Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 3 septembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   [L'accusé Coric n'est pas présent dans le prétoire]

  6   --- L'audience est ouverte à 8 heures 59.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 10   les Juges. Bonjour à toutes et à tous. Affaire IT-04-74-T, le Procureur

 11   contre Prlic et consorts. Merci.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce mercredi, je salue M. le Témoin, je salue tous les accusés présents,

 14   Mmes et MM. les avocats. Je salue également les représentants du bureau du

 15   Procureur, et toutes les personnes qui nous assistent, et notamment la

 16   sténotypiste qui hier a fait des exploits car, étant seule, elle a tenu

 17   l'audience du matin et de l'après-midi. Je l'en remercie.

 18   Nous allons donc entamer maintenant le contre-interrogatoire qui va être

 19   mené par M. Bos, que je salue à nouveau.

 20   Je lui donne bien volontiers la parole.

 21   M. BOS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 22   Juges. Bonjour à toutes et à tous.

 23   LE TÉMOIN : ZORAN PERKOVIC [Reprise]

 24   [Le témoin répond par l'interprète]

 25   Contre-interrogatoire par M. Bos :

 26   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 27   R.  Bonjour.

 28   Q.  Monsieur Perkovic, j'ai un certain nombre de questions à vous poser, et

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  1   nous allons procéder par ordre chronologique dans l'examen des éléments de

  2   preuve. Je vais commencer par votre parcours personnel.

  3   Vous avez déclaré qu'en 1988 et 1989, vous étiez président de

  4   l'organisation de la jeunesse de la République fédérale socialiste de

  5   Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, en 1998.

  7   Q.  Qui était votre prédécesseur à ce poste ?

  8   R.  C'est Milos Jelic qui m'a précédé à ce poste. Il a été président avant

  9   moi de cette organisation de la jeunesse en Bosnie-Herzégovine.

 10   Q.  Savez-vous si M. Jadranko Prlic n'a jamais présidé cette organisation ?

 11   R.  Au niveau de la République de Bosnie-Herzégovine, je sais qu'il n'a

 12   jamais été président de l'organisation de la jeunesse à ce niveau, au

 13   niveau de la République de Bosnie-Herzégovine.

 14   Q.  Quand avez-vous rencontré pour la première fois M. Jadranko Prlic ?

 15   R.  On s'est rencontré en 1988, donc la première fois qu'on s'est

 16   rencontré, c'était quand j'étais président de cette organisation en Bosnie-

 17   Herzégovine.

 18   Q.  Quelles étaient les fonctions à l'époque de M. Prlilc ?

 19   R.  Il était président du comité exécutif de l'Assemblée de la municipalité

 20   de Mostar.

 21   Q.  A ce moment-là, vous l'avez rencontré une fois, ou est-ce que, pendant

 22   cette période, vous l'avez rencontré à plusieurs reprises ?

 23   R.  En tant que président, lui et moi, on devait traiter de la question de

 24   l'emploi de deux de nos collègues dont le mandat avait expiré, ils étaient

 25   de Mostar, et c'était la raison pour laquelle M. Prlic, qui à l'époque

 26   était président du comité exécutif de l'Assemblée municipale, il m'a

 27   demandé mon aide; mais je crois qu'on s'est rencontré que quelquefois

 28   pendant cette période précédant la guerre.

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  1   Q.  Donc, ensuite, il a fallu entendre -- pour que vous ayez de nouveau une

  2   relation de travail étroite avec M. Prlic, il a fallu attendre la guerre le

  3   moment où vous étiez membre de la présidence de la Commission chargée de la

  4   Réglementation, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui. C'est à ce moment-là effectivement que je l'ai rencontré lorsque

  6   je suis arrivé en Herzégovine en août 1992.

  7   Q.  Au cours de cette période, est-ce que vous le connaissiez bien M. Prlic

  8   ?

  9   R.  Non, non, je le connaissais simplement comme ça de manière assez

 10   superficielle.

 11   Q.  Après les accords de Dayton, est-ce que vous avez travaillé avec M.

 12   Prlic à quelque titre que ce soit ?

 13   R.  Après les accords de Dayton, et jusqu'à ce que je commence à travailler

 14   au ministère des Affaires étrangères. J'avais deux fonctions. J'étais

 15   adjoint du ministre chargé de la justice et de l'administration dans le

 16   dernier cabinet de la République de Bosnie-Herzégovine; et puis

 17   parallèlement à cela, M. Prlic en était membre. Il était membre de ce

 18   cabinet, de ce gouvernement, si bien que pendant un certain temps, pendant

 19   une période d'environ un an et demi, nous avons siégé au sein du même

 20   gouvernement. Il était ministre et moi j'étais l'adjoint du ministre.

 21   Q.  Reportons-nous à l'année 1990 une fois encore, à ce moment-là où vous

 22   vous êtes présenté en tant que membre du SDP à la présidence de la Bosnie-

 23   Herzégovine; est-ce bien exact ?

 24   R.  Oui. La présidence du SDP m'a désigné pour être candidat, en tant que

 25   membre de la présidence.

 26   Q.  C'est bien M. Ivo Komsic qui à l'époque était à la tête du SDP, n'est-

 27   ce pas ?

 28   R.  C'est Nijaz Durakovic qui était président du SDP en Bosnie-Herzégovine;

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  1   Ivo Komsic était membre de la présidence du SDP, et avec moi, il a été

  2   également candidat au poste de représentant des Croates au sein de la

  3   présidence de Bosnie-Herzégovine.

  4   Q.  Lundi vous nous avez expliqué qu'en 1992, vous avez cessé d'être membre

  5   du SDP, vous vous êtes éloigné de ce parti. Pour quelle raison ? Pouvez-

  6   vous nous l'expliquer ?

  7   R.  Après avoir quitté Sarajevo, je suis allé à Livno où tout s'est arrêté,

  8   et la branche du SDP qui se trouvait sur place a pratiquement cessé

  9   d'exister. Pendant toute cette période de 1992 à 1995, on peut dire

 10   vraiment que dans la zone où je me trouvais et qui est la zone de la

 11   Communauté croate d'Herceg-Bosna, il n'y avait pratiquement plus

 12   d'activités de partis politiques. C'est une des raisons qui explique la

 13   chose. Lorsque je suis rentré à Sarajevo, la situation avait changé, les

 14   gens avaient changé et je ne me considérais plus comme membre de ce parti

 15   politique.

 16   Q.  De 1990 jusqu'à avril 1992, vous avez été assistant du ministre chargé

 17   de l'administration au sein du gouvernement de Bosnie-Herzégovine à

 18   Sarajevo; est-ce bien exact ?

 19   R.  C'est exact.

 20   Q.  Ensuite, en avril 1992, vous avez quitté Sarajevo, et là, je me pose

 21   une question : quand vous êtes parti en avril, est-ce que vous avez

 22   démissionné de votre poste de ministre assistant ? Est-ce que vous avez été

 23   licencié ? Que s'est-il passé ?

 24   R.  J'ai demandé à mon ministre d'approuver mon départ de Sarajevo parce

 25   que ma famille, ma femme et mon fils qui, à l'époque, avait un an, ils se

 26   trouvaient à Livno. J'ai demandé à pouvoir bénéficier d'un congé bref pour

 27   pouvoir m'occuper de ma famille, pour leur trouver un logement pour faire

 28   en sorte qu'ils aient le minimum. Donc quand je suis parti de Sarajevo, je

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  1   n'avais pas l'intention de quitter cette ville pour de bon à cette époque,

  2   en avril, quand j'ai décidé de quitter Sarajevo pour quelques jours, au

  3   maximum 15 jours.

  4   Au moment où je suis parti, Sarajevo n'était pas encore assiégée, si bien

  5   que j'ai pu quitter Sarajevo en train. Je suis allé en train à Visoko. La

  6   ville ne faisait pas l'objet d'un blocus à l'époque. Mais quelques jours

  7   après mon départ, Sarajevo a été complètement bouclée et il est devenu

  8   impossible, à ce moment-là, de retourner à Sarajevo. Enfin, de manière

  9   régulière, on pouvait retourner sauf en s'organisant d'une manière bien

 10   particulière, en passant par l'intermédiaire de la FORPRONU, et cetera.

 11   Je savais que, comme j'étais Croate, je n'avais aucune chance. Je

 12   n'avais aucune chance de pouvoir passer les barrages sans me faire arrêter

 13   par les forces serbes, les forces qui assiégeaient la ville, et puis au

 14   mois d'août 1992, pour des raisons que j'ai déjà données, je suis retourné

 15   à Sarajevo --

 16   Q.  Je vais vous interrompre --

 17   R.  -- bien, vous savez ensuite ce qui s'est passé.

 18   Q.  Pendant cette période-là, avant votre retour à Sarajevo en août 1992,

 19   vous avez travaillé pour la municipalité de Livno et, ultérieurement, vous

 20   avez participé à la rédaction de textes législatifs pour la Communauté

 21   croate d'Herceg-Bosna.

 22   Je me pose une question : est-ce que ça ne constituait pas un problème le

 23   fait qu'à l'époque, vous étiez toujours -- enfin, vous aviez toujours ce

 24   poste à Sarajevo alors que vous vous livriez à toutes ces activités ? Est-

 25   ce que, pour vous, ce n'était pas un problème ? Je voudrais savoir, par

 26   exemple, si vous avez informé Sarajevo de ce qu'il en était. Je ne sais pas

 27   si c'était possible, mais est-ce que vous pourriez expliciter un peu la

 28   chose ?

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  1   R.  Pendant toute cette période et jusqu'à mon retour à Sarajevo en août,

  2   tout ce que je devais faire, dans le cadre de mes activités

  3   professionnelles, je l'ai fait dans le cadre de mon affectation en temps de

  4   guerre. Je n'étais pas payé pour ce travail et, comme toute autre personne

  5   s'acquittant de son obligation, je me contentais de faire le travail qui

  6   m'était confié dans le cadre de mon affectation en temps de guerre.

  7   Pendant toute cette période, j'étais employé par le ministre de ministère

  8   de la Justice et de l'Administration à Sarajevo. Je crois qu'il en est allé

  9   ainsi jusqu'en octobre 1992. A ce moment-là, on a mis un terme à mon

 10   contrat au sein du ministère de la Justice et de l'Administration. En fait,

 11   c'est ce que je puis déduire de mon dossier, mon dossier où sont

 12   répertoriés tous mes états de service.

 13   Q.  En août 1992, quand vous êtes retourné à Sarajevo, vous étiez toujours

 14   assistant du ministre et ce n'est qu'en octobre, quelqu'un -- que quelqu'un

 15   d'autre a pris le relais; est-ce que j'ai bien compris ?

 16   R.  Non. Quand je suis retourné à Sarajevo en août, mon poste, celui de

 17   ministre assistant, il était occupé par quelqu'un d'autre; il y a quelqu'un

 18   d'autre qui avait été nommé à ce poste et, moi, on m'a proposé de continuer

 19   à travailler là mais à un échelon inférieur. J'ai décliné cette offre et,

 20   au bout du compte, au début octobre, je crois, on a mis un terme à mon

 21   contrat de travail.

 22   Q.  Une question seulement au sujet des fonctions qui ont été les vôtres

 23   après la guerre. Vous avez dit que, de 1995 à 1999, vous étiez chez de

 24   cabinet du président de la Fédération de Bosnie-Herzégovine; est-ce bien

 25   exact ?

 26   R.  Oui, mais permettez-moi d'ajouter une précision à ce sujet. Pendant

 27   toute cette période, le président et le vice-président de la Fédération se

 28   relayaient régulièrement; il y avait un roulement chaque année. Donc

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  1   pendant un an, j'étais chef de cabinet du président de la Fédération et

  2   puis, l'année suivant, j'étais chef de cabinet de la même personne, mais, à

  3   ce moment-là, il était vice-président de la Fédération.

  4   Q.  Pendant cette période, est-ce que vous avez jamais été membre de la

  5   Commission fédérale chargée des Personnes disparues du côté des Croates de

  6   Bosnie ?

  7   R.  La Commission chargée des Personnes disparues, à l'époque, elle faisait

  8   appel donc à des professionnels. Elle avait des professionnels dans ses

  9   rangs ainsi que des représentants d'autres institutions. Or, moi je n'ai

 10   jamais été un membre professionnel de cette commission mais, pendant un

 11   certain temps, j'y ai représenté les institutions de l'Etat qui m'y avaient

 12   nommé, donc c'est à ce titre-là que j'étais membre de la commission.

 13   Q.  Est-ce que vous avez travaillé avec Berislav Pusic à ce titre ?

 14   R.  Oui.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

 16   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Objection. Ici, on sort du cadre de

 17   l'interrogatoire principal. Pendant l'interrogatoire principal, il n'a

 18   jamais été conscient de Berislav Pusic, enfin, de ses activités au cours de

 19   l'interrogatoire principal. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas posé

 20   de questions à ce sujet pendant mon contre-interrogatoire.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Bos, pendant l'interrogatoire

 22   principal, jamais la situation de M. Pusic a été évoquée.

 23   M. BOS : [interprétation] Je n'ai pas l'intention d'aller plus loin, mais

 24   je pensais, cependant, qu'il était important que la Chambre sache que ce

 25   témoin avait travaillé avec Borislav Pusic. C'est la seule information que

 26   je voulais communiquer à la Chambre à ce sujet. Je n'ai pas l'intention

 27   d'aller plus loin.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Passez à autre chose.

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  1   M. BOS : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Perkovic, vous avez déclaré qu'en avril 92, vous avez quitté

  3   Sarajevo en train, parce que le siège n'avait pas encore commencé. En août

  4   1992, quand vous êtes retourné à Sarajevo, il est exact, n'est-ce pas, que

  5   vous y êtes retourné à bord d'un avion de la FORPRONU ? Est-ce que c'est

  6   bien exact ?

  7   R.  Oui, c'est exact.

  8   Q.  A ce moment-là, vous étiez en compagnie du président Pelivan qui se

  9   trouvait également à bord de cet appareil; est-ce que M. Pelivan à l'époque

 10   se trouvait en Herzégovine, tout comme vous ? Est-ce qu'il retournait à

 11   Sarajevo en avion ?

 12   R.  Autant que je m'en souvienne, il était aussi lui en Herzégovine.

 13   Q.  Est-il exact que, pendant cette période et pendant toute la guerre, les

 14   avions de la FORPRONU pouvaient aller à Sarajevo et en repartir ?

 15   R.  Pendant la période pendant laquelle je me trouvais à Sarajevo, c'est-à-

 16   dire d'août à la fin novembre, les appareils de la FORPRONU n'ont pas pu

 17   prendre les airs pendant un mois et demi parce qu'il y a un des avions qui

 18   avait été abattu. Après cet incident tous les vols ont été annulés. Alors

 19   il est possible enfin qu'il y ait eu des périodes de suspension plus ou

 20   moins longues mais en tout cas cette période-là de suspension des vols, je

 21   m'en souviens très bien.

 22   Q.  Oui, donc il est possible qu'effectivement, il y a eu des périodes

 23   pendant lesquelles les vols étaient suspendus. Mais on peut dire que

 24   globalement il y avait des avions de la FORPRONU qui arrivaient à Sarajevo

 25   et d'autres qui en repartaient, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, c'est exact.

 27   Q.  Est-il exact que assez souvent les fonctionnaires du gouvernement de

 28   Bosnie-Herzégovine empruntent ces avions pour se déplacer en Bosnie-

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  1   Herzégovine, pour même en partir ?

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Qu'est-ce qu'on entend exactement par

  3   représentants du gouvernement, fonctionnaires du gouvernement ? M.

  4   Izetbegovic, c'est une chose, mais c'est un petit peu différent s'il s'agit

  5   de tous les autres fonctionnaires, de tous les autres membres du

  6   gouvernement.

  7   M. BOS : [interprétation]

  8   Q.  Bien. Je vais être plus précis ou je vais présenter les choses de la

  9   manière suivante. Vous avez emprunté cet avion, Monsieur Perkovic, en août

 10   1992; est-ce que c'était quelque chose d'exceptionnel que vous ayez la

 11   possibilité de monter à bord de cet avion pour vous rendre à Sarajevo --

 12   cet avion de la FORPRONU ? Ou est-ce qu'il arrivait assez souvent que des

 13   fonctionnaires de votre niveau se déplacent dans les avions de la FORPRONU

 14   ?

 15   R.  En ce qui me concerne personnellement, c'est le premier ministre qui

 16   m'a fait monter à bord de cet appareil parce que, sur la liste des

 17   collaborateurs de M. Pelivan, il y avait mon nom -- on a mis mon nom. Je

 18   crois que pour ce qui est des fonctionnaires de niveau inférieur, ils ne

 19   pouvaient pas voler avec les avions de la FORPRONU sans l'accord, le

 20   soutien des institutions suprêmes de Bosnie-Herzégovine, de l'Etat. Il y

 21   avait une procédure en place qui était tout à fait claire qui déterminait

 22   qui pouvait demander à emprunter ces appareils pour aller à Sarajevo et en

 23   Bosnie-Herzégovine et en sortir. 

 24   Pour répondre à votre question, il était impossible d'utiliser ces avions

 25   pour aller d'un endroit à l'autre en Bosnie-Herzégovine, comme cela. Ces

 26   avions n'avaient pas cet objectif-là.

 27   Q.  A votre retour à Sarajevo en août 1992, il semble que vous nous avez

 28   dit que vous y êtes resté jusqu'en décembre 1992; ensuite vous êtes

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  1   retourné en Herzégovine, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui. J'y suis resté jusqu'à la fin novembre 1992.

  3   Q.  Comment êtes-vous sorti de Sarajevo à ce moment-là ?

  4   R.  Un officier de liaison, Vladimir Pogarcic, était chargé de contact avec

  5   la FORPRONU. Il m'a inscrit sur la liste des membres de la délégation

  6   quittant Sarajevo pour aller participer à une réunion, une conférence

  7   quelconque. C'est de cette manière que j'ai pu sortir de Sarajevo en tant

  8   que membre de cette délégation même si, en réalité, je n'en étais pas

  9   vraiment membre.

 10   Q.  Où est allé cet appareil, quelle était sa destination ?

 11   R.  C'était un avion qui allait de Sarajevo à Split. J'ai donc débarqué à

 12   Split en République de Croatie.

 13   Q.  Lundi, vous nous avez expliqué que, tout au long de la guerre, il y a

 14   eu des contacts entre les institutions républicaines de Sarajevo et celles

 15   de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, puis plus tard de la République

 16   d'Herceg-Bosna. Vous souvenez-vous avoir tenu ces propos ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Vous avez déclaré notamment et je donne lecture du compte rendu, 1er

 19   septembre, page 89, je cite : "A l'époque, je travaillais pour la

 20   Commission chargée des Réglementations et du fait de ce travail, je suis

 21   sans doute parmi ceux qui ont eu le moindre contact de cette nature. Les

 22   gens, qui travaillaient dans d'autres services, avaient sans doute plus

 23   souvent l'occasion de rencontrer ceux qui travaillaient au sein de

 24   l'administration de Bosnie-Herzégovine. Mais sur la base de mon expérience

 25   et de ces contacts, je peux dire qu'ils ont été très satisfaisants, très

 26   positifs à tout égard."

 27   Est-ce que vous vous souvenez avoir déclaré cela ?

 28   R.  Oui, je m'en souviens.

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  1   Q.  Ces fonctionnaires de l'administration de Bosnie-Herzégovine, de

  2   Sarajevo, est-ce qu'ils venaient en Herceg-Bosna, ou est-ce que les

  3   fonctionnaires de Herceg-Bosna allaient à Sarajevo lorsque ces réunions

  4   avaient lieu ? Où ces gens-là se rencontraient-ils ?

  5   R.  Pour l'essentiel, ces réunions avaient lieu en dehors de la Bosnie-

  6   Herzégovine, par exemple, à Zagreb, où le gouvernement de la République de

  7   Bosnie-Herzégovine s'était installé, dans les premiers mois de la guerre,

  8   dans l'hôtel Palace à Zagreb. Puis d'autre part, la plupart des réunions

  9   avaient lieu en Communauté croate d'Herceg-Bosna. Au cours des premiers

 10   mois de la guerre, je ne pense pas qu'aucun des représentants de la

 11   Communauté croate d'Herceg-Bosna ait pu aller à Sarajevo, sauf en utilisant

 12   les filières que j'ai évoquées tout à l'heure, en passant par la FORPRONU.

 13   A ma connaissance ça ne s'est pas produit d'ailleurs.

 14   Q.  Donc là, vous êtes en train de parler des premiers mois de la guerre,

 15   ça veut dire que ça a changé ultérieurement. Il est arrivé un moment où il

 16   était possible d'aller à Sarajevo, et si c'est le cas, pouvez-vous nous

 17   dire de quelle période il s'agissait ?

 18   R.  Plus tard, la procédure permettant d'aller à Sarajevo en empruntant les

 19   appareils de la FORPRONU, c'est un peu assoupli. Il était également

 20   possible de rejoindre Sarajevo par voie terrestre parce que je me souviens

 21   qu'à un moment donné - mais je ne me souviens pas exactement quand - je me

 22   souviens qu'à un moment donné, les convois ont commencé à entrer à Sarajevo

 23   et à en sortir -- des convois qui passaient par la route et qui

 24   ravitaillaient Sarajevo notamment.

 25   Q.  Je veux un petit peu insister sur cette question. Vous dites : "Un peu

 26   plus tard;" est-ce que vous pourriez nous donner une idée approximative de

 27   la période dont vous parlez : le mois, par exemple ?

 28   R.  Je vous ai dit que j'avais quitté Sarajevo en août, et je sais que

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  1   jusqu'à ce moment-là, il était uniquement possible d'entrer à Sarajevo et

  2   d'en sortir par la voie des airs. Je me souviens qu'ultérieurement, il y a

  3   eu des convois qui ont été organisés par la route. Je crois que ça a

  4   commencé en 1993 à un moment donné, mais moi, ça ne concernait pas tout

  5   cela, si bien que je suis simplement en train de vous donner cette

  6   information à partir de ce dont je me souviens.

  7   Q.  En plus, des rencontres entre l'administration de la Bosnie-Herzégovine

  8   et l'administration de l'Herzégovine, je voudrais savoir s'il était

  9   possible d'avoir des contacts d'une autre manière; est-ce qu'il était

 10   possible d'avoir des contacts par téléphone, par téléphone satellitaire,

 11   par fax ? Est-ce qu'il était possible de communiquer ?

 12   R.  À ma connaissance, en septembre 1992, il y avait trois téléphones

 13   satellitaires à Sarajevo. Il y en avait un qui se trouvait dans le bureau

 14   du premier ministre de la république, vous en aviez un autre dans le bureau

 15   du président de la présidence de Bosnie-Herzégovine, et puis le troisième

 16   il se trouvait dans le bureau d'un homme d'affaires qui auparavant avait

 17   été ministre de l'intérieur de Bosnie-Herzégovine. A ma connaissance,

 18   c'était les seuls téléphones de ce type qui existaient à Sarajevo à

 19   l'époque. Il y avait également des radios amateur, et j'ai essayé moi-même

 20   d'établir des contacts grâce aux radios amateur pour essayer de faire

 21   savoir à ma famille que j'étais toujours vivant parce que ça faisait trois

 22   mois que ma famille n'avait plus de nouvelle de moi.

 23   Q.  [aucune interprétation]

 24   [Langues serbe et anglais]

 25   R.  Non, malheureusement, aucun des messages que j'ai essayé d'envoyer à en

 26   faisant la demande à des radios amateur n'ait parvenu à Livno.

 27   M. BOS : [interprétation] Apparemment j'entends l'interprétation française.

 28   L'INTERPRÈTE : Il s'agit d'un problème technique. Toutes les excuses de la

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  1   cabine.

  2   M. BOS : [interprétation]

  3   Q.  Alors vous avez dit, dans votre déposition lundi, que vous avez

  4   également participé à plusieurs réunions avec des représentants

  5   gouvernementaux de Bosnie-Herzégovine en 1993. Vous avez parlé de l'adjoint

  6   du ministre de la justice et de l'adjoint du ministre de l'intérieur, et

  7   vous avez également évoqué une réunion entre vous et M. Ivo Komsic à

  8   Medjugorje, n'est-ce pas

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Pouvez-vous nous dire, une nouvelle fois, à quel moment à peu près

 11   cette réunion a eu lieu et quel a été l'objet de la discussion ?

 12   R.  Est-ce que vous m'interrogez au sujet de ma rencontre avec M. Komsic ?

 13   Q.  Oui, en effet.

 14   R.  Je n'ai eu qu'une rencontre avec M. Komsic dans les locaux de l'hôtel

 15   Annamaria de Medjugorje. J'avais été convoqué à cette réunion car un jour

 16   où je rentrais à mon bureau j'ai trouvé un message me disant que certaines

 17   personnes cherchaient à me rencontrer. Quand je suis arrivé à Medjugorje,

 18   j'ai rencontré le père Petar Andjelovic et un membre de la présidence, M.

 19   Komsic, tout cela dans l'hôtel Annamaria de Medjugorje, Annamaria étant le

 20   nom de l'hôtel.

 21   Ils m'ont dit qu'ils avaient souhaité me rencontrer parce qu'à Sarajevo, il

 22   y avait un poste vacant pour un membre de la présidence de Bosnie-

 23   Herzégovine, à savoir le poste normalement réservé à un représentant

 24   croate. Ils m'ont dit qu'étant donné le nombre de voix dont j'avais

 25   bénéficiées, j'étais celui à qui revenait normalement ce poste. Ils m'ont

 26   dit aussi qu'ils venaient de rentrer de Zagreb où ils avaient informé le

 27   président Tudjman de leur intention de s'adresser à moi. Le président ne me

 28   connaissait pas et n'a fait aucune objection à cette proposition. Ils m'ont

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  1   dit, par ailleurs, qu'ils s'étaient entendus sur ce point avec le président

  2   Izetbegovic et qu'ils n'attendaient que mon accord.

  3   J'ai répondu que tout cela était assez surprenant pour moi car, en raison

  4   des routes coupées et des difficultés de communication et de déplacement,

  5   je n'avais pas appris que M. Kljuic avait démissionné de son poste de

  6   membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Je leur ai demandé de

  7   m'accorder un temps de réflexion. Après quelque temps, après avoir réfléchi

  8   à la question, j'ai ajouté que je me sentais un courage suffisant pour

  9   accepter le poste, à condition que la question soit discutée avec les plus

 10   hauts responsables de l'Herceg-Bosna, et avant tout avec M. Boban. Mon avis

 11   était qu'il était absolument nécessaire que cette offre et l'acceptation de

 12   cette offre par moi fassent l'objet d'un accord et que des garanties soient

 13   données à ma famille qui se trouvait en Herceg-Bosna.

 14   A ma connaissance, l'accord en question n'a pas eu lieu, ou pour le moins,

 15   il n'a pas été appliqué. Je ne nourris guère de regret parce que la

 16   situation à l'époque était très difficile en raison de la guerre. Je pense

 17   que la chose ne s'est pas faite pour la raison suivante : quand les Croates

 18   d'Herceg-Bosna ont donné leur accord pour que j'accepte ce poste, M. Kljuic

 19   a changé d'avis, et a repris son poste au sein de la présidence de Bosnie-

 20   Herzégovine, en effet, il est rentré à Sarajevo, et du jour au lendemain il

 21   a été nommé à nouveau à son ancien poste. Avec le recul, je pense que

 22   l'offre qui m'a été faite n'était que du bluff qui reposait sur l'idée que

 23   j'allais rejeter cette proposition.

 24   Q.  Savez-vous pourquoi M. Kljuic a changé d'avis ? Est-ce que vous l'avez

 25   découvert ? Est-ce que ceci avait quoi que ce soit avoir avec la

 26   possibilité pour vous de lui succéder à son poste ?

 27   R.  J'ai entendu un certain nombre de récits de deuxième main. Autrement

 28   dit, je n'ai jamais posé la question directement à M. Kljuic. Ce que

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  1   certains m'ont dit c'est qu'un nouvel accord avait été conclu avec M.

  2   Izetbegovic, sans doute en raison du fait qu'on avait estimé que M. Kljuic

  3   était peut-être plus susceptible de coopérer que je ne l'étais moi-même.

  4   Q.  Une dernière question encore : quand avez-vous rencontré M. Komsic à

  5   Medjugorje, pourriez-vous nous dire à peu près durant quel mois de l'année

  6   1993 cette rencontre a eu lieu ?

  7   R.  Je ne me souviens pas exactement. Je crois que cela s'est passé au mois

  8   d'octobre -- enfin, je pense qu'il est possible que cette réunion ait eu

  9   lieu au mois d'octobre quand ces discussions, qui ont eu lieu avec moi au

 10   sujet de ce poste au sein de la présidence de Bosnie-Herzégovine. M. Ljubo

 11   Lucic a écrit un livre dans lequel on trouve de nombreux détails au sujet

 12   des réunions et des discussions qui avaient lieu à Sarajevo à ce sujet --

 13   qui ont eu lieu à Sarajevo à ce sujet et dont, bien sûr, je n'ai pas été

 14   informé à l'époque.

 15   Q.  Très bien, d'accord. Nous allons changer de sujet.

 16   Je vais maintenant vous interroger au sujet de l'année 1991, c'est-à-dire

 17   plus précisément de la période antérieure au référendum de février 1992,

 18   c'est-à-dire de la période durant laquelle vous étiez numéro 2 du ministère

 19   de l'Administration de Bosnie-Herzégovine.

 20   M. BOS : [interprétation] Je vais prier M. l'Huissier de vous remettre un

 21   document où vous trouverez une partie de votre déposition dans l'affaire

 22   Kordic et je demande que ce document soit affiché sur le rétroprojecteur.

 23   Q.  Est-il exact que, dans l'affaire Kordic en juin 2000, vous avez été

 24   entendu en tant que témoin, Monsieur Perkovic ?

 25   R.  Oui, exact.

 26   Q.  Nous allons maintenant voir apparaître à l'écran une partie de votre

 27   déposition dans l'affaire Kordic, et le passage figure à l'écran en anglais

 28   et en B/C/S.

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  1   M. KARNAVAS : [hors micro]

  2   M. BOS : [aucune interprétation]

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Le numéro de page, s'il vous plaît ?

  4   M. BOS : [interprétation] Page 20 665 du compte rendu d'audience; il s'agit

  5   de l'audience du 7 juin 2000.

  6   Q.  Je cite le passage :

  7   "Q.  Pourriez-vous me dire -- je vous prie, connaissiez-vous la

  8   position de Mate Boban quant à l'avenir de l'Herceg-Bosna ? Quel était

  9   votre avis quant à la position qu'il défendait à ce sujet si vous la

 10   connaissez ?

 11   R. Il importe de distinguer entre deux périodes : la période où la Bosnie-

 12   Herzégovine a été proclamée en tant qu'Etat indépendant et où a eu lieu le

 13   référendum d'une part, et la période qui a suivi le référendum et qui a

 14   suivi la proclamation de l'indépendance de l'Etat de Bosnie-Herzégovine

 15   d'autre part.

 16   Dans la période précédant la proclamation de l'indépendance de la Bosnie-

 17   Herzégovine, les dirigeants politiques croates de Bosnie-Herzégovine

 18   avaient plusieurs possibilités s'agissant d'imaginer une solution à la

 19   crise de Bosnie-Herzégovine et le sort qui serait fait à la population

 20   croate en tant que peuple constitutif de cette République.

 21   Dans la période ultérieure à la proclamation d'indépendance de l'Etat de

 22   Bosnie-Herzégovine, M. Boban a signé trois plans de Paix au nom des Croates

 23   de Bosnie-Herzégovine : le plan Cutileiro, le plan Vance-Owen et le plan

 24   Owen-Stoltenberg. Ces trois plans prévoyaient l'intégration de la région

 25   dans le territoire de l'Etat de Bosnie-Herzégovine."

 26   Vous rappelez-vous avoir dit cela dans votre déposition ?

 27   R.  La lecture de cette citation m'a rafraîchi la mémoire à ce sujet et je

 28   veux croire que je l'ai dit.

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  1   Q.  J'aimerais que nous nous concentrions sur les différentes possibilités

  2   envisageables pour la solution de la crise vécue par la Bosnie-Herzégovine,

  3   différentes options qui ont été discutées par la population croate en 1991.

  4   Pourriez-vous nous donner quelques détails complémentaires à ce sujet ?

  5   Quelles étaient exactement ces options proposées par les dirigeants croates

  6   dans la période en question ?

  7   R.  Voyez-vous, dans le passage que vous venez de citer, je parle des

  8   représentants politiques croates. Il y avait, à l'époque, un éventail très

  9   large de représentants politiques croates qui agissaient au sein de

 10   différents partis politiques et qui défendaient des positions différentes

 11   quant à l'avenir de la population croate en Bosnie-Herzégovine. Les

 12   dirigeants politiques croates du SDP, par exemple, je parle donc du Parti

 13   social démocrate dont je faisais partie à l'époque, donc M. Komsic et

 14   d'autres. Nous considérions tous que, alors que la Yougoslavie était en

 15   train de se démanteler, la Bosnie-Herzégovine devrait être un pays

 16   indépendant avec des administrations décentralisées à l'intérieur de la

 17   Bosnie-Herzégovine et des structures opérantes, des institutions efficaces,

 18   et cetera.

 19   Les représentants politiques croates du HDZ avaient - c'est certain - des

 20   positions assez différentes sur cette question de la décentralisation

 21   qu'ils ont exprimées dans la description de leur souhait de voir la Bosnie-

 22   Herzégovine divisées en cantons.

 23   Les représentants politiques du peuple croate qui agissaient au sein

 24   d'autres partis politiques tels que le parti de M. Markovic, premier

 25   ministre de la Yougoslavie, défendaient évidemment, à ma connaissance, en

 26   tout cas, une position qui était favorable au maintien du système intérieur

 27   ancien des républiques selon le modèle de la période précédente. Ils

 28   défendaient donc l'idée d'un pouvoir des républiques qui devaient être

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  1   centralisées avec des pouvoirs locaux, par ailleurs.

  2   En d'autres termes, les représentants politiques croates défendaient des

  3   positions très différentes quant au système à mettre en œuvre à l'avenir à

  4   l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine. Cet éventail très large de positions

  5   et d'opinions s'est trouvé illustré dans l'élaboration de la constitution

  6   de la Bosnie-Herzégovine après les élections multipartites.

  7   Q.  Est-ce que l'un de ces positions consistait à défendre l'idée de fixer

  8   les frontières de la Bosnie-Herzégovine selon les anciennes frontières de

  9   la Banovina croate ? Autrement dit qu'une partie de la Bosnie-Herzégovine

 10   devait devenir croate et correspondre aux frontières de cette ancienne

 11   entité qu'on appelait la Banovina croate. Est-ce que vous vous souvenez si

 12   cette idée a également été exprimée par les représentants de la population

 13   dont vous venez de parler; et, si oui, par qui ?

 14   R.  Dans la période dont nous parlons, c'est-à-dire à la période antérieure

 15   à l'état de guerre, j'ai assisté à plusieurs réunions du Parti démocratique

 16   croate en ma qualité d'adjoint du ministre, c'est-à-dire en ma qualité de

 17   dirigeant politique de la population croate au sein du ministère. A ma

 18   connaissance, à aucune de ces réunions cette idée que vous venez d'évoquer

 19   n'a été débattue en tant que solution d'avenir; autrement dit, j'ai tout de

 20   même assisté à quelques unes de ces réunions, mais en aucun cas il n'a été

 21   débattu de cette option d'une Banovina croate.

 22   Q.  Mais est-ce que vous connaissez le terme "banovina" ? Est-ce que c'est

 23   un terme qui était utilisé à l'époque ?

 24   Enfin, je reformule : connaissez-vous le mot "banovina," et ce mot a-

 25   t-il été utilisé dans quelque discussion ou débat que ce soit, pas

 26   forcément dans les réunions auxquelles vous assistiez, mais de façon plus

 27   générale, dans la presse, par exemple ? Est-ce que c'est un mot utilisé

 28   dans les débats de l'époque par l'un ou l'autre des dirigeants politiques

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  1   croates ?

  2   R.  Je n'étais pas au courant de ces débats. Quant au terme, je le connais

  3   parfaitement bien car je crois connaître parfaitement bien l'histoire de

  4   cette région. Je veux parler de l'histoire du peuple croate dans l'ancienne

  5   RSFY.

  6   Q.  Etes-vous en train de dire dans votre déposition que, pendant toute

  7   cette période, vous n'avez jamais lu un journal, que vous n'avez jamais

  8   regardé une émission de télévision ou des dirigeants politiques croates

  9   auraient discuté de cette idée de la banovina; ceci est-il exact ? Vous

 10   n'en avez jamais entendu parler en 1991 ?

 11   R.  Vous ne m'avez pas parlé de la presse dans votre question, et je ne

 12   sais pas si quelqu'un dans un journal aurait évoqué cette idée. Ma réponse

 13   portait sur les réunions officielles auxquelles j'ai assisté dans la

 14   période. Durant ces réunions, personne n'a évoqué la banovina. Mais voyez-

 15   vous en Bosnie-Herzégovine, nous recevions aussi toute la presse publiée en

 16   Croatie, en Serbie aussi et il y avait aussi la presse de l'Herceg-Bosna.

 17   Donc il est impossible de tout lire. Je n'exclurais donc évidemment

 18   pas la possibilité que dans l'un ou l'autre de ces journaux cette option

 19   ait pu être évoquée. Mais dans ma réponse je parlais des institutions de

 20   l'état.

 21   Q.  Savez-vous quel parti politique défendait cette idée de la banovina.

 22   Auriez-vous un nom qui vous vient à l'esprit ?

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Objection par rapport à la forme de la

 24   question. Le témoin n'a jamais dit qu'un parti politique avait défendu

 25   cette idée. Il conviendrait de demander d'abord au témoin si un parti

 26   politique avait défendu cette idée, dans ce cas-là, pas de problème. Mais

 27   dans la question telle qu'elle est actuellement, on parle de l'hypothèse

 28   que le témoin a dit quelque chose dans sa déposition qu'il n'a pas dit.

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  1   M. BOS : [interprétation] Pas de problème. Je vais reformuler selon ce que

  2   propose Me Karnavas.

  3   Q.  Savez-vous si un parti politique a soutenu l'idée de la banovina dans

  4   la période dont nous parlons ?

  5   R.  Je ne suis pas au courant qu'un seul parti politique de Bosnie-

  6   Herzégovine ait appuyé cette idée.

  7   Q.  Très bien. Passons à un autre sujet. Lundi, le débat a longuement porté

  8   sur les termes de "teritorija" et "podrucje," je voudrais donc que nous y

  9   revenions. Je crains fort que ce soit indispensable.

 10   Permettez-moi d'abord de résumer ce que vous avez affirmé à cet égard

 11   dans votre déposition. Apparemment, vous dites qu'il existe une différence

 12   juridique entre l'emploi du terme "teritorija" et l'emploi du terme

 13   "podrucje." Vous dites que le mot "teritorija" évoque une zone dans

 14   laquelle le gouvernement exerce son autorité, alors que le terme "podrucje"

 15   signifierait simplement une zone, c'est-à-dire une portion de terre à

 16   l'intérieur du teritorija. Est-ce que j'ai bien interprété ou résumé votre

 17   déposition sur ce point ?

 18   R.  Puisque vous me posez la question, je vais essayer une nouvelle

 19   fois d'expliquer la chose en disant ce que je crois déjà avoir dit lundi.

 20   Ce que j'ai dit avant tout c'est qu'il existe une conception de profane et

 21   une conception juridique de ces termes et que ces deux conceptions sont

 22   différentes. Quand j'ai parlé du "teritorija," j'ai dit qu'à mon avis, le

 23   teritorija est une partie d'un espace dont les frontières sont précisément

 24   délimitées sur lesquelles un gouvernement exerce son pouvoir. Lorsque j'ai

 25   parlé de "podrucje," j'ai dit que les frontières d'un podrucje n'étaient

 26   pas déterminées -- définies de façon aussi précise; et que dans le contexte

 27   dont nous parlons; le podrucje signifie une partie d'un espace déterminé

 28   mais dont les frontières ne sont pas absolument précises, à savoir qu'elles

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  1   peuvent se déplacer de quelques kilomètres à gauche ou à droite. Alors que

  2   dans le cas de l'emploi du terme "teritorija," les frontières sont très

  3   précisément déterminées. Je me suis donc efforcé dans mes explications de

  4   distinguer entre le sens exact qu'il convient de donner au terme

  5   "teritorija" et au terme "podrucje." 

  6   Q.  Je vais vous prier de prendre connaissance d'une pièce à

  7   conviction. Je crois que vous avez le classeur des pièces à conviction sur

  8   votre bureau --

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Bos. Je lis le

 10   compte rendu d'audience et d'ailleurs cela correspond à ce que j'ai

 11   entendu, page 20, lignes 7, 8, et 9, et je cite ce qui est écrit au compte

 12   rendu d'audience, je cite : "Lorsque j'ai parlé de 'podrucje,' j'ai dit que

 13   les frontières du podrucje n'étaient pas définies d'une façon aussi claire

 14   et que le podrucje est une 'area' qui fait partie d'une 'area,' mais qui

 15   n'est pas aussi défini."

 16   Alors cela me paraît un peu bizarre. Vous dites qu'une "area" fait partie

 17   d'une "area" en anglais. Est-ce que vous vouliez dire que "l'area" faisait

 18   partie d'un "territory" ou est-ce que vous avez utilisé deux fois le terme

 19   "podrucje" ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] J'essaie de me rappeler exactement, je ne sais

 21   pas si j'ai été suffisamment clair. Mais il me semble qu'il y a une minute

 22   à peine j'ai expliqué une nouvelle fois ce que j'avais déjà expliqué avant-

 23   hier au sujet de l'emploi du terme "teritorija" et du terme "podrucje."

 24   Donc si les frontières d'un espace ne sont pas très strictement définies,

 25   si vous avez à l'esprit un espace dont la surface n'est pas strictement

 26   défini avec des indicateurs, des limites très précises, on peut imaginer

 27   que cet espace fait partie d'un teritorija parce que le teritorija, lui, le

 28   territoire a des frontières près précisément définies.

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  1   M. BOS : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, je crois que la

  2   confusion vient en partie du fait que les interprètes ne savent pas

  3   exactement comment interpréter ces termes ou alors ils le savent peut-être

  4   mais les mots qu'ils utilisent sont peut-être un peu différents de l'idée

  5   exprimée par M. Perkovic lorsqu'ils interprètent ces mots en anglais.

  6   Q.  Alors examinons la pièce 1D 02011, pièce à conviction de la Défense qui

  7   vous a été montrée précédemment. Vous trouverez le numéro de cette pièce

  8   dans les intercalaires, Monsieur Perkovic, 1D 02011. M. l'Huissier va peut-

  9   être vous aider.

 10   M. BOS : [interprétation] Pourriez-vous peut-être m'aider un peu, Monsieur

 11   l'Huissier ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait agrandir l'image à

 13   l'écran ?

 14   M. BOS : [interprétation]

 15   Q.  C'est le quatrième document, enfin on vous a déjà montré le document

 16   hier. C'est un rapport qui porte votre signature à la dernière page, page

 17   6. C'est une énumération d'un certain nombre de décrets que la commission

 18   que vous dirigiez a vérifiés avant leur adoption, n'est-ce pas ? Tout ceci

 19   dans la période allant de janvier à juin 1993; c'est bien cela ?

 20   R.  Oui, c'est exact.

 21   Q.  Si nous nous penchons sur cette liste de façon plus détaillée, et

 22   notamment sur la liste en B/C/S, j'aimerais que nous regardions de plus

 23   près les intitulés. Nous voyons que les termes "teritorija" et "podrucje"

 24   sont absolument interchangeables dans leur emploi ici. On voit, par

 25   exemple, au numéro 2, l'emploi du terme "teritorija" ainsi qu'au numéro 10,

 26   au numéro 11, au numéro 13, au numéro 18, au numéro 25, au numéro 27, aux

 27   numéros 30, 39, 40, 43, 49 et 50. Dans tous ces textes de loi, on voit que

 28   c'est le mot "teritorija" qui est utilisé alors que, dans les autres textes

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  1   de loi énumérés ici, on voit que c'est le terme "podrucje" qui est utilisé.

  2   Est-il exact que tous les projets de décrets qui figurent sur cette liste

  3   ont été vérifiés par la commission que vous dirigiez ?

  4   R.  Bien, je vais d'abord répondre à la fin de votre question. Il me semble

  5   que, selon les procédures en vigueur chez nous, la Commission chargée des

  6   Textes législatifs était tenue de donner son avis sur chacun des projets de

  7   décret que l'on trouve dans la liste ici, et je crois que cela a

  8   effectivement été le cas dans la majorité des cas. Je ne saurais affirmer

  9   qu'elle l'a fait dans 100 % des cas, mais ce qui est tout à fait clair

 10   c'est qu'elle l'a fait pour la majorité de ces projets de décret.

 11   Q.  Très bien. Mais compte tenu de ce que vous avez déjà dit cette semaine

 12   dans votre déposition quant à la nécessité de distinguer entre l'emploi du

 13   terme "teritorija" et l'emploi du terme "podrucje," conviendriez-vous avec

 14   moi qu'à voir cette liste, tous les décrets devraient utiliser le terme

 15   "podrucje" et que finalement l'emploi du terme "teritorija," dans certains

 16   d'entre eux, est une erreur ? Est-ce que vous seriez d'accord avec cela ?

 17   R.  J'ai essayé de l'expliquer hier lorsque j'ai dit que,dans le processus

 18   d'adoption des décrets à l'époque, époque antérieure à la création de la

 19   République croate d'Herceg-Bosna, nous n'avions qu'un seul filtre par

 20   opposition aux républiques qui elles avaient six ou sept filtres. Donc il

 21   est possible que des défaillances de ce genre aient pu avoir lieu.

 22   Malheureusement, ce n'est pas la seule défaillance que nous pouvons

 23   remarquer.

 24   Lorsque j'ai relu le texte de ces projets de décret, j'ai trouvé un certain

 25   nombre de défaillances au niveau de la rédaction. Mais n'oublions pas que

 26   nous n'étions que trois à effectuer ce travail, que les deux collègues qui

 27   m'accompagnaient étaient nouveaux dans ce genre de fonction, c'était un

 28   travail nouveau pour eux et que donc il était tout à fait prévisible que de

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  1   telles insuffisances puissent se produire.

  2   Je pense que l'emploi du terme "teritorija" est contraire, en effet, aux

  3   règlements en vigueur dans la Communauté croate d'Herceg-Bosna puisque

  4   c'est le terme "podrucje" qui est toujours utilisé dans tous les textes

  5   officiels de l'époque. Il peut donc s'agir d'une défaillance qui était

  6   possible en dépit du fait que je dirigeais cette commission.

  7   Q.  Très bien. J'aimerais maintenant vous soumettre une autre pièce, la

  8   pièce 00019.

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Puis-je revenir --

 10   M. BOS : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] -- sur cette question qui a vraiment

 12   éveillé mon intérêt ?

 13   Vous admettez, Monsieur, que la commission dirigée par vous a commis une

 14   omission, une légère erreur, mais il n'y avait pas que vous, il y avait

 15   aussi quelqu'un qui rédigeait ces projets de textes et qui, apparemment, a

 16   confondu les termes. Donc cela fait déjà deux personnes, n'est-ce pas ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous regardez ces projets de décrets,

 18   Monsieur le Juge, vous verrez que, pour la plupart d'entre eux, ils

 19   proviennent de ce qu'il était convenu d'appeler les départements

 20   économiques, autrement dit des départements qui n'étaient pas spécialisés

 21   en droit. Hier et avant-hier, lorsque nous avons discuté de l'emploi de ces

 22   deux termes, j'ai dit que dans la vie quotidienne un grand nombre de

 23   personnes y compris des gens éduqués, mais des gens qui n'étaient pas

 24   spécialisés en droit utilisaient ces deux termes comme synonymes.

 25   Donc il n'est pas exclu que dans l'élaboration de ces projets de décrets

 26   par des départements divers, les auteurs des projets de décrets en question

 27   aient pensé que l'emploi de ces deux termes était interchangeable parce

 28   qu'ils n'ont pas réfléchi à la dimension juridique de leur emploi.

Page 31897

  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais ces décrets n'ont-ils pas fini

  2   par être adoptés par d'autres personnes que les membres de votre commission

  3   ? Votre commission n'était pas l'organe chargé de l'Adoption officielle de

  4   ces projets de décrets, n'est-ce pas ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] La Commission chargée des Textes législatifs

  6   n'avait pour attribution que d'émettre des remarques par rapport aux

  7   projets de décrets. Quand j'ai admis tout à l'heure qu'il y avait eu légère

  8   défaillance de la part de la commission, ce que je voulais dire c'est que,

  9   lorsque la commission a examiné les textes pour donner son avis, elle a

 10   omis de remarquer ou de signaler cela, à savoir le fait qu'un terme

 11   impropre était utilisé. Lorsque nous avons analysé les textes

 12   réglementaires de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, nous avons vu que

 13   ces projets de décrets ont été proposés au HVO de la Communauté croate

 14   d'Herceg-Bosna et que c'est le HVO de la HZ HB qui a adopté ces instruments

 15   juridiques.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Donc il y a eu trois possibilités de

 17   remarquer l'emploi impropre de ce terme car je suppose qu'au sein du HVO,

 18   il y a eu des juristes qui se sont occupés de ces documents. Est-ce que

 19   vous pensez que ces juristes du HVO n'ont même pas lu le litre, l'intitulé

 20   du texte ?

 21     LE TÉMOIN : [interprétation] Entre l'institution qui est à l'origine d'un

 22   projet de texte réglementaire et l'institution qui adopte le projet de

 23   texte en question, il n'y avait à l'époque que la Commission chargée des

 24   Textes législatifs. Ce n'est pas par hasard que plus tard, au moment de la

 25   république, une procédure beaucoup plus complexe a été mise en place

 26   s'agissant de régir les conditions d'adoption des textes législatifs. Nous

 27   savions quelle était la situation, mais, malheureusement, nous n'avions pas

 28   de moyens du point de vue effectif humain ou du point de vue matériel, et

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  1   cetera, pour mettre en place un mécanisme de contrôle suffisamment élaboré.

  2   C'est la raison pour laquelle j'ai dit qu'il y a eu quelques insuffisances

  3   de la part  de la commission dans son travail qui étaient très plausibles,

  4   et que la plupart des membres du gouvernement n'étaient pas des juristes et

  5   n'étaient pas tenus de savoir ce qu'il en était exactement de l'emploi de

  6   ces deux termes. Les membres du gouvernement, aucun d'entre eux n'était au

  7   courant des nuances juridiques impliquées --

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Bos.

  9   M. BOS : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur le Témoin, je voudrais attirer votre attention sur une autre

 11   pièce à conviction qui porte la référence P 00019, au début du classeur.

 12   Ce document est la constitution de la République de Croatie, la version

 13   originale en B/C/S est celle qui a été publiée dans le Narodne Novine et la

 14   traduction anglaise a été assurée par le parlement croate.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Avant que les questions ne soient posées, je

 16   voudrais que l'on nous explique la pertinence de ce document, car le témoin

 17   n'a pas travaillé pour la République de Croatie. Ce sujet n'a pas été

 18   abordé en interrogatoire principal. Nous voudrions savoir pourquoi ce

 19   document est présenté, et si ce n'est pas des fins de comparaison, pourquoi

 20   ne pas prendre la constitution d'autres pays, la Slovénie, la Hongrie, la

 21   Pologne, ou d'autres pays.

 22   M. BOS : [interprétation] La pertinence c'est pour précisément illustrer

 23   l'utilisation des termes "teritorija" et "podrucje" en croate.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne suis pas d'accord dans ce cas parce

 25   que l'on compare ce qui n'est pas comparable. Puisque la Croatie c'est un

 26   pays et en l'espèce nous parlons d'une communauté régie par la constitution

 27   de la Bosnie-Herzégovine. Donc à cet égard, j'émets une objection quant à

 28   cette série de questions.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : D'après l'avis de la Chambre, il y a un problème sur

  2   la question du "territoire," "podrucje." Bon. Le Procureur essaie avec ce

  3   témoin d'éclaircir cela, et dans sa démonstration, il sort un document qui

  4   vient de la République de Croatie, du parlement sur les différents actes,

  5   et il va, je présume, à partir du texte, vérifier et demander au témoin si

  6   les termes, qui sont dans ce document, sont les termes en droit communément

  7   utilisés.

  8   C'est bien votre objectif, Monsieur Bos ?

  9   M. BOS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, et la constitution

 10   croate est libellée dans la même langue que les actes législatifs rédigés

 11   par M. Perkovic. C'est une question linguistique, et je ne vois pas

 12   pourquoi on ne peut pas utiliser le document.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Voilà ce qui se passe. La théorie de

 14   l'Accusation c'est que la Communauté croate est un Etat dans l'Etat. Nous

 15   avons même entendu des membres de la Chambre nous dire que c'était un Etat

 16   ou un para-Etat. Nous ne sommes pas d'accord. Nous avons une objection.

 17   Alors, à présent, on nous présente une constitution, et on va utiliser les

 18   termes de cet Etat alors qu'on parle ici d'une communauté par opposition à

 19   un pays reconnu -- un Etat reconnu par les Nations Unies. En l'occurrence,

 20   la communauté était temporaire, c'est clair, je ne pense pas que cela soit

 21   adéquat. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas d'accord.

 22   Une constitution -- et on utilise les termes de "territoire" et de "zone"

 23   de "podrucje" et de " teritorija" et j'ai une objection. Si vous voulez,

 24   moi je pense qu'on essaie de donner la possibilité aux Juges de cocher les

 25   différentes cases.

 26   J'ai dit : ce n'est pas acceptable. Moi je voudrais que les Juges

 27   m'expliquent comment cette comparaison tient la route.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]

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  1   M. BOS : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. La Chambre rejette l'objection. L'objection est

  3   au transcript, elle pourra être ultérieurement utilisée par la Défense de

  4   M. Prlic, si elle le souhaite, mais la Chambre estime qu'il convient

  5   d'aller de l'avant. Donc poursuivez, Monsieur Bos.

  6   M. BOS : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Perkovic, je voudrais attirer votre attention sur l'article 2

  8   de la constitution, et je vais vous donner lecture du troisième paragraphe,

  9   du troisième alinéa de cet article : "La République de Croatie exerce

 10   conformément au droit international les droits souverains et sa compétence

 11   dans les zones maritimes, dans les fonds marins et dans le sous-sol de

 12   cette espace dans la mer Adriatique à l'extérieur du territoire de l'Etat

 13   jusqu'aux frontières avec le pays limitrov."

 14   Alors, Monsieur Perkovic, si on examine la version B/C/S de cet article 2,

 15   est-ce qu'en croate il est question, est-ce qu'on utilise le terme

 16   "podrucje" ?

 17   R.  Est-ce que vous pourriez projeter l'article 3 en croate ? Je voudrais

 18   le voir à l'écran, s'il vous plaît ?

 19   Q.  Vous avez un exemplaire dans votre classeur, Monsieur Perkovic. Vous

 20   pouvez la voir à l'écran mais, si vous voulez, derrière la version anglaise

 21   se trouve une version croate. Nous avons organisé les choses de la sorte,

 22   d'abord la version anglaise et ensuite la version croate.

 23   Article 2, troisième alinéa.

 24   R.  Monsieur le Procureur, ceci correspond tout à fait à ce que j'ai déjà

 25   dit. A l'article 3, il est question de l'exercice de la compétence de la

 26   République de Croatie hors la surface de l'Etat, et le terme "podrucje" est

 27   utilisé dans cet article. Le terme "podrucje" est utilisé à bon escient car

 28   il s'agit d'un espace extérieur à la surface de l'Etat mais qui concerne

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  1   les fonds marins.

  2   Q.  Vous avez parlé trop vite pour les interprètes anglais; est-ce que vous

  3   pourriez répéter ? 

  4   R.  D'accord. Vous venez de citer un exemplaire, c'est-à-dire l'alinéa 3 de

  5   l'article 2, et ce qu'on lit dans cet alinéa correspond tout à fait à ce

  6   que j'ai déjà dit. En effet, à cet alinéa 3, nous lisons que la République

  7   de Croatie exerce sa compétence sur les fonds marins de la mer Adriatique

  8   en dehors du "podrucje" de l'Etat, et ce, jusqu'aux frontières des Etats

  9   voisins.

 10   Le terme "podrucje" ici est utilisé d'une façon tout à fait appropriée pour

 11   désigner la zone côtière qui est à l'extérieur du "teritorija" de la

 12   République de Croatie au sens de la définition exacte du terme, parce que

 13   cette zone côtière n'est pas strictement définie du point de vue de ces

 14   frontières pas aussi strictement en tout cas que la République de Croatie a

 15   des frontières très fixes. Je pense que cet exemple correspond parfaitement

 16   aux explications que j'ai déjà données.

 17   Encore un mot, si vous me le permettez, je pense qu'il est intéressant de

 18   se pencher sur le libellé juridique des textes officiels de Bosnie-

 19   Herzégovine et des textes officiels de Croatie, et il serait intéressant

 20   d'examiner tous les textes réglementaires publiés dans les deux langues de

 21   façon à faire une comparaison. Vous auriez dû, dans ce cas, nous soumettre

 22   les constitutions des cantons, y compris de tous les cantons croates, de

 23   façon à ce que nous voyons quels sont les termes utilisés dès lors que l'on

 24   parle des frontières de ces cantons.

 25   Q.  Merci, Monsieur Perkovic, je pense ne pas être d'accord avec vous mais,

 26   lorsque l'on lit cet article, notamment la dernière partie : "La dernière

 27   de la mer Adriatique à l'extérieur du territoire jusqu'aux frontières avec

 28   les pays limitrophes."

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  1   Territoire c'est la totalité du territoire de la Croatie, pas une

  2   partie de la Croatie.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] J'ai une objection. Le Procureur est en

  4   train de déposer lui-même, il peut faire valoir cela dans sa déclaration

  5   finale, mais c'est une affirmation qui a plus sa place dans une déclaration

  6   finale.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Bos, vous avez fait une affirmation.

  8   Vous auriez pu dire, en lui posant la question : si je vous dis que seriez-

  9   vous d'accord ou pas ? Il dira donc : je ne suis pas d'accord.

 10   Bien.

 11   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voulais pas

 12   interrompre mais je fais suite à ce que vient de dire Me Karnavas. Mais

 13   nous voyons la question de M. Bos en page 26 du compte rendu d'audience,

 14   lignes 13 à 17, et dans cette question M. Bos affirme que la constitution

 15   croate utilise une langue identique à celle qui était utilisée dans les

 16   textes législatifs revus par la commission dirigée par le témoin. Là

 17   encore, M. Bos témoignait.

 18   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : quelques mots prononcés par Me

 19   Kovacic n'ont pas été entendus par les interprètes car son micro étaient

 20   éteint.

 21   La fin de son intervention est la suivante : c'est un fait qui doit être

 22   prouvé.

 23   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais appeler

 24   l'attention des Juges sur la traduction de l'alinéa 3, de l'article 2 de la

 25   constitution de la République croate. Je tiens à souligner que dans le

 26   texte en croate, il est question du "drzavnoga podrucje" qui est traduit en

 27   anglais par les termes "state territory." Là encore, on voit que le terme

 28   original "podrucje" est traduit en anglais par le terme "territory."

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Il ne m'a pas échappé.

  2   Monsieur Bos.

  3   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous prie de m'excuser d'abuser encore une

  4   fois de votre temps, mais une partie seulement de ce que j'ai dit tout à

  5   l'heure a été consigné au compte rendu, apparemment le micro ne

  6   fonctionnait plus même si la lumière du micro était allumée.

  7   Donc pour le compte rendu d'audience, je redis que mon collègue de

  8   l'Accusation, il y a quelque temps déjà - et je n'ai pas voulu interrompre,

  9   mais je parle de ce qui a été dit à la page 26, lignes 14 à 17. Le

 10   Procureur pose une question dans laquelle il affirme que la constitution de

 11   Croatie est rédigée dans une langue absolument identique à celle qui a été

 12   utilisée dans les textes de lois rédigés par M. Perkovic.

 13   Moi j'affirme que s'exprimer ainsi consiste à témoigner sur les faits, car

 14   déterminer si la langue utilisée dans la constitution de Bosnie-Herzégovine

 15   est absolument identique à la langue utilisée par la République de Croatie

 16   dans les textes législatifs, c'est un fait qu'il faut prouver. Le Procureur

 17   a témoigné, il n'a pas posé une question.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Témoin, vous qui pratiquez la

 19   langue qualifiée au Tribunal de B/C/S, d'après vous, quand vous vous

 20   rédigiez à l'époque les textes pour l'Herceg-Bosna et la langue utilisée

 21   dans la constitution croate, c'est la même langue ou il y a des différences

 22   ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de moi, je dis que je parle la

 24   langue croate puisque je fais partie du peuple croate. La langue parlée par

 25   les Croates de Bosnie-Herzégovine, nous la désignons par l'expression de

 26   langue croate. Même si dans cette langue parlée en Bosnie-Herzégovine par

 27   les Croates, on trouve quelque nuance par rapport à la langue croate qui

 28   est parlée par la majorité des citoyens de la République de Croatie.

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  1   Quelques légères différences, je vais vous donner un exemple. Je

  2   sais, par exemple, que l'on utilise le terme "pismohrama" en République de

  3   Croatie pour désigner les archives. Alors qu'en Bosnie-Herzégovine, nous

  4   utilisons le terme "arhiva," pour parler des archives et nous estimons que

  5   le mot "arhiva" est un mot de la langue croate. Il y a de même d'autres

  6   légères différences.

  7   Mais pour rédiger les projets de décrets de la Communauté croate

  8   d'Herceg-Bosna, nous nous sommes efforcés d'utiliser la langue croate

  9   parlée par nous et par nos ancêtres, nos pères et nos aïeux.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : La question finale. Imaginons que vous auriez

 11   eu à rédiger la constitution de la République de Croatie, c'est une

 12   hypothèse; est-ce que les termes employés dans la constitution de la

 13   République de Croatie vous les auriez utilisés ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aurais écrit ce texte en langue croate de la

 15   même façon que j'ai écrit encore aujourd'hui.

 16   Pour illustrer ce que je dis je vais vous donner un exemple. Dans mon lieu

 17   de naissance dont il était beaucoup question ici, je veux parler de Livno

 18   sur la place centrale du bourg, on trouve un monument à la mémoire du roi

 19   Tomislav. Il y a cinq ans lorsque ce monument a été restauré, on a utilisé

 20   le terme de "hiladujgodisnjica" et pas de "tisucgodisnjica" alors que

 21   c'étaient des Croates de la région qui utilisaient ce terme. Ils ont estimé

 22   que le terme "hiladujgodisnjica," que nous utilisons depuis des siècles en

 23   Bosnie-Herzégovine pour exprimer le concept de 1 000, était approprié et

 24   qu'il faisait partie de la langue croate.  

 25   Alors que je n'ai pas encore trouvé un seul texte de loi, un seul texte

 26   réglementaire de la République de Croatie où on utilise le terme

 27   "hiladujgodisnjica" puisqu'on y utilise que les termes "tisucgodisnjica."

 28   Donc voilà, il y a une différence entre ce que nous faisons et ce que font

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  1   les Croates de Croatie.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc il y a de petites différences, elles ne

  4   sont pas très grandes, mais il y a de petites différences quant aux termes

  5   juridiques utilisés par les Croates de Bosnie-Herzégovine et par les

  6   Croates de Croatie. Elles ne sont pas grandes, mais elles existent tout de

  7   même.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : L'avocate de M. Coric qui, pour les besoins du

  9   transcript, doit être malade parce qu'elle n'est pas là aujourd'hui.

 10   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, à la

 11   différence de ce qui a été dit dans ce prétoire. Je souhaite dire que le

 12   témoin n'a pas besoin d'être un expert pour répondre à la question de

 13   savoir pourquoi le terme "podrucje" est utilisé à l'article 2, plutôt que

 14   le terme "teritorija." Je ne suis ni experte ni témoin ici, donc je n'ai

 15   pas le droit de témoigner. Mais même si je devais témoigner je n'ai pas un

 16   souvenir tout à fait précis. Je sais simplement que ces termes viennent du

 17   droit international de la mer.

 18   Je ne me souviens plus exactement pourquoi mais je sais que dans le débat

 19   du droit de la mer, l'emploi des termes "podrucje" et "teritorija" étaient

 20   discutés et qu'il a été conseillé d'utiliser le terme "podrucje" au vu des

 21   dispositions existant dans le droit international de la mer. Un expert en

 22   la matière pourrait vous répondre précisément. Il vaudrait peut-être la

 23   peine de se pencher sur les articles 32 et 33 qui pourraient nous aider

 24   parce que là encore on voit l'emploi du terme "teritorija." Or, c'est un

 25   article que nous pouvons tous comprendre, y compris le témoin.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 27   Continuons parce qu'à titre personnel, et je veux que ça soit inscrit au

 28   transcript, la question me semble vraiment accessoire.

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  1   M. BOS : [interprétation] Oui et j'allais justement quitter ce sujet.

  2   Je vois que M. Praljak se lève et je vois qu'il est presque 10 heures 30.

  3   Soit on peut donner la parole à M. Praljak, soit déjà faire la pause.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, je sais que vous êtes déjà

  5   intervenu sur ces questions linguistiques, sémantiques.

  6   Vous avez la parole.

  7   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il y a un

  8   instant, vous avez entendu Me Tomasegovic Tomic dire que l'on utilise le

  9   terme "podrucje" très couramment. En Croatie, on dit : "Dans le podrucje du

 10   droit," "dans le podrucje de la médecine," "telle et telle personnes

 11   s'occupent du podrucje de -- des mathématiques," donc des domaines. Je ne

 12   tiens pas à vous ennuyer avec tout cela, mais le terme "podrucje" peut

 13   aussi désigner un domaine, une matière. C'est seulement si l'on tient

 14   compte de cela que l'on peut comprendre tout à fait l'emploi de ce terme.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 16   Il est 10 heures 30. Nous allons faire la pause parce que c'est -- c'est

 17   l'heure et nous reprenons dans 20 minutes.

 18   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

 19   --- L'audience est reprise à 10 heures 54.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 21   Monsieur Bos.

 22   M. BOS : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Perkovic, j'aimerais vous demander de consulter un autre

 24   document, la pièce P 00302, il s'agit du document fondateur de la

 25   Communauté croate d'Herceg-Bosna, un document qui porte la date du 18

 26   novembre 1991.

 27   Est-ce que vous avez trouvé le document ? J'aimerais vous demander de vous

 28   reporter plus particulièrement à l'article 2 de ce document, où il est dit,

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  1   je cite : "La Communauté croate d'Herceg-Bosna est constituée des

  2   municipalités suivantes," et cetera, et ensuite on a toute une liste de

  3   municipalité qui suit.

  4   Est-ce que l'on peut constater c'est qu'il y a deux municipalités pour

  5   lesquelles, je parle des municipalités de Skender Vakuf notamment, on voit

  6   qu'il y a un nom qui est écrit entre parenthèses après, pour Skender Vakuf

  7   c'est Dobratici, et pour la deuxième municipalité c'est Trebinje, entre

  8   parenthèses à côté on voit Ravno.

  9   Est-il exact, Monsieur Perkovic, que Dobratici et Ravno en fait c'était des

 10   zones qui se trouvaient à l'intérieur des municipalités de Skender Vakuf et

 11   Trebinje respectivement ?

 12   R.  Oui. Il s'agit de parties de la municipalité de Skender Vakuf et de

 13   l'autre municipalité -- et de Ravno.

 14   Q.  Vous avez dit municipalité de Ravno, mais est-ce que vous ne vouliez

 15   pas plutôt dire Trebinje ?

 16   R.  Ravno ça fait partie de la municipalité de Trebinje, ça constitue une

 17   partie, de même que Dobratici constitue une partie de la municipalité de

 18   Skender Vakuf.

 19   Q.  Monsieur Perkovic, si on désigne ici des zones particulières comme

 20   faisant parties de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, pour deux

 21   municipalités, est-ce que ça ne veut pas dire que pour les autres

 22   municipalités ici mentionnées, la totalité de leur territoire va se trouver

 23   dans la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?

 24   R.  Il s'agit d'un document original qui date du 18 novembre 1991, où la

 25   communauté est établie dans une zone où habitent ces gens et les zones de

 26   Dobratici et Ravno gravitent, du point de vue de l'organisation, vers cette

 27   communauté. Mais si on se rappelle de la période et si on regarde l'article

 28   2 du document, on constate qu'il y a une partie considérable des zones

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  1   habitées par les Croates et qui est mentionnée ailleurs dans ce document,

  2   on voit que cette zone-là elle n'est pas mentionnée par ce décret comme la

  3   Posavina de Bosnie ainsi que d'autres zones telles que Zepce.

  4   Voilà un document qui date du 18 novembre; Dobratici et Ravno sont établies

  5   comme unités opérationnelles distinctes du parti, du parti politique. Comme

  6   je l'ai dit au début de mon intervention, à cette époque, et ça a été

  7   confirmé par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, cet aspect de

  8   l'organisation se faisait en fonction des partis politiques.

  9   Q.  Mais vous n'avez pas bien répondu à ma question, je vais peut-être la

 10   reformuler. Si on regarde les autres municipalités que Skender et Trebinje,

 11   est-ce que, quand on lit cette décision, on ne peut pas penser que cela

 12   signifie que la totalité des territoires de ces municipalités est impliquée

 13   ou bien seulement une partie de ces territoires ?

 14   R.  Je répète : ici, on insistait sur l'organisation par parti politique.

 15   Vous avez la structure du HDZ à Ravno et la structure du HDZ à Dobratici.

 16   Etant donné que ces deux organisations étaient présentes dans la zone --

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Monsieur Perkovic, M.

 18   Bos a commencé sa dernière question en vous disant que vous n'aviez pas

 19   répondu vraiment à sa question et il n'avait pas tort. Je -- ne répétez pas

 20   simplement votre réponse, essayez de répondre à sa question directement

 21   parce que vous nous faites perdre beaucoup de temps, sinon.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de l'organisation de certaines

 23   parties du territoire ou de la zone de Skender Vakuf et de Trebinje.

 24   M. BOS : [interprétation]

 25   Q.  Je n'ai peut-être pas été suffisamment clair, je vais répéter ma

 26   question. Ma question porte sur les autres municipalités mentionnées dans

 27   cet article. Elle ne porte pas sur Skender Vakuf et Trebinje.

 28   Selon vous, est-ce que ceux qui ont rédigé cette décision avaient

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  1   l'intention d'inclure la totalité des territoires de ces municipalités dans

  2   la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?

  3   R.  Pour ce qui est de cette décision, la totalité du territoire de ces

  4   municipalités était comprise dans la Communauté croate d'Herceg-Bosna, mais

  5   pour ce qui concerne l'organisation des partis politiques - parce qu'il y

  6   avait des structures municipales de ces partis dans chaque municipalité et

  7   leurs zones de compétences, dans le cadre de l'organisation locale - se

  8   trouvaient dans ces municipalités et étaient identiques à la zone occupée

  9   par la municipalité; je faisais référence aux structures du HDZ.

 10   Q.  J'essaie de bien comprendre votre réponse. Est-ce qu'on peut en déduire

 11   que vous nous dites que la Communauté croate d'Herceg-Bosna à l'époque

 12   était constituée par la totalité du territoire des municipalités énumérées

 13   à l'article 2 ?

 14   R.  Oui, sauf pour les municipalités de Trebinje et Skender Vakuf.

 15   Q.  Très bien, très bien. Merci. Je crois que nous n'avons pas besoin

 16   d'examiner le document qui suit et je souhaiterais que nous passions à un

 17   sujet différent qui est celui de la légitimité constitutionnelle de la

 18   Communauté croate d'Herceg-Bosna.

 19   Pour ce faire, je vous demande de vous reporter à la pièce 2D 00594, c'est

 20   un document qui vous a été présenté lundi.

 21   Ce document vous le trouverez à la fin de votre classeur. Est-ce que vous

 22   avez trouvé le document ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Vous vous souvenez que nous avons déjà examiné ce document lundi ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  J'aimerais vous demander de vous concentrer plus particulièrement sur

 27   le point 2, surtout en son deuxième alinéa dont je vais vous donner

 28   lecture, je cite : "Sur la base des opinions susmentionnées ainsi que sur

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  1   les propositions et les opinions qui se sont manifestées pendant la

  2   discussion, le gouvernement a décidé que la décision relative à la mise en

  3   place de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et la décision prise par le

  4   comité régional du HDZ de la Posavina de Bosnie, que ces décisions donc

  5   n'avaient pas été prises conformément à la procédure définie pour la

  6   création de communautés sociopolitiques et que ces documents -- ou ces

  7   décisions ne contenaient pas de réglementations qui pouvaient avoir un

  8   effet juridique quelconque comme, par exemple, la mise en place

  9   d'institutions ou de l'Etat ou du pouvoir, parce qu'il leur manque les

 10   éléments propres à des institutions gouvernementales."

 11   Est-ce qu'il n'est pas indiqué ici que le gouvernement de Bosnie-

 12   Herzégovine estimait que le HDZ ou la HZ HB n'était une organisation

 13   illégale, mais que, malgré tout, on n'était pas une organisation illégale,

 14   mais qu'on ne pouvait pas considérer que c'était une institution de l'Etat

 15   ou gouvernementale parce qu'ils n'avaient pas tous les éléments ou tous les

 16   attributs correspondant ? Est-ce ce qu'il faut comprendre ici ?

 17   R.  Dans ce gouvernement que vous venez de me citer, le gouvernement estime

 18   que la HZ HB n'a pas été mise en place et ne fonctionne pas en tant que

 19   communauté sociopolitique parce qu'au terme du système de l'époque, les

 20   échelons des municipalités, des villes, des républiques étaient considérés

 21   comme des communautés sociopolitiques. Le gouvernement de la Bosnie-

 22   Herzégovine estimait que la HZ HB n'entrait pas dans ces catégories, ne

 23   faisait pas partie de cette catégorie, ne pouvait pas être considérée comme

 24   une communauté sociopolitique et que la décision adoptée ne montre pas

 25   l'intention d'exercer quelque pouvoir que ce soit en tant qu'autorité

 26   étatique. Le gouvernement en conclut qu'il ne lui est pas -- n'est pas

 27   obligé -- il n'a pas à évoquer ceci lors d'une de ses réunions.

 28   Je vous l'avais déjà dit d'ailleurs, le gouvernement estimait qu'il ne

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  1   s'agissait pas là d'une autorité d'Etat, d'une institution, vu les

  2   fondateurs et vu que le HDZ de Bosnie-Herzégovine, mais que le HDZ de

  3   Bosnie-Herzégovine, en tant que parti politique établi en Bosnie-

  4   Herzégovine, était habilité à décider de l'organisation dont il voulait se

  5   doter pour s'organiser.

  6   À partir de ces éléments, le gouvernement a conclu qu'il n'y avait aucune

  7   raison pour que la procédure d'évaluation de la constitutionnalité de cette

  8   décision soit mise en œuvre.

  9   Q.  Justement c'est sur ce dernier point de votre réponse que je

 10   souhaiterais revenir, il est exact, n'est-ce pas, que vous avez rédigé une

 11   opinion à ce sujet, elle est mentionnée ici me semble-t-il dans ce

 12   document.

 13   Dans votre opinion, vous avez dit au sujet de la légalité de la Communauté

 14   croate d'Herceg-Bosna, que cette communauté ne constituait pas une

 15   organisation illégale, enfin que sa forme n'était pas illégale, et que la

 16   plainte qui avait été déposée devant le tribunal constitutionnel n'avait

 17   pas lieu d'être; est-ce bien exact ?

 18   R.  J'ai contribué à la rédaction de cette opinion, avec un collègue, je

 19   l'ai déjà dit. Au terme de la constitution de Bosnie -- au moment où cette

 20   opinion a été envoyée à une réunion du gouvernement, au terme de la

 21   constitution de Bosnie-Herzégovine, le gouvernement peut -- de son propre

 22   chef, lorsqu'il estime qu'il y a eu violation de la constitution, le

 23   gouvernement est tenu de déclencher la procédure adéquate devant le

 24   tribunal constitutionnel.

 25   Etant donné que le gouvernement n'a pris aucune mesure après avoir examiné

 26   cette décision, la seule conclusion logique que l'on peut en tirer c'est

 27   que la mise en place de la Communauté croate d'Herceg-Bosna à l'époque,

 28   c'est-à-dire pendant la période de novembre 1991, la création de cette

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  1   communauté n'a pas été considérée comme quelque chose d'anti-

  2   constitutionnel.

  3   Q.  On a vu que le document fondateur de la Communauté croate d'Herceg-

  4   Bosna, il date du 18 novembre; la réunion du gouvernement de Bosnie-

  5   Herzégovine dont on parle elle a eu lieu le 21 novembre. J'imagine qu'entre

  6   le 18 et 21 novembre, au cours de ces deux journées, vous avez avec votre

  7   collègue produit l'opinion en question, votre opinion, votre analyse de ce

  8   document fondateur que nous avons vu précédemment ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  J'aimerais maintenant que vous examiniez la pièce P 00476, il s'agit de

 11   la décision du tribunal constitutionnel en date du 18 septembre 1992.

 12   P 00476, c'est une des pièces qui se trouve au début de votre classeur.

 13   M. BOS : [interprétation] L'huissier peut peut-être venir vous aider pour

 14   trouver ce document, P 00476.

 15   Q.  Une question, tout d'abord, est-ce que vous avez déjà vu la décision en

 16   question, la décision du tribunal constitutionnel ?

 17   R.  Oui, une fois, mais je crois que c'était après la guerre en 1996 ou en

 18   1997 c'était à ce moment-là que j'ai eu l'occasion de lire cette décision

 19   pour la première fois.

 20   Q.  Cette décision porte la date du 18 septembre 1992. À l'époque, vous

 21   étiez à Sarajevo, n'est-ce pas ? Vous y êtes revenu en août 1992 pour

 22   repartir en décembre 1992. Donc vous étiez à Sarajevo, mais quand cette

 23   décision a été publiée, vous n'avez pas eu vent ?

 24   R.  Non. Quand je suis revenu à Sarajevo, dès que je suis arrivé, j'ai

 25   appris que quelqu'un d'autre avait été nommé à mon poste. Alors à ce

 26   moment-là, moi j'ai demandé qu'on me donne la possibilité de reprendre mes

 27   fonctions. Je vous ai dit que j'ai pratiquement rien à faire à Sarajevo

 28   pendant deux mois, la seule chose que j'ai faite ça a été de travailler sur

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  1   les réglementations pertinentes.

  2   Donc comme j'étais sur la touche, comme j'étais en dehors de ces

  3   institutions, je n'ai pas pu avoir accès à ces informations. Quand on ne

  4   reçoit pas le journal officiel, on ne peut pas être informé comme il se

  5   doit à l'époque les kiosques à journaux étaient fermés. Tous ceux qui

  6   étaient présents à Sarajevo à l'époque peuvent le confirmer je n'aurais pas

  7   été en mesure d'obtenir ces informations il aurait fallu pour cela que je

  8   fasse partie de l'administration du gouvernement.

  9   C'est la raison qui explique pourquoi je n'ai vu cette décision pour la

 10   première fois qu'après la guerre parce que ça m'intéressait je voulais

 11   savoir quels étaient les considérants de cette décision de la cour

 12   constitutionnelle.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [hors micro]

 14   L'INTERPRÈTE : Le Juge Trechsel hors micro.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Perkovic, vous nous dites

 16   si j'en crois le compte rendu d'audience, ligne 7, page 41, je cite :

 17   "Régler ou arranger la réglementation pertinente." Je dois dire que je ne

 18   comprends pas très bien ce que vous entendez par là. Pourriez-vous être un

 19   plus précis ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge, je n'ai pas

 21   compris. En fait, vous me demandez ce que je faisais à Sarajevo pour ce qui

 22   est de l'organisation des réglementations; c'est ça, ou est-ce que vous me

 23   demandez autre chose ?

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, c'est exactement cela. Je cite

 25   encore ce qui a été consigné à ce moment-là au compte rendu d'audience. Ça

 26   commence à la fin de la ligne 5, page 41, je cite : "J'avais pratiquement

 27   rien à faire à Sarajevo pendant deux mois, sauf à organiser les

 28   réglementations qui étaient pertinentes." Voilà ce qu'on peut lire au

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  1   compte rendu d'audience et je vous serais très reconnaissant d'expliquer ce

  2   que cela signifie exactement ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] A mon arrivée à Sarajevo, j'ai passé les deux

  4   premières semaines à essayer avec mes collègues de mettre en place,

  5   d'organiser, d'introduire les modifications des réglementations qui

  6   s'appliquaient alors en Bosnie-Herzégovine et qui portaient sur

  7   l'organisation du système judiciaire en Bosnie-Herzégovine.

  8   J'ai refusé le poste qui m'a été proposé, parce que c'était un poste d'un

  9   échelon bien inférieur, et puis d'autre part, pendant ces semaines-la, je

 10   n'avais pas d'autres obligations parce que c'était impossible de quitter

 11   Sarajevo. Je n'ai eu pratiquement rien à faire dans les deux mois qui ont

 12   suivi, j'espérais trouver un moyen de quitter Sarajevo, si bien que pendant

 13   ces deux mois-là, je n'ai pas travaillé au ministère de l'Administration.

 14   Je n'ai rien fait d'autre. Tout ce que je faisais c'était d'essayer de

 15   trouver le moyen de partir de Sarajevo.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 17   M. BOS : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur Perkovic, penchons-nous sur cette décision, et en particulier

 19   sur la première partie de la décision. Nous avons au départ toute une liste

 20   de décrets qui viennent de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, il y en a

 21   en tout neuf. Ensuite il y a les considérants où il est dit : "Qu'en

 22   juillet 1992, de son propre chef, la Cour constitutionnelle a déclenché la

 23   procédure d'évaluation de la légalité des décisions ou des textes

 24   susmentionnés."

 25   Est-ce que vous voyez cela ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Est-il exact que cette décision repose ou elle concerne neuf décisions

 28   dont l'une c'est la première porte création de la Communauté croate

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  1   d'Herceg-Bosna, le 18 novembre 1991 ? Vous, votre opinion vous l'avez

  2   formulée à partir du premier document uniquement; est-ce que vous

  3   reconnaissez que la Cour constitutionnelle ne s'est pas contentée de

  4   l'analyse de cette première décision mais en fait elle a examiné les huit

  5   décisions suivantes émanant de la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?

  6   Le tribunal constitutionnel s'est prononcé à un moment où la Herceg-Bosna

  7   s'était beaucoup développée si l'on peut dire par rapport au moment où

  8   vous-même, vous aviez formulé votre opinion. Est-ce que vous êtes d'accord

  9   avec moi sur ce point ou pas ?

 10   R.  Nous sommes en train de parler d'une période suivant la mise en place

 11   de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Mais moins d'un an s'était écoulé

 12   depuis. Pendant toute cette période la Communauté croate d'Herceg-Bosna

 13   évoluait ou s'est développée comme on sait, et la qualité des relations au

 14   sein de la HZ HB à l'époque au moment où elle a été examinée par le conseil

 15   ou la Cour constitutionnelle pour ce qui est du 18 novembre et des zones

 16   ultérieures, a beaucoup changé.

 17   Quand on a parlé des zones concernées, de l'organisation, et cetera, on

 18   peut dire qu'en septembre 92 la situation était bien différente de celle

 19   qui existait au moment où le texte fondateur a été adopté. A cette époque-

 20   là, en 1992, la HZ HB s'était attribuée le rôle consistant à défendre les

 21   Croates dans cette zone. 

 22   Q.  Merci, Monsieur Perkovic, je pense qu'on peut passer maintenant à un

 23   autre document.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, Monsieur le Témoin, la Cour

 25   constitutionnelle de l'époque et actuellement, certainement, peut se saisir

 26   de sa propre initiative ou bien doit-elle être saisie par le gouvernement

 27   sur la constitutionnalité d'une loi ou par les partis politiques qui

 28   contesteraient ladite option d'un loi. Au point de vue constitutionnel,

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  1   est-ce que les textes de l'époque permettaient aux juges de cette Cour

  2   constitutionnelle de se saisir eux-mêmes ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] La procédure d'évaluation de la

  4   constitutionnalité devant le tribunal constitutionnel, autant que je m'en

  5   souvienne et autant que je m'en souvienne des dispositions de la

  6   constitution de la Bosnie-Herzégovine, pouvait être déclenchée par les

  7   autorités suprêmes du pays, à savoir notamment le parlement, l'Assemblée de

  8   Bosnie-Herzégovine et le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Le plus

  9   souvent cette procédure a été déclenchée suite à une proposition ou suite à

 10   l'initiative du gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

 11   En ce qui concerne cette décision précise, je voudrais signaler qu'il y a

 12   un nombre de dispositions importantes relatives à la manière dont la Cour

 13   constitutionnelle prend ces décisions; donc tout cela n'a pas été respecté

 14   et surtout en ce qui concerne l'intervention du parti.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- une décision de nature

 16   constitutionnelle alors qu'elle s'était elle même autosaisie. Voilà la

 17   question précise.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Aux termes de la constitution de Bosnie-

 19   Herzégovine, la Cour constitutionnelle pouvait, me semble-t-il, déclencher

 20   la procédure de son propre chef et se prononcer d'eux-mêmes.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 22   M. BOS : [interprétation]

 23   Q.  Bien. Maintenant je vais passer à août 92 et je vais reprendre ce que

 24   vous avez déclaré dans l'affaire Kordic pour voir si ça vous rafraîchit la

 25   mémoire.

 26   Page 20587 de votre déposition du 7 juin 2000 dans l'affaire Kordic, je

 27   vais vous donner lecture du passage qui m'intéresse : "Au début de la

 28   guerre en Bosnie-Herzégovine, on a maintenu des contacts appropriés avec

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  1   les représentants des institutions financières, si bien qu'en août 1992, à

  2   Siroki Brijeg, c'est-à-dire en Communauté croate d'Herceg-Bosna, le premier

  3   ministre de la Bosnie-Herzégovine M. Jure Pelivan et le ministre des

  4   finances du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, M. Mustafa ou Mahmut Logo -

  5   -"

  6    L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent qu'ils n'ont pas le document sous

  7   les yeux.

  8   M. BOS : [interprétation]

  9   Q.  "-- sont venus à Siroki Brijeg. Lors de cette réunion qui a eu lieu à

 10   Siroki Brijeg, il a également été question lors de cette discussion de la

 11   question des appels d'offre, il a été question de la devise officielle

 12   bosniaque. Ils ont montré certains spécimens de ce que pourrait être cette

 13   monnaie de Bosnie-Herzégovine à l'avenir."

 14   Vous souvenez-vous avoir tenu ces propos, Monsieur Perkovic ? Vous

 15   souvenez-vous de cette réunion ?

 16   R.  Oui, je me souviens de la réunion. Je me souviens de la réunion avec M.

 17   Pelivan et avec M. Logo. Cette réunion a eu lieu à Siroki Brijeg, et il y

 18   avait là les représentants croates ou les fonctionnaires croates

 19   représentant diverses institutions qui se trouvaient sur zones. Je me

 20   souviens qu'on a évoqué un certain nombre de questions. M. Pelivan, premier

 21   ministre de la HZ HB, je m'en souviens, nous a montré un spécimen d'un

 22   billet de banque de Bosnie-Herzégovine. Il nous a expliqué que très bientôt

 23   ces billets seraient mis en circulation.

 24   Q.  Vous souvenez-vous qui étaient les représentants de la Communauté

 25   croate d'Herzégovine lors de cette réunion ?

 26   R.  Je me souviens de la présence de certaines personnes qui avaient les --

 27   qui occupaient les positions -- ou les postes correspondant en République

 28   de Bosnie-Herzégovine. Il y avait le chef des services généraux de la

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  1   République, M. Bozo Misura; M. Miroslav Palameta aussi, c'était l'adjoint

  2   du ministre chargé de l'enseignement en Bosnie-Herzégovine; il y avait

  3   aussi Mariofil Ljubic, me semble-t-il, l'adjoint -- ou le vice-président

  4   plutôt du parlement de Bosnie-Herzégovine; il y avait là d'autres personnes

  5   également. Je ne me souviens pas de tout le monde, il y avait un certain

  6   nombre de personnes présentes lors de cette réunion, celles qui avaient les

  7   fonctions qui justifiaient leur participation à Sarajevo.

  8   Q.  Quand M. Pelivan a présenté ce spécimen de nouvelle devise pour la

  9   Bosnie-Herzégovine et a soumis la proposition de mettre cette devise en

 10   circulation, comment ont réagi les autorités d'Herceg-Bosna présentes à la

 11   réunion ?

 12   R.  A la réunion dont il est question, M. Pelivan a dit quelques mots brefs

 13   au sujet de son action et de l'action des autres membres du gouvernement de

 14   la République de Bosnie-Herzégovine. C'est dans le cadre de ces quelques

 15   mots prononcés par lui qu'il a montré le spécimen de cette nouvelle devise

 16   et qu'il a dit ce que j'ai évoqué tout à l'heure, à savoir que l'on se

 17   préparait à mettre en circulation cette nouvelle devise en Bosnie-

 18   Herzégovine.

 19   Mais ce qui était au cœur du débat c'était la volonté de conclure un accord

 20   relatif à la réintégration des Croates dans leurs emplois à Sarajevo ou à

 21   une autre solution de rechange proposée par M. Pelivan en sa qualité de

 22   premier ministre qui défendait l'idée que cette partie de l'administration

 23   de l'Etat pouvait être mutée de Sarajevo à Zenica. Nous avons tous

 24   participé au débat sur cette proposition, nous l'avons soutenue parce que

 25   nous savions que ce serait beaucoup plus simple d'effectuer ce travail à

 26   Zenica plutôt qu'à Sarajevo. Par ailleurs, nous comprenions bien que,

 27   compte tenu de la situation qui prévalait à Sarajevo, il était impossible

 28   de déménager l'ensemble de l'administration parce que cela impliquerait de

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  1   laisser de côté la capitale. Mais nous pensions que cette solution pourrait

  2   être un bon compromis, à savoir que quelques éléments de l'administration

  3   pourraient déménager et travailler désormais à Zenica.

  4   L'ensemble d'entre nous qui étions tous employés dans les organes de la

  5   République à l'époque avons dit à M. Pelivan que nous étions prêts à

  6   reprendre nos postes et à continuer à travailler dans nos anciens emplois

  7   pour peu que ce soit dans un autre lieu si un accord était conclu sur ce

  8   point.

  9   Malheureusement, dix ou 15 jours plus tard - et c'était à la veille de mon

 10   départ pour Sarajevo - j'ai déjà dit que j'étais rentré à Sarajevo en avion

 11   et que dans cet avion se trouvait aussi M. Pelivan. Mais à mon arrivée à

 12   Sarajevo, je me suis rapidement rendu compte qu'il n'y avait guère de bonne

 13   volonté par rapport à la mise en œuvre de la proposition évoquée par le

 14   chef du gouvernement. Donc le seul débat qui a porté sur l'éventuelle mise

 15   en circulation d'une nouvelle devise s'est limitée à ce très court moment

 16   où il a montré le spécimen de cette nouvelle devise.

 17   Mais le premier ministre participait à de nombreuses réunions en Bosnie-

 18   Herzégovine et je n'exclue pas la possibilité que cette même question ait

 19   été discutée à une réunion à laquelle je n'assistais pas.

 20   Q.  Pour préciser ce que vous venez de dire, vous avez indiqué que les

 21   autorités croates de Bosnie avaient bien réagi à la proposition et vous

 22   parliez à ce moment-là de la proposition d'ouverture d'un bureau à Zenica.

 23   Mais ma question portait précisément sur la proposition relative à la mise

 24   en circulation d'une nouvelle devise en Bosnie-Herzégovine.

 25   Alors, en tout cas, moi c'est la façon dont j'ai compris votre

 26   réponse, dites-moi si je me trompe. Mais est-ce que dans votre réponse vous

 27   vouliez également indiquer que la proposition de mise en circulation d'une

 28   nouvelle devise en Bosnie-Herzégovine avait été bien accueillie ? Pourriez-

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  1   vous préciser ?

  2   R.  J'ai dit que la réunion en question était une réunion avec des

  3   représentants du peuple croate de Bosnie-Herzégovine travaillant dans les

  4   organes de la République à Sarajevo. Je n'ai pas parlé des autorités

  5   croates de Bosnie, j'ai parlé simplement des représentants du peuple croate

  6   employés dans des organes de la République à Sarajevo qui assistaient à

  7   cette réunion.

  8   Puisque la mise en circulation d'une nouvelle devise en Bosnie-Herzégovine

  9   n'a pas été discutée, je vous ai dit quels étaient les points à l'ordre du

 10   jour de la réunion dont nous parlons, donc je me répéterai en indiquant que

 11   la proposition évoquée par le premier ministre était que nous pourrions

 12   tous reprendre nos emplois au sein de l'administration pour peu que des

 13   parties de l'administration soient mutées dans la ville de Zenica. Toute la

 14   durée de cette réunion avec nous a été consacrée à discuter des meilleures

 15   conditions pour garantir un bon fonctionnement de l'administration en

 16   dehors de la ville de Sarajevo.

 17   Q.  Excusez-moi si je vous ai mal compris, mais je vais encore vous

 18   demander une précision et j'espère que nous pourrons nous limiter à cela.

 19   Donc cette réunion n'a pas été une réunion avec des membres de la

 20   Communauté croate, mais avec tous les Croates qui travaillaient dans

 21   l'administration de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo et ce sont ces salariés

 22   de l'administration qui se sont réunis à Siroki Brijeg. Est-ce que j'ai

 23   bien compris ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Passons maintenant --

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Avant de passer à autre chose, Monsieur le

 27   Président, je tiens à souligner que le témoin a expliqué cela plus en

 28   détail dans sa déposition dans l'affaire Kordic. L'Accusation a donné

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  1   lecture des lignes 3 à 16 de la page 20 587, mais le témoin avait poursuivi

  2   son explication à l'époque en disant que la devise n'était pas entrée en

  3   circulation, mais que des coupons avaient été utilisés en lieu et place de

  4   cette devise ainsi, bien sûr, que les marks allemands. Donc j'estime que

  5   l'intégralité de cette partie de la déposition du témoin dans l'affaire

  6   Kordic devrait être versée en tant qu'élément de preuve ici ou, en tout

  7   cas, que le témoin devrait se voir accorder la possibilité d'ajouter des

  8   détails à ce qu'il vient dire pour que sa réponse soit complète par rapport

  9   à la question posée. Je dis cela parce que dans le cas contraire on

 10   pourrait avoir l'impression que le gouvernement de Sarajevo se désintègre

 11   et qu'il commence à parler d'une nouvelle devise et que les Croates de la

 12   Communauté croate d'Herceg-Bosna utiliseraient une autre devise, ce qui

 13   laisserait à penser que cette idée a été mise de côté par les Croates de la

 14   Communauté croate alors qu'en fait, le dinar bosniaque n'est jamais entré

 15   en circulation.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Perkovic, vous avez indiqué les éléments

 17   que Me Karnavas vient de rappeler ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ce qui est un fait c'est que cette devise

 19   n'a jamais été utilisée pas même dans les espaces qui étaient sous le

 20   contrôle de l'ABiH.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Bos.

 22   M. BOS : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Perkovic, nous allons maintenant encore une fois changer de

 24   sujet. Lundi, vous avez dit dans votre déposition que le HVO devait être

 25   considéré comme une nécessité ou en tout cas comme une alternative par

 26   rapport aux institutions étatiques de Bosnie-Herzégovine qui avaient cessé

 27   de fonctionner correctement dans la région d'Herceg-Bosna. Vous vous

 28   rappelez avoir dit cela, lundi ?

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  1   R.  Oui, je me souviens.

  2   Q.  Vous rappelez-vous que le gouvernement de Bosnie-Herzégovine a adopté

  3   un décret aux environs du 22 août, décret visant à la création d'un système

  4   régional censé contrôler ou régir l'intégralité du territoire de Bosnie-

  5   Herzégovine en temps de guerre. Vous rappelez-vous que le gouvernement de

  6   Bosnie-Herzégovine a proposé un projet de décret destiné à mettre en place

  7   des districts en Bosnie-Herzégovine ?

  8   R.  Oui, je sais que ce décret a été adopté.

  9   Q.  Peut-être pourrions-nous examiner le texte de ce décret, il s'agit de

 10   la pièce 1D 00509.

 11   R.  Pourriez-vous m'aider en me disant dans quelle partie du classeur se

 12   trouve ce document.

 13   Q.  Sans doute dans les derniers documents du classeur, 1D 00509, M.

 14   l'Huissier va vous aider à retrouver ce document. Nous voyons que ce

 15   document porte la date du 13 août 1993 et que son intitulé est, décret

 16   ayant force de loi relatif à la création et au travail des districts. Je

 17   donne lecture de l'article 1, je cite : "Par le biais du présent décret,

 18   des districts sont créés en tant que communauté sociopolitique particulière

 19   en vue de fonctionner durant l'état de guerre (le mot utilisé désormais

 20   dans le texte sera district) et de leur donner un nom, de définir leurs

 21   centres, leurs territoires, leurs droits et leurs devoirs, leurs modes

 22   d'organisation et leurs compétences et ce pour les organismes des districts

 23   et autres instances exécutives et bureaux de district dans le cadre de

 24   l'organisation et de la préparation des citoyens à la lutte armée sur le

 25   territoire d'un district donné ainsi que dans le cadre d'une autre question

 26   d'intérêt pour l'organisation et la détermination du travail à accomplir

 27   par les districts."

 28   Alors vous avez dit que vous aviez eu ce décret sous les yeux; est-il exact

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  1   qu'en octobre 1992, un amendement a été apporté à ce décret parce que si

  2   nous lisons l'article 6 du présent texte, nous voyons que la création de

  3   sept districts est prévue. En octobre 1992, il y a eu réorganisation et le

  4   nombre des districts a été porté à dix. Si vous regardez l'avant-dernière

  5   page du document, vous y trouverez les amendements annexés à ce décret.

  6   R.  Oui, c'est exact. Le décret d'octobre 1992 a amendé le texte original

  7   du présent décret.

  8   Q.  Maintenant, si nous consultons la liste des dix districts, nous voyons

  9   au regard du numéro 4 qu'il est fait mention du district de Mostar et, au

 10   regard du numéro 10, nous trouvons le district de Livno. Conviendriez-vous

 11   que les municipalités énumérées pour ces deux districts ne recouvrent pas

 12   une grande partie de l'espace qui était couvert par la Communauté croate

 13   d'Herceg-Bosna ?

 14   R.  Je parle du district de Livno, c'est le plus petit et dans le cadre de

 15   la Communauté croate d'Herceg-Bosna, il n'y avait pas l'espace de la

 16   municipalité de Glamoc. Donc maintenant, si nous regardons ce qu'il en est

 17   du district de Mostar, nous voyons que toutes les municipalités situées

 18   dans ce qu'il est convenu d'appeler l'Herzégovine orientale, à savoir

 19   Bileca, Gacko, Ljubinje, Nevesinje et Trebinje, pour Trebinje, cela ne

 20   recouvre pas Ravno, donc toutes ces localités ne faisaient pas partie de la

 21   Communauté croate d'Herceg-Bosna.

 22   Q.  Très bien. C'est ce que nous pouvons constater à la lecture du

 23   document. Conviendriez-vous avec moi, Monsieur le Témoin, que ce décret

 24   adopté par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine démontre de sa part une

 25   tentative sérieuse pour assurer le contrôle et gouverner sur tout le

 26   territoire de la Bosnie-Herzégovine en temps de guerre ?

 27   R.  Je suis profondément convaincu que sur le fond ceci constitue une

 28   tentative anticonstitutionnelle de la part du gouvernement de Bosnie-

Page 31926

  1   Herzégovine, car la question de la structure interne de la Bosnie-

  2   Herzégovine et la question du nombre de communautés sociopolitiques ou en

  3   tout cas de leur niveau, relève de la constitution de la République de

  4   Bosnie-Herzégovine. Je considère que le gouvernement ne pouvait pas par un

  5   acte législatif ayant force de loi, changer de cette façon la structure

  6   interne du pouvoir en Bosnie-Herzégovine.

  7   Disant cela, je reviens à la question dont nous avons débattu avant la

  8   pause. Car je considère que la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine

  9   de son plein gré ou sur proposition des organes compétents aurait dû réagir

 10   comme elle a réagi suite aux décisions prises par la Communauté croate

 11   d'Herceg-Bosna, si son intention réelle était bien de défendre la

 12   constitution de la République de Bosnie-Herzégovine.

 13   Q.  Très bien. C'est votre avis. Je vais vous inviter à présent à examiner

 14   le document de la Défense 1D 02565, c'est un document du 23 février 1993.

 15   C'est un document dont je vois que vous recherchez, peut-être pourrait-on

 16   vous aider, c'est le document 1D 02565.

 17   A la fin du classeur, vous avez le document et vous pouvez voir que les

 18   deux premières pages sont des lettres --

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 20   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Monsieur le Président, si ce dont

 21   je vais parler n'est pas urgent, interrompez-moi, mais je n'ai pas reçu les

 22   documents de l'Accusation à l'avance, donc c'est seulement maintenant que

 23   je suis parvenu à lire le document que nous avons examiné à l'instant, à

 24   savoir le document 1D 00509.

 25   Je viens de lire en détail les articles 1 et 3 dans la version en

 26   B/C/S, donc en langue croate, et j'ai constaté que, en anglais, les mots

 27   "podrucje" et "teritorija" sont traduits par un seul et même mot, à savoir

 28   par le mot anglais "territory."

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  1   Ceci est particulièrement important à l'article 1 et à l'article 3,

  2   paragraphe 3, parce que nous voyons que la même distinction que celle que

  3   l'on trouvait dans les documents de la Communauté croate d'Herceg-Bosna

  4   était faite dans les documents originaux.

  5   Il serait préférable peut-être que le témoin donne lecture du texte

  6   de ces articles 1 et 3 en langue croate. C'est un document officiel de

  7   Bosnie-Herzégovine et la distinction est visible. C'est la raison pour

  8   laquelle je pensais que c'était une bonne idée de faire préciser.

  9   M. BOS : [interprétation] Je vais le faire en question supplémentaire.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce qu'il y a une décision à ce sujet ?

 11   M. BOS : [aucune interprétation]

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vois que les Juges opinent du chef, mais

 13   est-ce qu'il y a une décision ? Parce que c'est une objection et je pense

 14   que les Juges doivent se pencher là-dessus.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est une objection. Ce que je voulais dire c'est

 16   que, pendant la pause, je me suis plongé dans le dictionnaire serbo-croate

 17   anglais, le Benson [phon], paru aux éditions de Cambridge, et ce

 18   dictionnaire auquel je vous convie de vous référer puisque c'est avec ce

 19   dictionnaire qu'on travaille ici. Concernant la traduction du mot

 20   "podrucje," en anglais, il y a trois termes : territory, region, area.

 21   Voilà, donc les trois termes anglais sont utilisés pour traduire

 22   "podrucje."

 23   Alors Me Tomic vient de nous dire que ça a été traduit en anglais en

 24   "territory," ça ne m'étonne pas puisque le dictionnaire le dit. Bon, voilà.

 25   Alors ce que l'on peut faire, et je demanderai à mes collègues, c'est qu'on

 26   saisisse nous le service de Traduction de ce Tribunal où il y a des gens

 27   éminents qui nous donneront une traduction la plus exacte possible de ce

 28   terme. Car on risque de continuer pendant des heures, mon collègue va

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  1   intervenir, M. Bos va revenir là-dessus, Me Karnavas ou X, Y ou Z et ça va

  2   durer des jours. Alors il y a un service compétent qui est le CLSS, c'est à

  3   lui de répondre à cela. Voilà.

  4   Par contre, si la Défense estime que c'est fondamental, capital, et que

  5   tout le procès est basé sur ce terme, vous avez toujours la possibilité de

  6   faire venir un témoin linguistique qui viendra pendant des heures et des

  7   heures, des jours et des jours, nous parler de cela.

  8   Bien, on passe à la suite, Monsieur Bos.

  9   M. BOS : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 10   Q.  Monsieur Perkovic, je vois que vous avez à présent le document. Vous

 11   pouvez voir que les deux premières pages sont des notes de couvertures du

 12   document qui se trouve à la troisième page.

 13   La première lettre est adressée à M. Demirovic; la deuxième lettre à M.

 14   Pasalic, commandant du 4e Corps, et copie est envoyée au CSB, M. Ramo

 15   Maslesa et M. Jadranko Prlic, en tant que représentants du gouvernement --

 16   R.  Oui.

 17   Q.  -- de Bosnie-Herzégovine.

 18   Est-ce que vous le voyez ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Je voudrais à présent attirer votre attention sur le document qui

 21   figure à la troisième page, document émanant du gouvernement de la

 22   République de Bosnie-Herzégovine sur la création des districts de -- de

 23   Mostar et de Livno.

 24   C'est un document important pour l'Accusation, je vais donc en lire un long

 25   passage. Ça prendra un certain temps, mais je pense toutefois qu'il est

 26   important que cela figure au compte rendu d'audience. Je vais commencer par

 27   donner lecture du deuxième paragraphe de ce document. Vous pouvez suivre

 28   sur l'exemplaire papier : "Selon les dernières informations…" et c'est un

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  1   document du 25 février 1993, au deuxième paragraphe :

  2   "Selon des dernières informations provenant des districts en date du 25

  3   février 1993, les organes des districts ont été créés dans les districts

  4   suivants : Bihac, Gorazde, Tuzla et Zenica; à Banja Luka, Doboj, Sarajevo

  5   et Travnik. Dans ces districts, des commissions de la République ont été

  6   créées et ces commissions exercent les fonctions de la présidence de ces

  7   districts.

  8   "Le district de Mostar pour les territoires des municipalités suivantes" -

  9   et je ne vais pas donner lecture de la totalité de ces municipalités - "et

 10   le district de Livno pour les territoires des municipalités suivantes… ne

 11   sont pas encore en fonctionnement."

 12   Troisième paragraphe, que je vais lire intégralement : "Pour des motifs

 13   bien connus qui sont d'ordre politique qui ont trait à la création de ce

 14   qu'il est convenu d'appeler les autorités de 'l'Herceg-Bosna,' la création

 15   des districts de Livno et de Mostar ne s'est pas faite immédiatement

 16   conformément au droit positif de la République de Bosnie-Herzégovine au

 17   droit matériel.

 18   "Toutefois, le gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine, aux

 19   fins de la création de ces districts, a adressé une lettre à M. Mate Boban

 20   le 29 septembre 1992 dans laquelle, lorsqu'il traite de la création de ces

 21   districts, il est dit ce qui suit, notamment : 'Au début de la guerre, dans

 22   une situation très complexe à Mostar et à Livno, les organes temporaires de

 23   la Herceg-Bosna ont été créés.' L'accord entre la République de Croatie et

 24   la République de Bosnie-Herzégovine du 1er juillet 1992 stipule que les

 25   autorités temporaires de la Herceg-Bosna seront mises en conformité avec la

 26   législation de la République de Bosnie-Herzégovine. Nous proposons donc

 27   que, aux fins de l'harmonisation de la pratique en matière

 28   organisationnelle des organes de guerre sur tout le territoire de la

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  1   République de Bosnie-Herzégovine, vous devriez entamer le processus

  2   consistant à renommer les organes temporaires d'Herceg-Bosna pour les

  3   régions de Mostar et Livno pour leur donner le nom d'organes de districts

  4   de Mostar et de Livno, relativement ces districts conformément au décret

  5   susmentionné. Simultanément, il est demandé à Mate Boban dans cette lettre

  6   de proposer des candidats pour les hautes fonctions dans ces districts."

  7   Est-ce que vous vous souvenez, à cette époque-là en 1993 -- février 1993,

  8   que le gouvernement de Bosnie-Herzégovine proposait que l'on procède à la

  9   création de ces districts de Livno et Mostar à laquelle ils n'y avaient pas

 10   encore été procédés ?

 11   R.  A cette époque-là, je n'ai pas été informé de très près de tout ce qui

 12   s'est passé en la matière; mais d'une certaine façon j'ai été vaguement

 13   informé de cette initiative quelque temps plus tard. Donc je peux, par

 14   exemple, dire que cette initiative de création des districts j'en ai eu

 15   connaissance peut-être pas immédiatement mais peu de temps après, oui.

 16   Q.  Quand en avez-vous entendu parler et dans quelle circonstance, est-ce

 17   que vous pourriez préciser ?

 18   R.  Je l'ai appris un mois ou deux sans doute après le lancement de cette

 19   initiative et je l'ai appris dans le cadre des renseignements que nous

 20   recevions au sujet de la diversité des positions exprimées. Quant à la

 21   structuration interne de la Bosnie-Herzégovine, un jour durant une réunion

 22   qui portait sur ce sujet, le débat portait donc sur la structuration

 23   interne de la Bosnie-Herzégovine, et tous ces débats avaient un lien étroit

 24   avec les plans de paix qui ne cessaient de succéder.

 25   Donc durant l'une de ces réunions on nous a informés que les Musulmans de

 26   Bosnie situaient toute cette question dans le cadre de la nécessité de

 27   créer des structures de districts, qui seraient donc une structuration

 28   régionale des communautés sociopolitiques, une telle solution aurait

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  1   signifié la poursuite d'une décentralisation insuffisante pour les organes

  2   du gouvernement.

  3   Q.  Si l'on se penche sur le texte, il y est fait référence à un accord

  4   entre la République de Croatie et la République de Bosnie-Herzégovine, en

  5   date du 1er juillet 1992. Nous avons essayé de retrouver cet accord, et je

  6   pense que cet accord est en réalité l'accord du 21 juillet 1992. Je

  7   voudrais vous soumettre ce document qui porte la référence P 00339, c'est

  8   l'accord d'entente et de coopération signé ce jour-là.

  9   M. BOS : [interprétation] Je vous prierais, de prendre ce document qui

 10   figure également dans le classeur, je répète la référence, P 00339.

 11   Q.  Monsieur Perkovic, vous vous souvenez qu'aux alentours du 21 juillet

 12   1992, cet accord a été signé par MM. Izetbegovic et Franjo Tudjman, accord

 13   portant sur entente et coopération ?

 14   R.  S'il y a bénéficié d'une grande intention des médias, donc pratiquement

 15   tous les habitants de Bosnie-Herzégovine qui écoutaient la radio ou la

 16   télévision croate ont pu savoir qu'un accord d'amitié ou d'entente et de

 17   coopération a été conclu entre les deux pays. Un peu plus tard, j'ai eu

 18   l'occasion d'examiner le texte de cet accord, c'était sans doute dix jours

 19   après que l'accord a été conclu.

 20   Q.  Je voudrais attirer votre attention sur le point 6 de c'était accord,

 21   et en particulier la deuxième partie de ce point 6; et je vais donner

 22   lecture de ce passage : "Les autorités civiles provisoires créent en

 23   situation de guerre tant les compétences du Conseil de la Défense croate

 24   seront mises en conformité le plus rapidement possible avec le système ou

 25   l'ordre juridique constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine, et des

 26   négociations à ce sujet seront ouvertes immédiatement dans l'esprit des

 27   principes figurant au point 1."

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait lui demander

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  1   effectivement -- permettre au témoin de prendre connaissance du point 1

  2   puisqu'il y est fait référence au point 1 ?

  3   M. BOS : [interprétation] Effectivement.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Voilà. Merci.

  5   M. BOS : [interprétation]

  6   Q.  Je vais donner lecture du point également. Je donne lecture : "Le

  7   président de la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine et le

  8   président de la République de Croatie ont convenu que le système étatique

  9   futur de la Bosnie-Herzégovine sera fondé sur le principe d'égalité pleine

 10   et entière des trois nations constituantes : Musulmans, Croates, et Serbes.

 11   Le système politique et constitutionnel du pays sera basé sur des unités

 12   constituantes et pour la création de ces unités on le respectera, ou on

 13   tiendra compte d'éléments nationaux, historique, culturel, économique, et

 14   au trafic."

 15   Est-ce que vous êtes d'accord, comme on le dit au point 6, que le point 6

 16   de la Bosnie-Herzégovine insistait au sujet de la création de district de

 17   Mostar et de Livno, et à ce sujet, il existait un accord entre M. Tudjman

 18   et M. Izetbegovic sur la création de ces districts ?

 19   R.  Monsieur le Substitut, je suis dans l'incapacité de me dire d'accord

 20   avec ce que vous venez d'affirmer pour plusieurs raisons, et je ne vais en

 21   aborder que quelques-unes.

 22   Les présidents de ces deux pays, comme nous le voyons dans ce texte, se

 23   sont entendus sur le fait que l'organisation politique ou constitutionnelle

 24   du pays reposerait sur la prise en compte des unités constitutives. Il est

 25   tout à fait clair que les pouvoirs octroyés aux districts n'ont rien à voir

 26   avec des unités constitutives parce que la définition d'une unité

 27   constitutive implique la modalité de prise des décisions qui doit reposer

 28   peu sur un consensus et respecter la constitution.

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  1   Deuxièmement, il est très rare que la question de la définition d'une

  2   communauté sociopolitique soit examinée par des organismes chargés de la

  3   défense. A la lecture des documents que vous m'avez soumis, nous voyons que

  4   le ministre de la Défense s'adresse au gouvernement de Bosnie-Herzégovine;

  5   alors que ce genre de question ne relève absolument pas des compétences et

  6   des attributions de son ministère.

  7   Ce qui est encore plus inhabituel c'est que, dans le deuxième

  8   document que vous m'avez soumis, on voit que la question des voies de

  9   communication, donc des routes, est réglée par l'entremise du service

 10   chargé de la Sécurité de l'Etat, ce qui me surprend tout particulièrement.

 11   En effet, les documents que vous m'avez soumis permettent de penser qu'ils

 12   ont été adressés à M. Prlic et à M. Boban. Or, nous savons qu'à l'époque et

 13   depuis plusieurs mois déjà, c'est ce que démontrent les décisions de la

 14   Cour constitutionnelle que vous m'avez soumises il y a quelques instants,

 15   la communauté -- la Communauté croate d'Herceg-Bosna était une entité

 16   anticonstitutionnelle.

 17   Par conséquent, je ne vois pas sur quoi les organismes dont nous parlons

 18   ici pouvaient se fonder pour communiquer avec M. Prlic et M. Boban. Est-ce

 19   qu'ils communiquaient avec eux, en leur qualité de citoyens de la Bosnie-

 20   Herzégovine parce qu'ils n'occupaient plus aucune position politique au

 21   sein de la Communauté croate d'Herceg-Bosna ? En même temps, dans la zone

 22   habitée par des Croates qui occupaient certaines positions -- certains

 23   postes, qui avaient certains pouvoirs au sein de la république.

 24   A la lecture des documents qui viennent de m'être soumis, nous voyons

 25   très clairement qu'il n'y avait ni intention, ni volonté de trouver une

 26   solution quant à la structuration interne de la Bosnie-Herzégovine dans le

 27   cadre d'un consensus entre les Croates et les Musulmans de Bosnie avec

 28   respect du principe d'égalité qui était le seul -- le seul principe

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  1   acceptable pour les populations et qui aurait permis une adaptation ou un

  2   héritage des organes de la Communauté croate d'Herceg-Bosna dans le cadre

  3   de l'accord signé par MM. Izetbegovic et Tudjman.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, si j'ai bien compris ce que vous

  5   avez dit, vous avez dit que les trois peuples constitutifs appellent que

  6   les décisions doivent être prises par consensus.

  7   Alors en vous écoutant quand vous dites ça, est-ce à dire que les décisions

  8   au niveau de la Bosnie-Herzégovine devaient automatiquement avoir l'accord

  9   des Croates, des Serbes et des Musulmans alors même que sur certains sujets

 10   il pouvait y avoir des oppositions, ce qui aurait entraîné la paralysie de

 11   l'Etat ? Alors est-ce ça que vous avez voulu dire, à savoir que tout ce qui

 12   devait sortir de la présidence de la Bosnie-Herzégovine ou du corps

 13   législatif devait avoir l'approbation unanime des trois composantes :

 14   musulmane, serbe et croate ? Pouvez-vous développer ce point que vous avez

 15   évoqué dans votre réponse, mais qui portait sur d'autres éléments ?

 16   Mais, moi, mon attention a été attirée par cela parce qu'en vous écoutant,

 17   je me suis dit pour peu qu'une des composantes ne soit pas d'accord, ça

 18   bloque tout le système. Alors est-ce cela que vous avez voulu dire ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président de la Chambre de

 20   première instance, dans ma réponse, je n'ai évoqué aucun nombre d'unités

 21   constitutives. J'ai parlé d'unités constitutives dont le nombre était

 22   indéterminé. Donc il pourrait y en avoir 5, 7, 10 ou autre.

 23   Ce dont j'ai parlé c'est d'un principe fondamental, et le principe

 24   fondamental c'est que s'agissant de déterminer quelle sera la structuration

 25   interne d'un pays, notamment lorsque ce pays est multiethnique et c'est

 26   bien le cas de la Bosnie-Herzégovine dans laquelle vivent plusieurs peuples

 27   constitutifs et qui a donc ces unités constitutives, il faut qu'il y ait un

 28   accord reposant sur le consensus. Grâce à un tel consensus, grâce à un tel

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  1   accord, on détermine les modalités qui peuvent donner lieu à adoption d'une

  2   décision.

  3   Aujourd'hui, nous avons un tel système au niveau du gouvernement de la

  4   Bosnie-Herzégovine, et prendre une décision dans ces conditions requiert

  5   parfois beaucoup plus de temps, mais à mon avis, cela permet le respect

  6   d'un principe constitutionnel en vigueur aujourd'hui en Bosnie-Herzégovine,

  7   à savoir l'égalité en droit des unités constitutives de la Bosnie-

  8   Herzégovine.

  9   Il est tout à fait clair qu'à partir de la façon dont les districts en

 10   question étaient créés et à partir de la décision prise quant au nombre de

 11   ces districts, quant aux modalités dans lesquelles ces districts seraient

 12   mis en place et quant aux pouvoirs octroyés à ces districts, il était tout

 13   à fait clair qu'à l'époque, toutes les décisions étaient déjà prises sur

 14   ces points-là. La partie croate était pratiquement priée de simplement

 15   donner son aval à ce qui était déjà fait à l'avance. la carotte proposée

 16   aux Croates c'était que l'on prévoyait d'autoriser M. Boban ou M. Prlic, je

 17   ne me souviens plus très bien, de présenter des candidatures pour un

 18   certain nombre de cadres dans des postes qu'il était prévu de donner à des

 19   citoyens d'appartenance ethnique croate à la tête de ces districts.

 20   Une telle démarche est tout à fait contraire aux intentions et à l'esprit

 21   de l'accord Izetbegovic-Tudjman sur l'amitié et contraire notamment à

 22   l'article 1 dont nous venons de donner lecture.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 24   M. BOS : [interprétation]

 25   Q.  En ce qui concerne ce sujet, je voudrais vous soumettre un document

 26   supplémentaire, 1D 01972, une pièce de la Défense qui se trouve à la fin de

 27   votre classeur également. Vous avez cette lettre ? Elle ne porte pas de

 28   date, mais c'est une lettre signée par M. Prlic adressée à M. Zlatko

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  1   Lagumdzija, vice-président de la République de Bosnie-Herzégovine, qui

  2   commence comme suit : "Dans votre lettre sans chiffre du 3 mars 1993, vous

  3   me notifiez les conclusions du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine en ce

  4   qui concerne la création et la concrétisation des districts de Mostar et

  5   Livno."

  6   Est-ce que vous conviendrez avec moi pour dire que cette lettre de M. Prlic

  7   est une réaction au document que nous venons d'examiner ?

  8   R.  Cette lettre ne comporte aucune date d'envoi.

  9   Q.  [aucune interprétation]

 10   R.  Mais on pourrait conclure que cette lettre constitue une réponse au

 11   document précédent, bien que dans les documents précédents je n'ai pas vu,

 12   en tout cas je n'ai pas remarqué, que M. Lagumdzija, en sa qualité de vice-

 13   président du gouvernement, ait envoyé une quelconque lettre à M. Prlic. Il

 14   a envoyé une lettre à une tierce personne avec volonté de faire suivre.

 15   Mais enfin, je crois que l'on peut considérer que c'est une réponse aux

 16   documents précédents.

 17   Mais je vois aussi que cette lettre n'est pas signée, donc je ne sais pas

 18   si ce texte est un document en bonne et due forme. Monsieur le Substitut,

 19   nous n'y voyons pas de date, pas de signature, nous n'y voyons aucun en-

 20   tête, donc j'aurai les plus grandes difficultés à dire si ceci est bel et

 21   bien une lettre adressée à M. Prlic ou même si c'est -- cette lettre a été

 22   envoyée.

 23   Q.  Monsieur Perkovic, c'est une pièce présentée par la Défense et, de ce

 24   fait, on pourrait ne pas mettre en doute l'authenticité de cette lettre.

 25   Mais pour ce qui est du contenu, du fond de la lettre, est-ce que

 26   vous êtes d'accord avec la réaction qu'exprime M. Prlic dans ladite lettre

 27   ?

 28   R.  Il ressort manifestement de la lecture de cette lettre, si on part du

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  1   principe qu'elle a été envoyée à son destinataire, on voit que M. Prlic

  2   aborde un aspect du problème qui me semble particulièrement important et

  3   dont j'ai déjà parlé également d'ailleurs. On trouve cela au point 4 de la

  4   lettre, dans laquelle on peut lire, je cite : "Que la création des

  5   districts de Mostar et de Livno ne s'est pas faite dans les conditions

  6   prescrites par la constitution de la communauté croate d'Herceg-Bosna ou

  7   dans tout autre texte officiel signé à l'issue des pourparlers de paix

  8   entre les délégations musulmanes et croates à Genève et à New York."

  9   La constitution de Bosnie-Herzégovine, ça c'est une certitude n'a été

 10   signée ni à Genève ni à New York. Donc je suppose qu'il s'agit d'autres

 11   documents.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, page 64, ligne 12, le

 13   témoin a parlé de la constitution de Bosnie-Herzégovine et non de la

 14   constitution de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Ligne 12, vous verrez.

 15   Nous savons tous que la communauté croate d'Herceg-Bosna n'avait pas de

 16   constitution.

 17   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète française : Toutes ses excuses pour

 18   cette erreur qui était un lapsus.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 20   M. BOS : [interprétation]

 21   Q.  Une question au sujet de cette lettre, Monsieur Perkovic, comment

 22   pensez-vous qu'une telle lettre puisse être arrivée à Sarajevo, c'était aux

 23   alentours de mars 1993 que cette lettre a été envoyée à M. Lagumdzija.

 24   R.  Il y avait plusieurs possibilités. Il est possible qu'elle ait été

 25   expédiée après une demande faite auprès des représentants de la communauté

 26   internationale. Je veux parler de la FORPRONU qui eux avaient de plus

 27   grande liberté de circulation sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 28   Une autre possibilité c'est qu'elle ait été envoyée à l'ambassade de

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  1   Bosnie-Herzégovine à Zagreb, par exemple, ou à une ambassade de Bosnie-

  2   Herzégovine dans un autre pays du monde. Une troisième possibilité, c'est

  3   qu'elle ait été envoyée à l'un ou l'autre des responsables d'un organe de

  4   la République qui se trouvait dans la région parce que M. Lagumdzija ou M.

  5   Demirovic devait souvent envoyer d'autres documents aussi à leurs

  6   responsables et ils avaient l'habitude d'envoyer des documents à des hommes

  7   à eux qui ensuite les faisaient suivre à M. Boban.

  8   Autrement dit, il y a toute sorte de mécanismes, circulaires ou

  9   autres qui pouvaient être utilisés pour faire parvenir une lettre de

 10   Sarajevo à Mostar ou vice-versa.

 11   M. BOS : [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : -- pause, ce sera la dernière pause de la

 13   matinée, donc on va faire une pause et je demanderais à M. le Greffier,

 14   pendant la pause, de nous faire le décompte du temps.

 15   --- L'audience est suspendue à 12 heures 22.

 16   --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 18   Monsieur Bos, vous avez la parole.

 19   M. BOS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 20   Juges.

 21   Q.  Monsieur le Témoin, j'aimerais que vous consultiez un autre document

 22   dans le classeur, ça se trouve à la fin de votre classeur, 1D 02018.

 23   Document du 3 juillet 1992, un décret relatif aux entreprises publiques

 24   dans la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Je vais donner lecture de

 25   l'article 1 : "Dans l'intérêt du développement socio-économique et de la

 26   protection de la nature et des ressources naturelles du peuple croate et

 27   des autres peuples dans la Communauté croate d'Herceg-Bosna, la présidence

 28   de la Communauté croate d'Herceg-Bosna a adopté un décret établissant des

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  1   entreprises publiques dans les domaines d'activités suivants" - suit toute

  2   une liste d'activités : "Production, transmission, distribution

  3   d'électricité… gestion des eaux… forêts… mines… services postaux…

  4   téléphone, télégraphe… transport ferroviaire… transport routier… journal

  5   officiel de la Communauté croate d'Herceg-Bosna… informations, radio,

  6   télévision… et industrie spécialisée."

  7   S'agissant de ce dernier point, (j), que recouvre-t-il exactement ? De quel

  8   type d'industrie s'agit-il ?

  9   R.  [hors micro] 

 10   Q.  Il faut que vous allumiez votre micro, Monsieur le Témoin.

 11   R.  Sous ce terme "industrie spéciale," il disait : on entend

 12   essentiellement les industries de l'armement militaire, fabrication

 13   d'armes, d'équipement nécessaire pour les forces armées et important pour

 14   les forces armées.

 15   Q.  Il est dit à la première ligne que ce décret porte établissement aux

 16   créations de ces entreprises publiques; est-ce que cela signifie que ces

 17   entreprises ont été véritablement établies, ou est-ce que ça veut dire que

 18   ces entreprises elles existaient déjà et puis qu'on en a pris le contrôle ?

 19   Comment faut-il entendre ce paragraphe ?

 20   R.  L'autre terme synonyme de "utemeljiti," "établir," c'est "osnavati,"

 21   qui veut dire "créer" "fonder." En d'autres termes, ce décret détermine les

 22   domaines dans lesquels ces entreprises publiques doivent être établies. Ce

 23   qui en découle c'est l'obligation de préparer les documents portant

 24   création, fondation de ces entreprises publiques qui doivent être déposées

 25   auprès des greffes des tribunaux compétents.

 26   Q.  Alors est-ce que ça veut dire que ces entreprises elles existaient déjà

 27   avant, ou est-ce qu'elles n'existaient pas du tout ? Prenons, par exemple,

 28   les activités de gestion des eaux, l'entreprise publique dont il est

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  1   question, est-ce qu'elle va être créée de toute pièce, ou est-ce qu'elle

  2   existait déjà, elle existait déjà mais c'est la Communauté croate d'Herceg-

  3   Bosna qui en prend le contrôle ?

  4   R.  Cela signifie que vous allez avoir une nouvelle entreprise qui est

  5   établie en tant qu'entité juridique et qui est enregistrée en tant que

  6   telle au Greffe du tribunal; donc c'est une nouvelle entreprise publique

  7   qui est établie.

  8   Q.  Vous parlez d'une entité juridique, une personne morale, est-ce que ça

  9   veut dire que cette entreprise elle n'existait pas du tout, qui n'avait pas

 10   d'employé, il n'y avait pas de bâtiment, il n'y avait pas d'installation,

 11   il n'y avait rien, il a fallu tout créer à partir de rien, ou est-ce que

 12   vous êtes en train de nous dire que du point de vue juridique on en a pris

 13   le contrôle ou on les a établies ou créées ces entreprises du point de vue

 14   juridique ?

 15   R.  D'après les réglementations en vigueur en République de Bosnie-

 16   Herzégovine, qui s'appliquaient à l'époque toutes les communautés

 17   sociopolitiques et toutes les autorités, pouvaient mettre en place des

 18   entreprises publiques. Il y a des municipalités qui ont pu établir des

 19   sociétés publiques jusqu'au niveau de la république.

 20   En l'occurrence ici, nous avons les autorités de la Communauté croate

 21   d'Herceg-Bosna qui établissent un règlement ou mettent en place les

 22   réglementations permettant ou créant le cadre juridique permettant

 23   l'établissement de ces entités juridiques. En d'autres termes, la création

 24   de ces entreprises en tant que nouvelles entités juridiques ne signifient

 25   pas pour autant que l'existence des entreprises publiques qui existaient

 26   est annulée.

 27   Prenons l'exemple d'une société productrice d'électricité. Si la compagnie

 28   Elektroprivreda a été mise en place, ça ne signifie pas pour autant que

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  1   l'entreprise qui produisait de l'électricité en Bosnie n'existait plus,

  2   donc ce qui a été mis en place c'était une nouvelle personne morale, une

  3   nouvelle entité juridique.

  4   Q.  Est-ce que vous êtes en train de nous dire que la Communauté croate

  5   d'Herceg-Bosna, au point 1, a créé de nouvelles entités à côté des

  6   entreprises existantes dans tous ces domaines, production d'électricité,

  7   gestion des eaux, et cetera ? Est-ce que vous êtes en train de nous dire

  8   que les entreprises correspondantes au niveau de la Bosnie-Herzégovine ont

  9   continué à exister et que la Communauté croate d'Herceg-Bosna parallèlement

 10   a mis en place de nouvelles sociétés de services publics ?

 11   R.  Oui, c'est tout à fait ça.

 12   Q.  Ceci pour tous les domaines d'activités qui sont énumérés ici, n'est-ce

 13   pas

 14   R.  Au terme de ce décret, on rend possible la mise en place de sociétés

 15   publiques dans tous ces domaines d'activités. Dans certains cas, les

 16   entreprises concernées ont été mises en place très vite, et puis il y a des

 17   domaines où je n'ai pas connaissance qu'on n'est jamais fondé une

 18   entreprise publique. Je sais, par exemple, qu'on a mis en place la société

 19   Elektroprivreda, société de production d'électricité de l'Herceg-Bosna.

 20   Mais je n'ai pas connaissance que l'on ait créé une société de production

 21   d'exploitation minière, comme c'est indiqué ici, ni que ça a été le cas non

 22   plus dans le domaine de l'information. A ma connaissance, la télévision de

 23   la HZ HB, elle n'a jamais vu le jour, elle n'a jamais fonctionné

 24   contrairement à la radio de la HZ HB. Mais dans la plupart de ces domaines,

 25   des sociétés publiques ont été mises en place.

 26   Q.  Je ne vais pas insister, mais je vais vous demander d'examiner une

 27   autre pièce 1D 00196.

 28   Il s'agit d'une pièce qui date du 11 janvier 1993, il s'agit de la

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  1   réglementation portant sur l'immatriculation des véhicules du département

  2   des Affaires intérieures de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. J'aimerais

  3   vous demander de vous reporter à l'article 3 de ce document, dont je vais

  4   donner lecture : "En termes de la présente réglementation, les véhicules de

  5   police seront identifiés de la manière suivante : on utilisera les couleurs

  6   bleues numéro 5013 et ainsi que la couleur blanche numéro 9010 conformément

  7   au catalogue des couleurs relatif à l'immatriculation -- à l'enregistrement

  8   des véhicules, il y aura une plaque d'immatriculation -- ou plutôt, une

  9   plaque avec le mot "police" écrit, et des plaques d'immatriculation de la

 10   police, un emblème de la police également," et cetera.

 11   "Les plaques d'immatriculation l'inscription police, ainsi que le badge de

 12   la police doivent être fluorescents."

 13   Puis à l'article 13, on décrit : "La dimension des chiffres et des lettres

 14   utilisés pour les plaques d'immatriculation de la police, et cetera, les

 15   lettres seront bleues," dit-on.

 16   On indique que : "Les numéros d'immatriculation seront inscrits dans

 17   la partie supérieure gauche des plaques d'immatriculation et seront

 18   constituées de trois chiffres, avec le numéro d'immatriculation du

 19   véhicule. Entre ces deux, à droite également d'autres numéros, on trouvera

 20   également l'emblème de la Communauté croate d'Herceg-Bosna qui aura la même

 21   dimension, la couleur et aspect que sur les plaques d'immatriculation des

 22   véhicules civils."

 23   Bon, vous pourrez lire le reste vous-même.

 24   Est-ce que vous reconnaissez avec moi que c'est très précis, on

 25   décrit d'une manière très précise comment doit se présenter un véhicule de

 26   police, quelles sont les inscriptions qui doivent y figurer ?

 27   R.  Oui. Dans ce règlement, on précise -- on décrit exactement à quoi

 28   doivent ressembler les plaques d'immatriculation en question.

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  1   Q.  Vous nous avez expliqué qu'à l'époque, toutes ces réglementations,

  2   toutes ces législations avaient un caractère temporaire. Il s'agissait de

  3   réagir à l'état de guerre, de prendre les décisions qui s'imposaient. Alors

  4   expliquez-moi pourquoi on a besoin d'une réglementation telle que celle-ci

  5   qu'on voit à l'écran, on peut quand même pas dire que c'est là quelque

  6   chose qui présente une importance vraiment considérable et qu'il est

  7   vraiment essentiel d'édicter un règlement en la matière.

  8   Pourriez-vous nous expliquer pourquoi c'est si important j'imagine

  9   qu'en janvier 1993, les véhicules de la police qui circulaient, tout le

 10   monde les reconnaissait facilement en Bosnie-Herzégovine -- ou plutôt,

 11   Herzégovine ? Pourquoi était-il nécessaire d'apporter des modifications ?

 12   Pourquoi était-il nécessaire aussi de réglementer tout cela ?

 13   R.  Je vais répondre en prenant toutes vos questions à partir de la

 14   fin. Il s'agit là de ce document -- cette réglementation portant sur les

 15   plaques d'immatriculation et autres. C'est un document public qui se

 16   présente de la manière habituelle. Quand on définit ce que doit être un

 17   certificat de naissance ou un extrait de naissance, on détermine exactement

 18   à quoi ça doit ressembler dans les détails. Tous les aspects du document

 19   sont définis et décrits de la manière la plus détaillée qui soit. Disons

 20   que la tradition de la rédaction des réglementations se manifeste ici.

 21   Voilà comment sont rédigés les documents publics surtout lorsqu'il s'agit

 22   de définir comment doit se présenter un document qui permet à quelqu'un de

 23   s'identifier. Ici en l'occurrence il s'agit d'identification d'un véhicule.

 24   Deuxième volet de votre question : pourquoi tout ceci était-il

 25   nécessaire ? Pour les raisons suivantes, c'est parce que les

 26   réglementations qui valaient au niveau de la république et qui étaient en

 27   vigueur jusqu'au début de la guerre en Bosnie-Herzégovine, ces

 28   réglementations précisaient que les plaques d'immatriculation de la police

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  1   devaient arborer ou faire figurer l'étoile à cinq branches, qui était le

  2   symbole de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine -- ou plutôt, de

  3   l'ex-RSFY. C'était donc là le symbole qui expliquait la mise en place de la

  4   Communauté croate d'Herceg-Bosna qui s'était mise en place pour lutter

  5   contre ceux qui arboraient ce symbole, cette étoile à cinq branches sur

  6   leur couvre-chef, eux qui menaient cette agression contre la Communauté

  7   croate d'Herceg-Bosna. Donc est-ce qu'il n'est pas logique finalement que

  8   la Communauté croate d'Herceg-Bosna ait décidé de modifier le symbole ?

  9   Donc ça explique les insignes changés, tous les symboles utilisés ont

 10   été modifiés, et ceci valait pour toute la Bosnie-Herzégovine en République

 11   de Bosnie-Herzégovine. A Sarajevo, on a changé également ces symboles parce

 12   que la population n'était plus prête à les accepter ces symboles, non

 13   seulement sur les véhicules de police mais aussi dans tous les aspects de

 14   la vie quotidienne.

 15   Voilà ce qui explique ce changement.

 16   Q.  Donc, si j'ai bien compris vos explications, pour la population

 17   musulmane qui vivait dans la région d'Herceg-Bosna, aussi elle pensait

 18   cette population qu'il fallait modifier ces symboles conformément à ce qu'a

 19   décidé la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?

 20   R.  Il n'y a pas eu de referendum à ce sujet. Donc je ne peux pas vous dire

 21   si la population musulmane était d'accord ou pas, mais je ne connais aucun

 22   exemple où un Musulman de Bosnie ou un non-Croate aurait émis des

 23   protestations ou aurait demandé, pendant la guerre ou après la guerre, de

 24   ne pas avoir à conduire un véhicule où figuraient ces symboles. On peut

 25   peut-être dire que, pendant la guerre, les gens avaient peur de se

 26   manifester, mais il faut savoir que deux heures après la fin de la guerre,

 27   ces symboles ils existaient toujours et je n'ai connaissance d'aucune

 28   protestation, d'objection ou quoique ce soit contre ces symboles et

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  1   protestations venant de qui que ce soit y compris de la part de personnes

  2   qui n'étaient pas d'origine croate.

  3   Q.  Bien. On va passer à un autre texte juridique, une autre loi. Première

  4   chose, hier, me semble-t-il, vous avez dit que chaque fois c'était

  5   possible, lorsqu'on rédigeait -- lorsque vous rédigez des textes pour la

  6   Communauté croate, des textes législatifs, vous essayez de suivre ou

  7   d'adopter les dispositions existantes de la législation de la RSFY ou de la

  8   Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

  9   R.  J'ai expliqué que j'essayais de rester dans la ligne de la

 10   réglementation de Bosnie-Herzégovine en vigueur à l'époque. Je n'ai pas

 11   parlé des textes réglementaires tels qu'ils existaient au sein de l'ex-

 12   RSFY.

 13   M. BOS : [interprétation] Voyons maintenant la pièce P 01579.

 14   Q.  Elle doit être l'un des premiers documents de votre classeur. C'est un

 15   décret qui date de mars 1993 et qui concerne le franchissement des

 16   frontières et la circulation routière dans la zone frontalière de la

 17   communauté croate d'Herceg-Bosna en temps de guerre ou en présence d'une

 18   menace imminente de guerre. Le passage qui m'intéresse c'est l'article 1,

 19   et je vais en donner lecture, je cite : "La loi relative au franchissement

 20   des frontières et à la circulation routière dans la zone frontalière." Là,

 21   on trouve une mention du journal officiel de la RSFY.

 22   Je reprends la citation : "Qui a été intégrée au texte législatif de

 23   la République grâce au décret ayant force de loi de la présidence de la

 24   République de Bosnie-Herzégovine." Là, on trouve une mention du journal

 25   officiel de Bosnie-Herzégovine, "s'applique sur le territoire de la

 26   Communauté croate d'Herceg-Bosna pour peu que ces dispositions ne soient

 27   pas en contradiction avec celles du présent décret ou d'autres

 28   réglementations liées au présent décret."

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  1   Alors ce qui m'intéresse c'est la dernière phrase. Est-ce que c'est une

  2   phrase qui était souvent utilisée quand on mettait en présence du texte

  3   d'un décret ? Est-ce que l'on trouvait souvent mention du fait qu'un décret

  4   devait s'appliquer en même temps qu'un texte de loi existant de la Bosnie-

  5   Herzégovine ?

  6   R.  Voyez-vous, ceci montre de quelle façon les textes réglementaires

  7   étaient adoptés. Ici, nous avons la méthode habituelle et nous voyons il

  8   s'agit d'un texte réglementaire relevant de la Fédération, donc d'un texte

  9   réglementaire de l'ancienne RSFY qui est d'abord adopté par la République

 10   de Bosnie-Herzégovine en tant que texte réglementaire de celle-ci.

 11   Ensuite la Communauté croate d'Herceg-Bosna l'adopte en tant que

 12   texte réglementaire de la république. Dans la dernière phrase, vous voyez

 13   que les normes juridiques sont mentionnées et que, désormais, le texte en

 14   question jouit du statut de texte réglementaire de la République de Bosnie-

 15   Herzégovine et qu'il s'applique pour peu que ces dispositions ne soient pas

 16   contraires à celles d'autres articles de ce même décret.

 17   En d'autres termes, si un article de ce décret ayant force de loi

 18   contredit un autre article du même décret, ce décret s'appliquerait en

 19   priorité.

 20   Mais si vous me demandez aujourd'hui que je -- ce que vous me

 21   demandez, et ceci me rappelle quelque chose de très important. On le trouve

 22   mentionné à l'article 2. Je crois que c'est très important parce que cela

 23   répond à la question dont nous discutons depuis plusieurs jours puisqu'il

 24   est indiqué que l'espace concerné est celui de -- du territoire de la

 25   République de Bosnie-Herzégovine dans la région de la Communauté croate

 26   d'Herceg-Bosna. Voilà simplement une petite -- un petit apport de ma part à

 27   ce départ sur "teritorija" et "podrucje."

 28   M. BOS : [interprétation]

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  1   Q.  D'accord. Donc si je comprends bien, ce que vous voulez de dire dans

  2   votre déposition, c'est qu'à en juger par le libellé de l'article 1, les

  3   dispositions réglementaires de la Communauté croate ont priorité sur les

  4   textes législatifs existant de la Bosnie-Herzégovine; c'est bien ça ?

  5   R.  Oui, pour peu qu'il y ait contradiction entre les deux actes.

  6   Q.  Mais est-ce que cela signifie que la Communauté croate, lorsqu'elle

  7   adoptait ces textes officiels, pouvait le faire pour peu que la Communauté

  8   croate d'Herceg-Bosna en soit d'accord et que, lorsque ces textes ne

  9   convenaient pas à la Communauté croate, c'était un décret ayant force de

 10   loi qui était adopté ?

 11   R.  Nous parlons ici d'une période assez rapide pendant laquelle se démolit

 12   un pays dont la construction a duré 50 ans. Il était donc, du point de vue

 13   technique et autre, inévitable que les documents officiels de ce pays

 14   soient d'abord analysés et que, pour chacun de ces textes qui n'étaient pas

 15   acceptables, et il y en avait beaucoup puisque les textes anciens

 16   relevaient d'un autre régime sociopolitique, à savoir celui de la RSFY,

 17   donc chaque fois qu'un texte ancien n'était pas acceptable dans la nouvelle

 18   situation, il fallait l'amender en conséquence.

 19   Mais il était impossible de procéder à tous ces amendements étant

 20   donné le peu de temps dont on disposait et la nécessité d'entrer dans tous

 21   les détails pour rédiger un texte réglementaire. C'est la raison pour

 22   laquelle ce principe a été utilisé, à savoir que l'on reprenait les textes

 23   anciens pour peu qu'ils ne comportent aucune disposition contraire à celles

 24   du décret ayant force de loi, donc du texte nouveau.

 25   C'était une forme de solution et c'est la solution qui a été adoptée parce

 26   qu'elle était simple également au niveau de la République de Bosnie-

 27   Herzégovine. En avril 1992, pour ma part, j'ai participé à ce genre de

 28   travail personnellement puisqu'une seule parution du journal officiel a

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  1   suffit pour reprendre dans le nouveau système l'ensemble des textes

  2   réglementaires fédéraux anciens qui sont donc devenus des textes

  3   réglementaires de la Fédération de Bosnie-Herzégovine dès lors que la

  4   République de Bosnie-Herzégovine estimait qu'on pouvait les adopter. C'est

  5   la même norme juridique qui s'est appliquée, il a été décidé que les textes

  6   réglementaires applicables dans l'ancienne fédération seraient repris dans

  7   la nouvelle situation et le nouveau pays pour peu qu'ils ne soient pas en

  8   contradiction avec les dispositions réglementaires voulues par le nouveau

  9   système.

 10   Donc application des mêmes normes juridiques pour le décret dont nous

 11   sommes en train de parler et toutes sortes d'autres décrets adoptés par la

 12   Communauté croate d'Herceg-Bosna pendant son existence.

 13   Q.  Je vous remercie. Passons maintenant à un autre sujet dont nous avons

 14   déjà dit quelques mots lundi et mardi, à savoir la suprématie du HVO de la

 15   Communauté croate d'Herceg-Bosna sur les HVO municipaux. Pièce P 00303.

 16   Vous l'avez déjà eue sous les yeux.

 17   C'est une décision statutaire relative à l'organisation temporaire du

 18   pouvoir exécutif et de l'administration dans la communauté croate d'Herceg-

 19   Bosna. J'aimerais vous demander de concentrer votre attention sur les

 20   articles 14 et 15 de ce texte qui ont trait à la suprématie du HVO de la HZ

 21   HB. Je cite : "Le HVO supervise le travail des HVO départementaux et

 22   municipaux. Le HVO peut avoir recours à son pouvoir supérieur pour abroger

 23   ou abolir des actes juridiques adoptés par les organismes mentionnés dans

 24   le paragraphe ci-dessus."

 25   A l'article 15, nous lisons, je cite : "Lorsqu'un HVO municipal a adopté

 26   une décision ou accompli un acte en violation des dispositions juridiques

 27   fondamentales de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, le HVO a le droit et

 28   le devoir de dissoudre le HVO municipal susmentionné. Le mandat de tous les

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  1   membres du HVO cesse d'exister à la date de sa dissolution et le HVO

  2   propose de nouveaux membres pour le HVO municipal concerné dans un délai de

  3   huit jours après la dissolution de celui-ci."

  4   Je pense que vous avez déjà parlé de cela lundi ou mardi. Si j'ai bien

  5   compris ce que vous avez dit à ce moment-là dans votre déposition, je crois

  6   savoir qu'il est exact que, de jure, la Communauté croate avait le pouvoir

  7   de superviser le travail des municipalités, mais que de facto, il en allait

  8   autrement. Ceci est-il exact ?

  9   R.  Le présent article crée un fondement juridique pour les inspections qui

 10   sont menées aux fins de vérifier le travail des HVO. Dans la période dont

 11   nous parlons, la situation était un peu différente. En réalité, ce genre de

 12   vérification ou d'inspection ne pouvait pas être mené à bien et ne l'a pas

 13   été.

 14   Q.  A votre connaissance, le HVO a-t-il émis des décisions faisant suite

 15   aux articles 14 et 15 du présent texte ? Autrement dit, est-ce qu'il y a

 16   jamais eu un texte réglementaire dû à une municipalité qui aurait été

 17   abrogée par le HVO de la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?

 18   R.  Dans les articles -- à l'article 14, paragraphe 2, nous lisons que le

 19   HVO exerce un pouvoir de supervision sur les HVO municipaux. Les textes

 20   officiels administratifs sont des textes adoptés par le pouvoir municipal à

 21   la demande de personnes physiques ou morales.

 22   Partons du principe, par exemple, qu'un document de ce genre ait été adopté

 23   à la demande d'un citoyen, donc d'un particulier, qui n'est pas satisfait

 24   du contenu du document en question, qui n'est donc pas satisfait de la

 25   façon dont son problème a été réglé. Dans ce cas, deux possibilités

 26   existent : une possibilité c'est de faire appel devant une instance

 27   judiciaire qui contrôlera le contenu du document officiel, et si elle

 28   constate que les droits du citoyen en question ont été violés d'une façon

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  1   ou d'une autre aura la possibilité de modifier la teneur du document

  2   officiel ou de s'adresser à des instances supérieurs qui en modifieront la

  3   teneur.

  4   Un autre recours bien connu dans la pratique en Bosnie-Herzégovine c'est la

  5   possibilité de s'adresser à des services d'Inspection, donc le particulier

  6   mécontent s'adresse au service d'Inspection pour se plaindre du

  7   comportement des représentants du pouvoir municipal qui aurait violé les

  8   droits de ce citoyen. Or, moi j'étais inspecteur dans le cadre d'un service

  9   d'Inspection de ce genre, donc saisi d'une telle demande, je procède à

 10   toutes les vérifications nécessaires au niveau municipal, et si je constate

 11   qu'il y a eu violation des droits du citoyen, je vais en sorte que ce

 12   citoyen se voit rétabli dans ses droits.

 13   Dans ma déposition, lorsque j'ai dit qu'il est devenu impossible de

 14   mener à bien de telles vérifications dans le cadre du HVO, ce que je

 15   voulais dire c'était que, pendant très longtemps, le Conseil croate de

 16   Défense n'a pas eu dans le cadre de la Communauté croate d'Herceg-Bosna des

 17   services d'Inspections, et des inspecteurs d'un niveau suffisant, même si

 18   les textes réglementaires exigeaient que ce service et ces inspecteurs

 19   existent. Ils n'ont pas existé parce qu'il n'y avait personne de compétent,

 20   ayant la formation technique nécessaire, pour faire ce genre de travail.

 21   Hier, en répondant à certaines questions, j'ai dit que la Communauté

 22   croate d'Herceg-Bosna avait adopté la loi sur les procédures

 23   administratives, qui créaient la possibilité de bénéficier d'un système à

 24   deux niveaux permettant aux citoyens de faire appel des décisions d'un

 25   pouvoir municipal, afin de rectifier des erreurs éventuelles.

 26   Il y avait aussi une troisième possibilité qui existait, si le HVO au

 27   niveau de la Communauté croate d'Herceg-Bosna était informé que des

 28   décisions votées par un pouvoir municipal, contrevenait aux réglementations

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  1   en vigueur au sein de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, et j'ai eu

  2   connaissance pour ma part de plusieurs cas de ce genre. Le HVO au niveau de

  3   la Communauté croate vérifiait que le pouvoir municipal avait bien voté

  4   cette réglementation qui contrevenait au texte réglementaire officiel de la

  5   Communauté croate d'Herceg-Bosna, et suite à l'intervention du HVO au

  6   niveau de la Communauté croate, les décisions nécessaires et les mesures

  7   nécessaires étaient prises vis-à-vis des instances inférieures du HVO, donc

  8   des instances municipales, pour que les décisions prises par ces dernières,

  9   soient abrogées et ne soient donc plus valables.

 10   Q.  Je reviens sur la dernière partie de votre réponse, je vous ai demandé

 11   dans ma question : "S'il est arrivé qu'une décision au niveau municipal ait

 12   été abrogée," et apparemment vous avez répondu par l'affirmative à ma

 13   question, donc il est bien arrivé, n'est-ce pas, que le HVO, au niveau de

 14   la Communauté croate d'Herceg-Bosna, abroge une décision prise au niveau

 15   d'une municipalité; c'est bien cela ?

 16   R.  Oui, c'est exact.

 17   Q.  Pièce P 00431. Conviendrez-vous avez moi que ce texte fait partie des

 18   décisions dont nous venons de parler, à savoir décision visant à annuler la

 19   validité d'une partie d'une décision prise au niveau municipal ? Est-ce que

 20   ce document est un exemple de cela ?

 21   R.  Oui. Nous sommes ici en présence d'un document qui est une décision par

 22   laquelle le HVO intervient pour invalider une décision prise au niveau

 23   municipal ou, en tout cas, une partie d'une décision municipale, à savoir

 24   la partie de la décision que le HVO considérait comme contraire à la loi en

 25   raison du fait qu'elle contrevenait au texte réglementaire de la Communauté

 26   croate d'Herceg-Bosna.

 27   Q.  Autre pièce à conviction, la pièce P 02248, c'est une décision qui

 28   invalide une décision relative à la réquisition danger technique dans la

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  1   municipalité de Mostar, décision numéro 01225/93, du 24 mars 1993, elle est

  2   signée par M. Prlic.

  3   Encore une fois, est-ce que ce serait un bon exemple de ce dont nous sommes

  4   en train de discuter ?

  5   R.  Oui. C'est une des décisions de cette nature dont j'ai eu connaissance.

  6   Q.  Je vous prierais maintenant, de vous pencher sur la pièce 1D 01611,

  7   sans doute dans les derniers documents de votre classeur. Il s'agit du

  8   procès-verbal d'une réunion de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, la

  9   séance 45, du 12 juin 1993, ce qui m'intéresse c'est le point 9 : "Débat

 10   sur la mise en œuvre de la réquisition dans plusieurs municipalités."

 11   Le point 9, à la page 3 de la version anglaise du document, je vous lis le

 12   premier paragraphe : "Le chef du département de la Défense de la HVO HZ HB,

 13   M. Stojic a informé l'assemblée de la manière dont la réquisition se

 14   faisait. Elle avançait bien dans certaines municipalités, mais pas au

 15   niveau souhaité dans d'autres municipalités, Mostar, Ljubuski, Citluk,

 16   Posusje, et Grude. C'est la raison pour laquelle des réunions ont été

 17   organisées à Citluk et à Grude pour effectuer des changements en ce qui

 18   concerne le personnel dans quelques municipalités."

 19   Ensuite il y a la conclusion : "La décision invitant les membres du HVO HZ

 20   HB à suivre la mise en œuvre de la réquisition dans municipalités est

 21   amendée comme suit," et ensuite il y a un groupe de noms et une liste.

 22   A la page suivante, numéro 5 : "A la fin de la semaine, une réunion se

 23   tiendra avec les présidents du HVO sur la mise en œuvre des textes

 24   réglementaires sur le territoire."

 25   Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, Monsieur Perkovic, pour dire que

 26   c'est un exemple où l'on peut voir clairement que le HVO prime et plus

 27   important en d'autres termes que les municipalités aient participé au

 28   fonctionnement, se mêler, s'ingérer dans le fonctionnement des

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  1   municipalités ?

  2   R.  En ce qui concerne le point 9, je ne sais pas de quel changement en

  3   matière de personnel il était question, mais je suis quasi certain qu'il ne

  4   s'agissait pas de décisions du Conseil de la Défense de la Communauté

  5   croate d'Herceg-Bosna et qu'il ne s'agit pas de changement de personnel mis

  6   en œuvre par la Communauté croate d'Herceg-Bosna.

  7   Deuxièmement, nous ne pouvons pas déduire de cela que les changements de

  8   personnel aient été changement au sein des Conseils de la Défense croate

  9   municipaux ou aient été changement de personnel au sein des bureaux pour la

 10   défense dans les municipalités. C'est bien là une différence, ce sont deux

 11   concepts diamétralement opposés. Donc la question du -- des changements de

 12   personnels dans les bureaux pour la Défense n'était pas de la compétence du

 13   Conseil de la Défense croate de la Communauté d'Herceg-Bosna. Voilà ce que

 14   j'ai à dire au sujet de l'article 9.

 15   Je l'ai dit, tout au long de ma déposition, le Conseil de la Défense croate

 16   entretenait divers contacts avec les responsables des HVO municipaux et, de

 17   temps à autre, des réunions se tenaient en compagnie des dirigeants de ces

 18   HVO municipaux, ce qui permettait de mettre au point certaines choses,

 19   d'avoir un aperçu plus fidèle d'une situation, de faire pression sur les

 20   HVO municipaux afin qu'ils soient plus efficaces pour l'exécution de

 21   certaines tâches.

 22   Mais le Conseil de la Défense de la Communauté croate d'Herceg-Bosna ne

 23   faisait pas usage des mécanismes prévus par le décret qui leur permettait

 24   de destituer les membres des HVO municipaux, et non que l'on estimait à

 25   l'époque que les HVO municipaux faisaient un bon travail. Bien au

 26   contraire, d'ailleurs. D'ailleurs, la vie générale était qu'un changement

 27   s'imposait dans certaines HVO municipaux, mais je pense que le HVO de la

 28   Communauté croate d'Herceg-Bosna n'avait pas le pouvoir politique de le

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  1   faire.

  2   Donc il existait des bases juridiques, mais le pouvoir politique faisait

  3   défaut à l'époque. Pourquoi ? Parce que les dirigeants de ces HVO

  4   municipaux étaient supérieurs aux HVO pour la simple raison qu'ils étaient

  5   membres de la présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna.

  6   Q.  En ce qui concerne le point 5 sous le point 9, lorsqu'il s'agit

  7   d'organiser une réunion de travail avec les présidents des HVO municipaux,

  8   ce genre de réunions de travail était-il fréquent, réunions de travail sur

  9   la mise en œuvre des textes réglementaires ?

 10   R.  Le plus souvent, certains membres du HVO de la Communauté croate

 11   rencontraient le dirigeant du HVO municipal. Il était courant de se rendre

 12   sur le terrain, comme on dit, avec une délégation composée d'un à quatre

 13   délégués pour aborder des questions afférentes à cette municipalité en

 14   compagnie des dirigeants municipaux. A la plupart des réunions assistaient

 15   la totalité du HVO de la communauté et la totalité du HVO municipal.

 16   Mais je n'exclus pas la possibilité que de telles réunions se soient tenues

 17   avec le HVO municipal de Mostar. Mais la plupart du temps, les contacts se

 18   tenaient -- ou s'exerçaient par le biais d'une délégation de la communauté

 19   qui rencontrait la structure municipale compétente -- la structure du HVO

 20   municipal compétente où il y avait un représentant de cette structure qui

 21   rendait visite au HVO de la communauté.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] A la page 82, ligne 15, le témoin a dit :

 23   "Il était rare que," plutôt que "le plus souvent." Je voudrais que le

 24   témoin éclaire notre lanterne à ce sujet. Qu'a-t-il dit ?

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin, vous confirmez l'observation ou pas ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas le compte rendu d'audience, je

 27   vais donc répéter. Je disais que des réunions avec la participation de la

 28   totalité du HVO de la Communauté croate et la totalité du HVO municipal

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  1   n'avaient lieu que rarement. Je n'ai entendu parler que d'une poignée de

  2   cas de ce type. La plupart du temps, à de telles réunions participaient,

  3   d'une part, les délégations du HVO et les HVO municipaux, les dirigeants de

  4   ces HVO municipaux ou d'autres représentants de ces HVO municipaux.

  5   M. BOS : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur Perkovic, passons à un autre sujet. Je voudrais aborder pour

  7   vous la question des camps du HVO et je voudrais vous rappeler votre

  8   déposition dans le cadre de l'affaire Kordic, compte rendu d'audience page

  9   20 684, 7 juin 2007. Je vais vous lire vos propos : "Je ne nie pas, comme

 10   je l'ai déjà dit, qu'au niveau local, de tels traitements étaient infligés

 11   à des civils d'origine non croate. Cela ne peut pas être justifié par des

 12   opérations de guerre

 13   --"

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bos, il doit y avoir un problème parce que

 15   Me Tomic est debout.

 16   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je

 17   ne vais pas entrer dans les détails de ce qu'a dit le témoin dans sa

 18   déposition dans l'affaire Kordic, mais ici il n'a pas été question de ce

 19   genre de sujet au cours de l'interrogatoire principal. Donc ce qui vient de

 20   se passer sort totalement du champ de l'interrogatoire principal. Merci.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Bos --

 22   M. BOS : [interprétation] Je pense que c'est pertinent dans le cadre de

 23   l'affaire, et au titre de l'article 90, j'ai le droit de soumettre des

 24   considérations pertinentes pour l'affaire.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais consulter mes collègues.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors le Règlement, dans son article 90,

 28   prévoit que, lors du contre-interrogatoire, on peut poser des questions par

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  1   rapport aux questions qui ont été posées lors de l'interrogatoire

  2   principal, mais qu'une partie peut aborder d'autres sujets, et je vais

  3   relire cet article : "Le contre-interrogatoire se limite aux points évoqués

  4   dans l'interrogatoire principal, aux points ayant trait à la crédibilité du

  5   témoin et à ceux ayant trait à la cause de la partie procédant au contre-

  6   interrogatoire sur lesquels portent les déclarations du témoin."

  7   Alors il n'y a pas besoin de traduction, vous avez qu'à regarder le 90 dans

  8   votre langue. J'ai lu l'article 90(H), et l'article 90(H) dit qu'une partie

  9   peut, lors du contre-interrogatoire, poser des questions à partir des

 10   points qui ont été évoqués dans l'interrogatoire principal sur la

 11   crédibilité, mais aussi pour des points ayant trait à la cause de la

 12   partie. La cause c'est l'acte d'accusation. Il y a une interprétation large

 13   ou restrictive. Personnellement, je fais une interprétation restrictive,

 14   mais la Chambre fait une interprétation large, donc posez des questions.

 15   M. BOS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais vous

 17   rappeler que, dans mon contre-interrogatoire, je me suis hasardée à évoquer

 18   un sujet qui n'avait pas été couvert par l'interrogatoire principal et j'ai

 19   également évoqué l'article 90. J'estimais que le sujet était important et

 20   en l'occurrence j'étais autorisée à poser une question sur ce sujet. La

 21   position des Juges était différente en l'espèce. Vous avez évoqué les

 22   lignes directrices et adopté une décision ne m'autorisant pas à contre-

 23   interroger à ce sujet, car cela devait être considéré comme étant faisant

 24   partie de la présentation de nos moyens et, de ce fait, déduirait du temps

 25   du général Petkovic.

 26   Je pense que la situation actuelle doit être traitée de la même

 27   manière puisqu'il y a légalité n'est constituée [imperceptible].

 28   Le Procureur a déjà épuisé le temps qui lui avait été imparti pour

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  1   son contre-interrogatoire, je pense que les mêmes principes devraient

  2   s'appliquer à lui qu'à moi.

  3   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me

  4   permettez, j'aimerais ajouter quelques mots. Selon les dispositions de

  5   l'article 90 dont vous venez de donner lecture, et je parle en particulier

  6   de la dernière partie de ce paragraphe. Il apparaît à l'évidence que dans

  7   une telle situation le substitut du Procureur devrait au moins demander

  8   l'autorisation d'interroger le témoin sur un thème qui n'a pas été abordé

  9   au cours de l'interrogatoire principal en indiquant quel sera le domaine

 10   qu'il abordera dans sa question et quels sont les motifs pour lesquels il

 11   estime être justifié à sortir du champ de l'interrogatoire principal.

 12   C'est seulement lorsque le Procureur a cité ces motifs que les Juges

 13   de la Chambre de première instance sont en mesure de rendre une décision en

 14   toute connaissance de cause. Mais au préalable il importe que le substitut

 15   donne ses raisons. Pour le moment, il a simplement dit qu'il s'appuyait sur

 16   l'article 90 du Règlement mais n'a pas cité dans le détail quels étaient

 17   ses motifs, les fondements de sa demande. Merci.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Par décision que nous avons rendue le 24 avril

 19   2008 sur les lignes directrices, paragraphe 7, ligne directrice numéro 3,

 20   quant aux règles régissant le champ du contre-interrogatoire, la Chambre

 21   rappelle qu'en vertu de l'article 90(H)(i), le contre-interrogatoire peut

 22   porter sur un sujet qui n'a pas été évoqué lors de l'interrogatoire

 23   principal. Il y a un renvoi, note de bas de page 8, c'est une décision du

 24   10 mai 2007, paragraphe 13. Bien. Moi, je n'étais pas d'accord avec ce

 25   paragraphe, et c'est la raison pour laquelle on a rajouté un paragraphe 8

 26   que je lis : "Cependant, le contre-interrogatoire portant sur un sujet non

 27   évoqué lors de l'interrogatoire principal n'est pas un contre-

 28   interrogatoire à proprement parler, mais un interrogatoire à l'instar de

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  1   l'interrogatoire principal."

  2   Donc renvoi note de bas de page 9, décision 10 mai 2007, paragraphe

  3   13 : "De ce fait, les règles applicables pour ce dernier doivent être

  4   respectées. Par conséquent, les questions directrices ne seront pas

  5   permises pour ce type de question."

  6   Ce qui veut donc dire, Monsieur Bos, qu'en posant des questions sur

  7   les camps qui n'ont pas été abordées lors de l'interrogatoire principal,

  8   vous ne devez pas poser de questions directrices mais procéder comme si

  9   c'est un interrogatoire principal. C'est ce que nous avons dit dans la

 10   décision de la Chambre dont je vais indiquer la date, 24 avril 2008.

 11   Voilà, on ne va pas commencer cela parce qu'il est l'heure, puis moi,

 12   dans 25 minutes, je suis en salle d'audience numéro III. Demain nous

 13   reprenons à 9 heures. D'après les calculs force avant du Greffier, vous

 14   avez dû utiliser trois heures 15 minutes, donc grosso modo, il doit vous

 15   rester une heure trois quarts. Bien. Voilà ce que j'avais donc à dire pour

 16   terminer l'audience de ce jour.

 17   Je souhaite à tout le monde une bonne fin d'après-midi, et à demain

 18   matin.

 19   --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le jeudi 4

 20   septembre 2008, à 9 heures 00.

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