Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 20 mai 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Les accusés Prlic et Coric sont absents]

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour à tous, bonjour à tous, à tous

 10   ceux qui se trouvent dans le prétoire.

 11   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce mercredi 20 mai 2009, je salue en premier M. Praljak, je salue M.

 14   Stojic, M. Petkovic, et M. Pusic. Je salue Mmes et MM. les avocats, je

 15   n'oublie pas de saluer M. Stringer et tous ses collaborateurs et

 16   collaboratrices, ainsi que toutes les personnes qui nous assistent.

 17   Avant de continuer les questions, Monsieur Praljak, je crois que Me

 18   Karnavas veut intervenir.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci. Bonjour, Monsieur le Président.

 20   Bonjour à tous.

 21   Avant de venir ce matin, j'ai diffusé, au Procureur ainsi qu'à la Chambre,

 22   un échange de courriel, suite à une requête qui a été déposée hier par le

 23   bureau du Procureur. Depuis, M. Stringer a regardé cet échange de courriel,

 24   et je crois que M. Stringer souhaite vous adresser -- j'allais vous

 25   demander si nous allions déposer une requête pour réexamen sur la base de

 26   cet échange de courriel. Je crois que la situation est claire, mais ayant

 27   reçu la décision de la Chambre, nous avions demandé des clarifications,

 28   parce que nous voulions vérifier que nous avions fait les choses en temps

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  1   et en heure. Vous avez sans doute remarqué, que nous avions déposé une

  2   requête de quelque 1 300 pages de commentaires et nous devons travailler

  3   là-dessus, nous étions en train de le faire au moment où cette décision a

  4   été rendue, donc nous voulions vérifier que nous avions en effet respecté

  5   les délais. M. Stringer, lorsqu'il a vu cet échange e-mail qu'il n'avait

  6   pas vu puisqu'il était très occupé pour se préparer au témoignage du

  7   général Praljak, je crois qu'il voulait ajouter quelque chose.

  8   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour à tous, à tous ceux qui se trouvent

  9   dans le prétoire.

 10   En effet, il s'agit de la requête pour réexamen déposée par la Défense

 11   Prlic concernant un certain nombre de documents.

 12   Hier soir, le Procureur a déposé sa réponse à la requête pour réexamen, et

 13   nous nous sommes fondés sur une décision récente de la Chambre qui impose

 14   des conditions ou des limites concernant la déposition de requêtes pour

 15   réexamen. Lorsque nous avions déposé notre réponse hier, j'avais oublié un

 16   échange pour courriel en date du 27 mars, que j'avais vu à l'époque, dans

 17   lequel la Chambre avait clarifié les choses en disant que la décision, qui

 18   imposait des limites sur ces requêtes pour réexamen, que cette décision

 19   n'allait pas s'appliquer à la requête pour réexamen que préparée à l'époque

 20   l'équipe Prlic, c'est-à-dire au moment où cette décision avait été rendue.

 21   Il s'agit d'un échange en date du 27 mars. Je l'avais vu à l'époque, et

 22   pour être parfaitement franc avec la Chambre, j'avais oublié l'existence de

 23   cette clarification qui avait émané de la Chambre.

 24   Cela signifie que la Chambre -- je demande à la Chambre de ne pas tenir

 25   compte de la réponse déposée par le bureau du Procureur hier, puisque étant

 26   donné les circonstances cela n'a pas lieu d'être.

 27   Selon mon souvenir, le délai pour le bureau du Procureur tombe, je crois, à

 28   la fin de la semaine, c'est-à-dire vendredi. Mais je vérifierais cela à la

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  1   pause. Si tel est le cas, si en effet la date limite pour déposer une

  2   réponse à cette requête pour réexamen, dans ce cas, nous n'avons pas encore

  3   dépassé ce délai. Dans ce cas, je retire la réponse qui avait été déposée

  4   hier et je vais réfléchir pour savoir si, oui ou non, il faut déposer une

  5   autre requête modifiée tout en respectant le calendrier. Nous n'allons pas

  6   demander une prolongation.

  7   Merci, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Très bien. Tout est clair. La Chambre vous

  9   donne acte de vos interventions respectives en la matière.

 10   Maître Pinter.

 11   LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   Mme PINTER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, merci.

 14   Bonjour à vous, à vos collègues, et à tous et toutes dans le prétoire et

 15   autour.

 16   Interrogatoire principal par Mme Pinter : [Suite]

 17   Q.  [interprétation] Mon Général, hier nous nous sommes entretenus sur un

 18   jeu de documents issu de ce livre de Sead Cupina. Est-ce que vous voudriez

 19   ajouter quelque chose ou est-ce qu'on peut aller de l'avant ?

 20   R.  On va de l'avant.

 21   Q.  Bien. Alors je vous demande de vous pencher sur le 3D 02855. Il s'agit

 22   d'un document du 20 mai 1992, et il est question d'un ordre à l'attention

 23   du commandement de la Brigade de Mostar, émanant du commandant, le général

 24   de division, Momcilo Perisic.

 25   R.  Lequel vous avez dit, le document, je n'ai pas très bien saisi ?

 26   Q.  3D 02855.

 27   R.  Merci.

 28   Q.  Les documents sont rangés dans l'ordre, l'ordre croissant.

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  1   R.  J'y suis.

  2   Q.  Est-ce que vous avez déjà vu ce document de par le passé ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Sur quoi attireriez-vous l'attention de tout un chacun au sujet de ce

  5   document ? D'abord, ce général de division, Momcilo Perisic, c'est la

  6   personne dont a parlé hier lorsque nous avons parlé de la prise de la

  7   caserne de Grabovina et lorsque vous l'avez mentionné comme étant la

  8   personne avec qui vous avez eu des contacts, voire la personne qui a décidé

  9   de l'attaque héliportée ?

 10   R.  Oui. Il était commandant de ces effectifs de l'armée populaire

 11   yougoslave. Pour autant que je le sache, il était à la tête des unités --

 12   des autres unités qui attaquaient depuis la rive gauche, vers la rive

 13   droite de la Neretva. Enfin, il n'y a pas grand-chose à dire au sujet de ce

 14   document. Il est parfaitement clair.

 15   Q.  J'attire votre attention sur le paragraphe 2, de la page 1, dernière

 16   partie.

 17   L'INTERPRÈTE : Le témoin sans faire de pause.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Certes. Il s'agit d'un ordre classique d'un

 19   militaire qui dit qu'il procèdera au regroupement des effectifs du corps et

 20   qu'il préparera toutes les charges d'explosifs pour faire sauter tous les

 21   ponts. Enfin ceux qui ont fait leur formation dans l'armée de la

 22   Yougoslavie et je ne sais pas si ça c'est ainsi fait ailleurs, mais les

 23   choses étaient ainsi faites. Du point de vue de la construction, il y avait

 24   des creux où l'on pouvait placer des explosifs pour faire sauter chaque

 25   pont, et l'armée populaire yougoslave, en application de l'ordre émis, l'a

 26   fait. Ces ponts au mois de mai et juin sur la Neretva par commande à

 27   distance, elle les a fait tous sautés. On a pu le voir.

 28   Donc il y a des préparatifs d'attaque qui sont en cours. Il est

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  1   question de tout ce qu'il convient de faire, de faire des barrages,

  2   préparés les unités et il est en train de déployer l'artillerie et le

  3   reste. C'est assez long, mais en somme, parfaitement clair.

  4   Q.  Au paragraphe 4, on dit sécuriser du point de vue du génie. Alors étant

  5   donné que nous nous trouvons entre Mostar et Capljina, c'est-à-dire

  6   Capljina et Stolac, et nous sommes en train de parler de l'année 1992, il

  7   est question de la rive est de la Neretva.

  8   R.  Bien sûr, aussi de façon évidente, ils avaient estimé qu'il y avait de

  9   notre côté beaucoup de militaires. A chaque fois on exagère un peu. Les

 10   effectifs de l'autre côté, ils savaient probablement quels étaient les

 11   effectifs à notre disposition à l'époque, autrement ils se seraient

 12   comportés de façon autrement. Mais mis à part les préparatifs d'attaque, il

 13   dit que la rive est doit être bien bloqué par utilisation de MPO et

 14   préparer tous les ponts pour destruction. Il dit qu'une fois que les ordres

 15   afférents reçus, il les ferait sauter, parce qu'il y avait déjà un pont au

 16   village de Buna sur la rivière Buna qu'on avait déjà préparé pour le faire

 17   sauter, parce que c'était susceptible de couper la communication entre

 18   Mostar et Capljina. S'agissant de l'attaque relative à la rive gauche de

 19   juin 1992, à la tête de quoi je me trouvais, j'ai prêté attention à la

 20   chose et nous avons réussi pour ce qui est de cette route de communication

 21   entre Sarajevo-Konjic-Mostar, Capljina et la rive, enfin le littoral, on a

 22   réussi à s'emparer du pont avant qu'ils ne le fassent sauter. Parce que

 23   militairement parlant, ce n'était pas trop important.

 24   Q.  Merci. Nous pouvons passer maintenant au document d'après, 3D 03050. Il

 25   s'agit d'un document daté du 25 mai 1992; le signataire est une fois de

 26   plus le commandant Momcilo Perisic. Il s'agit d'un ordre d'entrée en

 27   action. Vous avez pris connaissance de ce document ?

 28   R.  Oui.

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  1   Alors le 25 mai -- ou plutôt, le 10 avril 1992, la situation militaire en

  2   Herzégovine n'était guère bonne. Vous avez pu le voir, l'organisation de

  3   l'armée et notamment le 10 avril 1992, le HVO ou ces unités avaient perdu

  4   Kupres. C'était un emplacement stratégiquement important pour attaquer

  5   Split et au-delà, le territoire de l'Herzégovine entier. La JNA au plateau

  6   de Kupres, qui est idéal pour les chars parce que déjà auparavant les

  7   manœuvres de blindé avaient toujours eu lieu dans ce secteur-là, donc la

  8   JNA a réussi à s'emparer de Kupres et nous avons eu beaucoup de pertes. Il

  9   y a eu beaucoup de morts et beaucoup de blessés, ainsi que beaucoup de

 10   capturés. La situation toute entière se présentait à peu près comme vous

 11   avez pu le voir. Il s'agissait de redresser l'organisation et d'intervenir

 12   sur deux segments importants, à savoir mise en place d'un état-major, chose

 13   dont s'est chargé le général Petkovic; aux fins de réunifier tous ces

 14   groupes, à savoir tous les secteurs qui avaient réussi de s'armer.

 15   Dans certains segments, il fallait faire intervenir des gens,

 16   notamment sur le secteur de Capljina, Mostar et au nord de là, pour faire

 17   en sorte que, le 15 mai 1992, l'on finisse par s'emparer de Stolac. Les

 18   Serbes, une fois qu'il y a eu les premiers réfugiés partis de Stolac,

 19   notamment les Croates, il est resté quand même bon nombre de Musulmans. Les

 20   Serbes avaient souhaité créer une armée conjointe, une police conjointe

 21   avec eux. Ils leur disaient qu'ils allaient être en sécurité, bien sûr, ils

 22   n'ont pas cru. Il y a eu des meurtres notamment de réservistes ivres qui

 23   probablement là-bas aussi étaient hors contrôle.

 24   Q.  Meurtre de qui ?

 25   R.  De Musulmans, de la part de réservistes de la JNA.

 26   Ce 15 mai, les Serbes ont chassé à Mostar pratiquement tout le monde,

 27   tous ceux qui se trouvaient à l'est, à la rive est. Les gens sautaient dans

 28   la rivière. Certains passaient par les ponts, on leur tirait dessus. Il y a

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  1   eu une femme qui a été tuée sur le pont et d'autres encore. En même temps,

  2   après cette première vague de réfugiés, il y a eu une vague de réfugiés

  3   énorme - on en a déjà parlé - et ces réfugiés sont arrivés sur la rive

  4   gauche de la Neretva dans le secteur de Sevac Polje et dans le secteur de

  5   Pocitelj. Au tout début, ils ont essayé de se frayer un passage vers

  6   Capljina en empruntant la route principale pour une fois arriver à

  7   Capljina, emprunter le vieux pont ferroviaire à voie étroite qui était

  8   encore utilisable pour servir à des fins de circulation dans une direction

  9   seulement. On ne pourrait pas aller dans les deux directions mais, comme le

 10   pont de Capljina -- le principal pont de Capljina était déjà miné avec des

 11   explosifs, c'était par là qu'il fallait passer.

 12   Les Serbes n'ont pas voulu leur ménager un passage et on a parlé de la

 13   chose avec un témoin et il y a eu l'ordre d'organiser d'urgence l'accueil

 14   de ces personnes. En application du document qu'on a déjà versé au dossier,

 15   nous avons procédé au transfert de quelques 15 000 personnes avec deux

 16   radeaux ordinaires. Je ne sais pas si vous savez ce que sait qu'un radeau

 17   mais c'est donc là une embarcation sans moteur. On se sert donc du courant

 18   de l'eau pour passer d'un côté à l'autre et on a fait passer 15 000

 19   personnes. On a fait passer 3 000 petites voitures. Etant donné que les

 20   Serbes n'ont pas progressé suffisamment vite en ces deux ou trois journées

 21   d'effort extrêmes que nous avons déployés, et là, il faut reconnaître le

 22   mérite des individus qui s'en sont occupés, on a réussi à faire passer même

 23   des camions lourds. Il en est resté une dizaine à peine et transféré 3 000

 24   voitures avec des radeaux, ça fait 60 ferries qui transportent 50 voitures

 25   chacune au niveau de l'Adriatique, si on fait circuler les passagers.

 26   Donc on a accueilli ces gens, ceux qui ne sont pas partis vers la Croatie -

 27   et je parle ici d'hommes - ceux-là, on les a conviés pour qu'ils viennent

 28   suivre un entraînement. Je parle de Musulmans ici, et s'agissant du groupe

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  1   que nous avons armé, entraîné et ainsi de suite, avec les segments

  2   logistiques, Stojic et autres, on a réussi donc à armer ces gens, leur

  3   fournir un entraînement et c'est partant de ce groupe-là qu'a ensuite été

  4   créée la Brigade de Bregava qui était constituée uniquement de Musulmans.

  5   Cette Brigade de Bregava, après la libération de Stolac au mois de juin,

  6   début juin 1992, est passée du côté gauche et s'est emparée aux côtés du

  7   HVO des positions face aux lignes que nous avions atteintes suite à

  8   l'opération de Stolac et les opérations en direction de Capljina étaient

  9   dirigées par le général Petkovic.

 10   Je précise que, pour ce qui est de l'action visant à repousser l'ennemi de

 11   Dubrovnik à droite de Metkovic, l'opération a été dirigée par une Brigade

 12   de l'armée croate, et son commandant, pour autant que je le sache,

 13   s'appelait Beneta. Il s'agissait d'une opération conjointe et l'armée

 14   croate l'a fait aux fins de libérer Dubrovnik qui était complètement

 15   encerclée, dans un étau. On pourrait tirer au pistolet sur cette ville et

 16   le HVO allait suivant l'axe Capljina pour finir, pour aboutir à Stolac.

 17   Dans la deuxième phase de cette opération, je suis venu aider autant que je

 18   savais le faire.

 19   L'INTERPRÈTE : Question hors micro, micro, micro.

 20   Mme PINTER : [interprétation]

 21   Q.  [aucune interprétation] -- ce document, pour l'essentiel, c'est

 22   l'évaluation du commandant du Corps de l'Herzégovine portant sur les

 23   intentions du HVO. Au paragraphe 2, après le numéro 1, il est dit que

 24   l'objectif c'est le territoire de l'Herzégovine Est et les parages de

 25   Dubrovnik. Alors vous venez d'en parler de cet objectif Dubrovnik ?

 26   R.  Je vais toujours répéter des choses qui sont infiniment évidentes, à

 27   savoir que la JNA dans la réalisation de ce plan politique ne s'est pas

 28   attaquée à la Bosnie-Herzégovine et à la Croatie de façon distincte. Elle

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  1   voulait s'emparer des territoires qui, dans leurs têtes, avaient été

  2   proclamés comme étant cet Etat de Yougoslavie, voire de Serbie; et c'est

  3   tout à fait clair dans ces documents. Il ne s'agissait pas de frontières

  4   des républiques, quelles soient reconnues ou pas, c'était dénué de

  5   pertinence. Pour eux, c'était un théâtre de bataille et il y avait un seul

  6   objectif à poursuivre.

  7   Q.  Mon Général, on vient de me prévenir qu'au compte rendu, page 7, ligne

  8   6, on n'a indiqué que ces événements se sont produits le 15 mai 1995.

  9   R.  1992.

 10   Q.  Je me propose maintenant de vous demander au sujet de ce document et ça

 11   ne fait que confirmer ce que vous nous avez dit jusqu'à présent. Je

 12   voudrais que vous nous indiquiez : où se trouve le village de Slano et où

 13   se trouve Popovo Polje ? Il s'agit de localités indiquées comme étant des

 14   centres de gravité pour ce qui est des attaques lancées ou des attaques

 15   auxquelles on s'attendait.

 16   R.  Slano, c'est en Croatie, et Popovo Polje, c'est là que se trouve la

 17   frontière entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie.

 18   Q.  Merci.

 19   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demanderaient à ce que les questions et les

 20   réponses ne se fassent pas en même temps.

 21   R.  Alors tout doucement, les Musulmans ont fini par se retourner vers le

 22   secteur et nous avons permis la création de cette Brigade de Bregava qui a

 23   fini par passer vers Stolac.

 24   Ce que je veux indiquer c'est que cela contredit quelque volonté que ce

 25   soit de nettoyer le territoire de ces Musulmans, parce que du fait de

 26   l'attaque des Serbes, c'était déjà vide et il n'y avait plus les Musulmans.

 27   Mais si quelqu'un avait souhaité au niveau de la HZ HB parmi son

 28   commandement faire en sorte que ce territoire soit ethniquement pur, une

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  1   banovina quelconque, ils n'iraient pas armés une brigade musulmane pour les

  2   ramener au point de départ avec la population. Qui plus est, on aurait pu

  3   dire, vous n'avez plus le droit de retourner, et puis c'est tout.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, vous vous lancez

  5   dans des arguments dans des spéculations. Je vous demande de bien vouloir

  6   vous en tenir aux faits.

  7   Puisque je vous ai déjà interrompu, j'ai deux petites questions à

  8   vous poser.

  9   Vous avez dit à la page 6, ligne 15, en ce qui concerne ce document, vous

 10   dites :

 11   "Le 25 mai -- ou plutôt, le 10 avril, la situation militaire n'était

 12   pas bonne."

 13   Pourquoi mentionnez-vous la date du 10 avril alors que nous avions

 14   déjà un document en date du 20 mai qui était également un texte, un ordre

 15   similaire, alors que vous n'aviez pas fait la même remarque à ce propos-là

 16   ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Trechsel, je l'ai déjà dit, en

 18   indiquant que la situation au 10 avril était déjà mauvaise, et ça s'est

 19   notamment détérioré du fait que l'ARSK et la JNA avaient chassé la totalité

 20   de la population, Croates et Musulmans confondus de la rive gauche de la

 21   Neretva, Konjic et Mostar.

 22   Donc à Mostar, nous avions des dizaines de milliers de réfugiés, à Capljina

 23   et Medjugorje, des dizaines de milliers de réfugiés aussi, et c'est de cela

 24   que je parle.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup.

 26   La deuxième question que je souhaitais poser porte sur l'en-tête. Il y a

 27   une ligne où il y a le mot "to" et puis "commandement," mais on n'a pas

 28   d'explication concernant ce commandement. A qui est adressé ce texte ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, ce type d'ordre est

  2   d'abord préparé et à partir de la date qu'on a désigné pour la date de

  3   départ, on dit quel est le commandement concerné et on met à qui l'ordre

  4   est communiqué pour ce qui est donc des destinataires afin que l'ordre soit

  5   exécuté. Donc ici nous avons un ordre qui n'est pas encore parti pour

  6   exécution. Moi, je ne disposais pas de la totalité de leur -- enfin, à un

  7   moment donné, on a réussi à capturer ceci, je suppose, chez quelqu'un mais,

  8   eux, à un moment donné où il fallait rédiger tout ceci, on indiquait, M. le

  9   Juge Trechsel, M. le Juge un tel, et cetera.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Dans ce cas, c'est une

 11   ordonnance préparatoire, en allemand : "Forbaltener welle." [phon] Je ne

 12   sais pas si vous connaissez la terminologie allemande.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Exactement, Monsieur le Juge.

 14   Mme PINTER : [interprétation]

 15   Q.  [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous avez dit quelque chose tout à

 17   l'heure qui mérite un approfondissement.

 18   Nous avons vu deux documents militaires signés par le général Perisic, sur

 19   une situation du mois de mai. Quand on lit ces deux documents militaires,

 20   qui sont des documents très longs, je dirais même peut-être de tous les

 21   documents que nous avons vus, c'est peut-être l'ordre militaire le plus

 22   détaillé qu'on ait pu voir jusqu'à présent, il en résulte qu'il y a donc

 23   une situation de conflit et que les Serbes prennent toutes les mesures pour

 24   faire face à cela. Mais sans entrer dans la technique de cet ordre - parce

 25   que là nous pourrions passer beaucoup de temps - je vais me placer sur un

 26   autre plan.

 27   Vous venez de dire, il y a quelques instants, qu'il y a eu beaucoup de

 28   réfugiés musulmans qui sont venus à Mostar, et puis vous avez embrayé sur

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  1   la création d'éventualité d'une brigade musulmane, et cetera. Alors, si des

  2   Musulmans quittent une zone X où ils vivaient, et ils partent sans espoir

  3   de retour, est-ce que ce départ est, d'après vous, le fait unique des

  4   Serbes ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Uniquement des Serbes, Monsieur le Juge.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Si ces Musulmans ne reviennent pas dans leur

  7   région, de votre point de vue, est-ce qu'on pourrait imputer au HVO après

  8   une quelconque responsabilité dans le fait qu'ils ne reviennent pas ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, en aucune façon, Monsieur le Juge

 10   Antonetti. Quand le HVO a libéré ces territoires, le libre retour était

 11   garanti à tout le monde, y compris la Brigade Bregava, qui est revenue une

 12   fois qu'on l'a aidée à les former, à entraîner, armer et vêtir.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que, dans les éléments de preuve que vous

 14   nous apporterez, parce qu'on ne les a pas tous, puisqu'il vous reste encore

 15   du temps, est-ce que vous avez prévu de nous montrer une carte de la

 16   Bosnie-Herzégovine où il y avait des Musulmans, et ces Musulmans sont

 17   partis à cause des Serbes, et ont laissé donc des territoires sous contrôle

 18   serbe, voire peut-être après sous contrôle du HVO, mais où il n'y a plus eu

 19   de Musulman ? Est-ce que vous avez l'intention de nous présenter cela ou

 20   pas ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, bien sûr, je peux le

 22   montrer très simplement. Sur l'ensemble de la zone de la Blagaj, du plateau

 23   de la Dubrava, et de la rive est de la Neretva, les choses se sont passées

 24   précisément comme je l'ai indiqué. C'est moi qui ai émis l'ordre. Alors,

 25   bien entendu, je n'avais pas le droit de faire cela d'émettre un ordre,

 26   pour être tout à fait clair, mais à cet instant précis, je prends ce rôle-

 27   là et j'émets l'ordre que l'on prenne en charge tous les réfugiés. Nous les

 28   avons tous pris en charge tous, et vraiment tous ceux qui ont voulu revenir

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  1   chez eux, ont peu revenir sur la zone de Stolac, de Mostar Est, du village

  2   de Buna; simultanément avec les forces de l'ABiH, mais demain je

  3   préparerais une carte qui le montrera.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On verra ça plus tard.

  5   Mme PINTER : [interprétation]

  6   Q.  Général, il nous faut encore clarifier la question de ces localités qui

  7   sont mentionnées dans ce document. Comme je l'ai dit, il s'agit de Slano,

  8   de Zavala, de Dubrovnik, de Peljesac, de Sipan. Où se trouvent ces

  9   localités ?

 10   R.  En République de Croatie pour toutes ces localités. Sipan est une île.

 11   Donc toutes les localités que vous avez énumérées aussi bien que la

 12   presqu'île de Peljesac, par exemple, qui est cette grande presqu'île

 13   visible ici.

 14   Mme PINTER : [interprétation] M. l'Huissier, si on peut donner peut-être à

 15   M. Praljak une règle.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai.

 17   Alors, voilà, Monsieur le Juge, ceci est Peljesac en République de Croatie.

 18   [Le témoin s'exécute]

 19   Ceci est Dubrovnik.

 20   [Le témoin s'exécute]

 21   L'INTERPRÈTE : Me Pinter, hors micro.

 22   Mme PINTER : [interprétation]

 23   Q.  Alors juste un instant, Général. Les Juges viennent juste de prendre la

 24   carte pour l'examiner.

 25   R.  [aucune interprétation] 

 26   L'INTERPRÈTE : Le témoin dit que la réponse est inaudible.

 27   Mme PINTER : [interprétation]

 28   Q.  [aucune interprétation]

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  1   R.  [aucune interprétation]

  2   Mme PINTER : [interprétation] Alors c'est la pièce 3D 003545, on peut donc

  3   l'afficher sur les écrans, mais dans ce cas-là, je prierais M. l'Huissier

  4   de bien vouloir apporter un stylet au général Praljak afin qu'il puisse

  5   procéder à des indications sur cette carte.

  6   L'INTERPRÈTE : Me Pinter hors micro.

  7   Mme PINTER : [interprétation]

  8   Q.  3D 00 -- pardon, il n'y a un seul zéro, 3D 03545.

  9   R.  Où sont ces cartes ?

 10   Q.  3545. 3D 03545.

 11   Pendant que nous attendons l'affichage de cette carte, Général, pour ce qui

 12   est de ces localités que nous avons énumérées, veuillez indiquer, s'il vous

 13   plaît, où elles se trouvent; nous avons mentionné Dubrovnik, Slano, Zavala,

 14   ainsi que Peljesac, la presqu'île donc de Peljesac, puis Sipan, Slano et

 15   enfin Popovo Polje.

 16   R.  C'est une petite carte.

 17   Q.  On peut l'agrandir.

 18   R.  Voilà Sipan.

 19   [Le témoin s'exécute]

 20   Excusez-moi. Voilà Sipan.

 21   [Le témoin s'exécute]

 22   Peljesac.

 23   [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Placez un numéro 1 à côté de Stipan et 2 pour Peljesac.

 25   R.  Slano, numéro 3; quant à Popovo Polje, c'est ici, numéro 4. Donc à

 26   partir de la République de Bosnie-Herzégovine et de Popovo Polje, ils

 27   lancent des attaques ainsi que cela a été établi déjà des dizaines de fois,

 28   et se prépare à la défense. Mais il ne s'agit même pas d'attaques. Ces

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  1   zones devraient être libérées. Dubrovnik était encerclée et je l'ai déjà

  2   montré, on ne pouvait venir qu'en bateau ici. C'était une petite escouade

  3   de bateaux, une équipe extraordinaire de Dubrovnik qui a réussi à

  4   contourner le blocus des forces maritimes de la JNA et à maintenir sous

  5   perfusion cette ville jusqu'à ce que l'armée croate ne la libère. Donc dans

  6   cette opération de libération, l'armée croate devait aller selon cet axe de

  7   Metkovic vers Stolac afin de s'assurer la possibilité de progression

  8   ensuite vers le sud. Donc ils sont allés de Capljina vers Stolac sous la

  9   direction du général Petkovic et c'est le chiffre 6; et le chiffre 5

 10   correspond aux troupes menées par Beneta de Metkovic et Stolac.

 11   Q.  Mais alors nous pourrions conclure que le point 2 et ce qui suit

 12   correspondent en réalité aux intentions qui sont celles de l'armée croate -

 13   - ou plutôt, du HVO - excusez-moi - et ainsi qu'à l'axe qui est celui des

 14   opérations menées par le HVO, et ils se préparent à contrer leurs

 15   opérations ?

 16   R.  Oui, en effet c'est manifestement la défense qu'ils étaient en train de

 17   préparer pour se défendre contre le HVO; vous pouvez voir que cela s'étend

 18   ensuite vers le nord.

 19   Q.  Général, et pour compléter votre réponse à la question de M. le Juge

 20   Trechsel, quelle connaissance avez-vous de ces événements ? Les avez-vous

 21   complétés ultérieurement, ou bien est-ce la connaissance que vous en avez

 22   de l'époque où ils se sont produits ?

 23   R.  La connaissance que j'en ai remonte au moment où ils se sont produits.

 24   Q.  Etiez-vous présent ?

 25   R.  J'ai été participant sur place et j'ai participé activement ainsi que

 26   je l'ai déjà décrit. Bien que je n'ai pas été officiellement chargé de

 27   commander, j'ai assuré, j'ai fait la navette entre le territoire des

 28   opérations et Zagreb, et j'ai procédé à des préparatifs et à

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  1   l'organisation. J'ai travaillé également au moral des troupes, et je leur

  2   ai dit que nous avions la force de nous défendre et que nous lancerions une

  3   attaque, une offensive à un moment donné sur la rive gauche de la rivière

  4   Neretva.

  5   Q.  Alors pour finir de répondre à cette question, pourriez-vous vous

  6   reporter à la page 2 de ce même document dans le coin inférieur gauche ? Il

  7   est indiqué à qui ce document est adressé.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- numéro IC.

  9   Mme PINTER : [interprétation] Oui, oui, mais je souhaitais en terminer avec

 10   ce document pour ensuite demander un numéro IC pour l'ensemble et j'en

 11   ferai la demande effectivement.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, la version annoté du

 13   document 3D 03545 aura le numéro ou la cote IC 1011.

 14   Mme PINTER : [interprétation] Merci.

 15   Q.  Général, pouvez-vous nous dire ce que représentent ces abréviations IKM

 16   Mostar, IKM Mrkonjici ?

 17   R.  C'est le point de commandement délocalisé Mostar ou le point de

 18   commandement -- poste de commandement délocalisé de Mostar ou de Mrkonjici

 19   ? Mais je pense que je pourrais quasiment passer des heures sur un document

 20   comme celui-là mais nous n'avons pas le temps de faire cela.

 21   Q.  Nous n'avons pas le temps mais nous devons expliquer à qui ce document

 22   était adressé ?

 23   R.  Non, il n'allait pas au HVO en tout cas.

 24   Q.  En effet.

 25   R.  Si c'est le général Perisic qui signe cela alors, il est évident à qui

 26   cela est adressé mais pour moi cela n'a aucune importance peut-être le

 27   regarder plus en détail à qui cela a été envoyé.

 28   Q.  Passez maintenant au document, au document 3D 03064, s'il vous plaît.

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  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs les Juges, je

  2   voudrais juste procéder à une correction. Page 17 -- ligne 16 du compte

  3   rendu d'audience, le général Petkovic a parlé du général -- le général

  4   Praljak a parlé du "général Perisic" et non pas du général Petkovic ainsi

  5   que cela est mentionné au compte rendu.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Moi, j'ai entendu au niveau de la

  7   traduction, j'ai entendu "Petkovic."

  8   Mme ALABURIC : [interprétation] Il est absolument certain que le général

  9   Praljak a parlé du général Perisic mais nous pouvons lui demander de

 10   répéter.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est le général Perisic, bien sûr.

 12   Mme PINTER : [interprétation]

 13   Q.  Général, il faut que je répète le numéro. C'est le 3D 03064.

 14   R.  Alors pour ce qui concerne ce document, c'est un rapport de Zarko Keza,

 15   qui était responsable des services de Renseignements militaires au sein du

 16   HVO, services qui s'occupaient d'essayer d'apprendre ce dont disposait

 17   l'ennemi en termes de ressources, ce qu'il faisait, quelles étaient ses

 18   intentions, où se trouvaient ses postes de commandement et ainsi de suite;

 19   toutes les informations donc concernant l'ennemi étaient censées être

 20   collectées par la personne qui était à la tête du service des

 21   renseignements militaires du HVO.

 22   Dans ce document, entre autres, il me semble qu'il est important de

 23   souligner les éléments dont nous avions connaissance et qui sont les

 24   suivants. Parmi les Serbes qui étaient restés de notre côté et à Mostar, il

 25   y en avait, me semble-t-il, environ 4 000 à Capljina également et ainsi de

 26   suite; parmi toutes ces personnes, il est tout à fait certain qu'il en est

 27   eu de nombreux que l'on a laissé poursuivre leurs activités de contre-

 28   renseignement ou d'agents provocateurs, de personnes qui intervenaient pour

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  1   le compte du KOS, du K-O-S, et ici, ce que j'indique que l'intention des

  2   Serbes, et cela a été continuellement leur intention et c'est ce qu'ils ont

  3   fait en permanence. Cela consistait à encourager par tous les moyens

  4   possibles et imaginables les divergences entre les Croates et les

  5   Musulmans, et tout conflit même le plus minime, tout conflit individuel

  6   faisait l'objet d'une tentative de leur part pour que cela soit transformé

  7   par l'intermédiaire de la propagande en quelque chose de plus important qui

  8   entraînerait un nouveau conflit et puis de nouvelles opérations de

  9   propagande, et cetera, et cela est tout à fait certain. Ils avaient un

 10   certain succès en la matière à l'époque. Leur service le faisait bien, et

 11   puis ensuite ils faisaient intervenir également leur artillerie, ils

 12   tiraient sur les Croates puis sur les Musulmans.

 13   Puis tout d'un coup, des rumeurs apparaîtraient selon lesquelles les

 14   Croates tiraient sur les Musulmans et les Musulmans tiraient sur les

 15   Croates, et l'ensemble de ce territoire voyait passer un nombre

 16   considérable de rumeurs de cette nature. Quant à la lutte contre cette

 17   sorte de rumeur, c'était l'une des tâches les plus difficiles qui pouvaient

 18   incomber à un individu sur place.

 19   Q.  Très bien. Alors maintenant sur le document 3D 0322 -- 3D 36-1646,

 20   c'est la page en croate, et en anglais, c'est 3D 36-1662. Il s'agit d'un

 21   article de Camil Salihovic concernant la 6e Flotte de la Neretva. Je

 22   voudrais simplement attirer votre attention dans cet article sur les

 23   réponses de Mirsad Zuhric, qui était commandant dans la zone de la Dubrava.

 24   Dans la partie qui appartenait - alors on ne peut pas dire la BiH car ils

 25   étaient encore intégrés au HVO à l'époque - et je voudrais simplement

 26   souligner cette partie où il parle de la façon dont ils ont acquis une très

 27   bonne réputation au sein du HVO. Alors vous avez déjà évoqué la coopération

 28   entre le HVO et les Musulmans, vous avez dit qu'ils se sont battus

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  1   ensemble. Vous avez dit que le jeune Luburic avait, à un moment, amené des

  2   insignes à fleur de lys pour des combattants appartenant au groupe ethnique

  3   musulman. Maintenant, nous avons cet article qui parle précisément de cela,

  4   à savoir que les combattants musulmans portaient des insignes à fleur de

  5   lys, et qu'il n'y avait pas le moindre problème du côté du HVO. Vous en

  6   avez la même expérience, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui. Il ne s'agit pas de l'expérience que j'en avais, moi-même. Je

  8   faisais cela aussi, à savoir que ces fleurs de lys, alors juste ce journal,

  9   "Le Soldat de Herzégovine," c'est un numéro du mois de février 1993. Donc

 10   en février 1993, nous avons encore les Musulmans qui écrivent de tels

 11   articles au sujet des Croates, nous sommes encore au plus haut niveau de

 12   coopération dans les combats, combats qui sont communs. Cela confirme ce

 13   que j'ai dit, à savoir qu'à Medjugorje, nous avons 250 personnes qui ont

 14   été armées par le HVO, entraînées également et cela a été le noyau de la

 15   future Brigade de Bregava. Mais pour ne pas procéder à des conclusions

 16   comme me le reprochait M. le Juge Trechsel, quant à ce que faisaient ces

 17   personnes là-bas, alors cette unité est revenue -- ou plutôt, elle est

 18   partie de son propre gré à Stolac. Personne ne l'en aurait empêché. Alors

 19   je ne sais pas qui a fait cela, qui a produit ces insignes à Zagreb,

 20   insignes que Luburic aurait donné, mais il n'y avait absolument aucun doute

 21   quant à la liberté de chacun de porter l'insigne qu'il souhaitait sur son

 22   uniforme. Mais il n'y avait qu'une armée qui participait à une lutte

 23   conjointe, des combats conjoints, c'était l'armée de la représentant de la

 24   Bosnie-Herzégovine.

 25   Mme PINTER : [interprétation] Pour en finir avec Capljina et Stolac, en

 26   1992, c'est le document 3D 00682, et aux fins du compte rendu d'audience,

 27   il s'agit d'un document que l'on présente pour contredire la déposition du

 28   Témoin CU, qui a déposé ici les 15 et 16 janvier 2007, donc 3D 00682.

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  1   Q.  Alors Général, il est indiqué : "Rappelez au général -- rappelez M.

  2   Praljak ainsi de suite." Qui a rédigé ce document, qui l'a écrit ?

  3   R.  Ma secrétaire à l'IPD.

  4   Q.  Comment s'appelait-elle ?

  5   R.  Mme Gasevic.

  6   Q.  Il y est indiqué que, samedi 6 juin, à 9 heures 30, vous devez vous

  7   rendre à un rendez-vous dans les bureaux du président, en 1992. Alors

  8   maintenant j'ai du mal à me rappeler si vous étiez présent ou non à cette

  9   réunion, mais aux fins de l'éclaircir, nous avons préparé le document 3D

 10   01538, d'où il ressort en page 3D 29-1458, que M. Slobodan Praljak, les 5

 11   et 6 juin 1992, a été enregistré comme visiteur au bureau du président de

 12   la république. Nous en déduisons que vous n'étiez pas présent dans la zone

 13   de Capljina, le 6 juin 1992, et maintenant, je vais vous demander de --

 14   M. STRINGER : [interprétation] Pardonnez-moi, écoutez, je ne pense pas que

 15   c'était l'intention, mais je n'ai pas soulevé d'objection après avoir

 16   entendu toute une série de questions directrices. Je pense que le conseil

 17   de la Défense pose trop de questions directrices; c'est la raison pour

 18   laquelle je me lève pour soulever cette objection.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Je sais que vous essayez de bien faire mais, pour

 20   arriver à la conclusion, valait-il mieux que ce soit M. Praljak qui arrive

 21   lui-même à cette conclusion ? Car, là, vous l'avez dirigé.

 22   Mme PINTER : [interprétation] Oui, je reconnais que cela était directeur,

 23   mais nous avons déjà vu ce document, ça n'a rien de nouveau, et l'on

 24   attendait simplement que le général Praljak dépose.

 25   Q.  Enfin, Général, dites-le avec vos propres mots, s'il vous plaît.

 26   R.  Il est exact que l'on m'a demandé si, le 6 juin, j'étais chez le

 27   président Tudjman, et je ne pouvais pas dire avec certitude que j'y étais.

 28   Mais je sais avec certitude que la déclaration de (expurgé)

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  1   --

  2   L'INTERPRÈTE : Excusez-moi, Me Pinter, hors micro.

  3   Mme PINTER : [interprétation] Je vous prie que l'on procède à l'expurgation

  4   de cela, du compte rendu d'audience.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Greffier, il faut expurger la ligne 20, de la page

  6   21.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc je ne vais pas mentionner son nom, mais

  8   le témoin qui a affirmé que, le 6 juin, j'aurais été au commandement à

  9   Capljina et qu'il m'y a vu et entendu, alors que, moi, je ne l'ai pas vu,

 10   c'était disons caché. Il s'était sans doute caché derrière un pilier.

 11   Concernant cela, premièrement qu'il ait pu ainsi entrer au poste de

 12   commandement, c'est un mensonge.

 13   Deuxièmement, que dans un poste de commandement aussi petit, il ait

 14   pu être caché derrière un pilier et qu'on ne puisse pas l'y voir, est un

 15   mensonge stupide.

 16   Troisièmement, qu'il ait pu m'entendre là-bas expliquer une idée

 17   selon laquelle nous allions -- que les Serbes tiraient et que nous allions

 18   provoquer les Serbes pour qu'ensuite ils tirent sur les Musulmans, est un

 19   mensonge encore plus stupide car j'ai transféré 15 000 Musulmans d'une rive

 20   à l'autre de la Neretva. Je les ai pris en charge, je les ai armés, et ce

 21   n'est -- je les ai entraînés aussi et ainsi de suite, ce n'est qu'ensuite

 22   par l'intermédiaire de ce document que nous avons sous les yeux, que

 23   j'étais en position de prouver que j'étais bien chez le président, le 6

 24   juin. Cela montre qu'il s'agissait d'un mensonge complètement stupide. Il

 25   faut au moins être intelligent lorsqu'on ment.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : En tant que Juge, je dois apprécier votre version,

 27   je dois apprécier la version du Procureur, et je dois apprécier la version

 28   donnée par le témoin. C'est à la lumière de cet examen qu'un Juge

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  1   raisonnable peut en tirer une conclusion. Nous sommes le 6 juin 1992, à 9

  2   heures 30, vous rencontrez le président Tudjman. 9 heures 30, pas 9 heures,

  3   comme le dit le transcript. Si l'entretien dure une heure, voire deux

  4   heures, ça nous amène à 11 heures, midi. Sur le plan technique, il est

  5   possible mais quand on est un Juge pénal, on est obligé aussi de procéder

  6   par hypothèse, il est fort possible que vous ayez pu dire au président

  7   Tudjman; je suis venu vous voir à votre demande mais ma tâche m'amène à

  8   être à Capljina, et j'ai un problème et qu'à ce moment-là, le président

  9   Tudjman vous dit, il n'y a pas de problème. Je mets à votre disposition un

 10   hélicoptère et vous allez retourner à Capljina.

 11   Est-ce possible, n'est-ce pas possible ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non c'est complètement impossible,

 13   Monsieur le Président. D'un point de vue hypothétique, on peut imaginer

 14   qu'après cette entrevue, à 10 heures, je sois monté en voiture. Mais même

 15   en conduisant sans prendre la même précaution, il fallait dix heures pour

 16   arriver jusqu'à Capljina. Il fallait conduire comme un fou pour y arriver

 17   en dix heures, et donc ce que ce témoin affirmait comme quoi j'aurais été à

 18   Capljina, c'est faux. Je n'étais pas à Capljina et j'ajouterais que ce

 19   témoin ment de façon éhontée et de façon stupide, car affirmer que, moi,

 20   j'allais organiser des tirs sur Stolac alors 15 jours auparavant nous

 21   n'avions pas ménagé nos efforts pour utiliser un mécanisme pour transférer

 22   15 000 personnes. C'est tellement stupide, que je ne peux même pas en

 23   parler. Il y avait 3 000 véhicules qui ont été transférés. Ce document a

 24   déjà été versé - on en a déjà parlé - c'est contraire à toute logique.

 25   Certains éléments sont même blessants au point qu'il est difficile d'en

 26   parler.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Général, vous n'avez pas répondu à ma question. Vous

 28   avez dit en voiture il vous faudrait dix heures. Mais moi, ce n'est pas en

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  1   voiture je vous ai demandé. Je vous ai demandé est-ce qu'un hélicoptère ne

  2   pouvait pas vous ramener de Zagreb à Capljina ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais été ainsi transféré par

  6   hélicoptère. Je ne sais même pas si nous disposions d'hélicoptère à

  7   l'époque en 1992. J'ignore même si l'armée croate disposait alors

  8   d'hélicoptère, en tout état de cause à cette époque je n'ai jamais été

  9   transporté en hélicoptère. C'est tout ce que je puis dire.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- rien ne m'échappe. Dans les deux

 11   documents que nous avons vus tout à l'heure, signés par M. Perisic, il

 12   indique qu'il y a des hélicoptères, que les Croates ont des hélicoptères.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas dit qu'il

 14   n'y en avait pas, mais croyez-moi, moi, je n'avais connaissance du fait

 15   qu'ils en aient ou qu'ils n'en aient pas. Le fait est que, moi,

 16   personnellement, je ne me suis jamais rendu en Bosnie-Herzégovine en

 17   hélicoptère, ni le président ne me l'a même pas -- je n'ai même pas dit au

 18   président que j'allais en Bosnie-Herzégovine, je n'avais même pas le droit

 19   de le lui dire. Je ne pouvais lui dire, je m'y rendais en secret. Même

 20   cette opération sur la Neretva, je ne l'ai pas complémentaire achevée, je

 21   ne l'ai pas menée à son terme car il m'avait convoqué il m'avait demandé de

 22   venir à un rendez-vous et je ne lui avais pas dit que j'étais parti là-bas.

 23   Je ne lui avais pas dit j'y suis allé en cachette.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : En admettant que ce que vous dit est la réalité,

 25   pourquoi ce témoin aurait dit cela ? Dans quel but ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors il s'agissait de me noircir -- enfin de

 27   noircir politiquement les Croates, et ça s'est poursuivi, ça s'est

 28   approfondi, et entre les deux peuples, ça existe de nos jours encore.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

  2   Mme PINTER : [interprétation] Merci.

  3   Q.  Mon Général, je voudrais enchaîner sur la question de M. le Juge

  4   Antonetti, pour vous demander de vous pencher sur le 3D 00684. Il s'agit

  5   également du texte de rappeler le général Praljak pour la date du 8 juin

  6   1992. Que pouvons-nous conclure de ce document ?

  7   R.  Je vous l'ai dit, très clairement, à l'époque où le témoin indique que

  8   j'ai été là-bas, je n'y étais pas. Je suis arrivé plus tard vers la fin de

  9   l'opération de libération de Stolac. Je n'ai rien à cacher, j'étais là-bas,

 10   mais plus tard. J'ai aidé dans certains segments, mais pour ce qui est

 11   d'avoir convenu de battre les Musulmans, je refuse de discuter sur ce

 12   point-là, et qu'on tire les conclusions qu'on veut.

 13   Q.  Dernière question : est-ce qu'en 1993, lorsque vous étiez commandant de

 14   l'état-major du HVO, vous êtes allé sur un territoire de cette municipalité

 15   de Capljina et Stolac en votre qualité de chef d'état-major du HVO ?

 16   R.  1993 ?

 17   Q.  1993.

 18   R.  A un seul moment, et c'était le 15 août 1993 -- non, c'était dans la

 19   période entre le 14 et le 15, et il y a eu à ce moment-là une grande frappe

 20   de l'ABiH en direction du sud, c'est-à-dire sur le secteur de Buna, ils ont

 21   connu des succès au début, et c'est l'époque où les convois ne pouvaient

 22   pas passer pour aller à Mostar, ça a duré. A ce moment-là, j'ai pris --

 23   enfin je suis arrivé là-bas comme commandant, et j'ai participé à la

 24   reprise de ce qu'on avait perdu. Je m'en souviens bien parce que le 15 août

 25   c'est la Vierge Marie, c'est une fête qui est fortement célébrée par les

 26   catholiques en Herzégovine.

 27   Quand on en parle, ce 15 août, lorsqu'on a réussi à reprendre les positions

 28   en question, il est venu à l'état-major de Citluk M. Stojic aussi, et ce

Page 40420

  1   jour-là, il faisait très chaud, c'est la période où il fait très chaud, et

  2   il y a eu épuisement. Il est tombé dans les pommes, et il a presque mourus

  3   -- enfin, il a failli mourir. Je lui ai administré une assistance d'urgence

  4   pour l'envoyer après à l'hôpital, et à l'hôpital, ils l'ont sauvé. Ça c'est

  5   passé encore une fois il s'était évanoui une deuxième fois de fatigue.

  6   Q.  Merci, Général. Je crois que nous pouvons passer au sujet suivant, et

  7   il s'agit de Mostar 1992.

  8   Les Juges ont reçu les classeurs à cet effet. Ils portent une instruction

  9   "Mostar 1992."

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, je réfléchis à tout ce que vous

 11   dites, et parfois j'ai quelques secondes de décalage.

 12   Vous venez de dire que M. Stojic est venu le 15 août 1993, et qu'en raison

 13   de la chaleur, il a eu un malaise, et cetera. Bon, très bien. Au mois

 14   d'août 1993, M. Stojic est-il ministre de la Défense ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Il était responsable du département à la

 16   Défense du HVO. Oui, responsable du département à la défense, il n'était

 17   pas ministre.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est responsable du département de la

 19   Défense. Quand il vient, il vient pour contrôler les opérations militaires,

 20   ou il vient dans un aspect purement logistique ? Quel était le but de la

 21   venue ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il n'a pas contrôlé les opérations

 23   militaires. Il était venu s'informer. Il est venu s'informer pour savoir

 24   comment les choses se présentaient. Les opérations militaires étaient

 25   conduites par des gens qui étaient sur le terrain le commandant de la zone

 26   opérationnelle, commandant de la brigade, et moi-même aussi, lorsque je me

 27   trouvais là-bas, lui est venu une fois que j'étais revenu. Il est arrivé,

 28   il demandait comment ça allait et se passait, et il ne s'est pas évanoui

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  1   parce qu'il faisait chaud, mais parce qu'il était épuisé.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous dites il est venu s'informer. Vous

  3   savez, en langage militaire, tous les mots ont leur valeur, et quand on

  4   emploie un mot, ça a une signification militaire. Il s'informe. Parce que

  5   j'essaie de déterminer dans la défense de M. Stojic sa place.

  6   Il vient s'informer, si en l'informant, vous lui avez donné des données

  7   dont il ne serait pas d'accord; aurait-il le pouvoir de vous dire, à ce

  8   moment-là au mois d'août : Général Praljak, il ne faut pas faire comme

  9   cela, vous allez faire comme ceci ? Est-ce qu'il pouvait vous le dire ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que je n'étais pas sous le commandement

 13   de Bruno Stojic. Je n'étais que sous le commandement -- enfin il n'y a que

 14   Mate Boban qui pouvait me dire chose pareille, pas Bruno Stojic. Bruno

 15   Stojic, lui est venu pour être tout à fait sincère, et indépendamment du

 16   fait que vous souhaitiez procéder à une structuration de l'armée, je

 17   comprends vos raisons, mais les communications à l'époque entre nous, ce

 18   n'était pas le fait de dire que le responsable du département à la Défense

 19   était venu me dire quelque chose. Mais c'est pour des raisons purement

 20   humaines que je l'ai fait, pour que le responsable du département à la

 21   Défense ait une information concernant ce qui se passait, mais ce n'était

 22   pas mon devoir, il n'avait pas à me dire : tu n'as pas fait bien ceci ou

 23   cela.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc vous avez dit - c'est à la ligne 18 de la

 25   page 27 - que vous étiez sous le commandement de Mate Boban. Alors je vais

 26   terminer par une autre question parce que je me dois de régler tout cela.

 27   Si M. Prlic était venu également pour examiner la situation pour

 28   s'informer, est-ce qu'il aurait pu également vous dire : Général Praljak,

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  1   il ne faut pas que ça se passe comme cela mais ça doit se passer comme ceci

  2   ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. M. Prlic ne pouvait pas le faire. M.

  4   Prlic pouvait venir me voir, oui, comme l'autre, et me demander, comme des

  5   gens s'entretiennent entre eux, mais c'est très volontiers que j'aurais

  6   fourni des informations et que j'aurais dit la situation se présente comme

  7   ci, comme cela. Il ne pouvait pas donner d'ordre. Il ne pouvait même pas me

  8   demander à ce que je lui présente des rapports si l'on parle d'organigramme

  9   au niveau des structures.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors même question : et pourquoi il ne pouvait pas

 11   vous donner d'ordres ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que l'état-major n'était pas en

 13   corrélation avec le gouvernement. Le gouvernement, en passant par Bruno

 14   Stojic, avait des attributions à l'égard d'une partie de l'armée, c'est-à-

 15   dire veiller à ce que cette armée soit vêtu, à ce quelle ait de quoi mangé

 16   afin qu'il soit procédé à une mobilisation. Mais pour ce qui est de

 17   l'utilisation opérationnelle de l'armée, qu'est-ce qu'on défend, comment on

 18   défend, où est-ce qu'on attaque, comment on attaque, ça, ça faisait partie

 19   des commandements -- du commandement de l'état-major, et à l'époque,

 20   c'était moi, enfin des officiers ou subalternes aussi suivant la filière de

 21   commandement, bien sûr.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 23   Maître Pinter.

 24   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Q.  Mon Général, lorsque vous avez parlé de Capljina et de mai 1992, vous

 26   avez aussi évoqué la situation à Mostar. Veuillez décrire aux Juges de la

 27   Chambre comment ça s'est présenté à Mostar en 1992 lorsque vous y êtes

 28   arrivé ?

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  1   R.  Nous n'allons perdre trop de temps sur ce point-là, il y en allait

  2   partout de même. Les gens ne se débrouillaient pas, c'était

  3   particulièrement pénible à Mostar parce que le commandant des effectifs à

  4   Mostar, je parle du HVO, c'était la seule force qui existait là-bas avant

  5   que je n'arrive, c'était un certain dénommé, bien c'était un M. Perak, il

  6   avait été l'homme du KOS au sein du HVO. Les Serbes avaient réussi à

  7   organiser le jeu de façon à placer leur homme à eux à la tête du HVO. A un

  8   moment donné, suite à instruction de la partie adverse, il a donné l'ordre

  9   à la population et à l'armée de se retirer de Mostar en expliquant la chose

 10   en disant que la JNA était trop forte et quelle allait être, quelle allait

 11   pilonner la ville, chose que Perisic a fait et qu'il fallait qu'on s'en

 12   aille de là.

 13   Heureusement, dans cette armée-là, il n'y a pas eu obéissance de ce type

 14   d'ordre vis-à-vis de ce type d'ordre. Il faut que l'on vous respecte et

 15   qu'on respecte votre logique pour qu'on obéisse aux ordres, ce qui fait que

 16   les commandants du HVO, les neuf bataillons qui se trouvaient à Mostar ont

 17   refusé de le faire et ils ont vu que ça n'allait pas. Comment voulez-vous

 18   qu'ils quittent la ville avec la population, donc ils ont refusé de s'y

 19   conformer. Ensuite M. Perak a fui et il doit vivre encore en Serbie si tant

 20   est qu'il est vivant. Il s'est enfui, ça n'a pas marché pour lui mais bon.

 21   Quand vous venez après cela dans une situation de ce type, vous êtes

 22   accueilli par un mur de défiance, qui c'est celui-là, est-ce que lui aussi

 23   il est comme Perak, quelles sont ses intentions.

 24   Ce qui est très important en temps de guerre et malheureusement dans les

 25   documents ce n'est pas inscrit, à savoir le sentiment psychologique des uns

 26   et des autres. Qui est maintenant ce Praljak, qu'est-ce qu'il veut celui-là

 27   ? Les gens se réunissaient, ne prêtaient -- ne faisaient confiance qu'à

 28   ceux qu'ils connaissaient dans la rue, avec qui ils ont grandi, dix ans, 20

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  1   ans de cela, eux, ils leur faisaient confiance. Alors ils vous acceptent

  2   dans la mesure où ils voient que vous vous exposez au danger, au danger de

  3   vous faire tuer, comme l'a demandé M. le Juge Mindua hier.

  4   Donc je dois montrer non seulement que je suis général. Le fait d'être

  5   général, eux, ils s'en moquent. Il faut d'abord que j'entre dans Mostar par

  6   la route pour me faire tirer dessus par les Serbes, et s'ils ne me touchent

  7   pas, et si j'arrive vivant dans Mostar, là, oui, déjà j'ai déjà acquis le

  8   droit de commander, celui-là, donc il n'est pas une passe à personne, il

  9   est comme nous. Du jour au lendemain, ça se passait ainsi avec, bien sûr,

 10   tous les entretiens que j'ai eus avec les gens, avec les inspections sur

 11   les premières lignes du front, vous vous faites, vous acquérez le droit de

 12   commander et leur confiance. Donc j'ai constitué le début d'une espèce de

 13   cristallisation des choses et autour de vous commence à se créer un noyau

 14   constitué de braves gars et c'est ainsi que l'on réduit le champ de

 15   manœuvre aux rumeurs, à la discipline, et ça ne fait que croître selon la

 16   situation, selon vos aptitudes, selon le fait de survivre ou pas.

 17   Mais je répète que c'est parce qu'il y a ce n'est pas parce qu'il y a un

 18   général qui est arrivé que tout de suite on se mettra sous ses ordres et

 19   que vous allez vous faire obéir, ça il n'en était pas question.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Général, vous venez de parler de M. Perak, et vous

 21   avez dit que c'était un agent du Kosovo; à votre connaissance, le HVO dans

 22   ces différentes composantes, civile, militaire, avait-il été infiltré par

 23   le KOS ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas compris de quelles deux ailes de

 25   flancs vous parliez.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Si, dans le HVO, il y a une composante militaire et

 27   une composante civile, dans ces deux composantes, à votre connaissance,

 28   est-ce que le KOS avait pu infiltrer ces deux composantes, ou le HVO dans

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  1   son intégralité ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors exception faite du dénommé Perak, dont

  3   le cas est clair, c'était un militaire auparavant donc il fallait y avoir

  4   quelqu'un qui s'y connaisse, mais la plupart des commandants de bataillons

  5   à Mostar n'avaient fait aucune école militaire du tout. Eux, ils avaient

  6   réussi donc à le mettre dans la poche, mais je ne pense pas, Messieurs les

  7   Juges, que par la suite ça ait pu se faire parce qu'on a filtré, et je veux

  8   vous dire qu'il y a eu, bien sûr, des gens qui avaient des objections

  9   concernant Prlic parce qu'il avait été secrétaire de Ligue des Communistes

 10   de Yougoslavie. Puis en Bosnie centrale, il y a eu quand je suis arrivé des

 11   commentaires de taille concernant Blaskic parce qu'il était commandant d'un

 12   Bataillon au sein de la JNA en Slovénie, et puis au début de la guerre, il

 13   a fui la JNA pour aller en Autriche rejoindre la famille à lui, et il n'a

 14   pas participé à la guerre en Croatie. Or, il est venu en Bosnie centrale en

 15   passant par le territoire serbe. Lorsque je suis arrivé là-bas après la

 16   chute de Jajce et du reste, il y avait à son égard pas mal de défiance,

 17   parce que comment se fait-il qu'il n'ait pas participé à la guerre en

 18   Croatie ? Comment a-t-il passé par le territoire serbe, donc pas mal de

 19   défiance qu'il fallait surmonter en expliquant qu'il n'en n'était rien et

 20   qu'il était venu de façon tout à fait honorable. Par la suite, tout

 21   commandant pouvait démontrer pour le mieux qu'il n'était pas de ceux, enfin

 22   de l'autre côté, c'était de partir à la ligne de front avec le risque de se

 23   faire tuer et s'il survivait, là, oui, c'était un gars à qui on pouvait

 24   faire confiance. Parce que s'il s'agissait d'un agent de quelque nature que

 25   ce soit, il ne serait pas allé se faire tuer, il serait bien en sécurité

 26   dans les arrières.

 27   Mais donc je ne peux pas vous répondre par un oui ou par un non catégorique

 28   à cette question.

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  1   Mme PINTER : [interprétation]

  2   Q.  Lorsqu'il a été question de ce Perak, je voudrais vous demander si

  3   c'est bien la même personne qui est mentionnée dans le livre de Mirsad

  4   Cupina dont nous avons parlé hier, et où il est dit que c'était le traître

  5   Vladimir Perak; c'est bien le même ?

  6   R.  Oui. 

  7   Q.  Merci, mon Général. Vous avez dirigé les opérations de libération de

  8   Mostar; est-ce que vous voudriez parler de la façon dont ça s'est produit

  9   et de la façon dont vous avez organisé les choses et de la conduite des

 10   opérations, ou est-ce que vous préférez qu'on suive les documents ?

 11   R.  C'est très simple en fait.

 12   L'armée s'est soulevée après ce 15 mai 1992, la situation n'était pas

 13   bonne. J'avais préparé l'armée pour indiquer que très certainement on irait

 14   libérer les territoires. Je casais cela dans leur crâne. Je leur disais

 15   qu'on était capable de le faire.

 16   Puis j'ai élaboré des plans et précisément parce que je savais que si je

 17   présentais la chose à une réunion, comme cela se fait normalement dans

 18   toute armée usuelle, ça finirait par [imperceptible], et Perisic finirait

 19   par le savoir, lui ou un autre.  

 20   Donc je n'ai jamais découvert -- dévoilé le planning entier à personne.

 21   Donc avec ceux qui devaient aller au nord de Mostar, j'avais des

 22   discussions à part, avec les gars qui devaient passer de l'autre côté de la

 23   Neretva à Mostar, et Arif Pasalic, je parlais de façon à part. les gars qui

 24   devaient traverser la Neretva au sud de Buna, je m'entretenais à part.

 25   c'est ainsi que je gardais les choses sous contrôle, donc il n'y a rien à

 26   ajouter.

 27   Les opérations, l'une ou l'autre, et cetera ont été faites avec

 28   succès. C'est ce qui fait que la rive droite et par la suite la rive gauche

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  1   ont été libérées. Quelque temps plus tard, il y a ce plateau qui s'appelle

  2   Bijelo Polje, au nord de Mostar, qui a également été libéré. Ça a été

  3   dirigé -- ces opérations étaient conduites par quelqu'un de né dans Bijelo

  4   Polje. Lui, j'ai obtenu à le faire se présenter en tant que volontaire au

  5   sein du HVO.

  6   Il importe de mentionner qu'à ce moment-là, Petkovic et moi - je

  7   m'étais entretenu à ce sujet avec Susak aussi - on a réussi à convaincre

  8   Jasmin Jaganjac, qui est un Musulman et qui commandait une brigade de

  9   réservistes dans Imotski, à la frontière non loin de la Bosnie-Herzégovine.

 10   Q.  Donc en Croatie ?

 11   R.  Oui, en armée de Croatie, de venir, en tant que volontaire, pour se

 12   faire commandant de la défense de Mostar. Ça a été mon idée à moi. Nous

 13   voulions montrer aux Musulmans que voilà, Arif Pasalic pouvait commander

 14   là-bas et que le même le HVO se voit commander par un Musulman.

 15   Je sais que Jaganjac avait beaucoup de familles à Mostar - je ne sais pas

 16   s'il y était né - mais c'est donc lui qui était devenu le commandant de la

 17   défense de Mostar, et c'est sur son commandement qu'avait été, à l'époque,

 18   placé Arif Pasalic. Là, il n'y a eu aucun problème.

 19   Alors le premier matin puis la nuit -- non, la troisième nuit de

 20   l'opération, lorsque ça s'est passé donc très bien jusqu'au bout, j'ai dû

 21   quitter le poste de commandement parce que le président Tudjman avait

 22   demandé où était Praljak, il avait réclamé une réunion. Alors je suis parti

 23   pour réaliser cette opération sans pour autant prévenir que j'allais au

 24   sud, que j'allais descendre à Mostar, j'ai dû quitter donc la partie finale

 25   de l'opération et remettre le commandement à Jasmin Jaganjac qui a

 26   parachevé l'opération, et j'ai rebroussé mon chemin pour entrer à Zagreb.

 27   Donc c'est tout ce qu'on pourrait dire. Mis à part le fait que le 15 mai,

 28   les Serbes du côté est avaient fini, par une fois de plus, de chasser tout

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  1   le monde, les ponts ont été détruits, la ville a été détruite.

  2   Il convient de mentionner encore que, lorsque nous sommes passés à la

  3   rive est, ceux qui étaient restés comme Musulmans et Croates, il y a eu 115

  4   personnes de tuées, à deux sites.

  5   Q.  Sutina ?

  6   R.  Sutina, oui.

  7   Q.  Et Borak -- Uborak ?

  8   R.  Oui, Uborak. Alors quand on est passé là-bas, il fallait faire une

  9   chose et je crois l'avoir dit un million de fois à chacun, qu'il ne devait

 10   pas y avoir de représailles. Il n'y a pas eu de représailles à l'égard de

 11   Serbes qui étaient restés à Mostar. Il y a peut-être eu des cas individuels

 12   de règlement de comptes, c'est sûr, mais pas de représailles à l'égard de 4

 13   000 Serbes qui étaient restés dans Mostar ouest, non, il n'y en a pas eu.

 14   Q.  Peut-être pourrait-on passer aux documents ? Penchez-vous sur le

 15   premier, 3D 02543 ? J'attire votre attention sur la date, 13 décembre 1991.

 16   L'avez-vous retrouvé le premier document, le tout premier ?

 17   R.  Le 3D --

 18   Q.  3D 2543. Il s'agit d'un document de Milan Torbica, qui a un grade de

 19   général de division.

 20   R.  Attendez, 2543.

 21   Q.  C'est rangé dans l'ordre de grandeur.

 22   R.  Oui, je vois.

 23   Q.  La date est celle du 13 décembre 1991, il s'agit d'un ordre relatif à

 24   une sécurisation en matière de génie.

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Je vous demanderais -- oui, vous vouliez dire quelque chose.

 27   R.  Oui, on a tout raconté. En 1991, la JNA s'est emparée de toutes les

 28   positions autour de Mostar, le mont Hum, Orlovac et tout ce qui était

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  1   autour. Elle a placé donc Mostar dans un encerclement total. Il n'y a rien

  2   à ajouter, nous sommes en 1991, et depuis lors ils malmènent la ville avec

  3   les réservistes qu'ils ont fait venir. Alors on peut passer à la carte,

  4   s'il vous plaît.

  5   Q.  Alors dites-nous le numéro.

  6   R.  3D 02553.

  7   Q.  C'est la carte à Pantelic --

  8   R.  Oui, Pantelic, Milojko. C'est la carte des positions de la JNA à

  9   Mostar. Ce sont les positions prises par la 10e Brigade motorisée de la

 10   JNA.

 11   Q.  Il s'agit du 3D 32-0637. Voilà, c'est affiché, c'est affiché

 12   maintenant.

 13   R.  Messieurs les Juges, vous pouvez voir que c'est profondément dans les -

 14   - en profondeur de la rive gauche de la Neretva qu'ils sont déployés. Je ne

 15   sais pas si les Juges sont intéressés.

 16   Mme PINTER : [interprétation] Est-ce qu'on peut zoomer ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Enfin, écoutez, laissons cela de côté. Les

 18   choses sont claires.

 19   Mme PINTER : [interprétation]

 20   Q.  Mais vous avez demandé la carte ?

 21   R.  Oui, elle y est. Alors qu'on lui donne un numéro IC, s'il y a des

 22   questions, je veux bien répondre. Mais je crois que la carte est claire. 

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Nous n'avons pas besoin de donner un

 24   numéro IC à la carte, puisque nous ne l'avons pas annotée.

 25   Mme PINTER : [interprétation]

 26   Q.  Mon Général, je sais que vous voudriez accélérer les choses, mais

 27   j'estime qu'il faut parcourir certains documents et en parler. Car cela est

 28   susceptible de montrer quel a été le résultat obtenu au final par les

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  1   ordres donnés par M. Momcilo Perisic et autres commandants de la JNA.

  2   Aussi vous demanderais-je de vous pencher sur le 5D-0191.

  3   L'INTERPRÈTE : Les interprètes redemandent à Mme Pinter de donner lecture

  4   plus lentement de ces références.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez dit quoi ?

  6   Mme PINTER : [interprétation]

  7   Q.  5D 01091. 5D ai-je dit. Ça devrait être vers la fin. C'est un document

  8   qui émane des autres équipes de la Défense pas de notre équipe à nous.

  9   R.  5D, vous avez dit ?

 10   Q.  5D 01091. Ne perdons pas de temps. On laisse tomber parce que si on

 11   perd trop de temps -- vous l'avez sur l'écran maintenant. Il s'agit d'un

 12   document émanant de Momcilo Perisic, daté du 19 avril 1992. Il est question

 13   d'un ordre de sa part. Vous nous avez dit parlé de ces tirs d'artillerie

 14   sur Mostar et ainsi de suite. Qu'avez-vous à ajouter ?

 15   R.  Ce document on l'a déjà présenté aux Juges. Je l'ai montré et je l'ai

 16   expliqué à l'occasion de l'interrogatoire d'un témoin.

 17   Q.  Oui, mais --

 18   R.  Mais on n'a pas à le faire, montrons les résultats de la destruction de

 19   la ville. Si j'avais eu 100 heures à ma disposition, je pourrais expliquer

 20   le tout, Messieurs les Juges, ne m'en veuillez pas, je ne peux plus

 21   m'occuper de Perisic et de son pilonnage de la ville. Les Juges n'ont qu'à

 22   voir les destructions de la ville. Là, on n'aura pas le temps, parce que

 23   c'est l'heure de la pause.

 24   Mme PINTER : [interprétation] Alors, là, je vais demander aux Juges de

 25   faire une pause, Monsieur le Juge, avant de faire en sorte que la vidéo --

 26   le clip vidéo soit préparé.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous allons faire donc la pause, nous

 28   reprendrons dans 20 minutes.

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  1   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

  2   --- L'audience est reprise à 10 heures 54.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

  4   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Conformément à votre demande, nous avons préparé l'enregistrement vidéo qui

  6   porte le numéro 3D 03130 et qui représente Mostar en 1992 après les

  7   opérations militaires de l'ABiH.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Du HVO.

  9   INTERVENANT NON IDENTIFIÉ : De la JNA

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, avec votre permission,

 12   je voudrais apporter une correction au compte rendu d'audience. Il ne

 13   s'agit pas de l'ABiH, mais de la JNA, et au compte rendu d'audience, on a

 14   indiqué : "Le HVO," en ligne 12.

 15   Mme PINTER : [interprétation] Pouvez-vous continuer avec l'enregistrement ?

 16   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : les interprètes français n'ont

 17   pas le texte original en croate mais uniquement des traductions anglaises.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Ce pont a été créé en 1566, quand l'architecte célèbre, Mimar Hajrudin a

 21   dirigé les travaux et représente un chef d'œuvre de l'architecture turque.

 22   Aujourd'hui cela représente une partie du patrimoine mondiale sous le

 23   drapeau de l'UNESCO, et à ce titre, cet élément de patrimoine est menacé

 24   par la soldatesque serbe et monténégrine. Le pont a déjà été la cible de

 25   plusieurs projectiles d'artillerie. Il a été endommagé et ébranlé dans ses

 26   fondements, et on a intercepté également un message radio du criminel

 27   général Perisic.

 28   "Il reste l'espoir que ce crime terrible que serait la destruction du

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  1   pont ne se produira pas. Le pont était recouvert aux fins de protéger par

  2   des planches, mais tout espoir a disparu pour les autres ponts de Mostar

  3   qui ont disparu l'un après l'autre. Le premier a été le pont Mujo Komadina,

  4   le pont du maire de Mostar des dernières années de l'époque austro-

  5   hongroise. C'était un beau pont situé à une centaine de mètres seulement en

  6   aval du vieux pont. Ensuite c'est le pont de maréchal Tito qui a été

  7   détruit, qui reliait l'hôtel Neretva, magnifique hôtel de style moresque,

  8   qui a été détruit et incendié le jour de son centième anniversaire. Ce pont

  9   reliait cet hôtel avec l'autre hôtel, le plus récent nommé Bristol, qui lui

 10   aussi a brûlé de l'autre côté. Ensuite le 11 janvier, lorsque les Unités du

 11   HVO, dans leur élan libérateur en provenance de Mostar, Siroki Brijeg et

 12   Citluk, composées qu'elles étaient de combattants aussi bien croates que

 13   musulmans, ont complètement nettoyé la rive droite de la municipalité de

 14   Mostar. L'ennemi dans sa fuite a également détruit le reste des ponts :

 15   tout d'abord, le pont des douanes, ensuite le pont Hasan Brkic à la sortie

 16   sud de la ville. En plus de ces quatre ponts, un cinquième, le pont des

 17   aviateurs a été détruit à la périphérie sud; le pont ferroviaire et les

 18   ponts routiers menant de Jablanica à Capljina ont également été détruits.

 19   Cela n'est qu'une partie des dommages qui ont été portés par l'agresseur en

 20   moins de deux mois.

 21   "Il est tout à fait terrifiant de constater qu'il y avait eu des

 22   préparatifs de long date d'un scénario de génocide qui sont le fait

 23   d'esprits paranoïaques. Les ponts ont été détruits en activant des

 24   explosifs à distance, si bien qu'il n'a pas été possible ni de les protéger

 25   ni de les défendre; cependant, de par leur destruction, Mostar et la vallée

 26   de la Neretva ne sont pas divisées, mais encore plus unies car il n'y a

 27   aucune espèce de côté gauche ni côté droit sur la rivière Neretva."

 28   M. STRINGER : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous dire à quel moment

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  1   ceci a été filmé, s'il vous plaît, parce que ceci n'est pas indiqué dans la

  2   vidéo ?

  3   Mme PINTER : [interprétation] Oui, le général va le dire.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Les images que l'on voit en introduction, je

  5   ne sais pas quand elles ont été tournées; ce sont ces vues aériennes qui

  6   montrent Mostar avant la guerre. Quant à ces images-là, elles ont été

  7   tournées au mois d'août ou de septembre, à partir de 1992, car j'ai réussi

  8   à obtenir auprès du maire de Zagreb de l'époque, M. Boris Bozancic, qui par

  9   ailleurs est toujours acteur, et au cours de la guerre, il est également

 10   devenu maire. J'ai réussi à obtenir de lui 1 100 mètres de pellicule Kodak,

 11   je ne sais pas comment il a pu se les procurer, et ensuite j'ai envoyé l'un

 12   de mes commandants de l'IPD, Goran Pavelic, et l'un de mes caméramans qui

 13   travaillait à l'un de mes films, Goran --

 14   Mme PINTER : [interprétation]

 15   Q.  Mecava ? 

 16   R.  Oui. Je les ai envoyées à Mostar avec une caméra pour qu'ils tournent

 17   ces images d'archive; ce documentaire montrant ce qui s'y passait et la

 18   situation. Nous avons là des prises de vue en provenance de ce

 19   documentaire.

 20   Mme PINTER : [interprétation] Encore une explication supplémentaire. Nous

 21   avons également les prises de vue brutes que nous avons également fournies

 22   au bureau du Procureur, nous y voyons absolument toutes les images, mais il

 23   n'y a pas de texte qui l'accompagne ni aucune explication, aucune

 24   explication n'accompagne ces prises de vue brutes.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Encore une chose, Messieurs les Juges.

 26   Beaucoup plus de bâtiments et d'installations ont été détruits et installés

 27   que ce que nous pouvons voir ici. Ce que nous voyons là à l'image, ce que

 28   nous voyions précédemment ne représentait plus que des murs. Ici nous avons

Page 40435

  1   la cathédrale sur la rive ouest.

  2   Mme PINTER : [interprétation]

  3   Q.  [aucune interprétation]

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   Q.  Je pense que nous pouvons maintenant nous arrêter avec cet

  6   enregistrement vidéo.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interrompt une

  8   nouvelle fois, il semblerait que le compte rendu ne soit pas très clair.

  9   Au niveau de la liste des pièces, on indique qu'il y a deux vidéos qui

 10   comportent des numéros différents. Nous avons le numéro 3D 00303130 [comme

 11   interprété], au niveau du compte rendu, c'est le numéro qui a été donné

 12   pour la première vidéo; si j'ai bien compris, le général a indiqué qu'il ne

 13   savait pas quand ce film a été tourné. Nous avons une deuxième vidéo, je

 14   crois que c'est ce que nous venons de voir, et je pense -- et c'est ce que

 15   je voulais confirmer, qu'il s'agit de la pièce 3D 03556 qui, d'après la

 16   liste des pièces, correspond à différents films de Mostar en ruines en 1992

 17   filmés par Goran Pavelic et Goran Mecava. Je voulais simplement préciser

 18   ceci et savoir si le 3D 03556, qui est la vidéo de Pavelic, si ceci

 19   correspond bien à la deuxième séquence vidéo que nous venons de voir, comme

 20   l'indique le général, ceci a été filmé au mois de septembre ou octobre

 21   1992.

 22   Mme PINTER : [interprétation] Je dois juste donner une explication

 23   technique. Les prises de vue originales, mais brutes, correspondent au

 24   numéro 3D 03556, mais nous avons souhaité ne pas présenter un

 25   enregistrement sans bande son, c'est pourquoi nous avons passé

 26   l'enregistrement 3D 03130 qui se trouvait également sur notre liste 65 ter.

 27   C'est pour l'explication purement technique que je voulais donner.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit seulement que cet enregistrement de

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  1   Mostar, ces vues aériennes prises à partir d'un hélicoptère, ont

  2   probablement été reprises d'une émission de télévision qui avait été

  3   diffusée. Tout le reste, à savoir les destructions dans Mostar, la

  4   destruction des ponts, ce que vous avez pu voir, a été tourné par cette

  5   équipe que j'ai envoyée sur place. Alors est-ce qu'il s'y trouve un autre

  6   cadre ou une autre prise de vue ? Je ne sais pas, je n'étais pas le seul à

  7   filmer tout cela. Il y a eu aussi une équipe qui travaillait, un groupe de

  8   personnes qui préparaient l'ouvrage "Urbicide," et j'ai fourni évidemment

  9   toutes ces prises de vue à la télévision de Zagreb, je pensais qu'ils

 10   pourraient procéder à un montage à partir de toutes ces prises de vue. Mais

 11   en tout cas, ça correspond à 1992, fin août, début septembre.

 12   Mme NOZICA : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs les Juges.  Général

 13   Praljak, j'ai remarqué un détail que vous n'aurez peut-être pas remarqué

 14   vous-même.

 15   C'est au début de l'enregistrement 3D 03130, on parle au début d'"Izudin

 16   Sehovic," le journaliste, et pendant cette première partie où l'on montre

 17   les ponts qui ont été détruits, c'est sa voix que l'on entend. Je ne

 18   souhaite pas ici témoigner, mais je voudrais simplement préciser qu'il

 19   s'agit là d'un journaliste de la télévision de Bosnie-Herzégovine qui à

 20   l'époque faisait des reportages et les fournissait à la télévision de

 21   Bosnie-Herzégovine. Cela correspond à la toute première partie où on montre

 22   les ponts qui ont été détruits à Mostar. Peut-être que nous pourrions

 23   revenir juste au tout début qui montre que c'est lui le reporter, donc M.

 24   Izudin Sehovic, ce que je présume, et on peut le vérifier très facilement,

 25   c'est qu'il s'agit là d'images qui ont été tournées par la télévision de

 26   Bosnie-Herzégovine. Nous allons le voir, voilà : "Préparé par Izudin

 27   Sehovic," c'était un journaliste de la télévision de Bosnie-Herzégovine en

 28   1992 qui faisait des reportages pour cette même chaîne de télévision. Je

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  1   vous remercie.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Maître Nozica.

  3   Alors je sais simplement que j'ai envoyé cette équipe et que je leur

  4   ai donné à peu près 1 000 mètres de pellicule, ce qui correspond à peu près

  5   à une heure et demie de prise de vue. Alors évidemment, après ils ont

  6   procédé à un montage, et nous voyons ici donc des images d'Izudin Sehovic.

  7   J'ignore à partir de quelles sources variées cela a été composé car je n'ai

  8   pas fait cela moi-même, je n'ai fait qu'envoyer cette équipe. Il est très

  9   probable que d'autres personnes aient finalement tourné des images. Moi ce

 10   que je souhaitais c'est être sûr que cela, qu'il resterait une trace de

 11   tout cela et c'est pourquoi j'ai envoyé cette équipe. Alors si vous laissez

 12   tourner le reste de la vidéo, on pourra voir tout ce qui a été détruit et

 13   incendié là nous avons un bâtiment qui a brûlé de l'intérieur, qui a été

 14   incendié.

 15   Mme PINTER : [interprétation] Juste encore une explication pendant que la

 16   vidéo continue. Les prises de vue brute qui ont été transférées du format

 17   VHS au format DVD, cela nous l'avons fourni à l'Accusation, cela représente

 18   une durée d'une heure 15. Les Juges de la Chambre ont demandé que l'on ne

 19   présente que 15 à 20 minutes d'enregistrement vidéo, c'est alors que nous

 20   avons choisi ce que nous avons sous les yeux. Mais nous disposons aussi des

 21   prises de vu brute qui ont été prises par Pavelic et Mecava qui montrent

 22   aussi un ensemble de -- qui montrent aussi des numéros de prise de vue.

 23   Q.  Alors pendant que nous regardons cela, Général, que savez-vous au sujet

 24   de cet ouvrage "Urbicide," sous la référence 3D 00785 ?

 25   R.  J'ai connaissance de cet ouvrage. Je sais à peu près de quelle façon il

 26   a été écrit. Je sais qu'il y a eu des expositions organisées à Split, à

 27   Zagreb, à Paris autour de cet ouvrage. Ce que je peux dire ici, c'est que

 28   vers le mois de septembre, alors je ne peux pas maintenant me rappeler

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  1   exactement quelle date; je suis parti examiner les rives gauche et droite

  2   de la Neretva et j'ai passé en revue l'ensemble de Mostar et j'ai pu

  3   constater de visu toutes les destructions qui ont été subies par Mostar à

  4   cause des opérations de la JNA donc cela a été incendié.

  5   Vous voyez ici à l'image que tout cela a brûlé de l'intérieur. En

  6   dehors de ce qui a été détruit à présent les projectiles, il y a eu encore

  7   plus de dommages du fait des incendies. Alors il est difficile de détruire

  8   un bâtiment uniquement avec des obus de char.  

  9   Mme PINTER : [interprétation] Alors juste aux fins du compte rendu

 10   d'audience, c'est le numéro de l'ouvrage "Urbicide" n'a pas été consigné

 11   c'est le 3D 00785.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc ce dont je témoigne ici c'est que ce qui

 13   figure au sein de l'ouvrage "Urbicide," j'en ai été le témoin direct en

 14   marchant dans la ville.

 15   Mme PINTER : [interprétation]

 16   Q.  Si nous comparons les photographies qui sont dans l'ouvrage "Urbicide"

 17   avec les images que nous voyons ici dans l'enregistrement vidéo, est-ce

 18   qu'il y a une correspondance ? 

 19   R.  Oui, tout ce que nous voyons ici dans l'enregistrement vidéo

 20   correspond. Ici c'est la partie ouest de Mostar, ce que nous voyons dans le

 21   premier cadre, c'est l'hôpital. Mais on ne voit pas ici tout. Je répète que

 22   c'est notamment la partie ancienne de Mostar qui a été détruite. Les

 23   petites maisons anciennes, les petites rues les plus anciennes. Tout ce qui

 24   est écrit dans l'ouvrage "Urbicide." Les bâtiments plus récents en béton

 25   étaient plus difficiles à détruire et de tels bâtiments, ils ne les

 26   détruisaient pas, on ne les détruit pas mais c'est par incendie qu'ils sont

 27   détruits. J'ai vu aussi deux mosquées qui ont été détruites et j'ai vu les

 28   autres qui ont été endommagées et je l'ai vu personnellement en marchant à

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  1   travers la ville et je pense que je n'ai pas besoin de passer plus de temps

  2   là-dessus.

  3   Q.  Très bien.

  4   Mme PINTER : [interprétation] Alors, arrêtez, s'il vous plaît,

  5   l'enregistrement vidéo.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, il y a quelques

  7   instants, lorsque nous avons tout d'abord vu ce qui correspondait à la

  8   cathédrale, c'était une structure moderne. Vous dites que c'était incendié

  9   à l'intérieur; ensuite nous avons vu ces images d'intérieur, je n'ai vu

 10   aucune trace d'incendie. Est-ce que vous maintenez toujours que ceci a été

 11   brûlé à l'intérieur comme vous nous l'avez dit un peu plus tôt sous serment

 12   ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge Trechsel, je n'ai pas

 14   dit cela. Je montrais une autre image précédente. Probablement que l'image

 15   avait déjà changé, alors j'ai parlé d'un autre bâtiment qui avait brûlé de

 16   l'intérieur. J'affirme simplement, pour le vieux pont, que ce bouclier de

 17   planches qui avait été posé pour protéger le vieux pont de -- a été

 18   construit sur ordre de ma part deux nuits après que nous ayons passé la

 19   Neretva par une équipe de 35 à 40 personnes du HVO, et cela a été fait en

 20   pleine opération de libération de la rive est de la Neretva sur ordre de ma

 21   part. Vous disposez de toutes les déclarations pertinentes à cet égard donc

 22   la plus importante était celle du logisticien --

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, je souhaite vous

 24   citer vos propres termes, ce qui a été enregistré ici au compte rendu. Nous

 25   savons qu'i peut se glisser des erreurs dans ceci. Néanmoins, voici, ceci

 26   se trouve à la page 49 480 -- 40, ligne 9 :

 27   "Messieurs les Juges, beaucoup plus a été brûlé que détruit. Ce bâtiment,

 28   par exemple, est toujours debout. Les murs sont encore là mais ceci a été

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  1   complètement brûlé de l'intérieur. Il s'agit de la cathédrale qui se trouve

  2   sur la rive occidentale."

  3   "Question : s'agit-il bien là de la cathédrale ?

  4   Réponse : oui, tout à fait."

  5   Donc ce n'est pas ce que vous vouliez dire ? D'accord.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que je j'ai dit, Monsieur le Juge

  7   Trechsel, mais je l'ai dit en montrant un bâtiment dont ne restaient que

  8   les murs. Ensuite on est passé à une autre image, et à ce moment-là, j'ai

  9   dit cela c'est la cathédrale. Donc la cathédrale ne dispose pas de murs de

 10   ce type-là et c'est alors -- voilà, j'ai dit : cela est un bâtiment qui a

 11   été -- qui a brûlé de l'intérieur et beaucoup plus de bâtiments ont été

 12   brûlés qu'il n'y a eu de bâtiments détruits.

 13   Ensuite nous voyons la vue suivante est celle de la cathédrale. Voilà.

 14   Donc c'est alors que j'ai dit ceci est la cathédrale, et on a eu ensuite

 15   l'impression que j'étais en train de dire que la cathédrale avait été

 16   brûlée. Non, je n'ai pas dit ça. Cela se référait au bâtiment précédent.

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] D'après mes souvenirs, c'était un

 18   petit différent, mais je n'insisterai pas.

 19   Mme PINTER : [interprétation] Si c'est nécessaire, nous pouvons remontrer à

 20   nouveau l'enregistrement vidéo et puis nous verrons à quel moment le

 21   général Praljak l'a dit.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas la peine.

 23   Mme PINTER : [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Nous n'avons pas besoin de revoir

 25   tout ceci. Ce n'est pas si important que cela. Ceci m'a frappé parce que,

 26   de l'extérieur, je ne voyais aucune trace non plus; c'est la raison pour

 27   laquelle je me suis posé la question et je me demandais si vraiment ceci

 28   avait brûlé à l'intérieur. Mais nous pouvons poursuivre.

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  1   Mme PINTER : [interprétation] Si vous n'avez plus de questions concernant

  2   cet enregistrement vidéo et l'ouvrage "Urbicide," je voudrais pour ce qui

  3   concerne Mostar que vous vous référiez encore à un seul document, Général,

  4   c'est le 3D 00004.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  6   Mme PINTER : [interprétation]

  7   Q.  Pourriez-vous commenter ce document, s'il vous plaît ?

  8   R.  Il y a deux éléments importants dans ce document. Tout d'abord le

  9   cachet, le tampon. C'est le tampon du Bataillon indépendant de la Défense

 10   de Mostar, c'est-à-dire ce bataillon qui ensuite est devenu la 1ère Brigade

 11   de Mostar, et ensuite le 4e Corps d'armée de l'ABiH. A cette époque, le 19

 12   juillet 1992, ils avaient leur propre tampon où se trouvait ce que nous ne

 13   cessions de mettre en avant à savoir un blason commun des peuples croates

 14   et musulmans, un commandement commun dans leur lutte qui était commune.

 15   Deuxièmement, le deuxième élément important qui a traversé toute la guerre,

 16   est la chose suivante : sur le papier, ils ont mis 265 hommes, et parmi

 17   tous ces hommes, il n'y en a que 87 qui sont déployés; 456 hommes sont

 18   prêts à combattre, 456 ou 466 peu importe. Ensuite lorsque l'on voit

 19   combien il y a de blessés, d'absents et ainsi de suite, combien il y a

 20   d'hommes en permission. On voit qu'en réalité, il manque 600 hommes qui ne

 21   sont pas, ni en permission ni prêt à combattre ni dans des unités qui sont

 22   déployées, et ainsi de suite. Or ils indiquaient que des hommes se

 23   trouvaient dans leurs unités alors que c'était tout à fait fictif. Dès le

 24   départ, c'est quelque chose qui n'était pas correct et qui n'était pas bon

 25   pour nos relations mutuelles, et il y avait un nombre beaucoup trop

 26   insuffisant de leurs hommes qui étaient réellement sur les différentes

 27   positions. 87 hommes à peine, c'est juste assez pour deux bunkers, et

 28   encore parce qu'il faut travailler à tour de rôle.

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  1   Q.  Après juin 1992, êtes-vous revenu à Mostar ?

  2   R.  Oui. Il faut dire que les succès du HVO, y compris le succès des

  3   Musulmans qui y ont participé, cela représentait beaucoup de choses en

  4   Bosnie-Herzégovine. Ça avait une grande signification, c'était une

  5   opération militaire réussie, et cela a relevé le moral de tous ceux qui se

  6   battaient pour la Bosnie-Herzégovine, car jusqu'à lors aussi bien l'ABiH

  7   que le HVO avaient subi d'importantes pertes, j'avais donc eu une longue

  8   entrevue avec M. Izetbegovic. Cet événement était donc important, et donc,

  9   moi aussi, j'ai acquis un certain poids en tant que personne qui n'avait

 10   jamais fait de distinction entre les Croates et les Musulmans et qui

 11   avaient procédé à une jonction des deux armées qui avait fonctionné.

 12   Lorsque M. Izetbegovic s'est entretenu avec Prlic et d'autres, il a demandé

 13   à me rencontrer par l'intermédiaire de Hadziosmanovic, nous nous sommes

 14   alors rencontrés dans un appartement à Mostar, et avons discuté assez

 15   longtemps pendant une heure 15 ou une heure 30.

 16   Q.  Pouvez-vous nous connaître les sujets de cet entretien que vous avez eu

 17   ?

 18   R.  Bien sûr, il s'est agi de nombres thèmes différents, mais je peux les

 19   réduire à deux ou trois éléments qui sont particulièrement significatifs

 20   pour moi. Le premier élément c'était la levée de l'encerclement de

 21   Sarajevo. J'affirmais à M. Izetbegovic qu'après des opérations, l'ABiH et

 22   le HVO étaient suffisamment puissants pour lever le blocus de Sarajevo tout

 23   moins en provenance de Kiseljak et de Hadzic. Alors, bien sûr, je n'ai pas

 24   donné des détails de ce que serait un tel plan, mais c'est l'indication que

 25   j'ai fournie, et j'ai été étonné par une forme de manque d'intérêt de sa

 26   part pour ce qui était de la proposition que je venais de faire.

 27   Je suis par ailleurs quelqu'un d'assez têtu et persévérant, et j'ai plutôt

 28   tendance à insister jusqu'à ce que l'on me donne une réponse claire. Mais

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  1   M. Izetbegovic s'est montré évasif, et ni à ce moment-là, ni plus tard je

  2   n'ai réussi à savoir si c'était parce qu'il ne souhaitait pas que le blocus

  3   de Sarajevo soit levé, ou qu'il ne souhaitait peut-être pas que le HVO y

  4   prenne part. Moi, j'ai simplement dit qu'il y avait eu déjà de très

  5   nombreux morts à Sarajevo, lui était persuadé qu'il y aurait bientôt une

  6   intervention de la communauté internationale qui n'accepterait pas de

  7   continuer à regarder le spectacle de tant de morts. Mais face à cela, j'ai

  8   donné l'argument suivant : à savoir que si la communauté internationale

  9   avait souhaité intervenir, elle l'aurait déjà fait. Alors si elle ne

 10   voulait pas intervenir quand il y avait mille morts et un deuxième millier

 11   de morts, il ne s'agissait pas non plus d'intervenir de ce point de vue-là,

 12   et j'ai indiqué qu'alors comme il n'y aurait pas intervention le siège

 13   allait se poursuivre.

 14   Est-ce que M. Izetbegovic avait redouté que, mis à part le déblocus de

 15   Sarajevo, les gens finiraient par fuir Sarajevo et l'armée également

 16   l'aurait fait, ça, je ne le sais pas, je ne puis que spéculer. Mais

 17   toujours est-il qu'il a écarté les insistances que j'avais avancées pour

 18   que le HVO et l'ABiH dans une opération conjointe procèdent au déblocus de

 19   Sarajevo ?

 20   Deuxième élément important, plus important encore que celui-là, c'était de

 21   faire en sorte que -- où l'explication que j'ai apportée plutôt, qui

 22   consistait à dire qu'au fil des jours suite au moindre des incidents

 23   survenus nécessairement entre les différentes armées en présence, il y

 24   aurait de plus en plus de divergence et de plus en plus de défiance et que

 25   cela au fil du temps allait progresser de façon géométrique. Alors je l'ai

 26   affirmé à l'époque, je l'affirme à présent, quand il y a eu au début

 27   quelqu'un à faire du mal à l'autre, de porter atteinte à l'autre, là on ne

 28   regardait pas tant le fait de savoir si c'était un Croate qui l'avait fait

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  1   à l'intention d'un Musulman ou vice versa. Mais au fil du temps, lorsqu'un

  2   Croate avait porté du mal à un autre Musulman, c'était le résultat de la

  3   situation de guerre, mais si, dans un restaurant, une guinguette, un Croate

  4   faisait du mal à un Musulman, on laissait entendre, Eux ont tabassé l'un

  5   des nôtres, donc on faisait partie d'un groupe. Il n'y a plus l'individu en

  6   tant que tel; on fait partie d'un group, et ce, nous et eux, au fil du

  7   temps, on évoluera et va faire détériorer la situation pour ne plus la

  8   faire échapper à tout contrôle.

  9   Alors j'ai affiché la chose, et je l'ai affirmée, c'est scientifiquement

 10   prouvé, le fait que si l'on n'empêche pas les choses en temps utile, du

 11   fait du caractère inflammatoire, sans rajouter des raisons supplémentaires

 12   qui n'ont pas manqué de se présenter, ça ne ferait qu'empirer les

 13   problèmes, et il y aurait de moins en moins de contrôle possible à la

 14   situation. Alors c'est la raison pour laquelle j'ai demandé à M.

 15   Izetbegovic, je l'ai supplié de faire en sorte qu'il fasse savoir

 16   publiquement quel est le type de Bosnie-Herzégovine qu'il envisage de créer

 17   et quel est le projet qui est le sien.

 18   J'affirme -- j'ai affirmé à l'époque, et je l'affirme de nos jours encore,

 19   que M. Izetbegovic jamais n'a dit publiquement quelle est sa proposition à

 20   lui pour ce qui est de l'aménagement intérieur de la Bosnie-Herzégovine. Je

 21   l'ai prié, j'ai affirmé à l'époque et de nos jours encore, c'était

 22   indispensable parce que tout Bosniaque et tout Croate, et une partie des

 23   Serbes aussi, par voie de conséquence, pourraient comprendre exactement

 24   quel est le type d'Etat en faveur duquel ils sont en train de se battre. Sa

 25   réponse a été la suivante : nous allons vaincre les Serbes ensemble, et

 26   ensuite on se mettra d'accord. Ma réponse a été, à l'époque, tout comme

 27   aujourd'hui : allons nous mettre d'accord d'abord et nous finirons par

 28   vaincre.

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  1   De ce point de vue-là, je me suis souvenu, et je me propose de le citer

  2   d'une maxime de Clausewitz :

  3   "La guerre ne fait pas partie du domaine des arts et des sciences

  4   mais du domaine de la vie sociale. La guerre est un conflit de grands

  5   intérêts qui vient à être résolue de façon sanglante, et il n'y a dans cela

  6   que la guerre diffère du commerce. La politique c'est la vie intestine dans

  7   laquelle évolue la guerre de façon analogue à celle d'un embryon. Cela met

  8   en exergue et développe ces différents aspects."

  9   Donc il y a un troisième élément dont nous avons parlé à l'époque et

 10   c'était présent de la façon suivante : pendant qu'ils étaient en train de

 11   rechercher une solution politique, il s'agissait de créer un commandement

 12   conjoint entre l'ABiH et le HVO, parce que si ce commandement conjoint

 13   venait à ne pas être créé, les gens ne pourraient pas échanger leurs points

 14   de vue, ils ne se reconnaîtront plus, et les hommes qui portent des armes

 15   et qui savent que ces armes peuvent tuer autrui, deviennent défiants, la

 16   défiance n'arrête pas de croître.

 17   Quand vous voyez une personne portant l'arme à la main, il faut que vous

 18   soyez tout à fait sûr que c'est un ami, parce qu'un inconnu portant une

 19   arme au poing risque d'être un ennemi. Vous ne savez pas quelles sont ces

 20   intentions. Cela génère la peur. La peur génère des réactions folles. Là,

 21   non plus on ne m'a pas répondu de façon appropriée. Oui, non, on essaiera,

 22   on verra, et de ce point de vue là, j'estime que M. Izetbegovic, était bien

 23   plus porté à la création d'un commandement conjoint. Il avait eu des

 24   intentions bonnes.

 25   Parce qu'à posteriori lorsque je suis allé en Bosnie centrale, et

 26   compte tenu de ce que j'ai appris par la suite, j'ai compris que Sefer

 27   Halilovic et les acolytes qui se trouvaient autour de lui n'en voulaient

 28   pas de cela, en aucun cas. Lui n'avait pas la puissance nécessaire face à

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  1   Sefer Halilovic qui était commandant du 3e Corps et autres joueurs autour

  2   de lui sur le terrain. Donc il n'avait pas la puissance qu'il fallait, le

  3   pouvoir qu'il fallait. Je vais le démontrer dans les livres qu'ont rédigé

  4   ces gens-là et qu'il convient de verser au dossier, et lire les différentes

  5   parties pour comprendre pourquoi nos efforts, les efforts visant à faire au

  6   moins fonctionner l'armée comme il se fallait en attendant une solution

  7   politique, de façon à ce qu'il n'y ait pas conflit.

  8   Parce que les conflits dans une armée, c'est généré facilement. Il y

  9   a une balle qui est tirée, et il y a l'autre qui affirme qu'il faut

 10   riposter. Ensuite on n'arrête pas de tirer les uns sur les autres, chacun

 11   tire sur l'autre disant que c'est l'autre qui a commencé, et le commandant,

 12   lui, ne peut pas vérifier chaque échange de tir. Donc il faut dire riposte,

 13   tire-leur dessus, il se passe des jours et des jours en attendant que ça se

 14   calme. Le quatrième jour, ça recommence de plus bel et ça se perpétue de la

 15   sorte sans qu'il y ait possibilité de faire quoi que ce soit en cas

 16   d'absence d'un commandement conjoint. 

 17   Donc le cachet apposé sur ce document était censé constituer le

 18   fondement de ce qui avait existé à l'époque. De ce point de vue là, moi et

 19   Jasmin Jaganjac et Petkovic --vous l'avez vu, des centaines de cessez-le-

 20   feu et des centaines de tentatives dans ce sens. J'affirme et je le

 21   prouverais que Sefer Halilovic, Muslimovic et l'autre, celui du 3e Corps

 22   avec les Moudjahiddines, ont empêché toute tentative d'y aboutir.

 23   Voilà c'est ce que j'aurais à dire à ce sujet.

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   R.  On peut passer à l'opération Bura.

 26   Q.  Justement, j'allais l'évoquer. Pour ce qui est de cette opération Bura,

 27   que pourriez-vous nous dire ? La carte, c'est le 3D 3159, l'opération Bura.

 28   L'INTERPRÈTE : La cabine française précise qu'en traduction, ça veut dire

Page 40448

  1   vent du nord, le mistral.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux dire que la conversation a été

  3   agréable. Nous avons discuté en seigneur. Je lui ai offert en gilet

  4   militaire parce que, lui, il portait un uniforme, il faisait froid à

  5   Sarajevo. Je lui dis : voilà, M. le président de la présidence, il fait

  6   froid, prenez ceci. Bien entendu --

  7   M. STRINGER : [interprétation] Je vous prie de m'excuser. J'aurais voulu

  8   que l'on clarifie la période dont on parle. Le général nous a parlé d'une

  9   rencontre avec M. Izetbegovic. Il avait dit au début que cette réunion

 10   s'est produite au moment où il est rentré à Mostar, en juin 1992. J'avais

 11   cru comprendre que cette réunion avait eu lieu à cette époque. Or, il vient

 12   de dire qu'il faisait froid. Donc je voudrais qu'il précise exactement à

 13   quel moment cette réunion s'est tenue.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas comment les choses sont

 15   interprétées, mais je suis très précis. J'ai dit à Sarajevo il va faire

 16   froid. M. Izetbegovic va à Sarajevo. A l'époque, en Herzégovine, il ne

 17   faisait pas froid, mais M. Izetbegovic allait à Sarajevo. La date est celle

 18   où il s'est entretenu avec Prlic et les autres. Cette date, on l'a déjà

 19   indiquée à maintes reprises ici, vous pouvez la retrouver dans les

 20   documents. Je ne m'en souviens pas.

 21   Mme PINTER : [interprétation]

 22   Q.  Il s'agit du mois d'octobre 1992.

 23   R.  Oui, 1992, mois d'octobre.

 24   L'INTERPRÈTE : La cabine française précise qu'elle a aussi compris que M.

 25   Izetbegovic avait froid et non pas allait avoir froid.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si Petkovic va témoigner au

 27   sujet de l'opération Bura; c'est lui qui l'a préparé et qui est intervenu

 28   en la matière. Moi, j'y ai participé pour ma part à un niveau d'assistant

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  1   seulement sur le terrain, voilà. L'opération Bura a été conduite au mois

  2   d'octobre, le 8 octobre, me semble-t-il, en 1992, un jour de plus un jour

  3   de moins, vous savez, moi -- alors justement ça a été fait pour que les

  4   effectifs de la Republika Srpska, l'ARSK soient repoussés plus loin encore.

  5   Alors cette opération n'a pas été couronnée de succès dans son ensemble,

  6   mais en grande partie, elle a été réussie parce qu'elle leur a porté des

  7   pertes. Cela leur a démontré, enfin on leur a démontré la force qu'avait le

  8   HVO. Donc on a montré qu'on ne pouvait plus jouer avec nous comme au début

  9   de la guerre. Pendant cette opération, il y a eu participation également de

 10   l'ABiH et participation de la totalité des Musulmans en faisant partie des

 11   rangs du HVO.

 12   Mme PINTER : [interprétation]

 13   Q.  Merci, mon Général. Je crois que nous pouvons en terminer avec cette

 14   partie pour ce qui est donc de l'année 1992, et nous pouvons passer à

 15   présent à l'année 1992, mais pour ce qui est de Prozor, à cet effet, je

 16   vous demande de vous pencher. Les Juges disposent déjà de ces deux

 17   classeurs intitulés : "Le Général Praljak apaise la situation." Alors c'est

 18   placé en corrélation l'un avec l'autre, ça ne fait pas partie des classeurs

 19   remis au départ; ça a juste été ajouté.

 20   Général, quand est-ce que vous êtes arrivé à Prozor ?

 21   R.  Le conflit à Prozor a commencé je pense, le 23 octobre, il me semble

 22   que c'était le 23 octobre 1993.

 23   Q.  1992 ?

 24   R.  Oui, 1992, excusez-moi. Alors il est évident que le président Franjo

 25   Tudjman a eu vent des conflits survenus à Prozor. Il m'a contacté, l'un de

 26   ces deux jours - je répète que sur Uskoplje et l'autre - je ne sais pas

 27   quand est-ce que ça s'est passé, mais je crois que c'était plus

 28   probablement le 15 janvier, lorsque Izetbegovic avait été là-bas. Il m'a

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  1   demandé d'y aller et d'aider à apaiser la situation, afin que cette guerre

  2   avec les Musulmans soit évitée à tout prix. Alors non pas par hélicoptère,

  3   Monsieur le Juge Antonetti, mais je suis une fois de plus monté à bord de

  4   ma voiture. Je suis allé là-bas. Je me suis présenté chez Petkovic et

  5   Stojic, et auprès de Arif Pasalic aussi. Ensuite Arif Pasalic et moi, il

  6   n'y avait pas eu encore création du corps d'armée. C'était la 1ère Brigade

  7   musulmane. Donc c'est ensemble que nous sommes allés en direction de

  8   Prozor, par la route principale. C'est là qu'il m'a donné une pièce

  9   d'identité de l'ABiH. 

 10   On est arrivé à Jablanica, et il arrivait déjà à Jablanica des Musulmans

 11   qui avaient quitté Prozor. On a essayé de passer par la route en direction

 12   de Prozor.  Mais sur une partie de la route, il y a eu des tirs d'origine

 13   inconnue et comme nous ne pouvions pas établir de communication, on n'avait

 14   pas de transmission militaire à ce moment-là, et on n'a pas pu entrer en

 15   contact avec quelle que partie que ce soit. Donc il a demandé à ce qu'on

 16   rebrousse le chemin pour rentrer à Jablanica, et nous avons eu à Jablanica

 17   une réunion conjointe avec des individus qui avaient fui Prozor, des

 18   Musulmans, et ce, dans la salle d'accueil de la centrale hydroélectrique de

 19   Jablanica.

 20   Alors ils ont raconté leur histoire. Ils se sont plaints de la

 21   confiscation de plein de voitures et je me suis entretenu avec eux, j'ai

 22   dit que j'allais me frayer un passage là-bas et qu'on allait finir par

 23   arranger les choses, qu'ils finiraient par rentrer chez eux. Bien sûr, je

 24   n'ai pas promis que les voitures aillent être restituées parce que ceux,

 25   qui volent les voitures ou qui ont volé des voitures, ils sont

 26   irrattrapables. Il faut être réaliste et leur dire qu'à ce moment-là, nous

 27   n'avions pas ni la police militaire, ni personne d'autre n'avait l'appareil

 28   nécessaire pour capturer ces voleurs. Une partie allait certainement être

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  1   retrouvée, mais j'ai affirmé aussi que la HZ HB finirait bien par les

  2   retrouver et que je m'emploierais en faveur de création de fonds pour les

  3   dédommager, et je crois que le Dr Prlic a fait la chose du moins pour ce

  4   qui est de certains montants.

  5   Alors on est revenu et c'est en prenant des routes qui passaient par le

  6   mont Vran, donc une voie détournée qui m'a permis d'arriver à Prozor, et la

  7   situation se présentait de façon tout à fait chaotique. Il y avait eu des

  8   combats. Il y a eu, bien sûr, des vitrines de briser, des débris de verre

  9   sur la route, des bouts de façade aussi qui jonchaient le sol, et là-bas,

 10   en termes simples, il y avait des groupes qui n'étaient même pas du HOS;

 11   c'était des groupes qui étaient complètement dénués de toute définition

 12   qualificative. Alors je suis entré en contact avec Siljeg, Vranjic et tous

 13   les autres qui se trouvaient là-bas.

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous prie de m'excuser. Je

 15   voudrais poser une question et vous interrompre tant que nous voyons encore

 16   ce qui m'intéresse. A la page 55, ligne 5, vous dites que les gens de

 17   Prozor s'est plaint que leurs voitures avaient été confisquées, puis vous

 18   parlez de votre réponse, et vous parlez de vols de véhicules. Il se

 19   pourrait qu'il y ait un problème d'interprétation mais la confiscation

 20   n'est pas la même chose que le vol. Peut-être que c'est une façon qui prête

 21   à polémique de parler de la confiscation des véhicules, mais il y a tout de

 22   même une différence entre les deux concepts. Est-ce que vous pouvez nous

 23   expliquer de quoi il s'agissait exactement ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, il est tout à fait

 25   certain qu'il ne s'agissait pas d'une confiscation. Ces individus et ces

 26   groupes, qui n'appartenaient pas au HVO, donc les HOS et autres peu

 27   définis, avaient petit A soit pris la voiture de quelqu'un en le mettant

 28   dehors, en le prenant dehors ou alors ont cassé la serrure d'une voiture

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  1   qui se trouvait sur la route et l'ont prise parce que le propriétaire avait

  2   quitté le territoire. Alors, moi, je comprends la terminologie à laquelle

  3   vous faites référence, mais en termes simples, moi, quand je me suis servi

  4   de ces termes, je voulais dire qu'ils étaient restés sans leur voiture. Je

  5   n'ai pas enquêté sur les façons dont les voitures ont été prises. Il y a

  6   certainement eu saisie, vol, brigandage --

  7   Mme PINTER : [interprétation]

  8   Q.  Mon Général, pour répondre à un juge de -- M. le Juge Antonetti, je

  9   vous renvoie au 3D 00424.

 10   L'INTERPRÈTE : Les interprètes seraient gré à Me Pinter de ne pas dire les

 11   numéros de référence aussi vite.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je voudrais être parfaitement sûr

 13   d'avoir compris votre récit de manière correcte et de compléter ce que vous

 14   nous avez dit. Les gens sont venus vous dire que leurs voitures avaient été

 15   confisquées et vous, vous avez traduit, en quelque sorte, le terme

 16   "confisqué" en "volé," puisque vous n'avez pas cru qu'en effet les

 17   véhicules avaient été confisquées; c'est comme cela que je dois vous

 18   comprendre ?

 19   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Juste un instant.

 20   M. Praljak obtient dans ses écouteurs une mauvaise interprétation. Quand

 21   vous dites : "confiscates," ça se traduit par "konfiskovana," or vous avez

 22   reçu dans vos écouteurs, Monsieur le Témoin, une traduction erronée.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça c'est un problème, oui. Mais l'autre

 25   problème c'est qu'il y avait un groupe de 50 ou 60 personnes qui sont

 26   frustrées et qui gueulent. Quels sont les termes utilisés à ce moment-là ?

 27   Monsieur le Juge Trechsel, en ce moment-ci, me pose la question pour ce qui

 28   est donc de m'en souvenir dans cette situation chaotique. Enfin, moi, je

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  1   comprends que vous vouliez entendre les termes qu'ils avaient utilisés

  2   mais, moi, je ne sais pas vous le dire maintenant. Ils étaient restés sans

  3   leurs voitures. Que disaient-ils, à ce moment-là, je ne sais trop.

  4   Je sais que, lorsque je suis arrivé à Rama, j'avais vu un groupe qui avait

  5   pris des voitures d'autrui et un témoin a témoigné. Moi, j'avais mis une

  6   balle dans le canon de mon pistolet et ils avaient fait de même et il y a

  7   eu des échanges de tir pour que je reprenne le véhicule pour le restituer

  8   au propriétaire. Bon. On parle de faits; à vous de voir un peu ce que vous

  9   allez en faire.

 10   Donc pour ce qui est du conflit survenu là-bas et savoir qui a saisi une

 11   voiture confisquée ou volée, ça je ne peux pas m'aventurer à en parler. Je

 12   me suis entretenu avec vous -- avec eux, et je leur ai dit qu'on allait

 13   rechercher ces voitures et qu'il était certain qu'on ne retrouverait pas la

 14   totalité des voitures. Ça c'est petit A et petit B que j'allais m'efforcer

 15   moi-même autant que faire je pourrais afin qu'il soit indemnisé pour la

 16   perte qu'ils ont subi et c'est ce que je leur ai dit à ce moment-là.

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup. Merci, Monsieur

 18   Praljak.

 19   Paradoxalement, en disant que ce qui était dit n'était pas clair, vous avez

 20   réussi à clarifier la situation. Merci beaucoup.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit aussi que nous allions apaiser la

 22   situation et qu'il finirait par rentrer chez eux. Voilà. Cela peut,

 23   s'agissant de ce type de réunion, paraître académique.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Général, j'aurais une question à vous poser pour

 25   essayer d'éclaircir.

 26   Vous nous avez dit que cet événement à Prozor, c'est le 23 octobre. A votre

 27   connaissance, avant le 23 octobre, est-ce qu'il y avait, en Bosnie-

 28   Herzégovine, d'autres lieux où il y a eu, entre les Musulmans et les

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  1   Croates, des conflits qui n'ont peut-être pas pris l'ampleur de Prozor,

  2   mais où il y a eu des tensions entre les groupes et que ces tensions sont

  3   très vite montées et puis très vite redescendues ? Est-ce qu'il y a eu

  4   d'autres signes montant qui avaient eu des tensions antérieures ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge Antonetti. J'ai été au

  6   courant suivant des filières très variées pour ce qui est des tensions qui

  7   sont survenues à Prozor bien avant qu'ailleurs puis à Uskoplje, Gornji

  8   Vakuf, puis à Novi Travnik aussi qui sont survenues au sujet d'une station

  9   d'essence bien avant les autres. Ce sont donc des éléments au sujet

 10   desquels je me suis entretenu avec M. Izetbegovic de la façon dont je l'ai

 11   fait.

 12   On aura maintenant ici un expert en matière de psychologie sociale pour

 13   expliquer à quel point il est difficile de raccommoder les choses une fois

 14   que la défiance est survenue.

 15   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Je m'excuse. On traduit de façon erronée

 16   les dires du général. Page 58, ligne 25, le général a dit qu'il allait

 17   faire venir un expert; or le compte rendu, il est dit qu'il n'a pas le

 18   temps de le faire venir.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, j'avais compris parce que la traduction

 20   française est meilleure et il n'y a jamais de problèmes avec la traduction

 21   française.

 22   Général Praljak, si je vous pose cette question, elle n'est pas innocente.

 23   C'est parce que Prozor, dans l'acte d'accusation, fait partie de ce

 24   plan de l'entreprise criminelle commune, voilà, et la question qu'il faut

 25   déterminer -- que les Juges auront à déterminer : est-ce que c'est

 26   effectivement l'exemple même de la mise en œuvre de ce fameux plan, ou bien

 27   est-ce que c'est un événement qui est arrivé ce jour-là dans lequel les

 28   responsables sont ceux qui étaient sur place et non pas la direction du

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  1   HVO, et encore moins Zagreb ? C'est de ça que nous devons, nous,

  2   déterminer, et c'est pour ça que je vous demande s'il y a eu des événements

  3   ailleurs. Vous avez répondu : oui, il y en a eu quelques-uns, et c'est pour

  4   cela que vous en avez discuté avec M. Izetbegovic. Bon. Donc vous nous

  5   confirmez bien qu'avant Prozor, il y avait eu, dans d'autres localités, des

  6   problèmes - peut-être pas aussi graves - mais des problèmes de tensions

  7   entre les Croates et les Musulmans.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges. Mais il y a eu des

  9   tensions entre les Croates également, mais là, on les a dissociés parce

 10   qu'on était en temps de guerre, bien sûr, alors il y a eu des tensions

 11   entre groupes de Croates. Il y en a qui ont tué huit Croates en -- qui ont

 12   été -- il y en a qui ont tué huit Croates en Herzégovine, les gens du HOS.

 13   A Ljubuski, les Croates se sont entretués deux fois plus de fois qu'il n'y

 14   a eu de victimes parmi les Musulmans. Donc on doit dissocier les choses.

 15   Quand vous avez ce type d'armée, lorsque cette armée n'est pas dans des

 16   casernes, lorsqu'il n'y a pas de manœuvres ou d'exercices, lorsqu'on ne

 17   sait pas quel est l'objectif poursuivi de façon précise, comme je l'ai

 18   indiqué, les choses -- ce genre de choses est impossible à empêcher. Le

 19   fait d'avoir des armes en mains, ça augmente l'agressivité des individus

 20   deux fois et demie, ce n'est que vous pouvez le constater quand vous mettez

 21   quelqu'un dans une pièce, et lorsqu'il y a une expérimentation quelconque

 22   en train de se passer, je vais donc expliquer les choses avec un

 23   psychologue en matière sociologique pour dire que la situation est auto

 24   inflammable.

 25   Messieurs les Juges, à Prozor, avec l'appui de la direction totale du HVO

 26   et de la HZ HB, j'ai pissé du sang pour arriver à arranger les choses avec

 27   les gens du cru. Je vais vous montrer par la suite comment. Alors,

 28   maintenant, j'ai été prié par Zagreb. Je bénéficiais de l'appui de Petkovic

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  1   --- enfin, pas l'appui, lui donnait des ordres : vous allez le voir. Alors

  2   je suis allé à Prozor et il y avait des Musulmans aussi, mais il y avait

  3   des groupes dont on ne savait pas à qui ils appartenaient. Ces groupes

  4   étaient armés, et ils étaient nombreux, et je leur ai couru après dans

  5   Rama, le pistolet au poing. Mais je vais laisser ça de côté. A un moment

  6   donné, voyant que les choses n'allaient pas pouvoir se faire rien qu'au

  7   niveau de l'armée, et s'agissant donc -- il ne s'agissait pas d'une réunion

  8   seulement, j'en ai eu des dizaines, et il y avait une réunion, 150

  9   personnes de présentes, c'était les hommes qui avaient le -- enfin, qui

 10   étaient des notables de tous les villages.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI [hors micro] -- arrêter à ce niveau, et je vais

 12   laisser votre avocate de vous poser des questions.

 13   Mme ALABURIC : [interprétation] Avec votre permission, Messieurs les Juges,

 14   excusez-moi, je voudrais intervenir. Aux fins du compte rendu d'audience,

 15   si j'ai bien compris le général Praljak, nous avons, en lignes 12 et 13 du

 16   compte rendu d'audience, la chose suivante qui est consignée, je cite :

 17   "J'avais le soutien de Petkovic. A vrai dire, non, pas de Petkovic, lui il

 18   émettait les ordres."

 19   Alors, Général Praljak, est-ce que vous pourriez nous redire exactement en

 20   quel sens vous avez bénéficié du soutien du général Petkovic ? Qu'avez-vous

 21   dit au sujet des autres cas ? Il ressort du compte rendu d'audience que

 22   vous n'aviez pas le soutien de Petkovic.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est erroné. C'était plus que du

 24   soutien. C'était lui le commandant. Il a tout simplement rédigé tous les

 25   ordres indiquant à l'armée comment elle devait procéder. C'était moi qui le

 26   soutenais, qui lui apportais -- qui lui portais assistance. Moi, j'étais

 27   tout simplement agent sur le terrain, quelqu'un qui intervient sur place,

 28   qui crie, qui menace, qui court, qui s'engage sur le terrain.

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  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Général, nous avons de nouveau un problème

  2   avec le compte rendu d'audience. Donc je vais vous prier de redire ce que

  3   vous venez d'expliquer, mais en le disant suffisamment lentement pour que

  4   chacun de vos mots puisse être consigné.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors ce qui est exact c'est la chose suivante

  6   : ce n'était pas Petkovic qui m'apportait son soutien mais l'inverse.

  7   C'était moi qui soutenais et qui apportais mon assistance à Petkovic et au

  8   reste des dirigeants de la HZ HB. Moi, j'étais un intervenant sur le

  9   terrain, c'est ainsi qu'on l'appelle, une personne qui intervient sur le

 10   terrain, et qui met en œuvre une politique donnée, qui participe aux

 11   réunions, qui crie, qui menace, qui hurle, qui menace du pistolet, et

 12   cetera. De ce point de vue-là, j'avais du succès, j'étais un bon agent sur

 13   le terrain car il s'agit simplement de -- tout simplement de maîtriser le

 14   chaos. Il ne s'agit pas d'une question qui peut être résolue de façon

 15   structurelle lorsqu'on est en présence du chaos. Or, du fait de mes

 16   occupations précédentes, comme le travail de metteur en scène, et autres,

 17   j'avais de meilleures capacités pour ce qui était de maîtriser ce chaos.

 18   C'est quelque chose que je sais mieux faire. Donc j'étais agent ou

 19   intervenant sur le terrain, qui devait attraper par le collet les gens, de

 20   temps à autres, sortir son pistolet. Tout expliquer lors des réunions, et à

 21   un moment dans cette réunion, où il y avait 150 personnes j'ai enlevé ma

 22   veste, et j'ai dit : si parmi vous il y en a un qui est disposé à se

 23   battre, qu'il vienne. J'ai attendu pendant un certain temps à la porte pour

 24   voir qui voulait vraiment la guerre.

 25   C'est ce que j'affirme. C'est comme ça que les choses se passaient, et je

 26   suis resté sur le terrain aussi bien à Jajce qu'ailleurs, jusqu'à -- et je

 27   suis resté jusqu'au conflit à Rama, et dans toute la -- à Rama, et à Gornji

 28   Vakuf, et dans toute la zone, à Konjic, Prozor, et cetera; et j'ai réussi à

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  1   faire -- à maintenir la situation sous contrôle autant que ça a été

  2   possible. Cependant, sans disposer premièrement d'une solution politique

  3   et, deuxièmement, d'un commandement militaire conjoint et, troisième,

  4   compte tenu du fait qu'ils étaient nombreux au sein de l'ABiH à souhaiter

  5   un conflit avec nous. Il est tout à fait évident qu'une telle situation ne

  6   peut être maintenue sous contrôle que pendant un certain temps et

  7   qu'ensuite elle est vouée à exploser, et malheureusement, personne ne

  8   dispose d'un pouvoir absolu en la matière. Vous pouvez faire tout ce que --

  9   vous pouvez suer sang et os, mais à moins que tout cela ne soit fondé sur

 10   de bonnes fondation, cela explosera et débordera tôt ou tard.

 11   M. LE JUGE MINDUA : Maître Pinter, excusez-moi.

 12   Monsieur le Témoin Praljak, en ce moment, j'ai encore une petite question

 13   pour vous, par rapport à cet événement qui s'est passé à Rama.

 14   Je ne pense pas que vous avez personnellement été très actif sur le

 15   terrain, selon ce que vous nous racontez, parce que, face à un groupe de

 16   personnes qui venait de confisquer une voiture, vous présentez votre

 17   pistolet, vous sortez votre pistolet chargé, les autres sortent les leurs,

 18   mais vous arrivez à l'emporter. Hier, vous aviez raconté aussi une histoire

 19   au cours de laquelle vous aviez introduit votre pistolet désolé a bouche de

 20   quelqu'un, qui était récalcitrant, et il y avait du succès.

 21   Alors, la question que je voudrais vous poser, parce qu'au-delà de

 22   vos efforts personnels individuels, les supérieurs ne pouvaient-ils pas

 23   placer plus de personnes avec plus de pistolets sur le terrain, pour faire

 24   face à ces situations ? En d'autres termes, y avait-il un semblant de

 25   police militaire ou a posteriori un semblant de justice militaire pour

 26   faire face à ces situations particulières ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors je vais essayer d'éclaircir cela.

 28   Aussi bien dans le cas de cette voiture que j'ai réussi à reprendre de ces

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  1   trois hommes qui comptaient l'emmener, c'était un cas isolé à Rama.

  2   Il y avait une police militaire, oui. Le conflit venait juste de

  3   s'arrêter, et l'on tenait encore certaines positions au moment où je suis

  4   arrivé. En d'autres termes, lorsqu'on a affaire à deux groupes qui se sont

  5   affrontés, qui viennent juste de s'affronter avec trois ou quatre morts de

  6   chaque côté, il faut qu'il y ait quelqu'un sur place car nous somme SDS une

  7   situation de défiance. Par exemple, les Musulmans étaient méfiants vis-à-

  8   vis de l'armée du HVO, il faut qu'il y ait quelqu'un qui vienne sur place,

  9   et il est même impossible à ce moment-là de faire se rejoindre les deux

 10   armées. J'ai d'abord commencé par les civils. J'ai demandé que l'on m'amène

 11   lors des réunions des 150 personnes en provenance de différents villages,

 12   150 personnes qui avaient quelque poids, qui étaient des personnes en qui

 13   la population avait confiance, et ce, face à quoi vous êtes, c'est une

 14   situation dans laquelle les esprits sont extrêmement échauffés, vous devez

 15   ramener les gens à la Raison, c'est un dialogue qui est extrêmement

 16   difficile de rétablir.

 17   Vous voyez, à partir de ce document, alors la police militaire était

 18   présente, on a retrouvé pas mal de ces véhicules.

 19   Mme PINTER : [interprétation] Oui.

 20   Q.  Donnez le numéro.

 21   R.  C'est le 3D 00424, c'était peut-être une dizaine de jours après mon

 22   arrivée. Il s'agit d'un ordre que j'ai co-signé. Bien entendu, c'est signé

 23   aussi par Valentin Coric, bien qu'il me semble ici qu'il ne s'agisse pas de

 24   sa signature. Donc c'est un ordre demandant la restitution des véhicules

 25   qui se trouvent présentement dans les postes du 2e Bataillon de la Police

 26   militaire. Donc il s'agit de récupérer les véhicules qu'ils ont réussi à

 27   saisir. Alors je ne pense pas que l'on ait retrouvé tous les véhicules,

 28   mais ceux que l'on a retrouvés, on a émis l'ordre qu'ils soient restitués à

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  1   leurs propriétaires. A ce moment-là, la situation s'est déjà

  2   significativement apaisée et la plupart des personnes qui avaient fui leurs

  3   domiciles sont revenus chez elles, donc que ce soit à -- sont revenues chez

  4   elles à Rama. Les choses avaient été rétablies en ville.

  5   Alors Siljeg a émis un ordre, Franjic également, Petkovic a envoyé un

  6   ordre, et j'avais -- je recevais du soutien, et de jour en jour, la

  7   situation s'apaisait. Mais c'est un processus difficile et lent après qu'il

  8   y ait eu ce type d'affrontement et des échanges de tir, mais cela d'autant

  9   plus qu'il y a des groupes qui échappent à tout contrôle.Vous le verrez à

 10   l'occasion de l'examen d'un document où cela est écrit.

 11   Par ailleurs, si l'on reprend les documents que j'ai examinés qui se

 12   trouvent dans ce classeur, l'ABiH se préparait à une attaque contre Rama et

 13   Prozor, il n'était pas nombreux. Mais c'est un problème qui n'a cessé de

 14   croître à Rama de mois en mois. Qu'il s'agisse de l'armement, des écoles,

 15   de la langue, qu'il s'agisse du fait qu'ils ne se rendaient pas sur la

 16   ligne de front, et ainsi de suite, cela ne cessait de prendre de l'ampleur,

 17   et lorsqu'une réunion était organisée au cours de laquelle cela devait être

 18   résolu, quelqu'un de l'ABiH, un membre du HVO - alors je ne me rappelle

 19   plus exactement qui - mais c'est alors que tout a éclaté, la situation a

 20   explosé.

 21   Monsieur le Juge Mindua, il existe toujours des préparatifs pour la

 22   guerre. C'est quelque chose qui croît, et qui bouillonne pendant des jours,

 23   des semaines, des mois, et ensuite cela entre en éruption. Les gens qui

 24   observent cela disent ensuite, à posteriori, c'est à ce moment-là que la

 25   guerre a commencé. Mais en fait les choses et la guerre notamment étaient

 26   en préparatif depuis bien plus longtemps, peu à peu, elles avançaient,

 27   qu'il s'agisse de la Seconde Guerre mondiale, qu'il s'agisse de l'agression

 28   en Yougoslavie. Il s'agit toujours de quelque chose qui est soigneusement

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  1   préparé et qui va crescendo.

  2   M. LE JUGE MINDUA : Merci.

  3   Mme PINTER : [interprétation] Merci.

  4   Q.  Alors, Général, poursuivons avec cette réunion de150 personnes.

  5   S'il vous plaît, passez au document 3D 00291 et veuillez dire pour les

  6   Juges de la Chambre comment s'est présentée cette réunion.

  7   R.  Voilà, nous avons ici le SIS du département de la Défense qui explique

  8   de quoi il s'agit. C'est le 1er décembre 1992 qu'a été tenue cette réunion

  9   de la zone opérationnelle, et ensuite on a organisé une réunion avec les

 10   extrémistes appartenant au rang de ceux qui ont posé ces conflits et qui se

 11   trouvaient sur le territoire d'autres municipalités. Donc, moi, sur la base

 12   des informations dont je disposais, et que j'avais demandées, j'exigeais,

 13   et je criais, et j'ai demandé que tous viennent pour participer à ces

 14   discussions.

 15   C'est alors que M. Salih Ruvic, et je m'en souviens bien, et je le connais.

 16   J'ai retrouvé là-bas également un certain nombre de personnes qui avaient

 17   été arrêtées et mises en prison. Bien entendu, est-ce que cela était

 18   justifié ou non, à ce moment précis, je ne m'en occupais pas. Je ne m'en

 19   occupais pas. Je ne m'en préoccupais pas. Je les ai tout simplement

 20   relâchés. Je les ai laissés entrer chez eux. Alors est-ce que l'un d'entre

 21   eux a participé à cela ou non ?

 22   A cet instant précis, je pense que cela pourrait vous intéresser,

 23   Monsieur le Juge Trechsel. J'ai tout simplement ordonné par la force que

 24   l'on relâche ces personnes, et c'est alors que quelqu'un a tabassé Salih

 25   Ruvic lorsqu'il entrait chez lui, lorsqu'il était en route. C'était le

 26   soir. Je m'en rappelle. J'ai discuté avec lui, nous avons convenu qu'il

 27   rentrerait chez lui, qu'il allait procéder au rassemblement de ces

 28   différentes personnes qui allaient ensuite venir à la réunion. Mais ensuite

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  1   lorsque ces personnes sont venues à la réunion, Ruvic n'était pas présent -

  2   - ou plutôt, il est venu plus tard, il était couvert de bleus car il avait

  3   été tabassé. Alors, maintenant, la question de savoir qui l'avait tabassé

  4   cela même dans des rêves les plus fous n ne pourra jamais le devenir.

  5   Mais finalement c'est une autre -- seconde réunion qui a été

  6   convenue, alors de quoi j'ai discuté lors de cette réunion ? J'ai abordé

  7   évidemment toutes sortes de sujets. Mais finalement, j'ai menacé tout le

  8   monde j'ai enlevé ma veste, et j'ai dit, Si quelqu'un parmi vous autres

  9   imbéciles veut se battre, je vous entends devant la porte, et si quelqu'un

 10   a le courage -- si quelqu'un, à nouveau, a le courage de se battre qu'il

 11   vienne, voilà c'était une occasion de voir comment on adaptait les visées

 12   qui étaient adoptées dans les hautes sphères politiques à l'échelon concret

 13   de la réalité où les choses se passaient.

 14   Q.  C'est cette réunion à l'hôtel, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Avec les personnes les plus influentes de ces différents villages ?

 17   R.  Oui. J'ai invité les personnes les plus respectables, les plus en vue.

 18   J'ai libéré toutes les personnes qui étaient en prison. Je me suis efforcé

 19   de raccommoder les choses. Mais encore une fois, je m'appuierais sur des

 20   faits scientifiques pour montrer cela, à savoir que pour qu'éclate le

 21   prochain conflit dans une situation comme cela, il faut, cela est beaucoup

 22   plus facile que pour le premier des deux conflits. Donc pour qu'il se

 23   produise un deuxième conflit, beaucoup moins de conditions sont nécessaires

 24   pour l'éclatement -- que cela est nécessaire pour l'éclatement du premier.

 25   Cela ne fait qu'empirer. Nous avons affaire à une véritable spirale.

 26   Alors si on ajoute à tout cela toutes les rumeurs, à Travnik, il se

 27   passe ceci, à Gornji Vakuf, il se passe cela. Les Musulmans racontaient que

 28   les Croates les attaquaient. Les Croates racontaient l'inverse. Toutes ces

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  1   rumeurs sabotaient tout simplement l'ensemble de la situation.

  2   Q.  Jusqu'à Prozor, dans les événements de Prozor, est-ce qu'il y a eu des

  3   affrontements armés entre l'ABiH et le HVO plutôt la Défense territoriale ?

  4   R.  Non, pour autant que je le sache.

  5   Q.  Il n'y avait que des tensions, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Alors il y a eu une question qui a été posée, la question que je posais

  8   c'était de savoir s'il s'agissait uniquement de tensions ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Il n'y a pas non plus de réponse à ma question, qui était de savoir si

 11   avant les événements de Prozor, il y avait eu des affrontements armés entre

 12   le HVO et la Défense territoriale ?

 13   R.  Pour autant que je le sache, il n'y en a pas eu.

 14   Q.  Très bien. Regardez maintenant le document 3D00418. Peut-être devriez-

 15   vous regarder la version qui s'affiche à l'écran ?

 16   R.  Non, je le vois. Je l'ai.

 17   Q.  Que pouvez-vous dire au sujet des événements dont il est question dans

 18   ce document ?

 19   R.  Il s'agit d'un document qui est envoyé par le Groupe tactique de

 20   Konjic, à M. Sefer Halilovic. Ce sont les commandants musulmans qui ont

 21   rédigé cela. Il y est question de la façon dont se sont déroulés les

 22   événements à Prozor, selon eux. Il est question des événements en question,

 23   donc qu'est-ce qui s'est passé selon eux. C'est un long document mais je

 24   peux dire ce qui est exact, par exemple.

 25   C'était mon cinquième déplacement sur place avec différentes personnes, mon

 26   cinquième ou mon sixième déplacement. Je suis alors arrivé avec M. Bozo

 27   Rajic, des officiers locaux, et à ce qu'ils disent des membres inconnus du

 28   HVO, trois membres inconnus du HVO, alors moi-même, je ne sais plus avec

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  1   qui je suis venu pour mener ces discussions. Mais ce rapport a été écrit le

  2   4 novembre. Cependant je pense qu'il concerne la situation qui se

  3   présentait quelques jours auparavant, le 2 peut-être, le 2 novembre.

  4   Il y est dit que le HOS, alors on me dit qu'ils étaient en train de

  5   faire cuire un agneau à la broche et qu'ils traînaient le drapeau à fleur

  6   de lys dans la boue. Cela est exact. Ils disent aussi que je n'avais pas

  7   suffisamment d'autorité pour qu'ils m'obéissent. Cela aussi est exact. Il

  8   faut dire qu'ils étaient beaucoup plus nombreux à être armés. Alors,

  9   ultérieurement, comprenons-nous bien, j'ai réussi à régler cette situation.

 10   Mais à ce moment précis, leur comportement avec cet agneau à la broche et

 11   le reste, je ne pouvais rien y faire.

 12   Cela aussi, qui est indiqué là, est exact, à savoir que j'étais

 13   manifestement mal à l'aise. Ici, il est indiqué au point 3, que le HVO

 14   n'apporte son aide qu'à Izetbegovic, j'aurais déclaré cela à plusieurs

 15   occasions. Il est exact que j'ai pu dire des choses comme ça. Donc pour ce

 16   qui est de leur commandant, certains de leurs commandants à Rama et

 17   ailleurs agissaient tout simplement contre le HVO. J'ai vu de mes propres

 18   yeux. Mais manifestement, Sefer Halilovic et son entourage jouaient un

 19   double jeu. Car, en même temps qu'ils étaient avec nous pour discuter de

 20   l'apaisement, ils envoyaient des ordres demandant la conquête de Prozor.

 21   Cela est clairement indiqué dans des documents qui ont déjà été versés, me

 22   semble-t-il.

 23   Donc ce à quoi nous avons affaire, c'était un double jeu, le plus

 24   ordinaire, le plus classique. Il discutait avec moi qu'il suait sang et eau

 25   pour œuvrer à l'apaisement de la situation, alors qu'eux écrivaient comment

 26   il fallait préparer l'attaque contre Prozor, à partir d'une certaine

 27   direction. Delalic procédait également de la même manière. L'ABiH faisait

 28   la même chose à Rama, avait deux plans que j'ai reçus, ultérieurement : le

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  1   plan petit A contre les Chetniks. Le plan B contre le HVO. Ils avaient

  2   préparé tout cela pendant des mois à l'avance.

  3   Lorsque l'on voit cela, il est difficile après d'établir une

  4   coopération lorsqu'on voit qu'on a affaire à un double jeu, que les choses

  5   ne sont pas franches. Pour moi aussi, cela a été difficile bien que j'aie

  6   eu tendance à passer sur ce genre de chose.

  7   Alors vous pouvez vous reporter au document, si vous voulez. Par

  8   ailleurs, ces documents sont déjà tous des pièces à conviction.

  9   Q.  Alors P00708, par exemple.

 10   R.  Alors ce document porte aussi deux tampons. Il me semble qu'à ce

 11   moment-là, déjà on a M. Jaganjac qui est devenu le conseiller militaire du

 12   président Izetbegovic et qu'il est lui aussi venu sur place. Alors il est

 13   difficile pour moi de me rappeler exactement la date, ce n'est que dans les

 14   documents que je retrouve le moment dont il s'agit. Je peux même dire

 15   qu'après on a mis au point un tampon commun.

 16   Mais voilà le 6 novembre, j'ai émis cet ordre. Il me semble qu'elle a

 17   représenté le fondement de toutes mes discussions portant sur la question

 18   d'un commandement conjoint, à savoir que, premièrement, il faut rétablir

 19   sur les axes de circulation. Il est impossible de laisser le premier

 20   imbécile venu se positionner sur un axe de circulation, établir un poste de

 21   contrôle et de contrôler qui bon lui semblera. Ensuite les points de

 22   contrôle doivent être formés conjointement par le HVO et la police

 23   militaire de l'ABiH. Ensuite la composition des hommes se trouvant au point

 24   de contrôle doit être décidée sur une base paritaire. Il faut également

 25   établir des points de contrôle conjoints, et ce, dans un délai de 48

 26   heures.

 27   Alors, Madame Nika, ici, j'ai deux éléments qui sont illisibles,

 28   alors je ne sais pas si vous pouvez m'aider.

Page 40467

  1   Pendant que l'on cherche cela, voilà le point numéro 5, c'est quelque

  2   chose sur quoi j'ai attiré l'attention de tous. Il faut donc, au point 5,

  3   organiser des patrouilles villageoises au sein de villages qui seront

  4   composées de personnes qui n'appartiennent pas aux unités, et il faut leur

  5   donner la mission de procéder à l'armement nécessaire. A l'époque, je

  6   savais bien qu'il y avait des individus et des groupes qui échappaient au

  7   contrôle et des membres du HVO ou de l'ABiH qui étaient en permission, qui

  8   n'étaient donc pas au sein de leurs unités, mais qui n'avaient pas pour

  9   autant remis leurs armes. Je savais que, d'un point de vue purement

 10   statistique, il était inévitable que ces personnes -- certaines de ces

 11   personnes aillent dans un village et commettent des crimes. Crimes qui

 12   seraient ensuite imputés soit à l'ABiH soit au HVO, alors qu'il ne

 13   s'agirait pas d'un tel crime mais du crime commis par un individu.

 14   Or, pour empêcher cela, il fallait disposer d'un commandement

 15   conjoint afin de pouvoir procéder à l'information au sein des villages, au

 16   sein des villages où étaient mélangés des populations croates et

 17   musulmanes, donc de façon à pouvoir procéder à la formation de groupes

 18   mixtes de personnes âgées, de 60 et plus, afin qu'elles protègent contre la

 19   racaille du village car personne n'avait la possibilité, autrement de

 20   garantir la sécurité de 50 ou 60 villages autour de Rama et de garantir la

 21   sécurité contre un tueur, par exemple, qui se livrerait à ces agissements

 22   pendant la nuit d'un tueur ou d'un violeur. Les armées n'avaient pas ce

 23   pouvoir là, et donc c'est pourquoi j'ai dit que la précondition à cela

 24   était un commandement conjoint. Ensuite j'ai également souligné qu'il

 25   fallait rendre les armes, restituer les armes qui étaient en surabondance

 26   dans toute la zone. J'ai également dit qu'il fallait empêcher, il fallait

 27   mettre de l'ordre dans tout cela et interdire que des hommes en arme se

 28   présentent et fassent leur apparition en dehors de la ligne de front.

Page 40468

  1   Je pense que ce document montre que j'étais accepté aussi bien par l'ABiH

  2   que par la HVO comme quelqu'un ayant une certaine autorité et je répète que

  3   je n'avais pas autorité formellement ou officiellement pour émettre un tel

  4   ordre mais c'est ce que j'ai fait.

  5   J'ai déjà dit alors je dis ici qu'il faut mettre de côté 64 membres

  6   de la police militaire et du HVO et de l'ABiH pour les besoins du

  7   rétablissement de l'ordre dans la municipalité de Prozor bien qu'i y ait eu

  8   bien plus de Croates là-bas. Alors j'ai réussi à réaliser un certain nombre

  9   de ces objectifs et puis ensuite tout est reparti à --

 10   Q.  La partie que vous n'avez pas pu lire concerne la police militaire qui

 11   devait escorter des convois et les patrouilles conjointes mixtes que vous

 12   nous avez déjà parlées n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui --

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   R.  Je dis, encore une fois, que cela aurait dû être le fondement de toute

 16   réflexion du HVO, et en tant que représentant du HVO, c'est ainsi que les -

 17   - je peux dire que c'est ainsi que les relations entre l'ABiH et le HVO

 18   auraient dû être organisées. Je ne dis pas que tous avaient cette position

 19   au sein de l'ABiH. Il y avait des personnes à Bugojno, et il y avait en

 20   partie aussi des personnes à Travnik qui souhaitaient également tout cela.

 21   Il y avait des personnes au sein de l'ABiH qui souhaitaient sincèrement

 22   voir se réaliser tout cela. Mais il y avait aussi de ceux qui ne

 23   souhaitaient pas du tout cela. Il y en avait beaucoup et de jour en jour il

 24   y en avait de plus en plus, et à mesure que les Moudjahiddines arrivaient,

 25   la situation ne cessait d'empirer.

 26   Q.  Général, aux fins du compte rendu d'audience, veuillez répéter, s'il

 27   vous plaît, comment s'appelait cette personne qui échappait au contrôle ?

 28   R.  Prijic.

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  1   Q.  [aucune interprétation]

  2   R.  Hanefija Prijic, connu sous le sobriquet de Paramilitaire, et d'autres

  3   aussi étaient dans la même situation que lui.

  4   Q.  Je vous demande maintenant de vous référer au document P 00727.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, le document qu'on a sous les yeux

  6   porte deux cachets. Porte une date 6 novembre 1992, et porte un numéro 01-

  7   2496/92, ce document est destiné à tous les membres du HVO et de l'ABiH.

  8   Quand on lit ce document, et qu'on regarde les cachets, on peut avoir

  9   l'impression que vous, vous vous êtes autoproclamé commandant du

 10   commandement conjoint et que vous donnez des ordres au HVO et l'armée de

 11   l'ABiH. Ces ordres sont détaillés dans les points 1 à 11 et vous imposez un

 12   couvre-feu à Prozor entre 18 heures et 6 heures du matin.

 13   Vous nous avez dit jusqu'à présent, jusqu'à ce matin, que vous veniez en

 14   République de Bosnie-Herzégovine puis vous repartiez à Zagreb et que vous

 15   étiez là "pour aider" - entre guillemets - par exemple, le général

 16   Petkovic. Ce document n'entre pas dans cette théorie du support ou de

 17   l'aide car là c'est un document d'un chef qui prend des mesures, des

 18   mesures d'ailleurs drastiques et qui ordonne toute une série d'événements.

 19   Alors comment conciliez "votre mission" - entre guillemets - de bénévole

 20   volontaire venant donner un coup de main à ses camarades avec ce document ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a qu'une explication de vrai, à savoir

 22   que, dans cette tâche-là visant à créer un commandement conjoint, j'ai été

 23   accepté tant par les Musulmans que par les Croates, et donc s'agissant de

 24   cette tâche commune, il y avait, à mes côtés, M. Jaganjac. Lui se trouvait

 25   déjà être nommé conseiller du président Izetbegovic, et par le biais de son

 26   discours, je pense -- j'en suis sûr verbalement Izetbegovic apportait ce

 27   soutien. Arif Pasalic n'avait rien contre. Je pense que -- c'est lui qui a

 28   mis le cachet dessus. Petkovic n'avait rien contre parce qu'il faisait en

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  1   somme le même travail en essayant de passer par Sarajevo, et je vais peut-

  2   être montrer dès aujourd'hui si on n'y arrive un livre où il raconte quand

  3   il va à Sarajevo chez m. Sefer Halilovic il n'est pas reçu et il dit à son

  4   adjoint croate : je ne vais pas m'entretenir avec cet Oustachi, ils sont

  5   tous Oustachi là-bas. Je vais le montrer, je vais vous le montrer cela.

  6   Mais sur un plan juridique, Monsieur le Juge Antonetti, vous avez tout à

  7   fait raison. Parce qu'il n'y a pas d'autre fondement à partir duquel

  8   j'aurais pu signer la chose. C'est une enfreinte à l'organisation militaire

  9   telle que vous la connaissez. Ça c'est bien exact. Mais compte tenu de la

 10   situation chaotique là-haut avec l'autorisation parce que personne ne

 11   s'était plaint, j'avais donc bénéficié d'un soutien tacite, j'ai donné ce

 12   type d'ordre dans l'espoir enfin si ça a marché dans une certaine mesure

 13   dans l'espoir donc qu'on aboutirait à un commandement conjoint et qu'on

 14   finirait à fonctionner de la sorte. Dans une autre armée, on m'aurait mis

 15   en tôle pour cela.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, c'est pour cela que je vous pose la question.

 17   Vous avez dit un petit détail. Vous avez dit qu'Arif Pasalic a mis le

 18   cachet. Bon, évidemment, Arif Pasalic est mort. Il ne pourra pas confirmer

 19   mais comme vous êtes sous la foi du serment, donc vous affirmez qu'Arif

 20   Pasalic a tamponné aussi le document ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'il l'a fait. Mais au bout de tant

 22   de temps avec la meilleure des volontés possibles, je ne peux pas affirmer

 23   pour sûr que c'est feu M. Arif Pasalic qui l'a fait. Il me semble que

 24   c'était lui mais je n'en suis pas trop sûr.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Une dernière question d'ordre technique : pourquoi

 26   ce document qui est important et vous nous l'avez indiqué ce que vous

 27   vouliez faire, pourquoi il n'a pas été signé par un Musulman quelconque,

 28   Arif Pasalic, Jaganjac, n'importe lequel ? Pourquoi vous n'avez pas pensé à

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  1   faire signer cela par une autorité musulmane ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, vous allez voir dans les

  3   documents qu'on montrera ultérieurement qu'il en est qui sont signés par M.

  4   Jaganjac et par moi-même et qu'il y en a d'autres qui, là où je suis en

  5   train de nommer un commandement quelconque pour le retour à Jajce -- la

  6   libération de Jajce, vous allez voir donc des documents du même type avec

  7   des cachets conjoints. Je ne sais pas pourquoi ici il n'y a personne

  8   d'autre qui a signé. Je n'arrive pas à me souvenir de la raison. Plus tard,

  9   il y a des documents identiques -- enfin, de ce type, on le montrera pour

 10   ce qui est de la Bosnie centrale, qui, compte tenu de mon rôle informel,

 11   dans toute autre armée se trouverait impossible -- ou plutôt, ne serait pas

 12   juridiquement fondée, justifiée, bon, on m'aurait mis en prison si je

 13   venais à signer ce genre de chose de mon propre chef.

 14   Mais il est exact qu'il y a eu M. Jasmin Jaganjac, qui était conseiller

 15   donc militaire de M. Izetbegovic et moi-même, où - comment dirais-je -

 16   avons bénéficié d'un soutien, moi de la part du HVO, et lui de la part de

 17   certaines structures de l'ABiH, pour essayer de faire la chose.

 18   Vous allez voir certains textes où je vous illustrerais dans quel point

 19   Sefer Halilovic ça le jetait dans le désespoir jusqu'à qu'en 1993, il n'est

 20   chassé. Jasmin Jaganjac et celui-ci n'est plus jamais revenu ni dans les

 21   rangs militaires ni dans les effectifs enfin de la politique, et ça duré

 22   des mois et des mois qu'on avait essayé de faire quelque chose.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- obligé de faire la pause. Il est

 24   quasiment 12 heures 30. Donc on va faire la pause de 20 minutes, on

 25   reprendra dans 20 minutes.

 26   --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

 27   --- L'audience est reprise à 12 heures 51.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

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  1   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Q.  Mon Général, je vous prie de vous pencher sur le document P 000720. Si

  3   ce n'est pas lisible vous pouvez vous pencher sur l'affichage électronique.

  4   C'est votre signature ici ?

  5   R.  Oui. On voit ici -- enfin, j'ai repensé la chose un peu et je suis

  6   presque sûr qu'à l'époque où j'ai signé le document précédent, M. Jasmin

  7   Jaganjac avait déjà prêté serment à l'ABiH et était déjà devenu le

  8   conseiller personnel, à titre militaire, du président Izetbegovic. Nous

  9   sommes intervenus donc ensemble déjà conformément donc à l'accord portant

 10   sur la création d'un commandement conjoint. Il s'agissait de placer les

 11   Unités de Juka Prazina sous un commandement conjoint, et ce commandement

 12   serait coordonné par Slobodan Praljak et Jasmin Jaganjac, alors à ce

 13   moment-là, il était déjà certainement devenu conseiller militaire du

 14   président Izetbegovic. De ce point de vue-là, j'ai déjà la légitimité qu'il

 15   faut pour signer ce type d'ordre, parce qu'en terme simple, il n'y avait

 16   pas d'éléments s'y opposant, d'autant plus que j'avais une pièce d'identité

 17   de l'ABiH aussi, et qu'une façon certaine, je faisais partie de l'une et de

 18   l'autre des armées en présente.

 19   Q.  Veuillez ouvrir le document P 00727. L'avez-vous trouvé ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  C'est vous qui avez signé aussi ?

 22   R.  Oui. Là, il s'agissait de sauver Travnik après la chute de Jajce. Le

 23   chaos c'était total, avec toutes ces armées qui battues sont passées par

 24   Travnik et toutes ces quantités de réfugiés. Il y avait aussi la défense de

 25   Travnik et toute la Bosnie centrale et le reste en direction de Sarajevo,

 26   ça n'existait plus. Je vais en parler à part, et j'ai à cet effet nommé un

 27   commandement provisoire. Blaskic, Ante Prkacin, ce dernier était connu

 28   comme étant un général du HOS et il a été confirmé dans ses fonctions par

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  1   M. Alija Izetbegovic, comme faisant partie de l'ABiH, et M. Arif Pasalic

  2   aussi qui venait d'arriver de Mostar et se trouvait là-bas à mes côtés. On

  3   voit donc le cachet à gauche qui était un cachet qu'on avait fait faire

  4   pour indiquer qu'il s'agissait d'un commandement conjoint, et ce cachet a

  5   été fait faire -- enfin a été donné à faire fabriquer par M. Jasmin

  6   Jaganjac.

  7   Q.  Merci. Je vous renvoie maintenant au P 00776. Alors on voit ici

  8   l'adjoint du chef de l'état-major des forces armées de l'ABiH, M. Jovan

  9   Divjak, et ceci ne fait que confirmer l'ordre que j'ai donné. On se réfère

 10   à l'ordre donné par le général Praljak du reste, et on dit que,

 11   conformément à cet ordre émanant du HVO et de l'armée, il est donné un

 12   ordre similaire par ses soins; pour ce qui est de Konjic et de Jablanica,

 13   je ne sais trop. Mais ce qui est important ici dans ce document c'est le

 14   fait qu'il transmet et confirme la légalité de mes ordres à moi. On verra

 15   plus tard que c'est grâce aussi au général Petkovic qu'on réussissait à

 16   évoluer vers ce commandement conjoint, du moins pour ce qui est de

 17   certaines personnalités.

 18   Q.  Dans l'avant-propos de ce document, il est dit que ceci est la suite

 19   des accords arrêtés à une réunion entre représentants de l'ABiH et de

 20   l'état-major du HVO.

 21   Alors, Général, est-ce que vous avez déjà parlé de cette réunion

 22   aujourd'hui ?

 23   R.  Je ne m'en souviens pas. Je ne pense pas. Il m'est difficile de s'en

 24   souvenir de toutes ces réunions il y en a eu énormément. Mais je voulais

 25   dire que je ne suis pas intervenu comme une espèce d'andouille d'individu

 26   qui est venu se mêler de ce qui ne le regardait pas. Je suis allé de Zagreb

 27   parce qu'il est certain que Franjo Tudjman avait eu des accords avec Alija

 28   Izetbegovic, et là-bas, aux côtés de Jaganjac, Petkovic, Arif Pasalic, avec

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  1   la présence de Prkacin aussi, je me suis efforcé de le faire, de défendre

  2   Travnik, et on a réussi. A cette époque-là, il n'y avait pas eu de conflit.

  3   Les conflits ont été interrompus. Je vous parlerais d'actions conjointes où

  4   on a défendu ensemble Travnik, et toute cette période-là allant jusqu'à

  5   après le Nouvel an en 1993. Tout avançait dans le bon sens, dans la bonne

  6   direction, et ça donnait à croire qu'on finirait par réussir.

  7   Q.  Général, vous avez mentionné le lire de Stjepan Siber. Vous avez dit

  8   que vous alliez vous référer.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous le savez, je suis toujours très intéressé

 10   par les documents, et c'est un document important qui accrédite les

 11   documents que nous avons vus tout à l'heure. Mais pour en être bien sûr,

 12   pouvez-vous me dire exactement quelle était la fonction de Jovan Divjak au

 13   sein de l'ABiH ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Chef adjoint de l'état-major principal.

 15   C'était l'homme numéro 3 dans la hiérarchie -- l'homme numéro 2, excusez-

 16   moi, parce que chez eux le chef c'était Sefer Halilovic. C'était lui le

 17   numéro 1, et son adjoint c'était Jovan Divjak. Donc c'est la personnalité

 18   numéro 2 dans la hiérarchie de l'ABiH, à ce moment-là.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors ce document arrive avec le tampon de

 20   Jablanica, arrive le 20 novembre à Jablanica -- à l'ABiH de Jablanica;

 21   c'est bien ça ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Dans les documents

 23   ultérieurs ou d'autres documents, on voit que Jovan Divjak, à l'époque,

 24   était de façon évidente arrivé sur le terrain. Il me semble que par la

 25   suite il avait été mis aux arrêts par certains éléments de l'ABiH -- de

 26   l'ABiH, je dis bien. Donc Jovan Divjak, c'est un Serbe. Il est Serbe, lui,

 27   et pour autant que je sache - et il y a des documents à cet effet - il

 28   avait été accusé de quelque chose là-bas et ils l'ont gardé en prison.

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  1   Enfin, l'armée de la Bosnie-Herzégovine l'avait gardé en prison. C'était

  2   des commandants qui étaient devenus des renégats, à Konjic, et c'est eux

  3   qui l'ont mis en prison.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

  5   Mme PINTER : [interprétation]

  6   Q.  Mon général, juste sous l'intitulé : "Etat-major des forces armées," il

  7   dit : "IKM Konjic."  Qu'est-ce que ça veut dire ?

  8   R.  Ça veut dire "Poste de commandement avancé," et c'est toujours l'état-

  9   major principal de l'ABiH qui envoyait un représentant éminent à un

 10   endroit, et là où se trouvait ce représentant, c'était le poste de

 11   commandement avancé.

 12   Q.  Cet ordre-ci était adressé à Jablanica ?

 13   R.  Oui. C'est des ordres qu'il donne. Je ne suis pas en train de dire ce

 14   qu'il a ordonné.

 15   Q.  Mais le Juge vous a demandé si lui avait été à Jablanica.

 16   R.  Je ne sais pas. Il est certain qu'il se trouvait au départ à Konjic, et

 17   c'était là son poste de commandement avancé.

 18   Q.  Merci.

 19   Mme PINTER : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas

 20   préparé pour aujourd'hui des exemplaires de ce livre de Stjepan Siber. Le

 21   général Praljak veut se référer à une partie. On préparera le livre, et on

 22   l'avait envisagé pour la Bosnie centrale. Mais cela s'incorpore de façon

 23   opportune à ce qu'il est en train de nous dire.

 24   M. STRINGER : [interprétation] Pour le PV, le livre n'a pas -- n'est pas

 25   sur le prétoire électronique, et donc nous avons une objection à ce que ce

 26   soit utilisé en ce moment.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter, alors il y a donc une difficulté dans

 28   vos techniques, mais vous pouvez la contourner en posant la question au

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  1   général Praljak, en disant : M. Siber a écrit un livre. A votre

  2   connaissance, qu'est-ce qu'il a pu écrire dans ce livre par rapport à ce

  3   qu'on vient de voir depuis ? Puis voilà.

  4   Mme PINTER : [interprétation] Je vais éviter d'en parler, mais je me réfère

  5   au 3D 40-1167, à l'affichage électronique, pour ce qui est de la version

  6   anglaise. Il s'agit du document, je l'ai donnée sa référence, 3D 003535. La

  7   version anglaise, c'est le 3D40-1167.

  8   M. STRINGER : [interprétation] C'est le 3D 0 -- je crois qu'il y a un

  9   chiffre de trop dans le procès-verbal, me semble-t-il. C'est 03535 ?

 10   Mme PINTER : [interprétation]

 11   Q.  Mon général, dans ce livre de Stjepan Siber, vous aviez voulu attirer

 12   l'attention de -- sur une partie qui s'incorpore dans ce que nous avons

 13   évoqué aujourd'hui. Alors allez-y.

 14   R.  Nous allons y revenir à ce livre, il s'agit d'un journal de guerre

 15   datant de 1992. C'est intitulé : "Supercheries, erreurs et vérités." Je

 16   voudrais vous donner un bref extrait, c'est daté du 7 octobre 1992.

 17   Pour ce qui est de cette date-là, M. Siber qui, me semble-t-il, était

 18   l'homme numéro 3 au sein de l'ABiH, indique que, pour la journée en

 19   question, il a été convenu d'avoir une réunion, un entretien avec les

 20   représentants du HV. Il dit, au matin, je finis par convaincre Sefer

 21   Halilovic, il faut donc qu'il essaie de convaincre parce qu'il est aussi

 22   informé que Petkovic viendrait, et que Petkovic aussi serait présent aux

 23   entretiens. Sefer, lui, refuse, et il cite :

 24   "Les dires de Sefer, je ne veux pas m'entretenir avec des Oustacha.

 25   C'est tous des Oustacha sauf -- enfin, exception faite de toi-même."

 26   C'est Sefer qui le dit. Siber dit, il le lui dit parce que Siber c'est un

 27   Croate, puis Siber réplique à l'intention de Sefer, je cite :

 28   "Sefer, fais attention à ce que tu dis. SI tu penses que cette déclaration

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  1   que tu viens de faire est musique à mes oreilles, tu te trompes de façon

  2   considérable."

  3   L'autre dit :

  4   "Bon. Je ne faisais que plaisanter," mais en faisant un sourire cynique.

  5   Siber insiste pour qu'on aille à la réunion parce qu'il y aurait Ganic, et

  6   Kljuic de présents, ainsi que d'autres encore; et que Sefer Halilovic, ça

  7   ne se faisait pas de ne pas -- qu'il n'y aille pas.

  8   Sefer Halilovic lui dit :

  9   "Stjepan, tu n'as qu'à mentir. Mens comme tu veux, comme tu l'entends. Dis

 10   que je suis malade, et que j'ai la fièvre, et sors-moi de ce mauvais pas."

 11   C'est Vehbija Karic et un dénommé Bena Fabijan [phon] qui sont allés à la

 12   réunion, et pour ce qui est du HVO de l'Herzégovine, comme ils le

 13   qualifient, ce n'est pas le HVO de l'Herzégovine, mais c'est le HVO tout

 14   court. Il y a eu au bâtiment de la présidence de la République de la HZ

 15   Herceg-Bosna, de présents : Milivoj Petkovic; Blaskic; Kostroman; Zarko

 16   Keza, c'est l'homme du HOS - on l'a déjà évoqué - c'est l'homme numéro un

 17   de l'état-major du HOS; et un dénommé Bandic, c'est le Bandic, Ivan qui a

 18   témoigné ici, il n'y a pas longtemps. De l'autre partie -- de l'autre côté,

 19   il y avait Ganic, Kljuic, Dahic [phon], Hebib, et une équipe de l'ABiH mais

 20   sans la présence de Halilovic.

 21   On dit par la suite que le général Morillon, en compagnie d'un

 22   général Razzak [phon]  --

 23   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si Mme

 24   Pinter a trouvé le moyen de contourner la difficulté que nous avions

 25   soulevée tout à l'heure. Le général lit à partir d'un livre, à moins que je

 26   ne me trompe, nous n'avons pas de traduction en langue anglaise de ce

 27   livre. Donc il insère dans le procès-verbal des passages d'un livre pour

 28   lequel nous n'avons pas de traduction. Ce n'est pas tout à fait approprié.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Sur le plan, vous avez raison. Mais on a cette

  2   difficulté technique, le livre n'est pas rentré dans le système e-court. Le

  3   général Praljak, témoignage sous serment, vous imaginez bien qu'il ne va

  4   pas courir le risque de lire de manière différente pour qu'ensuite on

  5   constate le parjure. Donc quand il lit ce qui a dans le livre, ça doit être

  6   très au mot près de ce qui a dans le livre.

  7   Maintenant, sur la traduction, il a lu dans sa langue. Mais

  8   l'interprète en anglais vous a traduit, et a traduit également en français,

  9   donc on arrive à suivre. Maintenant, bien entendu, tant que nous n'avons

 10   pas ce livre et les pages traduites, ça ne serait pas admis. On est bien

 11   d'accord là-dessus.

 12   La seule question qui était intéressante de savoir, y a-t-il eu cette

 13   réunion ? Apparemment oui, puisque Siber le dit.

 14   Deuxièmement, et au moment où vous avez interrompu le général

 15   Praljak, il semblerait que j'ai cru entendre qu'il y avait aussi le général

 16   Morillon. Alors voilà, mais vous l'avez interrompu alors je ne sais pas

 17   très bien si c'est ça qu'il a voulu dire.

 18   Quoi qu'il en soit, il y a une erreur dans le transcript, mais je

 19   n'ai plus la ligne parce qu'à un moment donné, dans le texte anglais, il

 20   est indiqué "VONS," alors que j'ai cru comprendre que le général Praljak

 21   avait dit que c'était quelqu'un du "HOS."

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, du "VONS," c'est le service de

 23   Renseignements militaires. Ça fait partie de l'état-major du HVO. C'est

 24   Zarko Keza qui se trouvait à la tête de celui-ci, et mis à part le général

 25   Morillon, il y avait le général Razzak Korvazak [phon], je pense. Le livre

 26   est traduit. Je n'ai fait qu'en parler délibérément puisqu'on a été en

 27   train de parler de cela, j'ai donc voulu montrer qui est-ce qui minait la

 28   totalité des efforts déployés.

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  1   Alors il y a M. Sefer Halilovic, le chef de l'état-major principal de

  2   l'ABiH, et son collègue d'hier, dans les rangs de la JNA, il y avait son

  3   homologue, le général Petkovic, et tout nous autres les Oustachi, nous et

  4   vous allez le voir, ultérieurement, dans ces déclarations à ses yeux, on a

  5   des Oustacha. Avec cet homme-là, on ne pouvait rien établir de bien du

  6   tout. Je peux vous apporter des éléments de preuve à cet effet parce qu'il

  7   a été interrogé par l'ABiH. Il avait été le collaborateur du KOS, du

  8   service du Contre-renseignement de l'armée populaire yougoslave. C'est ce

  9   que je veux démontrer ici, faire voir comment les efforts périclitent et

 10   pourquoi ils périclitent.

 11   Petkovic, avec son équipe, ils vont tous à Sarajevo avec, bien sûr,

 12   le savoir de Morillon, c'est évident. Sefer Halilovic dit : tu n'as qu'à

 13   mentir, je ne veux pas aller négocier avec des Oustacha; et il le dira à

 14   Genève, il le dira partout ailleurs. Donc c'est cela la substance de ce

 15   dont je suis en train de parler ici.

 16   Alors pourquoi ces efforts terribles de plusieurs mois qu'on a

 17   déployés pendant des mois et des mois, tombent à l'eau ? Ce sont des

 18   phrases de ce type.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a quelque chose que je ne comprends pas.

 20   Vous nous dites que Halilovic jouait un jeu qui semblait ne pas être dans

 21   la ligne de M. Izetbegovic. Moi, c'est ce que je crois comprendre, mais à

 22   ce moment-là, était-il en accord avec les jeunes Musulmans dont on a parlé

 23   hier, ou bien était-il sous la dépendance du KOS serbe, ou bien jouait-il

 24   un jeu à lui personnel ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Premièrement, il n'était pas un jeune

 26   Musulman. Deuxièmement, petit B, il s'inscrivait complètement en opposition

 27   par rapport à Izetbegovic et il sapait toutes les tentatives de ce dernier.

 28   J'expliquerais comment c'était écrit dans ce livre, et c'est un autre

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  1   général de l'ABiH qui l'écrit. Il utilisait les termes les plus

  2   dépréciatifs pour le désigner, lorsqu'il parlait d'Izetbegovic, il le

  3   désignait de vieux péteux. C'est ainsi que ce sont de grands généraux

  4   musulmans qui mentionnent tout cela. Est-il resté ainsi pendant toute la

  5   durée de la guerre ? Je laisse à votre propre appréciation.

  6   Toutefois c'est ainsi que les choses se présentaient et c'est cela

  7   qui a amené à l'attaque de l'ABiH contre le HVO, par lui et ses semblables.

  8   Par lui qui nous considérait comme des Oustacha. Tout juste jusqu'à

  9   l'opération Neretva 93 était dirigé contre les Croates et contre le HVO.

 10   C'est ce que j'affirme et c'est ce que démontre, alors ce n'est pas Praljak

 11   qui confirme cela c'est Siber. Le général Muslimovic aussi dans son ouvrage

 12   ainsi que Sefer Halilovic dans son propre ouvrage.

 13   Je vais demander le versement. Je le présenterais mais je voudrais

 14   que MM. les Juges sachent les raisons qui sont derrière tout cela. Pourquoi

 15   tout cela périclite, tout ce dont je m'entretiens avec Jaganjac, avec les

 16   autres, non pas parce que le HVO souhaitait cela mais parce que ces

 17   personnes de l'ABiH ont créé ce conflit, l'ont mis à l'œuvre et ont attaqué

 18   le HVO ?

 19   Mme PINTER : [interprétation] Pour l'information de la Chambre, la

 20   traduction anglaise de cet ouvrage se trouve en page 3D 02 -- c'est le

 21   document 3D 02647. Mais la page qu'a lue le général a déjà été donnée

 22   précédemment, c'est la 3D 40-1167. Je me suis trompée car nous avons deux

 23   numéros pour cet ouvrage, l'un pour la version croate, l'autre pour la

 24   version anglaise. C'est pourquoi je me suis trompée lorsque je citais pour

 25   la première fois ce document.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous citez des chiffres, dites-le lentement

 27   parce que vous avez vu qu'il y a toujours des erreurs. Donc ralentissez

 28   pour donner les chiffres parce que les interprètes font des exploits, mais

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  1   à un moment donné, malheureusement, ils ne peuvent pas suivre.

  2   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je vais faire

  3   un effort.

  4   Alors le numéro du document est le 3D 02647, et il s'y trouve donc

  5   également la traduction anglaise de cet ouvrage.

  6   M. STRINGER : [interprétation] J'apprécie le fait que le conseil de la

  7   Défense nous donne la référence maintenant que le Général Praljak a terminé

  8   la lecture de ce document. Ça aurait été utile un peu plus tôt.

  9   Mme PINTER : [interprétation] Moi, non plus je n'en disposais pas jusqu'à

 10   maintenant.

 11   Q.  Général, nous pourrions maintenant passer à la partie de votre

 12   déposition qui concerne Jajce qui concerne les événements avant la chute de

 13   Jajce, pendant et après, et ainsi qu'à vos activités qui ont trait à Jajce.

 14   R.  Merci.

 15   Q.  Juste un instant.

 16   Mme PINTER : [interprétation] Pour les Juges de la Chambre, nous avons

 17   remis un fascicule intitulé : "Jajce 1992."

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais d'abord donner une vision d'ensemble.

 19   Donc après ce début d'apaisement autour de Vakuf, Konjic, Rama, je suis

 20   revenu vaquer à mes occupations à Zagreb, et ensuite le Dr Gveric est venu

 21   me voir mais, moi aussi, évidemment, j'avais entendu cette information

 22   selon laquelle la chute de Jajce était imminente. Le Dr Gveric demandait de

 23   l'aide en ce qui concernait cette espèce d'autocar monstrueux, un autocar

 24   blindé qui devait permettre l'extraction des blessés de Jajce.

 25   Mme PINTER : [interprétation]

 26   Q.  Où se trouvait le Dr Gveric ? Qui est-ce ? Qui est-ce ?

 27   R.  C'est le Dr Gveric du HVO, donc de l'état-major de la Section chargée

 28   des Affaires médicales. Lorsque nous avons équipé cet autobus, lorsque nous

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  1   avons fait le plein d'essence, sachant quelle était la situation sur place,

  2   je m'y suis rendu, moi aussi. Or après il y a eu de nouveau une réunion

  3   avec Petkovic, une réunion rapide et nous essayons de voir s'il existait la

  4   moindre chance d'envoyer là-bas des unités qui permettraient d'apporter une

  5   aide pour essayer de sauver Jajce. Le général Petkovic a approuvé l'envoi

  6   de certaines unités du HVO vers Jajce.

  7   Deuxièmement, certaines parties de la police militaire de l'ABiH de

  8   Mostar étaient également censées prendre la direction de Jajce.

  9   Troisièmement, Prkacin qu était un général du HOS et qui avait été

 10   reconnu par M. Izetbegovic comme représentant une partie de l'ABiH a de son

 11   côté amené un groupe de 400 hommes à Capljina, des hommes qui s'étaient

 12   présentés comme volontaires en provenance de Croatie pour aller défendre

 13   Jajce.

 14   Ce groupe de 400 hommes était composé à plus de 70 % de Musulmans, et

 15   ce groupe était censé être armé et équipé dans la caserne de Capljina, et

 16   c'est une question dont a eu à traiter le général Prkacin conjointement

 17   avec Bruno Stojic afin de leur fournir les armes et les équipements

 18   nécessaires. Après que ces hommes ont été équipés, ils sont partis en

 19   direction de Jajce, et il y a un rapport extrêmement précis concernant ce

 20   que je veux dire. Il existe un rapport qui fait état de la situation

 21   absolument incroyable où nous nous retrouvons à savoir que l'ABiH ne permet

 22   pas le passage de ces unités de taille plus petites et ce groupe un peu

 23   plus grand de 400 personnes. Car 400 hommes ça représentait beaucoup de

 24   monde dans les circonstances et l'ABiH ne les laisse même pas passer même

 25   vers Gornji Vakuf et encore moins au-delà de Gornji Vakuf à travers la zone

 26   dont ils avaient le contrôle, l'ABiH donc ne laisse pas ces unités passées

 27   alors quelles ont pour objectif de participer à la défense de Jajce.

 28   Alors, premièrement, cela est tout à fait incompréhensible. S'il

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  1   existait la moindre volonté de leur part de mener des combats

  2   conjointement; et deuxièmement, cela représente une indication que quelque

  3   chose, qu'il y a quelque chose de pourri dans l'ensemble de ce jeu qu'ils

  4   mènent avec nous et cela tend à indiquer qu'ils nous considèrent ni plus ni

  5   moins comme des ennemis.

  6   Alors pour ce qui est de Prkacin, on reviendra à son rapport. On

  7   verra tout ce qu'il a essayé de faire et à quel point on l'a mené en bateau

  8   sur cette route qu'il avait prise pendant des jours et des jours, et

  9   finalement, ils n'ont pas réussi à passer et ils ont rebroussé chemin. La

 10   police militaire, qui a été envoyée pour venir en aide, elle non plus n'a

 11   pas pu passer, la police militaire du HVO. La police militaire de l'ABiH,

 12   elle non plus n'a pas réussi à passer. On les a, on leur a fait rebrousser

 13   le chemin. Alors vous pouvez essayer de comprendre cela et éventuellement

 14   on a adopté un point de vue complètement différent.

 15   Moi, j'ai réussi à passer ces points de contrôle parce que, si

 16   quelqu'un m'arrête, bon, moi, je pique une crise et puis le temps que la

 17   personne s'y retrouve, je réussis à passer mais la situation à Travnik

 18   était désespérée, qu'il s'agisse des soldats qui avaient déjà traversés en

 19   trombe la ville et qui étaient partis, et les soldats du HVO sont partis en

 20   direction de l'Herzégovine. Personne ne pouvait les arrêter. Les soldats de

 21   l'ABiH eux sont partis en direction de Vakuf. Il s'agit de cette brigade

 22   qui ensuite a été constituée, la Brigade de Jajce à Vakuf mais personne ne

 23   s'attardait à Travnik. Il s'y trouvait dans le poste de commandement de

 24   l'ABiH dans une maison qui s'appelait "Les eaux bleus," et ce poste de

 25   commandement se trouvait sous l'autorité de Tihomir Blaskic qui en était le

 26   commandement, et il n'y avait tout simplement pas de lignes de défense.

 27   C'est là que lorsqu'il est revenu avec son unité, Prkacin a opéré une

 28   percée lorsqu'il a été contraint de rebrousser chemin et il est revenu avec

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  1   ses hommes, donc lui il est passé. Ensuite mais plus tard, Arif Pasalic est

  2   arrivé et lui aussi est passé.

  3   Mais moi, au début j'étais seul avec Blaskic et c'est de ma propre

  4   initiative encore une fois que j'ai pris en charge la direction de tout ce

  5   chaos. J'ai essayé de maîtriser cette situation chaotique et pour la raison

  6   suivante car Blaskic était un soldat, un commandant de bataillon et il

  7   était en quelque sorte, il avait son propre point de vue. Par exemple,

  8   lorsque nous aurions dû établir une ligne de défense pour que les Serbes

  9   n'opèrent pas une percée, alors même que ces derniers continuent à avancer

 10   peu à peu en provenance de Jajce, donc ils n'avancent pas selon une logique

 11   militaire conforme à ce qu'on trouve dans les armées occidentales;

 12   autrement, ils auraient pu avancer jusqu'à Sarajevo sans aucuns problèmes,

 13   mais ils s'arrêtaient dans les différents villages, puis ils s'arrêtaient

 14   pour boire et ensuite ils avançaient de nouveau et cela nous laissait une

 15   marge de manœuvre et une possibilité d'entreprendre quelque chose. 

 16   Avec Blaskic, nous avions établi les endroits où nous allions essayer

 17   de faire cela. On avait convenu du creusement de tranchées avec des

 18   pelotons du génie et il s'agissait d'établir une défense appropriée et cela

 19   ils savaient le faire. Mais lorsqu'il a demandé l'aide des gens pour qu'on

 20   lui donne des planches et tout ce qui était nécessaire, il est revenu me

 21   voir en me disant que personne ne voulait lui venir en aide et qu'il me

 22   demandait de lui délivrer des attestations pour pouvoir obtenir tous ces

 23   matériaux. Moi, je lui ai répondu : mais va te faire foutre avec tes

 24   attestations, force-les, menace-les, fais tout ce qu'il sera nécessaire,

 25   fais tout ce que tu voudras pour obtenir ce dont tu as besoin, et j'ai

 26   alors posté des personnes donc j'ai vu que je pouvais avoir, donc j'ai vu

 27   que je pouvais avoir confiance en elles à deux points de passage à la

 28   sortie de Travnik. Je leur ai dit que personne ne devait sortir de Travnik

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  1   à moins d'avoir l'autorisation de le faire de ma part. La première personne

  2   qui a été ainsi renvoyée de ce point de contrôle était l'adjoint du numéro

  3   un de Travnik, c'était un Croate. Le numéro un était un Musulman. Le numéro

  4   deux était donc un Croate et ils m'ont demandé : avez-vous un permis de

  5   Praljak ? Il a répondu : non, et donc ils lui ont fait faire machine

  6   arrière. Quand ils sont -- quand il est revenu, il y avait là un groupe de

  7   personnes qui étaient là pour voir ce qui allait se passer. Je lui ai

  8   demandé : mais alors où es-tu parti, ou t'apprêtais-tu à partir ? Il m'a

  9   répondu; j'ai pris la direction de Split, je voulais aller à Split pour

 10   commencer à préparer la défense de Travnik.

 11   Alors qu'est-ce que cela veut dire ? On voit un dirigeant politique qui

 12   fuit et qui a l'audace de me dire qu'il se rend à Split où il entend

 13   commencer avec les préparatifs de la défense de Travnik. Je lui ai donné un

 14   coup de pied au cul devant toutes les personnes qui étaient là pour envoyer

 15   un message aux autres, pour leur dire que j'étais maintenant dans la

 16   fonction de commandant sur place et qu'aucun homme politique, aucun enculé

 17   d'homme politique n'allait m'entraver dans mes travaux et que j'allais

 18   défendre cette ville.

 19   Nous avons réussi à creuser ces tranchées. Alors, parallèlement, il y

 20   a des pilonnages constants de Travnik en provenance de Vlasic, des forces

 21   serbes et c'est une situation de roulette russe dans laquelle nous sommes.

 22   C'est tout vibre du fait de ces pilonnages permanents. Nous savions que,

 23   dans ces unités, il y avait des hommes extraordinaires du côté musulman, un

 24   certain Lajho [phon] et d'autres, tous ceux qui n'avaient cure de ce qui

 25   pouvait bien leur arriver.

 26   C'est alors comprenant que les unités que nous allions envoyer à ces

 27   positions après la chute de Jajce allaient être des unités particulièrement

 28   vulnérables et quelles ne seraient pas en mesure de repousser l'attaque

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  1   serbe, j'ai demandé auprès de Blaskic que l'entreprise Bratstvo fraternité,

  2   qui s'occupait de produire du matériel de guerre, fournisse 100 personnes.

  3   J'ai demandé qu'on y procède au rassemblement de 100 personnes et c'était

  4   là une question d'heures. J'ai demandé que l'on aille particulièrement

  5   vite. Donc j'ai demandé que ces 100 personnes fabriquent une centaine de

  6   mines téléguidées qu'on appelle "MRUD" qui peuvent être placées à une

  7   distance de 50, 60 ou 70 mètres avant les lignes de défense et elles sont

  8   activées par des détonateurs électriques. J'étais certain que ce sont des

  9   explosifs qui ont un impact puissant et avec ces hommes courageux j'étais

 10   certain que si l'on disposait de ce type de matériel que l'on déclenchait

 11   son explosion, cela permettrait de repousser les Serbes et de nous donner

 12   un ou deux jours de répit supplémentaire pour continuer à nous organiser.

 13   Il était près de 2 heures du matin, moi, je ne dormais pas. Je venais

 14   juste de revenir d'un village sous le mont Vlasic où j'ai pris quelques

 15   personnes en route et j'ai trouvé Blaskic au téléphone qui était au

 16   téléphone manifestement avec le directeur général de cette entreprise.

 17   Alors cela durait tellement longtemps qu'à la fin je lui ai demandé de me

 18   dire avec qui il était en train de parler, alors il m'a alors dit que

 19   c'était le directeur et j'ai pris alors le combiné et j'ai demandé au

 20   directeur s'il avait reçu l'ordre de se rendre là-bas avec ses hommes pour

 21   réaliser ce plan. La réponse que j'ai reçu du directeur c'est : mais est-ce

 22   que vous savez quelle heure il est et comment ose-t-on le déranger à 2

 23   heures du matin ?

 24   Alors il faut ici aussi savoir que cette entreprise était une grande

 25   entreprise de production d'armes dans l'ex-Yougoslavie et lui c'était comme

 26   un petit Dieu local et aucun Blaskic ou Praljak ne pouvait dans son esprit

 27   le déranger.

 28   Après qu'il a prononcé cela, alors on estime qu'en Europe ce sont les

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  1   Hongrois, les Croates et les Italiens qui ont le répertoire d'injures le

  2   plus étendus, mais c'est les injures que j'ai alors proférées sont

  3   probablement une combinaison de celles dont disposent l'ensemble de ces

  4   trois peuples, je ne vais pas dire ce que j'ai utilisé alors et j'ai envoyé

  5   ensuite la police militaire pour qu'il soit procédé à son arrestation pour

  6   qu'il soit amené dans son entreprise attaché à un radiateur et qu'à 8

  7   heures du matin il sera exécuté.

  8   Alors il est inutile de dire, Messieurs les Juges, que je ne l'ai pas

  9   fait exécuter et que deux jours plus tard je prenais un café avec lui, mais

 10   dans un tel instant il avait l'obligation -- il y avait tout simplement

 11   l'obligation de prendre en charge cette responsabilité et de veiller à la

 12   mise en œuvre de cet ordre, et non seulement j'ai réussi à obtenir ces 100

 13   mines de type MRUD, mais après, j'en ai eu encore des centaines d'autres.

 14   Nous avons établi notre défense et pour être bref, la défense de

 15   Travnik a été couronnée de succès et ils n'ont pas réussi à opérer de

 16   percée.

 17   Juste encore une chose pour aujourd'hui. Il y avait une unité

 18   d'hommes assez jeunes qui se trouvaient à une position où sont tombés deux

 19   obus, enfin et ils se sont dispersés et en fuite. Alors nous verrons cela

 20   mais, Messieurs les Juges, cela correspond à ces films que j'ai tournés

 21   ultérieurement à titre documentaire. Bien je les ai convoqués, je leur ai

 22   demandé pourquoi ils avaient fui et j'ai demandé qui étaient les officiers.

 23   Il y en a deux qui sont deux ou trois qui ont avancé et qui ont dit qu'ils

 24   étaient les officiers. Je leur ai alors dit qu'ils allaient aller en prison

 25   et les autres ont dit qu'eux aussi ils voulaient aller en prison, qu'ils ne

 26   voulaient pas revenir à leur position.

 27   Alors face à une situation de cette nature, j'ai dit : déshabillez-

 28   vous, enlevez ces uniformes, ce sont des uniformes du peuple croate et je

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  1   ne voulais pas les leur laisser, et une fois qu'ils ont enlevé leurs

  2   uniformes, il faisait froid, ils ont réfléchi à deux fois et ils ont

  3   commencé à dire qu'ils ne voulaient pas aller en prison mais qu'ils étaient

  4   prêts à retourner à leur position.

  5   Là, de nouveau, vous devez changer de casquette. Vous devez vous

  6   transformer en père, tenir un discours complètement différent après les

  7   avoir menacés. Tout cela ce ne sont pas des capacités de nature militaire.

  8   Ce ne sont que partiellement des capacités d'ordre militaire.

  9   Dans une situation de décomposition telle quelle se présentait, je

 10   fais simplement état des faits tels qu'ils se sont présentés. Et pour

 11   finir, nous avons donc réussi, j'ai réussi à mettre en marche aussi bien le

 12   HVO qu'une partie de l'ABiH bien que certaines parties, par exemple, de

 13   Refik Lendo, qui m'affirmait qu'il avait trois bataillons de réserve, cela

 14   je ne pouvais l'obtenir même dans mes rêves les plus fous, il les gardait

 15   en réserve, il les cachait, je ne sais pas pour quel objectif. Donc, moi,

 16   lors des réunions, je leur disais de façon très précise que manifestement

 17   ces bataillons de réserve, il les conservait pour régler leur compte avec

 18   nous car ils ne voulaient pas les lancer dans la bataille contre les

 19   Serbes.

 20   Alors le résultat de tout cela, c'est que Travnik a été défendu, et

 21   que la Bosnie centrale, qui n'avait aucune défense jusqu'à Sarajevo, avait

 22   été défendue. Quant à la façon dont cela a été fait, je vous l'ai décrit

 23   pleinement.

 24   Q.  Général, l'enregistrement vidéo est prêt. Si vous le souhaitez, nous

 25   pouvons maintenant le montrer.

 26   R.  [aucune interprétation]

 27   Q.  C'est par ailleurs la pièce 3D 03114, transcript numéro 2.

 28   M. LE JUGE MINDUA : Maître Pinter, excusez-moi.

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  1   Monsieur le Témoin Praljak, ici encore une fois je reviens à ma

  2   préoccupation d'avant. Le résultat final était bon. Il y a eu de l'ordre à

  3   Travnik. Vous avez eu les armes que vous vouliez avoir mais ce qui

  4   m'inquiète c'est la méthode parce que vous, vous arrêtez le "big boss,"

  5   vous l'attachez au radiateur et vous le menacez d'exécution; bien

  6   évidemment, vous ne l'avez pas exécuté, parce que le matin ou quelques

  7   jours après vous avez eu une tasse de café avec lui. Mais la question que

  8   je me pose, est-ce que ce n'est pas une menace ? Qu'est-ce que cela donne

  9   comme effet dans la tête des troupes que vous avez ? Est-ce que vos troupes

 10   étaient autorisées aussi à menacer d'exécution des personnes ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, non.

 12   Tout d'abord, mes soldats -- ou plutôt, ceux qui restaient, ceux qui

 13   étaient restés ont vu qu'il y avait là. Tout d'abord, moi, j'ai reçu, on

 14   m'a fourni pratiquement un millier de mines de type MRUD, sans cela tout

 15   serait tombé à l'eau.

 16   Deuxièmement, cette menace, c'est une mise en scène de ma part.

 17   Troisièmement, c'est après deux jours à peine, je me suis montré

 18   publiquement avec cet homme et tous ont compris et savaient de quoi il

 19   s'agissait. Enfin, la chose la plus importante, peut-être il est exact que,

 20   dans des circonstances normales, cet homme aurait pu porter plainte contre

 21   moi. Mais il s'agissait d'une guerre dans laquelle nous avons cet homme qui

 22   refuse de produire des mines alors qu'on a déjà proclamé la mobilisation

 23   générale. Mais c'est lui qui aurait été emmené au Peloton d'exécution dans

 24   n'importe quelle armée.

 25   L'état est en guerre, cette entreprise n'est pas sa propriété privée,

 26   mais la propriété de la République de la Bosnie-Herzégovine, qui a émis un

 27   avis de mobilisation générale. La guerre a été déclarée. Sans rencontrer de

 28   grandes difficultés, j'aurais pu le faire exécuter pour son refus de

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  1   participer à la défense de l'Etat. Bien entendu, dans une armée normale au

  2   cours de la Seconde Guerre mondiale, dans l'armée française ou dans une

  3   autre armée, cet homme aurait été exécuté.

  4   Or, les soldats me connaissaient trop bien pour que quiconque parmi

  5   eux puisse s'imaginer qu'il pouvait menacer quelqu'un qui s'était montré

  6   publiquement avec moi, qui avait pris un café avec moi ou lui-même ou un

  7   autre directeur originaire de Vitez, et je maintiens cela. Si j'avais cédé

  8   devant cet homme et si j'avais commencé à entrer dans des discussions

  9   interminables avec lui, comme l'a fait Blaskic, il n'y aurait pas eu de

 10   défense de Travnik et Travnik serait tombé. C'est pour cela que j'assume

 11   aujourd'hui encore cette décision qui a été la mienne, car elle est le

 12   résultat de l'ensemble de mes réflexions. Par rapport à ce que vous

 13   demandez, c'est la guerre qui nous amène des décisions que nous prenons. Je

 14   maintiens cette décision qui a été la mienne. Car entre menacer un

 15   imbécile, qui est en train de trahir son propre pays, et d'autre part,

 16   permettre que 150 000 personnes en Bosnie centrale connaissent le sort qui

 17   était prévisible, à savoir on aurait couper en deux la Bosnie centrale.

 18   Dans cet instant précis, c'était mon sentiment personne et moral, et la

 19   conception que j'avais aussi bien de l'armée de la défense du pays qui a

 20   prévalu.

 21   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Pardonnez-moi, j'ai écouté la question et la

 23   réponse. Je ne sais pas si la réponse correspondait à la question. La

 24   question était de savoir si par les actions que vous avez menées ceci

 25   n'aurait pas donné l'impression qui était la bonne aux soldats, autrement

 26   dit, leur donner le feu vert pour qu'ils puissent agir d'eux-mêmes. C'est à

 27   cette question-là qu'il faut répondre. Par opposition à ce que vous venez

 28   de dire, ceci avait trait à votre propre comportement. A mon sens, il

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  1   serait bien de répondre de façon concrète à votre question.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, la question de mon collègue en

  3   réalité visait à l'exemple qui est donné par un commandant. Si le

  4   commandant donne un exemple d'emportement, ça peut avoir un effet sur la

  5   troupe. Sur cet aspect, vous n'avez pas répondu.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. L'exemple donné, l'exemple donné

  7   par le commandement c'est la chose la plus importante, en temps de guerre.

  8   Mais il faut prendre en compte tous les exemples de comportement qu'a donné

  9   ce commandement. Or, tous mes soldats connaissaient le comportement qui

 10   avait été le mien à Capljina, à Mostar, dans la défense de Travnik tout

 11   comme ailleurs. Et, ils savaient exactement comment se comporte leur

 12   commandant. Un exemple isolé aurait assurément pu être un mauvais exemple,

 13   mais les soldats parlent entre eux de leur commandant. Tous les soldats du

 14   HVO, tous les commandants du HVO, une majorité des soldats de l'ABiH

 15   savaient quel avait été mon comportement de Capljina en passant par Mostar

 16   et à Konjic ainsi qu'ailleurs. Ils en parlaient. Quant à l'ensemble de mon

 17   comportement et de l'exemple que je pouvais donner, ils étaient tels que

 18   vous avez pu le voir, à savoir que je mettais ma propre peau en jeu pour

 19   que quelqu'un ne commette pas un crime.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : On va arrêter l'audience de ce jour, parce qu'il

 21   reste quelques secondes.

 22   Mais avant cela, je voulais demander à Me Kovacic -- il y a plusieurs

 23   semaines, je vous avais demandé de me donner la liste des documents que

 24   vous, vous estimez faux. J'attends toujours cette liste parce que, comme je

 25   me prépare pour les questions que je poserais à M. Praljak, ça m'aurait été

 26   utile d'avoir ces documents.

 27   M. KOVACIC : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président, nous

 28   sommes tout à fait conscients de cela et nous y travaillions. Le seul

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  1   problème qui s'est posé à nous, c'est que pendant un certain temps, nous

  2   n'avons pas pu mettre la main sur tous les documents dans le témoignage de

  3   M. Praljak, et dans l'affaire Naletilic. Il semble qu'il y a une confusion

  4   au niveau des chiffres. Nous savons pour sûr qu'il y a un document qui nous

  5   intéresse, mais nous avons du mal à le retrouver, à retrouver les numéros

  6   des documents dans l'affaire Naletilic, qui sont les numéros qui sont

  7   utiles dans cette affaire-ci. J'espère que dans trois jours nous pourrons

  8   résoudre ce problème.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Il est donc -- nous avons déjà dépassé

 10   l'heure, alors comme vous le savez, nous nous retrouverons donc demain à 9

 11   heures.

 12   Pour la Défense de M. Praljak, j'indique que vous avez utilisé déjà 23

 13   heures et 40 minutes.

 14   Merci et donc à demain.

 15   --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le jeudi 21 mai

 16   2009, à 9 heures 00.

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