Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 1er juillet 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   [Les accusés Prlic et Coric sont absents]

  6   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

 10   tout le monde dans le prétoire.

 11   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et

 12   consorts.

 13   Je vous remercie.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 15   En ce mercredi 1er juillet 2009, je salue toutes les personnes présentes,

 16   notamment M. Praljak. Je salue également MM. Stojic, Petkovic et Pusic. Je

 17   salue Mmes et MM. les avocats. Je salue principalement Me Khan qui n'arrêt

 18   pas d'être présent dans les enceintes judiciaires et dans les salles

 19   d'audience du matin au soir. Je salue également M. Stringer, et je salue

 20   toutes les personnes qui nous assistent.

 21   Je crois comprendre que Me Alaburic a quelque chose à nous dire.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

 23   Messieurs les Juges. Bonjour à tous et à toutes dans le prétoire.

 24   Je voulais me prononcer au sujet de l'offre que vous avez avancé

 25   hier, à savoir que le temps complémentaire que j'estimerais nécessaire pour

 26   le contre-interrogatoire du général Praljak soit utilisé au détriment du

 27   temps imparti à la Défense du général Petkovic. Alors je tiens à vous

 28   remercier une fois de plus pour cette porte ouverte et je crois que cette


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  1   proposition a été faite de tout à fait bonne foi. Mais je suis navrée et ne

  2   puis accepter la proposition que vous avez avancée pour les raisons

  3   suivantes qui sont liées à des principes.

  4   La Défense du général Petkovic a demandé un temps complémentaire pour

  5   entendre un témoin expert de l'accusé, M. Bruno Stojic, et ceci

  6   conformément aux lignes directrices fournies en temps utile avec un exposé

  7   des motifs appropriés. Notre demande pour un total de quatre heures, aux

  8   fins de procéder au contre-interrogatoire de ce témoin important, n'a pas

  9   été acceptée. Les Juges de la Chambre nous ont fourni l'opportunité de

 10   contre-interroger pendant une heure et demie. La Défense du général

 11   Petkovic, considérant que c'est déjà une coutume habituelle que de voir la

 12   Défense disposer librement du temps qui lui est imparti pour la

 13   présentation de ses éléments à décharge, a adressé aux Juges de la Chambre,

 14   au 15 décembre 2008, une information, un avis pour ce qui est de se

 15   proposer d'utiliser ces deux heures et demie, deux heures et demie de son

 16   propre temps. Puis le 12 janvier 2009, deux semaines plus tard -- ou un

 17   mois plus tard, proprio motu, les Juges de la Chambre ont fait savoir que

 18   c'était une nouvelle demande de temps complémentaire de la part de la

 19   Défense du général Petkovic, et la demande en question a été rejetée.

 20   Or, la Défense du général Petkovic a présenté une demande en

 21   reconsidération de cette décision et a demandé aussi interjeter appel

 22   contre cette décision. Mais les demandes en question n'ont pas été

 23   acceptées, ont été rejetées. Donc il n'a pas été fourni à la Défense du

 24   général Petkovic de prendre sur son propre temps pour interroger -- ou

 25   contre-interroger M. Dvor Marijan, le témoin expert de la Défense de M.

 26   Stojic, pour ce qui est de la durée qu'elle avait estimé être nécessaire.

 27   Nous avons estimé que ceci a créé une règle, à savoir que la Défense ne

 28   pouvait pas disposer de son temps de façon à prolonger le contre-


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  1   interrogatoire d'un témoin d'une autre équipe de la Défense. Alors en se

  2   conformant à ce type de positions adoptées par les Juges de la Chambre, la

  3   Défense du général Petkovic, pendant les présentations des éléments à

  4   décharge de M. Bruno Stojic, n'a plus redemandé la même chose.

  5   La proposition faite hier semble avoir fait modifier la position adoptée

  6   par les Juges de la Chambre initialement sur ce point-là. Alors aux fins

  7   d'éviter toute confusion pour ce qui est de cette question de taille, la

  8   Défense du général Petkovic présente, en ce moment-ci, une requête verbale

  9   pour requérir justement auprès des Juges de la Chambre une définition de

 10   ses propres positions pour ce qui est du droit d'utiliser le temps imparti

 11   à tout un chacun pour ce qui est de prolonger les contre-interrogatoires

 12   des témoins des autres équipes de la Défense, à savoir définir s'il y a eu

 13   modification de la position prise à l'occasion de la présentation des

 14   éléments à décharge de M. Bruno Stojic.

 15   La Défense de M. Petkovic estime qu'une modification de la position de la

 16   Chambre sur cette question importante porterait atteinte aux droits des

 17   accusés à un procès équitable en application des statuts, et notamment de

 18   leur article numéro 20, et de l'article 21, pour ce qui est de l'égalité

 19   des armes pour ce qui est des accusés. Bien entendu, la Défense du général

 20   Petkovic a évalué, de façon erronée, l'argumentation pour cible de cette

 21   modification de la position de la part de la Chambre si modification il y

 22   a, et nous estimons que la décision qui sera prise concernant cette requête

 23   verbale sera donc, nous le supposons, bien argumentée et nous verrons s'il

 24   y aura lieu de proposer des arguments aux fins de s'y opposer.

 25   La Défense du général Petkovic, si cette décision venait à ne pas être

 26   contraire aux dispositions du Statut et du Règlement, nous ne nous y

 27   opposerons pas. Mais si modification de la position prise par la Chambre,

 28   il y aurait privilège attribué à une équipe de la Défense au détriment


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  1   d'une autre équipe de la Défense, dans le cas concret, le général Praljak

  2   et peut-être bientôt la Défense du général Petkovic, nous nous opposerons à

  3   cette modification dans les comportements adoptés jusqu'à présent dans ce

  4   procès.

  5   Nous vous remercions de votre patience, Messieurs les Juges.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : On va délibérer et rendra une décision. Je vais

  7   donner la parole à mon collègue.

  8   Mais à titre personnel, je vais vous dire ceci. Je l'ai écrit dans X

  9   opinion et je le reprécise. Pour moi, le contre-interrogatoire au sens de

 10   la "common law," tel que ça résulte du Règlement, c'est dans le cas où ce

 11   que dit le témoin, y compris l'accusé porte atteinte à vos propres

 12   intérêts. Or, jusqu'à présent, je ne vois pas en quoi les intérêts de M.

 13   Petkovic sont divergents de M. Praljak. Ça il faudra me le démontrer. Je ne

 14   vois pas en quoi, pendant les dizaines d'heures dans lequel M. Praljak a

 15   témoigné, il a pu mettre en cause M. Petkovic en quoi que ce soit. Ça c'est

 16   le premier point.

 17   Le deuxième point : ce matin, j'écoutais comme chaque fois que j'ai

 18   l'occasion les autres procès pour m'éduquer, et en écoutant le procès, la

 19   mise en état de M. Karadzic, qu'est-ce que j'ai constaté ? Que, dans le

 20   temps qui est prévu pour les contre-interrogatoires, le Juge Bonomy en

 21   personne a indiqué qu'il y aura 60 % du temps.

 22   Or, ici, comme vous le savez, le contre-interrogatoire on fait

 23   quasiment 100 % du temps pour la Défense quand c'est l'Accusation et vice

 24   versa, donc on a été excessivement généreux; de mon point de vue, trop

 25   généreux. On aurait dû limiter, et en ne limitant pas, voilà les problèmes

 26   que vous posez.

 27   Troisièmement, nous avons accordé 45 minutes supplémentaires par

 28   rapport aux quatre heures, en prenant sur le temps que M. Pusic ne va pas


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  1   utiliser; nous avions fait preuve de générosité, croyez-moi. Ça ne vous

  2   convenait pas. La Chambre, qui a délibéré hier, et vous le savez, a dit :

  3   bon, si elle veut du temps, elle n'a qu'à prendre sur son crédit qu'elle a.

  4   Donc il ne pouvait pas y avoir plus généreux. Donc ça ne vous convient

  5   toujours pas et vous reposez le problème, en parlant des grands principes,

  6   égalité des armes, et cetera.

  7   Moi, en tant que Juriste, je vous dis, que ni dans le Statut ni dans le

  8   Règlement ni dans aucun texte national, la question du temps est précisé.

  9   C'est à la discrétion des Juges parce que nous sommes soumis à des

 10   contraintes de rapidité du procès, d'économie judiciaire, de rationalité.

 11   C'est pour cela que le temps, malheureusement, il n'est pas extensible. On

 12   est obligé de tenir compte de cela.

 13   Que, bien entendu, si nous voyons dans le cadre de votre contre-

 14   interrogatoire des questions importantes que vous posez qui méritent des

 15   approfondissements, que font les Juges ? Vous avez bien vu à la différence

 16   des autres Chambres. Nous posons des questions que les autres Chambres ne

 17   font pas que, nous, nous faisons, et le temps que nous passons ne vous ait

 18   pas décompté. Alors de quoi vous plaigniez-vous ? Bien sûr, on peut très

 19   bien, nous les Juges, se taire vous laisser faire. Alors si c'est ça que

 20   vous préférez, dites-le, et à ce moment-là, au lieu de vous donner quatre

 21   heures, on vous en donnera peut-être 4 heures 20, 4 heures 30, et on pose

 22   aucune question et on gagnera du temps. Alors venir vous plaindre comme

 23   vous le faites, moi, je trouve ça incompréhensible.

 24   Alors, bien entendu, vous faites une requête orale. Il y aura une réponse,

 25   vous aurez une décision.

 26   Alors je ne sais pas ce que mes collègues ils en pensent. Ils en pensent

 27   certainement quelque chose, d'autant que mon collègue voulait intervenir,

 28   et je lui donne la parole.


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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Tout d'abord, je suis tout à fait

  2   d'accord avec le Président de la Chambre. Nous allons délibérer et vous

  3   donnerez votre réponse. Mais j'aimerais avoir un peu plus de détail,

  4   j'aimerais que vous nous disiez exactement pourquoi, d'après vous, cette

  5   modification, si tant est, qu'il y ait eu modification. Je ne suis même pas

  6   sûr que ça a été discuté à un moment ou à un autre. Je ne me souviens pas

  7   d'en avoir discuté, en tout cas. Mais si nous changions la pratique en

  8   cours, si nous permettions à l'équipe de la Défense d'utiliser leur crédit

  9   de temps pour contre-interroger des témoins, j'aimerais savoir pourquoi

 10   vous considérez que ceci irait à l'encontre de l'équité du procès. Je ne

 11   comprends pas.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 13   Je remercie M. Antonetti et je remercie M. Trechsel des observations

 14   avancées.

 15   Je tiens à rectifier une citation faite par M. Antonetti à la page 5, ligne

 16   3. M. le Juge Antonetti a dit que je n'étais pas d'accord avec la décision

 17   des Juges de la Chambre pour ce qui est de faire en sorte que la Défense du

 18   général Petkovic fasse accorder encore 45 minutes sur le temps restant

 19   d'après ce que nous a dit M. Ibrisimovic, et ce, pour la Défense Pusic.

 20   Cette affirmation n'est pas exacte. Je n'ai jamais contesté cette

 21   décision-là, je n'ai pas non plus demandé une autorisation pour ce qui est

 22   d'interjeter un appel concernant cette décision. Mais je n'ai fait hier que

 23   dire au début de mon contre-interrogatoire, que la documentation a été

 24   préparée dans son intégralité dans la conviction qu'il y aurait six heures,

 25   et comme il n'y avait pas six heures, je me proposais de sauter des

 26   éléments. C'est tout ce que j'ai dit. Donc en aucune façon, je n'ai remis

 27   en question la décision prise par les Juges de la Chambre.

 28   Monsieur le Juge Trechsel, je vais à présent vous répéter en substance ce


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  1   que j'ai déjà rédigé dans ma requête pour ce qui est d'une prise en

  2   reconsidération de votre décision m'interdisant l'utilisation de mon propre

  3   temps pour ce qui est du contre-interrogatoire du témoin expert que j'ai

  4   mentionné. Alors je tiens à rappeler que, pendant la présentation des

  5   éléments à décharge de M. Jadranko Prlic, il a été autorisé aux équipes de

  6   la Défense de se servir de leur propre temps pour rallonger le temps

  7   imparti concernant le contre-interrogatoire de certains témoins, et ça,

  8   c'est un fait qui n'est pas contesté.

  9   Alors pensant que nous avons établi par là une pratique, j'ai demandé

 10   l'application du même droit pour ce qui est de ce Témoin Dvor Marijan. Je

 11   ne peux pas maintenant vous donner tout le détail ce qui signifie

 12   l'organisation du temps de la Défense et la possibilité que nous avons ou

 13   pas de débattre de certaines questions en nous servant de notre propre

 14   temps pour contre-interroger les témoins des autres équipes de la Défense.

 15   Si j'avais eu à ma disposition suffisamment de temps pour entendre Dvor

 16   Marijan, peut-être aujourd'hui n'aurais-je pas avec les mêmes documents,

 17   tout à fait les mêmes documents qui ont eu à entamer les mêmes thèmes avec

 18   le général Praljak qui comparait maintenant en tant que témoin. Mais, à ce

 19   moment-là je n'ai pas bénéficié de suffisamment de temps, et d'après les

 20   questions qui sont posées par les Juges de la Chambre, je crois comprendre

 21   quels sont les problèmes pour ce qui est de la compréhension du relationnel

 22   entre les équipes de Défense et de la façon de procéder pour ce qui est de

 23   cette procédure au pénal et des responsabilités respectives quant aux

 24   poursuites judiciaires pénales de nos clients, et j'ai estimé qu'il

 25   pourrait y avoir suffisamment de temps pour ce qui est donc des témoignages

 26   de M. Bruno Stojic, des témoignages de témoins de Bruno Stojic qui sont

 27   venus parler justement de ces thèmes-là. J'estime également, et par

 28   analogique, il est tout à fait inacceptable de voir que, pendant la


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  1   présentation des éléments à décharge de Bruno Stojic, il y a eu une règle

  2   qui était celle de ne pas utiliser notre propre temps. Je vous rappelle

  3   qu'aucune équipe de la Défense dans ce prétoire, suite à votre décision du

  4   point de vue des requêtes présentées par la Défense du général Praljak,

  5   pour ce qui est de ce Témoin Dvor Marijan, n'a posé ce type de requête,

  6   parce qu'à nos yeux, il n'y avait pas de dilemme c'était à nos yeux une

  7   position déjà adoptée par les Juges de la Chambre.

  8   Alors, par conséquent ce qui risque de nous arriver maintenant, c'est, par

  9   exemple, de voir la Défense de Bruno Stojic disposer d'une dizaine

 10   d'heures, qui n'ont pas été utilisées pour leur propre présentation

 11   d'éléments à décharge. Si vous modifiez la position prise pour ce qui est

 12   du droit d'utiliser son propre temps par la présentation des éléments à

 13   décharge - et là, j'émets une hypothèse - la Défense de Bruno Stojic

 14   pourrait être amenée dans une situation privilégiée qui ferait en sorte

 15   qu'au détriment de son propre temps, ils interrogent les témoins du général

 16   Praljak ou du général Petkovic sans pour autant devoir s'adresser aux Juges

 17   de la Chambre conformément au us et coutumes présenter des demandes

 18   d'attribution d'un temps complémentaire en argumentant sur les motifs qui

 19   sous-tendent leur demande.

 20   Compte tenu des lignes directrices, nous avons tous le droit de demander du

 21   temps complémentaire. Mais nous devons affirmer et assurer aux Juges de la

 22   Chambre que nos raisons sont bonnes, et si nous réussissons à le faire, il

 23   n'est point de doute que ce temps nous serait attribué. Mais si nous

 24   modifions la pratique pour ce qui est de l'utilisation de notre propre

 25   temps à nous, il sera donc rendu possible à certaines équipes de la Défense

 26   d'augmenter leur temps de contre-interrogatoire à l'extérieur de la Règle

 27   déjà mise en place.

 28   Alors, Monsieur Trechsel, ce sera en bref l'explication que j'ai à vous


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  1   apporte et au cas où nous viendrions à interjeter appel pour ce qui est

  2   d'une modification de la décision des Juges de la Chambre, nous vous

  3   donnerons plus de détail encore. Merci.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Laissez-moi donner la parole au Procureur pour qu'il

  5   nous fasse valoir son point de vue sur ce que vous nous avez dit motivant

  6   votre requête orale, et puis la Chambre délibérera, et on rendra la semaine

  7   prochaine une décision.

  8   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  9   Bonjour à tous.

 10   Tout d'abord, nous sommes d'accord avec les propos du Président de la

 11   Chambre à propos de la générosité qui a été montrée par les Juges en ce qui

 12   concerne le temps alloué à toutes les équipes de la Défense, et la

 13   souplesse aussi qu'a montrée la Chambre de première instance pour essayer

 14   d'arranger les -- pour essayer de répondre aux demandes des équipes

 15   lorsqu'ils avaient besoin de temps supplémentaire; bon, nous sommes

 16   d'accord donc mais nous n'avons pas de position bien précise par rapport à

 17   la requête de Mme Alaburic. Nous ne sommes pas d'accord, nous ne nous

 18   opposons pas non plus. Cela a voir avec le contre-interrogatoire de la

 19   Défense, et donc il y a un co-accusé, nous ne pensons pas que c'est à

 20   l'Accusation de prendre position en cette matière, et nous accepterons

 21   toute décision de la Chambre, maintenant et pendant toute la présentation

 22   d'ailleurs des éléments à décharge.

 23   Mme ALABURIC : [interprétation] Si vous le permettez, juste une phrase

 24   parce que j'estime qu'il est de mon devoir de me prononcer sur la partie

 25   qui se rapporte à la générosité, générosité pour ce qui est du temps

 26   imparti aux différentes Défenses. Alors si vous êtes en train d'évoquer

 27   l'exemple de l'accusé Karadzic, qui s'est vu attribuer le droit à contre-

 28   interroger pendant 60 % du temps qui est celui de l'Accusation, j'aimerais


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  1   dire à ce sujet que la Défense du général Petkovic a disposé de bien moins

  2   de temps parce que nous n'avons disposé que d'un sixième du temps imparti à

  3   l'Accusation.

  4   Les autres équipes de la Défense sont les autres équipes de la Défense. Ce

  5   n'est pas la Défense de M. Milivoj Pektovic.

  6   Pour ce qui est du droit de contre-interroger, les témoins des autres

  7   équipes de la Défense, la question est plus complexe mais peu importe en ce

  8   moment. Je ne pense pas que cette règle ait été généreuse. Je pense qu'elle

  9   a été relativement stricte et sévère, mais j'apprécie grandement les

 10   efforts déployés par les Juges de la Chambre pour ce qui est d'attribuer

 11   aux équipes de la Défense du temps complémentaire à chaque fois que ces

 12   équipes ont pu assurer les Juges de la Chambre de la validité de leur motif

 13   pour une demande d'extension de temps. Merci.

 14    M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. La Chambre va donc rendre une décision

 15   en la matière et, Maître Alaburic, je vous donne la parole pour la

 16   continuation.

 17   Oui, Monsieur Stringer ?

 18   M. STRINGER : [interprétation] Oui, je tiens à vous remercier, Monsieur le

 19   Président, et je m'excuse auprès du conseil de la Défense. Mais puisque

 20   nous sommes en train de parler d'un point de procédure, j'aimerais faire

 21   une petite remarque pour la Chambre de première instance. Aujourd'hui, nous

 22   avons reçu - je ne sais pas si vous l'avez déjà vu - nous avons reçu une

 23   lettre venant d'un des accusés, le Dr Prlic. Par cette lettre, il demande à

 24   pouvoir présenter de nouveaux documents. C'est une lettre, ce n'est pas une

 25   requête. Ce n'est pas une requête émanant de la Défense Prlic, c'est juste

 26   une lettre du Dr Prlic. J'aimerais juste savoir quel est le statut de cette

 27   lettre pour le compte rendu, parce que nous aimerions quand même pouvoir

 28   répondre à cette lettre.


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  1   Notre position est la suivante : alors je ne vais pas rentrer dans la

  2   teneur même du document, bien sûr, mais mon opinion est la suivante : je me

  3   souviens d'une décision récente de cette Chambre, qui critiquait les fameux

  4   avertissements et notices qui avaient été envoyés, qui avaient été déposés

  5   par les différentes parties en l'espèce. La Chambre de première instance a

  6   déclaré que, d'après élément, ces notices ou ces avertissements n'étaient

  7   pas des requêtes au titre du Règlement, et donc n'allaient pas considérer

  8   qu'elle était saisie de ces fameuses notices ou avertissements. Donc de ce

  9   fait, elle ne rendrait aucune décision à ce propos. En ce qui concerne

 10   cette lettre de Dr Prlic, l'Accusation considère qu'elle tombe exactement

 11   dans la même catégorie que ces fameuses notices ou avertissements. Ce n'est

 12   pas du tout une requête. Donc si la Défense Prlic veut vraiment faire cette

 13   demande par le biais d'une requête, elle doit le faire de façon normale. De

 14   ce fait, bien sûr, l'Accusation déposerait une réponse; sinon, je ne sais

 15   pas du tout comment traiter ce type de lettre qui nous est arrivé

 16   directement, enfin qui est arrivé directement à la Chambre de première

 17   instance par le biais depuis un accusé, et nous aimerions un petit peu

 18   avoir les conseils éclairés de la Chambre à ce propos.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître, vous avez la parole. Pouvez-vous

 20   nous éclairer ?

 21   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, de la

 22   Chambre, et bonjour à tous et à toutes dans le prétoire et autour.

 23   M. Karnavas hier, suite à la réception de votre décision, a réussi à

 24   organiser la traduction de celle-ci et cette traduction. Il l'a faite en

 25   anglais, et il a apporté cela à l'unité de détention à M. Prlic. Ils se

 26   sont entretenus au sujet de ces décisions, mais hier, aucune prise de

 27   décision concernant votre décision n'a pu être faite.

 28   Ce matin, M. Prlic, à deux reprises, s'est entretenu avec M.


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  1   Karnavas, et a informé ce dernier de son souhait d'envoyer une lettre dont

  2   la teneur vous est connue, et il a envoyé cette lettre aux Juges de la

  3   Chambre. Alors quel va être le statut attribué par les Juges de la Chambre

  4   à cette lettre ? Cela dépendra des Juges de la Chambre.

  5   Bien entendu, si vous souhaitez obtenir des explications plus détaillées à

  6   ce sujet, ou si vous voulez ouvrir un débat pour ce qui est du statut à

  7   attribuer à cette lettre, je propose de désigner une période de 15 minutes

  8   à la fin de notre période -- enfin, de notre audience, pour ne pas attarder

  9   le travail de Mme Alaburic, et M. Karnavas sera à votre disposition pour

 10   tout argument complémentaire qu'il conviendrait d'apporter. 

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Tomanovic, la Chambre a eu hier la

 12   version en B/C/S; on attendait la traduction que nous avons eue en début

 13   d'après-midi. Il apparaît donc effectivement l'accusé Prlic s'adresse

 14   directement aux Juges de la Chambre par une lettre très polie, sur laquelle

 15   il n'y a rien à dire. Je vois qu'il envoie copie au Procureur, à vous-même,

 16   avocats, également aux autres avocats de la Défense. Donc il soulève ce

 17   problème, tout en indiquant dans sa lettre que cette lettre peu usuelle par

 18   rapport à la procédure.

 19   Bien. Donc la Chambre va délibérer sur le statut juridique de cette lettre.

 20   Est-ce que cette lettre va tomber dans la catégorie des notices telles que

 21   l'a indiqué M. Stringer, et à ce moment-là, la Chambre dira que le

 22   Règlement ne prévoit que des requêtes en bonne et due forme formées par les

 23   avocats, et qu'à ce moment-là, la Chambre ne tiendra pas compte de cette

 24   lettre, ou bien la Chambre aura une position différente, disant qu'en tout

 25   état de cause, un accusé peut saisir ses Juges, ce qui serait un comble

 26   qu'il n'y ait pas entre les Juges et les accusés un circuit et qu'à ce

 27   moment-là, on examine le bien fondé de la lettre. Donc ce sont des

 28   questions qui sont posées. Moi, j'essaie toujours de décoder au travers des


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  1   documents quelles sont les intentions réelles ou cachées du scripteur d'un

  2   courrier.

  3   Car évidemment, M. Prlic aurait dû dire à ses avocats : "je ne suis pas

  4   d'accord avec le contenu de la décision de la Chambre, faites une demande

  5   de certification d'appel." Donc ça, c'était la voie classique. Mais,

  6   maintenant, s'il préfère une autre voie, c'est que c'est peut-être signe de

  7   quelque chose, d'un malaise que j'ignore. Comme vous le savez, Maître

  8   Tomanovic, je l'ai dit la dernière fois, le fait que M. Prlic ne soit pas

  9   présent dans le box est le signe que quelque chose ne va pas. Il a peut-

 10   être l'impression de ne pas avoir été entendu, de ne pas avoir été écouté,

 11   de ne pas avoir été compris, et que, de ce fait, il ne veut plus participer

 12   aux audiences pensant qu'il s'agit peut-être d'un simulacre de procès.

 13   C'est ce qu'il pense, lui. Moi, vous comprenez, je ne pense pas de la même

 14   façon.

 15   Je l'ai dit, la dernière fois, à Me Karnavas, pour lui faire comprendre

 16   d'essayer d'inciter M. Prlic à revenir dans le box. D'ailleurs, il aurait

 17   été présent, pourquoi qu'il aurait apporté une contribution utile à

 18   l'interrogatoire de M. Praljak, soit directement soit par ses avocats, et

 19   ça aurait été utile. Vous savez bien que les absents ont toujours tort, il

 20   vaut mieux être présent.

 21   Il nous dit qu'il continue à suivre le procès, j'ose l'espérer. Mais

 22   il l'aurait mieux suivi de mon point de vue s'il était présent. Vous le

 23   savez mieux que quiconque que tout ça est lié au fait que la Chambre n'a

 24   pas admis le travail important auquel il s'était livré en faisant donc ce

 25   document de plusieurs centaines de pages qui était certainement utile à sa

 26   Défense, mais que vous savez pour des raisons de procédure nous ne pouvions

 27   admettre.

 28   Mais la Chambre dans sa décision, vous a fait clairement comprendre


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  1   que ce document pouvait être introduit. Il aurait très bien pu par exemple,

  2   au moment du témoignage de M. Praljak, se lever et de dire, voilà : "moi,

  3   j'ai fait une étude, je suis d'après ou pas d'accord avec M. Praljak, je

  4   demande l'admission de ce document qui conforte ou infirme ce que dit M.

  5   Praljak," et il aurait fait une demande d'admission de son document. Le

  6   Procureur aurait peut-être fait objection, je n'en sais rien, et la Chambre

  7   aurait été dans une autre situation juridique. Voilà. C'est comme ça que

  8   cela doit se passer.

  9   Moi je dois vous dire qu'en 30 ans de carrière judiciaire, c'est la

 10   première fois de ma vie où j'ai un accusé qui refuse d'être présent dans le

 11   box, et que ça vienne de M. Prlic. Là, je suis très étonné, surtout compte

 12   tenu des responsabilités imminentes qu'il avait exercées, donc c'est qu'il

 13   y a un malaise quelconque, et sa lettre peut témoigner de la suite du

 14   malaise.

 15   Alors, bien entendu, on va prendre en compte tout cela, dans tous ses

 16   aspects juridiques, psychologiques et humains, pour essayer de trouver une

 17   solution adaptée aux intérêts de la justice, aux intérêts également de

 18   votre client et aux intérêts de l'Accusation, bien entendu. Voilà.

 19   Voilà, ce que je voulais vous dire.

 20   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je tiens à dire une chose. Je suis

 21   tout à fait d'accord, bien sûr, avec le Président de la Chambre et avec ce

 22   qu'il vient de nous dire. Mais pour le compte rendu, j'aimerais lire que

 23   les deux parties de la lettre qui, à mon avis, sont essentielles et je

 24   tiens à rappeler, bien sûr, que la Chambre va d'abord délibérer sur cette

 25   lettre avant de prendre une décision. Mais donc dans la lettre -- dans la

 26   version originale de cette lettre, M. Prlic a soulevé deux points

 27   essentiels tout d'abord, premièrement, il dit :

 28   "J'aimerais utiliser cette occasion pour demander aux membres de la Chambre


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  1   de première instance d'autoriser mes conseils de ma Défense à déposer une

  2   autre requête aux fins de présenter de nouveaux moyens de preuve en

  3   application des pratiques établies par cette Chambre. Bien sûr, aucuns

  4   nouveaux documents ne pourraient être présentés. Je pense que ceci ne

  5   ferait pas jurisprudence en aucun cas."

  6   Ensuite il soulève un deuxième point qui à mon avis est essentiel et qu'il

  7   est bon de mettre au compte rendu, je cite :

  8   "J'aimerais demander aux Chambres de première instance d'autoriser ma

  9   Défense donc à déposer une nouvelle requête pour présenter de nouveaux

 10   éléments de preuve," mais ensuite la lettre se poursuit et il dit :

 11   "Je ne pense pas que la procédure d'appel, que souhaite en fait emprunter

 12   les conseils de la Défense, soit nécessaire si on n'autorise, si on fait

 13   droit à ma requête. Je comprends bien que ceci en dehors de toute la

 14   procédure régulière, bien sûr, mais mes intentions sont très honnêtes, je

 15   veux juste permettre à toutes les parties au procès d'avoir les documents

 16   nécessaires pour arriver à un jugement équitable."

 17   Donc j'ai cité ces passages pour que l'on comprenne bien à quoi pense --

 18   quelles  étaient les intentions de M. Prlic. Mais je suis d'accord avec la

 19   Chambre de première instance, il faut d'abord que nous débattions de ce

 20   problème avant de prendre une décision à ce propos.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Je pourrais rajouter également le dernier paragraphe

 22   de la lettre de M. Prlic qui souhaite aux Juges de la Chambre le succès

 23   dans la continuation de ce procès. Donc M. Prlic est conscient également

 24   qu'il faut que ce procès se tienne dans les meilleures conditions et,

 25   manifestement, il veut aussi y contribuer, ce qui est une très bonne chose.

 26   Mais je pense - et, Maître Tomanovic, vous pourriez lui transmettre

 27   le message - ça serait encore meilleur s'il revenait dans le box pour

 28   justement nous faire part de son point de vue, de voir en quoi il y a eu un


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  1   préjudice dans la décision de la Chambre.

  2   Moi, je n'ai jamais interdit à un accusé de s'exprimer, vous le savez

  3   très bien. Donc raison de plus qu'il revienne, qu'il nous dise ce qu'il a

  4   sur le cœur et puis que le procès continue dans l'intérêt de tous et de

  5   lui-même parce que d'être loin de nous, ce n'est pas une bonne chose.

  6   Je vois bien que cette lettre est aussi un témoignage d'une profonde

  7   détresse de M. Prlic qui doit être malheureux de se trouver dans cette

  8   situation. Alors il y a certainement des issues. Il faut que chacun y mette

  9   du sien qu'il comprenne qu'on a un Règlement. Que contrairement à ce que

 10   certains pensent, le Règlement permet beaucoup de choses. C'est un

 11   Règlement qui est mixte "common law" et civil law. En matière "civil law,"

 12   on peut énormément faire beaucoup de choses. Il y a des pratiques de ce

 13   Tribunal qui ont verrouillé certains points mais ce n'est pas parce qu'une

 14   Chambre verrouille que notre Chambre ne peut pas déverrouiller, donc tout

 15   est possible et le Règlement permet énormément de choses contrairement à ce

 16   que certains peuvent penser. Ne serait-ce déjà le fait que les Juges

 17   puissent poser des questions. Voilà. C'est peut-être étonnant mais c'est

 18   déjà dans le Règlement. Donc je pense que le Règlement permet à un accusé

 19   de dire qu'il n'est pas content pour telle ou telle raison. Voilà. M. Prlic

 20   a tout intérêt à revenir à nous dire qu'est-ce qui ne va pas. Si c'est une

 21   question liée au temps, la Chambre a répondu, la Chambre d'appel nous a

 22   déjà confirmé. On peut ressaisir la Chambre d'appel. Tout est possible.

 23   Mais il ne faut pas faire la grève de l'audience. Ce n'est pas une bonne

 24   chose. Et surtout qu'on a été très surpris car le jour, où il a quitté la

 25   salle d'audience, on a été mis devant le fait accompli. Personne ne s'y

 26   attendait. Alors même que si c'est expliqué avant, je suis convaincu qu'il

 27   serait resté. Enfin voilà. Bon. Donc on va étudier la lettre, bien entendu,

 28   et on rendra également une décision en délibérant sur la question.


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  1   Peut-être que M. Stringer veut reprendre la parole.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  3   Oui, pour clarifier un peu les choses. Si j'ai bien compris ce que vous

  4   avez dit, la Chambre de première instance va délibérer et rendre une

  5   décision, et la décision va être à propos du statut accordé à la lettre;

  6   c'est cela pour que l'Accusation sache ensuite comment répondre parce que

  7   nous voulons, bien sûr, déposer une réponse d'une manière ou d'une autre à

  8   la demande qui est dans cette lettre donc à la teneur de la lettre. Donc la

  9   décision c'est, bien sûr, le statut; c'est cela ? Ce n'est pas une décision

 10   sur la teneur de la demande, c'est une juste décision sur le statut à

 11   accorder à cette lettre; c'est bien cela ?

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à fait.

 13   M. STRINGER : [aucune interprétation]

 14   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Avec votre permission, je voudrais juste

 15   parler encore un petit peu du temps de Me Alaburic afin de vous remercier,

 16   les Juges de la Chambre, pour les commentaires qu'ils ont formulés. Compte

 17   tenu du fait que M. Prlic lit régulièrement les comptes rendus d'audience,

 18   il aura l'occasion de lire les commentaires que vous avez formulées, en

 19   plus des informations que je vais lui fournir ce soir, même comme je le

 20   fais tous les soirs. Nous nous entretenons longuement de tout ce qui se

 21   produit dans le prétoire, et je veux croire que le Dr Jadranko Prlic vous

 22   fera parvenir de la façon appropriée le message qu'il souhaite vous faire

 23   parvenir.

 24   Je voulais dire encore une chose que j'aurais dû dire au tout début et que

 25   j'ai oublié, à savoir que Me Karnavas vous présente ses excuses de ne pas

 26   être en mesure d'être présent aujourd'hui à l'audience. Il a été requis de

 27   sa part de se pencher sur des questions administratives pour lesquelles il

 28   y a un délai pendant auprès du greffe, délai qui coure jusqu'à lundi


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  1   prochain. Ce sont des questions administratives urgentes dont il a à

  2   s'occuper, mais si les Juges de la Chambre souhaitent engager quelques

  3   débats supplémentaires que ce soit sur ce sujet, Me Karnavas peut nous

  4   rejoindre en 20 minutes, maximum.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pour le moment, nous allons continuer donc le

  6   contre-interrogatoire. Mon collègue va intervenir.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Juste une petite observation rapide.

  8   Vous n'avez pas utilisé le temps de Mme Alaburic pour l'instant. Son temps

  9   reste intact.

 10   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Merci beaucoup. Je ne souhaiterais

 11   véritablement pas entrer en conflit avec Me Alaburic. Je vous remercie.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges.

 13   Merci, Monsieur le Juge Trechsel. Je ne doutais pas un seul instant que

 14   cette petite erreur involontaire, dans la façon dont ma consœur s'est

 15   exprimée, ferait l'objet d'une correction de votre part, et nous comptons

 16   toujours sur ces interventions de votre part.

 17   LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]

 18   [Le témoin répond par l'interprète]

 19   Contre-interrogatoire par Mme Alaburic : [Suite]

 20   Q.  [interprétation] Bonjour, Général Praljak.

 21   R.  Bonjour, Maître Alaburic, bonjour, Messieurs les Juges, et bonjour à

 22   toutes les personnes présentent dans le prétoire.

 23   Q.  Général, nous en sommes restés hier au modèle numéro 2, celui de cette

 24   situation où les forces armées des Etats-Unis mènent des combats, ils font

 25   la guerre sur le territoire même des Etats-Unis. J'ai essayé de réfléchir

 26   pour voir comment je pourrais éviter toute question qui pourrait revenir à

 27   vous demander une opinion de nature juridique, et j'en ai conclu qu'il

 28   serait bon que je vous pose la question de la façon suivante : si vous,


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  1   vous étiez le commandant des forces armées américaines et que vous aviez

  2   l'obligation de défendre les Etats-Unis sur leur propre territoire, est-ce

  3   que vous estimeriez que ce serait à la police de défendre la paix et

  4   l'ordre public, et quant aux auteurs d'infraction au pénal, ce seraient les

  5   organisations compétentes qui en auraient la charge, la charge de leur

  6   poursuite ?

  7   R.  Oui. C'est ainsi que les choses sont faites, en réalité.

  8   Q.  Si vous me permettez maintenant de reprendre cette formulation que vous

  9   avez utilisée dans votre interrogatoire principal, est-ce que cela

 10   signifierait que, vous, en tant que commandant, vous seriez responsable des

 11   événements sur la ligne de front, alors que pour ce qui est pour des

 12   événements se produisant dans les arrières ce seraient ces autres organes

 13   qui en auraient la charge ceux qui en ont la compétence ?

 14   R.  Oui, mais, moi, lorsque j'avais -- lorsque -- ce qui a été à mes

 15   connaissances certains actes et que d'autres organes n'en avaient pas

 16   connaissance, moi aussi, j'avais le devoir d'intervenir. J'avais le devoir

 17   d'intervenir, si j'apprenais l'existence de certains faits de m'adresser

 18   aux organes compétents et de demander leur aide. C'était là mon obligation.

 19   Q.  Très bien, nous allons revenir là-dessus plus en détail ultérieurement,

 20   mais pour le moment, si nous pouvons juste nous concentrer sur la

 21   conclusion qui découle de ce que nous venons d'examiner.

 22   A partir de ces deux modèles, d'un côté les forces armées américaines

 23   occupent l'Irak, d'autre part ces mêmes forces armées défendent les Etats-

 24   Unis sur le propre territoire, si nous pouvions transposer maintenant ces

 25   deux modèles en Bosnie-Herzégovine, que diriez-vous ? Est-ce que les

 26   opérations du HVO s'inscrivent dans le premier ou dans le second modèle ?

 27   R.  Nous n'étions pas une armée d'occupation. Nous n'avons rien occupé. Par

 28   conséquent, nous avions à nos côtés derrière nous quelque chose que l'on


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  1   peut désigner comme une organisation, organisation certes très faible, mais

  2   qui existait et qui a fait ce qu'elle a pu. J'en suis absolument persuadé.

  3   Malheureusement, cela n'a pas été suffisant pour empêcher bon nombre --

  4   pour empêcher tout ce qui s'est passé, mais beaucoup de choses ont été

  5   faites.

  6   Q.  Général Praljak, est-ce que les organes de l'autorité civile n'étaient

  7   pas en gestation encore en train de s'organiser ? Est-ce qu'ils

  8   n'essayaient pas de résoudre la situation et les problèmes qui se

  9   présentaient de la façon la meilleure qui était possible ?

 10   R.  C'était un embryon d'autorité civile, et toute personne qui ignore les

 11   difficultés avec lesquelles on construit une autorité civile, pendant des

 12   décennies et des décennies, peut avoir peut-être l'impression que la simple

 13   prise de décision de texte de loi revient à faire régner l'état de droit.

 14   Les juristes ont peut-être tendance à avoir cette impression mais c'est

 15   quelque chose de particulièrement difficile. La société est la forme la

 16   plus complexe que l'on voit apparaître dans la nature et pour laquelle il

 17   faut parfois des décennies, sinon des siècles, pour que son organisation se

 18   mette en place.

 19   Q.  Général, je voudrais que l'on passe maintenant au chapitre suivant.

 20   Nous en sommes toujours au classeur numéro 1, le troisième ensemble de

 21   documents, intitulé : "HVO en tant que composante des forces armées de la

 22   République de Bosnie-Herzégovine et le commandement conjoint."

 23   La majorité de ces documents, Général, sont déjà des pièces à conviction.

 24   Je les ai malgré tout fait figurer ici, parce que je souhaitais donner la

 25   possibilité à MM. les Juges de retrouver un seul et même endroit le plus

 26   grand nombre possible de documents confirmant que le HVO était bien une

 27   composante des forces armées.

 28   Passons en revue ensemble assez rapidement, s'il vous plaît, ces documents.


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  1   Le premier de ces documents est P 00339, il s'agit d'un accord d'amitié et

  2   de coopération portant la date du 21 juillet 1992, et signé en cette même

  3   date par Franjo Tudjman et Alija Izetbegovic.

  4   Au point 6, Général, il est dit, je cite :

  5   "La branche armée du HVO se compose --"

  6   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Pardonnez-moi, Maître Alaburic. Je

  7   crois que c'est un petit problème technique mais je veux simplement en être

  8   sûr. Vous avez dit, je vous cite : "Le premier document est P 339," mais je

  9   crois que ça devrait être 1P 339, n'est-ce pas ?

 10   Mme ALABURIC : [interprétation] Non, Monsieur le Juge. Il s'agit du

 11   document numéro P 00339, et c'est le premier dans le troisième sous-

 12   ensemble de documents qui figure au classeur numéro 1. C'est le cinquième

 13   sujet, le sujet numéro 5, et qui porte le titre en anglais : "HVO is a part

 14   of the BiH on forces." "Le HVO est une composante des forces armées de la

 15   Bosnie-Herzégovine."

 16   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci.

 17   Mme ALABURIC : [interprétation]

 18   Q.  Passons au point 6, Général, il est dit :

 19   "L'aile armée du HVO est partie intégrante des forces armées uniques

 20   de la République de Bosnie-Herzégovine. Le HVO disposera de ces

 21   représentants au sein du commandement conjoint des forces armées de la

 22   Bosnie-Herzégovine."

 23   Est-ce que, Général, pour vous, cela représente une preuve indubitable du

 24   fait que le HVO est une composante des forces armées de la Bosnie-

 25   Herzégovine et du fait qu'il doit former un commandement conjoint ensemble

 26   avec l'ABiH ?

 27   R.  Maître Alaburic, il me semble que j'ai déjà parlé de cela pendant des

 28   heures et des heures. C'est exact, et il n'y a rien à ajouter à cela.


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  1   Q.  Général, je vais maintenant sauter les documents qui sont déjà des

  2   pièces à conviction afin de ne pas alourdir el travail des Juges.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Général, j'avais déjà posé cette question à un autre

  4   témoin, mais ce témoin n'avait pas vos compétences politiques ou

  5   militaires, et je pense que peut-être et politique surtout, vous pouvez

  6   peut-être répondre.

  7   Dans le document, c'est un accord international signé entre M. Izetbegovic

  8   et M. Tudjman. Un accord d'amitié et de coopération, classique en matière

  9   de droit international public.

 10   En regardant la constitution de la République de Croatie - et vous savez

 11   que je l'ai regardé puisque je vous ai posé des questions à ce sujet -

 12   j'avais constaté que les accords internationaux devaient être ratifiés par

 13   le Sabor. Alors cet accord, est-ce qu'il a été soumis à l'examen du Sabor ?

 14   Est-ce qu'il a été publié dans la Gazette officielle de la République de

 15   Croatie, ou bien c'est un accord qui est resté confidentiel dans le tiroir

 16   sans d'ailleurs que le Sabor en ait été informé ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Cet accord avait été publié aussi largement

 18   que possible. Il a eu la plus large publicité précisément parce qu'il

 19   s'agissait d'un accord qui ouvrait une perspective nouvelle. Alors est-ce

 20   qu'il a fait l'objet d'une publication au journal officiel, cela je ne peux

 21   pas le dire avec certitude, car je ne l'ai vérifié.

 22   Cependant, il est tout à fait certain que cet accord en tant que tel a été

 23   présenté également au Sabor. Alors, maintenant, le Sabor dispose de

 24   compétences extrêmement précisément définies par lesquelles il peut limiter

 25   l'action du président de la république en matière de politique étrangère, à

 26   savoir l'intervention des forces armées, les changements éventuelles des

 27   frontières, et cetera.

 28   Un tel accord d'amitié et de coopération entre dans le cadre des


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  1   compétences du Sabor et de la confirmation qu'il doit ou non donner cette

  2   question en fait que je pose je ne peux pas vous en donner la réponse pour

  3   le moment. Il y avait d'autres choses que le président ne devait pas faire

  4   sans avoir l'aval du Sabor.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous serez d'accord avec moi si vous

  6   nous disiez : "Tout ce que vous connaissez, bien nous n'aurions jamais

  7   fini." Donc je pense qu'il vaudrait mieux que vous vous limitiez aux

  8   questions.

  9   J'ai une autre question à vous poser pour ce qui est de ce texte. A la page

 10   20, à partir de la ligne 6, cet après-midi vous nous avez dit et je cite :

 11   "Des professionnels -- des juristes professionnels estiment, Général, qu'à

 12   partir du moment où des lois sont adoptées qu'un état de droit serait

 13   assuré mais ce n'est pas le cas."

 14   Alors je ne sais pas du tout d'où viennent ces idées sur ce que

 15   pensent les juristes. Je peux vous dire en tout cas qu'un juriste éclairé

 16   ce n'est pas du tout ce qu'il pense, bien au contraire. Dans ce cas, est-ce

 17   qu'il ne s'agit pas d'un accord qui n'est resté que sur le papier mais qui

 18   n'est jamais entré en vigueur ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, l'expérience que

 20   j'ai personnellement avec les hommes politiques et les juristes est

 21   différente. J'ai eu l'occasion d'entendre et aujourd'hui encore dans tous

 22   ces pays qui, par exemple, très récemment où hier ont pris des lois

 23   démocratiques, j'ai eu l'occasion d'entendre des commentaires disant que la

 24   démocratie n'existe pas sur le terrain. J'ai eu l'occasion d'entendre cela

 25   aux informations hongroises et ainsi de suite. Un très grand nombre de ces

 26   personnes -- et excusez-moi j'ai quelques notions de droit, mais en fait il

 27   y a encore moins de personnes qui sont au fait de la sociologie qui

 28   néanmoins parlent, s'aventurent à parler de la société.


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  1   Donc il ne m'est pas utile de me rappeler que je ne suis pas un avocat.

  2   Personne d'entre vous n'est professeur de sociologie.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Arrêtez-vous, s'il vous plaît. Je

  4   vous ai posé une question. Dans quelle partie de ce document, dans quelles

  5   mesures ce document a été traduit dans la réalité, il n'est pas resté

  6   lettre morte. Une déclaration de bonne intention, qui je dirais et

  7   l'histoire le montre, n'était pas véritablement sérieuse et n'a pas été

  8   mise en œuvre.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] La réponse, Monsieur le Juge, c'est du côté

 10   croate, on a respecté tous les thèmes de l'accord. Donc la Croatie a

 11   proposé et elle a fait ce qu'elle a proposé. Au point 4, que dans le

 12   domaine de la justice et des affaires intérieures, une aide serait fournie.

 13   Ensuite, on a établi des relations diplomatiques du côté croate.

 14   Au point 10, les ministères ont organisé des réunions, qu'il s'agisse des

 15   finances ou d'autres domaines, et la Croatie a payé les frais afférents à

 16   toute une série de voyages des ministres de la Bosnie-Herzégovine. Plus

 17   loin, la Croatie, en se fondant sur cet accord précisément, a accueilli des

 18   réfugiés, a collecté de l'aide humanitaire, et l'aide financière également

 19   est venue en aide dans tous les domaines qui avaient trait aux sports, en

 20   envoyant notamment des représentations de la Bosnie, des équipes de la

 21   Bosnie-Herzégovine à toutes les grandes compétitions d'athlétisme et de

 22   sport.

 23   Aux termes du point numéro 1, la Croatie s'est engagée fortement pour

 24   défendre l'égalité de plain-pied des peuples constitutifs et la formation

 25   d'unités constitutives. La Croatie a fourni une aide en énergie sous forme

 26   de fourniture d'électricité.

 27   Vous me posez, Monsieur le Juge --

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, ils étaient tout à fait


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  1   conscients du fait que c'est relié à la puce 6 et vous parlez également de

  2   beaucoup d'autres choses différentes.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais vous avez dit que l'accord était resté

  4   lettre morte, ce n'était que du papier, l'accord et non pas son point 6, il

  5   me semble.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Nous vous entendrons là-dessus.

  7   Merci.

  8   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi. Mais il y a une erreur assez

  9   importante dans le compte rendu d'audience. Je ne sais pas comment cela a

 10   été interprété vers l'anglais. Mais en fait, le général Praljak a dit, je

 11   cite :

 12   "Vous, Monsieur le Juge Trechsel, vous avez dit que c'était cet

 13   accord en entier qui était resté lettre morte sur le -- qui était un accord

 14   sur le papier," donc ce n'est pas quelque chose que le général Praljak

 15   aurait pu dire. C'est une erreur dans le compte rendu.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que j'ai pu l'entendre, M. le Juge

 17   Trechsel a dit que cet accord était encore quelque chose qui n'existait que

 18   sur le papier, qui était resté lettre morte. Mais, moi, je vais à

 19   l'encontre de cela, Monsieur le Juge Trechsel. Je dis que, pour ce qui

 20   concerne la Croatie, cet accord a été respecté. Quant au point 6, ce terme

 21   particulier n'a pas été respecté à cause de la résistance totale qu'ont

 22   opposé à sa mise en œuvre M. Izetbegovic et ses généraux. Pour ce qui

 23   concerne la Croatie, il a été respecté pour tous les autres termes de

 24   l'accord, et le terme numéro 6 aurait été mis en œuvre également car c'est

 25   avec une énergie infinie que nous avons engagé dans la mise en œuvre de cet

 26   accord. Nous nous sommes efforcés de respecter tous ces points, et que nous

 27   avons essayé pendant deux ans d'y parvenir, de réaliser le point 6, mais

 28   d'autres documents montrent également cela.  


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, le point 6, il y a deux

  2   paragraphes. Vous, vous avez à l'esprit le premier paragraphe qui est la

  3   composante des armées avec le HVO; c'est important et il était nécessaire

  4   d'avoir votre point de vue.

  5   Mais il y a le deuxième paragraphe qui me semble peut-être encore

  6   plus important car il touche là au cœur même de l'entreprise criminelle.

  7   Au deuxième paragraphe, il est fait une mention explicite aux

  8   problèmes constitutionnels liés au conseil croate de la Défense. Il n'y a

  9   pas, puisque Izetbegovic signe, c'est qu'il semble en signant ce paragraphe

 10   reconnaître - j'allais dire - "la légalité" - entre guillemets - du Conseil

 11   croate de la Défense puisqu'il y a une référence explicite au fait que ça

 12   doit être compatible avec la constitution de la République de Bosnie-

 13   Herzégovine.

 14   Alors dans votre souvenir, y avait-il eu, à l'époque, au niveau de la

 15   Croatie - je ne parle pas de la Bosnie-Herzégovine - des réflexions

 16   constitutionnelles et juridiques sur cet aspect dont on peut peut-être voir

 17   la conclusion dans ce deuxième paragraphe.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Un lecteur avisé pourrait en tirer la conclusion que

 19   M. Izetbegovic ne remet pu en cause la légalité du conseil croate de la

 20   Défense.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] A ma connaissance, M. Izetbegovic n'a jamais

 22   remis en cause la légalité du HVO, et tous les textes de lois, qui ont été

 23   pris par le HVO et la HZ Herceg-Bosna, portaient explicitement l'en-tête de

 24   République de Bosnie-Herzégovine HZ HB, et ce, jusqu'à ce que l'on trouve

 25   une solution politique définitive. Toutes ces lois étaient temporaires et

 26   étaient en accord avec la constitution de la Bosnie-Herzégovine, et pour

 27   l'essentiel, il s'agissait de lois qui avaient été reprises de l'ex-

 28   Yougoslavie car nous n'avions pas tous les juristes qui auraient été


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  1   nécessaires pour rédiger des centaines, et des centaines de nouvelles lois.

  2   Si bien que tout simplement la Bosnie-Herzégovine elle-même a repris

  3   d'innombrables lois de l'ancienne Yougoslavie et le HZ HB de son côté

  4   également a repris les lois qui existaient à l'échelon des républiques

  5   fédérales. Alors si vous vous rappelez ce rapport de M. Jaganjac où il est

  6   dit que : "Si l'accord de Washington avait été signé, très bien, il n'y a

  7   plus de HZ HB." C'est au mois de janvier ou février 1993 et cela vous

  8   montre bien que la HZ HB ne constituait pas une finalité en soi. Il n'y

  9   avait rien de controverser du côté croate. Lui, il transmettait cela en

 10   tant que conseiller du président Izetbegovic à son supérieur hiérarchique

 11   et il dit : il ne fait aucun doute que dès la signature de l'accord de

 12   Washington, la HZ HB n'existe plus.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Ma dernière question et quand je dis que vous

 14   témoignez sous la foi du serment, c'est que ça signifie que j'attache une

 15   particulière importance à la question et à la réponse. A chaque fois que je

 16   vous dis ça, c'est un "warning" que j'allume.

 17   Dans votre souvenir, au niveau du gouvernement de la République croate et

 18   aux différentes réunions auxquelles vous avez participé, ou au niveau de

 19   l'Herzégovine dans vos fonctions soit de simple soldat soit de commandant

 20   du HVO, aviez-vous eu connaissance de la décision de la cour

 21   constitutionnelle qui avait dans sa décision déclaré illégal le Conseil

 22   croate de la Défense ? En aviez-vous eu vent et connaissance ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge Antonetti, merci de

 24   m'avertir. Je dépose ici en étant aussi concentré que possible. Je pense

 25   que mon cerveau fonctionne encore à peu près correctement, je me réfère à

 26   toutes les informations dont je dispose sans rien garder pour moi. Je vous

 27   donne les meilleures réponses que je suis en mesure de donner; tant d'un

 28   point de vue analytique que synthétique, en essayant d'être aussi exact et


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  1   précis que possible.

  2   C'est à ce moment-là qu'est arrivée cette décision émanant de la cour

  3   suprême. Mais en même temps, cette décision est arrivée avec une

  4   information indiquant que cette même décision avait été prise de façon

  5   illégale, à savoir qu'au sein de la cour suprême, seuls les juges

  6   appartenant au groupe ethnique musulman avaient pris cette décision, et en

  7   vertu des informations dont on disposait à l'époque, il n'y avait pas de

  8   quorum. Ils n'auraient même pas pu prendre cette décision. Il a été dit

  9   également que cette décision avait fait l'objet d'une falsification comme

 10   si un juge qui n'était pas présent lors de la prise de décision avait en

 11   fait été présent. Cette décision n'était pas valable, dans le même temps

 12   ils avaient aussi déclaré que la Republika Srpska était illégitime. Elle

 13   n'avait aucune importance en tant qu'entité, alors que dans les accords de

 14   Dayton, l'existence de la Republika Srpska en tant qu'Etat puisqu'il s'agit

 15   d'une République, cette reconnaissance n'est pas un acte qui a amené ses

 16   auteurs au banc des accusés.

 17   Je me réfère malgré tout à une certaine logique minimale. Je ne pense

 18   pas qu'on puisse en faire l'économie ici.

 19   Mme ALABURIC : [interprétation]

 20   Q.  Général, essayons simplement de préciser un peu ce que vous venez de

 21   dire. Vous vous êtes référé à la décision de la cour suprême, mais en fait,

 22   il s'agit d'une décision de la cour constitutionnelle de la Bosnie-

 23   Herzégovine; n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, je me suis trompé.

 25   Q.  Juste encore une précision concernant l'objet de cette décision de la

 26   cour constitutionnelle. M. le Juge Antonetti vous a posé une question

 27   concernant cette décision qui aurait déclaré que le HVO était illégal. Nous

 28   avons vu des documents en vertu desquels il y avait une décision parmi ces


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  1   documents déclarant que c'était la décision même établissant la HZ HB qui

  2   aurait été anticonstitutionnelle.

  3   R.  Oui, c'est exact. Mais puisque nous en sommes à ce sujet, M. le

  4   Président m'a présenté la constitution de la République de Bosnie-

  5   Herzégovine. Cependant, dans une partie de cette constitution, il est écrit

  6   le texte expurgé de la constitution qui a été adoptée par la présidence et

  7   cette mention de texte expurgé ne signifie pas qu'on a corrigé, qu'on a

  8   procédé à des simples corrections. Ça signifie qu'on a tout simplement

  9   modifié la constitution et que cela a été adopté, décidé par la présidence

 10   de la République de Bosnie-Herzégovine. Mais où cela existe-t-il dans le

 11   monde entier ? On a la présidence qui adopte la constitution, qui modifie

 12   cette dernière --

 13   Q.  C'est un thème très important et très vaste tout comme celui de la

 14   compétence qui peut être celle de la présidence pour ce qui est de changer,

 15   modifier la constitution. Je voudrais qu'on revienne sur la question

 16   initiale.

 17   Aucun organe de la Bosnie-Herzégovine n'a jamais conclu que le HVO

 18   dans sa branche civile ou militaire ait été anticonstitutionnel ou illégal;

 19   n'est-ce pas ?

 20   R.  C'est exact.

 21   Q.  Essayons d'apporter une réponse à la question de M. le Juge Antonetti

 22   concernant la ratification de cet accord sur le plan international. Cette

 23   question a déjà été posée à plusieurs reprises, je vais essayer de

 24   consacrer un peu de mon temps à cette question. Une fois encore, je

 25   voudrais qu'on affiche le document P 00019.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais quand même poser une

 27   question à propos du document précédent, de ce document donc 00339. Il est

 28   évident qu'il s'agit d'un accord entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine.


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  1   Etes-vous d'accord avec cela, Monsieur Praljak ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Juge Trechsel.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Maintenant quand on regarde

  4   le point 6, l'alinéa 6, il semble qu'on établit des obligations pour ce qui

  5   est du HVO. En tout cas, ceci est censé contraindre une entité qui n'est

  6   pas partie à l'accord. En effet, le HVO, ce n'est pas la Croatie, ce n'est

  7   certainement pas la Bosnie-Herzégovine non plus.

  8   Comment peut-on dire que cet accord contraint le HVO ? Vous pourriez dire

  9   que cette question est trop technique et vous préférez ne pas y répondre

 10   parce que vous ne vous sentez pas compétent pour le faire. J'accepterai

 11   parfaitement.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, avec votre

 13   permission, je voudrais simplement poser en faisant suite à votre propre

 14   question, une autre question au témoin, et je voudrais que nous puissions

 15   partir de la partie introductive de cet accord, où il est dit que cet

 16   accord a été placé après un entretien entre les délégations de la

 17   République de Bosnie-Herzégovine et de la République de Croatie.

 18   Q.  Général Praljak, est-ce qu'au sein de la délégation de la République de

 19   Bosnie-Herzégovine se trouvait également une composante croate, et est-ce

 20   pour cette raison que dans cet accord entre les deux états on a des

 21   dispositions qui concernent également le HVO.

 22   R.  Oui.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, la façon dont vous avez préparé

 24   votre question ne me plait pas vraiment puisque vous avez donné votre

 25   réponse dans la question, en plus de façon très tortueuse. Ce que vous avez

 26   expliqué c'est quelque chose que je connais bien. Ça n'a absolument rien à

 27   voir avec le fait qu'ici on oblige une partie à faire quelque chose, partie

 28   qui n'est pas partie à l'accord. C'est tout. Dans l'introduction, il n'est


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  1   pas mention du HVO, pas du tout, le HVO n'a rien à voir avec la Bosnie-

  2   Herzégovine. Je pense que je n'ai pas eu réponse à ma question, et je pense

  3   que nous devrions poursuivre et passer à autre chose.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais le HVO c'est la Bosnie-Herzégovine,

  5   Monsieur le Juge Trechsel. Le HVO c'est la Bosnie-Herzégovine, les

  6   entretiens réunissent ici deux hommes d'Etat, l'un de Bosnie-Herzégovine et

  7   l'autre de Croatie.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Cela fait trois ans que l'on assiste

  9   à ce procès. C'est la première fois que j'entends quelqu'un prétendre, sous

 10   serment d'ailleurs, que le HVO est équivalent à la Bosnie-Herzégovine. Ce

 11   n'est pas le cas, absolument pas. Vous ne comprenez pas ces éléments, vous

 12   ne comprenez pas tout cela, et je pense qu'il suffit que nous passions tout

 13   simplement à autre chose.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ma réponse est tout à fait précise.

 15   Je ne vois pas, je ne suis pas en train d'errer.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, cela suffit. Vous

 17   ne pouvez pas prendre la parole à propos de n'importe quoi dès que vous en

 18   avez envie. Absolument pas. J'ai demandé à Me Alaburic de poursuivre son

 19   contre-interrogatoire, et c'est ce qui va se passer.

 20   Mme ALABURIC : [interprétation]

 21   Q.  Général Praljak, on recherchera le PV de ces entretiens, et puis on

 22   pourra --

 23   R.  Maître Alaburic, arrêtez. Je ne suis pas en photo ici, je suis un

 24   témoin qui témoigne de la vérité. Ce n'est pas la vérité de M. Trechsel et

 25   qui me regarde lui seul lorsque je l'affirme, et c'est le cas, le HVO fait

 26   partie de la Bosnie-Herzégovine, et le HVO d'après moi a été créé pour

 27   défendre la Bosnie-Herzégovine. Ma déclaration est véridique, claire et

 28   distincte. M. le Juge Trechsel a la capacité de me déclarer coupable et de


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  1   m'envoyer pour 20 ans en prison dans son jugement s'il le souhaite, mais

  2   moi, je ne suis pas un morceau de bois, je suis un témoin qui est là pour

  3   témoigner de la vérité. Si cela vous déplait, renvoyez-moi à la maison.

  4   Q.  Monsieur Praljak, nous avons ici une dizaine de documents qui devraient

  5   être présentés à l'appui de ce que vous venez de dire, et c'est justement

  6   ce que je me propose de faire, à savoir pour démontrer que le HVO faisait

  7   partie de la Bosnie-Herzégovine et qu'en combattant sur le territoire de la

  8   Bosnie-Herzégovine, il la défend, mais nous viendrons à cela plus tard.

  9   Pour l'instant, est-ce que l'on peut faire une digression et essayer

 10   de répondre à M. le Juge Antonetti sur la ratification des accords

 11   internationaux par le Sabor de la République de Croatie.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Le document P19, s'il vous plaît. Il s'agit

 13   de la Constitution de la République de Croatie. Est-ce que l'on peut

 14   présenter ce document dans le prétoire électronique. C'est la Constitution

 15   de 1990, en son article 133, s'il vous plaît. C'est la dernière page du

 16   texte croate et l'avant-dernière page en anglais.

 17   Q.  Nous avons l'article 133 et nous sommes libres d'en prendre

 18   connaissance, tous.

 19   "Les cas de figure où les accords internationaux signés au nom de la

 20   République de Croatie par une personne habilitée à le faire, doivent être

 21   confirmés par le Parlement. Nous avons premièrement une situation où cet

 22   accord international porte modification ou vote d'une nouvelle loi; puis

 23   une deuxième situation où un accord de nature militaire ou politique engage

 24   sur le plan financier la république; puis une troisième situation, à savoir

 25   les accords internationaux ou une organisation internationale en alliance

 26   se voit attribuée des attributions," et cetera.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Madame Alaburic, pourriez-vous nous

 28   dire ce que vous citez à l'heure actuelle ?


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  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je suis en train de citer

  2   la Constitution de la République de Croatie, à savoir le document que vous

  3   avez à présent dans le prétoire électronique. Je ne l'ai pas dans ma liste

  4   de documents, mais nous essayons de répondre à la question posée par M. le

  5   Juge Antonetti. Il ne s'agit pas de l'article 33 mais de l'article 133, et

  6   il s'affiche dans le prétoire électronique. Il est à l'écran à présent.

  7   Q.  Général Praljak, je ne vous poserai pas de questions là-dessus puisque

  8   le texte suffit, je pense que M. le Juge Antonetti a trouvé là une réponse

  9   à la question légitime qu'il avait posée.

 10   Prenons maintenant les documents qui concernent le HVO en tant que

 11   composante des forces armées de la Bosnie-Herzégovine. Le document suivant

 12   dans notre série est le décret ayant force de loi portant sur les forces

 13   armées de la République de Bosnie-Herzégovine, et il en ressort que le HVO

 14   représente une composante de ces forces.

 15   Il s'agit là d'un document qui a déjà été versé au dossier. Le numéro du

 16   document est 4D 410. 4D 410. Voilà. Puis, le document suivant, 4D 1524. 4D

 17   1524. Là, nous avons une information présentée par le chef du grand état-

 18   major des forces armées, Sefer Halilovic, et à la fin du premier point il

 19   est dit :

 20   "A l'intention de l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine, dont sont

 21   composantes les unités armées du HVO."

 22   R.  Je n'arrive pas à retrouver le document.

 23   Q.  C'est le troisième document dans la suite, mais vous l'avez là qui

 24   s'affiche à l'écran. A la toute fin du premier paragraphe, Sefer Halilovic

 25   dit que c'est en faveur de l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine,

 26   dont les unités armées du HVO constituent une composante. Dites-nous si

 27   dans ces documents Sefer Halilovic traite le HVO comme étant une composante

 28   des forces armées de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?


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  1   R.  A chaque fois que ça l'arrangeait, oui. Mais dans d'autres cas, non.

  2   Lorsque ça ne l'arrangeait pas, il ne le faisait pas.

  3   Q.  Mon collègue me dit que ma question n'a pas été correctement consignée

  4   au compte rendu d'audience, je la répète, Sefer Halilovic présente-t-il le

  5   HVO comme composante des forces armées de la République de Bosnie-

  6   Herzégovine dans ses documents, et la réponse a été correctement

  7   enregistrée.

  8   4D 1523, à présent, Général. Ce document provient de la direction de la

  9   sécurité du grand état-major. Regardez le début du premier paragraphe, il

 10   est dit à Zenica, pour le moment, en plus de l'ABiH, et entre parenthèses,

 11   on voit explicitement de quoi il s'agit, il y a la citation du HVO

 12   également.

 13    Précisez-nous, mon Général, si le HVO était présent en tant que

 14   composante des forces armées de Bosnie-Herzégovine à ce moment-là à Zenica

 15   ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Prenons le document suivant. C'est déjà une pièce à conviction. Nous

 18   passons ce document, mais je le cite pour que l'on puisse en avoir une

 19   trace dans le compte rendu d'audience. Le document 1D 2077.

 20   Le document suivant, lui aussi, est déjà versé au dossier, c'est le

 21   document 1D 2432.

 22   Général Praljak, nous nous attarderons un instant sur ce document,

 23   puisqu'il a été signé par Alija Izetbegovic, et c'est de là que vient son

 24   importance.

 25   Prenons le premier paragraphe de cet ordre, il y est dit :

 26   "Les forces armées de Bosnie-Herzégovine (l'ABiH et le HVO)…"

 27   Dites-nous, mon Général, il est incontestable qu'Alija Izetbegovic, au

 28   moins au moment où il a rédigé cet ordre, estimait que le HVO constituait


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  1   partie intégrante des forces armées de Bosnie-Herzégovine.

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  Prenons le document suivant qui lui aussi est déjà une pièce à

  4   conviction. C'est une déclaration conjointe d'Alija Izetbegovic et de Mate

  5   Boban du 27 janvier 1993. Il s'agit de la pièce P 1329, et à la fin du

  6   deuxième paragraphe, il est question de la création d'un commandement

  7   conjoint.

  8   Général Praljak, vous nous avez dit qu'à ce moment-là, vous aviez la charge

  9   de créer un commandement conjoint des deux composantes des forces armées de

 10   Bosnie-Herzégovine; est-ce exact ?

 11   R.  Avant et après cela. Pendant une année, nous avons déployé des efforts

 12   très considérables, du moins du côté croate afin de mettre sur pied un

 13   commandement conjoint.

 14   Q.  Prenons le document suivant, 4D 19. Nous avons là un ordre, un ordre

 15   qui a été donné par le général de brigade, à l'époque Milivoj Petkovic. Il

 16   s'agit de la mise en œuvre d'une déclaration conjointe de Boban et

 17   d'Izetbegovic, que nous avons vu à l'instant, et au point 3, le général

 18   Praljak dit : "Au niveau des zones opérationnelles sur le champ on prendra

 19   contact avec le commandement analogue de l'armée afin de créer des

 20   commandements conjoints."

 21   Est-il exact de dire que c'est également au niveau des zones

 22   opérationnelles qu'on allait créer ces commandements conjoints, et puis

 23   qu'on allait regrouper cela au niveau du grand état-major de l'ABiH ?

 24   R.  C'est exact.

 25   Q.  Nous avons consigné le numéro de document. Prenons le document suivant,

 26   à savoir le document P 1341. Là encore nous avons un ordre de Milivoj

 27   Petkovic en date du 28 janvier 1993, de nouveau sur la base de la

 28   déclaration conjointe de Mate Boban et de M. Alija Izetbegovic, et on


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  1   procède à la création d'un organe de coordination pour la zone du 4e Corps,

  2   c'est-à-dire pour l'Herzégovine du sud-est quand il s'agit du HVO.

  3   Examinons ensemble le texte en bas à gauche, la liste des destinataires, le

  4   HVO et le 4e Corps doivent tous les deux recevoir ce document.

  5   Général Praljak, à la fin du mois de janvier 1993, conformément à

  6   l'ensemble de ces zones conformément aux activités déployées ont tenté

  7   véritablement de mettre sur pied un commandement conjoint ?

  8   R.  Oui, tout à fait. Dans toutes les zones opérationnelles où le HVO était

  9   en contact avec l'ABiH, pas seulement dans cette zone-ci, et effectivement

 10   il y a ce rapport 3:3 de part et d'autre, l'organe de coordination qui doit

 11   sélectionner les hommes pour procéder à des nominations, un Croate et un

 12   Musulman, ce sont des hommes politiques, il y en a quatre qui sont

 13   militaires.

 14   Q.  Prenons le document suivant en question, c'est toujours un document du

 15   même type mais maintenant du côté de l'ABiH, le commandant Arif Pasalic est

 16   l'auteur de ce document. Le document est 4D 366. Ce sont toujours les mêmes

 17   hommes, les mêmes organes de coordination et le texte est identique aux

 18   documents signés par le général Petkovic; il en a été ainsi ?

 19   R.  Oui, tout à fait.

 20   Q.  Prenons le document suivant, c'est une pièce à conviction

 21   P 1467, P 1467. On examinera le rapport plus en avant de ce document. On va

 22   au document suivant, 4D 1205. Il s'agit de la coopération dans la zone

 23   opérationnelle de Bosnie centrale, c'est-à-dire le 3e Corps pour l'ABiH.

 24   Général Praljak, ce document confirme qu'en février 1993, ces deux armées

 25   ont coopéré, ont tenté de résoudre les problèmes qui se posaient. Est-ce

 26   que cela correspond à ce que vous avez connu sur le terrain ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Avez-vous pris part activement à des tentatives visant à calmer la


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  1   situation en Bosnie centrale ?

  2   R.  Oui, avec une énergie énorme et une très grande passion. Ceux qui me

  3   connaissent savent ce que cela veut dire.

  4   Q.  Alors nous avons un document du début de l'année 1993. Je voudrais vous

  5   rappeler certaines déclarations que vous avez faites pendant

  6   l'interrogatoire principal et je voudrais qu'on les revisite. Après la

  7   signature du plan Vance-Owen du côté croate de Bosnie-Herzégovine, les

  8   autorités de l'Herceg-Bosna ont considéré que la guerre était terminée, que

  9   Boban a même ordonné que l'on procède à une démobilisation, et tous étaient

 10   sincèrement persuadés qu'on allait créer des commandements conjoints et que

 11   le conflit entre le HVO et l'ABiH était terminé. Est-ce que je vous ai bien

 12   compris pendant l'interrogatoire principal ?

 13   R.  Oui, c'est exact. Ce plan a été signé même avec Alija Izetbegovic.

 14   Q.  Dans sa totalité ?

 15   R.  Dans sa totalité pour ce qui est des Croates. Là pour ce qui est des

 16   territoires de l'armée, des principes constitutionnels, la partie

 17   essentielle a été signée, et on était profondément convaincu que c'était la

 18   fin du conflit, qu'on allait être forts, qu'on allait mettre sur pied un

 19   commandement conjoint, et puis Mate Boban, en se fondant sur cette

 20   conviction, a réduit considérablement les militaires parce qu'on ne pouvait

 21   pas les payer non plus. Beaucoup sont partis.

 22   Q.  Voyons la situation quelques mois plus tard. Nous sommes maintenant

 23   d'après les documents --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Il est quasiment moins quart, il vaut mieux qu'on

 25   fasse la pause et vous continuerez après.

 26   On va faire une pause de 20 minutes et on continuera.

 27   --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.

 28   --- L'audience est reprise à 16 heures 10.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, vous avez la parole.

  2   Mme ALABURIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge

  3   Antonetti. Je tiens à m'excuser auprès de nos interprètes, car il

  4   semblerait que dans la première partie de notre audience de cet après-midi,

  5   j'aurais été trop rapide, et on m'a dit qu'ils n'ont pas connu d'élocution

  6   aussi rapide depuis dix ans. Je m'excuse très sincèrement et je promets de

  7   faire de mon mieux pour améliorer ma prestation. 

  8   Q.  Général Praljak, passons donc au document suivant, P 2002. Il s'agit

  9   d'un accord qui est daté du 20 avril 1993 à Zenica par Milivoj Petkovic et

 10   Sefer Halilovic, en présence des représentants de l'organisation d'état de

 11   la communauté internationale.

 12   Général Praljak, ce qui m'intéresse maintenant c'est le point 1, où on dit

 13   que :

 14   "L'ABiH et le HVO sont des forces militaires légales au sein de la

 15   République de Bosnie-Herzégovine et bénéficient du même traitement."

 16   Général Praljak, ma question est la suivante, j'imagine que vous

 17   étiez au courant de la signature de cet accord le 20 avril à Zenica ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce que d'après ce que vous en savez, mis à part cet accord-là dans

 20   d'autres documents adoptés à l'époque, c'est-à-dire en avril 1993, le

 21   traitement des deux armées dans la République de Bosnie-Herzégovine s'était

 22   trouvé être le même du moins en application de la lettre des documents ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Le document suivant a déjà un statut de pièce à

 25   conviction --

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, ce document -- je ne sais pas si le

 27   général Petkovic témoignera, mais s'il témoigne puisqu'il était participant

 28   à cette réunion, je pourrai ultimement lui poser la question.


Page 42341

  1   Mais le général Morillon, vous l'avez rencontré un jour ou l'autre ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Non -- une fois, oui, à Medjugorje, me

  3   semble-t-il, mais --

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce général français, qui a dû avoir une

  5   éducation militaire dans les écoles militaires françaises, doit normalement

  6   faire la distinction entre une armée de va-nu-pieds, entre des

  7   paramilitaires et une armée classique. Si dans ce document où il préside

  8   une réunion puisque la réunion est présidée par lui et par M. Thebault. Il

  9   dit que le HVO est une armée légitime de la République de Bosnie-

 10   Herzégovine.

 11   Pourrait-il se tromper ? Puisque vous l'avez rencontré une fois. Est-

 12   ce quelqu'un qui peut se méprendre sur la réalité d'une armée ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce serait impossible partant de ce que

 14   j'ai eu à apprendre au sujet de lui, pour ce qui est de ses discours ou

 15   interventions. A mon avis c'était l'un des généraux les plus respectables

 16   de la communauté internationale, et l'un de ceux qui étaient le plus au

 17   courant des choses. Je serai aussi d'avis que c'était aussi l'un des plus

 18   objectifs.

 19   Mme ALABURIC : [interprétation]

 20   Q.  Général Praljak, pouvez-vous nous dire si c'est un fait que de ne pas

 21   avoir rencontré ce général Morillon, mis à part l'occasion où vous l'avez

 22   vu une fois, ça doit être dû au fait que c'est le général Petkovic qui

 23   était chargé des contacts avec les représentants de la communauté

 24   internationale et de la participation aux négociations ?

 25   R.  C'est exact. Le général Pektovic était le chef de l'état-major

 26   principal du HVO, et c'était lui qui négociait. A l'époque, je n'avais

 27   aucune fonction. Quand j'ai assumé ces fonctions-là, je l'ai nommé pour ce

 28   faire, parce qu'il avait déjà fait le travail afin qu'il continue à


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  1   négocier au nom du HVO et c'était une personne tout à fait autonome et

  2   autorisée à intervenir en la matière.

  3   Q.  Bien. On verra des documents à ce sujet. Je vous renvoie maintenant au

  4   P 2078, P 2078. Le document a déjà un statut de pièce à conviction, il

  5   s'agit d'une déclaration conjointe entre Alija Izetbegovic et Mate Boban,

  6   accompagnée d'un témoignage de Franjo Tudjman. La date est du 25 avril

  7   1993.

  8   On a vu bon nombre de fois cette même déclaration dans ce prétoire.

  9   Je vous renvoie à la fin du paragraphe 3 où il est dit que l'ABiH et le HVO

 10   sans tarder se doivent d'entamer la mise en œuvre des alinéas ou des

 11   modalités de l'accord parce que le HVO et l'ABiH sont des unités tout aussi

 12   légales l'une que l'autre, et il faut établir un commandement commun.

 13   C'est donc une preuve de plus, disant que le HVO était une composante

 14   légale des forces armées de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas, Général

 15   Praljak ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  Il convient peut-être de dire qu'il y aura un millier de documents de

 18   ce type à verser au dossier.

 19   R.  Non, on va quand même pas en verser un millier.

 20   Q.  Passons au sujet suivant.

 21   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Vous aviez oublié que vous nous

 22   aviez dit que vous feriez de votre mieux pour ne pas répéter ce qui avait

 23   été dit, mais vous recommencez à nouveau, Monsieur Praljak. Ah, il y a eu

 24   un petit problème d'interprétation, un chevauchement.

 25   Mme ALABURIC : [interprétation] Je m'excuse. Je dois reconnaître que je

 26   n'en avais pas conscience du tout. Je vais faire un effort.

 27   Q.  Général, passons au document suivant, P 2091, 2091, disais-je. Il est

 28   question de l'avenant numéro 1 à l'accord ou à la déclaration qu'on a vu


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  1   tout à l'heure, et qui à la même date, le 25 avril 1993, a été signé par

  2   Alija Izetbegovic et Sefer Halilovic du côté musulman et par Mate Boban et

  3   Milivoj Petkovic du côté croate.

  4   Au paragraphe 1, il est répété cette constatation disant que :

  5   "L'armija de l'ABiH et le HVO allaient garder leurs identités respectives

  6   et leur organisation des commandants, et ils allaient également veiller à

  7   créer un commandement conjoint."

  8   Etiez-vous au courant de cet avenant militaire à l'accord signé à Zagreb à

  9   la date du 25 avril ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Fort bien. Penchons-nous maintenant sur le document d'après, 4D 1611.

 12   4D 1611. Il s'agit d'un ordre émanant de Alija Izetbegovic, daté du 16 juin

 13   1993, où l'on dit :

 14   "Il est donné ordre de cesser momentanément toutes hostilités entre les

 15   Unités de l'ABiH et les Unités du HVO."

 16   Au paragraphe 2, on dit que :

 17   "La mise en œuvre --" "-- que seront considérés responsables de la mise en

 18   œuvre de cet ordre le général de commandant de l'armée de Bosnie-

 19   Herzégovine, Rasim Delic, et Milivoj Petkovic du côté du HVO."

 20   L'avez-vous déjà vu cet ordre ou pas ?

 21   R.  Si je l'ai vu déjà. Mais il faut ajouter quelque chose d'inhabituel, à

 22   savoir que dès lors à ce moment-là, l'ABiH était déjà attaqué à Travnik, et

 23   cet ordre accompagne 25 000 réfugiés croates de Travnik; et c'est ça qui

 24   est incroyable. L'action en question n'est pas entravé, n'est pas stoppé,

 25   pour ce qui est de l'ABiH. Ils ne s'arrêtent pas à Travnik. Il y a déjà 25

 26   000 réfugiés qui ont emprunté les routes et les chemins de montagne, et on

 27   donne ce type d'ordre.

 28   Q.  Général Praljak, nous arriverons au territoire de la Bosnie centrale


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  1   tout à l'heure et on verra ce qui s'y est passé. Pour le thème qui nous

  2   intéresse à ce moment, c'est de savoir et il est important de savoir

  3   qu'Alija Izetbegovic donne des ordres à l'attention de l'ABiH et du HVO, et

  4   qui considère responsable Milivoj Petkovic. Alors saviez-vous, à ce moment-

  5   là, qu'Alija Izetbegovic avait donné ce type d'ordre qui se rapporterait

  6   également à la composante croate des forces armées de la République de

  7   Bosnie-Herzégovine ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Bon, le document suivant c'est le 4D 1586. 4D 1586. Il est question

 10   d'une décision signée par M. Alija Izetbegovic et c'est daté du 20 juillet

 11   1993. Alors c'est une décision de la présidence de Bosnie-Herzégovine, et

 12   au paragraphe 1, cette présidence de la Bosnie-Herzégovine convie les

 13   Unités de l'ABiH ainsi que les Unités du HVO à mettre un terme à leur

 14   conflit.

 15   Alors, Général Praljak, étiez-vous au courant du fait que la présidence de

 16   Bosnie-Herzégovine, à cette époque, avait pris ce type de décision se

 17   rapportant tant à la composante croate des forces armées qu'à l'autre ?

 18   R.  Oui. Mais je vais commenter très brièvement. Ça c'est après Bugojno,

 19   ça, après Konjic, après Fojnica aussi, après Kakanj, et après l'attaque

 20   lancée sur Mostar. C'est ça l'incroyable de l'histoire. Je sais ce que vous

 21   êtes en train de dire, mais ce que je viens de vous dire, c'est que ce sont

 22   des territoires que l'ABiH a déjà conquis et elle a expulsé la population

 23   de ces régions.

 24   Q.  Nous allons montrer cela aux Juges tout à l'heure. Document suivant --

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Sur ce document, comme les autres, vous avez vu, au

 26   paragraphe 3, la FORPRONU doit aussi jouer son rôle et la Croix-Rouge pour

 27   la mise en œuvre de la décision.

 28   Alors y a plusieurs hypothèses, et un Juge pénal devant un fait il doit


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  1   spéculer en quelque sorte en envisageant des hypothèses pour essayer de

  2   trouver la vérité, et il ne doit pas simplement se contenter d'une

  3   hypothèse il doit vérifier toutes les autres hypothèses.

  4   Quand on voit ce document la première hypothèse qui vient à l'esprit, M.

  5   Izetbegovic se moque du monde, il a entamé avec son armée une action

  6   d'envergure contre le HVO et pour rassurer la communauté internationale, il

  7   prend ce type de décision pour apparaître comme étant le pacifiste du

  8   conflit. Ça c'est une hypothèse.

  9   Deuxième hypothèse, ce qu'il dit dans le document est vrai, à savoir qu'il

 10   y a non pas un conflit mais des conflits. Vous voyez, il y a le pluriel.

 11   Donc s'il y a le pluriel - et moi, je prête attention à la sémantique -

 12   c'est que s'il y a du pluriel, ça veut dire qu'il y a des conflits

 13   sporadiques qui éclatent d'ici et de là, et que peut-être, lui-même, en

 14   tant qu'homme politique, n'a pas l'entière maîtrise du terrain, tant

 15   militaire que politique; et qu'il est peut-être à la remorque de ces

 16   généraux, voire d'autres unités qui mènent un jeu personnel. Que donc, de

 17   part et d'autre, ça éclate, et il essaie de calmer le jeu surtout vis-à-vis

 18   de la communauté internationale. Ça c'est la seconde hypothèse.

 19   Alors il peut y en avoir d'autres, mais là, il y en a deux principales.

 20   Vous, dans quelle hypothèse tomberiez-vous ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la première. J'y serai plus enclin qu'à

 22   toute autre chose. Par exemple, M. Izetbegovic a nommé M. Cibo, le Dr Cibo.

 23   Il l'a octroyé cet homme, en laissant de côté tout résultat électoral pour

 24   qu'il puisse gérer les municipalités de Konjic, à Rama, et à Jablanica. Ce

 25   Dr Cibo c'était un homme à lui. Or, à Bugojno, c'est lui qui a été l'homme

 26   numéro un, qui a lancé l'attaque de l'ABiH. Alors si ça avait été un

 27   conflit isolé, il n'y aurait pas eu de cela à Fojnica, à Kakanj, à Mostar,

 28   à Bugojno, il n'y aurait pas à ce moment-là et à l'époque eu 50 ou 60 000


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  1   Croates de déplacés. Qualifiez-le comme vous le voulez, mais ce n'était

  2   plus des gens qui étaient dans leurs foyers. Ils n'habitaient -- ils

  3   n'étaient plus dans leurs maisons. Alors conflit isolé, oui, à Prozor, et

  4   on l'a surmonté facilement. Mais ça ce n'était plus des conflits isolés.

  5   C'était une agression non dissimulée, pure et simple.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

  7   Mme ALABURIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge

  8   Antonetti, sur le fait d'avoir attiré l'attention sur le pluriel, conflits

  9   au pluriel.

 10   Alors, Général Praljak, je me propose à cet effet de vous montrer une

 11   explication suivante pour ce qui est de l'utilisation de cette notion de

 12   conflits au pluriel. Vous me direz, si j'ai raison ou tort, et rectifiez si

 13   vous estimez que j'ai tort.

 14   Alors sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, il n'y a pas eu un seul

 15   conflit, un conflit unique entre le HVO et l'ABiH, mais sur certains

 16   territoires, donc certains territoires de la Bosnie-Herzégovine, il y a eu

 17   des situations variées; aussi dans certaines parties de la Bosnie-

 18   Herzégovine, le HVO et l'ABiH avaient ensemble combattu contre l'ARSK. Nous

 19   avons eu à voir des parties de la Bosnie-Herzégovine où le HVO, du point de

 20   vue opérationnel, était subordonné au commandement de l'ABiH. On a vu

 21   Sarajevo, on a vu le cas de Tuzla. Dans certaines autres parties de la

 22   Bosnie-Herzégovine, il n'y a pas eu de conflits du tout, et sur certaines

 23   parties de territoire, il y a eu des conflits.

 24   Est-ce qu'il s'agirait là d'un fait, à savoir que nous parlons d'une série

 25   de conflits sur un territoire plutôt restreint de la Bosnie-Herzégovine en

 26   sa qualité d'Etat ? Ensuite on parlera de la signification et de la

 27   corrélation, donc il s'agirait d'une série de conflits sur certaines

 28   parties de territoire de la Bosnie-Herzégovine considéré dans son ensemble


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  1   de la Bosnie-Herzégovine ?

  2   R.  Moi, je préfère démystifier les choses. Il n'était guère nécessaire à

  3   l'ABiH de faire quoi que ce soit contre le HVO à Bihac dont que ce HVO

  4   était en train de donner des vies pour défendre la région. Il n'y avait que

  5   peu de Croates et peu de membres du HVO parce que c'était majoritairement

  6   Musulman, cette population là-bas. Il en va de même pour Tuzla. Il en va de

  7   même pour Sarajevo qui de nos jours compte 97 % de Musulmans.

  8   Les conflits sont survenus là où l'ABiH était présente et il fallait

  9   faire partir suffisamment de Croates pour avoir du territoire. Travnik,

 10   Zenica, par exemple, Kakanj aussi, Konjic, et c'est là que ça s'est

 11   produit.

 12   Il fallait -- pour leurs réfugiés, pour l'organisation potentielle de leur

 13   Etat musulman, il fallait faire de la place et c'est ça la signification de

 14   ce qui s'est fait.

 15   Q.  Fort bien. Général Praljak, nous allons nous baser sur les

 16   transcriptions des sessions de la présidence de Bosnie-Herzégovine et on

 17   verra quels étaient les plannings du point de vue de l'élargissement des

 18   territoires pris par l'ABiH. Mais finissons avec ce thème.

 19   Je vous renvoie au P 1234. Que je mentionne ici pour compléter le

 20   compte rendu d'audience et c'est déjà une pièce à conviction du reste.

 21   Son paragraphe 6 nous parle de l'accord militaire et des deux

 22   composantes des forces armées de la Bosnie-Herzégovine. Le document d'après

 23   est le 4D 1299, et il s'agit --

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi, Madame Alaburic, je

 25   souhaite vous poser une question d'ordre technique. Alors je ne sais pas --

 26   enfin, vous avez déjà, à je ne sais combien de reprises, avoué qu'il y a un

 27   document et puis passé à un document suivant immédiatement après. Alors

 28   pourquoi vous avez mentionné quelque chose ? Le témoin n'a rien dit sur ce


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  1   document et puis vous poursuivez. Est-ce que ce n'est pas une perte de

  2   temps ? Parce que ça ne nous permet pas donc de verser le document. Il me

  3   semblerait que, là, il y a une certaine perte de temps. Je pourrais me

  4   tromper.

  5   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je me ferai un plaisir

  6   que de vous l'expliquer. Je saute les documents qui sont déjà des pièces à

  7   conviction, et c'est la raison pour laquelle je ne veux pas perdre mon

  8   temps sur des documents qui sont déjà versés au dossier. De toute façon, je

  9   perds quand même un peu de temps en mentionnant ce document parce qu'en

 10   premier lieu, pour vous, Messieurs les Juges, je tiens à ce qu'il soit

 11   indiqué au compte rendu d'audience la totalité des documents qui sur ce

 12   sujet-là ont été pris en considération.

 13   Au cas où vous estimeriez qu'il n'est point nécessaire de mentionner des

 14   documents qui ont déjà le statut de pièces à conviction, je vais les sauter

 15   et je ne vais pas les mentionner du tout.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Alors peut-être que mes collègues

 17   ont un autre point de vue. Mais pour ma part, je ne vois pas quelle est

 18   l'utilité : "On peut peut-être sauter quelques numéros," je pense que ce

 19   sera tout à fait suffisant, et je pense que la plupart de vos collègues ont

 20   procédé de la sorte.

 21   M. KOVACIC : [interprétation] Je voudrais demander à Mme Alaburic à moins

 22   que les Juges n'interdisent de continuer -- je demanderais à ce qu'on

 23   continue avec cette méthode et nous allons à la fin rédiger des mémoires de

 24   clôture et il y aura du personnel des Juges, et nous aussi, qui allons nous

 25   référer à des éléments qui rappelleront des pièces évoquées lors des

 26   interrogatoires et contre-interrogatoires et je crois que ce serait utile,

 27   à moins que les Juges de la Chambre ne l'interdisent, moi, je m'en

 28   féliciterais.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic, il faut être très prudente. Pour

  2   quelles raisons ? Vous avez constaté, à plusieurs reprises, bien, moi, ce

  3   n'était pas mon point de vue. Mes collègues étaient de ce point de vue dont

  4   la majorité l'emportant, je n'ai rien dit. Quand un avocat pose une

  5   question et explicite sa question, il peut y avoir des objections du

  6   Procureur ou des Juges en disant : vous témoignez. Donc, de ce fait, c'est

  7   alors que cela ça résulte dans aucun article du règlement. C'est une

  8   pratique. Dans le Règlement il n'a jamais été interdit à un avocat de poser

  9   une question et d'expliciter l'objet de la question. C'est une pratique.

 10   Bien. Alors on peut en penser ce que l'on veut. Moi, dans mon pays, un

 11   avocat explique pourquoi il pose la question, il en donne le support

 12   juridique, il explique pourquoi, qu'est-ce qu'il veut viser, et cetera.

 13   Puis après, le témoin ou l'accusé répond. Bien. Ici il semblerait - je dis

 14   bien - il semblerait que ce n'est pas possible par la pratique. Bon.

 15   A ma connaissance, la Chambre d'appel n'a pas eu à examiner en profondeur

 16   cette question. De ce fait, l'avocat, qu'est-ce qu'il lui reste pour

 17   présenter sa vision de l'affaire. Comme vient de le dire, Maître Kovacic,

 18   c'est le mémoire final. Donc, dans le mémoire final, il faudra que vous

 19   développiez votre argumentation avec des références aux documents.

 20   Il se trouve que nous saurons certainement d'autant toute l'histoire

 21   de ce Tribunal, l'affaire où il y aura eu le plus grand nombre de

 22   documents. Donc, dans le mémoire préalable qui sera nécessairement limité

 23   aux nombres de pages, vous ne pourrez pas mentionner les milliers de

 24   documents voire les centaines de documents à l'appui d'un élément, donc

 25   vous êtes obligée de sélectionner les documents. En sélectionnant les

 26   documents, les Juges se pencheront évidemment dans les mémoires finaux tant

 27   de l'Accusation que de la Défense sur les arguments et sur les documents

 28   cités. Il se peut que des documents ne soient pas cités mais pour autant


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  1   les Juges normalement devront les voir. Dans le jugement, il se pourrait

  2   même que les Juges mentionnent des documents que ni le Procureur, ni vous-

  3   même n'avez cités mais qui ont été admis.

  4   Alors le fait de ne pas mentionner un document vous expose au risque

  5   que ce document soit perdu de vue, et que les Juges le perdent aussi de vue

  6   parce qu'eux, au moment des délibérations, ils auront des centaines de

  7   milliers de pages, voire des millions de pages à regarder avec plusieurs

  8   milliers de documents. Donc, là, c'est un risque, ce qui fait que quand

  9   vous citez un document et vous pensez qu'il y a d'autres documents qui

 10   confortent ce document qui soit important, il vaut mieux de dire : voilà,

 11   tel document je n'en parle pas parce qu'il a déjà été admis mais ce

 12   document est en rapport avec le document qui va être soumis au témoin. Mais

 13   si vous ne dites pas ça et que vous pensez qu'automatiquement, les Juges

 14   vont tenir compte du document, je dis : attention, parce que, nous, nous,

 15   nous avons affaire à une avalanche de documents. Il se peut qu'on puisse

 16   passer au travers. On essaie d'être vigilent, mais si vous oubliez ce

 17   document dans votre mémoire final et dans votre plaidoirie, mais il est

 18   certain que vous ne pouvez pas prendre en compte tous les documents; sinon,

 19   votre plaidoirie finale dura des jours et des jours. Donc ce n'est

 20   possible, voilà.

 21   Donc choisissez exactement les documents les plus importants et dans

 22   le mémoire final, évitez d'oublier des documents qui pour vous sont à

 23   l'appui de votre thèse.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je vous remercie de

 25   ces instructions, et j'en tiendrais compte de façon absolue. Je me

 26   conformerai à ce que vous avez dit. Mais j'attire votre attention sur le

 27   fait que les documents qui ont été préparés pour cette partie du contre-

 28   interrogatoire constituent déjà un choix, une sélection de documents. Si


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  1   vous penchez sur les dates, vous vous rendrez compte du fait que je me suis

  2   efforcée pour chaque période pertinente, pour chaque mois à peu près,

  3   grosso modo de vous montrer ne serait-ce qu'un document parce que mon

  4   souhait avait été de faire en sorte que vous puissiez voir que le HVO était

  5   une partie intégrante des forces armées depuis le tout début; et que la

  6   montée des tensions entre les deux en Bosnie-Herzégovine a conduit pour

  7   finir à la signature de ces accords de Washington. C'est la seule raison

  8   pour laquelle il y a autant de documents.

  9   Q.  Mon Général, passons maintenant à un document, document d'après qui

 10   n'est pas une pièce à conviction, et on va en parler. Il s'agit du 4D 1299.

 11   Il est question d'un accord daté du 12 mars 1994, 12 mars 1994, disais-je

 12   qui est signé par Delic et par Ante Roso. Penchons-nous aussi sur le

 13   chapitre 2, organisation, création d'une armée fédérale.

 14   Paragraphe 1, en version anglaise, il s'agit de la page 2, et ce vers

 15   la moitié de la page plus vers le bas que vers le haut. Alors je cite :

 16   "L'armée fédérale sera créée, organisée conformément aux principes

 17   d'association des armées de l'ABiH et du HVO, et elle répondra de ses

 18   agissements devant un commandement conjoint, le président la Fédération en

 19   passant par le biais du ministre de la Défense."

 20   Général Praljak, dites-nous est-ce que c'est bien un accord qui est l'un de

 21   ceux qui ont été signés en sus des accords de Washington ?

 22   R.  C'est exact. Ça a été signé à Split, celui-ci, si mes souvenirs sont

 23   bons. C'est une partie intégrante de l'accord portant sur la fédération et

 24   confédération.

 25   Q.  Général Praljak, est-ce qu'il y a eu un dilemme quelconque pour ce qui

 26   est de savoir si cette armée fédérale de la Fédération de Bosnie-

 27   Herzégovine serait constituée de deux composantes, l'ABiH et le HVO ou pas

 28   ?


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  1   M. STRINGER : [interprétation] Objection. Le général n'avait pas de

  2   position officielle lorsque les accords de Washington ont été conclus au

  3   printemps 1994, et il n'a pas participé non plus aux négociations qui ont

  4   mené à cette accord, donc il n'est pas qualifier pour s'exprimer sur les

  5   ambiguïtés éventuelles de ces négociations.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Il me semble que quand je vous ai posé des

  7   questions, j'en suis sûr, je vous ai montré un transcript présidentiel où

  8   vous évoquiez avec M. Tudjman et d'autres hauts responsables politiques et

  9   militaires des questions géostratégiques, politiques, et cetera.

 10   Alors, Général Praljak, en 1994, où apparemment vous aviez réinséré

 11   le premier cercle du président Tudjman, est-ce que vous avez apporté votre

 12   contribution aux travaux de la République de Croatie en vue des accords de

 13   Washington, parce que l'objection du Procureur, lui, il dit que vous n'avez

 14   aucune compétence en la matière.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble qu'à l'époque, j'étais le

 16   conseiller militaire du président Tudjman.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : En tant que conseiller militaire du président

 18   Tudjman, vous avez eu certainement votre mot à dire ou votre expertise sur

 19   les conséquences des accords de Washington, oui ou non ?   

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, et je me suis rendu à Sarajevo

 21   ensemble avec le président Tudjman et des délégations pour des réunions.

 22   J'étais au courant et j'ai participé à cela.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous avez participé à Sarajevo avec a

 24   délégation croate aux réunions, travaux, et cetera.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez vu ce document, hier, qui montrait

 26   que j'étais présent lors de ces pourparlers.

 27   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je voulais précisément

 28   attirer l'attention sur le document d'hier, dont il est question, c'est le


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  1   4D 101454. C'est une réunion à Sarajevo, à la date du 16 juin 1994, donc

  2   concernant les activités conjointes des forces armées de la Bosnie-

  3   Herzégovine et de l'armée croate. Au cours de cette réunion, le général

  4   Praljak a été présent également.

  5   Q.  Alors revenons un instant, Général, sur ce document précédent qui a été

  6   signé par Delic et par Roso. Donc cet accord du 12 mars 1994, accord cadre.

  7   Donc il y est dit à la toute fin du texte qu'il a été signé à Split, le 12

  8   mars 1994.

  9   Alors à votre connaissance, Général Praljak, est-ce que le ministère de la

 10   Défense a été impliqué dans l'organisation de cette réunion à Split ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Est-ce que, vous aussi, vous étiez au faîte de l'organisation de cette

 13   réunion, plus généralement de la création d'une armée conjointe de la

 14   Fédération de Bosnie-Herzégovine ?

 15   R.  Oui, j'étais au courant. J'en ai parlé avec tous et j'ai apporté ma

 16   contribution sans la moindre réserve.

 17   Q.  Passons au document suivant, qui est le 4D 01300. C'est de nouveau

 18   Delic qui et Roso que nous voyons ici, mais maintenant à Sarajevo, en date

 19   du 26 mars 1994, et on parle déjà ici d'état-major unifié, conjoint. On

 20   parle de la mise en place de cet état-major unifié et des missions qui sont

 21   les siennes.

 22   On voit ici que cet état-major unifié est censé être composé de

 23   représentants de l'ABiH et du HVO. Aviez-vous connaissance de cet accord

 24   entre Roso et Delic, Général ?

 25   R.  Oui, j'en avais connaissance. Ici, nous avons déjà l'organisation de

 26   l'armée de la Fédération, organisation qui s'est poursuivie pendant

 27   plusieurs années après, jusqu'à ce que la composante serbe rejoigne cela

 28   aussi, et qu'il en soit disposé autrement.


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  1   Q.  Alors voyons maintenant ce que le parlement de Bosnie-Herzégovine avait

  2   à dire sur le sujet de la composante croate des forces armées. C'est le

  3   document 4D 00826, qui est déjà une pièce à conviction.

  4   Je voudrais que nous nous reportions à l'article 37. Cet article dit

  5   :

  6   "L'armée de la Fédération se compose des Unités de l'ABiH et du Conseil

  7   croate de la Défense, y compris l'échelon des corps d'armée et des

  8   districts militaires, et cela aussi bien pour ce qui concerne les organes

  9   en temps de paix que les unités en temps de guerre."

 10   Général, savez-vous si le parlement de Bosnie-Herzégovine a confirmé que le

 11   HVO et l'ABiH étaient à pied d'égalité au sein des forces armées ?

 12   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Madame Alaburic, pardonnez-moi, de

 13   vous interrompre, mais vraiment je ne suis pas très confortable pour ce qui

 14   est de prendre en considération des remarques, nous devons prendre en

 15   considération les remarques de notre Président, et je pense à ce qu'a dit

 16   M. Stringer. Je crois vraiment que nous allons trop loin avec tous ces

 17   documents-ci. Tous ces documents qui nous sont présentés, est-ce qu'ils ont

 18   vraiment un rapport avec M. Praljak, en tant que témoin, ainsi pour ce qui

 19   est de celui-ci, par exemple, le 4D 00826, du 26 août 1996 ?

 20   Il me semble que, là, c'est allé loin que de penser que M. Praljak, à

 21   l'époque, il était conseiller militaire du président Tudjman, donc qu'il

 22   devait -- il pouvait tout savoir. Donc je crois que des bases devraient

 23   être établies; savoir s'il a participé à l'élaboration de ces documents,

 24   est-ce qu'il était présent lors de l'adoption, par exemple, mais présenter

 25   un grand nombre de documents sans qu'il y ait preuve de la participation

 26   personnelle ? Je crains que, là, cela n'aille trop loin. Merci.

 27   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge Prandler, je vous remercie

 28   --


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Le Juge Prandler a soulevé un réel problème que la

  2   Défense doit prendre en compte.

  3   Bon, pour moi, il est évident qu'un procès militaires d'un chef d'Etat est

  4   automatiquement au courant de tout ce qui se passe, sur le plan militaire

  5   et politico-militaire; sinon, il ne serait pas conseiller militaire. Donc

  6   pour ceux qui connaissent cette fonction, ils savent que ça signifie. Bon,

  7   mais tous les Juges ne sont pas obligés de connaître le fonctionnement

  8   militaire.

  9   Donc, Maître Alaburic, essayez, comme le dit le Juge Prandler, d'établir

 10   que M. Praljak était au courant, participait aux réunions, et cetera;

 11   sinon, malheureusement, tous les efforts que vous faites pourraient être

 12   balayés, en disant : on n'a pas la preuve, d'abord, il était conseiller

 13   militaire, et deuxièmement, qu'il participait aux réunions, et cetera.

 14   Bien.

 15   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, les questions que je

 16   pose au général Praljak, concernant ces dispositions légales, je ne les

 17   pose pas avec l'intention de verser ces documents par l'intermédiaire du

 18   général Praljak, car il s'agit de texte de loi qui ont déjà le statut de

 19   pièces à conviction.

 20   Ce que je souhaite mettre en évidence auprès des Juges de la Chambres

 21   est la chose suivante : le parlement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine

 22   s'est exprimé et à disposer que l'armée de la Fédération est composée de

 23   deux composantes : d'une part, l'ABiH, et d'autre part, la deuxième

 24   composante, le HVO.

 25   Si le parlement de la Bosnie-Herzégovine a estimé que la composante croate

 26   des forces armées pouvait ainsi être décrite et caractérisée dans les lois

 27   même de la Bosnie-Herzégovine, j'estime que c'est un fait d'une extrême

 28   importance dans la présente affaire. Nous avons ici la possibilité


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  1   d'entendre de la part du général Praljak, qui est originaire de Bosnie-

  2   Herzégovine, qui, après la guerre, a eu l'occasion de se rendre sur place

  3   bien souvent, et qui, aujourd'hui encore, se rendrait souvent là-bas s'il

  4   en avait la possibilité. Nous avons l'occasion d'entendre de sa part des

  5   réponses aux questions que -- à la question que je lui pose concernant la

  6   façon dont le parlement de la Bosnie-Herzégovine a défini le HVO comme une

  7   composante sur un pied d'égalité avec l'ABiH, et cela ne va pas plus loin

  8   que cela. J'estime que c'est un sujet très important sur lequel nous aurons

  9   l'occasion de revenir pendant la présentation des moyens à décharge de mon

 10   client, et je pense qu'il pourrait suffire ici que je continue à interroger

 11   le général Praljak sur la suite des documents.

 12   Q.  Passons au document 2D 01183 en premier, c'est la loi se rapportant aux

 13   droits spécifiques dont bénéficient les hommes qui ont été décorés en temps

 14   de guerre. Dans l'article 1 on dispose que les membres du HVO ont aussi

 15   droit de se voir accorder le bénéfice de ces dispositions spécifiques,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, c'est exact, et parce que moi j'étais commandant j'ai eu

 18   l'occasion de voir que certains hommes prenaient leurs fonctions au sein de

 19   la fédération et que par la même la question de leur statut était réglée en

 20   terme de retraite, c'était des dizaines d'hommes qui sont allés rejoindre

 21   le commandement unifié de la fédération, et j'étais tout à fait au courant.

 22   C'est ce qui a permis de régler la question de leur sort et puis de leur

 23   droit ultérieurement.

 24   Q.  Pour en finir avec ce sujet, Général Praljak, au mieux des éléments

 25   dont vous disposez, est-ce qu'on peut dire avec certitude que les autorités

 26   de Bosnie-Herzégovine en fait ont défini le HVO comme une composante

 27   légitime et légale des forces armées de la Fédération de Bosnie-Herzégovine

 28   ?


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  1   R.  Oui.

  2   M. STRINGER : [interprétation] J'aimerais que nous sachions exactement de

  3   quelle période de temps parle ? Le document précédent était daté d'août

  4   1996. Ici on a un document du 15 décembre 2005. On s'éloigne un peu de

  5   1994, à mon avis, tout ce que le témoin raconte sur ce document n'est pas

  6   très pertinent. Mais j'aimerais au moins savoir : quelle est la période de

  7   temps auquel il fait référence dans ce document ?

  8   Mme ALABURIC : [interprétation] Je vais répondre très volontiers à M.

  9   Stringer.

 10   Il s'agit de toute la période qui s'étend jusqu'au jour d'aujourd'hui.

 11   C'est précisément ce que nous souhaitions vous montrer, à savoir qu'à

 12   partir du tout premier accord survenu au mois de juin 1992, jusqu'aux

 13   décrets qui sont pris actuellement sur ces mêmes sujets au sein du

 14   parlement de Bosnie-Herzégovine, il n'y a pas le moindre de doute sur le

 15   fait que le HVO représente une composante légale et légitime des forces

 16   armées de la République de Bosnie-Herzégovine. Mais vous avez pour chacun

 17   de ces textes de loi l'information qui y figure quant à la date à laquelle

 18   il a été pris.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Maître Alaburic, à partir du 18 septembre

 20   1991, le HVO est reconnu comme composante légale, car c'est à cette date-là

 21   qu'on reconnaît l'expérience, le nombre d'années d'expérience au sein des

 22   forces armées pour chaque membre du HVO. Le 18 septembre 1991, c'est la

 23   date à laquelle, d'un point de vue juridique, la guerre a commencé en

 24   Bosnie-Herzégovine. Ceux qui ont participé à la guerre, au combat, ce sont

 25   vus accorder le bénéficie d'une retraite, un certain grade, en fonction du

 26   nombre d'années de service qu'ils ont accomplies, éventuellement des

 27   pensions d'invalidité et des décorations qu'ils ont pu gagner, mériter.

 28   Mme ALABURIC : [interprétation]


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  1   Q.  C'est exact, Général. Mais pour être très précis, en septembre 1991, il

  2   ne s'agissait pas encore du HVO au sens strict puisque ce dernier n'a été

  3   fondé qu'en avril 1992, donc il s'agissait d'autres unités ou de groupes

  4   d'individus armés.

  5   Maintenant, nous allons passer au sujet du contrôle effectif. Général, je

  6   voudrais juste établir un certain nombre de fondement; est-ce qu'en Bosnie-

  7   Herzégovine, au début des affrontements avec la VRS, existaient des

  8   effectifs d'une armée en temps de paix qui auraient été ceux du peuple

  9   musulman et du peuple croate ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Est-ce que cela signifie que les deux armées, aussi bien le HVO que

 12   l'ABiH, ont été créées dans des conditions de guerre ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Je voudrais vous rappeler l'opinion exprimée devant cette Chambre par

 15   un témoin expert militaire de l'Accusation, opinion consignée aux pages 24

 16   246 -- à la page 24 246 du compte rendu d'audience. C'est le Témoin

 17   Pringle, et il a déclaré qu'il fallait bénéficier de plusieurs années avant

 18   de pouvoir établir, mettre sur pied une armée pleinement fonctionnelle.

 19   Est-ce que vous conviendrez -- est-ce que vous seriez d'accord avec cette

 20   opinion émise par M. Pringle ?

 21   R.  Je ne sais pas ce que représentent quelques années pour lui. Quelques

 22   années ce n'est pas deux ou trois ans seulement.

 23   Q.  Mais dites ce que vous pensez, vous ?

 24   R.  Voilà, l'armée croate, par exemple, qu'il a fallu construire, il lui a

 25   fallu sept ou huit ans de travail particulièrement intense pour qu'elle

 26   puisse s'adapter afin de devenir une armée de l'OTAN. Donc en deux, trois

 27   ans, si vous avez simplement deux ou trois ans sans qu'il y ait la guerre,

 28   vous ne pouvez pas rassembler les hommes et mettre sur pied l'organisation


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  1   nécessaire pour bénéficier d'une armée pleinement fonctionnelle. En deux ou

  2   trois ans, vous ne pouvez pas opérer une véritable sélection. Vous ne

  3   pouvez pas procéder à l'instruction des officiers, du personnel

  4   d'encadrement, vous ne pouvez pas trouver les psychologues, ni le personnel

  5   logistique nécessaire, ni même produire les uniformes en quantité

  6   nécessaire, ni tester les armes. C'est un travail considérable que cela

  7   représente.

  8   Q.  Très bien. Alors, Général Praljak, vous nous avez dit ne pas avoir lu

  9   l'acte d'accusation mais il me semble qu'en fait vous l'avez lu peut-être

 10   davantage que vous ne souhaitez le reconnaître ?

 11   R.  Non, je ne l'ai pas fait.

 12   Q.  Très bien. Mais est-ce que vous avez connaissance du fait qu'un

 13   commandant militaire devant ce Tribunal peut se voir condamner pour

 14   différentes sortes de manquement à supposer qu'il ait exercé un contrôle

 15   effectif sur ses subordonnés ? Est-ce que vous avez connaissance de ce fait

 16   ?

 17   R.  Oui. Mais la notion de contrôle effectif --

 18   Q.  Nous allons y revenir.

 19   R.  Mais ne vous imaginez pas que j'ai lu cet acte d'accusation si moi je

 20   vous dis ne pas l'avoir lu.

 21   Q.  Très bien, Général. Alors en me fondant sur la façon dont vous avez

 22   exposé votre défense, moi, j'avais plutôt l'impression que vous étiez

 23   plutôt au fait du contenu de l'acte d'accusation mais bien entendu cela ne

 24   signifie pas que vous l'avez lu dans son intégralité.

 25   Passons toutefois à la suite. Je vais vous poser une série de questions qui

 26   sont importantes pour voir ce qu'il en était du contrôle effectif. Et je

 27   voudrais informer les Juges que je vais passer en revue les 15 éléments qui

 28   sont considérés comme important pour l'établissement de ce contrôle


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  1   effectif pour établir qu'il a bien existé.

  2   Premier élément. Général, vous nous avez dit qu'il y avait des brigades du

  3   HVO qui tout simplement ne voulaient pas exécuter les ordres leur demandant

  4   de s'engager dans des actions militaires en dehors du territoire de leur

  5   propre municipalité. Vous nous avez dit que dans ces circonstances-là il

  6   fallait persuader les soldats, leur expliquer de quoi il retourner, les

  7   supplier. Est-ce bien cela dont il s'agissait ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Deuxième exemple. Lorsque l'on a affaire à des soldats qui demandent

 10   des explications, des justifications, voyez, s'il vous plaît le document 4D

 11   1463. C'est le sous-ensemble suivant.

 12   R.  Est-ce que c'est un nouveau classeur ?

 13   Q.  Non, c'est toujours le même classeur. C'est le sujet numéro 4, contrôle

 14   effectif. 

 15   R.  Oui, je l'ai, 1-4 --

 16   Q.  1463. Cela correspond à la période pendant laquelle vous n'avez exercé

 17   aucune fonction au sein du HVO. Mais, moi, ce qui m'intéresse c'est

 18   également les modèles de comportement qui étaient présents à cette époque.

 19   Nous avons donc Ivica Lucic, le chef du SIS, qui s'adresse à M. Biskic,

 20   l'assistant chargé de la sécurité, l'assistant du ministre chargé de la

 21   sécurité. M. Lucic ici informe d'une protestation pacifique par des soldats

 22   du 4e Bataillon de la 3e Brigade --

 23   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] J'ai encore une question technique.

 24   Vous nous dites ici qu'il s'agit du document 1463, mais  je suis certain

 25   que vous parlez du document 4D 1464, j'en suis sûr. C'est le plan de

 26   travail rédigé par Perica Jukic et envoyé à l'état-major général du HVO, et

 27   cetera, et cetera, et envoyé par Marijan Biskic. C'est bien cela, n'est-ce

 28   pas ? Il me semble que c'est cela.


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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

  2   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci, je l'ai.

  3   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Trechsel. Alors

  4   voyons ce document. Je vais vous résumer son contenu. Donc il y aura une

  5   manifestation pacifique de soldats qui vont demander des explications sur

  6   le fait que leurs soldes arrivent de façon irrégulière sur l'existence de

  7   différence entre les soldes payés aux différents soldats --

  8   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : pourrait-on éteindre les

  9   micros qui ne sont pas utilisés, le bruit des pages tournées empêche

 10   d'entendre Me Alaburic ? Merci. 

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] -- demanderont également que les soldats

 12   demanderont également que l'on examine le nombre des soldats qui reçoivent

 13   une soldate et ceux qui se trouvaient sur la ligne de front ainsi qu'une

 14   explication quant au statut de la ville de Mostar, après enquête.

 15   Q.  Alors, Général Praljak, j'aurais tendance à conclure que c'est le

 16   principe d'autogestion était en fait un principe général de fonctionnement

 17   dans l'armée. Donc lorsque les gens demandent les soldes, les hommes

 18   demandent des explications quant aux soldes et à d'autres problèmes. Comme

 19   des -- en fait exactement comme des travailleurs dans le système de

 20   l'autogestion. Est-ce que vous pouvez commenter cela ? Est-ce que c'était

 21   une pratique habituelle lorsque vous étiez commandant du HVO ?

 22   R.  Oui, dans de très nombreux cas, e il y a eu des réunions de cette

 23   nature. M. Stojic a eu à faire face au même type de situation. Il y avait

 24   des manifestations, des protestations, et voyez, Maître Alaburic, vous vous

 25   trouvez face à un jeune homme de 22 ans, un soldat que vous voulez envoyer

 26   au champ de bataille pour qu'il y perde la vie. Pourquoi devrait-il y

 27   perdre la vie ? Pourquoi des milliers d'hommes de 20 ou 30 ans seraient

 28   censés aller se faire tuer au combat ? Comment justifier que ce soit la


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  1   mort qui tout d'un coup devienne l'objectif de leur existence ? Au nom de

  2   quoi ? Pourquoi combattent-ils ? Quel est le but ? Mais le sens

  3   métaphysique de la mort qui sera la sienne, est-ce juste parce qu'on a

  4   déclaré qu'il était un soldat, on change -- ils se retrouvent tout d'un

  5   coup dans un autre état ? Il perçoit des soldes ou des salaires

  6   irréguliers, il gèle sur pied pendant des années, d'autres disposent des

  7   lois qui s'appliquent à lui, et il n'a jamais signé de contrat avec un Etat

  8   existant. Il est le soldat de la personne qui est en train de créer cet

  9   Etat et tous ces pourparlers à Genève existent précisément parce que ce

 10   jeune homme est en train de mourir.

 11   Q.  Général, je suis d'accord pour dire que les soldats avaient le droit de

 12   demander des explications mais je voudrais qu'on aborde des questions tout

 13   à fait concrètes. Nous avons ici le tampon du ministère de la Défense, et

 14   vous avez plutôt beaucoup d'expérience avec les documents émanant du

 15   ministère de la Défense; est-ce que le cachet que nous avons ici confirme à

 16   votre sens le fait que ce document a émané des archives du ministère de la

 17   Défense ?

 18   R.  Oui, ça devrait être le cas.

 19   Q. [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document pose un réel problème sur la nature même

 21   de l'armée du HVO.

 22   A votre connaissance, dans les années 70, 80, du temps du maréchal

 23   Tito, si au sein de la JNA il y avait eu ce type de protestation, est-ce

 24   qu'il n'y aurait pas eu passage des soldats devant le tribunal militaire

 25   avec peloton d'exécution ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président, à cette

 27   époque-là, les soldats dans cette même nature auraient été très sévèrement

 28   punis et condamnés au moins à plusieurs années de travaux forcés. C'était


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  1   quelque chose de complètement inimaginable, aurait été complètement

  2   inimaginable, que cela traverse même l'esprit seulement de quelqu'un.  

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Si au mois de janvier 1994, c'est possible, c'est dû

  4   à quoi, à votre avis ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] La raison en est à rechercher dans la justice,

  6   peu se demande quel est le statut de la ville de Mostar, entre autres

  7   choses, est-ce que quelqu'un, qui est fort mais injuste, va d'un trait de

  8   stylo à plume déclarer que cela "malgré tous les morts que vous avez

  9   endurés, voilà, cela ne vous appartient pas cela maintenant, nous allons le

 10   donner à la Republika Srpska, 49 % du territoire, car nous, nous sommes

 11   puissants." Voilà, donc vous avez ces hommes qui vous disent : non, nous ne

 12   voulons plus nous battre; expliquez-nous pourquoi y a-t-il des différences

 13   dans nos soldes ? Ça n'était pas le cas uniquement en 1994, mais en 1993

 14   aussi.

 15   Car ils devaient obtenir une forme de réponse ou une autre pour ce

 16   qui est était de savoir : quel était cet Etat pour lequel ils se battaient

 17   ? Quel était le sens d'un si grand nombre de morts ? Quel aurait été le

 18   sens de ma propre mort ? Moi, j'ai beaucoup combattu, mais pourquoi ? Je

 19   pensais que je souhaitais une seule chose très simple, qui était le droit

 20   du peuple auquel j'appartenais et que ce droit soit équivalent au droit des

 21   deux autres peuples. Mais nous avons été empêchés, entravés dans

 22   l'établissement de ce droit car une autre puissance est intervenue.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : J'essaie d'aller à l'essentiel pour qu'on ne

 24   perde pas de temps.

 25   Dans ce document, qui est d'ailleurs extraordinaire parce qu'on voit

 26   que les soldats se posent des questions juridiques sur le statut de Mostar,

 27   parce qu'ils auraient constaté que, dans les masses médias il y aurait des

 28   informations contradictoires.


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  1   Quelle information contradictoire il y avait sur le statut de Mostar,

  2   à votre connaissance, en janvier 1994 ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] On ne savait tout simplement pas quel allait

  4   être le statut de cette ville; est-ce qu'elle allait être donnée aux

  5   Musulmans ? Est-ce que les Croates allaient se retrouver en minorité une

  6   loi d'ailleurs allant dans ce sens a été passée, et n'est toujours pas en

  7   vigueur aujourd'hui ? Elle énonce la chose suivante : quels que soient les

  8   résultats des élections tenues à Mostar, les Croates et les Musulmans

  9   doivent être présents à titre paritaire au sein du gouvernement. Or, nous

 10   avons des résultats d'élection, c'est la loi qui est en vigueur dans la

 11   ville de Mostar et dans la ville de Mostar uniquement, dans aucune autre

 12   ville de Bosnie-Herzégovine.

 13   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Remplacez cette loi n'est

 14   toujours pas en vigueur aujourd'hui, par cette loi est toujours en vigueur

 15   aujourd'hui.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation]

 17   Q.  Général, dites-nous : si, en janvier 1994, la question de savoir si

 18   Mostar allait se retrouver sous administration internationale était

 19   d'actualité ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-il possible ici d'avancer l'explication que les soldats aient

 22   souhaité précisément obtenir des éclaircissements concernant cette question

 23   relative à Mostar ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Alors nous passons maintenant à ma troisième question relative au

 26   contrôle effectif et qui concerne l'influence qui peut être exercé en

 27   contournant la chaîne de commandement.

 28   Passez au document suivant, le 4D 1328. Nous avons ici une démission qui


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  1   est envoyée par le colonel Saskor au général Roso, envoyée en décembre

  2   1993. Ce qui m'intéresse ici ce sont les raisons, et voyez le point 2. Il

  3   dit, je cite : "Mes missions sacrées ayant trait à la défense du peuple

  4   croate et de la patrie, je n'ai pas été en mesure de les accomplir en

  5   raison de l'opposition des autorités locales et de groupes informels de

  6   potentat qui se sont installés solidement et qui oeuvrent dans le dos du

  7   commandement de la brigade, à la tête de laquelle je me suis trouvé jusqu'à

  8   la présente démission."

  9   Le point 3 :

 10   "Pour ce groupe de gens et de potentats, tout est plus important et

 11   notamment le fait de profiter de la guerre, et leur propre rivalité locale,

 12   tout est plus important que la défense de la patrie."

 13   Alors, Général, vous avez parlé de l'influence de ces différents potentats

 14   sur les unités militaires, pourriez-vous commenter dans le cadre de ce

 15   document.

 16   R.  Je connais personnellement le colonel Saskor, je l'ai prié, je lui ai

 17   demandé personnellement de prendre cette fonction. Ensuite il a péri dans

 18   l'opération de libération de la Bosnie-Herzégovine. Je le connaissais

 19   depuis l'enfance. Il avait un courage et une honnêteté infinie. Mais ce que

 20   nous avons ici, c'est une situation qui était quasiment identique à des

 21   degrés divers dans toutes les municipalités. Il ne s'agit pas de savoir si

 22   ce type de situation était présent. La question était de savoir à quel

 23   degré ce type de problème était présent, dans telle ou telle municipalité.

 24   Maître Alaburic, malheureusement, cette guerre dès la fin 1992, et déjà

 25   avant 1992, s'était transformée en une constellation d'oasis au sein de

 26   laquelle les profiteurs et les contrebandiers faisaient fleurir leurs

 27   activités, qu'il s'agisse d'alcool, de cigarettes, d'armes, de vivres.

 28   C'était un contexte dans lequel la contrebande florissait dans toutes les


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  1   structures, dans de très nombreuses structures.

  2   Q.  Nous allons y venir, Général. Mais voyez le document suivant sur lequel

  3   nous allons nous attarder un peu plus, c'est le document P 3642, P 3642. Il

  4   s'agit d'un rapport semestriel envoyé par le général Petkovic à l'intention

  5   du chef du département de la Défense.

  6   Voyons le point numéro 4, voyons quels sont les problèmes dont il est ici

  7   fait état. Au point 4.2, il est dit, qu'il n'existait pas d'unité

  8   professionnelle et d'Unité de Manœuvre pour l'accomplissement d'opérations

  9   spéciales et d'opérations offensives.

 10   Alors, est-ce que, Général, cela nous confirme ce que vous avez déjà dit, à

 11   savoir que les brigades municipales étaient destinées à la défense du

 12   territoire de leur municipalité, et qu'il y avait à peu près 1 000 soldats

 13   au sein des unités professionnelles, qui pouvaient constituer une force

 14   d'intervention rapide ?

 15   R.  Il y en avait moins de 1 000, environ 800, et moi, je souscris à la

 16   lettre du début jusqu'à la fin ce que Petkovic écrit ici, si on peut

 17   abréger peut-être.

 18   Q.  Je ne souhaite pas couper, mon Général, parce que je pense qu'il y a

 19   ici des éléments très importants. Je crois qu'il est extrêmement important

 20   que les Juges de la Chambre aient une bonne vision d'ensemble de la

 21   possibilité même d'exercer un contrôle effectif sur le terrain. Voyons le

 22   point 4.4, il est dit que :

 23   "Le système de commandement est de coordination mutuelle a été compromis --

 24   "

 25   On apporte en parenthèses :

 26   " -- (des explications)," donc une coopération entre les zones, entre

 27   les unités dans le cadre des zones et la coopération entre les zones et

 28   l'état-major du HVO."


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  1   En vous fondant sur votre expérience, pouvez-vous nous dire s'il y a eu des

  2   situations dans lesquelles la chaîne de commandement et le système de

  3   commandement n'ont pas du tout fonctionné ?

  4   R.  Oui, cela s'est produit régulièrement. C'est ce dont je parle sans

  5   cesse. Lorsque vous avez la France, ou la confédération helvétique ou la

  6   Croatie qui entrent en guerre, chaque soldat en Croatie, indépendamment de

  7   l'unité dans laquelle il se trouvait, connaissait les frontières de la

  8   Croatie et leurs positions, et 98 % des hommes étaient dans son for

  9   intérieur prêts à aller se battre jusqu'à ces frontières. C'était un

 10   objectif parfaitement clair, les frontières de l'Etat, mais ici on ne sait

 11   pas où se trouvent les frontières. Chaque municipalité, les unités en

 12   question n'ont pas été mises sur pie pour défendre la municipalité. On les

 13   a mises en place elles ont défendu leur municipalité, et elles se

 14   retrouvent dans une situation où les hommes se demandent, Mais pourquoi

 15   est-ce qu'on irait se battre à Mostar si le lendemain quelqu'un d'autre va

 16   déclarer qu'il s'agit du territoire de la Republika Srpska, ou du

 17   territoire d'une quelconque république musulmane ? Quel sens y a-t-il à

 18   mourir là-bas ?

 19   Q.  Je vous comprends très bien, Général.

 20   R.  Ou à Vakuf ou que ce soit ailleurs.

 21   Q.  Voyons maintenant le constat qu est fait au point 4.6. Je pense que

 22   c'est particulièrement important, et l'éclaircissement que vous pouvez nous

 23   apporter sera très important. Il y est dit :

 24   "Le fait de s'attendre que le HVO va tout résoudre, seul sur un plan

 25   militaire sur le champ de bataille, correspond aux missions de l'armée. Il

 26   faut s'y attendre, mais, nous, une telle armée, une armée organisée et

 27   moderne, bien équipée techniquement et dotée d'un système de commandant

 28   fonctionnel, nous n'en disposons toujours pas. Les autorités doivent faire


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  1   bien plus à tous les échelons pour qu'une telle armée puisse être créée et

  2   cela doit constituer l'une de ces missions fondamentales.

  3   "En pratique, nous avons vu que l'armée a tendance à être privatisée.

  4   Chaque municipalité, chaque ville, et même chaque village ont 'leur propre

  5   armée.' Il n'est pas possible de faire se déplacer une 'armée municipale'

  6   hors du territoire de cette municipalité, et par la même, il n'est pas

  7   possible d'engager des effectifs plus importants qui pourraient être à la

  8   hauteur de la mission qui nous incombe."

  9   Général, pouvez-vous confirmer qu'il y avait des problèmes de cette nature

 10   dans le fonctionnement des forces armées, c'est ce que vous avez essayé de

 11   nous dire au cours de votre témoignage.

 12   R.  Oui. De plus, Maître Alaburic, dans de nombreuses structures civiles,

 13   très peu de temps après que le HVO a été créé, donc il y avait Stojic,

 14   Petkovic, moi-même; nous avons essayé de voir quelle était la situation, et

 15   nous avons vu que, tout d'un coup, les gens étaient devenus fous pour ainsi

 16   dire. Ce n'était plus une armée dans leur esprit. C'était de la chair à

 17   canon. C'est comme dans cette citation célèbre d'un général dans la

 18   Première Guerre mondiale, où le moment où on lui dit que : "Un grand nombre

 19   d'hommes étaient tués," il a répondu : "Mais ce ne sont pas des hommes ce

 20   sont des soldats qui meurent."

 21   Voilà c'était la position des structures qui se trouvaient aux échelons les

 22   plus élevés. C'était la façon dont elles voyaient les choses car, elles,

 23   elles n'étaient pas engagées dans les combats et se préoccupaient avant

 24   tout de profiter de la situation en temps de paix avant la guerre et puis

 25   en temps de paix après. Pour eux, je ne sais pas ce que les soldats étaient

 26   censés être. C'était sans doute censé être des espèces de robots à qui on

 27   donnait des ordres, qui allaient ensuite mourir sur le champ de bataille,

 28   alors qu'eux étaient en train de changer d'option politique toutes les


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  1   trois minutes à Genève ou à New York -- excusez-moi c'est une souffrance

  2   intime pour moi et parfois cela fait surface ainsi. 

  3   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Pardonnez-moi, Madame Alaburic, je

  4   souhaite poser une question sur ce rapport qui s'appelle rapport condensé

  5   pour six mois, et M. Petkovic, c'est très important et c'est un rapport qui

  6   devrait être étudié.

  7   Je souhaite poser une question sur une phrase qui figure à la page 2 du

  8   rapport. Troisième paragraphe, je cite :

  9   "Nous sommes actuellement en train de fournir les Unités HVO dans les lieux

 10   donnés, par un tiers, ce qui constitue un grand risque."

 11   Ma question est la suivante : est-ce que M. Praljak pourrait nous dire qui

 12   était ce tiers ? Ça c'est ma première question. Donc ce tiers XY ? Puis

 13   était-il -- est-ce que cela était effectivement considéré comme un très

 14   grand risque ?

 15   Merci.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Prandler, c'est l'armée de la

 17   Republika Srpska qui est désigné sur XY, la partie XY, c'est pour répondre

 18   à la question. Par conséquent, certaines "Unités du HVO a Zepce se sont

 19   retrouvées, dans l'encerclement, face aux attaques de l'ABiH, les munitions

 20   on ne pouvait les livrer qu'en passant par l'armée de la Republika Srpska,

 21   et que Petkovic dit : c'était très cher, parce qu'ils imposaient des prix

 22   vertigineux. Autre chose, c'était politiquement très délicat, donc on était

 23   sans arrêt des amis avec l'ABiH, on a signé tous les accords. D'autre part,

 24   cette armée, elle nous attaquait, et nous, pour notre part, il fallait

 25   qu'on fasse appel à l'ennemi officiel pour qu'il ne tue pas nos militaires

 26   et notre population dans ce même secteur. C'est ça l'explication.

 27   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci, Monsieur Praljak. C'est ce

 28   que je pensais, nous avons réglé le problème du XY, mais quelquefois nous


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  1   n'avions pas reçu de réponse alors que nous avions posé la question, merci.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, mon collègue a raison. En disant

  3   que c'est un document important, je dirais même c'est peut-être un des

  4   documents parmi les plus importants des milliers de documents que nous

  5   avons. Pour quelle raison de mon point de vue ? Ce document est rédigé le

  6   22 juillet 1993 au moment où il est rédigé je présume que le général

  7   Petkovic ne s'imagine pas une seconde un jour qu'il serait accusé. Donc il

  8   fait un rapport à qui au ministre de la Défense, au chef du département de

  9   la Défense, et comme le dit le document, c'est un rapport condensé sur les

 10   six derniers mois. Puisque le point de départ vous avez vu c'est le mois de

 11   janvier.

 12   Alors quand on regarde, comme vient de le faire les Juges, ce document,

 13   première chose que l'on lit dans le document c'est qu'il y a des conflits

 14   sporadiques, et cette notion de conflit sporadiques, ce n'est que l'on

 15   retrouve dans des documents d'Izetbegovic dans l'autre côté et côté HVO.

 16   Donc il n'y a pas un conflit "one" mais plusieurs "many" conflits. Donc

 17   voilà ce qui peut ressortir.

 18   Deuxièmement, quand on voit le document - et sur la théorie de l'entreprise

 19   criminelle commune - qu'est-ce qui apparaît dans ce document, c'est qu'il y

 20   a une action de l'ABiH. Pourquoi quelle raison ? C'est indiqué pour prendre

 21   des territoires, pour conquérir des territoires, avec la conséquence de

 22   l'épuration ethnique de la population croate, ça c'est donc le deuxième

 23   élément qui sort de ce document.

 24   Troisième élément, Général Praljak, que l'on lit et après, vous me direz ce

 25   que vous en pensez - contrairement à ce que vous aviez dit le rapport de 1

 26   à 10 sur les forces, là, le général Petkovic il semble dire de 1 à 20.

 27   Quatrièmement élément --

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, voir cela.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : -- quatrième élément, il semble que, sur le plan de

  2   la corruption et de la moralité, il y a des problèmes puisque le général

  3   Petkovic explique qu'on peut acheter avec de l'argent des munitions auprès

  4   des Chetniks, et il n'exclut pas également que peut-être au niveau de la

  5   FORPRONU et des organisations humanitaires, il peut y avoir aussi des

  6   services rendus contre de l'argent. Bien. Donc ça, ils le disent, ça déjà

  7   été dit et vu.

  8   Le rapport donc parle comme vient de le souligner mon collègue, le côté

  9   serbe, le côté XY. Ça nous le savons.

 10   Puis il aborde mais c'est tout à la fin et c'est une question que je

 11   m'étais déjà posée depuis très longtemps : quelle est la nature de cette

 12   armée dite du HVO ? Là, le général Petkovic lui dit que cette armée en

 13   quelque sorte privatisée car chaque municipalité, chaque ville, chaque

 14   village a sa propre armée; et on a vu déjà de nombreux documents là-dessus

 15   qui établissent que les soldats étaient payés par les municipalités, donc

 16   l'avocate de M. Petkovic introduit ce document sur la théorie du contrôle,

 17   théorie du contrôle dont le champ juridique a été précisé à de nombreuses

 18   reprises par la Chambre d'appel.

 19   Alors, Général Praljak, est-ce que ce document reflète bien la situation

 20   telle que vous, quand vous avez pris votre commandement deux jours après,

 21   car vous voyez c'est 22 juillet ? Vous, vous avez pris votre commandement

 22   le 24 juillet. Est-ce que la situation qui est décrite par le général

 23   Petkovic est celle que vous, vous aviez rencontrée avant votre prise de

 24   commandement et puis pendant les quelques mois où vous avez exercé le

 25   commandement ?

 26   Alors vous avez pour partie déjà répondu à toute une série de questions

 27   mais là comme c'est un document de synthèse qui me semble très important,

 28   répondez de manière synthétique aussi.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, de manière succincte, Monsieur le

  2   Président, ce document il a été rédigé avant que je n'arrive donc

  3   indépendamment de moi. Je n'étais pas au courant de l'existence de ce

  4   document.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne sais pas ce que font les interprètes mais je

  6   n'entends plus rien, recommencez.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Le document il a été révisé avant moi.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a un problème.

  9   L'INTERPRÈTE : Est-ce que vous entendez, Monsieur le Président ? Bonjour.

 10   M'entendez-vous à présent ?

 11   LE TÉMOIN : C'est la vie.

 12   L'INTERPRÈTE : M'entendez-vous à présent ? Est-ce que vous m'entendez à

 13   présent ?

 14   M. LE JUGE MINDUA : Je pense qu'il y a un problème chez le Président parce

 15   que, moi, j'entends bien en français.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Bien. Allez-y.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc le général Petkovic, il a rédigé cela

 18   avant que je n'arrive. C'est son document, et ce document --

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Rien ne marche, ni l'anglais -- écoutez, je n'ai

 20   rien. Bon.

 21   M. LE JUGE MINDUA : Il y a un problème avec la technique du côté du micro

 22   du Président parce que, moi, j'entends très bien la traduction en français.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors on va faire la pause, le greffier va

 24   vérifier tout ça. Donc on va faire une pause de 20 minutes. C'était

 25   quasiment l'heure.

 26   --- L'audience est suspendue à 17 heures 33.

 27   --- L'audience est reprise à 18 heures 02.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le casque est réparé.


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  1   Maître Alaburic.

  2   Q.  Général Praljak, au sujet d'une question qui vous a été posée par le

  3   Juge Prandler, je tenais à dire que cette partie du rapport qui porte sur

  4   la partie XY, que cela n'a pas été mentionné dans ma question parce que je

  5   vous interrogeais sur un autre sujet, mais précisons cette coopération avec

  6   le côté XY.

  7   Dites-nous, Général Praljak, est-il exact de dire que la coopération

  8   entre le HVO et l'armée de la Republika Srpska avec les autorités de cette

  9   république a commencé à partir du moment où en Bosnie centrale, à cause des

 10   activités offensives de l'armée de Bosnie-Herzégovine, des enclaves croates

 11   ont vu le jour et il n'était pas possible de les atteindre, si ce n'est en

 12   passant par le territoire serbe ?

 13   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit, mais les personnes déplacées de Travnik

 14   devaient aussi passer par la Republika Srpska en passant par le mont Vlasic

 15   et de Bugojno de même. Des dizaines de milliers de personnes n'ont pas pu

 16   s'enfuir d'un côté, ils ont pris la fuite du côté où c'était possible.

 17   J'ajoute qu'il n'y a jamais eu d'actions militaires conjointes. On a

 18   toujours payé au prix fort qu'ils soignent nos blessés, on a payé en

 19   carburant pour pouvoir passer un petit peu d'armement pour défendre ces

 20   enclaves. Mais je n'ai pas répondu au Président Antonetti.

 21   Ce rapport a été rédigé avant que je n'arrive. Le général Petkovic a

 22   porté cela à ma connaissance, mais il n'y avait rien qu'il pouvait

 23   m'apprendre que je ne sache déjà.

 24   Madame Alaburic, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la

 25   situation est pire que ce qu'en dit le général Petkovic, ici, pire sur le

 26   plan psychologique, pour ce qui est de la contrebande, pour ce qui est du

 27   partage, c'est plus sombre que ce qu'on voit ici.

 28   C'était adressé au gouvernement avec d'autres rapports que Bruno


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  1   Stojic était tenu de communiquer au gouvernement.

  2   Q.  Je vous remercie, Général, je remercie le Président Antonetti d'avoir

  3   posé cette question. Passons à présent --

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai l'œil attiré sur le 4.3 où, si on suit le

  5   général Petkovic au point de vue opérationnel et tactique, la situation

  6   vous serait défavorable, spécialement en Bosnie centrale, dans le nord-est

  7   ainsi que dans le nord de l'Herzégovine, car vos unités seraient soit semi

  8   encerclées, soit complètement encerclées. Ce qui fait qu'au paragraphe 4.3,

  9   on a l'impression que vous êtes totalement en position défensive et

 10   quasiment hors état de combattre.

 11   Alors, est-ce bien la situation ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous avez bien compris le texte. A ce

 13   moment-là, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ça ne tenait qu'à un

 14   fil pour nous, comme on dit. J'ajoute en passant que les combattants ne

 15   comprenaient plus. Enfin, ils savaient tout mais ils ne comprenaient pas,

 16   entre autres, pourquoi le HVO et Franjo Tudjman et l'Etat croate adoptaient

 17   une position de pacifistes et pourquoi armaient-ils l'armée de Bosnie-

 18   Herzégovine puisque ces armes, elles étaient utilisées pour les tuer en

 19   retour. J'ai dû mal à vous décrire à quel point cette situation était

 20   difficile. Il est difficile de le concevoir. On laissait passer ces armes

 21   et ils savaient à qui elles étaient destinées. C'est un tout petit espace.

 22   Tout le monde est au courant de ce qui se passe. Vous avez ces gens à qui

 23   on fournit des armes depuis un an et demi, et notre population se trouve

 24   tuée et chassée.

 25   Mais qu'est-ce qu'on peut leur dire ? Comment peut-on les regarder en

 26   face ? Il est difficile de comprendre la situation.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous voyez que nous essayons

 28   de tirer le maximum de ce document.


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  1   Monsieur Praljak, au point 4.5, M. Petkovic déclare : "Qu'il existe

  2   un grand manque de professionnalisme et soyons honnêtes au niveau de la

  3   zone de l'état-major du HVO."

  4   J'ai deux questions à vous poser à ce propos. Est-il en train de

  5   s'autocritiquer ? Ensuite lorsque vous avez rejoint les rangs de l'état-

  6   major, avez-vous aussi trouvé que cet état-major manquait de

  7   professionnalisme ? Avez-vous pris des mesures afin de remédier à cet état

  8   de fait au sein de l'état-major principal ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais au courant de tous ces problèmes et en

 10   particulier je souligne que c'est sur une section que repose l'armée, sur

 11   ce que fait un sergent mais nous, on n'en n'avait pas; cependant, Messieurs

 12   les Juges, comment pouvait-on faire si on n'avait pas d'effectifs ? On a

 13   une trentaine de personnes tout au plus au grand état-major et on a ce que

 14   l'on a. Ce n'est pas une question de volonté ici. La situation telle

 15   qu'elle se présente c'est que vous avez la moitié d'une miche de pain et si

 16   vous avez dix personnes, il faut bien partager entre les dix. Vous n'avez

 17   qu'une miche entière, pas un kilo de pain.

 18   C'est une constatation. Ce n'est pas une autocritique car la

 19   formation des gens, il faut au moins deux mois pour former des hommes. La

 20   guerre est en cours donc on les a envoie suivre des cours dans toute la

 21   mesure du possible mais on manquait d'hommes. Comment voulez-vous faire

 22   créer un officier puisque ça ne se fait pas du jour au lendemain ? Il faut

 23   plusieurs mois pour cela.

 24   A aucun niveau, au niveau du gouvernement, du ministre de la Défense

 25   ou quel que soit son appellation du HVO, on n'avait pas suffisamment

 26   d'hommes pour s'acquitter de toutes les tâches, enfin d'hommes compétents

 27   bien entendu.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.


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  1   Mme ALABURIC : [interprétation]

  2   Q.  Prenons le document suivant, Général. J'établis un parallèle entre ce

  3   document et le quatrième élément du contrôle effectif. La question de

  4   chaîne de commandement, était-ce sans interruption, ou bien y avait-il des

  5   situations où les commandants ne contrôlaient pas la situation sur le

  6   terrain ? Le document P 3314 est déjà une pièce à conviction. Essayons de

  7   l'examiner tout de même. L'important c'est de voir quel est le constat

  8   qu'on fait.

  9   C'est un rapport de la police militaire et on y dit que des civils

 10   commencent à arriver de Kostajnica, des militaires et des civils.

 11   Général Praljak, vous connaissez très bien la situation à Kostajnica

 12   et dans cette partie-là de la municipalité de Rama, ainsi que les gens de

 13   Kostajnica ou de Rama qui sont arrivés à Kostajnica.

 14   R.  Oui, moi, j'étais au mont Boksevica et ils sont passés par Boksevica

 15   pour évacuer. J'ai reçu ces gens, j'ai porté deux enfants, deux bébés âgés

 16   de huit jours.

 17   Q.  Prenons le début du paragraphe suivant. Il y est dit : "Hélas, on n'y

 18   est pas parvenu car un certain nombre de personnes se sont mis en branle à

 19   pied. Ce qui est surtout important : "Les militaires ne veulent entendre

 20   aucun ordre d'où qu'ils viennent, y compris le fait que les commandants de

 21   Kostajnica n'exercent aucun contrôle sur les militaires." A la fin, la zone

 22   opérationnelle, elle non plus ne peut résoudre le problème, c'est-à-dire

 23   Zeljko Siljeg n'est pas en mesure de le faire.

 24   Dites-nous, Général Praljak : est-ce que cela est possible ? Est-ce

 25   qu'il y a eu des situations où des commandants militaires malgré la

 26   meilleure volonté et les meilleurs efforts n'arrivaient pas à contrôler la

 27   situation sur le terrain ?

 28   R.  Madame Alaburic, au mont Boksevica, et ils ont passé je ne sais pas


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  1   combien de temps là-bas, les soldats, enfin je m'y suis trouvé

  2   personnellement, ces hommes n'étaient plus capables de fonctionner. Ce ne

  3   sont plus des hommes, ce ne sont plus des soldats. Il arrive un moment où

  4   on ne fonctionne plus comme être humain. On n'est plus un homme, et ils ont

  5   dit, on s'en va de Boksevica. Mais comment pouvez-vous émettre un ordre

  6   puisqu'ils ne vont pas obéir. J'ai dit à ce moment-là : "Partez, c'est moi

  7   qui vais rester. Je ne vais pas partir." A ce moment-là pour ne pas

  8   m'abandonner, ils sont restés. Voilà. Mais c'est ainsi par exemple qu'on

  9   est arrivé à résoudre le problème de la situation à Boksevica pour y rester

 10   suffisamment de temps, pour permettre à cette population de s'évacuer.

 11   Puis un deuxième point, ces gens qui sont arrivés, Madame Alaburic,

 12   mais ce sont des êtres humains effacés complètement. Ils ont été abattus,

 13   tués.

 14    C'est une question de psychologie. Ce n'est plus une question

 15   militaire. Vous avez vu des films. J'ai cité l'exemple des Ardennes,

 16   l'armée française qui se retire, qui se replie, plus personne n'écoute

 17   personne. Ce n'est plus une armée digne de son nom. Ce n'est pas l'uniforme

 18   qui fait le soldat. Ces gens-là ont besoins de soins, de se faire soigner

 19   pendant et de manière importante. Il y en a beaucoup comme ça. 

 20   Q.  Très bien, Général. On va prendre le document suivant ?

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document aussi est un document -- il est rédigé

 22   au mois de juillet 1993, il est censé restituer une situation puisqu'il est

 23   demandé et vous le voyez bien, réponse urgente -- quand on lit ce document,

 24   on se rend compte que les soldats qui fuient et les civils sont mélangés,

 25   et l'auteur du rapport dit qu'il y a une solution, faire usage des armes.

 26   Mais ils disent il y a des femmes, des enfants parmi les soldats, cette

 27   solution elle est impossible à utiliser. C'est ce que semble dire M.

 28   Franjic. Il évalue le nombre à 500 civils, 500 soldats, il y aurait


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  1   1 000 personnes et pour faire face à cela, ils sont eux, policiers

  2   militaires, 60.

  3   En lisant ça, j'ai en mémoire la débâcle au Vietnam des troupes du Vietnam

  4   sud face à l'attaque des soldats du Vietnam du nord où soldats du sud et

  5   civils étaient mélangés et finalement ça a été la débâcle totale. Notamment

  6   lors de l'offensive du Tet. On peut s'apercevoir que la situation est

  7   incontrôlable.

  8   Ceci date du 8 juillet 1993. Vous étiez au courant ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est moi qui les ai reçus, Monsieur le

 10   Président, je les ai accueillis à Boksevica, il n'y a pas de solution. La

 11   solution c'était de les emmener quelque part, de les héberger, d'amener des

 12   psychiatres, parce qu'enfin, les tirs, mais vous pouvez les tuer, ils s'en

 13   fichent, ça leur est égal. Ce sont des gens qui s'en fichent que de tirer

 14   vers vous ou que vous lui tirez dessus, ils s'en fichent. Ces gens-la, il

 15   fallait les laisser aller vers la Croatie ou Posusje, bien sûr, ils n'y

 16   avait pas où les accueillir, et puis, pendant un mois, s'occuper d'eux

 17   proprement et peut-être que 300 pourraient être ramenés et 200,

 18   probablement jamais.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, attendez, Général Praljak.

 20   Dans cette situation, est-ce que vous avez pris à tâche avec l'UNPROFOR

 21   pour leur demander leur aide, ou bien ils vous ont dit ce n'est pas notre

 22   problème, débrouillez-vous ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, Petkovic est allé à

 24   Kostajnica avec la FORPRONU, trois ou quatre fois, me semble-t-il. Ils ne

 25   voulaient pas résoudre le problème. J'ai avec 30 gars été à Boksevica

 26   pendant une dizaine de jours, sans vivres, sans eau, dans une montagne. On

 27   montait la garde de jour et de nuit, je le faisais aussi comme tous les

 28   soldats. On était peu nombreux et les Musulmans étaient à 30 mètres. Ils


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  1   nous tiraient dessus.

  2   Enfin peu importe, ce sont des détails. Ce n'est pas à raconter, ça.

  3   Mais croyez-moi bien que ce sont des situations qui ne sont pas

  4   susceptibles de faire objet de solution s'il n'y a pas ce que l'on appelle

  5   la psychologie militaire, humaine, sociale ou peu importe. Ce sont des gens

  6   qui ont, on dit chez nous : "Ils ont pété," c'est-à-dire ils ont pété les

  7   plombs, ils n'ont plus la force morale ni humaine de continuer. Tout s'est

  8   effondré en eux. Il faut les soigner tous.

  9   Mme ALABURIC : [interprétation]

 10   Q.  Général Praljak, maintenant occupons-nous de ce cinquième élément du

 11   contrôle effectif, à savoir les unités qui n'ont pas été placées sous la

 12   surveillance de l'état-major principal du HVO.

 13   Compte tenu de la teneur de l'acte d'accusation, je vais me centrer sur ce

 14   Bataillon des condamnés. Alors, pour commencer, penchons-nous sur le P

 15   7419, 7419.

 16   R.  Où est-il celui-là ?

 17   Q.  C'est l'ensemble qui suit, l'autre qui suit dans le cadre --

 18   R.  Oui, oui, j'y suis, j'y suis.

 19   Q.  Penchez-vous donc sur la première page de ce document. Je pense que

 20   c'est la première page en version anglaise aussi. Ce qui m'intéresse c'est

 21   une constatation disant que :

 22   "L'on a supprimé du point de vue du commandement toutes les unités

 23   professionnelles qui du point de vue organisationnel n'avaient pas de lien

 24   avec l'état-major principal du HVO."

 25   Alors cette constatation, dans ce rapport officiel émanant du

 26   département du ministère de la Défense, je tire de là une conclusion,

 27   Monsieur Praljak, à savoir qu'il y a eu des unités professionnelles qui

 28   n'ont pas été placées sous le contrôle de l'état-major principal; en a-t-il


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  1   été ainsi véritablement ou pas ?

  2   R.  Je sais qu'il y a eu au moins une unité qui n'était pas placée

  3   sous mon contrôle.

  4   Q.  Laquelle ?

  5   R.  C'était l'unité qui était commandée par Mladen Naletilic, Tuta.

  6   Q.  Penchons-nous donc sur le document d'après 2D 295 -- 925.

  7   Il s'agit d'un document où M. Naletilic, au mois de février 1994, s'adresse

  8   à Mate Boban, et il le salue, en fin de texte, en se présentant comme étant

  9   son conseiller personnel.

 10   Je suppose que vous vous souvenez de ce document. La Défense de M. Bruno

 11   Stojic l'a déjà montré dans ce prétoire, n'est-ce pas, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, oui.

 13   Q.  Général Praljak, la question qui se pose et elle est de taille, c'est

 14   celle de savoir si M. Naletilic avait un pouvoir quelconque au sein de

 15   cette Communauté croate d'Herceg-Bosna et ensuite dans la République croate

 16   d'Herceg-Bosna par la suite ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce que vous pouvez nous expliquer quelle a été la source de son

 19   autorité, de son pouvoir, d'après vous ?

 20   R.  Je ne sais pas vous dire jusqu'au bout. Je ne sais pas quel a été le

 21   lien qu'il avait avec Mate Boban et où est-ce qu'il avait mis ? Où est-ce

 22   qu'il avait trempé ses doigts ? Mais je vous ai expliqué l'événement qui

 23   s'est produit entre lui et moi. En termes simples, après cela, on ne

 24   pouvait pas lui donner d'ordre, cet homme, et moi, je ne pensais pas non

 25   plus qu'il ait fait partie du HVO. Petkovic, moi, on ne pouvait pas le

 26   révoquer de ses fonctions ou d'émettre, c'est cela.

 27   Q.  Général Praljak, ce Bataillon des Condamnés, c'est tout de même une

 28   partie des forces armées de l'Herceg-Bosna, et c'est la raison pour


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  1   laquelle je vous pose ma question, c'est-à-dire est-ce que cette unité

  2   était sous contrôle direct du commandant suprême, M. Mate Boban ?

  3   R.  Ce Bataillon des condamnés, les choses sont plutôt inhabituelles à son

  4   sujet. Une unité de ce type qui s'appelle Bataillon des Condamnés, il

  5   s'appelait Détachement anti-sabotage, mais c'était Andabak qui le

  6   commandait au début, et son surnom était Lija, Lija voulant dire le renard.

  7   Alors cette unité, c'était du gars ok, mais en sus de ce qui était ok, il y

  8   avait un groupe qui n'avait pas pris part au combat, et qui - je ne sais

  9   trop vous le dire - avait un pouvoir certain. Ce n'était pas si clairement

 10   défini comme on pourrait l'entendre. C'étaient des gars qui étaient

 11   condamnés par un dénommé Lasic, c'étaient des gens qui avaient eu la

 12   dignité de combattant, la moralité, le courage qu'il fallait. Mais il y

 13   avait des groupuscules qui n'ont pas fait partie ou pris part au combat.

 14   Ils étaient dans la zone grise et à l'extérieur du contrôle de l'état-

 15   major.

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 24   R.  Oui. Mais j'aimerais que nous passions à huis clos partiel, si vous

 25   voulez qu'on approfondisse.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Passez à huis clos partiel.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Les derniers propos que vous venez de tenir,

 28   j'aimerais aussi que se soit placé sur la partie huis clos.


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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  2   partiel.

  3   [Audience à huis clos partiel]

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 13   [Audience publique]

 14   Mme ALABURIC : [interprétation]

 15   Q.  -- je passe au paragraphe 6, qui porte sur le contrôle effectif. Ça se

 16   rapporterait à une pratique qui était celle --

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant que Me Alaburic aborde l'autre aspect du

 18   contrôle effectif, j'en reviens au 9 mai. Il y a plusieurs hypothèses, vous

 19   le savez, je vous ai déjà posé des questions et il y est peut-être aussi

 20   d'en poser d'autres.

 21   Si on suit votre thèse, je dis bien "Si," à savoir que M. Naletilic est

 22   hors de votre contrôle, et le document qu'on a, le 4D 805 peut être

 23   significatif à cet égard, puisque sans respecter la voie hiérarchique, il

 24   se permet d'écrire directement à M. Boban pour signaler la situation de

 25   deux capitaines.

 26   Si, à ce moment-là, il y a effectivement une autre chaîne de commandement

 27   dans laquelle vous, M. Petkovic et les autres, vous n'êtes pas concernés, à

 28   ce moment-là, comment analyser l'opération du 9 mai. Ce serait une


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  1   opération qui aurait été directement commandée par M. Boban à M. Naletilic

  2   qui, avec ses troupes, va faire une opération militaire d'envergure,

  3   consistant à arrêter donc des dizaines de personnes, voire des centaines de

  4   personnes pour les conduire à l'Heliodrom ?

  5   Jusqu'à présent tous les éléments de preuve, tous les témoins tentent à

  6   dire que M. Prlic n'était pas présent, vous-même, vous n'étiez pas là, M.

  7   Petkovic n'était pas là, et cetera.

  8   Bon, et ça, moi, ça m'a frappé, parce qu'une opération militaire de cette

  9   envergure, il faut qu'au moins les principaux responsables soient là, et

 10   là, curieusement, personne n'est là. Surtout que c'est une opération qui

 11   avait nécessité un soutien logistique important, ne serait-ce que par la

 12   mobilisation des autobus ?

 13   Alors si ça s'est passé comme cela, Boban, Naletilic, en direct, quel était

 14   le but visé par Boban et Naletilic, et pourquoi ne vous ont-ils pas mis à

 15   contribution ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, je ne peux pas

 17   répondre à cette question. Ce que je sais pour sûr c'est que, le 11, si on

 18   nous a demandé d'aller là-bas, probablement peut-on imaginer qu'il voulait

 19   de la sorte placer tout un chacun dans une position où il n'y avait pas de

 20   choix possible et qu'il fallait donc faire comme cela. Mais, le 9 mai,

 21   c'est l'armija qui a attaqué et ce fait a été mis à profit probablement

 22   pour ce que vous savez déjà, et pour ce qui me concerne, je n'en sais rien

 23   parce que moi je suis venu plus tard. Mais en terme simple, on veut vous

 24   pousser à faire des choses où vous n'avez pas le choix. Quand on commence à

 25   vous tirer dessus sur la ligne de front, et puis les uns disent : "C'est

 26   les autres qui ont attaqué, c'est ceux-ci qui ont attaqué." Mais, en tout

 27   état de cause, vous devez riposter, donc dans ce type de situation là où

 28   vous vous trouvez coincer sans y être pour rien et cette fois-là ça n'a pas


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  1   marché.

  2   Moi, je me suis opposé à la chose, et ça n'a rien donné du tout, et je vous

  3   répète que toutes les informations, que j'ai recueillies et j'ai collectées

  4   ici et que j'ai mis ici le 9/5, c'est l'armée de Bosnie-Herzégovine qui a

  5   attaqué. Comment cela a été mis à profit, à vous devoir qui est-ce qui a

  6   pris part, qui a été impliqué ? Moi, je ne le sais pas.

  7   Mme ALABURIC : [interprétation]

  8   Q.  Général Praljak, passons à ce sixième segment que j'ai intitulé :

  9   "Omission de maillons."

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie, et je vous prie de

 11   m'excuser.

 12   Général Praljak, peut-être -- vous savez, peut-être cela -- peut-être vous

 13   ne le savez pas : Naletilic opérait avec son Bataillon des Condamnés, mais

 14   il avait besoin d'un appui logistique, il avait besoin de MTS, et autre

 15   chose. Savez-vous où il obtenait son support ? Par le biais de la filière

 16   normale du HVO, et si oui, n'est-ce pas une façon de le contrôler quand

 17   même une manière de contrôler ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge Trechsel. Il n'est pas

 19   passé par la filière habituelle. Il avait ses filières à lui. Il est

 20   certain qu'il n'est pas passé par l'état-major principal du HVO.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous nous dites que vous en êtes

 22   certain. Cela veut dire que vous le croyez mais vous n'avez pas de

 23   connaissance particulière vous permettant de savoir d'où il obtenait ces

 24   équipements ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Juge Trechsel. Ce que

 26   je sais c'est que ça ne s'est pas passé par l'état-major principal. Mais

 27   comment il l'a fait, je ne fais pas.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.


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  1   Mme ALABURIC : [interprétation]

  2   Q.  Général Praljak, à l'état-major principal il n'y avait pas de base

  3   logistique, et ce n'est pas par l'état-major principal que forcément toutes

  4   les unités étaient -- les unités du HVO venaient à approvisionner, n'est-ce

  5   pas ?

  6   R.  C'est exact.

  7   Q.  Ok. Allons de l'avant passons donc à ce segment numéro 6 relatif au

  8   contrôle effectif, que j'ai intitulé : "Omission de maillons dans la

  9   filière de commandement," "dans la chaîne de commandement." Alors lorsque

 10   l'on saute certains maillons c'est considéré comme étant un élément rendant

 11   le contrôle effectif plus difficile.

 12   Alors dans l'affaire jusqu'à présent, il nous a été donné l'opportunité de

 13   voir bon nombre de documents, où Mate Boban, par exemple, communique

 14   directement avec Ivica Rajic, en sautant le niveau de l'état-major

 15   principal et le niveau sorti de la zone opérationnelle de Bosnie centrale.

 16   Nous avons également vu que Boban avait communiqué directement aussi

 17   avec Tihomir Blaskic qui était commandant d'une zone opérationnelle, sans

 18   passer par le biais de l'état-major principal.

 19   Nous avons vu aussi des documents à vous, au sujet desquels vous avez été

 20   longuement interrogés par les Juges, parce qu'en votre qualité de

 21   commandant du HVO, vous vous étiez directement adressé à des commandants de

 22   brigades. C'est notamment le Juge Trechsel qui vous a posé bon nombre de

 23   questions à ce sujet, aussi voudrais-je sur le même sujet vous en poser

 24   quelques-unes aussi.

 25   Dans quelle mesure la pratique était-elle fréquente de communiquer de la

 26   sorte en sautant certains niveaux au sein de la chaîne de commandement,

 27   d'après vous ?

 28   R.  En ce qui me concerne, ça se faisait quand on ne pouvait pas faire


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  1   autrement, soit pour aller vite, soit parce qu'il y avait impossibilité

  2   d'établir des communications. Dans ce cas de figure, je sautais un niveau

  3   voire deux niveaux de la chaîne de commandement, notamment lorsque je me

  4   trouvais sur le terrain et c'est sur place que je donnais --

  5   Q.  Bien. Ce type de pratique existait déjà. Mais on pourrait considérer

  6   que cela n'était pas une règle, mais ce n'était pas non plus rarissime.

  7   Est-ce que la conclusion serait bonne ?

  8   R.  Madame Alaburic, dans une armée qui est en opération de guerre, ce

  9   n'est pas si rare que cela voyez-vous. Je ne vais pas vous énumérer

 10   maintenant tous les cas de figure possibles.

 11   Q.  Passons au segment numéro 7, pour ce qui est de ce contrôle effectif à

 12   savoir y a-t-il eu des situations du type où certains commandants

 13   s'agissant d'événements pertinents n'auraient pas informé de la chose leurs

 14   supérieurs hiérarchiques immédiats.

 15    Est-ce que ça arrivait ces situations ? Ou vous pourriez dire qu'en

 16   votre qualité de commandant au sein de l'état-major, vous disposiez

 17   absolument de toutes les informations relatives aux événements qui se

 18   seraient produits sur le terrain ?

 19   R.  En aucun cas. Il y a énormément d'informations qui étaient filtrées à

 20   tort et à travers ou alors l'information était erronée. Je vous ai donné un

 21   exemple incroyable, à savoir que mes lignes à Vakuf sont tombées entre 2

 22   heures du matin, je venais les inspecter, et à 6 heures du matin je me

 23   trouvais à Rama à 15 kilomètres de là. Elles sont toutes tombées sans que

 24   j'aie été informé, ni moi ni l'officier de permanence, personne. C'est

 25   incompréhensible mais ça s'est passé ainsi. L'incompréhensible est

 26   possible.

 27   Q.  Fort bien. Passons au huitième élément, à savoir la question de savoir

 28   s'il y a eu une lutte pour l'emporter et s'il y a eu des divergences


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  1   personnelles au sein de la chaîne de commandement qui auraient pu perturber

  2   la possibilité d'exercer le contrôle effectif.

  3    Passons pour cela au document suivant, le 4D 805. Il s'agit d'un

  4   document que Jure Rupcic, qui est à la tête de la Brigade de Ljubuski

  5   envoie au commandant du District militaire de Mostar, à savoir à Milenko

  6   Lasic, qui est donc son supérieur.

  7   Il est dit et je vais en donner lecture intégralement parce que c'est bref.

  8   Je cite :

  9   "En rapport avec votre ordre du 5 décembre 1993, je fournis le rapport

 10   suivant. D'où as-tu l'audace et le courage d'émettre quelque ordre que ce

 11   soit ?"

 12   Je vais répéter l'ensemble du rapport. En rapport avec votre ordre du 5

 13   décembre 1993, je rapporte ce qui suit :

 14   "Où trouves-tu l'audace et le courage d'émettre quelque ordre que ce

 15   soit ? Pour pouvoir avoir une correspondance avec toi il me faudrait

 16   m'abaisser tant intellectuellement que moralement au niveau qui est le

 17   tien, espèce de crétin. Cela, en aucun cas je ne le souhaite."

 18   Général Praljak, avez-vous déjà précédemment vu ce document ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Il me semble que c'est un document qui est assez bien connu de toutes

 21   les équipes de la Défense. Pouvez-vous formuler un commentaire de ce

 22   document dans le contexte de cet élément que nous abordons, la

 23   communication au sein de la chaîne de commandement ?

 24   R.  Oui, dans une armée telle que celle-là, il était bien plus important de

 25   trouver des commandants qui ne se seraient pas trouvés précédemment dans

 26   une forme de conflit, car tous les problèmes qu'ils avaient pu avoir au

 27   préalable étaient liés à leurs villages ou à leurs familles, ils les

 28   transposaient dans le cadre de l'armée. Ils n'avaient pas établi une


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  1   coupure qui aurait été l'attitude professionnelle à adopter, en se disant :

  2   "Maintenant j'accomplis telle fonction et je vais mettre de côté tout le

  3   reste." Ils ont emmené tout cet héritage personnel avec eux et il y avait

  4   des dizaines et des dizaines de cas de cette espèce où un commandant ou un

  5   soldat pouvait dire : "Espèce d'idiot, qu'est-ce que tu as à me donner des

  6   ordres ? Jusqu'à hier tu étais encore garçon de café.

  7   Malheureusement, il y a eu de très nombreux cas de cet ordre-là où nous

  8   avons des éléments personnels qui ont été transposés dans le cadre de

  9   l'armée. Cela pouvait être des reproches du type : "J'étais là avant toi,"

 10   ou alors : "Toi, tu es dans la Ligue des Communistes. Est-ce que tu vas

 11   maintenant donner des ordres ?" et ainsi de suite. C'est tout un contexte

 12   de vie particulièrement complexe qui a été transposé y compris dans ce

 13   cadre où l'ordre devait régner d'une façon complètement différente.

 14   Q.  Général Praljak, est-ce que ces situations-là, que vous venez de nous

 15   décrire, ont eu une influence sur l'exercice du contrôle effectif des

 16   commandants à un échelon supérieur sur ces subordonnés ?

 17   R.  Mais, bien entendu, comment exercerait-on un contrôle effectif

 18   lorsqu'on a affaire à des gens qui vous disent : "Ah, mais lui, il est de

 19   tel ou tel village, on ne veut pas de lui." Ou alors vous rappelez cet

 20   exemple de cet homme de Rumboci qui disait : "Ils ne veulent pas de moi."

 21   Vous avez les hommes du village de Pavlovic.

 22   Q.  Voyons le document suivant qui a trait au neuvième élément de

 23   l'exercice du contrôle effectif.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Je découvre ce document à l'instant et évidemment il

 25   interpelle tout le monde.

 26   M. Lasic, quelle formation il avait avant d'être responsable militaire,

 27   c'était qui ce M. Lasic ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas quel était sa formation,


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  1   Messieurs les Juges. Je ne sais vraiment pas mais, moi, j'étais l'un de

  2   ceux qui avait proposé sa nomination au poste de commandant d'une zone

  3   parce qu'il était extrêmement intègre. Il était doté d'un esprit militaire

  4   acéré, il était particulièrement courageux. J'ai demandé également que le

  5   responsable de son quartier général soit quelqu'un qui ait été

  6   militairement formé. Il combattait de façon excellente dans les hauteurs,

  7   dans les montagnes. Il se battait particulièrement bien, il était toujours

  8   le premier à se battre à côté de ses troupes et c'était très important. Son

  9   chef d'état-major était un ancien officier de la JNA, qui était

 10   particulièrement bien instruit en matière militaire, et c'était une très

 11   bonne combinaison que nous avions là.

 12   D'un côté, il était un très bon combattant. Je sais qu'il avait été homme

 13   d'affaire également et que c'était un bon homme d'affaire. Je ne sais pas

 14   quelle avait été sa formation --

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : En décembre, vous n'étiez plus en fonction, donc

 16   vous n'aviez plus rien à faire, mais dans une situation pareille, un

 17   commandant militaire ne doit-il pas mener une opération pour appréhender ce

 18   Rupcic, qui en réalité détruit totalement la chaîne hiérarchique par un tel

 19   document ? Est-ce qu'on ne doit pas à ce moment-là procéder à son

 20   arrestation ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, et ce, dans tous les cas. Il faudrait le

 22   sanctionner, le punir, mais, Messieurs les Juges, si vous punissez cet

 23   homme par une peine de prison, il en a que faire, s'il considérera ça comme

 24   une récompense. Si vous le relevez de ses fonctions, ce sera la même chose.

 25   Il va le vivre comme une récompense, il va ramasser ses affaires et partir.

 26   L'ensemble des valeurs c'est inversé dans la société lorsqu'en temps normal

 27   vous punissez quelqu'un, c'est vécu comme une sanction, une punition. Dans

 28   ce contexte-là être sanctionné c'était vécu comme rétribution, comme une


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  1   récompense. Il se retrouve en prison il n'a pas besoin d'être sur la ligne

  2   de front. Et la majorité vivait la chose ainsi, vous l'avez vu. A Rama vous

  3   avez vu ça avec Pavlovic, Mico Lasic aussi aurait aimé être relevé de ses

  4   fonctions. Lui-même avait accepté de justesse d'accomplir ces fonctions-là,

  5   d'accepter ce poste.

  6   Moi, j'aurais procédé de façon un peu différente sans doute si j'avais eu à

  7   résoudre cette situation. Si j'avais eu l'occasion de faire une

  8   démonstration de force, je lui aurais démontré qu'il était un crétin au

  9   cube, et il aurait eu envie de se cacher sous terre, mais c'était une

 10   question de style.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation]

 13   Q.  Alors passons au neuvième élément maintenant dans ce sujet du contrôle

 14   effectif. On estime, Mon Général, qu'il y a un disfonctionnement dans la

 15   chaîne de commandement si la nécessité se présente de répéter, de réitérer

 16   un ordre émanant du niveau hiérarchique supérieur, c'est pourquoi je vous

 17   demande d'examiner avec moi le document P 468. Il s'agit d'un ordre émanant

 18   du chef du département de la défense. En date du 12 septembre 1992, cet

 19   ordre est émis parce que le même ordre du chef d'état-major du HVO n'a pas

 20   été exécuté.

 21   Il s'agit d'un avertissement adressé aux soldats leur demandant de ne pas

 22   porter d'arme à feu pendant leur temps libre, de ne pas porter leurs

 23   uniformes non plus pendant qu'ils sont en permission. Ensuite on donne

 24   obligation au commandant d'unité de s'assurer du bon comportement de leurs

 25   soldats à cet égard.

 26   Général Praljak, à votre connaissance est-ce que les ordres émanant d'un

 27   commandant militaire étaient mis à exécution sans que l'on ne rend compte

 28   le moindre problème, ou bien était-il nécessaire de répéter les ordres - et


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  1   je ne vous cite pas particulièrement, vous - mais était-il particulièrement

  2   nécessaire de persuader, de convaincre les soldats et d'entreprendre toute

  3   une série de mesures pour que les ordres soient bien exécutés, mis en œuvre

  4   ?

  5   R.  Malheureusement, on répétait les ordres, on demandait que Stojic les

  6   signe, et ainsi de suite. Quant à moi, personnellement, je m'efforçais de

  7   ne pas répéter les ordres. J'utilisais tous les moyens possibles afin de

  8   trouver une solution personnellement, physiquement. Donc j'essayais -- je

  9   ne pense pas lorsque je dis "physiquement" --

 10   Q.  Alors excusez-moi, quand vous dites "physiquement," vous pensez en

 11   ayant un contact direct avec la personne concernée, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui. D'autres assistants à cela comprendraient -- je peux donner un

 13   exemple, par exemple. Vous avez un homme qui tire à Citluk. Il vient juste

 14   de revenir du champ de bataille il est complètement terrifié. Là-bas, il

 15   avait aussi des hommes de la police. Moi, je m'approchais de lui. Je lui

 16   demande : "Pourquoi il tire ?" Moi, évidemment je lui gueulai dessus. Je

 17   lui cris dessus. Je lui ai arraché son fusil. J'ai crié sur eux tous qui

 18   étaient revenus.

 19   Et voyez-vous c'était un système qui était en train de s'effondrer de

 20   toutes les façons possibles. Ça ne servait à rien de rédiger des ordres,

 21   nous sommes tous des gens éduqués, moi, je suis capable de rédiger 100

 22   ordres par jour s'il faut qu'ils seront bien rédigés dans une langue

 23   correcte.

 24   Q.  Très bien. Donc, dans certaines situations, il fallait également avoir

 25   un contact direct avec la personne concentrée et le montrer de façon

 26   convaincante ce qu'il était censé faire, n'est-ce pas, c'est ce que vous

 27   voulez nous dire ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Le dixième élément de cette notion de contrôle effectif a trait à la

  2   nécessité d'obtenir une aide extérieure afin de résoudre certains types de

  3   problème. Le document que je vais vous présenter vous concerne directement.

  4   Je voudrais que nous le commentions. C'est la pièce 4D 01671. C'est une

  5   lettre d'un courrier qui est envoyé à la fin du mois d'octobre 1992 par le

  6   chef du département de la défense --

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Si c'est un nouveau sujet, il vaut peut-être mieux

  8   commencer demain, non, parce qu'il nous reste que quelques minutes.

  9   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'aborde pas un

 10   nouveau sujet. Je n'ai plus que six points à aborder dans le cadre du

 11   contrôle effectif, et avec votre permission, je souhaiterais en terminer

 12   avec ce point-ci pour continuer demain avec les cinq suivants.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, alors terminez, parce qu'il nous reste

 14   quatre minutes et dix secondes.

 15   Mme ALABURIC : [interprétation]

 16   Q.  Le document émane fin octobre 1992 du chef du département de la

 17   Défense, il est adressé au président de la République de Croatie, auquel il

 18   demande - voyons le dernier paragraphe de cette lettre - que vous, Général

 19   Praljak, vous vous rendiez sur place en Herceg-Bosna, et il est dit ensuite

 20   pourquoi. Je cite :

 21   "En raison de la situation générale au sein de la HZ HB et en raison du

 22   prestige dont bénéficie le général Praljak parmi les commandants et au sein

 23   de l'armée, il serait bon que ce soit lui qui soit à la tête de cette

 24   action; nous serions alors persuadés qu'elle sera couronnée de succès et

 25   que l'hiver serait alors plus calme."

 26   Général Praljak, dans votre interrogatoire principal, vous nous avez dit

 27   que vous n'étiez pas venu sur place en Herceg-Bosna, à titre personnel, et

 28   que vous n'y aviez été invité par personne, et je voudrais que vous nous


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  1   expliquiez : alors qu'est-ce que vous saviez de cette situation concernant

  2   cette demande émanant de l'Herceg-Bosna en direction de la République de

  3   Croatie demandant à ce que vous puissiez venir sur place ?

  4   R.  Oui. J'en ai été conscient, j'étais au courant, mais je sais également

  5   que jamais au cours de cette guerre et jusqu'au début de ce procès, je n'ai

  6   jamais dit quoi que ce soit de positif me concernant moi-même. Je ne me

  7   suis jamais vanté, et ici je dis qu'on a demandé que je revienne à la fois

  8   en Bosnie centrale, à Rama et ailleurs, parce que de leur avis j'étais un

  9   très bon organisateur, j'étais très courageux. Je m'étais toute ma passion

 10   dans mes actes, je ne cédais devant personne, et je peux dire cela devant

 11   cette Chambre, en tant qu'accusé. Je me suis acquitté de toutes mes

 12   missions avec la plus grande intégrité et le plus fort engagement en ne

 13   privilégiant personne. J'ai été complètement impartial.

 14   Q.  Merci.

 15   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, nous pouvons terminer

 16   maintenant.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame Alaburic. Vous avez terminé votre

 18   dernier point que vous vouliez voir évoquer.

 19   Comme vous le savez, nous sommes d'audience donc demain à 9 heures,

 20   donc nous aurons quatre heures pour certainement terminer les questions de

 21   Me Alaburic. Sur ce, donc je souhaite à tout le monde une bonne fin de

 22   soirée et nous nous retrouverons demain matin.

 23   --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le jeudi 2 juillet

 24   2009, à 9 heures 00.

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