact.
26 Q. Vous souvenez-vous grosso modo à quel moment le processus de Washington
27 a commencé par rapport aux efforts entrepris précédemment. Je ne parle pas
28 de Owen-Stoltenberg mais à quel moment a-t-on commencé à parler d'un
Page 31128
1 processus qui aurait lieu à
2 Washington ?
3 R. Je ne m'aventurerais pas à donner des dates exactes, d'ailleurs ces
4 dates peuvent se retrouver très facilement et on peut les citer. Mais nous
5 parlons de la situation caractérisant ces négociations, je pense que deux
6 facteurs principaux ont déterminé le début du processus de Washington.
7 D'abord, l'envoi de M. Redman, en tant qu'envoyé spécial du président
8 Clinton, c'est ce qui impliquait une implication directe des Etats-Unis; et
9 deuxièmement, l'impression qui présidait dans l'esprit de tous à l'époque
10 que la Conférence de Paix telle qu'elle s'était déroulée depuis le début à
11 Genève, que cette Conférence de Genève était arrivée dans une voie sans
12 issue, donc, elle ne pouvait pas se poursuivre. Je pense que c'était là les
13 deux facteurs les plus importants.
14 Q. Je pense que vous avez confirmé cela dans vos déclarations antérieures
15 et à l'occasion de certaines réunions présidentielles auxquelles vous avez
16 participé. Inutile de passer trop de temps là-dessus. Est-il juste de dire
17 qu'à la fin de l'année 1993, la plupart des processus de paix entamés
18 jusqu'à présent étaient dans l'impasse.
19 R. C'était l'impression qui prévalait à l'époque.
20 Q. Dans l'une de vos déclarations, me semble-t-il, vous avez dit que la
21 Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie n'était plus productive, ne
22 servait plus à rien, n'est-ce pas, ce que vous avez dit ?
23 R. Mon impression était bien celle-là à l'époque.
24 Q. Vous avez parlé de certains des événements qui avaient conduit à la
25 Conférence de Washington. Vous avez dit que le gouvernement des Etats-Unis
26 était de plus en plus impliqué, de façon de plus en plus directe. Est-il
27 juste de dire qu'à la fin de 1993, au début de l'année 1994, les Croates de
28 Bosnie tout particulièrement étaient à l'objet d'une pression militaire
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1 très importante en Bosnie-Herzégovine. Il y avait eu un renversement de la
2 situation de la guerre à leur détriment, et la Croatie subissait des
3 pressions internationales très importantes en raison de la situation en
4 Bosnie-Herzégovine. Est-ce que ce que je viens de dire n'est pas vrai ?
5 R. Je ne saurais commenter la situation du point de vue des éventuels
6 affrontements qui se produisaient sur le terrain à l'époque. Il est certain
7 que d'autres pourraient le faire mieux que moi car ils en savent davantage
8 sur ce sujet. Mais il est clair que la Croatie subissait des pressions
9 importantes de la part de la communauté internationale à ce moment-là.
10 Q. Alors qu'on se dirige lentement vers le processus de Washington, vous
11 avez indiqué qu'une union entre les Croates et les Musulmans au sein d'une
12 même entité, d'après M. Boban, en tout cas n'était pas viable. C'était
13 votre position également, n'est-ce pas ? R. C'était mon impression à ce
14 moment-là, exact.
15 Q. Je vous invite à vous reporter à la pièce P 01532, un document qui doit
16 se trouver dans le troisième classeur, P 01532.
17 Il s'agit d'un communiqué de presse de la BBC daté du 9 août 1993, il
18 est en rapport avec les négociations en cours à l'époque. Vous avez été
19 interviewé, on vous décrit comme étant le chef de la mission croate auprès
20 des Nations Unies à Genève. Au dernier paragraphe de cet article, le texte
21 se lit comme suit, je cite : "En réponse à la question de savoir pourquoi
22 l'idée musulmane d'une union entre les Musulmans -- entre les Républiques
23 musulmanes et la République croate au sein d'une union en Bosnie-
24 Herzégovine n'est pas acceptable, Zuzul a répondu : "Cela ne pourrait pas
25 vraiment marcher." Il a dit que cela profiterait à la troisième partie,
26 c'est-à-dire aux Serbes."
27 Pourquoi pensiez-vous cela ?
28 R. La vérité c'est que je ne me souviens pas de cette déclaration. Je n'ai
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1 pas de raison d'affirmer qu'est-ce qui est dit ici n'est pas exact, mais si
2 je l'ai dit, en tout cas, c'est qu'à ce moment-là que je pensais que telle
3 entité ne pourrait pas fonctionner. Cela étant, j'ai, à partir de ce
4 moment-là, commencé à travailler en vue d'aboutir à une situation ou une
5 telle solution pourrait fonctionner. Donc, si j'ai dit ce qui est écrit
6 ici, c'est quelque chose que j'ai pensé exclusivement, uniquement pour ce
7 moment-là.
8 Q. Aujourd'hui, me semble-t-il, vous avez indiqué que les représentants
9 de la communauté internationale préparaient des cartes. Au premier
10 paragraphe, vous parlez de la répartition des territoires, du fait que les
11 Musulmans de Bosnie obtiendraient 30 % et ainsi de suite. N'est-il pas
12 exact de dire que toutes les parties étaient constamment en train de
13 préparer des cartes tout au long de ce processus ?
14 R. Exact. Mais je répondais à la question relative aux cartes qui
15 faisaient partie des discussions du plan Owen, c'est en répondant à une
16 question sur le plan Owen que j'ai dit que je pensais que c'étaient les
17 experts internationaux qui avaient préparé les cartes.
18 Q. Nous entrons à Washington, n'est-il pas juste de dire qu'en définitive,
19 vu le document qui a été signé par les Croates et les Musulmans, l'accord
20 de Washington était radicalement différent des plans de paix précédents et
21 constituait un tournant important dans la politique croate ?
22 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Le plan Vance-Owen, bien sûr.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aurais du mal à dire si cela représentait un
24 tournant parce qu'il avait déjà été question de fédération et de
25 confédération dans la période antérieure -- fédération entre les Croates et
26 les Musulmans en Bosnie-Herzégovine ou confédération. Mais je pense que
27 cela constituait une réelle et concrète possibilité pour la conclusion d'un
28 accord qui avait le soutien à l'époque de la majorité des éléments
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1 internationaux existant alors.
2 M. SCOTT : [interprétation]
3 Q. Nous ne pourrons pas en terminer aujourd'hui mais nous allons utiliser
4 le temps qui nous reste.
5 Je vous demande d'examiner la pièce P 07856, deuxième classeur.
6 Je précise pour les besoins du compte rendu d'audience, qu'il s'agit du
7 compte rendu d'une réunion auxquels ont participé le
8 Dr Tudjman et d'autres personnes, le 13 février 1994, à Zagreb. Vous pouvez
9 examiner la transcription en croate ou en anglais. Voyez ce qui est le plus
10 simple pour vous.
11 Page 1, les pages correspondent dans les deux langues. Alors, le président
12 Tudjman a -- prend la parole en premier, et il dit : "Messieurs, j'ai
13 demandé au ministre Susak d'inviter Mate et le reste d'entre vous pour
14 assister à un sommet des dirigeants de l'Herceg-Bosna afin de parvenir a un
15 accord sur les mesures à prendre après tout ce qui s'est passé ces derniers
16 temps : notre réunion générale à Livno, la réunion de Sarajevo, les
17 pourparlers actuels à Genève, mais surtout en ce qui concerne la nouvelle
18 situation créer par l'initiative des Etats-Unis avec un groupe de pays
19 européens qui cherchent à trouver une solution pour la crise en Bosnie-
20 Herzégovine."
21 Alors, ici il est fait référence à Washington, n'est-ce pas ?
22 R. C'est le début, de ce qui va aboutir sur l'accord de Washington.
23 Q. Veuillez examiner la page 2, dernier paragraphe. Le président Tudjman
24 poursuit son intervention et déclare, je cite : "En même temps, des
25 pressions sont exercées sur nous," puis il y a quelque chose qui manque
26 dans le texte. "Jusqu'à présent, ils ont fait savoir qu'ils n'étaient pas
27 satisfait de notre politique en Herceg-Bosna, et que c'était de notre faute
28 si les relations avec les Musulmans s'étaient dégradées, ils nous ont fait
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1 savoir que nous devions changer cela et que nous devions faire de Mate
2 Boban un symbole de cette responsabilité qui est la nôtre pour
3 l'affrontement avec les Musulmans. Il a été dit dans le cadre de
4 discussions amicales que nous devions changer ce symbole, c'est la raison
5 pour laquelle j'ai décidé que Mate ne participerait plus aux négociations,"
6 et ainsi de suite.
7 Alors, vous souvenez-vous de la décision prise par le président Tudjman en
8 1994 selon laquelle Boban ne participerait plus aux négociations ?
9 R. Je me rappelle que Mate Boban a cessé de participer aux négociations à
10 l'époque et je sais que le président Tudjman voulait qu'il cesse d'y
11 participer, maintenant, à savoir si quelqu'un a rendu une décision
12 officielle sur ce point, je n'en sais rien.
13 Q. Je vous prie, de vous pencher sur la page 4 de cette transcription. Le
14 président Tudjman mentionne les négociations en cours, et au deux tiers de
15 la page il dit : "Nous sommes en faveur d'une union des trois républiques
16 de Bosnie-Herzégovine, mais la question peut être soulevée et l'ambassadeur
17 Zuzul, qui s'est entretenu avec l'émissaire américain Redman, qui est
18 responsable de cela, vous dire que nous pourrions nous retrouver dans une
19 situation délicate si les politiques occidentales et américaines allaient
20 jusqu'à autoriser le départ des Serbes."
21 Alors, côté croate, je ne parle pas des Croates de Bosnie mais des Croates
22 de Croatie, est-ce que c'est vous qui dirigiez les négociations à cette
23 époque ?
24 R. Je ne les conduisais pas, mais j'y participais à ces négociations. Et
25 là, dans cet exemple concret, je crois que je disais au président ce qu'il
26 en était des pourparlers, des entretiens avec l'ambassadeur Redman.
27 Q. En haut de la page 5, il poursuit et Tudjman dit à propos de ce
28 processus : "Alors que nous sommes en train de trouver les façons d'arriver
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1 à un accord avec les Musulmans, mais un accord qui ne va pas mettre en
2 cause notre propre intérêt en Herceg-Bosna ou dans notre Etat en tant que
3 tel."
4 On voit que vous étiez présent à la réunion, pour vous, qu'est-ce qu'il a
5 voulu dire le président Tudjman lorsqu'il a dit que : "Il ne permettrait
6 pas que cet accord mettre en cause ces intérêts en Herceg-Bosna" ?
7 R. Mon interprétation, à ce moment-là et aujourd'hui, consiste à penser
8 qu'il pensait à la défense de l'aspect constitutif du peuple croate en
9 Bosnie-Herzégovine -- du caractère constitutif.
10 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que c'est à peu
11 près tout pour aujourd'hui.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur le Témoin, quelques
13 recommandations puisque vous allez donc revenir demain, pour l'audience qui
14 commencera à 9 heures. Bien entendu, vous n'avez aucun contact avec
15 quiconque, sauf avec les membres de votre famille, avec qui vous pouvez,
16 bien entendu, faire part de vos impressions de l'audience du moment que ça
17 ne sort pas du cercle familial. Par ailleurs, vous pouvez lire tout ouvrage
18 à votre disposition. Nous ne sommes pas des censeurs et nous n'interdisons
19 pas, bien entendu, toute lecture qui vous paraîtrait pour vous utile.
20 Voilà ce que j'ai à vous dire. Et donc, nous nous retrouverons demain à 9
21 heures. Je vous remercie.
22 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mardi 22 juillet
23 2008, à 9 heures 00.
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