Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 26 août 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président et

  9   Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes dans le prétoire et

 10   autour du prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre

 11   Prlic et consorts. Merci beaucoup.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce mardi, salut à

 13   MM. les accusés, Mmes et MM. les avocats, MM. du bureau du Procureur et

 14   Mmes et MM. qui nous assistent dans nos travaux. Nous allons donc continuer

 15   l'interrogatoire principal du témoin. Avant cela, tout d'abord, j'annonce

 16   que nous pourrons donc siéger jeudi matin, ce qui permettra au témoin donc

 17   de partir dans l'après-midi. Donc, Monsieur le Greffier, l'audience se

 18   tiendra donc jeudi matin et non pas jeudi après-midi.

 19   Deuxième élément, hier, il y a eu des observations de

 20   Me Kovacic sur la pièce 1D 01410 sur une question de traduction, donc, le

 21   mieux serait que le service de Traduction du Tribunal nous donne une

 22   traduction de ce document, une nouvelle traduction en anglais. Donc,

 23   Monsieur le Greffier, il conviendra donc de demander au CLSS de nous faire

 24   une nouvelle traduction.

 25   Comme je l'ai indiqué hier, il me semble qu'il reste à

 26   Me Karnavas une heure 15, donc, Maître Karnavas, je vous donne la parole

 27   puisque vous êtes prêt, le pupitre étant disposé devant vous.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

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  1   Messieurs les Juges. Il est possible -- je dis bien qu'il est possible que

  2   j'aie sous-estimé le temps dont j'ai besoin. Il se peut que j'aie besoin

  3   d'un certain laps de temps supplémentaire. Peut-être ne sera-ce pas le cas.

  4   En tout cas, nous allons nous efforcer d'avancer le plus rapidement

  5   possible.

  6   LE TÉMOIN : MARTIN RAGUZ [Reprise]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   Interrogatoire principal par M. Karnavas : [Suite]

  9   Q.  [interprétation] Monsieur Raguz, j'appelle maintenant votre attention

 10   sur la pièce P 05051. Nous avons déjà vu ce document dans ce prétoire

 11   antérieurement, mais il y a un point sur lequel j'aimerais appeler votre

 12   attention. Penchons-nous, si vous le voulez bien, sur le chapitre III, par

 13   exemple, et nous voyons que sur la base de la déclaration conjointe du 14

 14   septembre 1993, M. Franjo Tudjman a nommé --

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Selon le compte rendu

 16   d'audience, vous avez dit pièce P 0501. Mais ne serait-ce pas plutôt la

 17   pièce P 05051 car c'est le numéro qui figure sur la liste.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] 5051.

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ce qui a été était le 051. Donc

 20   merci de cette précision.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

 22   Q.  Donc, chapitre III de ce document. Nous voyons que, dans ce passage, M.

 23   Franjo Tudjman nomme M. Mate Granic, vice-premier ministre et ministre des

 24   Affaires étrangères de Croatie, et que le président Izetbegovic nomme M.

 25   Haris Silajdzic au poste de ministre des Affaires étrangères. Je suppose

 26   que vous pensiez, d'une façon ou d'une autre, que ces deux hommes

 27   participaient à des activités liées à la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 28   R.  Exact.

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  1   Q.  D'accord. Passons maintenant au document suivant, 1D 01590. 1D 01590.

  2   Il s'agit d'un protocole relatif à une réunion du groupe de travail chargée

  3   de régler la situation humanitaire et d'autres problèmes. La réunion qui

  4   fait l'objet de ce document s'est tenue à Split le 25 septembre, et nous

  5   voyons que M. Zubak et M. Tadic étaient assis d'un côté de la table avec M.

  6   Krajsek, Musan Agovic et  avec MM. Azra Krajsek, Musan Agovic et Tarik

  7   Jasarevic de l'autre côté de la table. Alors si nous nous penchons plus

  8   précisément sur les points 2, 3 et 4 où il est question des groupes de

  9   travail, en page 2, nous voyons qu'il est question de préparer le retour

 10   volontaire des personnes déplacées ou relogées. Il est question de

 11   nécessaire progrès dans les négociations liées au retour des réfugiés. Je

 12   vous demande si vous étiez au courant de l'existence de ce protocole à

 13   l'époque ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  D'accord. Merci. M. Zubak, comme vous l'avez indiqué, n'est-ce pas,

 16   était président du QG, si je vous ai bien compris, ainsi que vice-président

 17   du HVO de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, n'est-ce pas ?

 18   R.  Exact.

 19   Q.  Passons maintenant au document suivant, 1D 00928, qui date du 13

 20   octobre 1993.

 21   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas, mais

 22   j'avais une question de précision à poser. Dans le texte du protocole que

 23   nous venons d'examiner, dans la deuxième partie du texte, deuxième partie

 24   de la page 1, nous trouvons le paragraphe suivant, je cite : "Conditions

 25   définissant le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine, ainsi que

 26   les territoires sous le contrôle du HVO et les territoires sous le contrôle

 27   de l'ABiH." Ma question est la suivante : je comprends ces définitions. Par

 28   ailleurs, je me demandais s'il n'y avait personne qui serait arrivé en

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  1   provenance des territoires de la Republika Srpska. Je me demandais si ces

  2   personnes et ces territoires n'auraient pas dû être pris en compte dans le

  3   cadre du travail mené à bien par les instances et les organisations dont

  4   nous parlons, d'où ma question eu égard aux territoires relevant de la

  5   responsabilité de la Republika Srpska et de l'armée de la Republika Srpska.

  6   Pourquoi ces territoires et ces habitants ne sont-ils pas pris en compte

  7   dans le texte du protocole ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'ils n'étaient pas concernés par cet

  9   accord. C'était le moment où la guerre était la plus féroce, et ils n'ont

 10   donc pas participé à la signature de cet accord.

 11   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Bien sûr, je comprends votre

 12   explication qui consiste à indiquer que ces territoires n'étaient ni sous

 13   le contrôle de l'ABiH ni sous le contrôle du HVO, mais ma question

 14   concernait le fait qu'il était possible qu'il y ait eu des réfugiés ou des

 15   personnes déplacées originaires de ce territoire. Mais enfin, quoi qu'il en

 16   soit, je vous remercie de votre réponse.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.

 18   Q.  Passons au document suivant, le document 1D 00928. Nous voyons qu'il

 19   s'agit d'un rapport adressé à M. Jadranko Prlic du bureau des personnes

 20   déplacées et des réfugiés, datant du 13 octobre 1993. Et si nous nous

 21   penchons sur le deuxième paragraphe, nous trouvons des chiffres, à savoir

 22   il y est fait mention de 4 159 personnes déplacées au total.

 23   Troisième paragraphe, nous trouvons le libellé suivant, je cite : "A savoir

 24   qu'en raison de l'agression des Musulmans, un grand nombre de Croates ont

 25   été déplacés avant tout à partir de Travnik, Novi Travnik, Konjic et

 26   Bugojno, et que le résultat de cela a été que les municipalités situées

 27   dans ces territoires organisent l'accueil d'un grand nombre de personnes

 28   déplacées." Puis nous trouvons d'autres statistiques à ce niveau du texte.

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  1   Et si nous passons à la page 2, deuxième paragraphe, nous lisons, je cite :

  2   "Un convoi à destination de Vares est en cours d'organisation pour évacuer

  3   4 000 personnes déplacées originaires de Kakanj et de Zenica," et cetera.

  4   Donc, ma question, Monsieur Raguz, est la suivante : aviez-vous

  5   connaissance de l'existence de ce rapport et, si oui, pourriez-vous, je

  6   vous prie, nous dire en quoi ces chiffres, comment ces statistiques ont été

  7   établies ? Très brièvement, je vous prie.

  8   R.  Oui, je connais ce texte, mais s'agissant du deuxième passage que vous

  9   avez cité avec le chiffre de 4 000 personnes déplacées, il s'agit de

 10   personnes déplacées installées dans des logements collectifs, uniquement et

 11   exclusivement. Car à cette époque-là, il y avait déjà plus de 6 000

 12   réfugiés dans les territoires placés sous le contrôle du HVO. Donc, ces

 13   chiffres ont été établis sur la base des rapports indiquant les besoins

 14   exprimés par les habitants originaires de Vares, de Kakanj et de leurs

 15   représentants. Cette situation, nous la connaissions déjà bien à ce moment-

 16   là, car j'ai déjà parlé de l'exode de 5 000 Croates originaires de Vares

 17   qui étaient en train de se déplacer, et ce, depuis trois ou quatre mois,

 18   c'est-à-dire pas mal de temps déjà.

 19   Q.  Et je crois comprendre qu'il était de notoriété publique pour vous,

 20   ainsi que pour les représentants du HCR et d'autres de la communauté

 21   internationale, que cette situation prévalait à l'époque.

 22   M. STRINGER : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, question

 23   directrice. Le conseil demande au témoin des présomptions au sujet de ce

 24   que telle ou telle personne pouvait savoir.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Ce n'est pas une question directrice. Elle

 26   appelle peut-être à des présomptions si nous nous exprimons uniquement d'un

 27   point de vue technique.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Bien, les présomptions ou conjectures sont

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  1   également sujettes à objection, Monsieur le Président, pour les deux

  2   raisons.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien, je vais reformuler.

  4   Q.  Savez-vous si la communauté internationale était au courant du fait que

  5   toutes ces personnes étaient en train de se déplacer et, si oui, comment ?

  6   R.  A partir des rapports reçus de leurs bureaux, bureaux que ces

  7   organisations avaient dans le secteur concerné, on constatait que ces

  8   organisations étaient au courant.

  9   Q.  Très bien. Alors passons maintenant au document suivant, le document

 10   1D 02373, qui pour l'essentiel est un document identique au précédent,

 11   n'est-ce pas, mais adressé à M. Zubak ?

 12   R.  Exact.

 13   Q.  Très bien. Passons au document suivant, 1D 02183. Nous voyons que ce

 14   document ne comporte aucune date et que votre nom figure au bas du

 15   document. Ce document est adressé à M. Jadranko Prlic, et peut-être

 16   pourriez-vous nous aider au sujet de ce document. Vous commencez par dire,

 17   je cite : "Je souhaite vous informer que depuis la réunion conjointe tenue

 18   à Medjugorje le 17 octobre, réunion à l'issue de laquelle une initiative

 19   concernant les responsable du HCR, de la FORPRONU, du CICR et de la

 20   Communauté européenne ont décidé de mettre en place une Commission chargée

 21   de régler les Affaires pendantes." Et puis vous dites que : "Six réunions

 22   de cette commission ont déjà eu lieu à intervalle régulier, tous les mardis

 23   à 11 heures," et puis vous parlez de l'entreprise commune destinée à mettre

 24   en place une méthode de fonctionnement.

 25   Pourriez-vous brièvement commenter ce texte ? De quoi traite-il ?

 26   R.  J'étais coordinateur de la Commission conjointe et j'informais M.

 27   Jadranko Prlic de la méthode de travail que cette Commission conjointe

 28   avait décidé de mettre en place, qui consistait, entre autres, à sa propre

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  1   initiative et en application du protocole de Makarska et en présence des

  2   représentants des plus grandes organisations humanitaires internationales,

  3   à savoir le HCR, le comité international de la Croix-Rouge, la FORPRONU et

  4   la Communauté européenne de s'occuper de la situation.

  5   Il importait à l'époque, par les moyens les plus importants qu'il

  6   était possible de mettre en œuvre, d'apporter une aide au flux de réfugiés,

  7   une aide humanitaire. Et vous voyez que plus de 120 convois ont traversé la

  8   région placée sous le contrôle du HVO sans encombre. Donc c'était là l'un

  9   des instruments les plus efficaces qui sont décrits dans des témoignages

 10   écrits et oraux par un représentant de toutes ces organisations

 11   internationales pour régler la situation. J'aimerais maintenant, Monsieur

 12   le Président, Messieurs les Juges, ajouter quelques mots, si vous me le

 13   permettez car je considère que c'est important. Pourquoi est-ce que cela

 14   s'est passé ainsi ? Parce que le secteur que le HVO avait défendu avec

 15   succès était un secteur qui avait été traversé par un grand nombre de

 16   personnes et qui avait permis de sauver leur vie. C'était également un

 17   secteur qui avait été traversé par un grand nombre de convois d'aide

 18   humanitaire. Nous ne devons pas perdre de vue qu'il s'agissait là d'une

 19   structure de défense tout à fait légitime à un moment où le système

 20   socialiste était en cours de démantèlement et où les institutions les plus

 21   importantes se montraient incapables de défendre la totalité de la Bosnie-

 22   Herzégovine.

 23   Chaque convoi était donc organisé avec enregistrement en bonne et due

 24   forme, et dans ces documents d'enregistrement on trouvait sa destination,

 25   son lieu de départ, la quantité d'aide humanitaire transportée par le

 26   convoi, et donc, des documents en bonne et due forme étaient tenus au sujet

 27   de chacun des convois.

 28   Q.  Je vous remercie, Monsieur Raguz. Nous y reviendrons en temps utile.

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  1   J'aimerais que nous passions au document suivant,

  2   1D 02300, nous voyons que vous vous adressez à M. Jadranko Prlic. Et si

  3   nous nous penchons sur la page 2, nous voyons qu'à la date de ce document

  4   qui est le 25 novembre 1993, vous dites que vous joignez au document une

  5   appréciation officielle du haut chef du bureau du HCR de Medjugorje, Jerry

  6   Hume, au sujet du travail de la Commission conjointe.

  7   Malheureusement, nous n'avons pas le texte de cette appréciation

  8   officielle, donc, si vous vous souvenez de cette appréciation, pourriez-

  9   vous, je vous prie, nous dire quelques mots, commentaires au sujet de cette

 10   appréciation officielle ?

 11   R.  Ce document existe certainement dans la documentation officielle, et

 12   j'en ai un bon souvenir. Il s'agit d'une appréciation faite par le

 13   représentant officiel du HCR dans la région, qui apprécie de façon

 14   positive, autrement dit favorable, les actions entreprises, et qui

 15   expriment sa gratitude par rapport au responsable de la coordination, et sa

 16   volonté de poursuivre cette coordination, et nous avons effectivement mis

 17   en place une communication quotidienne sur toutes ces questions à l'époque.

 18   Q.  Très bien. J'aimerais maintenant que nous passions au document suivant,

 19   le document 1D 02179.

 20   Nous voyons dans ce document qu'il constitue un procès-verbal établi

 21   le 4 novembre 1993, et à l'ordre du jour de la réunion faisant l'objet de

 22   ce procès-verbal, nous constatons que tout en haut de l'ordre du jour, on

 23   trouvait la question de la situation prévalant à cette époque-là à Vares.

 24   Bien entendu, nous constatons au grand A de ce document qu'un problème

 25   d'évacuation des personnes se pose, ainsi qu'un problème d'accueil et de

 26   logement de 1 000 [comme interprété] réfugiés qui devront finalement être

 27   repartis dans les diverses localités des municipalités sous le contrôle du

 28   Conseil croate de Défense, à savoir du HVO. Et, bien sûr, nous n'allons pas

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  1   lire en détail l'intégralité du document, mais on peut présumer sans risque

  2   de se tromper que vous avez participé à ce débat et que vous étiez au

  3   courant de la situation prévalant à Vares, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui. 

  5   Q.  Très bien.

  6   R.  Exact.

  7   Q.  Alors je vous pose encore une fois cette question parce qu'il a été dit

  8   à de nombreuses reprises par les représentants du bureau du Procureur et

  9   dans une certaine mesure par d'autres représentants de la communauté

 10   internationale, que le HVO de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, avec

 11   d'autres, avaient participé à une entreprise criminelle conjointe en se

 12   rendant coupable d'un nettoyage ethnique à l'envers dans les régions de

 13   Bosnie centrale et sur le territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna

 14   afin d'homogénéiser la présence croate dans ces régions. Donc j'aimerais

 15   pour être tout à fait équitable vous poser encore une fois cette question

 16   très directe.

 17   Est-ce que vous-même et d'autres, tel que M. Zubak, M. Prlic et d'autres,

 18   avez participé à un nettoyage ethnique à l'envers ?

 19   R.  Je l'ai déjà dit hier et je le répète, cela n'a absolument pas été le

 20   cas, et devant cette Honorable Chambre de première instance, je nie toute

 21   interprétation de l'assistance apportée à toutes ces personnes qui iraient

 22   dans un tel sens.

 23   Je dois dire aujourd'hui - je viens d'évoquer le HCR - mais il importe de

 24   parler également des observateurs de la Communauté européenne qui suivait

 25   l'évolution de la situation sur le terrain et j'ai vu des rapports émanant

 26   de ces divers instances internationales, et à l'époque nous recevions de

 27   nombreux documents dans lesquels il nous était demandé pourquoi un millier

 28   de personnes qui avaient été logées à Kiseljak n'avaient pas été déplacées

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  1   vers l'Herzégovine. Lorsque j'ai répondu en disant que nous souhaitions que

  2   ces personnes restent sur place le plus longtemps possible, ces instances

  3   internationales ont interprété la chose sur des raisons politiques. Il a

  4   été confirmé à un certain moment que les conditions de maintien de ces

  5   personnes dans la région n'existaient plus. Alors, nous avons apporté de

  6   l'aide humanitaire à toutes ces personnes, nous leur avons apporté de

  7   l'aide, et en dépit de cela, nous voyons que certains parmi les

  8   représentants internationaux ont interprété les choses à l'inverse de ce

  9   qu'elles étaient ou à l'inverse quand on voyait des gens se rendre en

 10   République de Croatie. Et cela a été le cas aussi bien de Croates que de

 11   Musulmans de Bosnie et de Serbes de Bosnie. Nous étions parfois mis en

 12   accusation, car ce fait était interprété comme une volonté de notre part de

 13   croatiser l'Istrie, par exemple. Puis lorsque nous exprimions le désir de

 14   ramener ces personnes à leur lieu d'origine, cette action était interprétée

 15   comme une volonté de notre part d'homogénéiser l'Herzégovine.

 16   En fait, ce que nous faisions c'était nous occuper de souffrance humaine et

 17   de répondre à une nécessité, à un besoin d'aide de la part de toutes ces

 18   personnes, c'est la seule chose que nous avons faite, et c'était tout à

 19   fait acceptable. 

 20   Q.  D'accord. Je vous remercie, Monsieur Raguz. Alors pour reprendre sur ce

 21   que vous venez de dire afin de m'assurer que j'ai tout à fait bien compris,

 22   vous avez cité un exemple impliquant l'Istrie, c'est une région où les

 23   Croates originaires de Bosnie-Herzégovine, étant devenus des personnes

 24   déplacées et des réfugiés, ont été installé à Pineta, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, à Pineta.

 26   Q.  J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur le document 07055

 27   rapidement. Je ne crois pas qu'il a été traduit, mais pourriez-vous nous

 28   dire après vérification du contenu de ce document si vous avez bien été

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  1   officiellement nommé au poste de chef du bureau, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Pourriez-vous nous donner la date pour ceux qui ne lisent pas le croate

  4   ?

  5   R.  J'ai été nommé au poste de chef du bureau chargé des Réfugiés et des

  6   Personnes déplacées de la République croate d'Herceg-Bosna, puisque c'est

  7   cet organe qui existait à l'époque à Mostar en date du 1er décembre 1993.

  8   Q.  Et si nous voyons ce qui figure dans la partie droite de cette page,

  9   nous trouvons mention du nom de Darinko Tadic. Pourriez-vous nous dire, je

 10   vous prie, à quel poste il a été nommé ?

 11   R.  Selon ce décret de nomination, il a été nommé au poste de représentant

 12   du bureau sur le territoire de la République de Croatie.

 13   Q.  D'accord. Document suivant, 1D 01432, nous voyons que ce document émane

 14   de Darinko Tadic et, bien sûr, vous faites partie des personnes auxquelles

 15   ce document est destiné, ainsi que M. Jadranko Prlic, l'objet de ce

 16   document est une demande visant à enregistrer un représentant officiel du

 17   bureau des Personnes expulsées et des Réfugiés de la République croate

 18   d'Herceg-Bosna, et nous y voyons une référence en date du 1er décembre 1993,

 19   au fait que le gouvernement a adopté une décision portant nomination de cet

 20   individu en tant que représentant du bureau sur le territoire de la

 21   République de Croatie.

 22   Alors ma question est la suivante : pourquoi y avait-il nécessité

 23   d'avoir un représentant de votre bureau en Croatie alors qu'en fait la

 24   Bosnie-Herzégovine avait une ambassade à Zagreb, et que l'on peut penser

 25   que cette ambassade était là pour servir tous les habitants de Bosnie-

 26   Herzégovine, qu'ils soient Serbes, Croates, Musulmans ou autres.

 27   R.  La raison de cette nomination résidait dans le grand nombre de réfugiés

 28   présents en République de Croatie, c'est un fait dont nous avons parlé hier

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  1   et que nous avons étayé par l'examen d'un certain nombre de documents, donc

  2   nous avons vu que le bureau des Réfugiés attaché à l'ambassade de Bosnie-

  3   Herzégovine avait adopté très souvent dans cette période des documents qui

  4   ne couvraient pas toute la population de réfugiés originaires de Bosnie-

  5   Herzégovine, donc un grand nombre de personnes, des réfugiés Croates,

  6   notamment à Pineta, avaient besoin d'un contact plus sûr pour obtenir de

  7   l'aide en vue de se loger après avoir renoncé au logement leur appartenant.

  8   Q.  Très bien. Merci. Document 1D 02170. Document suivant, qui date du 6

  9   janvier 1994, qui vient de Spomenka Cek, et qui, comme nous le voyons, est

 10   adressé à M. Prlic. Nous trouvons mention de votre nom dans ce document, et

 11   nous voyons qu'il y est également fait mention de M. Granic et de M.

 12   Silajdzic -- il faut lire Granic et non Gravanec. Et au troisième

 13   paragraphe, nous voyons qu'il y est fait mention d'une Commission conjointe

 14   chargée de traiter des Questions humanitaires qui se réunira le 7 janvier

 15   1994 à Zagreb en présence de MM. Lang, Cek, Raguz, Turkovic, Hurtic et

 16   Maric. Savez-vous si cette réunion a effectivement eu lieu et, si oui, quel

 17   était l'objet de cette réunion conjointe ?

 18   R.  Exact. Cette réunion a bel et bien eu lieu. Son objet était

 19   l'élaboration de l'accord entre Tudjman et Izetbegovic dont nous avons vu

 20   les textes aujourd'hui, donc son objet était également la conclusion d'un

 21   accord entre M. Granic et M. Silajdzic à Vienne.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Nous n'entendons pas

 23   d'interprétation anglaise en ce moment, il n'y a donc pas non plus de

 24   compte rendu d'audience en anglais.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne m'en était pas aperçu, je poursuivais

 26   mon chemin.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je dois répéter ?

 28   M. KARNAVAS : [interprétation]

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  1   Q.  Oui, je vous en prie.

  2   R.  Donc, j'ai assisté à cette réunion, qui a bel et bien eu lieu, réunion

  3   de cette Commission chargée des Questions humanitaires et qui se composait

  4   comme indiqué dans le texte. Et ceci est en rapport avec la mise en œuvre

  5   de l'accord conclu entre MM. Tudjman et Izetbegovic, dont nous avons vu le

  6   texte aujourd'hui, ainsi que de l'accord conclu entre MM. Granic et

  7   Silajdzic à Vienne deux jours plus tôt, accord qui portait création de la

  8   Commission conjointe à laquelle j'ai assisté en tant que représentant de la

  9   Commission chargée des Affaires humanitaires. Étaient également présents

 10   des représentants de l'ambassade de Bosnie-Herzégovine sur le territoire de

 11   la République de Bosnie-Herzégovine, à savoir M. Turkovic,

 12   Mme Hurtic et M. Maric.

 13   Q.  Je vous remercie. Passons au document suivant, 1D 02182, qui porte la

 14   date du 31 janvier 1994 et qui est adressé à M. Valentin Coric, désormais

 15   ministre de l'Intérieur. C'est un document dont vous êtes l'auteur, et il y

 16   est fait référence au financement d'un hôpital de campagne par Wagful et

 17   Wakifin. Pourriez-vous nous dire de quoi il est question ici exactement ?

 18   R.  Il est question d'un hôpital qui avait été transporté dans 38, sinon,

 19   40 containers. C'était la première expérience de ce genre. Et comme vous

 20   pouvez le constater, la destination de cet hôpital de campagne était la

 21   partie orientale de Mostar.

 22   Je suis signataire de ce texte autorisant le déplacement de cet hôpital de

 23   campagne sans encombre.

 24   Q.  Merci. J'aimerais maintenant examiner trois documents l'un après

 25   l'autre, parce qu'ils forment un tout. Vous trouverez donc ces trois

 26   documents sous les cotes 1D 02024, ensuite nous allons examiner les

 27   documents 1D 02025, puis ensuite le document 1D 01855. Commençons par le

 28   premier document, c'est un protocole du 17 mars 1994. Voyez-vous ce

Page 31340

  1   document, Monsieur ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  C'est donc le document 1D 02024. Si nous regardons maintenant le

  4   troisième document que j'ai évoqué, c'est-à-dire le document -- pardon,

  5   non. Le document suivant qui est en fait le document 1D 02025, c'est en

  6   fait le troisième. C'est le même protocole, simplement si nous regardons la

  7   dernière page, la toute dernière page, nous voyons qu'il y a quelques

  8   signatures et quelques dates, il y a votre signature notamment, et la date

  9   du 9 avril 1994; c'est bien exact ?

 10   R.  Mon nom n'y figure pas, mais c'est comme s'il y était. C'est exact.

 11   Q.  Très bien. Vous avez examiné ces deux documents, ces deux protocoles

 12   sont identiques, n'est-ce pas, pour l'essentiel ? L'un est le projet, le

 13   protocole, et l'autre c'est le document qui a été signé ?

 14   R.  Oui, ils sont tout à fait équivalents.

 15   Q.  Très bien. Alors examinons maintenant le document 1D 01855, qui se

 16   situe entre les deux dates puisqu'il porte la date du 24 mars 1994. C'est

 17   un document qui est adressé à la sécurité, secteur 4, général de Brigade

 18   Marijan Biskic. On nous dit dans ce document : "Veuillez trouver ci-joint

 19   le protocole relatif au passage des convois humanitaires pour votre

 20   information suite à la conclusion de la Commission chargée de coordonner

 21   les Liens ou les rapports avec la FORPRONU, la Communauté européenne et les

 22   organisations internationales du 23 mars 1994, il est nécessaire d'obtenir

 23   l'avis du ministère de la Défense et du chef de l'état-major principal du

 24   HVO de façon à ce que l'on puisse parachever et mettre en œuvre le

 25   protocole."

 26   Alors, ma question est la suivante : pourquoi était-il nécessaire que le

 27   ministère de la Défense et le chef d'état-major principal s'intéressent à

 28   ce protocole et donnent leur avis sur celui-ci ?

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  1   R.  Ces procédures, telles qu'elles ont été mises en place, si on les

  2   examine, on voit que chaque procédure était un peu plus précise que la

  3   précédente, les circonstances l'exigeaient. Comme vous pouvez le voir, vous

  4   l'avez d'ailleurs vous-même mentionné, il est ici indiqué, et cela continue

  5   du fait que les affrontements étaient toujours en cours et que les

  6   officiers avaient les obligations que leur incombent en vertu des

  7   conventions de Genève, il est indiqué donc que l'aide humanitaire devait

  8   pouvoir circuler sans entrave.

  9   Q.  Très bien. Plus tard, nous allons examiner un certain nombre de

 10   documents qui portent sur le contrôle de chacun de ces convois

 11   humanitaires, mais j'aimerais vous poser la question suivante : y a-t-il eu

 12   un moment où on a commencé à rencontrer certains problèmes liés au contenu,

 13   à la nature des biens qui étaient transportés par ces convois, des produits

 14   ou biens transportés à des fins humanitaires alors qu'ils auraient pu être

 15   utilisés à d'autres fins ?

 16   R.  Oui, cela est exact. Il s'agissait là d'une époque à laquelle nous

 17   disposions de rapports qui faisaient état de convois dits humanitaires,

 18   mais qui avaient fait l'objet d'une utilisation abusive. Il y avait là deux

 19   possibilités : ou bien, il s'agissait de transporter des armes sous couvert

 20   de convois humanitaires ou alors il s'agissait de transport de marchandises

 21   à un moment où celles-ci étaient très demandées en Bosnie-Herzégovine.

 22   Q.  Passons au document suivant 1D 01954. Nous avançons dans le temps. Nous

 23   en sommes au 12 avril 1994. C'est un protocole découlant d'une réunion qui

 24   s'est tenue à Mostar. Vous y étiez présent. Voici ici un extrait, je

 25   suppose, signé par Kreso et Tomic, et si l'on examine le tout dernier

 26   paragraphe de la première page, on voit qu'il est question des

 27   organisations internationales qui sont soumises à la procédure douanière

 28   pour tout type de marchandises, et ces marchandises sont à l'entière

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  1   disposition des organisations humanitaires.

  2   Sans rentrer dans le détail de ce texte, je vous demanderais sur quoi

  3   a porté cette réunion, et je vous demanderais de nous décrire la situation

  4   qui prévalait à l'époque, de cette réunion, ou autour de cette date.

  5   R.  Il s'agissait d'une réunion de groupes d'experts, dirigée par M. Sead

  6   Kreso, et cela sur la demande du gouvernement et sous le contrôle de

  7   l'ABiH. Ça procédait donc du gouvernement de la République de Bosnie. On

  8   voit également le nom de M. Neven Tomic, au nom de la Herceg-Bosna.

  9   On voit donc qu'il y avait ici une réelle coopération en matière de

 10   mise en œuvre des accords qui ont été signés et que des mesures concrètes

 11   ont été mises en œuvre afin d'apporter une réponse aux problèmes

 12   humanitaires et autres. Les différents corps du HVO et de la HZ HB était

 13   toujours disposés à parvenir à ce type d'accords.

 14   Q.  Très bien. Dans le premier paragraphe numéroté 1, on lit que :

 15   "…conformément à la constitution fédérale adoptée." Est-ce que c'est avant

 16   ou après les accords de Washington, qui ont marqué la naissance de la

 17   fédération ?

 18   R.  Je pense que c'est après les accords de Washington. Je ne vois pas

 19   exactement la date, mais, oui, c'est après.

 20   Q.  Très bien. Alors regardons le document suivant, 1D 01858, qui est lié

 21   au document que nous venons d'examiner. On voit votre nom, chef du bureau,

 22   en bas. Il y est question du protocole ayant découlé de la réunion qui

 23   s'est tenue le 12 avril 1994. On voit que Smajkic y est évoqué. Vous y êtes

 24   évoqué également. Et on voit ensuite qu'un certain nombre de conclusions

 25   ont été adoptées où l'on prévoit l'établissement de commission, une

 26   Commission conjointe notamment, l'harmonisation des textes juridiques

 27   d'intérêt mutuel, la nécessité d'engager des travaux pour mettre en place

 28   un programme de retour des réfugiés, et cetera.

Page 31343

  1   Alors pouvez-vous nous en parler de tout ceci ? Est-ce que ceci

  2   correspondait bien aux obligations visant à mettre en œuvre l'accord de

  3   Washington ?

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais que vous répétiez la cote

  5   de ce document parce qu'elle ne figure pas au compte rendu, Maître

  6   Karnavas.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] 1D 01858.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] 1858. Merci beaucoup.

  9   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, 1858.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il s'agissait d'une réunion

 11   particulièrement importante qui avait pour but la mise en œuvre des accords

 12   de Washington. Comme l'on peut le voir ici, j'ai travaillé avec le ministre

 13   compétent en la matière, M. Arif Smajkic, et nous nous sommes accordés sur

 14   la mise en place d'une Commission conjointe qui travaillerait en permanence

 15   à la mise en œuvre. Il y fait référence à la constitution et à la nécessité

 16   de respecter cette dernière et que cette mise en œuvre soit conforme à la

 17   constitution de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Il y est également

 18   fait mention de la nécessité de rédiger un programme, un programme de

 19   retour, et nous avons immédiatement commencé à travailler à la coopération

 20   du côté bosniaque. Nous avions un programme de retour et de coordination de

 21   toutes les tâches en matière humanitaire. C'était au début d'avril 1994.

 22   Q.  Merci. Et je suppose que cette coopération s'est poursuivie jusqu'aux

 23   accords de Dayton ?

 24   R.  Oui, elle s'est poursuivie et cela également sous la forme de la

 25   création d'un ministère fédéral conjoint pour ce type de question. J'ai été

 26   élu en tant que ministre adjoint au sein de ce ministère fédéral avant les

 27   accords de Dayton.

 28   Q.  Et où étiez-vous à ce moment-là ? Où était votre bureau ?

Page 31344

  1   R.  Comme c'était le cas au cours des 18 années précédentes, je me trouvais

  2   entre Mostar et Sarajevo et je suis allé à Sarajevo, ainsi que M. Prlic et

  3   d'autres qui avaient été élus au gouvernement fédéral. Nous avons passé le

  4   mont Igman et la paix n'était pas encore en place. Nous nous trouvions au

  5   niveau de l'aéroport de Sarajevo. Je crois que nous nous sommes trouvés à

  6   au moins 40 occasions dans des circonstances où nos vies étaient en danger,

  7   mais nous essayions de mettre en place une fédération de façon conjointe.

  8   Cela en toute bonne foi.

  9   Q.  Je vous remercie.

 10   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi. Une précision, Monsieur

 11   Raguz. Dans votre réponse, dans la première phrase - c'est peut-être un

 12   problème d'interprétation - vous avez dit : "Comme pendant les 18 années en

 13   question entre Mostar et Sarajevo, nous sommes allés à Sarajevo," en tout

 14   cas, c'est ce qui apparaît dans le compte rendu. Alors peut-être qu'il y a

 15   une erreur de traduction. Vous pourriez peut-être répéter votre réponse de

 16   façon à ce que nous entendions à nouveau la traduction. Je cite ici la

 17   première partie de votre réponse dans l'anglais. C'est ce que je lis en

 18   anglais : "As was the case for 18 years…" Ça n'a aucun sens, en tout cas,

 19   pour moi. Merci.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] J'accepte tout à fait cette suggestion afin

 21   d'être plus précis. Nous voyagions en direction de Sarajevo, et nous

 22   repartions de Sarajevo jusqu'à ce que toutes les structures du ministère

 23   soient mises en place.

 24   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

 26   Q.  Le dernier document que j'aimerais examiner dans le cadre de cette

 27   partie de mon interrogatoire principal, c'est le document 1D 02733. Nous

 28   avançons encore dans le temps puisque nous en sommes au 13 mai 1995. Vous

Page 31345

  1   êtes cité ici et vous auriez dit que plus de 50 % des Croates avaient été

  2   expulsés et vous dites que le recensement montre que 33 % des personnes

  3   déplacées ne souhaitent pas rentrer chez elles même si les conditions

  4   préalables sont réunies. D'abord, avez-vous eu la possibilité de prendre

  5   connaissance de cet article et pouvez-vous nous dire si vous êtes disposé à

  6   confirmer la teneur des informations qui y figurent ? Avec quelques

  7   explications en sus éventuellement ?

  8   R.  Oui, je peux le confirmer. Il s'agissait d'une conférence de presse au

  9   cours de laquelle j'ai fait la présentation d'un recensement, qu'il était

 10   opéré auprès des personnes réfugiées et déplacées, recensement que nous

 11   avons opéré dans le cadre du travail conjoint qui avait été mis en place

 12   dans ce ministère fédéral. Il s'agit ici de données qui sont de notoriété

 13   publique. Je parle ici du nombre des personnes réfugiées et déplacées au

 14   sein de la Communauté croate, et il s'agit là d'une situation à laquelle

 15   nous sommes confrontés aujourd'hui encore.

 16   Quant à ce chiffre selon lequel 33 % des personnes réfugiées qui ont été

 17   chassées ne souhaiteraient pas rentrer chez eux, on peut également

 18   l'interpréter de la façon suivante, à savoir que 67 % de ces mêmes

 19   personnes - soit plus des deux tiers - souhaitent rentrer chez eux. Et il

 20   faut dire qu'immédiatement après la guerre, au moment où les traumatismes

 21   sont les plus forts, nous savons, par ailleurs, sur la base de situations

 22   tout à fait similaires, qu'il existe toujours un pourcentage d'au moins 40

 23   % des personnes dans cette situation qui ne souhaitent pas rentrer chez

 24   elles. Nous disposions en tout cas de données grâce à ce recensement que

 25   nous avons réussi à mettre en œuvre et nous souhaitions disposer

 26   d'informations aussi précises que possible en matière de retour de ces

 27   personnes pour pouvoir travailler à cela.

 28   Q.  Merci. J'aimerais passer à autre chose, très brièvement. J'aimerais

Page 31346

  1   parler des municipalités. A la lumière de la déposition que vous avez faite

  2   hier, nous aimerions simplement apporter quelques éléments d'information

  3   supplémentaires à la Chambre de première instance à l'appui de votre

  4   déposition. J'aimerais que nous examinions quatre documents, d'abord, 1D

  5   02541, 1D 02534, 1D 02532 et 1D 02531. J'aimerais que vous y jetiez un œil.

  6   Vous les avez dans votre classeur. Ils portent les dates respectives du 25

  7   novembre 1992; du 1er février 1993; du 1er juin 1993; et du 29 juin 1993. Ces

  8   documents portent sur la municipalité de Posusje que vous avez utilisée

  9   comme exemple hier, si je ne m'abuse.

 10   R.  C'est exact.

 11   Q.  Avez-vous examiné ces documents, et leur teneur cadre-t-elle plus ou

 12   moins bien avec votre compréhension de la situation à ce moment-là dans la

 13   municipalité ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Très bien. Regardons les trois documents suivants :

 16   1D 00282, 1D 00300, 1D 0268, ce sont des documents qui traitent de la

 17   municipalité de Livno. Ils portent les dates respectives du

 18   29 juillet 19 --

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis d'accord avec un certain

 20   nombre de mes collègues, ce n'est pas clair. De quoi parlez-vous ? Pourquoi

 21   Posusje ? Je ne retrouve pas Posusje dans le document 1D 02141. Non, pardon

 22   -- enfin, vous allez tellement vite et ces documents sont dans un tel ordre

 23   qu'ils obligent les Juges à des allées et venues constantes dans ces lots

 24   de documents. Il faut les examiner deux fois parce que d'abord il faut que

 25   nous retrouvions la cote des documents, ensuite il faut retrouver la

 26   version en anglais de ces documentsl qui parfois ne portent pas de numéros

 27   d'enregistrement. Alors, véritablement, je vous invite à faire les efforts

 28   nécessaires pour nous remettre les documents dans le même ordre que les

Page 31347

  1   documents qui sont remis au témoin, de façon à ce que nous puissions suivre

  2   parce que nous sommes perdus et ce n'est pas dans votre intérêt. Vous ne le

  3   voulez pas, nous ne le voulons pas.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais faire de mon mieux. Je vais

  5   ralentir, mais je crois que c'est là un très bon exemple, Monsieur le Juge

  6   Trechsel, du degré de frustration qui est le mien.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]

  8   L'INTERPRÈTE : Les interprètes ont extrêmement de mal à entendre Me

  9   Karnavas, qui est quasiment inaudible.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne voudrais pas insister, Monsieur le

 11   Président, mais le système électronique a été introduit afin de gagner en

 12   efficacité. Dans ce prétoire, nous utilisons les deux. Je crois que c'est

 13   très utile de pouvoir effectivement recourir aux deux, mais nous n'avons

 14   pas de moyens supplémentaires. J'ai des juristes à mes côtés avec des

 15   diplômes universitaires supérieurs qui tâchent de préparer tous ces

 16   dossiers. C'est extrêmement difficile de trouver des gens pour pouvoir le

 17   faire. Nous travaillons jour et nuit. Je voudrais inviter la Chambre de

 18   première instance à travailler avec nous pendant une semaine, une semaine

 19   simplement, pour voir ce qu'il en est. J'espère que vous comprenez ma

 20   frustration. Je comprends la vôtre. Nous allons essayer de nous améliorer

 21   pour la prochaine fois. Je vais essayer de ralentir. Je m'excuse de la

 22   situation, mais bien sûr, il faut davantage de temps pour pouvoir le faire.

 23   Je pensais que c'était là une manière créative de faire les choses de

 24   manière plus efficace mais, vraisemblablement, ce n'est pas le cas. J'en

 25   suis responsable.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, écoutez, j'aimerais que vous

 27   soyez conscient du problème et que vous soyez d'accord avec nous. Nous ne

 28   le prenons pas personnellement. Nous avons un travail difficile nous aussi.

Page 31348

  1   C'est dans notre intérêt que les choses fonctionnent.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Je comprends, mais je maintiens mon

  3   invitation.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.

  6   Q.  Alors nous allons revenir à ces documents, les documents

  7   1D 02541 et les autres, le document 1D 02541 portant la date du

  8   25 novembre 1992. Il y est question de la consommation de carburant

  9   nécessaire au chauffage des écoles et des élèves qui s'y trouvent,

 10   notamment d'une aile de l'école et du gymnase de l'école qui est occupé par

 11   les réfugiés.

 12   Vous avez dit que Posusje était une petite municipalité, je crois que vous

 13   avez parlé de 16 000 personnes.

 14   R.  C'est exact.

 15   Q.  Très bien. Regardons maintenant le deuxième document, qui porte la date

 16   du 1er février 1993, il s'agit du document 1D 02534, au paragraphe 2, voici

 17   ce qui est dit : "Du fait de la situation concrète, nous vous demandons de

 18   nous attribuer 40 000 litres de carburant de façon à résoudre le problème

 19   posé par le chauffage des pièces où se trouvent des personnes déplacées et

 20   des réfugiés qui y sont hébergés." Ceci est adressé au bureau chargé des

 21   Personnes déplacées, Darinko Tadic; n'est-ce pas ?

 22   R.  C'est exact. Et dans l'introduction, nous voyons des données concernant

 23   cette municipalité signées par le vice-président du HVO de la municipalité.

 24   Q.  Si nous examinons le document suivant, 1D 02532, on constate ici qu'il

 25   s'agit toujours de la municipalité de Posusje et qu'il y est question

 26   notamment de restauration, tourisme, et cetera. C'est un document du 1er

 27   juin 1993, et il y est question de l'hébergement des personnes déplacées et

 28   des réfugiés depuis avril 1992, et que l'on y parle de la restauration, du

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  1   linge, du vol de serviettes, des fractions [phon], de vols --

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  Très bien. Et regardons le dernier document, le tout dernier document,

  4   1D 02531, vous voyez là encore qu'il s'agit du conseil municipal de

  5   Posusje, que le document a été adopté le 29 juin 1993 et qu'il est question

  6   de l'occupation d'une salle par les personnes déplacées, en tout cas, de

  7   leur hébergement dans cette salle. Vous nous donnez l'exemple de Posusje,

  8   ceci, n'est-ce pas,  cadre bien avec ce que vous essayiez de nous expliquer

  9   hier ? La teneur de ces documents.

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  Et n'hésitez pas à me corriger si j'ai tort mais, comme à Posusje,

 12   d'autres municipalités faisaient cela, comme vous l'avez dit d'ailleurs, et

 13   produisaient peut-être même -- le même type de document illustrant leur

 14   contribution à la question des réfugiés et des personnes déplacées à la

 15   solution à ces difficultés.

 16   R.  Oui, c'est exact. Il s'agissait de contribution mais également de

 17   demandes de leur part.

 18   Q.  Alors nous allons passer au lot suivant de documents je vais passer à

 19   Livno -- la municipalité de Livno, un autre exemple, là encore. Le premier

 20   document c'est le document 1D 00282, qui porte la date du 29 juillet 1993.

 21   Ici on constate qu'il y a une décision visant à établir une cellule au

 22   niveau municipal chargée de l'Organisation et de la coordination de la mise

 23   à disposition d'hébergement et de la prise en charge des personnes

 24   déplacées et des réfugiés sur le territoire de la municipalité. Compte tenu

 25   du poste que vous occupiez à l'époque, saviez-vous que Livno contribuait à

 26   ces efforts par l'entremise de cette cellule constituée au niveau municipal

 27   ?

 28   R.  Oui.

Page 31350

  1   Q.  Dans le document suivant, 1D 00300, qui porte la date du lendemain, le

  2   30 juillet 1992, on trouve une décision visant à constituer cette cellule

  3   municipale chargée donc de l'organisation et de la coordination de la prise

  4   en charge et du bien-être des personnes expulsées et des réfugiés sur le

  5   territoire des municipalités. Et, là encore, ceci vient confirmer ce dont

  6   vous avez parlé plus tôt, n'est-ce pas, à savoir que les municipalités

  7   étaient effectivement chargées de mener à bien ces activités ?

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Et passons maintenant au dernier document 1D 00268, qui porte la date

 10   du 10 octobre 1994, on constate ici qu'il y a une décision qui a été prise

 11   et qui porte sur l'annulation du statut de personnes déplacées pour les

 12   citoyens de la municipalité de Livno, et le document motive cette décision.

 13   Ce qui nous confirme ce que vous avez dit hier, à savoir qu'il appartenait

 14   aux municipalités de prendre ce genre de décision et pas seulement la

 15   communauté -- au niveau de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, mais au

 16   titre de la législation, n'est-ce pas, pour la République de Bosnie-

 17   Herzégovine ?

 18   R.  Oui. Cela est exact, à ceci près que c'est selon l'avis des membres du

 19   conseil municipal que les circonstances étaient alors présentes, enfin

 20   qu'une partie des personnes déplacées et réfugiés voient ce statut de

 21   personnes réfugiées ou déplacées annulé.

 22   Q.  Très bien.

 23    LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Bien sûr, nous savons que ceci ne

 24   correspond pas à la période couverte par l'acte d'accusation. Alors peut-

 25   être qu'il serait bon que vous nous expliquiez pourquoi il s'agit là

 26   d'élément de preuve pertinent à votre avis.

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] La pertinence existe à plusieurs titres,

 28   d'abord, parce qu'il y a ici une poursuite d'une situation donnée. Nous ne

Page 31351

  1   parlons pas seulement de 1992 à 1994 -- ou 1991 à 1994 de manière

  2   abstraite. Si vous vous en souvenez, l'Accusation nous a renvoyé au Moyen

  3   Age peut-être en nous disant qui vivait à quel endroit en Bosnie-

  4   Herzégovine et ils ont remonté jusqu'à -- ils sont remontés donc loin et

  5   ils ont allé jusqu'en 1997 avec le témoin expert Miller, je crois,

  6   quelqu'un dont je dirais que ce n'est pas un expert, mais qui a néanmoins

  7   parlé de l'entreprise criminelle conjointe en nous disant qu'elle s'était

  8   poursuivie jusqu'en 1997, ou en 1998, parce que les Croates de Bosnie-

  9   Herzégovine, surtout ceux de la Communauté croate et ceux au sein de la

 10   Bosnie-Herzégovine étaient contre les accords de Paix de Dayton et contre

 11   la constitution telle qu'elle avait été proposée au titre des accords de

 12   Dayton. Alors nous essayons de montrer qu'il y a une continuité ici dans

 13   les événements.

 14   Nous avons indiqué que les municipalités avaient joué un certain rôle. Nous

 15   sommes en train d'illustrer ce rôle. Et c'est un rôle là aussi qui perdure

 16   dans le temps. Toute cette question liée aux personnes déplacées et

 17   réfugiés est une question extrêmement complexe, et nous essayons de

 18   démontrer en prenant ici et là des exemples des mesures prises par la

 19   municipalité en coopération, en collaboration avec le HVO de la Communauté

 20   croate d'Herceg-Bosna, nous essayons donc de montrer qu'il y a un effort

 21   coordonné mais il n'y a pas de lien de subordination.

 22   Nous avons beaucoup entendu parler les témoins de la communauté

 23   internationale et d'autres experts et témoins également qu'il y avait eu

 24   nettoyage ethnique inversé, alors nous essayons d'apporter suffisamment

 25   d'éléments de preuve à la Chambre de première instance de façon à ce

 26   qu'elle puisse examiner la question dans le bon contexte. Et c'est

 27   extrêmement difficile. On ne peut pas isoler les choses d'un jour à

 28   l'autre. Et c'est tout l'objectif qui est poursuivi ici.

Page 31352

  1   Je ne sais pas, si j'ai répondu à votre question.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si, si, vous avez répondu à la

  3   question de manière utile qui plus est. Je vous remercie.

  4   M. KARNAVAS : [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, j'ai une question accessoire à

  6   partir de ce document concernant Livno. Où, au paragraphe 1, on parle des

  7   citoyens de Livno, et on dit à la fin du paragraphe : "Le droit à une

  8   occupation temporaire d'appartement et une assistance financière" ?

  9   En lisant ce texte que je découvre à l'instant, je me suis posé la question

 10   suivante, et j'aimerais que vous m'éclairiez : il apparaît de par ce

 11   document qu'un réfugié ou une personne déplacée peut occuper un appartement

 12   et peut avoir une assistance financière de la part d'une municipalité

 13   quelconque. Dans ce contexte, y a-t-il eu des cas de personnes déplacées ou

 14   réfugiés, notamment en Bosnie centrale, qui quittent leur village ou leur

 15   ville, vont dans une autre ville ou village et, sans que l'autorité

 16   municipale, ait le temps de faire quelque chose, occupent d'elles-mêmes un

 17   appartement qui est libre ou qui n'est pas libre, en disant : "Bien, j'ai

 18   le droit à un appartement parce que je suis une personne déplacée ou

 19   réfugié ? Est-ce que vous avez été confronté à ce type de situation où des

 20   populations en grand nombre ? Et je pense, par exemple, à Vares, puisque

 21   tout à l'heure on a eu le chiffre de 100 000 personnes qui quittent Vares

 22   et qui vont dans une autre région, et qui se mettent d'elles-mêmes à

 23   occuper des appartements alors même que l'autorité municipale n'a même pas

 24   eu le temps de faire quoi que ce soit ? Est-ce que vous avez rencontré ce

 25   type de situations ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il y avait

 27   effectivement des situations de ce type-là, mais de façon tout à fait

 28   générale, elles étaient présentes dans toute la Bosnie-Herzégovine, et nous

Page 31353

  1   avons eu l'occasion d'observer la façon dont certaines municipalités

  2   précises régissaient face à ces situations. Nous avons vu, par exemple,

  3   hier, un document, une décision rendue par la municipalité de Mostar

  4   concernant l'expulsion de personnes illégalement installées dans des

  5   appartements abandonnés, et cela sur la base du fait que toute personne qui

  6   n'avait eu explicitement l'autorisation de s'installer dans un tel

  7   appartement; il était installé illégalement, et la municipalité avait le

  8   devoir d'apporter une solution à ce type de situations.

  9   Si ma réponse clarifie quelque peu votre demande.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] D'accord.

 12   Q.  Monsieur Raguz, nous allons maintenant passer à un autre sujet, à

 13   savoir les convois, et nous examinons plusieurs documents en rapport avec

 14   le sujet. Premier document c'est une pièce de l'Accusation que nous avons

 15   déjà vue, pièce P 10264. Donc pas nécessité de nouveau commentaire car nous

 16   l'avons déjà vu. Je vous demanderais de vous pencher sur ce document. Il

 17   s'agit d'un accord concernant le passage des convois humanitaires, et ma

 18   question est la suivante : aviez-vous connaissance de l'existence de ce

 19   document ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  D'accord. Nous n'avons que ce passage à examiner dans ce document.

 22   Ensuite viennent deux documents. D'abord, le 1D 01360, qui provient du

 23   bureau des Personnes expulsées et des Réfugiés et qui date du 12 octobre

 24   1993. Il est signé par Darinko Tadic. Nous voyons que l'objet de ce

 25   document est l'autorisation de passage sans encombre. Pourriez-vous nous

 26   dire, je vous prie, ce que contient exactement ce document ?

 27   R.  Il s'agit ici d'un document qui repose sur les accords de Makarska,

 28   accords qui sont également confirmés par ce groupe de travail sur les

Page 31354

  1   affaires humanitaires et il y est établie la procédure par laquelle le

  2   bureau des Personnes réfugiées et déplacées avait compétence pour autoriser

  3   le passage de convois, et cela en réponse à des demandes provenant des

  4   organisations humanitaires locales aussi bien qu'internationales.

  5   Il était nécessaire, dans ce type de demande, d'indiquer la date de

  6   départ du convoi en question, la destination du convoi, la nature de l'aide

  7   humanitaire qui était proposée ainsi que l'identité aussi bien du véhicule

  8   que des conducteurs de ces véhicules et les quantités d'aide humanitaire

  9   transportées. Il s'agissait d'aide humanitaire qui devait circuler sans

 10   entrave. Et conformément à cette procédure, telle qu'elle apparaît ici,

 11   nous avons obtenu des résultats tout à fait excellents, et chaque convoi

 12   humanitaire a été ainsi enregistré, et vous pouvez le voir dans ce

 13   document.

 14   Q.  D'accord. Passons maintenant au document suivant, le document

 15   3D 00921.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Un Juge a une question. Moi aussi, j'avais une

 17   question, mais je ne sais pas si le document suivant résoudra la question,

 18   donc, je n'ai pas voulu poser la question. Mais je crois que mon collègue

 19   veut poser une question.

 20   M. LE JUGE MINDUA : Oui. Monsieur le Témoin, je vois que le document que

 21   nous avons sous les yeux, le document 1D 01360, vient de l'office --

 22   attendez, je vais chercher le -- de l'office des Réfugiés et des déplacées,

 23   et il autorise le passage sans encombre du convoi. La question que je

 24   voudrais vous poser c'est de savoir si c'est votre office qui autorisait

 25   tous les convois humanitaires et si, en vue de cette autorisation, au

 26   préalable, vos services ou vos agents procédaient à l'inspection de tous

 27   les convois, et dans quelle mesure les autorités de police ou de l'armée

 28   intervenaient dans les autorisations de convois.

Page 31355

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Le bureau avait compétence pour autoriser les

  2   convois, mais uniquement les convois humanitaires, et cela conformément aux

  3   accords et aux protocoles que nous avons déjà examinés. Ce rôle du bureau y

  4   est défini explicitement et avec l'assentiment des organisations

  5   humanitaires internationales. Le présent document montre comment le bureau

  6   procédait pour approuver ces convois. Lorsqu'un organisation humanitaire

  7   obtenait l'approbation du bureau, il s'agissait avant tout de départs de

  8   convois à partir de centre logistique de Ploce ou de celui de Split, situés

  9   tous deux en République de Croatie, et sur place se trouvaient des

 10   contrôleurs qui avaient été des inspecteurs qui étaient donc sur place

 11   conformément au protocole prévu et qui étaient en mesure d'examiner le

 12   contenu du -- le chargement qui était transporté par le convoi. Et si ce

 13   chargement était en règle, les convois se mettaient en route. Et je puis

 14   vous dire que cette procédure a été respectée dans la plus grande mesure

 15   possible.

 16   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup, Monsieur le Témoin. Alors ma dernière

 17   question à ce sujet. Je pense que vous avez appris, et même dans certains

 18   documents, nous avons vu que les parties, les unes et les autres,

 19   redoutaient le transport d'armes au sein de ces convois humanitaires. Est-

 20   ce que vous-même, vous avez eu connaissance de cas pareils de transports de

 21   produits non autorisés de la part de l'une ou de l'autre partie au conflit

 22   ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Il existe effectivement des indications où il

 24   y a eu des cas tout à fait concrets dans lesquels certaines organisations

 25   internationales, principalement de -- plutôt, des organisations

 26   internationales de petite envergure qui oeuvraient également dans la

 27   région, et se sont livrées à ce type de transport illégal ou se sont

 28   livrées à des tentatives de transport de chargements illégaux sous couvert

Page 31356

  1   de convois humanitaires et d'aide humanitaire. Il s'agissait de marchandise

  2   parfois d'armes.

  3   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Une courte question, Monsieur le Témoin. Je reviens

  5   au document que nous avons vu tout à l'heure, le 1D 1360. Ce document daté

  6   du 12 octobre pour un convoi du 15 octobre. Mais mon attention est attirée

  7   sur la destination de ce convoi humanitaire, Zenica. Apparemment, la route

  8   c'est Metkovici, Mali Prolog -- je ne sais pas où c'est -- destination

  9   Zenica. Sauf erreur de ma part, en octobre 1993, Zenica est sous le

 10   contrôle de l'ABiH, ce qui veut donc dire que les autorités de l'Herceg-

 11   Bosna autorisent un convoi humanitaire à destination de la zone sous

 12   contrôle de l'ABiH; est-ce bien cela ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est tout à fait exact, et vous aurez

 14   l'occasion de vous rendre compte que près des deux tiers -- plus de deux

 15   tiers de l'aide qui a été approuvée par le bureau, par l'intermédiaire de

 16   ces convois humanitaires, était destinée à des zones sous contrôle de

 17   l'ABiH. C'est ce que vous aurez l'occasion de voir dans le rapport

 18   d'ensemble.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Une dernière question : à votre connaissance --

 20   parce que les convois humanitaires, on en a entendu parler ici pendant plus

 21   d'une centaine d'eux, donc, les Juges connaissaient parfaitement le

 22   problème, et je voudrais savoir : à votre connaissance, avez-vous eu, dans

 23   les fonctions que vous exerciez à l'époque, connaissance d'un convoi

 24   humanitaire que vous n'auriez pas autorisé ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je peux ici dire avec

 26   la plus grande certitude qu'aucun convoi humanitaire n'a transité qui n'ait

 27   obtenu l'autorisation nécessaire en vertu du protocole qui a été adopté, et

 28   cela pendant la période où j'ai été à la tête de ce bureau.

Page 31357

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour votre réponse.

  2   Maître Karnavas.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous me le permettez, j'aimerais

  4   ajouter une brève question. Quelle était l'importance des autres convois

  5   qui n'ont pas reçu l'autorisation car en raison de l'appréciation faite par

  6   votre bureau, ils ne remplissaient pas certaines conditions ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes les demandes qui parvenaient au bureau

  8   de la part d'organisations humanitaires internationales obtenaient des

  9   autorisations si -- si celles-ci -- si ces demandes étaient conformes. Mais

 10   nous ne pouvions pas autoriser d'autres convois que des convois

 11   humanitaires. Chaque convoi qui s'est ainsi présenté, et je souhaiterais

 12   ici particulièrement insister sur le fait que le bureau n'a jamais pris

 13   quelque décision que ce soit quant à la destination des convois en

 14   question. Nous respections les programmes et les choix qui étaient ceux des

 15   organisations humanitaires quant à la destination des convois qu'elles

 16   souhaitaient faire transiter. Et c'est à ce sujet qu'un rapport écrit du

 17   chef du HCR -- du chef du bureau compétent du HCR existe - mais dont nous

 18   n'avons malheureusement pas copie - et qui confirme ce que je viens de

 19   dire.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'avais bien compris cela. Mais ma

 21   question portait sur la partie moins brillante de la situation. Est-ce que

 22   -- et je ne dis pas que quoi que ce soit ait été fait de façon irrégulière,

 23   mais il y a eu pour -- sans doute pour une raison ou pour une autre, un

 24   certain nombre de demandes qui ont été refusées. Je vous demande pour

 25   quelles raisons.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que je pourrais peut-être vous en

 27   dire plus à ce sujet sur la foi su document suivant. J'ai dit qu'il n'y

 28   avait eu aucune requête qui ait été enregistrée de la part d'organisations

Page 31358

  1   humanitaires qui ait fait l'objet d'un refus. Aucune preuve concrète de

  2   cela n'existe. Une telle preuve aurait fait son apparition aujourd'hui, si

  3   elle existait. C'est une autre question que celle de savoir si certains

  4   convois ont pu être arrêtés ou rencontrer des problèmes sur la route qui

  5   était la leur.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation]

  8   Q.  Une précision, si vous voulez bien. Vous avez indiqué que pendant la

  9   période où vous avez dirigé le bureau, à votre connaissance, pas un seul

 10   convoi remplissant les critères fixés dans le texte du protocole ne s'est

 11   vu refuser l'autorisation de passage. Mais que se passait-il dans la

 12   période où vous étiez numéro deux du bureau ? Est-ce que vous vous

 13   rappelleriez peut-être un cas de convoi qui tout en satisfaisant à tous les

 14   critères, se serait vu refuser l'autorisation par votre prédécesseur ?

 15   R.  Non, je ne me rappelle pas du tout qu'il y ait eu un tel cas.

 16   Q.  Passons à l'examen du document suivant qui, si je ne me trompe, revient

 17   sur une partie de votre réponse précédente. Il s'agit du document 3D 00921.

 18   Je vous demanderais d'y jeter un coup d'œil rapidement pour nous dire

 19   ensuite ce qu'est ce document.

 20   R.  Il s'agit ici d'un document qui donne une vue d'ensemble de tous les

 21   convois humanitaires qui ont été autorisés par le bureau pour les Personnes

 22   réfugiées et déplacées. Ils sont ici listés en fonction de la date à

 23   laquelle a été délivrée l'autorisation, l'organisation humanitaire

 24   demandeuse est également citée, ainsi que la destination du convoi et la

 25   quantité d'aide humanitaire transportée par ce convoi. Et l'on peut voir

 26   ici que dans la période qui s'étend entre le 1er juin et le 10 décembre,

 27   vous pouvez voir donc le nombre de convois humanitaires, je pense qu'il

 28   s'agit là de quelques centaines de convois humanitaires qui ont été

Page 31359

  1   enregistrés. Et on peut voir également que la quantité d'aide humanitaire

  2   ainsi transportée pendant cette période dépasse 30 000 tonnes, et pour

  3   revenir sur votre question, Monsieur le Président, nous avons ici une -- un

  4   chiffre d'ensemble également qui nous indique quelle était la quantité

  5   d'aide humanitaire destinée à chaque destination, comme Zenica, Tuzla,

  6   Mostar Est, Konjic ou Jablanica. Et vous verrez que

  7   25 000 tonnes d'aide humanitaire ont atteint la zone sous contrôle du HVO,

  8   c'est-à-dire près de deux fois moins. Il n'y avait donc pas de tentatives

  9   ni de pratiques visant à orienter cette aide humanitaire, de préférence

 10   vers telle ou telle autre destination, mais c'était les organisations

 11   humanitaires qui déterminaient elles-mêmes les destinations de l'aide. Je

 12   parle du HCR, du CICR et d'autres qui estimaient elles-mêmes le besoin et

 13   envoyaient l'aide humanitaire là où elles l'estimaient nécessaire.

 14   Q.  Encore quelques petites questions de suivi pour veiller à la bonne

 15   rédaction du compte rendu d'audience. Si nous nous penchons sur la première

 16   page, nous voyons que la période dont nous sommes en train de parler va du

 17   1er juin au 10 décembre 1993; n'est-ce pas ?

 18   R.  C'est exact.

 19   Q.  Et si nous regardons ce qui est écrit au bas de la page, nous trouvons

 20   deux signatures différentes. L'une de ces signatures est-elle la vôtre ?

 21   R.  Oui, celle de droite.

 22   Q.  Très bien. Et celle de gauche, la reconnaissez-vous ? Si ce n'est pas

 23   le cas, cela n'a pas d'importance.

 24   R.  Il me semble que j'ai remis ce document lors de mon témoignage et que

 25   je l'ai signé. Et MR, c'est moi. Ça c'est tout à fait sûr.

 26   Q.  Et vous avez donné ce document aux représentants du bureau du Procureur

 27   ?

 28   R.  Oui.

Page 31360

  1   Q.  C'était au moment où vous étiez interrogé en tant que suspect, n'est-ce

  2   pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Vous venez de citer un certain nombre de chiffres. Alors, vous verrez

  5   qu'en haut à droite des pages de ce document, il y a des numéros. Et la

  6   page qui m'intéresse est celle qui porte le numéro ERN 03653938. On trouve

  7   là un chiffre, 25 847.81, et ce chiffre illustre, n'est-ce pas, la partie

  8   du territoire sous le contrôle de l'ABiH, n'est-ce pas ?

  9   R.  Exact -- exact.

 10   Q.  Ensuite, si -- et je le dis pour aider les Juges, donc si nous nous

 11   rendons en dernière page de ce document -- ou plutôt, en avant-dernière

 12   page de ce document, dont le numéro ERN est 03653942, nous trouvons le

 13   chiffre de 2 315, et ce chiffre, n'est-ce pas, représente les quantités

 14   destinées au territoire sous contrôle du

 15   HVO ?

 16   R.  12 315 [comme interprété].

 17   Q.  D'accord, d'accord. 12 000, effectivement. Toutes mes excuses. Très

 18   bien. Voilà, je n'ai plus besoin d'autre chose s'agissant de ce document, à

 19   moins qu'il n'y ait d'autres questions des Juges de la Chambre, j'aimerais

 20   passer à autre chose.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai une question, Monsieur le Témoin.

 22   En regardant ce document qu'on a déjà vu avec d'autres témoins, donc ce

 23   document est très bien connu de la Chambre, je suis frappé par le constat

 24   suivant qu'on peut faire à la lecture de ce document. On a l'impression, en

 25   regardant les destinataires de tous ces convois, d'une part, c'est Zenica

 26   et Sarajevo, avec d'autres destinations, Tuzla et Jablanica, mais que la

 27   quasi-totalité - j'allais presque dire la totalité - de ces convois en fait

 28   était à destination de zones contrôlées par l'ABiH, et donc, à destination

Page 31361

  1   de Musulmans et non pas des Croates. Et partant de ce constat, je me suis

  2   demandé, mais les convois pour les Croates, où sont-ils ? Y a-t-il eu des

  3   convois pour les Croates ? Et partant de ce constat, je regarde qui en fait

  4   est à l'origine de ces convois. Alors, il y a le HCR, bien entendu, il y a

  5   l'UNICEF, et puis je vois quelques ONG française, comme Handicap

  6   international, Solidarité, Equilibre, Médecins du monde, et j'ai

  7   l'impression que beaucoup d'organisations du type ONG faisaient des convois

  8   humanitaires, non pas autant pour les Croates que pour les autres. Alors,

  9   vous qui étiez dans ce secteur d'activités, sur 100 convois, combien

 10   allaient vers les Croates et combien vers les Musulmans ? Est-ce que vous

 11   pouvez nous faire une répartition ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce que l'on voit ici

 13   c'est l'enregistrement des convois humanitaires, l'enregistrement des

 14   organisations humanitaires et les quantités d'aide humanitaire qui, comme

 15   nous l'avons déjà observé, étaient destinées à des zones contrôlées par

 16   l'armija et à la zone contrôlée par le HVO. Il est visible ici que nous

 17   avons affaire à des données tout à fait précises. Nous avons 12 500 tonnes

 18   d'aide humanitaire, soit deux fois moins que la quantité d'aide humanitaire

 19   qui était destinée aux territoires sous le contrôle de l'armija. Autrement

 20   dit, nous avons ici des données tout à fait précises en provenant de ces

 21   territoires. Par exemple, en ce qui concerne Zenica, Vitez et Novi Travnik

 22   se trouvaient dans cette même zone. Il s'agissait d'endroits où vivaient

 23   des Croates, et c'est à partir de cet entrepôt central de Zenica que l'aide

 24   humanitaire devait être acheminée également vers ces autres villes. Et nous

 25   n'avons ici pas de traces des quantités d'aide humanitaire qui pouvaient, à

 26   partir de cet entrepôt central, être destinée également aux Croates en ces

 27   autres localités voisines.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dernière question : à votre connaissance,

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  1   avez-vous vent ou des informations comme quoi des Croates auraient eu moins

  2   d'aide humanitaire que les autres, ou bien la même aide humanitaire ou plus

  3   ? Y avait-il des discriminations parmi les destinataires finaux, ou bien il

  4   est impossible de répondre à cela ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que nous avons été confrontés au deux

  6   cas. Nous avions des enclaves à certains endroits qui recevaient beaucoup

  7   plus difficilement de l'aide humanitaire, et des indicateurs existaient

  8   montrant que les convois humanitaires arrivaient beaucoup plus rarement

  9   dans ces zones qui étaient donc avant tous des enclaves, et de telles zones

 10   existaient dans toutes les régions. Il est, par conséquent, difficile ici

 11   de s'appuyer sur des données précises.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il est 4 heures moins le quart. Normalement,

 13   on doit faire une pause d'après le décompte de M. le Greffier. Maître

 14   Karnavas, il vous resterait 12 minutes.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Je suis

 16   prêt à consacrer un peu plus de temps à l'audition de ce témoin, ce qui

 17   n'influera en rien de façon négative sur le moment de son départ.

 18   J'apprends qu'au moins trois de mes collègues n'auront pas de questions à

 19   poser au témoin, mais M. le Juge Trechsel a fait une proposition tout à

 20   l'heure et je crois qu'en raison de cette proposition, j'aurai besoin d'un

 21   peu plus de temps. Je le répète, nous parviendrons à réduire le temps

 22   d'audition d'un certain nombre d'autres témoins par la suite, mais je crois

 23   que les sujets dont je souhaite traiter devant vous à partir de maintenant,

 24   et je vais vous en donner une idée à l'avance. Il s'agit du nettoyage

 25   ethnique inversé, un certain nombre de statistiques, des éléments relatifs

 26   au centre de Ljubuski, et puis un certain nombre d'éléments divers, et nous

 27   aimerions passer en revue des documents relatifs à toutes ces questions

 28   ainsi qu'aux questions posées par les Juges de la Chambre, y compris la

Page 31363

  1   dernière, la vôtre, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : De la part de la Chambre, il y a aucune objection à

  3   cela, mais comme vous savez, les autres avocats ont normalement deux

  4   heures. Si certains ne poseront pas de questions, bien entendu, il y a

  5   aucun problème pour que vous ayez du temps supplémentaire. Alors, je vais

  6   faire un tour très rapide des autres avocats. J'ai cru comprendre qu'il y

  7   en a trois qui n'auront pas de questions. Qui a des questions ? Madame

  8   Nozica, vous aurez des questions ?

  9   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, il est trop tôt encore

 10   pour affirmer si j'aurai ou non des questions. L'interrogatoire direct

 11   n'est pas encore terminé. Mais c'est probablement tout à fait prématuré

 12   pour que je puisse me décider.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic ou Maître Kovacic.

 14   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, non, nous n'aurons pas

 15   de questions. Il n'y a pas de nécessité pour cela.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 17   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons

 18   l'intention de poser quelques questions très courtes et simples à ce

 19   témoin, mais dans la mesure où la Défense Prlic aurait besoin davantage de

 20   temps pour finir son interrogatoire direct, nous accorderons le temps qui

 21   est nôtre au titre du temps commun.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 23   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Nous attendrons également,

 24   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la fin de l'interrogatoire

 25   direct et nous poserons éventuellement quelques questions très courtes.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 27   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, en l'état actuel

 28   de l'interrogatoire, je n'aurai pas de questions pour ce témoin. Merci.

Page 31364

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : A priori, il n'y a aucun problème. Alors nous allons

  2   faire 20 minutes de pause.

  3   --- L'audience est suspendue à 15 heures 49.

  4   --- L'audience est reprise à 16 heures 14.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Raguz, poursuivons en passant au document suivant. 1D 02282.

  8   Nous allons passer en revue trois documents, l'un après l'autre, sur la

  9   question qui nous intéresse maintenant. Alors, s'agissant de ce document-

 10   ci, je vous demanderais de bien vouloir l'examiner. Vous voyez que tout en

 11   haut de celui-ci, on voit que c'est une note -- une note du colonel Biskic

 12   sur l'organisation humanitaire. Ce colonel dit : "Nous joignons à ce

 13   courrier les renseignements obtenus par le service de service de

 14   Renseignements du Grand état-major du HVO sur l'organisation humanitaire :

 15   'Serious Road Trip HO'."

 16   Bien, passons au document suivant. Je vais vous montrer trois

 17   documents et je vais vous poser une question. 1D 02281. Donc,

 18   1D 02281. Ante Roso, date du 14 décembre 1993, il y est dit : "Sur la base

 19   de renseignements et de l'expérience que nous avons accumulés jusqu'à

 20   présent, certaines des marchandises déclarées comme étant à caractère

 21   humanitaire ont été utilisées de manière exclusive pour répondre aux

 22   besoins militaires des forces armées musulmanes." Et ensuite il poursuit en

 23   disant : "Conformément aux informations ci-dessous, retirez des convois les

 24   marchandises correspondant aux numéros 1, 5, 6, 7 et 10 dans la liste

 25   placée en annexe de ce mémo…" et on trouve en effet une liste. Et en

 26   tournant la page, on voit que le sujet est une demande d'autorisation de

 27   passage du convoi humanitaire, et on aperçoit votre nom en bas et les

 28   numéros qui ont été mentionnés par le général Roso ont été entourés d'un

Page 31365

  1   cercle.

  2   Et, enfin, examinons le dernier document avant que je vous pose ma

  3   question, le document 1D 01856; 1D 01856, document de Marijan Biskic, qui

  4   est général de brigade à ce stade. Ce document porte sur les convois

  5   humanitaires, il précise ici que, je cite : "Nous avons reçu des

  6   informations selon lesquelles un convoi humanitaire du HCR qui entre dans

  7   la zone de responsabilité de l'ABiH transportera, outre 34 tonnes de

  8   marchandises humanitaires, 95 000 détonateurs -- ou engins explosifs."

  9   Les Juges de la Chambre vous ont posé une question tout à l'heure, à

 10   savoir -- la question de savoir si vous disposiez d'informations

 11   particulières. Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires sur ces

 12   trois documents ? De quoi parlent-ils ? Que se passe-t-il à ce moment-là ?

 13   R.  Dans la suite de ce que j'ai déjà déclaré à ce sujet, à savoir qu'il

 14   existait des cas de ce type, et je vois, à partir des documents en -- que

 15   nous avons sous les yeux, quand cela s'est passé et quelles étaient les

 16   organisations humanitaires précises concernées ainsi que les données, donc,

 17   qui nous sont présentées, qui sont des données en provenance du

 18   renseignement. Ces données en provenance des services de Renseignements

 19   montrent donc qu'il y a eu des abus dans la livraison de l'aide

 20   humanitaire, abus commis par certaines organisations humanitaires.

 21   Q.  Très bien. Alors, à moins qu'il y ait des questions de la part des

 22   Juges, je vais passer au document suivant. 1D 01854. C'est un protocole

 23   découlant d'une réunion présidée par le Dr Jadranko Prlic, tenue à Posusje

 24   le 16 décembre 1993. Il y est fait référence à la réunion conjointe du 17

 25   octobre 1993 tenue à Medjugorje. On voit Granic -- le Dr Granic, qui était

 26   présent, premier ministre de Croatie. Et on constate également qu'entre

 27   autres, il a été convenu qu'une Commission conjointe chargée des Affaires

 28   humanitaires serait formée. Si l'on examine la deuxième page de ce

Page 31366

  1   document, on voit que sont expliqués le mandat et la composition de cette

  2   commission, les personnes chargées de la mise en œuvre du protocole, et on

  3   voit également que c'est le bureau pour les Personnes déplacées et les

  4   Réfugiés qui est chargé donc de l'application de ce protocole.

  5   Si l'on regarde la troisième page, au point 6, on voit que le bureau chargé

  6   des Personnes déplacées et des Réfugiés convoquera des réunions de la

  7   Commission conjointe, et au sous-paragraphe 1, on voit que vous êtes

  8   désigné, on voit votre nom, donc que vous êtes désigné comme coordinateur

  9   de la Commission conjointe. Alors, en termes très brefs, pourriez-vous nous

 10   dire ce dont il s'agit ici ?

 11   R.  Je ne puis ici que confirmer encore une fois le fonctionnement de cette

 12   Commission conjointe, le fait qu'elle s'acquittait correctement des devoirs

 13   qui étaient les siens et qu'au cours des réunions hebdomadaires de la

 14   commission, tous les signataires du protocole étaient présents et

 15   participaient, et parmi eux, les représentants des organisations

 16   humanitaires locales et internationales qui transportaient de l'aide

 17   humanitaire. Et comme vous pouvez le voir, au -- dans les articles de ce

 18   protocole, il est précisé de façon plus détaillée la procédure qui doit

 19   être respectée afin que ce qui est transporté soit bien de l'aide

 20   humanitaire et non pas autre chose.

 21   Ce document nous montre en fait la continuité qui a été celle d'un travail

 22   tout à fait sérieux dans ces affaires humanitaires et la coordination de

 23   nos activités. Cela est visible par -- cela est visible au nombre de

 24   convois humanitaires qui ont transité et à la quantité d'aide humanitaire

 25   qui a été transportée, ce qu'on a vu précédemment.

 26   Q.  Merci. Le document suivant est le document 1D 01873. C'est une lettre

 27   du Dr Jadranko Prlic adressée au général Cot -- général Cot, donc, qui

 28   porte la date du 23 novembre 1993. J'attire votre attention sur le deuxième

Page 31367

  1   paragraphe de ce courrier. Le Dr Jadranko Prlic suggère que l'organisation

  2   de Cot, c'est-à-dire la FORPRONU à l'époque, et je crois qu'il était chef,

  3   d'ailleurs, de la FORPRONU, que cette organisation donc convoque une

  4   réunion de manière urgente entre les plus hauts représentants des trois

  5   factions belligérantes en Bosnie-Herzégovine de façon à ramener la paix

  6   immédiatement dans tous les secteurs traversés par les convois d'aide

  7   humanitaire, notamment Gornji Vakuf. Et il évoque sa volonté de coopérer à

  8   la protection de tous les convois transportant de l'aide humanitaire.

  9   Alors, à l'époque, aviez-vous connaissance des efforts consentis par le Dr

 10   Jadranko Prlic à cet égard et pourriez-vous nous dire s'il se passait quoi

 11   que ce soit de particulier dans le secteur de Gornji Vakuf à ce moment-là ?

 12   R.  Nous voyons ici une initiative tout à fait concrète visant à organiser

 13   une réunion des trois parties belligérantes dans le but de parvenir aux

 14   conditions de paix nécessaires pour le passage sans entrave des convois

 15   humanitaires. La situation sur laquelle M. Prlic attire ici l'attention

 16   était tout à fait alarmante dans les zones mentionnées. Mais,

 17   malheureusement, il me semble qu'aucun résultat concret n'a été atteint à

 18   cette époque précise, c'est-à-dire à la date du 23 novembre 1993. Il me

 19   semble que -- qu'il n'y a pas eu -- que cet appel n'a pas rencontré -- n'a

 20   pas eu d'écho particulièrement positif.

 21   Q.  Bien. Passons au document suivant, 1D 02142, nous voyons que c'est une

 22   lettre qui porte la date du 7 décembre 1993, qui est adressée à Mate Boban

 23   et qui provient du Dr Mate Granic. On y fait référence à un convoi appelé

 24   "White Passage", "Passage blanc," et un autre convoi qui doit quitter

 25   Maglaj. On y précise différents itinéraires proposés et approuvés, en tout

 26   cas, pour le premier, je suppose, par M. Silajdzic.

 27   Avez-vous eu connaissance de l'existence de ce convoi particulier ?

 28   R.  Oui, j'en avais connaissance.

Page 31368

  1   Q.  Regardons le document suivant, 1D 02155. On trouve ici une lettre datée

  2   du 23 décembre 1993 et qui provient du Dr Jadranko Prlic et que celui-ci

  3   adresse à M. Briquemont, une lettre dans laquelle le Dr Jadranko Prlic fait

  4   part de ses griefs sur les résultats tragiques de l'action humanitaire

  5   appelée "White Passage", et il précise que : "Le défilé de vos chars et des

  6   vos équipes chargées des transport devant les caméras de la télévision

  7   pendant que le convoi traversait le territoire de la République croate

  8   d'Herceg-Bosna a donné une image fausse au public, à la communauté

  9   internationale qui connaît mal les activités menées à bien par les forces

 10   du maintien de la paix des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine parce que

 11   les journalistes et les caméras n'ont pas pu s'arrêter dans le territoire

 12   contrôlé par les Musulmans."

 13   Et ensuite, la lettre se poursuit, mais je laisserai aux Juges le soin de

 14   prendre connaissance du reste tu texte. Peut-être auront-ils des questions

 15   à vous poser. Mais vous souvenez-vous pourquoi le Dr Jadranko Prlic se

 16   plaint de la conduite, du comportement et de l'attitude de la FORPRONU à ce

 17   moment-là ?

 18   R.  Ici -- il s'agit ici d'un cas tout à fait concret, d'un convoi

 19   humanitaire précis qui était en fait un convoi conjoint, un convoi

 20   humanitaire conjoint et commun à plusieurs organisations humanitaires à la

 21   fois croates et bosniennes. Il s'agissait d'un convoi qui avait été

 22   organisé pour la première fois depuis une longue période de temps et qui

 23   devait fournir en aide humanitaire notamment certaines enclaves croates qui

 24   étaient restées pendant plus de trois mois sans aide humanitaire.

 25   Et vous avez pu voir à l'occasion des précédents documents que le

 26   gouvernement croate, lui aussi, faisait pression afin qu'un tel convoi

 27   puisse être organisé et que la FORPRONU avait pour devoir de protéger ce

 28   convoi. Or, il y a eu des incidents graves avec des morts, lors du passage

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  1   de ce convoi, notamment lorsqu'il a quitté la zone sous contrôle du HVO, et

  2   c'est ainsi que cette lettre également affirme ce qui suit, je cite : "Le

  3   Bataillon de la FORPRONU qui avait pour devoir d'accompagner ce convoi n'a

  4   pas été à la hauteur de l'engagement qui aurait dû être le sien." Et

  5   reprise de citation : "Nous constatons qu'il existe ici deux poids, deux

  6   mesures qui compromettent en fait les relations nécessaires à tous les

  7   niveaux de coopération pour les actions humanitaires futures."

  8   Q.  Bien. Et d'après la compréhension que vous aviez des événements à

  9   l'époque, le Dr Jadranko Prlic a-t-il fait une évaluation exacte dans ce

 10   courrier adressé à M. Briquemont ?

 11   R.  Je pense que son évaluation est tout à fait exacte.

 12   Q.  Bien, passons à l'autre document, et c'est le dernier pour l'instant. A

 13   moins qu'il y ait des questions des Juges sur le document précédent, je

 14   vais passer donc au document suivant.

 15   Si nous passons donc au document suivant, le document P 07669, on constate

 16   qu'il porte la date du 26 janvier 1994. Je vous invite à examiner la

 17   troisième page de ce document, vous verrez qu'y figurent votre nom et votre

 18   signature en qualité de chef du bureau. Veuillez décrire ce dont parle ce

 19   document : pourquoi vous vous adressez à ce Dr Miro Jakovljevic ? Je ne

 20   sais pas si j'ai bien prononcé.

 21   R.  Oui, c'est exact. Ma signature figure ici, c'est bien moi qui ai signé

 22   cette lettre. Elle est destinée au coordinateur de ces différents projets

 23   concernant la Bosnie centrale et les enclaves les plus durement touchées.

 24   Et l'un des convois qui -- dont l'organisation est -- l'un des convois dont

 25   M. Jakovljevic avait la charge de l'or était celui que nous avons évoqué,

 26   donc "White Passage". Ces individus étaient impliqués dans les activités

 27   concernant Nova Bila et ils ont brisé le [imperceptible] qui touchait cette

 28   localité, et c'est ici -- on exprime ici des remerciements à leur égard.

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  1   Q.  Et si l'on examine la deuxième page, le dernier paragraphe, vous

  2   indiquez que les lieux présentant le plus haut degré d'urgence sont Vitez,

  3   Busovac, Novi Travnik, Usora, Zepce et Kiseljak, n'est-ce pas ?

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  Bien. Et puisque vous êtes l'auteur de ce document, je suppose que vous

  6   connaissiez la situation qui prévalait dans ces localités. C'est la raison

  7   pour laquelle vous les signalez à cette personne et c'est la raison pour

  8   laquelle vous lui dites qu'il y a là un besoin urgent d'aide, n'est-ce pas

  9   ?

 10   R.  C'est exact. Il s'agit d'une volonté de voir se poursuivre l'action

 11   "White Passage," "Chemin blanc," car il s'agissait de la priorité dans les

 12   localités mentionnées, Vitez, Busovac, Novi Travnik, Usora, Zepce,

 13   Kiseljak. Il s'agissait de zones prioritaires sous le contrôle du HVO, mais

 14   il y avait également d'autres zones qui étaient sous le contrôle de

 15   l'armija à l'époque.

 16   Q.  Nous allons passer à un autre sujet.

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il serait intéressant de savoir qui

 18   est le Dr -- ou qui était le Dr Jakovljevic. On nous dit qu'il est

 19   président ici, mais il y a eu beaucoup de présidents, et il y en a beaucoup

 20   dans le monde.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] En effet, oui. En effet.

 22   Q.  Alors pouvez-vous nous dire qui était cette personne ?

 23   R.  Il s'agit du Dr Miro Jakovljevic, employé -- enseignant à l'université,

 24   sans aucune responsabilité militaire, et qui était en charge de

 25   l'organisation de convois humanitaires dont le nom était "Chemins

 26   humanitaires -- Voies humanitaires pour la paix et l'assistance à la

 27   Bosnie-Herzégovine."

 28   M. LE JUGE MINDUA : En complément avec la question du Juge Trechsel, peut-

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  1   être vous pouvez m'expliquer aussi, dans le paragraphe premier de votre

  2   lettre, à la fin, vous dites : "To various parts of Bosnia et Herzegovina

  3   on the basis of parity." "Parity;" pourquoi "parity" avec le Dr Jakovljevic

  4   ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait d'actions humanitaires -- il

  6   s'agissait d'actions qui ont réussi à mettre un terme au blocus humanitaire

  7   qui touchait la Bosnie centrale, et cela a pu être atteint grâce à

  8   l'engagement conjoint des organisations humanitaires croates et bosniennes,

  9   et c'est en ce sens que l'on se réfère à la parité.

 10   M. LE JUGE MINDUA : Merci.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, avez-vous une

 12   question ? Bien.

 13   Q.  Passons à un autre sujet, ce nettoyage ethnique dit inversé. Je vais

 14   aborder la question sous différents angles, en différentes parties.

 15   D'abord, je parlerais de Zenica et de Kakanj.

 16   Je vais vous demander de bien vouloir examiner quatre documents en

 17   particulier dans un premier temps, et ensuite je vous poserai une question,

 18   et je vais aller lentement.

 19   Le premier document, c'est le document 1D 02303, du 15 mai 1993.

 20   On me dit qu'il n'y a pas d'interprétation.

 21   Bien. Le document suivant est le document 1D 02168 du 4 octobre 1993.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Vous avez annoncé 2303,

 23   et ensuite on lit c'est le 15 mai 1993, et vous passez au document suivant.

 24   Or, le précédent ne me paraît pas tellement illustratif. Vous dites le 15

 25   mai 1993. Si vous voulez faire comme cela, très bien, je n'insiste pas.

 26   Mais si vous souhaitez faire quelque chose avec ce document-là --

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Je dois vous demander d'éteindre votre

 28   micro. Bien. Alors, nous allons passer un peu plus de temps sur ce document

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  1   en effet.

  2   Q.  Si nous regardons ce document, nous nous rendons compte qu'il est

  3   adressé au HCR, à la MOCE et à la Croix-Rouge. Il s'agit d'information sur

  4   la guerre à Zenica depuis le 15 avril 1993. Avez-vous eu la possibilité

  5   d'examiner ce document ? Dites-nous --

  6   R.  Il s'agit ici d'un rapport concernant les pertes lors des affrontements

  7   à Zenica, et nous avons ici une vue d'ensemble de toutes les pertes,

  8   qu'elles soient humaines ou matérielles, qu'il s'agissent des bâtiments du

  9   patrimoine culturelle, tout ce qui a été détruit ou endommagé. Et ce

 10   rapport a été remis aux organisations internationales. Nous avons ici une

 11   vue d'ensemble montrant ce qui s'est passé réellement à cette époque-là, à

 12   Zenica.

 13   Q.  Très bien. Et sous certaines rubriques des activités qui sont décrites,

 14   pillages et autres ?

 15   R.  On peut voir ici, en page 1, que c'est tout d'abord le [imperceptible]

 16   Dom qui a été attaqué, qui était le siège des organisations culturelles et

 17   religieuses croates : l'Organisation des prisonniers politiques, le

 18   bâtiment de compagnie d'assurance, et cetera. Nous avons ensuite une liste

 19   des personnes dont les maisons ont été pillées ou minées, et tout cela est

 20   ventilé par nom de localités et nom de personnes. Il est visible que la

 21   majorité de ces victimes sont des Croates. 

 22   Q.  Et cette information vous parvenait-elle ? Etiez-vous au courant de

 23   tout cela ?

 24   R.  Elle nous parvenait, oui. Bien qu'il s'agisse là d'une période dans

 25   laquelle je n'ai pas encore officiellement fonction. Mais je peux vous dire

 26   que je m'occupais alors de ces questions malgré tout et que ces

 27   informations me parvenaient.

 28   Q.  Eu égard à la question du Juge Trechsel posée sur la pertinence de ces

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  1   informations, nous allons revenir en arrière et nous allons voir que les

  2   choses évoluent, et c'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il n'y a

  3   pas eu de nettoyage ethnique inversé, et ceci explique le fait que nous

  4   souhaitions nous pencher sur cette période.

  5   J'aimerais maintenant passer au document suivant, le document 1D 02168, du

  6   4 octobre 1993. Avez-vous eu la possibilité d'examiner ce document ? C'est

  7   un document qui est adressé au Dr Prlic par le vice-président du HVO

  8   Kakanj.

  9   R.  Oui. J'ai eu l'occasion de voir ce document, qui était tout à fait

 10   alarmant et qui a consisté la base pour qu'une action soit mise en œuvre

 11   afin de venir en aide à ces personnes. Ce document ne fait que montrer à

 12   quel point la situation était grave car, comme il est cité ici, il

 13   s'agissait de 7 000 habitants qui ont été déplacés en quelques mois, ont

 14   été chassés de leurs domiciles à Vares -- qui ont été placés à Vares et qui

 15   se trouvent donc dans la situation de personnes réfugiées, déjà plusieurs

 16   mois. Et la seule façon de venir en aide à ces personnes compte tenu de

 17   l'intensité des affrontements dans cette zone était de les déplacer hors de

 18   cette zone touchée par les affrontements les plus durs après tous les

 19   traumatismes qu'ils avaient déjà dû traverser, et cela pouvait être atteint

 20   au moyen de ces efforts conjoints.

 21   Q.  Bien. Très brièvement le document suivant est le document 1D 01355. Là

 22   encore, il porte sur Kakanj et Zenica. C'est un rapport du bureau des

 23   Personnes expulsées et des Réfugiés. Connaissez-vous ce rapport, Monsieur,

 24   qui porte la date du 21 octobre 1993 ?

 25   R.  Oui, j'en ai connaissance. Et nous avons ici un rapport détaillant les

 26   endroits où ces quelques milliers de personnes que nous venons juste

 27   d'évoquer ont été hébergées, placées. Comme il est visible ici, on ne peut

 28   pas parler ici de quelques plans que ce soit. Nous en avons reçu qu'en

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  1   octobre les demandes d'aide concernant cette zone et il s'agissait ici en

  2   fait de mesures visant à sauver ce qui pouvaient encore l'être. Donc il n'y

  3   avait pas d'espace, pas de temps pour quelle planification que ce soit.

  4   Q.  Bien. Le document 1D 01799, qui porte la date du 30 janvier 1994, et

  5   qui porte sur un secteur dont nous n'avons pas encore entendu parler, je

  6   crois, Catici. Saviez-vous quelle situation régnait dans ce secteur ?

  7   R.  Oui. Il s'agit ici des personnes qui ont été chassées, qui ont été

  8   placées dans la centrale thermique de Catici. Il se trouve à proximité de

  9   Kakanj, et après qu'un grand nombre de personnes a été déplacé de Kakanj,

 10   il a été décidé qu'en l'absence de soutien, et elles devaient être

 11   déplacées hors de cette zone.

 12   Q.  Passons maintenant à un autre secteur, celui de Konjic,

 13   1D 02202, pour commencer. C'est une liste de demandes exprimées par le HVO

 14   de Konjic, qui porte la date du 19 juin 1993; regardez si vous le voulez

 15   bien le tout dernier paragraphe, le paragraphe 7, il y est même demandé que

 16   M. Tadeusz Mazowiecki vienne sur place et mène une enquête conformément à

 17   la convention des Nations Unies sur les crimes de guerre et les crimes

 18   contre l'humanité. Ceci est adressé au

 19   Dr Jadranko Prlic, entre autres.

 20   Connaissiez-vous la situation qui régnait à Konjic ?

 21   R.  Oui. Nous avons vu hier un rapport dans le cadre dans d'un des

 22   documents que nous avons examiné, un rapport du chef de bureau qui s'était

 23   rendu dans ces différentes zones et qui à l'occasion de ces visites s'était

 24   rendu compte en personne de la situation qui régnait sur place, et cela

 25   confirme à quel point la situation était difficile à Konjic.

 26   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] J'aimerais apporter une correction

 27   au texte. Me Karnavas a fait référence à la convention des Nations Unies

 28   sur les crimes de guerre et crimes contre l'humanité; je suppose que vous

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  1   faisiez référence aux conventions de Genève sur les crimes de guerre et

  2   crimes contre l'humanité. Ce ne sont pas des conversations des Nations

  3   Unies. Je voulais simplement corriger le compte rendu.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Prandler. Je suis

  5   tout à fait d'accord avec vous. Je ne faisais que lire le texte. La

  6   personne, qui a rédigé cette lettre, fait référence à ces conventions comme

  7   étant des conventions des Nations Unies, mais une convention des Nations

  8   Unies, mais je suis tout à fait d'accord avec vous.

  9   Q.  Passons au document suivant, le document 1D 01907, du

 10   13 août 1993. Là encore, nous avons municipalité de Konjic, mais ce

 11   document semble provenir de Ljubuski, les protestations qui y figurent sont

 12   extrêmement vigoureuses, et on y dénonce la non-exécution de vos tâches

 13   dans la municipalité de Konjic. Cela vient du responsable du bureau des

 14   Affaires publiques de Konjic.

 15   Les choses se sont-elles améliorées au 13 août 1993 ?

 16   R.  Je pense que cela n'a pas été le cas, et que jusqu'à la fin de l'année

 17   -- ou plutôt, au cours des mois d'octobre et de novembre, la plus grande

 18   partie des Croates présents à Konjic ont été obligés de quitter cette

 19   localité pour sauver leur vie.

 20   Q.  Très bien. Examinons maintenant le document 1D 01829. C'est un rapport

 21   sur l'expulsion de Croates, qui porte la date du 4 janvier 1994. On y

 22   trouve plusieurs chiffres. Ceci émane du chef du service Zovko, Dragica

 23   Zovko. Je voudrais savoir si vous connaissiez ces chiffres et si, d'après

 24   votre expérience et la connaissance que vous aviez de la situation directe,

 25   ces chiffres reflètent bien fidèlement la situation de l'époque.

 26   R.  Oui, elle les reflète -- elle montre combien de personnes ont été

 27   accueillies et en quels endroits pour la période que nous avons évoquée.

 28   Nous avons ici le tout début de l'année 1994, et l'on peut dire clairement

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  1   à partir du présent document quelles sont les régions depuis lesquelles des

  2   réfugiés ont été accueillis donc en provenance de Kakanj, Bugojno, Gornji

  3   Vakuf, Novi Travnik, Vares. Il s'agit principalement d'une zone qui était

  4   encerclée et qui se trouvait depuis plusieurs mois et jusqu'à ce moment-là

  5   dans une situation humanitaire particulièrement difficile.

  6   Q.  S'agissant de Konjic, je vous demanderais de bien vouloir examiner P

  7   07582. P 07582, du 14 janvier 1994, c'est une lettre adressée au Dr Rebic

  8   qui est venu déposer ici très longuement, et que vous avez rédigée vous-

  9   même. Après avoir examiné ce document et pour en être l'auteur, pourquoi

 10   avoir souhaité communiquer avec le

 11   Dr Rebic ?

 12   R.  Il s'agit ici d'une demande tout à fait directe en vue de l'accueil de

 13   ces réfugiés, et vous avez vu à l'occasion du document que nous avons

 14   examiné précédemment quelle était la situation. Il s'agit donc d'une

 15   demande de soutien et une demande d'aide pour l'hébergement d'une partie de

 16   ces personnes réfugiées qui se trouvaient dans une situation

 17   particulièrement difficile et dont on ne pouvait plus assurer -- on ne

 18   pouvait plus prendre en charge.

 19   Q.  On vous a demandé si l'aide humanitaire avait été distribuée

 20   équitablement, je vous demanderais de bien vouloir examiner le document

 21   suivant, 1D 02299. C'est une question qui vous a été adressée par les Juges

 22   de la Chambre. C'est un document qui porte la date du 24 septembre 1993.

 23   Examinez-là. C'est une lettre qui émane du Dr Jadranko Prlic qui est

 24   adressée au HCR. Regardez le tout premier paragraphe, le Dr Jadranko Prlic

 25   fait remarquer que -- je cite : "Nous avons fait preuve de notre volonté à

 26   faciliter le transit et la distribution d'aide sans encombre, mais

 27   parallèlement, nous vous informons de la nécessité de répartir, de

 28   distribuer l'aide équitablement également à tous ceux qui en ont besoin,

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  1   quel que soit le groupe ethnique ou religieux auxquelles les personnes

  2   ayant besoin de cette aide appartiennent. "

  3   Et ensuite plus loin, nous lisons : "Toutefois, les informations que nous

  4   avons reçues, voire information (jointe), ces informations montrent que

  5   récemment l'aide tel que le carburant, les vêtements, et cetera, est allé

  6   dans les secteurs, les villes, et les localités placées sous le contrôle

  7   des autorités musulmanes et que pas le moindre convoi n'avait été envoyé

  8   vers Busovaca, Novi Travnik ou Vitez au cours des 25 derniers jours."

  9   Puis plus loin au paragraphe 2, on nous -- on lit : "Nous avons été faits

 10   savoir que les autorités musulmanes de Konjic ont expulsé les Croates du

 11   secteur, de sorte qu'il y a environ 800 réfugiés civils (des femmes, des

 12   enfants et des personnes âgées) qui ont besoin d'une évacuation urgente à

 13   destination des régions libres d'Herzégovine."

 14   Alors connaissiez-vous la situation suffisamment bien à l'époque pour nous

 15   dire si oui ou non le Dr Jadranko Prlic fait là un récit fidèle de la

 16   situation à M. Jerry Hume du HCR quant à la distribution inégale de l'aide

 17   humanitaire ?

 18   R.  A l'époque qui est celle de ce document, l'enregistrement que nous

 19   avons évoqué et examiné des convois humanitaires est déjà en place, et nous

 20   avons déjà un certain nombre d'enclaves croates en Bosnie centrale,

 21   Busovac, Novi Travnik, Vitez. Il s'agit de la période la plus difficile

 22   pour ces enclaves, et je ne peux que confirmer qu'il s'agit là d'une

 23   réaction tout à fait légitime et proportionnée adressée aux personnes

 24   compétentes.

 25   Q.  Passons au document suivant, le document 1D 01523. C'est un appel à

 26   l'aide -- au secours, qui émane de médecins. Ce document est signé par le

 27   Dr Mihajlovic, Zvonko, en date du 20 août 1993. Quelle était la situation à

 28   Bugojno, et cette lettre reflète-elle fidèlement la situation à l'époque ?

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  1   R.  A Bugojno, la situation était particulièrement difficile. D'une part,

  2   plusieurs milliers - 10 000 personnes, je pense - ont été obligées de

  3   quitter Bugojno. Et d'autre part, d'autres personnes étaient retenues

  4   prisonnières. Il s'agit ici de personnalités, de médecins qui envoient un

  5   signal d'alarme aux organisations et aux institutions internationales. Il

  6   s'agit d'un appel à l'aide, comme il en existait non pas en provenance --

  7   comme il en existait non pas uniquement en provenance de Bugojno, mais

  8   également d'ailleurs. Et cela montre à quel point cette période était

  9   particulièrement difficile et à quel point ces personnes avaient besoin

 10   d'aide. Cela est visible dans les activités qui étaient entreprises, non

 11   seulement par M. Jadranko Prlic, mais également par d'autres organisations

 12   de la HZ HB, et toutes ces tentatives de venir en aide à ces personnes.

 13   Q.  Passons au document suivant, 1D 01354. Il concerne Vares. Il porte la

 14   date du 3 novembre 1993. Il émane du bureau des Personnes déplacées et des

 15   Réfugiés. Il est signé par Darinko Tadic. Ici, on voit qu'il est réaliste

 16   de s'attendre à l'arrivée d'une importante nouvelle vague de Croates

 17   expulsés des enclaves de Vares nouvellement occupées vers les territoires

 18   libres et sûrs de la République croate d'Herceg-Bosna, et il lance un appel

 19   à l'aide.

 20   Alors, vous-même, vous avez été sur place, vous connaissiez la situation,

 21   que se passait-il à Vares, et ces Croates expulsés, étaient-ils expulsés

 22   par les Croates eux-mêmes, de façon à assurer le nettoyage de cette zone ?

 23   R.  Il s'agit ici de près de 15 000 civils croates qui étaient en fuite en

 24   provenance de Kakanj et en direction de Vares. Ils ont été contraints

 25   d'abandonner leurs domiciles en raison des attaques de l'armija sur ces

 26   zones. Et ces civils se sont trouvés dans cette zone pendant plusieurs mois

 27   dans cette situation de personnes qui ont été chassées.

 28   Q.  Passons au document suivant, le dernier en l'occurrence sur ce sujet.

Page 31380

  1   C'est le document 1D 02343. C'est un rapport qui porte la date du 16

  2   novembre 1993, qui émane du service des Droits humains et des Affaires

  3   humanitaires de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Examinez-le. Nous

  4   manquons de temps, mais concentrez-vous alors peut-être sur les deux

  5   derniers paragraphes de la première page et le tout dernier paragraphe de

  6   la deuxième page de ce rapport. Vous y trouverez un certain nombre de

  7   chiffres. Alors pourriez-vous nous dire comment ces chiffres ont été

  8   obtenus, ces chiffres présentant le nombre de personnes expulsées ?

  9   R.  Nous avons déjà évoqué cela, et ces indicateurs -- ces données

 10   chiffrées, nous les avons élaborées sur la base des rapports que nous

 11   recevions des municipalités et dans lesquels -- il s'agissait donc des

 12   rapports des municipalités dans lesquelles ces personnes réfugiées et

 13   déplacées avaient été hébergées. Nous recevions donc des informations de

 14   Vares, de Kiseljak, de Novi Travnik, de Busovaca, de Zenica, de Konjic. Et

 15   le document qui est ici présenté montre une vue d'ensemble de la situation

 16   et du nombre de Croates tels qu'ils étaient présents avant la guerre, qui

 17   donne également de l'information du nombre de Croates présents à cette date

 18   et du nombre d'entre eux qui se trouvent en Bosnie centrale ainsi que le

 19   nombre d'entre eux qui a dû fuir et fuir notamment en dehors de la Bosnie-

 20   Herzégovine. C'étaient donc des informations qui provenaient des

 21   représentants des personnes réfugiées et déplacées.

 22   Q.  Très bien. Je vous remercie. Maintenant, nous allons passer à un autre

 23   sujet, à savoir les statistiques. Et à cet égard, je vais me servir de deux

 24   séries de documents, et je commencerai, bien sûr, par le premier, en lisant

 25   le numéro lentement, et nous prendrons ces documents un par un. Bien

 26   entendu, vous avez déjà eu l'occasion de voir ces documents, mais je vais

 27   vous demander de les commenter et ensuite peut-être viendront peut-être des

 28   questions des Juges. Je commencerai par le document 1D 0168, qui vient du

Page 31381

  1   bureau des Personnes expulsées, des Réfugiés, et qui porte la date du 9

  2   juin 1993. Pourriez-vous brièvement commenter ce document, après quoi nous

  3   passerons en revue rapidement les autres documents ?

  4   Reconnaissez-vous ce document et pourriez-vous nous dire quel est ce

  5   document, si vous le reconnaissez ?

  6   R.  Je le reconnais. C'est une lettre adressée à l'organisation humanitaire

  7   internationale AICF, qui s'occupait de l'aide aux réfugiés installés dans

  8   des lieux de logement collectifs. Nous voyons ici un document qui énumère

  9   les lieux de logements collectifs où ces personnes sont abritées dans

 10   l'ensemble de la région. Il s'agit soit d'écoles maternelles, soit de

 11   camions, soit de salles de sport. Et on voit dans ce document que ce sont

 12   là que des Croates ont été installés sur le territoire de la Communauté

 13   croate d'Herceg-Bosna et que s'agissant de ces lieux d'hébergement

 14   collectifs, les conditions étaient particulièrement difficiles.

 15   Q.  Très bien. Je vais maintenant passer en revue ces documents rapidement.

 16   Nous n'avons pas besoin de les commenter. Je vais simplement vous demander,

 17   à la fin, si vous reconnaissez ces divers documents, ces divers rapports,

 18   et si vous en garantissez toute l'authenticité et la fiabilité s'agissant

 19   des statistiques qu'on y trouve.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Une question, je vous prie. En ligne

 21   17 de la présente page du compte rendu d'audience, je vois le mot "trucks"

 22   en anglais, "camions." C'est peut-être possible, mais cela m'étonne un peu.

 23   J'aimerais demander au témoin ce qu'il en pense.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'un lotissement de wagons, donc

 25   cela dit bien ce que ça veut dire. Il s'agit d'une série d'anciens wagons

 26   de chemin de fer, qui n'étaient plus utilisés à l'époque.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup. C'est plus

 28   compréhensible maintenant. Je vous remercie.

Page 31382

  1   M. KARNAVAS : [interprétation]

  2   Q.  D'accord. Alors je vis donner le numéro des documents que je vais

  3   aborder maintenant. Un document est le 1D 01800. Vous pouvez y jeter un

  4   coup d'œil, Monsieur. Il provient du bureau des Personnes déplacées.

  5   Document suivant, 1D 01845, document suivant, 1D 00936, document suivant,

  6   1D 01844. Ensuite le document 1D 01802, puis le document 1D 01828, puis le

  7   document 1D 01846, puis le document

  8   1D 01847, puis le document 1D 01843. Ensuite le document 1D 01801, suivi du

  9   document 1D 02021. Ensuite le document 1D 02022, suivi du document 1D

 10   02020, puis le document 1D 02462. Ensuite le document

 11   1D 01842, le document 1D 01840, puis le document 1D 01841, ensuite le

 12   document 1D 01839.

 13   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Maître Karnavas, je ne voudrais pas

 14   vraiment vous rendre la tâche plus difficile mais vous lisez le numéro d'un

 15   nombre si important de documents; quelle valeur cela peut-il avoir si vous

 16   vous contentez d'énumérer des numéros ?

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Témoin, veuillez attendre

 18   quelques instants. Voici l'objet de ce travail, Monsieur le Juge Prandler.

 19   Manifestement, on ne peut pas passer en revue tous ces documents. Si

 20   j'essaie de -- d'en demander le versement au dossier par requête, je risque

 21   d'être accusé de ne pas avoir indiqué quel était le fondement de leur

 22   utilisation. Alors je  -- j'ai examiné le premier document. J'ai dit que

 23   tous ces documents venaient du bureau des Réfugiés et des Personnes

 24   déplacées. Le témoin connaît ces documents, il les a eus sous les yeux et

 25   il peut les authentifier. Je ne peux guère faire davantage, vu les

 26   circonstances. Si je n'agissais pas ainsi, je devrais procéder par voie de

 27   requête.

 28   Et, très franchement, avec tout le respect que je dois aux Juges de la

Page 31383

  1   Chambre, au vu des décisions rendues jusqu'à présent, je n'ai guère

  2   confiance dans le fait que la Chambre admettra ces documents sans que le

  3   fondement en ait été indiqué, donc voilà ce que j'essaie de faire. J'essaie

  4   d'être le plus créatif possible, compte tenu des circonstances. J'ai une

  5   pratique de plus de 25 ans de mon métier et je dois dire que c'est pour moi

  6   le procès le plus étonnant auquel j'ai participé, étant donné la complexité

  7   de l'affaire, les contraintes liées au temps et le grand nombre de

  8   documents. Donc j'essaie de me montrer créatif pour découvrir la meilleure

  9   façon de procéder afin d'arriver le plus rapidement possible à la fin du

 10   procès, voilà tout ce que j'ai à dire.

 11   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi

 12   d'intervenir, mais j'aimerais dire une chose qui est la chose suivante : il

 13   y a quelques mois, l'Accusation a également essayé de faire appel à toutes

 14   ses ressources de créativité en vue de faire admettre un certain nombre de

 15   documents au dossier. Je pense au témoin Christopher Beese en particulier

 16   par le truchement duquel l'Accusation s'est efforcée de verser au dossier

 17   un certain nombre de rapports de la MOCE au sujet desquels le témoin était

 18   prêt à garantir leur authenticité. La Chambre de première instance a refusé

 19   d'admettre les documents dans le cadre de l'application d'une telle

 20   procédure, et l'Accusation a été ensuite contrainte de chercher d'autres

 21   moyens pour obtenir le versement au dossier de tous ces documents.

 22   Donc je comprends les difficultés auxquelles est confronté le conseil de la

 23   Défense, mais je pense que du côté de l'Accusation, nous nous devons

 24   d'insister pour que les procédures appliquées par les deux parties soient

 25   les mêmes.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] J'aimerais dire quelques mots. Je me

 27   rappelle, j'étais ici. M. Skye était le seul membre de l'Accusation présent

 28   à l'époque dans le prétoire. Je crois que je ne me trompe pas en disant que

Page 31384

  1   c'est M. Daryl Mundis qui menait l'interrogatoire principal, et bon nombre

  2   de ces documents n'étaient pas le fruit du travail de la personne qui

  3   témoignait à l'époque -- le témoin n'en était pas l'auteur. Et, bien

  4   entendu, il y avait plusieurs bureaux répartis sur le territoire.

  5   Alors, c'est là qu'il y a une différence, peut-être M. Stringer pourrait-il

  6   calmer son inquiétude si je lui dis la chose qui suit : ces documents

  7   viennent tous du bureau des Personnes expulsées. Le témoin était chef

  8   adjoint à l'époque, et ensuite il en est devenu le chef. C'était un bureau

  9   relativement peu important qui traitait de questions bien particulières, et

 10   tous les rapports dont je suis en train de parler venaient de -- du bureau

 11   dirigé par le témoin. Il était sur place à l'époque des faits. Il

 12   connaissait la réalité de la situation, c'est la raison pour laquelle je

 13   lui poser les questions que je lui pose et je l'interroge finalement pour

 14   lui demander si ces documents rendent peu ou trop compte dans la situation

 15   de l'époque, et cela correspond à ce qu'a dit le témoin qui a répondu par

 16   l'affirmative à ce sujet. Donc voilà pourquoi je travaille comme je le

 17   fais.

 18   Et dans le cas où je ne pourrais pas travailler de cette façon, je suppose

 19   que je pourrais procéder par voie de requête. Très franchement, je ne vois

 20   pas où est le problème de passer ces documents en revue un par un. Cela ne

 21   me pose pas problème. Mais, par ailleurs, je ne -- je n'ai pas suffisamment

 22   de temps pour les examiner dans le détail, de la façon dont nous

 23   travaillions dans le passé, donc il faut bien qu'une solution soit trouvée.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : -- Beese, qui étaient donc des documents qui

 25   faisaient des dizaines, voire des centaines de pages, et vos documents, là,

 26   il y a à peu près une dizaine de documents qui sont des chiffres

 27   statistiques venant de l'office dont le témoin était un des responsables.

 28   Et, moi, de mon point de vue, il n'y a aucun problème si vous procédiez de

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  1   la façon suivante, qui consisterait à dire : voilà les documents qui sont

  2   sous les cotes ID, et vous donnez les chiffres. Nous avons ensemble, lors

  3   du "proofing," vu ces documents. Confirmez-vous que ces documents ont été

  4   établis par votre office et dont vous avez eu connaissance ? Le témoin

  5   répond : "Oui, je confirme, nous les avons vus un par un." Et, à ce moment-

  6   là, vous posez votre question en disant : "Il résulte de l'ensemble de ces

  7   documents tel et tel élément, est-ce que vous confirmez ou pas

  8   cela ?"

  9   Moi, ça me parait faire preuve de créativité d'une justice internationale

 10   digne de ce nom, et nous évitons tous les problèmes. Alors, moi, c'est ma

 11   position. Mes collègues ne sont peut-être pas de cet avis, mais je tenais à

 12   ce que ce soit au transcript. Donc, comme apparemment, il n'y a pas

 13   d'opposition de mes collègues, poursuivez.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.

 15   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, Maître. Pourrais-je, je vous

 16   prie, faire consigner au compte rendu d'audience une objection, après quoi

 17   je cesserai d'intervenir car je ne pense pas que nous ayons besoin de

 18   consacrer davantage du temps de la Chambre sur ces questions ?

 19   Les éléments de preuve seront versés au dossier la semaine prochaine à la

 20   fin de l'audition du témoin, et je suis en mesure d'informer les Juges de

 21   la Chambre que l'Accusation élèvera une objection par rapport à la demande

 22   de versement sur les bases déjà indiquées. Nous estimons qu'il n'y a pas

 23   vraiment de différence entre le rapport qu'entretient ce témoin avec les

 24   documents qui nous sont présentés maintenant et le lien qu'entretenait M.

 25   Beese avec les documents de la MOCE dont il lui était demandé de les

 26   authentifier. Donc je ne m'étendrai pas, mais l'Accusation annonce d'ores

 27   et déjà qu'elle élèvera une objection.

 28   Monsieur le Président, compte tenu du commentaire que vous venez de

Page 31386

  1   formuler, l'Accusation estime que c'est une façon d'ouvrir la voie à un

  2   moyen de demander le versement au dossier qui a été interdit à l'Accusation

  3   pendant la présentation des charges -- moyen. Mais je me limiterai à cela.

  4   Je n'en dirai pas plus pour moment. J'annonce simplement que nous élèverons

  5   une objection la semaine prochaine lorsque la demande de versement sera

  6   faite.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience

  8   également, je tiens à indiquer que si je ne me suis pas opposé aux propos

  9   du Président il y a quelques instants, je réserve ma position jusqu'à ce

 10   que nous ayons eu le temps de délibérer convenablement au sein de la

 11   Chambre. Je vous remercie.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Document 1D 013 -- 1D 01836, document qui

 15   émane également du bureau des Personnes déplacées et des Réfugiés. Document

 16   1D 01837 ensuite, puis document 1D 01832, suivi du document 1D 01833,

 17   auquel succède le document 1D 01834, puis le document 1D 01835, suivi par

 18   le document 1D 01831.

 19   Q.  Monsieur Raguz, pendant les séances de récolement alors que vous vous

 20   prépariez à entrer dans ce prétoire, avez-vous eu la possibilité d'examiner

 21   ces documents qui émanent du bureau dont vous avez d'abord été le chef

 22   adjoint puis le chef ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Pourriez-vous, je vous prie, expliquer aux Juges de la Chambre dans

 25   quelles conditions ces documents ont été élaborés, de façon générale ?

 26   Quelle a été la méthodologie qui a présidé à leur élaboration ?

 27   R.  Dans ces documents - et je vais maintenant, moi aussi, me montrer

 28   créatif - nous trouvons une énumération générale des réfugiés, de leur lieu

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  1   d'origine, de leur lieu d'hébergement, municipalité par municipalité, donc

  2   dans quelle municipalité ils ont été accueillis. On trouve également

  3   mention des localités très précisément de -- en Bosnie centrale, Konjic,

  4   Vares, Jablanica, et cetera, donc pas seulement les municipalités, mais

  5   aussi les localités. Ensuite, il y a la mention des personnes hébergées en

  6   lieux d'hébergement collectifs, et puis une mention du nombre total de

  7   réfugiés par rapport à la population locale, et sur la base de tout cela,

  8   on obtient une vision globale assez précise de la situation qui présidait

  9   du point de vue des réfugiés aussi longtemps que le ministère n'a pas

 10   confirmé officiellement le nombre total de ces derniers.

 11   Q.  Je crois comprendre que vous avez parlé de recensement officiel et non

 12   d'enregistrements -- ou de registres officiels. Vous pensiez à un

 13   recensement officiel du nombre de réfugiés, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, c'est exact.

 15   Q.  Vous nous avez dit pourquoi on tenait ce genre de registre. Je vous

 16   demande pour ma part si les textes législatifs qui ont amené la création de

 17   votre bureau exigeaient de vous que vous teniez une documentation

 18   comparable à tous ces documents que nous venons d'énumérer ?

 19   R.  Nous étions tenus d'informer l'institution qui est à l'origine de notre

 20   création, donc, d'abord, le Conseil croate de Défense, le HVO, puis le

 21   gouvernement. Nous étions tenus de les informer de la situation des

 22   réfugiés hébergés sur le territoire tenu par le HVO, et nous devions les

 23   informer également de la situation humanitaire d'un point de vue général.

 24   Nous ne pouvions le faire que si nous étions bien informés nous-mêmes,

 25   c'est-à-dire si nous avions reçu un certain nombre de données chiffrées en

 26   particulier, et nous avons accompli ce travail au mieux de nos capacités,

 27   mais je puis vous dire que ces renseignements sont réellement de très bonne

 28   qualité. Ils ont été établis sur la base de rapports très précis, provenant

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  1   des personnes résidant en divers lieux.

  2   Q.  Très bien. Est-ce que ces renseignements étaient également fournis aux

  3   organisations qui travaillaient sur le terrain à l'époque ?

  4   R.  Nous étions en contact constant avec ces organisations, et de manière

  5   générale avec toutes les organisations humanitaires travaillant sur place.

  6   Q.  D'accord. Ces registres, étaient-ils établis dans le cadre de votre

  7   travail quotidien, de votre travail normal ? Est-ce que pour vous c'était

  8   une procédure normale que d'établir ce genre de rapports ou les élaboriez-

  9   vous ponctuellement selon les besoins du moment ?

 10   R.  Ces renseignements étaient enregistrés et consignés dans des rapports

 11   par le biais du département chargé des analyses. Ils étaient actualisés au

 12   jour le jour en fonction des renseignements que nous recevions de divers

 13   endroits.

 14   Q.  Les renseignements que vous receviez et que vous consigniez par écrit

 15   dans ces rapports, d'où provenaient-ils ?

 16   R.  Ces renseignements provenaient de municipalités à partir desquelles les

 17   personnes avaient été -- d'où les personnes en question avaient été

 18   expulsées. Donc nous recevions des renseignements au sujet du nombre de

 19   personnes qui étaient en danger d'expulsion, au sujet des municipalités qui

 20   accueillaient ces personnes, au sujet des municipalités qui leur

 21   accordaient finalement le statut de personne déplacée ou de personne

 22   expulsée, et au sujet des municipalités qui parvenaient à les loger. Donc,

 23   nous avons des éléments provenant de toutes ces municipalités, et nous

 24   avons des éléments concernant les individus et concernant les groupes, et

 25   on trouve tous ces éléments d'information dans les documents que vous venez

 26   d'évoquer.

 27   Ceci est très important parce que ces documents permettent au lecteur de se

 28   faire une idée assez précise du nombre de personnes expulsées et du nombre

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  1   de réfugiés. On voit d'où -- de quel secteur provenaient ces personnes et

  2   dans quelles conditions elles étaient arrivées là où elles sont arrivées.

  3   Ces documents sont la meilleure preuve de l'immense souffrance vécue par la

  4   population ainsi que du grand nombre de victimes des événements.

  5   Vous m'avez interrogé au sujet de l'expression nettoyage ethnique inversé.

  6   Et bien, quand on prend la mesure de la catastrophe humanitaire qui s'est

  7   déroulée dans ces régions, on constate que l'importance de cette

  8   catastrophe est véritablement historique et qu'elle risque d'influer de

  9   façon négative sur l'avenir de la Bosnie-Herzégovine dans l'ensemble. Donc

 10   le travail principal était de savoir quelle était la réalité des événements

 11   pour faire en sorte que les personnes souhaitant revenir à leur domicile

 12   par la suite puissent le faire.

 13   Q.  D'accord. Etant donné que vous étiez le chef adjoint et plus tard le

 14   chef de ce bureau, est-ce que vous étiez tenu, d'une façon ou d'une autre,

 15   de vous tenir au courant de ce genre de renseignements et de les mettre par

 16   écrit dans des rapports ? On me dit qu'il y a une erreur d'interprétation.

 17   Je ne comprends pas le croate. Je n'entends pas l'interprétation.

 18   R.  Je n'ai pas bien -- à mon avis, la question n'était pas posée

 19   clairement. Pourriez-vous la répéter ?

 20   Q.  Je vais faire une nouvelle tentative. En vous appuyant sur votre poste,

 21   à savoir que vous étiez d'abord chef adjoint puis chef du bureau, je vous

 22   demande si, dans le cadre de votre travail au quotidien, vous étiez tenu de

 23   vous tenir informé du genre de renseignements que l'on trouve consignés par

 24   écrit dans les rapports dont nous parlons ?

 25   R.  En dépit des circonstances, si vous recevez des renseignements et si

 26   vous agissez en vue de prévenir une situation, vous pouvez établir ce genre

 27   de rapport, mais vous ne pouvez pas établir ce genre de rapport si vous

 28   n'avez aucun élément chiffré provenant du terrain.

Page 31390

  1   Q.  Et j'en arrive à ma question suivante : est-ce que les renseignements

  2   contenus dans ces rapports devaient ensuite être utilisés par vous et par

  3   M. Tadic pour aboutir à un certain nombre de décisions relatives à des

  4   questions liées à la situation qui évoluait instant après instant, semaine

  5   après semaine, mois après mois ?

  6   R.  Ces éléments ont absolument été utilisés dans le cadre de l'action du

  7   bureau et ils ont été utilisés pour satisfaire aux besoins de ces personnes

  8   en termes d'habitations, de logements, de transport et d'autres domaines,

  9   et ce, à un point tel que, comme vous avez constaté au début du mois

 10   d'octobre, on nous a annoncé l'arrivée de 7 000 personnes originaires de

 11   Kakanj à Vares. Et en 15 jours, nous avons obtenu les renseignements

 12   relatifs à leurs lieux d'hébergement et aux endroits où ils avaient été

 13   accueillis. Donc, nous étions tenus de gérer ces renseignements comme nous

 14   le pouvions afin d'apporter de l'aide à toutes ces personnes, et c'est ce

 15   que nous avons fait.

 16   Si vous parlez du bureau et du rôle joué par moi au sein de ce bureau, vous

 17   constaterez que nous avons obtenu des renseignements au sujet des convois

 18   et que nous sommes parvenus à effectuer un travail responsable et efficace,

 19   en dépit des circonstances.

 20   Q.  Deux questions, encore. Premièrement, nous voyons que vous avez

 21   participé au travail de certaines commissions, que vous aviez des contacts

 22   avec des représentants d'organisations internationales telles que le HCR.

 23   Je me demande si vous utilisiez les renseignements émanant des rapports

 24   dont nous sommes en train de parler lorsque vous aviez des contacts avec

 25   ces responsables internationaux ou lorsque vous assistiez à ces réunions

 26   avec des représentants internationaux ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Enfin, pendant deux journées entières, vous avez été interrogé en

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  1   qualité de suspect par le bureau du Procureur, qui avait à sa disposition

  2   un certain nombre de documents. Et, bien sûr, vous avez également transmis

  3   un certain nombre de documents au bureau du Procureur. Est-ce que des

  4   questions liées à votre activité et en particulier aux activités évoquées,

  5   décrites et analysées dans les documents dont nous sommes en train de

  6   parler, est-ce que des questions de cette nature vous ont été posées

  7   pendant ces deux journées ?

  8   R.  Oui, de telles questions m'ont été posées.

  9   Q.  Passons maintenant au document suivant, P 09851 --

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] -- si vous pouvez m'aider à établir

 11   le fondement, je vous en prie.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous nous aviez communiqué ces

 13   documents dans une liasse de documents, peut-être aurions-nous pu les

 14   examiner, et cela aurait peut-être été plus efficace, mais j'ai une

 15   question à vous poser. Nous voyons qu'il est question d'un flux de réfugiés

 16   et de personnes déplacées qui arrivent, et puis elles finissent leur voyage

 17   dans diverses municipalités.

 18   Qu'est-ce qui explique pourquoi tel ou tel réfugié ou personne déplacée se

 19   retrouve dans telle ou telle municipalité plutôt qu'une autre ? Est-ce que

 20   l'arrivée dans telle ou telle municipalité se faisait par hasard, ou est-ce

 21   qu'il y avait une coordination à ce sujet ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait une coordination, et comme je l'ai

 23   déjà expliqué, le bureau participait à cette coordination; en l'absence de

 24   coordination, il n'aurait pas pu y avoir d'accueil honnête et sur un pied

 25   d'égalité de ce nombre véritablement gigantesque de réfugiés qui ont -- qui

 26   sont arrivés dans la région.

 27   Et vous verrez à la lecture de tous ces éléments d'information que toutes

 28   les municipalités ont accueilli un certain nombre de réfugiés. Il n'y a pas

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  1   eu de réticence de la part de telle ou telle muni, chacune accueillait le

  2   nombre maximum qu'elle pouvait accueillir.

  3   Et puis j'ajouterais que les réfugiés ne sont pas arrivés uniquement dans

  4   les municipalités; 200 000 réfugiés environ ont fini leur voyage en Croatie

  5   ou dans des pays étrangers. C'était le cas en particuliers d'un grand

  6   nombre de Musulmans de Bosnie. Plusieurs centaines de milliers d'entre eux

  7   ont abouti en Croatie ou dans d'autres pays.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Et le bureau dont vous parlez est

  9   bien votre bureau, le bureau chargé des Personnes déplacées et des Réfugiés

 10   ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que les municipalités,

 13   lorsque vous leur attribuiez un certain nombre de réfugiés, étaient en

 14   droit de refuser de les accueillir ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, Monsieur le Juge, nous n'avons

 16   jamais fait la moindre proposition à cet égard sans avoir obtenu au

 17   préalable l'assentiment de la municipalité concernée. En l'absence de

 18   solidarité, nous n'aurions absolument rien pu faire. Ce genre de travail ne

 19   peut pas se retrouver simplement et sèchement dans un certain nombre de

 20   paragraphes écrits. Ce dont nous parlons ici, c'est de l'expression d'une

 21   solidarité qui laissera une marque durable et profonde de l'histoire.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Votre réponse est tout à fait

 23   plausible. Merci.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : -- courte question. Pendant que

 25   Me Karnavas vous posait des questions et que vous répondiez, je vous ai

 26   écouté et je regardais en même temps la dizaine de documents qui

 27   permettaient à un Juge en quelques minutes de regarder le contenu de ces

 28   documents, et en regardant ce document, mon attention a été appelée sur le

Page 31393

  1   document 1D 0100835 qui concerne Vares. Et nous savons que des réfugiés de

  2   Kakanj étaient venus à Vares et ensuite, en raison de l'offensive de l'AbiH

  3   et notamment des événements de Stupni Do, la population de Vares croate va

  4   quitter Vares.

  5   Et d'après ce document 1D 0100835, il est indiqué que 15 000 habitants ont

  6   quitté Vares, ce qui est un chiffre très important. Mais dans d'autres

  7   documents que nous avons vus au cours de la journée, j'ai constaté que

  8   parfois, il y a des documents qui pour Vares disaient 5 000, et puis

  9   d'autres 3 000, et donc je me suis dit tiens, il y a des chiffres

 10   différents en fonction des documents. Alors Me Karnavas vous a posé des

 11   questions techniques pour savoir comment étaient élaborés ces documents, ce

 12   qu'un juge d'instruction dans un pays de "civil law" aurait fait de la même

 13   façon, et vous avez répondu. Alors, dans ce document 1835, il y a le

 14   chiffre de

 15   15 000; alors c'est un chiffre approximatif ou bien étayé par des registres

 16   très précis des localités ?

 17   Et mon collègue le Juge Trechsel tout à l'heure vous a posé la

 18   question de savoir mais comment étaient répartis ces réfugiés. Alors, est-

 19   ce que ce chiffre de 15 000 est l'addition des registres dans les

 20   municipalités où ils ont été par la suite, et notamment Kiseljak, Kresevo,

 21   ou bien c'est une évaluation globale -- une évaluation empirique ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, d'avoir posé

 23   cette question particulièrement pertinente car, dans ce document que vous

 24   mentionnez, il est question de 15 000 Croates en tout qui ont été chassés

 25   du territoire de la municipalité de Kakanj, or, ces personnes réfugiées

 26   sont arrivées non pas tous en même temps, mais par vagues successives d'un

 27   certain nombre de personnes à chaque fois, et à chaque fois placées à

 28   certains endroits. Il y avait plusieurs convois de réfugiés, un convoi de 4

Page 31394

  1   000, un autre convoi de plusieurs milliers de personnes, d'autres convois

  2   plus petits, et c'est la somme de tout cela qui permet d'aboutir à ce

  3   chiffre total.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette précision.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation]

  6   Q.  Très bien. Très bien. Monsieur Raguz, examinons un dernier document sur

  7   ce point, c'est le document P 09851. P 09851.

  8   M. STRINGER : [interprétation] C'est un document qui est -- qui a été versé

  9   sous pli scellé, Monsieur le Président.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien. Effectivement, si ce document est

 11   sous pli scellé, je suppose qu'il ne faut pas qu'il soit diffusé à

 12   l'extérieur, mais il faut l'examiner néanmoins.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc ou on ne le montre pas à l'exact, mais vous

 14   pouvez poser des questions sur le document.

 15   M. STRINGER : [interprétation] Peut-être qu'il faudrait passer en audience

 16   à huis clos partiel, parce que le témoin par le biais duquel cette pièce a

 17   été présentée a été entendu à huis clos partiel, ou en tout cas à huis

 18   clos.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne mentionnerai pas le nom du témoin,

 20   mais je ne veux pas cacher la vérité au public. Voilà quel est le problème.

 21   Je crois qu'il est important que le public sache ce qu'il est dit, parce

 22   que il y a eu beaucoup de désinformation -- de désinformation et de

 23   propagande, et c'est la raison pour laquelle je fais cette demande.

 24   M. STRINGER : [interprétation] Attention, c'est un document qui a été versé

 25   sous pli scellé au titre de l'article 70 du Règlement. Il n'est pas

 26   possible de parler de ce document en public, sous quelle forme que ce soit.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges préfèrent qu'on aborde l'examen de ce

 28   document à huis clos. Ce qui compte, c'est -- bon, le public, c'est vrai,

Page 31395

  1   mais également que les Juges aient une vision exacte de ce qui a pu se

  2   passer, donc on passe à huis clos pendant quelques instants.

  3   Monsieur le Greffier.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

  5   Juges, nous sommes en audience à huis clos partiel.

  6   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 31396-31397 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 24   [Audience publique]

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation]

 27   Q.  Alors regardons le document 1D 00669, c'est une décision qui porte sur

 28   l'usage de biens immobiliers par des personnes physiques. La date est celle

Page 31399

  1   du 2 décembre 1992, ce document émane de la municipalité de Mostar, c'est

  2   un document signé par Jadran Topic qui était président à l'époque.

  3   Si nous regardons un autre document, le document 1D 01892, nous verrons que

  4   c'est un document qui porte la date du 22 décembre 1993. C'est un décret

  5   interdisant les transactions immobilières en temps de guerre alors qu'une

  6   menace directe de guerre pèse. C'est un document qui est signé par le Dr

  7   Jadranko Prlic.

  8   Sont-ce là les instruments juridiques auxquels vous pensiez lorsque

  9   vous avez répondu que le transfert de titres de propriétés était interdit

 10   par la loi ?

 11   R.  Oui. Des textes de loi interdisent donc le transfert de titres de

 12   propriétés entre personnes physiques pendant la durée de l'état de guerre

 13   sur la municipalité -- le territoire de la municipalité de Mostar pour le

 14   premier document.

 15   Quant au deuxième document, il a trait à -- à la zone couverte par la HZ

 16   HB.

 17   Q.  Merci. Nous allons changer de sujet un petit peu. Il reste deux petites

 18   questions que j'aimerais aborder avec vous.

 19   1D 02631, 1D 02631. Regardez ce document, vous verrez que c'était une

 20   demande d'aide visant à obtenir un visa de transit pour pouvoir transiter

 21   donc en République de Croatie. Nous n'en avons pas beaucoup parlé, mais

 22   pensez-vous être suffisamment compétent en la matière pour nous parler de

 23   ce genre de formulaire, de demande, et nous dire quels étaient les visas de

 24   transit qui étaient utilisés à l'époque compte tenu des activités et des

 25   fonctions que vous exerciez à l'époque ?

 26   R.  J'ai connaissance que, dans un certain nombre de cas, le bureau pour

 27   les réfugiés de la République de Croatie a délivré des visas de transit. Il

 28   s'agissait là d'une mesure prise par le gouvernement de la République de

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  1   Croatie qui, face au nombre considérable de réfugiés auxquels il était

  2   confronté, souhaitait avoir une estimation des possibilités d'hébergement

  3   et avoir également la garantie que les personnes entrant sur le territoire

  4   de la République de Croatie sont -- sont véritablement en partance vers un

  5   pays tiers comme cela est indiqué dans leurs visas de transit. Les

  6   municipalités -- ou plutôt, les centres -- les centres sociaux et les

  7   bureaux du -- de la Croix-Rouge étaient les organismes qui offraient, en

  8   quelque sorte, leurs services aux personnes souhaitant partir pour un pays

  9   tiers. Et c'est le cas ici, dans ce document en particulier, on voit que

 10   l'individu signe avec son nom et prénom et il était nécessaire d'obtenir

 11   une garantie pour obtenir satisfaction d'une demande de ce type, il fallait

 12   donc une garantie que la personne faisant la demande serait prise en charge

 13   entièrement et donc -- tout particulièrement hébergée dans son pays de

 14   destination. Il s'agissait de demandes individuelles dans le plus grand

 15   nombre de cas. Et c'est ce que je puis dire à ces sujets principalement.

 16   Je peux également dire que le bureau des Réfugiés à Zagreb, après avoir

 17   assemblé les requêtes de ce type, les approuvait généralement dans la

 18   mesure où elles satisfaisaient les critères requis, à savoir cette lettre

 19   de garantie assurant la prise en charge de la personne dans son pays de

 20   destination et la sécurité de la personne dans ce pays de destination. Et

 21   les réponses étaient généralement positives.

 22   Q.  Bien. Une dernière question sur ces visas de transit. Y avait-il

 23   collusion, quelle qu'en soit la forme, entre la Communauté croate d'Herceg-

 24   Bosna et la République de Croatie consistant à utiliser ce type de visas de

 25   transit à des fins de nettoyage ethnique de certaines parties de la Bosnie-

 26   Herzégovine de sa population musulmane ?

 27   R.  Le simple fait qu'un très petit nombre de personnes par rapport au

 28   nombre total de réfugiés ait recouru à ce type de moyen pour partir dans

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  1   les pays -- dans des pays étrangers est un argument montrant que cela n'a

  2   absolument pas pu être utilisé à des fins de nettoyage ethnique.

  3   Deuxièmement, la procédure elle-même prévoyait une vérification du

  4   fait que les personnes faisant ce type de demandes partaient effectivement

  5   là où les conditions seraient les meilleures pour elles, là où elles

  6   seraient en mesure de retrouver les membres de leurs familles ou de trouver

  7   une situation sûre.

  8   Q.  Passons au tout dernier document --

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, j'aimerais poser une

 10   question au témoin. Vous avez dit qu'un nombre très limité de personnes --

 11   qu'entendez-vous par là, le savez-vous ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Selon ma propre estimation, il ne pourrait

 13   s'agir tout au plus que de quelque milliers de personnes, au maximum, par

 14   rapport aux millions de personnes -- un million de personnes qui se sont

 15   retrouvées réparties dans un grand nombre de pays de par le monde. Mais je

 16   pense qu'il n'y a pas eu plus de 1 000 ou 2 000 visas de ce type qui ont pu

 17   être délivrés, et le bureau compétent, situé à Zagreb, dispose certainement

 18   des informations en rapport avec cela.

 19   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] J'aimerais vous poser une question.

 20   Monsieur Raguz, vous avez fait une comparaison avec un million de personnes

 21   qui s'est rendu dans un grand nombre de pays de par le monde, une centaine

 22   peut-être. Si mon souvenir est bon - mais que l'on me corrige si j'ai tort

 23   - d'après le recensement en Herceg-Bosna, il y avait entre 800 et 900 000

 24   Croates. Je ne sais plus très bien quel est le chiffre exact. Alors ce

 25   million semble être une exagération. Je me demande donc quel serait le

 26   chiffre que vous pourriez nous donner maintenant.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce nombre représente le nombre total de

 28   réfugiés provenant de la Bosnie-Herzégovine et non pas uniquement ceux

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  1   provenant de la HZ HB. Il s'agit là des chiffres tout à fait officiels qui

  2   rassemblent les réfugiés à la fois serbes, bosniens et croates qui ont

  3   trouvé refuge en dehors de la Bosnie-Herzégovine.

  4   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci. C'est clair. Il ne s'agit pas

  5   seulement de Croates d'Herceg-Bosna, mais d'un chiffre qui prend en compte

  6   toute la population de la Bosnie-Herzégovine. Très bien.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation]

  9   Q.  Pendant que nous parlons de cela, avant que les affrontements entre les

 10   Croates et les Musulmans, et compte tenu de l'expérience qui était la vôtre

 11   dans le cadre des fonctions que vous exerciez à ce moment-là, savez-vous si

 12   les Musulmans et les Croates qui étaient devenus personnes déplacées ou

 13   réfugiés étaient partis vers d'autres pays, c'est-à-dire au-delà donc de la

 14   Croatie, avant les affrontements entre les Croates et les Musulmans. Nous

 15   disposons d'éléments de preuve selon lesquels il y a eu des vagues

 16   importantes de personnes déplacées suite à l'agression.

 17   R.  Absolument.

 18   Q.  Nous parlons donc de la période préalable à la date d'avril 1993 ?

 19   R.  Tout à fait. C'est-à-dire la période qui s'étend pratiquement à partir

 20   du début et non pas uniquement à partir de 1992. N'oublions pas que

 21   l'attaque qu'a subi Ravno a eu lieu en septembre 1991, et c'est à partir de

 22   ce moment-là déjà et jusqu'à la période dont nous parlons, c'est-à-dire un

 23   peu plus d'une année, nous avons déjà plus d'une centaine de milliers de

 24   personnes qui ont été contraintes de quitter leur domicile.

 25   Q.  Très bien. Passons au tout dernier document, P 06324. P 06324. Et je

 26   dirais, aux fins du compte rendu, que c'est un extrait tiré de P 06323. De

 27   façon à ce qu'il n'y ait pas de doute, c'est un rapport sur le travail du

 28   gouvernement de la République croate d'Herceg-Bosna pendant la période de

Page 31403

  1   novembre 1993 à mars 1994. C'est une partie seulement de ce rapport, je le

  2   rappelle, qui porte surtout sur le bureau chargé des personnes déplacées et

  3   des réfugiés.

  4   Avez-vous eu la possibilité de prendre connaissance de ce document,

  5   Monsieur ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Bien. Le reconnaissez-vous ?

  8   R.  Je le reconnais.

  9   Q.  Bien. Cette partie du rapport, puisqu'elle fait référence à votre

 10   bureau, m'amène à vous poser la question suivante. Qui aurait été chargé de

 11   la rédiger, cette partie du rapport ?

 12   R.  Comme vous pouvez le voir, ici nous avons un rapport détaillant le

 13   travail de chacune des sections du bureau. Vous avez donc la section

 14   chargée de la Prise en charge des réfugiés, la section chargée du Travail

 15   analytique, la section de l'Aide humanitaire, la section chargée de la

 16   Reconstruction.

 17   Q.  [aucune interprétation]

 18   R.  Il s'agit donc d'un rapport d'ensemble pour toutes les sections.

 19   Q.  Bien. J'aimerais attirer votre attention sur la section et service

 20   chargé des Personnes expulsées et des Réfugiés.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] En page 3, Messieurs les Juges, de ce

 22   document. A vos souhaits.

 23    M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]

 24   M. KARNAVAS : [interprétation]

 25   Q.  Tout en haut, donc le premier paragraphe, où on lit : "Malheureusement,

 26   en octobre 1993, l'hôtel Bigeste à Ljubuski, qui était en cours de

 27   rénovations par les organisations internationales humanitaires fonctionnait

 28   en tant que lieu d'accueil pour plusieurs milliers de personnes déplacées

Page 31404

  1   qui y ont logé plus ou moins longtemps."

  2   Dans le rapport d'origine, ceci figure à la page 128, donc 128 du rapport

  3   complet.

  4   Avez-vous trouvé ce passage, Monsieur ? L'avez-vous trouvée ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Bien. Alors, s'agissant de Ljubuski, pourriez-vous, s'il vous plaît,

  7   nous parler de ce lieu d'accueil -- de ce centre d'Accueil ?

  8   R.  Oui, je peux vous en parler. Ljubuski était l'une des municipalités qui

  9   ont été touchées par certaines des vagues les plus importantes de réfugiés,

 10   et cela pas uniquement durant cette période, mais pendant toute la durée de

 11   la guerre. Et dans ce rapport, il est question du mois d'octobre 1993. Il y

 12   est mentionné l'hôtel Bigeste, qui existait bien alors à Ljubuski, mais

 13   n'offrait absolument pas les conditions nécessaires à l'hébergement de

 14   réfugiés. Il est donc précisé qu'avec le concours des organisations

 15   internationales -- les organisations humanitaires internationales, cet

 16   hôtel a été transformé en centre d'accueil. Il est également précisé qu'au

 17   cours de cette période que nous avons déjà évoquée au cours de laquelle on

 18   très grand nombre de réfugiés arrivaient quotidiennement, un accueil de

 19   qualité a été rendue possible dans le cadre de cet hôtel, un accueil et un

 20   soutien pour personnes réfugiées.

 21   L'INTERPRÈTE : Sans micro pour Me Karnavas.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation]

 23   Q.  Alors, pour que tout soit parfaitement clair, ce centre d'Accueil,

 24   lorsqu'il a été établi, l'a-t-il été pour assurer le nettoyage ethnique des

 25   Musulmans ? Etait-ce l'objet de ce lieu ? Devait-il servir de moyen de

 26   nettoyage ethnique inversé des Croates ou a-t-il été mis en place pour

 27   faire face à la crise humanitaire, et si tel est le cas, qui ont été les

 28   premiers occupants de ce centre d'Accueil ?

Page 31405

  1   R.  L'objectif était exclusivement humanitaire. C'est cet objectif qui a

  2   conduit à la rénovation de cet hôtel, et d'ailleurs, cette rénovation

  3   n'aurait pas été possible sans l'aide des organisations humanitaires

  4   internationales. Il n'y avait absolument aucune forme de discrimination.

  5   Tous ont pu y être accueillis, aussi bien Croate que Bosnien, et un grand

  6   nombre de Croates ont pu être accueillis dans cet hôtel.

  7   Q.  Une dernière question, que je ne devrais peut-être même pas poser, mais

  8   je vais le faire quand même. Nous voyons que c'est un centre d'Accueil.

  9   Qu'est-ce qu'un centre d'Accueil ? En réalité, y a-t-il une distinction

 10   particulière que l'on puisse établir entre un centre d'accueil et un autre

 11   type de centre, par exemple ?

 12   R.  Il existe des différences, par exemple, au sens où il s'agit d'un type

 13   de logement collectif, à savoir destiné à un certain nombre de personnes

 14   réfugiées ou qui ont été chassées. C'est donc un centre collectif alors que

 15   dans les documents précédents, et nous avons vu cela municipalités par

 16   municipalités, nous avions également un certain nombre de centres

 17   d'hébergement collectif les réfugiés arrivaient quotidiennement, et il y

 18   avait également des centres d'Accueil dans lesquels ces réfugiés arrivant

 19   quotidiennement en vague plus ou moins importante pouvaient être

 20   accueillis. Et c'était donc un autre type de centre qui était nécessaire

 21   pour pouvoir répondre au besoin et aux souffrances de ces personnes. Il y a

 22   là rien de nouveau. Cet autre type de centre nous l'avons déjà vu existait

 23   dans d'autres localités de Bosnie-Herzégovine.

 24   Q.  Je vous remercie infiniment, Monsieur Raguz. Je suis désolé que cet

 25   interrogatoire ait été un petit plus long que prévu. Je vous remercie

 26   d'avoir fait preuve d'ouverture et de sincérité dans vos réponses et je

 27   vous invite à répondre de la même manière aux questions qui vous seront

 28   posées par d'autres que moi. Merci.

Page 31406

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors les autres avocats. Maître Nozica.

  2   Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La Défense

  3   Stojic n'a pas de questions à poser à ce témoin.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la journée des bonnes nouvelles.

  5   Maître Kovacic.

  6   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, comme je l'ai déclaré

  7   précédemment, la Défense Praljak n'aura pas de questions à poser à ce

  8   témoin. Merci.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 10   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense Petkovic

 11   préférerait vous apporter la bonne nouvelle qu'elle n'a pas de questions,

 12   toutefois, nous estimons que ce témoin pourrait nous aider à clarifier

 13   certains aspects dans cette affaire.

 14   Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :

 15   Q.  [interprétation] Nous saluons MM. les Juges. M. le Témoin, M. Raguz. Et

 16   je voudrais, au nom de la Défense Petkovic, vous poser une ou plusieurs

 17   questions lorsque vous avez répondu à la question de Me Karnavas dans

 18   laquelle il a évoqué l'ouvrage de Lord Owen et la conversation entre ce

 19   dernier et Alija Izetbegovic, concernant la question de savoir si les

 20   enfants et les femmes devaient être ou non être évacués d'une ville soumise

 21   à des attaques, et donc répondant à cette question, vous avez dit ne pas

 22   souhaiter vous livrer à des spéculations, et qu'Alija Izetbegovic et son

 23   gouvernement auraient retenu volontairement des femmes et des enfants dans

 24   la ville de Sarajevo qui était alors bombardée.

 25   Et qu'il était manifeste que le gouvernement de Bosnie-Herzégovine

 26   souhaitait ainsi attirer l'attention de la communauté internationale sur le

 27   fait que des femmes et des enfants se trouvaient parmi les victimes de ces

 28   bombardements, et que certains buts politiques étaient ainsi atteints. Vous

Page 31407

  1   souvenez-vous de cette réponse qui était la vôtre, et qui est consignée en

  2   pages 28 et 29 du compte rendu d'hier ?

  3   R.  J'aimerais bien revoir ce passage. Je pense que vous ne m'avez pas cité

  4   exactement.

  5   Q.  Je vais donc procéder à la lecture. Vous avez affirmé ce qui suit, je

  6   cite : "Il était nécessaire de retenir les femmes et les enfants à

  7   Sarajevo" - et je saute ici un passage - "Cela était politiquement

  8   nécessaire, je ne voudrais pas entrer en détail dans cette question. Mais

  9   il est un fait que le gouvernement de Sarajevo souhaitait que l'intention

 10   du public dans le local international souhaite attirer sur de telles

 11   questions et cela pour des raisons d'ordre politique."

 12   R.  Cela est exact, mais cela diffère de ce que vous avez dit et cela de

 13   façon tout à fait essentielle car je n'ai pas dit qu'ils ont sacrifié ces

 14   personnes. J'ai dit que des femmes et des enfants ont été victimes de cette

 15   situation.

 16   Q.  Oui, c'est exact.

 17   R.  Il faut clarifier cela.

 18   Q.  Ma question ne contenait à aucun moment la notion d'avoir "sacrifié,"

 19   qui que ce soit et notamment les femmes et les enfants. Je voudrais à

 20   présent que nous nous intéressions, et cela même si vous n'avez pas vécu

 21   longtemps à Mostar, si séjourner longtemps là-bas, si vous avez

 22   connaissance de la situation à Mostar Est dans la deuxième moitié du 1993,

 23   j'aimerais savoir si la connaissance que vous avez de cette situation est

 24   insuffisante et si elle vous permet de proposer un commentaire de cette

 25   situation.

 26   R.  Oui, je peux commenter la situation telle qu'elle existait à cette

 27   époque. Il y avait alors des affrontements féroces à Mostar, et la

 28   situation humanitaire était particulièrement complexe.

Page 31408

  1   Q.  Je vais vous poser un certain nombre de questions très concrètes

  2   fondées sur des documents qui ont déjà été versés au dossier et sur la base

  3   également de témoignage de représentants d'organisations internationales.

  4   Ma première question a trait à la possibilité pour les habitants de Mostar

  5   Est de quitter Mostar Est, les habitants qui au cours de la seconde moitié

  6   de 1993 ou plus tard auraient souhaité quitter Mostar Est, mais qui ce

  7   serait vu refuser cette possibilité par les autorités locales.

  8   En avez-vous connaissance ?

  9   R.  Vous pensez aux autorités de Mostar Est ?

 10   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi. C'est toujours le même

 11   problème que je rencontre. Puis-je vous demander, s'il vous plaît, Maître

 12   Alaburic ainsi que Monsieur le Témoin, de faire une pause entre question et

 13   réponse et cela pour les interprètes, s'il vous plaît ?

 14   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi. Monsieur le Juge, je voudrais

 15   juste faire une objection à ce stade car je pense que l'interrogatoire de

 16   Me Alaburic sort du cadre du contre-interrogatoire.

 17   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'estime qu'il s'agit

 18   là, avec la situation humanitaire à Mostar Est, d'un sujet qui est tout à

 19   fait dans le cadre de l'interrogatoire principal. Mais si vous estimez

 20   qu'il en ait autrement, je suis tout à fait d'accord pour que le temps que

 21   je vais passer à mon interrogatoire soit décompté de la Défense Petkovic.

 22   Vous auriez ensuite le loisir de décider s'il s'agit d'un contre-

 23   interrogatoire ou non.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, vous avez posé la base de la

 26   question parce que, lors de l'interrogatoire principal,

 27   Me Karnavas avait donc posé au témoin des questions sur Sarajevo, et le

 28   témoin nous a dit qu'il y avait eu des victimes à Sarajevo, et cetera. Et

Page 31409

  1   je pense que vous voulez transposer la situation telle qu'elle s'est

  2   déroulée à Sarajevo à Mostar. C'est ça votre objectif, bien que Me Karnavas

  3   a abordé ça de façon très incidente. Ce n'était pas l'objet principal de

  4   son interrogatoire.

  5   Bon. Alors à ce stade, bon, les Juges là qui viennent de se concerter,

  6   pensent qu'on devrait vous déduire tout le temps que vous avez passé là-

  7   dessus, alors allez-y.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je proposerais que

  9   vous rendiez une décision définitive à ce sujet après que j'ai passé en

 10   revue les documents que j'avais prévus d'examiner, et après j'adopterai une

 11   autre façon de procéder.

 12   Monsieur le Président, je vous demanderais que nous passions à huis clos

 13   partiel, alors je vais maintenant m'occuper d'un document dont nous avons

 14   parlé tout à l'heure à huis clos partiel également.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 17   Juges, nous sommes maintenant à huis clos partiel.

 18   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Page 31410 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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  9   [Audience publique]

 10   Mme ALABURIC : [interprétation]

 11   Q.  Penchons-nous ensemble sur un document que vous connaissez peut-être,

 12   c'est le livre d'Esad Sejtaonvic, qui constitue le document 4D 00545.

 13   L'auteur en est Esad Sejtanovic, et il concerne l'Herzégovine. Nous avons

 14   traduit un passage qui est pour nous important, je cite : "La situation à

 15   l'intérieur de la ville et dans les environs devenait de plus en plus

 16   difficile. La faim régnait de toutes parts, le peu de nourriture, qui

 17   arrivait -- qui entrait à Mostar à partir de Jablanica en passant pas

 18   Glogova, était distribuée à un grand nombre d'habitants qui souhaitaient

 19   quitter Jablanica et aller plus loin en Bosnie en raison des mesures

 20   répressives qui étaient en vigueur. Et, malheureusement, nous sommes

 21   parvenus à empêcher ou à réduire le nombre de personnes qui se déplaçaient

 22   et nous avons limité possibilités de circulation au minimum."

 23   Mais, Monsieur Raguz, est-ce que vous avez lu cet ouvrage ?

 24   R.  Je connais cet ouvrage. Je ne l'ai pas lu, mais ce qui est dit ici est

 25   clair à mes yeux.

 26   Q.  Mais cela correspond-il selon vous à la réalité de la situation, est-ce

 27   que cette réalité était possible ?

 28   R.  Oui, c'est tout à fait possible.

Page 31412

  1   Q.  Dans les documents que nous avons examinés jusqu'à présent, on trouve

  2   des références aux habitants qui quittaient Mostar Est pour se diriger vers

  3   Jablanica. Vous êtes au courant du fait qu'il existait un corridor qui

  4   permettait des contacts entre Mostar Est et Jablanica, et il était possible

  5   de passer d'un lieu à un autre sans encombre plus ou moins facilement

  6   pendant toute la période, n'est-ce pas ?

  7   R.  Je connais l'existence de ce corridor.

  8   Q.  Est-ce que vous êtes au courant du fait que le corridor a été utilisé

  9   par l'ABiH pour recevoir des armes et des munitions, et ce, régulièrement ?

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis

 12   malheureusement pas Me Nozica; j'aurais beaucoup aimé être Me Nozica, mais

 13   avec plaisir je satisferai à votre demande.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : -- mais, Maître Alaburic, excusez-moi, pourriez-vous

 15   ralentir ?

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président.

 17   Q.  Donc, Monsieur Raguz, ma question était la suivante : avez-vous, à

 18   quelque moment que ce soit, entendu dire que l'armée de Bosnie-Herzégovine

 19   se serait servi de ce corridor pendant toute la durée du conflit pour

 20   recevoir des armes et des munitions, mais également des renforts par l'aide

 21   apportée concrètement par d'autres unités de l'ABiH qui venaient d'autres

 22   régions de la Bosnie ?

 23   R.  Je pense que moi.

 24   Q.  Monsieur Raguz, le Témoin M. Thornberry, je suppose que ce nom vous dit

 25   quelque chose. Cedric Thornberry, vous le connaissez, n'est-ce pas ?

 26   Pourriez-vous répondre ?

 27   R.  Son nom m'est connu. Oui, je connais son nom.

 28   Q.  Il nous a dit ici qu'à la fin du mois d'août et durant le mois de

Page 31413

  1   septembre, une campagne médiatique a eu lieu qui visait à sensibiliser la

  2   population des pays occidentaux par rapport à la situation humanitaire très

  3   difficile vécue par les habitants de Mostar Est. Les auteurs de cette

  4   campagne s'attendaient à ce que les opinions publiques des pays occidentaux

  5   fassent pression sur leurs gouvernements respectifs afin que des mesures

  6   plus énergiques soient prises pour apporter de l'aide à Mostar. Pour ceux

  7   qui souhaitent vérifier les propos de M. Thornberry, j'indique qu'ils

  8   figurent aux pages 26 275, 26 276 et 26 277 du compte rendu d'audience.l

  9   Dites-nous, Monsieur Raguz : avez-vous une quelconque information quant au

 10   fait que les médias étrangers ont effectivement mené une campagne de presse

 11   pour présenter la situation à l'intérieur de Mostar Est d'une façon que

 12   l'on peut qualifier de -- d'unilatérale -- de partiale, et qu'ils ont

 13   exagéré certaines difficultés vécues à Mostar Est pour obtenir un

 14   changement radical de la politique de certains pays occidentaux par rapport

 15   à Mostar ? Est-ce que vous avez des renseignements à ce sujet ?

 16   R.  Tout ce que je peux confirmer, c'est qu'une campagne médiatique très

 17   intense a été menée. Il faudrait analyser les différents composants de

 18   cette campagne pour être exhaustif, mais ce que vous venez d'évoquer a été

 19   très certainement l'un des éléments composant cette campagne.

 20   Q.  Compte tenu de votre réponse, est-ce que je peux conclure qu'en

 21   réalité, vous ne vous rappelez pas les différents éléments constitutifs de

 22   cette campagne et que vous ne pourriez pas nous dire quelles étaient les

 23   principales idées développées durant cette campagne ?

 24   R.  Dans le cas précis, vous avez raison; c'est exact.

 25   Q.  Dans ce cas, je n'ai pas d'autres questions à poser au témoin, et je

 26   remercie la Chambre pour le temps qui m'a été alloué.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Alaburic. Je ne me suis pas trompé

 28   cette fois-ci.

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  1   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La

  2   Défense du général Coric n'a pas de questions à poser à ce témoin.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Ibrisimovic.

  4   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense de M.

  5   Pusic n'a pas de questions à poser au témoin.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il nous reste 25 minutes avant la fin.

  7   Monsieur le Procureur, êtes-vous à même de commencer ? J'ai dit 25 minutes,

  8   voilà. Il est 7 heures moins 20, donc 20 minutes.

  9   M. STRINGER : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président, nous

 10   pouvons commencer.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 12   M. STRINGER : [interprétation] Il me faudra toutefois une minute pour

 13   mettre en place le pupitre et m'organiser du point de vue documentaire avec

 14   mes collègues, et je le ferai avec l'aide de

 15   M. l'Huissier auquel je demanderais de distribuer les documents.

 16   Monsieur Raguz, je vous demande un instant pour que nous nous organisions.

 17   Contre-interrogatoire par M. Stringer :

 18   Q.  [interprétation] Monsieur Raguz, pendant que nous attendons les

 19   documents, je tire profit de ces quelques instants pour me présenter à

 20   vous. Je m'appelle Douglas Stringer. Je suis l'un des représentants de

 21   l'Accusation, et je vous interrogerai en tant que substitut du Procureur.

 22   Je vais d'abord vous présenter un document qui est le document P 07500.

 23   C'est donc l'une des pièces de l'Accusation.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Dites-nous s'il est dans le classeur 1 ou 2.

 25   M. STRINGER : [interprétation] Il se trouve dans le classeur 1, Monsieur le

 26   Président.

 27   Q.  Monsieur Raguz, nous prenons connaissance de ce document, mais je

 28   tiens, avant de débuter, à vous rappeler une partie de votre déposition

Page 31415

  1   d'aujourd'hui lorsque vous parliez des statistiques et de la rédaction de

  2   rapports. Si ma mémoire est bonne, vous avez dit, dans votre déposition,

  3   Monsieur, qu'en fait les données statistiques obtenues par le bureau chargé

  4   des Réfugiés et des Personnes déplacées, quant au nombre et à la

  5   composition et aux autres éléments caractéristiques des populations de

  6   personnes réfugiées et déplacées provenaient des diverses municipalités qui

  7   abritaient ou hébergeaient ces réfugiés; c'est bien ça ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Merci. Serait-il permis de dire, Monsieur, étant donné les nombres que

 10   vous avez évoqués dans votre déposition et les difficultés de diverse

 11   nature auxquelles toutes ces personnes étaient confrontées ? Serait-il

 12   permis de dire qu'au sein de votre bureau, vous avez considéré comme très

 13   important de tenir des registres statistiques aussi précis que possible,

 14   étant donné, bien sûr, les circonstances de l'époque qui étaient

 15   particulièrement difficiles et qui rendaient particulièrement difficile

 16   l'obtention de chiffres très exacts ?

 17   R.  C'était en tout cas notre intention.

 18   Q.  Bien, penchons-nous sur le document que nous avons sous les yeux. Nous

 19   voyons, à la fin du document, que figure la date de son élaboration, 6

 20   janvier 1994, et cela semble être un rapport élaboré par le bureau chargé

 21   des Personnes déplacées et des Réfugiés, les deux auteurs en étant Mirko

 22   Alilovic et Ante Aleksic. Vous voyez tout cela dans le document ?

 23   R.  C'est la première fois que j'ai ce document sous les yeux, mais je le

 24   vois, oui.

 25   Q.  M. Alilovic et M. Aleksic travaillaient-ils à vos côtés au sein du

 26   bureau chargé des Personnes déplacées et Réfugiés en janvier 1994 ?

 27   R.  Ils travaillaient pour le centre d'aide sociale de Mostar. Par

 28   ailleurs, si je ne me trompe, M. Alilovic était déjà retraité à cette

Page 31416

  1   époque-là. Je le connaissais personnellement.

  2   Q.  Mais voyez-vous sa signature au bas du document dont nous sommes en

  3   train de parler ?

  4   R.  Je vois sa signature, oui.

  5   Q.  D'accord. Bien sûr, pour ma part, je travaille sur la base de la

  6   version anglaise de ce document. Mais en tout cas, dans la page qui vient

  7   après le plan de la ville de Mostar, il est indiqué que le rapport en

  8   question provient du bureau chargé des personnes déplacées et des réfugiés

  9   de Mostar. Est-ce que vous voyez cette mention ?

 10   R.  Je la vois, mais ce que je peux dire ici c'est que ce document n'est en

 11   aucun cas un document officiel. Il n'a jamais été considéré comme un

 12   document officiel du bureau et n'a donné lieu à aucune action de la part de

 13   qui que ce soit. Ça, je peux vous le garantir. Car dans le cas contraire,

 14   j'aurais connu la teneur de ce document. Il est possible que ce document ne

 15   soit qu'une façon pour M. Alilovic de consigner par écrit ses réflexions

 16   personnelles et ses opinions personnelles.

 17   Q.  Très bien. J'aimerais toutefois vous poser quelques questions au sujet

 18   de ce document, Monsieur, étant donné que -- en tout cas en apparence, les

 19   deux auteurs de ce texte semblent l'avoir écrit au nom du bureau chargé des

 20   Personnes déplacées et des Réfugiés. Conviendriez-vous avec moi, Monsieur,

 21   qu'étant donné le titre de ce rapport, ce dernier semble concerner

 22   exclusivement la municipalité de Mostar ?

 23   R.  Bien, voyez-vous, ce document ne comporte le texte d'aucun protocole,

 24   et donc en l'espèce ce n'était pas un document du bureau chargé des

 25   Personnes déplacées et des Réfugiés que je dirigeais. C'est la première

 26   fois que je vois ce document, et vraiment c'est tout ce que je peux dire

 27   ici à son sujet. Il me faudrait davantage de temps pour le lire en détail

 28   et l'analyser, mais du point de vue du bureau, c'est un document qui manque

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  1   totalement de pertinence car ce n'est pas un document adopté par le bureau

  2   -- entériné par le bureau.

  3   Vous voyez vous-même, c'est un document assez volumineux et c'est presque

  4   un livre, qui est fourni d'opinions personnelles. Vous vous rappellerez les

  5   autres documents du bureau que vous avez eus sous les yeux, et cela ne

  6   correspond pas du tout à notre manière de travailler.

  7   Q.  D'accord. Dans ces conditions, je vais vous poser quelques questions au

  8   sujet de l'opinion de ces deux hommes qui figurent dans ce document. Je ne

  9   vous interrogerai pas au sujet des statistiques ou des chiffres que l'on

 10   trouve dans les tableaux, en tout cas pas dans les tableaux 3, 4 et 5. Je

 11   commencerais par la question suivante, puisque vous connaissiez ces

 12   messieurs, M. Alilovic et M. Aleksic. Veuillez me dire, encore une fois,

 13   quels étaient leurs postes, leurs fonctions, si vous vous en souvenez ?

 14   Quel était leur travail par rapport aux réfugiés ?

 15   R.  J'ai dit que c'étaient des hommes qui avaient plus de 70 ans et qui,

 16   très concrètement, en tout cas s'agissant de M. Alilovic, parce que j'ai

 17   dit que je me rappelle très bien cet homme, et bien, M. Alilovic avait plus

 18   de 70 ans. Je crois que, par le passé, il avait travaillé dans le cadre du

 19   centre d'Aide social de Mostar. Ce genre de centre s'occupait de

 20   communications, de distribution, et de tenue d'un certain nombre de

 21   rapports. Mais je dis en toute responsabilité qu'il n'a pas joué le moindre

 22   rôle dans le travail de notre bureau et qu'il n'avait aucun poste de

 23   responsabilité au sein de ce bureau chargé des Personnes déplacées et des

 24   Réfugiés.

 25   Q.  Et qu'en est-il de M. Aleksic ? Pouvez-vous nous dire qui était M.

 26   Aleksic et quel était son poste ?

 27   R.  En fait, je pensais à M. Aleksic, tout à l'heure.

 28   Q.  [aucune interprétation]

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  1   R.  Toutes mes excuses.

  2   Q.  Dans ce cas, je vous demande ce qui en était de

  3   M. Alilovic ?

  4   R.  Je crois que sa situation était identique. Je crois que tous les deux

  5   avaient un rapport avec ce centre dont j'ai parlé.

  6   Q.  Vous parlez d'un centre d'aide social de Mostar. Ce centre était-il une

  7   instance autonome qui s'occupait, elle aussi, des problèmes de réfugiés et

  8   de personnes déplacées ?

  9   R.  Les centres de Travail social étaient des instances municipales qui

 10   s'occupaient des personnes expulsées et déplacées, au moment où cette

 11   question était une question d'actualité, mais par ailleurs, c'était des

 12   institutions qui s'occupaient des problèmes sociaux, et qui existaient dans

 13   les municipalités déjà avant la guerre et qui ont continué à exister

 14   pendant la guerre. C'était des institutions classiques.

 15   Q.  Donc en dehors du bureau chargé des personnes déplacées et des réfugiés

 16   dans lequel vous travailliez, il existait d'autres instances, d'autres

 17   organismes dans les municipalités, par exemple, qui s'occupaient également

 18   des problèmes liés aux personnes déplacées et aux réfugiés, n'est-ce pas ?

 19   C'est bien cela ?

 20   R.  Dans ma déposition j'ai déjà dit que les centres municipaux de travail

 21   social ainsi que les centres de la Croix-Rouge au niveau municipal

 22   s'occupaient de ces questions également.

 23   Q.  Très bien. Des organismes municipaux de cette nature, avaient-ils pour

 24   habitude de coordonner leur travail ou de communiquer avec votre bureau

 25   dans le cadre des activités menées à bien pour prendre en charge et assurer

 26   le logement des réfugiés et des personnes déplacées ?

 27   R.  Oui. Comme je l'ai déjà dit, il existait une coordination de ce genre.

 28   Q.  Quoi qu'il en soit, il existait donc d'autres organismes où

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  1   travaillaient d'autres personnes qui partageaient éventuellement ou ne

  2   partageaient pas peut-être vos positions ou, en tout cas, la ligne

  3   politique officielle de votre bureau eu égard aux Réfugiés et aux Personnes

  4   déplacées, n'est-ce pas ?

  5   R.  Je ne peux pas dire que ce que vous venez d'affirmer est exact car, eu

  6   égard aux questions qui étaient au cœur du travail de notre bureau, les

  7   positions, les points de vue concernant la coordination du travail

  8   nécessaire pour s'occuper des réfugiés et des personnes déplacées, ainsi

  9   que la coordination nécessaire, ces points de vue étaient très clairs. Donc

 10   tout se faisait en accord et conformément à la ligne politique du bureau.

 11   Q.  D'accord. Je vais vous poser d'autres questions au sujet de la

 12   politique de votre bureau demain. Dans les quelques minutes qui nous

 13   restent ce soir, j'aimerais aborder un autre point, vous ne semblez pas

 14   manifester une grande volonté d'associer votre position avec le contenu du

 15   document que nous avons sous les yeux en ce moment, mais je crois vous

 16   avoir entendu dire, un peu plus tôt aujourd'hui, quelque chose qui était

 17   pertinent par rapport à ce rapport.

 18   R.  Absolument pas.

 19   Q.  D'accord. Puisque ce rapport concerne les secteurs sous le contrôle du

 20   HVO, vous avez dit lorsque vous commentiez il y a quelque temps les

 21   rapports qui vous étaient soumis et vous l'avez fait à huis clos partiel,

 22   et vous avez dit que les statistiques [imperceptible] sur toute la

 23   population jusqu'au 9 mai 1993. Et qu'ensuite, si je vous ai bien compris,

 24   donc à partir du 9 mai 1993, les registres tenus pour présenter des

 25   statistiques relatifs aux réfugiés et aux personnes disparues n'ont plus

 26   été tenus conjointement. Je suppose que cela signifie que du point de vue

 27   des Croates de Bosnie, ces Croates de Bosnie tenaient leur propre registres

 28   et statistiques, alors que les Musulmans de Bosnie tenaient les leurs

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  1   séparément, et donc il n'y avait plus regroupement de l'ensemble des

  2   statistiques concernant ces deux groupes, n'est-ce pas ?

  3   R.  Pour l'essentiel, cela a été le cas, mais nous avons également pu nous

  4   convaincre que nous obtenions des chiffres différents au sujet des réfugiés

  5   de Mostar Est. Notre travail, en tout cas, se distinguait de celui d'une

  6   organisation comme le HCR, par exemple.

  7   Q.  Je suppose que ma question portait sur un aspect un peu différent. Dans

  8   toutes ces statistiques et tous ces nombres dont a bénéficié votre bureau

  9   s'agissant de déterminer le nombre de réfugiés et de personnes déplacées

 10   ainsi que dans tous ces nombres que l'on trouve dans les documents élaborés

 11   par votre bureau et dont vous avez déjà parlé aujourd'hui, notamment ces

 12   rapports dont vous avez parlé on ne trouve aucun chiffre relatif au nombre

 13   de personnes déplacées et de réfugiés présents sur le territoire tenu par

 14   l'AbiH, et par exemple, présents sur le territoire de Mostar Est, n'est-ce

 15   pas ?

 16   R.  Je vous ai dit quelle était la période concernée par ces rapports,

 17   selon le HCR également, ces rapports concernent la période qui s'étend

 18   jusqu'au début de la guerre à Mostar, mais il y a également des données

 19   analytiques dont nous avons déjà parlé qui évoque la situation à Madame

 20   est, et on trouve donc ces éléments chiffrés dans les statistiques fournies

 21   par le bureau.

 22   Q.  Ma question était simple et celle que je vais maintenant vous poser

 23   sera la dernière de l'audience d'aujourd'hui. À partir du 9 mai, est-il

 24   vrai, Monsieur, qu'aucune des données chiffrées présentées par le bureau

 25   chargé des Personnes déplacées et des Réfugiés, et concernant les réfugiés

 26   et les personnes déplacées, ne tenaient compte de la population de Mostar

 27   Est ? Cette population de Mostar Est était exclue des chiffres présentés

 28   par votre bureau à partir du 9 mai, n'est-ce pas ?

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  1   R.  J'ai déjà dit que dans certains rapports cela était le cas mais que

  2   dans d'autres rapports ultérieurs au 9 mai on trouve tout de même des

  3   éléments chiffrés relatifs au nombre de réfugiés dans la partie est de

  4   Mostar.

  5   Q.  Je vous remercie.

  6   M. STRINGER : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons dépassé 19 heures. Comme vous le savez,

  8   nous nous retrouverons demain à 14 heures 15. Je vous souhaite une bonne

  9   soirée.

 10   --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le mercredi 27 août

 11   2008, à 14 heures 15.

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