Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 15 septembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire, s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Bonjour à

  8   tous. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, l'Accusation contre Prlic et

  9   consorts. Je vous remercie.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 11   En ce lundi, 15 septembre 2008, je salue MM. les accusés, Mmes et MM. les

 12   avocats, M. Stringer et ses collaboratrices et collaborateur, ainsi que M.

 13   le Greffier, Mme l'Huissière, et tous les personnes qui nous assistent, et

 14   notamment les interprètes.

 15   J'ai cru comprendre que Me Karnavas avait besoin de quelques minutes pour

 16   des questions administratives.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Bon après-midi, Monsieur le Président.

 18   Bonjour à tous dans ce prétoire. Juste un petit point à soulever.

 19   Si j'ai bien compris la semaine du 29 septembre, le mardi est férié,

 20   on va uniquement siéger lundi, mercredi, et vendredi. C'est ce qu'on a fait

 21   l'an dernier. Je ne sais pas si on pourrait le faire cette année, mais je

 22   pense qu'il serait bon de pouvoir ne pas siéger le lundi et ensuite avoir

 23   plutôt mercredi, jeudi et vendredi comme audience. Ce serait beaucoup plus

 24   pratique pour nos témoins, par exemple.

 25   Moi, je vous vois hocher de la tête de façon négative. J'imagine

 26   qu'il y a un problème de programmation. J'ai essayé, en tout cas.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, il y a effectivement un programme de

 28   programmation. Si le témoin vient lundi, bien, nous serons là tous lundi.

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  1   Puis mardi, bien, on entendra que le jour férié passe. Ça permettra à votre

  2   témoin de visiter la ville. Puis on continuera mercredi et jeudi. Voilà

  3   c'est une ville fort agréable. Je pense que votre témoin sera très content.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Espérons qu'il fera beau, en tout cas.

  5   Je vous remercie. C'est tout ce que j'avais à soulever.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : On va introduire le témoin, et je vais

  7   demander à Mme l'Huissière d'aller chercher notre témoin.

  8   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : J'espère que vous entendez dans votre langue la

 12   traduction de mes propos.

 13   Pouvez-vous me donner votre nom, prénom, et date de naissance, s'il vous

 14   plaît ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Borislav Puljic, le 22 avril 1959.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous actuellement une profession ? Si oui,

 17   laquelle ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je travaille, je suis directeur d'une

 19   entreprise Ekoplan. Je suis architecte diplômé et je travaille comme

 20   architecte, donc cette entreprise travaille dans mon domaine.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, avez-vous déjà témoigné devant un Tribunal

 22   international ou national sur les faits qui se sont déroulés dans l'ex-

 23   Yougoslavie, ou bien c'est la première fois que vous témoignez ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas eu l'occasion de témoigner au

 25   sujet des événements qui se sont produits dans l'espace de l'ex-

 26   Yougoslavie, par ailleurs, c'est une fois seulement que j'ai eu l'occasion

 27   de comparaître devant un tribunal.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez comparu devant quel tribunal et pour

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  1   quelle affaire ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été témoin devant un tribunal local à

  3   Mostar, c'était il y a un mois.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Qui jugeait une affaire de quoi ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça portait sur une affaire concernant

  6   l'urbanisme à Neum.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je vous demande de lire le serment.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  9   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   LE TÉMOIN : BORISLAV PULJIC [Assermenté]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur. Vous pouvez vous asseoir.

 13   Monsieur, quelques brèves informations de ma part, comme je le

 14   fais pour tous les témoins.

 15   Vous allez devoir répondre à des questions qui vont vous être posées

 16   par Me Karnavas que vous avez rencontré dans le cadre de la préparation de

 17   cette audience. A l'issue de cette phase qui prendra un certain temps, les

 18   autres avocats des autres accusés pourront également vous poser des

 19   questions dans le cadre de leur contre-interrogatoire ou de leur

 20   interrogatoire principal en fonction des sujets abordés. Le Procureur qui

 21   se trouve à votre droite, ils sont nombreux mais il y en a un seulement qui

 22   vous posera des questions dans le cadre du contre-interrogatoire. Les trois

 23   Juges qui sont devant vous - d'habitude on est quatre, mais le Juge de

 24   réserve est absent pour le moment - pourront également vous poser des

 25   questions en cours d'audience en fonction évidemment des sujets.

 26   Lors de cette audience, Me Karnavas vous présentera certainement des

 27   documents qui sont dans un classeur et des questions vous seront posées à

 28   partir de ces documents. Essayez d'être très précis dans les réponses que

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  1   vous donnerez aux questions posées. Si vous ne comprenez pas le sens d'une

  2   question, n'hésitez pas à demander à celui qui vous pose des questions de

  3   la reposer, surtout si c'est un Juge qui vous pose une question que vous ne

  4   comprenez pas, n'hésitez pas de demander aux Juges de la reposer.

  5   Nous faisons des pauses toutes les heures et demie pauses de 20

  6   minutes en règle générale afin de vous permettre d'une part de vous

  7   reposer, de reposer également les Juges et tout le monde. Puis on reprend

  8   l'audience au bout de 20 minutes de pause. Mais malgré cela, si, à un

  9   moment donné, vous ne vous sentez pas bien parce qu'il fait chaud, il fait

 10   froid ou je ne sais quoi, n'hésitez pas à demander une interruption.

 11   Les Juges sont, bien entendu, à votre disposition si vous avez des

 12   questions à leur poser à un moment donné.

 13   Dernière information, vous avez prêté serment il y a quelques minutes, ce

 14   qui veut dire qu'à partir de maintenant, vous êtes le témoin de la justice,

 15   ce qui implique que vous n'aurez plus aucun contact avec les avocats

 16   jusqu'à la fin de votre audition. Voilà ce que je tenais à vous indiquer.

 17   Maître Karnavas, vous avez la parole.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

 19   souhaite à nouveau un bon après-midi à tout le monde.

 20   Interrogatoire principal par M. Karnavas :

 21   Q.  [interprétation] Bon après-midi, Monsieur le Témoin. Vous allez devoir

 22   parler afin que ce soit écrit au compte rendu.

 23   Monsieur Puljic, vous avez dit que vous êtes un architecte. Si j'ai bien

 24   compris, vous allez bientôt avoir un doctorat d'architecture; c'est bien

 25   cela ?

 26   R.  Oui, à l'université de Zagreb. J'ai remis le synopsis de ma thèse de

 27   troisième cycle et j'ai mené à bien mes études doctorales dans le domaine

 28   de l'architecture.

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  1   Q.  Si j'ai bien compris, votre spécialité, si on peut l'appeler ainsi,

  2   c'est l'aménagement des territoires, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui. Mais compte tenu du fait que le marché est très exigu pour tous

  4   architectes des PASSAGE [phon] en Bosnie-Herzégovine, je travaille

  5   également sur des bâtiments et des intérieurs sur de l'architecture de

  6   cela, mais mon point central c'est effectivement l'urbanisme.

  7   Q.  Si j'ai bien compris, en plus de votre cabinet privé, vous travaillez

  8   aussi pour la Fédération, n'est-ce pas ? Pouvez-vous nous dire ce que vous

  9   faites pour la Fédération ?

 10   R.  Il faut savoir que je suis propriétaire et directeur de l'entreprise

 11   Ekoplan à Mostar. Actuellement, nous sommes engagés sur plusieurs

 12   chantiers, et ce à quoi vous faites allusion, je suppose c'est l'urbanisme

 13   de la Fédération par les projets de développement. Trois entreprises IPSA

 14   de Sarajevo, Ekoplan et l'Institut d'Urbanisme de Sarajevo travaillent de

 15   concert pour réaliser le plan de développement d'occupation pour la

 16   Fédération de Bosnie-Herzégovine, pour les années à venir -- les 20 années.

 17   Q.  Monsieur Puljic, je vous ai déjà prévenu avant que nous entrions dans

 18   le prétoire, donc je le redis à nouveau, il faut parler lentement, s'il

 19   vous plaît, et il faut faire des phrases -- il faut aller jusqu'au bout de

 20   ses phrases. Il ne faut pas s'arrêter en cours de phrase. Merci.

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   Q.  Bon. Revenons en arrière lorsque vous avez quitté l'université.

 23   Pourriez-vous nous dire quel a été votre premier travail, s'il vous plaît ?

 24   R.  Dès que je suis sorti de la faculté à Sarajevo, j'ai commencé à

 25   travailler à la direction chargée de la construction de Neum et c'est là

 26   que j'ai passé trois années. Mes fonctions relevaient de l'administration

 27   des affaires administratives de la municipalité, mais j'ai travaillé

 28   également sur la planification, sur l'urbanisme de la ville et de la

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  1   municipalité de Neum.

  2   Par la suite, je suis parti à l'armée et ensuite j'ai travaillé à la

  3   municipalité de Mostar.

  4   Q.  Avant de passer à Mostar -- et je vous demande à nouveau de parler

  5   lentement, s'il vous plaît.

  6   Vous nous avez dit que, lorsque vous étiez à Neum, vous traitiez de points

  7   administratifs; pourriez-vous nous donner certains détails supplémentaires

  8   sur ce que vous faisiez à Neum ?

  9   R.  Oui. C'était dans le cadre de la direction pour la construction de Neum

 10   et c'était une société et une entreprise tout à fait spécifique. Il s'agit

 11   d'une petite ville où il n'y a pas d'ingénieur et c'est la raison pour

 12   laquelle nous avons été amenés à travailler sur des projets très divers

 13   relevant de domaines différents. Entre autres, il s'agissait des procédures

 14   administratives pour des besoins de la municipalité mais nous nous sommes

 15   occupés d'autre chose, nous avons réalisé des projets, des plans, le suivi,

 16   et cetera, ainsi que tout ce qui nous était confié soit par le président de

 17   l'assemblée municipale, soit par le président de l'exécutif de la

 18   municipalité de Neum.

 19   Q.  Vous a-t-on donné une mission bien spéciale sur laquelle vous deviez

 20   travailler pendant deux ou trois mois ?

 21   R.  Oui. On m'a confié une fois une mission tout à fait spécifique, à

 22   savoir dans mon domaine de compétences je devais procéder à l'élaboration

 23   d'un plan de guerre pour la municipalité de Neum. En fait, dans le domaine

 24   de l'urbanisme, dans le domaine du fonctionnement de la ville, il fallait

 25   que j'élabore un plan de fonctionnement de la municipalité dans une

 26   situation de guerre et de danger imminent de guerre. Il faut savoir que la

 27   municipalité de Neum n'avait pas à ce moment-là encore ce genre de plan, et

 28   il était urgent que ce soit fait puisqu'une commission allait venir de

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  1   Belgrade qui vérifiait ces plans dans les différentes municipalités et

  2   c'est moi qui suis l'auteur de ce plan pour la municipalité de Neum. A

  3   partir du moment où le plan est réalisé, il est adopté par un organe

  4   restreint au niveau municipal et ensuite un aval doit être accordé par des

  5   instances supérieures avant de le déposer dans un coffre-fort. Le coffre-

  6   fort du président de l'assemblée municipale où il est déposé jusqu'au

  7   moment où on en a besoin.

  8   Q.  Monsieur Puljic, je vais vous demander de faire une réponse plus

  9   concise, s'il vous plaît, de répondre uniquement à mes questions et suivez-

 10   moi, répondez à mes questions, et ça ira bien.

 11   Vous parlez "d'un plan de guerre;" parle-t-on d'un plan de défense ? Si

 12   oui, pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit exactement ? Rapidement.

 13   R.  Dans une situation de guerre ou de danger imminent de guerre, ou dans

 14   une situation de catastrophe naturelle, la municipalité ne peut pas

 15   fonctionner comme en temps normal. C'est la raison pour laquelle il est

 16   nécessaire de connaître les affectations qui fera quoi et comment. Pour ce

 17   genre de situation, on procède à l'élaboration d'un plan pour savoir

 18   comment fonctionnera la municipalité dans chacun de ces segments. Même dans

 19   une situation de guerre, la municipalité doit pouvoir fonctionner, l'eau

 20   courante, l'électricité doivent être assurées. Il faut procéder à des

 21   enterrements. Il faut que les services de Voirie fonctionnent, donc tous

 22   les services communaux doivent être en place. Mais, maintenant, les

 23   circonstances seront nouvelles et spécifiques et la municipalité doit se

 24   préparer pour ce genre de situation.

 25   Q.  Merci. Après ces trois ans à Neum, vous êtes allé à Mostar; qu'avez-

 26   vous fait s'il vous plaît ? Soyez bref.

 27   R.  A Mostar, j'étais chargé de dossiers pour l'urbanisme et les affaires

 28   communales au secrétariat de l'urbanisme.

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  1   Q.  Maintenant, nous allons aller un petit peu, nous allons accélérer un

  2   peu les choses. Si j'ai bien compris, un moment vous faisiez partie de la

  3   cellule de Crise de la municipalité de Mostar, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  C'était quand exactement ?

  6   R.  C'était entre la mi-mars 1992 et ça a continué jusqu'à la fin, tant que

  7   la cellule de Crise a existé.

  8   Q.  Veuillez nous expliquer comment il se fait que vous soyez devenu membre

  9   de la cellule de Crise.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pouvez-vous nous dire quand cette

 11   cellule de Crise a mis un terme à ces opérations ? C'est quand même plus

 12   facile pour nous pour suivre si on avait des dates.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas la date exacte. D'ailleurs,

 14   ce serait très difficile de déterminer la date exacte de la cessation de

 15   son fonctionnement parce que avec le temps au fur et à mesure, la cellule

 16   de Crise avait de moins en moins de fonctions et de moins en moins de

 17   ressources à ses dispositions pour pouvoir fonctionner. Je ne connais pas

 18   la date formelle, officielle, mais je sais qu'avec le temps, la cellule de

 19   Crise n'a guère plus de fonction.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Enfin, vous pouvez quand même nous

 21   donner une date approximative. Vous dites "mi-mars," vous avez commencé à

 22   la mi-mars environ, vous ne vous souvenez absolument pas quand vous avez

 23   arrêté de travailler pour cette cellule de Crise; vous ne vous en souvenez

 24   pas ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Enfin, cette cellule de Crise a cessé

 26   d'exister si mes souvenirs sont bons au début du mois de mai 1992.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation]

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  1   Q.  Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez rejoint la cellule de

  2   Crise, par quel biais ?

  3   R.  C'était à peu près au milieu du mois de mars 1992 qu'une session de

  4   l'assemblée municipale, de la municipalité de Mostar était convoquée.

  5   Puisque la guerre avait déjà commencé à Mostar, comme c'était une situation

  6   chaotique qui régnait à Mostar, on n'a pas pu tenir cette session dans le

  7   hall de l'assemblée. C'est la raison pour laquelle tous les députés ont été

  8   invités à se rendre à l'abri dans un abri qui se situe dans l'autre partie

  9   de la ville. La situation était un peu plus calme. Il y avait là le centre

 10   de Transmission de la Défense territoriale de la ville de Mostar, dans un

 11   abri. D'office en tant que secrétaire du secrétariat de l'urbanisme, en

 12   vertu de la loi j'étais tenu d'être présent à chacune des sessions. Après

 13   avoir reçu la convocation, je me suis donc rendu à la session en question.

 14   Pendant celle-ci un grand nombre de députés étaient absents, car certains

 15   s'étaient enfuis de la ville, d'autres avaient rejoint l'armée certains

 16   avaient peur. Toujours est-il que c'était la dernière indication, qu'on

 17   n'allait plus pouvoir se réunir de manière régulière dans ces sessions.

 18   C'est la raison pour laquelle les juristes de la municipalité ont dit qu'il

 19   faut dissoudre l'assemblée pendant la guerre conformément à la loi et que

 20   de nouveau conformément à la loi il fallait procéder à la création de la

 21   cellule de Crise qui allait se charger de toutes les fonctions de cette

 22   assemblée municipale.

 23   Pour certains, on a procédé à des élections. Dans cette cellule de

 24   Crise, il y a -- d'autres le sont devenus d'office, donc le président de la

 25   cellule de Crise, le président du comité exécutif et chacun des partis

 26   politiques ont délégué un représentant tout en respectant la

 27   proportionnalité au niveau des groupes ethniques.

 28   Q.  Je vous remercie. Mais dans la hiérarchie finalement, l'urbanisme

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  1   n'est pas vraiment une priorité. Comment se fait-il alors que vous étiez

  2   secrétaire chargé d'urbanisme ? Comment se fait c'est vous qui avez été

  3   choisi ?

  4   R.  Tout simplement,à un moment donné, ce qui s'est produit c'est que

  5   j'ai été proposé, moi et M. Josip Skutor, pour représenter le peuple croate

  6   au sein de cette cellule de Crise. C'était à main levée des députés

  7   présents que nous avons été élus.

  8   Q.  Avant de parler de la cellule de Crise, pourriez-vous très

  9   rapidement nous dire quelles étaient les fonctions de secrétariat de

 10   l'urbanisme. Quelle était votre fonction donc en tant que secrétaire de ce

 11   secrétariat d'urbanisme ?

 12   R.  La dénomination du secrétariat nous le dit c'était donc le

 13   secrétariat chargé de l'urbanisme de la construction, des relations dans le

 14   domaine du logement, la protection de l'environnement. Donc le secrétariat

 15   délivrait des permis de construire pour toutes les constructions dans la

 16   ville, à s'occuper des logements, des services communaux, assurer la

 17   coordination entre la distribution d'eau, l'électricité, la voirie, avait

 18   ses inspections, ses inspectorats pour ce domaine, et environ 70 personnes

 19   étaient employés au secrétariat.

 20   Q.  En tant que secrétaire de ce secrétariat, pourriez-vous nous dire

 21   quelles étaient vos fonctions exactes ?

 22   R.  C'est moi qui dirigeais les travaux du secrétariat. J'ai assuré

 23   la coopération de ces différents postes, et en coopération avec les

 24   employés je répondais à toutes les demandes des citoyens qui relevaient de

 25   ces domaines-là. Environ 6 à 7 000 demandes de citoyens étaient ou

 26   questions ou affaires présentées par les citoyens étaient gérées en

 27   l'espace d'une année.

 28   Q.   Je vous remercie. Maintenant, nous allons passer en revue

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  1   certains documents où il y aura -- au niveau des dates bien précises. Dans

  2   ces documents on montre que la cellule de Crise a été le 12 mars 1992.

  3   Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous expliquer -- expliquer aux Juges de la

  4   Chambre afin qu'ils comprennent bien ce qui se passait à Mostar aux

  5   environs du mois de mars 1992, qui aurait motivé la création par les

  6   membres de l'assemblée de cette cellule de Crise ?

  7   R.  A ce moment-là, il y avait déjà beaucoup de coups de feu dans la

  8   ville, et la ville a commencé à essuyer les pilonnages. Toute

  9   l'infrastructure fonctionnait avec difficulté. L'approvisionnement en eau

 10   courant était rendu difficile, l'électricité pareil, il n'y avait quasiment

 11   plus de nettoyage de rues. Il y avait beaucoup des gens qui se mettaient à

 12   partir, à quitter la ville, à s'enfuir. En même temps, on a commencé à

 13   recevoir un afflux important de réfugiés; en un mot, on peut dire que

 14   c'était le chaos qui régnait dans la ville.

 15   Q.  Pendant combien de temps y a-t-il eu ce chaos avant que l'assemblée ne

 16   décide de créer cette cellule de Crise ?

 17   R.  Ça a commencé avec l'arrivée des réservistes de la JNA qui étaient

 18   arrivés de Serbie. C'était le Corps d'armée d'Uzice. A partir du moment où

 19   ces hommes se sont manifestés dans la rue de la ville, le chaos s'est

 20   installé, et s'est aggravé -- a connu une escalade jusqu'à cette session de

 21   l'assemblée municipale.

 22   Q.  Quand sont-ils arrivés exactement ? Je crois que c'est important pour

 23   les Juges de la Chambre de le savoir parce que je vais la redemander : si

 24   le gouvernement avait fait quoi que ce soit pour résoudre après le problème

 25   à Mostar ?

 26   R.  Les autorités au niveau central de Bosnie-Herzégovine n'ont rien fait,

 27   et puis les autorités locales étaient impuissantes. La police locale était

 28   mal armée et n'avait pas d'attribution pour agir face à des militaires.

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  1   Avec l'arrivée des réservistes, je ne me souviens pas la date exacte - je

  2   pense que c'était au mois de novembre 1991 - c'était au quotidien qu'on

  3   vivait des incidents dans la ville la police locale ne pouvait pas

  4   maîtriser cela et les autorités locales non plus.

  5   Q.  Très bien. Vous nous avez parlé de cette réunion spéciale de

  6   l'assemblée. Les réunions régulières de l'assemblée, pouvez-vous nous dire

  7   où elles se tenaient, de quel côté de la ville ?

  8   R.  L'assemblée se réunissait dans le hall de l'assemblée, dans le bâtiment

  9   municipal, la mairie, rue du maréchal Tito sur la rive gauche de la

 10   Neretva.

 11   Q.  Merci. Lorsqu'il y avait des réunions extraordinaires, normalement

 12   cette -- plus particulièrement cette réunion extraordinaire où la cellule

 13   de Crise a été créée; pouvez-vous nous dire où le rassemblement a eu lieu ?

 14   R.  C'était à peu près à un kilomètre et demi à un kilomètre et 700 mètres

 15   à distance de ce bâtiment sur la rive droite de la rivière. Puisqu'on était

 16   plus en sécurité si on approchait notre bâtiment on ne pouvait plus

 17   atteindre notre bâtiment, c'était très dangereux, car sur la rive gauche il

 18   y avait plein de réservistes et d'hommes en arme.

 19   Q.  La réunion a eu lieu sur la rive droite ou sur la rive gauche ? Il faut

 20   être très, très précis, s'il vous plaît, parce que le compte rendu

 21   maintenant nous parle de "la rive gauche;" dites-nous : sur quelle rive a

 22   eu lieu la réunion ?

 23   R.  Sur la rive droite.

 24   Q.  Bien.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé.

 26   Vous avez dit "à gauche," mais à gauche de quoi tout est relatif ?

 27   Maître Karnavas, je pense que ce n'est pas très clair.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a une règle. Si vous regardez en aval,

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  1   sur la rive gauche se situe la rive gauche et sur la droite -- la rive

  2   droite, c'est la règle qu'on respecte généralement, donc la rive gauche de

  3   Neretva c'est la partie est de la ville c'est là que se situe la vielle

  4   ville et la mairie.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] En effet, merci.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.

  7   Q.  Lors de cette session, séance spéciale, combien de délégués sont venus,

  8   et quelle était la composition ethnique des personnes présentes ?

  9   R.  Je ne connais pas le nombre exact de députés qui étaient présents, mais

 10   je suis certain qu'un grand nombre d'entre eux étaient absents. Quant à la

 11   composition ethnique des personnes présentes, je sais qu'il y avait des

 12   représentants de tous les partis et tous les groupes ethniques ne serait-ce

 13   que par la présence d'une seule personne. Mais il y avait des représentants

 14   de tous les partis politiques et de toutes les nations.

 15   Q.  Dans la cellule de Crise, quels étaient les pourcentages ?

 16   R.  Il était convenu lors de cette même réunion que les grands partis

 17   nationaux se voient accorder au moins deux représentants au sein de la

 18   cellule de Crise, et que par ailleurs, chaque parti dispose d'au moins un

 19   représentant indépendamment de l'appartenance ethnique et nationale. C'est

 20   ainsi que l'on souhaitait garantir une équité aussi bien du point de vue

 21   national que du point de vue de l'appartenance à un parti politique ou à un

 22   autre. Certains membres sont entrés dans la cellule de Crise, conformément

 23   à la loi et aux obligations qui -- aux fonctions qu'ils occupaient.

 24    Q.  Très bien. Qui est devenu président de la cellule de Crise ?

 25   R.  Conformément à la loi, le président de la cellule de Crise devait être

 26   le président de l'assemblée municipale. Toujours conformément à cette même

 27   loi, c'est le président du comité exécutif de la ville qui lui aussi avait

 28   le droit de faire partie de la cellule de Crise.

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  1   Q.  -- à mes questions. Qui était ces présidents ?

  2   R.  Il s'agissait de Milivoje Gagro, qui a pris cette fonction, le

  3   président de l'assemblée municipale et qui, conformément à la loi, est

  4   devenu président de la cellule de Crise.

  5   Q.  Très bien. Revenons à votre expérience à Neum, lorsque vous avez dit

  6   que vous aviez été invité à préparer le plan de défense. Pouvez-vous dire

  7   aux Juges de la Chambre qui était chargé de ce plan de défense ?

  8   R.  A sein de chaque municipalité ce plan se trouvait dans le coffre-fort

  9   du président de la municipalité.

 10   Q.  Vous dites : "Le président de la municipalité," dans chaque

 11   municipalité; est-ce que c'est l'exécutif ?

 12   R.  De l'assemblée municipale.

 13   Q.  Est-ce que c'est l'organe exécutif, ou l'organe législatif au niveau de

 14   la municipalité ? Il faut être très précis ici, et puis je vais être encore

 15   plus précis. A Mostar, qui était responsable du plan de défense ? Donnez-

 16   moi simplement un nom.

 17   R.  Milivoje Gagro.

 18   Q.  Bien. Vous nous savez dit qu'à un moment donné, à partir de novembre

 19   1991, Mostar s'est retrouvée confrontée à des difficultés, et nous savons -

 20   - ou, en tout cas, nous allons découvrir que le 12 mars, la cellule de

 21   Crise a été constituée. M. Gagro a-t-il invoqué ce plan de défense et, si

 22   oui, quand, l'a-t-il déployé ?

 23   R.  Je n'ai pas connaissance du moment où ce plan a été mis au point.

 24   Q.  Très bien. Parlons de la cellule de Crise quelques instants. Nous

 25   allons passer en revue les documents, nous allons voir les choses de

 26   manière un peu plus concrète, nous allons voir ce que faisait cette cellule

 27   de Crise, mais pourriez-vous nous dire en quelques mots comment

 28   fonctionnait la cellule de Crise et ce qu'elle a été en mesure d'accomplir,

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  1   si toutefois elle a été en mesure d'accomplir quoi que ce soit ?

  2   R.  -- connaissance du -- que ce plan n'a jamais été mis en œuvre. La

  3   cellule de Crise rencontrait de nombreuses difficultés dans son

  4   fonctionnement, ses activités étaient faibles et d'une ampleur modeste, et

  5   cela pour plusieurs raisons. Tout d'abord, nous ne disposions pas de notre

  6   propre espace. Nous travaillions à l'intérieur d'un abri. Deuxièmement,

  7   tous les services municipaux, quand il s'agit des services sociaux, du

  8   service d'urbanisme, de l'ensemble des services de la municipalité, rien de

  9   tout cela ne fonctionnait plus car les gens fuyaient de la rive gauche vers

 10   la rive droite, de nombreuses personnes étaient apeurées, nombreux sont

 11   devenus des réfugiés si bien que la situation dans laquelle nous étions où

 12   certains des services se sont retrouvés sur la rive droite était ce qui

 13   pouvait s'organiser de mieux. Peut-être que 10, 20 ou 30 % du personnel de

 14   la municipalité était en mesure de travailler dans ces conditions en

 15   déclarant être venu à son travail dans la matinée. Et ensuite ils

 16   rentraient chez eux ou se rendaient dans des sous-sols afin de se mettre à

 17   l'abri. Il n'y avait ni services municipaux, ni bureaux pour les faire

 18   fonctionner. Il n'y avait pas non plus de ressources financières. Il n'y en

 19   avait pas pour la cellule de Crise, si bien que les conditions élémentaires

 20   pour le fonctionnement de cette cellule de Crise n'étaient pas réunies. La

 21   seule chose dont nous disposions au tout début était l'autorité de la

 22   cellule de Crise.

 23   Certains dans les membres étaient tout à fait passifs et d'autres

 24   s'efforçaient de faire quelque chose de concret ou de contribuer à la

 25   résolution des problèmes de la municipalité, si bien que c'était la

 26   situation quotidienne qui les y poussait, ils étaient confrontés aux

 27   problèmes des habitants et des directeurs des entreprises publiques qui

 28   venaient les voir.

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  1   Q.  Qui étaient les membres plutôt passifs et qui étaient ceux qui

  2   essayaient de faire quelque chose de concret ?

  3   R.  Je pense qu'il s'agissait du président de la cellule de Crise quant aux

  4   services publiques et aux problèmes qu'ils rencontraient; je pense que

  5   c'était la fonction première de la cellule de Crise que d'y répondre. M.

  6   Zijad Deronjic était également l'un de ces membres passifs alors que

  7   certains autres membres s'efforçaient réellement de venir en aide aux

  8   citoyens comme Josip Skutor, Andrija Skobic, Jole Musa et d'autres que je

  9   ne citerai pas ici.

 10   Q.  Très bien. Pourriez-vous décrire aux Juges de la Chambre l'assistance

 11   reçue de la part de l'Etat par la cellule de Crise de la municipalité de

 12   Mostar, par le gouvernement de l'Etat, bien le président de la présidence ?

 13   R.  Nous n'avions aucun contact.

 14   Q.  Alija Izetbegovic est-il venu. Il était président de la présidence ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  A-t-il envoyé sur place des représentants pour voir comment on se

 17   débrouillait à Mostar ?

 18   R.  Jamais. Officiellement, nous n'avons reçu personne, personne qui aurait

 19   représenté les instances centrales du pouvoir. Mais je dois dire que

 20   brièvement pendant une brève période, entre deux et cinq, six jours, on a

 21   vu se manifester deux individus qui se sont présentés comme étant des

 22   représentants de l'administration de la police de la République, donc la

 23   police au niveau central de la République. Je suis d'avis cependant qu'en

 24   fait ils étaient en train de s'enfuir de Sarajevo et ils se sont attardés

 25   deux ou trois jours dans la ville et puis ils ont disparu. Toujours est-il

 26   qu'il n'y avait aucun lien officiel entre nous et qui que ce soit basé à

 27   Sarajevo.

 28   Q.  Bien. La cellule de Crise a-t-elle jamais essayé de mobiliser les

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  1   citoyens de la municipalité de Mostar pour mettre en place disons une

  2   espèce de Défense territoriale chargée d'assurer la défense de la ville ?

  3   R.  Des tentatives de mobilisation nous ne pouvons même pas en parler du

  4   point de vue de la cellule de Crise bien qu'il ait existé un bureau de la

  5   défense dans son cadre mais la mobilisation qui était possible dans ce

  6   cadre n'était envisageable que sur ordre des instances militaires.

  7   Q.  Savez-vous effectivement s'il y a eu des instances militaires qui ont

  8   délivré ce type d'autorisation fin de permettre une mobilisation pour la

  9   défense de Mostar ?

 10   R.  Je ne sais pas.

 11   Q.  Y avait-il un organe à Mostar au sein de la municipalité chargé de la

 12   défense, à l'époque ?

 13   R.  Il y avait la Défense territoriale de la ville de Mostar. Cependant

 14   cette Défense territoriale ne fonctionnait pas du tout. Elle ne

 15   fonctionnait plus. Nous n'avions de contacts avec aucuns représentants de

 16   la Défense territoriale de la municipalité de Mostar car elle était tout

 17   simplement en déroute.

 18   Q.  Y avait-il des habitants de Mostar qui s'étaient organisés sous forme

 19   d'une force de défense ?

 20   R.  Oui. A cette époque, il y avait le HVO.

 21   Q.  Nous avons entendu des dépositions et nous verrons des documents

 22   indiquant que le 29 avril 1992, le HVO s'est vu autoriser à défendre la

 23   municipalité de Mostar. En tant que membre de la cellule de Crise,

 24   pourriez-vous nous dire comment il se fait que la cellule de Crise a confié

 25   cette tâche au HVO ?

 26   R.  Au sein de la cellule de Crise, nous nous sentions totalement

 27   impuissants. Quant à la situation telle qu'elle était dans la réalité sur

 28   le terrain, elle était tel que le chaos régnait dans la ville. La JNA

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  1   tentait de prendre l'ensemble de la ville alors que le HVO s'y opposait et

  2   essayait d'empêcher cette progression en mettant en place une ligne de

  3   défense. Nous avions l'occasion tous les jours d'être confronté aux

  4   pressions que les citoyens exerçaient sur nous afin que quelque chose soit

  5   fait.

  6   Compte tenu du fait que la Défense territoriale n'existait pas, elle était

  7   inexistante et que la police civile était tout à fait impuissante également

  8   à agir, la seule solution qui se présentait était de demander au HVO de

  9   prendre en charge la défense de la ville, la défense de ses habitants et de

 10   leur vie.

 11   Q.  L'ont-ils fait ?

 12   R.  Oui. C'est la charge que nous leur avons confiée, nous leur avons

 13   demandé de le faire et ils l'ont accepté.

 14   Q.  Bien. Nous avons également qu'une décision a été émise le 15 mai 1992,

 15   décision de démanteler la cellule de Crise. Je sais que vous avez déjà très

 16   brièvement évoqué la question en réponse à une question posée par le Juge

 17   Trechsel mais pourriez-vous nous dire la chose suivante à ce moment-là

 18   parce que nous avons également entendu la déposition du tout premier témoin

 19   qui a déposé ici, M. Pejanovic, je crois. Nous avons entendu que la partie

 20   est était tombée en mai 1992.

 21   Pourriez-vous me dire exactement ce que faisait la cellule de Crise et ce

 22   qui se passait à Mostar à ce moment-là, de façon à ce que la Chambre

 23   comprenne très bien quelle était la situation à l'époque sur place ?

 24   R.  Des combats avaient lieu à Mostar et la cellule de Crise

 25   n'accomplissait absolument aucune fonction. Nous avons arrêtés de nous

 26   réunir. Chaque membre de la cellule de Crise a commencé à s'occuper peu à

 27   peu de ses propres affaires et la cellule de Crise n'avait plus aucun

 28   pouvoir pour agir ou pour faire quoi que ce soit dans la ville. Si bien que

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  1   l'on peut affirmer qu'au mois de mai déjà, au mois de mai 1992, au début du

  2   mois de mai, nous n'entreprenions aucune activité, nous n'avions aucune

  3   activité que ce soit, alors que dans la ville, la situation ne cessait d'en

  4   tirer.

  5   Q.  Très bien. Très brièvement parce qu'il faut que nous commencions

  6   l'examen des documents, pourriez-vous nous dire la chose suivante : après

  7   le démantèlement de la cellule de Crise, avez-vous fait quelque chose ? Si

  8   oui, quoi ? Dans quelle mesure avez-vous agi sur le territoire de la

  9   municipalité de Mostar dans ces environs après le démantèlement de la

 10   cellule de Crise ?

 11   R.  Le démantèlement formel de la cellule de Crise n'a jamais eu lieu. Il

 12   n'a jamais eu de réunion au cours de laquelle quelqu'un aurait affirmé vous

 13   n'existez plus, cette cellule n'existe plus. Nous avons commencé à nous

 14   occuper d'autres affaires avant d'avoir l'occasion de nous réunir à nouveau

 15   dans ce cadre. Après la cellule de Crise, par exemple, pour ma part, j'ai

 16   commencé à œuvrer au sein du Conseil des Affaires spéciales du HVO avec un

 17   certain nombre d'autres collègues, si bien qu'en fait, ce qui s'est passé

 18   c'est que les membres du HVO de la ville de Mostar se sont constitués en un

 19   organe, une sorte de conseil qui ont pris en charge un certain nombre de

 20   tâches.

 21   Q.  A quoi devait servir ce Conseil des Affaires spéciales ?

 22   R.  La finalité première de ce conseil était d'utiliser l'autorité et les

 23   compétences des membres de ce conseil afin que des moyens matériels soient

 24   garantis pour les besoins du HVO, moyens matériels et financiers. Il

 25   s'agissait de personnes qui avaient des relations d'affaire et qui

 26   pouvaient aider à ce que de l'équipement puisse être acquis et aider au

 27   fonctionnement du HVO.

 28   Q.  Le HVO dont nous parlons ici, c'est cette force militaire qui a reçu

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  1   l'autorisation de défendre la ville, n'est-ce pas, à qui l'on a conféré ce

  2   pouvoir ?

  3   R.  Oui, il s'agit de l'armée.

  4   Q.  Bien. Combien de temps a duré -- a vécu ce Conseil des Affaires

  5   spéciales ?

  6   R.  Nous nous sommes réunis deux ou trois fois, suite à quoi, nous avons

  7   continué à agir à titre individuel. Si je reviens sur cette période, je

  8   peux dire que notre travail à titre collectif a duré peut-être un ou deux

  9   mois suite à quoi nous avons agi à titre individuel. Nous avons fait ce que

 10   nous pouvions au service du HVO.

 11   Q.  Y avait-il un président à la tête de ce conseil, avait-il une

 12   hiérarchie, y avait-il des statuts qui précisaient le fonctionnement de cet

 13   organe ? Y avait-il quoi que ce soit de ce genre ?

 14   R.  Nous travaillons sur la base de ce qui était contenu dans la décision

 15   portant création de notre conseil. Cela signifie qu'il s'agissait de mettre

 16   en profit nos relations en affaire afin d'essayer de trouver en dehors de

 17   l'Herzégovine des moyens financiers ou des matériels susceptibles de venir

 18   en aide au HVO. Nous étions trois, Neven Tomic et Jadranko Prlic et moi-

 19   même, à avoir un rôle particulièrement important au sein de ce conseil,

 20   mais nous coopérions tout ce temps que nous étions, tous les membres de ce

 21   conseil.

 22   Q.  Bien. Après avoir agi au sein du Conseil des Affaires spéciales, avez-

 23   vous fait quoi que ce soit d'autre au niveau de la municipalité ?

 24   R.  Non, la municipalité n'existait pas.

 25   Q.  D'accord, mais, à un moment donné, nous allons voir des documents qui

 26   montrent qu'il y avait une autorité exécutive qui avait été mise en place

 27   et qui s'occupait disons des tâches quotidiennes au niveau de la

 28   municipalité; c'est bien exact ?

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  1   R.  Oui. Pendant toute cette période, nous étions sous la pression exercée

  2   par les citoyens concernant les problèmes rencontrés par la municipalité.

  3   Il y avait une pression exercée sur l'armée également, par exemple, si

  4   l'entreprise chargée du nettoyage des rues ne disposait pas d'essence, elle

  5   ne pouvait pas en obtenir de la part municipalité; dans ce cas-là, elle

  6   exerçait une pression sur l'armée. Cette pression en provenance des

  7   entreprises publiques était devenue trop forte, cette pression qu'ils

  8   exerçaient à l'armée et qui l'empêchait d'accomplir ses fonctions

  9   normalement. Or, ces personnes ne pouvaient pas s'adresser à la

 10   municipalité car cette dernière n'existait tout simplement pas, il n'y

 11   avait aucun organe municipal qui aurait pu résoudre les problèmes des

 12   citoyens qui étaient restés à Mostar et des réfugiés qui y étaient arrivés,

 13   s'étaient installés.

 14   Q.  Très bien. Que s'est-il passé ?

 15   R.  C'est alors que le HVO a mis au point une sorte d'administration locale

 16   de la ville; les problèmes en question étaient résolus dans le cadre de cet

 17   organe. Les pressions subies par l'armée se sont alors arrêtées.

 18   Q.  Avez-vous participé en telle ou telle qualité à cette nouvelle

 19   administration de la municipalité, si on peut l'appeler comme cela ?

 20   R.  C'est alors que l'entreprise publique pour la reconstruction de Mostar

 21   a été formée. J'ai été directeur et employé de cette entreprise publique.

 22   Lorsque j'ai dit entreprise publique, il s'agissait donc d'une entreprise

 23   dont l'organe d'administration locale était le propriétaire.

 24   Q.  D'accord. Mais que faisait précisément cette entreprise ? Pouvez-vous

 25   nous donner une idée générale de ce qu'elle faisait ?

 26   R.  Cette entreprise était composée d'un certain nombre d'entreprises qui

 27   existaient avant la guerre. Il y avait là l'entreprise Prostor qui

 28   s'occupait d'urbanisme et d'aménagement du territoire ainsi que des

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  1   développements de la ville. Il y avait également l'entreprise Dom qui

  2   gérait les problèmes de logement. Il y avait une entreprise qui était

  3   chargée des infrastructures municipales et également du service municipal,

  4   du service des Parcs, d'entretien des parcs et des espaces verts, donc

  5   autant d'entreprises publiques qui existaient avant la guerre. On trouve

  6   également là le fond des espaces économiques, et les différentes

  7   entreprises en question ont été transférées au sein de l'entreprise

  8   publique pour la reconstruction et le renouvellement de Mostar. Cela était

  9   indispensable, c'était une forme de concentration qui était indispensable

 10   car un grand nombre d'employés de ces entreprises d'avant guerre étaient

 11   devenus des réfugiés. D'autres se sont retrouvés dans l'armée, il n'y avait

 12   plus assez de personnel et de ressources pour qu'elle fonctionne

 13   normalement.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous ai écouté dans les réponses que vous venez

 15   de donner aux questions posées, et pour bien comprendre la situation parce

 16   que la situation est forte complexe. J'ai l'impression en vous écoutant que

 17   sous l'ex-Yougoslavie, sous le régime communiste, il y avait donc des

 18   entreprises publiques diverses dont vous venez de citer les fonctions, et

 19   puis d'après ce que vous dites les réservistes serbes arrivent, novembre

 20   1991. On a l'impression qu'à ce moment-là, c'est un chaos général. La

 21   municipalité ne fonctionne plus. Il y en a qui s'en vont, des élus partent,

 22   c'est ce que vous avez dit et c'est un chaos général. Il y a, semble-t-il,

 23   des combats, et à ce moment-là, pour faire face à cette situation, si je

 24   comprends - mais si je me trompe, vous me direz tout de suite où je me

 25   trompe - le HVO va essayer de combler tous ces vides et va à ce moment-là

 26   créer une espèce d'entreprise générale, qui va regrouper toutes les

 27   entreprises sectorielles pour faire ce que je peux comprendre redémarrer la

 28   vie locale.

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  1   Est-ce bien la situation que je viens de décrire que, vous, vous avez

  2   vécu, à savoir tout fonctionne sous le système communiste, arrive en

  3   novembre 1991 les réservistes serbes, et les problèmes qui commencent il

  4   n'y a plus aucune structure, il y a quasiment plus d'Etats et le HVO va

  5   essayer de faire face à cette situation ?

  6   Est-ce bien la situation telle que je la résume ? A moins que j'ai

  7   mal compris, mais, à ce moment-là, apportez des correctifs.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, vous avez raison, mais

  9   je voudrais juste faire une petite remarque. Alors que la ville était la

 10   cible de tirs de mortier que nous voyons, nous assistions à la destruction

 11   de notre propre ville et que les bâtiments étaient en train de brûler. Je

 12   me suis rappeler la façon dont les ingénieurs de la ville de Rotterdam au

 13   cours de la Seconde Guerre mondiale alors que les bâtiments entiers

 14   disparaissaient sous les bombes, ces ingénieurs étaient en train de

 15   dessiner des plans pour la reconstruction de ces mêmes bâtiments. C'est une

 16   des leçons que j'ai tiré de mes années d'université, et c'était l'idée qui

 17   était également la mienne que nous devions être prêt pour la paix

 18   lorsqu'elle viendrait. Si nous nous retrouvions incapable de reconstruire

 19   les bâtiments au moment où les bombes étaient en train de tomber, ce que

 20   nous pouvions faire au moins c'était de prévoir les bâtiments qui

 21   prendraient leur place. J'ai suggéré à M. Topic, qui m'a dit qu'il faudrait

 22   mettre au point une décision permettant aux ingénieurs de travailler sur ce

 23   type de tâche, j'ai donc fait cette proposition, et par la même occasion,

 24   nous avons empêché que ces personnes se retrouvent sous les drapeaux et sur

 25   le front. Nous avons commencé à concevoir les bâtiments qui permettraient à

 26   la reconstruction de la ville. Ce sont eux qui ont commencé à y travailler

 27   et à travailler à ce qui était un véritable rêve de paix pour cette ville

 28   d'avoir des bâtiments plus beaux que ceux du passé.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, le secteur d'activité vous aviez préparé

  2   des plans pour reconstruire. Ce qui était en train de se détruire sous vos

  3   yeux, je suppose que vous n'étiez le seul. Il y a d'autres personnes, comme

  4   vous, qui devaient être animées de cette volonté de construire et de

  5   continuer à vivre. Mais la démarche que vous avez entreprise, était-ce une

  6   démarche qui était liée à la situation, ou bien, votre démarche obéissait-

  7   elle à une conception idéologique ? En un mot, faisiez-vous face à une

  8   situation extrême ou bien tout ça rentrait dans un plan ?

  9   Vous voyez, ma question est compliquée, mais vous avez certainement y

 10   répondre.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Si j'ai bien compris votre question, je vais

 12   vous répondre comme suit : Mon activité -- notre activité, et quand je dis

 13   "notre activité," j'entends par là qu'en l'espace d'une dizaine de jours

 14   j'ai réussi à engager plus de 120 ingénieurs qui étaient tous dotés de

 15   diplôme de troisième cycle et parfois des docteurs es science, donc ce

 16   n'était pas une démarche idéologique du tout, ce n'était pas non plus fondé

 17   sur des intérêts nationaux à ce moment-là. Tout simplement, on souhaitait

 18   se rendre utiles. Nous avions des compétences, et on ne voulait pas rester

 19   les bras croisés, on voulait reconstruire notre ville. Pour vous démontrer

 20   que ce n'était pas une démarche idéologique, qu'il n'avait pas de motif

 21   idéologique. Ça se lit très bien quand on se penche sur la composition de

 22   l'équipe et ce qui a été abordé dans le cadre des premiers séminaires, des

 23   premiers cours magistraux qui ont été tenus pour esquisser cette

 24   reconstruction à venir, et ça a démarré pendant ce même mois où

 25   l'entreprise a été lancée. Dans cette entreprise, nous avions même un

 26   président de l'ex-parti communiste, qui est un docteur es science. Il a

 27   abordé un sujet qui portait sur la ville future. Autrement dit, tous les

 28   groupes ethniques étaient représentés dans ces entreprises, toutes les

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  1   politiques, et il y avait des gens qui étaient organisés politiquement et

  2   qui occupaient des postes dirigeants tous les partis de Mostar.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

  4   Maître Karnavas.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie.

  6   Q.  J'imagine qu'il y avait toutes sortes de nationalité aussi.

  7   R.  Absolument. Tout à fait. A ce moment-là, on ne se demandait pas quel

  8   est le groupe ethnique auquel appartenait telle ou telle personne.

  9   Q.  Très bien. Pourriez-vous nous dire combien de temps a duré cette

 10   fameuse entreprise publique ?

 11   R.  Jusqu'à il y a quatre ou cinq mois où il y a eu banqueroute.

 12   L'entreprise a fait faillite.

 13   Q.  Combien de temps avez-vous participé à cette entreprise publique ?

 14   R.  J'ai travaillé dans cette entreprise publique jusqu'à la mise en place

 15   de l'administration européenne à Mostar; c'est-à-dire jusqu'à l'arrivée de

 16   M. Kosnik [phon], j'ai été nommé à ce moment-là adjoint du président du

 17   HVO, M. Mijo Brajkovic. 

 18   Q.  Pouvez-vous nous donner le mois et l'année, afin que nous puissions

 19   nous situer ?

 20   R.  Je pense que c'était en 1994.

 21   Q.  Merci. Durant cette période, pourriez-vous nous dire combien de

 22   professionnels, c'est-à-dire d'ingénieurs du bâtiment, d'architectes, et

 23   cetera, qui travaillaient pour cette entreprise ?

 24   R.  D'amblée très vite, nous avons atteint le chiffre de plus de 120

 25   experts, pour la plupart c'était des experts. Pendant quelque temps, nous

 26   avons déployé une activité très intense jusqu'au début de l'année 1993, à

 27   partir de ce moment-là vu que la situation devenait plus complexe dans la

 28   ville, on a vu de nouveau les gens partir, ils se sont remis à partir, et

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  1   notre nombre a décru à partir de ce moment-là mais il n'y a jamais eu moins

  2   de 50 ou 60 employés.

  3   Q.  Très bien. Pouvez-vous nous dire comment cette entreprise publique

  4   était financée ?

  5   R.  Elle n'était pas financée, l'argent ne restait pas. Au tout début, les

  6   gens ont travaillé sur le principe du volontariat, bénévolat, sans

  7   percevoir d'argent. Ce que je faisais à l'époque, j'ai réussi à les mettre

  8   sur les listes d'aide collective humanitaire. C'est Caritas qui me

  9   fournissait de l'aide au tout début dans un premier temps, donc ces gens-là

 10   travaillaient pour le petit colis de vivres, de nourriture qu'on recevait

 11   occasionnellement.

 12   Q.  Pour ce qui est des projets en revanche, il fallait qu'il y ait de

 13   l'argent, qui finançait les projets, les projets sur lesquels travaillait

 14   cette fameuse entreprise publique ?

 15   R.  Il n'y avait pas d'argent. On recevait de l'aide sous forme diverses et

 16   variées. A titre d'exemple, l'entreprise Konstruktor de Split nous a aidé

 17   en nous envoyant de l'équipement nous permettant de faire des dessins, des

 18   ordinateurs. Quand on procédait à des travaux concrets, on faisait valoir

 19   notre autorité et puis on s'adressait à des entreprises qui, dans leurs

 20   entrepôts ou dans leur hall, avaient des matériels ou des équipements

 21   divers, donc c'est comme ça qu'on procédait. Avant tout, nous on avait

 22   l'expertise. On avait les ingénieurs qui avaient des compétences.

 23   Q.  Ces entreprises dont vous parlez, dites-nous : s'il s'agissait

 24   d'entreprises privées ou s'il s'agissait d'entreprises nationalises, ce qui

 25   n'est pas tout à fait la même chose qu'une entreprise publique ? Vous allez

 26   sans doute pouvoir nous aider à y voir plus clair.

 27   R.  Tout cela était en propriétés sociales.

 28   Q.  Merci. Quelle est la différence, s'il vous plaît, entre une entreprise

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  1   publique et une entreprise nationalisée ?

  2   R.  L'entreprise publique est la propriété de l'Etat. Compte tenu des

  3   spécificités du socialisme yougoslave, en théorie, je dis bien les employés

  4   qui travaillent dans les sociétés sociales sont leurs propriétaires et la

  5   société dans son ensemble. Légalement, nous étions formés de prendre à la

  6   société et redistribuer à la société.

  7   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète pour M. Karnavas : corriger

  8   régime de propriété sociale, mettre régime de propriété sociale plutôt que

  9   nationalisée.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] J'espère que pour les Juges la réponse est

 11   claire. Je vais passer à autre chose.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour moi, la réponse n'est pas claire, Monsieur le

 14   Témoin. Vous dites qu'en théorie, le propriétaire de l'entreprise sociale

 15   ce sont les travailleurs. Bien, là, je n'arrive pas à comprendre, une

 16   entreprise sociale qui est une entreprise publique, les dirigeants c'est

 17   l'Etat et non pas les travailleurs qui même s'ils sont employés par une

 18   entreprise d'Etat ne sont pas propriétaires de l'entreprise. Est-ce que

 19   vous pouvez nous préciser cela parce qu'il y a une zone de flou ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous sommes sur le plan théorique purement

 21   théorique à présent. C'est à ce niveau-là que nous nous situons. Nous

 22   savons que l'Etat contrôlait tout. Bien entendu, mais en théorie, l'Etat

 23   est le propriétaire des entreprises publiques, c'est l'Etat qui les crée et

 24   c'est lui qui place les conseils d'administration qui élisent les

 25   directeurs.

 26   Mais d'autre part, nous avons des entreprises sociales, là ce sont les

 27   employés qui élisent des conseils de travailleurs qui pratiquement, bien

 28   sûr, étaient contrôlés, c'est naturel. Mais ces conseils de travailleurs,

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  1   eux, ils élisaient les directeurs et des directeurs c'est le management qui

  2   dirige l'entreprise, l'entreprise sociale.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci de la précision. Je comprends.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.

  5   Q.  Vous avez dit que c'était l'Etat à qui appartenait les entreprises

  6   publiques, mais, au niveau municipal, pourriez-vous me dire qui détenait

  7   cette entreprise, surtout celle dont on parle ? Est-ce que c'était l'Etat

  8   de Bosnie-Herzégovine, est-ce que c'était la municipalité de Mostar ?

  9   R.  C'était la municipalité de Mostar.

 10   Q.  Cela peut nous aider à nouveau pour clarifier la réponse précédente.

 11   Ces entreprises publiques dans l'ancien système en gros, pourriez-vous nous

 12   dire quels étaient leurs secteurs d'activités principales ?

 13   R.  La distribution de l'eau courante, l'électricité, la voirie, donc les

 14   services municipaux.

 15   Q.  Merci.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais clarifier quelque chose.

 17   Vous avez dit à la page 29, ligne 4 : "Ici nous nous lançons dans la

 18   théorie. Nous savons bien qu'en fait c'était l'Etat qui contrôlait tout."

 19   Ensuite, vous vous lancez dans des explications pour nous parler en fait de

 20   l'idée derrière cette fameuse société de régime de propriétés sociales ou

 21   ce qui est autogéré. Mais j'aimerais savoir si c'était de la théorie,

 22   uniquement de la théorie et si en pratique toute société dont vous parlez

 23   bien qu'elles étaient censés être autogérées "socially owned," en anglais

 24   en fait elles dépendaient de l'Etat, c'est-à-dire de la municipalité. Est-

 25   ce ainsi qu'il faut comprendre les choses ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas l'expertise dans ce secteur mais

 27   j'ai vécu pendant cette période-là. Tout était contrôlé par Ligue des

 28   communistes. Et nous avons abordé l'aspect théorique, la théorie.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Moi, je ne comprends plus grand-

  2   chose parce que je pensais qu'on parlait de la période ultérieure où Mostar

  3   était pratiquement aux mains du HVO et que c'était, que toute la

  4   planification et tout ce qui avait dû être fait s'était fait sous l'égide

  5   du HVO. Vous êtes en train de nous dire que les choses étaient plus ou

  6   moins identiques en ce qui concerne en tout cas ces entreprises par rapport

  7   au temps de Tito ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je n'ai pas compris la question.

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé. Je comprends bien

 10   que vous ne compreniez pas. C'est assez compliqué et confus.

 11   Au cours de l'interrogatoire principal, Me Karnavas vous a parlé, vous a

 12   posé des questions de façon chronologique, et nous sommes maintenant à la

 13   fin 1992, chronologiquement. La cellule de Crise a montré son inefficacité.

 14   On a demandé au HVO de prendre en main la défense et c'est en fait la force

 15   qui s'occupe un peu de tout. Vous travaillez pour le HVO en matière de

 16   l'aménagement du territoire et vous travaillez avec les entreprises. On

 17   vous a demandé : "Quel type de compagnies ?" Et vous nous avez dit que ces

 18   entreprises sous le régime de la propriété sociale ou dans l'autogestion.

 19   Me Karnavas vous a ensuite demandé : "Quelle était la différence entre une

 20   société en propriété sociale et une société publique ?" Là, vous dites

 21   finalement en fait c'était l'état qui s'occupait de tout, qui gérait

 22   absolument tout. Mais ça ne pouvait pas se faire à ce moment-là, sous était

 23   la municipalité de Mostar et non pas l'état; en tout cas, ça ne pouvait pas

 24   être le Ligue des Communistes qui s'occupait de tout à cette époque-là ou

 25   le HVO.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons abordé les problèmes théoriques et

 27   nous avons évoqué la situation telle qu'elle se présentait avant la guerre.

 28   C'est comme cela que la question a été formulée. Une entreprise publique

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  1   chargée de la reconstruction de Mostar avait été créée par le HVO mais

  2   l'entreprise publique de reconstruction de Mostar était chargée de

  3   travailler dans l'intérêt des citoyens. Dans le cadre de ses fonctions,

  4   elle coopérait avec les entreprises sociales d'une parte et avec d'autres

  5   entreprises publiques de la municipalité, de l'autre part.

  6   Ensuite --

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. Je m'arrêterai là.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation]

  9   Q.  Une question de suivi, à ce moment-là : est-ce que l'état de Bosnie-

 10   Herzégovine était passé d'une économie planifiée à une économie de marché ?

 11   R.  Pendant cette période-la à Mostar, mais on n'était même pas conscient,

 12   on ne percevait pas la présence de l'état de Bosnie-Herzégovine parce qu'il

 13   n'y avait aucune communication, contact. Quant à la transition, la

 14   transformation économique, c'est maintenant qu'elle se produit. A l'époque,

 15   elle n'avait pas encore été mise en place.

 16   Q.  Vous dites qu'il y avait "transformation" qui était en cours et qui est

 17   en cours d'ailleurs, vous parlez de la privation des entreprises

 18   nationalisées et des biens nationalisés; c'est cela ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je dois vous dire que je suis un

 22   peu aussi pas au clair précisément. Si vous donniez, quittez la théorie

 23   pour passer à la pratique. Prenez l'exemple d'une entreprise qui gérait

 24   l'eau ou l'électricité, comme vous voulez; pouvez-vous nous dire ce que

 25   vous avez vu comme transformation sous vos yeux ? Je présume que

 26   l'entreprise publique qui avait en charge l'eau devait être sous le

 27   contrôle de Ligue des Communistes, on comprend très bien. Mais après

 28   qu'est-ce qui s'est passé à partir de cet exemple; pouvez-vous illustrer ce

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  1   que vous nous avez dit ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Les entreprises publiques au niveau de la

  3   municipalité sont créées par la municipalité et c'est la municipalité qui

  4   est leur propriétaire. C'est la municipalité qui les contrôle dans leur

  5   exercice. C'est à cette municipalité que les entreprises publiques rentrent

  6   compte. Elles doivent se coordonner entre elles. D'autre part, nous avons

  7   les entreprises sociales qui, elles, agissent sur le marché.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : L'eau, ça dépend de qui, de la municipalité ou des

  9   entreprises sociales ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] L'institut chargé de la Distribution en eau

 11   courant est créé par la municipalité.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : L'électricité, c'est pareil ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Idem, la voirie, pareil; nettoyage des dépôts,

 14   pareil; l'urbanisme, pareil.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Je comprends un peu mieux.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Q.  Une dernière question, donc une dernière question avant de faire la

 18   pause et d'étudier les documents. Pourriez-vous nous dire quels étaient les

 19   travaux effectués par cette entreprise publique lorsque vous en faisiez

 20   partie ?

 21   R.  Mais je vous l'ai déjà dit, la première chose que nous ayons faite,

 22   c'était de planifier -- de prévoir le développement de la ville à l'avenir,

 23   donc la reconstruction. Ensuite, nous devions assurer la coordination entre

 24   les différents secteurs. Si on allait construire une rue, il y a

 25   l'électricité, l'eau et puis l'asphalte, par exemple. Il y a trois

 26   intervenants ou quand il s'agit de planter des arbres. Il fallait qu'on

 27   établisse des plans, les financements et que ces différentes entreprises

 28   que leurs activités convergent. Donc la première tâche c'était l'urbanisme

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  1   et la planification, le développement de la ville. Deuxièmement, notre

  2   attribution c'était de gérer le parc de logement de la ville, donc de les

  3   maintenir, assurer la maintenance pour que dans ces bâtiments, les

  4   ascenseurs marchent, l'eau courante, que les toits ne fuient pas, et

  5   cetera.

  6   Q.  Merci. Est-ce que vous étiez impliqué dans d'autres travaux, par

  7   exemple, la réparation des ponts, la construction de bâtiments, s'il vous

  8   plaît, faites-nous une liste, ainsi la Chambre de première instance pourra

  9   savoir ce que vous faisiez exactement. Ensuite on passera à la pratique à

 10   l'aide des documents.

 11   R.  C'est à trois niveaux qu'on se situait. Premièrement, niveau des

 12   affaires courantes, lorsqu'un problème se posait. Deuxième niveau, c'était

 13   celui de nos activités régulières présentes, et puis le troisième niveau,

 14   c'est l'avenir. En d'autres mots, nous, on se chargeait de réparation et de

 15   maintenance de l'ensemble des logements dans la ville pour pouvoir y

 16   installer des gens. Ensuite on faisait des plans et des réparations de

 17   l'ensemble des installations publiques pour que la ville puisse

 18   fonctionner. Puis on faisait des plans et on assurait la coordination de la

 19   reconstruction des infrastructures, on se chargeait également de

 20   l'urbanisme.

 21   Mais, à ce moment-là, dans la ville de Mostar, il y avait deux

 22   choses, deux missions qui étaient de la plus grande importance,

 23   premièrement, prendre en charge les gens, les installer quelque part; et

 24   d'autre part, construire des ponts pour que les deux parties de la ville se

 25   rejoignent, soient reliées. Puis, avec l'arrivée de l'hiver, il a fallu

 26   essayer de chauffer tous ces gens-là. Naturellement, pendant tout ce temps-

 27   là, on a reconstruit des écoles. On a fait des plans pour des hôpitaux,

 28   pour les reconstruire, les hôpitaux, les dispensaires, et cetera. 

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  1   Q.  Encore une question, s'il vous plaît : cette entreprise publique pour

  2   laquelle vous travaillez n'a-t-elle jamais évalué la situation et avez-vous

  3   eu l'occasion de ce fait de faire des statistiques pour savoir exactement -

  4   - pour expliquer exactement ce que faisait votre entreprise ?

  5   R.  Oui, on l'a fait. C'était un pour la mission de constater la situation

  6   telle qu'elle se présentait. On a fait un relevé et c'est sur la base de ce

  7   relevé que nous avons réalisé un plan pour nos activités futures et selon

  8   une liste de priorités établie.

  9   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Nous avons encore cinq minutes, donc

 11   j'aimerais poser une brève question, s'il vous plaît, au témoin.

 12   Une chose qui est encore un peu floue dans mon esprit, je ne comprends pas

 13   bien la relation entre la planification qui était visiblement votre travail

 14   et l'exécution de ces plans. Donc le travail physique était vraiment fait.

 15   J'ai l'impression que vous nous avez dit que votre groupe était chargé de

 16   la planification, de l'organisation et de la coordination, et d'autres

 17   entités, d'autres entreprises publiques, voire entreprises autogérées, qui

 18   s'occupaient de la construction, de la réparation des ascenseurs, de

 19   l'entretien, de la réparation des inducteurs d'eau, et cetera. Est-ce que

 20   c'est comme ça que cela a fonctionné, n'est-ce pas, ou est-ce que vous

 21   aviez aussi votre propre entreprise avec bulldozers, et cetera ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avions que des ingénieurs. C'était des

 23   conseillers dans le cadre de tous cahiers de charge que vous venez

 24   d'évoquer. Nous n'étions pas une entreprise du bâtiment, qui se chargeait

 25   de faire des travaux concrètement. Au cas par cas, on se débrouillait et on

 26   résolvait le problème comme on pouvait pour procéder aux travaux réels.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien. On peut dire que vous

 28   occupiez du logiciel et puis pour ce qui est en revanche du matériel,

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  1   c'était aux autres de s'en occuper; c'est cela ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, on pourrait dire cela.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va faire la pause de 20 minutes. Nous nous

  5   retrouverons dans 20 minutes.

  6   --- L'audience est suspendue à 15 heures 42.

  7   --- L'audience est reprise à 16 heures 08.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

  9   Maître Karnavas vous avez utilisé quelques secondes près presque une heure.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Monsieur Puljic, voici votre classeur. Nous allons passer en revue ces

 12   documents ensemble. Je vous serais infiniment reconnaissant si vous me

 13   fournissiez des réponses brèves qui se limitent à la question, et je vous

 14   demanderais également de parler un plus lentement pour que les interprètes

 15   puissent vous suivre, s'il vous plaît, Monsieur.

 16   Merci d'avance.

 17   Bien. Examinons le premier document, P 00135. C'est le premier document que

 18   vous avez. Il porte la date du 12 mars 1992. Nous voyons qu'il est signé

 19   par Miloje Gagro. A ce moment-là, il est président de la municipalité de

 20   Mostar; c'est bien exact ?

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  Reconnaissez-vous la réunion dont il est question ici à l'ordre du jour

 23   ?

 24   R.  Oui, je reconnais qu'il s'agit d'une convocation à l'ordre du jour un

 25   débat portant sur l'état dont la ville, la situation dans la ville. Il a

 26   été proposé lors de cette réunion qu'il était temps de mettre fin aux

 27   activités de l'assemblée municipale et de fonder la cellule de Crise.

 28   Q.  Très bien. Voyons le point 2. Il y est question de la démission des

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  1   chefs des services -- ou centres de service de Sécurité des régions et de

  2   la municipalité. De quoi parle-t-on ici lorsque l'on parle de ces "centres

  3   de service de Sécurité" ?

  4   R.  Le CSB c'est le "centre des services de Sécurité." Pour simplifier, il

  5   s'agit de la police compte tenu du fait que la police n'était pas en mesure

  6   de maîtriser la situation dans les rues, le chef de la police voulait

  7   présenter sa démission -- les chefs de la police, la police civile, mais il

  8   faut savoir que la police civile ne pouvait s'ingérer en aucune façon dans

  9   les affaires de la police militaire.

 10   Q.  Très bien. Vous parlez de la police civile et vous nous dites qu'elle

 11   n'avait aucun pouvoir sur les militaires, sur les soldats en d'autres

 12   termes. C'est ça, c'est ce que vous essayez de nous dire, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Très bien, d'accord. Vous souvenez-vous où cette réunion s'est tenue ?

 15   Parce que l'on voit ici --

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Attendez. Maître Karnavas,

 17   s'agissant de la question précédente, il n'y a pas d'adresse qui est

 18   indiquée ici, mais je suppose que l'on peut déduire du premier paragraphe

 19   que ce document est adressé aux membres de l'assemblée municipale.

 20   Monsieur le Témoin, je vous pose la question : étiez-vous membre vous-même,

 21   à l'époque, de l'assemblée municipale ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'étais pas membres de l'assemblée, mais,

 23   conformément à la loi et aux attributions qui étaient les miennes, j'avais

 24   l'obligation d'assister à chaque réunion.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Avez-vous reçu cette convocation ?

 26   Vous a-t-elle également été adressée ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je recevais toujours les convocations

 28   pour les réunions de l'assemblée municipale de la ville de Mostar.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Excusez-moi, Maître Karnavas.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation]

  3   Q.  Vous souvenez-vous avoir participé à cette réunion-là ?

  4   R.  Oui, j'y ai assisté.

  5   Q.  Savez-vous où s'est tenue cette réunion ?

  6   R.  Cette réunion s'est tenue à l'intérieur d'un abri, en haut de l'avenue

  7   où se trouvait le centre de communications de la Défense territoriale de

  8   Mostar.

  9   Q.  Pourquoi ? Pourquoi, en tout cas, si vous le savez, pourquoi la réunion

 10   s'est-elle tenue à cet endroit-là ?

 11   R.  Cela s'est tenu à cet endroit, car certainement les membres de

 12   l'assemblée ne se sentaient pas en sécurité dans la grande salle de

 13   l'assemblée municipale où ils avaient été appelés à se réunir.

 14   L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien, très bien.

 16   Q.  Une dernière question. S'est-il passé quelque chose de particulier lors

 17   de cette réunion ? Si oui, quoi ? Si toutefois vous avez le souvenir.

 18   R.  Au cours de cette réunion, deux choses se sont produites. Tout d'abord,

 19   l'assemblée en tant que tel a été dissoute et à sa place a été mise en

 20   place la cellule de Crise.

 21   Q.  Bien. J'aimerais que l'on vous montre le document suivant, 1D 01635. Il

 22   s'agit du procès-verbal de la première réunion de la délégation de la

 23   FORPRONU et de la cellule de Crise, municipalité de Mostar, en date du 27

 24   avril 1992.

 25   J'ai examiné ce document et je remarque que votre nom n'y figure pas.

 26   Savez-vous si, oui ou non, vous avez participé à cette réunion, Monsieur ?

 27   R.  Non, je n'étais pas présent à cette réunion ?

 28   Q.  A quelque moment que ce soit, avez-vous eu connaissance des événements

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  1   ou des questions qui ont été abordées lors de cette réunion ?

  2   R.  Oui. À l'époque des événements en question, c'était dans mes

  3   conversations avec M. Filipovic qui était compétent pour cela que

  4   j'obtenais des informations.

  5   Q.  A ce moment-là, pourriez-vous nous dire combien de soldats ou d'hommes

  6   armés de la FORPRONU étaient présents dans la municipalité de Mostar ?

  7   R.  A Mostar, à cette époque, se trouvaient des observateurs et je n'y ai

  8   pas vu de soldats des Nations Unies.

  9   Q.  Examinons la deuxième page de ce document. Je ne sais pas si c'est en

 10   page 2 de votre version, mais, à un moment donné, voici ce que disent les

 11   représentants des Nations Unies -- enfin, le représentant. Il dit avoir

 12   entendu à la radio que 100 000 à 160 000 personnes avaient fui la Bosnie-

 13   Herzégovine. Savez-vous si ce chiffre correspond plus ou moins à la

 14   réalité, à ce moment-là ?

 15   R.  Oui.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin, si le chiffre est vrai ou se rapproche de la

 18   réalité de l'époque, 100 000 à 160 000 personnes qui auraient quitté la

 19   Bosnie-Herzégovine, je suppose que, dans ce chiffre, il doit y avoir des

 20   habitants de Mostar. Est-ce qu'à votre avis, ce chiffre englobe des

 21   personnes de Mostar qui auraient quitté aussi la Bosnie-Herzégovine ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est extrêmement difficile de parler de

 23   chiffres ici. Je ne peux pas donner d'indicateurs précis en la matière,

 24   mais je sais qu'à cette époque avait lieu un véritable exode de personnes

 25   qui quittaient Mostar. Ma famille se trouvait déjà hors de Mostar --

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Le problème que j'ai, Monsieur, est le suivant, je

 27   vais vous l'exposer et je crois que ma question va aller au cœur même des

 28   débats. 

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  1   Il y a une offensive serbe, donc une situation chaotique que vous avez

  2   décrite déjà. Il y a des bombardements. A votre connaissance, est-ce que, à

  3   ce moment-là, des habitants de Mostar ont préféré quitter Mostar plutôt que

  4   d'être dans leurs caves en train de se faire pilonner par l'artillerie

  5   serbe ? Est-ce qu'à votre connaissance, à ce moment-là, il y a des gens qui

  6   sont partis ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, à cette époque-là, déjà des gens

  8   quittaient la ville.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a des gens qui ont quitté la ville. Parmi ces

 10   gens qui ont quitté la ville, y avait-il des Musulmans qui habitaient à

 11   Mostar Ouest ou à Mostar Est ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Avant tout, il s'agissait des femmes et

 13   des enfants qui fuyaient et parmi eux, évidemment, des femmes et enfants de

 14   nationalité musulmane.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez un ordre de grandeur, un

 16   chiffre à nous indiquer sur le nombre de femmes et d'enfants musulmans qui

 17   auraient quitté Mostar à ce moment-là, ou bien vous n'avez pas de chiffre,

 18   même approximatif ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Les chiffres évoluaient de jour en jour,

 20   d'heure en heure même, si bien qu'il est extrêmement difficile de parler de

 21   quelque chiffre que ce soit par rapport à cette période. Les premiers

 22   chiffres que nous ayons reçus, nous les avons eus lorsque nous avons

 23   commencé à évaluer la situation dans la ville au mois de juin lorsque nous

 24   avons recensé le nombre d'appartements et le nombre de personnes dans la

 25   ville après la libération de la rive gauche de la ville de Mostar. C'était

 26   quelque chose d'extrêmement difficile à évaluer car la situation était très

 27   difficile. Il y avait des femmes et des enfants qui avaient de la famille

 28   dans la partie ouest, et après le bombardement de l'Herzégovine

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  1   occidentale, toutes ces personnes sont parties en Dalmatie. Des personnes

  2   appartenant à tous les groupes ethniques, aussi bien des Musulmans et des

  3   Croates que certains Serbes qui avaient des amis en Dalmatie, faisaient

  4   partie de ce groupe ainsi que ceux qui étaient issus de mariages mixtes ou

  5   appartenait à des mariages mixtes. Mais la plupart des Serbes sont allés de

  6   l'autre côté de la ville.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- de chiffres précis à nous dire -- à

  8   nous indiquer ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Avant de laisser de côté ce document,

 11   j'aimerais que l'on examine la troisième page, tout en haut de la troisième

 12   page en anglais pour le moins. Il y a un endroit où Gagro dit la chose

 13   suivante : "Ce sont de gros problèmes pour nous. Il deviendra de plus en

 14   plus difficile de répondre aux besoins élémentaires de la population. Je

 15   dois notamment souligner que l'usine, le complexe de production

 16   d'aluminium, a été quasiment détruit par la JA [phon]."

 17   Ensuite un peu plus loin dans le paragraphe, il ajoute : "C'est la

 18   raison pour laquelle je vous exhorte à faire quelque pour que cesse pillage

 19   de ce complexe d'aluminium."

 20   Pourriez-vous nous dire si la réalité que décrit M. Gagro est exact

 21   lorsqu'il parle de ces difficultés à satisfaire les besoins élémentaires de

 22   la population et nous dire également l'importance de ce complexe

 23   d'aluminium dont il est question, ici ?

 24   R.  Oui, ce qui est dit ici est vrai. Je sais exactement ce quoi il

 25   s'agit ici.

 26   Q.  D'accord. De quoi parle-t-on ici lorsqu'on parle de cette entreprise

 27   qui traite l'aluminium. Quelle est son importance si elle a une importance

 28   ?

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  1   R.  La majorité de la population de la ville vivaient des activités de ce

  2   grand combinat, c'était le fondement de notre activité. Lorsque nous

  3   regardions la télévision, nous avons vu qu'à Sibenik, le complexe

  4   d'aluminium avait été détruit, cela par un seul obus. Cela signifie que ce

  5   complexe nommé aluminium qui se trouve à Mostar est au cœur -- dépend d'un

  6   transformateur unique et cela signifie qu'un seul obus permettait de

  7   détruire l'ensemble du complexe et de mettre fin à l'approvisionnement en

  8   électricité. Le complexe en question pouvait être arrêté uniquement,

  9   conformément à une procédure, un procédé technologique bien précis et faute

 10   de cela, il aurait été détruit une fois pour toute. C'est pourquoi M. Gagro

 11   essaie d'assurer ici la continuité de l'approvisionnement en électricité

 12   pour le complexe nommé aluminium de façon à ce qu'il puisse être arrêté

 13   convenablement et sauvegardé pour l'avenir car la JNA n'avait pas encore

 14   pris possession du transformateur.

 15   Q.  A la page suivante en anglais Gagro dit la chose suivante : "Nous

 16   essayons de négocier avec JA. Nous avons proposé des pourparlers sans la

 17   moindre condition préalable. Nous sommes un peu perdus car ils prétendent

 18   être en faveur du dialogue et non pas du conflit."

 19   Pouvez-vous confirmer si la cellule de Crise à l'époque essayait de

 20   négocier avec la JNA ?

 21   R.  Oui, c'était bien le cas.

 22   Q.  Très bien. Autre chose qui pourra intéresser les Juges de la Chambre. A

 23   la page suivante les Nations Unies disent : "C'est le problème de

 24   l'électricité et de l'eau à Capljina et à Citluk. C'est très important. La

 25   Communauté européenne a déjà essayé d'aider dans ce domaine. Le poste, le

 26   transformateur se trouve entre les deux factions. Je veux une solution afin

 27   d'assurer les réparations et ce, le plus rapidement possible parce que la

 28   situation à Citluk et Capljina est très grave et mes hommes seront déployés

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  1   sur place."

  2   Cet homme des Nations Unies demande à ce moment-là que des

  3   réparations soient faites pour faire face au problème d'eau et

  4   d'électricité à Capljina et Citluk. Pourriez-vous nous expliquer quels

  5   étaient les problèmes sur place à ce moment-là ? Par ailleurs, on aurait pu

  6   s'imaginer que les Nations Unies apportent cette assistance plutôt que de

  7   demander à ce qu'une solution soit apportée. Pouvez-vous nous dire quelle

  8   était la nature des problèmes qui existaient à ce moment-là et qu'ont fait

  9   les Nations Unies par le biais de ses représentants pour remédier au

 10   problème ?

 11   R.  Les représentants des Nations Unies ne disposaient pas

 12   d'information suffisante quant à la réalité de la situation. Il est ici

 13   tout à fait manifeste que ce représentant des Nations Unies ne comprend pas

 14   la situation sur le terrain, ni les priorités et la signification de

 15   l'approvisionnement en énergie pour certaines localités. Ces représentants

 16   ont fait eu ou pratiquement rien pour qu'il puisse être remédié à cette

 17   situation.

 18   Q.  Très bien. Pour finir, on voit que c'est Ilija Filipovic qui a

 19   établi le procès-verbal de cette réunion. Qui était cet homme, pouvez-vous

 20   nous le dire ?

 21   R.  Ilija Filipovic était un employé dans l'une des entreprises

 22   publiques de Mostar. Il travaillait également au sein de la cellule de

 23   Crise et en même temps au quartier général du HVO.

 24   Q.  A moins qu'il y ait des questions, je vais passer au document

 25   suivant, document 1D 01903, qui porte la date du 28 avril 1992. Là encore,

 26   je ne vois pas votre nom sur ce document; pouvez-vous nous dire si vous

 27   avez effectivement assisté à cette réunion ?

 28   R.  Non, je n'étais pas à cette réunion.

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  1   Q.  Très bien. Alors, savez-vous si à un moment donné ou à un autre, vous

  2   avez été informé des discussions qui ont eu lieu lors de cette réunion ?

  3   R.  J'ai déjà eu l'occasion de dire que dans mes conversations quotidiennes

  4   avec Ilija Filipovic, un bon ami à moi, j'avais l'occasion d'apprendre ce

  5   qui se passait lors des réunions auxquels étaient présents les membres de

  6   la cellule de Crise et les représentants des Nations Unies, les

  7   observateurs des Nations Unies et la JNA -- les membres de la JNA.

  8   Q.  Très bien. Nous voyons un M. Skobic, à la première page qui a fait un

  9   exposé détaillé sur les questions liées à l'électricité, le pétrole, la

 10   circulation et l'économie, M. Skobic; avez-vous eu l'occasion d'examiner ce

 11   document et pouvez-vous confirmer à la Chambre que ce que dit M. Skobic est

 12   exact ?

 13   R.  Tout ce qu'affirme M. Skobic est exact. A ce moment-là, il  mettait en

 14   avant la question de l'énergie car toutes les stations d'essence se

 15   trouvaient sur la rive gauche de la Neretva. La rive droite ne disposait

 16   d'aucune station d'essence.

 17   Q.  Voyons le point 4 de la page 2, intitulé : "Economie." M. Skobic nous

 18   parle du pillage de Sokol, il parle de dégâts représentant environ une

 19   valeur de 200 millions de dollars américains. Puis le représentant des

 20   Nations Unies, je crois que c'est un représentant des Nations Unies, M.

 21   Lundgren aurait répondu qu'il était tout à fait conscient des répercussions

 22   sur la population civile : "Tous les problèmes évoqués devraient figurer

 23   dans le rapport adressé à M. Nombiar et il faudrait entrer en contact avec

 24   le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine sur les questions liées aux

 25   exportations." 

 26   Ma question est la suivante : savez-vous si les Nations Unies sont

 27   effectivement rentrés en contact avec le gouvernement de Bosnie-Herzégovine

 28   et le gouvernement de Bosnie-Herzégovine a essayé de remédier à cette

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  1   situation difficile, comme on le suggère ici ?

  2   R.  Je ne sais pas si les Nations Unies ont pris contact avec le

  3   gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Mais le gouvernement de Bosnie-

  4   Herzégovine à son tour n'a jamais pris contact avec nous. Il ne nous a

  5   jamais donné d'instructions ou quoi que ce soit d'autre.

  6   Q.  Très bien. Dernière page maintenant. On voit que Jozo Kraljevic qui

  7   aurait apposé sa signature. Dites-nous de qui il s'agit ?

  8   R.  Jozo Karljevic.

  9   Q.  Que faisait-il au sein de la cellule de Crise, s'il vous plaît ?

 10   R.  [aucune interprétation]

 11   Q.  Passons --

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin, s'il vous plaît, avant que Me Karnavas passe

 13   à un autre document, j'en reviens à M. Lundgren. Quand il dit : "Il faut

 14   prendre contact avec le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine," la

 15   conclusion qu'on se fait en lisant ce document c'est qu'apparemment à

 16   Mostar, il y a aucun représentant du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine.

 17   Est-ce vrai ? Est-ce faux ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Il n'y avait à Mostar personne

 19   qui aurait représenté le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Personne

 20   émanant du gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Absolument personne. "None." Personne.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Aucun. Personne.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation]

 24   Q.  Bien. Passons au document suivant. Il s'agit du document 1D 00904. Il

 25   s'agit encore un PV en date du 29 avril 1992. M. Lundgren, à nouveau, je ne

 26   vois pas votre nom qui figurerait en revanche. Est-ce qu'à un moment ou à

 27   un autre, vous avez vent de cette réunion telle qu'elle est relatée dans ce

 28   PV ?

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  1   R.  Oui. Il y avait des réunions tous les jours entre des représentants de

  2   la FORPRONU, la cellule de Crise, et parfois on convoquait à ces réunions

  3   des représentants du HVO.

  4   Q.  Très bien. Ici il y a une discussion entre M. Topic et M. Lundgren,

  5   même M. Topic à un moment dit quand il y aurait des cessez-le-feu, la JNA

  6   en profite pour survoler l'endroit avec ces hélicoptères pour estimer ce

  7   qu'ils avaient atteint ou pas atteint, afin de mieux viser la prochaine

  8   fois, si je puis dire. Pourriez-vous nous dire si c'était bien ce qui se

  9   passait; après tout vous étiez membre de la cellule de Crise, vous étiez à

 10   Mostar, vous y habitiez, et vous avez vécu la situation en temps réel ?

 11   R.  On fabriquait des hélicoptères à Mostar. La JNA avait des hélicoptères

 12   qui volaient très bas. Mais il y avait un hélicoptère qui pouvait voler en

 13   très grande attitude, et qui produisait un bruit spécifique. On le

 14   reconnaissait toujours quand c'était cet hélicoptère de reconnaissance, on

 15   le reconnaissait parce que le bruit qui produisait était différent.

 16   Q.  Très bien. Passons maintenant au document suivant, il s'agit du

 17   document P 00180. En date du 29 avril 1992, c'est la même date que le PV

 18   que nous venons de regarder. Il s'agit d'une décision, j'attirerais votre

 19   attention maintenant sur la dernière page de cette décision, on voit les

 20   membres de la cellule de Crise et on y voit aussi leurs signatures; le

 21   voyez-vous ?

 22   R.  Je le vois.

 23   Q.  Au numéro 4, on voit votre nom, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Si on regardait un peu les membres de cette cellule de Crise, pourriez-

 26   vous nous dire combien de Musulmans siégeaient encore à la cellule de Crise

 27   à ce moment-là ? Donnez peut-être leurs numéros ou leurs noms.

 28   R.  Quatre.

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  1   Q.  Pourriez-vous lire leurs noms, s'il vous plaît?

  2   R.  Ismet Hadziosmanovic, Zijad Demirovic, Mehmed Bahmen et Fikret Bajric.

  3   Q.  Merci. Connaissez-vous cette décision ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Savez-vous comment cette décision a été élaborée ?

  6   R.  Je sais. C'est moi qui en suis l'auteur.

  7   Q.  Quand l'avez-vous rédigé ?

  8   R.  Je l'ai rédigé peut-être sept ou huit jours avant que cela ne soit

  9   adopté.

 10   Q.  Pourquoi l'avez-vous rédigé ? Dans quel but ?

 11   R.  Je me suis rendu compte que la Défense territoriale était inexistante.

 12   Que la police ne fonctionnait guère. Je me suis rendu compte également que

 13   la ville était en train de s'effondrer. Que le HVO tentait de protéger et

 14   de défendre cette ville, et tout simplement j'ai souhaité acter la

 15   situation telle qu'elle se présentait, la situation du moment, je voulais

 16   demander au HVO, et je voulais leur donner le droit de défendre ma ville.

 17   Q.  Très bien. Nous allons parler du HVO dans un moment, mais pour

 18   l'instant, pourriez-vous nous dire si vous avez rédigé cette décision avec

 19   d'autres personnes de la cellule de Crise, soit si vous l'avez rédigé puis

 20   vous l'avez présenté à d'autres personnes de la cellule de Crise ?

 21   R.  À l'époque, M. Josip Skutor était mon collaborateur proche, et lui, il

 22   avait toutes les informations. La veille que la décision ne soit adoptée,

 23   j'ai croisé M. Prlic et M. Neven Tomic, et je leur ai demandé de me dire

 24   leur avis.

 25   Q.  Comment l'avez-vous rencontré ? Vous alliez les voir, ou est-ce que

 26   c'est eux qui se sont venus vous voir ? Pouvez-vous nous dire comment ils

 27   ont participé à cette rédaction, comment ils l'ont vu, vu au moins ce texte

 28   ?

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  1   R.  Je ne sais pas comment cela s'est fait, mais ils avaient quelque chose

  2   à faire dans l'abri. Ils se sont rendus à la cellule de Crise dans l'abri.

  3   Quand ils ont terminé ce qu'ils avaient à faire, je leur ai demandé d'avoir

  4   quelques morts avec eux. Je leur ai montré le texte de la décision, et je

  5   les ai invités à donne quelques commentaires.

  6   Q.  Très bien. Vous souvenez-vous ce qui avait motivé leur présence ?

  7   R.  Je ne sais pas exactement. Ça arrivait souvent à l'époque, que toutes

  8   sortes de personnes se rendent à l'abri et s'adressent président ou à un

  9   membre, de leur confier une mission, de leur donner quelque chose à faire,

 10   pour pouvoir contribuer à la défense de la ville, c'est ce qui arrivait

 11   très souvent. Il y avait beaucoup de gens qui se rendaient à l'abri, et qui

 12   ne pouvaient pas se rendre dans leurs entreprises situées sur la rive

 13   gauche, et je suppose que M. Jadranko Prlic et M. Tomic, qui avaient leurs

 14   entreprises sur la rive gauche, qu'ils ne pouvaient pas s'y rendre, ils n'y

 15   avaient pas accès.

 16   Q.  Bien. Après les avoir rencontrés et leur avoir donc montré votre projet

 17   de décision, pourriez-vous nous dire s'il s'est passé quoi que ce soit ?

 18   R.  Neven a dit qu'il était d'accord avec la décision, et quant à Jadranko,

 19   il a dit que, lui aussi, il était favorable à la décision mais il a proposé

 20   que j'insère un article de plus, et c'est l'article 4.

 21   Q.  A propos -- il a dit, à ce moment-là, qu'il pensait qu'il serait juste

 22   qui serait bien de s'assurer qu'il y ait une égalité entre les groupes

 23   ethniques au sein du HVO pour ce qui est de forces du HVO et que les

 24   officiers supérieurs ou les commandants devaient correspondre à la

 25   composition des unités.

 26   Q.  Bien. Cette décision a-t-elle été discutée avant d'être adoptée ?

 27   Pourriez-vous nous dire exactement comment tout ceci s'est déroulé ?

 28   R.  Plusieurs fois, je me suis adressé à M. Gagro. Je lui ai demandé de

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  1   mettre à l'ordre du jour ces décisions. Je lui ai demandé de convoquer une

  2   réunion. Il l'évitait et finalement pendant une réunion qui s'est tenue

  3   dans la matinée un jour j'ai pris la parole. C'est de mon propre chef que

  4   j'ai demandé que l'on adopte cette décision. Toutes les personnes présentes

  5   ont accepté ma proposition, à l'exception d'une seule personne.

  6   Q.  Bien. De qui s'agissait-il ?

  7   R.  C'était M. Murat Praso. Il était membre de la cellule de Crise.

  8   Q.  Passons maintenant au document suivant --

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je reviens à ce document parce

 10   que c'est important pour la responsabilité de M. Prlic.

 11   Si je comprends bien, c'est vous qui êtes l'auteur intellectuel de ce

 12   document, le 29 avril 1992, vous préparez une décision qui crée en quelque

 13   sorte des Unités HVO et Unités musulmanes puisqu'il est indiqué que les

 14   Musulmans pourront avoir leurs propres formations. Vous indiquez que ces

 15   unités - c'est au paragraphe 3 - seront placées sous un commandement

 16   unitaire du quartier général de la municipalité de Mostar, et semble-t-il,

 17   par hasard vous rencontrez M. Prlic et une autre personne qui ont la

 18   responsabilité eux d'entreprises ? A ce moment-là, vous demandez leur avis

 19   et M. Prlic vous demande lui-même de rajouter un paragraphe 4 pour bien

 20   faire ressortir que la structure de commandement du Conseil croate de la

 21   Défense doit être une structure ethnique, c'est-à-dire ayant toutes les

 22   composantes ethniques. Vous êtes -- donc c'est ce que vous nous dites, vous

 23   le confirmez, ça s'est passé exactement comme ça ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi vous-même, vous n'aviez pas pensé à faire

 26   une composition structurelle et équivalente entre les Croates et les

 27   Musulmans ? Pourquoi ça ne vous est pas venu à l'esprit ? Il a fallu que ce

 28   soit M. Prlic qui vous le dise ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez comment sait de rédiger un texte

  2   une décision en s'y prenant tout seul pendant un pilonnage. On ne peut pas

  3   tout avoir à l'esprit et c'est pour cela que plusieurs personnes doivent se

  4   mettre ensemble pour rédiger une décision, l'adopter. S'il y avait eu

  5   d'autres propositions lors de cette réunion, on l'aurait probablement

  6   inséré dans le texte.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc l'idée est venue de M. Prlic.

  8   Cette décision qui a le numéro 427/92. Elle a été publiée ? Il y a eu une

  9   diffusion publique de ce document ou elle est restée confidentielle ? Je

 10   redis le numéro de la décision c'est 427/92. Est-ce qu'elle a été publiée

 11   cette décision ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Avant de répondre, une petite correction suite

 13   à ce que vous venez de dire.

 14   C'est moi qui ai rédigé la décision, qui l'ai couchée sur papier cinq

 15   ou six jours avant le 29 avril et c'est le 29 avril qu'elle a été adoptée.

 16   Puis, à ce moment-là, la cellule de Crise n'a pas de service qu'il avait

 17   avant la guerre chargée de rendre public les décisions. Et on n'éditait pas

 18   le journal officiel municipal à ce moment-là, donc ce n'était pas possible

 19   de publier ces décisions. Puis, d'autre part, dès la signature de la

 20   décision au sein de la cellule de Crise, il y avait deux juristes, Ilija

 21   Filipovic et un autre monsieur, qui se sont saisis de la décision et qui

 22   l'ont archivée. Moi, par la suite, j'ai informé M. Jadran Topic de

 23   l'adoption de la décision.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En créant ces formations militaires

 25   musulmanes, parce que c'est clair vous créez les formations militaires

 26   musulmanes, vous pensiez les faire commander par qui ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai créé aucune unité militaire. Je me

 28   suis contenté de constater la situation sur le terrain, la situation

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  1   véritable à ce moment-là à Mostar d'après mes souvenirs, il y avait dix

  2   Unités du HVO croates, un Bataillon indépendant, donc c'était la 11e

  3   Compagnie où la majorité des hommes étaient des Musulmans. Mais dans ce

  4   Bataillon indépendant de Mostar, dans cette compagnie-là, il y avait plus

  5   de 30 % de Croates, si mes souvenirs sont bons, et quelques Serbes

  6   également.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, au moment où vous faites ce

  8   document, il y a à Mostar dix Bataillons du HVO et un Bataillon

  9   indépendant, et vous nous dites - c'est à la page 52 - qu'il y avait donc

 10   des la plupart était Musulmans. Vous précisez que le Bataillon indépendant

 11   de Mostar, il y avait que 30 % de Croates, c'est-à-dire 70 % de Musulmans ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] A peu près, oui, oui.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Au mois d'avril, qui était le responsable

 14   militaire "number one" ? Qui était le chef militaire en avril ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Le commandant militaire de quoi du HVO ou du

 16   Bataillon indépendant ?

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Du HVO et du Bataillon indépendant ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Le Bataillon indépendant était commandé par M.

 19   Cupina et puis le commandant de sa 1ère Compagnie c'était Karlo Dzeba,

 20   c'était un Croate.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. D'accord. Très bien. M. Cupina, on le connaît,

 22   c'est Suad son prénom, je crois. Bien. Vous voyez que je connais --

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : -- d mémoire.

 25   Allez.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, une question de suivi.

 27   Q.  Est-ce que vous connaissiez M. Prlic précédemment ? Vous saviez que M.

 28   Prlic et M. Tomic dirigeaient les entreprises, mais est-ce que vous le

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  1   connaissiez personnellement ?

  2   R.  Je connais bien M. Prlic. On était des camarades de lycée

  3   -- camarades de classe au lycée et puis on se voyait également par la

  4   suite. Quand je suis arrivé à Mostar, il était à la tête du Conseil

  5   exécutif de Mostar. Ensuite, il est devenu premier ministre du gouvernement

  6   de Bosnie-Herzégovine ou vice-premier ministre. Je respectais M. Prlic, je

  7   respectais ses avis -- opinions.

  8   Q.  Merci. Passons au document suivant, s'il vous plaît, le 1D 01905. Il

  9   s'agit d'un document en date du 30 avril 1992, PV à nouveau d'une réunion

 10   avec la FORPRONU. Je ne vois pas votre nom y figurant, donc j'imagine qu'on

 11   peut dire que vous n'avez pas assisté à cette réunion, cette réunion dont

 12   le PV a été pris par Jozo Kraljevic.

 13   R.  Oui, j'y étais absent.

 14   Q.  Merci. Dans ce procès-verbal, on voit qu'il y a une discussion sur des

 15   kalachnikovs qui manqueraient. Si nous passons à la page 2, on voit que M.

 16   Lundgren semble suggérer à M. Tomic que des armes ont été rendues ou

 17   données à la JNA.

 18   Est-ce que vous savez quoi que ce soit à propos de ce fait ?

 19   R.  Je suis au courant de cette affaire-là.

 20   Q.  Afin de bien comprendre ce qui se passe à ce moment-là, pouvez-vous

 21   nous dire si M. Lundgren est en train de faire une proposition réaliste au

 22   vu de ce qui est en train d'arriver à la population de Mostar à l'époque

 23   qui sont donc aux mains de la JNA et de ceux qui les aidaient dans leurs

 24   agissements quels qu'ils soient ?

 25   R.  A ce moment-là, il y avait des victimes -- des gens tués à Mostar,

 26   victimes de kalachnikovs, et il nous demande de le rendre; je pense que

 27   c'est un petit peu ridicule, vu sa situation.

 28   Q.  Très bien. Passons donc au document suivant, le 1D 1060. Ici, nous

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  1   sommes maintenant le 6 mai 1992. Il s'agit d'un ordre. Au titre 1, il est

  2   écrit : "Ordre donné à la cellule de Protection civile de la municipalité

  3   civile de -- de la municipalité de Mostar, il convient d'activer tous les

  4   plans de protection civile au vu de 'l'état de guerre'."

  5   Est-ce le genre de plans que vous aviez préparés lorsque vous étiez à Neum,

  6   ou est-ce que c'est un plan d'une autre sorte ?

  7   R.  Sur le plan de la méthode, tous ces plans étaient réalisés à

  8   l'identique, mais les auteurs étaient différents, donc c'est le même type

  9   de plan.

 10   Q.  Oui, mais je crois que vous nous avez dit que vous travailliez sur des

 11   plans de défense alors qu'ici on parle de plan de protection civile.

 12   S'agit-il de la même chose ? C'est la question concrète que je vous pose.

 13   R.  C'est la même chose.

 14   Q.  Merci. Mostar avait-elle son propre plan ?

 15   R.  Oui, Mostar avait ce type de plan et toutes les municipalités de l'ex-

 16   Etat en avaient un.

 17   Q.  Au titre du point 2, il est écrit : "Au cas où les plans existant ne

 18   peuvent pas être appliqués du fait de la situation concrète, il convient de

 19   les ajuster et de les mettre à jour."

 20   Vous voyez cela, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Si on en revient à ce que vous avez dit précédemment, vous avez dit

 23   qu'à partir de novembre 1991, la situation à Mostar n'a fait qu'empirer.

 24   Vous avez même parlé de chaos. On voit dans les PV précédents que les

 25   Nations Unies savent quelle est la situation même s'ils font des

 26   suggestions assez bizarres du genre rendre les kalachnikovs aux gens qui

 27   vous tirent dessus. Enfin, bon. Mais pouvez-vous nous expliquer comment il

 28   se fait que, le 6 mai 1992, ce n'est qu'à ce moment-là, en fait le 6 mai

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  1   1992 alors qu'il y avait déjà le chaos, qu'on donne un ordre de mettre en

  2   œuvre les plans de protection civile au moins de les étudier et voir s'ils

  3   peuvent être appliqués à la situation telle qu'elle est sur le terrain.

  4   Pouvez-vous donner une explication logique qui nous permettrait de

  5   comprendre pourquoi les choses se sont faites si tardivement ?

  6   R.  Ce document dit que le présent de la municipalité était au courant de

  7   l'existence de ces plans. Or, plus tard, à la date de la création de la

  8   cellule de Crise, il était tenu de se rendre dans son bureau, d'ouvrir le

  9   coffre-fort, de se saisir du plan et de commencer à le mettre en œuvre, et

 10   ce qui n'était pas prévu, comme il le dit ici, adapté à la réalité de la

 11   situation tout comme l'état-major de la protection civile avait un plan de

 12   ce genre et puis la municipalité en avait un.

 13   Q.  Très bien. Soyons pratiques. Vous parlez du président de l'assemblée,

 14   c'est Gagro, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est un peu étrange quand même

 17   parce que l'en-tête parle de l'assemblée. Bien sûr, deux mois précédemment

 18   -- deux mois auparavant, cette assemblée avait été dissoute et remplacée

 19   par la cellule de Crise. C'est signé quand même par la cellule de Crise.

 20   Ils ont sans doute dû utiliser les papeteries, mais, enfin, faudrait bien

 21   me le clarifier.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais m'y employer.

 23   Q.  Regardez l'en-tête, s'il vous plaît, où il est bel et bien écrit, quand

 24   même : "République de Bosnie-Herzégovine, assemblée de la municipalité de

 25   Mostar," et en dessous, il est écrit : "Cellule de Crise municipale."

 26   Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il y a cet en-tête, pourquoi il

 27   faudrait y avoir : "République de Bosnie-Herzégovine," "Cellule de Crise"

 28   et "La municipalité de Mostar" ?

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  1   R.  Mais je ne vois pas comment on aurait pu le formuler autrement. C'est

  2   logiquement le déroulé des choses, Bosnie-Herzégovine, assemblée

  3   municipalité de Mostar et cellule de Crise.

  4   Q.  Merci.

  5   Monsieur le Juge Trechsel, avez-vous des questions supplémentaires ?

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne vois pas -- je ne trouve pas

  7   ça très logique parce que l'assemblée municipale de Mostar n'existait plus,

  8   vous l'avez dit vous-même. Ou alors est-ce que ces travaux ont juste été

  9   suspendus le 16 mars ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui a été suspendu ce ne sont que les

 11   travaux de l'assemblée en tant qu'organe démocratique prenant des

 12   décisions. Dans les affaires courantes des travaux quotidiens, la cellule

 13   de Crise a permis de mettre en œuvre une solution efficace concrètement, et

 14   cette cellule de Crise est composée elle-même d'un certain nombre d'élus

 15   démocratiquement -- de personnes démocratiquement élues.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Bien. La cellule de Crise doit être

 17   vue comme une entité agissant pour le compte de l'assemblée en quelque

 18   sorte --

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] -- agissant par procuration.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation]

 22   Q.  C'est également la raison pour laquelle le président de la cellule de

 23   Crise était aussi le président de l'assemblée, n'est-ce pas ?

 24   R.  En vertu de la loi, le président de l'assemblée municipale est en même

 25   temps président de la cellule de Crise.

 26   Q.  Bien. Très bien.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a la question. Je reviens au numéro

 28   d'enregistrement de cet ordre. C'est le numéro 958/92. C'est le numéro de

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  1   l'assemblée de la municipalité, ou bien le numéro de la cellule de Crise ?

  2   D'après vous, le chiffre d'enregistrement, c'est le chiffre de l'assemblée

  3   ou de la cellule de Crise ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le numéro d'enregistrement d'un document

  5   qui est émis par la cellule de Crise. Cela signifie que la cellule de Crise

  6   préalablement à cela a déjà émis 957 documents, lettres et autres documents

  7   et que celui-ci était le 958ième.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est ça, c'est ce que je comprends.

  9   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.

 10   Passons au document suivant. C'est le lendemain et c'est la pièce P 00190.

 11   Q.  Ici nous voyons que c'est une décision portant création du conseil des

 12   Affaires spéciales, municipalité de Mostar. Nous voyons votre nom, le

 13   troisième nom en partant du bas, au bas de la page. Si l'on examine le

 14   point 2 de ces documents, on voit la chose suivante : "La tâche du conseil

 15   consistera à répondre aux quatre exigences suivantes de l'état-major

 16   municipal du HVO de Mostar." Ensuite on trouve une liste précisant

 17   plusieurs activités et tout en bas à la fin du document, on voit que le

 18   document a été signé par Jadran Topic, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Bien. Pourriez-vous d'abord nous dire la chose suivante ? Dans cette

 21   liste des tâches -- dans la liste des membres du Conseil chargé des

 22   Affaires spéciales, y a-t-il des Musulmans ?

 23   R.  Oui, il y en a bien : Azer Sirko, Seno Kazazic, Veid Hakalo, et Camil

 24   Salihovic.

 25   Q.  Très bien. Vous nous avez parlé brièvement des tâches confiées au

 26   conseil, les activités qui sont énumérées au point 2(a) sont bien les

 27   activités telles que vous les considériez à l'époque ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Bien. Nous parlons de l'état-major municipal de Mostar du HVO, de quoi

  2   s'agit-il ?

  3   R.  Le quartier général municipal qui commandait l'armée -- les forces

  4   armées du HVO.

  5   Q.  Très bien. En dernière page, au point 4, il est dit : "Le travail sera

  6   coordonné par M. Neven Tomic, Jadranko Prlic et Borislav Puljic

  7   exclusivement avec le président du quartier général municipal du HVO de

  8   Mostar, M. Jadran Topic."

  9   Pouvez-vous nous dire ce que vous avez fait précisément en cette qualité,

 10   vous et les deux autres personnes dont le nom est indiqué ici ?

 11   R.  Au début pendant quelques jours, nous avons travaillé en tant

 12   qu'instance collective et compte tenu des missions qui étaient les nôtres,

 13   notre travail s'est ensuite transformé en un travail individuel. Mais nous

 14   trois nous devions disposer de toutes les informations qui émanaient du

 15   quartier général et nous devions également recevoir de la part du quartier

 16   général un certain nombre de tâches que nous étions censés mettre en œuvre

 17   conformément aux missions qui étaient celles qui étaient les nôtres.

 18   Q.  Mais concrètement, donnez-nous des exemples de façon à ce que nous

 19   comprenions bien ce que faisait ce Conseil chargé des Affaires spéciales,

 20   un exemple ou deux ?

 21   R.  Oui, je peux le faire. Mais avant cela, il faut que j'explique la

 22   situation dans laquelle on se trouve. Le HVO, ce sont des forces armées,

 23   des citoyens qui ont pris les armes pour se défendre contre une agression.

 24   Quant aux personnes qui ont de l'expérience, qui ont des relations

 25   d'affaire, ils n'ont pas été mis à contribution dès le début.

 26   J'ai demandé à M. Jadranko Topic de mettre à contribution également

 27   ce type de personne afin que moyen de relation d'affaires et de leur

 28   expérience, ils puissent nous venir en aide. Nous nous acquittions d'un

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  1   certain nombre de tâches différentes. Par exemple, un instant, s'il vous

  2   plaît, M. Hakalo et moi-même, nous avons -- et le tour de nos partenaires

  3   d'un certain nombre d'affaires des partenaires au sein de l'Unis, une

  4   société où M. Veid Hakalo était en poste, un poste de "management," et ceci

  5   afin de préparer des équipements tels que des bottes, des équipements

  6   radio. Je sais que M. Tomic utilisait ses relations d'affaires afin

  7   d'assurer les moyens financiers, particulièrement pour se procurer des

  8   fusils, des bottes, et cetera. Le but de tout cela était de mettre à profit

  9   la connaissance, l'expérience et les relations d'affaire de toutes ces

 10   personnes afin de soutenir la logistique du HVO et de rendre le HVO plus

 11   efficace.

 12   Q.  Bien. Je vais vous poser une question ici parce que certains ont

 13   peut-être du mal à comprendre le degré de fonctionnement de la municipalité

 14   de Mostar. Pouvez-vous nous parler des autres instances administratives,

 15   fonctionnaient-elles ? Les gens se présentaient-ils au travail ?

 16   R.  Tout d'abord, la municipalité a perdu ses bâtiments, ne disposait plus

 17   des bâtiments qui étaient les siens et tout à fait concrètement, elle

 18   n'avait même plus de papier pour travailler.

 19   Ensuite, de nombreuses personnes employées par la municipalité se sont --

 20   sont devenus des réfugiés. Un grand nombre de ces personnes a également été

 21   mobilisé, si bien que c'est l'ensemble des organes et des services

 22   municipaux qui se sont effondrés et arrêtés de fonctionner, et ont arrêté

 23   de fonctionner, et un très petit nombre d'entre eux sont parvenus à

 24   transférer -- à se transférer en partie sur la rive ouest et le résultat de

 25   tout cela a été tout à fait limité. De toute manière, il faisait que la

 26   cellule de Crise ne disposait pas des conditions nécessaires pour accomplir

 27   ses missions, et parmi les différents secrétariats qui existaient, seuls

 28   les géomètres ont réussi à transférer une partie du cadastre, alors que le

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  1   reste a brûlé et les -- et tout le reste de la documentation municipale a

  2   été perdue, a brûlé dont les bâtiments situés sur la rive gauche de la

  3   municipalité.

  4   Au sein de mon secrétariat en particulier, seuls les ordinateurs ont pu

  5   être sauvés et concrètement au sein de la cellule de Crise nous ne pouvions

  6   fonctionner correctement car nous n'avions ni matériel ni moyens

  7   financiers, nous n'étions pas du tout opérationnel car nous ne disposions

  8   pas non plus des ressources humaines nécessaires pour fonctionner

  9   normalement.

 10   Q.  Si je vous demandais si les établissements bancaires étaient

 11   opérationnels, s'il était possible de procéder à des virements, si des

 12   transactions étaient possibles, si les guichets marchaient, la réponse

 13   serait non, je suppose.

 14   R.  Non.

 15   Q.  Bien. Voyons le document suivant.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, restons sur le document P 190.

 17   Regardez le document dans votre langue. J'essaie de trouver une logique à

 18   tout cela. Je remarque qu'il y a le damier, et je remarque que le titre

 19   c'est : "Communauté croate de l'Herceg-Bosna." En dessous, il y a :

 20   "Conseil croate de Défense, HVO." Puis, en dessous encore, on voit : "La

 21   municipalité de Mostar." On voit que, dans la décision, il y a quatre

 22   Musulmans. Vous avez donné les noms. Il y en a quatre, et c'est là où je ne

 23   comprends plus rien. Si on part du titre du document, on a l'impression

 24   qu'il ne peut y avoir que des Croates puisque c'est la Communauté croate de

 25   l'Herceg-Bosna. On découvre que, dans la Communauté croate, il y a des

 26   Musulmans. Je me pose la question suivante : quand la Communauté croate de

 27   l'Herceg-Bosna s'est constituée, est-ce qu'elle n'avait pas comme fondement

 28   la pluri ethnie ? Est-ce qu'il y avait la reconnaissance qu'il y aura, dans

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  1   cette Communauté croate, des Croates et des Musulmans, pas seulement des

  2   Croates ? Car, sinon, comment expliquer qu'on ait des Musulmans dans ce

  3   schéma ? Vous pouvez m'éclairer ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, une correction. Il ne s'agit pas ici

  5   d'une mention précisant la municipalité de Mostar mais quartier général

  6   municipal de Mostar. Cela signifie que nous n'avons pas affaire à la

  7   municipalité mais aux forces armées, au HVO.

  8   Nous oeuvrons ici pour le compte des forces armées pour ce qui concerne ce

  9   document. Nous commençons à travailler pour les forces armées et nous

 10   devenons partie de la structure militaire.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Ma question était plutôt de nature idéologique.

 12   Quand la Communauté croate de l'Herceg-Bosna s'est constituée, est-ce que,

 13   d'après vous, ça voulait dire que cette Communauté croate de l'Herceg-Bosna

 14   il y aura aussi des Musulmans avec eux ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] A mon avis, oui. C'était ma perception

 16   personnelle également que cette communauté rassemblait toutes les personnes

 17   souhaitant vivre en paix.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Il pouvait y avoir des Musulmans, voire peut-être

 19   des Serbes, voire d'autres personnes. Cette Communauté croate de l'Herceg-

 20   Bosna avait en fait une vocation assez large ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment particulier, nous ne voyons pas

 22   les choses de cette façon. Ce que nous voyons c'était qui se trouvait de

 23   part et d'autre de la ligne de front. Moi, non plus, à l'époque, je n'avais

 24   pas cette perception des choses car j'estimais que chacun devait être en

 25   mesure de vivre à son domicile, qu'il appartenait -- qu'il devait pouvoir

 26   appartenir à l'Etat sur le territoire duquel il habitait. La HZ HB, à mon

 27   avis, a été créée avec la finalité de protéger la population, le peuple, et

 28   de lui permettre une vie normale et un fonctionnement normal.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous dites "le peuple," c'est le peuple dans

  2   ces différentes composantes dans cette différente ethnie ? Ce n'est pas le

  3   peuple croate, c'est le peuple dans ces compositions multiethniques dans sa

  4   composition multiethnique ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle de toutes les personnes qui vivent

  6   sur place indépendamment de leur nationalité.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dernière question. J'ai noté à un moment

  8   donné, je vous cite que : "Le HVO ce sont les citoyens qui ont pris les

  9   armes." Vous avez dit ça. Le HVO, en réalité, c'est les citoyens qui ont

 10   pris les armes. Quand vous dites cela ça englobe les Croates et les

 11   Musulmans ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] La meilleure façon d'illustrer c'est de

 13   prendre l'exemple de ma propre rue dans la -- dans laquelle j'habitais.

 14   Dans la rue où j'habitais, certains Croates ont fui mais la plupart d'entre

 15   eux se sont procurés un fusil et ont intégré le HVO. Mais un grand nombre

 16   de Musulmans de ma rue a également intégré les Unités du HVO, et quelques

 17   Serbes ont également fait la même chose.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Concernant les Serbes qui ont intégré les unités du

 19   HVO, là, ça peut être un peu étonnant, parce qu'ils étaient contre d'autres

 20   Serbes ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils étaient rares, mais, oui, c'était le cas.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Moi aussi, j'ai une question sur

 24   quelque chose que vous avez dit il y a quelque moment. Vous avez commencé à

 25   répondre à la première des questions posée par le Président, en disant

 26   qu'il s'était trompé et que ce n'était pas municipalité de Mostar mais le

 27   quartier municipal de la municipalité de Mostar. Vous disiez donc que ce

 28   n'était pas la municipalité de Mostar mais l'armée, le HVO dont il était

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  1   question ici; est-ce que cela veut dire donc que ce quartier général

  2   municipal de Mostar était en réalité intégré au HVO de l'Herceg-Bosna, et

  3   que ce n'était pas une émanation d'une municipalité indépendante ?

  4   Je ne sais pas si ma question est suffisamment claire, si elle ne

  5   l'est pas, faites-le-moi savoir.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas compris la question.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui. Je m'en excuse, c'est de ma

  8   faute. Je vais tâcher de faire mieux cette fois-ci.

  9   Vous avez dit, lorsque le Président a commencé à vous poser des questions,

 10   je dois apporter une correction à ce que vous avez dit. Ce n'est pas la

 11   municipalité de Mostar dont il est question ici mais le quartier général

 12   municipal de Mostar. Donc le quartier général ou l'état-major municipal,

 13   or, vous avez précisé que c'était le HVO. Vous avez souligné ceci pour dire

 14   que cet état-major municipal de Mostar faisait partie du HVO de l'Herceg-

 15   Bosna, de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et que ce n'était pas un

 16   simple organe de la municipalité de Mostar ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Avant toute chose, ce que je voulais dire

 18   c'était que la notion de municipalité est liée à la notion de territoire.

 19   Si vous parlez de l'assemblée municipale alors c'est l'assemblée qui se

 20   tient dans cette municipalité.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Bon. Peut-être l'ignorez-vous mais

 22   nous avons un litige constant terminologique. Quel terme avez-vous utilisé

 23   lorsque vous avez dit "territorial," "terrorijale," ou bien un autre --

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Depuis l'arrivée de l'Autriche-Hongrie en

 25   Bosnie-Herzégovine, nous avons toujours eu les mêmes municipalités qui

 26   existent encore aujourd'hui. Une municipalité c'est qu'un territoire,

 27   "territorij" en B/C/S, et le mot "territoire" c'est un espace. Si l'on

 28   parle de l'assemblée municipale, c'est l'assemblée qui se réunit sur -- si

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  1   l'on du gouvernement correspond, c'est celui qui a autorité sur ce

  2   territoire. Si l'on parle du quartier général, cela se rapporte encore une

  3   fois à ce territoire.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Je suis désolé de vous avoir

  5   interrompu.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien, merci.

  7   Q.  Je ne voulais pas m'hasarder sur ce terrain-là, mais pour que nous

  8   comprenions bien. Dans quelle mesure le gouvernement civil était opérant à

  9   ce moment-là dans la municipalité de Mostar ? Y en avait-il un qui

 10   fonctionnait ?

 11   R.  L'autorité civile, à ce moment particulier, on pourrait dire qu'elle ne

 12   fonctionnait pratiquement pas.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Karnavas, je n'ai pas reçu

 14   réponse à ma question en réalité, à savoir si l'état-major municipal de la

 15   municipalité de Mostar donc était à votre avis plutôt intégré au HVO de la

 16   Communauté croate d'Herceg-Bosna ou si c'était surtout un organe de la

 17   municipalité indépendante de Mostar ?

 18   R.  L'état-major de Mostar était partie intégrante du HVO. Je dois

 19   reconnaître que je ne comprends pas bien la question.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ne vous inquiétez pas de cela. Vous

 21   n'avez pas suivi toutes les discussions que nous avons eues ici et j'en

 22   resterai là, merci.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation]

 24   Q.  Pourriez-vous nous dire si le président de la présidence a envoyé

 25   l'armée de la BiH, par exemple, pour défendre le secteur musulman de la

 26   municipalité de Mostar, à ce moment-là ?

 27   R.  A ce moment précis, il n'existait plus qu'une forme d'organisation

 28   militaire au niveau étatique, d'organisation au niveau de la Bosnie-

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  1   Herzégovine, sur le plan militaire, sur le territoire de Mostar.

  2   Q.  Dans la municipalité de Mostar, y avait-il des Musulmans qui s'étaient

  3   organisés en unité, en unité de combat pour se protéger et peut-être

  4   d'autres également ?

  5   R.  Ils ont tenté de le faire, mais comme ils n'y sont pas parvenus seuls,

  6   ils l'ont fait dans le cadre du HVO.

  7   Q.  Bien. Une dernière chose, nous en reparlerons, mais l'établissement du

  8   HVO, je comprends que vous ne faisiez pas partie de l'appareil militaire.

  9   Mais savez-vous s'il a été créé pour croatiser le secteur; en d'autres

 10   termes, en procédant à son nettoyage ethnique, donc nettoyer le reste du

 11   secteur de ces Musulmans de façon à croatiser la zone, d'introduire leur

 12   propre langue, leurs symboles, leur programme scolaire, et cetera.

 13   Comprenez-vous ce que je vous demande ? Est-ce la raison pour laquelle le

 14   HVO à Mostar a été créé à ce moment-là ?

 15   R.  Non, le HVO n'a jamais eu pour but de nettoyage ethnique de cet espace.

 16   Q.  Très bien. Alors passons à la pièce suivante, 1D 00909.

 17   Vous avez la version croate. Examinons la dernière page, elle porte trois

 18   noms -- trois signatures dont Slobodan Lang; voyez-vous ceci, Monsieur ?

 19   R.  Oui, je le vois.

 20   Q.  Nous avons également la date, le 11 mai 1992. Si vous examinez le

 21   document vous trouverez une description de Mostar et de la situation dans

 22   Mostar et aux environs de Mostar, les 9 et 10 mai 1992, voici quelle est ma

 23   première question : connaissez-vous ce M. Lang ? Si oui, d'où ?

 24   R.  J'ai fait la connaissance de M. Lang les 9 et 10 mai 1995 lorsque je

 25   l'ai rencontré à Mostar. J'ai passé [aucune interprétation] --

 26   Q.  [aucune interprétation]

 27   R.  A ma connaissance, il était médecin. Il est venu en tant que

 28   représentant du gouvernement croate afin de se rendre compte dans quelle

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  1   mesure il était possible d'apporter de l'aide humanitaire à Mostar et de

  2   voir ce qui était -- quels étaient les besoins les plus importants du

  3   moment.

  4   Q.  Vous aviez --

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- transcript, vous avez dit que vous

  6   l'avez rencontré les 9 et 10 mai, à la ligne 25 de la page 66, il y a

  7   "1995." Ça doit être "1992." Vous l'avez rencontré en 1992 ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en 1992.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est bien est-ce que j'ai compris.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation]

 11   Q.  Dans quel contexte, avez-vous rencontré M. Lang ?

 12   R.  M. Lang souhaitait connaître la situation à Mostar, quels étaient les

 13   besoins en assistance humanitaire les plus urgents, quels étaient les

 14   problèmes de ce point de vue qui existaient.

 15   Q.  Bien. Puisque vous étiez présent les 9 et 10 mai 1992, après avoir

 16   examiné ces notes du Dr Lang et des deux autres hommes, leur description de

 17   Mostar, pouvez-vous nous dire si les événements qui sont décrits dans ces

 18   notes sont conformes à la réalité de la situation à Mostar à l'époque ?

 19   R.  Cela reflète de façon exacte la situation à Mostar à cette époque.

 20   Q.  Très bien. Nous avons entendu M. Ratko Pejanovic, il y a longtemps, en

 21   mai 2006, nous dire qu'il avait compris que la partie orientale de Mostar

 22   était tombée vers le 13 mai 1992; est-ce exact ?

 23   Vous devez répondre par oui ou par non, avez-vous entendu ma question ?

 24   R.  Oui, j'ai entendu.

 25   Q.  Pouvez-vous y répondre.

 26   R.  Oui, c'est exact.

 27   Q.  Il faut que vous répondiez oralement pour que votre réponse soit

 28   inscrite au compte rendu. Pour information, je faisais référence à la page

Page 32148

  1   10 037 [comme interprété] du compte rendu du 5 mai 2006.

  2   Voyons le document suivant, qui porte la date de quelques jours après la

  3   date du document précédent, P 00209. A la fin du document, on voit que le

  4   document a été signé par le président de l'état-major municipal de Mostar,

  5   du Conseil croate de la Défense, Jadran Topic. On commence par un aperçu

  6   chronologique, si vous voulez, historique dans le préambule, et ensuite on

  7   voit un ordre qui a pour conséquence de dissoudre la cellule de Crise; le

  8   voyez-vous ?

  9   R.  Je le vois.

 10   Q.  Puis ensuite, il est écrit : "Suite au paragraphe 1 de cet ordre" - du

 11   fait que cette cellule de Crise sera dissoute - "l'état-major municipal de

 12   Mostar, du Conseil de la Défense croate formera un gouvernement civil de

 13   guerre."

 14   Ensuite, au 3 où il est écrit : "En attendant que ce gouvernement

 15   civil de guerre soit créé, c'est le Conseil des Affaires spéciales qui

 16   gérera toute la ville, qui s'occupera des citoyens;" le voyez-vous ?

 17   R.  Je vois.

 18   Q.  Procédons par ordre. Dissolution de la cellule de Crise. A ce moment-

 19   là, pouvez-vous nous dire si en fait, dans la réalité, cette cellule de

 20   Crise existait encore et servait à quelque chose, cela aurait dû servir à

 21   quelque chose quand même ?

 22   R.  De fait, à ce moment-là, nous n'existions pas, nous n'étions en mesure

 23   de rien faire.

 24   Q.  Pourriez-vous maintenant nous dire depuis combien de temps dans la

 25   réalité des faits cette cellule de Crise était devenue totalement

 26   inopérante ?

 27   R.  Vingt jours voire plus avant cette date, la cellule de Crise n'était

 28   plus, ne servait plus à rien.

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  1   Q.  Bien. Passons maintenant au numéro 3, il est écrit ici que : "Le

  2   Conseil des Affaires spéciales va gérer toute la ville et vous s'occuper

  3   des citoyens." Voici ma question : ce Conseil des Affaires spéciales a-t-il

  4   à un moment ou à un autre bel et bien fait ce qu'il a dit qu'il allait

  5   faire ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Pourquoi donc ?

  8   R.  Tout simplement les événements se sont précipités. On n'a pas eu le

  9   temps de faire cela.

 10   Q.  Soyons pratiques. Au vu de la composition de ce Conseil des Affaires

 11   spéciales et des personnes qui le composent, on voit quand même qu'il y a

 12   ici l'élite de Mostar, pouvez-vous nous dire si ce conseil était en mesure

 13   de gérer toute la ville, de l'administrer, de la faire fonctionner, de

 14   s'occuper de ses citoyens ? Est-ce que ce conseil était en mesure d'assumer

 15   cette tâche ?

 16   R.  Ils auraient pu le faire mais ils auraient eu besoin de temps et des

 17   ressources, des moyens pour organiser tout cela.

 18   Q.  Moi, je vous parle quand même d'un moment bien précis. Je ne vous

 19   demande pas si dans les deux ou trois mois ou six mois qui auraient suivi,

 20   ils auraient été capables de s'occuper de la ville. A ce moment-là, est-ce

 21   qu'ils avaient les ressources, les ressources humaines, les capacités,

 22   l'argent, la sécurité, et cetera ? Dites-nous ce que dont disposait ce

 23   fameux Conseil des Affaires spéciales pour mettre en œuvre cette partie de

 24   l'ordre, c'est-à-dire la gestion, de s'occuper de la gestion de la ville ?

 25   R.  Non. Il n'y avait rien du tout, rien, qui aurait servi d'instrument

 26   pour pouvoir gérer la ville.

 27   Q.  Est-ce que quelqu'un l'a fait remarquer à M. Topic, qu'il était peut-

 28   être un peu romantique ou ambitieux, mais romantique en se disant que ce

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  1   fameux Conseil des Affaires spéciales arriverait à faire tout cela jusqu'à

  2   ce que l'on mette en place un gouvernement civil de guerre ?

  3   R.  Je ne sais pas.

  4   Q.  Très bien.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Passons maintenant au document suivant --

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, l'examen de ce document me

  7   plonge dans un abîme de perplexité. On voit que cette cellule de Crise de

  8   Mostar s'auto dissout -- enfin, se fait - vous me pardonnerez l'expression

  9   - se fait aracéri [phon], c'est-à-dire quelle constate quelle ne peut pas

 10   régler les problèmes. Pourquoi pas ? Mais qu'est-ce qui lui permet de

 11   penser que le gouvernement civil, qui est en train de se constituer,

 12   résoudra mieux le problème puisque, dans la cellule de Crise, il y a des

 13   grandes personnalités comme vous, comme M. Topic, comme M. Prlic, pourquoi

 14   d'autres feraient mieux que vous ? Pourquoi cette auto dissolution au

 15   bénéfice d'une autre structure ? Vous dites : "Parce qu'on y arrivait pas,"

 16   mais qu'est-ce qui vous permettait de penser que l'autre structure

 17   réussirait mieux ? C'est ça que je ne comprends pas.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pensez à "moi" compte tenu du poste que

 19   j'occupais à la cellule de Crise ou au Conseil spécial ?

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Je pense à vous, en tant qu'individu qui jouait un

 21   rôle à l'époque, et je pense également à tous ceux qui ont travaillé

 22   pendant quelque temps dans cette cellule de Crise et qui, sous la décision

 23   de M. Topic, décident finalement de se dissoudre. C'est ça que je n'arrive

 24   pas à comprendre. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous passiez le

 25   ballon à une autre structure ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai déjà dit de fait; à ce moment-là,

 27   nous n'existions plus. Nous n'avions pas d'instruments nous permettant de

 28   gouverner. Dans cette cellule de Crise, il y avait des incompétents qui,

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  1   dans le contexte qui était le nôtre, ne pouvaient pas se charger des

  2   missions qu'il fallait qu'ils exécutent.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais des incompétents il y en a partout. Si on

  4   pense aux incompétents, on ne ferait rien. Il semble que, dans la cellule

  5   de Crise, il n'y avait pas que des incompétents. Ce n'est pas parce qu'il y

  6   a quelques incompétents que pour autant on ne peut pas faire son travail.

  7   Qu'est-ce qui vous permettait de penser que les autres, l'autre structure

  8   ferait mieux ? C'est ça que je n'arrive pas à comprendre. Qu'est-ce qu'ils

  9   avaient de plus ? Qu'est-ce que l'autre structure avait de plus par rapport

 10   à vous ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas pris part à la rédaction de ce

 12   document.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous aviez pris part à la rédaction de ce

 14   document, vous auriez été d'accord avec M. Topic ou pas ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais je vous ai dit que je n'ai pas pris

 16   part à la rédaction de ce document. C'est ce que je viens de dire à

 17   l'instant. Nous parlons de cet ordre.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez pas pris d'accord mais vous étiez

 19   d'accord avec M. Topic ou vous étiez en désaccord ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avons pas parlé de ce document. Je l'ai

 21   vu quand il a été apporté au QG et ce n'était rien pour moi, aucune

 22   signification puisqu'à ce moment-là, la cellule de Crise ne fonctionnait

 23   pas. Ce n'était même pas dans le premier; où nous nous trouvions, c'était

 24   dans le sous-sol de la direction de la faculté et le plus souvent ce sous-

 25   sol était vide puisque parmi les membres de la cellule de Crise, on se

 26   cachait à différents endroits de la ville sous les pilonnages qui étaient

 27   quotidiens. J'ai vu ce document quand le coursier l'a apporté et quand il

 28   l'a remis à la cellule de Crise qui était à ce moment-là dans un autre

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  1   bâtiment. Donc nous avions déjà quitté à ce moment-là l'abri.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je comprends ce que vous dites.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pour continuer les choses, vous êtes

  4   en train de nous dire que finalement ceci est un document qui n'a aucun

  5   effet pratique; c'était un morceau de papier ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Pratiquement, oui, ça n'avait pas. Oui, on

  7   n'existait plus quasiment.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- la pause, Maître Karnavas. Non. Oui.

 10   Bien. Nous allons faire 20 minutes de pause et on va reprendre à 18 heures.

 11   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : à 16 heures 31 ajouter la

 12   réponse du témoin.

 13   Jovo Kraljevic est un citoyen en vue à Mostar. Il est traducteur d'anglais,

 14   et souvent il établissait le procès-verbal des réunions quand il

 15   travaillait.

 16   Note de la cabine française : page 39, lignes 23 à 24 dans la réponse du

 17   témoin ajouter "Les femmes --" "-- ma femme et mes enfants ainsi que mes

 18   amis et leurs femmes et leurs enfants étaient dans la même situation

 19   avaient quitté Mostar.

 20   --- L'audience est suspendue à 17 heures 52.

 21   --- L'audience est reprise à 18 heures 07.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Q.  Monsieur Puljic, vous nous entendez ?

 25   R.  Je ferai de mon mieux.

 26   Q.  Très bien. Regardons maintenant le document 1D 01987. Il s'agit du

 27   document suivant sur ma liste. On voit qu'il s'agit d'un rapport

 28   d'activités de la Communauté européenne et de la FORPRONU, enfin de leurs

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  1   observateurs. C'est en date de mai 1992.

  2   Passons, s'il vous plaît, à la page 17 de la version anglaise. L'avant-

  3   dernière page. On voit à nouveau le nom de M. Filipovic.

  4   Avez-vous pu regarder ce rapport ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur certains points. A la page 2

  7   d'abord, sixième paragraphe, on dit : "On peut en conclure que les

  8   observateurs de la Communauté européenne et de la FORPRONU étaient venus à

  9   Mostar sans savoir quoi que ce soit à propos de notre région, à propos des

 10   relations ethniques, à propos de la formation de l'ex-Yougoslavie et à

 11   propos des raisons qui avaient amené son effondrement. Ou alors, s'ils

 12   savaient quoi que ce soit, c'était seulement des contrevérités ou c'était

 13   vraiment très peu de choses. Ceci permet d'expliquer pourquoi ils sont si

 14   peu -- pourquoi ils sont si indécis, le fait qu'ils ne disent jamais ce

 15   qu'ils pensent vraiment, qu'ils sont très suspicieux ou quoi que ce soit,

 16   très vagues et qu'ils sont incapables, finalement, de faire ce qu'on attend

 17   d'eux."

 18   Voici ma question : au titre de votre expérience, puisque vous étiez là et

 19   vous avez vu ces observateurs de la FORPRONU et de la Communauté

 20   européenne, pouvez-vous nous dire si, à votre avis, ils étaient vraiment

 21   comme ça ?

 22   R.  Oui, tout à fait, ces commentaires sont exacts.

 23   Q.  Je manque de temps, donc nous n'allons pas rentrer dans les détails de

 24   ce rapport, mais passons à la page 14, s'il vous plaît, de la version en

 25   anglais, passage où l'on parle de ce qui s'est passé le 12 mai 1992. Je

 26   vais en lire -- donner lecture d'un passage et je vais vous demander si

 27   vous pouvez le confirmer oui ou non. C'est une discussion entre M. Jaganjac

 28   et M. Lundgren. Connaissez-vous ce M. Jaganjac ? Si oui, pouvez-vous nous

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  1   dire de qui il s'agit ?

  2   R.  J'en ai fait la connaissance à l'époque. Je sais de qui il s'agit.

  3   Q.  De qui s'agit-il ?

  4   R.  À l'époque, il était commandant du QG municipal, me semble-t-il, enfin,

  5   du QG qui était à l'époque à Mostar.

  6   Q.  Vous devez parler lentement et faire des phrases entières. J'aimerais

  7   savoir s'il s'agissait d'un Musulman, d'un Croate ou d'un Serbe.

  8   R.  Un Musulman.

  9   Q.  Bien. Voici ce que M. Jaganjac dit à M. Lundgren, je cite : "J'ai

 10   quelque chose à vous dire. Je suis un professionnaliste ici. Je suis

 11   officier. M. Topic c'est un joueur de foot bien connu. M. Petar" -

 12   j'imagine que c'est le Petar Zalenika - "est un travailleur bien connu,

 13   c'est un ouvrier. Les gens se défendent ici eux-mêmes, et le prix à payer

 14   n'a pas d'importance."

 15   Pourriez-vous nous confirmer si M. Jaganjac, à l'époque, avait été un

 16   officier de métier ? Est-ce qu'il avait fait partie de la JNA avant les

 17   événements ?

 18   R.  D'après ce que j'en sais, il avait été officier de la JNA avant cela,

 19   effectivement.

 20   Q.  Qu'en est-il de M. Topic ? C'était vraiment un joueur de foot

 21   professionnel ?

 22   R.  Oui, oui, un footballeur connu.

 23   Q.  Il a joué pour le Kosmos, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, il a joué même pour la sélection yougoslave et il jouait pour

 25   Kosmos à New York. Aux Etats-Unis d'Amérique, il a joué.

 26   Q.  M. Petar, il s'agissait bien de Petar Zalenika, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, c'est Petar Zalenika.

 28   Q.  Quel était son métier ? On dit ici que c'était un ouvrier bien connu;

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  1   ça veut dire quoi exactement ?

  2   R.  Je suppose que M. Jagagnac a fait erreur puisque M. Petar Zalenika

  3   avait travaillé dans la police avant la guerre.

  4   Q.  Très bien. Je vous remercie. Je n'ai plus rien à ajouter à propos de ce

  5   document. Nous allons passer au segment suivant, à moins que les Juges

  6   aient une question à poser à propos de ce qui est relaté dans ce rapport;

  7   sinon, passons à la pièce P 00221. Il s'agit d'un document de l'Accusation.

  8   Nous l'avons déjà vu dans ce prétoire. Nous sommes maintenant le 21 mai

  9   1992. Il s'agit d'une décision visant à mettre en place l'instance

 10   exécutive temporaire chargée de l'administration du territoire du HZ HB.

 11   Vous le voyez ? 

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Je pense que votre nom ne figure pas sur ce --

 14   R.  Non, il n'est pas là.

 15   Q.  Au numéro 12, on voit Jasmin Jaganjac, donc la personne dont vous avez

 16   parlé qui dirige la déposition de la Défense.

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Cette décision vient combien de jours exactement après la décision

 19   précédente que nous avons vu décision qui visait à dissoudre l'état-major.

 20   C'était le 15 mai 1992. Cette décision-ci vient six jours après la

 21   précédente, une semaine après ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Au cours de cette semaine, vous nous avez parlé du fait que le Conseil

 24   des Affaires spéciales manquait complètement de ressource. Au cours de

 25   cette semaine, ces six jours qui se sont écoulés; avez-vous pu réaliser

 26   quoi que ce soit concrètement ?

 27   Ni vous, je ne parle pas de vous personnellement. Je parle du Conseil des

 28   Affaires spéciales.

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  1   R.  Non, nous n'avons pas été en mesure de faire quoi que ce soit.

  2   Q.  Très bien. Sur cette liste y a-t-il des noms de Musulmans donc sur

  3   cette liste des membres d'une administration temporaire ?

  4   R.  Il y a des Musulmans. Au point 3, Mumin Isic, qui était déjà membre du

  5   comité exécutif de la municipalité précédemment. C'est Nazka Zazic [phon]

  6   également.

  7   Q.  Ralentissez, s'il vous plaît, et prononcez les choses clairement.

  8   J'essaie de faire figurer tout ce que vous dites au compte rendu.

  9   R.  Mumin Isic.

 10   Q.  Reprenez depuis le début, s'il vous plaît.

 11   R.  Pour ce qui concerne les Musulmans sur cette liste, il s'agit de Mumin

 12   Isic au point 3; au point 5, Senad Kazazic; au numéro 6, Sejo Maslo; au

 13   numéro 8, Hamdija Jahic; au numéro 12, Jasmin Jaganjac.

 14   Q.  Très bien. Que faisait M. Isic ?

 15   Vous nous disiez ce qu'il faisait avant, je voudrais donc que vous

 16   décriviez brièvement ces différents départements. Que faisait M. Isic avant

 17   ?

 18   R.  M. Isic était juriste, et avant la guerre, il était secrétaire du

 19   comité exécutif de la municipalité.

 20   Q.  D'accord. Le suivant, le numéro 5, Senad Kazazic ?

 21   R.  Senad Kazasic je ne connais pas sa profession, mais il travaillait dans

 22   l'entreprise publique municipale qui avait la charge des appartements de

 23   fonction de l'Etat. Sejo Maslo travaillait également dans la municipalité

 24   dans l'un des services, mais je n'arrive pas à me rappeler lequel. Quant à

 25   Hamdija Jahic, il travaillait également à la municipalité, il était

 26   secrétaire au secrétariat de l'urbanisme. Il était mon supérieur.

 27   Q.  Quelle était votre qualité ? En quelle qualité travaillez-vous au sein

 28   de la municipalité ? Vous dites que ce monsieur était votre supérieur.

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  1   R.  A ce moment-là, j'étais coordinateur de l'urbanisme. C'était la

  2   dénomination officielle de mon poste. Cela recouvrait la coordination des

  3   travaux de l'ensemble des ingénieurs au sein du secrétariat de l'urbanisme.

  4   D'une façon, j'étais leur supérieur et Hamdija Jahic était mon supérieur à

  5   moi.

  6   Q.  Très bien. Passons au document suivant, 1D 00544. Il porte la date du

  7   21 mai 1992. C'est une conclusion consistante à proclamer l'hôpital de

  8   Mostar hôpital de guerre. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi une telle

  9   conclusion était nécessaire, si vous le savez ?

 10   R.  Cette période marquée par le chaos le HVO était le seul organe qui

 11   fonctionnait, et toutes les institutions s'efforçaient de se rapprocher du

 12   HVO afin de pouvoir assurer un minimum de fonctionnement. Cela signifie que

 13   cette décision qui annonce que l'hôpital de Mostar devient un hôpital de

 14   guerre signifiait donc que l'hôpital en question avait la possibilité de

 15   recevoir, d'être fournie par l'armée en différents matériels, en carburant,

 16   en moyens financiers également, en autres ressources dans la mesure où les

 17   autorités civiles étaient incapables d'apporter quelque aide que ce soit.

 18   Par ailleurs, l'hôpital recevait également des civils.

 19   Q.  Très bien. Nous allons passer au document suivant, 1D 00548, du 29 mai

 20   1992. Une autre conclusion. Tous les certificats où les décisions affectant

 21   ou permettant l'occupation de maisons abandonnées par les propriétaires

 22   précédents sans raison valable sont par la présente conclusion rendues

 23   nulles et non advenues parce qu'elles ont été délivrées par des personnes

 24   non habilités à le faire. C'est une question litigieuse et c'est une

 25   question qui l'a été pendant toute la durée de ce procès. A ce moment-là,

 26   pouvez-vous nous dire la chose suivante : est-il nécessaire de délivrer

 27   cette conclusion, la conclusion-là ? Rappelons-nous que nous sommes au 29

 28   mai 1992, et pourriez-vous nous dire quelle était la situation qui régnait,

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  1   à ce moment-là, à Mostar ?

  2   R.  C'était une situation de véritable chaos. La ville était pleine de

  3   réfugiés de Bosnie orientale et de personnes déplacées en provenance de la

  4   moitié est de la ville. Les gens étaient dans la rue, ils devaient trouver

  5   un endroit pour passer la nuit avec leurs enfants. On assistait à des

  6   situations d'une ampleur massive dans lesquelles ces personnes forçaient la

  7   porte d'appartements vides -- d'appartements abandonnés pour pouvoir y

  8   passer la nuit. Afin de légaliser cette situation qui était la leur, ils

  9   s'adressaient à diverses autorités en demandant des justificatifs. Dans le

 10   but d'assurer l'ordre, il était nécessaire d'éliminer tous les

 11   justificatifs de ce type et il fallait commencer à attribuer de façon

 12   officielle et équitable ces appartements abandonnés aux personnes qui

 13   étaient tout simplement à la rue.

 14   Q.  Merci. Passons au document suivant, 1D 02391, 1D 02391. En anglais, la

 15   date doit être corrigée, ce devrait être le 2 juin 1992 et non pas février.

 16   C'est bien ce que l'on lit en croate, n'est-ce pas, le 2 juin ? Monsieur

 17   Puljic, je vous pose une question. C'est bien ce que l'on lit en croate,

 18   n'est-ce pas ? 2 juin 1992 ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci. Ici on voit donc : "Conseil croate de Défense, HVO Mostar;" on

 21   voit : "Conseil des Affaires spéciales. Objet : Informations relatives à la

 22   situation alimentaire et aux besoins de la population de Mostar."

 23   J'aimerais attirer l'attention de tous sur le deuxième paragraphe : "Nous

 24   demandons par la présente que la distribution -- qu'un système de

 25   distribution et d'approvisionnement en nourriture dans les communes locales

 26   soit mis en place sans délai par le biais de la protection civile ou, en

 27   tout cas, des états-majors de la protection civile, particulièrement la

 28   distribution de pain."

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  1   Pourquoi ceci devait-il passer par le Pr Skutor qui était chargé de la

  2   protection civile pour la municipalité de Mostar ?

  3   R.  Il n'avait personne à qui il aurait pu s'adresser. Il a été confrontée

  4   à une situation dans laquelle il avait besoin de tout ce qu'il cite dans ce

  5   document et il s'adresse ici à la seule institution qui, à ce moment-là,

  6   existe. Il s'agit du HVO.

  7   Q.  Bien. Je vais passer au document suivant, 1D 00563.

  8   L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.

  9   M. KARNAVAS : [interprétation]

 10   Q.  Il s'agit en fait du document 1D 01572 que j'avais omis d'évoquer. Je

 11   m'excuse. Donc 1D 01572. Nous procédons par ordre chronologique de façon à

 12   avoir une idée de ce qui se passe au fil des jours. Pour faciliter les

 13   choses, M. Pejanovic, le 5 mai 2006, avait indiqué que la partie Est avait

 14   été libérée le 14 juin ou aux environs de cette date, 1992. Est-ce là une

 15   description exacte de la situation, Monsieur ?

 16   R.  Je me rappelle pas la date exacte, mais c'était à la mi-juin 1992.

 17   Q.  Très bien. Dans ces documents-ci, d'abord on voit que c'est un extrait,

 18   un extrait d'un discours prononcé par le commandant Pasalic, Arif Pasalic.

 19   Le connaissez-vous et, si oui, comment l'avez-vous connu ?

 20   R.  J'ai eu l'occasion de faire sa connaissance au cours de la guerre, une

 21   fois.

 22   Q.  Qui était-ce ?

 23   R.  Il était le commandant du 4e Corps de l'armée de la BiH.

 24   Q.  Très bien. Nous sommes le 12 juillet 1992, on le voit au tout début du

 25   texte. Dans le premier paragraphe, il parle du :

 26   "SDA et du HDZ et du rôle particulier que ceux-ci ont joué dans

 27   l'armement des citoyens en particulier."

 28   Il parle de Hadziosmanovic, Zalenika, Cupina, Slezak, Nozic et

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  1   d'autres encore, le premier étant Hadziosmanovic; c'est bien exact ?

  2   R.  Le HDZ se procurait des armes et les personnes nécessitées

  3   distribuaient ces armes, en particulier Hadziosmanovic.

  4   Q.  En page 2, premier paragraphe, au milieu à peu près, il y est dit : "Le

  5   14 juin, tôt le matin à 3 heures, les combats commencent et la rive gauche

  6   est attaquée. Le bataillon ainsi que les forces de la police militaire du

  7   HVO se battent dans le cadre de cette bataille déterminante pour gagner la

  8   rive gauche et la partie adjacente de la ville."

  9   Voyez-vous ceci ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Vous avez lu son discours; pourriez-vous nous livrer votre opinion sur

 12   l'exactitude de la description faite par M. Pasalic des événements et de la

 13   participation des libérateurs de Mostar et de ceux qui se sont battus pour

 14   libérer la municipalité de Mostar ?

 15   R.  La municipalité de Mostar mesure une cinquantaine de kilomètres si on

 16   la prend du nord au sud. La ville au sens strict ne mesure, du nord au sud,

 17   qu'une dizaine de kilomètres. En lisant le présent document, on a

 18   l'impression que le commandant Arif Pasalic et ses hommes ont libéré la

 19   ville, ce qui n'est pas la vérité. La ville a été libérée sur toute la

 20   longueur du front. Quant à lui et ses hommes, ils se sont mus sur une zone

 21   d'une longueur tout à fait limitée d'environ 200 à 300 mètres pour autant

 22   que je me souvienne de ces événements.

 23   Ce qui est encore plus intéressant ici c'est qu'il mentionne ici que

 24   le premier à être arrivé sur la rive gauche avec ses hommes est M. Karlo

 25   Dzeba.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Un instant. Maître Karnavas,

 27   excusez-moi.

 28   Monsieur le Témoin, en ligne 20, vous auriez dit que la municipalité

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  1   de Mostar s'étend sur 50 kilomètres. Vous disiez 50 ou 15 ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] 50 kilomètres du nord au sud.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation]

  4   Q.  Très bien. Nous ne parlons pas de la ville, n'est-ce pas ? Nous parlons

  5   de la municipalité.

  6   R.  J'ai dit que la municipalité mesure environ 50 kilomètres du nord au

  7   sud alors que la ville au sens strict ne mesure, dans cette même dimension,

  8   qu'une dizaine de kilomètres. Quant aux environs auxquels se réfère le

  9   commandant Pasalic, ils concernent une zone du front qui mesurait tout au

 10   plus 200 à 300 mètres.

 11   Q.  Vous ai-je bien compris ? Etes-vous en train d'essayer de nous dire que

 12   la JNA, au cours de cette période, parce que vous avez dit qu'à partir de

 13   novembre 1991, les choses ont empiré, sont allées, donc ça veut dire que ça

 14   ne concernait pas seulement la ville de Mostar, mais tout le territoire de

 15   la municipalité. Je parle des événements dont vous avez parlé.

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Je vous pose la question suivante : la cellule de Crise n'était-elle

 18   responsable que de la ville, donc la partie orientale et occidentale de la

 19   ville, ou bien était-elle responsable de l'intégralité de la municipalité

 20   et de tous les habitants qui vivaient dans les villages de la municipalité

 21   ?

 22   R.  Il avait compétence pour l'ensemble de la municipalité mais nous

 23   n'avions aucun contact avec ces parties, ces autres parties de la

 24   municipalité ou pas même en contact purement téléphonique.

 25   Q.  Bien. Vous nous avez dit que c'aurait été le président de l'assemblée

 26   qui était à l'époque président de la cellule de Crise, M. Gagro, donc qui

 27   aurait dû déclencher le plan de défense mais qui ne l'avait jamais fait.

 28   Est-il allé sur la ligne de front, s'est-il déplacé, a-t-il été aux

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  1   endroits où il y avait des activités de manière peut-être à ce qu'ils se

  2   rendent compte personnellement des besoins de la population, et qu'il se

  3   rende compte de ce qui se passait sur place ?

  4   R.  Je ne me rappelle pas qu'il ait jamais, qu'il ne se soit jamais rendu

  5   sur la ligne de front. Je ne me rappelle pas l'avoir vu -- je ne l'ai

  6   jamais vu se rendre sur la ligne de front.

  7   Q.  Il y a aussi une question que j'ai oubliée de vous demander tout à

  8   l'heure. Très bien. M. Gagro était peut-être incompétent ou avait peut-être

  9   une autre raison qui l'avait poussé à ne pas déclencher le plan de défense.

 10   Mais qu'est-ce qui a empêché d'autres membres de la cellule de Crise

 11   d'aller au coffre et de sortir le plan, en supposant qu'il était possible

 12   d'accéder au coffre ?

 13   R.  A ce moment-là, au sein de la cellule de Crise, les personnes ayant la

 14   plus grande autorité devaient être Milivoj Gagro, le président de

 15   l'assemblée; Ismet Hadziosmanovic, le président du SDA régional; Izet

 16   Bajric, le président du comité exécutif; et le président du SDA municipal,

 17   Zijad Demirovic. Toutes les personnes ici citées étaient des membres qui se

 18   sont montrés passifs dans les travaux de la cellule de Crise. Ils se

 19   comportaient d'une façon qui laissait à penser qu'ils attendaient la venue

 20   de l'OTAN qui viendrait les libérer. Afin qu'une fois libérés grâce à

 21   l'action de l'OTAN, ils puissent se partager le pouvoir. Le reste des

 22   membres de la cellule de Crise -- une autre partie des membres de la

 23   cellule de Crise s'efforçait d'agir et d'améliorer la situation dans la

 24   ville autant qu'elle en avait la possibilité avec l'autorité qui était la

 25   sienne et dans une mesure assez modeste.

 26   Q.  Mais je reviens à ma question. Outre ces quatre dirigeants disons,

 27   d'autres membres, ceux qui voulaient vraiment faire quelque chose, ceux qui

 28   étaient plus actifs au sein de la cellule de Crise n'auraient-ils pas pu

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  1   aller au coffre, en tirer le plan de défense et peut-être le déclencher,

  2   peut-être contre la volonté des quatre autres ?

  3   R.  Ils ne pouvaient pas le faire, même s'il l'avait voulu sans ces quatre.

  4   Q.  Corrigez-moi si j'ai tort, mais parmi ces quatre représentants éminents

  5   de la cellule de Crise, qui en fait a abandonné Mostar, en prenant un car

  6   avec les femmes et les enfants ?

  7   R.  Fikret Bajric a tenté de faire cela, le président du conseil exécutif.

  8   Il était à bord d'un autobus, un autocar du HCR avec des femmes et enfants,

  9   et en même temps il était le président du conseil exécutif de la ville. Du

 10   moins c'est qu'on disait à l'époque, tout le monde disait cela.

 11   Q.  De quelle période parle-t-on ici parce qu'on a cette idée en l'air

 12   comme ça, selon laquelle un gouvernement civil fonctionnait, que l'on

 13   appelait à l'époque cellule de Crise, de quelle période parlons-nous ici ?

 14   R.  C'est la fin du mois d'avril, début mai, c'est cette période-là, c'est

 15   de cette période que nous parlons.

 16   Q.  Très bien. S'agissant de ce document, vous avez la version en tout cas

 17   un exemplaire de la version originale dans votre classeur; pourriez-vous

 18   nous dire de quelle publication il s'agit ici ?

 19   R.  Je connais ce journal, je pense que s'était tiré dans le bâtiment de

 20   Vranica. Il y avait là également le siège de la radio Mostar qui était

 21   entre les mains du SDA de Mostar. C'est là qu'il y avait également le siège

 22   comment on dit ça, le HVO municipal, avec M. Jadran Topic.

 23   Q.  Très bien, merci. Passons au document suivant, 1D 00 --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Je reviens sur un petit détail. Vous avez dit que M.

 25   Fikret Bajric a quitté Mostar avec des femmes et des enfants à l'aide d'un

 26   bus du HCR. Quand il part avec sa famille, pour quelle raison il part,

 27   parce que les Serbes bombardent, ou le climat ne lui convient plus ? Quelle

 28   est la raison de ce départ, semble-t-il, précipité. Il y a une raison ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai entendu dire qu'il est parti, à l'époque

  2   je ne le voyais plus en ville. Je pense qu'il est parti parce qu'il y avait

  3   des pilonnages de la ville. Il voulait se mettre en sécurité.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, à l'époque, qu'on soit Croate

  5   ou Musulman, il suffisait d'appeler au HCR pour dire que la ville est

  6   pilonnée et qu'on veut s'enfuir. A ce moment-là, le HCR mettait à la

  7   disposition de ceux qui voulaient quitter la ville un bus ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Le HCR mettait les autocars à la disposition

  9   des femmes et des enfants, mais dans ces autocars, ils y montaient tous

 10   ceux qui parvenaient à s'introduire dedans, tous ceux qui arrivaient à se

 11   débrouiller pour monter à bord de l'autocar.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous excitez ma curiosité là parce que je n'avais

 13   pas vu cela jusqu'à présent. Si je comprends bien ce que vous dites, le HCR

 14   avait mis en place toute une procédure d'évacuation des habitants de Mostar

 15   compte tenu de la situation de belligérance, et à ce moment-là, il y avait

 16   des bus commandés par le HCR dans lequel montaient les habitants de Mostar,

 17   femmes et enfants, mais peut-être des hommes qui se mettaient dans la file,

 18   tout le monde partait en convoi à l'extérieur. Ça se passait comme ça ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Ceux qui faisaient cela, le faisaient de leur propre

 21   volonté ou bien ils le faisaient en raison du climat lié au pilonnage et à

 22   l'artillerie ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Les gens voulaient s'enfuir face aux obus,

 24   c'était le résultat de la peur devant les pilonnages. A l'époque, il n'y

 25   avait aucune autre raison de sortir de al ville.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous, vous étiez sur place et mieux que quiconque

 27   vous pouvez peut-être répondre à ma question.

 28   D'après vous, les gens qui quittaient la ville de Mostar au niveau

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  1   répartition ethnique, quel pourcentage de Croates, quel pourcentage de

  2   Musulmans ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est la même chose. Ça dépendait un

  4   petit peu du courage, c'est la seule chose.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Il y a des situations où le courage fait

  6   qu'on reste et puis il y a des situations même si on est courageux on est

  7   obligé de s'en aller. Mais, d'après vous, la population croate ou

  8   musulmane, dans quelle proportion ils sont partis, 50 %, 70 %, 10 %, 30 % ?

  9   Ou bien il faut demander à cette question au HCR ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'il vaudrait mieux s'adresser à

 11   quelqu'un du HCR. Si c'est à moi que vous posez la question, je dois vous

 12   dire ce que j'en pense. Ce que je pense, je pense que peut-être il y a même

 13   eu plus de Croates qui sont sortis parce qu'ils avaient des parents et des

 14   amis en Herzégovine occidentale, donc ils avaient où se placer. Je pense

 15   qu'il y avait davantage de Croates qui sont sortis à ce moment-là de Mostar

 16   qu'il n'y a eu de Musulmans. Car les premiers avaient des proches en

 17   Dalmatie, en Herzégovine occidentale et ils pouvaient être pris en charge.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Je me souviens que vous avez dit que dans la rue où

 19   vous habitiez, il y avait des Croates et des Musulman. Dans votre propre

 20   rue, il y en a beaucoup qui sont partis ? Il y a des Musulmans qui sont

 21   partis, des Croates ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait des Croates qui sont partis mais il

 23   y avait également des Musulmans. Je pense qu'à ce moment-là, le départ

 24   n'était pas conditionné par l'appartenance ethnique.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 26   Maître Karnavas.

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Passons au document suivant. Il s'agit du 1D 00563, décision en vue

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  1   d'organiser l'approvisionnement en pétrole et en dérivé du pétrole au

  2   niveau de la municipalité de Mostar, date du 19 juin.

  3   Veuillez nous expliquer de quoi il s'agit et pourquoi ce document, cette

  4   décision a été nécessaire ?

  5   R.  J'ai déjà dit que toutes les stations d'essence de Mostar étaient sur

  6   la rive gauche, tandis que sur la rive droite, donc la partie ouest de la

  7   ville ne comptait pas une seule station d'essence.

  8   Q.  Je voudrais vérifier que j'ai bien compris ce que vous avez dit parce

  9   que je l'entends pour la première fois. Vous êtes en train de nous dire

 10   qu'à ce moment-là il y avait des stations services que d'un côté de la

 11   ville; c'est ça ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Il fallait passer le pont pour aller dans une station de service quand

 14   on était côté ouest, il fallait passer le pont pour aller à l'est pour

 15   trouver une station service.

 16   R.  Oui, mais il n'y avait pas de pont.

 17   Q.  Merci. Qu'est-il arrivé au pont ?

 18   R.  Une information de plus. Les réservoirs et les dépôts de carburant

 19   étaient également situés sur la rive gauche. Il n'y avait pas que les

 20   ponts. Il y avait aussi des réservoirs et les dépôts. Ils étaient situés

 21   tous sur la rive gauche, les terminaux. Ils étaient situés sur la rive

 22   gauche. Là, nous avons une décision portant création de station d'essence

 23   sur la rive droite pour qu'elle puisse s'approvisionner en carburant.

 24   Q.  Très bien. Je vous remercie. Passons au document suivant, le 1D 00567.

 25   Il s'agit d'une décision visant à fournir des véhicules pour les

 26   entreprises publiques. Pourriez-vous nous expliquer de quoi il s'agit

 27   encore et c'est une décision qui est à nouveau datée du 19 juin 1992.

 28   R.  Les entreprises publiques de la municipalité de Mostar qui

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  1   approvisionnaient les citoyens en eau, en électricité, qui se chargeaient

  2   d'emporter les ordures, se sont retrouvées sans véhicule.

  3   M. Topic ce qu'il fait ici c'est de tenter de se procurer de véhicules pour

  4   que ces entreprises puissent fonctionner.

  5   Q.  Je voudrais vous demander une chose à nouveau. Parce qu'il est bon de

  6   l'entendre et de l'entre à nouveau. Ces services fonctionnaient-ils

  7   auparavant en mai ? Si oui, pourquoi est-ce que la cellule de Crise aurait

  8   demandé -- fait cette décision ?

  9   R.  Si on s'adressait à nous pour qu'on leur donne un véhicule, on avait ni

 10   argent nous permettant de nous acheter un véhicule ni de véhicule lui-même.

 11   Q.  Très bien. Mais ces entreprises publiques, est-ce qu'elles

 12   fonctionnaient au mois de mai, avril ?

 13   R.  Mais tout un chacun essayait dans la mesure du possible de fonctionner.

 14   Q.  Bien.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Passons maintenant au document 1D 00889.

 16   Q.  Toujours une décision du 19 juin 1992, décision aux fins d'établir le

 17   service municipal de Mostar chargé de la protection civile. De quoi s'agit-

 18   il ? Pourquoi fallait-il créer ce département de la Protection civile alors

 19   qu'il aurait dû exister depuis longtemps finalement ?

 20   R.  Quoi qu'il en soit, le besoin s'est fait sentir de mieux organiser la

 21   protection civile car la protection civile telle qu'elle était organisée en

 22   temps de paix et plus est, en fonctionnement maintenant en guerre, on a vu

 23   qu'il y avait des améliorations à faire, réorganisation à faire.

 24   Q.  Bien. Ce département de la Protection civile avait-il été activé avant

 25   ce jour-là ?

 26   R.  Oui, oui, pendant tout le temps la protection civile a été --

 27   Q.  Très bien.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Passons maintenant au document 1D 00587.

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  1   Q.  Il s'agit encore d'une décision mais celle-ci est en date du 30 juin

  2   1992, visant à instaurer une obligation de travail et il est écrit : cette

  3   décision gouvernera temporairement la mise en œuvre d'un service de travail

  4   obligatoire au sein de la municipalité de Mostar. De quoi s'agit-il ?

  5   Dites-nous s'il s'agit d'un effort visant à croatiser cet endroit.

  6   R.  Non.

  7   Q.  Mais de quoi parle cette décision; sur quoi porte-t-elle ?

  8   R.  Par cette décision, on oblige les gens qui travaillaient dans les

  9   entreprises de la rive gauche d'y retourner, d'organiser ces entreprises,

 10   de protéger leurs biens et d'essayer d'organiser leur travail sous quelque

 11   forme que ce soit.

 12   Q.  Dans votre réponse en anglais, vous dites : les gens qui visaient les

 13   entreprises qui étaient sur la rive gauche alors c'est plutôt qui y

 14   habitaient, non, donc ils travaillaient dans une entreprise, n'est-ce pas ?

 15   C'est bien cela ?

 16   R.  Oui, c'est ça qui travaillait là-bas.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous passons à la décision suivante

 18   maintenant 1D 00578.

 19   Q.  Décision visant à mettre en place un dépôt de matériaux de construction

 20   central, donc décision en date du 30 juin.

 21   R.  A l'époque, on a vu un certain nombre de personnes se remettre à

 22   revenir à leurs foyers, donc leurs maisons qui avaient été détruites donc

 23   ils avaient besoin de matériaux de construction. Par conséquent, il y a

 24   même eu des vols de matériaux de construction et pour y mettre fin, pour

 25   empêcher cela, le HVO a organisé un dépôt central pour empêcher des vols,

 26   mais aussi pour essayer de distribuer ces matériaux d'après les besoins

 27   donc les priorités à ceux qui en avaient besoin le plus avant les autres.

 28   Q.  [aucune interprétation]

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Ce que vous dites me semble intéressant.

  2   Si je comprends bien, comme il fallait reconstruire, et c'est à

  3   l'architecte que je m'adresse. Encore fallait-il que ceux qui avaient leurs

  4   propriétés démolies aient du matériel, ciment, briques, tuiles ardoises, et

  5   cetera, il avait été donc créé un dépôt central et ce dépôt central

  6   permettait à ceux qui venaient chercher le matériel d'avoir du matériel. Ce

  7   dépôt central avait-il un registre ou quand quelqu'un venait pour chercher

  8   cinq sacs de ciment on marquait son nom et il faisait une signature comme

  9   quoi il avait reçu cinq sacs de ciment ou 100 briques, ou 25 ardoises, et

 10   cetera ? Est-ce qu'il y avait ce type de registre ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait un service, il y avait des hommes

 12   qui avaient la charge de faire cela, et c'est ce qu'ils faisaient. Le

 13   problème à l'époque c'est que tout un chacun essayait de se procurer l'aide

 14   humanitaire par des contacts directs. Donc ce qui arrivait parfois, par

 15   exemple, pour le matériel de construction l'aide humanitaire était envoyée

 16   dans un village où on n'en avait pas véritablement tant besoin que cela,

 17   donc le HVO a essayé de mettre de l'ordre dans ce secteur : d'abord

 18   constater la situation, les besoins et par la suite délivrer le matériel de

 19   construction pour empêcher les abus. 

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- parce que si je vous pose cette

 21   question, c'est pour savoir s'il y a des éléments qui permettraient de

 22   laisser penser qu'à l'époque, le HVO avait mis en place un système

 23   permettant à des Musulmans de Mostar Est d'avoir du matériel de

 24   construction pour rebâtir leurs maisons, faire des travaux divers, de

 25   remise en état de leurs maisons. C'est ça que j'essaie de déterminer avec

 26   vous.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] À l'époque, il n'y avait pas de tensions. Il

 28   n'y avait pas d'intention de ce type-là.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Vous n'avez pas compris ma question. Moi, je

  2   voudrais savoir : s'il y a des éléments documentaires de registres qui

  3   établiraient, par exemple, que M. X musulman de Mostar Est a reçu pour sa

  4   maison cinq sacs de ciment.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas au courant de l'existence de

  6   ces documents. Je suppose qu'on pourrait le retrouver quelque part, mais je

  7   ne sais pas. Je ne sais pas qui -- que ça a été archivé, conservé quelque

  8   part.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- c'est au travail des avocats de

 10   faire cela.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Dans ce document, Monsieur le

 12   Témoin, je remarque tout de suite qu'il y a deux blanks. Personne ne devait

 13   être nommé. On ne voit pas. Il devait censer aussi avoir une date butoir.

 14   Elle n'est pas écrite. De plus, il n'y a pas de signature sur ce document.

 15   Avez-vous eu vent de ce document avant de venir témoigner ici ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce document je le connaissais, parce que je

 17   l'ai lu dans le journal officiel de la municipalité de Mostar. Ce document

 18   est signé par Jadran Topic donc de sa propre main. Donc cela veut dire

 19   qu'il a signé l'original et que ça a été publié sur cette forme-ci. C'est

 20   la pratique habituelle lorsqu'on publie un document dans le journal

 21   officiel, on fait accompagner le nom de VR. Signature apposée. Parce qu'à

 22   l'époque, il n'y avait pas beaucoup de capacités de photocopies et

 23   capacités techniques, de moyens techniques. C'est pour ça que c'est publié

 24   comme ça. Tout simplement, il faut savoir qu'à l'époque, la quantité de

 25   travail, la rapidité des problèmes qui incitaient les gens à agir vite, les

 26   forcer à faire comme ça.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie de votre réponse.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Je tiens à dire pour les Juges de la Chambre

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  1   ainsi que pour tout le monde, que tous ces documents viennent du bulletin

  2   officiel et qu'ils sont présentés dès qu'ils ont été publiés.

  3   Q.  Passons maintenant au document suivant, il s'agit du 1D 00583. Décision

  4   sur la fermeture temporaire des installations de restauration. De quoi

  5   s'agit-il exactement ?

  6   R.  C'était le moment de la victoire. Les militaires célébraient dans les

  7   cafés, dans les brasseries, et ils étaient armés pour mettre de l'ordre,

  8   rétablir l'ordre le conseil municipal pour qu'on respecte l'ordre public

  9   dans la ville pour empêcher qu'il y ait des buveries, c'est la décision

 10   qu'ils ont prise.

 11   Q.  Bien. Il s'agissait de quelque chose qui est arrivé sur les deux rives,

 12   ou est-ce qu'on a essayé d'empêcher les personnes -- un groupe de faire la

 13   fête ?

 14   R.  Ça s'appliquait à tous.

 15   Q.  Bien. Maintenant, passons au document 1D 00584. Document visant à

 16   établir les heures d'ouverture des entreprises et des magasins privés

 17   vendant des produits de consommation. On voit que les heures d'ouverture

 18   seront de 10 heures à 13 heures uniquement. Pourquoi est-ce que c'était

 19   nécessaire ?

 20   R.  Mais, là encore, c'est pour assurer l'ordre public dans la ville. C'est

 21   ça la finalité. Pour que les commerces ne soient pas ouverts toute la

 22   journée, pour que les employés qui travaillent dans ces magasins aient la

 23   possibilité de se rendre à l'abri, eux aussi. C'était ça la décision qu'on

 24   a prise pour qu'ils s'attardent le moins de temps possible dans les

 25   magasins.

 26   Q.  Bien. Maintenant, le 1D 00586. Nous allons voir un grand nombre de ce

 27   type de décisions. Celle-ci vise à imposer un couvre-feu. C'est la première

 28   en date du 30 juin 1992. Le couvre-feu s'impose de 10 heures du soir à 5

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  1   heures du matin. Pourriez-vous nous dire pourquoi il a fallu imposer un

  2   couvre-feu, à ce moment-là, et dites-nous aussi si ce couvre-feu

  3   s'appliquait dans toute la ville et si ce couvre-feu ne visait que

  4   certaines personnes dans Mostar ou tout le monde ?

  5   R.  Cela s'appliquait à tous les citoyens et c'était valable sur la

  6   totalité du territoire de la ville, et là encore la finalité était

  7   d'assurer l'ordre public dans la ville, il y avait beaucoup de personnes en

  8   arme, et le souci c'était de les empêcher de circuler dans la ville pendant

  9   la nuit.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 12   Monsieur le Témoin, je vais moi faire aussi le couvre-feu, parce que c'est

 13   19 heures. On va arrêter l'audience.

 14   Maître Karnavas, vous avez utilisé 2 heures 35 minutes.

 15   Monsieur le Témoin, vous reviendrez pour l'audience de demain, qui sera du

 16   matin, donc nous avons que quelques heures de repos car nous nous reverrons

 17   demain tous à 9 heures. Je vous remercie.

 18   --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mardi 16 septembre

 19   2008, à 9 heures 00.

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